Marais de Guines Photo : Fabien Brimont 10

du -PasdeCalais Les tourbières sommaire 6 4 2 argo,aétédécriteen à larégion, nonspécifique siècles. Cetteexploitation, organisée detourbedurant plusieurs supportant de plus uneextraction non subi lesmauvaiseffets dudéveloppement Les tourbières ontplusparticulièrement biodiversité quiadiminué. c’est toutepartdelarichesse denotre fortement régressé dans notre région, ne sontpaslesseulsmilieuxàavoir régional. Lesmilieuxnaturels humides actuellement plusque0,8%duterritoire pournereprésenter disparu en3siècles, de zoneshumidesnotre régionont drainées etcultivées. Ainsi environ 30% ontétépeuà mise envaleuragricole, rées commeunhandicapauregard dela longtempsconsidé- Les zoneshumides, de notre région. et particulièrement leszonestourbeuses tiels dumaillage écologique régional les zoneshumidescommeélémentsessen- la Trame Verte etBleue. Celle-ciintègre ment etdeDéveloppementdu Territoire, axe desonSchéma Régional d'Aménage- eninscrivant commecinquième diversité, les milieuxnaturels régionauxetleurbio- chantier pourpréserver etvaloriser La Régionasouhaitélancerunvaste Le programmedesuivietd’évaluation Les tourbes:histoiredespaysages Les tourbièresdelarégion Des démarches enfaveurdestourbières du Nord-PasdeCalais Nord-Pas deCalais. septentrionale. et maraisalcalinsdesvalléesdelaFrance de laqualitédeszoneshumides(PSEQZH). éditorial >>> 16 13 12 11 La gestiondespannesparatourbeuses Le DépartementduNordetlaprotection Le maraisd’:del’ailfuméàlamiseen Les milieuxtourbeuxetleurgestion du littoralNord. des milieuxtourbeux. Les maraisd’ArtoisauXVIII valeur parleDépartement. Nord-Pas deCalais. dans lesforêtsdomanialesdelarégion Edité par: e siècle. 23 20 19 17 Nord-Pas deCalais. localisée auxtourbièresenrégion Nilsson 1842,uneespèceexceptionnelle Mars 2007-Numéro13 et écologiedanslarégionNord-PasdeCalais. Vertigo moulinsiana La Grenouilledeschamps( Partenariats pourlapréservation Le MaraisdeVilliers, d'unetourbière l'histoire des tourbièresdelaCanche. arrière-littorale. (Dupuy 1849)répartition Rana arvalis )

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>>> un constat alarmant tant quantitatif que qualitatif. En effet, quelque 3000 ha de prairies humides ont dispa- Des démarches en faveur ru ces trente dernières années au sein du complexe Scarpe- des tourbières et marais alcalins Escaut, perturbant ainsi le fonctionnement hydrolo- gique de cette vallée alluviale. des vallées de la La Région ne peut que se féliciter que l’intérêt pour septentrionale les tourbières soit désormais Francis Muller* d’ordre patrimonial et scienti- fique et dépasse le simple attrait de paysages végétaux pittoresques. Leur rôle reste déterminant pour le maintien de la biodiversité et la gestion de l’eau sur nos territoires. Elles constituent enfin des archives irremplaçables et encore peu connues de l’histoire de nos paysages depuis la dernière glaciation et parfois au-delà. Il nous est agréable de remercier le Pôle- Relais Tourbières, Espaces naturels régionaux et le Conservatoire des sites du Rencontres dans le Marais Vernier organisées par le PNR des Boucles de la Seine Normande (28 au 30 septembre 2005) Photo : C. Crassous Nord et du Pas de qui ont souhaité réaliser n vaste programme LIFE- breuses. Mais, dans le Bassin affleurantes. En fait, pour ce numéro spécial Nord-Pas U Nature ‘tourbières de parisien et le Nord de la connaître et protéger à bon de Calais de « l’Écho des France’ a fonctionné de 1995- France, ces dernières dominent escient, il faut considérer tourbières » et porter ainsi à 1999 sous l’égide d’Espaces et couvrent des surfaces impor- des ensembles où alternent la connaissance d’un public naturels de France. Il a permis tantes. Suite à deux rencontres tourbières, marais et étangs, national la richesse en biodi- de réaliser des protections organisées en 2005, il a été prairies humides ainsi que versité et la haute valeur et travaux de gestion sur décidé de faire le point sur des peupleraies et des cultures, patrimoniale de la région. les sites, et de rédiger la situation et de prendre et en envisager globalement En vous souhaitant bonne des guides méthodologiques. un certain nombre d’initiatives le fonctionnement et la gestion. lecture, j’espère que chacun Le Pôle-relais tourbières a vu visant à mieux connaître appréciera de découvrir plus le jour suite à ce programme, et préserver ces ensembles Les conflits d’usages des avant les milieux tourbeux dans le cadre du Programme tourbeux. Un sujet aussi vaste territoires agricoles - parfois de notre belle région en National d’Action en faveur nécessitait de faire appel à des générateurs d’érosion ou venant nous rendre visite des Zones Humides. Il a dès compétences diverses. Afin de dégradation de qualité et prendra ainsi connaissance lors entrepris de s’intéresser de recueillir leurs avis, les ges- des eaux - les plantations de la dimension des efforts aux problématiques qui tionnaires de sites, les scienti- de peupliers et le drainage, régionaux consentis par tous concernaient les tourbières fiques, les administrations l’urbanisation, les infrastructu- les acteurs sur le long terme de France, en regroupant ses et collectivités ont été contac- res de communication mais tés par les pôles relais aussi l’abandon de pratiques pour mettre en valeur le patri- actions par massifs ou bassins riches en tourbières. « tourbières » et « zones humi- traditionnelles et l’extension moine naturel régional. des intérieures ». de friches arbustives peu diver- sifiées sont à l’origine de Daniel Le programme LIFE avait PERCHERON porté principalement sur les Il se posait tout d’abord la disparition des tourbières. Président du Parc Naturel tourbières acides de montagne, des problèmes de typologie La chasse, en dépit de son Régional Caps les informations techniques et d’échelle : certaines vallées, impact parfois négatif sur et Marais d’Opale disponibles sur les tourbières comme celle de l’Authie, le foncier, implique de mainte- Président du Conseil Régional alcalines de plaines et vallées possèdent de vastes zones tour- nir les zones humides, et les Nord-Pas de Calais étant beaucoup moins nom- beuses qui ne sont pas toujours chasseurs se révèlent alors Sénateur du Pas de Calais

2 L’écho des tourbières / Mars 2007 / N°13

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Rencontre pour la rédaction du guide de gestion. Photo : J. Le Bihan des partenaires. Des interven- concrète des tourbières et déve- du groupe de travail, afin beaucoup à écrire sur les tour- tions conséquentes ont déjà été loppe le cas d’une vingtaine d’avoir un « regard croisé » bières de la région. Ce numéro a réalisées ou sont en cours de sites répartis sur l’ensemble sur les différentes expériences bénéficié d’un investissement pour assurer la protection du Bassin Parisien, très divers de gestion. Le guide sera mis à tout particulier de Virginie des tourbières de la région, par leur nature et par les mesu- la disposition des partenaires du Vergne (Université des sciences comme dans l’Audomarois ou res qui y ont été envisagées projet et aux maîtres d’ouvrages et technologies de 1) et de en Scarpe-Escaut. ou appliquées. de gestion des tourbières Fabien Brimont (Espaces de France septentrionale. Naturels Régionaux), qui Un guide Les sujets techniques qui seront ont rassemblé les informations développés sur les quelque 180 pages Le présent des acteurs régionaux des tour- pour la gestion de ce guide sont : bières. Il a bénéficié du soutien des tourbières • le pâturage extensif, numéro financier de la région Nord-Pas • la fauche et le broyage des herbacées, de l’Echo de Calais, venue ici renforcer le des vallées • la limitation mécanique des ligneux, Ministère de l’écologie et du • l’étrépage et le décapage, des tourbières Développement Durable, la de la France • la gestion par le feu, DIREN et la Région Franche- • les effets de l’érosion et le désenvasement, septentrionale Toujours dans le cadre de Comté qui soutiennent l’action • les espèces invasives, du pôle relais tourbières. • la réhabilitation de sites dégradés, la démarche interrégionale en faveur des tourbières du Bassin Avec le soutien financier des • la pédagogie et la sensibilitation. (1) Seine-Normandie,lArtois-Picardie et Agences de l’eau1, de Directions Parisien élargi, ce numéro Rhin-Meuse 2 souhaite faire mieux connaître régionales de l’environnement Les différents sites présentés (2) Franche-Comté, Ile-de-France et Picardie et de Conseils régionaux3, sont choisis de manière à : les particularités des tourbières (3) Lorraine et Picardie et grâce à l’apport technique • aborder différentes probléma- du Nord-Pas de Calais et les des acteurs des marais, actions entre-prises en leur (4) En particulier, le Pôle-relais « zones humides tiques de gestion, intérieures » de la Fédération des parcs naturels 4 faveur. Comme les articles de plusieurs partenaires ont propo- • concerner différents types régionaux, les Conservatoires d’espaces naturels, sé la réalisation d’un guide de gestionnaires, ce fascicule nous le démontrent, les gestionnaires de réserves naturelles, technique de gestion des tour- les enjeux sont importants et les Conservatoires botaniques nationaux • être répartis sur l’ensemble concernés et l’Office national des forêts. bières et marais des vallées de de la zone d’étude du Bassin les milieux diversifiés. Que l’on la France septentrionale, dont parisien au sens large, s’intéresse à des aspects géné- raux comme la place de la tour- le pôle-relais tourbières termine • comporter des expériences * Pôle-relais tourbières, actuellement la rédaction. de gestion positives et des échecs, be et des tourbières dans Fédération des conservatoires ainsi que des projets avant réalisa- les paysages, ou qu’on aille d'espaces naturels, Après une présentation du sujet, tion pour lesquels les réflexions ‘chercher la petite bête’ en 32 Grande rue, débusquant la Grenouille des 25000 Besançon. l’ouvrage s’intéresse aux sont encore en cours. Tél. 03 81 81 78 64 thèmes qui posent régulière- Chaque fiche est relue et com- champs ou les minuscules mol- [email protected] ment question dans la gestion mentée par les membres lusques du genre Vertigo, il y a

Mars 2007 / N°13 / L’écho des tourbières 3

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Les tourbières de la région Nord-Pas de Calais Virginie Vergne1, Fabien Brimont2, Cédric Vanappelghem3, Frédéric Hendoux4

Carte hypsométrique du Nord - Pas de Calais et sites de profils pédologiques avec tourbe (les principales zones humides sont en bleu et correspondent à une présence de la tourbe ou de sols tourbeux, à des degrés divers, en affleurement ou fossiles)

Plaines et vallées humides, ertains écosystèmes tourbeux aussi complexes que fragiles dont ainsi le haut-pays (situé au nord terres conquises sur C existent dans le Nord de la l’Homme a toujours su tirer parti. de l’axe et comprenant une partie les marais sont des paysages France sur de modestes surfaces. La forte régression de ces milieux du Boulonnais, les collines incontournables de la région L’ancienneté, la taille, l’épaisseur et est récente et préoccupante ; d’Artois, le Ternois, le Cambrésis, l’Avesnois et la Thiérache) du bas- Nord -Pas de Calais. la qualité des tourbes varient consi- elle justifie les efforts de protection pays. Le bas-pays - territoire le plus et de gestion des conservatoires, des Les zones humides coexistent dérablement d'un site à l'autre et à riche en zones humides - présente à la fois dans les vallées l’intérieur d’un même secteur. Dès parcs, des associations naturalistes, des précipitations légèrement alluviales des pays de la craie le Mésolithique et un peu plus au des Départements et de plus faibles et des températures plus et dans les dépressions Néolithique ancien, les marais dans la Région, etc. élevées que le haut-pays. de la plaine de la Lys, leur diversité ont offert une grande L’alimentation en eaux des zones de Scarpe-Escaut, du marais palette de ressources (chasse, La majeure partie des milieux humides régionales est assurée de Saint-Omer ou encore pêche, productions végétales diver- humides régionaux est située à la fois par les eaux de ruisselle- dans la récente plaine ses et tourbe). Les opérations en-dessous de 20 m d’altitude dans ment provenant des précipitations des secteurs en creux favorables et par les aquifères. Les zones maritime, soumise aux d’assèchement commencèrent à "transgressions" marines à l’accumulation de l’eau et dans humides de la région Nord - Pas flandriennes et dunkerquien- l’époque gallo-romaine mais, les secteurs où certaines couches de Calais se répartissent de manière e nes, asséchée par l'Homme jusqu’au XVIII siècle, les commu- du substrat sont imperméables, inégalement dense selon trois depuis le Moyen Âge. nautés agricoles et les autorités comme dans le bassin minier. secteurs : le haut-pays traversé par Cependant, le Nord de ne voyaient pas forcément La répartition des zones humides des zones humides liées aux vallées la France aujourd'hui est en les zones humides des zones se fait principalement selon un axe alluviales (Authie, , Scarpe, une région de faible densité hostiles. Auparavant, ces zones nord-ouest / sud-est matérialisé par Sambre), le bas-pays (Audomarois, de tourbières. étaient constituées d’écosystèmes les collines d’Artois et qui sépare plaine de la Scarpe, plaine mariti-

