BULLETIN

DE LA SOCIÉTÉ NEUCHÂTELOISE DES SCIENCES NATURELLES

FONDÉE EN 1832

LES SCIENCES NATURELLES À TRAVERS LES PUBLICATIONS DE LA SNSN (PARTIE 1)

Tome 131

2010

PUBLIÉ AVEC LE SOUTIEN DE :

BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ NEUCHÂTELOISE DES SCIENCES NATURELLES 131 : 03-06. 2010

175E ANNIVERSAIRE DE LA SOCIÉTÉ NEUCHÂTELOISE DES SCIENCES NATURELLES

WILLY MATTHEY & JACQUES AYER

BREF RAPPEL HISTORIQUE La Société des Sciences naturelles de Neuchâtel a été fondée en 1832 sous l’impulsion d’un groupe de scientifi ques, dont Louis Agassiz, Henri de Joannis et Henri Ladame, trois noms que l’on retrouvera dès 1840 dans le corps professoral de la première Académie, la future Université. On sait que le plus connu d’entre eux, Louis Agassiz, devint par la suite une personnalité scientifi que de première importance aux Etats-Unis d’Amérique. La SSNN fut d’abord un cercle scientifi que restreint où l’on débattait entre spécialistes de problèmes d’actualité dans les domaines de la médecine, de la zoologie, de la botanique, de la géologie, des mathématiques, de l’ingénierie et même, last but not least, de l’horlo- gerie. Des correspondants, tels Arnold Guyot, Edouard Desor, Léo Lesquereux, Alexandre Agassiz, envoyaient de l’étranger des «lettres» qui étaient de véritables rapports scientifi - ques et qui étaient lues et discutées lors des séances. La révolution de 1848 entraîna l’émigration de plusieurs des animateurs de la Société, mais grâce à de nouvelles énergies, dont Edouard Desor, revenu à Neuchâtel, l’activité reprit et ne s’est plus guère démentie depuis. Au cours des 175 ans de son histoire, la SSNN, devenue Société neuchâteloise des Sciences naturelles en 1893 (SNSN), fut présidée par des personnalités scientifi ques réputées, telles que Louis Coulon, premier président qui régna durant un demi siècle, mais aussi Emile Argand, géologue; Jean-Georges Baer, zoolo- gue et parasitologue; Claude Favarger, botaniste; Hans Schardt, géologue, pour ne citer que quelques personnalités connues dont les biographies fi gurent dans les Bulletins et ailleurs.

LE BULLETIN ET LES MÉMOIRES L’histoire de la SNSN se confond avec celle de son Bulletin. En effet, onze ans après sa fondation, la SSNN décida de publier la teneur de ses débats afi n, ce sont les termes utilisés, «d’offrir un moyen de prompte publicité aux observations qui sont de nature à intéresser le public scientifi que». Pour répondre à l’attente du nombre croissant de ses membres, pas tous des scientifi ques professionnels, les séances ont dû faire une place de plus en plus grande à la vulgarisation en programmant des conférences d’intérêt général. Les professeurs de l’Université y ont pris une grande part en présentant l’évolution de leurs domaines de recherche. Cette évolution se refl ète dans le Bulletin, qui est devenu un journal scientifi que à part entière, publiant le résultat des recherches de membres de la SNSN et des rapports scien- tifi ques, et non plus seulement des comptes rendus de débats. Toutefois, ouverture vers le

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public non spécialisé, un article d’information générale occupe maintenant les premières pages des Bulletins, qui paraissent une fois par an, en un ou plus rarement deux tomes. La SNSN a aussi édité douze Mémoires contenant des travaux trop volumineux pour fi gurer dans le Bulletin ou regroupant une série d’articles sur un thème donné, par exemple à l’occasion d’un congrès tenu à Neuchâtel (Mémoire 11).

LA TABLE DES MATIÈRES ET L’INDEX En 2002, le Bulletin publiait son 125ème numéro. À cette occasion, J. Ayer et W. Mat- they, rédacteurs, ont entrepris l’ambitieux travail d’établir une table des matières à plu- sieurs entrées de l’ensemble des publications des Bulletins et des Mémoires SNSN (Bul- letin 125.2). Dans leur introduction à ce document, ils ont présenté les caractéristiques de la publication et souligné l’importance scientifi que des Bulletins et des Mémoires. Nous y renvoyons les lecteurs.

Pour marquer le 175ème 2007 étant l’année du 175ème anniversaire de la création de la SNSN, le comité avait convenu de marquer cette échéance par une publication commémorative, comme ce fut le cas pour les célébrations précédentes. Sous les plumes respectives de Louis Favre (50e), de Louis Rivier (100e) et de Georges Dubois (125e et 150e), un recensement des travaux parus dans les Bulletins avait été présenté à ces occasions. Pour le 175e, il nous a paru adéquat de réaliser un Bulletin commémoratif qui consti- tuerait une suite logique à la table des matières, parue en 2006, sous la forme d’ une série d’études sur les thèmes importants traités dans le Bulletin et les Mémoires. Comment choisir ces matières ? Certaines s’imposaient d’elles-mêmes, par exemple la botanique, la géologie et la zoologie, sciences naturelles par excellence et largement repré- sentées dans notre revue. Mais au XIXe siècle et au début du XXe, on trouvait dans le Bulletin des matières qui en ont disparu par la suite, telles la médecine, la géodésie, le génie civil, qui ont migré dans des revues spécialisées et/ou à plus large diffusion. Ces publications de la SNSN ont encore une valeur historique. C’est nettement le cas avec l’horlogerie. On peut trouver surprenant aujourd’hui que les tenants de cette industrie aient signé 141 communications, comptes rendus de conférences et rapports dans une revue de sciences naturelles. C’est l’occasion de rappeler que des pionniers en la matière, tels A. Hirsch et M. Hipp, étaient des membres éminents de la SNSN, et qu’ils ont trouvé naturel de beaucoup publier dans leur Bulletin. Il fallait aussi tenir compte de l’importance des contributions: par exemple en mathé- matique, dont le Bulletin n’est pas très pourvu, surtout parmi les auteurs modernes. Mais on trouve tout de même dans ses pages des noms qui méritent d’entrer dans les mémoires: H. Ladame, L. Isely, G. Juvet, S. Gagnebin, W. Sörensen. Nous leur réservons un rappel succinct plus loin. Devait-on proposer un sujet peu représenté dans nos publications parce qu’un ou deux scientifi ques de renom en avait traité, à l’exemple de la malacologie où l’on trouve les signatures de J. Favre et J. Piaget ? Ou encore, fallait-il reprendre un sujet qui avait fait l’objet d’un article récent dans le bulletin, comme la chimie ou l’astronomie alors qu’une référence aurait suffi ? (p. ex Van- berge, C. et Neier, R. 2001; Fischer, G. 2001).

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Finalement, les rédacteurs, au risque de faire quelques mécontents, ont établi une liste de quinze titres qui tente de répondre à ces questions tout en donnant une image valable du contenu scientifi que du Bulletin.

La seconde étape consistait à trouver des auteurs disponibles. En ces temps de sur-occu- pation de chacun, ce n’était pas forcément évident. Pour ce faire, les rédacteurs ont lancé un appel à différents spécialistes, membres de la SNSN si possible, afi n qu’ils traitent de l’évolution de leur discipline vue à travers les articles des 130 numéros des Bulletins et des 12 mémoires. Sur la liste initialement prévue, neuf auteurs, plus les deux rédacteurs, se sont attelés cette tâche un peu ingrate de fouiller Bulletins et Mémoires. Sous leur plume (peut- être devrions-nous dire sur leur écran), onze articles et notices ont vu le jour. Ils constituent non seulement le présent numéro n°131 (et non 130.2 comme initialement prévu), mais aussi l’essentiel du numéro 132, à paraître également cette année, avec les importantes contributions de J.-P- Schaer en géologie et de R. Stettler en hydrologie urbaine.

Toute liberté a été laissée aux auteurs pour le traitement de leur sujet, si bien que la conception et la taille des articles varient beaucoup. Certains spécialistes pressentis ont poliment refusé leur collaboration (Archéologie), d’autres n’ont pas abouti dans leur rédac- tion (Mycologie, Horlogerie). Ces trois sujets, qui sont bien représentés dans les pages des Bulletins et des Mémoires, ne pouvaient sans autre être laissés de côté. Les rédacteurs , au risque de paraître présomptueux, ont pris le relais des auteurs pressentis pour présenter de leur mieux les disciplines en question, avalisés dans deux cas par des spécialistes. Nous avons regroupé plus loin ces articles, auxquels s’est ajoutée une notice « Mathématiques » sous le titre général « De quelques disciplines en quête d’auteurs ».

Au terme d’une longue préparation, les rédacteurs peuvent remercier les auteurs pour leur contribution à ces Bulletins-anniversaires et pour leur patience. En voici les noms: François Felber (Botanique); Pierre Galland (Botanique); Marcel S. Jacquat (Zoologie, Vertébrés); Eric Jeannet (Physique); Bertrand de Montmollin (Protection de la Nature); Berta Pokorni. (Limnologie et Hydrobiologie); Jean-Paul Schaer (Géologie et Paléonto- logie); R. Stettler. (Hydrologie urbaine); C. Vaucher (Zoologie, Helminthologie). Les rédacteurs du Bulletin SNSN se sont chargés ensemble, outre de l’introduction, des sujets suivants: Archéologie, Horlogerie, Mathématiques, Mycologie. De plus, Jacques Ayer est coauteur de la Géologie et Paléontologie et Willy Matthey auteur des articles Arthropodes et Malacologie.

BIBLIOGRAPHIE BURGAT-DIT-GRELLET, M. & SCHAER, J.-P. 2001. Adolphe Hirsch (1830-1901): directeur de l’Observatoire de Neuchâtel de 1858 à 1901. Bull. Soc. neuchâtel. Sci. nat. 124 : 23-39

FISCHER, G. 2001. Adolphe Hirsch (1830-1901): l’astronomie et les sciences de la terre. Bull. Soc. neuchâtel. Sci. nat. 124 : 41- 47

MATTHEY, W. & AYER, J. 2006. Bulletins et Mémoires de la Société neuchâteloise des Sciences naturelles. Table des matières et index (1835-2002). Bull. Soc. neuchâtel. Sci. nat. 125.2.

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MATTHEY, W. & AYER, J. 2007. Supplément à la table des matières et index des Bulletins et Mémoires de la SNSN (années 2003-2006). Bull. Soc. neuchâtel. Sci. nat. 130.1 : 129-140.

QUELOZ, D. 2002. Les mathématiques in Histoire de l’Université de Neuchâtel. T.3. Editions Gilles Attinger. Hauterive. Suisse.

VANBERGE, C. & NEIER, R. 2001. L’histoire de l’Institut de chimie de l’Université de Neuchâtel entre 1875 et 1962. Bull. Soc. neuchâtel. Sci. nat.124 : 161-178

6 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ NEUCHÂTELOISE DES SCIENCES NATURELLES 131 : 07-15. 2010

DE QUELQUES DISCIPLINES À LA RECHERCHE D’AUTEURS

WILLY MATTHEY

ARCHÉOLOGIE, 165 ANS DE PRÉSENCE DANS LES BULLETINS SNSN

La richesse de la région neuchâteloise en sites archéologiques est bien connue. En effet, les gorges de l’Areuse et du Doubs étaient propices au séjour des chasseurs paléolithiques qui y ont laissé des traces de leur présence (par exemple la grotte de Cotencher) et même leurs os (grotte du Bichon), tandis que les rives des lacs subjurassiens ont été très favorables à la civilisation lacustre. Sur les bords du lac de Neuchâtel, les archéologues ont mis à jour les traces de campe- ments des chasseurs magdaléniens à Hauterive/Champréveyres, endroit colonisé ensuite par les «lacustres» (Arnold et al., 1987). Enfi n, le site d’Auvernier est dorénavant connu dans le monde entier tandis que la Tène a même donné son nom à la civilisation du second âge du fer, célébrée par l’édifi cation du moderne Latenium.

Ce sont là des généralités connues de tous. Mais pourquoi ce rappel de béotien ? C’est que les débuts de l’archéologie se retrouvent dans les publications de la Société neuchâteloise des Sciences naturelles dès les premiers numéros. On le sait moins parce que la plupart des auteurs de ce temps ont disparu des bibliographies contemporaines. ll faut cependant rappeler que les Bulletins et les Mémoires contiennent 156 titres de commu- nications, certes d’inégale importance et parfois dues à des amateurs enthousiastes, mais saccageurs, dont l’absence de méthode horrifi e les archéologues d’aujourd’hui.

DE LA PRÉHISTOIRE À LA TENE. Dans les publications de la SNSN, le Paléolithique se concentre sur le site de Cotencher. Fouillée dès février 1867 par H. L. Otz, archéologue amateur et par C. Knapp, géographe et directeur du Musée d’ethnographie, la grotte s’est révélée être un des plus importants gisements moustériens de Suisse. De plus, elle était extrêmement riche en restes d’animaux (62 espèces), devenant ainsi un précieux témoin de la faune des vertébrés pléistocènes. Ces deux chercheurs, puis Desor, ont communiqué au sujet de Cotencher devant la SNSN. A. Dubois,géologue , est revenu sur le sujet dans sa « Description géologique de la région des Gorges de l’Areuse » publiée avec H. Schardt en 1901 (t. 30). Dubois a présenté le résultat des fouilles qu’il menait sur le site et fait visiter la grotte à la Société. Plus complet, D. Vouga consacrera le chapitre sur le paléolithique de sa « Préhistoire du pays de Neuchâtel …» à la signifi cation archéologique de Cotencher (voir infra).

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Une fi gure de stature nationale émerge P. Vouga n’a pas publié de textes dans les parmi les 62 auteurs et conférenciers en Bulletins (excepté la nécrologie de G. Bel- archéologie présents dans les Bulletins lenot, archéologue et enseignant), mais il y et les Mémoires SNSN: celle de Edouard est présent par les comptes rendus de ses Desor (1811-1882, nécrologie in Bull. t.12, nombreuses conférences qui concernent les 1879-82). Cet ancien compagnon d’Agas- stations lacustres et le site de La Tène, les siz, revenu d’Amérique, a joué un rôle fouilles de la grotte de Cotencher et de la très important dans l’activité scientifi que Baume du Four, ainsi que le site de Glozel neuchâteloise de l’époque, incarnée par la (France), fameux par les controverses qu’il Société des Sciences naturelles de Neu- a suscitées. châtel (SSNN jusqu’en 1893, puis SNSN). Desor, esprit éclectique et érudit, s’y mon- ÉPOQUE ROMAINE tre particulièrement actif. Sur ses 215 com- munications, il en a consacré 71 à l’archéo- Plus présentes dans les revues historiques, logie, dont la moitié concernent ce qu’on les traces laissées par la civilisation romaine appelait alors la « civilisation lacustre » sur le territoire neuchâtelois sont assez peu (Kaeser, 2004). Ses publications sont en mentionnées dans les Bulletins SNSN. apparence très dispersées, mais, comme des Parmi la quinzaine d’articles et compte ren- tesselles rassemblées élaborent une image dus qui leur sont consacrées, on ne compte en mosaïque (osons changer d’époque !), que de simples mentions de découvertes ses communications, auxquelles s’ajoutent d’objets, d’outils, d’armes, mais surtout de celles de contemporains tels L. Coulon et monnaies en différents endroits du canton et L. Favre, forment un panorama cohérent de ses alentours. Seule la publication de G. de cette fameuse civilisation. La SSNN a Ritter sur les vestiges de ponts romains à la publié dans son Mémoire 4.2 (1874) un gros Sauge fait exception. document de E. Desor intitulé « Le bel âge du bronze en Suisse » superbement illustré MOYEN ÂGE par des planches de L. Favre. Comme l’écrit Rychner (2002): « très tôt après la décou- Ici aussi, on trouve en majorité des men- verte des palafi ttes dans les lacs du pied du tions d’objets trouvés dans différents sites Jura, Desor devint (…) un des grands prê- du canton de Neuchâtel. Toutefois, les tex- tres de l’archéologie lacustre ». tes de A. de Mandrot et de H. de Montmol- Une partie des publications archéolo- lin consacrés à la Bonneville (Val-de-Ruz) giques de Desor traitent aussi ce que l’on ont nettement plus d’ampleur. appelait à l’époque les objets celtiques (âge En métallographie, J. Jeanprêtre et A. du fer). Jaquerot se sont intéressés aux alliages monétaires de cette époque. Il faut rappeler aussi l’œuvre de Paul Vouga (1889-1940), l’autre grande fi gure Une importante publication, déjà citée de l’archéologie neuchâteloise présente plus haut, intègre pratiquement tous les dans les Bulletins. Sa renommée est inter- travaux mentionnés jusqu’ici. C’est le nationale pour sa monographie sur la station Mémoire No 7 de Daniel Vouga, publié par de la Tène (1923). Il devint professeur d’ar- la SNSN avec l’appui de l’Université en chéologie pré- et protohistorique à l’Uni- 1943. Intitulé «Préhistoire du pays de Neu- versité de Neuchâtel et se dépensa pour la châtel, des origines aux Francs», ce livre, le protection des sites archéologiques contre « grand classique » selon M. Egloff (1989), le pillage. représente la synthèse des travaux accom- plis dans le canton jusque-là.

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Ensuite, durant une trentaine d’années, L’archéobotanique est aussi présente dans l’archéologie se fait rare dans les Bulle- le Bulletin. En 1866 déjà, Desor donnait tins. Mais en 1975 (t.98), trois publications communication d’une brochure de Herr sur paraissent dans le même numéro: les plantes et les fruits des stations lacustres - B. Arnold & F.-H. Schweingruber publient (on ne parlait pas encore de carpologie !). un travail bien illustré sur l’archéologie et la Près d’un siècle plus tard, la publication de botanique des pilotis de la station d’Auver- B. ARNOLD & F.-H. SCHWEINGRUBER (1975) nier. reparle de botanique par l’intermédiaire de - J.-L. Boisaubert & J. Dusse étudient une la structure des bois de pilotis. Enfi n, en accumulation locale de restes de poissons 1986 (t.109), F. Straub rend compte de ses (brochets) sur le site de la Saunerie (Auver- travaux et de ceux d’autres algologues qui nier). utilisent les diatomées pour reconstituer le - J. Desse décrit les restes de petits mammi- paléoenvironnement de sites lacustres. fères également sur le site d’Auvernier, tra- ces d’une activité de pelleterie de l’époque D’un point de vue général, la présence néolithique. conjointe de l’Archéologie et des Sciences Puis, en 1978 (t.101), B. Arnold et C. naturelles dans les Bulletins jusque dans les Monney présentent une étude géologique temps modernes souligne la parenté de ces et archéozoologique des amas de galets du deux disciplines. village littoral d’Auvernier-Nord. REMERCIEMENTS Ces trois derniers travaux montrent l’im- portance prise par l’archéozoologie dans A Cécile Matthey-Keller pour sa relec- l’étude des sites. On en a encore la confi r- ture critique et attentive de ce texte. mation avec les recherches de M. A. Borello et L. Chain (1983, t.106) sur la faune de Hauterive-Champréveyres BIBLIOGRAPHIE (bronze fi nal), qui énumèrent les ossements de 14 espèces domestiques et sauvages. De ARNOLD, B. et al., 1987. Hauterive a 12000 même avec la belle découverte d’une tête de ans. Nouvelle Revue Neuchâteloise no 15. rhinocéros laineux tardiglaciaire dans le lac de Neuchâtel. Neuchâtel (P. Morel et B. Hug, 1995, t.119). Célestin Nicolet avait rédigé la première EGLOFF, M. 1989. Des premiers chasseurs au communication archéozoologique du Bulle- début du christianisme. pp. 10-160. In: Histoire du Pays de Neuchâtel. Tome 1. Ed. Gilles tin (t.1, 1844-6) en relatant les découvertes Attinger. Hauterive. Suisse. d’ossements de Carnivores et Périssodacty- les dans des grottes de la région de Maîche KAESER, M. A. 2004. Les lacustres. Archéologie par des spéléologues français. On en décou- et mythe national. Presses Polytechniques et vre dix autres dans les Bulletins, la dernière Universitaires Romandes. . étant due à la plume de P. Morel et concer- nant une datation radiocarbone des os d’un MATTHEY, W, & AYER, J, 2006. Bulletins et élan holocène trouvés dans un gouffre près Mémoires de la Société Neuchâteloise des des Verrières (1998, t.121). La comparai- Sciences Naturelles. Table des matières et son du compte rendu de Nicolet avec les index (1835-2002). travaux de Morel et Hug (1995), puis de RYCHNER, V. 2002. Université de Neuchâtel. vol Morel (1998), permet de mesurer le progrès 3. Ed. Université de Neuchâtel et G. Attinger. des méthodes au cours des 150 années qui Hauterive. Suisse. les séparent.

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SCHARDT, H & DUBOIS, A. 1902. Description Fischer (t. 124, 2001), pour obtenir l’heure, géologique dans la région des Gorges de il fallait forcément observer le ciel. l’Areuse. Bull. Soc. neuchâtel. Sci. nat. 30 : En 1858, A. Hirsch est appelé afi n de 195-352. diriger l’édifi cation du bâtiment, puis d’or- ganiser l’institution (Burgat-dit-Grellet. & VOUGA, D. 1943. Préhistoire du Pays de Neuchâtel des origines aux Francs. Mémoire 7 de la Schaer. 2001). Sous sa direction, l’Observa- SNSN. Ed. SNSN et Université. Neuchâtel, toire de Neuchâtel a joué un rôle important Suisse. dans le développement de l’horlogerie de précision. Hirsch déterminait et transmet- VOUGA, P. 1923. La Tène, monographie de la tait l’heure exacte nécessaire au réglage des station. Ed. Karl W. Hiersemann. Leipzig. chronomètres de marine fabriqués dans le canton, puis à la Suisse entière. Il était en effet important pour la vente de ces instru- ments qu’ils fussent certifi és par un obser- vatoire reconnu. Hirsch organisa ensuite à L’HORLOGERIE, REFLETS D’UNE l’Observatoire un concours de chronomè- INDUSTRIE NEUCHATELOISE tres dont les résultats furent publiés dans le DANS LE BULLETIN Bulletin de 1863 à 1899. A. Hirsch était un homme remarquable par L’importante industrie horlogère implan- sa capacité de travail, son sens de l’organi- tée dans l’Arc jurassien a fait l’objet d’une sation, son entregent et sa curiosité d’esprit. abondante littérature dont quelques retom- Il occupait une place prédominante dans la bées signifi catives apparaissent dans les SNSN, tant pas le poids de ses interventions Bulletins sur les thèmes suivants: dans les discussions que par ses nombreu- ses publications et communications (279, record du Bulletin) dans tous ses domaines LES TECHNIQUES DE DORAGE ET LES d’intérêts: mesure du temps, astronomie, DANGERS QU’ELLES PRÉSENTENT POUR géodésie, météorologie et même psycholo- LA SANTÉ DES OUVRIERS. gie expérimentale (mesure de la vitesse de Olivier Matthey et d’autres, dont H. la conduction nerveuse). Ladame, décrivent les problèmes de santé On trouve également dans le Bulletin posés par les vapeurs de mercure. Ce métal sous sa signature les abondants « Rapports était en effet utilisé dans le dorage des boî- de la commission internationale des poids tes de montres et des fournitures pour l’hor- et mesures » dont il était secrétaire et qui logerie jusqu’à son remplacement par la témoignent de la considération internatio- galvanoplastie. (24 mentions dans la Table nale dont il jouissait. (Nécrologie par Le des matières) Grand Roy, t.29, 1901; Burgat-dit-Grellet & Schaer, t.124, 2001). ADOLPHE HIRSCH ET L’OBSERVATOIRE (1830-1901) MATTHÄUS HIPP ET LES HORLOGES ÉLECTRIQUES (1813-1893) Afi n de donner aux fabricants de chrono- mètres neuchâtelois une référence horaire Bricoleur génial, M. Hipp fi t un apprentis- locale précise, nécessaire pour le réglage de sage d’horloger. Fasciné par les perspectives leurs pièces d’horlogerie de précision, les qu’ouvrait l’énergie électrique, il développa autorités du canton décidèrent la création diverses inventions dans ce domaine (amé- d’un observatoire muni d’une lunette méri- lioration du télégraphe, chronoscope, méca- dienne, car à cette époque, comme l’écrit G. nisme des horloges électriques et autres). Il

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fut nommé par le Conseil fédéral directeur le Bulletin. Parmi elles, on trouve trois technique de l’Administration des télégra- comptes rendus de conférences et visites phes à Berne. qu’il consacra au LSRH. Par la suite, des Vers 1860, sur l’incitation de A. Hirsch, chercheurs de cette institution sont venus Hipp vint s’établir à Neuchâtel et fonda informer la SNSN des développements une fabrique de télégraphes et d’appareils techniques de l’horlogerie tels que garde- électriques, d’horloges en particulier, qui temps à quartz, électronique en horlogerie deviendra par la suite la FAVAG. Il dota et horloge atomique. la ville d’un réseau d’horloges publiques dirigées par une horloge-mère précise au BIBLIOGRAPHIE 1/100e de seconde et collabora avec Hirsch pour améliorer la diffusion de l’heure astro- GAGNEBIN, A.S. & ATTINGER, C. 1958. Adrien nomique « à de nombreux centres de fabri- Jacquerod, physicien, 1877-1957. Bull. Soc. cation horlogère de la Suisse occidentale » neuchâtel. Sci. nat. 81 : 123-140. (Le Grand Roy, 1893). BURGAT-DIT-GRELLET, M. & SCHAER, J. P. M. Hipp, membre actif de la SSNN, est 2001. Adolphe Hirsch (1830-1901) : directeur l’auteur de 32 communications dans le Bul- de l’Observatoire de Neuchâtel de 1858 à 1901. letin, qui mettent en évidence la variété de Bull. Soc. neuchâtel. Sci. nat. 124 : 23-39. ses inventions dans le domaine de la télé- graphie, des chemins de fer électriques, des LE GRAND ROY, E.. 1901. Adolphe Hirsch. Bull. pendules électriques, de la pendule astrono- Soc. neuchâtel. Sci. nat. 29 : 3-35. mique de l’Observatoire. Il était Dr h. c. de l’Université de Zürich WEBER, R. & FAVRE, L. 1896. Matthaus Hipp et Chevalier de l’Ordre de François-Joseph. (1813-1893). Bull. Soc. neuchâtel. Sci. nat. 24: 212-239.

ADRIEN JACQUEROD ET LE L.S.R.H (1877-1957)

A. Jaquerod a enseigné la physique à LE CLUB RESTREINT DES l’Université de Neuchâtel et mérite une MATHÉMATICIENS mention dans ce chapitre pour sa contri- bution importante au développement de la branche horlogère. En effet, fervent parti- Rappelons d’abord que deux des six san du développement des contacts entre membres fondateurs de la SSNN regroupés la science et l’industrie, au moins dans les autour de Louis Agassiz ont enseigné les branches qui s’y prêtent, il proposa de créer mathématiques aux Académies. Le premier, un laboratoire d’essai pour faciliter une HENRI DE JOHANNIS, qui fut également rec- collaboration entre l’Université et les entre- teur de 1844 à 1845, était secrétaire de la prises horlogères. Il fut le moteur et le réa- section physique, chimie et mathématiques lisateur du Laboratoire suisse de recherche de la SSNN (Mémoire 1, 1835) (Sigrist, horlogère (L.S.R.H.) dont il fut le premier 1988). directeur. En parallèle, il travailla à orga- Le second, Henri LADAME, lui succéda à niser une formation d’ingénieur horloger, cette fonction (Mémoire 2, 1839). Ladame soutenue fi nancièrement par les organisa- enseigna la physique et la chimie avant tions horlogères. Le L.S.R.H. a connu le d’occuper la chaire de mathématiques supé- grand développement que l’on sait. rieures à la première Académie. Il est l’au- Les publications et les conférences d’A. teur de 46 communications dans les Bulle- Jaquerod font l’objet de 33 mentions dans tins et les Mémoires, Elles concernent plu-

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sieurs domaines: géodésie, calcul de la sur- BIBLIOGRAPHIE face de la Terre, correction des eaux, élec- FAVRE, L. 1871. Henri Ladame. Bull. Soc. tricité, dorure des pièces d’horlogerie par neuchâtel. Sci. nat. 9 : 89-105 galvanoplastie, mais une seule publication relève des mathématiques. Ladame fut très ISELY, L. fi ls. 1916. Louis Isely. Bull. Soc. actif dans l’organisation de l’enseignement neuchâtel. Sci. nat. 41: 165-168 gymnasial et fut l’auteur du premier rapport sur la création d’un observatoire cantonal GAGNEBIN, S. 1936. Nécrologie de Gustave Juvet (L. Favre, t.9, 1871 ; Jeannet, 1988). (1896-1936). Bull. Soc. neuchâtel. Sci. nat. 61: Bien qu’au cours de son histoire, le Bul- 205-212 letin n’ait pas été « envahi » par les articles de mathématique, on y trouve la signature JUVET, G. 1927. Eugène Le Grand Roy. Bull. Soc. neuchâtel. Sci. nat.. 51: 211-214 de scientifi ques connus dans cette discipline. Citons G. DUPASQUIER (4 mentions) ; L. GABE- SÖRENSEN, W. 1968. Félix Fiala 1913-1967. REL (2 mentions) ; S. GAGNEBIN (4 mentions) ; Bull. Soc. neuchâtel. Sci. nat. 91: 147. L. ISELY (26 mentions; nécrologie par L. Isely fi ls, t.41, 1916); E. LE GRAND ROY (15 men- tions ; nécrologie par G. Juvet, t.51, 1927); G. En 1948, Samuel Gagnebin a écrit une intéressante JUVET (13 mentions ; nécrologie par S. Gag- synthèse du développement des sciences dites nebin, t.61, 1936), S. PICARD (2 mentions) ; exactes à Neuchâtel dans : Ischer, A. & Gagnebin, S. SCIENCES. Collection publiée à l’occasion du L. TERRIER (7 mentions). Précisons qu’ici, « mention » signifi e titre de publication ou centenaire de la République. Neuchâtel. compte rendu de conférence fi gurant dans la Table des matières (t. 125.2, 2005). Queloz (2002) distingue deux périodes dans l’histoire des mathématiques à l’Uni- MYCOLOGIE, LA SCIENCE DES versité de Neuchâtel : une période classique CHAMPIGNONS SUPÉRIEURS ET correspondant à la carrière de G. DuPas- quier (jusqu’en 1942) et une période de INFÉRIEURS développement marquée par un enseigne- ment plus approfondi et se rapprochant de La mycologie est étonnamment riche en la physique. amateurs qui exercent un métier parfois La plus importante publication mathé- éloigné des sciences naturelles. Dans les matique du Bulletin est sans aucun doute Bulletins, nous retrouvons les traces de plu- la thèse de W. SÖRENSEN, publiée en 1958 sieurs d’entre eux, qui sont devenus des spé- (t. 81: 5-46). Elle marque en quelque sorte cialistes reconnus en menant pratiquement le passage entre ces deux périodes. Après deux carrières parallèles. D’autres, plus elle, les mathématiciens neuchâtelois .se discrets, se contentaient de mentionner, lors sont contentés de présenter quelques confé- des assemblées, leurs trouvailles d’espèces rences devant la SNSN : P. Banderet, F. rares ou soudainement abondantes. Fiala, S. Picard, F. Sigrist. Les mathématiques sont présentes dans Comme l’écrit M. ARAGNO (1981), le les Bulletins jusqu’en 1968 (t.91) lorsque premier mycologue neuchâtelois célèbre W. SÖRENSEN écrit la nécrologie de son col- fut le capitaine JEAN-FREDERIC DE CHAILLET lègue F. Fiala (t.91, 1968). (1747-1838) qui, après une carrière mili- Rappelons encore que R. Bader a présidé taire, se voua à l’étude des végétaux, des la SNSN de 1957 à 1959 et que F. Fiala et champignons et des lichens. Il réunit un W. Sörensen ont été recteurs de l’Université. important herbier et découvrit de nom-

12 DE QUELQUES DISCIPLINES À LA RECHERCHE D’AUTEURS

breuses espèces nouvelles de champignons fi ques. On trouve plus loin mention de ses qui furent décrites par d’autres. DE CHAILLET travaux en zoologie dans l’article « Et les était membre d’honneur de la SSNN. A.-P. Mollusques ». En ce qui concerne les cham- DE CANDOLLE a rédigé sa notice nécrolo- pignons, il faut surtout rappeler qu’il fut un gique dans le second tome des Mémoires de pionner des études mycologiques en milieu la Société (1839). alpin avec ses publication sur les « Cham- Esprit encyclopédique, LOUIS FAVRE pignons supérieurs des zones alpine et (1822-1904) exerça ses talents dans plu- subalpine au Parc national suisse » (1955 sieurs domaines, enseignement (il professa et 1960). Il innova en intégrant les cham- au niveau secondaire durant un demi siè- pignons dans la description des unités phy- cle), archéologie, mycologie, protection des tosociologiques, illustrant sa méthode dans blocs erratiques (qui marque le début de la l’ouvrage sur « Les associations fongiques protection de la nature dans le canton de des hauts-marais jurassiens » (1948). Neuchâtel), industrie (horlogerie, chemins Dans le Bulletin, J. FAVRE a publié une de fer). Dessinateur de grand talent, il a sur- seule communication sur les « Mycènes tout marqué la mycologie par ses remarqua- nouvelles ou peu connues » (1957, t. 80). bles peintures de champignons dits « supé- Par contre, il y a fait paraître deux impor- rieurs ». D’ailleurs, la première mention tants travaux en botanique: la partie végé- de ces cryptogames dans les Bulletins (t.1, tation de la « «Monographie des marais 1846), due à Célestin Nicolet, est le com- de Pouillerel » qu’il publia en 1907 (t. 34) mentaire d’ un dessin d’Agaricus deliciosus avec M. THIÉBAUD, et, en 1925 (t. 49) « La effectué par le jeune Louis Favre. fl ore du cirque de Moron et Hautes côtes du L. FAVRE a établi, avec P. MORTHIER, un Doubs », une monographie de 127 pages. « Catalogue des champignons du canton de Neuchâtel » (t. 8: pp 1-63, 1870). Au total, il PAUL KONRAD (1877-1948) est l’auteur d’une centaine de communica- tions orales et écrites, portant sur ses divers Pour ce directeur de la Compagnie des centres d’intérêt. Parmi elles, 21 concernent trams de Neuchâtel, la mycologie fut d’abord la mycologie. une distraction avant qu’il n’en devienne un Très engagé dans la vie de notre Société, spécialiste reconnu. Favre la présida de 1890 à 1891, puis de Faisant de l’ordre dans la nomenclature 1895 à 1896. du moment, il a publié avec le mycolo- Sa plume élégante lui ouvrit les portes gue français ANDRÉ MAUBLANC une œuvre du domaine littéraire. Il publia entre autres monumentale: les « Icones selectae Fungo- romans l’histoire de « Jean des Paniers », et, rum » en 6 volumes contenant 500 planches dans le cadre du Bulletin, il excella à rédiger en couleurs. Cet ouvrage lui a valu le titre les nécrologies, dont celle du Dr. L. QUELET, de Chevalier de la légion d’honneur et de Dr (1832-1900), médecin et autorité française honoris causa de l’Université de Neuchâtel. en mycologie, qui correspondait avec lui.. Konrad a donné plus de 50 contributions Louis Favre est sans doute le seul myco- au Bulletin de la Société mycologique de logue à avoir une rue à son nom dans deux France, contre une seule (sur la comesti- localités du canton: Neuchâtel et Boudry. bilité des champignons, t.42, 1918) dans les Bulletins SNSN. Par contre, on trouve JULES FAVRE (1882-1959) mention dans ces derniers d’une vingtaine de communications orales concernant les Zoologue, botaniste, géologue, mycolo- truffes, les champignons vénéneux et la gue, J. Favre acquit une notoriété enviable présentation des différentes livraisons des dans ces différentes disciplines scienti- Icones . P. Konrad a aussi fait paraître dans

13 W. MATTHEY & J. AYER

le Bulletin 66 (1941) un article ambitieux La renommée scientifi que du Dr. Mayor qui retrace en trente pages l’histoire de la lui valut le doctorat honoris causa de l’Uni- terre et de l’homme, un texte qui démontre versité de Neuchâtel et le titre de Chevalier l’étendue de sa culture générale. de la légion d’honneur. Enfi n, Konrad présida la SNSN de 1916 Il présida la SNSN de 1912 à 1914. à 1918, ce qui lui donna l’occasion d’écrire une petite étude intitulée « A travers nos PAUL MORTHIER (1823-1886). Mémoires et nos Bulletins » (1919, t.43). Après des études médicales à et EUGÈNE MAYOR (1874-1976). des stages dans différentes villes d’Europe, P. Morthier ouvrit un cabinet à Fontaines, au Docteur en médecine et mycologue, E. centre du Val-de-Ruz. Il y pratiqua durant MAYOR a acquis sa renommée par l’étude une vingtaine d’années, trouvant aussi dans des Micromycètes, champignons microsco- ce milieu campagnard de quoi assouvir sa piques dont beaucoup, à l’instar du mildiou, passion pour la botanique et la mycologie. sont des parasites de végétaux, parfois rava- En 1868, il abandonna la médecine pour geurs de cultures et d’arbres fruitiers. occuper la chaire de botanique de la nou- Le Dr. Mayor, comme tout le monde l’ap- velle Académie. Membre de la SNSN, il pelait à l’Institut de botanique, rendait sou- a publié avec L. Favre le « Catalogue des vent visite à son ami Ch. Terrier, mycolo- champignons du canton de Neuchâtel » gue comme lui, professeur en cette science, déjà mentionné plus haut. Il est aussi l’au- conservateur des herbiers de l’Université teur d’une mise au point sur les progrès et qui sera son biographe dans le bulletin réalisés en mycologie depuis l’époque de SNSN (1977, t.100). Mayor avait lui-même J.-F. CHAILLET, grâce surtout à l’améliora- constitué un imposant herbier enrichi par tion des techniques microscopiques (t.13, les nombreux échanges qu’il entretenait 1883). avec les mycologues de tous les continents. Auteur de 117 publications mycologiques, C. TERRIER, premier professeur de dont 35 dans le Bulletin, E. Mayor y décrit, Cryptogamie à l’Université de Neuchâtel seul ou en collaboration, 147 espèces nou- (5 citations dans le Bulletin) avait ajouté velles pour la science. En 1958. il résume la microbiologie à son enseignement. Son ses observations sur la région neuchâteloise successeur, le professeur M. ARAGNO, a dans le neuvième Mémoire de la SNSN brillamment développé cette discipline, la intitulé « Catalogue des Péronosporales, recherche sur les champignons étant surtout Taphrinales, Erysiphacées, Ustilaginales et confi ée à D. JOB. Le Bulletin no 115 (1992) Urédinales du canton de Neuchâtel ». contient un article signé M. Aragno, D. Job Un autre titre de gloire du Dr. Mayor fut et B. Clot concernant la détérioration d’un l’expédition qu’il effectua avec le profes- bâtiment historique par les champignons. seur O. Fuhrmann en Colombie, au cours En 2004 (t.127) S. Casali et D. Job ont de laquelle un énorme matériel tant zoolo- consacré un texte à l’isolement et à l’iden- gique que cryptogamique et botanique fut tifi cation de souches d’Armillaire (Armil- récolté. Mayor rédigea la relation détaillée laria mellea) tandis que, dans le même du voyage. Le matériel fut étudié par plus numéro, Y. Gonin et al. décrivent l’utilisa- de trente spécialistes et leurs contributions tion de la méthode d’analyse par Faisceau rassemblées sous le titre de « Voyage d’ex- Ionique en mycologie. Précédemment, en ploration scientifi que en Colombie » dans 1977 (t.100), Y. DELAMADELEINE avait traité le cinquième Mémoire de la SNSN (1914, de la distinction entre deux espèces proches 1090 pages). de coprins puis, en 1984 (t. 107), il avait

14 DE QUELQUES DISCIPLINES À LA RECHERCHE D’AUTEURS

décrit un ensemble de parcelles d’observa- FAVRE, J. 1948. Les associations fongiques tion situées près de Neuchâtel et destinées à des hauts-marais jurassiens et de quelques un suivi écologique des champignons . régions voisines. Matériaux pour la fl ore cryptogamique suisse vol. 10, fasc. 3.). Berne.

REMERCIEMENTS FAVRE, J. & THIÉBAUD, M. 1907. Monographie des marais de Pouillerel. Bulletin Soc. Au Professeur Michel Aragno pour la neuchâtel. Sci. nat. 34: 25-87. relecture critique de ce texte et pour l’envoi de sa publication. KELLER, J. 2005. Jules Favre, géologue, mycologue (1882-1959). In : Biographies BIBLIOGRAPHIE neuchâteloises. T. 4 : 111-116. ARAGNO, M. 1981. Des champignons et des DE TRIBOLET, M. 1905. Louis Favre (1822- hommes. Revue neuchâteloise. 96 : 1-40 1904). Bulletin Soc. neuchâtel. Sci. nat. 33 : 21-71. BLANC, J.-D. 2004. Louis Favre. 1822-1904. Témoin de son temps. Nouvelle Revue neuchâteloise n° 83-4.

15

BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ NEUCHÂTELOISE DES SCIENCES NATURELLES 131 : 17-21. 2010

150 ANS D’HISTOIRE DE LA BOTANIQUE NEUCHÂTELOISE AU TRAVERS DES PUBLICATIONS DE LA SNSN

PIERRE GALLAND1 & FRANÇOIS FELBER2

1 Chesaulx 6, 2035 Corcelles, Suisse – Email: [email protected] 2 Laboratoire de botanique évolutive de l’Université de Neuchâtel, rue Emile-Argand 11, 2007 Neuchâtel, Suisse – E-mail : [email protected]

L’analyse systématique et la classifi cation de plus de 300 articles concernant la botanique parus dans les bulletins et les mémoires de la SNSN depuis 1845 nous a permis de déga- ger un certain nombre de fi ls conducteurs et de distinguer quelques grandes périodes. Ces publications correspondent à environ 11% du total des publications du bulletin jusqu’en 2004. Leur parution n’est pas homogène : elles sont abondantes avant la première guerre mondiale, moins fréquentes dans l’entredeux guerres, puis augmentent à nouveau dès les années 60. Vingt-six articles de botanique ont paru entre 2001 et 2006, ce qui est encoura- geant (fi g. 1). A la question posée: ressent-on l’infl uence des grandes découvertes scientifi ques au tra- vers des articles? On peut répondre clairement non. En revanche, à partir de la création de la chaire de botanique à l’Université, au début du 20e siècle, on ressent défi nitivement l’infl uence prépondérante des titulaires successifs de cette chaire, puis par la suite des diffé- rentes écoles qui se sont développées en relation avec la différenciation de l’enseignement dans le domaine de la botanique au sens large au sein de notre Université, notamment la création du laboratoire d’écologie végétale. Les contributions les plus durables en botani- que concernent probablement la systématique avec la description de plus de 100 nouveaux taxons (fi g. 2) et l’écologie, avec celle de nouvelles associations végétales (2 associations). Notons aussi la signalisation de stations originales de plantes dans la région et les nécrolo- gies consacrées à quelques fi gures marquantes de la botanique. Les auteurs habitent essentiellement le canton, avec de temps à autre un manuscrit d’une personne étrangère, le plus souvent en collaboration avec un auteur local. Beaucoup d’étu- des ont été menées dans notre région; tous les résultats n’ont pas été publiés dans le bulletin de la SNSN, mais l’analyse de ceux qui y fi gurent nous livre cependant de précieux rensei- gnements. Il a fallu notamment attendre la fi n du 20e siècle pour voir apparaître des inven- taires plus systématiques, si l’on fait exception des nombreux travaux de cytotaxonomie des chaînes de montagnes de Suisse et du sud de l’Europe. Cette absence de récolte de données organisée est à mettre en parallèle avec l’importance quasi négligeable des problèmes de conservation dans les publications recensées.

17 P. GALLAND & F. FELBER

93

65

45 38 26 22 22 10 12

1840- 1860- 1880- 1900- 1920- 1940- 1960- 1980- 2000- 1859 1879 1899 1919 1939 1959 1979 1999 2006

Figure 1 : Nombre d’articles de botanique dans les publications de la SNSN en fonc- tion des périodes.

45

37

10 11

algues bryophytes ptéridophytes phanérogames

Figure 2 : Nouveaux taxons décrits dans les publications de la SNSN pour les principaux grou- pes de végétaux.

