Décès De Pierre Marion, Premier Directeur De La DGSE
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Décès de Pierre Marion, premier directeur de la DGSE Jean Guisnel Le Point, 25 mai 2010 Décédé le 17 mai, Pierre Marion cité par son ami le ministre de la Dé- avait été nommé à la tête du SDECE fense Charles Hernu. Les deux hommes (Service de documentation extérieure partagent une adhésion à la franc- et de contre-espionnage) par le pré- maçonnerie, mais Marion n’est pas un sident François Mitterrand en 1981. militant socialiste. Il est nommé le 17 Cet homme de caractère ne possé- juin 1981 à la tête du SDECE. dait aucune expérience du renseigne- ment lors de sa nomination, hor- mis celle, bien modeste, d’occasionnel Présidence d’Aéroports “honorable correspondant” du service. de Paris Alors même qu’il devait succéder à un recordman de longévité : le comte Pierre Marion a entamé la moder- Alexandre de Marenches, nommé en nisation et ardemment réformé le ser- 1969 par Georges Pompidou, et qui oc- vice, au point de le faire changer de cupait encore la place en 1981. nom afin qu’il devienne la DGSE en Né en 1921, Pierre Marion était ori- avril 1982. Mais la purge à laquelle il ginaire de Marseille où son père pos- s’est livré en arrivant au SDECE, l’a sédait une grosse entreprise de tra- coupé d’une partie du service. Les rela- vaux publics. Brillant élève, il entre tions qu’il a entretenues avec le pouvoir à 18 ans à l’école polytechnique (X- n’ont jamais été excellentes. Bourreau 39) d’où il sort en 1942 pour être de travail qui exigeait le même effort embauché par Air France, où il ef- de ses collaborateurs, très à cheval sur fectuera la plus grande partie de ses prérogatives, en butte à l’hostilité sa carrière, notamment en Asie. En des militaires qui estimaient avoir des 1971, il quitte le transporteur pour droits sur ce poste, il croisa le fer à devenir délégué général de la so- de nombreuses reprises avec le minis- ciété Aérospatiale (Société nationale tère de l’Intérieur et avec la cellule de industrielle aérospatiale-SNIAS) pour l’Élysée, notamment sur l’organisation l’Amérique du Nord. Il y restera dix de la lutte antiterroriste. Adepte des ans. Alexandre de Marenches ayant re- longs développements géostratégiques, fusé de rester en poste au SDECE il a rapidement indisposé ses interlo- comme le lui avait proposé François cuteurs habituels à l’Élysée. Preuve de Mitterrand, Pierre Marion est solli- l’absence de confiance des socialistes 1 2 envers sa maison : il ne fut jamais mis décidé de faire espionner sur une large au courant de l’affaire Farewell. Rap- échelle des citoyens français, j’ai pris la pelons que Vladimir Vetrov, colonel du décision de démissionner.” (Le Figaro, KGB, avait fourni à la DST, à Moscou, 28 juillet 2005) des milliers de documents sur l’espion- Pierre Marion restera aussi celui nage soviétique. À l’été 1982, à peine qui engagea les services secrets fran- un an après avoir été nommé, il est çais, bien avant la fin de la guerre lâché par ses amis Charles Hernu et froide, dans l’espionnage économique, François de Grossouvre. François Mit- au profit des entreprises françaises. Ses terrand décide dès lors de le remercier, successeurs immédiats, Pierre Lacoste, ce qui sera fait en novembre 1982 sans puis François Mermet, avaient pour- lui donner d’explication, mais en lui of- suivi dans cette voie. Mais c’est Marion frant la présidence d’Aéroports de Pa- qui avait largement popularisé cette ris. pratique en l’admettant publiquement en 1991, lors d’une émission de la Espionnage économique chaîne américaine NBC. Grand sportif, amateur de ski, pi- Aux journalistes Roger Faligot et lote d’avion léger, Pierre Marion était Pascal Krop, Pierre Marion confessera également un yachtman de bon niveau. en 1985 son ignorance des motivations Ouvrages de Pierre Marion : La présidentielles : “Je ne sais toujours pas mission impossible. À la tête des ser- pourquoi on m’a évincé.” Puis, après vices secrets (Calmann Lévy, 1991) avoir écrit plusieurs livres féroces sur / Le Pouvoir sans visage (Calmann le complexe militaro-industriel, le ren- Lévy, 1994) / Mémoires de l’ombre - seignement et François Mitterrand, il Un homme dans les secrets de l’État en viendra à une explication plus avan- (Flammarion, 1999) / Mes bien-aimés tageuse : “Lorsque j’ai compris que le frères Histoire et dérive de la franc- Président ne jouait plus le jeu, et avait maçonnerie (Flammarion, 2001)..