Du Solidarisme Aux Communautes Europeennes. Le Concept De
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
DU SOLIDARISME AUX COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES. LE CONCEPT DE SOLIDARITÉ DANS LA PENSÉE DE GEORGES SCELLE Hugo Canihac L'Harmattan | « Revue Française d'Histoire des Idées Politiques » 2020/1 N° 51 | pages 195 à 230 ISSN 1266-7862 ISBN 9782343203331 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-francaise-d-histoire-des-idees- © L'Harmattan | Téléchargé le 20/10/2020 sur www.cairn.info par via IEP Bordeaux (IP: 109.89.76.110) politiques-2020-1-page-195.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour L'Harmattan. © L'Harmattan. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. © L'Harmattan | Téléchargé le 20/10/2020 sur www.cairn.info par via IEP Bordeaux (IP: 109.89.76.110) Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) VARIA Du solidarisme aux Communautés européennes. Le concept de solidarité © L'Harmattan | Téléchargé le 20/10/2020 sur www.cairn.info par via IEP Bordeaux (IP: 109.89.76.110) dans la pensée de Georges Scelle Hugo Canihac* Introduction Le concept de solidarité a été largement redécouvert par l’his- toire de la pensée politique ces dernières années. En France, le solidarisme, doctrine triomphante du tournant du XXe siècle, a été longuement analysé1. Mais loin d’être une particularité française, les doctrines qui, tout au long du XXe siècle, ont fait de la solida- rité leur étendard, ont connu des déclinaisons dans de nombreux * Hugo Canihac est postdoctorant FRS-FNRS, CReSPo-IEE, à l’université Saint- Louis de Bruxelles. 1 Voir Serge Audier, La pensée solidariste, Paris, PUF, 2010. Marie-Claude Blais, La solidarité : histoire d’une idée, Paris, Gallimard, 2007. Jean-Fabien Spitz, Le moment républicain en France, Paris, Gallimard, 2005. Jacques Donzelot, L’invention du social, Paris, Fayard, 1984. © L'Harmattan | Téléchargé le 20/10/2020 sur www.cairn.info par via IEP Bordeaux (IP: 109.89.76.110) 196 / RFHIP n° 51 – VARIA pays européens2. En outre, c’est sous le signe de l’international que se place d’emblée le solidarisme français avec son théoricien, Léon Bourgeois : l’auteur de Solidarité en 1896 était aussi un juriste actif dans les négociations internationales de l’époque, qui prési- dera la Société des Nations à sa création. Cette articulation entre la pensée solidariste et les débats sur l’organisation internatio- nale de la paix dans la première moitié du XXe siècle a été mise en évidence par le renouveau de l’histoire du droit international3. Ces travaux ont pourtant laissé subsister un angle mort dans l’histoire du concept de solidarité : sa dimension européenne. Oubli d’autant plus remarquable que c’est, après tout, en mettant en avant une © L'Harmattan | Téléchargé le 20/10/2020 sur www.cairn.info par via IEP Bordeaux (IP: 109.89.76.110) « solidarité de fait » entre les Six que la déclaration Schuman du 9 mai 1950 ouvrait la voie à la construction de l’Europe. Certes, GDQVOHVLOODJHGHODFULVHpFRQRPLTXHHW¿QDQFLqUHTXLDWUDYHUVp l’Europe à partir de 2008, de nombreux débats ont vu le jour sur les conditions et les implications d’une solidarité européenne4. Mais c’est dans une perspective normative, bien plus qu’historique, que ces travaux ont envisagé la solidarité à l’échelle de l’Europe. Ici, au contraire, nous voudrions explorer la façon dont le concept de solidarité était, dans les mouvements liés au solidarisme du début du siècle dernier, associé à l’idée d’une construction européenne aux contours encore imprécis. 2 Steinar Stjernø, 6ROLGDULW\LQ(XURSHWKH+LVWRU\RIDQ,GHD, Cambridge, UK, Cambridge University Press, 2005. 3 Martti Koskenniemi, 7KH*HQWOH&LYLOL]HURI1DWLRQVWKH5LVHDQG)DOORI ,QWHUQDWLRQDO/DZ, Cambridge University Press, Cambridge, 2001 ; Stephen C. Neff, -XVWLFHDPRQJ1DWLRQVD+LVWRU\RI,QWHUQDWLRQDO/DZ, Cambridge, Harvard University Press, 2014. 4 Voir par exemple Andreas Grimmel et Susanne Giang, 6ROLGDULW\LQWKH European Union: a Fundamental Value in Crisis, Cham, Springer, 2017 ; Jean- 0DUF)HUU\©(QWUHHI¿FDFLWppFRQRPLTXHHWMXVWLFHSROLWLTXHO¶8QLRQHXURSpHQQH en quête d’un équilibre social », Revue française d’histoire des idées politiques, no 43, 2016, p. 45-64 ; Andrea Sangiovanni, « Solidarity in the European Union », Oxford Journal of Legal Studies, 33-2, 2013, p. 213-241. © L'Harmattan | Téléchargé le 20/10/2020 sur www.cairn.info par via IEP Bordeaux (IP: 109.89.76.110) Le concept de solidarité dans la pensée de Georges Scelle / 197 Pour cela, nous proposons d’étudier la place du concept de soli- darité chez un auteur qui se situe à l’articulation des mouvements