18 150 ANS D’HISTOIRE DE LA BOTANIQUE NEUCHÂTELOISE AU TRAVERS DES PUBLICATIONS DE LA SNSN

LES PRÉCURSEURS (1845 - 1900) F. Tripet, président de la Société durant de longues années (... -...), qui a fait profi ter ses Les premiers bulletins, jusqu’à la fi n des collègues de nombreuses observations per- années 1870, ne comportent presque exclu- sonnelles. En outre, en tant que président, sivement que de très courtes notes de 1-2 il a rapporté les découvertes et notes faites pages sur des sujets extrêmement variés. On par d’autres membres de la société. L’autre doit ici mentionner l’importance de la com- nom est celui de E. Cornaz, qui a touché munication orale qui se faisait en réunion, des sujets extrêmement divers de fl ore par rapport à la rédaction d’articles au sens locale, mais aussi étrangère. Mais il faut d’aujourd’hui. De nombreuses pages sont aussi citer trois personnalités connues hors consacrées en effet aux comptes-rendus des des cercles de la botanique au sens strict et séances, qui favorisaient sans doute les dis- qui apparaissent au tournant du siècle, soit cussions et la pluridisciplinarité, même si C. Russ-Suchard à propos du cacaoyer en ce mot n’était pas encore à la mode! On se 1894, H. Biolley sur le «Traitement naturel trouvait en présence de ce que l’on pourrait de la forêt» (1901) et E. Mayor qui débute qualifi er de « naturalistes – généralistes », une longue carrière de phytopathologiste une race qui s’est maintenue en partie au e (1901). 20 siècle mais qui a actuellement presque Les premiers articles d’une certaine complètement disparu sous la pression de la envergure, outre les deux mémoires déjà spécialisation. cités, apparaissent dans les années 1880-90; La plupart des articles traitent de sujets ils sont consacrés à des genres ou des espè- ponctuels de fl oristique; on peut faire res- ces particuliers (Tulipa, Rosa Sabini). sortir les quelques centres d’intérêts sui- vants: Les espèces « exotiques », qu’elles soient DÉBUT DU 20E SIÈCLE (1900 - 1940) ornementales ou liées à l’alimentation Dès 1902 on voit apparaître le nom de (cacao, céréales... et absinthe!). Il faut ici H. Spinner, avec de nombreux articles inclure quelques essais de naturalisation; d’anatomie et de morphologie végétale. Les phénomènes naturels particuliers Un peu plus tard, ce même auteur traite de observés dans la région, comme une fl orai- la répartition de quelques espèces de notre son exceptionnelle ou des sapins sans bran- région, mais aussi étudie les plantes rame- ches; nées de l’Himalaya par J. Jacot Guillarmod Les études de fl ores étrangères, sous (1902). forme de comptes-rendus de voyages ; A l’exception des contributions de cet Il n’y avait pas de récoltes systémati- auteur, force est de constater un quasi taris- ques de données, mais il faut ici mention- sement des articles botaniques durant cette ner deux très importants travaux parus dans période. Quelques articles traitent de fl ores les Mémoires, à savoir l’« Enumération des lointaines comme celle du Spitzberg (A. végétaux vasculaires qui croissent dans le Matthey-Dupraz, 1912), des ptéridophy- canton de Neuchâtel » de C. Godet (1839) tes de Colombie (R. Borkowski, 1914) ou et le « Catalogue des mousses de Suisse » d’Algérie (A. Matthey-Dupraz, 1925). de L. Lesquereux (1844); ces deux ouvra- ges sont restés des classiques et sont certai- E nement encore régulièrement consultés de LE MILIEU ET LA FIN DU 20 SIÈCLE nos jours, même si la nomenclature a consi- (1940 - 1999) dérablement évolué depuis. e En 1938 apparaît le nom de C. Favarger, Il y a au cours du 19 siècle deux noms qui qui va accompagner la vie du bulletin et de apparaissent régulièrement sous la rubrique la SNSN durant une soixantaine d’années. botanique de la SNSN. C’est tout d’abord

19 P. GALLAND & F. FELBER

De nombreux articles écrits par lui-même avant tout à certaines espèces particulières. ou par ses élèves paraîtront régulièrement. Ces articles restent relativement sporadi- On peut les diviser en deux catégories: la ques jusqu’à la fi n des années 70; il faut fl oristique neuchâteloise, qui sera ainsi trai- citer durant cette période deux noms qui tée de façon un peu plus systématique, et apparaîtront régulièrement par la suite dans la cytotaxonomie, véritable spécialité de le bulletin, soit C. Béguin dès 1967 et J.D. la maison et dont nombre d’articles font Gallandat à partir de 1972. encore référence de nos jours. Ces travaux En 1978 apparaît le nom de J.M. Gobat, démontrent une fois de plus l’étendue des qui succédera plus tard à J.L. Richard comme connaissances en botanique de C. Favarger, professeur d’écologie végétale; il sera suivi avec sa vue d’ensemble de la discipline, de nombreux autres élèves de J.L. Richard tout en étant spécialiste de certains groupes qui publieront leur mémoires de licences taxonomiques. consacrés à des études sociologiques et éco- Ainsi, C. Favarger publie une partie de ses logiques dans la chaîne jurassienne et sur la « Notes de caryologie alpine » dans le bul- rive sud du Lac de Neuchâtel. letin. Il contribue lui-même régulièrement Dans le domaine de l’algologie, il faut par des travaux de caryologie concernant citer les publications très régulières de M. d’autres régions ou des groupes précis. Son Wütrich dès 1960, et de F. Straub dès 1984, intérêt ne se limite d’ailleurs pas à la cyto- sur les diatomées de notre région. taxomie et plusieurs articles en fl oristique et en morphologie émaillent la revue. Parmi LE 21E SIÈCLE ses nombreux élèves, citons les travaux de J.P. Brandt sur les véroniques, R. Söllner Cette période est marquée par le dernier sur les Cerastium, M.M. Duckert-Henriod article de C. Favarger «Vitam impendere sur la fl ore jurassienne, L. Zeltner sur les vero» (2002), soucieux de vérité, qui recense Centaurium, L.-P. Hebert sur les Sedum, les quelques erreurs qui s’étaient glissées C. Gervais sur les poacées (graminées), J. dans ses publications, et par la poursuite des Wenger sur les Lathyrus, E. Beuret sur les travaux de son école et de celle de son suc- Arum et les Trisetum. Le successeur de C. cesseur P. Küpfer. Il faut citer notamment la Favarger, P. Küpfer, fait paraître une partie suite des articles de K.L. Huynh sur le genre de ses travaux sur la fl ore de la péninsule Pandanus. ibérique et les Pyrénées. En outre, K.L. L’algologie est toujours d’actualité avec Huynh communiquera régulièrement dès les « Notes algologiques » de F. Straub et 1970 ses études palynologiques et dès 1987 coll. en 2002 et 2004. Par contre on doit les résultats de ses recherches sur la famille constater l’absence d’articles en écologie et des Pandanacées, y décrivant en particulier en phytosociologie. 18 nouvelles espèces. Le changement le plus marquant est peut- La transition entre les élèves de C. Favar- être l’apparition des résultats du recense- ger et ceux de P. Küpfer se fait en douceur ment systématique de la fl ore neuchâteloise et, dès les années 1980, plusieurs élèves avec la publication annuelle, dès 1999, des publieront également dans le bulletin (C. « Notes fl oristiques neuchâteloises » de P. Vuille, F. Vuillemin). Druart et M.M. Duckert-Henriod. Dès 1966, et le premier article de J.L. Richard sur les forêts du Jura, la phyto- CONCLUSION sociologie et l’écologie végétale font leur apparition avec la publication d’articles de La collection des Bulletins de la SNSN, phytosociologie couvrant à la fois le Jura même si elle ne rassemble qu’une partie et la chaîne alpine, et d’écologie consacrés des travaux effectués dans la région neu-

20 150 ANS D’HISTOIRE DE LA BOTANIQUE NEUCHÂTELOISE AU TRAVERS DES PUBLICATIONS DE LA SNSN

châteloise, donne une bonne idée de l’évo- C’est grâce au remarquable travail d’or- lution de l’enseignement et de la recherche ganisation des articles par sujets effectué à l’Université de Neuchâtel. Il est encoura- par W. Matthey et J. Ayer que cette analyse geant de voir que cette recherche continue. a été rendue possible. Les auteurs tiennent Elle est complétée par une mise en valeur à exprimer leur gratitude aux rédacteurs du plus systématique des données récoltées, bulletin pour leur travail-clé de coordination avec notamment la publication des notes entre les auteurs responsables des différents fl oristiques ainsi que les rapports annuels domaines, travail qui nous a permis de met- des organismes responsables de la gestion tre en lumière quelques-unes des nombreu- de notre environnement naturel. ses facettes de la SNSN.

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21 Le Professeur Jean-Georges Baer représenté ici par un étudiant. Les rédacteurs remercient le Professeur B. Betschart pour leur avoir ouvert le livre d’or de l’Institut de Zoologie.

22 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ NEUCHÂTELOISE DES SCIENCES NATURELLES 131 : 22-40. 2010

UNE HISTOIRE DE L’HELMINTHOLOGIE LUE À TRAVERS LES PUBLICATIONS DE LA SOCIÉTÉ NEUCHÂTELOISE DES SCIENCES NATURELLES

CLAUDE VAUCHER

Muséum d’histoire naturelle, Case postale 6434, 1221 Genève 8. E-mail: [email protected] Le Bulletin et les Mémoires de la Société neuchâteloise des Sciences naturelles ont acquis une réputation enviée dans plusieurs disciplines scientifi ques, refl étant l’activité des savants neuchâtelois ainsi que les thèmes favoris des professeurs et des laboratoires de l’Université. En biologie, comme le remarque MATTHEY (2006), l’helminthologie, aux côtés de la cyto- taxonomie végétale, a pris une part décisive dans la reconnaissance internationale du Bul- letin. Cette helminthologie, surtout orientée vers la systématique, comprend la description zoologique de vers parasites, en grande majorité les vers plats ou plathelminthes, avec la proposition de nombreuses nouvelles espèces et avec la constante mise à jour de la classifi - cation en fonction des nouvelles découvertes. A dessein, j’ai considéré les helminthes dans le sens restrictif des formes parasites afi n de conserver la plus grande unité à cet historique. Des travaux sur d’autres vers comme les planaires, les nématodes libres et les sangsues n’ont donc pas été pris en compte, ce qui n’implique aucun jugement défavorable sur leurs qualités respectives ! C’est donc l’histoire de cette spécialité, dans le cadre ainsi précisé, que je me propose de résumer ici. Pour la liste exhaustive des publications concernées, il est indispensable de consulter la récente table des matières de MATTHEY & AYER (2006), travail que j’ai largement mis à contribution en préparant la présente publication. La première mention d’un problème de parasitologie est très précoce, datant du pre- mier tome du Bulletin en 1844, mais elle débute modestement par DE CASTELLA [5] qui relate une erreur de diagnostic, un fi l de coton ayant été pris pour un ver intestinal. Elle a cependant droit à une remarque de l’illustre LOUIS AGASSIZ ! Par la suite, quelques men- tions relatives surtout aux parasites d’importance médicale, montrent que dans les années 1850, les connaissances sur les cycles évolutifs des vers parasites sont encore fragmentai- res et fort imprécises: SACC [130], VOUGA [136, 287]. Bien documenté et faisant état des connaissances de l’époque sur la trichine, redoutable ver nématode, le travail de DE PURY en 1864 [599] peut être considéré comme la première contribution originale, bien que fon- dée essentiellement sur la bibliographie. Le lien entre la consommation de viande de porc crue et l’apparition de la trichinose humaine est bien établi à l’époque, mais on ne dispose d’aucun traitement et les fortes infestations conduisent à une issue fatale. En conclusion, DE PURY fait allusion aux expériences d’un auteur, MOSLER, qui aurait obtenu des résultats prometteurs au moyen de la «benzine», thérapeutique dont on ne trouve plus trace dans les ouvrages récents de parasitologie médicale, sans doute pour le plus grand bien des malades, déjà gravement atteints par le redoutable nématode !

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En 1873, DE ROUGEMONT [856] publie une de ténias qui lui appartiennent en propre note dans laquelle il établit, peut-être pour (…)». Poursuivant son raisonnement, il la première fois chez les cestodes, un record constate par conséquent que l’identité des de longévité à propos d’un individu de parasites peut apporter d’utiles arguments Solenophorus ovatus, parasite d’un python, sur la parenté des hôtes eux-mêmes. Ainsi, remarquant judicieusement que le serpent il confi rme sur la base des parasites que les n’avait pu s’infester que dans son milieu rapaces diurnes et nocturnes ne sont pas naturel, avant sa capture et son séjour de 14 directement apparentés malgré la similitude ans en captivité. Quelques années plus tard, des régimes. Les rapaces diurnes hébergent le même auteur s’intéresse au ténia et au certains parasites qui les rapprochent des bothriocéphale [1163], dont une partie du ciconiiformes. Or actuellement, les ornitho- cycle larvaire, encore inconnu, intrigue au logistes classent les vautours du Nouveau- plus haut point les parasitologistes, comme Monde parmi les ciconiformes! nous le relaterons ci-dessous… A cette époque, FUHRMANN dirige la thèse En 1909, le nom de OTTO FUHRMANN de HÉLÈNE BACZINSKA. En 1914, le Bulle- apparaît associé aux cestodes dans le Bul- tin accueille sa thèse [1917] consacrée à letin [1887, 1888], après quelques publica- l’étude détaillée de 18 espèces qui lui ont tions consacrées à l’hydrobiologie. Titulaire été confi ées par son professeur, provenant de la chaire de zoologie à l’Université, il de récoltes personnelles ou des musées de est déjà reconnu comme l’un des spécia- et de Vienne. Ce travail présente l’in- listes mondiaux des vers solitaires. Cette térêt particulier de détailler maintes struc- année-là, il fait un premier bilan après 12 tures anatomiques et histologiques, qui se ans de recherches consacrées majoritaire- révéleront par la suite d’importance capi- ment à l’études des collections des grands tale pour la distinction des différents gen- musées européens: 23 genres nouveaux res, comme les capsules ovifères, sortes de et 180 espèces nouvelles ont été décrites «cocons» rassemblant plusieurs œufs dans par lui dans cet intervalle, portant à 517 le les anneaux gravides, les portions différen- nombre total d’espèces connues chez les ciées des canaux génitaux ainsi que diffé- oiseaux, parasites de 568 espèces d’hôtes rents types de musculature, observables différentes. Cela lui permet de dégager cer- seulement sur des coupes histologiques taines constatations qui se confi rmeront par De 1918 à 1920, CONSTANTIN JANICKI et la suite, à savoir que les ténias des oiseaux FÉLIX ROSEN publient trois travaux [1932, ne sont pas répartis uniformément parmi 1940, 1946] consacrés aux cycles évolu- toutes les espèces d’hôtes, mais que cer- tifs des cestodes pseudophyllides. Le pre- tains ordres hébergent une faune nettement mier d’entre eux est le plus marquant, car plus diversifi ée que d’autres. Les charadrii- il détaille les diffèrentes étapes de l’éluci- formes (oiseaux limicoles), les passérifor- dation complète du cycle larvaire du both- mes (passereaux), les galliformes (gallina- riocéphale humain. On savait à l’époque cés), les ciconiformes (cigognes, hérons) et que l’homme s’infeste en absorbant une les lariformes (mouettes, goélands) abritent larve (plérocercoïde) logée dans les mus- la majorité des espèces. Ce sont tous des cles d’un poisson, la perche étant l’hôte oiseaux au régime varié, composé d’inver- classiquement cité. Mais la première partie tébrés et autres petites proies animales, aux- du cycle, de l’œuf émis par le ver adulte quels se sont adaptés les cycles larvaires au logé dans l’intestin humain jusqu’à cette cours de l’évolution. C’est dans ce travail fameuse larve infestante, était inconnu. On qu’il formule sa fameuse observation «qui savait aussi que dans les oeufs se forme une semble avoir la valeur d’une loi, c’est que minuscule larve, la coracidie, pourvue d’un chaque groupe d’oiseaux (…) a ses formes épithélium cilié et qui ressemble grossiè-

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rement à un infusoire aquatique. Les deux aussi que le bothriocéphale n’a rien à voir hommes avaient établi un plan de travail très avec les vrais ténias dont il est éloigné par détaillé, fondé sur leurs observations anté- sa classifi cation et par sa biologie. D’aussi rieures menées dès 1915. Si JANICKI, à Lau- belles observations furent malheureuse- sanne se consacrait à la recherche de formes ment ternies par une dispute sur la priorité larvaires dans des poissons (perche, lotte), des découvertes respectives de JANICKI et de ROSEN à Neuchâtel tentait d’identifi er l’hôte ROSEN, vu que chacun menait ses propres dans lequel devait pénétrer la coracidie en observations indépendamment. réalisant des infestations expérimentales. FUHRMANN [1971, 1996, 2051, 2059] Examinant le contenu stomacal de per- continue de décrire à intervalle régulier chettes du Léman, JANICKI avait fi nalement des helminthes nouveaux, parasites d’am- trouvé de très petites larves accompagnées phibiens, d’oiseaux et de mammifères (fi g. par des débris d’éléments planctoniques: 2). Il s’intéresse en particulier à des para- chironomes et crustacés des genres Diapto- sites de cygnes tuberculés, victimes d’une mus et Cyclops. De son côté, ROSEN avait épidémie en Suède, dans lesquels une forte décidé d’infester des invertébrés avec des charge parasitaire a été constatée. Parmi coracidies obtenues expérimentalement. les six espèces de cestodes qu’il reconnaît, Connaissant les régimes alimentaires des une espèce est inconnue de la science avec poissons lacustres, il commença avec ce qui la particularité exceptionnelle de posséder lui paraissait le plus vraisemblable: des crus- un corps non segmenté, au contraire de la tacés gammarides, des vers oligochètes et structure habituelle des ténias; sa tête, ou des larves aquatiques d’insectes, remettant scolex, avec le système de fi xation, pré- à plus tard des essais d’infestation avec des sente aussi des caractères très originaux. crustacés planctoniques. Devant les résul- La dernière contribution de FUHRMANN tats désespérément négatifs, il revint aux [2124] dans le Bulletin en 1943 est consa- crustacés, semble-t-il sans trop y croire, car crée à l’étude des cestodes collectés lors il estimait que «les corégones sont les man- de la mission Sagan-Omo du professeur geurs de plankton par excellence et pourtant E. ZAVATTARI (Académie royale d’Italie) en en général aucun d’eux n’est connu comme Ethiopie, qu’il a réalisée avec JEAN G. BAER. porteur de plérocercoïdes». Les premiers Plus de quarante espèces sont répertoriées, essais avec des daphnies et autres clado- évidemment plusieurs sont nouvelles. Cet cères furent négatifs, et grande déception, important travail apporte à l’helminthologie ceux avec un copépode abondant, Cyclops des redescriptions détaillées autorisant une viridis, ne furent pas plus concluants. Ce taxonomie plus précise et documente l’aire n’est qu’avec deux espèces particulières, de répartition de plusieurs taxa. Cyclops strenuus et Diaptomus gracilis, Inaugurant une série de publications qu’il trouva enfi n le «chaînon manquant» variées et consacrées majoritairement aux tant attendu (fi g. 1). Les infestations expé- cestodes, BAER [1963], exception confi r- rimentales réussies de ROSEN confi rmaient mant la règle, décrit en 1922 dans sa pre- donc que les larves accompagnant les res- mière contribution au Bulletin un nouveau tes de crustacés et trouvées dans les esto- trématode parasite d’un butor. L’année sui- macs de perchettes par JANICKI étaient les vante, il propose [1968] des considérations formes tant recherchées, appelées dès lors sur le genre de cestodes Anoplocephala, qui procercoïdes. Ce résultat démontrait pour fi t l’objet d’une révision monographique de la première fois l’existence d’un cycle à 240 pages publiée peu après dans un autre trois hôtes (homme - hôte défi nitif; crus- périodique. Ses contributions dans le Bul- tacé - premier hôte intermédiaire; poisson - letin se suivront régulièrement, consacrées deuxième hôte intermédiaire) et démontrait aux cestodes d’oiseaux et de mammifères.

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Figure 1 : Tiré de JANICKI & ROSEN [1932]. La planche illustre les premières étapes du cycle de Diphyllo- bothrium latum, avec en particulier, la larve procercoïde hébergée par un copépode.

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Figure 2 : Tiré de FUHRMANN [2051]. Nematoparataenia southwelli Fuhrmann, 1933. Le scolex porte un rostre démesuré armé d’un millier de petits crochets.

En 1925, BAER [1972] identifi e une collec- croscopique du tégument des plathelminthes tion d’origine africaine et a la surprise de parasites, on peut remarquer une volonté de trouver des cestodes caractéristiques de la diversifi er les thèmes de recherches de l’Ins- pintade, oiseau très fréquent dans les step- titut et les prémisses du laboratoire de bio- pes africaines, dans un échantillon prélevé chimie qui sera installé par la suite sous la soi-disant dans les intestins d’un cheval. direction de J.-P. BARGETZI. Depuis les conclusions de FUHRMANN, rela- En 1949, BAER [2153] s’intéresse plus tées ci-dessus, il est évident qu’une erreur particulièrement aux cestodes des sélaciens s’est produite lors de la mise en collection (requins et raies), un groupe de parasites et qu’un étiquetage défi cient est la cause de souvent fort menus, longs de quelques mil- cette trouvaille insolite. limètres seulement, présentant des scolex En 1943, BAER consacre une cinquantaine très compliqués, avec un appareil de fi xa- de pages [2129] aux trématodes parasites de tion complexe. Il observe sur le vivant que la musaraigne aquatique Neomys fodiens, la forme de ces structures est très déforma- un fort discret petit mammifère insectivore ble et que la fi xation les fi ge dans une mor- de nos régions, bourré de parasites variés phologie dont il est diffi cile de dégager les comme toutes les musaraignes. éléments fondamentaux. Par conséquent, En 1947 paraît un travail helminthologi- ces structures étant beaucoup utilisées dans que d’un type très différent, dans lequel F.-H. la taxonomie, la systématique n’est pas sou- N. KENT [2147] expose ses recherches sur le vent établie sur des bases sûres. Par ailleurs, contenu en protéines d’un cestode parasite les descriptions originales sont fondées sur du mouton. Son hypothèse de base était de d’anciennes collectes, l’état de conservation rechercher dans la constitution biochimique des matériaux de référence laisse à désirer. des éléments pouvant expliquer la résistance BAER s’est adressé à des collègues mieux des cestodes au milieu intestinal hostile par situés qu’en Suisse pour examiner des hôtes ses enzymes digestifs. Si les conclusions sélaciens ! sont actuellement dépassées, en particulier Par la suite, L. EUZET, à Sète puis à Mont- par la connaissance de la structure ultrami- pellier, continuera avec brio l’étude des

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Figure 3 : Tiré de BAER [2234]. Sphyronchotaenia uncinata Ransom, 1911. Le scolex des cestodes peut se présenter des aspects variables qu’il importe de détailler pour une description précise des espèces. parasites de sélaciens, cestodes et mono- des méthodes de fi xation qu’il expérimente gènes, dont plusieurs contributions seront et perfectionne. hébergées dans le Bulletin [2180, 2199, J. G. BAER s’est souvent associé à son 2207,2220, 2224, etc.]. collègue CHARLES JOYEUX de et il pré- Si les matériaux d’origine exotique révè- sente dans le Bulletin quelques-unes des lent à coup sûr des trouvailles systéma- nombreuses contributions signées «JOYEUX tiques inédites (fi g. 3) et font progresser & BAER» bien connues dans la bibliogra- la connaissance de ce que nous appelons phie helminthologique. La «contribution actuellement la biodiversité, JEAN G. BAER aux espèces nouvelles ou peu connues du ne néglige pas l’exploration de la faune genre Hymenolepis» [2166] condense une indigène, dont maintes descriptions datent série d’observations marquantes pour ce déjà de nombreuses années et sont fondées thème, avec la description d’un parasite sur des spécimens insuffi sants. Par consé- de musaraigne caractérisé par un rostre de quent, à côté du matériel issu des riches fi xation proportionnellement gigantesque. collections de l’Institut de zoologie ou Ils ont aussi réalisé expérimentalement le emprunté à d’autres instituts, il exploite cycle évolutif d’un parasite de cygne tuber- aussi la faune des vertébrés indigènes pour culé chez un copépode du genre Cyclops, obtenir des spécimens bien conservés selon genre de crustacé qui s’avère favorable à

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l’hébergement de plusieurs cestodes lar- Parasites de la musaraigne aquatique, ces vaires en plus du bothriocéphale étudié par vers ont tous la caractéristique de déve- C. JANIKI et F. ROSEN. Le travail se termine lopper leur cycle larvaire chez le gammare avec la révision d’une série d’espèces para- (ou crevette d’eau douce), crustacé typique sites des grèbes et des plongeons, oiseaux des rivières aux eaux pures et qui constitue piscivores holarctiques, les auteurs relatant une part importante de la nourriture de ce avec humour que la classifi cation des hôtes petit mammifère. Au début de mon activité eux-mêmes complique la situation, car à l’Institut de Zoologie, j’ai eu la chance de Linné désignait en 1735 les plongeons sous reprendre ce thème et de récolter des gam- le nom de Colymbus, nom qu’il attribue mares avec JEAN G. BAER et de constater que en 1758 aux grèbes ! Confi rmant une fois son enthousiasme pour ces «petites bêtes» de plus les observations de FUHRMANN, les et l’observation sur le terrain ne s’était auteurs remarquaient que ces deux groupes jamais émoussé. d’oiseaux piscivores, proches par leur bio- Malgré le succès de ces superbes recher- logie mais distants par leur classifi cation, ches, les charges liées à l’enseignement uni- n’hébergent pas les mêmes parasites. versitaire (à cette époque, il n’y avait qu’un Les deux études originales consacrées au seul professeur pour enseigner toute une cycle larvaire du trématode parasite des gre- discipline…) et son engagement croissant nouilles, Opisthyoglyphe ranae [2198, 2251] dans des activités nationales et internationa- sont dignes de mention. Fondées au total sur les ne laissèrent guère le temps à BAER de se dix ans d’observations, elles débrouillent ce rendre sur le terrain. Aussi confi era-t-il cette cycle de trématode qui débute, comme chez exploration à plusieurs de ses doctorants. tous les vers de ce groupe, dans un mollus- Ainsi, avec DELLA SANTA [2266] en 1960, que produisant des cercaires. Sa compré- BAER redécrit l’un des plus petits cestodes hension a demandé cependant une foule connus, Hymenolepis prolifer, dont l’adulte d’observations et d’expérimentations, car mesure à peine un millimètre, à comparer la grenouille peut s’infester soit à l’état de avec le «géant» bothriocéphale humain qui têtard, soit à l’état adulte. Dans le premier peut dépasser les dix mètres de long ! Le cas, des larves infestantes s’accumulent minuscule parasite vit communément par dans la région pharyngienne, sous la forme centaines dans l’intestin de la musaraigne de larves enkystées qui gagnent l’intestin au carrelet et son cycle larvaire utilise les moment de la métamorphose du têtard. Mais services d’un Glomeris (Diplopode), dans la grenouille peut aussi s’infester plus tard, lequel les structures larvaires bourgeonnent en absorbant des cercaires qui n’évoluent en une multitude de larves infestantes… Un pas directement en vers adultes, mais subis- autre travail de cette même année [2264] sent une phase de maturation (métacercai- est consacré à la description d’un tréma- res) enkystées dans l’intestin du batracien. tode nouveau, parasite du merle noir (fi g. Par ailleurs, les cercaires peuvent pénétrer 4). Il faut dire que les pelouses entourant dans divers hôtes, ce qui représente un cul- le nouvel institut de zoologie attiraient ces de-sac pour leur développement en adultes, volatiles. Le professeur, toujours le premier mais leur comportement oriente l’expéri- arrivé, contribuait à l’enrichissement des mentateur sur des fausses pistes. collections par quelques coups de fl obert En 1952, dans une courte note pourtant matinaux bien ajustés ! importante en systématique [2187], les La dernière publication de BAER dans le mêmes auteurs établissent les synonymies Bulletin est la «Révision critique des cesto- de plusieurs cestodes qui avaient été décrits, des Tétraphyllides décrits par T. Southwell», soit comme formes larvaires, soit comme publiée en 1962 avec L. EUZET [2282]. Il formes adultes, sous des noms différents. s’agit d’une collection fondamentale en ce

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Figure 4 : Tiré de BOVET [2254]. Diplozoon paradoxum v. Nordmann, 1832.

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qui concerne les cestodes parasites de séla- que DUBOIS pouvait, dans cette première ciens. Mais comme toutes les collections note, inventorier 16 formes nouvelles. La anciennes, fondées sur du matériel de qua- distinction des espèces, à ce niveau larvaire, lité fort disparate, les interprétations des restait de toute manière très diffi cile, preuve auteurs ultérieurs peuvent fortement diffé- en est le tiré à part que j’ai sous les yeux rer des originales, comme cette synonymie en rédigeant ces lignes et qui porte de la de SOUTHWELL qualifi ée de «la plus haute main de G. DUBOIS des corrections manus- fantaisie» par les réviseurs… crites incluant déjà la suppression d’un de Peu après les premières publications de ses nouveaux taxa … Ce premier travail est BAER, un nouveau nom apparaît parmi les néanmoins remarquable, de même que la auteurs helminthologistes, c’est celui de thèse [2008] qui en constituera la conclu- GEORGES DUBOIS. La publication de 1927 sion, dans une version notablement enrichie consacrée aux cercaires de la région de Neu- non seulement par de nouvelles espèces, châtel inaugure une impressionnante série mais aussi par une foule d’observations ori- d’articles annuels, avec quatre volumes de ginales sur les conditions d’émission des Mémoires, ces derniers totalisant quelques cercaires, en relation avec la température, 1400 pages! les différents tropismes auxquels sont sensi- Le premier travail de DUBOIS [1995] bles ces larves ainsi que par les résultats de rend compte des résultats préliminaires de plusieurs infestations expérimentales en vue recherches proposées par O. FUHRMANN à de l’élucidation d’autres phases du cycle. son étudiant. Consacré à l’inventaire des En 1927, DUBOIS propose aussi une pre- formes larvaires de trématodes, il allait cer- mière contribution à l’étude des hémisto- tainement déterminer la carrière du jeune mes [1997], suivie de plusieurs autres, fon- scientifi que qui devait se consacrer unique- dées sur du matériel de collections mises ment aux trématodes. Les cercaires sont de à la disposition de l’Institut de zoologie délicats petits organismes de moins d’un par plusieurs responsables de collections millimètre, émis dans l’eau par des mollus- importantes [2014, 2034, etc.]. Avec cette ques parasités, premiers hôtes d’un cycle publication, DUBOIS s’engage donc résolu- larvaire qui en comprend trois la plupart du ment dans l’étude des trématodes strigéi- temps. Pour les caractériser, il fallait à cette des dont il deviendra l’un des spécialistes époque les étudier sur le vivant et décrire incontestés. On y trouve, parfaitement mis avec précision leur système excréteur, au point, les fameux dessins qui arrivent à dont le nombre et la disposition des cellu- combiner avantageusement les structures les-fl ammes avaient été trouvés constants superfi cielles et l’anatomie interne néces- pour chaque espèce (fi g. 5). Cependant, ces saires à l’identifi cation. Le travail de 1927 structures ne sont bien observables que sur est illustré de fi gures portant des légendes les individus ralentis entre lame et lamelle détaillées. Par la suite, l’auteur les a suppri- d’une préparation microscopique extempo- mées, car l’exactitude de l’observateur et le ranée. L’observateur ne dispose que d’un talent du dessinateur les rendaient inutiles court laps de temps pour faire ses compta- pour qui connaît un tant soit peu ce groupe ges et ses croquis, car l’animal ainsi traité de parasites (fi g. 6). (ou maltraité…) ne survit que peu de temps. De sa première expédition de 8 mois Aucune coloration ne permet de remplacer en Angola (1928-1929), ALBERT MONARD cette observation in vivo. Ce n’est donc avait rapporté deux espèces de trémato- qu’au prix de longues heures consacrées des, parasites l’une d’un cormoran, l’autre tout d’abord à la collecte de mollusques, au d’un hippotrague (antilope). La première contrôle des individus parasités et ensuite à espèce présente des caractéristiques origi- une minutieuse observation au microscope nales quant à sa musculature, aussi DUBOIS

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Figure 5 : Tiré de DUBOIS [2008]. Trois cercaires d’espèces différentes; les deux premières diffèrent par le nombre de paires de cellules-fl ammes situées en arrière de la ventouse ventrale. La troisième espèce, pourvue d’un stylet, est au contraire bien distincte.

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Figure 6 : Tiré de DUBOIS [2061]. Alaria clathrata (Diesing, 1850) et Alaria pseudoclathrata. Un exemple typique d’Hémistome et du style d’illustrations de l’auteur, tout au long de sa carrière.

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[2024] décrivit-il avec force détails et une les ressources de 16 musées et de 26 col- très grande précision les structures histolo- lections particulières. Quelques années giques concernées, illustrant sa publication plus tard, le Bulletin héberge en 1944 une de coupes microscopiques très savamment centaine de pages modestement intitulées dessinées (fi g. 7). Si MONARD était attiré par «A propos de la spécifi cité parasitaire des la brousse africaine et ses animaux, Dubois Strigeida» [2139]. Il s’agit d’une mise au était lui à l’affût des structures anatomiques point des connaissances de l’époque, dis- qu’il explorait dans la « jungle » de ses pré- cutant de l’inféodation des parasites à leurs parations microscopiques… Interprétation hôtes, avec une «Esquisse phylogénétique» personnelle de l’auteur de ces lignes, sans qui ne satisfaisait pas vraiment son auteur, doute, mais certainement pas totalement puisqu’il écrivait «A vrai dire, bien des fantaisiste, car DUBOIS (1976) écrivit de lui- documents manquent actuellement pour même «qu’il fi t le tour du monde dans l’aire reconstituer le détail de cette généalogie, circulaire de son microscope» ! dont l’esquisse ne sera, par conséquent, Les publications de GEORGES DUBOIS dans que problématique et incomplète». DUBOIS le Bulletin se succèdent régulièrement, démontre néanmoins que dans son groupe les lecteurs s’accoutumant aux titres peu de vers, la spécifi cité n’est pas aussi stricte attrayants pour les non-spécialistes, où des que chez les cestodes comme le commen- noms barbares comme «Hémistomes» ou tait FUHRMANN. Par ailleurs, dans son cha- «Diplostomes» foisonnent… Il n’empêche pitre de phylogénie, il peut reconnaître une que les descriptions s’accumulent, avec une évolution morphologique cohérente avec le étude exhaustive de la bibliographie. Point groupe d’hôtes considéré. de photocopies à cette époque, encore moins On ne peut pas énumérer toutes les de bases de données «en ligne». DUBOIS a contributions de DUBOIS tant elles sont nom- son réseau de collègues au niveau interna- breuses. Chaque volume du Bulletin témoi- tional, les échanges de tirés à part procurent gne du travail acharné réalisé dans l’année une bonne partie de la documentation. Les écoulée. En 1953, un nouveau volume des bibliothèques sont aussi sollicitées, comme Mémoires paraît, intitulé “Systématique celle de l’Institut de Zoologie. Dans sa des Strigeida“ [3131]. Comme le sous-ti- bibliothèque personnelle, j’ai admiré des tre l’indique, il s’agit d’un complément à la résumés de publications importantes écrits Monographie, car entre temps, une centaine à la main, de sa belle écriture toujours élé- de nouvelles espèces ont été reconnues et gante et parfaitement lisible, accompagnés il est devenu opportun de préciser les clefs des illustrations décisives, soigneusement d’identifi cation, d’affi ner la taxonomie et décalquées. de consolider la liste d’hôtes. Il devient temps de réaliser les premiè- En 1954, en collaboration avec P. O. res synthèses; dans les Mémoires paraît la MEYER, DUBOIS consacre une étude à la «Monographie des Strigeida» [3128], une dermatite cercarienne aux bains publics de faune mondiale destinée aux spécialistes. Zürich [2208]. Cette affection, causée par la Publié grâce à un subside de la Fondation pénétration dans la peau humaine, de cercai- de Giacomi de la Société helvétique des res du genre Trichobilharzia, agent de schis- Sciences naturelles, ce volume épais de tosomiases chez les oiseaux, représente une de 500 pages recense 247 espèces classées impasse parasitaire. Mais la présence des dans 62 genres. Toutes les espèces connues cercaires prisonnières de la peau détermine sont traitées, sur la base de la révision de chez les personnes concernées une réac- 1941 spécimens, y compris des matériaux tion allergique fort désagréable. En plus de originaux. On ne peut pas trouver de docu- l’identifi cation de l’agent pathogène, MEYER mentation plus complète, qui a mobilisé & DUBOIS avaient réalisé diverses observa-

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Figure 7 : Tiré de DUBOIS [2024]. Clinostomum phalacrocoracis Dubois, 1930. Deux coupes histologi- ques minutieusement dessinées, illustrant les particularités de la région pharyngienne, du tégument et du parenchyme.

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tions biologiques. Ainsi, ils avaient observé nent ensuite leurs tissus ! Cet animal vit sur la pénétration immédiate après le contact les branchies des brèmes et des gardons. avec la peau humaine. Après 7-8 minutes, En 1967, BOVET a séparé les parasites de les cercaires avaient totalement pénétré, ce qui rend problématique toute prophylaxie pour des personnes longtemps en contact avec des eaux contaminées. De nos jours, la tendance au réchauffement climatique favo- rise l’apparition de la dermatite des nageurs car l’émission des cercaires est stimulée par l’élévation de la température. Elle est deve- nue un sujet d’actualité estivale régulier au bord des lacs suisses. Le tome 81 du Bulletin démontre une fois de plus que notre périodique est l’une des revues scientifi ques non spécialisées qui comptent en helminthologie: sur les 122 pages de travaux originaux qu’il contient, 57 traitent de vers parasites. Il est aussi un exemple parmi d’autres des liens interna- tionaux qui se sont tissés entre des mem- bres de la Société et leurs collègues dans le monde entier. DUBOIS [2248, 2249] a iden- tifi é du matériel proposé par R.-PH. DOLL- FUS (Paris) et J. MAHON (Londres). L. EUZET (Sète), en contact régulier avec l’Institut de Zoologie poursuit ses minutieuses recher- ches sur les larves de monogènes parasites de poissons marins [2250], dont le système de fi xation (hapteur) comportant des pinces et des crochets à la morphologie spécifi que, lui apporte de nouveaux et précieux argu- ments pour consolider la systématique. CH. JOYEUX (Paris) et J.- G. BAER [2251] expo- sent les nouvelles expériences et la synthèse de leurs travaux sur le trématode parasite de grenouille cité ci-dessus. L’originalité des recherches sur les mono- gènes a fait un émule à Neuchâtel en la per- sonne de J. BOVET, qui consacrera sa thèse au plus curieux d’entre eux. Dans une pre- mière note [2254], il détaille l’anatomie de l’œuf et de la larve de Diplozoon para- doxum, unique animal connu dont l’adulte est formé d’un couple défi nitivement uni Figure 8 : Tiré de BAER [2264]. Euamphimerus (fi g. 8), résultant de la «soudure» de deux pancreaticus Baer, 1960. Un trématode parasite larves qui s’accrochent l’une à l’autre par du merle noir resté longtemps ignoré aux alentours un système de bouton-pression et fusion- des instituts universitaires du Mail !

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deux hôtes en deux sous-espèces différen- strigéides nord-américains [2267]; avec G. tes, au terme d’une imposante recherche qui PEARSON, il décrit à deux reprises des espè- constitue sa thèse [2346]. ces australiennes. Au cours de la décennie D’autres monogènes célèbres par l’origi- suivante, on trouve son nom associé à celui nalité et la complexité de leur biologie sont de M. BEVERLEY-BURTON [2380] à propos à rechercher parmi les polystomes parasites de trématodes d’oiseaux de Rhodésie et d’amphibiens. La présence de générations de Zambie, de L. T. HON [2418] pour des néoténiques branchiales a attiré l’attention matériaux américains, de M. ANGEL [2458] de C. COMBES lors de ses premières recher- à nouveau pour des collectes australiennes. ches expérimentales fondées sur des espè- En 1968 et 1970, DUBOIS publie un épais ces du Sud de la France. Etudiant brillant volume dans les Mémoires. Totalisant 727 de L. EUZET, cet auteur est resté en contact pages, il est découpé en deux fascicules avec l’équipe neuchâteloise et a diversi- distincts [3133, 3134]. Comme celui de fi é les publications du Bulletin grâce à ses 1953, il a bénéfi cié d’un subside du Fonds contributions personnelles ou en coopéra- national suisse de la recherche scientifi que. tion avec des collègues comme J. JOURDANE, Par commodité, les deux familles (Strigei- A. TRIQUELL, A.-M. COLL, R. BOURGAT, C. dae et Diplostomatidae) qui constituent les GABRION, A. THÉRON [2388, 2420, 2461, strigéides ont été séparées. La structure de 2512, 2527]. l’ouvrage suit le plan effi cace des volumes Ces auteurs démontrent que des enquêtes précédants, se terminant par la liste des minutieuses sur la faune européenne réser- hôtes avec leurs parasites respectifs. Cette vent la surprise relativement fréquente de la édition est totalement refondue de manière découverte d’une espèce encore inconnue à tenir compte des nouvelles descriptions de la science et se prêtent aussi à l’étude et de la compréhension révisée du groupe. des cycles larvaires. Avec mes camarades Cette série de publications dans les Mémoi- d’études de Neuchâtel, j’ai eu le privilège res est un exemple reconnu dans toute la de rencontrer cette équipe des jeunes hel- bibliographie helminthologique : peu de minthologistes d’alors et de partager la joie travaux l’égalent par la richesse de l’infor- de plusieurs découvertes. Des contribu- mation réunie et par l’analyse critique de tions ont aussi été publiées dans le Bulle- l’ensemble des données. tin, d’abord avec P. HUNKELER [2333, 2352, L’identifi cation des cercaires de trémato- 2438, etc.]. Ces thèmes de recherches vont des fait des progrès spectaculaires au début traverser les Pyrrénées et sous l’impulsion des années soixante-dix avec les travaux de de S. MAS-COMA, d’autres articles seront J. RICHARD, du Muséum de Paris. Adaptant présentés également dans le Bulletin [2484, à ce matériel une méthode utilisée dans 2499,2592]. L’intérêt pour les Helminthes l’étude des protistes, elle met en évidence ne faiblit donc pas. par imprégnation argentique les cils sen- A partir de ces années-là, on constate soriels (sensilles) de ces organismes, dont donc un renouveau et un élargissement le nombre et la disposition montrent une des thèmes helminthologiques de la revue, constance remarquable. Les chercheurs mais les orientations traditionnelles dans la disposent donc désormais d’une méthode taxonomie et la systématique restent solides fi able s’ajoutant aux techniques plus aléa- avec les travaux de G. DUBOIS, présentés toires de l’observation sur le vivant, puis- assez régulièrement en coopération avec des que des préparations durables peuvent être auteurs étrangers, démontrant que le rédac- enfi n obtenues. En 1976, RICHARD [2454] teur du Bulletin reste le spécialiste incon- présente dans le Bulletin les caractéristi- testé dans son domaine. Avec R. RAUSCH, ques de deux espèces du genre Maritrema. il propose une quatrième contribution aux On remarque que les sensilles peuvent être

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groupées comme les étoiles d’étonnantes culière de la Corse. La phylogénèse des pla- constellations (fi g. 9). thelminthes parasites reçoit une contribution remarquée de LAMBERT [2660] qui fonde son argumentation sur les observations des premiers stades larvaires de monogènes et de trématodes par la méthode de l’impré- gnation argentique qui met en évidence également les cellules locomotrices ciliées. Pendant ce temps, poursuivant imperturba- blement sa voie tracée dans le monde des strigéides, G. DUBOIS décrit des collections [2500, 2501,2513, 2528,2541, 2555, 2582, etc. ], analyse les classifi cations et rema- nie la systématique avec l’expérience forte d’une cinquantaine d’années d’un travail minutieux. Sa dernière publication [2675] dans le Bulletin date de 1989. Les spécialités universitaires ont évolué avec l’arrivée de la nouvelle équipe qui a succédé à J. G. BAER. Les tiques présentent moins de problèmes au niveau taxonomique que les helminthes, mais étant vecteurs de diverses maladies, l’étude d’autres aspects Figure 9 : Tiré de RICHARD [2454]. Maritrema de leur biologie revêt une importance capi- subdolum Jaegerskjoeld, 1909. Cercaire, A - vue tale pour comprendre les modalités de la ventrale; B - vue dorsale. L’imprégnation argenti- transmission. Ainsi, par exemple, la mala- que met en évidence les cils sensoriels dont la dis- die de Lyme a fait l’objet de publications position et le nombre sont très constants dans une régulières à partir de 1992 [2735]. De plus, même espèce. le Laboratoire de diagnostic des maladies parasitaires a publié régulièrement, de 1982 Depuis 1977, l’auteur de ces lignes a à 2004, les résultats de ses analyses sur des rejoint le Muséum d’histoire naturelle de patients examinés dans le canton. Résumant Genève tout en gardant le contact avec la en quelques tableaux l’activité annuelle, parasitologie neuchâteloise. Des descrip- ces contributions constituent un modeste tions de matériel provenant de collections, témoin d’une activité particulièrement utile puis des missions effectuées en Amérique à la communauté neuchâteloise. du Sud apportent leur lot de découvertes Grâce à la coopération d’un collègue de (fi g. 10) dont quelques-unes sont publiées longue date des helminthologistes de l’école dans le Bulletin [2514, 2542, 2554, 2566, neuchâteloise, B. CZAPLINSKI, de Varso- 2614, 2637, etc.]. Une importante recherche vie, de nouvelles données sur les cestodes sur les polystomes africains par D. MURITH, parasites d’oiseaux sont présentées dans le qui leur consacra sa thèse, est aussi héber- Bulletin. La première étude [2594] redécrit gée par notre revue [2543]. Concernant la très minutieusement un hyménolépididé faune locale, MARIAUX [2638] publie le seul et démontre de manière incontestable que inventaire connu des parasites des poissons l’observation attentive des structures mor- de l’Areuse. MAS-COMA [2653], devenu le phologiques (fi g. 11) reste indispensable, spécialiste de la fasciolose à F. hepatica, fait même à l’époque des méthodes biochimi- connaître avec son équipe la situation parti- ques et moléculaires, pour distinguer des

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Figure 10 : Tiré de VAUCHER, DURETTE-DESSET & HUGOT [2514]. Molineus eburneus Vaucher et al., 1979. Dans ce groupe de nématodes, les caractéristiques de la bourse caudale des mâles présentent les critères d’identifi cation principaux.