4 L’écho des tourbières / Mars 2007 / N°13

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me, Moëres) comprenant des zones res). La surélévation des niveaux avec des landes tourbeuses et l’Aisne) sur quelques pentes humides palustres de superficies d’eau par casiers hydrauliques des mares oligotrophes sont inscrits sableuses ou dans certaines vallées assez importantes et intégrées favorise les roselières et une gestion sur quelques hectares dans les disséminées à l’intérieur des com- au sein d’un réseau hydrographique diversifiée (étrépage, fauche, paysages de la craie. Enfin, les tour- plexes fluviogènes. Les stades complexe, étalé et à débit lent, pâturage). Les pannes dunaires, bières de pente sont généralement minéralisés comportent des espèces et enfin les zones humides arrière- quant à elles, sont des dépressions très petites et localisées sur les pen- des landes humides à Calluna littorales (bas-champs et marais de hygrophiles tributaires des batte- tes sableuses ou schisteuses et Erica. Des végétations de cicatri- Villiers-, Slack, ) ments de la nappe phréatique au de l’Avesnois ou du Boulonnais sation présentent des stades minéra- forment des ensembles plus petits sein du massif dunaire et existent (comparables à celles de l’Aisne). lisés et ombrotrophiques différents le long du trait de côte. tout le long du littoral maritime Quelques tourbières de sources selon qu’il s’agit d’un histosol sableux (, ). se rencontrent très localement fibrique ou saprique (Mare La tourbe dite marine se situe dans Récentes, les pannes sont perpé- sur les résurgences des falaises à Goriaux). la plaine maritime (, tuellement déplacées par le mouve- marneuses des côtes maritimes. , , , ment des dunes mobiles ; en fait, ce De nombreux sites ont été Guînes, , et les sont généralement des systèmes Les stades géotrophiques sont largement exploités pour la tourbe Moëres), les estuaires de la Slack, paratourbeux, plutôt neutrophiles. constitués de tourbières basses depuis le Moyen Âge (comme de la Canche et de l’Authie et dans Elles sont bien différentes des sys- à végétation herbacée vivace les marais alcalins de la vallée le Boulonnais (, Brimeux, tèmes tourbeux rencontrés au pied (pelouses tourbeuses et paratour- de la Sensée). Les paysages , Pointe-aux-Oies, des falaises vives ou mortes de la beuses - Caricetea nigrae - parfois sont dominés par les plans d’eau , la Liane, , plaine maritime (Marquenterre, fauchées) ou de roselières et (claires) à fonction récréative en Pointe de Lornel à ). marais de Cucq-Villiers- cariçaies tourbeuses - Phragmiti alternance avec la populiculture. En fait, il y a à la fois les tourbes Merlimont), tourbières de maréca- australis-Caricetea elatae. de l’estran, dégagées par l’érosion ge, comme l’ancien marais neutro- L’ensemble se boise naturellement Bibliographie : marine, et des marais arrière- phile de l’Audomarois, aujourd’hui en saules, aulnes et bouleaux dans Julve Ph., 1998 - Structure botanique et dyna- littoraux en fonctionnement. en grande partie drainé et cloison- les dunes. Les stades géotrophiques mique des tourbières du Nord de la France. In : Les premiers sont une relique né. Par contre, les petites tourbières des tourbières limnogènes sont Les tourbières et les milieux humides du Nord de la France. Actes du colloque annuel du Groupe d’anciens marais arrière-littoraux acidophiles des anciennes dunes issus d’une marge subaquatique d'Etude des Tourbières du 8 au 12 juillet 1997 démembrés (cf. les analyses décalcifiées, du pré communal flottante constituée de radeaux dans les régions Nord - Pas de Calais et Picardie, polliniques holocènes souvent d’Ambleteuse par exemple, sont tremblants de milieux acides, Cahiers de Géographie Physique 11, 40-47. d’âge Atlantique) et les seconds plutôt du type soligène et évoluent à avec des espèces très rares. Vergne V.,Julve Ph. (dir.), 1998 - Tourbières et sont encore protégés de l’érosion partir de petits suintements. Les formations primaires de trem- milieux humides. Actes du colloque annuel du Groupe d'étude des tourbières, juillet 1997 et littorale (Villiers-Cucq-Balançon, blants tourbeux peuvent parfois 1998 dans les régions Nord - Pas de Calais, Airon, Tardinghen). En région Scarpe-Escaut, des sites se développer secondairement, Picardie et Limousin, Cahiers de géographie comme les tourbières de , de sous une forme généralement physique 13, 127 p. Par exemple, le marais de Villiers- , du pré des Nonnettes appauvrie ou un peu différente, Vergne V., Deboudt Ph. (dir), 1999 - Les tour- Cucq-Balançon, alcalin et de forte sont fluviogènes et topogènes dans les zones de cicatrisation bières et les milieux humides du Nord de la France. Actes du colloque annuel du Groupe d'é- valeur patrimoniale, conjugue alcalins, selon les systèmes domi- des excavations des stades géotro- tude des tourbières du 8 au 12 juillet 1997 dans sur quelque 900 ha roselières, nants dans le Bassin parisien. phiques ou dans les laggs du stade les régions Nord - Pas de Calais et Picardie, molinaies, cladiaies, schoenaies, Là encore, se succèdent des paysa- ombrotrophique ; des végétations Cahiers de géographie physique 11, 146 p. cariçaies, jonchaies, espaces ges composés de roselières, aquatiques en mosaïque s'installent couverts de sphaignes et en eau jonchaies, cladiaies, etc. Le draina- alors. Les cariçaies ou roselières libre. Le marais de Guînes ge, les grandes cultures et la populi- turfigènes s'installent en milieux 1 - Université des Sciences représente un ensemble peu culture constituent des pressions mésotrophes à eutrophes et dans et Technologies de Lille I, Laboratoire fragmenté de marais plats alcalins, importantes sur les milieux tourbeux les secteurs ombragés des aulnaies « Préhistoire et Quaternaire », fluviogènes où mégaphorbiaies, de l’Est de la région. marécageuses. Les tourbières 59650 Villeneuve d’Ascq, roselières, cariçaies, jonchaies, basses comprennent des pelouses Conseil scientifique saulaies-aulnaies alternent avec Les tourbières lacustres (limnogè- pionnières, parfois fauchées ou de l’environnement quelques buttes à sphaignes et nes) de la région s’inscrivent dans un pâturées. Les pelouses acidophiles Nord - Pas de Calais. [email protected] des secteurs eutrophisés. Le marais paysage plus ancien de tourbières franchement tourbeuses sont très de Saint-Omer porte des tourbières de vallées alluviales du Bassin rares (Mare à Goriaux, en forêt 2 - Espaces naturels régionaux, alcalines topo-fluviogènes forte- parisien dont la plupart ont été de Saint-Amand, ou forêt de 6, rue du bleu mouton ment aménagées depuis au moins drainées, exploitées, mises en ). Les pelouses tourbeuses 59000 Lille. le Moyen Âge (maraîchage, cultures, plantées de peupliers et paratourbeuses neutrophiles [email protected] tourbage, populiculture, eutrophisa- ou ennoyées. Ces tourbières neutro- présentent en particulier des asso- 3 - Conservatoire des sites naturels tion, « cabanisation » donnant un philes à radeaux flottants de coloni- ciations de complexes avec du Nord et du Pas-de-Calais, fort impact en résidences secondai- sation récente se situent au bord des végétations muscinales. 152 boulevard de Paris, res). Quelques secteurs sont préser- des étangs issus d’exploitation Les moliniaies neutrophiles para- 62190 . vés comme la cuvette de ancestrale de tourbe dans les vallées tourbeuses sont plutôt continentales [email protected] Claimarais (prairies en partie turfi- alluviales de la Scarpe, de la Sensée, dans le Boulonnais. 4 - Conservatoire botanique de coles sous gestion agri-environne- de la Deûle, de la Canche ou Le stade ombrotrophique, rare, Bailleul, chemin Haendries, mentale) ou la RNR des étangs de l’Authie, etc. s’est établi sur des surfaces très 59270 Bailleul. du Romelaere (anciennes fosses Les secteurs acides relictuels faibles (sans comparaison avec [email protected] de tourbage à formations pionniè- atlantiques (, Saint-Josse) celle de Cessières-Montbavin dans

Mars 2007 / N°13 / L’écho des tourbières 5 PRÉSENTATION DES TOURBIÈRES

Les tourbes : histoire des paysages du Nord-Pas de Calais Virginie Vergne1, Fabien Brimont2

Les données disponibles teur. Dans la région, dés le de « lentilles tourbeuses », parfois buttes. Les sondages de la Mare sur les tourbes de la région Mésolithique puis un peu plus au des anciens sites d’extraction, etc. à Goriaux (Dubois & Godin, 1994 Nord - Pas de Calais relèvent Néolithique ancien, les marais dans Dans l’ensemble, la reconnaissance et fig. ci-contre) montrent aujourd’- d'informations cartogra- leur diversité ont offert une grande des formations superficielles hui les différentes étapes de la tour- phiques anciennes partielles palette de ressources (chasse, n’est pas exhaustive et se trouve bification jusqu’à une tourbe à de petites échelles, pêche, productions végétales diver- renseignée dans une rubrique fibrique de tourbière à sphaigne. de prospections plus récentes ses et tourbe). Les archives de toute « alluvions » en attendant les nou- Selon Dubois (1949) et Bonnard souvent difficiles d’accès nature nous apportent quelques velles cartes du BRGM. (1809), en basse vallée de l’Authie et de nos propres données renseignements. Différentes archives enregistrent (Saint-Pol, Montreuil), les rives dans le cadre du programme des zones tourbeuses et parfois occupées de prairies marécageuses de suivi et d’évaluation de Les tourbes : localisent des tourbières. Les archi- renferment par endroits, une tourbe la qualité des zones humides ves de Condé-sur-l’Escaut illustrent fibrique et légère (0,8 m à 2 m). (Brimont & Vergne, 2004). enquête dans l’histoire de secteurs de prairies En fait, les sondages au marais de Une des caractéristiques les archives humides, de marécages et de maré- (fig. page 8) montrent des communes à toutes cages boisés présents et témoignent épaisseurs plus importantes ces données est leur hétérogé- et surtout permettent d’espérer Les premiers textes scientifiques de paysages antérieurs à ceux du néité spatiale et qualitative. comme dans bassin de la Somme, évoquant la tourbe de la région, y bassin minier exploité. Le secteur, Les données sur les tourbes e des tourbes tardiglaciaires dès compris des estrans, datent du traversé par la Haine jusqu’au XIX elles-mêmes relevant à la fois la première phase de réchauffement début du XIXe siècle et sont généra- siècle avant les grands travaux du vocabulaire géologique, du Bølling (il y a environ 12 400 ans). lement liés aux possibilités d’ex- d’aménagement, était sujet à de pédologique (histosols) fréquentes inondations de grandes Elles colmataient les fonds de che- et écologique sont souvent traction. Les constats de disparition naux abandonnés. De chenaux des milieux tourbeux datent égale- envergures. Ces inondations disparates. Par ailleurs, arrivaient jusqu’au niveau de la en tresses, mouvants, typiques ment du début du XIXe siècle ; les sols des zones humides forêt de Bonsecours, qui devait des ambiances climatiques froides la tourbe des vallées de la Lys, de la région Nord - Pas de alors présenter les caractéristiques (Pléniglaciaire), le drainage s’incise de la Lawe et de Louane est Calais se déclinent dans d’une forêt humide. Il n’est pas fait et un système fluviatile de transition presque déjà entièrement épuisée ; toute la gamme des sols mention de tourbe mais les préoc- à multiples chenaux stables s’instal- l’inventaire de Dubois (1949) le hydromorphes minéraux cupations du rédacteur n’allaient le. Les sédiments limoneux se char- signale pour les vallées de la Scarpe ou humifères. Les séquences pas dans ce sens et généralement gent de plus en plus en matière sont en général composites. et de la Lys lors de l’inventaire les archives mentionnent surtout organique, ce qui signifie une dimi- du combustible disponible. Aucune des tourbes exploitables. Les archi- nution de l'érosion et une augmen- l ne s’agit pas ici de redéfinir synthèse récente n’existe hormis ves militaires qui décrivent les tation de la couverture végétale. I les histosols (voir AFES, 1995) les informations ponctuelles contraintes de milieux assez Cette première phase de sédimenta- mais de proposer un tour d’horizon des sondages du BRGM ou, pour contraignants ne font pas non plus tion tourbeuse est brutalement des données régionales. Il est aisé les tourbes affleurantes, les docu- état de la présence de tourbière dans interrompue par un court épisode de se faire une idée du potentiel des ments phytosociologiques. Les tra- le secteur. de sédimentation fluviatile calcaire zones humides de la région et de vaux des quaternaristes fournissent Les archives de l’ONF (1921) évo- qui semble correspondre au Dryas leur variété en consultant les cartes les informations les mieux docu- quent « un grand secteur maréca- moyen, court épisode de retour hypsométrique et ou encore celle mentées au sens stratigraphique geux et même tourbeux à l’est de de la steppe froide. Au cours des ZNIEFF « zones humides » mais assez peu au sens de l'exten- la forêt de » relatif aux de l'Ållerød, plus clément, des tour- (cf. la topographie, l’hydrologie sion des tourbes (fig. page 8). premiers affaissements miniers pour bes se développent à nouveau en et la géologie des couches superfi- La terminologie des tourbes est une superficie de 78 ha en extension. bordure d'un système à large chenal cielles ; fig. ci-contre ; voir article variable et recouvre en fait La présomption de tourbières se fait unique avec plus ou moins sur les tourbières dans ce même une palette de sols hydromorphes. également par des indications végé- de méandres. Ce sont des tourbes numéro). L’ancienneté, la taille, l’é- Par exemple, les notices des cartes tales : dans ce cas, il est question des plus limoneuses que celles qui paisseur et la qualité des tourbes géologiques des années 60 signa- hautes herbes et des joncs, caractéri- se développeront par la suite à varient considérablement d'un site à lent des occurrences de « passés sant un reboisement difficile car l'Holocène. Après une nouvelle l'autre, y compris sur un même sec- de tourbe », de « limons tourbeux », les plantations doivent s’y faire sur phase d'incision majeure, au début

