La Kabylie À La Croisée Des Chemins
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A la une / Reportage Situation sécuritaire La kabylie à la croisée des chemins Le problème essentiel concernant les enlèvements résiderait dans le fait que toujours, et de plus en plus, il est constaté que le motif tourne autour de la cupidité, l’appât du gain pur et simple en somme, ce qui laisse la plupart des citoyens s’interroger sur une jonction plus que probable du terrorisme avec le banditisme. Tizi Amer, un village proche d’Aït Boumehni, dans la daïra des Ouacifs, est souvent cité en exemple ici pour son héroïsme digne des vaillants peuples guerriers berbères de jadis. S’étant vus isolés pendant les années noires du terrorisme, les habitants s’étaient pris en charge en installant tours de guet et sirènes partout et faisaient fuir les groupes de terroristes en les poursuivant jusque dans la montagne. En fait, le terrorisme trouve un terrain propice quand les citoyens ne sont pas convenablement encadrés et lorsque la misère constitue un terreau idéal pour le travail de sape morale. En Kabylie aussi, la prise en charge des préoccupations des citoyens étant marginalisée, en ce sens qu’elle ne peut plus s’exprimer, ou s’exprime bien peu dans un cadre institutionnel politique organisé, c’est-à-dire au sein de partis politiques ou d’associations, cela entraîne toutes les dérives et autres manipulations toujours possibles, y compris et surtout par l’intégrisme. Toute la mal-vie, sans doute plus chronique là plus que dans d’autres wilayas du pays, a engendré de multiples fléaux dont les plus répandus semblent être la prise de drogue chez les jeunes et moins jeunes, et la prostitution, selon plusieurs sources concordantes. Des bars clandestins, appelés “bars drivers” se rencontrent inopinément, là où l’on s’y attend le moins, comme sur la route en bordure de la forêt d’Aït Boumehni, qui relie Tizi Ouzou à Boghni, sur le CW128, chemin devenu archi connu, et pas seulement pour les “bars drivers” mais aussi pour des actes terroristes à répétition qui vont du racket aux faux barrages. Le terrorisme sévit encore. Mais il paraît évident que la situation sécuritaire est bien loin de ce qu’elle était il y a quelques années. Les services de sécurité ont asséné des coups durs et poursuivent leur action, notamment dans les trois zones supposées être les zones de prédilection des terroristes. La première et la plus importante se situerait dans la région sud de la wilaya de Tizi Ouzou, de Draâ el-Mizan aux Ouadhias. Elle aurait accueilli depuis très longtemps tous les hommes de main et autres brigands venus de tous les environs de Kadiria et jusqu’à Aïn Bessem, des territoires ayant été souvent considérés comme étant à la limite de la misère la plus totale, absorbés très tôt par l’intégrisme et fournissant le plus gros des éléments du GSPC. En ciblant le sud de la wilaya, le terrorisme a tracé sa trajectoire, qui traverse la grande forêt de Beggas et se dirige droit vers Aït Boumehni pour tenter d’occuper des endroits réputés riches (où vivent beaucoup de familles d’émigrés, d’entrepreneurs et de gros commerçants). La terreur que fait régner un élément dangereux L’est de la wilaya est la deuxième zone, au relief accidenté – dont la forêt de Yakouren – qui permet un repli tactique. De là, le terrorisme opère parfois un redéploiement vers le nord dans la forêt de Mizrana, mitoyenne de Dellys, pour commettre ses actions meurtrières. L’Ouest est le troisième terrain, qui va vers le massif de Sidi Ali Bounab et s’étend sur les wilayas de Tizi Ouzou et de Boumerdès, depuis Tadmaït jusqu’aux Issers, soit une cinquantaine de kilomètres environ. C’est dans ce massif que, récemment, un groupuscule d’une quinzaine d’hommes se reconnaissant de Hassan Hattab – ex- chef terroriste repenti –, sur le point de rendre les armes, auraient entamé des négociations avec les autorités, avons-nous appris. Tizi Ouzou et Boumerdès compteraient cinq katibate, dont les deux plus sanguinaires El-Feth et El-Ansar, respectivement dirigées par Bentitri Omar, alias Abou Khoutama (32 ans), abattu