Le Fleuve Dans La Ville. La Valorisation Des Berges En Milieu Urbain
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direction générale de l’Urbanisme de l’Habitat et les dossiers de la Construction Le fleuve dans la ville La valorisation des berges en milieu urbain Le fleuve dans la ville La valorisation des berges en milieu urbain Note de synthèse réalisée par Gabriele Lechner octobre 2006 DIRECTION GÉNÉRALE DE L’URBANISME, DE L’HABITAT ET DE LA CONSTRUCTION CENTRE DE DOCUMENTATION DE L’URBANISME Arche de la Défense – 92055 Paris La Défense cedex Tél. : +33(0)1 40 81 15 98 – Fax : +33(0)1 40 81 15 99 [email protected] - www.urbanisme.equipement.gouv.fr/cdu Sommaire 2 L’actualité d’un sujet 4 I. Le fleuve délaissé 7 1. La ville déshydratée 7 2. Les friches portuaires 10 3. Les rives confisquées par la route 14 4. Des liens mouvants 16 II. La vision du fleuve change 22 1. La vertu de l’eau 22 2. Waterfront attitude 24 3. Ecrits, colloques et rencontres 27 4. Les projets se préparent 29 5. Le statut des berges 33 III. Un nouveau territoire urbain 36 1. Le fleuve, un élément structurant 36 2. Des acteurs nombreux 40 3. L’inscription dans un projet urbain global 43 4. Le paysage, un thème fédérateur 47 IV. Réalisations et projets 52 1. Lyon L’esprit « Plan bleu » 52 2 2. Valence, Vienne Le poids des infrastructures routières 58 3. Bordeaux Une longue série de projets pour deux rives dissemblables 62 4. Orléans Affirmer une spécificité ligérienne 69 5. Paris Faire cohabiter des usages 71 6. Rouen Un nouveau pôle dédié aux commerces et loisirs 79 Conclusion 83 Bibliographie 88 3 L’actualité d’un sujet Les voies d’eau – fleuves, rivières et canaux – ont progressivement vu décroître leur fonction traditionnelle d’acheminement des marchandises ou des hommes d’une ville à une autre, d’un pays à un autre. Suite à des bouleversements économiques ou en raison de déplacements des activités portuaires hors des villes, les installations spécifiques qu’elles avaient générées, pontons d’accostage, quais de déchargement et de stationnement, rampes d’accès, grues, hangars de stockage, voies de chemin de fer ou routes les desservant, ont cédé la place à des friches industrielles et portuaires, des routes ou des parkings, des aires de stockage de matériaux. Ces espaces délaissés et peu accessibles, généralement situés au cœur des villes, font depuis une vingtaine d’années l’objet de questionnements quant à leur reconversion, leur mise en valeur et leur dynamisation. Les villes, après avoir oublié, voire dénié leurs fleuves1 et rivages, cherchent à retisser des liens, à retrouver une fonction urbaine à ces emprises longtemps marginalisées qui apparaissent aujourd’hui comme des atouts d’importance dans le redéveloppement des villes. « Rendre les berges accessibles », « les intégrer dans l’organisation urbaine », « retourner la ville vers son fleuve », « remettre le fleuve au cœur de la ville », autant de formules employées par les acteurs de la vie urbaine. Si les grandes cités fluviales mettent en place des projets ambitieux de « reconquête » de leurs bords d’eau, l’engouement pour les rivages se manifeste tout autant dans des communes plus modestes qui ont vu disparaître des activités et des pratiques liées à l’eau et qui cherchent aujourd’hui à travers l’aménagement des berges de leurs rivières ou de leurs canaux un moyen de développement local. Petits ports de plaisance ou simples haltes nautiques se multiplient dans le but de favoriser le tourisme fluvial. Nombre de publications et de rencontres rendent compte de l’importance du phénomène et des interrogations des élus et des acteurs quant à la valorisation et l’insertion urbaine des sites en bordure de l’eau. Un vocabulaire riche en préfixes re- ou ré- (exprimant un retour en arrière, une répétition ou une nouvelle action, selon le Larousse) est employé pour désigner les actions en faveur d’un rattachement du 1 Dans cette étude, la dénomination « fleuve » est employée dans une acception large de cours d’eau de relative importance, et non dans son sens strict de grande rivière qui aboutit à la mer, usage courant reconnu par la plupart des dictionnaires. 4 fleuve à la ville : réconcilier (la ville et le fleuve), se réapproprier ou reconquérir (les berges), renouer, rétablir, retrouver, retisser ou recoudre (les liens)… Ce vocabulaire, spécifiquement employé pour les bords d’eau, semble ainsi se distinguer de celui utilisé pour des opérations engagées en faveur d’autres emprises urbaines aujourd’hui obsolètes que sont les terrains ferroviaires, aéroportuaires, miniers, industriels, militaires, eux aussi soumis à des mutations foncières et fonctionnelles. Dans le cas des rives urbaines, il s’agirait de renouer des liens perdus, non pas avec une activité passée, mais avec un fait géographique et de rétablir une relation physique qui est, généralement, à l’origine du développement de la ville, participe de son