6 L’écho des tourbières / Mars / N°13

PRÉSENTATION DES TOURBIÈRES

Sites d’analyses polliniques et de profils de sols hydromorphes dans le contexte géomorphologique du Nord - Pas de Calais

de l'Holocène vers 10 000 BP, par les quaternaristes qui reconsti- de la nappe phréatique. Une tour- protégée de l’invasion marine fait suite une turbification bordée tuent les paysages des marais arriè- bière à aulnes puis à Cypéracées, par un cordon de dunes sableuses de petits chenaux latéraux où se re-littoraux d’âge Atlantique fougères et joncs s'est installée dans et d’écluses a développé une nappe déposent des matériaux argileux- (Vergne et al. 2004). Les restes une chênaie diversifiée. Cette tour- tourbeuse de 0,25 à 3 m d’épais- organiques. Une dernière phase d'une forêt fossile submergée be d’âge subboréal masquait des seur, constituée de plusieurs lits d'incision apparaît à l'Atlantique (aulnes surtout, chênes et bouleaux) artefacts du Néolithique moyen. superposés ou interstratifiés avec (entre 6 000 et 5 500 BP) et marque sont visibles à marée basse à Enfin, l'actuelle position de cette des sables bleus et difficile à locali- la fin de l'extension massive la Pointe-aux-Oies (Wimereux). tourbe sous le niveau des hautes ser en raison de l’exploitation dont des tourbes. La tourbe s'est formée non pas sur mers indique qu'il y a 5 000 ans, elle fut l’objet. La longue séquence des sédiments marins mais sur le niveau de la mer était au moins de Watten fournit les détails de L'espace littoral a conservé un limon alluvial, dans la vallée de 4 m plus bas qu'aujourd'hui et que la stratigraphie et des paysages quelques ensembles tourbeux enco- la Slack, entre 4 700 et 3 600 BP la vallée s'étendait vers le domaine depuis l’interglaciaire Eémien re en activité ou fossiles, des plaines avant que les sables éoliens n'em- marin. La formation dunaire (Sommé et al., 1992). Au sommet, interdunaires à l'ensemble de la plissent la vallée il y a 3 000 ans. prouve que le rivage était proche les dépôts flandriens composés de plaine maritime, poldérisée et par- Il y a 5 000 ans, une forêt riche il y a 3 000 ans, elle a ensuite sédiments de wadden incorporant tiellement tourbeuse, ou encore des en tilleuls dominait le paysage puis, colmaté le secteur. des niveaux de tourbe constituent tourbes de l'estran signalées dès le le marais s'est constitué vers La plaine littorale, parfois la formation des Flandres subdivi- XIXe siècle et analysées par la suite 4 700 BP à la suite d'une remontée au-dessous du niveau de la mer, sée en Assise de Calais comportant

Mars / N°13 / L’écho des tourbières 7

PRÉSENTATIONEN FRANCE DES TOURBIÈRES

la tourbe supérieure dite de surface et en Assise de Dunkerque. Elles sont d’âge holocène moyen et supé- rieur et la tourbe recouvre entière- ment la partie inférieure marine de l'assise et déborde dans la vallée de l'Aa, en amont de Watten. La tourbe est constituée de débris végétaux herbacés aquatiques (prêles et typhas), d’espèces arbo- réennes et de restes de faune ; la partie supérieure contient des artéfacts gallo-romains. Les grands marais : maraîchage et exploitation de la tourbe

Les gisements sont encore pré- sents dans les grands marais du Nord malgré une exploitation intensive. Cependant, l’étendue des tourbes fossiles récentes contraste avec celle des surfaces très localisées de tourbières en activité des marais de Guînes, de l’Audomarois et de Roussent essentiellement.

Analogues à celles de la côte belge, les régions marécageuses (ponctuellement tourbeuses et paratourbeuses) des Moëres résultent d’assainissements entrepris dès le XIIe siècle par la canalisation des rivières, le creu- sement de rigoles de dessèche- ment, des écluses protégeant les polders ainsi constitués, de l’i- nondation par la mer. Ces polders (renclôtures en Picardie) consti- tuent d’excellents terrains agrico- les : prairies, cultures maraîchè- res ; quelques parcelles sont encore en marais incultes, sillon- Sondages de sols hydromorphes régionaux avec des épisodes tourbeux nées de multiples canaux, A : horizon organo-minéral ; An : anmoor ; B : horizon illuvial ; E : horizon éluvial ; FE : horizon ferrique ; G : horizon réductique ; g : horizon rédoxique ; H : horizon histique ; Hf : horizon histique fibrique ; Hm : horizon histique mésique ; fossés et rigoles, et ne peuvent Hs : horizon histique saprique ; Mt : matériau terreux ; Mli : matériau limoneux ; O : horizon organique ; être parcourus qu’en barque. OL : horizon constitué de débris foliaires non ou peu évolués et de débris ligneux ; OF : horizon formé de résidus végétaux, Sous une couche de 0,50 à 1,50 surtout d’origine foliaire, plus ou moins fragmentés, en mélange avec de la matière organique fine ; OH : horizon contenant plus de 70% en volume de matière organique fine ; Rsi : roche mère ou substrat siliceux (sables) m d’humus et de vase, il semble qu’une nappe de tourbe, de 1 à 6 m d’épaisseur, s’étendait de

8 L’écho des tourbières / Mars / N°13

PRÉSENTATION DES TOURBIÈRES

façon discontinue et sur plusieurs tion a considérablement réduit son et dans les solums (fig. page 8). Bibliographie : milliers d’hectares (Dubois, extension. La vallée de l’Escaut La polderisation des marais mari- Bonnot E.-J., 1978 - Colloques phyto- 1949). De la tourbe largement tourbeuse avec 900 ha de marais times, les modifications du draina- sociologiques VII, CRP-CB Bailleul, non pag.. / Julve Ph., 1998 - Cahiers exploitée, il ne reste plus qu’une tourbeux (1 à 3 m d’épaisseur ge, la déforestation, l'abandon de Géogr. Phys., USTL, 1 : 40-47. / ceinture affleurant au pourtour de sous 1 à 2 m de déblais ; Bonnard, d'étangs ou de mares en voie AFES, 1995 - INRA, Paris, 222 p./ la zone. Par la suite, la gestion 1809) ; ou l’affluent gauche d'atterrissement ont été autant Barthélémy F., 1999 - Rapport des eaux, assurée par des syndi- de l’Escaut, la Sensée grossie de facteurs de création de tourbiè- BRGM R 40890, 159 p. / Bonnard A.- cats d’assèchement ou des syndi- de l’Agache, draine un bassin res. L'exploitation de la tourbe H., 1809 - Journal des mines 15 : cats mixtes d’aménagements imperméable à pentes à peu près elle-même peut permettre la régé- 121-155. / Chouard P., 1931 - CR congrès Internat. de Géogr., Paris hydrauliques (wateringues), nulles, où de vastes tourbières nération même si les groupements 1931, Ed. A.Colin, II, 3, 1-27. / remanie profondément le marais se sont formées mais ont été sont souvent assez différents Dubois G. et al., 1949 Minist. Indust. audomarois par exemple dès le presque entièrement exploitées des groupements originaux. et Com., Impr. nat., Paris, 1 : 225 p. & XIIe siècle. De grands collecteurs (Dubois, 1949). La vallée de la 2 : 634 p. / Dubois J.-J., Godin J., permettent de rejoindre la mer et Scarpe comporte des zones Les fosses et les étangs ainsi créés 1994 ˆ BAGF,3 : 276-286. / Emontspohl A.-F, 1993 ˆ Thèse doct. d’assurer les échanges avec diffé- tourbeuses (Chouard, 1931) très sont à nouveau envahis par Univ. cath. de Louvain, 203 p. / rents ports comme Bruges ; discontinues qui affleurent à des espèces turfigènes voire même Sommé J., Munaut A.-V., et al. 1992 - l’essor rapide de Saint-Omer Marchiennes (Sommé, 1980), etc. des Sphaignes. Les étangs Quaternaire, 3, 2 : 87-89. / Vergne V., nécessite alors une mise en du Romelaëre ont vu ainsi l'appari- Brimont F., Tremblay C., 2004 - valeur agricole et maraîchère Selon Dubois (1949), les vallées tion de tourbières flottantes acides. CSENPC et CRRG, Lille, 27-52. / du marais. Par étapes successi- de la Canche et de l’Authie sont, Vergne V., Munaut A.-V. et al., 2004 Ann. litt., PU Franche-Comté, ves, jusqu’au centre de la cuvette, dans leurs cours moyen et infé- Si le rôle des tourbières reste Programme PeH, 7 : 29-45. la création d’un réseau très dense rieur, presque entièrement déterminant pour le maintien de watergangs (chemins d’eau), tourbeuses mais sous une terre de la biodiversité et la gestion le rehaussement des terres et leur argileuse (1,5 à 3 m) qui n’a pas de l’eau ; les tourbes constituent assainissement sont mis en place. souvent permis de retrouver également des archives irrempla- Au XVIIIe siècle, l’extraction la nappe de tourbe. Les traces çables de l’histoire des paysages de la tourbe modifie les paysages de tourbages anciens, disséminés depuis la dernière glaciation, du marais de Guînes, le canal un peu partout et parfois com- voire parfois au-delà (Watten, Calais - Saint-Omer permet blés, laissent supposer que le lit Erquinghem, etc.). S'il subsiste d’exporter les excédents. Cause de tourbe doit être plus ou moins un aspect patrimonial et social lié directe de la disparition des tour- continu mais pratiquement inex- à un usage ancien d’exploitation bières, de perturbations hydrolo- ploitable en raison de la faible des zones humides, le développe- giques et de minéralisation de la puissance de la couche (1,5 m), ment de l’extraction de la tourbe surface, l’extraction de la tourbe de sa mauvaise qualité, de en tant que ressource renouvela- crée des trous d’eau aux pentes l’importance et de la valeur agri- ble qui ne pourrait être que ponc- fortes, difficiles à coloniser par cole des terres de recouvrement. tuelle et de courte durée au vu du la végétation et modifie le mor- potentiel disponible, induirait cellement des parcelles. Il est souvent arrivé dans une pression sur certaines Avec l’apparition de nouveaux la région que des extractions tourbières pouvant les mener combustibles depuis 1850, et le drainage nécessaires entraî- à disparaître, compte-tenu l’extraction disparaît mais laisse nent des modifications hydriques du temps de renouvellement dans les marais de Guînes, importantes, voire néfastes pour important de ces milieux, sans de l’Audomarois ou de Roussent, le bassin versant et les écosystè- parler du coût y compris des fosses et des étangs qui sont mes aquatiques. Dans la vallée en mesures compensatoires. à nouveau envahis par une végé- de la Sensée, l’exploitation de tation hygrophile. Au milieu la tourbe était sévèrement régle- Il importe donc aux collectivités du XIXe, la tendance aux planta- mentée au XVIIIe siècle, « les et organismes en charge de tions intensives de peupliers parts de marais en vue d’assèche- la protection de l’environnement 1 - Université des Sciences et Technologies de Lille, s’affirme et se localise surtout ment » annonçaient l’interdiction de veiller à ne pas introduire Laboratoire dans les grands marais eutro- du tourbage pour stopper l’exten- un brouillage d'image entre « Préhistoire et Quaternaire », phes(Audomarois,Roussent) sion des marais. Les tentatives des volontés affichées de réduire 59650 Villeneuve d’Ascq CSENPC. et les vallées alluviales (Authie, d’assèchement furent cependant l'usage de la tourbe (campagnes [email protected] Canche, Scarpe, Escaut). interrompues par la Révolution, de promotion de terreaux sans 2 - Espaces Naturels Régionaux, les guerres successives et les tourbe, préservation de sites, 6, rue du bleu mouton 59000 Lille. La tourbe alluviale se trouvait inondations. Quoiqu’il en soit, projet de labellisation de l’ail [email protected] dans presque toutes les vallées de l’empreinte de cette exploitation fumé à la tourbe...) et une activité la région mais sa longue exploita- reste inscrite dans les paysages consommatrice de tourbe.

