Pratt Et Pratt / Pratt and Pratt
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Document generated on 09/24/2021 5:15 p.m. Vie des arts Pratt et Pratt Pratt and Pratt Virgil Hammock Volume 26, Number 103, Summer 1981 URI: https://id.erudit.org/iderudit/54530ac See table of contents Publisher(s) La Société La Vie des Arts ISSN 0042-5435 (print) 1923-3183 (digital) Explore this journal Cite this article Hammock, V. (1981). Pratt et Pratt / Pratt and Pratt. Vie des arts, 26(103), 45–79. Tous droits réservés © La Société La Vie des Arts, 1981 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Virgil G. Hammock Pratt et Pratt A part sa beauté naturelle, on doit souligner que l'un des aspects les plus intéressants de Sainte-Catherine réside dans l'absence presque complète de distractions. Sauf une couple de petits magasins qui restent ouverts après six heu res, il n'y a guère de vie nocturne à Sainte-Catherine et à Mount Carmel, et encore moins quoi que ce soit qui puisse vaguement ressembler à de l'activité artistique. En 1963, Sainte-Catherine était encore plus isolée. De nos jours, à l'aune de Terre-Neuve, il existe de très bonnes routes entre Saint-Jean et la porte des Pratt mais, à leur arrivée, la plus grande partie du trajet se faisait sur des routes de terre, impraticables la plupart du temps. Ce n'est pourtant pas la beauté naturelle ni l'isolement du lieu qui attirèrent les Pratt à Sainte-Catherine, mais la possibilité d'acquérir la maison à très bon compte. Elle appartenait au père de Pratt, qui laissa son fils s'y installer et lui accorda de longs délais de paiement. Mary ne sait pas conduire, et, en conséquence, se trouva véri tablement immobilisée. Par ailleurs, l'isolement leur fournit à tous deux du temps pour peindre. D'ailleurs ils avaient d'autres distractions, si l'on peut dire que les enfants soient des distractions. Les Pratt ont quatre enfants: John, Anne, Barbie et Ned. Les deux plus jeunes sont nés après leur arri 1. Christopher PRATT à son atelier. 2. Mary PRATT à son atelier. vée à Sainte-Catherine. A l'heure actuelle, aucun des enfants (Phot. Virgil G. Hammock) (Phot. Virgil G. Hammock) ne vit en permanence à la maison: John a terminé ses études collégiales et est marié; Anne possède un diplôme d'études Depuis 1963, Christopher et Mary Pratt habitent le petit collégiales et vit seule; Barbie et Ned sont pensionnaires dans village de Mount Carmel ou, plus précisément, celui de une école du Nouveau-Brunswick. Sainte-Catherine, à Terre-Neuve. Leur adresse postale est Aujourd'hui, la tranquillité règne chez les Pratt, du moins Mount Carmel et leur maison est située à Sainte-Catherine. il en était ainsi quand je m'y suis trouvé. Cela devait être bien Cela n'a pas grande importance puisqu'il est impossible de différent lorsque les enfants étaient jeunes et toujours dans savoir où commence l'un des villages et où finit l'autre. De les jambes de leurs parents. Mary Pratt m'a affirmé que ce toute façon, ces deux villages sont situés près de la petite n'était pas aussi mouvementé que je pourrais l'imaginer. Elle ville de Baie Sainte-Marie, distante d'environ cinquante milles a presque toujours eu une aide familiale, la plupart du temps de Sainte-Jean, la capitale provinciale. C'est là que j'ai rendu une personne qui habitait la maison et qui, parfois, servait visite aux Pratt pendant quelques jours, l'an dernier, alors également de modèle à l'un ou l'autre des deux artistes. Ils que je réunissais de la documentation pour le présent article. n'étaient pas riches mais, dans cette région de Terre-Neuve, Ils habitent une grande maison rénovée assise sur une des ri il était normal d'avoir de l'aide ménagère. Avant la construc ves de la rivière Salmonier. C'est la maison même dans laquelle tion— récente d'ailleurs — de son atelier personnel au-dessus ils emménageaient en 1963, mais elle n'a pas toujours été de celui de son mari, Mary peignait dans un coin de la cuisine aussi jolie que maintenant. Au début, les Pratt n'avaient pas où elle installait son chevalet. C'était un lieu de travail naturel les moyens d'entreprendre des travaux d'envergure mais, pour elle, car la plupart de ses sujets trouvaient leur origine depuis quelques années, ils ont effectué de grandes amélio dans cette pièce et, au début, cela lui permettait de surveiller rations afin de la