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Séquences La revue de cinéma

Attack (Fiche filmographique) Attaque

Number 19, December 1959

URI: https://id.erudit.org/iderudit/52155ac

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Publisher(s) La revue Séquences Inc.

ISSN 0037-2412 (print) 1923-5100 (digital)

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Cite this review (1959). Review of [Attack (Fiche filmographique) / Attaque]. Séquences, (19), 20–23.

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Jack Palance dans Attack cAttack (c4ttaq-ue)

(Fiche tilmographique)

1. Généralités et Générique

Pays d'origine: Etats-Unis. Musique: .

Date: 1956. Décors: Glen L. Daniels.

Genre: Drame (de guerre). Montage: Michel Luciano.

Prix: de la critique italienne (Venise 1956). Directeur de production: Jack R. Berne.

Réalisation: Robert Aldrich. Interprétation: (Lieutenant Costa), Production: The Associates and Aldrich. Eddie Albert (Capitaine Cooney),

Scénario: James Poe d'après la pièce Lee Marvin (Colonel Bartlett), de Norman Brooks "Fragile Fox' William Smithers (Lieut. Woodruff).

Photographie: Joseph Biroch.

2. Le réalisateur: dats est fortement atteint. Bartlett ne se laisse pas convaincre pour une raison très personnel­ Robert Aldrich, cf. p. 17. le: après la guerre, il aura besoin du père de Cooney pour se tailler une place dans le monde de la politique. Inévitablement, Cooney fait en­ 3. Le scénariste: core preuve de lâcheté. Il refuse d'aller lui-même sur le champ de bataille pour donner du ren­ James Poe a écrit le scénario d?Attack, fort à Costa: les meilleurs hommes meurent. d'après la pièce de théâtre, Fragile Fox, de Nor­ Blessé, Costa retrouve Cooney, veut l'exécuter, man Brooks. Il a déjà travaillé avec Aldrich en mais meurt avant. Ce sera Woodruff qui tirera écrivant le scénario de , d'après sur Cooney afin d'éviter un désastre car, dans la pièce de . un dernier accès de pleutrerie, Cooney voulait se rendre aux Allemands. Bartlett désire que Woodruff signe un rapport annonçant que Coo­ ney est mort en héros. Woodruff refuse et il 4. Le scénario téléphone au général Parsons. Deuxième guerre mondiale. Europe 1944. Une compagnie américaine se détériore rapide­ Remarques ment: les soldats sont tués non par l'ennemi (ce qui serait normal) mais par la maladresse et Une séquence d'ouverture de trois minutes l'incompétence notoires du capitaina Cooney. et demie précède le générique. Nous y voyons Le lieutenant Costa en veut à mort à Cooney une action militaire: la lâcheté de Cooney de­ et menace de le tuer lui-même s'il lui fait perdre vant son devoir. Cooney répond au téléphone encore un seul de ses hommes. Un ami de Costa, de Costa demandant du renfort: mal à l'aise, le lieutenant Woodruff, tente de faire compren­ il dépose le récepteur sur le siège de la jeep dre au colonel Bartlett qu'il faudrait destituer et un plan nous le montre se frottant les mains, Cooney, non seulement parce qu'il met en danger indice de son malaise. Un soldat est tué et son la vie de ses hommes par ses fausses manoeuvres casque vient rouler près d'une fleur alors qu'en et son manque de courage, mais aussi parce que, surimpression apparaissent les lettres du gé­ devant une telle situation, le moral des sol­ nérique.