Mars 2007 / N°13 / L’écho des tourbières 9 PROGRAMME ZONES HUMIDES

Le programme de suivi et d’évaluation de la qualité des zones humides (PSEQZH) Fabien Brimont*

n outil de diagnostic et d'aide proposée. La validation de la métho- U à la décision, encore à un de nécessite une durée d’expérimen- stade expérimental, a été élaboré tation suffisante pour éviter les effets dans la région Nord - Pas de Calais liés à l’échantillonnage et aux fluc- pour mettre en valeur le patrimoine tuations « naturelles » des popula- écologique des zones humides. tions. L’exploitabilité statistique Après une première approche sur des données dépend de la taille quelques roselières du secteur des lots de données et donc de Scarpe-Escaut réalisée en collabo- la pérennité du réseau, des sources ration avec le Groupe Ornitho- de financement et de l’animation. logique Nord, Espaces naturels régionaux, syndicat mixte fédéra- Il est envisagé, à terme d’étendre teur des trois PNR du Nord - Pas de la méthode d’indication à d'autres Calais, a en effet été sollicité Prélèvement tourbeux (histosol) au marais de Roussent (vallée alluviale de l'Authie ; taxons (Amphibiens, Odonates, etc.) photo : A. Ridé, 2006) en 1999 par l’Agence de l’Eau et à d'autres types de milieux pour Artois-Picardie afin de mettre accroître la qualité de l'évaluation en place une méthode de « bioindi- vegarde des zones humides. libre à vocation récréative, zones et du suivi des milieux naturels cation » à partir des oiseaux : Un comité de pilotage a été créé humides néo-formées par les affais- régionaux. La seule réserve sera le programme de suivi et d’évalua- pour définir les orientations métho- sements miniers ou l'extraction la disponibilité de spécialistes tion de la qualité des zones humides dologiques et valider les résultats. de la tourbe, réserves naturelles) à même de réaliser les inventaires. (PSEQZH). Il regroupe les principales structu- comprenant en majorité des zones Nous souhaitons également res régionales liées à l’environne- tourbeuses. Le programme intègre que ce suivi des milieux naturels à Le choix des oiseaux en tant ment (gestionnaires de milieux des indicateurs qui permettent de l'échelle régionale puisse s'inscrire qu’indicateurs de qualité des zones humides, représentants de l’Etat, diagnostiquer l'intérêt patrimonial dans les réflexions de gestion natio- humides se justifie par leur sensibi- collectivités, associations naturalis- basé sur l'avifaune mais aussi d'en- nale et internationale notamment lité envers de très nombreux tes) et des experts scientifiques visager les dynamiques à une dans le cadre des changements paramètres écologiques, leur réac- (universitaires principalement). échelle un peu plus longue globaux sur les milieux naturels tion rapide face aux modifications en prenant en considération et les modifications comportemen- de l’environnement et par la variété Concrètement, les objectifs définis la mosaïque des paysages végé- tales des espèces. des types de milieux occupés. en partenariat sont d’évaluer la taux. Le PSEQZH a été conduit Facilement observables, ils garan- qualité des zones humides, leur à travers l'ensemble de la région tissent les procédures d’échan- évolution et les effets des mesures avec une composante temporelle Bibliographie : tillonnage. Le tissu associatif de gestion par le biais d’un indice représentée par l'analyse des archi- Brimont F.,Vergne V., 2004 régional et national est un atout chiffré facile à calculer. En effet, ves classiques mais aussi des archi- GHZH, 20 p, majeur pour la mise en place et cette méthode d’évaluation, à desti- ves naturelles. En effet, une premiè- http://ghzh.fr/je/2004-pub.php le maintien d’un réseau d’observa- nation des gestionnaires, doit rester re approche systématique des sols Frochot B., Roché J. 2000 teurs sur l’ensemble des sites simple à mettre en œuvre par hydromorphes menée en parallèle Ed. Dunod, Paris, 261-276 d’intérêt (Brimont, 2004). L’étude les acteurs de terrain. Elle s’établit avec l’étude des oiseaux apporte Brimont F., 2004 pluriannuelle des peuplements sur des protocoles d’inventaires une dimension chronologique (sous presse) Falco, 10 p. d’oiseaux est comparable à une standardisés garantissant robustesse sur le fonctionnement et l’évolution « série d’instantanés » de l’état et reproductibilité à l’échantillon- des zones humides. La lecture des zones humides ; elle apporte nage. Avant d’étendre la méthode des histosols inscrit ainsi ces les informations nécessaires à au territoire régional, il a été décidé milieux dans un contexte dyna- l’estimation de leur valeur écolo- en 2001 de la tester sur un panel mique rappelant que les opérations gique et au suivi de leur évolution de sites (préférentiellement dans de gestion doivent s'envisager à dif- à l’échelle humaine (Frochot & des territoires de PNR et facilement férentes échelles. Roché, 2000 ; Brimont, 2004). accessibles) couvrant pratiquement L’étude des peuplements d’oiseaux *Espaces naturels régionaux, Le programme fédère un ensemble l'intégralité des types de zones dans leurs habitats permettra 6, rue du bleu mouton d’acteurs autour d’un projet humides rencontrés dans la région à terme de tester statistiquement 59000 Lille. [email protected] commun de connaissance et de sau- (marais agricoles, étendues d’eau la méthode de « bioindication »

10 L’écho des tourbières / Mars 2007 / N°13 PROGRAMME ZONES HUMIDES

Les milieux tourbeux et leur gestion dans les forêts domaniales de la région Nord-Pas-de-Calais Bruno Dermaux*

Aulnaie à osmonde royale en forêt de – Saint-Amand – Wallers dans le département du Nord (Photo : V. Vergne, 2003)

Dans les quelque 30 000 les forestiers de l'Office national (habitats 90D0 et 90E0, tous deux Ces deux RBD sont gérées hectares de forêt domaniale des forêts - qui gèrent les forêts prioritaires) ont été proposées pour par l'ONF avec l'appui de comités (FD) que compte la région domaniales - ont pris conscience intégrer le réseau Natura 2000. scientifiques. Un programme de Nord–Pas-de-Calais, il n'existe de la diversité contenue dans La gestion forestière ne se limite pas travaux annuels définit les actions pratiquement pas de tourbiè- les aulnaies marécageuses et autres aux arbres : de nombreux milieux de gestion conservatoire nécessaires res au sens strict du terme. boulaies à sphaignes. Ces habitats intra-forestiers sont également à la pérennité des milieux, de Il est vrai que les conditions d'anaérobiose créées par particuliers sont maintenant à prendre en compte. Parmi ceux-ci, la faune et de la flore. la permanence de l'eau, soigneusement conservés et proté- il est possible de citer des landes rési- Il reste, pour le forestier indispensables à l'apparition gés. Ainsi, en FD de Boulogne- duelles hygrophiles et para-tourbeu- du Nord - Pas de Calais, beaucoup des tourbières, représentent sur-Mer, une réserve biologique ses particulièrement riches à apprendre et à découvrir à propos à l'inverse un facteur domaniale dirigée (RBD) a été créée et diversifiées. Ces landes sont des tourbières et autres milieux particulièrement limitant en 1982 pour protéger une aulnaie classées en RBD et bénéficient tourbeux. Au moins aujourd'hui, du développement développée sur tourbe. A la même d'une gestion conservatoire : lutte il connaît l'intérêt de ces milieux et des formations forestières. époque, dans la FD de Desvres, contre la fermeture du milieu, la nécessité de les conserver pour deux autres RBD étaient créées pour respect de l'impluvium nécessaire, la biodiversité qu'ils apportent. ourbières et boisements ne font garantir des aulnaies acidiphiles travaux de rénovation (étrépage, Le classement quasi systématique T pas bon ménage et, pendant des dont une station de Sphagnum décapage)... Deux autres RBD de ces milieux en RBD ou en série siècles, la seule valorisation recher- magellanicum. Plus proche de nous, restent à citer pour l'intérêt qu'elles d'intérêt écologique témoigne de chée par le forestier étant la produc- en 2002, la révision d'aménagement présentent en matière de milieux la volonté de les protéger. Et, avec tion, les milieux par trop engorgés de la FD de l'Abbé-Val Joly a tourbeux, celle de la Mare à Goriaux l'appui des universitaires compé- étaient promptement "assainis" par distingué dans une série d'intérêt (260 ha), en FD de Raismes - Saint- tents, l'ONF met en œuvre, chaque drainage pour ensuite être gagnés au écologique particulier une aulnaie Amand-Wallers, qui occupe une fois que les moyens financiers boisement. Malgré tout, dans installée sur sol tourbeux. vaste surface d'affaissement liée le permettent, la gestion nécessaire quelques situations topographiques à l'activité minière et sur le pourtour à leur conservation. particulières (cuvettes, bas de versants, plaine alluviale...) difficiles La mise en œuvre de la directive de laquelle prospèrent les milieux ou impossibles à drainer, des milieux Habitats est aussi l'occasion d'inter- tourbeux, et la RBD de la Côte *Office National des Forêts, tourbeux ont pu se développer venir en faveur des milieux tourbeux d'Opale (450 ha), située à Agence régionale qui présentent aujourd'hui une réelle forestiers. C'est le cas, par exemple, Merlimont, où bas-marais alcalins Nord - Pas de Calais, valeur patrimoniale au sein des en FD de Raismes - Saint-Amand- et autres formations para-tourbeuses 24 rue Henri Loyer, BP 46, 59004 Lille. peuplements forestiers classiques. Wallers ou plusieurs boulaies à spécifiques du littoral forment Tel. 03 20 74 66 10 Depuis une vingtaine d'années, sphaignes et aulnaies acidiphiles une mosaïque exceptionnelle.

Mars 2007 / N°13 / L’écho des tourbières 11 USAGES ET ACTEURS DES TOURBIÈRES Le marais d’Arleux : de l’ail fumé à la mise en valeur par le Département Guillaume Lemoine1, Benoît Lecomte2, Antoine Tresca2

Bien que cette forme d’exploita- tallation de cheminements, de tion fasse partie du patrimoine pontons, de points d’observa- local, elle fût limitée très tôt, en tion ornithologique, de divers partie à cause de la raréfaction panneaux pédagogiques d’une des tourbières dans le Nord-Pas- fosse de tourbage et l’installa- de-Calais. Il reste aujourd’hui tion d’un bac à chaînes pour une quinzaine de producteurs- accéder à une île. Une plaquette fumeurs à Arleux, contre plus d’information et des visites gui- de 50 il y a 30 ans. Un projet de dées à destination du grand Fumoir à ail dans le secteur d’Arleux (Photo : F.Brimont, 2004). labellisation de l’ail d’Arleux a public et des scolaires complè- été proposé par le Centre régio- tent la mise en valeur du site. ès le Moyen Âge, les habi- En pratique, la tourbe est séchée, nal de Ressources Génétiques. D tants du val de Sensée posée au sol et recouverte d’un Cependant, les scientifiques sol- mélange fait de sciures (hêtre licités ont préconisé l’emploi de Bibliographie : valorisaient les zones maréca- Lemoine G. 2002 - Le marais d'Arleux, geuses. Les Arleusiens y exploi- ou chêne) et de « courte-paille ». copeaux et l’abandon de la tour- une zone humide remarquable de la vallée taient la tourbe qui servait de Le plafond du fumoir, auquel be en accord avec la mise en de la Sensée (à la découverte des Espaces combustible et cultivaient l’ail sont pendues les tresses d’ail, œuvre de mesures conservatoi- naturels sensibles du département du qui nécessite beaucoup d’élé- est constitué d’une couche de res sur ces milieux. Nord). Conseil Général du Nord, Lille. roseaux qui absorbe l’humidité, Acquis sur une petite partie (3,6 Mullie B. 2000 - Inventaire et évaluation ments nutritifs (ceux-ci se patrimoniale des habitats et de la flore des renouvellent rapidement dans elle-même recouverte de torchis ha) en 1997 par le Département, propriétés départementales du marais les marais alors que dans une qui sert d’isolant thermique le marais d’Arleux a été aména- d'Arleux. CRP-CBNB/Conseil général du parcelle cultivée « normale », il (la température ne doit pas dépas- gé pour permettre au public de Nord, Bailleul, 100 p + annexes. faut 75 ans pour revenir à un ser 46°C). La fumaison dure découvrir l’histoire des paysa- rendement optimal après une 10 jours pendant lesquels le foyer ges, la formation de la tourbe et culture d’aulx). est réalimenté toutes les 8 heures la diversité des écosystèmes. 1 - Département du Nord, Les Arleusiens remarquèrent avec des briquettes de tourbe. Aux opérations de restauration Service Espaces Naturels Sensibles écologiques (décapage, (Direction du Sport, du Tourisme fortuitement que l’ail exposé Celle-ci sert donc simplement et des Espaces Naturels), aux fumées de la tourbe se de combustible et peut être débroussaillement, taille de sau- 59047 LILLE Cedex. conservait mieux et le fumage remplacée par du bois. La fumée les en têtard, fauche avec expor- Tel. 03 20 63 57 47 de l’ail à la tourbe fut donc provient surtout des sciures qui tation, création d’îlots et d’un « 2 - USTL, Master Environnement. généralisé. la recouvrent. tremblant ») ont fait suite l’ins- Les marais d’Artois au XVIIIe siècle Par Jean-Michel Dérex*