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espèces. La seconde [2663] relate l’examen Ce n’est pas pour autant que le Bulletin d’oiseaux aquatiques et de crustacés planc- dépérit! Si les helminthes s’en sont pour le toniques, hôtes potentiels de formes larvai- moment éloignés, la faune locale, en par- res. Neuf espèces de cestodes adultes sont ticulier les arthropodes, les vertébrés, les découvertes pour la première fois en Suisse suivis écologiques, pour ne parler que de près de Neuchâtel, ce qui est étonnant pour la biologie animale, ont pris le relais. Les une région où une activité de recherches spécialistes comme les lecteurs simplement helminthologiques intense a régné pendant curieux du monde vivant y découvrent cha- des décennies. De plus, 13 espèces à l’état que année de nouveaux résultats scientifi - larvaire parasitent le plancton étudié. ques ou plus simplement des exemples de En 1995, l’enquête sur la situation du l’inépuisable diversité naturelle. bothriocéphale en Suisse romande par GOLAY & MARIAUX [2813] renvoie aux pre- miers travaux qui ont fait la notoriété du Bulletin au début de XXe siècle! Si des orientations universitaires diffé- rentes sont pour une part dans la fréquence décroissante des thèmes d’helminthologie traités dans le Bulletin, d’autres facteurs expliquent aussi une présence récente dis- crète de cette spécialité. Le monde de la recherche a évolué. La quête de ressources fi nancières implique une procédure d’ap- préciation des projets qui se fonde sur la Figure 11 : Tiré de CZAPLINSKI & AESCHLIMANN qualité et l’originalité des études proposées. [2594]. Sobolevicanthus stolli (Brock, 1941). Chez Parmi les critères d’évaluation, le renom les cestodes, l’anatomie du système génital, ici sa des périodiques a pris une importance qui portion terminale sur le côté du segment, apporte n’existait pas dans le passé. Face aux gran- d’excellents critères morphologiques pour séparer des revues internationales, le Bulletin est les espèces, mais demande une observation minu- en position d’infériorité. Comme dans bien tieuse de spécimens bien conservés et judicieuse- d’autres cas, les revues locales voire natio- ment colorés. nales sont plutôt délaissées pour la publi- cation de travaux généraux car on estime BIBLIOGRAPHIE qu’elles n’ont pas une distribution interna- tionale suffi sante. Par ailleurs, la taxonomie Les chiffres entre crochets et en italique associés et la systématique n’ont plus été considé- aux auteurs renvoient à la liste des publications par rées avec le même intérêt à la fi n du XXe année de : siècle. Actuellement, un nouvel intérêt est MATTHEY, W. & AYER, J. 2006. Table des manifeste, par le biais de l’étude de la bio- matières générales et index (1835-2002). Bull. diversité et des menaces grandissantes qui Soc. neuchâtel. Sci. nat. 125/2. l’affectent. L’helminthologie est relative- Autres publications citées: ment peu concernée dans la mesure où elle DUBOIS, G. 1976. Naturalistes neuchâtelois du reste affaire de spécialistes trop peu nom- XXe siècle. La Baconnière, Neuchâtel. breux, localisés dans un petit nombre de musées ou de départements universitaires. MATTHEY, W. 2006. Claude Favarger (1913- G. DUBOIS, qui a réalisé dans son laboratoire 2006). Bull. Soc. neuchâtel. Sci. nat. 129 : 103- personnel l’essentiel de ses travaux, reste 106. l’exception qui confi rme la règle.

40 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ NEUCHÂTELOISE DES SCIENCES NATURELLES 131 : 41-68. 2010

LES ARTHROPODES DANS LE BULLETIN

WILLY MATTHEY

Rue de l’Ouest 12, 2046 Fontaines. Suisse. E-mail: [email protected]

Le Bulletin contient, sur un total de 265 références aux Arthropodes, 127 articles concer- nant directement ou indirectement les insectes, 57 les arachnides, 26 les crustacés, 6 les myriapodes. Enfi n, 49 articles concernent des communautés et des peuplements d’arthro- podes (fi g. 1). Nous allons détailler dans l’ordre ces cinq thèmes.

Figure 1: Proportions des différentes classes d’Arthropodes dans les articles du bulletin SNSN

LES INSECTES On peut considérer que les articles publiés dans le Bulletin et les Mémoires refl ètent assez correctement l’activité entomologique dans la région neuchâteloise au cours des 175 années de l’existence de la Société Neuchâteloise des Sciences Naturelles. La fi gure 2 met en évidence l’inégale répartition dans le temps des articles sur les insectes regroupés par décades. On peut distinguer en gros quatre périodes dans l’histoire de l’entomologie neu- châteloise.

Les termes avec * fi gurent dans le lexique et les noms avec l’exposant 1 sont dans les repères biographiques en fi n d’article 41 W. MATTHEY

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25

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15 Insectes

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av. 1845 1855-18641875-1884 1895-1904 1915-1924 1935-1944 1955-1964 1975-1984 1995-2004

Figure 2 : Fréquence des publications entomologiques dans le bulletin (nombres par décades).

Avant 1845 rise les membres de la SSNN*. Parmi plusieurs, on peut citer une communica- La première publication entomologique tion de L. Coulon1 (1845, t.1) relatant le date de 1835. Elle paraît dans le Mémoire 1. comportement d’une mouche enfermée Ch. H. Godet1 présente la «Monogra- dans un tube de verre fermé par un bou- phia generis Meloës», un catalogue des chon de ouate et qui se fore un passage vingt-sept espèces de Méloés* connues vers la liberté en gonfl ant et dégonfl ant alors dans le monde, dont les auteurs sont sa tête (plus précisément son ampoule J. F. Brandt et W. E. Erichson. ptilinale*). Cette observation, loin d’être En seconde partie d’article, Godet pré- farfelue, illustre le comportement des dip- sente la thèse de doctorat de W. E. Erich- tères Cyclorrhaphes* à larves édaphiques son, «qui cherche à circonscrire dans des lorsque les imagos, éclos en profondeur, genres plus naturels les nombreuses espè- doivent se frayer un chemin vers la sur- ces de l’ancien genre Dytiscus», lequel face du sol. comprenait jusqu’alors la quasi-totalité E. Desor1, lorsqu’il était aux Etats-Unis, des Dytiscidés* actuels plus les Gyrins. a vécu l’éclosion massive de la Cicada sep- temdecim, une espèce de cigale qui éclôt en 1ère période: 1845 - 1904 masse tous les dix-sept ans, laps de temps qui correspond à la durée de son dévelop- Les premières notes consistent surtout pement larvaire, probablement le plus long en comptes rendus d’ouvrages, en lec- dans le monde des insectes (1853, t.3). tures de lettres de correspondants et en La production de sons et l’audition chez relations d’observations originales, le tout les Orthoptères suscitent l’intérêt et sont refl étant la curiosité d’esprit qui caracté- discutées (L. Sacc1, 1868, t.8)).

42 LES ARTHROPODES DANS LE BULLETIN

La présence d’insectes sur la neige a Un an plus tard, L. Coulon communique ses beaucoup intrigué les naturalistes: pluie de notes sur les chenilles de l’Yponomeute du podurelles en Bavière (1870, t.8), présence fusain, constructrices de toiles de soie sur de ces collemboles sur la neige à Chaumont les arbustes (1968, t.8). et à Langenthal (Podura similata). (L. Cou- lon, 1861, t.5, 1870, t.8; P. Godet. 1878, Les travaux originaux de quelque impor- t.11)), aux Brenets (L. Guillaume1, 1867, tance sont encore rares jusqu’ici. On trouve t.7). P. de Rougemont1 et L. Coulon ont fait mention dans le tome 2 des Mémoires d’une fondre de la neige pour y chercher ces hexa- lettre de L. Couleru1 qui dresse la liste des podes, ce qui leur permet de mettre en doute papillons observés à la Neuveville, ébauche la notion de «pluie» de podurelles. Les lar- du travail qui sera publié par la suite dans le ves de la cantharide Telephorus fuscus (= tome 11 du Bulletin (1878). Cantharis fusca), qualifi ées ici de chenilles, Les premières descriptions d’espèces sont sont mentionnées aussi à plusieurs reprises dues à H. Nicolet1, qui décrit trois espèces sur la neige, aux Ponts-de-Martel par exem- de podurelles (= Collemboles*) des genres ple par L. Favre1 (1867, t.7) qui suggère un Desoria et Sminthurus nouvelles pour la lien entre les arbres déracinés par le vent et science (1841, t.1). l’abondance de ces larves édaphiques qui En 1870 (t.8), le nom de Philippe de peuvent alors être emportées et déposées Rougemont1 apparaît pour la première fois plus loin sur la neige. Cet auteur suggère dans le Bulletin lorsqu’il communique dans une corrélation entre l’abondance des adul- une lettre à la SSNN* ses observations sur tes sur les ombellifères et celle des larves les podurelles du genre Desoria trouvées sur la neige, ce qui indique que le cycle de sur la neige en Bavière. En 1874 (t.10), il développement de cette espèce était connu. publie dans le Bulletin un historique des connaissances sur la parthénogénèse chez En pharmacologie, E. Wald s’inquiète les abeilles. Le choix de ce sujet n’est guère de la mauvaise qualité des cantharides surprenant puisque de Rougemont avait importées d’Italie et de Hongrie (on utili- été l’élève de Carl von Siebold1, père de la sait ces insectes réduits en poudre comme notion de parthénogenèse. En 1876, il est vésicatoire), il dénonce une fraude sur la nommé professeur de Zoologie à l’Aca- marchandise, les insectes vendus en Suisse démie de Neuchâtel et consacre ses cours ayant déjà subi une extraction partielle de avant tout aux Invertébrés. Le jeune profes- leur cantharidine (1852, t.2). Le Dr. Rou- seur, qui enseigne également les sciences let, de son côté, cite un cas d’infestation de naturelles au Gymnase, collecte du maté- l’oreille par des asticots: il en a extrait 2-300 riel pour le Musée au cours de plusieurs d’un seul conduit auditif (1868, t.8). voyages dans le nord de l’Europe. Il publie entre 1873 et 1880 trente-quatre travaux F. Sacc a fait plusieurs communica- ou comptes-rendus d’exposés dans le Bul- tions dans le Bulletin sur les applications letin de la SSNN, dont six sont consacrés des sciences naturelles à la vie courante. au Arthropodes. Son esprit éclectique (par Il plaide par exemple pour l’élevage du exemple, il publie avec M. de Tribolet1, une sphinx de l’ailante qui permettrait d’éta- carte géologique du canton de Neuchâtel) le blir une sériculture dans les régions où la porte d’abord à étudier Helicopsyche spe- culture de cet arbre tropical est possible, rata (Mac Lachlan), un Trichoptère dont il par exemple dans le sud de la France (1860, décrit en 1879 les premiers stades larvaires. t.5). En 1867 (t.7), G. Guillaume fi ls rap- Les larves au corps spiralé construisent des porte ses observations concernant les fourreaux en forme de coquilles d’escargot ouvrières fécondes d’abeilles domestiques. si ressemblantes qu’on en a trouvé dans des

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collections malacologiques sous le nom de par le botaniste F. Tripet. Il confi a à son étu- Valvata arenifera (fi g. 8). Une autre publi- diant H. Junod le soin de terminer l’étude. cation concerne un curieux Carabidé (Colé- Ce dernier s’en acquitta fort bien et bou- optères) du nom de Brachinus crepitans qui, cla le cycle de développement de ce qui se lorsqu’il se sent menacé, projette par l’anus révéla être Hyponomeuta stannellus Thunb. un liquide corrosif grâce à un mélange de Junod décrivit les mœurs de cette espèce gaz détonants. Le jet est accompagné d’un (1883, t.14). léger crépitement, d’où le nom latin de l’in- secte et son nom courant de «bombardier». Durant la période où de Rougemont tient De Rougement rend compte des travaux de le devant de la scène, on trouve encore dans Léon Dufour1 sur le sujet et les complète le Bulletin six publications entomologiques par ses propres observations anatomiques, d’autres auteurs. E. Desor relate les observa- chimiques et sur l’effi cacité de ce moyen de tions de l’hydrobiologiste vaudois François- défense (1879, t.11). Alphonse Forel1 sur les galets sculptés que Dans le tome 12 (1880) du Bulletin, P. de l’on trouve au bord des lacs. Forel attribue Rougemont rend largement compte du gros ces sillons à l’action érosive de larves de Tri- ouvrage sur les Pédiculines (poux) du Pro- choptères (1878, t.10). Il faut citer ensuite fesseur E. Piaget1, correspondant de la SSNN les notes laissées par L. Couleru sur les à Rotterdam. Celui-ci venait d’en envoyer espèces de papillons qu’il a recensées entre un exemplaire à la bibliothèque publique de 1829 et 1850 dans la région s’étendant entre Neuchâtel. L’ouvrage contient la descrip- St-Blaise et la Neuveville et de Jolimont à tion de 1150 espèces du monde entier. Trois Chasseral. Cet important catalogue, pré- d’entre elles se retrouvent uniquement sur senté par L. Coulon (1879, t.11), avait déjà l’être humain, et cela sur tous les continents. été brièvement mentionné dans le second Piaget, comme de Rougemont, voit dans Mémoire. Puis L. Coulon, toujours très pré- ce fait une preuve de l’unicité de l’espèce sent dans les séances de la société, signale humaine. Ils observent aussi que les poux en 1881 (t.12) le don d’une collection de humains sont différents des poux de singe, Coléoptères au Musée de Neuchâtel. L’au- preuve que les deux branches se sont sépa- teur de cette collection, Ch. H. Godet1, a rées très tôt. De Rougemont, qui se révèle réuni entre autres une série d’espèces rares évolutionniste, se demande comment il est collectées dans le Caucase (1882, t.12). possible que, si l’on prend à la lettre le récit En 1883, L. Coulon expose des plaques de la Genèse, les parasites de l’homme aient de plomb percées par des larves de longi- été créés avant leur hôte ! On trouve confi r- cornes. (T.13). Plus tard, il fait mention du mation de ses convictions scientifi ques dans don d’une collection de Lépidoptères de la une précédente publication intitulée «Note Côte-de-l’Or (aujourd’hui le Ghana) récol- sur les liens de parenté entre les invertébrés tés par F. Ramseyer, missionnaire, (1884, et les vertébrés» dans laquelle on trouve T.15). Enfi n A. Albrecht mentionne la pré- pour la première fois le nom de Darwin cité sence en Bretagne d’un charançon du genre dans le Bulletin (1875, t. 10). Othiorhynchus importé avec des sarracé- P. de Rougemont meurt prématurément en nies américaines par le jardin botanique de 1881, à l’âge de 31 ans. Parmi ses manuscrits Brest et qui menace de devenir un ravageur encore en travail au moment de son décès, on des cultures de fraises environnantes (1883, en trouve deux concernant les Tenthredini- t.13). dés* (Hyménoptères) et un sur les papillons Parnassius Apollo et P. M n e m o s y n e . Après «l’ère» P. de Rougemont, l’ento- Peu avant sa mort, il élevait des chenilles mologie est absente du Bulletin durant huit de papillons trouvées dans des tiges d’orpin ans, si l’on fait abstraction d’une brève note

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de G. Ritter qui décrit un diffuseur de CO2 signale 12 espèces nouvelles pour le Jura et dans le sol pour lutter contre le phylloxéra le Valais. Enfi n, en 1905 (t.33), il publie le (1888, t.16). résultat de ses chasses au Val de Tourtema- gne. En 1892, on retrouve le nom de Henri En 1901 (t.29) également, Paul Godet1, Junod (1863-1934), devenu missionnaire au qui a succédé à L. Coulon à la tête du Musée Mozambique. À côté de son travail d’évan- d’histoire naturelle de Neuchâtel, donne lec- gélisation et d’enseignement, il poursuit ses ture de quelques lettres de J.-J. von Tschudi1 activités d’entomologiste, axant son intérêt relatives à l’expédition qu’il accomplissait sur les papillons de la Baie de Delagoa. Il de 1838 à 1842 en Amérique du Sud pour décrit (T.20) les chenilles et les chrysalides le compte du Musée. Godet communique la de trois espèces de Lépidoptères diurnes et liste – impressionnante - des vertébrés et des fournit des observations sur leur biologie. insectes envoyés à Neuchâtel par Tschudy. Puis, en 1899 (t.27), il publie un article de 76 pages, illustré de quatre planches en cou- Deuxième période leurs sur les papillons de Delagoa. Il y com- mente une liste de 202 espèces (répartition, De 1906 à 1935, l’entomologie est phénologie et biologie), mettant l’accent sur absente du Bulletin, mais présente dans la famille des Psychidés, ces curieux Lépi- le Mémoire n° 5. «Voyage d’exploration doptères dont les chenilles font des four- scientifi que en Colombie», effectué par O. reaux comme les larves de Trichoptères. Fuhrmann1 et E. Mayor1. Parmi les trente- Cousin de Philippe, Frédéric de Rouge- trois spécialistes qui ont examiné le matériel mont1 est, comme H. Junod, un ecclésiasti- récolté par les deux savants neuchâtelois, on que lépidoptérologue. Pasteur à Dombres- trouve le nom de A. Forel1. Le célèbre myr- son, il collectionne et étudie les papillons mécologue vaudois a identifi é trente-quatre du Jura durant des dizaines d’années. Au espèces de fourmis. Il est curieux que ces cours de ses prospections, il découvre un dernières soient les seuls insectes récoltés diptère inconnu qu’il baptise Chilosia durant cette expédition (perte de matériel ?) (=Cheilosia) dombressonensis (1898, t.26). Curieusement, ce Syrphide qui fut examiné, La troisième période débute par un élevé par des spécialistes et authentifi é en important apport à la connaissance de la tant qu’espèce, n’a pas été retrouvé depuis. faune coléoptérologique ouest-africaine. Il fi gure cependant toujours dans la « Fauna La Mission scientifi que suisse en Angola, Helvetica Diptera » (1998), mais précédé organisée par A. Monard1, a récolté de d’un point d’interrogation. nombreux Curculionidés* (charançons). F. de Rougement consacre six autres Leur identifi cation a été confi ée à publications aux papillons. Son œuvre A. Hustache1, qui a publié ses résultats dans majeure est le «Catalogue des Lépidoptères le Bulletin de 1935 à 1940. Il a identifi é cent du Jura», publié en deux parties dans les quarante-quatre espèces, dont septante- Bulletins de 1901 et 1903 (t.29 et 31). Cet deux étaient nouvelles pour la science. De ouvrage remarquable de 342 pages au total son côté, R. Mamitza a déterminé la seule est illustré de deux belles planches couleurs espèce d’Hétérocéridés* ramenée par (fi g. 7). Il fait encore référence aujourd’hui. l’expédition (1935, t.60; 1937, t.62; 1940, La comparaison des données de F. de Rou- t.65). gemont avec les inventaires contemporains Plus près de Neuchâtel, le Val d’Orvin permet de mesurer l’évolution de la faune présente de nombreux biotopes propices entomologique au cours du dernier siècle. à la diversité de la faune entomologique. En 1901 (t.29) également, de Rougemont A. Michaud publie en 1937 (t.62) la

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synthèse des nombreuses récoltes qu’il les chauves-souris du Cameroun. Il y men- a effectuées dans cette région. Dans une tionne neuf espèces de diptères pupipares* approche essentiellement faunistique, ectoparasites de ces mammifères. En 1955 il met l’accent sur les Coléoptères, les (t.79), il consacre un article à la revision autres groupes, Odonates, Hétéroptères, d’une collection de ces mêmes insectes Lépidoptères, Hyménoptères et Diptères (Nycteribidés et Streblidés) récoltés en étant moins fouillés. La collection Michaud Europe occidentale et méditerranéenne. est déposée au Musée d’Histoire naturelle de Une note sur les puces de chauves-souris La Chaux-de-Fonds, comme les Coléoptères récoltées en Suisse suit en 1960 (t.83). d’Angola. La propriété du peintre naturaliste Quatrième période P. A . R o b e r t 1 est également située dans la région d’Orvin. Féru d’entomologie, Durant les dix-sept années suivantes, il étudie avec minutie les libellules qui l’entomologie est absente du Bulletin. Mais vivent sur les étangs de son vaste jardin et cette discipline retrouvera un nouveau publie en 1939 (t. 64) une monographie sur souffl e après 1972, suite à la création du l’Anax empereur (Anax imperator) qui sera Laboratoire d’Ecologie animale et d’En- en partie reprise dans son ouvrage sur les tomologie (LEAE), intégré à l’Institut de Libellules publié en 1958 chez Delachaux Zoologie et dirigé par W. Matthey jusqu’en et Niestlé (fi g. 3). 1994, puis par M. Rahier assistée de T. Tur- lings. L’intérêt pour cette discipline s’est Après un hiatus de sept ans, auquel également concrétisé par la création, en la seconde guerre mondiale n’est pas 1980, de la Société neuchâteloise d’ento- étrangère, on trouve dans les pages du mologie (SNE) (premier président: W. Gei- Bulletin une note de faunistique (1947, ger), puis du Centre suisse de Cartographie t.70) d’A. Monard, conservateur du Musée de la Faune (CSCF), qui a peu à peu pris une d’histoire naturelle de la Chaux-de-Fonds. grande importance au niveau suisse sous Il y mentionne la présence d’espèces rares la direction d’Y. Gonseth. Dès 1977, des récoltées dans le canton de Neuchâtel et dans articles sur les Arthropodes seront publiés les régions voisines, faisant en particulier dans le Bulletin pratiquement sans discon- mention, pour la première fois en Suisse, de tinuité pendant les vingt-cinq années sui- Crenitis punctatostriata et de Helophorus vantes (GEIGER & MATTHEY, 1992). viridicollis, deux Hydrophilidés aquatiques Afi n de gagner en clarté, nous quitterons typiques des tourbières jurassiennes. dès maintenant une présentation purement En 1951 et 1955 (t.74 et 78), J. de Beau- chronologique pour regrouper les publi- mont1 publie, en deux livraisons, la liste fau- cations selon les grands ordres d’Insectes, nistique des Hyménoptères aculéates*, moins classés eux-mêmes par ordre d’importance les fourmis, collectés dans les environs de dans le Bulletin. On considérera à part les Neuchâtel et de Bienne. Ce catalogue, qui études de communautés et de peuplements, énumère quatre cent soixante-trois espèces, moyennant quelques doublets est basé sur les collections Jacob (Musée zoo- logique de Lausanne) et Steck (Museum de DIPTÈRES Bâle), ainsi que sur les observations person- nelles de J. de Beaumont, qui possédait une En 1978 (t.101), C. Auroi publie son pre- maison de famille à Auvernier. mier article sur les Tabanidés (taons) de la V. Aellen1, spécialiste internationalement tourbière du Cachot, dans la vallée de la reconnu de la faune cavernicole, publie en Brévine. Il y décrit ses méthodes de capture, 1952, dans le Mémoire n° 8, sa thèse sur encore peu répandues en Suisse jusqu’ici :

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Figure 3 : Anax parthenope, une espèce voisine de l’A. empereur. Mâle au vol et trois femelles pondant dans des tiges de potamot crépu. Dessin de P. A. Robert (1934, t. 64).

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Figure 4 : Piège Manitoba, destiné à capturer les taons (Bull. n°101, 1978, photo C. Auroi). le piège Manitoba (fi g. 4) et un modèle de de 80 espèces, dont six nouvelles pour la tente Malaise en 1978 (t. 101) (fi g. 5). Ces France. Enfi n, lors du second congrès sur installations assez spectaculaires dans le les Tipulomorpha*, tenu à Aletsch en 1997 terrain, ont «rapporté» six mille sept cent (t.120.1), W. Geiger et S. Podenas, auxquels quarante taons adultes, des femelles surtout, se sont joints H. Mendle, P. Oosterbroek et appartenant à vingt-et-une espèces. La bio- A. Stubbs, signent à cinq une communica- logie et l’écologie de Hybomitra bimaculata tion sur les Limoniidés de Corse, augmen- ont servi de fi l conducteur à la recherche. tant de 31 espèces la faune de l’île et la por- Dans deux autres publications, Auroi décrit tant à 90 espèces connues. la méthode d’élevage – très délicate - des En 1983 (t.106), décidément une larves de taons (1981, t.104), et étudie la année faste pour les insectes dans le Bul- chorologie* des espèces les plus abondantes letin, M. Dethier, J. P. Haenni et W. Mat- (1983, t.106). they signent une publication de vingt-six En 1983 également, on trouve un arti- pages sur les Diptères du Caricetum fi rmae cle de W. Geiger sur un gynandromor- au Munt la Schera (Parc national suisse). phe* de Dicranomyia mitis, un diptère de Quarante-et-une familles sont présentes la famille des Limoniidés, sur laquelle se dans cette pelouse alpine située à 2500 m focalise désormais son intérêt. En 1994 d’altitude. Leur diversité, leur écologie, leur (t.117), W. Geiger, J. Brunhes et S. Pode- phénologie et leur lien avec le milieu font nas publient ensemble une contribution à la l’objet de cet article. connaissance des Limoniidés des Pyrénées En 1984 (t.107), J.-P. Haenni et W. Mat- orientales. Leur apport consiste en une liste they communiquent les résultats de l’utili-

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Figure 5 : Tente Malaise, effi cace dans la capture des Diptères (Bull. n°107, 1984, photo W. Matthey). sation d’une tente Malaise dans la tourbière sur trois espèces de Xylophagidés nouveaux du Cachot (fi g. 5), un site où se concentrent pour la Suisse, avec une clé de détermi- plusieurs travaux du LEAE. Ce piège a nation pour les espèces d’Europe centrale capturé en 1973 plus de 125000 diptères, (1997). En 2001, en collaboration avec S. dont le tri et l’identifi cation au niveau de la Prescher, J.- P. Haenni commente une liste famille ont pris plusieurs années. de vingt-et-une espèces de Phoridés cap- turés dans une tente Malaise installée dans En 1988 (t.111), J. P. Haenni publie une la chênaie buissonnante neuchâteloise. En note sur quatre espèces de diptères associés 2002, Haenni procède à une réévaluation à un gîte de chauves-souris (Noctules) établi de Scatopse fi lamentosa avec une nouvelle dans un trou de pic, leur biologie est décrite synonymie (t.125.1) et en 2003 (t.126), il sur la base de quarante-cinq individus élevés publie une note sur deux nouveaux Scatop- à partir du guano. Suit une série de notes de sidés pour la faune de Suisse. ce même auteur sur la faunistique et la bio- C. Dufour, spécialiste des Tipulidés, publie logie de plusieurs familles de Diptères: sur en 1995 (t.118) avec J. Brunhes, une contri- la présence de Chorisops tunisiae, un Stra- bution à l’étude des Tipules de la région tiomyiidé trouvé au sud de Espagne et pas pyrénéenne, établissant une liste de cinquan- encore signalé en Europe (1990, t.113); sur te-neuf espèces, dont deux nouvelles pour la les deux espèces de Lasiopa (Stratiomyii- France. Les caractéristiques de leurs lieux dés) présentes en Suisse (1996, t.119), sur de capture sont précisées pour chaque indi- les Scatopsidés de Suisse (1997, t.120.1); vidu. En 1997 (t. 120.1), C. Dufour publie le

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compte-rendu du deuxième congrès interna- de milieux humides et forestiers, tant sur tional sur les Tipulomorpha* à Aletsch. Sur leur systématique que sur leur écologie. les quinze communications présentées, cinq Dans cette optique, W. Matthey étudie sont publiées dans le Bulletin: outre celle en 1976 (t.99) les habitats des larves et sur les Limoniidés de Corse, déjà mention- des adultes de Crenitis punctatostriata, un née, il faut citer celle de E. Krzeminska sur Hydrophilidé tyrphobionte* caractéristique la morphologie du premier tarsomère* chez des hauts-marais jurassiens. Il en décrit éga- les Trichocéridés (1979), celle de I. Stary, lement la nymphe en 1977 (t.100). sur la description d’un nouvel Erioptera (Limoniidé) du Valais; celle de H. de Jong sur la structure génitale des Tipulidés, et enfi n la note de H. Reusch sur les Chionea (Limoniidés) d’Europe centrale. En 2001 (t. 124), P. Oosterbroeck, C. Dufour et V. Philipenko commentent la répartition de Dolichopeza (s. g. Oropeza) en zone ouest-paléarctique, suite à sa découverte au Tessin. En 2003, C. Dufour (t.126) publie deux travaux: d’abord la description de quatre nouvelles espèces de Tipulidés trouvées dans les Alpes maritimes, suivie Figure 6 : Crenitis punsctatostriata, un petit d’une liste de soixante-deux espèces de ces Hydrophilidé caractéristique des points d’eau dans mêmes Nématocères* récoltées dans les les hauts-marais. (Bull. no 99, 1976, photo Y. Bor- Alpes maritimes et sur la Côte d’Azur. card). S. Podenas, entomologiste lituanien, fait connaître les diptères fossilisés dans l’am- La même année, M. Brancucci inaugure bre de la Baltique par trois publications: en une série d’articles sur les Dytiscidés avec 2001 (t. 124), il décrit cinq espèces nou- l’étude des variations de coloration chez velles de Trichocéridés de la collection Hygrotus inaequalis, suivi en 1979 (t.102) d’ambre du Muséum de Neuchâtel; en 2003 de notes sur Deronectes theryi, puis, en 1981 (t.126.1) il décrit le premier Rhipidia fossile (t.104), par la description d’une espèce nou- (Limoniidés) et, en 2005 (t.128), un Limo- velle de Derovatellus du Cameroun. Dès niidé nouveau, du genre Trentepohlia. 1980 (t.103), Brancucci élargit son champ de recherches aux Cantharidés, publiant En résumé, l’écofaunistique et la systé- avec W. Matthey la liste de ces Coléoptères matique de six familles de Diptères (Limo- capturés dans la tourbière du Cachot (Ne). niidés, Phoridés, Scatopsidés, Stratiomyi- En 1982 (t.105), il révise le genre Parama- dés, Tabanidés et Tipulidés), les Diptères de ronius (Cantharidés d’Amérique du sud) l’ambre de la Baltique ainsi que les peuple- avec la description d’une espèce nouvelle, ments diptérologiques des tourbières juras- P. menieri, et une table de détermination des siennes et des milieux alpins (voir après) cinq espèces connues jusqu’ici. En 1983 forment essentiellement le sujet des articles (t.106), le même auteur publie la descrip- diptérologiques de la quatrième période. tion d’un Cantharidé nouveau: Malthinus (s. g. Indomalthinus) schmidi procédant COLÉOPTÈRES par la même occasion à la révision du sous- genre. En 1984 (t.107), Cantharidés encore, L’intérêt du LEAE s’est focalisé dès les il revoit la taxonomie du sous-genre Folso- années 1970 sur les Coléoptères aquatiques, malthinus dans le sous-continent indien.

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En 1981 (t.104), D. Borcard publie un LÉPIDOPTÈRES article sur l’utilisation les pièges Barber* pour étudier les Carabidés forestiers de la On remarquera que plusieurs diptérolo- côte de Chaumont. En 1987 (t.110), utilisant gues ont commencé leur carrière avec les l’analyse factorielle des correspondances, papillons. Borcard analyse, sur la base de douze mille C’est le cas de W. Geiger qui, sous le six cents captures faites par A. Ducommun titre général d’« Observations écofaunisti- dans le cadre de sa thèse, l’infl uence de la ques sur les Lépidoptères de la Tourbière fumure sur la composition du peuplement du Cachot (Jura neuchâtelois) » a consa- carabologique d’un champ de maïs situé cré trois publications aux papillons de ce dans l’Entre-deux lacs. milieu. La première (1980, t.103), décrit les De son côté, A. Ducommun étudie en méthodes utilisées, l’auteur y constate que 1990 (t.113) la composition de la commu- la tourbière est une sorte d’île au milieu de nauté de Coléoptères de la prairie fauchée terres cultivées, et que son peuplement de de la Vieille-Thielle et montre que cette Lépidoptères contient un fort pourcentage réserve passe lentement du statut de prairie d’espèces tyrphophiles* et tyrphobiontes*, intensive à celui de milieu naturel humide. ainsi que plusieurs reliques glaciaires. La L’année suivante (1991, t.114), L. Gogniat seconde (1981, t.104), décrit la phénologie publie le premier catalogue des Scolytidés de la végétation et le rapport chronologi- du canton du Jura. Le statut et la répartition que entre fl ore et papillons tandis que la des 49 espèces recensées est discuté. troisième (1982, t.105), met en évidence La même année, S. Barbalat publie l’in- l’infl uence des facteurs climatiques, de la ventaire des Carabidés et des Hétéroptères température en particulier, sur l’activité capturés dans cinq talus au Val-de-Ruz. Bien des adultes. que la diversité des Carabidés y soit assez J. P. Haenni est aussi dans ce cas. Son élevée (trente-huit espèces), ce sont plutôt unique contribution porte sur l’écologie des des lieux de passage que des habitats de papillons à chenilles aquatiques vivant sur substitution aux milieux naturels, au moins la rive sud du lac de Neuchâtel. Il y décrit dans les cas étudiés. la biocénose dont font partie les pyrales, et Dès 1995 (t.118), S. Barbalat s’attache insiste sur l’adaptation des chenilles à l’as- à publier les résultats de sa thèse sur la sèchement de leur habitat en cas de baisse faunistique et l’écologie des Coléoptères de niveau du lac (1980, t.103). capturés dans les hêtraies des Gorges de F. Gigon (1980, t.103) utilise des pièges l’Areuse. Les groupes concernés sont les à phéromones* pour capturer les tordeuses Buprestidés (1996, t.119), les Cérambyci- dans un verger neuchâtelois. Soixante-cinq dés (1997, t.120.1), les Scarabaeidés et les espèces de Tortricidés ont été collectées au Lucanidés(1998, t.121). cours de cette recherche. Par la suite, Gigon Enfi n, en 2006, P. Bieri étudie l’infl uence abandonnera les papillons pour les tiques. du taux de boisement sur les peuplements C. Lavorel (1988, t.111) publie une étude de Cérambycidés et les Buprestidés d’un sur les Géométridés des haies au voisinage pâturage boisé à La Sagne. de Couvet. Cinquante-deux espèces ont En résumé, les Coléoptères aquatiques, été piégées par des petites tentes Malaises xylophages, forestiers, les Cantharidés et suspendues dans les buissons, trente-quatre les Carabidés en général ont été les taxons d’entre elles semblant strictement dépendan- étudiés par les membres du LEAE. tes de la haie pour leur nourriture. En 1991 (t.114), Y. Gonseth commence la publication de sa thèse sur les Rhopalocères (= papillons diurnes) du canton de Neuchâ- tel. Il a procédé à un recensement intensif

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de ces insectes, ce qui lui permet, par com- ORTHOPTÈRES paraison avec le Catalogue des Lépidoptè- res de F. de Rougemont (1901, t.29 et 1903, P. Thorens (1984, t.107) publie la liste t.31), de mesurer l’évolution de la faune des Orthoptères (26 espèces) de quelques lépidoptérologique neuchâteloise. garides du pied sud du Jura. Puis (1991, Dans une seconde livraison (1993, t.114), dans le cadre de sa thèse de docto- t.116.2), Gonseth examine les peuplements rat, il fait la liste étonnamment fournie des des milieux humides du canton, et plus antagonistes (prédateurs et parasites) d’un particulièrement les habitats de l’azuré des criquet, Chorthippus mollis, abondant dans paluds (Maculinea nausithous, Lycaenidés), deux milieux prairials du pied du Jura. une espèce rare qui a en quelque sorte fait la célébrité du Val-de-Ruz chez les entomolo- HÉTÉROPTÈRES gistes. Les papillons des tourbières, des prés Les Gerridés (Hétéroptères aquatiques) à litière et des mégaphorbiées font l’objet de ont été étudiés dans la tourbière des Pontins la troisième publication (1994, t.117). L’en- (W. Matthey et M. Fiora, 1979, t.102). Leur semble, très fouillé, servira de référence phénologie et la dynamique de leurs popu- pour de futures études sur l’évolution des lations ont été comparées avec les données papillons de la faune jurassienne. issues d’autres tourbières jurassiennes. En 1991 (t.114), S. Barbalat publie l’in- ventaire des Carabidés et des Hétéroptères capturés dans cinq talus différents au Val-de- Ruz, afi n d’en estimer la valeur biologique. AUTRES ORDRES MOINS REPRÉSENTÉS 31 espèces de punaises y ont été trouvées. DANS LE BULLETIN La proportion d’espèces relativement spé- cialisées est plus grande chez les punaises HYMÉNOPTÈRES que chez les carabes (voir plus haut), car la présence des espèces phytophages est sou- En 1992 (t.115) et en 1995 (t.118), R. Ver- vent liée à celle d’une certaine plante-hôte. nier publie les résultats d’une recherche écofaunistique sur les fourmis du genre EPHÉMÈRES, PLÉCOPTÈRES, Formica dans les tourbières de la Vallée de TRICHOPTÈRES la Brévine. Ses résultats, qui concernent six espèces, portent sur leur répartition dans le En 2005 (t.128), A. et J. P. G. Reding milieu, l’exploitation des ressources et la publient un inventaire très minutieux de ces compétition entre espèces de Formica. En trois taxons dans la tourbière du Cachot. Ils 1997 (t.120.1) R. Vernier, qui a transféré mentionnent une espèce d’Ephémère, une son intérêt sur les Vespidés, publie un essai de Plécoptère et 26 de Trichoptères, décri- d’analyse cladistique des Eumeninés euro- vant leurs habitats et leurs cycles de vie. péens. Limnephilus elegans est mentionné pour la Enfi n, E. Della Santa a signalé la pré- première fois en Suisse. sence d’une fourmi cosmopolite, Cardio- En 2006 (t.129), une publication de condyla emeryi, au Papiliorama de Marin, J. P. G. Reding porte sur deux espèces éga- aujourd’hui transféré à Chiètres (1998, lement nouvelles pour notre pays: Metrelus t.121). Elle avait sans doute été importée balcanicus (Ephémères) et Ironoquia dubia avec des végétaux en ce milieu fermé et (Trichoptères). Leur écologie est décrite. La semblait y prospérer. signifi cation paléohydrologique* de M. bal- canicus est discutée.

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Figure 7 : Illustration tirée du «Catalogue des Lépidoptères du Jura», par F. de Rougemont (Bull. n° 29/31, 1901/1903).

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Figure 8 : Helicopsyche sperata, un Trichoptère étudié par P. de Rougemont (Bull. no 11, 1879).

SIPHONAPTÈRES LES ARACHNIDES En 1985 (t.108), J. C. Beaucornu et Nous mentionnerons d’abord le 13ème A. Aeschlimann mentionnent la présence Colloque européen d’arachnologie organisé d’une espèce de puce asiatique en Europe en 1993 à Neuchâtel. Quarante spécialistes occidentale. Il s’agit de Callopsylla gemina, y ont présenté leurs recherches touchant à trouvée sur l’homme, aux Grisons. la répartition géographique, à l’écologie,

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au comportement, à l’usage de la soie et trouvée sur un accenteur alpin. L’espèce, au venin. Les ordres suivants ont fait l’ob- pas encore signalée en Suisse, est redé- jet de communications et de posters: Ara- crite en détail. En 1985 (t.108), C. George néides surtout, Opilions, Palpigrades = et A. Aeschlimann ont mis en évidence la Amblypyges, Scorpions, Pseudoscorpions. présence d’une rickettsie* chez la tique Les communications ont été réunies dans le du pangolin (Amblyomma compressum) en t.116.1 par P. A. Fürst et G. Mulhauser. Basse Côte d’Ivoire. O. Grandjean (1986, t.109) étudie quant à lui l’ultrastructure de ARAIGNÉES l’intestin d’Ornithodorus moubata au cours de la digestion d’un repas sanguin. En 1992 Un article de A. Guillebert est la première (t.115), trois chercheurs, V. Miserez, mention de ce taxon dans le Bulletin, (1845, A. Aeschlimann et L. Gern, publient les t.1). Il consiste en un mémoire sur les toiles résultats d’une enquête dans le canton du d’araignées. En 1848 (t.2) L. Couleru, déjà Tessin sur la borréliose de Lyme*, une mala- mentionné pour ses observations sur les die transmise par la tique Ixodes ricinus. En papillons Rhopalocères, décrit le «vol» des 1993, (t. 116.2), «l’équipe tique» publie araignées qui émettent un fi l fl ottant pour deux travaux: L. Gern, S. Leuba-Garcia et s’élever dans les airs. E. Frossard suivent la réponse immunitaire E. Strand a déterminé les araignées de dans une population humaine contre l’agent quatre familles d’Aranéides ramenées de de la borréliose de Lyme. En second lieu, Colombie par l’expédition Fuhrmann- Z. Zhu, L. Gern et A. Aeschlimann étudient Mayor: Lycosidés, Sicariidés, Sparissidés, au microscope électronique la disparition Pholcidés. Sur treize espèces, sept sont nou- de la membrane péritrophique* chez Ixodes velles pour la science (Mémoire 5, 1914). ricinus au cours de la digestion. Plus récemment (1996, t.119) S. Pearson En 2004 (t.127), L. Gern présente une a étudié l’écologie et la répartition des arai- large synthèse du problème des tiques et de gnées dans une zone de contact en bordure la transmission de la Borréliose de Lyme de la tourbière du Cachot et la même année, en Suisse occidentale. L’année suivante G. Blandenier a publié ses observations sur (t.128), R. Bellet-Edimot, B. Betschart et L. l’écologie de Maro lepidus, espèce mention- Gern publient une étude expérimentale de née pour la première fois en Suisse, dans la la transmission transovarienne et trans- tourbière de la Burtignière (Vallée de Joux). stadiale de Borrelia burgdorferi chez Ixo- des ricinus. ACARIENS Citons encore les rapports du «Labora- toire de diagnostic parasitaire et de mala- Les tiques ont fait la célébrité du labora- dies transmises par les tiques». Publiés par toire de parasitologie de l’Institut de Zoolo- M. Brossard, B. Rütti et H. Siegrist de 1984 gie depuis 1972, quand A. Aeschlimann a à 2003, ils rendent compte des cas d’infes- succédé à J.-G. Baer. La première publica- tation et de maladie de Lyme diagnostiqués tion dans le Bulletin sur ces ectopara- par ce laboratoire travaillant dans le cadre sites date de 1979 (t.102) : J. F. Graf, de l’Institut de Zoologie. C. Mermod et A, Aeschlimann informent Toujours en parasitologie animale, V. Ael- sur la distribution et la biologie d’Ixodes len et A. Fain (1994, t. 117) ont étudié une (Exopalpiger) trianguliceps en Suisse. Puis collection d’acariens parasites de chauves- P. C. Morel et A. Aeschlimann (1983, t.106) souris déposée au Muséum de Genève. signalent la présence en Valais, à 2720 m Deux travaux relèvent de l’acarologie d’altitude, de plusieurs exemplaires de Sca- du sol: en 1981 (t.104), l’importante étude phixodes caledonicus, une tique d’oiseau de D. Borcard sur les groupements carac-

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téristiques d’Oribates dans la tourbière du mention de 16 espèces de Chilopodes, dont Cachot et, en 1982 (t.105), la description 3 nouvelles pour la science, dans le maté- par T. Schiess d’un acarien nouveau pour riel de Colombie ramené par Fuhrmann et la science nommé Paratydaeolus alpinus déterminé par H. Ribaut (1914, Mémoire (Actinedida) découvert dans une pelouse n°5). alpine au Parc national suisse. DIPLOPODES Enfi n C. Walter (1914, Mémoire n°5) a étudié la petite collection d’Hydracariens En 1914 (Mémoire n°5), J. Carl étudie le ramenée de Colombie par l’expédition matériel de Colombie et détermine 145 espè- O. Fuhrmann-E. Mayor. Sur 4 espèces, 3 ces ramenées par l’expédition Fuhrmann- étaient nouvelles pour la science. Mayor, dont le nombre impressionnant de 61 taxons nouveaux pour la science. OPILIONS Dans le Jura, A. Pedroli-Christen publie en 1977 (t. 100) une étude écofaunistique Outre l’article sur les Opilions de Colom- sur les Diplopodes de la tourbière du Bois- bie, dans lequel C. Fr. Roewer décrit 10 des-Lattes. Puis, en 1982, elle fait paraître espèces nouvelles (1914, Mémoire n°5), un dans le Bulletin un travail sur les peuple- seul autre article sur cet ordre a paru dans ments de Diplopodes dans les associations le Bulletin: celui de L. Cannata, qui étudie forestières situées sur un transect Gampelen le comportement des 7 espèces d’Opilions - Chasseral (1981, t.104). qu’elle a observées dans la tourbière du Cachot (1988, t. 111). CRUSTACÉS SCORPIONS ET PÉDIPALPES Dans le Bulletin comme dans tant d’autres revues, les nombreux travaux en hydrobio- K. Kraepelin a identifi é le matériel ramené logie dulçaquicole de la première moitié du par l’expédition O. Fuhrmann–E. Mayor en 20ème siècle ont porté pour une grande part Colombie. 10 espèces de scorpions ont été sur le zooplancton lacustre (Cladocères, capturées, dont 3 sont nouvelles pour la Ostracodes et Copépodes). Les thèses sur science (1914, Mémoire n°5). Fuhrmann a le plancton des lacs subjurassiens, qui pren- également capturé deux espèces de Pédipal- nent en compte ces trois taxons, fi gurent pes, ancien terme recouvrant deux ordres dans le § «communautés lacustres». tropicaux d’Arachnides: les Uropyges et les Amblypyges. L’Angola est une contrée riche en scor- CLADOCÈRES pions. A. Monard en a capturé un assez grand nombre appartenant à 4 espèces Dans le Mémoire n° 5 (1914), T. Stinge- (1929, t.54). L’une d’entre elles est nouvelle lin publie un gros article sur les 34 espèces pour la science. de Cladocères ramenées des montagnes colombiennes par l’expédition Fuhrmann- Mayor. MYRIAPODES H. Robert (1921, T.45) publie une étude détaillée sur la variabilité de Daphnia lon- CHILOPODES gispinna var. hyalina dans le lac de Neu- En 1891, P. Godet1 signale pour la pre- châtel. Puis, en 1939 (t. 43), T. Delachaux mière fois la présence de Scutigera coleop- présente une communication sur les Clado- trata à Neuchâtel (t.20). En 1914, on trouve cères des Andes péruviennes.

