Le Patois De Ménetreuil
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LE PATOIS DE MÉNETREUIL PREFACE C'est un plaisir pour moi d'avoir en mains l'excellent travail de Maryse Giovacchini, dirigé par le spécialiste renommé des parlers bour- * guignons, Gérard Taverdet. Parce que je suis Bressan, "des quatre côtés", et tout ce qui concerne mon petit pays me touche. Parce que, aussi, je suis historien, teinté de géographe et d' ethnologue , et que la dialec- tologie est bien plus qu'une "science auxiliaire", comme on disait jadis, des disciplines que je pratique. De plus, ce travail vient à un moment crucial. Dans quelques années, il ne sera plus possible d'en entreprendre un semblable, puisque, on le sait, le patois se meurt, même en résistant par ci par là, dans des com- munes isolées comme Ménetreuil. Je suis de ceux qui le regrettent et le disent bien haut. Non seulement parce que ce fut, à peu près, ma langue natale, mais en raison de sa position de clé de voûte d'un édifice qui tombe avec lui, tout un genre de vie, une "civilisation agraire" origi- nale, qui a peut-être fait son temps mais qui laisse bien des nostalgies légitimes. Je suis persuadé que différentes sortes de lecteurs trouve- ront leur pâture dans ces pages à la fois savantes et frémissantes de sympathie. Une bonne partie de la vie discrète, retenue, du bocage bres- san y coule et en sourd. Mais pour ceux qui, comme moi, sont nés sur cet- te glaise, issus de vieilles lignées qui ont peiné dans cette boue et ce brouillard, c'est tout un passé qui vient à la conscience, un passé qui remonte bien au delà de mon expérience personnelle...Mystère de la trans- mission du savoir et des sentiments entre générations, par la magie du langage : "au commencement était le Verbe", nous dit le plus vieux livre du monde. On dit qu'en Bresse le patois varie d'une commune à l'autre. Ce n'est pas tout à fait vrai. Il y a de petites zones unifiées, et de l'une à l'autre on passe par d'insensibles transitions. A Ménetreuil on parle le même patois que le mien, celui de Montpont, et que celui de la Chapel- le-Thècle, avec simplement des nuances. Je n'ai pas relevé beaucoup de différences. Par exemple : râ/rwês tsô.té/tsétyô_, tsâpê/tsépyo ; nous met- tons dans les arbres ô bwêbwê au lieu de n'èpatu, on se sert d'une kulir plutôt que d'une krebeye, le matou mya:rl plutôt qu'il ne myol, on est pye et non po... Comme j'ai quitté mon village à 19 ans pour vivre de l'vœl, mon vocabulaire est plus pauvre que celui des informateurs de Melle Gio- vacchini. Aussi ce livre me fait-il l'effet d'un bain de jouvence. Comment ne pas être confondu par la richesse et la précision, parfois subtile, du patois ? Peu de synonymes, mais un mot différent pour désigner deux choses ou deux actions proches, mais distinctes. Le sé n'est pas la sats, labourer un pré, une jachère, des chaumes, requiert un verbe diffé- rent, il y a secouer et secouer (kriilé et skier) , etc. La minutie des opé- rations culturales se traduit par une extraordinaire floraison lexicale, que ce livre rend minutieusement. De même les travaux dans la ferme elle- même : voyez le vocabulaire du pain. Pour qualifier un fruit, le français dispose-t-il d'une si riche game d'adjectifs ? A-t-il quatre mots pour "tousser" ? Après avec feuilleté Le Patois de Ménetreuil, personne ne pourra soutenir que le patois était une langue pauvre ! C'est bien plutôt le français rural contemporain qui se déssèche, se réduisant à des termes de mécanique ou d'informatique dans un bain de "franglais". Ce livre fe- rait un excellent manuel pour enseigner le patois, et pour enrichir et améliorer celui des patoisants. La partie consacrée à la morphologie et à la syntaxe permettra une initiation. On peut rêver,en souriant : le patois à l'école ? ce serait une juste revanche sur une institution - par ailleurs si bénéfique - qui persécuta nos cultures locales par excès de jacobinisme et de parisianisme niveleurs et réducteurs. Et si nos curés, ayant perdu leur latin qui les coupait des fidèles, se mettaient à chanter la messe en patois ? On ne sait ce qu'il faut admirer le plus, l'habilité de la "question- neuse" ou l'excellence du parler patois des informateurs ; la vieille ci- vilisation agraire moribonde avait encore, en 1982-83, d'authentiques re- présentants à Ménetreuil. La méthode d'exposition de Melle Giovacchini est vivante, attrayante. Elle a su éviter la sècheresse du dictionnaire. En suivant la vie des Mènetroya dans leur cadre et leur travail, du Temps à l'Argent, notre jeune guide nous présente les mots et les locutions dans le canevas d'une conversation. On se croit en train d'échanger quelques mots avec monsieur