Projet IRIS Le Financement Du Logiciel Libre
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Projet IRIS Le financement du logiciel libre Y-Lan Boureau Renaud Duplay St´ephane Lescuyer Julien Mairal Quentin Munier Annelise Rapha¨el Septembre 2005 Ecole´ Nationale Sup´erieure des T´el´ecommunications Cycle d'ouverture aux T´el´ecommunications 1 Table des mati`eres 1 Le monde du libre 3 1.1 Qu'est-ce que le logiciel libre ? . 4 1.1.1 La naissance du concept . 4 1.1.2 Les principes fondateurs . 5 1.2 Les besoins en financement . 8 1.2.1 Le cout^ humain . 8 1.2.2 Distribution des logiciels . 9 1.2.3 Communication efficace . 9 2 Les diff´erents modes de financement 12 2.1 Le financement par la communaut´e . 12 2.2 Services suppl´ementaires . 14 2.3 Entreprise : commande d'un logiciel . 15 2.4 SAV, maintenance, formation . 17 2.5 Produits d´eriv´es . 18 2.6 M´ec´enat priv´e . 18 2.7 Les Etats et le logiciel libre . 21 2.7.1 L'int´er^et des Etats pour le "libre" . 21 2.7.2 Une intervention mesur´ee des Etats . 22 2.7.3 Le soutien feutr´e des pays du Nord . 23 2.7.4 Le volontarisme des pays en voie de d´eveloppement . 26 2.7.5 Bilan . 29 3 Equilibre entre ces modes de financements : ´evolutions et perspectives 29 3.1 Les disparit´es du libre, deux exemples . 29 3.1.1 Ubuntu . 29 3.1.2 Debian . 32 3.2 Perspectives . 32 3.2.1 Ubuntu . 33 3.2.2 Debian . 33 3.3 Fiscalit´e . 34 2 Introduction Free as in "free speech", not "free beer" Richard M. Stallman L'un des paradoxes des communaut´es de d´eveloppement de logiciels libres est qu'elles r´eussissent le tour de force apparent de faire de l'argent avec du gratuit ; la gratuit´e ne fait pas fondamentalement partie de l'essence de la philosophie du libre, mais dans les faits elle est tr`es largement r´epandue. C'est l'une des sources de la fascination pour le monde du libre des non- sp´ecialistes comme les journalistes, qui assurent au logiciel libre une bonne image m´ediatique : dans un monde de plus en plus largement domin´e par l'´economie de march´e et sa logique de rentabilit´e impitoyable, les commu- naut´es de d´eveloppeurs qui distribuent le r´esultat de leur travail en toute gratuit´e alors que l'homme le plus riche du monde est justement un informa- ticien, font un peu figure de \petit village d'irr´eductibles qui r´esiste encore et toujours a` l'envahisseur". Mais cette image d'Epinal ne doit pas faire oublier que les communaut´es de logiciel libre ont leur propre logique ´economique, m^eme si elle est radica- lement diff´erente de celle d'une entreprise fond´ee sur le logiciel propri´etaire comme Microsoft (ou Adobe ou Macromedia si on en a assez de parler seule- ment du g´eant de Redmond). Les structures de la communaut´e du libre brassent de l'argent, et en ont besoin pour fonctionner, qu'il s'agisse des en- treprises fortement impliqu´ees dans le libre comme Novell, Sun, Mandriva, Canonical Limited, ou des cellules plus petites de la communaut´e. Nous allons tenter de mieux cerner cette logique ´economique, en analysant comment s'organise le financement du libre. Pour ce faire, il importe en pre- mier lieu de donner quelques ´eclaircissements sur ce qu'est le monde du libre, de sa philosophie a` ses besoins financiers. Ensuite, nous passerons en revue les diff´erentes sources de financement, des dons de particuliers aux financements ´etatiques, en passant par les partenariats avec les entreprises. Enfin, nous montrerons comment ces modes de financement vari´es s'articulent a` travers deux exemples de distributions Linux, Ubuntu et Debian. 1 Le monde du libre En tr`es peu d'ann´ees, les logiciels libres sont devenus incontournables. Cependant, si tout le monde sait ce qu'est un logiciel, le concept de libre, lui, reste souvent flou et parfois mal compris. Nous entreprenons ici de rappeler 3 les notions pr´ecises qui se cachent dans cette expression, ce que sont les logiciels libres et quels sont les besoins de financement dans ce domaine. 1.1 Qu'est-ce que le logiciel libre ? 