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OSTRACODES G. Mehes a publié dans le Mémoire n° 5, réceptacle des travaux sur la faune colom- bienne, une liste de 10 espèces d’Ostraco- des de Colombie et d’Argentine. 6 sont nou- velles pour la science.

COPÉPODES M. Thiébaud est le spécialiste de cette sous-classe. En 1914, il détermine les récol- tes de l’expédition Fuhrmann-Mayor, soit 11 espèces venant de Colombie et des Cor- dillères de Mendoza, dont une est nouvelle pour la science. En 1930 (t.55), Thiébaud publie ses observations sur quelques espèces de la région biennoise et, en 1936 (t.61), il s’in- téresse aux Harpacticides muscicoles des Alpes et du Jura, précisant la morphologie de 14 espèces trouvées dans les Préalpes, la région biennoise et la tourbière des Seigno- lis.

SYNCARIDES Figure 9 : Bathynella chappuisi, un crustacé de 1 mm de long, incolore et transparent. P. A. Chappuis1 a découvert en 1914, dans Dessin de Th. Delachaux (Bull. n° 44, 1920). la grotte de Vert (Gorges de l’Areuse) un remarquable crustacé cavernicole nouveau pour la science. Th. Delachaux1 le baptisa le compte- rendu de son mémoire de thèse Bathynella chappuisi, en hommage à son intitulé «Faune des eaux privées de lumière» découvreur et en publia une description très (1875, t.10), il mentionne la capture dans détaillée, assortie de dessins de grande qua- un puits d’Asellus Sieboldii, espèce nou- lité, (1920, t.44) (fi g.9). velle adaptée aux eaux interstitielles et pro- On peut mentionner en parallèle que fondes. T. Delachaux fi t en 1919 une seconde Les cloportes capturés par O. Fuhrmann découverte de grand intérêt dans la même et E. Mayor en Colombie comptent 8 espè- grotte de Vert. Il s’agit en effet de la pre- ces terrestres, dont une nouvelle pour la mière espèce de Polychète vivant en eau science décrite par H. Richardson (1914, douce, qui fut baptisée Troglochetus bera- Mémoire n°5). necki, qu’il décrivit également dans le Bul- letin (1921, t. 45). Depuis, l’espèce a été AMPHIPODES trouvée dans plusieurs régions d’Europe. Gammarus (Rivulogammarus) pulex, un ISOPODES crustacés abondant dans nos cours d’eau, illustre le «modèle amphipode». Mais c’est P. de Rougemont est le premier auteur à une autre espèce que sont consacrés les à parler d’Isopodes dans le Bulletin. Dans articles de trois auteurs dans le Bulletin: à

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Gammarus puteanus, appelé aujourd’hui Niphargus puteanus. L. Coulon est le premier à mentionner sa capture dans un puits de Neuchâtel, sans encore lui donner un nom spécifi que (1867, t.8). P. Godet capture d’autres spécimens et reconnaît des Gammarus puteanus malgré la grande taille des exemplaires neuchâte- lois (1971, t.9). P. de Rougemont avait aussi étudié le développement de cette espèce dans son mémoire de thèse de doctorat sou- tenue à Munich sous le titre de «Die Fauna der dunklen Orte». Il l’a retrouvée dans les profondeurs du lac de Neuchâtel (1875, t.10) et a fait remarquer que plusieurs espè- ces de Gammarus récemment nommées sont en réalité des stades larvaires de G. puteanus (fi g. 10). Figure 10 : Niphargus puteanus, un Crustacé amphipode étudié par P. de Rougemont et P. Godet Dans sa thèse sur la faune profonde du lac (Bull. n°10, 1871). de Neuchâtel, A. Monard (1920, t. 44) men- tionne des Niphargus, mais il les a identifi és comme N. foreli, sans allusion à l’espèce de visse dans le Rhin (t.2), mais sans la nom- Godet et de Rougemont. mer. En 1859 (t.5), il mentionne que ce fl euve abrite trois espèces dans les environs En 1952 (t.74) V. Aellen mentionne la de Strasbourg, provenant de la division capture de trois espèces de Niphargus, dont d’Astacus fl uviatilis en A. fl uviatilis, A. pal- une variété de N. puteanus, dans la grotte lipes et A. longicornis. Puis P. de Rouge- de Moron, aujourd’hui noyée par le lac de mont (1879, t.11) décrit la reproduction et retenue de Moron. la mue chez A. fl uviatilis. En 1921 (t.45), O. Fuhrmann fait le point, DÉCAPODES dans un compte-rendu de conférence, sur les écrevisses de Suisse. L. Coulon mentionne le don au Musée Le problème de ces Décapodes, est d’une intéressante collection de Crustacés revenu plus récemment sur le tapis, évo- pêchés dans la Mer rouge par G. de Per- qué par A. Fiechter (1997, t.120.1; 2000, t. regaux (1864, t.7). Elle contient plusieurs 123; 2002, t. 125.1). L’écrevisse américaine, espèces de Décapodes apparemment non espèce introduite, est prospère dans le lac. encore décrits. C’est la seule allusion à des Elle est porteuse de la peste des écrevisses, crustacés marins dans le Bulletin. mortelle pour les espèces indigènes qui ont En 1914 (Mémoire no 5), P. Zimmer déter- pratiquement disparu des milieux aquati- mine les Décapodes d’eau douce rapportés ques du canton. La pisciculture de Môtiers a de Colombie par l’expédition Fuhrmann et expérimenté une méthode d’élevage d’écre- Mayor (7 espèces, dont 3 nouvelles). visses à pattes blanches et à pattes rouges Les autres communications concernent pour repeupler quelques cours d’eau neu- les écrevisses. En 1852, L. Coulon signale châtelois écologiquement favorables à ces la découverte d’une nouvelle espèce d’écre- espèces.

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ETUDES DE PEUPLEMENTS* ET DE Mentionnons encore accessoirement, COMMUNAUTÉS* la Monographie du Lac des Taillères par C. E. Perret, réalisée également sous la MILIEUX AQUATIQUES. direction d’O. Fuhrmann (1924). L’auteur, Les lacs qui n’a pas publié son travail dans le Bulle- tin, y traite de l’ensemble de la faune inver- La première recherche en limnolo- tébrée, insectes compris, de ce petit lac du gie effectuée à l’Université de Neuchâ- Haut-Jura. (Sauerländer, Aarau). tel et publiée dans le Bulletin l’a été par Plus récemment (1996, t. 119), B. Mul- A. Monard en 1920 (t.44). Sous le titre hauser a étudié l’infl uence des fl uctuations «La faune profonde du lac de Neuchâtel» du niveau du lac sur les invertébrés de la ce travail est remarquable par son apport à Grande Cariçaie, le plus grand écosys- la connaissance de la communauté du fond tème riverain naturel de Suisse. L’auteur a du lac et par les implications théoriques démontré la nécessité des inondations pour que Monard a su en tirer. En effet, on parle le maintien du système, ainsi que la capa- encore aujourd’hui en écologie des trois cité de bioindication de la communauté principes de Monard, qui établissent: d’Arthropodes limicoles*. Enfi n (2006, t. 129), B. Lods-Crozet, a) un rapport entre la complexité structurale O. Reymond et A. Strawczynski ont signé du milieu et la diversité faunistique. une étude sur l’évolution de la qualité b) que deux faunes s’interpénètrent quand chimique et biologique du Lac de Joux entre elles ne sont pas séparées par des barrières 1985 et 2004. Si la faune des invertébrés lit- bien marquées toraux est riche et diversifi ée (Ephémères, c) que lorsque deux espèces voisines sont Plécoptères, Trichoptères, Mollusques), en compétition, la plus cosmopolite et la la faune du fond (Oligochètes et larves de plus eurytherme* élimine l’autre. Chironomides) est indicatrice de sédiments eutrophes. Les processus de restauration La thèse de Monard est bien dans l’air sont toutefois bien amorcés. d’un temps où l’on découvrait la richesse spécifi que de la faune lacustre à la suite des Les étangs travaux du Vaudois F. A. Forel1. Elle a été suivie par celle de H. Robert (1921, T.45) Le LEAE a initié une série de travaux sur le zooplancton de la zone pélagique du sur l’écofaunistique* des étangs et mares lac de Neuchâtel, thèse suivie d’une petite du canton de Neuchâtel. Une revue biblio- étude comparative sur le zooplancton des graphique concernant les mares neuchâ- lacs de Neuchâtel, Bienne et Morat (1924, teloises, faisant en même temps offi ce de t.45). Puis G. Mauvais (1927, t.51) débrous- recensement de ces milieux dans le canton, saille la communauté faunistique de la zone a été établie par W. Matthey et F. Schnegg littorale et complète la trilogie sur l’hydro- en 1984 (t. 107). L’optique générale de ces biologie du lac de Neuchâtel. (Remarquons travaux consiste en un inventaire des arthro- que sa liste d’espèces paraît plutôt succincte podes qui habitent ces points d’eau, com- aujourd’hui). plété par la description de leurs habitats et O. Rivier est l’auteure d’une quatrième de leurs écologies. thèse sur le zoo- et le phytoplancton, intitu- F. Schnegg s’est chargé de l’étude de lée «Recherches hydrobiologiques sur le lac quatre étangs forestiers situés à l’étage de Morat» (1936, t.61). L’étude faunistique intermédiaire (500 à 800 m d’altitude). est complétée par la description des migra- Dans le tome 107 (1984) il décrit les points tions verticales du zooplancton. d’eau choisis: l’étang de Plan-du-Bois; la

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mare de Jolimont, la fl ache du Merdasson communauté benthique du ruisseau du Cha- et la marnière de Hauterive. L’aspect éco- luet, dans la vallée de Tavannes (1986, t.109). faunistique - contenu dans son mémoire de licence - n’a pas été publié, sauf, en associa- LES MILIEUX HUMIDES, MARAIS ET tion avec Y. Gonseth et S. Schlaeppy pour TOURBIÈRES la Marnière d’Hauterive (1985, t.108). Ce dernier travail, qui énumère deux cent deux Depuis le début des années 1970, la zoo- espèces d’arthropodes, associe la prairie à logie des tourbières, des invertébrés essen- Orchidées (cent dix-neuf espèces) qui, avec tiellement, a constitué un important centre l’étang, fait l’intérêt de cette réserve. d’intérêt pour le LEAE. Une cinquantaine En 1986, A. C. Renard a entrepris le de travaux ont été publiés au cours des recensement de la faune aquatique de la trente années qui ont suivi, dont une partie Gravière de la Pôlière au Val-de-Ruz, située a paru dans le Bulletin SNSN. C’est la tour- également à l’étage intermédiaire du canton bière du Cachot, située à 1050 m d’altitude (t.109). dans la vallée de la Brévine, qui a servi en O. Redard a prospecté l’étage supérieur quelque sorte de référence. Le but était de en étudiant neuf mares dans les pâturages dresser une liste aussi complète que pos- de la Chaux d’Amin. Ses résultats sont sible des invertébrés liés à ses différents contenus dans trois publications: la des- faciès (la liste des vertébrés est relative- cription des biotopes en 1984 (t.107); la ment succincte, hormis celle des oiseaux) composition faunistique en 1985 (t.108) et et d’élucider leur mode de vie et leur rôle l’écologie des espèces caractéristiques en dans le fonctionnement de cet écosystème, 1986 (t.109). L’ensemble donne une bonne sorte d’île isolée au milieu des prairies et image de l’écologie des mares des crêtes des pâturages. Le but fi nal était – et est tou- jurassiennes. jours – de fournir des arguments, basés sur On rappellera aussi la publication de J. P. de solides connaissances de la faune et de Haenni sur les étangs à nénuphars de la rive la fl ore, pour justifi er la conservation de ces sud du lac de Neuchâtel, déjà citée plus haut milieux menacés, (1980, t.103). Nous avons déjà cité les travaux de De nombreux travaux ont aussi été menés C. Auroi sur le peuplement de Tabanidés sur les points d’eau des tourbières, mais dans la tourbière et dans ses environs. Nous seuls quatre d’entre eux ont paru dans le ne rappellerons donc ici que les références Bulletin. En 1979 (t.102), W. Matthey et M. à ses publications: faunistique et méthodes Fiora ont étudié la dynamique du peuple- (1978, t.101), élevage des larves (1981, ment de Gerris dans la tourbière des Pon- t.104), phénologie (1983, t.106) (voir Dip- tins. Plus tard, W. Matthey a publié à trois tères). reprises ses observations sur l’évolution Il en est de même avec les observations des points d’eau, en tant que biotopes, dans écofaunistiques sur les papillons de la tour- la tourbière du Cachot (1998, t.121; 2000, bière du Cachot étudiés par W. Geiger. On t.123; 2001, t.124), sans inclure les données trouve dans le Bulletin trois publications faunistiques. contenant les relevés faunistiques (1980, t.103), la phénologie* fl ore-papillons (1981, Les cours d’eau t.104), et l’importance des facteurs climati- ques (1982, t.105). Plusieurs recherches en hydrobiologie Rappelons aussi la publication de lotique* ont été menées par le LEAE, mais J. P. Haenni et W. Matthey (1984, t.107), qui une seule a donné lieu à une publication dans donne la liste des familles formant du peu- le Bulletin, celle de A. Ducommun sur la plement diptérologique de la tourbière.

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Y. Basset a tenté une approche globale D’abord celui d’A. Pedroli-Christen sur les de la communauté entomologique vivant Diplopodes, dont huit espèces colonisent sur les pins à crochets de la tourbière. En surtout la forêt de bouleaux pubescents ins- 1985 (t.108), il a publié une liste de deux tallée sur les parties basses de la tourbière. cent quarante-et-une espèces d’arthropodes L’écologie et le régime alimentaire de ces liés à cette essence et distingue parmi elles mille-pattes ont été étudiés au laboratoire et plusieurs guildes*. En 1988 (t.111), Basset dans le terrain. (1977, t.100). complète cette liste en détaillant ce que l’on J.-C. Pedroli a travaillé sur l’écologie sait de la biologie et de l’écologie des espè- du Pipit farlouse qui nidifi e sur les landes ces les plus caractéristiques. C’est aussi sur d’exploitation, mais cherche sa nourriture, les pins que les Opilions étudiés par L. Can- larves et insectes adultes, dans les fossés nata passent la plus grande partie de leur humides. L’analyse des pelotes alimentaires existence (1988, t. 111). des jeunes au nid a apporté accessoirement D. Borcard a réalisé une thèse sur les d’intéressants renseignements sur la répar- peuplements d’Oribates (Acariens) dans la tition et la phénologie de certains insectes. même tourbière. Ses résultats ont paru en Par exemple, des larves et des nymphes de grande partie dans d’autres revues, mais en taons ont été retrouvées dans les pelotes 1996 (t.119), il donne au Bulletin un article alimentaires rapportées aux jeunes par les intitulé «Analyse typologique* des assem- parents. (1976, t.99). blages d’espèces d’Oribates de la tourbière du Cachot» reposant sur des techniques Enfi n, en 1996 (t.119) W. Matthey et D. performantes d’analyse de données. Le Borcard ont brossé les caractéristiques géné- matériel de base, issu de 266 échantillons, rales de la communauté d’arthropodes liés comprenait 53000 Oribates appartenant à aux tourbières et ont montré l’importance 59 espèces. Borcard a déterminé les espè- de la conservation de ces milieux pour le ces caractéristiques des différents bioto- maintien de la biodiversité régionale. Cette pes du haut-marais (forêts, buttes, replats, publication contient une bibliographie éten- gouilles) et celles dont la présence dépend due concernant les tourbières jurassiennes. de facteurs écologiques précis. Toujours dans la même tourbière, COMMUNAUTÉS CAVERNICOLES R. Vernier a étudié le peuplement de four- mis, apportant une attention particulière Dans cette catégorie, trois travaux concer- aux six espèces de Formica qui y vivent. nent les cavités neuchâteloises. En 1952 Vernier a observé leur régime alimentaire (t.74), V. Aellen a étudié la faune de la grotte et mis en évidence la compétition entre les de Moron, qui comprend dix-huit espèces, espèces et l’utilisation des différents habi- dont treize d’invertébrés. Parmi elles se tats offerts par la tourbière (1992, t.115 et trouvent trois espèces de Niphargus, dont 1995, t.118). une variété de N. puteanus, espèce dont il a S. Pearson, dans l’optique de la conserva- déjà été question dans le Bulletin grâce aux tion des tourbières mentionnée plus haut, a travaux de P. de Rougemont. Cette grotte est étudié la typologie des groupements d’arai- maintenant noyée dans le lac de Moron. gnées dans une zone-tampon* située sur le En 1955 (t.78), P. Strinati1 a prospecté la fl anc sud de la tourbière du Cachot, analysant grotte de Pertuis, étudiant l’occupation de les espèces en provenance des milieux culti- la cavité par les trente espèces de troglophi- vés, celles issues de la tourbière et celles pro- les* et de trogloxènes* qu’il y a découver- pres à cet habitat particulier (1996, t.119). tes. À noter que Strinati a trouvé dans cette Deux travaux ont été menés au Bois-des- grotte un pseudoscorpion nouveau pour la Lattes, dans la vallée des Ponts-de-Martel. science : le Pseudoblothrus strinatii.

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Enfi n, en 1964 (t.87), V. Aellen et R. dances, trois groupements de Diplopodes Gigon publient les résultats de leurs inves- caractéristiques: a) dans la forêt riveraine, tigations dans la Grotte du Chemin de Fer, b) dans les hêtraies de l’étage montagnard dont la faune est particulièrement riche supérieur, c) dans l’étage montagnard infé- avec soixante-deux taxons, dont cinquante- rieur et submontagnard. L’humidité semble six d’invertébrés. Les auteurs décrivent la le facteur prédominant dans la distribution cavité et les différents habitats de la faune. des espèces. S. Barbalat (1991, t.114) a échantillonné COMMUNAUTÉS PRAIRIALES ET les peuplements de Carabidés et d’Hété- FORESTIÈRES roptères (punaises) de cinq talus du Val-de- Ruz pour connaître d’une part le rôle de ces Un premier travail de recensement au milieux en tant que biotopes de substitution niveau régional, cité plus haut sous Coléop- pour les insectes face à l’emprise agricole tères, est celui de A. Michaud (1937, t.62). et, d’autre part, leur fonction en tant que Il a collectionné les insectes dans le val couloir permettant la dispersion des espèces d’Orvin, accumulant de nombreux maté- à la recherche de nouveaux habitats. riaux, des Coléoptères surtout. F. Turrian (1987, t. 110) résume plusieurs Après un long hiatus, on trouve la années d’observations sur la faune des publication de M. Dethier, J. P. Haenni et anciennes Gravières de Verbois, afi n de mon- W, Matthey (1983, t.106). Ces auteurs y trer l’intérêt faunistique de ce milieu en fri- commentent la liste des familles constituant che. Connu depuis longtemps pour sa valeur le peuplement diptérologique du plateau ornithologique, le site méritait d’être mieux sommital de la Schera (2500 m) au centre connu sur le plan entomologique. Utilisant du Parc national suisse. Les différentes ori- plusieurs méthodes de piégeage durant deux gines et la phénologie des espèces qui le ans, Turrian a capturé douze mille sept cents composent sont discutées, ainsi que la cho- arthropodes appartenant à cent quatre vingt- rologie* des espèces autochtones. cinq familles, dont trente-sept de Diptères, En 1990 (t.113) A. Ducommun décrit la ce qui lui permet de donner une image assez communauté de Coléoptères, et en particu- fi dèle de cette communauté. lier le peuplement de Carabidés de la prairie Dans le cadre de sa thèse, S. Barbalat de la Vieille Thielle. a étudié la communauté des Coléoptères Nous avons mentionné plus haut la xylophages, c’est-à-dire les Cérambyci- pelouse sèche à orchidées de la Marnière de dés, les Buprestidés, les Scarabaeidés et Hauterive. Sa faune, étudiée par Y. Gonseth, les Lucanidés, dans les hêtraies des Gorges S. Schläppy et F. Schnegg, est bien diversi- de l’Areuse. Elle a décrit ses méthodes et fi ée avec ses cent dix-neuf espèces (1985, publié une liste commentée des espèces t.108). capturées dans une série de quatre articles D. Borcard a étudié le peuplement cara- (1995, t.118; 1996, t.119; 1997, t.120.1; bologique dans six associations forestières 1998, t.121). situées sur le fl anc sud de la chaîne du lac, de l’Entre-deux-lacs à Chasseral. Il défi nit des CONSERVATION ET BIOINDICATION peuplements de Carabidés caractéristiques dans chacune d’entre elles sur la base d’une Les conservateurs de la nature ont besoin liste de trente-six espèces (1981, t.104). de critères pour juger de la valeur de tel En parallèle, A. Pedroli-Christen utilisant ou tel milieu ou pour évaluer sa dégrada- les Diplopodes - au total vingt-six espèces tion. La présence de certaines espèces dont sur le même transect - détermine, grâce on connaît bien la biologie, vertébrés ou à une analyse factorielle des correspon- invertébrés, ainsi que la composition de

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certains peuplements fournissent des indi- espèces nouvelles pour la seule famille des ces sur l’état de conservation des milieux Curculionidés (1935, t.60; 1937, t.62; 1940, naturels tels que tourbières, prairies sèches, t.65). etc. ou sur la santé de sols cultivés. Les En tout, 236 Arthropodes nouveaux ont travaux d’Y. gonseth sur les papillons diur- été décrits dans les Mémoires et les Bul- nes, ceux de D. Borcard sur les Oribates letins SNSN. Les premiers sont trois Col- des tourbières, cités plus haut, vont dans ce lemboles récoltés en 1845 par H. Nicolet et sens, de même que le travail collectif de A. le dernier décrit est un Trichocéridé (Dip- Lugon, G. Weber, Y. Matthey, Y. Gonseth, et tères) de l’ambre de la Baltique, décrit par E. Wermeille (2001, t.124). Ces derniers S. Podenas en 2001. unissent leurs connaissances pour discuter de l’usage des espèces animales bioindica- La fi gure 2, qui prend en compte les 265 trices dans l’élaboration de plans de mesures articles consacrés aux Insectes, Arachnides, d’aménagement et d’entretien des milieux Crustacés et Myriapodes et aux communau- naturels. Plusieurs cas sont discutés: par tés biologiques, met en évidence les pério- exemple, sur la commune de la Côte-aux- des de plus ou moins forte publication. Elle Fées, des milieux humides doivent être sau- montre aussi que cette activité est nettement vegardés, et les papillons sont les meilleurs plus intense lorsqu’il y a un support aca- éléments de diagnostic. Autre cas cité: les démique régional. Le passage trop bref de prairies sèches des Joumes qui s’embrous- P. de Rougemont à l’Académie, lui qui était saillent, entraînant un changement de faune très intéressé par les Arthropodes, infl uence dont les papillons et les orthoptères sont les un premier pic de production. Le second révélateurs; grâce à ce constat, des mesures maximum commence à la création du Labo- adéquates peuvent être conseillées pour la ratoire d’Ecologie animale et d’Entomolo- sauvegarde de ce milieu remarquable. gie de l’Université (LEAE) en 1972, dont la philosophie a été résumée par GEIGER et CONCLUSION MATTHEY (1992). Cette période très pro- ductive, qui s’est étendue sur une trentaine Avec 265 articles consacrés aux Arthro- d’années, a vu aussi la nomination de deux podes, les Bulletins SNSN occupent une entomologistes, C. Dufour et J.-P. Haenni, place non négligeable dans le littérature à la tête du Muséum d’histoire naturelle entomologique suisse. Leur importance de Neuchâtel, Puis on note la création du est inégale, allant de la simple observation Centre suisse de Cartographie de la faune naturaliste à la thèse de doctorat. Parmi eux, sous l’impulsion de W. Geiger et la direc- il faut mentionner spécialement les apports tion de Y. Gonseth, et enfi n la naissance de du voyage d’exploration scientifi que de la Société neuchâteloise d’Entomologie en O. Fuhrmann et E. Mayor en Colombie, 1980. Ces institutions ont implanté plus consignés dans le Mémoire n°5 (1914). Ses largement l’entomologie dans les activités 1090 pages contiennent 345 descriptions culturelles neuchâteloises. d’espèces végétales et animales nouvelles pour la science, et parmi celles-ci, 99 arthro- Au niveau de la recherche, donc des arti- podes. Cet ouvrage plus que centenaire est cles publiés, il faut noter la prédominance encore considéré aujourd’hui comme un des travaux d’écofaunistique, qui reposent document important pour la connaissance sur le recensement, mais qui donnent de de la faune colombienne. l’amplitude à la liste d’espèces en intégrant le mieux possible les facteurs écologiques Il en est de même en ce qui concerne les et en cherchant à défi nir les conditions de expéditions d’A. Monard en Angola: 71 vie des taxons, des peuplements et des com-

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munautés étudiés. L’intérêt du LEAE s’est mes, voire de thèses, n’ont pas été publiés d’abord focalisé sur les tourbières juras- dans des revues. siennes et sur les petits points d’eau du On peut craindre que la mutation en 2008 canton, puis sur les milieux forestiers. Les du « Bulletin romand d’Entomologie » en groupes les plus étudiés sont les Insectes et une revue plus attractive nommée « Entomo les Arachnides, et parmi eux les Diptères, Helvetica » ne constitue une concurrence les Lépidoptères, les Coléoptères, les Ara- sévère pour le Bulletin SNSN. Mais ce der- néides et les Acariens. nier restera, pour un pourcentage apprécia- Il faut encore préciser que, dès les années ble de ses 265 articles sur les Arthropodes, 70, les publications dans le Bulletin ne une référence certaine, en particulier pour constituent le plus souvent qu’une partie de la zoologie des tourbières jurassiennes, pour la production des auteurs, dont on retrouve les Diptères, les Lépidoptères et les Colé- les noms aussi dans le Bulletin de la Société optères. Et ces articles seront sans doute de suisse d’entomologie, dans la Revue suisse plus en plus consultés, puisqu’ils seront dis- de Zoologie ou dans des revues internatio- ponibles sur le Web dans un proche avenir. nales. En outre, certains travaux de diplô-

LEXIQUE Ailante: Arbre à feuilles caduques originaire de Chine, famille des Simarubacées. Ampoule ptilinale: voir Cyclorrhaphes Analyse typologique: Identifi cation des groupements par exemple d’Oribates (Acariens) en fonction des caractéristiques du milieu. Borréliose de Lyme: fi èvre récurrente due à Borrelia burgdorferi, un Spirochète transmis par des tiques du genre Ixodes. La maladie se caractérise par des atteintes neurologiques et rhumatologiques. Barber (piège): Le barber, du nom de M. Barber, premier entomologiste à avoir décrit la méthode, est un pot de yaourt enfoncé dans le sol et contenant un liquide conservateur. Ces pièges capturent effi cacement la faune qui se déplace à la surface du sol. Chorologie: répartition des espèces dans le milieu. Collemboles: sous-classe d’Hexapodes primitifs très abondants dans les sols, souvent considérés comme des insectes. Communauté: ensemble organisé d’espèces animales ou végétales qui coexistent dans une partie d’écosystème. Ex: ensemble des invertébrés du sol d’une prairie. Curculionidés : (= charançons). Une des plus vastes familles de Coléoptères, estimée à 60000 espèces. Caractéristique: la tête est prolongée en avant par un rostre parfois très long qui porte les pièces buccales à son extrémité. Le régime alimentaire est phytophage. La famille contient de redoutables ravageurs de cultures et de denrées stockées. Cyclorrhaphes : Sous-ordre regroupant les Diptères qui s’échappent de leur pupe nymphale en forçant le passage à l’aide d’un organe frontal, l’ampoule ptilinale ou ptiline, qui pulse en se gonfl ant de sang. Elle se résorbe ensuite, formant une ”cicatrice” en arc de cercle bien visible, qui surmonte la base des antennes. La mouche domestique est un diptère cyclorrhaphe. Diptères Pupipares: diptères dont les larves se développent dans le corps des femelles et se transforment en nymphes, contenues dans une pupe, immédiatement après la sortie du corps de leur mère. Dytiscidés : famille de coléoptères aquatiques, carnassiers, dont le type est le dytique marginé. Ecofaunistique: conception qui allie au recensement des espèces leur étude écologique. Eurytherme: qui manifeste une large tolérance vis-à-vis de la température. Guilde. Groupe d’animaux (ici des insectes) généralement apparentés qui ensemble remplissent une fonction dans l’écosystème. Gynandromorphe: qui présente à la fois des caractères sexuels mâles et femelles.

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Hétérocéridés : petite famille de Coléoptères fouisseurs vivant en groupe dans les argiles et les sables littoraux. Hydrobiologie lotique : qui concerne les eaux courantes, par opposition à lentique, qui concerne les eaux stagnantes. Hyménoptères Aculéates: sous-ordre des Hyménoptères comprenant principalement les abeilles, guêpes et fourmis. Ils sont caractérisés par leur «taille de guêpe» et par la présence d’un aiguillon chez les reines et les ouvrières. Limicole: 1. adj.: Qualifi e les organismes qui vivent dans les milieux vaseux des lacs ou du littoral marin. 2. nom: Oiseaux des rivages ayant l’allure de petits échassiers (Ordre des Charadriiformes pour la plupart) Ex: chevaliers. Meloés: Coléoptères phytophages de couleur violette à noire, caractérisés par des élytres courts ne recouvrant que la moitié de leur volumineux abdomen. Taille: jusqu’à 3,5 cm. Le cycle de développement des larves est complexe. Membrane péritrophique: membrane sécrétée par la paroi du tube digestif des arthropodes, qui enveloppe le bol alimentaire. Nématocères: sous-ordre regroupant des Diptères à antennes fi liformes comprenant notamment les chironomes, moustiques, tipules, limonides. Paléohydrologique: néologisme qui qualifi e les cours d’eau fossiles dont le cours est retrouvé par les paléontologues. Peuplement: Ensemble d’organismes appartenant le plus souvent à un même groupe zoologique ou botanique, qui ont des écologies voisines et qui vivent dans le même milieu. Ex: le peuplement de carabes de la hêtraie. Phénologie: étude de phénomènes périodiques chez les animaux et les plantes liés à certaines conditions climatiques comme la température. Ex: fl oraison, durée de développement des larves en fonction de la température. Phéromone: substance chimique émise dans le milieu extérieur et qui constitue un signal au sein d’une espèce. Par ex., les phéromones sexuelles aident au rapprochement des sexes. Rickettsies: bactéries agents de maladies transmises par les tiques, les poux et les puces (rickettsioses). SSNN= Société des Sciences Naturelles de Neuchâtel, premier nom de notre Société, de sa fondation à 1893, date à laquelle il fut décidé de l’appeler Société Neuchâteloise des Sciences Naturelles (SNSN) Tarsomères: chez les Arthropodes, articles des tarses. Tenthrédinidés : Famille d’Hyménoptères appartenant au sous-ordre des Symphytes ou «mouches à scie». Leurs larves sont phytophages et ressemblent à des chenilles de papillons. Tipulomorpha : Nématocères dont le type est la tipule. Il comprend essentiellement les Tipulidés et les Limoniidés. Trogloxène: terme qualifi ant les espèces strictement liées au milieu cavernicole. Les espèces troglophiles, tout en préférant le milieu cavernicole, peuvent aussi vivre ailleurs. Typologie: étude des caractéristiques de groupements, par exemple d’acariens dans une tourbière, ou de communautés animales et végétales. Tyrphobiontes: terme qualifi ant les espèces strictement liées aux tourbières, alors que les espèces tyrphophiles marquent une préférence pour les milieux tourbeux, mais colonisent aussi d’autres milieux humides. Zone-tampon: Bande de terrain non cultivé, de largeur variable, qui ceinture les tourbières. Elle est destinée à atténuer l’impact de l’agriculture sur ces milieux protégés.

BIBLIOGRAPHIE GEIGER, W & MATTHEY, W. 1992. Ecologie, environnement, société : le rôle du Laboratoire d’écologie animale et d’entomologie de l’Université de Neuchâtel (Suisse). Mém. Soc. r. belg. Ent. 35 : 197- 202.

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MERZ, B., BÄCHLI, G., HAENNI, J.-P. & GONSETH, Y. (ÉDS). 1998. Fauna Helvetica DIPTERA. Checklist. Centre suisse de cartographie de la faune et Schweizerische Entomologische Gesellschaft. Neuchâtel.

REPÈRES BIOGRAPHIQUES Villy Aellen (1926-2000). voir note dans l’article de Marcel Jacquat sur les Vertébrés. Jacques de Beaumont (1901-1985). Professeur d’Entomologie à l’Université de Lausanne et Directeur du Musée cantonal vaudois de Zoologie. Spécialiste des Hyménoptères Aculéates*, en particulier des guêpes et des abeilles au sens large. Pierre- Alfred Chappuis (1891-1960). Biospéléologue suisse, il était un des plus grands spécialistes des Crustacés des eaux souterraines de la première moitié du XXe siècle. Il a travaillé durant vingt ans en Roumanie, au Laboratoire international de spéléologie Racovitza. Dès 1948, fuyant le régime communiste, il s’établit en France en tant que sous-directeur du Laboratoire souterrain du CNRS à Moulis. Il est l’auteur de 160 publications. (d’après les renseignements de P. Moeschler). L. Couleru voir note dans l’article de Marcel Jacquat sur les Vertébrés. (Paul)-Louis Coulon (1804-1894) voir note dans l’article de Marcel Jacquat sur les Vertébrés. Théodore Delachaux (1879-1949). Professeur de dessin, puis conservateur du Musée d’ethnographie et professeur de préhistoire à l’Université, Delachaux a été longtemps l’assistant de Fuhrmann. On lui doit la découverte et la description de Bathynella chappuisi et de Troglochaetus beranecki. En 1932, il accompagne A. Monard dans sa seconde expédition en Angola. Edouard Desor (1811-1882) voir note dans l’article de Marcel Jacquat sur les Vertébrés. Léon Dufour (1780-1865). Médecin et naturaliste français très intéressé à l’entomologie au sens large. Il est l’auteur de plus 200 notes et mémoires consacrés aux Hémiptéroides, Orthoptères, Hyménoptères et Diptères. Louis Favre (1822-1904). voir note dans l’article de Marcel Jacquat sur les Vertébrés. Auguste Forel (1848-1931). Neuroanatomiste et psychiatre. Très connu aussi comme entomologiste spécialiste des fourmis. Auteur des «Fourmis de la Suisse» et du «Monde social des fourmis». François-Alphonse Forel (1841-1912). Professeur d’anatomie et de physiologie à l’Université de Lausanne. Fondateur de la limnologie (étude des lacs). Il a publié deux ouvrages importants: «La faune profonde des lacs suisses» et «Le Léman». Otto Fuhrmann (1871-1946). Professeur de Zoologie à l’Université et Directeur du Musée d’histoire naturelle de Neuchâtel. Hydrobiologiste, il conduit plusieurs thèses sur l’hydrobiologie des lacs jurassiens. Il introduit ensuite à Neuchâtel l’étude des Helminthes (vers plats parasites) qui deviennent le thème-phare des recherches de son Institut. Des parasitologues connus tels que Jean-Georges Baer et Georges Dubois ont été ses élèves. En 1910. il organise une expédition en Colombie avec E. Mayor dont les résultats occupent le volumineux Mémoire n° 5 de la SNSN. Ch. H. Godet (1797-1879). Botaniste et entomologiste neuchâtelois. Après des études en lettres anciennes, il devient précepteur en Russie et voyage dans le Caucase où il constitue d’intéressantes collections. Précepteur à Paris, il entre en contact avec les naturalistes « de pointe » de l’époque. De retour à Neuchâtel, il est nommé Inspecteur des études, enseigne à l’Académie, puis devient bibliothécaire de la ville de Neuchâtel. Il est l’auteur, entre autres ouvrages, de la célèbre Flore du Jura (1859). Paul Godet (1836-1911). Fils du précédent (voir l’article de Marcel Jacquat sur les Vertébrés). L. Guillaume (1833-1924). Après des études de médecine, il s’investit dans la santé et l’hygiène publiques. Député au Grand Conseil et aux Chambres fédérales, il devient directeur du pénitencier du Mail, puis directeur du Bureau fédéral de statistique. Naturaliste amateur, il est l’ami d’E. Desor. Il a publié de plusieurs notes dans le Bulletin. Alphonse Hustache (1872-1949). Entomologiste français spécialiste des Curculionidés (= charançons). Il a parcouru le monde à la recherche de ces Coléoptères et a décrit de nombreux genres et espèces nouveaux. Il était membre de l’Académie malgache. Eugène Mayor (1877-1976). Médecin et mycologue, spécialiste des champignons microscopiques. En 1910, il accompagne Fuhrmann dans son voyage en Colombie, rédigeant le récit de leur voyage dans le Mémoire n° 5. Auteur de près de 130 publications, dont une cinquantaine dans le Bulletin SNSN,

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il est l’auteur du Mémoire n° 9 de notre Société sur les champignons microscopiques du canton de Neuchâtel. Il était Dr honoris causa des Universités de Neuchâtel et de Berne, et Chevalier de la Légion d’honneur. Albert Monard (1886-1952). voir l’article de Marcel Jacquat sur les Vertébrés. Hercule Nicolet (1801-1872). Lithographe et entomologiste. Il installe un atelier à Neuchâtel et collabore avec Agassiz pour la publication de ses planches sur les poissons fossiles. Spécialiste des Collemboles*, il publie ses Recherches pour servir à l’histoire des Podurelles, ouvrage illustré de magnifi ques planches. Il semble aussi connaître très bien les Arachnides d’Amérique du sud. Il termine sa vie comme bibliothécaire de l’Ecole vétérinaire de Maisons-Alfort, en France. Edouard Piaget (1817-1910). Né aux Bayards, il a passé la plus grande partie de sa vie aux Pays-Bas. Après des études de droit à Leyden, il enseigne le français et l’histoire dans diverses hautes écoles de Rotterdam. Entomologiste amateur, il se spécialise dans l’étude des poux, collectant son matériel au jardin zoologique et sur les peaux du muséum de sa ville. Entretenant d’abondants échanges avec des correspondants du monde entier, il constitue une très importante collection de ces insectes, base de son ouvrage principal: Les Pédiculines, essai monographique. Il revient fi nir sa vie dans son village natal, léguant son herbier et sa collection entomologique au Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel. O. Fuhrmann, alors conservateur du Muséum, a vendu au British Museum la collection de Pédiculines (taxon appelé aujourd’hui Phthiraptères). Paul-André Robert (1901-1977). Membre de la célèbre lignée des peintres Robert, il est également un entomologiste chevronné, comme le prouvent ses deux livres de vulgarisation bien connus, intitulés «Les Insectes», superbement illustrés. De même, son livre sur les Libellules (1958) reste une référence très riche en observations minutieuses et originales. Il est connu pour ses aquarelles et ses dessins de plantes, d’insectes et d’oiseaux qui illustrèrent les ouvrages d’histoire naturelle publiés par Delachaux et Niestlé. P. A. Robert a été honoré par l’Université de Neuchâtel qui lui a décerné le titre de Dr. h. c. pour son œuvre d’illustrateur scientifi que et ses publications entomologiques. Frédéric de Rougemont (1838-1917) Cousin de Philippe (M. Schmidt.-Surdez, com. orale). Pasteur à Dombresson, F. de Rougemont collecte et étudie les Lépidoptères du Jura neuchâtelois. Entomologiste très compétent, il a publié dans le Bulletin SNSN le Catalogue des Lépidoptères du Jura neuchâtelois, important ouvrage qui sert encore de référence aux spécialistes d’aujourd’hui. Philippe de Rougemont (1850-1881). En 1976, il succède au Dr. M. Vouga au poste de professeur de Zoologie à l’Académie. Il a effectué sa thèse de doctorat, intitulée «Die Fauna der dunklen Orte» sous la direction de Carl von Siebold. À Neuchâtel, il déploie une activité débordante et organise des voyages scientifi ques dans le nord de l’Europe, d’où il ramène un abondant matériel végétal et animal pour le Musée d’histoire naturelle. Atteint dans sa santé, il décède cinq ans après sa nomination. Ajoutons pour la petite histoire qu’en 1878, il avait épousé la petite fi lle de C. von Siebold. Cette mort prématurée a abrégé une carrière qui s’avérait très prometteuse et qui n’en était qu’à ses débuts. Frédéric Sacc (1819-1890). Professeur de chimie à l’Académie de Neuchâtel, il émigre en Bolivie en 1870, devenant chimiste au Service de l’exploitation des mines, puis professeur à l’Université de Santiago du Chili. Esprit éclectique, il s’intéressait particulièrement aux applications pratiques des connaissances sientifi ques. Carl von Siebold (1804-1885). Médecin et zoologiste allemand, professeur d’anatomie comparée et de physiologie des Invertébrés. On l’a appelé le père de la parthénogenèse. Il a résolu le cycle de plusieurs helminthes intestinaux. Von Siebold est considéré comme un des grands biologistes de son temps. Pierre Strinati. Spéléologue et biologiste, Dr. ès Sciences, Strinati est également diplômé de l’Institut des Hautes études commerciales de Paris, ce qui lui a permis de mener en parallèle une activité commerciale et une activité scientifi que. Il a exploré des grottes sous toutes les latitudes et a publié de nombreuses notes sur la faune cavernicole. Il a entre autres cosigné avec son ami V. Aellen le «Guide des grottes d’Europe occidentale». Johann-Jakob von Tschudi (1818-1889). Ce jeune médecin et naturaliste glaronnais fut mandaté par le Musée d’histoire naturelle de Neuchâtel, grâce à une souscription publique, pour réunir des collections d’histoire naturelle en Amérique du Sud. Il prospecta le Pérou durant cinq ans, récoltant un matériel considérable. Revenu en Europe, il rédigea plusieurs ouvrages sur le Pérou. Après être retourné à deux reprises en Amérique du Sud, il fut nommé ambassadeur de Suisse en Autriche.

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REMERCIEMENTS L’auteur remercie vivement les personnes suivantes pour leur fourniture de renseigne- ments, de documents ou pour leur assistance technique : • Mme Maryse Schmidt-Surdez • MM. Charles Auroi, Jacques Ayer, Willy Geiger, Jean-Michel Gobat, Jean-Paul Haenni et Pascal Moeschler.

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ET LES MOLLUSQUES...

WILLY MATTHEY

Rue de l’Ouest 12, 2046 Fontaines. Suisse. E-mail: [email protected]

Parmi les Invertébrés, cet embranchement n’est pas le plus largement représenté dans les pages du Bulletin SNSN. Il mérite cependant une place dans cette rétrospective, car on y trouve le nom de quatre malacologues connus, et parce que ces articles constituent un apport important à la connaissance des Mollusques terrestres et aquatiques de la région jurassienne.

Les espèces marines ont également fait l’objet d’un certain nombre de notes et de com- munications qui doivent être mentionnées. La première d’entre elles est due à L. de Bosset sur la Carinaria mediterranea (Mémoire 2, 1839). Puis Louis Agassiz fait le point sur la systématique des Gastéropodes marins du genre Pyrula (t.1, 1843). Dans le même tome, il signale à la Société que le Musée à reçu d’Albert de Pourtalès une collection d’environ qua- tre-vingts espèces «de coquilles d’Orient», dont certaines sont fort rares. On trouve dans le tome 10 (1874) un compte-rendu de Philippe de Rougemont sur un mollusque parasite d’holoturies (Entochoncha mirabilis). Puis, dans le tome 12 (1880), le même auteur pré- sente une note sur le Vermetus gigas, un curieux gastéropode vermiforme qu’il a observé lors de son séjour à Naples. Enfi n, Paul Godet signale le don au Musée d’une coquille de Pleurotomaria beyrichi, rare Gastéropode des mers du Japon (t.31, 1905).

Citons, plus pour faire la transition avec les mollusques terrestres et d’eau douce que par intérêt scientifi que, la découverte d’une espèce d’huître méditerranéenne dans le lac de Neuchâtel, près d’Yverdon. Elle était certainement arrivée là par l’intermédiaire d’un poissonnier (t.5, 1860).

Les Gastéropodes et les Lamellibranches d’eau douce et terrestres sont les plus abon- damment traités. Mentionnons d’abord deux courtes notices, l’une de Charles Vouga et Louis Coulon qui signalent des diapauses de longue durée chez un escargot africain, Helix lactea et chez l’espèce indigène Helix pomatia (t.3, 1853); l’autre de Edouard Desor, qui présente l’ouvrage de Jules René Bourguignat (1829-1892) sur la malacologie1 de l’Algé- rie, avec des considérations sur leur répartition en Afrique du Nord (t.7, 1865). Les articles les plus signifi catifs sont dus avant tout à quatre auteurs reconnus dans le monde de la malacologie: Paul Godet, Jean Piaget, Jules Favre et Heinrich Simroth. Ils trai- tent surtout d’écofaunistique contemporaine aux auteurs, ne prenant donc pas en compte les fossiles, objets de nombreuses citations dans les articles de paléontologie. Il ne s’agit pas non plus de parasitologie, bien que de nombreux Mollusque sont des hôtes intermédiaires dans les cycles d’Helminthes, comme le rappelle Claude Vaucher (ce volume, p. 23-40).

