Évolution Des Couverts Forestiers Depuis La Fin De L'ancien Régime Dans La Région De Selongey
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ARTICLE Évolution des couverts forestiers depuis la fin de l’ancien régime dans la région de Selongey Floriane PAULIN* & Jean-Louis MAIGROT** Résumé La mosaïque végétale qui compose la trame de nos paysages à une histoire. Cette histoire est explicative de l’allure, de la disposition, et de la nature des couverts végétaux dans le paysage actuel, ainsi que des groupements remarquables pouvant y être observés. In situ, le naturaliste doit alors s’interroger sur leur genèse. Le cadastre napoléonien constitue un outil privilégié pour y répondre. Mots-clés : paysage forestier, SIG, cadastre napoléonien, exode rural, boisement. * Elève-Ingénieur - Agrosup Dijon ** UMR ARTeHIS Université de Bourgogne - 4 rue Alfred Marpaux - 21000 DIJON - [email protected] La disposition, l’allure et la physionomie du paysage forestier actuel résultent de l’activité humaine sur un milieu physique et édaphique. En retour, il participe à la définition même de ce milieu. En Côte-d’Or, comme dans le département voisin de la Haute-Marne, tout deux départements fortement boisés, le paysage a évolué au cours des âges : les grands massifs forestiers actuels n’existaient probablement pas dans leur distribution spatiale et sous leur forme actuelle antérieu- rement au XIXe siècle et encore moins dans l’antiquité comme le montre l’archéologie (PROVOST, 2009 ; PAUTRAT et al., 2010). La croissance forestière aboutissant au paysage actuel est récente, remontant à la fin du XIXe siècle. Le travail présenté ici porte sur une interrogation relative à cette évolution (PAULIN, 2010). Le choix a été fait d’apporter un éclairage sur les modalités et l’intensité des évolutions des formes boisées à partir d’un sondage effectué sur 14 communes du nord de la Côte-d’Or. Ce travail fait en temps limité a été l’occasion de tester la pertinence de l’outil de Système d’Information Géographique (SIG - Environnement ArcGis). Le contexte : mise en perspective Sur un pas de temps séculaire, les densités de population rurale des plateaux calcaires côte- d’orien (et haut marnais) ont toujours été très faibles, oscillant entre 20 et 5 hab/km2 selon les communes et les époques. Même entre 1750 et 1860, lors de l’apogée de la production de fonte et de fer utilisant le charbon de bois, époque où pratiquement toutes les vallées étaient occupées par des établissements métallurgiques, les densités de population sont restées faibles. C’est le cas du Châtillonnais - plateau de Langres, là où précisément va se mettre en place un parc naturel national. Dans cette petite région, ce riche passé métallurgique et archéologique constitue actuellement un élément patrimonial dont il faut tenir compte pour expliquer non seulement Tableau I. Évolution récente des surfaces l’aspect actuel du paysage mais aussi la présence, la position et l’allure des boisées en Côte-d’Or (hectares). groupes biologiques et habitats. Actuellement, cette région est le domaine Dont des grands massifs forestiers : forêts de Châtillon, d’Is-sur-Tille, d’Auberive… Année Superficie Forêts totale domaniales La Côte-d’Or est un grand département forestier : en 2010, toutes espèces confondues, les surfaces boisées couvrent à peu près 33 % de la superficie Début XIXe 252 520 ----- du département avec une surface de 317 970 ha environ, ce qui la situe au 1844 242 520 44 670 5e rang des départements les plus boisés. Plus des ¾ de la superficie boisée 1889 253 900 39 980 sont le domaine des feuillus, majoritairement des chênes et des hêtres. Le 1929 261 010 42 380 reste est aujourd’hui le domaine des résineux. Cette forêt est pour moitié 1960 275 470 45 140 privée, le restant est composé par des forêts publiques appartenant à l’Etat 2000 317 970 46 300 ou à des collectivités territoriales gérées par l’Office National des Forêts. L’estimation de la superficie totale des Les nombreux travaux menés sur l’histoire de la forêt et de l’agricul- forêts diffère selon les auteurs. La valeur ture montrent que l’importance de l’emprise forestière actuelle est récente ici donnée est un compromis entre ces (tableau I) (FABRE, 1911 ; DEROYE, 1937 ; Collectif, 1961 ; SAFE, 1960 ; diverses estimations BROSSELIN, 1973 ; IFN, 2008 ; CCI Dijon, 2005). Rev. sci. Bourgogne-Nature - 13-2011, 65-74 Rev. sci. Bourgogne-Nature - 13-2011, 75-85 75 L’étiage forestier de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle est attesté par la littérature. Les mécanismes généraux l’expliquant sont connus et évoquent un contexte de surpopulation rurale et de surexploitation des forêts dû à divers prélèvements dont la pratique du pâturage : « Au début du XIXe siècle la forêt côte-d’orienne se présente comme un taillis réduit parfois à l’état de broussailles…» (BROSSELIN, 1973). Encore dans les années 1920-1930, le pâturage pour les chevaux et aumailles (bêtes à cornes) s’exerçait dans plus de 500 forêts, communales et particulières, pour une superficie de 99 000 hectares. 