solidaristes du début du XXe siècle en France et des premiers pas de l’Europe d’après-guerre : le juriste français Georges Scelle (1878- 1961)5. Sa pensée, comme son engagement politique à proximité du parti radical6, s’inscrivent dans la continuité des mouvements solidaristes. Rendu célèbre par ses travaux de droit international et sa théorisation du fédéralisme, dans la deuxième partie de sa vie il devient l’un des avocats d’une Europe unie sur un modèle 5 Georges Scelle (1878-1961) étudie à l’École libre des sciences politiques et à © L'Harmattan | Téléchargé le 20/10/2020 sur www.cairn.info par via IEP Bordeaux (IP: 109.89.76.110) la faculté de droit de Paris, où il soutient en 1906 une thèse sous la direction de l’internationaliste Antoine Pillet. Il est agrégé de droit en 1912 par un jury présidé par Léon Duguit, et nommé à l’université de Dijon. Après la guerre, il mène une activité politique importante, aux côtés de la gauche républicaine, étant notamment chef de cabinet du ministre du Travail radical-socialiste Justin Godart en 1925. Il est une première fois nommé à l’université de Paris en 1925 par le ministre de l’Instruction publique, contre l’avis du conseil de l’université qui lui avait préféré Louis Le Fur. La polémique qui s’ensuit conduit à annuler sa nomi- QDWLRQ,OVHUD¿QDOHPHQWQRPPpj3DULVHQHW\HQVHLJQHUDMXVTX¶j Il multiplie très tôt les activités pratiques internationales, et participe à la confé- rence de La Haye en 1907, puis dans l’entre-deux-guerres assiste la délégation française à la SDN à plusieurs reprises. Il suit également de près les activités de l’Organisation internationale du travail après 1919, et est membre de son tribunal administratif, dont il sera vice-président. Il enseigne également à Genève à la faculté de droit et à l’Institut des hautes études internationales (1929-1933), et il est secrétaire de l’Académie de droit de La Haye à partir de 1935. Après 1945, il participe à la conférence de La Haye en 1948, ainsi qu’aux activités de l’Union européenne des fédéralistes, puis aux activités de la jeune ONU, et en préside la Commission du droit international en 1950. 6 Par juriste engagé, nous entendons un professionnel du droit qui « cumule son activité professionnelle de juriste avec un engagement dans des causes, un investissement dans des associations. Il ne s’agit cependant pas d’une simple activité parallèle, en tant que citoyen : c’est en qualité de juriste qu’il s’engage ; et la compétence professionnelle qu’il a acquise dans le champ juridique est mise au service de l’action militante ». Jacques Chevallier, « Juriste enga- Jp H "ªGDQV9pURQLTXH&KDPSHLO'HVSODWVHW1DWKDOLH)HUUp GLU Frontières du droit, critique des droits, Paris, LGDJ, 2007, p. 308 ; voir aussi Carlos Miguel Herrera (dir.), Les juristes face au politique : le droit, la gauche, la doctrine sous OD7URLVLqPH5pSXEOLTXH, Paris, Kimé, 2003. © L'Harmattan | Téléchargé le 20/10/2020 sur www.cairn.info par via IEP Bordeaux (IP: 109.89.76.110) 198 / RFHIP n° 51 – VARIA fédéral. G. Scelle participera aux travaux des mouvements fédéra- listes européens, avant et après le Congrès de La Haye en 19487. Plus discrètement, ses théories étaient familières à nombre des pionniers du droit communautaire en France, et peuvent à ce WLWUHrWUHFRQVLGpUpHVFRPPHGHVVRXUFHVGHOHXUVUpÀH[LRQV(Q témoigne la participation de plusieurs d’entre eux aux Mélanges qui lui sont offerts en 1950 : on y trouve ainsi P. Reuter, J. de Soto, A. de Laubadère, M. Mouskhély, Cl.-A. Colliard ou Fr. Luchaire qui sont, à des degrés divers, engagés dans les débats communautaires8. La trajectoire de G. Scelle semble donc particulièrement indiquée pour saisir les passages entre la pensée de la solidarité telle qu’elle se développe en France au début du XXe siècle et les conceptualisa- © L'Harmattan | Téléchargé le 20/10/2020 sur www.cairn.info par via IEP Bordeaux (IP: 109.89.76.110) tions de la construction européenne. Pourtant, si le caractère central du concept de solidarité dans son projet d’ensemble a été souligné9, le lien de celui-ci à ses conceptions européennes – étudiées séparé- ment par ailleurs10 – demeure peu analysé. C’est cette articulation que cet article cherchera à éclaircir en resituant la pensée euro- péenne de G. Scelle dans le cadre de sa pensée d’ensemble de la solidarité. En examinant comment joue, dans la pensée internationale et européenne de G. Scelle, le concept de solidarité, l’enjeu est double. Il est d’abord de prolonger les travaux qui ont pris pour objet les 7 Jean-Michel Guieu, Le rameau et le glaive : les militants français pour la 6RFLpWpGHV1DWLRQV, Paris, Presses de Sciences Po, 2008, p.