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PAUL GODET (1836-1911) est le succes- JEAN PIAGET (1896-1980) fréquente assi- seur de L. Coulon à la tête du Musée d’his- dûment, dès l’âge de onze ans, le Musée toire naturelle de Neuchâtel. Spécialiste des d’histoire naturelle de Neuchâtel et acquiert Gastéropodes et des Lamellibranches d’eau très tôt dans la compagnie de Paul Godet douce, il a posé les bases de la malacolo- une discipline de travail qui lui servira par gie de la région neuchâteloise. Ses premiers la suite. Il n’est pas étonnant dès lors qu’il articles sont consacrés aux Anodontes (t.6, entreprenne précocement des recherches 1862; t.9, 1871; t.38, 1901). Son œuvre personnelles, publiant sa première note majeure, publiée en 1907, est un «Catalo- sur les Mollusques à quatorze ans dans le gue des Mollusques du canton de Neuchâ- Rameau de Sapin. Toutefois, malgré ses tel et des régions limitrophes» (t.34) qui attaches neuchâteloises et l’abondance de résume ses innombrables observations et ses publications malacologiques, Piaget récoltes effectuées dans une trentaine de fournit seulement quatre titres au Bulletin stations neuchâteloises. Il y recense 139 SNSN: espèces terrestres et aquatiques, soit près de • un «Supplément au Catalogue…» établi 60% des espèces connues en Suisse à cette par Godet, auquel il ajoute de nouvelles sta- époque. En introduction, Godet traite de la tions (t.39, 1913). biogéographie des Mollusques neuchâte- lois. Un an plus tard, dans une communi- • A la lecture de la monographie de F.-A. cation à la SNSN, il ajoute deux espèces Forel sur «La faune profonde des lacs suis- du genre Crystallus à son catalogue (t.35, ses» (1885), Piaget constate que les mollus- 1908). En 1998, la faune de Suisse compte ques abyssaux du lac de Neuchâtel sont très 274 espèces, selon Turner et al. La dernière mal connus. Il entreprend l’étude du maté- publication de Godet, parue l’année de son riel dragué par O. Fuhrmann et publie les décès (t.38, 1911), concerne Unio consen- «Premières recherches sur les Mollusques taneus (= Unio crassus) et ses variétés neu- profonds du Lac de Neuchâtel» (t.40, 1914). châteloises. Par la suite, Piaget vérifi era l’identifi cation Son biographe, Ernest Godet (1911, t.38), des mollusques mentionnés dans la thèse de signale l’existence d’un «Catalogue des son condisciple A. Monard sur la faune pro- Mollusques de Suisse» assorti d’un atlas de fonde du lac de Neuchâtel (t. 43, 1919). 157 planches originales coloriées. L’ensem- • La détermination des vingt-sept espèces ble fut semble-t-il donné à la Société suisse de Mollusques Gastéropodes récoltées par des Sciences naturelles à des fi ns de publi- l’expédition Fuhrmann et Mayor, qu’il cation, ce qui ne fut jamais réalisé. De plus, publie sous le titre de «Quelques Mol- ce manuscrit a depuis disparu (Turner et al., lusques de Colombie» (M.5, 1914). 1998). • une «Contribution à la malacologie ter- Dans son travail de conservateur, Godet restre et fl uviatile de la Bretagne, de Saint- a révisé diverses collections et publié quel- Brieuc à Plouha» basée sur les captures ques mises au point: Catalogue des Mollus- qu’il fi t durant un voyage (t.41, 1926). ques des environs de Paris (t.8, 1869), sur Selon les auteurs de l’Atlas des Mollus- des Helix nouveaux pour les îles grecques ques de Suisse (Turner et al, 1998) «les don- 1 (t.12, 1880) et sur la conchyliologie du nées de Piaget jettent souvent un doute sur lac Tanganyika (t.12, 1882). On retrouve la validité de l’identifi cation des espèces. aussi dans les comptes-rendus de séances Cela est d’autant plus regrettable que pres- plusieurs brèves communications concer- que aucun exemplaire de référence ne per- nant ses découvertes locales (t.2, 1854; t.5, met de contrôle. Les données de Piaget ne 1861, t.11, 1877; t.21, 1893; t.28, 1900; sont donc qu’exceptionnellement utilisées t.31, 1903; t.35, 1908). (espèces faciles à identifi er, impossibles à

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Jules Favre. Piscidiums. 1941, t. 66, pl. 5). confondre) notamment pour des travaux l’épistémologie, domaines où il acquiert la cartographiques touchant à des régions où réputation que l’on sait. (voir aussi Barrelet manquent des trouvailles plus récentes». et Perret-Clermont, 1996). Après un dernier travail paru en 1929 dans le Bulletin biologique de la France et A notre époque de spécialisation à de la Belgique, Piaget abandonne la malaco- outrance, on peine à concevoir une carrière logie pour se consacrer à la psychologie et à telle que celle de JULES FAVRE (1882-1959),

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scientifi que hors du commun qui excelle Le Bulletin recèle encore deux publica- dans plusieurs disciplines scientifi ques: tions sur les Mollusques, issues d’un travail botanique, géologie, malacologie et myco- de licence et d’une thèse: logie. Après des études de sciences natu- • Une étude biométrique du genre Cepaea, relles et une thèse en géologie, il devient par Frédy Zesiger (t. 75, 1952). L’auteur y conservateur de géologie et de paléonto- recherche de nouveaux critères distinctifs logie au Muséum de Genève. Malacolo- entre les trois espèces du genre présentes en giste reconnu, il approfondit l’étude des Suisse. pisidies, petits bivalves dont il devient le premier spécialiste fi able selon des critères • Suite à la pullulation de la moule zébrée modernes. Des générations de chercheurs (Dresseina polymorpha ) dans le lac de se sont basés sur ses travaux et sa collec- Neuchâtel, Jean-Carlo Pedroli a étudié la croissance et la mortalité de ces Lamelli- tion pour déterminer leurs récoltes (TURNER et al., 1998). Favre a publié un intéressant branches (t. 101, 1978) dont l’abondance travail intitulé «Les Pisidium du canton de conditionne l’importance des populations Neuchâtel» dans le Bulletin SNSN (t. 66, de canards malacophages. 1941) (voir planche et aussi KELLER, 2005). Sollicité par Fuhrmann, HEINRICH LEXIQUE SIMROTH, professeur à Leipzig et malaco- Conchyliologie : étude des mollusques à coquille logiste allemand spécialiste des limaces à l’échelle mondiale, publie dans le Mémoire Lamellibranches ou Bivalves : classe de Mollusques 5 (1914) sous le titre de «Nacktschnecken dont le corps est enfermé dans une coquille Colombiens» une importante étude dans formée de deux valves articulées. laquelle il décrit vingt-trois espèces nou- velles de la zone néotropicale sur la quaran- Malacologie : étude des Mollusques en général. taine récoltée par Fuhrmann et Mayor.

BIBLIOGRAPHIE BARRELET, J-M. & PERRET-CLRMONT, A. N. (éds) 1996. Jean Piaget et Neuchâtel. Ed. Payot. Lausanne.

GODET, E. 1911. Prof. Dr. Paul Godet. 1836-1911. Bull. Soc. neuchatel. Sci. nat. 38 : 72-79.

KELLER, J. 2005. Jules Favre, géologue, mycologue (1882-1959). in: Biographies neuchâteloises 4: 110- 116. Ed. Gilles Attinger. Hauterive.

TURNER, H.; KUIPER, J. P. G; THEW, N.; BERNASCONI, R.; RÜETSCHI, J.; WÜTHRICH, M & GOSTELI, M. 1998. Fauna Helvetica. Mollusca. Atlas. Ed. SEG – CSCF. Neuchâtel.

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72 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ NEUCHÂTELOISE DES SCIENCES NATURELLES 131 : 73-89. 2010

175 ANS DE ZOOLOGIE DES VERTÉBRÉS DANS LE BULLETIN ET LES MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ NEUCHÂTELOISE DES SCIENCES NATURELLES

MARCEL S. JACQUAT

Rue Abraham-Robert 70, 2300 Chaux-de-Fonds, Suisse.

La longue tradition naturaliste neuchâteloise, associée à la riche collection des publi- cations de la Société des sciences naturelles de Neuchâtel (1843-1897) devenue dès 1898 Société neuchâteloise des sciences naturelles, a évidemment donné naissance à un certain nombre de travaux consacrés aux vertébrés. Pour avoir un panorama complet des travaux relatifs à cet embranchement dans notre canton, la collection complète des bulletins et des mémoires de la SNSN ne suffi t pourtant pas, puisque des publications importantes fi gurent aussi dans d’autres revues et particulièrement dans le Rameau de Sapin du Club jurassien, qui, à l’image de son titre, a connu des fortunes diverses et variées, mais aussi dans le Musée neuchâtelois et dans le Bulletin de la Société neuchâteloise de géographie. L’analyse au début du XXIe siècle de travaux parus pour certains plus de 160 ans aupa- ravant constitue une gageure, tant notre manière de voir les choses, nos connaissances, nos a priori se sont modifi és au cours des générations qui se sont succédé depuis la naissance du bulletin de notre société. D’autre part, le comptage des travaux cités dans la Table des matières et index (1835-2002) nous indique que près de 400 contributions s’y rapportent aux vertébrés, soit environ 7% des 5439 publications enregistrées par Matthey & Ayer (2006). Parmi les premiers travaux apparaissent ceux de Louis Agassiz1. Cela ne doit pas nous éton- ner, puisque l’on retrouve le célèbre naturaliste à l’initiative de la création de notre société en 1832 avec Henri de Johannis2 et Henri Ladame3, futurs collègues professeurs à l’Académie de Neuchâtel, Louis Coulon4 fi ls, Jacques-Louis Borel5 et Auguste de Montmollin6.

LES PREMIÈRES MENTIONS DE VERTÉBRÉS DANS LES BULLETINS DE LA SNSN Il n’est pas nécessaire d’attendre longtemps lorsqu’on analyse la longue série des Bul- letins de notre société pour trouver une première référence à un vertébré vivant. En pages 44-47 du tome 1er, il est fait état de la séance du 8 février 1844, lors de laquelle « Célestin Nicolet7 lit une notice sur les oiseaux européens de Macao. Sur cent vingt-quatre oiseaux appartenant à soixante-dix-huit espèces tous tués et préparés par notre compatriote M. Henri Racine, à Macao, pendant les hostilités entre l’Angleterre et le Céleste-Empire, en 1839 et 1840, et dont il a fait don au musée de l’Union, se trouvent vingt-cinq espèces identiques avec celles d’Europe ». Un peu plus loin, p. 54, on parle de la présentation par Carl Vogt8, de l’organe électrique de la Raie ronce (Raia rubus Bloch 1784) récemment découvert par Mayer9.

* les notes infrapaginales sont regroupées de la page 86 à la page 89. 73 M. S. JACQUAT

A l’image de ces deux mentions, il faut artifi cielle de reproduction de la truite de considérer qu’une bonne partie d’entre rivière dues à P. Guebhard, puis une impor- elles, suivies de la lettre c dans la table des tante contribution d’A. Vouga13 consacrée à matières, ne concernent pas des travaux la Faune ornithologique du bassin du lac de originaux imprimés dans le bulletin, mais Neuchâtel (pp. 409-422). Il s’agit là du pre- plutôt la recension de conférences, présen- mier travail scientifi que consacré à la faune tations ou comptes-rendus, dont l’intérêt avienne de notre canton. est souvent de première importance pour la Dès le troisième volume, les véritables connaissance de l’évolution de notre faune publications sont plus nombreuses, puisque régionale, comme en témoigne par exemple plus de vingt y paraissent, dont deux seule- la mention suivante. ment consacrées aux vertébrés : l’une traite à nouveau de pisciculture (C. Vouga14), alors UN LOUP SYMBOLIQUE que l’autre, au sujet du venin du serpent à sonnette, est une traduction due à Louis Janvier 1845 : un Loup est abattu sur Coulon. On remarque que la physique, la les hauteurs de La Chaux-de-Fonds par un chimie, la géologie, la paléontologie et la groupe de 19 chasseurs. Ceux-ci le remet- météorologie tiennent toujours une place tent à la section des Montagnes de la Société importante, mais que l’étude des vertébrés des sciences naturelles de Neuchâtel, sec- n’est pas encore à la mode ! tion récemment créée par Célestin Nicolet, Cela se confi rme dans le 4e volume, animateur infatigable des sciences neuchâ- puisqu’entre 1856 et 1858, aucune parmi la teloises. Le Loup de Pouillerel, dernier loup trentaine de contributions ne traite de verté- tué dans le canton, prend place dans les col- brés vivants ! lections du musée qui vient d’être créé (la L’élevage artifi ciel de truites à Cortaillod date exacte de cette création n’est d’ailleurs fait à nouveau l’objet d’un article du Dr pas connue de manière précise… probable- Vouga, qui rend compte aussi d’essais faits ment dans les années 1842-1843). Dans un par Frédéric Verdan dans le cinquième tome compte-rendu de Nicolet dans le premier (1860). Dans ce volume de plus de 770 volume du Bulletin, en page 239, quelques pages, on trouve aussi quelques mentions lignes seulement sont dévolues au loup le ornithologiques contenues dans une relation plus célèbre du canton ! de voyage en Islande en 1860 par M. Ben- guerel, ainsi qu’une réponse de M. Desor15 LA PREMIÈRE PUBLICATION CONSACRÉE à des théories relatives à la faune terrestre AUX VERTÉBRÉS du quaternaire émises par M. Pictet dans les Archives des sciences de la Bibliothèque Les véritables publications à ce sujet sont universelle en août 1860 ! rares dans les premiers tomes : il semble Le seul vertébré évoqué dans un article que les autres disciplines (géologie, paléon- du sixième volume est Homo sapiens, pour tologie, médecine, chimie industrielle, phy- l’évolution de sa taille dans sa phase pré- sique) ont été plus souvent à l’honneur que militaire du conseil de réforme, et ce au la zoologie des vertébrés. milieu de plus de 700 pages. Les premières paraissent dans le 2e Quelques mentions fi gurent dans les volume du Bulletin. Nous y trouvons, sous comptes-rendus, touchant notamment à la plume de L. Couleru10, des Observa- l’observation d’un Plongeon (Colymbus tions sur les serpents (couleuvres, vipères). septentrionales) en plumage de noces, pris Remarques de P.-L.-A. Coulon11, L. Coulon à un hameçon sur le lac. C’est notre actuel et F. Sacc12 occupant six pages, peu avant Plongeon cat-marin (Gavia stellata). Un quatre pages consacrées à une Méthode Héron-aigrette à bec jaune citron (donc une

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Grande Aigrette selon nos critères actuels) Dans le dixième volume, Philippe de tué en septembre 1863 dans le Grand Rougemont22 fait état des liens de parenté Marais et la fondation d’une société orni- entre les vertébrés et invertébrés et pré- thologique à Genève (en 1864) font aussi sente la Loche d’étang (Cobitis fossilis l’objet de mentions. Cette société éphémère devenu Misgurnus fossilis), alors que Louis est restée dans les annales ornithologiques Nicoud23 publie des informations relatives pour avoir publié dès 1865 en deux tomes à la nidifi cation du Cassenoix près de Mai- quatre numéros d’un fort intéressant Bulle- son-Monsieur en mars 1875, nidifi cation tin de la Société ornithologique suisse, dont qu’il cherchait à prouver depuis huit ans ! l’ultime est daté de 1870. Victor Fatio16 en Quelques informations sous forme de est le président et contribue à la rédaction communications ont trait à un Flamant rose avec Godefroy Lunel17 et d’autres... On tué à Sugy le 19 octobre 1876, aux truites trouve Louis Coulon de Neuchâtel parmi pêchées par Fritz Tripet24 dans le ruisseau les membres. Le bulletin contient une illus- de Saint-Blaise, à la capture d’un Chat sau- tration en couleurs de l’Alca impennis (le vage à Voëns, ensuite acheté par le Musée, Grand Pingouin, espèce disparue) basée sur à la liste des oiseaux placés sous la sauve- l’exemplaire de la collection Vouga de Cor- garde de la Confédération25, à un Phalarope taillod… et dessinée par lui : Vouga ad nat. à bec large tué sur le lac le 1er janvier 1877 del. est-il indiqué au bas de la planche ! La dans le onzième volume. boucle est ainsi bouclée… et cet exemple On y trouve aussi des articles de P. de démontre qu’une communication en deux Rougement consacré à la découverte du lignes seulement de M. le Président de la Triton lobé dans le canton (à Cornaux), à la société neuchâteloise (Louis Coulon en mai liste des oiseaux observés en Suisse depuis 1864) peut apporter d’intéressantes infor- 1837 (Auguste Vouga), au voyage du Colo- mations relatives à l’histoire des sciences nel Przewalski26 en Asie centrale et à ses naturelles de notre pays ! observations relatives au chameau sauvage Dans le septième volume (1862-1864) de Bactriane, voyage relaté par Paul Godet. et ses trois tomes comprenant 700 pages, Louis Nicoud décrit, documents à l’appui, ne fi gure nulle trace de publication rela- des nids de Martins-pêcheurs étudiés en tive aux vertébrés. Des Jaseurs de Bohême 1876 et 1877 aux Graviers, sur la rive fran- observés à La Chaux-de-Fonds par Louis çaise du Doubs et présente, avec l’aide du Favre18 et des observations par Duméril19 Professeur Philippe de Rougemont, les œufs sur les Axolotls rapportées par Paul Godet20 de Coucou de sa collection zoologique. sont les seules communications relatives au Le douzième tome du bulletin de notre domaine qui nous intéresse ici. société est le dernier à avoir paru en trois La pisciculture de Chanélaz fait l’objet cahiers. Des communications relatives à de la seule publication relative aux verté- une pêche considérable de Tanches au lac brés dans le volume 8 (1867-1870), sous la des Taillères gelé (hiver 1879-1880) et à la plume de Charles Vouga, une fois encore. description de particularités ostéologiques Le volume suivant ne fait pas exception des Outardes par Louis Favre, la mention aux constats précédents : deux pages consa- d’un sanglier abattu aux environs d’Enges crées à un nid construit par un Poisson (let- en 1881 et les présentations par Paul Godet tre de L. Agassiz à B. Pierce21) sont les seu- de Dipneustes et d’un Aye-Aye acquis par le les ayant trait aux vertébrés vivants, le tout Musée de Neuchâtel, accompagnent le seul enrichi d’un compte-rendu d’une présenta- véritable article consacré à un vertébré : une tion d’une liste des oiseaux rares dans le can- note sur le Merle du Labrador observé en ton de Neuchâtel par le Capitaine Vouga. Norvège par le Professeur de Rougemont.

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au Musée de Neuchâtel. Apparemment, le nombre de comptes-rendus diminue au pro- fi t d’articles plus importants, comprenant de nombreux hors-textes. Cela se confi rme dans les volumes suivants, toujours aussi pauvres en vertébrés…. Un lézard à deux queues, les acquisitions par le Musée de Neuchâtel d’un squelette de Balaenoptera longirostris, d’un Echidné de Nouvelle-Guinée, d’un Bœuf musqué ou d’Amphibiens rares, les prix pratiqués pour les œufs et peaux de Grand Pingouin, espèce éteinte depuis 1844 envi- ron, le contenu stomacal d’un Lagopède, la Salamandre du Japon, le nid du Fournier roux, oiseau sud-américain, un manuscrit de L. Perrot ayant trait aux Poissons des lacs de Neuchâtel, Morat et Bienne font bien l’objet de mentions, mais ce sont des comptes-ren- dus en quelques lignes et non de vrais arti- cles. Ce sont les seules mentions de verté- brés dans les tomes 14 à 26 ! Il faut attendre l’article de Paul Godet, paru en deux livrai- sons dans le tome 26 (1898) pour avoir droit enfi n à une contribution importante relative aux vertébrés : L’anguille et son développe- ment dont la vaste migration vers la Mer des Sargasses n’était pas encore connue. Elle ne fut mise en évidence qu’une vingtaine d’an- Figure 1 : Deux nids de Martins-pêcheurs de la Val- nées plus tard. lée du Doubs dessinés par Louis Nicoud. Lithogra- En fait, en analysant les autres publica- phie Sonrel, Neuchâtel. Vol. 11, pp. 395-398 tions, nous pouvons nous rendre compte que les membres de la société sont très au APRÈS CINQUANTE ANS, UNE ÈRE fait des derniers développements techni- NOUVELLE ques et médicaux, puisque les travaux font état de nombreuses nouveautés en matière Avec l’année 1882 une nouvelle ère sem- d’électricité, de gaz et d’éclairage public, ble s’ouvrir. Louis Favre commence par éta- d’adduction d’eau, d’hygiène publique, blir un bilan des activités et des publications de sources d’énergie telles les machines à de la société (4 volumes de Mémoires, 12 vapeur, etc. volumes en 36 tomes de Bulletins) à l’oc- Après le tome 25, les rédacteurs de la casion de son jubilé. Dès maintenant, le Table des matières et index (1835-2002) ont bulletin paraîtra annuellement. Le tome 13, clairement séparé les mentions des articles avec plus de 520 pages, ne compte aucune de fond et des comptes-rendus de séance, publication relative aux vertébrés, ce qui en fonction de la manière différente dont ils reste bien dans la tendance des volumes étaient présentés dans les volumes. Comme précédents. Il contient une seule commu- l’indiquent très justement Matthey & Ayer, nication concernant un vertébré : un crâne la simple mention des titres donne une excel- d’Ours des cavernes vient de faire son entrée lente idée de la manière dont notre société

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Figure 2 : Œufs de Coucou gris (Cuculus canorus) de la collection Louis Nicoud. Dessin de Louis Nicoud. Lithographie Sonrel, Neuchâtel. Vol. 11, pp. 512-517

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était en phase avec l’actualité scientifi que. Jean Piaget30 et Gustave Juvet31 sont à Quant à nous, nous nous sommes surtout l’origine du premier Catalogue des Batra- attaché à passer en revue les articles de fond ciens du canton de Neuchâtel paru en 1914 publiés dans les bulletins et les mémoires. (vol. 40), inventaire qui s’étend sur 15 A noter aussi l’importance que pren- pages. Cela permet de rappeler que notre nent les contributions du Professeur Hans célèbre psychologue, logicien et épistémo- Schardt27 sous le nom général de Mélanges logue neuchâtelois avait débuté sa féconde géologiques sur le Jura neuchâtelois, des carrière par des études et un doctorat ès tomes 28 (1900) à 37 (1910), comprenant sciences (1920) dans notre Alma mater et au total 47 articles ! Ces livraisons s’inter- qu’il était alors un spécialiste renommé en rompent alors brutalement, sans toutefois malacologie. que la participation du célèbre géologue ne En fait, un manuscrit de 1878 de M. Tri- cesse, comme en témoignent les nombreu- pet avait déjà été consacré aux Reptiles et ses communications orales citées… mais Batraciens du canton de Neuchâtel. Il se Schardt enseigne désormais à Zurich ! trouve aux Archives de l’Etat à Neuchâtel et Il faut attendre 1902 (tome 30) pour lire n’avait fait l’objet que d’une présentation au le travail (6 pages) de Paul Godet consacré Club jurassien, sans publication ultérieure. à l’Okapi (Okapia Johnstonii) découvert en Des détails d’anatomie d’une Salamandre 1901 au Congo, alors possession belge. sont publiés dans la thèse de John Leuba Entre 1903 et 1911, à l’exception d’une dans le volume 41, puis c’est le vide durant note de Fuhrmann28 consacrée à un cas plus de dix ans ! La géologie, la botani- d’hermaphrodisme chez un Vengeron du que et la parasitologie se taillent la part du Lac de Neuchâtel, le lecteur reste sur sa lion. Les vertébrés ne sont cités qu’à titre faim en matière de vertébrés… De plus, dès d’hôtes de parasites chers aux Professeurs le tome 35 (1908), la dimension des bulle- Fuhrmann, Baer32 et Dubois33. Il faut atten- tins diminue considérablement, de près de dre le premier retour d’Afrique du Chaux- moitié. Cela est dû sans doute à quelques de-Fonnier Albert Monard34 pour disposer soucis fi nanciers, dont on trouve encore la d’une importante contribution à l’étude de trace dans le compte-rendu de la séance du la faune d’Angola, dont les Ongulés font 5 décembre 1919 ! l’objet d’une publication en 1929 (tome Dans le volume 38 (1911), les 17 pages 54), précédant les Carnivores et les Reptiles (et annexes) de Notes ornithologiques en 1930, les Oiseaux en 1931, les Chiroptè- recueillies au cours des croisières de l’« Ile res, Rongeurs et Ongulés en 1932. La même de France » en Norvège et au Spitzberg, année (tome 57) Monard verse même dans la Juillet 1906 et 1910 constituent une impor- cryptozoologie à propos d’un grand Reptile tante contribution d’Alphonse Mathey- encore inconnu. La prochaine publication Dupraz29 à la connaissance de cette faune relative aux vertébrés ne paraît qu’en 1937 : nordique. Cet auteur, qui fut l’un de nos Monard est l’auteur d’une contribution à excellents ornithologues et un animateur la batrachologie d’Angola. C’est encore le passionné de la vie scientifi que dans notre Dr Monard qui traite de l’observation de la canton, récidive l’année suivante avec les Sérotine de Nilsson à La Chaux-de-Fonds Notes ornithologiques recueillies au cours en 1942, initiant en quelque sorte l’école de la croisière du « Grosser Kurfuerst » neuchâteloise de chiroptérologie au sein de au Spitzberg qui comprennent 27 pages et laquelle on trouvera ultérieurement Villy des annexes. Il convient de noter aussi que Aellen35, Lucien Chopard, Willy Lanz36, les observations de Mathey-Dupraz sont puis quelques décennies plus tard les frères encore lues et citées cent ans après, ce qui Jean-Daniel et Michel Blant, Pascal Moes- témoigne de leur intérêt majeur. chler, etc.

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Figure 3 : Barbastella barbastellus et Eptesicus nilssoni représentées dans Aellen V., Les chauves-souris du Jura neuchâtelois et leurs migrations, in : vol. 72, 1949, pp. 23-90

Après deux années sans bulletin (1945- vaux paraît dans le bulletin no 75 et a trait à 1946), une nouvelle série débute avec le la grotte de Moron (Les Planchettes), dont tome 70, dans lequel le Dr Monard publie Aellen fait l’inventaire des invertébrés et des notes de faunistique neuchâteloise rela- des vertébrés. tives notamment à des Chauves-souris, à On retrouve cet auteur dans le tome suivant, des insectivores et à des Batraciens et à un avec une note relative au Murin de Bechstein, Poisson, Aspro apron de Siebold, l’actuel ainsi qu’un article en collaboration avec son Zingel asper (Linné 1758), appelé Roi du ami Jean-Luc Perret37 consacré à la réparti- Doubs. Il n’a rien de royal, mais plutôt du tion des Reptiles et Amphibiens dans le can- raide (roide en vieux français), tant il est ton. Il s’agit aussi du premier inventaire en calme et semble indolent lorsqu’il se tient matière de Reptiles neuchâtelois. au fond de l’eau. En 1949, c’est au tour de Avec le tome 78, Archibald Quartier38 l’un de ses élèves, Villy Aellen, de publier apparaît au nombre des auteurs avec une Les Chauves-souris du Jura neuchâtelois et note sur la présence de l’Able de Heckel leurs migrations traitant de quinze espèces (Leucaspius delineatus) dans le lac de Neu- étudiées dans la région. Richement illustré châtel, espèce qui semble nouvelle pour la de neuf planches hors-texte et de fi gures, ce Suisse après sa découverte en 1952. Dans travail de 68 pages s’inscrit dans la droite le même volume, Pierre Strinati39, collègue ligne des recherches préliminaires effec- et ami de Villy Aellen, publie la faune de la tuées par le Dr Monard. Une suite à ces tra- grotte de Pertuis.

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Figure 4 : Sciurus Raffl esii Hors., in : Mémoires, tome 1, Tab. 9, 1835. Signalé dans les Annales des sciences naturelles (1837) comme étant la première représentation connue de cette espèce conservée au Musée d’histoire naturelle de Neuchâtel

Rana goliath observée par Jean-Luc Per- Le grand vide n’est interrompu que ça et ret, fait l’objet d’un article dans le volume là par Jean-Luc Perret (tomes 98 et 99) et 80 de 1957, contribution qui précède ses ses études de Reptiles et Amphibiens afri- trois Etudes herpétologiques africaines des cains. L’ornithologie revient sur le devant tomes 82, 83 et 84. de la scène avec les travaux de Jean-Carlo Claude Wannenmacher s’intéresse à la Pedroli40 et ses observations du Pipit far- réaction de la glande thyroïde du Gardon et louse, (tome 99). Villy Aellen apporte des de la Brème à l’élevage confi né et informe des compléments importants à ses études pré- résultats obtenus dans le tome 87 de 1964. cédentes consacrées aux Chauves-souris Suit à nouveau un grand vide : la parasi- du canton de Neuchâtel dans le tome 101 tologie et la cytologie, quant à elles, triom- (1978) avant de céder la place aux jeunes phent ! L’entomologie et la géologie les sui- biologistes Jean-Daniel Blant et Pascal vent de près. D’autre part, les contributions Moeschler qui se réclament de son école étant limitées en nombre de pages, cela en avec leurs Nouvelles données faunistiques amène un plus grand nombre dans chaque sur les Chauves-souris du canton de Neu- volume. châtel (vol. 109, 1986).

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Figure 5 : Palaeornis bengalensis Wagl., in : Mémoires, tome 1, Tab. 15, 1835. Perruche de Ceylan, Népal, Bengale, Thaïlande, etc. Exemplaire du Musée d’histoire naturelle de Neuchâtel. Dessin de C. Weber. Wilh. Siegrist sc.

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La constance de Jean-Luc Perret l’amène comportement de chasse chez la Sérotine à présenter plusieurs travaux relatifs aux bicolore (Vesperitilio murinus). Amphibiens (tomes 102, 104, 106, 107, La deuxième partie de l’étude écofaunis- 109, 110, 111, 114, 117, 119, 120.1, 122) et tique des mares du pâturage de La Chaux- aux Reptiles (tomes 105 et 108). d’Amin par Olivier Redard (tome 108, 1985) Plusieurs contributions en ichtyologie apporte quelques informations relatives aux contribuent à la variété en matière de ver- Batraciens qui peuvent y être observés. tébrés : Michel Antoniazza et Jean-Carlo L’étude d’Anne-Claude Renard consacrée à Pedroli (tome 105, 1982) étudient une popu- la gravière de la Paulière fait mention de la lation de Truites farios. Le même Pedroli présence de quatre Anoures et d’un Urodèle quitte son domaine (dans le même volume) (tome 109, 1986). pour faire état, avec Fritz Gehringer, d’un La cryptozoologie trouve aussi une petite Chamois tiré dans sa 16e année dans le Jura place avec les articles de Michel Raynal neuchâtelois. Il y revient avec son épouse et Michel Dethier consacré au monstre de Ariane Pedroli-Christen pour présenter un Floride de 1896 (tome 114, 1991) et celui peuplement piscicole d’un lac non pêché de Jean-Luc Perret relatif à un énigmatique du Plateau suisse (106, 1983), avant de Batracien d’Angola (tome 119, 1996). collaborer avec Blaise Zaugg (tome 107, Le catalogue des types du Musée d’his- 1984) pour la présentation de la variation toire naturelle de Neuchâtel est consti- des caractères systématiques de la Brème tué de contributions de Maurice Kottelat franche et de la Brème bordelière du lac de (Poissons, tome 107, 1984), Juan-Carlos Neuchâtel. Pedroli (tome 108, 1985) traite Ortiz (Sauriens, tome 112, 1989) et Michel de la Truite de lac dans le lac de Neuchâtel Desfayes (Oiseaux, tome 117, 1994), alors avec Vincent Antoniazza, avant de revenir qu’une contribution a curieusement paru à la Truite fario et à sa reproduction avec dans Bibliothèques et Musées, Neuchâtel. Klaus Riegler (tome 111, 1988). Stéphane Le volume le plus riche en vertébrés est Zbinden et Pedroli s’intéressent à la bio- sans doute, et pour cause, le volume 120.2. logie générale du Vairon dans le Doubs et de 1997, constituant les Actes du XXe Col- l’Areuse (tome 115, 1992). loque Francophone de Mammalogie, tenu à L’école de mammalogie du Professeur Neuchâtel du 5 au 7 octobre 1996. Plus de Claude Mermod et son équipe de l’Institut 25 contributions réparties sur près de 150 de zoologie de l’Université de Neuchâtel pages offrent un riche panorama de l’état donne aussi naissance à de nombreux travaux des recherches en matière de loups, mais consacrés à cette classe : Sylvain Debrot et aussi d’autres mammifères et une impres- Gérard Fivaz étudient le gîte et la nourriture sionnante liste d’auteurs parmi les plus hivernale de l’Hermine (tome 107, 1984), réputés en la matière. Jean-Steve Meia se consacre à la variation de la taille de cette espèce et de la Belette HORS TABLE DES MATIÈRES (tome 113, 1990). Corinne Humbert-Droz et Marika-Luce Thossy se préoccupent de la Parues postérieurement à 2002, il convient Marmotte dans les Jura vaudois, neuchâte- de citer les Quelques observations sur la lois et bernois (tome 114, 1991). Jean-Steve période de mise bas et le succès reproduc- Meia, Sandrine Meyer et Stéphane Aubry tif du Blaireau (Meles meles) dans l’ouest s’intéressent aux interactions entre Renards de la Suisse par Emmanuel Do Linh San, et Lièvres (tome 116.2, 1993). Caroline Nicola Ferrari & Jean-Marc Weber tome Leuthold et Christophe Jaberg, dans le tome 126/1, 2003). La même année paraissait un 123 de 2000, présentent leurs constatations volume spécial du tome 126, comptant 167 au sujet de la sélection de l’habitat et du pages richement illustrées et entièrement

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Figure 6 : Une planche de batraciens marquée fautivement 5 au lieu de 2, accompagnant l’article de J. J. Tschudi, in Mémoires, tome 2, 1839. Dessins de Cazenave et lithographie d’Hercule Nicolet, Neuchâ- tel. Dans un appendice en allemand à cet article, daté du 29 septembre 1838 et signé Dr. Agassiz, ce dernier signale qu’une erreur s’est produite avec les fi gures 2 et 3, qui ont été inversées. 1. Pleurodeles Waltl (Mich.), Pleurodèle de Waltl, le plus grand urodèle d’Europe (jusqu’à 30 cm), inféodé à la péninsule ibérique. 2. Bradybates ventricosus (Tsch. 1838), dont l’holotype est au Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel selon Tschudi. Synonyme de Pleurodeles Waltli (Michahelles, 1830) selon Fernand Lataste. D’après l’appendice d’Agas- siz, c’est le dessin No 3 qui correspond à cet animal. 3. Geotriton Genei (Buonap.), correspondant au dessin No 2 ! Devenu le Hydromantes Strinatii, le Spélerpès de Strinati, décrit et révisé par Villy Aellen en 1958.

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consacrées à la Gélinotte de bois (Bona- PUBLICATIONS DANS LES MÉMOIRES sia bonasia) sous la direction de Blaise Mulhauser, conservateur des vertébrés au Dans les Mémoires, dès le premier volume Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel, en 1835 paraissant neuf ans avant le premier assisté de Nicolas Kaiser, Serge Santiago, bulletin (1844), c’est le travail d’Agassiz Jean-Lou Zimmermann, Vincent Barbezat consacré à quelques Cyprins inconnus du lac et Jahangir Fegghi. de Neuchâtel qui inaugure la série des tra- Une importante contribution de Michel vaux de zoologie des vertébrés alors que M. Blant, Bernard Beuret, Alain Ducommun, Allamand fi ls, de Fleurier, y publie ses obser- Eric Joseph, Marie-Anne Meyrat-Pa- vations sur quelques-unes des mœurs des ratte, Robert Poitry & Anthony Lehmann animaux domestiques (Chien, Chat, Cochon, à l’étude des pullulations cycliques du Mouton, Chèvre, Vache, Âne et Cheval). campagnol terrestre (Arvicola terrestris Le deuxième volume paru en 1839 contient le travail en allemand de J.-J. shermann) paraît dans le tome 127 (2004) 41 et l’analyse de Corine Broquet, Sébastien Tschudi relatif à la classifi cation des Wohlhauser, Martin Callmander & Phi- Batraciens en un long article illustré de 100 pages prenant en compte les animaux lippe Küpfer d’un site de ponte de tortues 42 marines à Masoala (Madagascar) dans le fossiles. Le prince Carolus L. Bonaparte tome 128 (2005). Une population de Cra- y publie en latin trois tableaux de systéma- pauds calamites sur les terrains de l’Institut tique relatifs aux Sélaciens, aux Poissons et Equestre National d’Avenches fait l’objet aux Amphibiens. Le Colonel L. de Bosset d’une étude de Sabrina Casali Muller en fait état de la présence d’un Poisson Ophi- 2006 (tome 129), alors que Marcel S. Jac- dium dans la cavité du corps d’une Holo- quat se pose la question d’éventuelles qua- thurie méditerranéenne. lités d’ornithologue de Jean Cocteau dans Louis Agassiz et Carl Vogt présentent le même volume. l’anatomie des Salmones, important article de près de 200 pages richement illustré de 18 planches paraissant dans le 3e volume ET ENCORE… des Mémoires en 1845. e Pour être complet, il eût fallu analyser Dans le 5 volume (plus de mille pages précisément les différents rapports ayant en deux tomes, 1914) consacré à un voyage trait à la conservation de la nature neuchâte- d’exploration en Colombie, deux des 36 loise, émanant dès 1930 de la Commission communications ont trait aux vertébrés : neuchâteloise, puis Commission scientifi - celle du Dr Emile Piguet, professeur à Neu- que neuchâteloise pour la protection de la châtel et spécialiste des Oligochètes, consa- crée aux Oiseaux et la seconde de M.-G. nature, jusqu’en 1975. Dès 1996, on trouve 43 de nombreuses informations à ce sujet dans Peracca portant sur les Reptiles et Batra- l’article annuel Nature neuchâteloise éma- ciens. nant des services cantonaux concernés et La dernière contribution, consacrée aux consacrés au survol annuel des problèmes Chiroptères du Cameroun par Villy Aellen, de protection de la nature dans le canton. parue en 1952, porte le numéro 8, dont il A cela s’ajoute depuis 2002 le Suivi de constitue la seconde partie. l’environnement neuchâtelois publié par le Service cantonal de la protection de l’envi- EN GUISE DE CONCLUSION… ronnement. L’analyse des travaux relatifs aux vertébrés dans les publications de la Société neuchâ- teloise des sciences naturelles montre une très grande variété, mais aussi une certaine

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irrégularité et une relative pauvreté compa- Ce n’est que récemment par exemple rées à l’importance qu’y ont les sciences de que les travaux consacrés aux mammifè- la terre par exemple. Emanation fréquente res régionaux par l’Institut de Zoologie ont des travaux des laboratoires de l’Académie, pris une importance marquée, voire une puis de l’Université de Neuchâtel et de leurs audience internationale. Les effets en sont spécialisations, cette situation est tout à fait visibles dans les bulletins, mais on pourrait conforme aux réalités vécues dans les insti- sans doute aussi constater une augmenta- tuts et à certaines modes plus ou moins pas- tion des publications émanant de Neuchâ- sagères, fonction aussi du maintien ou non tel ou d’anciens étudiants de son Université de certaines traditions. dans des revues internationales et parmi les ouvrages spécialisés.

RÉFÉRENCES Dictionnaire historique et biographique de la Suisse, vol. 1 - 8, (1921-1934)

DUBOIS, Georges 1976. Naturalistes neuchâtelois du XXe siècle. Cahiers de l’Institut neuchâtelois No 19, Ed. de la Baconnière, Neuchâtel.

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NOTES INFRAPAGINALES 1 Jean Louis Rodolphe Agassiz (Motier CH 1807 – Cambridge MA USA 1873), médecin (Dr à Munich en 1830), géologue, paléontologue, zoologue, théoricien, explorateur, pédagogue d’exception. A Paris, fut en contact étroit avec Humboldt et Cuvier. Professeur à l’Académie de Neuchâtel (1832-1846), période durant laquelle il fut un des brillants animateurs de la vie scientifi que. Membre fondateur de la SNSN (SSNN à l’origine). A publié des travaux remarquables relatifs aux poissons d’Europe, aux poissons fossiles, aux échinodermes et mollusques fossiles, à la classifi cation zoologique. Présente en 1837 à Neuchâtel (assemblée de la Société helvétique des sciences naturelles) sa fameuse théorie des glaciers dans le cadre de son discours d’ouverture, base essentielle de la théorie glaciaire et des âges glaciaires. A ces études se rattache le fameux épisode de l’Hôtel des Neuchâtelois au glacier inférieur de l’Aar (1840), avec Edouard Desor, Carl Vogt, Célestin Nicolet, etc. Grâce à un don du Roi de Prusse, alors Prince de Neuchâtel, Agassiz se déplace pour une mission aux Etats-Unis en 1846. Il y poursuivra sa brillante et riche carrière, enseignant à Boston, puis à Harvard University, Cambridge dès 1847 et à Charlestown (1852-1854). A combattu la doctrine de l’évolution ! 2 Henri de Joannis (1797-1873), né à Philadelphie, mathématicien originaire du Maine-et-Loire, professeur dans les écoles de Neuchâtel, puis à l’Académie de 1840-1848, recteur en 1844. A réalisé des travaux de géodésie, de nivellement et des plans pour la trouée du Seyon, qu’il fi t avec Henri Ladame. Passionné de dessin et de musique. Naturalisé en 1833. Membre fondateur de la SNSN 3 Henri Ladame (La Chaux-de-Fonds 1807- Neuchâtel 1870), études à Paris à l’Ecole polytechnique, puis à l’Ecole des Ponts et Chaussées, physicien et chimiste, mathématicien et météorologue, professeur de chimie à l’Académie de 1840-1848, puis de mathématiques dès 1866. A installé le premier laboratoire scientifi que qu’ait possédé Neuchâtel. Membre fondateur de la SNSN.

4 Paul-Louis Coulon (1804-1894), naturaliste ayant étudié à l’Ecole polytechnique, à Paris, en même temps qu’Henri Ladame, mécène, créateur avec son père et premier directeur du Musée d’histoire naturelle de Neuchâtel de 1837 à son décès, membre fondateur de la SNSN dont il fut le président de 1837 à 1890. 5 Jacques-Louis Borel (1795-1863), médecin ayant fait ses études à Besançon, Strasbourg et Paris. Dans cette ville, il se lia d’amitié avec le peintre Léopold Robert et fut reçu docteur en 1816. Après un passage à Londres, il vint s’établir à Neuchâtel, sa ville natale. Médecin du roi (1833-1848), médecin cantonal (1849), membre fondateur de la SNSN. 6 Auguste de Montmollin (1808-1898), géologue, enseigna à l’Académie en 1847 en lieu et place d’Agassiz. Auteur d’une Carte géologique du canton de Neuchâtel. Membre fondateur de la SNSN.

7 Adolphe-Célestin Nicolet (La Chaux-de-Fonds 1803-1871), pharmacien, botaniste, géologue et historien, animateur du mouvement scientifi que dans les Montagnes neuchâteloises. En 1819 il commence un apprentissage de pharmacien au Locle qu’il perfectionne à l’Académie de Lausanne et à Besançon. Dès 1825, il poursuit ses études à Paris comme interne en pharmacie dans plusieurs hôpitaux. Ayant obtenu le diplôme de pharmacien à Neuchâtel en 1832, Célestin Nicolet revient à La Chaux-de-Fonds et ouvre une pharmacie qu’il dirige pendant trente et un ans. Collaborateur de Louis Agassiz, il a consacré sa vie à la science et à l’étude de son pays. S’intéressant à l’histoire, notamment du canton de Neuchâtel, il consacre des travaux aux abbayes de Bellelay et de Fontaine- André. Il fonde à La Chaux-de-Fonds la section des Montagnes de la Société des sciences naturelles de Neuchâtel, très active de 1843 à 1848, crée dans le cadre scolaire un Musée d’histoire naturelle à la même époque. Il s’occupe de l’approvisionnement en eau potable de La Chaux-de-Fonds et rédige, en 1854, au nom de la Commission des eaux, un rapport faisant autorité lors des travaux d’alimentation de la ville. Il procède aussi à des observations météorologiques. En chimie industrielle, il s’attache à réduire la toxicité du mercure à laquelle sont exposés les doreurs de montres. Il favorise l’amélioration de l’instruction publique, siège à la Commission d’éducation ainsi qu’à la Commission d’Etat pour les écoles industrielles. Sur le plan politique, Célestin Nicolet est républicain et considéré comme l’un des chefs de l’opposition libérale. Il prend une part active à la Révolution de 1848. Célestin Nicolet est l’auteur de nombreux articles et notes sur des sujets allant du calcaire lithographique à la fl ore, en passant par un type de Poisson fossile Lepidotus crassus et la géologie régionale, les tourbes du Grimsel (exploration du glacier de l’Aar en 1840, avec Agassiz, Desor, Vogt, etc.), la paléontologie du tertiaire et l’histoire locale.