ès 1759, les marais commu- des seigneurs qui possédaient la juri- dossier 2, pièce 6). Le second fut contre les ordres du clergé et D naux entrent dans l’arène diction sur ces marais. Les Etats publié un an plus tard : Très Humble de la noblesse (AD Pas de Calais, politique avec un vaste débat de l’Artois et le Conseil provincial et très respectueux représentants C244/10). La noblesse eut gain de qui opposa, les Etats provinciaux à réagirent donc et organisèrent des Etats d’Artois au sujet de l’attri- cause. Cet épisode eut un grand l’administration centrale en Artois. une cabale contre le subdélégué bution de juridiction des marais retentissement dans le Nord et fut Ils furent alors l’objet d’oppositions et l’intendant . et communes de cette province un motif suffisant pour que entre les deux ordres privilégiés (AD Pas de Calais C244). Maximilien de Robespierre et le Tiers Etat. Dans les pays d’Etat, Afin de préserver le droit de pioche Cette action fut efficace et entendue condamne toute la politique de les marais communaux étaient sous qui permettait au seigneur de préle- à Versailles puisque le 11 mai 1764 l’assemblée provinciale en publiant la tutelle à la fois des seigneurs et des ver une taxe lorsque les habitants l’intendant perdait l’ensemble de en 1779 une Motion au nom paroisses mais aussi de l’Intendant. prélevaient de la tourbe sur le com- ses pouvoirs sur l’administration des provinces d’Artois, de Flandre, Face à l’exploitation abusive des munal du ressort de la seigneurie des marais au profit de “ l’inspection de Hainaut et de Cambrésis pour tourbières des marais communaux, et surtout le droit de triage, générale des Etats ”. Cependant, la restitution des biens communaux différents arrêts royaux assirent les deux ordres rédigèrent alors deux le corps du Tiers Etat ne l’entendait envahis par les seigneurs. en Artois, à partir de 1740, l’autorité mémoires. Le premier date de 1762. pas ainsi et comprit immédiatement de l’intendant en matière d’adminis- Il a pour titre Mémoire à consulter que ses intérêts étaient menacés. tration et de juridiction des marais et consultation pour l’ordre de la Il s’opposa donc à cette mesure *Groupe d’Histoire (AD Pas de Calais, 2C 188, art. 21, noblesse des Etats d’Artois au sujet et le fit savoir par la publication des Zones Humides, assemblée générale de 1740). des privilèges des juridictions 12 allée Georges Pompidou, d’un Mémoire et observations pour 94300 Vincennes Ces arrêts offensaient le droit de cette province (arch. nat., H1 50, l’ordre du Tiers Etat de la province

12 L’écho des tourbières / Mars 2007 / N°13 PROGRAMME ZONES HUMIDES

Le Département du Nord et la protection des milieux tourbeux Guillaume Lemoine*

Tourbière de Marchiennes. Photo : F. Brimont.

Le Conseil général • à percevoir une taxe affectée e Département est aujourd’- Voies Navigables de France du Département du Nord est à cet usage et prélevée sur L hui propriétaire d’environ (VNF) et aux communes. une collectivité territoriale le prix de chaque construction 2000 hectares de milieux naturels créée à la Révolution réalisée sur le périmètre exceptionnels. Le Conseil général L’originalité de l’action départe- et qui prend de réelles départemental. Celle-ci peut du Nord a instauré des zones mentale réside, entre autres, dans compétences au cours des lois varier de 0 à 2 %. Fixé à 1 % de préemption sur les cantons la gestion de ses propriétés. Il éla- de décentralisation (1982). en 1979, ce taux a augmenté littoraux, au profit du bore ainsi les plans de gestion Décidée à la fin des années de 1,2% en 2003 (soit une Conservatoire de l’Espace Littoral et réalise lui-même les opérations 1970, la politique de conser- recette annuelle d’environ et des Rivages Lacustres. de gestion et de requalification vation des espaces naturels 6 à 7 millions d’euros) écologique de ses espaces et de dans le Département du Nord • à instaurer des zones Les terrains acquis lui sont en effet ceux du Conservatoire du Littoral. s’appuie, comme dans de préemption à leur profit revendus. Par convention avec L’action du Département relative de nombreux Départements, sur les espaces naturels pour ce dernier organisme, le Départe- aux milieux tourbeux peut sur la Taxe Départementale les acquérir, les protéger, ment du Nord est également se décomposer en deux points des Espaces Naturels Sensibles les gérer et les ouvrir gestionnaire de 616 hectares forts qui déclinent la procédure (TDENS). au public, de dunes appartenant au Conser- d’aménagement des sites Espaces • à préserver les chemins vatoire du Littoral dont la Réserve Naturels Sensibles (ENS). Les Départements de randonnée dans le cadre Naturelle de la dune Marchand. Après une phase d’acquisition, sont en effet les seules du Plan Départemental La collectivité départementale cette procédure se poursuit par collectivités autorisées : des Itinéraires de Promenade est également gestionnaire de une phase d’inventaire, de travaux et de Randonnée. quelques espaces appartenant aux et/ou de gestion.

Mars 2007 / N°13 / L’écho des tourbières 13

USAGES ET ACTEURS DES TOURBIÈRES

Des acquisitions ciblées sur le patrimoine naturel

La principale action du Département concernant la conser- vation du patrimoine naturel correspond à une démarche active d’acquisition d’espaces naturels. Bénéficiant d’une taxe affectée à cet usage ainsi que de servitudes d’urbanisme (zones de préemp- tion), le Département du Nord s’est rendu propriétaire d’environ 2000 hectares d’espaces naturels qui correspondent majoritairement à des espaces boisés et des zones humides et des friches minières. Les zones de préemption répartie- sur près de 35 sites forment un ensemble de près de 7000 ha dans lesquels la modification de l’usage du sol est figée (PLU compatible avec des espaces naturels). 60 % Boulaie à sphaignes, Mont des Cats, [59] (Photo : G. Lemoine) des acquisitions réalisées ont été effectuées au sein de ces zones de • la vallée de la Scarpe, au sein protection foncière entreprise par cifié de . Les acquisitions préemption. 40 % des acquisitions du PNR Scarpe-Escaut où le PNR des Caps et Marais réalisées par le Département sont ont été faites à l’extérieur des zones le Conseil général a instauré en d’Opale sur les marais du ensuite revendues au Conservatoire de préemption (à proximité ou 1991 une zone de préemption sur Romelaëre et de Bonneghem. Une du Littoral en fonction d’échéan- non) en fonction d’opportunités la grande Tourbière de zone de préemption de 86 ha est ciers préalablement établis. locales et dans le cadre de négocia- Marchiennes (40 ha) et s’est rendu ainsi créée sur la commune Il s’agit ici d’une simplification tion à l’amiable. propriétaire d’environ 10 ha de cet de Nieurlet. 4 ha sont aujourd’hui de procédure (un seul propriétaire La protection des zones tourbeu- espace naturel exceptionnel. acquis. Au fur et à mesure de leur à terme) et d’un partenariat exem- ses concerne principalement trois La protection de cet ensemble acquisition, les espaces départe- plaire pour lequel le Département secteurs : se poursuit vers l’ouest sur mentaux seront intégrés à la réalise au profit du Conservatoire • la vallée de la Sensée où la commune de (15 ha Réserve Naturelle Nationale du Littoral un portage foncier et une le Conseil général, en accord avec en préemption). A la demande du Romelaëre en cours de créa- avance de trésorerie. les conseils municipaux des du PNR, le Département s’est tion. La zone de préemption Le Conservatoire du Littoral n’a communes concernées, a ainsi également rendu propriétaire, à correspond, quant à elle, au pas de mission de gestionnaire : instauré 603 hectares de zones de l’amiable, de 3 ha de marais périmètre de protection élargi. la gestion des terrains est confiée préemption. Malgré un parcellaire en bordure de Scarpe sur la com- au Conseil général. 616 hectares complexe et de très forts usages de mune de Vred. Ces espaces du Conservatoire du Littoral bénéfi- pêche et de chasse, aujourd’hui protégés, contigus Un partenariat cient ainsi de la gestion départe- 6 ha ont été acquis et 30 ha sont à la Réserve Naturelle Volontaire avec le Conserva- mentale entreprise au titre des ENS. en cours d’acquisition principale- de la Tourbière de Vred complè- Les dunes flamandes (dunes ment sur les communes tent la protection de ce joyau toire du Littoral Dewulf, Marchand et du Perroquet de , et régional. Une démarche identique sur les communes de Arleux. Sur cette dernière protége les abords de la Réserve De sa propre initiative ou à , Ghyvelde, commune, un aménagement et un Naturelle Volontaire du Pré des la demande du Conservatoire et Bray-Dunes) aujour- circuit d’interprétation ont été Nonnettes (2 ha aux Nonnettes et 4 de l’Espace Littoral et des Rivages d’hui protégées (500 ha) réalisés (voir encadré). La créa- ha dans le marais voisin du Vivier). Lacustres, le Département a égale- accueillent en leur sein des com- tion des servitudes d’urbanisme ment instauré des zones de préemp- plexes paratourbeux (pannes (zones de préemption) sur ce • la cuvette audomaroise où, tion sur les cantons littoraux dunaires) qui font également secteur ont eu lieu majoritaire- en 1996, le Conseil Général de façon à protéger les dernières l’objet de l’attention des services ment au début des années 1990. du Nord a décidé de compléter la dunes flamandes et le cordon décal- départementaux. La première

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USAGES ET ACTEURS DES TOURBIÈRES

Des opérations volontaristes de restauration écologique et de gestion Menacés par un assèchement progressif dans les vallées de la Scarpe et de la Sensée, les habitats tourbeux des propriétés départe-mentales font l’objet de diverses opérations de gestion (lutte contre l’enfrichement spontané par coupe régulière des Saules cendrés menaçant de transformer de nombreuses végétations de rose- lières en systèmes pré-forestiers). Des fauches avec exportations sont également réalisées pour rajeunir ces derniers milieux et éviter un atterrissement trop rapide et une modification des cortèges végé- taux (rudéralisation progressive). Le site de la grande Tourbière de Marchiennes a également fait Brûlage de rémanents à la tourbière de Marchiennes (Photo : G. Lemoine) l’objet d’une importante opération de requalification écologique par démarche du Département au titre ssance du patrimoine naturel, Potamot luisant, Potamot crépu l’évacuation en mars 2002 d’un de la conservation des milieux des enjeux de leur conservation et et Myriophille verticillé, remblai de 2000 à 3000 m3 issu tourbeux comme de l’ensemble une hiérarchisation de ces objectifs. • Saulaie arbustive inondable du creusement d’un étang afin de la faune, de la flore qui les Des inventaires de la flore mésotrophe à Saule cendré, dans sa de restaurer et d’agrandir spaciale- caractérisent et des habitats qui et des habitats sont réalisés dans variante à Thélipétride des marais. ment les végétations caractéristiques les composent correspond donc ce sens par le Centre Régional de Pour les dunes flamandes, de tourbières alcalines présentes sur à la protection foncière des milieux Phytosociologie agréé/ Conser- les milieux remarquables de place. Sur le littoral, les habitats naturels. vatoire Botanique National de l’hydrosère sont les habitats carac- des bas-marais alcalins (pannes Bailleul à la demande du Conseil téristiques des bas-marais alcalins : paratourbeuses) font également général. Les habitats les plus remar- • bas-marais mésotrophes inonda- De la connaissance l’objet d’opération de gestion et quables protégés par le Département bles de bas niveau à Eleocharis des de restauration depuis 15 ans. à la protection des se situent sur Marchiennes et dans marais et Joncs articulés, Aux premiers débroussaillements les dunes flamandes. • végétations des sables humides à milieux tourbeux pour restaurer des pannes dunaires, Centaurées littorales et Sagines se sont succédées des opérations Pour la grande Tourbière noueuses, La protection et la restauration de déboisements mécaniques, de Marchiennes, il s’agit principa- • bas-marais à Laîches à trois ner- des milieux naturels est l’un d’étrépages et de terrassements lement de communautés végétales vures, des objectifs de la politique pour recréer de vastes dépressions représentatives des contextes • bas-marais dunaires alcalins départementale. La déclinaison temporairement inondables. de marais tourbeux alcalins : à Laîches naines et Parnassies d’opérations de gestion ou de Les diverses opérations ont permis • roselières mésotrophes à Gesse des marais. restauration écologique entreprises de montrer la bonne capacité des marais et Lysimaque commune D’intérêt moindre, des habitats sur des propriétés gérées au titre qu’ont les milieux dunaires (habitat exceptionnel menacé malheureusement dégradés car en de la politique des ENS s’effectue à se restaurer grâce à la présence de disparition à l’échelle régionale), voie d’assèchement sont égale- dans le cadre de plans de gestion d’importantes banques de graines • végétation amphibie à Samole ment présents sur le site départe- rédigés selon la méthodologie de (crypto-potentialités). l’Atelier Technique des Espaces de Valérand, Baldellie fausse- mental d’Arleux : Naturels (ATEN) du Ministère renoncule et Jonc articulé, • frênaie alluviale nitrophile, *Département du Nord, de l’Environnement et du Dévelop- • végétation annuelle exondée • frênaie alluviale méso-hygrophile Service Espaces Naturels Sensibles (Direction du Sport, du Tourisme pement Durable. La rédaction à Souchet brun, eutrophe à Cirse maraîcher, et des Espaces Naturels), des objectifs de conservation • herbier aquatique des eaux • aulnaie-frênaie alluviale à 59047 Lille Cedex. Tel. 03 20 63 57 47 s’appuie sur une bonne connai- moyennement profondes à Laîches des rives.