mettre plus à leur goût. Par contre, l'endroit les enfants tout en travaillant. Je n'arrive pas à comprendre a toujours été spectaculaire. A certaines époques de l'année, comment elle réussissait à travailler dans une telle ambiance, on peut voir par les fenêtres du salon, comme je l'ai fait, de et pourtant, non seulement elle y arrivait, mais encore elle gros poissons sauter dans la rivière et, par leurs éclabousse- en tirait un excellent parti. ments, dessiner dans l'eau calme des motifs concentriques. Comment deux artistes, surtout deux peintres, deux De l'autre côté de la rivière, on aperçoit une superbe colline sculpteurs ou deux musiciens, arrivent-ils à vivre ensemble? boisée, encore intacte. La propriété à flanc de coteau appar De manière générale, pas très bien. Les artistes se font con tient au frère de Pratt, Philip, un architecte connu de Saint- currence, cela arrive entre maris et femmes. L'amour, bien Jean, qui a bien l'intention de ne pas y toucher. sûr, est souvent aveugle et, dans plusieurs écoles d'art ou 45 Espace canadien dans les conservatoires, de jeunes artistes se marient ou alors qui n'a pas cessé de lui être très utile. A cette école, la pre s'unissent dans l'espoir d'un brillant avenir commun. Malheu mière année était consacrée à la formation générale, la même reusement, la plupart de ces unions se ioldent très rapidement pour tous les étudiants, et ne tenait pas compte de leurs par un échec. Chez certains couples, l'un des partenaires, options futures. En plus des cours fondamentaux de compo habituellement la femme, abandonne une carrière promet sition, on dessinait beaucoup. Déjà, le jeune Pratt réussissait teuse pour aider l'autre à réaliser son objectif. Également, parfaitement dans cette discipline et continue aujourd'hui à cette approche se solde souvent par un échec. Comment les le bien faire, ce cours lui ayant beaucoup appris. Au cours Pratt ont-ils réussi à éviter cette triste échéance? Une ré de la seconde année, il dessina encore beaucoup et suivit ponse partielle à cette question se trouve dans le style de vie d'autres cours de base mais, ce qui est assez intéressant, il ne unique qu'ils ont adopté à Terre-Neuve. Cependant, ce qui fit pas de peinture. A Glasgow, on enseignait la peinture et prime, c'est l'amour et le dévouement qu'ils ont l'un pour autres disciplines importantes au cours de la troisième année l'autre et qui dépassent tous les problèmes rencontrés, qu'ils et des années subséquentes. Pendant ce temps, Mary Pratt soient réels ou imaginaires. continuait à peindre par elle-même; en réalité, contrairement Je ne suis pas totalement convaincu que les ruptures à ce que l'on croit généralement, elle a toujours continué à soient, à notre époque, plus nombreuses chez les couples peindre dès qu'elle quitta Mount Allison pour se marier. Elle d'artistes que chez les autres. La plupart d'entre nous n'ont aida aussi son mari dans ses travaux scolaires. Bien des soi pas le sens du rôle à tenir, et cela se reflète dans la désinté rées se passèrent dans la cuisine de leur petit appartement de gration du lien familial. Pour sa part, Pratt, à l'instar de beau Glasgow à revoir les travaux de composition de Pratt. C'est coup de Terre-Neuviens, possède un sens élevé de son appar également à cette époque que naquit John, leur premier-né. tenance. Sa femme n'est pas née à Terre-Neuve — elle vient Après leur deuxième année à Glasgow, les Pratt rentrè du Nouveau-Brunswick, — mais elle partage le sentiment de rent à Saint-Jean où Pratt se trouva de nouveau du travail son mari et est sûrement très fière de Terre-Neuve. Les Terre- d'été. Ils avaient l'intention de retourner en Ecosse à l'au Neuviens forment un peuple à part. Ils font certes partie du tomne afin que Pratt puisse poursuivre ses études. Mais ils Canada, mais on arrive difficilement à les intégrer au mélange décidèrent qu'ils n'avaient pas l'argent nécessaire pour le culturel que l'on retrouve habituellement en Amérique du faire et refusèrent l'aide du père de Pratt qui en avait ample Nord, le Québec inclus. Terre-Neuve me semble faire davan ment les moyens. Au lieu de cela, ils retournèrent à l'Univer tage partie de l'Europe, mais d'une Europe d'hier, qui n'existe sité Mount Allison. En raison de ses études à Glasgow, la plus. Ce commentaire n'a rien de négatif, bien au contraire.