8 Carl Vogt (Giessen 1817-Genève 1895), naturaliste et médecin d’origine allemande, réfugié politique en Suisse. Dr en médecine à Berne (1839). Collaborateur de Louis Agassiz à Neuchâtel de 1839 à 1845. Participe en 1840 avec Agassiz, Desor, Nicolet, etc. à l’exploration du Glacier de l’Aar (épisode de l’Hôtel des Neuchâtelois). Séjourne pour études en France dès 1845 et devient professeur à l’Université de Giessen, dont il doit fuir en 1848 du fait de son activisme politique. Il se réfugie alors

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à Genève, où dès 1852 il enseigne la géologie, la zoologie, puis la paléontologie. Naturalisé en 1861, il entreprend une carrière politique, devient conseiller aux Etats et conseiller national. Propagateur de la théorie de l’évolution. Auteur d’un remarquable traité consacré aux Mammifères. Professeur dès 1872, puis directeur de l’institut de zoologie de l’Université de Genève jusqu’à son décès. 9 August Franz Joseph Carl Mayer (1787-1865), naturaliste allemand, professeur d’anatomie à Berne, puis à Bonn dès 1819; auteur du concept d’histologie. A publié à Bonn (1843) ses observations anatomiques sur l’organe électrique des Raies.

10 Louis Couleru, auteur de nombreuses observations relatives aux Lépidoptères de 1829 à 1850, entre Chasseral et Jolimont, St-Blaise et La Neuveville. 11 Paul-Louis-Auguste Coulon (1777-1855), négociant, premier directeur de la Caisse d’épargne de Neuchâtel (1812-1849), promoteur du Musée d’histoire naturelle de Neuchâtel fondé en 1837, premier président de la Société de sciences naturelles de Neuchâtel (1832), père de Paul-Louis, connu sous le prénom de Louis fi ls. En 1847, il fut anobli, ainsi que ses descendants.

12 Frédéric Sacc (1819-1890), professeur de chimie à la première Académie où il enseigna de 1845 à 1848, puis à la seconde de 1866 à 1875, date à laquelle il partit en Amérique du Sud où il termina sa carrière. Il fut promoteur de la publication des œuvres complètes d’Albert de Haller (1708-1777) lors de la réunion de 1866 de la Société helvétique des sciences naturelles à Neuchâtel. 13 Claude-Auguste Vouga (1795-1884), de Cortaillod, dit Le Capitaine Vouga, naturaliste remarquable, auteur d’une collection de plus de mille oiseaux naturalisés qui comptait parmi les plus importantes d’Europe à l’époque, vendue par ses descendants au Musée cantonal de Zoologie, à Lausanne, en 1886. Connu généralement sous le nom de Auguste Vouga ou du Capitaine Vouga. 14 Charles-Auguste Vouga (1827-1875), aîné des cinq enfants du Capitaine Vouga, Dr med., professeur de sciences naturelles aux « Auditoires » de Neuchâtel, puis à l’Académie (1866-1875), naturaliste et ichtyologue. Il est l’auteur de nombreuses publications dans le bulletin de la SNSN. 15 Pierre-Jean-Edouard Desor (Friedrichsdorf, Hesse - ville fondée par des réfugiés français dont il est un descendant - 1811 – Nice 1882), s’installa à Neuchâtel en 1837 à l’instigation de Louis Agassiz. Etudiant en droit à Giessen et Heidelberg, réfugié politique à Paris (où il est secrétaire d’Elie de Beaumont, 1798-1874, génial géologue), puis à Berne, où il fait la connaissance d’Agassiz et dont il devient le secrétaire et collaborateur remarquable et qu’il suit en Amérique en 1846. Il se brouille avec lui en 1848 et revient en Suisse en 1852. Après avoir hérité de son frère le domaine de Combe-Varin en 1858, Desor y organise des réunions de savants du monde entier, faisant de ce lieu une véritable académie champêtre durant plus de vingt ans. Fondateur de la Société d’histoire, président du premier congrès d’anthropologie et de préhistoire qu’il a mis sur pied (Neuchâtel, 1866), A l’initiative de Desor, une seconde Académie est créée à Neuchâtel en 1866. Auteur de nombreuses publications relatives aux campagnes de recherches au glacier de l’Aar, à la préhistoire, à la géologie, à la paléontologie. Une carrière politique après sa naturalisation en 1859 le mène du Conseil général de Neuchâtel au Grand Conseil, puis au Conseil des Etats et au Conseil national. 16 Victor Fatio (de Beaumont), Genève 1838 – Genève 1906, zoologue. Etudes de physiologie à Zurich, Berlin et Leipzig, puis de zoologie à Paris, où il est l’élève de Henri Milne-Edwards (1800-1885) au Muséum national d’histoire naturelle. Auteur d’une remarquable Faune des vertébrés de la Suisse en 6 gros volumes parus de 1869 à 1903. Auteur de plusieurs publications relatives au Phylloxera dès 1874, ainsi que (avec Théophile Rudolf Studer) des trois premières livraisons d’un important Catalogue des oiseaux de la Suisse dès 1889, qui sera terminé par d’autres. 17 Godefroy Lunel (1814 – 1891), zoologue spécialiste des poissons et des oiseaux, directeur du Muséum d’histoire naturelle de Genève (1878 – 1891), auteur d’une très belle Histoire naturelle des poissons du Léman, parue en 1874 dont les 20 planches lithographiées en couleurs sont d’une qualité exceptionnelle.

18 Louis Favre (1822-1904), naturaliste, historien, écrivain, archéologue, dessinateur, animateur infatigable de la vie culturelle neuchâteloise.

19 Auguste Henri André Duméril, zoologiste français (30 novembre 1812-12 novembre 1870. Fils de André Marie Constant Duméril, auquel il succède à la chaire d’herpétologie et d’ichtyologie du Muséum national d’histoire naturelle de Paris en 1857. Duméril fi ls s’intéresse particulièrement aux conditions de la métamorphose de l’Axolotl et publie en 1870, Création d’une race blanche d’axolotls à la ménagerie des Reptiles du Muséum d’histoire naturelle et remarques sur la transformation de ces Batraciens.

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20 Paul Godet (1836-1911), naturaliste, directeur du Musée d’histoire naturelle de Neuchâtel, spécialiste des mollusques de la région ; il initia Jean Piaget à la systématique malacologique et orienta de manière décisive sa formation en histoire naturelle.

21 Benjamin Pierce (1809-1880), mathématicien, physicien et astronome, professeur de mathématiques à Cambridge MA de 1833 à son décès, l’un des fondateurs de l’Académie américaine des sciences, ami de Louis Agassiz. Il fut surnommé le « père des mathématiques américaines ». Son nom est parfois écrit Peirce…

22 Philippe de Rougemont (1850-1881), professeur de zoologie à l’Académie dès 1876 (où il succède à Charles Vouga) et d’histoire naturelle au Gymnase cantonal de Neuchâtel, mentionné plus de trente fois à titre d’auteur dans le bulletin de la SNSN malgré sa courte vie. Il est connu notamment pour ses voyages en Islande (avec Paul Vouga de juillet à septembre 1876, et en Norvège et en Laponie (juin à septembre 1877) dont des recensions ont paru dans le bulletin.

23 Louis Nicoud (1847-1922), industriel, zoologiste très actif à La Chaux-de-Fonds, connu pour sa collection de plus de 8000 œufs de 485 espèces, vendue en 1888 à Edouard Stébler, qui en fait don au Musée d’histoire naturelle dont il est le conservateur. La collection est réduite de moitié suite à des échanges. Nicoud est l’auteur de nombreuses observations relatives aux oiseaux de notre région. Il semble qu’il ait terminé sa vie à Genève, où il a retrouvé un collègue collectionneur avec lequel il était en contact depuis longtemps, le Genevois Alfred Vaucher (+ 1840).

24 Fritz Tripet (1843-1907), instituteur à Chézard, puis à Neuchâtel, puis professeur de botanique à l’Académie dès 1883, rédacteur du Bulletin SNSN de 1879 à son décès.

25 58 espèces qui font l’objet de l’édition d’une série de planches par D. Lebet à Lausanne, sur la base des peintures de Paul Robert (Léo-Paul Robert, Bienne 1851 – Orvin 1923). Un arrêté du Conseil d’Etat du 18 décembre 1877 rendait leur introduction obligatoire dans les classes primaires et secondaires du canton. 26 C’est en 1879 qu’un Russe d’origine polonaise, le colonel Nicolai M. Przewalski, ramena d’une expédition en Dzoungarie, région de Mongolie, la peau et le crâne d’un équidé inconnu jusqu’alors. L’animal, dernier cheval sauvage au monde, fut décrit par Poliakoff sous le nom de Cheval de Przewalski. 27 Hans Schardt (1858-1931), pharmacien (Lausanne-Genève, 1878-1882) ; se passionne pour la géologie suite à un contact avec Desor et Jaccard (Auguste, Ste-Croix 1833 – Le Locle 1895, guillocheur, puis professeur à l’Académie de Neuchâtel) à Yverdon, alors qu’il fait un stage en offi ciel. Thèse en géologie à Genève (1884). Maître de sciences naturelles au collège de Montreux (1883-1911), géologue spécialiste des Préalpes ; professeur à l’Université de Neuchâtel, puis à l’EPFZ dès 1911.

28 Otto Fuhrmann (Basel 1871-1945), zoologue, parasitologue ; études à Bâle et à Genève ; chargé de cours à Neuchâtel dès 1895, puis professeur de 1904 à 1941, créateur de l’école de parasitologie de l’Université de Neuchâtel ; explorateur en Colombie 1910 (Mémoires SNSN, tome 5, 2 volumes comprenant près de 1200 pages), conservateur du Musée d’histoire naturelle de Neuchâtel dès 1911.

29 Alphonse Mathey-Dupraz (Boudry 1862 – Colombier 1942), professeur de sciences naturelles aux Verrières, puis à Colombier, collaborateur du Rameau de Sapin, dont il fut le rédacteur de 1907 à 1941, ornithologue remarquable, auteur de nombreuses contributions et relations de voyage dans cette discipline, enrichies de détails fort précis..

30 Jean Piaget (Neuchâtel 1896 - Genève 1980), fi ls aîné d’Arthur Piaget, professeur de littérature médiévale

31 Gustave Juvet (La Côte-aux-Fées 1896 – Niouc VS 1936), Dr ès sciences mathématiques, professeur d’astronomie et de géodésie à l’Université de Neuchâtel (1921-1926), puis d’astronomie et de mathématiques à l’Université de Lausanne (1927-1936), auteur d’une cinquantaine de publications, dont certaines dans les revues les plus prestigieuses.

32 Jean-Georges Baer (Londres 1902 – Neuchâtel 1975), études à Genève et Neuchâtel, Dr ès sciences à Neuchâtel (1925) avec une thèse relative aux Helminthes d’Afrique du Sud. Formation postdoctorale à Paris (1927-1928) où il rencontre Charles Joyeux, avec qui il publiera une centaine des 266 publications et livres qu’il a à son actif. Chargé de cours (1934) puis professeur de parasitologie, de zoologie, d’embryologie et d’anatomie comparée à Neuchâtel (1941-1972). Parasitologue de réputation mondiale.

88 175 ANS DE ZOOLOGIE DES VERTÉBRÉS DANS LE BULLETIN ET LES MÉMOIRES DE LA SNSN

33 Georges Dubois (La Chaux-de-Fonds 1902 – Neuchâtel 1993), Dr ès sciences, parasitologue de réputation mondiale, professeur au Gymnase cantonal de Neuchâtel dès 1938, prix de l’Institut Neuchâtelois 1969, cofondateur de la Société de Musique de La Chaux-de-Fonds (1927), secrétaire- rédacteur du bulletin de la SNSN de 1947 à 1990. Auteur de plus de 140 publications entre 1928 et 1989.

34 Albert Monard (Les Ponts-de-Martel 1886 - La Chaux-de-Fonds 1952), instituteur, puis professeur au Gymnase, Dr ès sciences, conservateur du Musée d’histoire naturelle de La Chaux-de-Fonds de 1920 à 1952, spécialiste des Harpacticoïdes, microcrustacés aquatiques, auteur du Petit Botaniste romand (1919). Monard est connu aussi pour ses trois principes d’écologie relatifs à l’unité spécifi que, à la pénétration et à la substitution des faunes. Ses quatre importantes expéditions en Afrique entre 1928 et 1947 ont enrichi la science de nombreuses publications et nouvelles espèces.

35 Villy Aellen (Neuchâtel 1926 – Genève 2000). Etudes de zoologie à l’Université de Neuchâtel. Collaborateur du Dr Monard lors de sa 4e expédition africaine (Cameroun 1946-47). Conservateur du Musée d’histoire naturelle de Neuchâtel (1950-1952). Docteur ès sciences en 1952 avec une thèse sur les Chauves-souris du Cameroun. Conservateur du Musée de la Chaux-de-Fonds en 1953, qu’il devait rapidement quitter pour celui de conservateur du département des vertébrés au Muséum d’Histoire Naturelle de Genève en 1954. Sous-directeur (1965), puis directeur (1969), succédant à Emile Dottrens. Artisan de la conception du nouveau Muséum de Genève sur le site de Malagnou (1964). Membre et responsable de nombreuses académies, associations, sociétés scientifi ques suisses et internationales, il fut notamment vice-président de la Société helvétique des sciences naturelles. Professeur associé à l’Université de Genève où il enseigna, de 1966 à 1989, la biologie et la systématique des vertébrés. Directeur de la Revue suisse de zoologie durant de nombreuses années, spéléologue et biospéléologue, spécialiste de la faune cavernicole, des Chauves-souris, des Batraciens et Reptiles, il est reconnu parmi les spécialistes mondiaux de ces domaines. A son départ à la retraite en 1980, le Conseil administratif de la Ville de Genève le nomma directeur honoraire du Muséum, récompensant ainsi une carrière hors du commun.

36 Willy Lanz (Le Locle 1924 – La Chaux-de-Fonds 2008), licencié ès sciences de l’Université de Neuchâtel, enseignant, directeur des Ecoles secondaires de La Chaux-de-Fonds, conservateur du Musée d’histoire naturelle (1954-1989), président de la section des Montagnes de la SNSN (1957-1963).

37 Jean-Luc Perret, *Cortaillod 1925, Dr ès sciences de l’Université de Neuchâtel (1963), herpétologiste, enseignant au Cameroun (1952-1955), chargé de recherche au Musée d’histoire naturelle de La Chaux-de-Fonds, puis de Genève. 38 Archibald Quartier (Boudry 1913 - Neuchâtel 1996), licencié ès sciences de l’Université de Neuchâtel, inspecteur cantonal de la chasse et de la pêche (1943-197), conservateur du Musée d’histoire naturelle de sa ville (1960-1980), homme politique (conseiller général, député au Grand Conseil) et auteur prolifi que. 39 Pierre Strinati, *1928, Dr ès sc. de l’Université de Toulouse (1965), biospéologue et photographe, passionné de science-fi ction et de bandes dessinées, a accompagné Villy Aellen dans nombre de ses explorations.

40 Jean-Carlo Pedroli, *1951, biologiste, Dr ès sciences, inspecteur cantonal de la chasse et de la pêche à la succession d’Archibald Quartier (1977-1986), puis entrepreneur en conseil environnemental (Bureau Aquarius, Neuchâtel). 41 Johan-Jakob von Tschudi (1818-1889), Dr phil. (1838), médecin glaronnais, explorateur en Amérique du Sud, diplomate, auteur de nombreuses études de sciences naturelles, de géographie d’ethnographie et d’histoire, membre des académies de Münich et de Vienne, bienfaiteur du Musée d’histoire naturelle de Neuchâtel (oiseaux du Pérou, parmi lesquels des types). 42 Charles Lucien Jules Laurent Bonaparte (Paris 1803-Paris 1857), éminent zoologiste, ornithologue et systématicien, fi ls de Lucien Bonaparte, donc neveu de Napoléon Bonaparte. Auteur notamment des 4 volumes d’American Ornithology parus à Philadelphie en 1825 et illustrés par Titian Peale dans le cadre de son séjour dans cette ville de 1822 à 1828. Créateur de l’ordre des Monotrèmes, Charles Lucien Bonaparte fut correspondant de l’Institut de France. Six espèces d’oiseaux portent son nom, dont par exemple la Mouette de Bonaparte.

43 Mario Giacinto Peracca (1861-1923), comte, Dr ès sciences, scientifi que turinois, batrachologue et herpétologue de réputation internationale, auteur de très nombreuses publications, ayant notamment trait à plusieurs dizaines de taxons nouveaux. ______

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BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ NEUCHÂTELOISE DES SCIENCES NATURELLES 131 : 91-104. 2010

LIMNOLOGIE ET HYDROBIOLOGIE NEUCHÂTELOISES À TRAVERS LE BULLETIN DE LA SNSN

BERTA POKORNI-AEBI

Biologiste. Rue du Chasselas 13, CH-2012 Auvernier (Suisse).

INTRODUCTION A Neuchâtel, la limnologie et l’hydrobiologie ont une longe tradition. La proximité du lac de Neuchâtel a avivé la curiosité des scientifi ques. Dès la fondation de la société des sciences naturelles, les discussions touchant la limnologie et l’hydrobiologie ont été vives. L’ingéniosité des chercheurs a rapidement rayonné au-delà des frontières. Ainsi, l’ingé- nieur RITTER (1876, 1889) est chargé de développer un projet de force hydraulique sur le lac Léman et projette une adduction en eau potable de la Ville de Paris à partir du lac de Neuchâtel.

MORPHOLOGIE, AMENAGEMENT, GEOLOGIE Rives, érosion

La forme et l’étendue des lacs ont retenu l’intérêt des scientifi ques. GUYOT (1845) établit une carte du lac de Neuchâtel avec des coupes transversales qui font apparaître une éléva- tion sous-lacustre, appelée la Motte. Les moyens techniques à disposition des scientifi ques sont à cette époque peu développés et les mesures entachées d’erreurs. Même la mesure de la profondeur du lac donne lieu à des divergences (BOREL, 1867). En 1895, DU PASQUIER présente une carte des trois lacs dessinée d’après les levers du Bureau topographique et communique les données du tableau 1. Après la correction des eaux du Jura, l’érosion préoccupe les scientifi ques. RITTER (1880)

Altitude des eaux Altitude des eaux moyennes, cote Superfi cie Volume Profondeur moyennes, cote Lacs admise par l’Etat [km2] [km3] moyenne de l’atlas topogr. et la ville de fédéral Siegfried Neuchâtel Neuchâtel 215.9 14.2 65 432.43 429.62

Bienne 38.9 1.2 32 432.10 429.29

Morat 22.8 0.54 24 432.59 429.78

Tableau 1 : données caractéristiques des trois lacs

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décrit l’action affouillante des vagues sur saisi du contentieux relatif à la prise en charge les nouvelles rives découvertes par la cor- des frais d’assainissement entre l’Etat et la rection et DE PERROT (1904) signale que ville. La société s’est également adressée à vers l’embouchure de l’Areuse, les grèves des spécialistes d’Allemagne et de Bâle pour sont fortement attaquées par les vagues et savoir quelles essences planter sur les nou- les courants. En vingt ans, plus de 40’000 velles grèves (GUILLAUME, 1879). L’ingénieur m3 de matériaux ont été enlevés sur quatre RITTER (1881) développe des plans d’aména- propriétés. PETER-COMTESSE (1948) fait gement des nouvelles grèves gagnées sur le l’éloge de la végétation en tant qu’élément lac pour les Saars, à Préfargier et à Cudrefi n. stabilisateur des grèves. La végétation fonc- Pour ce dernier lieu, outre l’aménagement de tionne comme brise-vague et retient la terre vignes, la création de prairies artifi cielles et entre les racines. En revanche, les rives pro- la plantation de pins, il prévoit des étangs de tégées par des murs ont moins bien résisté pisciculture et un endroit où le contenu des à l’érosion. bateaux de vidange des boues sanitaires de Vient la période de la construction de la la ville de Neuchâtel et les roseaux des lieux route nationale A5 qui change complète- pourraient être mélangés pour fabriquer un ment l’aspect de la rive nord du lac entre engrais. Colombier et le bout du lac à Saint-Blaise. Les matériaux d’excavation des tunnels Géologie, sédiments sous la ville ont été noyés dans le lac, créant ainsi une surface d’une trentaine d’hecta- Au 19e siècle, l’origine des lacs préoc- res qui sera aménagée en zone de détente. cupe les esprits des scientifi ques. Diffé- GLAUSER et al. (1987) vont tester l’aptitude rentes hypothèses sont avancées. A partir de différents mélanges avec des ressources de l’observation de phénomènes d’érosion, locales pour reconstituer un sol (calcaires, RITTER (1889) pense que la forme actuelle boues d’épuration, composts de déchets des trois lacs, issus d’un grand lac quater- organiques, plantes aquatiques faucardées, naire qui s’étendait de Nidau en passant par roseaux, etc.). le Seeland jusqu’aux plaines de l’Orbe et de la Broye, est le résultat des dépôts glaciaires Aménagements et de l’érosion des rives et des falaises ainsi que du remaniement important de maté- L’abaissement du niveau des eaux lors de riaux par les courants. SCHARDT (1903) sup- la correction des eaux du Jura a confronté pose un affaissement d’une part du plateau les riverains à de graves problèmes de sta- suisse et du Jura, idée qu’il abandonne en bilité des rives et de salubrité publique. Les faveur d’une action conjuguée de la glacia- canalisations d’eaux usées aboutissent sur tion et d’un réseau hydrographique prégla- les grèves et plus dans le lac comme jadis. ciaire bien développé donnant au fond du HIRSCH (1879) attire l’attention de l’assis- lac sa forme. Il considère que les anciens tance sur des émanations malsaines du port thalwegs de la Thielle et de la Mentue ont et le risque de maladies épidémiques graves. formé la Motte. Contrairement à Schardt, La société décide d’écrire au Conseil munici- MONARD (1919) attribue la formation de pal de la ville pour demander d’entreprendre nos lacs à la seule action des glaciers. Pour les travaux d’assainissement sans tarder. La appuyer son hypothèse, il classe un grand réponse de l’autorité communale fait d’abord nombre de lacs européens en fonction de état des travaux déjà réalisés tels le prolonge- leur profondeur et leur situation par rapport ment des canaux égouts. La commission de aux lobes du glacier et constate que la pro- salubrité publique est chargée de trouver des fondeur d’un lac diminue avec la distance solutions. Finalement, le Tribunal fédéral est qui l’éloigne du centre du glacier.

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SCHARDT (1903) dédie une note au Lac cend sur le Littoral et se divise en deux des Brenets, appelé lac de Chaillexon par lobes, l’un avance en direction d’Yverdon, les Français, dans laquelle il explique sa for- l’autre se dirige en direction de Neuchâtel. mation, phénomène unique dans le Jura. Il KÜBLER et al. (1979) étudient la répar- plaide pour deux chutes de rochers sur les tition de quelques éléments majeurs et deux rives qui ont obstrué le passage du mineurs dans les sédiments de surface du Doubs et formant une masse fi ssurée par lac. En combinant les données analytiques, laquelle passe la fuite principale du lac, ce ils s’aperçoivent que la distribution obéit à qui explique les variations rapides et impor- deux lois naturelles. Le gradient teneurs- tantes du niveau d’eau. Après les basses profondeurs est fort dans la zone agitée, eaux spectaculaires de 1906, SCHARDT faible dans la zone calme. Le vent semble (1910) reprend l’étude du lac et du bassin être le moteur principal dans ces distribu- du Doubs. L’essai de coloration à la fl uores- tions. L’écart entre les données mesurées céine réalisé lors de ces conditions très spé- et calculées peut s’expliquer par l’apport ciales en amont du Saut du Doubs a permis anthropique. KÜBLER (1988) et MATTHEY de déterminer le cheminement souterrain (1988) reprennent l’examen des forages de l’eau. Le colorant est ressorti à toutes les effectués par Quartier il y a 30 ans sur la sources jaillissant en aval du Saut. Docu- Motte. Cette étude multidisciplinaire per- mentée par des photographies, la baisse met de mieux dater les sédiments rencon- extrême de l’eau a mis à jour des glissements trés et fournit des renseignements sur l’ori- de terrains et des tassements de la vase du gine de la Motte. fond. La sécheresse a également permis de mieux connaître le fonctionnement des BIOLOLGIE sources. Le bureau hydrométrique fédéral a profi té de cette occasion pour compléter le Ecologie système limnimétrique d’après les normes de qualité suisses. Les enregistrements don- Inspiré par les travaux de Forel sur le nent un battement extrême du niveau du lac Léman, une série d’approches écologiques de 20.25 m. SCHARDT complète l’article par sous la direction de Fuhrmann est publié une description détaillée des phénomènes pour le lac de Neuchâtel. MONARD (1920) hydrologiques observés. Alors que le pre- étudie la faune profonde et fait des réfl exions mier bassin du lac est quasiment étanche, le sur l’évolution de cette faune si bien adaptée dernier avant le Saut compte de nombreuses aux conditions particulières qui règnent au pertes. Les résurgences se situent dans le lit fond du lac. A partir du bateau « Leptodora » du Doubs et sur ses berges en aval de la cas- du laboratoire de zoologie, il effectue entre cade. mars 1917 et juin 1918 78 dragages dans la L’inspectorat de la pêche et de la chasse a région de Neuchâtel. S’y ajoutent les échan- fait l’acquisition d’un appareil de sondage tillons de 31 dragages réalisés par Fuhrmann à ultra-sons. QUARTIER (1957) présente le entre mai 1901 et avril 1911. Pour chacun résultat des 400 km de sondages sur le lac des 29 groupes étudiés, il donne un tableau de Neuchâtel. Quarante profi ls transversaux résumant les indications principales propres de même que plusieurs sondages de cap en à chaque espèce. La question principale cap ont été réalisés. D’après l’image topo- tourne autour de l’origine de la faune pro- graphique reçue du fond du lac, la théorie fonde. A partir des distributions spatiales et de deux vallées fl uviatiles au nord et au sud temporelles, il essaie d’établir une classifi - de la Motte doit être abandonnée au profi t cation des espèces et développe trois thèses : de la théorie de l’érosion glaciaire. D’après • dans un milieu confi né, seulement Quartier, le glacier du Val-de-Travers des- une espèce par genre tend à subsister,

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• lorsque deux faunes différentes, qui du sol et du niveau de la nappe permettent ne sont pas séparées par un obstacle à BUTTLER (1990) de décrire le climat des infranchissable, habitent deux dis- marais boisés d’une réserve de la rive sud, tricts voisins, elles tendent à se péné- observations d’une très grande utilité pour trer mutuellement (pénétration des la compréhension du fonctionnement de faunes), l’écosystème. Après Buttler, c’est MUHL- • si deux espèces voisines sont pré- HAUSER (1996) qui se penche sur les inon- sentes, la plus cosmopolite et la plus dations comme facteur allogène évolutif et eurytherme tend à éliminer l’autre les infl uences sur les peuplements d’inver- (substitution des faunes). tébrés. Profi tant d’une inondation extraordi- Après cette étude importante, il s’attaque naire en 1987, ses observations lui ont per- à la faune de la Motte (MONARD, 1923) et mis de proposer quelques scénarios d’évo- présente les résultats à un auditoire inté- lution et de décrire leurs conséquences sur ressé, non sans rappeler l’énorme richesse les peuplements d’invertébrés. Les pinèdes de la faune profonde du lac. font l’objet de trois articles (CORNALI, 1997, Le travail de MAUVAIS (1927) sur la faune 1998, 1999) traitant la typologie détaillée littorale du lac de Neuchâtel est la suite logi- ainsi que la dynamique la plus probable que des travaux de Monard sur la faune pro- ayant permis son installation. Les caracté- fonde et de Robert sur le plancton. Il situe la ristiques pédologiques et hydrodynamiques limite entre littoral et la zone profonde arbi- sont présentées succinctement. Dans la trairement à 30 m. Au total, il détermine les deuxième partie de l’article, des essais espèces de 27 groupes faunistiques, étudie quantitatifs sont conduits et la dynamique leur répartition spatiale et leurs préférences du renouvellement analysée. Il émet l’hy- nutritionnelles. Il termine son travail avec pothèse qu’à terme, le Pinus sylvestris sera une comparaison de la faune avec celle du remplacé par des espèces ligneuses. Dans le Léman. dernier article, il aborde la minéralomasse Plusieurs articles traitent des macroin- et les cycles biogéochimiques des éléments vertébrés aquatiques et des amphibiens majeurs dont le bilan est équilibré. des étangs dans le Jura neuchâtelois. L’ob- MATTHEY (1998 et 2001) constate qu’en jectif des ces études est d’approfondir les 40 ans, la surface humide de la tourbière connaissances des milieux aquatiques et du Cachot diminue constamment et que le de leur organisation. MATTHEY et al. (1984) nombre de gouilles cartographiées a dimi- dressent une liste bibliographique. SCH- nué de 43 à 24 et celui des creuses de 52 NEGG (1984) prend les étangs forestiers sous à 42, leurs surfaces ayant pratiquement été la loupe alors que REDARD (1984, 1985, réduit de moitié, soit par comblement, soit 1986) s’attaque aux mares-abreuvoirs de par assèchement. Les petits plans d’eau pâturages et fournit une liste faunistique. offrent un habitat pour une fl ore et une RENARD (1986) se consacre à la gravière de faune diversifi ées. Le piétinement répété la Paulière, devenue réserve naturelle, qui conduit à la destruction rapide du tapis des constitue un réservoir extrêmement riche sphaignes, suivi d’une lente régénération. pour la faune et la fl ore. Dans l’intervalle, une végétation nitro- Un vaste champ d’expérimentation s’est phile et de la forêt se sont installées, créant ouvert il y cent ans sur la rive sud du lac ainsi un compartimentage de l’ensemble de de Neuchâtel. A la suite de l’abaissement l’écosystème. Des travaux de revitalisation du niveau du lac lors de la correction des ont été réalisés en 2004 (MATTHEY & SEIDEL, eaux du Jura, de grandes surfaces ont été 2005). exondées. Des mesures de la température Dès 1997, JACOT-DESCOMBES et al. et de l’humidité de l’air, de la température publient chaque année un compte rendu sur

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la nature neuchâteloise (Jacot-Descombes en admettant la formation d’essaims. Pour et al. 1997, 1998). Des problèmes relatifs à une quinzaine d’espèces, il décrit le cycle la conservation, à la gestion et à l’entretien annuel et compare ses résultats avec ceux de la nature, à la faune sauvage et aux forêts publiés pour les lacs de Zurich et des sont traités. Le suivi de l’environnement Quatre-Cantons. Un chapitre est consacré à neuchâtelois paraît régulièrement depuis l’analyse de la répartition verticale au cours 2002 (BUTTY et al., 2002). Le Service de de l’année et cela pour plusieurs espèces. la protection de l’environnement rend ainsi Le dernier chapitre est dédié à la migra- compte de la qualité des eaux souterraines tion journalière. Le travail est richement et de surface et de l’air. documenté avec des tableaux comprenant les résultats chiffrés des investigations. En Plancton 1923, il étend ses recherches sur les lacs de Bienne et de Morat (ROBERT, 1924). Des Nous devons la première description du pêches de -30 m à la surface lui ont permis plancton du lac de Neuchâtel à FUHRMANN de vérifi er l’hypothèse de la répartition hori- (1900). Pendant une année, il observe et étu- zontale uniforme et de comparer le plancton die les cycles biologiques du lac et les com- des trois lacs. Dans un autre article (ROBERT, pare avec ceux de lacs du nord de l’Allema- 1930), il examine la distribution verticale gne. Il voit dans la plus grande productivité du zooplancton, mise en doute par certains des lacs allemands la raison de la différence auteurs. Avec des pêches étagées, de -100 dans la distribution spatiale du plancton. ou -80 m à la surface, il a pu démontrer que Les algues produites en abondance proche des animaux planctoniques vivent en des- de la surface fournissent un écran au zoo- sous de la thermocline. plancton sensible à la lumière. Dans nos RIVIER (1936) publie ses recherches hydro- lacs, le phytoplancton est peu développé et biologiques sur le lac de Morat. La transpa- les organismes sensibles doivent se retirer rence de l’eau dépend du développement en profondeur. Il fournit également une liste du phytoplancton. Un premier minimum faunistique et fl oristique. En 1907, il revient apparaît en février ou mars avec la crois- sur la distribution horizontale du zooplanc- sance de Melosira, vers l’automne, c’est ton dans les lacs subjurassiens (FUHRMANN, Planktothrix rubescens qui trouble l’eau. 1907). Un chapitre est consacré à la thermique du ROBERT (1921) analyse le matériel des lac et au développement de la thermocline. pêches de plancton mis à disposition par L’oxygène montre l’évolution typique d’un Fuhrmann, complété par ses propres prélè- lac eutrophe: sursaturation dans l’épilim- vements. Sa publication porte sur les années nion et des teneurs minimales dans l’hypo- 1900 à 1920. Outre les mesures physico- limnion dès le mois d’août. La partie sur chimiques, un important chapitre traite la le plancton est bien documentée; des gra- méthodologie appliquée aux prélèvements. phiques illustrent la répartition verticale du Dans le chapitre consacré à la biologie, il plancton tout au long de l’année. Seul les étudie d’abord les variations quantitatives crustacées ont été dénombrés et leur évolu- annuelles et constate qu’un premier maxi- tion annuelle reportée dans des graphiques. mum dû au phytoplancton apparaît au prin- Cinq espèces de copépodes, cinq espèces temps tandis que le deuxième, automnal, de cladocères, dix espèces de rotifères et est attribué aux copépodes et aux Bosmina. quelques infusoires constituent le zooplanc- La question de la répartition horizontale ton. Rivier range encore les dinofl agellés du plancton divise le monde scientifi que. et les dinobryons dans cette catégorie. Le En fonction de ses observations, Robert phytoplancton du lac de Morat est riche en plaide pour une répartition uniforme tout diatomées et bactériophytes, dont le fameux

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« Sang des Bourguignons », Planktothrix tion de leur habitat terminent le travail. L’an- rubescens, signalé pour la première fois en née d’après, elle se lance dans l’étude des 1825 par de Candolle. En 1988-1989, REY- diatomées des sédiments (WUTHRICH, 1961). MOND et al. (1993) reprennent l’observation Elle travaille essentiellement sur une carotte du phytoplancton et comparent leurs résul- de 4.05 m extraite par Quartier en analysant tats aux pêches antérieures. Signalé par un échantillon de sédiment tous les 20 cm. tous les auteurs ayant examiné le plancton Conclusion de ce travail minutieux : du lac de Morat, Planktothrix rubescens a • les premiers 55 cm ne contiennent complètement disparu. Pendant l’été, les pas de diatomées ; développements massifs d’algues caracté- • la couche la plus riche est la zone ristiques pour un lac eutrophe se suivent. transitoire entre la couche bleue et la DUCOMMUN et al. (1974) ont isolé trois craie lacustre inférieure ; souches de Rhodopseudomonas viridis • les genres les plus importants, pré- DREWS et GIESBRECHT de l’eau et du sédi- sents dans tous les échantillons sont : ment du Loclat (Lac de Saint-Blaise); Amphora, Mastogloia, Cyclotella et ce sont des bactéries phototrophes avec Gomphonema ; de la bactériochlorophylle b comme pig- • les rares trouvailles de diatomées ment assimilateur. Dans le même petit lac épiphytiques laissent supposer que eutrophe holomictique, SCHWEIZER et al. la Motte n’était jamais recouverte de (1975) étudient les Hydrogénobactéries. végétation. Dans l’eau, un maximum de bactéries se Lors de la présentation de ces résultats développe au niveau du métalimnion, elles à la société, WUTHRICH (1961) signale les sont abondantes à la surface du sédiment. espèces considérées comme indicatrices de la pollution. Algues Quoique présente dans le lac de Morat depuis le 19ème siècle, Aphanizomenon fl os- Pendant plus de cent ans, les algues n’oc- aquae (L.) RALFS, indicateur de pollution, cupent qu’une place marginale dans les ne fait son apparition dans le lac de Neuchâ- mémoires de la société. Elles apparaissent tel que le 18 juillet 1961 (WUTHRICH, 1962). sous forme de neige rouge due à une Pro- Les diatomées de cinq stations différentes tococcacée (GUILLAUME, 1866) ou de galets dans la tourbière du Cachot (Jura neuchâte- calcaires portant des marques de l’algue lois) sont étudiées par WUTHRICH & MAT- Euactis calcivore. (DESOR, 1868). DE ROU- THEY (1977) dans le but d’éclaircir leurs GEMONT (1878, 1880) et SPINNER (1919) font conditions de vie. Dans un tableau synop- part de leurs observations sur les diatomées tique, 362 espèces et variétés appartenant à et leur mode de reproduction. 34 genres sont présentées. Frustulia rhom- La composition du phytoplancton du lac boides var. saxonica, Navicula subtilissima, de Neuchâtel est peu connue jusqu’à ce que Tabellaria fl occulosa et plusieurs Eunotia et WUTHRICH (1960) s’enthousiasme pour les Pinnularia forment la communauté caracté- diatomées. Pour les déterminer, elle peut ristique de la tourbière du Cachot. Un cer- compter sur des collections de référence. tain fl ou existe sur la présence de certaines Elle analyse les diatomées de la zone litto- diatomées fossiles, interprétée comme rale, de la zone pélagique, la zone profonde apport éolien. Pour vérifi er cette hypothèse, (7 stations) et des sédiments dragués et forés WUTHRICH (1979) place des fl acons pièges de la Motte. Le rendement est spectaculaire : à différents endroits. En seulement 30 jours, 290 espèces et 118 variétés et formes sont la récolte est importante, confi rmant ainsi recensées. Une liste des diatomées péla- l’hypothèse. Parmi les organismes récoltés giques et une qui classe les espèces en fonc- se trouve une diatomée tripolaire qu’elle

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décrit comme Fragilaria leptostauron v. (1916). A cet effet, il a dépouillé 200 travaux alvarniensis nov. var. en plus de ses recherches personnelles. Pour Avec la note algologique I, STRAUB (1984) la Suisse, il repère 56 espèces contre 72 en publie des observations sur des diatomées Allemagne et 70 en Scandinavie. provenant du périphyton des lacs jurassiens Avec Fuhrmann, le laboratoire de zoolo- et subjurassiens. Il poursuit ainsi le travail gie atteint une réputation internationale. Du de Wuthrich. Quelques espèces rares sont matériel nouveau sponsorisé par un géné- signalées. En appliquant les critères retenus, reux neuchâtelois permet des recherches STRAUB (1985) contribue avec ces travaux à plus poussées. FUHRMANN (1916) étudie les élargir la révision du genre Achnanthes et variations saisonnières, diurnes et nocturnes décrit une nouvelle combinaison A. rostrata du plancton. Il plaide pour l’utilisation de ØSTRUP var. minor (SCHULTZ) et une nou- méthodes uniformes pour l’étude des lacs velle variété A. rostrata ØSTRUP var. magna. suisses. En 1921, il expose à la SNSN la En 1985, le 5e colloque de l’association des biologie et le mode de reproduction des diatomistes de lange française a lieu à la écrevisses qui ne sont complètement adultes Brévine (STRAUB, 1986) où des travaux sur qu’à l’âge de 5 à 6 ans. Les écrevisses sont la taxonomie-morphologie, la fl oristique, la menacées. Leurs ennemis sont les hommes, physiologie, l’écologie et la paléoécologie qui détruisent leurs habitats, et fi nalement sont présentés. Dix ans plus tard, les algolo- la peste des écrevisses qui a ravagé depuis gues se réunissent à la Chaux-de-Fonds pour 1876 toutes les populations de l’Europe. tenir le 1er symposium suisse sur les algues L’objectif de l’étude entreprise par (STRAUB, 1996). Il est notamment question ROBERT (1927) sur le matériel pêché entre des Cyanobactéries nuisibles, de l’utilisa- 1916 et 1920 est de mieux faire connaî- tion des algues comme indicateurs de l’état tre les Daphnies du lac, de vérifi er si une sanitaire des eaux et leur gestion, du rôle distinction entre formes d’été et formes joué par les diatomées en paléolimnologie d’hiver se justifi e et fi nalement d’exami- et en criminologie. La note de phycologie ner l’infl uence des facteurs externes sur la helvétique I annonce le dépôt du fonds de morphologie. De chaque pêche, il mesure 5 recherches algologiques de O. Reymond individus au hasard, 115 daphnies au total. sur les Chlorophyceae au Gymnase de la Les conclusions de son analyse peuvent se Chaux-de-Fonds (STRAUB, 1997). Associé résumer ainsi : au « Fonds M. Wuthrich », les documents - la Daphnie du lac de Neuchâtel est une peuvent être consultés au Laboratoire d’al- forme banale, de type moyen ; gologie. En 2002, STRAUB signale l’appari- - les formes d’hiver sont de dimension tion envahissante de la diatomée Achnanthes réduite ; catenata BILY & MARVAN dans le plancton - la plupart des individus sont plus grands du lac de Neuchâtel (Suisse). que ceux d’autres lacs, avec un rostre long, voire même très long. Invertébrés THIÉBAUD (1930) étudie quelques copé- podes de la région de Bienne et présente Pendant les premières décennies de la le résultat de ses observations en séance SNSN, les invertébrés ne préoccupent que (THIÉBAUD, 1931). Dans un prochain tra- rarement les membres de la sociétés. Les vail, il s’attaque à l’étude des Harpacticides écrevisses, mollusques, éponges et autres muscicoles des alpes et du Jura (THIÉBAUD, crustacés doivent être déterminés ou font 1936). Il compare les espèces récoltées en l’objet de communications. Le premier Suisse à celles trouvées dans les Alpes fran- ouvrage conséquent est le catalogue des çaises. Douze espèces sont communes aux copépodes de la Suisse édité par THIÉBAUD deux pays, deux se trouvent uniquement

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en France alors que sept sont propres à la Parmi les faits divers, il faut ranger l’es- Suisse. Quelques années plus tard, il fait sai de de Rougemont d’éliminer le poissons une communication sur les Entomostracés voraces comme le brochet du Loclat à l’aide de la région biennoise et environ (THIÉBAUD, de dynamite (DE ROUGEMONT 1876). 1954). Il y trouve 45 espèces de Cladocères Durant l’hiver 1901, FAVRE (1901) signale et 28 espèces de Copépodes, dont plusieurs des pêches miraculeuses de brème dans le espèces nouvelles pour la Suisse. Bas-Lac de Neuchâtel. En trois jours, envi- Au début des années 70, Dreissena poly- ron 2500 kg de poissons d’un poids moyen morpha PALLAS, la moule zébrée, arrive de 1 kg et d’un poids maximum de 2.5 kg depuis la Mer Caspienne dans le lac de Neu- ont été pêchés et écoulés sur les marchés châtel. PEDROLI (1977) s’intéresse à la crois- de Neuchâtel, de La Chaux-de-Fonds et du sance de cette moule, travail qui s’inscrit dans Locle. une recherche plus large sur l’avifaune. FUHRMANN (1903) présente des résul- tats encourageant d’élevage de poissons Poissons en pisciculture pour pallier à la perte de frayères naturelles. Il accuse la correction L’étude des poissons en pays neuchâte- des cours d’eau, le déversement de déchets lois est en même temps l’histoire de la pis- par l’industrie et la pêche excessive d’être à ciculture dans ce canton. En 1852, plusieurs l’origine du dépeuplement des rivières. Le membres relatent les expériences faites en canton possède déjà trois piscicultures, à France et en Allemagne pour l’élevage arti- Môtiers, à Cernier et au Pervou, la dernière fi ciel de poissons, avant tout de la truite ayant remplacé celle de Chanélaz. L’année (GUEBHARD, 1852). C. Vouga, le père de la d’après, il renseigne l’assemblée sur les pisciculture dans le canton de Neuchâtel, maladies des poissons, surtout des maladies voit dans cette technique une parade à la infectieuses causées par des bactéries et des raréfaction de la truite saumonée et beau- sporozoaires (FUHRMANN, 1904). Une mala- coup d’autres poissons dans le lac suite à die épidémique frappe les organes sexuels un surpêchage (VOUGA, 1853). Il reçoit des femelles de brochets, provoquée par 1 200 frs pour monter une pisciculture. Les une espèce de Myxosporidium (Henneguya premiers essais sont faits dans le Ruhaut à psorospermica, var. oviperda). Saint-Blaise, mais il verrait d’un bon œil la VOUGA (1922) donne un aperçu sur l’éco- construction de deux établissements au Val- nomie piscicole et présente les principales de-Travers. Il intervient de nombreuses fois espèces trouvées dans le lac, leurs éléments à ce sujet lors de séances. distinctifs et leurs régimes. Le dernier point Lors de la séance du 20 janvier 1860, est très important si l’on veut se lancer dans VOUGA rend compte d’expériences faites l’élevage de poissons. Il complète ses infor- avec des truitelles dans son écloserie dans mations avec les statistiques, données rele- un ancien bras de l’Areuse à Cortaillod. vées régulièrement depuis 1917. Il sollicite l’appui de la SNSN pour une Les inspecteurs de la pêche du lac de Neu- demande de concession de pêche au Grand- châtel sont alarmés (VOUGA, 1925). Un nou- Conseil. En 1868, il publie une note sur la veau projet de correction des eaux du Jura pisciculture de Chanélaz (VOUGA, 1868). prévoit d’abaisser le niveau du lac à 427.5 Ses plus grands problèmes sont l’approvi- m et laisse craindre le pire pour la nature. sionnement en eau du canal d’élevage et la Ils s’attendent à une baisse de productivité mauvaise réputation dont jouissent les pois- et à de graves problèmes lors du frai qui sons d’élevage. La population craint que pourraient même compromettre la repro- ceux-ci ne soient alimentées avec des subs- duction. VOUGA (1933) signale une diminu- tances animales de mauvaise qualité. tion du rendement de la pêche de palée qui

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est descendu de 44 t en 1917 à 27 t en 1932 à considérer comme un bon résultat mettant et cela malgré un alevinage. Les essais faits en question le repeuplement artifi ciel. En à la pisciculture du Pervou lui montre que revanche, le vairon ne trouve pas de bonnes les alevins lâchés à date fi xe peuvent ren- conditions de survie dans l’Areuse. Cela contrer, en fonction de l’avancement de la ressort du travail de ZBINDEN et al. (1992) saison, des conditions défavorables. qui ont comparé deux populations de vai- QUARTIER (1944) fait l’historique de rons dans le Doubs et l’Areuse. l’établissement cantonal de pisciculture du Pervou, construit d’après les plans de HYDROLOGIE Fuhrmann. Il communique les chiffres des alevins mis en eau. La conférence est sui- Niveaux vie d’une visite de l’établissement. Pour la première fois en 1919, des truites arc-en- Quel est le niveau correct des repères ciel ont été introduites avec succès dans pour mesurer la hauteur du niveau des lacs ? le Rhône supérieur et ses affl uents. VOUGA Cette question préoccupera la SNSN pen- (1944) loue les avantages de cette espèce dant plusieurs décennies. Osterwald pose par rapport à la truite fario: croissance plus les bases scientifi ques et d’après ses calculs, rapide, pas de cannibalisme, tolérence aux il fi xe le niveau du lac de Neuchâtel au môle eaux froides. QUARTIER (1951) présente les à 434.7 m. Ces réfl exions datent d’avant la résultats d’une étude biométrique des bon- création de la Société. LADAME et al. (1855) delles et palées qu’il a entreprise avec Dot- les jugent si importantes qu’ils décident de trens. Au total, 447 bondelles et 563 palées publier un extrait de la séance du 7 avril de toutes les classes d’âge ont été mesurées. 1841 dans le Bulletin. Les deux espèces se distinguent par les En présentant les hauteurs des trois dimensions de la base de leurs nageoires lacs et en donnant lecture d’une lettre de dorsale et anale: chez les bondelles, la base Knab, KOPP (1857, 1859) lance une polé- de la nageoire dorsale est plus petite que mique autour du nivellement de l’altitude la base de la nageoire anale et inversement de l’échelle des môles servant à mesurer chez les palées. Plusieurs études sont consa- les niveaux des lacs de Neuchâtel, Morat et crées à la composition des populations natu- Bienne. La société décide de maintenir l’al- relles de poissons. (ANTONIAZZA et al., 1982, titude calculée par Osterwald comme point PEDROLI et al., 1983 et ZAUGG et al.,1984). de départ pour les mesures limnimétriques Le canton de Neuchâtel dispose depuis 50 tout en attendant les preuves scientifi ques. ans de données statistiques sur les captures En 1860, un extrait des notices D’OSTE- des pêcheurs et la remontée des géniteurs RWALD (1860) déposées dans les archives de (ANTONIAZZA et al., 1985). En comparant les l’Etat livre le détail du calcul de l’altitude données des cinq dernières années à celle du môle de Neuchâtel. La note de HIRSCH de 1928, les auteurs constatent que la crois- (1864) aborde de nouveau cette question. sance de la truite du lac n’a pas changé en Deux méthodes de détermination s’oppo- 50 ans. En général, les pêcheurs amateurs sent : le nivellement et les mesures trigo- prennent des poissons plus jeunes que les nométriques, sans parler du manque de pré- professionnels. Le lac de Neuchâtel a un cision des appareils de l’époque. Les diver- rendement de la pêche relativement élevé. gences prennent fi n avec la demande de RIEGLER et al. (1988) examinent pendant KNAB (1871), ingénieur cantonal, de publier l’hiver 1984-1985 les frayères naturelles dans le bulletin le tableau avec les altitudes de la Haute-Areuse pour mieux cerner la zéro des limnimètres des lacs de Neuchâtel reproduction naturelle de la truite fario dans et de Morat, données entérinées lors d’une cette rivière. Le potentiel de 25 œufs/m2 est séance des ingénieurs cantonaux de Vaud

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Auteur Années d’observations Commentaires

KOPP (1867) 1860-1873 SCHNEEBELI (1875, 1874-1878 Abaissement du niveau du lac en 1877. Le limnimètre 1876 et 1878) est à sec et doit être prolongé par une échelle (HIRSCH 1877) RENOU (1872) 1857-1872 Compilation des données, établit une relation entre la pluie et le niveau du lac.