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USAGES ET ACTEURS DES TOURBIÈRES La gestion des pannes paratourbeuses du littoral du Nord Guillaume Lemoine*

de pannes humides gérées à plus de 12 ha. Sur certaines pannes, les populations d’Epipactis palus- tris, initialement en effectif faible, Restauration comptent maintenant quelques d'un bas-marais milliers de pieds. Gentianella uligi- alcalin dans nosa et Herminium monorchis la réserve naturelle ont été retrouvés respectivement nationale de la Dune Marchand en 1991 et 1992 dans la dune par débroussaille- du Perroquet, Equisetum variega- ment et légers tum et Blysmus compresus en 1996 terrassements dans la dune Dewulf. Les débrous- (photo : G. Lemoine) saillements mécanisés de plusieurs hectares de fourrés dans la Dune Depuis dix-sept ans, Corrélativement, les activités agrico- rent, accompagnées par Parnassia Marchand, suivis de la restauration l’équipe départementale les pratiquées dans les dunes furent palustris. Ces débuts prometteurs de dépressions humides par décapa- réalise une gestion progressivement abandonnées encouragèrent à "ouvrir" d’autres ge des horizons superficiels, ont engagée des dunes (jardins et cultures dans la Dune pannes sur 10 à 20 m2. permis également la réinstallation bordières, propriété du Marchand, pâturage du Westhoek). Fort de ces premières expériences, de Centaurium littorale, Blackstonia Conservatoire du littoral. La modification du rythme le Département a fait l’acquisition perfoliata, Samolus valerandi, La Dune Marchand des précipitations, conjuguée aux d’un matériel adéquat (motofau- Sagina nodosa, Carex trinervis, (110 ha, dont 83 ha activités entraînant un assèchement cheuse et véhicule à quatre roues Carex scandinavica, ainsi que en réserve naturelle), Gnaphalium luteoalbum dés la Dune Dewulf (205 ha) progressif des milieux humides motrices et pneus basse pression) la première année après les travaux. et la Dune du Perroquet dunaires, a conduit à la fermeture afin de traiter des surfaces plus (250 ha) qui forme complète des pannes paratourbeuses grandes par la coupe des argousiers Au cours de la troisième saison un vaste ensemble dunaire jusqu’alors préservées par de réguliè- et autres espèces des fourrés dunai- de végétation, l’arrivée des premiers d’un seul tenant avec res inondations en période hivernale. res et leur évacuation hors du milieu pieds de Parnassia palustris sur la Réserve naturelle d’État pour éviter l’eutrophisation. des zones entièrement recréées a été du Westhoek (340 ha à Les premières opérations de gestion constatée. De Panne en Belgique) Des interventions ont donc consisté en la réouverture hébergent un groupe d’un maximum de pannes coloni- Ces très bons résultats qui furent important des pannes manuelles à une sées par des argousiers de hauteur récompensés par l’obtention d’un (lettes) paratourbeuses mécanisation label de qualité (prix Eurosite du Nord. inférieure à 1 m. Des interventions progressive des de plus grande envergure ont ensuite en 1994), soulignent les très fortes été entreprises pour restaurer potentialités de restauration de ces interventions les milieux occupés par des argou- milieux dunaires grâce à la présence La nécessité siers de plus de 3 m de haut : de la banque de graines en dormance d’une gestion Les premières actions concernant le tronçonnage des fourrés, permettant la reconstitution d’habi- la gestion des pannes para-tourbeuses le ratissage de la matière organique, tats remarquables. Par ailleurs, il peut urgente et des bas marais alcalins ont d’abord l’arrachage des souches, l’étrépage être choisi de créer des milieux été abordées de manière empirique. et décapage ont été pratiqués. pionniers avec une perturbation La colonisation de la Dune En effet, le premier garde Ces opérations ont concerné 5 ha en majeure artificielle équivalente Marchand et des autres massifs du Conservatoire du littoral employé 1994, 8 ha en 1995 et 11 ha en 1996. à celle de perturbations naturelles de par les fourrés a commencé après à la surveillance du milieu commen- grande ampleur telle une tempête. la dernière Guerre Mondiale avec ça, avec l’aide d’une association Recréer des locale, à supprimer sur quelques l’intensification de l’agriculture *Département du Nord, en polders. Celle-ci impliqua mètres carrés les argousiers au milieux pionniers Service Espaces Naturels Sensibles des drainages et pompages forcenés sécateur dans une panne en cours (Direction du Sport, du Tourisme des terres situées sous le niveau de de fermeture. L’année suivante, L’ouverture progressive des milieux et des Espaces Naturels), quelques orchidées (Epipactis palus- a ainsi permis de passer, au cours 59047 LilleCedex. la mer (la commune des Moëres Tel. 03 20 63 57 47 se trouve à -2,5 m d’altitude). tris, Dactylorhiza incarnata) fleuri- des six premières années, de 20 m2

16 L’écho des tourbières / Mars 2007 / N°13 USAGES ET ACTEURS DES TOURBIÈRES

Le Marais de Villiers, l'histoire d'une tourbière arrière-littorale Julie-Anne Jorant*

Statuts du marais de Villiers :

Le Marais de Villiers (Photo : CSNPC) • Sites Inscrits par décret du 13 octobre 1977 • Dans le périmètre de la ZICO n°57 De l'époque gallo-romaine Balançon (les cordons dunaires • ZPS au titre de la Directive européenne 79/409/CEE jusqu'au milieu du Moyen étaient déjà en cours de formation à (Directive Oiseaux) Âge, la Manche, qui arrive la période gallo-romaine, au moins). • Inscrit au Schéma Régional de Protection des Milieux et Paysages lors des plus fortes Les tourbes « littorales », vraisem- Naturels en tant que milieu naturel exceptionnel à protéger à court terme blablement d’âge Atlantique en limi- invasions marines au pied te sud du Pas-de-Calais (Saint-Josse- • Zone humide prioritaire par le SDAGE du bassin Artois-Picardie du plateau crayeux sur-mer), sont situées sur l’estran et • Zone humide d'importance nationale au titre du Plan National de l'Artois, recouvre témoignent de marais arrière-litto- d'Action pour les Zones Humides. une grande partie raux plus anciens, effacés depuis de l'actuelle plaine mariti- longtemps par la remontée des me picarde. Au XIIe siècle, niveaux marins. elle se retire progressive- Dès la fin du Moyen Âge, des tra- ment et la plaine vaux d'assèchement sont engagés et aux importants défrichements, En 2000, un bail emphytéotique maritime picarde exondée sous l'impulsion des moines et le bois se fait rare et, à cette époque, a été signé pour 30 ans afin d'assu- assure l'écoulement vers des fossés accélérant l'évacuation l'exploitation du charbon est balbu- rer la pérennité de cette gestion. la mer de l'eau stockée de l'eau vers la Canche et l'Authie tiante et coûteuse. Au milieu Témoin de l'histoire géomorpholo- e dans l'aquifère crayeux. sont creusés. Le réseau est complété du XIX siècle, avec la découverte gique de la plaine maritime picarde, au XVIe siècle alors que la région dans le Pas-de-Calais, d'importants le Marais de Villiers fait partie es cordons dunaires côtiers est sous influence hollandaise et gisements de houille, l'exploitation d'un vaste ensemble de milieux L situés entre la plaine maritime au XVIIIe siècle, à la fin de l'Ancien de la tourbe se marginalise peu à peu humides qui constitue le dernier picarde et la mer entravent cet écou- Régime, sous l'impulsion du comte jusqu'aux années 1930, où elle cesse système tourbeux alcalin actif de lement. L'engorgement permanent d'Artois. totalement. Le Marais de Villiers est la région Nord - Pas de Calais. du sol par les eaux basiques et riches Ce n'est qu'au début du XIXe siècle une partie de ce vaste ensemble de en éléments minéraux des aquifères, que commença l'extraction de prairies et marais tourbeux arrière- Après une longue utilisation emprisonnés entre les couches tourbe dans la région des bas- littoraux (20,6 ha). En 1997, des secteurs les plus portants pour de sable et d'argile qui constituent champs. Exploitée à la bêche la commune de Saint-Josse, le pâturage, les exploitants tentèrent les bas-champs, favorisent la forma- et en mottes, elle est alors propriétaire du site, a confié sa de réorienter cet usage. Un impor- tion de tourbe. De vastes marécages tourbeux s’installent alors en parti- le combustible le plus accessible et le gestion par convention pour 10 ans tant réseau de drainage fut mis culier entre la Canche et l’Authie : plus économique. En effet, suite au Conservatoire des Sites Naturels en place et des essais de culture de les marais de Cucq-Villiers et à l'augmentation de la population du Nord et du Pas-de-Calais. maïs furent tentés sans succès.

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USAGES ET ACTEURS DES TOURBIÈRES

ment aisée dans la partie occupée par des prairies (mise en place d'un pâturage extensif bovin en partenariat avec un éleveur local, après fauche de restauration), elle fut quasiment impossible dans le marais tourbeux. La configuration du site (en "L" avec un seul point d'entrée) et l'absence de portance n'ont pas permis de mettre en œuvre les travaux de débroussaillage et de fauche prévus (hormis quelques actions ponctuelles). Enfin, le calendrier de la chasse (chasse au gros gibier et gibier d'eau, par un locataire) s’ajoute aux calendriers de floraison et de nidification, ne laissant qu'un laps de temps très court pour toute intervention.

Les bilans, dressés dans le cadre du renouvellement du plan de gestion (2004-2008), nous ont fait sentir l'urgence d'une interven- tion dans la zone tourbeuse : les habitats se ferment de façon sen- sible devant l'avancée de la roselière. Si les objectifs ont été conservés, les opérations ont été révisées (interventions sur des superficies plus restreintes dans les secteurs d'intérêt patrimonial fort). Un partenariat a également été Aperçu des layons de chasse fauchés annuellement dans le bas-marais alcalin. Ces végétations à Jonc à fleurs obtuses et Ecuelle d'eau développé avec les chasseurs pour sont couvertes au printemps des floraisons de la Scorzonère humble et du Dactylorhize négligé. (Photo : B. Gallet, CSN 59/62) que le tracé des layons reliant les platières change tous les ans. L'échec des pratiques culturales et amphibies sont de grande qualité régional, parmi lesquelles Comarum Les produits de fauche sont exportés permit la reprise partielle du pâtura- (herbiers aquatiques à Utricularia palustre et Sparganium minimum, par le Conservatoire. De cette façon, ge qui se confine désormais à l'ex- minoris et Utricularia vulgaris, gravement menacés d'extinction ; au terme des 5 ans, l'ensemble trémité nord du marais de Villiers. végétations pionnières à de cette zone aura été fauchée. Cette histoire et ces différents usages Characées…). Les prairies oligotro- • sur le plan faunistique, le site ont contribué à créer des milieux phes sont dominées par Juncus constitue une zone de nidification Bibliographie Laurent, S., 1998 exceptionnels. inflexus et Pulicaria dysenterica, exceptionnelle pour de nombreuses Plan de gestion du Marais de Villiers 1998- par Hydrocotyle vulgaris et Juncus espèces d’oiseaux (Porzana 2003. Conservatoire des Sites Naturels du Au sein de cette tourbière, retenue subnodulosus dans les secteurs porzana, Botaurus stellaris, Circus Nord et du Pas-de-Calais, 218 p. comme tourbière d'intérêt primor- les plus hygrophiles. aeruginosus, Luscinia svecica, etc.) ; Jorant, J.-A., 2004 dial au niveau national, se développe les libellules comportent des espèces Plan de gestion du Marais de Villiers Les enjeux liés aux espèces 2004-2008 (renouvellement), Conserva- une mosaïque complexe d'habitats d’intérêt régional (Ceriagrion toire des Sites Naturels du Nord et du parmi les plus représentatifs présentes sont à la hauteur tenellum et Libellula fulva). Pas-de-Calais, 225 p. du système turficole atlantique : des habitats évoqués : Les cariçaies abritent Vertigo complexes de tremblants et radeaux • sur le plan floristique, on note moulinsiana et Vallonia enniensis, flottants à Menyanthes trifoliata la présence d’espèces de la Directive mollusques d'intérêt commu- et Pedicularis palustris, bas-marais « habitats » (Liparis loeselii nautaire. La prairie héberge *Conservatoire des sites naturels à Schoenus nigricans ou Cladium et Apium repens), d'une espèce la seule station régionale connue du Nord et du Pas-de-Calais, 152 boulevard de Paris, mariscus, cariçaie à Carex lasiocar- protégée au niveau national de Chorthippus montanus. 62190 Lillers, pa. Au sein de cet ensemble (Ranunculus lingua) et de Si la mise en œuvre du premier plan Tél. 03 21 54 75 00 tourbeux, les habitats aquatiques 25 espèces protégées au niveau de gestion (1998-2003) fut relative-