Genetet ou Madame Vendroux : E va t '5 s 'ti mètê ? - mè é bruyès be, é Vil po fèr bô. Proverbes et on-dits viennent tout naturellement, et les petites histoires ou les légendes, tout ce qui sans cesse répété pare et poétise un parler essentiellement terre à terre et fonctionnel. Voyez par exemple les conseils pour mettre les œufs à couver, le dicton sur le pain moisi, la recette - à ne pas manquer, c'est un des régals de la Bresse ! du frumo:dz vyo. Vous apprendrez tous les cris nécessaires pour appeler ou chasser les animaux ... bressans ! Le patois bressan est très imagé, il aime les comparaisons, souvent malicieuses : voyez ce qu'il dit de la faux qui ne coupe plus, le mot onomatopéen qui désigne le vin nou- veau. Les pages sur "qualités et défauts" sont une mine de proverbes. Je considère un peu ce travail comme un tour de force. Il faut se réjouir que les éditions universitaires de Dijon lui aient donné la chan- ce d'aller au devant d'un double public, savant et populaire. Je garantis que personne ne reviendra bredouille de la chasse linguistique et ethno- logique dans les champs de Ménetreuil, et je souhaite disposer bientôt d'aussi bons guides pour d'autres communes de Bresse. Pierre PONSOT monpouna; (Université de Lyon II) Merci à Monsieur et Madame Marcel GENETET, Monsieur et Madame Edgard VENDROUX, Monsieur et Madame Léon BOUVIER, Monsieur Constant JAILLET, Monsieur et Madame Georges PERRARD, Monsieur et Madame Maxime ANDRE Monsieur Félix FAUVRE, Monsieur Adrien JAILLET et sa sœur Jeanne. C'est grâce à leur patience3 leur fidèle mémoire, leur gentil- lesse, leur compréhension que ce travail existe. Ils m'ont parlé de leur village, de leurs prés, de leurs champs avec tant d'amour et de simplicité que je connais mieux MENETREUIL et ne puis que l'aimer davantage. J'adresse aussi un merci tout particulier à Madame JOLY, secrétaire de mairie, pour sa compétence et son dévouement. I – ETUDE GEOGRAPHIQUE A. Limites Quand vous êtes à Louhans, vous prenez la direction de Sornay. Arrives au carrefour, vous tournez sur la gauche, vous faites quatre kilomètres et vous découvrez Ménetreuil, petit village de la Bresse. Ménetreuil a une superficie de 1504 hectares. terres labourables. 730 ha. bois, taillis 126 ha. prés, pâtures ............... 516 ha. chemins 60 ha. vignes 3 ha. étangs, mares 7 ha. jardins... ................. 5 ha. Les communes limitrophes sont : - La Chapelle-Thècle - Montpont - La Chapelle-Naude - Bantanges - Rancy - Jouvençon B. Hydrographie Deux rivières arrosent Ménetreuil : . La Sane Morte qui prend sa source dans l'Ain . La Sane Vive qui vient de Curciat-Dongalon (Ain). Elles se réunissent non loin de Cuisery pour former la Sane qui se jette dans la Seille. Ne pas oublier le bief de Corgeat qui prend sa source à Corgeat (La Chapelle-Naude) et se jette dans la Sane Morte. C. Démographie Menetreuil, comme tous les petits villages, se dépeuple, car les jeunes ont tendance à quitter la terre pour aller travailler à la ville et les décès l'emportent sur les naissances. 1820 26 décès 16 naissances 1981 7 décès 2 naissances La commune comptait : 513 habitants en 1968 451 habitants en 1975 347 habitants en 1981 Les habitants sont essentiellement des agriculteurs ; on compte 50 exploi- tations ; la moyenne de chaque exploitation se situe aux environs de 25 hectares. Ménetreuil comprend 20 hameaux et 5 écarts. Autrefois, deux moulins situés sur la Sane Morte tournaient : . le moulin de la Buclière . le moulin de Montjay Le ptemier a fermé ses portes en 1958, le second, tout récemment, en 1979. II – ETUDE HISTORIQUE La Bresse est un ancien fond de lac qui se vida à l'ère quaternaire. Ce canton appartint d'abord aux Séquanes, peuple gaulois de la région de Besançon, puis il fut réuni aux Ségusiens qui habitaient le Lyonnais et le Forez. Il fut encore séparé de ces derniers et forma un pays particu- lier sous le nom de BRIXIUS SALTUS, entièrement couvert de marais et de forêts. Lorsque César décida la conquête de la Caule, des routes furent cons- truites et les forêts furent défrichées. Après les invasions, la région louhannaise appartint aux Burgondes, puis aux Francs. Sous les Mérovin- giens, elle dépendait tantôt du royaume de Bourgogne, tantôt du royaume de France, suivant qu'ils sont rattachés ou séparés. Lorsque la France est divisée entre les fils de Charlemagne, la Bresse se trouve située entre les trois royaumes de Lothaire, Charles le Chauve et Louis le Germanique. En 878, le fils de Charles le Chauve donne Lou- hans, qui était alors une ville, à l'abbaye de Tournus. Dans le Louhan- nais, la population s'accroît et plusieurs paroisses rurales se dévelop- pent, dont celle de Ménetreuil.