1.1.1 La naissance du concept Le projet du logiciel libre na^ıt en 1984 avec le manifeste GNU1 de Ri- chard Stallman. Pour autant, jusqu’`a cette date, les logiciels n'´etaient pas que propri´etaires. L'usage g´en´eral en vogue au d´ebut des ann´ees 70, lorsque Stallman a commenc´e sa carri`ere, ´etait plut^ot a` la libert´e des logiciels et a` une coop´eration totale entre les d´eveloppeurs, h´erit´ee en grande partie de la pratique universitaire. Le manifeste de Stallman ne d´ecrivait donc pas un ph´enom`ene nouveau, mais se posait en fondateur d'un concept qui lui tenait a` cœur. Sa r´edaction fut motiv´ee justement par l'´emergence de la pratique du logiciel propri´etaire a` la fin des ann´ees 70. Un logiciel est propri´etaire quand son concepteur (entreprise ou individu) en restreint l'acc`es ou l'utilisation, ou quand le code source n'est pas disponible. C'est notamment la fermeture du code source qui emp^eche la coop´eration au sein de la communaut´e des d´eveloppeurs, et qui peut poser des probl`emes de s´ecurit´e : il n'y a pas de moyen a priori pour l'utilisateur de v´erifier quel type d'op´erations le logiciel effectue, la seule solution est de faire confiance a` l'´editeur du logiciel. Dans ce contexte, le manifeste de Stallman s'´etablissait comme le projet de d´efense d'une certaine vision, d'une certaine ´ethique, du d´eveloppement et de la diffusion de la ressource logicielle informatique. Le but du projet consistait a` s’affranchir de tous les logiciels propri´etaires, a` commencer par le syst`eme d'exploitation. En effet, avoir un syst`eme d'exploitation r´epondant a` ces crit`eres ´ethiques ´etait une condition sine qua none pour pouvoir se passer de logiciels propri´etaires comme MS-DOS2. Pour arriver au bout de ce projet ambitieux, Richard Stallman cr´ea la Free Software Foundation, destin´ee a` r´ecup´erer des dons pour soutenir l’effort du projet. Apr`es plusieurs ann´ees de travail acharn´e, en 1991, la pierre finale de l'´edifice sera apport´ee par Linus Torvalds et son noyau, Linux, la base de toutes les distributions Linux actuelles. 1Acronyme r´ecursif pour GNU's not Unix 2Microsoft Disk Operating System, publi´e en 1981, a ´et´e le syst`eme d'exploitation le plus utilis´e sur les ordinateurs personnels IBM dans les ann´ees 80, jusqu’`a son remplacement progressif par Windows 3.1 puis Windows 95 dans la premi`ere moiti´e des ann´ees 90 4 1.1.2 Les principes fondateurs Le logiciel libre est ouvert et gratuit : il est gratuit car on ne peut emp^echer sa distribution gratuite, mais il faut noter que l'on peut tout a` fait vendre du logiciel libre. Il est ouvert parce que son code source est disponible dans une forme qui permet d'en comprendre le fonctionnement, c’est-`a-dire non compil´e. Ces deux conditions, prise une a` une, ne sont pas suffisantes : il existe des logiciels gratuits mais propri´etaires et il existe des logiciels ouverts mais que l'on n'a pas le droit de modifier sous peine de sanctions p´enales. Pour ^etre r´eellement libre, un logiciel doit ^etre fourni avec une licence de logiciel libre. Pour d´efinir les conditions sous lesquelles une licence peut ^etre consid´er´ee comme une licence du logiciel libre et encourager leur utilisa- tion, Bruce Perens et Eric Raymond ont cr´e´e a` la fin des ann´ees 90 l'Open Source Initiative3. Dans un document repr´esentant un consensus entre les d´eveloppeurs de logiciels libres, ils d´efinissent les crit`eres n´ecessaires a` l'ap- pellation libre, au nombre de dix. 1. Redistribution libre The license shall not restrict any party from selling or giving away the soft- ware as a component of an aggregate software distribution containing pro- grams from several different sources. The license shall not require a royalty or other fee for such sale. Une licence de logiciel libre ne peut donc emp^echer la diffusion de ce logiciel, sa vente, ou son utilisation au sein d'autres applications. Il est important de remarquer qu'il est explicitement interdit de restreindre l'utilisation du logiciel a` des applications non commerciales.4 2. Code source The program must include source code, and must allow distribution in source code as well as compiled form. Where some form of a product is not distri- buted with source code, there must be a well-publicized means of obtaining the source code for no more than a reasonable reproduction cost - preferably, downloading via the Internet without charge. The source code must be the preferred form in which a programmer would modify the program. Delibera- tely obfuscated source code is not allowed. Intermediate forms such as the output of a preprocessor or translator are not allowed. 3OSI, http://www.opensource.org 4La port´ee de cette clause est sujette a` controverse : la General Public License (GPL) emp^eche l'int´egration du code dans un logiciel propri´etaire.