N° 3017 Assemblée Nationale Proposition De Résolution
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N° 3017 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 avril 2006. PROPOSITION DE RÉSOLUTION tendant à la création d’une commission d’enquête relative au projet de fusion entre Gaz de France et Suez, aux conditions de sa préparation et de son annonce et aux conséquences de la privatisation de Gaz de France pour les usagers et l'équilibre du marché de l’énergie, (Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.) PRÉSENTÉE PAR M. JEAN-PIERRE BALLIGAND, JEAN-MARC AYRAULT, FRANÇOIS HOLLANDE, ÉRIC BESSON, DIDIER MIGAUD, HENRI EMMANUELLI, FRANÇOIS BROTTES, CHRISTIAN BATAILLE, PIERRE DUCOUT, JEAN GAUBERT, DAVID HABIB et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2) Députés. 12 1 ( ) Ce groupe est composé de : Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Éric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Mme Geneviève Gaillard, M. Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Élisabeth Guigou, Paulette Guinchard, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Éric Jalton, Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (Gers), Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, MM. Jean- Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque. 2 ( ) MM. Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Joël Giraud, François Huwart, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Roger- Gérard Schwartzenberg, Mme Christiane Taubira. EXPOSÉ DES MOTIFS MESDAMES, MESSIEURS, Le 22 février 2006, Fulvio Conti, président du groupe italien Enel, annonçait publiquement que « Enel examine différentes pistes pour se développer à l’international, en Espagne, en France et en Europe de l’Est. Electrabel en fait partie ». Il indiquait à l’agence Reuters que « le projet présenté par ses deux banques d’affaires (Goldman Sachs et Mediobanca) n’excluait pas de lancer une OPA sur Suez », mais qu’aucune discussion n’était en cours avec le groupe franco-belge. En quelques jours, cette déclaration devait provoquer de fortes réactions au niveau européen. En France, le Premier ministre annonçait au cours d’une conférence de presse exceptionnelle le samedi 25 février 2006, que le gouvernement avait décidé un projet de fusion de Gaz de France et Suez. Le caractère solennel de cette annonce publique, comme la référence au caractère « stratégique » du secteur énergétique, marquaient clairement que cette fusion se faisait en réaction à l’offre d’Enel et au nom du patriotisme économique. Le projet ainsi annoncé, s’il devait se réaliser, aboutirait à la privatisation de l’opérateur gazier Gaz de France, actuellement détenu à plus de 80 % par l’État. La fusion serait réalisée par échange de titres Gaz de France contre des actions de la société Suez. La part initiale de l’État dans la seule entreprise Gaz de France devrait alors être rapportée au nouvel ensemble additionnant la totalité des parts des deux entreprises, ce qui conduirait à la diminution mécanique du pourcentage des titres détenus finalement par l’État. Dans le scénario le plus abouti présenté par le gouvernement, cette part serait seulement égale à 34 %. En dépit de ses engagements et en marge du préambule de la Constitution de 1946 qui dispose que « tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité », le gouvernement s’apprête ainsi à privatiser l’entreprise publique Gaz de France et à faire du groupe né de la fusion avec Suez un concurrent frontal d’EDF. Qu’il s’agisse d’assurer la construction d’un groupe énergétique important, ou d’éviter un démembrement éventuel de l’entreprise Suez, d’autres solutions sont pourtant envisageables. Le rapprochement préalable de Gaz de France avec EDF, ou un projet d’acquisition de Suez réalisé sans échange de titres, auraient dû être discutés. Au contraire, la décision précipitée de privatiser une entreprise publique et les conditions de son annonce suscitent de nombreuses interrogations, auxquelles le gouvernement n’a pas donné de réponse satisfaisante. Ce projet revient en effet sur l’engagement solennel pris en 2004 par le gouvernement de conserver à Gaz de France son caractère public. Il déstabilise totalement le secteur de l’énergie en France à la veille de l’ouverture à la concurrence du marché du gaz et de l’électricité pour les particuliers. Il illustre une politique peu soucieuse des intérêts industriels et énergétiques de notre pays. Interrogations sur le motif réel de la privatisation. Alors que l’annonce du projet de fusion semblait destinée à contrer l’offre probable d’Enel, le gouvernement a rapidement remis en cause cette interprétation en prétendant que le projet était en réalité à l’étude depuis longtemps. De même, après avoir laissé penser qu’il était contraint de réagir dans l’urgence, le ministre de l’économie a ensuite affirmé qu’il aurait été informé du projet d’Enel dès le mois de janvier 2006. Si cette affirmation était confirmée, les représentants du gouvernement devraient préciser dans quelle mesure il était envisagé, depuis plusieurs mois et bien avant l’annonce d’Enel, de remettre en cause l’engagement solennel pris devant l’Assemblée nationale et inscrit à l’article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, qui dispose que « Électricité de France et Gaz de France sont transformés en sociétés dont l’État détient plus de 70 % du capital. Sauf dispositions législatives contraires, elles sont régies par les lois applicables aux sociétés anonymes ». La remise en cause de cet engagement pose en effet des questions incontournables en matière de respect par le gouvernement de ses engagements, notamment au regard de l’évolution future de la participation de l’État dans l’autre société visée par cet article, à savoir EDF. Interrogations sur l’intervention éventuelle des pouvoirs publics dans le projet des entreprises Enel et Veolia d’une prise de contrôle de Suez. L’annonce publique par Enel de la possibilité de lancement d’une OPA a surpris l’ensemble des commentateurs, puisqu’elle était en complet décalage avec les pratiques habituelles et devait inévitablement conduire à une hausse des cours de la société Suez, objet de l’offre, au détriment de la réussite du projet. Cette attitude surprenante a rapidement conduit à souligner le rôle discutable joué par l’entreprise Veolia dans le projet d’offre d’Enel. Les dirigeants d’Enel ont clairement affirmé que Veolia aurait été à l’origine de ce projet en novembre 2005, puis s’en serait désolidarisé très récemment. Ces affirmations figurent selon le président du groupe Enel dans le document qu’il a remis à la Commission européenne dans le cadre du différend qui l’oppose aujourd’hui à l’État français. Selon ce même document, le président de Veolia aurait indiqué qu’il avait été « invité à interrompre toute négociation en vue de l’acquisition de Suez » par les pouvoirs publics français. Pour sa part, après avoir nié le 23 février tout « projet de participation directe ou indirecte » à une OPA sur Suez, le groupe Veolia a ensuite reconnu avoir, en 2005, « étudié la faisabilité et les conditions d’une opération » puis décidé récemment d’y renoncer compte tenu du caractère hostile de cette offre. En tout état de cause, le président de la société nie désormais l’intervention des pouvoirs publics français dans cette opération. Devant une telle ambiguïté et face à ces déclarations discordantes, la Commission d’enquête parlementaire serait en mesure d’auditionner la direction de Veolia et de solliciter de plus amples informations des représentants de la société Enel afin de connaître précisément son rôle, ainsi que l’état réel de ses contacts avec le gouvernement français durant toute la période.