HIPP (1880) 1880, LADAME (1879) demande à la SNSN d’intervenir premier enregistrement auprès de la municipalité pour remplacer l’actuel limnimètre par un modèle enregistreur 1879-1880 installation et mise en service du nouveau limnigraphe HIPP & HIRSCH, 1880), HIPP (1880), HIRSCH (1881)

WEBER (1880, 1882) 1879-1880 données d’après les nouveaux enregistrements, celles des lacs de Morat et de Bienne sont fournies par la Confédération LADAME (1886) signale erreur sur les données du lac de Bienne (niveaux 3 m trop haut) DU PASQUIER (1895 1891-1895 données complétées avec les débits de la Serrière et et 1896) de la source de l’Areuse

DE PERROT (1897, 1896-1927 1898, 1899)

Tableau 2 : publication des mesures des niveaux des lacs de Morat, Neuchâtel et de Bienne ainsi que des débits de l’Areuse, de la Serrière et du Seyon. et de Neuchâtel. Cette cote est d’une por- cations de DE PERROT (1902) et de RITTER tée juridique importante puisque elle sert, (1902) témoignent de la préoccupation et d’après le code civil neuchâtelois, de repère des craintes de la population. Ce dernier se pour l’attribution des grèves mises à nu plaint de la disparition des falaises de la rive après la correction des eaux du Jura. Suite sud du lac de Neuchâtel. Les jeux d’érosion et fi n, LADAME (1879) reprend les proto- et de dépôts ont contribué à former depuis coles des nivellements de Knab et recalcule lors le paysage de la région des trois lacs, la cote de l’ancien môle à 434,7540 m, soit notamment celui de la Grande Cariçaie qui 5.4 cm de plus qu’Osterwald. est aujourd’hui la plus grande zone humide Les niveaux limnimétriques des trois lacs bordant un lac en Suisse. sont mesurés régulièrement et publiés dans A plusieurs reprises, DE PERROT (1930, le bulletin. Les auteurs ci-dessus se sont 1931) rend les sociétaires attentifs aux chargés de récolter les données. infl uences négatives de la première correc- tion du Jura dont l’abaissement de la tem- Corrections des eaux du Jura (CEJ) pérature de l’eau dû au refoulement de la Thielle et son infl uence sur la croissance Les corrections des eaux du Jura laissent de la vigne et leur présente le nouveau pro- de nombreuses traces dans les annales de jet d’une deuxième correction de l’ingé- la société. Les publications et communi- nieur Peter. Il craint pour le frai naturel des

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poissons, un abaissement plus conséquent siterait le détournement du ruisseau des Pla- de la température et une érosion accélérée cettes qui se déverse encore dans la perte des grèves sans parler des dommages cau- de l’Anneta (MARTINET, 1925). Au Moulin, sés aux constructions. Pour répondre aux une scierie utilisant l’eau du lac régulari- objections venues de toutes parts contre ce sait jadis le débit de l’Areuse par l’inter- nouveau projet, le Conseil d’Etat nomme médiaire de la perte du lieu. Un exhausse- une commission d’étude dont fait par- ment du déversoir augmenterait la surface tie SPINNER (1933) en tant que botaniste- d’alimentation du lac de 4 à 28 km2. Des météorologiste. Tout d’abord, il constate sondages ont montré qu’il fallait s’arrêter que la température à Neuchâtel varie de la dans un premier temps à la cote de 1’039.5 même manière que dans les 25 autres sta- m d’altitude. L’eau serait conduite dans le tions analysées. Quant à la température du puits et via l’emposieu arriverait à la source lac, la Thielle, refoulant de temps à autre, de l’Areuse. Une vanne de réglage placée ne peut être tenue pour responsable de la dans le puits permettrait de régler le débit baisse de température de l’eau puisque elle suivant les besoins. Le volume disponible a sensiblement la même température que le serait ainsi de 2’215’000 m3. D’après les lac. L’abaissement constaté est dans l’ordre informations données par STUDER (1931), de grandeur de l’erreur des mesures ther- ces travaux ont été exécutés. mométriques. Après avoir analysés les données limni- PROTECTION DES EAUX métriques avant et après la correction des eaux du Jura, QUARTIER (1948) s’interroge Température « Le lac de Neuchâtel a-t-il été corrigé ? ». Les variations de niveau du lac sont effecti- LADAME publie en 1861 une note sur la vement plus importantes après la correction température du lac à différentes profon- et une deuxième correction accélérerait le deurs pour les années 1839-1842, 1847 et phénomène. 1855. Pour réaliser cette étude, il utilise En 1961, DE PERROT livre ses considéra- deux types de thermomètres qu’il laisse tions sur la deuxième correction des eaux du pendant 25 minutes à la profondeur choisie, Jura et son infl uence sur le climat. La direc- un thermomètre à alcool et un thermomètre tion du projet est confi ée au professeur R. renfermé dans un tube en cuivre. Müller, ing. civil. L’idée principale du pro- L’hiver 1879/1880 est très froid, le lac jet est d’améliorer l’écoulement de l’eau en gèle. La société décide de procéder à des élargissant les canaux de l’Aar entre Nidau mesures de la température pour élucider et Soleure, de la Thielle et de la Broye. Ainsi, l’énigme du lac gelé sur sa partie orientale, la cote minimale de 428.70 m pour le lac mais pas sur la rive sud. A plusieurs reprises, de Neuchâtel pourra être garantie, de même des expéditions partent mesurer l’épaisseur que la réduction des variations de niveaux de la glace et la température à différentes en cas de crue. L’augmentation du débit de profondeurs à l’aide d’un thermomètre min- l’Aar aura l’avantage d’évacuer directement max jugé plus fi able qu’une bouteille métal- et rapidement l’eau froide de la fonte des lique (WEBER, 1880). neiges responsable de l’abaissement de la Entre 1927 et 1932, DE PERROT (1932) température de l’eau pendant l’été. mesure la température du lac. La campagne est techniquement exigeante. L’équipement Divers consiste en un bateau, un treuil avec 200 m de fi l, un thermomètre à renversement Un projet d’utilisation du lac des Taillères ainsi que du matériel pour se localiser (carte à des fi ns de production énergétique néces- 1 :25’000, boussole, sextant). Les mesures

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permettent de se faire une idée de la ther- une décalcifi cation d’environ 30 %. Une mique du lac et de constater que l’eau au couche de vase d’environ 0.7 mm se dépose fond du lac n’a pas toujours 4 °C, affi rma- chaque année au fond du lac. tion que de Perrot qualifi e de mythe. Lors d’une séance en 1961, ACHERMANN GUYOT (1939) met en évidence l’impor- & SOLLBERGER attirent l’attention sur le lien tance de la température du lac de Neuchâtel étroit entre apports d’eaux usées et qualité pour de nombreux domaines. Les analyse des eaux potables. La pollution ne s’arrête mathématique des mesures mises à sa dis- pas aux limites communales ni aux frontiè- position, soit les températures mesurées à res du pays. Ils citent la création de la Com- 1600 m devant le port de Neuchâtel où le lac mission internationale du Rhin en 1953 a une profondeur d’environ 100 m lui per- pour résoudre les problèmes transfrontaliers mettent de tirer les conclusions suivantes : et illustrent la problématique à l’exemple • la température annuelle moyenne de ce grand fl euve et de l’immense réser- diminue de la surface au fond; voir d’eau potable que représente le lac de • l’amplitude annuelle de la variation Constance. Dans la deuxième partie de l’ex- de température diminue de la surface posé, ils décrivent la situation régionale. Un au fond; lac de Morat complètement asphyxié par les • les minima aux différentes profon- engrais, le Doubs charrie les eaux usées de deurs se produisent tous en février; la ville de La Chaux-de-Fonds et d’autres • l’époque du maximum se produit en communes des Montagnes neuchâteloises, juillet à la surface et en octobre au la situation est peu réjouissante. Quant au fond. lac de Neuchâtel, Sollberger présente la campagne limnologique qui a débuté en Chimie et qualité des eaux 1957, une étude interdisciplinaire dans le but de connaître l’état sanitaire du lac avant Les observations sur la qualité des eaux la construction des stations d’épuration. sont pendant longtemps purement descrip- L’eutrophisation des lacs en Suisse pro- tives. VOUGA (1851) est intrigué par des gresse à grands pas. MÜLLER (1971) dresse fi gures qui se dessinent sur le lac gelé, pro- un tableau assez sombre de l’état sanitaire venant des bulles de gaz carbonique issu des lacs suisses. Il doute que les moyens mis de la décomposition de la vase couvrant en œuvre pour assainir nos lacs soit suffi - les marches d’un escalier descendant dans sants. L’assistance déplore que des solutions l’eau. KOPP ET DESOR (1855) signalent une techniques soient privilégiées à la lutte à la bande jaune traversant le lac de Saint-Blaise source, par exemple en interdisant des subs- à Serrières et des tâches appelées fontaines. tances néfastes. GUILLAUME (1880) observe des bandes lisses Dans un article, KÜBLER (1972) parle sur le lac et émet l’hypothèse de la présence du sel comme d’un agresseur méconnu de de fontaines sous-lacustres. RITTER (1880) l’environnement et décrit son utilisation rétorque qu’il s’agit de graisses amenées toujours croissante. Le cheminement du sel par les égouts réparties à la surface de l’eau dans les différents compartiments de l’en- au gré des vents. vironnement est décrit. Il liste la consom- PORTNER (1952) présente sa thèse sur mation de différents types de sels depuis les « Différents aspects de l’étude géochi- 1953 et fait des prévisions jusqu’en 1980. mique et hydrologique du lac de Neuchâ- Les principaux responsables de cette aug- tel » qu’il a entrepris en collaboration avec mentation pronostiquée sont d’après lui le les instituts de géologie et de chimie et les sel à dégeler et les adoucisseurs d’eau. Par services techniques de l’Etat. D’après ses la suite, KIRALY et al. (1972) développent un recherches, l’eau des affl uents du lac subit modèle permettant de prévoir l’augmenta-

102 LIMNOLOGIE ET HYDROBIOLOGIE NEUCHÂTELOISES À TRAVERS LE BULLETIN DE LA SNSN

tion des apports solubles dans un lac. Pour 1953, les cantons ont dû adapter leur légis- le lac de Neuchâtel pris comme exemple, la lation d’application. La lutte contre la pol- concentration en sodium se stabiliserait 20 lution des eaux avec des moyens techniques ans après la stabilisation des apports. débute. MARTIN (1961) présente la future POKORNI-AEBI (2002) rend compte de station d’épuration (STEP) de la ville de 20 années de surveillance de la qualité de Neuchâtel. Le site de la Maladière choisi l’eau du lac de Neuchâtel. Pendant cette pour ériger cette construction permet d’y période, le lac a passé d’un état eutrophe à conduire les quatre cinquièmes des eaux de un lac mésotrophe grâce à l’immense effort façon gravitaire. Un problème majeur est la consenti dans le domaine de l’épuration des construction des collecteurs qui aboutissent eaux et des mesures prises à la source telle de façon perpendiculaire directement dans que l’interdiction des phosphates dans les le lac et qu’il s’agit de conduire à la future poudres à lessive pour diminuer l’apport de STEP. MOLLIA (1971) organise une visite ce nutriment. pour les sociétaires et leur explique le fonc- tionnement. Epuration BLANT et al. (1982) s’intéressent à la survie de bactéries fécales dans le Doubs, Après avoir amené l’eau potable à La question importante pour apprécier le pou- Chaux-de-Fonds, le système des fosses voir d’autoépuration de la rivière. Des essais septiques devient impossible à gérer, les en fermenteurs et en sacs de dialyse montre débordements et vidanges étant beaucoup que le nombre de bactérie fécales diminue trop fréquents (RITTER, 1887). Des canali- rapidement dès leur arrivée dans le cours sations sont en voie de construction pour d’eau alors que le nombre de bactérie sapro- amener l’eau dans le Doubs, une énorme phytes augmente. Après la mise en service perte de matière fertilisante aux yeux de de la STEP de La Chaux-de-Fonds, les bac- Ritter qu’il chiffre à 300’000 francs. Il téries rejetées ont diminué de 80 %. imagine d’amener les eaux usées depuis le Valavron au Val-de-Ruz, région en manque Protection des eaux chronique d’engrais. Le projet d’irrigation des terres agricoles serait techniquement PEDDROLI (1971) vient entretenir la faisable moyennant deux tunnels, le premier société sur la pollution des eaux en relation de 2’500 m entre La Chaux-de-Fonds et le avec l’approvisionnement en eau potable. Il Vallon de Saint-Imier et l’autre de 3’000 m présente également un projet de loi sur la jusqu’au Côty. Depuis là, des branchements protection des eaux complètement refondue amèneraient le fertilisant aux Geneveys-sur- pour parer à la pollution toujours croissante. Coffrane et à Fenin. Ce projet apporterait au STETTLER (1975) traite les aspects scien- Val-de-Ruz une plus-value de ses produits tifi ques de la pollution et de la protection agricoles de 3-400’000 francs annuelle- des eaux. Il énumère les apports qui altèrent ment. GUILLAUME (1888) rend compte des la qualité des eaux et les processus permet- expériences faites dans ce domaine, notam- tant leur épuration. Pour terminer, il décrit ment en Allemagne et en Angleterre par le traitement et l’affi nage de l’eau pour la plus de 140 villes. Que faire des eaux usées rendre potable. pendant l’hiver ? Les bassins et sillons d’ir- En 1982, BACCINI déplore le mauvais état rigation creusés n’ont pas donnés entière des lacs suisses malgré un investissement satisfaction : la vase qui colmate le système annuel de presque deux milliards de francs de distribution étant très diffi cile à éliminer. et se demande si le modèle des scientifi ques Avec l’entrée en vigueur de la loi fédé- est trop imprécis pour prendre les mesures rale sur la protection des eaux le 1er janvier appropriées.

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BIBLIOGRAPHIE voir MATTHEY, W. & AYER, J. 2006. Table des matières et index (1935-2002). Bull. Soc. neuchâtel. Sci. nat. 125/2.

Une liste bibliographique est également disponible auprès de l’auteure.

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LA PROTECTION DE LA NATURE NEUCHÂTELOISE À TRAVERS LE BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ NEUCHÂTELOISE DES SCIENCES NATURELLES (SNSN)

BERTRAND DE MONTMOLLIN

Le Bourg 6, CH-2042 Valangin. E-mail : [email protected]

Bien que la protection de la nature ne faisait pas partie des objectifs de la SNSN, tels qu’énoncés en 1832 par son principal fondateur, Louis Agassiz (RIVIER, 1931), la Société s’en est rapidement préoccupée, non pas tellement pour des motifs idéalistes, mais plutôt pour conserver les objets sur lesquels les scientifi ques basaient leurs travaux. La plupart des témoignages relatifs à la protection de la nature fi gurant dans le bulletin sont issus de comptes-rendus et de rapports de séances de la Société elle-même, puis de ses commissions spécialisées et enfi n de commissions ou d’institutions externes à la Société, comme la Commission cantonale pour la protection de la nature et du paysage et l’Offi ce cantonal de la protection de la nature. Ces comptes-rendus de réunions ou de communica- tions constituent l’immense majorité des 98 références à la protection de la nature relevées dans les bulletins couverts par la Table des matières générale et index de MATTHEY ET AYER (2006).

LA PROTECTION DES BLOCS ERRATIQUES C’est avec la sauvegarde des blocs erratiques que la protection de la nature fait son appa- rition dans le bulletin de la SNSN. En effet, dans le compte-rendu de la séance du 30 novem- bre 1861, EDOUARD DESOR «demande que la Société fasse des démarches auprès des autorités compétentes pour leur demander de prendre sous leur protection les blocs erratiques dont la valeur ou la signifi cation scientifi que est reconnue». Il s’inquiète en effet de l’exploitation de ces blocs de granite qui sont très prisés dans la construction. Il poursuit en «exprimant ses craintes de voir disparaître les derniers vestiges d’un phénomène grandiose que nos après-venants pourraient révoquer en doute, si nous ne leur en laissons pas des preuves suf- fi santes». Il désigne en particulier celui qui se trouve au sommet de la roche de l’Ermitage (aujourd’hui disparu) «qui lui paraît être un argument des plus puissants en faveur de la théorie glaciaire. Sa situation au bord d’un escarpement prouve que la cause qui l’a trans- porté a dû agir avec lenteur et qu’il a été déposé sans aucune secousse». Les considérations de Desor démontrent sans équivoques que le but recherché par la préservation de ce bloc était bien le maintien des preuves de la «théorie des glaciations» plutôt que la conserva- tion du patrimoine naturel. On peut relever que cette préoccupation n’est pas nouvelle pour l’époque puisque la Ville de Neuchâtel a mis sous protection le bloc de Pierre à Bot en 1838 déjà, pour les mêmes raisons. Il s’agirait d’ailleurs du premier site protégé de Suisse.

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La Société continue à se préoccuper La conservation des blocs erratiques – activement de la protection des blocs erra- et leur cartographie – continue d’être citée tiques, comme en témoigne la communica- périodiquement dans les comptes rendus de tion de LOUIS FAVRE en 1862, qui demande la Société ou de ses commissions jusque qu’on en conserve davantage, dans diverses vers 1910, c’est-à-dire une quinzaine d’an- régions et à diverses altitudes. Elle s’engage nées après l’entrée en vigueur du Décret en 1892 dans un inventaire de tous les blocs cantonal concernant la conservation des «importants» qu’il faudrait conserver. Elle blocs erratiques du 18 avril 1895, qui sti- constitue pour ce faire une Commission pule que : «Les blocs erratiques qui existent des blocs erratiques et propose même de dans les forêts et domaines de l’Etat et des constituer des comités locaux. C’est dire communes sont déclarés inaliénables pour si ce thème est considéré comme priori- cause d’utilité publique; le Département de taire. La SNSN entreprend également des l’intérieur peut toutefois autoriser l’exploi- actions ponctuelles, comme la souscription tation de ceux qui ne présenteraient pas de publique qu’elle lance pour racheter un bloc valeur scientifi que». erratique à la commune de Bôle qui veut en Beaucoup plus récemment, un article de faire des marches d’escalier pour sa nou- JULIE RIEDER (1997) propose une approche velle école. méthodologique pour l’inventaire des géo- D’autres objets géologiques font l’ob- topes du canton sur la base d’une étude test jet de démarches de protection de la part effectuée dans les communes de Gorgier et de la Société, comme les «Roches striées de La Chaux-de-Fonds. du Mail», témoins de l’érosion glaciaire. Le compte-rendu d’une communication de LA PROTECTION DE LA FLORE LÉON DU PASQUIER (1892) donne une jus- tifi cation détaillée de l’importance de la Ce thème n’est apparu que relativement protection des blocs erratiques et d’autres tardivement dans les comptes-rendus de la témoignages de l’activité glaciaire dans le Société. En 1909, la Commission canto- Jura, notamment pour déterminer l’altitude nale neuchâteloise pour la protection des maximale des glaciers ainsi que la pro- monuments naturels et préhistoriques s’est venance des blocs, déterminée sur la base préoccupée de la protection de la fl ore pen- d’homologies avec les roches en place dans dant plusieurs séances. Elle a adressé une les Alpes. Léon Du Pasquier mentionne éga- demande au Conseil d’Etat pour qu’il pré- lement deux nouvelles raisons pour justifi er pare un décret concernant la protection de leur conservation. Certains d’entre eux ont la fl ore, destiné notamment «à protéger les été manifestement travaillés aux temps pré- espèces rares et menacées de disparition par historiques («pierres à écuelles», menhirs) des abus de récolte». Une sous-commission et devraient donc être conservés comme des étudie en 1910 une liste des plantes rares à «monuments des temps préhistoriques». protéger. D’autres «portent des colonies de plantes Toutefois, en 1912, elle change d’avis alpines» qui ne se trouvent dans le Jura que puisqu’elle considère qu’il est superfl u de sur des dépôts glaciaires et doivent donc promulguer un arrêté pour la protection de être préservés de la destruction. Il introduit la fl ore. Elle relève au passage que le Club également une nouvelle notion, celle de Jurassien est d’un avis différent et qu’elle l’existence d’une périodicité climatologique le laissera «agir seul, tant que son action dont l’étude, au travers des phénomènes ne risquera pas de devenir dangereuse pour glaciaires, permettrait d’«arriver à une pré- l’objet même de sa sollicitude»… Elle privi- vision plus ou moins certaine des périodes légie la sensibilisation et l’information plu- d’années favorables ou défavorables». tôt que des mesures de police qu’elle juge

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diffi cilement applicables. Ce changement faune. La première mention date de 1917, d’attitude est peut-être à mettre en relation année pendant laquelle elle a été sollicitée avec la nomination d’Henri Spinner, profes- au niveau national au sujet du statut de la seur de botanique, à la présidence de cette loutre dans le canton : «Nous répondîmes commission. Il semble toutefois que le Club que ce carnassier était très rare chez nous, Jurassien ait eu gain de cause, puisque le trois bêtes tuées en cinquante ans, et que le rapport pour 1914 mentionne que le Conseil problème de sa disparition ne se posait en d’Etat a promulgué en 1913 un décret en somme pas.» Cette réponse illustre proba- interdisant l’arrachage, la destruction, la blement le fait que, à cette époque, la faune vente et la cueillette en masse de 23 espè- était considérée au mieux comme gibier, ces. La Commission relève toutefois que mais plus généralement comme prédateur «nos plantes rares ne sont pas en diminution concurrent et nuisible. Toutefois, une brève et que l’éducation du public est la meilleure mention d’un compte-rendu de 1940 évoque des mesures préventives». Cependant, le fait que la Société combat «la destruction l’avis de la Société change ultérieurement, systématique de quelques animaux classés puisqu’elle demande en 1933 au gouverne- à tort dans la catégorie des nuisibles» et, en ment de prendre un nouveau décret «interdi- 1942, elle s’inquiète du pillage des œufs de sant la cueillette en grand des fl eurs et l’ar- sternes sur le môle est de la Broye. rachage de 13 espèces», après avoir constaté des excès. Deux ans plus tard, et bien que LES RÉSERVES NATURELLES cette plante soit protégée, elle relève que, malgré la cueillette en masse de cyclamens L’année 1909 voit la création d’une sous- à Frochaux («près de six cents bouquets de commission des réserves botaniques dont cyclamens sont allés parfumer la vente des le but est de déterminer des sites et éva- Missions à Lausanne»), leur nombre semble luer quelles mesures pourraient être prises augmenter et que de plus «comme il s’agit «pour conserver à l’état vierge quelques souvent du gagne-pain de familles pauvres, coins intéressants, comme par exemple une nous pensons qu’il n’y a pas lieu de s’oppo- partie du Creux-du-Van ou une des tour- ser à la cueillette de cette fl eur». bières de Pouillerel». En 1918, «un groupe Dès 1943, il semble que l’effi cacité des de sociétaires a eu l’honneur et le plaisir arrêtés pris par le gouvernement neuchâte- de travailler à la nationalisation (sic !) pro- lois soit suffi sante et que les prélèvements chaine d’une portion vierge de forêt de tour- aient cessés ou diminués, pour que la Société bière». Il s’agit du Bois des Lattes, menacé n’aborde quasiment plus ce thème à l’avenir . par l’exploitation de la tourbe qui a repris Par contre, de nouvelles activités mena- de plus belle pendant la guerre. La Société cent la fl ore, comme en témoigne une espère pouvoir créer un «Parc national en conférence sur la fl ore protégée donnée à miniature du plus haut intérêt scientifi que». la SNSN en 1976 où ADOLPHE ISCHEr relève Depuis cette période et jusqu’au début que ce ne sont plus la cueillette ou les trans- des années 1970, la SNSN s’est beaucoup plantations qui menacent la fl ore, mais les investie dans la création, l’agrandissement drainages, les corrections des cours d’eau, et la gestion des réserves naturelles, en par- les herbicides ainsi que l’entretien intensif ticulier de celle du Bois des Lattes, menacé des talus routiers et ferroviaires. tour à tour par l’exploitation de la tourbe pour le chauffage ou l’horticulture, par le LA PROTECTION DE LA FAUNE Plan Wahlen dans les années 1940, par l’ar- mée qui le transforme en champ de tir pour La Société ne semble s’être préoccu- l’aviation et enfi n par le drainage des terres pée que rarement de la protection de la agricoles qui le bordent.

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La Société a été à l’origine, souvent en l’allée de châtaigniers du château de Vau- coordination avec le Club Jurassien, de la marcus (1942). création de nombreuses réserves neuchâ- Pendant les années 1940, le président de teloises, notamment la Combe Biosse, la la SNSN est régulièrement consulté par les Marnière d’Hauterive, la Vieille Thielle, autorités cantonales au sujet des demandes les Gorges de l’Areuse, le Creux-du-Van d’abatage d’arbres le long des routes canto- et le Fanel. Concernant cette dernière nales, qu’il considère évidemment comme réserve, la SNSN s’est émue en 1938 du trop nombreuses. fait que les ordures ménagères de la ville de Berne étaient épandues sur le domaine L’ÉVOLUTION DES ACTIVITÉS RELATIVES cantonal bernois de Witzwil, à proximité À LA PROTECTION DE LA NATURE AU SEIN de la réserve, détruisant des roselières et DE LA SNSN polluant les eaux. Pour résoudre ce pro- blème intercantonal (les cantons de Vaud Les activités de la SNSN dans le domaine et de Fribourg étaient également concer- de la protection de la nature ont passable- nés), le Président (Henri Spinner) et le ment évolué dans le temps. La Société a Vice-président (Jean G. Baer) de la SNSN rapidement créé des commissions affectées ont organisé une réunion sur place, avec la spécifi quement à cette tâche. La première Commission fédérale pour la protection de à être mentionnée est la Commission des la nature et le Conseiller fédéral zougois blocs erratiques, établie en 1892. Une sous- Philipp Ettter ! C’est dire si à cette époque commission des réserves botaniques voit la SNSN avait de l’infl uence … A l’issue le jour vers 1910, de même qu’une sous- de cette réunion, le «grand-maître des Eaux commission qui est chargée de «l’étude de et Forêts de la Confédération promit d’in- la liste des plantes rares à protéger et des tervenir pour empêcher la continuation de lois ou décrets qu’il y aurait lieu de deman- cette invasion détritique» et les directeurs der à nos autorités de prendre pour arriver à de Witzwil «sous la pression amicale des une protection effi cace». autorités supérieures, se montrèrent prêts La Commission cantonale pour la conser- à des concession encourageantes». Ces vation des monuments naturels et préhisto- citations, issues du compte-rendu d’Henri riques a été constituée en 1907, suite à une Spinner, et à prendre probablement au demande de la Commission suisse pour la deuxième degré, indiquent que la SNSN a conservation des monuments naturels et eu facilement gain de cause dans ce litige préhistoriques. Elle publiera dans le bulle- avec les autorités bernoises. La création des tin un rapport sur ses activités, en principe réserves naturelles du canton, notamment annuellement, jusqu’en 1967. la Combe Biosse et la Marnière d’Haute- En 1931, en raison de la création de la rive, a souvent été précédée de très longues Commission cantonale d’archéologie, sa et tumultueuses démarches. dénomination change et devient Commis- Dans les années 1960, la SNSN a parti- sion neuchâteloise pour la protection de la cipé à l’inventaire cantonal des sites natu- nature, laquelle comprendra également des rels du canton qui a abouti en 1969 au membres issus du Club Jurassien et de la décret cantonal concernant la protection des Société romande pour l’étude et la protec- biotopes, désignant 12 « Grandes réserves» tion des oiseaux. On peut relever que peu et 10 «Petites réserves». après sa constitution, cette commission can- La SNSN s’est également occupée de tonale a protesté contre le fait que la com- la protection d’objets naturels ou paysa- mission suisse ne se soit pas opposée à une gers isolés comme un Acer pseudoplatanus demande de concession pour la construction monumental au Bas Monsieur (1941) ou d’un chemin de fer au Cervin !

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Dés 1910, la SNSN «s’est intéressée très propositions. Elle critique le fait que cette particulièrement aux efforts de la Ligue nouvelle commission ne compte que deux suisse pour la protection de la nature» (fon- biologistes sur quinze membres et qu’elle dée en 1909, actuellement Pro Natura) «et ne soit pas habilitée à rendre systématique- a décidé de lui venir en aide pour trouver ment des «préavis écologiques» en cas de de nouveaux adhérents», ce qu’elle a fait «transformation de notre potentiel biologi- en publiant un appel dans les journaux, en que cantonal». Dorénavant, la SNSN n’aura distribuant des listes d’adhésion et en don- plus d’activités propres dans le domaine de nant des conférences publiques. Le rapport la protection de la nature, si ce n’est au tra- d’activités de 1931 mentionne que, après vers des conférences qu’elle organise et des des délibérations menées au niveau natio- articles publiés dans son bulletin. nal, «les commissions cantonales pour la En parallèle, le Service cantonal des protection de la nature seront dorénavant monuments et des sites joue un rôle de fi nancées par la Ligue suisse pour la pro- plus en plus important dans le domaine de tection de la nature» et que ces commis- la protection de la nature, comme l’atteste sions cantonales rechercheront activement le compte-rendu de 1964. Cette activité des membres pour elle. On constate déjà sera reprise ultérieurement par l’Offi ce la différence entre une société scientifi que, de la conservation de la nature, puis par comme la SNSN et d’autres société ayant le Service des forêts, de la faune et de la comme but principal la conservation de nature. Dès 1996, ce service publie un rap- la nature, ce qui leur permet d’avoir une port annuel dans le bulletin de la SNSN meilleure visibilité dans le public et donc de (Nature neuchâteloise), accompagné d’un récolter des fonds. approfondissement thématique sous la En 1948, le président de la SNSN (Jean forme d’un article, ce qui permet au bul- G. Baer) participe à la création de l’UICN letin de refl éter les activités cantonales en – Union Internationale pour la Conserva- matière de protection de la nature. On peut tion de la Nature, à Fontainebleau et dont la relever d’ailleurs que la question de la pro- Ligue suisse pour la protection de la nature tection et de la gestion des tourbières y est est membre fondateur. Il en a été le prési- régulièrement évoquée, ce qui démontre dent de 1958 à 1963. que ce sujet de préoccupation soulevé par La Commission cantonale s’est chargée la SNSN il y a exactement 100 ans est tou- de mettre au point les statuts de la Ligue jours d’actualité. neuchâteloise pour la protection de la La SNSN n’était pas la seule société qui nature (LNPN), créée en 1963. Dès lors, ce s’occupait de protection de la nature dans sera surtout la LNPN qui sera active dans le canton de Neuchâtel. Le Club Jurassien le domaine de la protection de la nature (fondé en 1865) a également joué un rôle neuchâteloise, la Commission cantonale se très actif. Il semble que la plupart du temps limitant à un rôle scientifi que, technique ou la SNSN ait œuvré en étroite collaboration de conseil. Elle s’appellera d’ailleurs dès avec lui, mais qu’elle s’en est parfois distan- 1967 Commission scientifi que neuchâte- cée, le considérant probablement comme un loise pour la protection de la nature. Elle concurrent, ce qui ne semble jamais avoir est consultée pour les demandes de défri- été le cas avec la LNPN. chement ainsi que pour l’implantation de En résumé, les activités de la SNSN dans nouvelles lignes à haute tension. le domaine de la protection de la nature Ses activités cessent en 1976, peu après peuvent être séparées en trois périodes : la formation d’une Commission cantonale Une première période, s’étendant de pour la protection de la nature et du pay- 1860 à 1910, pendant laquelle la SNSN sage qui a été créée sans tenir compte de ses s’est surtout préoccupée de conserver les

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objets nécessaires aux études scientifi ques Dès 1964, ses activités de protection de ses membres, essentiellement les blocs diminuent peu à peu, puisqu’elles sont erratiques. reprises par d’autres organisations plus La période 1910-1963, au cours de idéalistes et militantes (LNPN, WWF, …), laquelle elle a développé avec beaucoup ainsi que par des services cantonaux, pour d’enthousiasme et de persévérance de nom- cesser complètement vers 1976. Elle rede- breuses activités en relation avec la protec- vient alors une Société scientifi que, en lais- tion de la nature, notamment par le biais sant toutefois une place dans son bulletin à de commissions spécialisées qu’elle a créé des informations sur l’état de la nature et de et présidé. Petit à petit la Nature devenait l’environnement cantonal. digne de protection pour elle-même et non pas uniquement comme objet de recherche scientifi que.

BIBLIOGRAPHIE MATTHEY, W. & AYER, J. 2006. Table des matières générale et index (1835-2002). Bull. Soc. neuchâtel. Sci. nat. 125/2

110 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ NEUCHÂTELOISE DES SCIENCES NATURELLES 131 :111-125. 2010

LA PHYSIQUE

ERIC JEANNET

Rue du Collège 30f, 2905 Courtedoux, Suisse.

Imaginons un gymnasien, son bac et une montre de son oncle Abraham-Louis en poche, qui décide en 1832 de s’octroyer une année sabbatique particulière : il s’embarque dans une fusée rapide1 avec des vivres pour une année. Après six mois, il fait demi-tour et revient à Neuchâtel. Le bâtiment qui était en construction lors de son départ abrite un Lycée Jean Piaget et une Bibliothèque publique et universitaire. Il y entre et trouve un gros pavé jaune intitulé Bulletins et Mémoires de la Société Neuchâteloise des Sciences Naturelles, Table des matières et index (1835-2002), 2006-Tome 125/2. Il l’ouvre, tombe sur la page 174, et apprend qu’un certain Juvet G. a donné, en 1925, une conférence intitulée « La théorie de la relati- vité et la théorie des quanta ».

Au début des années cinquante, lorsque j’ai commencé mes études à l’Université de Neuchâtel, j’avais deux passions : la cosmologie et les particules élémentaires. Je possédais l’ouvrage de Lemaître sur « L’atome primitif », et mes lectures de la revue2 « Atomes » me confortaient dans l’idée que les particules alors connues : les protons, les neutrons, les électrons, les positrons, les hypothétiques neutrinos, les muons (découverts dans le rayon- nement cosmique) et les mésons π (détectés, eux aussi, dans le rayonnement cosmique) méritaient vraiment leur nom de particules élémentaires. J’imaginais qu’avec la relativité, la théorie des quanta et ces particules élémentaires, la physique allait enfi n expliquer le monde matériel, du noyau de l’atome à la fuite des nébuleuses. Surpris comme le neveu d’Abraham-Louis, je constate aujourd’hui que le nombre des particules identifi ées3 dans les grands centres de recherche comme le CERN dépasse 300. Elles sont trop nombreuses pour être vraiment élémentaires ! Résumer 175 ans de physique est une gageure. Je me bornerai ici à rappeler les deux révolutions du début du XXème siècle : la relativité et les quanta, ainsi que les quatre inte- ractions fondamentales de la physique. La physique de la matière condensée, si importante pour elle-même et pour ses applications (supraconductivité, microélectronique, matériaux composites, nanotechnologies, etc) sera délibérément mise de côté.

FARADAY, MAXWELL ET LES LOIS FONDAMENTALES DE L’ÉLECTRODYNAMIQUE James Clerk Maxwell est né en 1831, année de la découverte de la loi d’induction par Michael Faraday, soit un an avant la création de la Société des sciences naturelles de Neu- châtel. La mécanique, après Galilée, Newton et bien d’autres, fut le premier domaine de la physique à être mathématisé dans une forme qui est devenue celle de la science actuelle. Longtemps la

* les notes infrapaginales sont regroupées de la page 122 à la page 125. 111 E. JEANNET

mécanique fut proposée comme modèle pour Expérimentateur génial, Faraday n’avait d’autres disciplines : toute la science aurait pas les connaissances mathématiques dû se réduire à la mécanique. On sait mainte- nécessaires pour mettre ses découvertes nant que cet espoir était illusoire. sous forme d’équations valables dans tous A la mort de Newton en 1727, la plupart les cas de fi gure. C’est Maxwell qui accom- des phénomènes électriques et magnétiques plira cette généralisation. Son premier étaient encore inconnus, mais dès l’Anti- article important concernant l’électricité8, quité on avait observé que des objets frottés, « On Faraday’s Lines of Force », paraît en à de la toile par exemple, pouvaient en atti- 1856. Maxwell introduit entre autres des rer d’autres, et on connaissait les proprié- champs de vecteurs9 E et H dont les lignes tés des barreaux de magnétite ; toutefois de champ ne sont autres que les lignes de l’étude des phénomènes électrostatiques forces de Faraday. Il reprend le sujet en et magnétiques commence vraiment vers 1861 en imaginant un hypothétique milieu 1600. On retiendra notamment les noms de élastique, l’éther, support des champs élec- William Gilbert, Alessandro Volta, Stephen trique E et magnétique H. Grey, Benjamin Franklin, Charles Augustin Coulomb4, Hans Christian Oersted, André Ce modèle, inventé pour attiser son ima- Marie Ampère qui sut donner, en 1827, la gination, le conduit à découvrir deux faits forme mathématique adéquate5 aux résultats capitaux : accumulés, et surtout Michael Faraday6. 1. en plus du courant électrique de Oersted avait montré qu’un courant élec- conduction, il existe un courant pro- trique dans un fi l faisait dévier l’aiguille portionnel à la variation temporelle d’une boussole voisine. Faraday est fasciné du champ électrique dE/dt qui pro- par le fait que les forces qui alignent de la duit aussi un champ magnétique ; il limaille de fer dans un plan perpendiculaire interprète ce courant comme « un au fi l n’agissent pas dans la direction du déplacement de l’électricité », fi l (comme ce serait le cas pour une force 2. lorsque ce milieu est l’objet d’une électrostatique ou une force de gravitation), vibration électrique, elle est transver- mais agissent en cercles centrés sur le fi l. Il sale et se propage avec une vitesse réalise que les théories newtoniennes clas- calculable à partir des lois de l’élec- siques ne peuvent expliquer la nature circu- trodynamique10, vitesse très voisine laire de ces forces. de celle de la lumière dans le vide11. Faraday ne tarde pas à réaliser que le Les résultats de Maxwell sont consi- phénomène inverse existe aussi : un effet gnés dans son «Treatise on Electricity and magnétique produit un courant électrique, Magnetism » paru en1873. Fondement de et il invente le principe de la dynamo en l’électrodynamique, ses équations, en nota- faisant tourner un aimant autour d’un fi l. Il tion moderne avec les opérateurs diver- comprend que c’est le mouvement de l’ai- gence et rotationnel, s’écriront plus tard de mant (pour lui la modifi cation des lignes la manière suivante dans le système d’uni- de forces7 magnétiques au cours du temps) tés MKSA (tab. 1). qui est essentiel. En 1831 il monte une La solution des équations de Maxwell expérience pour voir si les lignes de forces à l’extérieur des domaines contenant les magnétiques produites par une boucle de sources et conduit à une forme simple courant à l’intérieur d’une autre boucle i ρ des champs et : ceux-ci vibrent en conductrice peuvent y produire un courant ; E H phase dans des plans perpendiculaires et le résultat s’avère négatif dans le cas d’un se propagent dans la direction donnée par courant constant mais positif pour un cou- × avec une vitesse valant rant variable. E H

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div D = ρ D : champ de déplacement ; ρ : densité de charge électrique rot H –∂D/∂t = i H : champ magnétique ; i : densité de courant électrique rot E –∂B/∂t = 0 E : champ électrique ; B : champ d’induction magnétique div B = 0

avec D = εε0E : -12 (12) ε est la constante diélectrique (1 dans le vide) et ε0 = 8,85×10 farad/m

et B = µµ0H: µ est la perméabilité magnétique (1 dans le vide) et -7 (12) µ0 = 4π×10 henry/m Tableau 1

v = 1/√εε0µµ0 (dans le vide : c = 1/√ε0µ0) l’actif de la seconde interprétation, Joseph Fourier14, dans son ouvrage de 1822 « Théo- La lumière est ainsi une onde électroma- rie analytique de la chaleur », considère gnétique. En optique, dans un milieu d’in- encore la chaleur comme une substance dice de réfraction n, la vitesse de la lumière indestructible. est donnée par v = c/n; l’indice de réfrac- La deuxième interprétation, qui implique tion est donc lié aux propriétés électriques la transformation de travail en chaleur selon et magnétiques du milieu par une relation bien défi nie, ne s’impose qu’au ème n = √εµ milieu du XIX siècle et va permettre Devant la beauté d’un tel système d’équa- d’établir le premier principe de la thermo- tions, on comprend pourquoi le grand dynamique : celui de la conservation de physicien autrichien Ludwig Boltzmann, l’énergie, une des lois fondamentales de la physique moderne. Curieusement le deu- lorsqu’il en prit connaissance, s’exclama, 15 citant Goethe : « War es ein Gott der diese xième principe , énoncé par Sadi Carnot Zeichen schrieb ? ». en 1824 dans son ouvrage « Réfl exions sur la puissance motrice du feu », a précédé le premier. C’est un peu, note Emilio Segrè DES GAZ PARFAITS À LA MÉCANIQUE dans son livre « From Falling Bodies to STATISTIQUE Radio Waves », comme si l’on avait décou- La double question « Qu’est-ce que la vert la géométrie non euclidienne avant chaleur ? et peut-on la réduire à une autre l’euclidienne. Les premières recherches concernant les chose, plus fondamentale ? » a longtemps 16 17 divisé à la fois les chimistes et les physi- gaz conduisent William Thomson , en 1848, ciens. Pour les uns la chaleur était une subs- à la défi nition de la température absolue : tance, avec ou sans poids ; pour les autres T = θ + 273,16 c’était une forme de mouvement, éventuel- où θ est la température en degrés Celsius. lement une vibration. Avec la température absolue T, la loi des gaz La première interprétation était basée sur parfaits (ou de Boyle-Mariotte) s’écrit sim- l’observation de mélanges de substances à plement, p étant la pression du gaz enfermé différentes températures, la seconde sur la dans un volume V : production de chaleur par frottement. Mal- pV = nRT gré une expérience capitale, réalisée par où n est le nombre de moles et R = 8,314 Joule/ 13 Humphry Davy , dont les résultats sont à degré · mole la constante des gaz parfaits.