Décembre 1959 21 Quant au générique lui-même, il est en ples compartiments; profondeur de champ dans surimpression sur des plans nous décrivant le les scènes où Costa et ses hommes s'abritent lieu de l'action: les soldats sont cantonnés dans dans une maison du village infesté d'Allemands; une ville belge et attendent qu'il se passe quel­ les jambes isolées des soldats allemands. que chose. L'originalité de ce début ne surprend pas car Aldrich avait particulièrement soigné Les angles de prises de vue varient à l'in­ les génériques de et The Big fini: plusieurs plongées (les soldats de Costa Knife. allant au combat; Costa arrivant blessé dans la cave), quelquefois combinées avec des mouve­ Le scénario est adapté d'une pièce de théâ­ ments de camera plus qu'expressifs (plongée- tre. Cela ne se fait pas beaucoup sentir, quoi travelling-arrière exécutée à l'aide de la grue qu'en pense Aldrich lui-même. Dans une inter­ aboutissant à un plan américain lors de la partie view, François Truffaut lui demandait si le de cartes; la plongée finale combinant un travel­ film souffrait du fait que l'armée américaine ling arrière nous montrant Woodruff). Signalons avait refusé de prêter hommes et matériel. Ald­ une magnifique contre-plongée: Costa se pen­ rich répondit: "Oui, parce que j'aurais tourné des chant sur le corps du très jeune soldat tué. scènes de bataille plus amples et sans doute plus convaincantes; il est difficile avec un petit Le film recèle plusieurs mouvements d'appa­ budget de se passer de figuration et de matériel; reils, soit descriptifs (on passe en revue, au dé­ les deux tanks que vous avez vu passer et re­ but, les hommes de Costa; Cooney vu pour la passer sont encore dans mon garage; j'ai dû première fois par le spectateur à travers l'ar­ les acheter moi-même ainsi que deux motocy­ moire: la camera le suit), soit dramatiques (la clettes; j'ai loué deux halftracks et une camion­ caméra exécutant une pirouette autour de Costa nette japonaise que j'ai fait maquiller en ambu­ étendu par terre et essayant de rejoindre son lance américaine; il a fallu que je m'arrange revolver que Cooney pousse malicieusement pour ne montrer tout ce matériel à la fois que avec son pied; le travelling-arrière final don­ dans une seule scène... Avec le concours de nant l'impression d'univers fermé dans lequel se l'armée, je me serais davantage éloigné de la trouve Woodruff). pièce de théâtre; le film serait à la fois meilleur et plus commercial". Au sujet des décors, ajoutons, au regret for­ mulé par Aldrich, que cette économie forcée n'est pas choquante pour le spectateur. On croit 5. La réalisation qu'il s'agit d'une manière de stylisation tout à fait justifiée sur le plan esthétique. Aldrich est un auteur de films qui possède du style. Ce dernier se caractérise par des ima­ La lumière, dans les scènes d'extérieur, est ges cadrées de façon inhabituelle, par des angles éclatante de sorte que les contrastes sont forte­ recherchés, par des mouvements de caméra com­ ment marqués entre le noir et le blanc. Par pliqués, par un montage plutôt brutal, par des contre, les scènes d'intérieur sont plutôt sombres. situations poussées à leur paroxysme, par une audace qui commande des sujets tabous ou peu De la bande sonore, distinguons les dialogues souvent traités au cinéma, enfin, par un culte et la musique. Les premiers, abondants, dans les de la vérité, thème profond d!Attack. scènes d'intérieur, ont quelquefois autant de valeur de choc que les images. A certains mo­ Commençons par les images. Volontairement, ments, le niveau de l'anecdote est dépassé pour Aldrich met de la dynamite dans ses plans: ils déboucher sur une discussion de caractère in­ sont violents au point d'être à peine soutenables. tellectuel. Quant à la seconde, elle n'a rien de Cruels par ce qui se passe sur l'écran (scènes particulièrement remarquable. Elle appuie un dynamiques) ou par ce qui s'y dit (scènes sta­ peu trop et un mauvais goût se manifeste dans tiques). Aldrich emploie toutes les sortes de l'emploi des choeurs pour la séquence finale. plans: ensemble, demi-ensemble, américain, gros Relevons cependant une scène où elle s'avère plan, très gros plan; plan bref, plan très long. singulièrement efficace: Costa et Cooney déci­ dant des opérations devant une carte géogra­ Les cadrages ne sont pas faits à l'aveuglette. phique et Costa menaçant Cooney, des notes Exemples: un soldat vu à travers un vitrail bri­ saccadées (et discordantes) au piano traduisent sé; Cooney vu à travers une armoire à multi­ la rage et le dégoût de Costa.