18 L’écho des tourbières / Mars 2007 / N°13 USAGES ET ACTEURS DES TOURBIÈRES

Partenariats pour la préservation des tourbières de la Canche Mathieu BREDECHE*

Vue de la Réserve Naturelle Régionale du Marais de la Grenouillère (62) bassin versant de la Canche, rivière de la Ternoise Photo : Mathieu Bredèche

e Conservatoire des Sites morte délimitant le plateau sont plus de 200 ha de marais à la mise en place d’une gestion L Naturels a engagé, depuis crayeux. La valeur patrimoniale alluviaux accueillant des plages conservatoire sur ces secteurs 2003, une collaboration avec le du bassin tient également en tourbeuses qui ont été étudiés. de tourbières. Les rencontres Syndicat mixte pour la mise en la présence de l’un des derniers Sur l’ensemble des sites, l’équipe entre le Conservatoire, les élus, œuvre du SAGE de la Canche. secteurs de tourbières fluvio- du CSN a recensé 16 habitats, les usagers et la Fédération Ce partenariat s’est tout d’abord gènes de la région, distribuées 17 espèces animales (odonates, de pêche et de protection traduit par la réalisation en petits secteurs le long de amphibiens et reptiles, oiseaux, des milieux aquatiques du de l’Inventaire des zones humi- la Canche (en moyenne vallée orthoptères) et une cinquantaine Pas-de-Calais sont d'ores et déjà des alluviales, entrepris dans plus particulièrement). d’espèces végétales identifiées un élément de réussite du travail le cadre de l’élaboration En 2004, les actions de recher- comme remarquables en région entrepris depuis 2003 aux côtés de l’état des lieux du SAGE. che se sont plus spécifiquement Nord-Pas-de-Calais. Les secteurs des animateurs du SAGE Plus de cinquante sites ont ainsi portées sur dix sites. Ceux-ci de tourbière alcaline et les plages Canche. été identifiés sur les 1275 km2 ont fait l’objet d’une description tourbeuses de fond de vallée du bassin versant. Ces sites du fonctionnement hydrolo- concentrent la plus grande part ** CSN 59/62, 2004 - Plan d’actions sont constitués de bas-marais, gique, d’un premier inventaire de cette biodiversité. pour la préservation des zones humi- de prairies hygrophiles, de du patrimoine naturel et des du bassin versant de la Canche. d’une enquête sur les usages Ces inventaires ont permis CSN, SAGE Canche, Agence de l’Eau boisements alluviaux, d’étangs ; Artois-Picardie, DIREN, Conseil les tourbières et zones tourbeu- et les pressions exercées sur au Conservatoire des Sites régional, , 79 p. ses représentent environ 1/5 le milieu**. Parmi ces sites, Naturels d’initier une phase de l’ensemble. Le périmètre se trouve tout d’abord le marais de concertation avec les munici- du SAGE comprend un large communal de Cucq, secteur palités et les usagers et d’ouvrir secteur de la Plaine maritime de tourbière alcaline jouxtant les discussions autour des *Conservatoire des sites naturels picarde, constituant un com- le Marais de Villiers (géré par modes de gestion et de du Nord et du Pas-de-Calais, plexe remarquable de tourbières le Conservatoire des Sites la préservation de ces sites. 152 boulevard de Paris, alcalines (marais de Cucq- depuis 1997). En moyenne Depuis début 2005, une série 62190 Lillers, Villiers-Balançon), situé entre- Canche ensuite, sur Contes, de partenariats est ainsi mise Tél. 03 21 54 75 00 les massifs dunaires et la falaise et Brimeux, ce en œuvre et pourrait mener

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UNE FAUNE ORIGINALE

La Grenouille des champs (Rana arvalis Nilsson 1842), une espèce exceptionnelle localisée aux tourbières en région Nord - Pas-de-Calais J. Godin1, G. Lemoine2 & M. Marchyllie3

La Grenouille des champs est une espèce exception- nelle de la faune française que l’on rencontre en région Nord Pas-de-Calais et pour laquelle on ne possède pas d’observa- tions très anciennes ; elle n’est citée ni par de Norguet (1871), ni par Giard (1899). La première mention est rapportée par Lantz (1924) qui signale sa présence dans l’Est du département du Nord en forêt de Fourmies et à La grenouille des champs Rana arvalis à la Réserve de la Tourbière de Vred (59) (Photo : J. Godin) . Statut de L’espèce aurait aussi été notée en commune du même nom (Vred, chard, 1998 et 1999 ; Basso et Artois-ouest, dans le Boulonnais Nord) localisée sur le territoire Baliga, 2000). Depuis les dernières la Grenouille (Delecourt in litt.) où sa présence du Parc naturel régional Scarpe- restaurations des douves s’y sont reste à confirmer. Escaut. ajoutées des formations à Utricula des champs Les populations les plus proches En 1988, 41 hectares sont classés sp. et Lemna trisulca (Marchyllie dont le maintien a été récemment en réserve naturelle volontaire non publié). Les cortèges fongiques Elle n’a pas été retrouvée lors vérifié sont localisées en Belgique, à l’initiative de la commune et comportent 15 espèces uniques des prospections réalisées pour dans les Flandres (Bauwens et du parc. Depuis ces terrains, pour le Nord - Pas-de-Calais l’élaboration du premier atlas régio- Claus, 1996) et en France, en Alsace communaux en grande majorité, (Bouckehove, 2001). Les groupes nal (Kerautret, 1987) et national (Barbery & Thiriet, 1999) où l’espè- font l’objet d’une gestion déléguée faunistiques tant vertébrés : (Anonyme, 1989), ni lors des ce est extrêmement localisée et au parc naturel régional, déclinée amphibiens (Belot et Chatelain, prospections ultérieures (Kerautret, en forte régression (Thiriet in litt.). dans un plan de gestion (Golemiec, 1998 ; Caby et Constantin de 1991 et Kerautret, 1996). Dans ce contexte, la Grenouille des 1998) et axée sur la restauration Magny, 1999 ; Dhennin et al., 2001), Néanmoins, Parent (1981) fait champs est donc une espèce rare, de la tourbière alcaline, des espaces oiseaux (Gajocha, 1998 ; Brimont, figurer la Grenouille des champs localisée et en danger. La reproduc- de roselières, de prairies et de tour- 2002) qu’invertébrés : invertébrés de parmi les espèces dont la présence tion de la Grenouille des champs bières à sphaignes. la litière (Flechet et al.), mollusques est à confirmer dans le Nord - a été confirmée à Vred en 2003 (Clanzig, 1998 ; Cucherat, 2000), Pas-de-Calais. En 1999, une popula- par Marchyllie (non publié) et Trente trois unités de végétation en particulier Vertigo moulinsiana tion de Grenouille des champs à Marchiennes en 2003 par Rondel et près de 300 espèces végétales (Cucherat, 2000), araigneés (Emerit a été découverte dans la Tourbière de et Scrève (2003). composent le cortège floristique et Ledoux, 1999), odonates Vred (Caby et Constantin de Magny, de cette zone humide excep- (Vanappelghem et Gajocha, 2001 ; 1999, Caby et al., 2000) ; une autre La Tourbière tionnelle avec Carex lasiocarpa, Pratte, 2002), orthoptères (Le Bihan- population a été signalée la même Ceratophyllum submersum, Clad- Morel, 1998), coléoptères (Rataj année à la Grande Tourbière de Vred ium mariscus, Lathyrus palustris, et Pollet, 1998 ; Soldati, 2000), de Marchiennes à quelques 3 km Thelypteris palustris, Menyanthes lépidoptères (Demerges, 2000), de la Tourbière de Vred par La tourbière de Vred est un site trifoliata, Senecio paludosus, sont tout aussi diversifiés et illustrent Kerautret (Kerautret in litt.). de plus de 50 hectares situés sur la Ranunculus lingua, etc. (Blan- pleinement l’intérêt national et euro-

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UNE FAUNE ORIGINALE

La Tourbière de Vred (59) (Photo : F. Brimont) péen de ce site. A la demande du Lathyrus palustris et Lysimachia 7 hectares supplémentaires ont été un microclimat de type continen- Parc, le Département a complété la vulgaris. Cette partie accueille éga- acquis à proximité. Il s’agit d’une tal (Caby et al, 2000). protection de cet ensemble remar- lement quelques végétations arbus- aulnaie alluviale avec quelques La rareté de l’espèce est donc quable par l’acquisition de 3 hecta- tives d’intérêt patrimonial comme mégaphorbiaies à Senecio paludo- probablement liée à la rareté res de roselière contiguë à l’espace la saulaie arbustive sus (Baliga et Thérèse, 2002). de son habitat. Les dangers communal en bordure de Scarpe. inondable mésotrophe à Salix cine- encourus par la Grenouille Le Parc a, quant à lui, contractualisé rea et Thelypteris palustris accom- L’habitat de la des champs proviennent du faible avec la commune d’autres parcelles pagnée de quelques belles aulnaies nombre de stations occupées, jouxtant la réserve. alluviales (Seytre, 1999). Les cein- Grenouille des de leur spécificité et du faible tures exondées et amphibies en champs, mena- nombre d’individus. Ces trois Le Grande bordure d’étangs sont facteurs conjugués rendent également dignes d’intérêt avec ces, protection les populations fort sensibles Tourbière de la présence de Samolus valerandi, et gestion à toute forme de modification Marchiennes Baldiella ranunculoides, Hydro- de l’habitat et de dérangement. cotyle vulgaris, Cyperus fuscus. Dans les sites où sa présence est Ils ne permettraient probablement Egalement située dans le territoire Au niveau faunistique mention- avérée, la Grenouille des champs pas la recolonisation d’un site en du PNR Scarpe-Escaut, la Grande nons la présence de Vertigo mou- occupe un habitat très particulier, cas d’extinction de sa population. Tourbière de Marchiennes forme linsiana (Cucherat, 2001), caracté- constitué de roselières (phragmi- Rondel et Scrève (2003) qui un ensemble de près de 50 hecta- ristique des peuplements inonda- taies et cariçaies) et de bétulaies à avaient étudié la possibilité res. La partie centrale de 39,7 hec- bles à laîches en situation alcaline. sphaignes en milieu acide ou d’un fonctionnement métapopula- tares bénéficie d’une servitude basique à Vred, de roselières tionnel entre la tourbière de Vred d’urbanisme (zone de préemption) La première acquisition départe- (phragmitaies, cladiaies et cari- et celle de Marchiennes concluent instaurée en 1991 au profit du mentale sur ce site remonte çaies) qui peuvent être sous peu- que cette éventualité est peu Conseil général du Nord. au 30 mai 1997. Elle correspond pleraies ou envahies par des sau- probable compte tenu des obsta- Composée majoritairement à l’acquisition d’un étang de chas- les à Marchiennes. Ces habitats cles quasi infranchissables de roselières à Cladium mariscus se et de pêche et de ses abords sont localisés dans des anciennes qui séparent les deux sites et de roselières mésotrophes à sur 2,89 hectares. Aujourd’hui, exploitations de tourbe où règne (une rivière canalisée avec une

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douces sur les berges sud de l’é- tang, du creusement de deux mares et de la fermeture d’une queue d’étang avec de la végéta- tion pour l’isoler du plan d’eau profonde de façon à en faire une zone favorable à la reproduction à l’abri des poissons. L’évaluation des effets des travaux de gestion réalisée n’a pas permis de montrer la présence de la reproduction de la grenouille des champs sur le site départemental notamment dans les espaces aménagés dans ce sens (Rondel et Scrève 2003). Ce site n’apparaît que comme un site estival d’alimentation.

En revanche, la reproduction de la grenouille des champs a été La grenouille des champs Rana arvalis (Photo : J. Godin) mise en évidence dans un espace privé situé à proximité immédiate écluse sur le parcours entre les tion de ces deux sites (Golemiec, ment ses habitats se modifier. du site départemental. Site qui ne deux sites, deux routes à circula- 1999 ; Alfa, 2005 ; Hildebrand et Les roselières sont progressive- bénéficie aujourd’hui d’aucune tion intense, une zone de cultures Lemoine, 2001) prennent évi- ment envahies par les fourrés protection. Ce dernier est une et une agglomération !). demment en compte l’entretien, arbustifs et les sols de moins en peupleraie installée sur une cari- Les mesures essentielles de pro- voire la restauration des habitats moins inondés ont tendance à se çaie, et exploité l’hiver qui a suivi tection sont donc la conservation de la Grenouille des champs. minéraliser ce qui entraîne le la découverte du lieu de reproduc- et la gestion des habitats. développement progressif d’une tion de la grenouille des champs Il convient en particulier de veiller Le plan de gestion mis en œuvre végétation nitrophile. (hiver 2003-2004). Suite à cette à la qualité de l’eau en évitant tout dans la tourbière de Vred déve- modification provisoire du milieu apport susceptible de la modifier, loppe essentiellement des opéra- Les principales opérations de le rendant plus favorable à l'espè- de limiter le boisement des rose- tionsgestion, en dehors de la pose ce (retour à la cariçaie sous les lières (phragmitaies, cladiaies et de restauration d’habitats naturels de vannage réalisé par le Parc jeunes arbres replantés), la cariçaies), de restreindre le déve- (roselières phragmitaies, cariçaies naturel régional pour éviter un Grenouille des champs a été loppement des saules et des bou- et mégaphorbiaies) par limitation fort assèchement d’août à octobre, recontactée aux printemps 2004 et leaux dans les saulaies-bétulaies à de la strate ligneuse couvrant plus consistent en la coupe régulière de 2005 (Rondel comm. pers.) sphaignes à Vred et des peupliers de 40% de la tourbière en 1998. la végétation arbustive et la fauche Pour écarter les menaces qui et des saules à Marchiennes. Le maintien des habitats à valeur ponctuelle des roselières avec pèsent sur le site de reproduction, Les deux tourbières occupées et d’intérêt patrimonial et écolo- exportation des produits de coupe, le Département envisage de créer par la Grenouille des champs sont gique est un objectif prépondérant de façon à limiter l’apport de une mare à proximité, sur l’une, un espace communal classé des actions de gestion menées. matière organique et l’atterrisse- les propriétés départementales, en réserve naturelle volontaire En 2004, plus de 40% du site ment du milieu. Une importante de manière à assurer de façon (Tourbière de Vred) dont la ges- (20 ha) ont fait l’objet de restaura- opération de restauration écolo- pérenne le maintien de cette tion incombe au Parc naturel tion des écosystèmes et habitats. gique a également eu lieu en mars population en lui offrant d’éven- régional Scarpe Escaut ; l’autre Un important travail a été 2002. Elle a consisté en l’évacua- tuels espaces de substitution. (Grande Tourbière de entrepris sur la fonctionnalité tion de remblais issus de l’agran- Marchiennes), un terrain concer- hydraulique de la zone humide dissement de l’étang, couvrant né par une zone de préemption (analyse, travaux importants une surface de 2 000 à 3 000 m2 Conclusion dont une petite partie a déjà été et mises en place d’ouvrages). pour la remplacer par des milieux acquise au titre de la TDENS par marécageux : jonçaie, cariçaie, et perspectives le Département du Nord respon- Subissant également l’impact etc. (Lemoine in Le Bihan et sable de sa gestion et concerné par d’un abaissement généralisé Birard, 2004). Quelques opéra- Les risques d’agression environ- un travail partenarial avec un pro- des niveaux d’eau dans la Vallée tions particulières ont été réalisées nementale sont donc bien réels priétaire et le parc (gestion inté- de la Scarpe, la Tourbière pour la Grenouille des champs. Il et avérés dans la Grande grée de l’eau). Les plans de ges- de Marchiennes voit progressive- s’agit de la création de pentes Tourbière de Marchiennes ; néan-