identité et l’inscrit dans un territoire. Espace identitaire, le fleuve constitue un élément de mémoire du lieu, un bien transmis, qu’il est question aujourd’hui à la fois de révéler, de rendre accessible et utilisable pour le plus grand nombre. Il s’agit de lui inventer un nouveau destin, de nouveaux usages, afin de le mettre en accord avec les aspirations et nécessités de l’époque. Le fleuve permet non seulement de répondre à une préoccupation croissante des citadins de voir maintenus des espaces naturels dans leur environnement proche et d’améliorer ainsi leur cadre de vie, mais aussi – et peut- être surtout – d’utiliser son fort potentiel imaginaire et identitaire pour améliorer l’image de la ville par des aménagements de qualité. Reliées en réseau, les voies d’eau permettent également de faciliter l’appréhension d’un territoire plus large, en s’imposant comme fil conducteur ou élément structurant de projets d’aménagement à une échelle plus vaste. La prise en compte de ces nouveaux espaces urbains disponibles n’est pas un fait nouveau, ni un phénomène français. Des reconversions de vastes emprises portuaires, maritimes ou fluviales, ont été engagées dans des ports nord-américains comme Baltimore et Boston à partir dès les années 1960, suivies par des grands ports européens à partir des années 1980, d’abord britanniques (Londres, Liverpool) puis continentaux (Rotterdam, Amsterdam, Anvers, Gênes, Bilbao, Barcelone). Depuis, le fait s’est tellement généralisé que pratiquement toute ville située au bord de l’eau, portuaire ou non, s’est engagée dans un processus de revitalisation et de requalification de ses berges. 5 En France, plusieurs villes fluviales ou fluvio-maritimes2 ont entamé des réflexions sur le devenir de ces espaces délaissés et fortement dégradés dès le début des années 1980 pour constater les nombreux obstacles d’ordre juridique, financier et technique qu’implique une intervention sur ces emprises. Qui est responsable de l’aménagement de ces espaces dépendant généralement du domaine public fluvial, formant des emprises de l’Etat au sein des villes et relevant de statuts d’occupation complexes ? Les municipalités doivent-elles intervenir à grand frais sur des terrains exposés aux risques d’inondations, situés au bord d’une eau polluée, sur des espaces qui, traditionnellement, représentent des secteurs à faible attractivité ? Comment rétablir les liens, effacer la frontière entre l’eau et la ville, comment mettre en marche le processus et pour quels usages ? Autant de questions qui se posent aux élus et acteurs locaux désireux de mettre à profit les atouts de ces « couloirs naturels » qui traversent leurs villes. La rupture des relations ville-fleuve ne s’est pas faite en un jour. Les raisons en peuvent être différentes d’une ville à une autre, même si l’on peut observer une tendance générale, un long mouvement de désunion entre ces deux univers, longtemps étroitement liés. 2 Certaines villes -ports traitées dans le cadre de cette étude relèvent à la fois du domaine fluvial et du domaine maritime, domaines généralement délimités par un pont. C’est le cas de Rouen, Nantes et Bordeaux. 6 I. Le fleuve délaissé 1. La ville déshydratée Au fur et à mesure des progrès de domestication des fleuves et rivières et au nom de l’hygiène, l’élément aquatique est de plus en plus écarté de la vie quotidienne des citadins. Jusqu’au Moyen-Age, l’eau était très présente dans les villes, à l’intérieur des remparts et aux pieds de ceux-ci3. Peaussiers, tanneurs, papetiers, blanchisseurs, bouchers, teinturiers et autres artisans sont alors établis à proximité de l’eau, le bétail et les animaux de trait s’y abreuvent, les porteurs d’eau s’y ravitaillent, les moulins y puisent leur énergie. Les déchets de l’activité artisanale, les effluents urbains, notamment ceux des hôpitaux qui se fixent au bord de l’eau avant ou pendant l’âge classique, contribuent à altérer la qualité de l’eau des rivières, transformées en grands collecteurs d’eau usée et nauséabonde, ce qui fait dire à André Guillerme que « …plus une ville est puante, plus elle est riche4 ». L’esprit des lumières met fin à ces pratiques. Pour être saine, la ville doit être sèche. Désormais, « les miasmes sont pourchassés, les canaux enterrés, les rivières canalisées, les marais asséchés et la ville assainie, désodorisée et déshydratée5 ». La révolution industrielle parachève la séparation du fleuve et de la ville. Le fleuve disparaît derrière les installations portuaires qui créent un écran entre les deux univers, les usines s’emparent des rives, autant pour les besoins de la navigation que pour alimenter leurs chaudières et rejeter leurs déchets. A partir du XVIIIe siècle, la plupart des villes fluviales commencent à se doter de quais qui remplacent les grèves ou inclinaisons naturelles des berges. Les quais permettent une meilleure protection contre les crues, tout en favorisant le commerce6.