22 SÉQUENCES Le montage se caractérise par une "hachure" les plus élémentaires de la justice; il n'assimile des scènes. Les plans se succèdent de façon pas l'événement, il le vit, pleinement, sauvage­ volontairement incohérente. Aldrich ne laisse ment, jusqu'au bout". pas le spectateur en paix; il veut toujours l'ac­ Le capitaine Cooney est un personnage qui crocher par une surprise nouvelle. Un bon inspire le dégoût, dès sa première scène. C'est un exemple est ce plan des jambes des deux Alle­ enfant qui n'a pas grandi: il a apporté à l'ar­ mands, en haut de l'escalier de la cave, intercalé mée toutes les petites jouissances qu'il aimait: entre des images des Américains anxieux, en les chaussettes bien placées sous son lit, une bas. Cet exemple met à jour un procédé utilisé valise pleine de boisson. Les réactions devant un par Aldrich: le changement de point de vue acte difficile sont exactement celles d'un enfant: d'une image à l'autre. Ainsi, le réalisateur pla­ au bruit d'une explosion, il se casque; il rage cera un plan "subjectif" (les Américains vus à inutilement contre le prisonnier allemand; il boit travers des jumelles allemandes) au milieu à chaque fois qu'il est en danger ou se met à d'une scène montrant exclusivement des Amé­ pleurer et se recroqueville sur son lit. Mais ce ricains. qui choque le plus, c'est qu'il feint d'être brave. 6. L'interprétation Le colonel Bartlett est aussi odieux que En Costa, Jack Palance reprend un rôle si­ Cooney car, lui, il tolère une telle situation — milaire à celui de Charles Castle dans The pour des fins intéressées. Dans le fond, il est de connivence avec Cooney. Il ira d'ailleurs Big Knife. Il campe avec vigueur ce soldat ré­ jusqu'à demander à Woodruff de signer un "cer­ volté: crispations, cris et regards significatifs tificat de mort héroïque" pour Cooney. Sous constituent ses principaux moyens d'expression. des apparences de droiture, on découvre un Son jeu n'est jamais forcé, comme ce sera le être délétère. cas dans . Notons que Jack Palance semble l'interprète favori d'AIdrich Woodruff se situe entre Bartlett et Costa. Il puisqu'il a employé cet acteur dans trois de ses ne se passionne pas comme Costa, mais ce qu'il films. voit le dégoûte également. Il essaie de se tenir Eddie Albert est extraordinaire dans le rôle entre Costa (dont il partage les vues), Cooney de Cooney. Il traduit à merveille la lâcheté, la (qui est son supérieur immédiat et pour qui il veulerie du personnage, en se promenant, en se éprouve une certaine pitié) et Bartlett. Il tuera frottant les mains et en pinçant les lèvres dans Cooney, certes. Ce ne sera pas par vengeance ou les moments les plus pathétiques et quand on rancoeur, mais uniquement dans un but très attend de lui des ordres qui ne viennent pas. pratique: pour éviter une monumentale bêtise Albert a un sourire narquois qui en dit long. de Cooney qui aurait coûté la vie à ses compa­ gnons. 7. Les personnages • * • Le lieutenant Costa est un pur. C'est le Attack est un film qui exalte le culte de la personnage auquel le spectateur s'identifie le vérité comme rarement il nous fut donné de le plus: avec lui, nous sommes écoeurés de l'atti­ voir à l'écran. C'est d'ailleurs un des thèmes tude de Cooney. Gilbert Salachas décrit Costa favoris d'AIdrich. Pour faire éclater cette vérité, en ces termes: "C'est un être brut, une force de Aldrich se sert de la violence. Mais jamais la nature. Il rappelle souvent le héros shakes­ l'horreur n'est utilisée pour elle-même. Aldrich a pearien qui lutte dans les ténèbres d'une cons­ un but plus élevé. Il veut dévoiler la corruption cience tourmentée et intuitive. Ses réactions ont de supérieurs crapuleux et dénoncer la nullité le beauté et la logique touchantes des éléments et l'horreur de la guerre. les plus simplistes du comportement humain: le Une question persiste après avoir vu Attack: coeur et le muscle agissent spontanément. Une faut-il sacrifier l'obéissance à la justice? Ou trahison appelle une vengeance selon les règles est-on obligé d'obéir à un supérieur indigne? * * * ETUDE 4. Qu'est-ce qui nous séduit chez Costa? Com­ ment interprétez-vous ses dernières paroles? 1. Par quoi se caractérise le style d'AIdrich? 5. Qu'est-ce qui nous exaspère chez Cooney? 2. Etes-vous d'accord avec l'opinion d'AIdrich Comment expliquez-vous son comporte­ sur son film? ment? 3. Certains critiques ont vu, dans Attack, de 6. Appréciez le réalisme dans ce film. l'antimilitarisme. Qu'en pensez-vous? 7. Quelle est votre opinion sur Attack?

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