Tout Demy En Blancs Et En Couleurs Jacques Kermabon
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Document généré le 25 sept. 2021 01:04 24 images Tout Demy en blancs et en couleurs Jacques Kermabon Comédie Numéro 140, décembre 2008, janvier 2009 URI : https://id.erudit.org/iderudit/25247ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) 24/30 I/S ISSN 0707-9389 (imprimé) 1923-5097 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Kermabon, J. (2008). Tout Demy en blancs et en couleurs. 24 images, (140), 44–47. Tous droits réservés © 24/30 I/S, 2008 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Tout Demy en blancs et f Un film léger parlant de choses graves vaut mieux qu'un film Les rejets que suscitent auprès de certains les comédies musicales de Jacques grave parlant de choses légères Demy sont toujours incompréhensibles à ceux pour qui ces films n'ont jamais quitté le panthéon personnel, quand bien même leur passion indéfectible -Carnet de Jacques Demy, ne se nourrit que d'une partie de l'œuvre. Sauf à avoir suivi de trop parci 16 juillet 1964 monieuses rétrospectives intégrales, rares sont ceux qui ont vu Model Shop, tourné à Los Angeles, ses deux autres films en anglais. Le joueur de flûte et Lady Oscar, production japonaise. Une chambre en ville, tragédie chantée sur fond de grèves à Nantes, était depuis longtemps invisible et La naissance du jour, adaptation pour la télévision d'un roman de Colette, diffusé une seule fois à la télévision française avait été très peu vu. C'est dire combien voir arriver dans les bacs un coffret qui regroupe tout Demy, fruit du travail acharné des équipes réunies autour d'Agnès Varda et d'Arte édition pour régler tous les problèmes de droit et les restaurations des copies, est un somptueux cadeau propre à élargir le cercle des aficionados. On ne fait pas le tour d'une telle œuvre en quelques mots. Nous avons préféré entrebâiller certaines portes et raviver quelques souvenirs'. - '» r Le public viendra. Il ne rate jamais le génie à longue échéance. Il faut que ce film soit vu. Il faut que les gens se baignent dans l "immense rivière du cinéma parlant et en couleurs de Jacques Demy. -Marguerite Duras, Libération, 22juillet 1982, à propos d Une chambre en ville en couleurs par Jacques Kermabon Ce sont des films déguisés, la couleur, la musique masquent En partance le pessimisme, sans parler de antes, Cherbourg, Rochefort, gaieté forcée, mais j'ai la même N Marseille... Les personnages de Demy sont en partance. Lola veut aller honorer démarche dans l'existence. un contrat sur la Côte d'Azur, le père de -À Serge Daney, dans l'émission son enfant, revenu fortuné d'Amérique, Microfilm, France Culture, en 1988 l'emporte de l'autre côté de l'Atlantique. Quelques années après, dans Model Shop, séparée, Lola songe à retourner en France. Son chemin croise celui de George, un brin désœuvré, qui attend d'être appelé pour par tir au Viêt-Nam. C'est la guerre d'Algérie qui avait séparé les amants des Parapluies de Cherbourg. Il s'en est fallu de peu que lî le peintre Maxence, militaire en permission à Rochefort, rate celle qu'il a cherchée par tout. Et il y a les troupes des saltimban ques qui passent de ville en ville : Rochefort, ,£* Hamelin, Marseille et combien de marins... La mer est là, on la pressent, mais on ne la voit que très peu. DVD ola est dédié à Max Ophuls. Avec les ner avec certitude si ce n'est pas justement L premières images résonnent quelques parce que ce bonheur entrevu nous glisse accords de la chanson répétée sous diffé entre les doigts qu'il apparaît comme encore rentes formes dans le sketch central du plus grand. Ce sentiment est une des clés du Plaisir, La maison Tellier. On se sou cinéma de Jacques Demy, avec ces êtres qui se vient de ce moment - un des plus beaux cherchent, se croisent sans se voir, prennent de toute l'histoire du cinéma - où Joseph finalement un chemin en laissant derrière Rivet (Jean Gabin), après avoir raccompa eux la trace nostalgique d'une autre destinée gné à la gare sa sœur avec les employées de dont ils demeureront toujours orphelins. sa maison close, court le long du train qui Ce mouvement est toutefois temporisé par s'ébranle pour dire un dernier au revoir à des fins parfois heureuses, qui surviennent in Madame Rosa (Danielle Darrieux) dont