50 000 bêtes y étaient éligibles annuellement, mais à cette époque seule- ment 15 000 en profitaient (GUICHARD & JANNIN, 1926). De plus, depuis la déclaration royale de 1766, la surexploitation des forêts s’est accompagnée de défrichement d’une ampleur non négligeable. L’exode rural qui intervient à peu près à la moitié du XIXe siècle libère l’espace, la pression démographique sur la forêt s’affaiblit ainsi que sur l’ager, entraînant l’apparition de friche. En 1926, Henri DROUOT en fait alors un résumé pertinent : « Le déboisement on l’a vu fut considérable au XIXe siècle. Sur les plateaux, des Chaumes d’Auvenay aux friches buissonneuses du Châtillonnais, s’ouvrent de larges trouées chauves parsemées d’églantiers, de genévriers…. Le destructeur constant, plus redoutable encore que l’ancienne forge au charbon de bois fut le mouton. … Mais dès 1861, le reboisement a commencé, encouragé par l’état, aidé par les villes, subventionné par le conseil général…. On reboise en pineraies, pins, épicéas, mélèzes. Le pin sylvestre gagne lentement le Châtillonnais, le pin noir d’Autriche dans le canton de Selongey » (DROUHOT, 1926). Nous avons décidé de descendre à l’échelle communale pour évaluer cette évolution. Le changement (ou transfert) d’échelle en modifiant les perspectives, en passant ici du global (le département, la petite région), au local (la commune), est en géographie un moyen de vérifier la validité des analyses. Le cadre de l’étude 14 communes relevant de 3 cantons et d’autant de petites régions, formant une sorte de transect orienté ouest-est au nord de la Côte-d’Or à la limite de la Haute-Marne, ont fourni le terrain d’étude. Trois zones géographiques et paysagères peuvent être distinguées dans cet ensemble Carte 1. La zone d’étude. de 14 communes regroupant 25 900 hec- tares (figures 1, 2, 3, carte 1 et photogra- phies 1, 2, 3). Cette partition rejoint celle proposée par la DIREN (actuellement DREAL) (DIREN, 1997). BC Limite de finage MF Rupture Cuesta CF Aires IF Bâti Couvert boisé Axes Régional BC Communal Vicinal Zone paysagère Zone paysagère Zone paysagère Front 1 2 3 Boisement Figure 1. Schéma : Partition de la zone d’étude. 76 Floriane PAULIN & Jean-Louis MAIGROT Rev. sci. Bourgogne-Nature - 13-2011, 75-85 Zone géographique et paysagère 1 Communes des vallées du plateau du type Foncegrive. (Montagne nord dijonnaise; Unité 42A ; Plateaux forestiers DIREN). Ces communes se situent dans les vallées, et ont un finage qui se déploie perpendiculairement à cette dernière. Elles présentent un plateau domaine des grands massifs forestiers souvent domaniaux (Légende : « MF » figure 1) comportant de vastes clairières domaine des grandes cultures avec parfois une ferme d’écart. Les pentes, au sommet parfois escarpé sont actuellement boisées. Ce boisement est néanmoins récent comme le montre le plan cadastre napoléonien et dont le découpage subsiste encore sous le bois actuel, cette zone échappant fréquemment aux opérations de remembrement. La vallée souvent inondable est occupée par des herbages et quelques cultures. On y observe les traces de l’ancienne Photographie 1. La vallée de la Tille en aval de Cussey-les-Forges. activité métallurgique qui s’est éteinte progressivement à partir Le haut de pente est occupé par des résineux récents. de la seconde moitié du XIXe siècle, biefs, levées, bâtiments. Le réseau viaire suit préférentiellement la vallée principale et les « combes »1 adjacentes pour communiquer avec le plateau. Zone géographique et paysagère 2 Communes de la côte du type Crecey-sur-Tille (Plaine Dijonnaise ; Unité 72A « plaines, plateaux et dépressions cultivées ») DIREN. Le finage de ces communes est également organisé perpendiculairement à la côte et présente une suc- cession analogue au type 1, plateau forestier avec clairières, pentes qui se boisent (Légende : « CF » figure 1), et à l’est une partie de la plaine dite « de Mirebeau » DIREN), dans laquelle s’observent quelques îlots boisés (Légende : « IF » figure1). Le grand axe interrégional nord-sud de circulation suit le pied de la côte, la communication avec le plateau se fait par les vallées. Photographie 2. Vue de Crecey-sur-Tille en direction de l’ouest. Zone géographique et paysagère 3 Communes de la plaine du type Lux (Plaine de Mirebeau ; Unité 73 « plaine à culture, bois et herbages »). L’organisation des finages est circulaire, l’habitat est groupé au centre du finage d’où rayonne un réseau viaire desservant le parcellaire. Celui-ci remembré très tôt est composé de grandes parcelles géométriques configurées pour un matériel de grande culture. On y observe des îlots boisés (Légende : « IF » figure 1), de formes géométriques évoquant d’anciennes parcelles de culture qui se sont boisées. Les massifs plus importants se situent à la périphérie des finages ayant pu faire limite dans le passé. Photographie 3. Vue d’une partie du finage de Chazeuil comportant 1 Terme local désignant des vallées sèches périglaciaires au versant un îlot boisé.