dans un restaurant à Boumerdès il y a moins de deux semaines, et Bentouati Ali, alias Abou Samir, qui s’est rendu aux autorités il y a moins de vingt jours, aux environs de Yakouren. Entre Draâ El-Mizan et Boghni, la situation apparaît plus trouble qu’ailleurs, au plan sécuritaire, du fait de la terreur que fait régner sur les hameaux environnants un élément dangereux, chef d’un petit groupe de terroristes. Il s’agit de Abderrahmane Bennari, âgé d’une trentaine d’années, fils d’un ancien ouvrier marocain marié à une fille de Boghni, élevé à El-Harrach. Faux barrages, incursions dans les bars et enlèvements, certainement cet homme insaisissable doit y prendre part très souvent, d’autant qu’il bénéficierait de réseaux de soutien à Boghni et Aïn ZaouÏa dans la daïra de Draâ El-Mizan. Il a été plusieurs fois condamné à mort par contumace, et pas plus tard que la première semaine de ce mois de février, il a écopé d’une autre condamnation par le tribunal criminel de Tizi Ouzou à la prison à perpétuité pour enlèvement. À propos des enlèvements, depuis la fin de l’année 2007, le nombre aura atteint environ 38 en tout. Le premier enlèvement a eu pour cadre une auberge à Iflissen (une dizaine de kilomètres de Tigzirt), qui a visé le patron d’une auberge. Celui-ci a été libéré contre une rançon, mais le gardien de l’auberge, enlevé en même temps que lui, n’a pas eu la vie sauve. Le problème essentiel concernant ces enlèvements résiderait dans le fait que toujours, il aura été constaté que le motif tournait autour de la cupidité, l’appât du gain pur et simple en somme, ce qui laisse la plupart des citoyens s’interroger sur une jonction plus que probable du terrorisme avec le banditisme, de façon telle que le banditisme jouerait le rôle de fournisseur de renseignements, tandis que le terrorisme procéderait à l’action. Captures à Sidi Ali Bounab, caches à Yakouren Ces actions demeurent toutefois restreintes dans un cadre opérationnel où les services de sécurité ont largement le dessus, les terroristes n’agissant pas en territoire conquis, loin de là. Surtout, le constat principal est que la population a éliminé la peur de ses préoccupations quotidiennes. Le ras-le-bol ayant atteint des limites réellement insupportables, combien de citoyens se sont ainsi définitivement mis hors jeu, et mieux encore, contribuent de manière de plus en plus fréquente et efficace à l’arrestation ou la capture de terroristes. C’est de cette manière qu’en septembre dernier, un terroriste a été abattu en plein centre-ville de Tizi Ouzou au cours d’un assaut spectaculaire des forces de police. Le terroriste en question avait loué un appartement pour se cacher au nom d’une femme de mœurs légères. D’importantes opérations ont été menées, ces temps derniers encore, par l’armée sur les monts de Yakouren et de Sidi Ali Bounab, et notamment du côté de Boumehni et de la Mizrana. Elles se sont soldées par la découverte dans la forêt de Yakouren de caches qui renfermaient du matériel électronique pour la propagande du GSPC, de la documentation…, par des captures à Sidi Ali Bounab, et à Boumehni ce sont des terroristes qui ont été tués. Récemment, la Mizrana a été encerclée par les forces de sécurité ; nous ignorons pour l’instant les résultats de cette opération d’envergure. Le mois dernier, une autre opération de grande ampleur a été menée avec succès : trois kamikazes portant des ceintures d’explosifs ont été suivis, depuis Alger, semble-t-il, et ont fini par être abattus au niveau de la ville de Tadmaït. Enfin, plusieurs réseaux de terroristes ont été démantelés à Tadmaït, aux environs de Tizi Ouzou (Timizar et Loghbar) et à Aïn Zaouïa. En vérité, et comme cela se passe ailleurs, de l’autre côté du Djurdjura dans les monts de l’Ouarsenis, par exemple, où des actions terroristes sont également signalées, le terrorisme se nourrit du désenchantement et du mécontentement grandissant de citoyens qui, désabusés, ne savent plus à quel saint se vouer, et se laissent tromper. Est-ce à dire que le terrorisme ne suit que la pauvreté et les mal-lotis ? C’est une toute autre histoire. Z. F..