la extremis pour arrêter ces valses incertitudes. présence fugitive à la première communion course éperdue porte en elle toute la mélan- On dit que Demy hésitait longtemps sur les de sa fille a suffi pour faire naître un désir colie des vies qu'on n'a pas eues, des occa- fins et parfois même en tournait deux pour amoureux. L'émotion que restitue cette vaine sions manquées, sans qu'on puisse discer- pouvoir choisir au dernier moment. Du côté des Atrides ne mère qui avoue à sa fille que son père ces tourments dignes des Atrides essaiment U est son oncle, des mères qui élèvent seu dans l'imaginaire de Demy au vu et au su de les leur fille et, demeurées coquettes, ne res tous et irriguent un cinéma qui laisse derrière tent pas insensibles aux charmes des hommes lui un parfum de contes de fées, de couleurs qui courtisent leurs enfants, un homme qui vives, de ballets entraînants, d'airs entêtants se marie avec une femme sans savoir qu'elle juste nimbés de mélancolie. est enceinte d'un autre, un roi qui songe à Faut-il lire ce kaléidoscope de couleurs épouser sa propre fille, une fille qui, après comme un art d'accommoder les douleurs ? avoir découvert qu'elle a fait l'amour avec C'est plutôt un mouvement commun qui son père, revient avec sa mère pour que ses emporte le tout et fait la beauté particulière géniteurs repartent sur une nouvelle vie, un des plus belles réussites de Demy. Peintre, le homme « enceint », un père qui décide d'éle cinéaste est de ceux - cela crève les yeux - qui n concours de circonstances a amené ver sa fille comme un homme. Si on ajoute ont poussé le plus loin l'irréalisme des coloris U Demy à répondre à des propositions de à cet inventaire un mari impuissant qui se apposés à des décors souvent naturels. Mais producteurs étrangers. À la suite de Peau tranche la gorge devant sa femme qui vient le plus frappant est sans doute la sidération d'âne, David Puttnam lui offre un budget d'annoncer qu'elle le quitte, et elle qui, plus chromatique du blanc, contrepoint récurrent confortable pour une adaptation du Joueur tard, se suicide sur le cadavre de son amant, auquel on ne peut assigner un sens prédé de flûte avec Donovan, alors vedette inter un retraité qui découpe une femme en mor terminé si ce n'est celui parfois d'une appa nationale, dans le rôle-titre. Quelques années ceaux, pour ne prendre que quelques exem rition inattendue. Voitures américaines de après, une société japonaise l'invite à réali ples pioches au gré des films de Demy, on rêve, blondeur irréelle (La baie des anges), ser Lady Oscar, fresque historique consacrée est loin de la palette rose bonbon et d'un robes ou costumes immaculés, spectre (Trois au destin d'une femme, garde du corps de univers enchanté. Ces ressorts flirtent avec places pour le 26), le blanc est aussi celui Marie-Antoinette, d'après un manga à suc le mélodrame, plongent aux racines des tra de la toile que le galeriste conceptuel des cès. Pour diverses raisons, ces deux films n'ont gédies antiques, des mythes - celui d'Orphée Demoiselles de Rochefort souille de giclées été que très peu montrés en France, Lady en première ligne dans Parking, résolument de couleurs et à coups de pistolet. Il est vrai Oscar n'y ayant même jamais été distribué. raté — sans qu'on puisse démêler comment que ce dernier est un tueur de rêves. En les découvrant on comprend que ces mises à l'écart l'ont été pour de mauvais motifs. Certes, ces commandes ne sont pas confor mes aux comédies musicales qui ont fait sa renommée. Il suffit alors de changer d'opti que et apprécier combien Demy se sort haut la main de ces productions d'envergure. Du conte qui avait inspiré les frères Grimm il fait une peinture de la naissance de la bourgeoisie marchande au moyen âge, classe montante plus préoccupée de s'enrichir que de permet Trois places pour le 26 tre aux savants de poursuivre leurs recherches 46 N°140 24 IMAGES Le dernier film e n'avais pas revu Trois places pour coup du sida et j'ai mis son attitude sur le J le 26 depuis le jour de sa sortie, le compte d'un découragement passager. il renvoie. Trois places pour le 26 raconte 23 novembre 1988, et craignais un peu Je comprends aujourd'hui les réticences le retour à Marseille du célèbre chanteur de ne pas retrouver mon émotion d'alors. exprimées à l'égard de ce dernier film.