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moins, trois points forts permet- et les gestions proposées sur /Anonyme, 1989 - Castanet, J. et aériennes de Phragmites australis, 32 p. tent d’envisager des perspectives les habitats naturels de Guyetant R. (eds.). Soc. Herpét. de Gajocha R., 1998 - Invent. avifaunis- France, Paris, 191 p. / Baliga M.-F. & tique prélim. de la RNV de la Tourbière favorables. Le programme de pro- la Grenouille des champs contri- Thérèse, F. 2002- CG de Vred (Nord), 8 p. / Giard A., 1899. - tection et de gestion des zones bueront au maintien, voire à l’aug- du Nord/CRP-CSN de Bailleul, 60 p./ Giard, Boulogne-sur-mer, 466-469. / humides, développé par le parc, mentation des effectifs des popu- Barbery J. & Thiriet J. 1999- Bufo Golemiec F. 1998 -USTL, ENR, PNR permet aujourd’hui d’assurer une lations inféodées à ces deux Contacts, feuillet de liaison 1 : 8 p. / Scarpe-Escaut, 100 p. / Hildebrand Ch., Basso F., Baliga M-F., 2002 - Lemoine G., 2001 ˆCG du Nord, 16 p. fonctionnalité hydraulique de ces tourbières, condition essentielle CRP/CBNB, 61 p. / Bauwens D. / Kerautret L., 1987 - Le Héron, 20, 1 : deux zones humides. Les deux à leur survie ; souhaitons aussi & Claus K., 1996 - De Wielewaal, 9-16. / Kerautret L., 1991 - Le Héron, sites bénéficient d’un statut qu’elles profitent aux autres Turnhout, 192 p. / Belot J., Chatelain E., 24, 1 : 46-47. / Kerautret L., de protection (RNV pour espèces qui la côtoient dans 1998 - Invent. des amphibiens et repti- 1996 - , AMBE, 47-56. / Lantz les dans le périmètre du PNR Scarpe- L.A., 1924 - Rev. Hist. Nat. Appl., 5, 3 : la Tourbière de Vred et ENS les mêmes milieux : Leucorrhinia Escaut, 30 p . / Blanchard F., 1998 & 76-86. / Le Bihan J., Birard C. [coord.], pour une partie de la Grande pectoralis et Vertigo moulinsiana. 1999 - Tourbière de Vred, CSN de 2004 - Féd. des PNR, 136 p. / Le Bailleul, 13 p. & 31 p. / Bouckehove Bihan-Morel C., 1998 - Invent. Tourbière de Marchiennes) et 1 - 4, rue du Pont, F-59163 SAINT-AYBERT C., 2001 - Thèse d'état, pharmacie. des orthoptères sur Wavrans/Aa, Elnes, des modalités de gestion y sont Univ. Lille 2, 117 p. / Caby B. & Marais du Romelaëre, Landes appliquées en faveur de l’espèce. 2 - Service des Espaces Constantin de Magny G. 1999 - Mém. d‚Helfaut, carrières d‚, Naturels Sensibles MBPE, ENR, PNR Scarpe-Escaut et Tourbière de Vred et Pré des Nonnettes, Département du Nord, Enfin, les deux zones humides F-59047 Lille Cédex USTL, 24 p. / Caby B., Constantin de extraits. / Norguet A. (De) 1871 - Bull. Magny G., Godin J. & Marchyllie M., sc., hist. et litt. du départ. du Nord citées sont incluses en totalité 3 - Parc naturel régional 2000 - Bull. Soc. Herpét. de France, et des pays voisins, III, 1 : 18-22. / dans le site « Natura 2000 NPC Scarpe-Escaut 95 : 5-18. / Clanzig S., 1998 - Invent. Parent G.H., 1981 - Bull. mensuel 357, rue Notre-Dame d’Amour, 33-34 » couvrant 2000 hectares de F-59230 Saint-Aamand-Les-Eaux des mollusques continentaux de de la Soc. Linné. de Lyon, 86-111. / la vallée de la Scarpe. Le Parc quelques réserves naturelles de la région Pratte O., 2002 - Invent. odonatologique Nord/Pas de Calais, 23 p. / Demerges de la RNV de la Tourbière de Vred naturel régional Scarpe-Escaut 4 - RNV, devenant des RNR D., 2000 - Et. des peuplements de (Nord), 13 p. / Rataj L., Pollet R., 1998 a réalisé, en tant que coopérateur, (Réserves naturelles régionales). lépidoptères de quatre réserves - Les carabes et autres coléoptères naturelles du Nord de la France, 38 p. / de Vred, 24 p. / Rondel S. & Screve F., le document d’objectifs Natura 5 - Après analyse détaillée 2000 incluant ces deux tourbières du fonctionnement hydraulique Dhennin V., Pont G., Verstraete E., 2001 2003 - Mém. MBPE, CG du Nord et des contraintes. - site Natura 2000 NPC034 , 25 p. / et USTL, 86 p. / Seytre L., 1999 - CG exceptionnelles en lien avec Emerit M., Ledoux J.-Cl., 1999 - Contr. du Nord/ CRP-CBNB, 21 p. / Soldati les propriétaires publics et privés. à l‚ét. du peuplement d‚araignées F., 2000 - Etude des peuplements Ce travail a abouti à la validation et d‚opilions de 4 formations naturelles de coléoptères terricoles de quatre du document d’objectifs Natura Bibliographie : du Nord de la France, 60 p. / Flechet T., formations naturelles du Nord Guilleminot H., Truszczak I., Prybylski de la France, 40 p. / Vanappelghem C., 2000 qui sera mis en œuvre. ALFA, 2005 - Bilan des connaissances en 2004 après 5 ans de gestion M., Sarnowski A., 1997 - Les inverté- Gajocha R., 2001 - Etude Espérons que les engagements de la Tourbière de Vred, 41 p. brés de la litière, ét. stat. des parties de la faune odonatologique du PNR

Vertigo moulinsiana (Dupuy 1849) répartition et écologie dans la région Nord-Pas-de-Calais X. Cucherat1 et S. Demuynck2

ertigo moulinsiana (DUPUY l'Aa, la Sensée et la Sambre), sur de Sparganum erectum et Cirsium ole- d'anciennes parcelles maraîchères V 1849), petit escargot en forme petits affluents (la Ternoise, la raceum. Les formations végétales ou soumises au pâturage et dont l'ex- de grain de blé d'une hauteur de 3 Vergne, etc.) et dans les marais tour- qui l'hébergent sont des associations ploitation a été abandonnée il y a une mm est largement réparti en Europe beux arrière littoraux. à hautes herbes hygrophiles sur sub- dizaine d'années. Enfin, plus remar- strats oligotrophes à mésotrophes, quable, Vertigo moulinsiana a égale- mais considéré comme rare (cf. voire eutrophes. ment été découvert dans les fossés annexe II de la Directive "Habitats- Dans la région, ce gastéropode vit principalement dans les marais tour- Dans tous les cas, le sol est très des bas-champs de la plaine mariti- Faune-Flore" 92/43 CEE). Une humide à pH basique. La majorité me picarde et autour d’étangs d’af- étude préliminaire montre que cet beux alcalins où se développent des massifs de grands hélophytes. Il a des formations végétales où vit faissements miniers (Mare à escargot est assez largement répandu aussi été trouvé dans des formations Vertigo moulinsiana se développe Goriaux à Raismes -Wallers, par dans la région Nord - Pas-de-Calais à Salix alba et dans des peupleraies. sur des sols organiques relativement exemple). mais n'est que localement abondant. Il se rencontre sur les grandes laîches peu ou pas remaniés, ou reposant sur Vertigo moulinsiana est surtout actif Il a ainsi été trouvé dans une vingtai- (Carex div. sp. et en particulier des alluvions modernes. En revan- par temps très humide et escalade ne de sites appartenant aux grandes Carex acutiformis et Carex riparia) che, dans les marais du Romelaëre à alors les tiges des végétaux ; en Saint-Omer, il a été trouvé dans des revanche, par temps plus sec, il reste vallées alluviales de la région et Glyceria maxima. Dans les peu- roselières à laîches croissant sur cantonné à la litière végétale. (l'Escaut, la Lys, l'Authie, la Canche, pleraies, il a été observé sur

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L'examen des fecès de quelques individus a montré une grande quan- tité de débris végétaux, d'algues, de spores et d'hyphes de champignons imparfaits, suggérant que l'animal broute le périphyton des tiges de végétaux. Vivant environ un an, il pond probablement dans la litière en période estivale. Des individus éle- vés en laboratoire ont déposé des œufs volumineux, faisant le tiers de l'animal. Les menaces pesant sur l'espèce à l'échelle régionale ne sont pas connues. Elles sont sans doute identiques à celles identifiées dans les pays voisins : pollution, drainage, canalisation des cours d'eau, remblaiements, etc. L'amélioration des connaissances de la distribution et de l'écologie de l'espèce devraient permettre aux gestionnaires de la prendre en compte lors des renouvellements des plans de gestion des réserves naturelles et des espaces naturels sensibles ainsi que lors de la rédac- Carte de la répartition actuelle connue de Vertigo moulinsiana dans la région Nord - Pas-de-Calais en 2004 (données récoltées en partie tion des documents d'objectifs grâce au soutien financier de la DIREN Nord - Pas-de-Calais) (Photo : F. Boca). Natura 2000 (quatre sites régio- naux concernés), dans une optique de protection. En revanche, dans les sites n’ayant aucun statut de Milieux Associations végétales Espèces Code CORINE protection et non soumis à une ges- Junco subnodulosi- roselières à tremblants Utricularia sp. 54-51 tion à vocation conservatrice, la oligotrophe Caricetum lasiocarpae protection de l’espèce semble plus problématique. roselières turficoles Cladietum marisci Cladium mariscus 53-3 magnocariçaies mésotrophes - Carex vesicaria 53-2142

mésotrophe Thelypterido palustris- Thelypteris palustris 1 - GREET Ingénierie, roselières sur tourbe 53-112 Route du Musée, Haringzelles, Phragmitetum australis Phragmites australis F-62179 . eutrophe magnocariçaie - Carex riparia 53-213 [email protected] Habitats où Vertigo moulinsiana a été observé dans la région Nord - Pas-de-Calais. 2 - Laboratoire d'Écologie numérique et d'Écotoxicologie EA3570-FR1818, Bibliographie : Université des Sciences Cucherat X., 2001 - USTL- CG du Nord, 105 p. et Technologies de Lille, F-59655 Villeneuve d'Ascq CEDEX Cucherat X., 2002 - Contr. à la connaissance de l’écologie et de la distrib. région. du mollusque Vertigo moulinsiana et des communautés de mollusques terrest. et aqua. associés, 54 p.

L’écho des toubières est édité par la Fédération des Conservatoires d’Espaces Naturels, dans le cadre de l'animation du pôle relais tourbières du Plan d'action pour les zones humides. Directeur de la publication : Jacques Rousseau-Dufour - Coordination de ce numéro : Virginie Vergne (USTL Lille 1 & CSENPC), Fabien Brimont (Espaces naturels régionaux, Lille), Francis Muller, merci à B. de Foucault (CSENPC) et J. Godin (CSENPC) pour la relecture Conception - Réalisation : JC.AUGÉ - Impression : Simon - ISSN 1286-031X

Pôle Relais Tourbières - 32, Grande Rue - 25 000 Besançon - Tél. 03 81 81 78 64 - Fax 03 81 81 57 32 Mél : [email protected] ; www.pole-tourbieres.org

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