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Mais les gaz parfaits qui ont joué un rôle où N = 6,022 · 1023 est le nombre d’Avo- essentiel dans l’élaboration de la thermody- gadro. Il s’ensuit, avec k = R/N = 1,38×10- namique n’existent pas : à haute pression 23 Joule/degré (constante de Boltzman) : et basse température, tous les gaz fi nissent 3kT/ 2 = m/2 = par se liquéfi er18. Les derniers, l’hydrogène cinétique et l’hélium, furent liquéfi és respectivement Ainsi la température absolue est propor- en 1898 par James Dewar et en 1908 par tionnelle à l’énergie cinétique moyenne des Heike Kammerlingh-Onnes. L’équation de molécules. Boyle est donc une approximation, d’autant A la fi n du XIXème siècle, la physique meilleure que la pression et la température semblait pouvoir se résumer à la méca- sont éloignées des conditions de liquéfac- nique de Newton et à l’électrodynamique tion du gaz. Johann van der Waals, en 1873, de Maxwell. Toutefois, malgré les succès formule la loi suivante, relative à une mole réitérés des vérifi cations expérimentales de et basée sur la théorie cinétique des gaz ces théories, il restait quelques points obs- développée par Daniel Bernouilli dès 1738 : curs. Par exemple celui-ci : même si l’état d’un gaz est décrit par des collisions élas- (p + a/V2) · (V-b) = RT tiques entre ses molécules, phénomènes a et b étant des constantes caractéristiques réversibles22, l’expansion de ce gaz dans le de chaque gaz. vide est un phénomène irréversible. Pour Du temps de Boyle, (1627-1691), les gaz comprendre cela, il faut revenir à la thermo- sont considérés comme des fl uides conti- dynamique et à ses deux principes qui ont nus ; la notion de pression ne pose alors une portée générale. aucun problème : c’est la force exercée Le premier principe dit qu’il est impos- par le piston (qui maintient le gaz dans son sible de concevoir une machine qui crée enceinte) divisée par la surface de celui-ci. de l’énergie à partir de rien23 ; sous une Mais comment interpréter cette pression si forme plus explicite, c’est la conservation le gaz est constitué de très petites particules de l’énergie : U étant l’énergie interne d’un se déplaçant de manière désordonnée, s’at- système matériel24, c’est-à-dire la somme tirant ou se repoussant les unes les autres et des énergies cinétiques et potentielles de rebondissant sur les parois du récipient ? tous ses constituants, sa variation dU est La quantité de mouvement d’une molé- due au travail p·dV effectué et à la quantité cule qui rebondit sur une paroi est modifi ée de chaleur25 δQ fournie au système : selon la loi de Newton : d(mv)/dt = f, où dU = Q – p·dV f est la force exercée par la paroi sur cette δ molécule lors du choc. Si, hypothèse sim- Le second principe dit qu’il est impossible plifi catrice, la vitesse est perpendiculaire19 à de concevoir une machine dont l’unique la paroi, la variation de la quantité de mou- résultat serait de transformer intégrale- vement20 Ƌ(mv) à chaque choc vaut –2mv. ment en travail la chaleur contenue dans un L’intervalle de temps Ƌt entre deux chocs réservoir à température constante26, car une de la molécule (qui rebondit sur la paroi partie de cette chaleur est inévitablement opposée) est inversement proportionnel à sa « dégradée », c’est-à-dire passe sans utilisa- vitesse v ; ainsi la force Ƌ(mv)/Ƌt due à une tion possible à une température plus basse. molécule est proportionnelle à v2. En faisant Cette impossibilité est liée à une nouvelle la somme des effets de toutes les molécules grandeur, l’entropie S d’un système maté- d’une mole sur les parois21, on peut calculer riel, défi nie par sa différentielle lors d’un la pression du gaz et obtenir : échange réversible de chaleur δQrév avec l’extérieur : pV = Nm/3 = RT dS = δQrév/T

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Pour trouver cette relation, Boltzmann considère deux systèmes indépendants, A et B,

dont les entropies SA et SB et les probabilités thermodynamiques WA et WB sont liées par les expressions : SA = f(WA) et SB = f(WA). Il considère maintenant que A et B forment un seul système C avec la relation : SC = f(WC). L’entropie S est une grandeur extensive (l’augmentation d’entropie dS est proportion-

nelle à la quantité de chaleur δQ) : SC = SA + SB. D’autre part, les probabilités d’évè- nements indépendants se multiplient : WC = WA×WB . Il en résulte que la fonction f satisfait :

f(WA· WB ) = f(WA) + f(WA) On reconnaît une propriété de la fonction logarithmique. Ainsi S = constante · ln W (29) Tableau 2 où T est la température à laquelle la chaleur où k = R/A = 1,38 · 10-23 Joule/degré est la est fournie sous forme réversible. constante de Boltzmann. Le deuxième principe indique que lors d’une transformation d’un état 1 à un état LE CORPS NOIR, MAX PLANCK ET ALBERT 2 d’un système isolé de l’extérieur, la varia- EINSTEIN tion d’entropie est positive ou nulle : ∆S = S – S ≥ 0 Un résultat important de la mécanique 2 1 statistique est la loi de distribution des Si ∆S = 0, la transformation est réver- vitesses des molécules d’un gaz parfait. sible. Si ∆S > 0, elle est irréversible. Maxwell a montré que si dN est le nombre de molécules dont la vitesse est comprise Boltzmann interprète statistiquement entre v et v+dv, alors30: l’entropie comme une mesure du désordre interne d’un système matériel27. Par dN/dv = C v2 exp(-mv2/2kT) (31) exemple, un gaz parfait se manifeste exté- On peut en déduire : vmax = √2kT/m, rieurement par le volume qu’il occupe, par = √2kT/πm et = 3kT/m. sa pression et par sa température. Un état donné de ce gaz peut être réalisé par plu- Un problème qui présente quelques sieurs confi gurations microscopiques diffé- analogies avec la distribution des vitesses rentes des positions et des vitesses de ses moléculaires est celui de la lumière émise molécules. Ce nombre de confi gurations est par un corps chauffé. On sait depuis long- noté W. Un état macroscopique est d’autant temps que la température d’un four peut plus probable que W est grand28. L’évolu- être évaluée par la couleur de son intérieur. tion d’un système étant décrite, selon le Un fabricant de porcelaine signale, en 1792, deuxième principe, par une augmentation que lorsqu’ils sont chauffés, tous les corps de son entropie S, et, selon l’interprétation deviennent rouges à la même température. statistique, par une augmentation de sa pro- On appelle corps noir un objet idéal qui babilité thermodynamique W, il existe une absorbe complètement les ondes électroma- relation entre ces deux grandeurs : S = f(W). gnétiques32 incidentes. Une petite ouverture C’est donc par un raisonnement mathé- pratiquée sur une cavité, comme la porte matique (tab. 2) que Boltzmann a montré d’un four, constitue une bonne approxima- que : tion d’un tel objet. L’émissivité ou pouvoir S = k · lnW (29) d’émission e d’un corps est l’énergie élec- tromagnétique qu’il émet par seconde et par

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Que dit la thermodynamique au sujet du corps noir ? Un premier résultat, obtenu en 1859 par Kirchhoff, indique que le rapport e/a est indépendant de la nature du corps, il ne dépend que de sa température et de la fréquence de la radiation. En 1884 Boltz- mann montre, en utilisant l’électrodynamique de Maxwell, que la puissance totale émise doit être proportionnelle à T4 comme l’avait observé Josef Stefan en 1879. Un pas supplémentaire est accompli par Wilhelm Wien qui montre, en 1893, que la densité spectrale d’énergie33 u(ν,Τ) dans la cavité vaut (A et β étant des constantes) : u(ν,Τ) = Αν3exp(-βν/T) Comme la formule n’est pas vérifi ée aux basses fréquences, Max Planck va reprendre la question en supposant que les parois de la cavité sont des antennes hertziennes34 de fréquence ν émettant des ondes dont l’énergie moyenne en fonction de ν vaut . Il montre alors que35 : u(ν,Τ) = 8πν2/c3, mais calcule en identifi ant la valeur de u(ν,Τ) à celle de Wien, et, partant de la défi nition de l’entropie dS = d/T, trouve : dS/d = 1/T = [-1/βν] · ln(8π/Ac3ν) puis, pour la dérivée seconde : d2S/d2 = -1/βν. Mais si, ainsi que Rayleigh et Jeans l’ont proposé : = kT, alors dS/d = 1/T = k/, et la dérivée seconde devient : d2S/d2 = -k/2. L’expérience montre qu’aucune des expressions obtenues par Wien ou par Rayleigh- Jeans pour u(ν,Τ) n’est correcte, mais que chacune est valable dans un cas limite (respectivement ν→0 et ν→∞). Planck tente alors d’introduire une formule d’inter- polation : d2S/d2 = -1/[βν+(2/k)] et ça marche ! En intégrant, il trouve dS/d, qui est aussi égal à 1/T, ce qui permet de calculer et d’introduire sa valeur dans u(ν,Τ) = 8πν2/c3. En remplaçant β par une autre constante h telle que β=h/k pour faite apparaître kT dans l’exponen- tielle, il obtient : u(ν,Τ) = 8πhν3/c3[exp(hν/kT)-1] C’est la loi de Planck pour la radiation du corps noir et c’est ici qu’apparaît, pour la première fois, la constante h, dite de Planck.

Tableau 3 unité de surface ; le pouvoir d’absorption a mentateurs Rubens et Kurlbaum comparent est la fraction de l’énergie incidente absor- leurs résultats à ceux prédits par la formule bée (a≡1 pour le corps noir). Cette radiation de Planck : l’accord est parfait. Planck sem- est étudiée au moyen d’un spectroscope qui blait bien avoir trouvé la loi d’émission du permet d’analyser l’énergie émise par le corps noir ; mais peut-être n’était-ce qu’une corps noir dans chaque bande de fréquence heureuse interpolation qui s’avérait cor- (tab. 3). recte. Encore fallait-il en donner une justifi - Planck présente ce résultat le 19 octobre cation théorique. 1900 au séminaire de physique de l’Uni- La formule36 S = k·lnW permet de trouver versité de Berlin. Le soir même les expéri- l’état fi nal d’un système en rendant maxi-

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male l’entropie S. Pour calculer W par les considéré. Cette formule explique pour- méthodes de l’analyse combinatoire, Planck quoi vmax ne dépend pas de l’intensité lumi- trouve utile d’admettre que l’énergie émise neuse comme Hertz l’avait trouvé. On com- par chacune des antennes est un multiple prend alors qu’en augmentant l’intensité entier d’une énergie ε. Avec cette hypo- de la lumière on augmente le nombre de thèse, Planck calcule et retrouve la loi photons du faisceau lumineux (puisque vmax du corps noir. Pour justifi er cette décompo- reste le même) et, du même coup, le nombre sition utile mais non fondée théoriquement, d’électrons émis. Cette formule montre Planck imagine que ε peut devenir arbitrai- aussi pourquoi, au-dessous d’une certaine rement petit. Malheureusement pour lui, ce fréquence ν0 du rayonnement, aucun élec- n’est pas le cas : la loi de Wien, valable pour tron n’est émis39 . les hautes fréquences, ne peut être retrouvée que si ε est une énergie fi nie proportionnelle EINSTEIN ET LES RELATIVITÉS à la fréquence, précisément selon le facteur RESTREINTE ET GÉNÉRALE h : ε = hν Longtemps la nature profonde de la lumière divisa les physiciens. Pour New- L’émission d’ondes électromagnétiques ton la lumière est faite de projectiles qui se par le corps noir se fait donc par quanta déplacent à grande vitesse ; pour Huyghens d’énergie hν : la théorie des quanta était elle est faite d’ondes qui se propagent dans née ; bien que Planck fût plutôt réservé sur un milieu hypothétique, l’éther. Dès la fi n ce résultat, Albert Einstein en tirera de nom- du XIXème siècle, à la suite des travaux breuses conséquences, expliquant notam- de Maxwell, aucun doute ne subsiste: la ment l’effet photoélectrique. lumière est une onde électromagnétique. Ce phénomène, découvert en 1887 par Une question, toutefois, demeure gênante : Heinrich Hertz, consiste en l’émission les équations de Maxwell ne s’écrivent pas d’électrons par certains métaux soumis à un de la même manière dans deux systèmes de rayonnement lumineux. Ces électrons n’ont référence en mouvement relatif uniforme pas tous la même vitesse ; le spectre des l’un par rapport à l’autre, alors que c’est vitesses est limité par une vitesse maximale le cas pour la loi fondamentale de la méca- v . On constate expérimentalement, pour max nique40. Hendrik Lorentz montre que les une lumière monochromatique, que v max équations de Maxwell sont invariantes lors dépend de la fréquence ν de cette lumière de la transformation : mais qu’elle est indépendante de son inten- 2 sité, ce qui semblait contradictoire37 avec sa x’ = [x - vt]/√[1 - (v/c) ] nature ondulatoire. et que le temps, lui aussi, doit être L’explication en est donnée en 1905 par changé : Einstein : une lumière de fréquence ν est t’ = [t - vx/c2]/√[1 - (v/c)2] constituée de « grains de lumière » ou pho- 38 Lorentz, comme tous les physiciens, tons d’énergie hν, h étant la constante de considère qu’il s’agit là d’un simple arti- Planck. Lorsqu’il arrive dans un métal, un fi ce mathématique. Par contre Einstein, photon transmet en partie ou totalement qui à Berne est en charge des brevets rela- son énergie à un électron qui, dans ce der- tifs à la synchronisation des horloges41, est nier cas, est animé de la vitesse v . Ce qui max convaincu du sens à donner à ces relations. s’écrit : Dans son article fondateur de 1905, « Zur 2 hν = eφ + m(vmax )/2 Elektrodynamik bewegter Körper », il pro- où e est la charge de l’électron, m sa masse pose deux postulats qui conduisent aux et φ le potentiel qui lie l’électron au métal transformations de Lorentz :

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1. La physique est la même dans tous les qui les sépare est grand). On est ainsi amené

systèmes de référence en mouvement à considérer la masse inerte mi et la masse relatif uniforme les uns par rapport pesante mG d’un corps. Expérimentalement, aux autres. Cela signifi e que le résultat ces deux masses s’avèrent proportionnelles d’une expérience est le même pour un l’une à l’autre (On sait, depuis Galilée, que observateur lié à un de ces systèmes42. tous les corps tombent dans le vide avec la 2. La vitesse de la lumière est indépen- même accélération44). Newton a admis que dante du mouvement de sa source. le coeffi cient de proportionnalité était égal Les conséquences de ces deux postulats à 1. Ce postulat simplifi cateur est souvent sont loin d’être intuitives : dilatation du occulté dans les cours de physique … pour temps, contraction des longueurs, variation ne pas les compliquer ! 43 de la masse avec la vitesse et la célèbre Poser que mi mG conduit à des consé- équation E=mc2. Notons ici une relation quences révolutionnaires insoupçonnées : entre la quantité de mouvement p=mv, la • le temps des horloges sur la Terre dépend de l’altitude, masse au repos m0 et l’énergie totale : E2 = p2c2 + m 2c4 • la lumière est déviée par des mas- 0 ses : celle des étoiles est déviée par On constate que même si la masse m est 0 le Soleil, nulle, la quantité de mouvement ne l’est • le mouvement des planètes est modi- pas : p=E/c. fi é : avance du périhélie de Mercure, • la géométrie de l’espace doit être Cette théorie, dite relativité restreinte, reconsidérée : la géométrie adéquate établit des relations entre les trois dimen- est celle de Riemann et non plus celle sions spatiales et le temps ; elle est décrite d’Euclide, de façon élégante dans un système de coor- • les ondes gravitationnelles, données à quatre dimensions (x,y,z,ict) où • les trous noirs, i= -1 et c est la vitesse de la lumière. √ • le décalage gravitationnel de la fré- quence de la lumière vers le rouge. Einstein ne manqua pas de se demander ce qui se passe lorsque les systèmes de réfé- Les équations (non formulées ici) de la rence sont en mouvement relatif accéléré. relativité générale expriment l’effet des Ses réfl exions le conduisirent à la relativité masses sur la courbure de l’espace de Rie- générale. Alors que la relativité restreinte est mann. Leur résolution dans un cas parti- basée sur le fait que la vitesse de la lumière culier45 par le physicien russe Aleksandr ne dépend pas de la vitesse de sa source, la Friedmann, en 1922, montre que l’univers relativité générale est fondée sur le postulat est nécessairement en expansion. Or, en que la masse inerte est identique à la masse 1929, Edwin Hubble découvre la fuite des pesante. De quoi s’agit-il ? nébuleuses : l’univers est bien en expansion. Depuis quand ? C’est la physique nucléaire La quantité de matière, mesurée par sa qui répondra à cette question. masse, se manifeste de deux manières en mécanique : par des effets d’inertie (l’ac- LA MÉCANIQUE ONDULATOIRE : BOHR, DE célération d’un corps soumis à une force BROGLIE, SCHRÖDINGER ET LES AUTRES est d’autant plus petite que sa masse est grande) et par des effets gravifi ques (deux En 1885 le physicien bâlois Johann Jakob corps s’attirent mutuellement d’autant plus Balmer montre que les fréquences ν des que le produit de leurs masses est grand et raies spectrales de l’hydrogène, mesurées d’autant moins que le carré de la distance par Angström, obéissent à une loi simple46 :

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2 2 ν = R·[(1/n1 )- (1/n2 )] ticulières de E, appelées valeurs propres. Pour l’atome d’hydrogène, le potentiel U où n1 et n2 sont des entiers positifs (n1< n2) et 47 2 R est la constante de Rydberg . est le potentiel électrique (-e /4πε0) · (1/r) où A cette époque on se représente l’atome r = √x2+y2+z2 est la distance de l’électron au d’hydrogène, en analogie avec le système proton constituant le noyau. La résolution planétaire, par un électron tournant autour conduit à des valeurs propres En identiques du proton sous l’effet d’une force élec- aux niveaux prédits par Bohr ainsi qu’à trique. Mais cette image est fausse : un élec- de nouveaux nombres quantiques qui ont tron qui tourne sur son orbite est accéléré ; permis de comprendre la constitution des selon les équations de Maxwell, il émet atomes et la classifi cation des éléments par une onde électromagnétique et, en consé- Mendeleïev. quence, il perd peu à peu de l’énergie et fi nit par tomber sur le noyau. Niels Bohr ima- L’interprétation de la fonction d’onde gine alors, en 1913, qu’il existe des orbites Ψ(x,y,z) couramment admise est due à électroniques stables, d’énergies données Niels Bohr : Ψ, que rien n’empêche d’être une fonction complexe51, n’a pas de signifi - En, et que la radiation électromagnétique émise lorsque l’électron passe d’une orbite cation particulière, mais Ψ(x,y,z) · Ψ*(x,y,z) = Ψ(x,y,z)2 s’avère à l’autre est un photon d’énergie hν=E1-E2, par exemple. C’est peu dire que les propo- être la densité de probabilité de trouver la sitions de Bohr se heurtent à quantité d’ob- particule en (x;y;z). L’intégrale triple de jections... cette densité doit donc être égale à 1. Un pas suivant est accompli par Louis de Broglie qui, dans sa thèse en 1924, associe Ce caractère probabiliste de la physique à l’électron une onde (de longueur d’onde est paradoxal. En effet imaginons le cas λ) reliée à sa quantité de mouvement p=mv simple d’une particule décrite par une fonc- par λ=c/p. Il pose alors qu’une trajectoire tion uniquement de x, Ψ(x), sinusoïdale (circulaire de rayon r pour simplifi er) est par exemple. La particule a une longueur stable si : d’onde associée λ bien défi nie et, en vertu 2 r = n de la relation due à de Broglie, λ=c/p, une π λ quantité de mouvement p=mv bien défi nie. 48 où n est un nombre entier . Il peut alors cal- Mais la particule peut se trouver partout sur culer les rayons rn des trajectoires stables et l’axe Ox avec une probabilité nulle! Ainsi, trouve : si la quantité de mouvement (et donc la 2 -9 rn = r1·n avec r1 = 5,29 ·10 mètre vitesse) est bien connue, la position ne l’est Erwin Schrödinger, alors à l’Université pas. D’une manière générale, la position x de Zurich, cherche à inscrire les idées de d’une particule est entachée d’une indéter- Louis de Broglie dans une véritable théorie mination ∆x et la quantité de mouvement ondulatoire. En 1926, il publie sa célèbre d’une indétermination ∆px. Werner Heisen- équation pour une « fonction d’onde49 » berg a montré que :

Ψ(x,y,z) associée à une particule de masse ∆x · ∆px ≥ h/4π, ainsi que ∆y · ∆py ≥ h/4π m dans un potentiel U(x,y,z) : et ∆z · ∆pz ≥ h/4π et ∆E · ∆t ≥ h/4π, ∂2Ψ/∂x2 + ∂2Ψ/∂y2 + ∂2Ψ/∂z2 Ce sont les fameuses relations d’incerti- tude de la mécanique quantique. = - (8π2m/h2) [E – U(x,y,z)] · Ψ(x,y,z) Schrödinger avait en vain cherché à élabo- où h est la constante de Planck et E l’éner- rer une théorie ondulatoire relativiste52, mais gie de la particule. Les valeurs des fonctions ses résultats ne « collaient » pas avec l’ex- solutions de l’équation de Schrödinger ne périence. C’est Paul Adrien Maurice Dirac sont fi nies50 que pour certaines valeurs par- qui, en 1929, a résolu la question en propo-

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sant, pour l’électron, une équation compati- pour π− et (uŗ+dā)/√2 pour π0. Pour rendre ble avec les principes de la mécanique quan- compte des propriétés électriques des pro- tique et ceux de la relativité restreinte. Non tons et des neutrons, ces quarks devraient seulement la théorie de Dirac prédit l’exis- avoir des charges fractionnaires59 : 2e/3 tence de l’antimatière53, mais elle montre pour le quark u et -e/3 pour le quark d. que le spin54 de l’électron apparaît naturel- Fondamentalement, l’interaction forte lement dans une théorie relativiste. agit entre les quarks. Contrairement aux En relation avec le spin, mentionnons forces électriques qui diminuent lorsque sans explication complémentaire, qu’il la distance entre charges augmente, cette existe deux catégories de particules : force ne dépend pas de la distance entre les celles ayant un spin nul ou entier (photon, quarks et vaut approximativement 60 ton- méson π, …)qui sont appelées bosons55 et nes, ce qui explique pourquoi on n’observe celles ayant un spin demi-entier (électron, pas de quark libre. proton, neutron, neutrino, méson K, …), D’autres particules, comme les mésons appelées fermions56. Pauli a montré que K découverts initialement dans le rayon- deux fermions en interaction ne pouvaient nement cosmique, sont étudiées systéma- avoir des nombres quantiques tous iden- tiquement dès la mise en route des grands tiques. Ce principe d’exclusion explique, en accélérateurs de particules aux USA et au particulier, la constitution des atomes. CERN. Leurs propriétés nouvelles et bizar- res conduisent les physiciens à introduire un 60 VERS UNE THÉORIE UNIQUE DES quark s, dit étrange , puis une quark c, qua- 61 INTERACTIONS FONDAMENTALES lifi é de charme , et plus tard par des quarks t et u. Mais cela ne suffi t pas, il faut encore Nous n’avons, jusqu’ici, mentionné que introduire trois types de gluons62, particules deux théories fondamentales concernant les qui jouent, par rapport aux quarks, un rôle forces entre particules : la loi de la gravita- analogue à celui des photons par rapport tion universelle et les équations de Maxwell aux charges électriques. de l’électrodynamique. La découverte de L’interaction faible, dès sa découverte, la radioactivité57 et l’avènement de la phy- pose un problème important : la loi de la sique nucléaire, dès la fi n du XIXème siècle, conservation de l’énergie semble être vio- impliquent l’existence de deux nouvelles lée, l’énergie des particules produites lors de forces : l’interaction forte, qui explique la la désintégration β étant insuffi sante. Alors stabilité des noyaux des atomes, et l’interac- que Niels Bohr peut s’en accommoder, tion faible, qui rend compte de l’instabilité Wolfgang Pauli, dès 1930, postule l’émis- β de ceux-ci. sion non détectée d’une particule neutre de Pour expliquer l’interaction forte, incom- masse nulle. La découverte du neutron par préhensible dans le cadre de la physique James Chadwick en 1932 ne résout pourtant d’alors, des physiciens comme Murray pas la question63, mais la désintégration du Gell-Mann introduisent dès 1960 l’idée que neutron permet de préciser le problème. les hadrons58 seraient constitués d’hypothé- Les neutrons, qui servent de « ciment » tiques quarks. Ils proposent deux quarks, entre les protons du noyau atomique, sont notés u et d, et leurs antiquarks ŗ et ā : le instables lorsqu’ils sont libres, c’est-à-dire proton serait un état uud, le neutron un état non liés à des noyaux. Chadwick a trouvé que udd, l’antiproton serait ŗŗā, l’antineutron les neutrons N se désintègrent64 en protons p ŗāā ; les mésons π qui sont produits dans les et électrons e et que les électrons émis n’ont collisions proton-proton, proton-neutron et pas tous la même énergie. Si vraiment le neu- neutron-neutron, et qui sont tous instables, tron se désintégrait en deux particules : + seraient des combinaisons : uā pour π , ŗd N → p + e

120 LA PHYSIQUE

Type d’interaction Intensité relative Portée (en mètre) Particules Nucléaire forte68 1 ≈ 10-15 quarks, gluons Electromagnétique ≈ 10-2 ∞ (loi en 1/r2) charges électriques, photons Nucléaire faible ≈ 10-14 ≈ 10-18 leptons, hadrons Gravitation ≈ 10-38 ∞ (loi en 1/r2) toutes Tableau 4 les quantités de mouvement du proton et Poussés par leur curiosité, Weinberg et de l’électron seraient égales et opposées, Salam proposent, en 1967-1968, la « théo- et les électrons auraient tous la même éner- rie électrofaible », une généralisation de la gie, contrairement aux résultats expérimen- théorie de Fermi et de l’électrodynamique taux. Autre paradoxe pour Pauli, le spin du quantique, qui prédit l’existence de nou- neutron étant ½, comme celui du proton et velles particules : les bosons69 W+, W- et de l’électron, la combinaison de ces deux Z0 qui jouent, par rapport à l’électron et au spins ne peut être que 0 (soit ½-½) ou 1 (soit neutrino, un rôle analogue à celui du photon ½+½) alors que le spin du neutron est aussi par rapport aux charges électriques. ½. La particule de masse nulle65 et de spin ½ ainsi prédite par Pauli, le neutrino, sera En ce début du XXIème siècle, une théo- identifi ée en 1956 par Reiner et Cowan dans rie, dite « modèle standard », regroupe les un réacteur nucléaire. interactions fortes et électrofaibles selon le Le mode de désintégration du neutron est schéma du tableau 5 : donc : La gravitation, qui n’est pas une théorie N → p + e + ν quantique, n’en fait pas partie. Une voie e qui permet d’entrevoir une théorie plus où l’indice e signifi e que le neutrino est émis générale71 décrivant toutes les interactions en association avec un électron66. Il faut bien fondamentales est celle de la théorie des préciser que le neutron n’est pas constitué cordes, dont il existe plusieurs versions. Au d’un proton, d’un électron et d’un neutrino lieu d’idéaliser une particule fondamentale (contrairement à l’atome d’hydrogène, lui, comme un point, on imagine une corde, composé d’un proton et d’un électron) mais c’est-à-dire un objet à une dimension72, sus- que le neutron est « transmuté » en proton67 ceptible de vibrer, donc d’avoir une certaine et que l’électron et le neutrino sont alors énergie et ainsi une masse selon la relation créés. Ces particules créées lors de l’inte- E=mc2. Pour rendre compte, à la fois, du raction faible sont appelées leptons. modèle standard et de la relativité géné- La physique semble ainsi fondée sur rale, il faut envisager un espace à plusieurs quatre interactions fondamentales : la gra- dimensions pour décrire ces cordes. Une vitation dont l’explication initiale due à de ces théories nécessite un espace à dix Newton a été revue et complétée par Eins- dimensions dont six seraient « effondrées », tein, les forces électromagnétiques décryp- c’est-à-dire inférieures à 10-33cm, et par là tées par Maxwell puis généralisées dans non observables, laissant à nos instruments l’électrodynamique quantique, l’interaction de mesure les trois dimensions de l’espace nucléaire forte formalisée dans la chromo- et le temps. dynamique quantique et, fi nalement, l’inte- Prochain rendez-vous en 2010 au CERN raction nucléaire faible dont Enrico Fermi a pour savoir si le boson de Higgs existe réel- proposé la théorie. Ces quatre interactions lement ! ont des intensités et des portées très diffé- rentes (tab. 4).

121 E. JEANNET

Particules de base du modèle standard

fermions de spin ½ : − − − trois génération de leptons (e ,νe), (µ ,νµ) et (τ ,ντ), trois générations de quarks (d, u), (s, c) et (b, t), ainsi que leurs antiparticules.

bosons de spin 1 : un boson électrofaible de masse nulle, le photon γ, trois bosons électrofaibles massifs, W+, W- et Z0, huit gluons colorés.

boson de spin 0 de Higgs70.

Tableau 5

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE SEGRÈ, E. 1984. From Falling Bodies to Radio Waves. Freeman and Co, N.Y.

SEGRÈ, E. 1980. From X-Rays to Quarks”. Freeman and Co, N.Y.

WILLIAMS, W.S.C. 1991. Nuclear and Particle Physics. Clarendon Press, Oxford.

KLEIN, E. 2005. Il était sept fois la révolution. Flammarion.

BAIS, S. 2007. Les équations fondamentales de la physique. DésIris.

NOTES DE FIN

1 dont la vitesse vaut 299’787,53 km/seconde; 2 qui deviendra « La Recherche »; 3 dont la quasi-totalité sont instables ; même le proton pourrait se désintégrer selon le mode : p → π0+e+ ; la mesure est diffi cile, on pense que la vie moyenne du proton est supérieure à 1030 années; 4 qui montre que les forces entre deux charges électriques varient proportionnellement à l’inverse du carré de leur distance, comme pour la loi de l’attraction entre deux masses; 5 son ouvrage s’intitule « Sur la théorie mathématique des phénomènes électrodynamiques uniquement déduite de l’expérience »; 6 nous n’évoquerons pas ici l’électrolyse découverte par Faraday; 7 la notion de champ, due à Maxwell, n’avait pas encore vu le jour; 8 si Maxwell est considéré comme le fondateur de l’électrodynamique moderne, il est aussi un des créateurs de la thermodynamique et de la mécanique statistique;

122 LA PHYSIQUE

Tiré de http://doc.cern.ch//archive/electronic/cern/others/PHO/photo-ex/68681.jpeg CERN Document Server.

123 E. JEANNET

9 les grandeurs vectorielles sont notées ici en caractère gras; 10 vitesse calculée à partir des expériences de Kohlrausch et Weber; 11 vitesse mesurée par Fizeau;

12 ε0 et µ0 sont des constantes qui caractérisaient les propriétés de l’éther; 13 il montra que deux morceaux de glace frottés l’un contre l’autre fondaient bien que la chaleur spécifi que de la glace fût inférieure à celle de l’eau; 14 inventeur des séries de sinus et cosinus qui portent son nom; 15 voir plus loin, page 114; 16 Robert Boyle en 1662, Edme Mariotte en 1679, Alessendro Volta en 1791 et Joseph Gay-Lusssac en 1802; 17 alias Lord Kelvin; 18 historiquement on appelait vapeur l’état gazeux d’une substance dont on connaissait l’état liquide;

19 ou la composante vx, par exemple, de la vitesse v dans le cas général; 20 la description continue d(mv)/dt est approchée par une description discontinue notée par ∆(mv)/∆t; 21 on fait appel ici à une hypothèse fondamentale dite « ergodique » : on peut remplacer la moyenne des vitesses de toutes les molécules à un instant par la vitesse moyenne d’une molécule au cours du temps, notée ; 22 les lois de la mécaniques sont invariantes par rapport à une inversion du temps (changement de t en –t dans les formules); 23 historiquement, c’est l’impossibilité du mouvement perpétuel de première espèce; 24 U = U(V,T) s’exprime en fonction du volume et de la température; 25 on distingue dU, différentielle d’une fonction U(V,T), de δQ, quantité échangée indépendamment du volume et de la température; 26 c’est l’impossibilité du mouvement perpétuel de deuxième espèce; 27 dans l’exemple de l’écoulement d’un gaz par un orifi ce, les vitesses des molécules ont un certain ordre (elles sont à peu près parallèles près de l’orifi ce), ordre qui disparaît loin de l’orifi ce; 28 W est appelé « probabilité thermodynamique » bien qu’il soit supérieur à l’unité. En divisant W par le nombre total de confi gurations microscopiques possibles on obtient une probabilité au sens mathématique du terme; 29 ln désigne le logarithme népérien; 30 C est une constante qui dépend du nombre total de molécules; 31 vitesse la plus probable; 32 en particulier la lumière; 33 plus accessible au calcul, u(ν,Τ) est proportionnelle à l’émissivité : u(ν,Τ) = 4πe(ν,Τ)/c 34 pour lesquelles le rapport émissivité/absorption est indépendant de la nature du corps; 35 comme Rayleigh et Jeans l’ont proposé dans un calcul classique où =kT; 36 voir plus loin 37 l’onde électromagnétique agit sur les électrons en exerçant sur chacun d’eux une force eE ; ils subissent donc une accélération eE/m d’autant plus grande que E est grand, donc que l’intensité de la lumière est grande; 38 h = 6,623·10−34 Joule·seconde

39 pour hν0=eφ, vmax=0; 40 d2x/dt2 = F/m sur l’axe Ox devient d2x’/dt2 = F/m sur un repère O’x’ qui se déplace à la vitesse v sur Ox ; x’=x-vt est la transformation de Galilée; 41 synchronisation rendue nécessaire par le trafi c ferroviaire. A Genève, à la fi n du XIXème siècle, il y avait trois horloges à la Tour de l’Ile : celle du centre donnait l’heure de Genève, celle de gauche indiquait l’heure de l’horaire de la ligne de chemin de fer Paris-Lyon-Marseille et celle de droite affi chait l’heure de Berne; 42 ici, Einstein reprend un principe de relativité déjà présent chez Newton et dû initialement à Galilée; 2 43 m =m0/√1-(v/c) où m0 est la masse au repos;

44 la loi du mouvement d’un corps de masse inerte mi et de masse pesante mG tombant dans le vide à la surface de la Terre 2 s’écrit, a étant l’accélération de ce corps: mi a = γ mG M/R où γ est la constante de la gravitation universelle, M la masse 2 de la Terre et R son rayon; pour un autre corps, de masses mi’ et mG’, l’accélération a’ sera donnée par : mi’a’ = γ mG’ M/R

comme a = a’ on en déduit que mi/mG = mi’/mG’ = constante; 45 en posant qu’une grandeur (la constante cosmologique Λ) introduite par Einstein, pour décrire un univers statique, était nulle; Einstein regrettera toujours d’avoir introduit cette constante cosmologique; s’il vivait encore, il serait heureux de voir les cosmologistes du début du XXIème siècle réintroduire quelque chose qui ressemble à Λ pour rendre compte de la « matière noire »; 46 la loi de Balmer concerne en fait les longueurs d’onde λ=c/ν; 47 R = 109737,3 cm-1; 48 appelé désormais nombre quantique principal; 49 dont la signifi cation est précisée plus loin; 50 celles pour lesquelles ∫∫∫Ψ(x,y,z)2 dx dy dz, intégrée sur tout l’espace, est fi nie; 51 par exemple Ψ = A + iB où A et B sont des fonctions réelles;

124 LA PHYSIQUE

52 l’équation de Schrödinger présentée ici est dite « stationnaire »; Schrödinger en a proposé une autre également non relativiste, dite « dépendante du temps », pour la fonction Ψ(x,y,z,t); 53 Carl David Anderson découvre le positron, de masse égale à celle de l’électron et de charge identique mais positive, dans le rayonnement cosmique en 1932; 54 considérer une particule élémentaire comme un point n’est pas suffi sant, il faut lui adjoindre un moment cinétique s · h/2π où h/2π est une unité « naturelle » de moment cinétique et s est le spin; pour l’électron s=1/2; 55 Bose et Einstein ont décrit le comportement statistique d’un ensemble de bosons en interaction; 56 Fermi et Dirac ont décrit le comportement statistique d’un ensemble de fermions en interaction; 57 il existe trois types de radioactivité : α ou émission d’un noyau d’hélium, β ou émission d’un électron et γ ou émission de photons par le noyau atomique; 58 on appelle hadrons les particules soumises à l’interaction forte : les protons, neutrons, mésons et leurs antiparticules; 59 e = 1,602·10-19 Coulomb étant la charge élémentaire, +e pour le proton, -e pour l’électron; 60 strangeness en anglais; 61 allusion au fi lm « Le charme discret de la bourgeoisie » ?, la propriété nouvelle étant en quelque sorte cachée dans une combinaison quark-antiquark; 62 caractérisés par une « couleur » qui n’a rien à voir avec la peinture, sinon qu’il existe trois couleurs fondamentales ; la théorie s’appelle chromodynamique quantique; 63 sa masse est trop élevée; 64 la vie moyenne du neutron est de 889 secondes;

65 pour la physique actuelle, il s’agit du neutrino νe, de masse non nulle mais expérimentalement 100’000 fois inférieure à la -31 masse de l’électron me= 9,1·10 kg;

66 on sait maintenant qu’il existe trois sortes de neutrinos, νe mais aussi νµ et ντ qui sont émis, eux, avec un muon µ ou, respectivement, un tauon τ; 67 un hadron est transformé en un autre hadron; 68 il s’agit ici de l’interaction entre hadrons qui résulte, de manière compliquée, des forces entre quarks; 69 découvertes en 1983 au CERN dans des collisions proton-antiproton; les W± sont 83 fois plus lourds que le proton, et le Z0 95 fois; 70 particule hypothétique impatiemment attendue au LHC du CERN; 71 certains l’appellent « théorie du tout »; 72 ces cordes seraient très petites, leur longueur serait de l’ordre de 10-33 cm, ce qui les rendrait indétectables.

______

125

RAPPORTS SUR L’ACTIVITÉ DE LA SOCIÉTÉ EN 2007 ET EN 2008

Composition du comité au 31.12.08 L. Bovet, président; F. Kessler, trésorier; W. Matthey, rédacteur du bulletin; J. Ayer, rédacteur technique; M. Aragno, président du comité de lecture; F. Felber, délégué ASSN; B. Betschart, assesseur; L. Bovet, assesseur; C. Dufour, assesseur; P. Küpfer, assesseur; R. Stettler assesseur. Le secrétariat administratif est assuré par Mme Ninfa Foresti du Muséum d’histoire natu- relle de Neuchâtel.

Effectifs au 31.12.08 Au 31 décembre 2008, la société comptait 327 membres, dont 221 membres actifs, 6 membres à vie, 2 membres d’honneur, 52 vétérans, 46 membres collectifs (presse, bache- liers lauréats du prix SNSN, sociétés soeurs, divers). Cet effectif est légèrement inférieur à celui relevé fi n 2006 (343 membres). Les cotisations sont fi xées à Fr. 55.- pour les membres et Fr. 20.- pour les étudiants.

Manifestations Conférences 2007-2008

2007

19 janvier, Arnaud Zufferey, Dark Sky (Conférence coorganisée avec la SNA) : La pollution lumineuse en Suisse: situation et perspectives

31 janvier, Rémy Wenger, ISSKA : Cavernes : face cachée de la Terre

14 février, Anne Freitag, Musée cantonal de zoologie, Lausanne (Conférence coorganisée avec la SNE) : 1001 façons de lutter contre les insectes

7 mars, Stephan Bucher & Christophe Dufour, Muséum Neuchâtel : Visite guidée de l’ex- position aglagla…l’âge de glace...

22 mars, Paul Comtois, Université de Montréal : L’aérobiologie ou la biologie entre terre et ciel. Conférence précédée de l’Assemblée générale de la SNSN !

12 septembre, Daniel Chérix : Fourmis des bois

3 octobre, Martin Beniston : Le climat et ses incidences sur l’histoire des sociétés humaines

127 24 octobre : Christian Schluechter : Climat post-glaciaire

7 novembre, Catherine Straehler-Perrin : Grande Cariçae

21 novembre, Jean-Pierre Métraux : Défense des plantes contre les pathogènes

5 décembre, Michel Blant : Les nouvelles clés de détermination des mammifères de Suisse

19 décembre, Pierre Galland : Quel potentiel pour le Patrimoine mondial de l’UNESCO en Europe ?

2008

9 janvier, Christian Giroud : Cannabis: une plante au carrefour de la médecine légale et de la médecine clinique

23 janvier, Claude Vaucher : L’Helminthologie et ses développements actuels

6 février , André Rawyler : Des chênes en fûts aux fûts de chêne - Du vin dans le bois au bois dans le vin

20 février, Yves Gonseth & Christian Monnerat : Le CSCF, 20 ans déjà, bilan et projets en cours

29 octobre, Maurice Kottelat : 2351 années d’ichtyologie eurasiatique … mais l’inventaire n’est toujours pas terminé : Exploration, perspectives et quelques découvertes récentes

12 novembre, Louis-Felix Bersier : L’architecture des réseaux écologiques

26 novembre, Daniel Marty : Des traces de dinosaures du Jura

10 décembre, Arnaud Maeder : Une fourmi peut en cacher une autre ! Biologie de la conservation de la fourmi des bois Formica lugubris en Suisse

Le président de la SNSN Lucien Bovet

128 POURQUOI FAUT-IL SOUTENIR LA SNSN ? UN ARGUMENTAIRE.

Contenu de la lettre adressée en 2008 au Conseil d’Etat par le comité de la SNSN pour le maintien de la subvention cantonale.

• Importance culturelle. Il existe une culture scientifi que, à côté des beaux-arts tels que la musique, le théâtre, la danse, la peinture, etc. qui fait partie de la vie culturelle régionale, même si ce n’est pas la plus bruyante.

• La SNSN, plate-forme de vulgarisation et de diffusion scientifi que. Elle organise des cycles de conférences, des visites et des excursions scientifi ques, qui entretiennent le contact entre public et milieux scientifi ques. Des spécialistes viennent expo- ser les découvertes et les problèmes de leur discipline, par ex. lutte biologique, robotique, cannabis, écologie et protection des rives du lac, histoire de la parasitologie à l’Université, problème des espèces invasives, etc. De ce fait, en invitant des conférenciers appartenant à l’Université, aux Musées et à certains services de l’Etat, elle constitue une bonne vitrine pour ces institutions.

Elle est à l’origine, puis partie prenante, y compris fi nancièrement, des «Cafés scientifi - ques» qui obtiennent un succès certain. Elle constitue enfi n une interface entre les diverses institutions scientifi ques du can- ton (Université, musées, jardin botanique, autres sociétés, certains milieux industriels, recherche agricole et forestière).

• La SNSN est le contact entre le canton de Neuchâtel et l’Académie suisse des Sciences naturelles (Sc.nat.). Elle fait partie de la plate-forme «Sciences naturelles et régions» qui regroupe les 29 sociétés régionales de Suisse au sein de l’Académie.

• Le Bulletin. Le Bulletin est l’image de marque de la Société. Il est publié à 750 exemplaires qui sont distribués aux membres et qui, par échange, permettent d’acquérir gtatuitement les publica- tions d’autres institutions scientifi ques suisses et étrangères du monde entier, publications qui viennent enrichir la BPU et les bibliothèques universitaires. La publication du Bulletin est subventionnée à 45% par l’Académie, à 5% par le canton (jusqu’à fi n 2008, puis plus rien), à 30% par les auteurs et le reste par les cotisations des membres. C’est dire à quel point le fi nancement est précaire et combien la modeste contri- bution cantonale (à l’origine 4000.-, réduite à 2000.- depuis quelques années) reste indis- pensable (les 4000, et pas seulement les 2000). Le Bulletin constitue une tribune pour les publications des Services cantonaux impliqués dans la protection de l’environnement naturel et humain (eaux, air, sol) ainsi que de l’aéro- biologie (pollens), qui publient chaque année un article sur leurs activités. Inutile de souli- gner l’utilité de ces informations sur l’état de l’environnement neuchâtelois qui, autrement, restent confi dentielles. La communauté scientifi que régionale, jeunes chercheurs de l’Université, amateurs sou- vent hautement spécialisés, musées, enseignants et chercheurs professionnels y trouvent un moyen de diffusion et de vulgarisation.

129 C’est un réservoir d’informations sur la nature jurassienne, en particulier en géologie, botanique, zoologie, limnologie, tourbières. Le no 125.2 publié en 2007, qui contient la Table des matières générale du Bulletin depuis sa création en 1844 en fait foi avec plus de 5500 articles publiés à ce jour. Le Bulletin est également une source irremplaçable de renseignements sur l’histoire des sciences dans le canton et sur les personnalités scientifi ques qui ont marqué l’industrie, la médecine, les musées et l’Université. Le Bulletin est distribué et échangé avec les publications d’autres institutions scienti- fi ques suisses et étrangères. Il enrichit la Bibliothèque publique et universitaire par ses échanges et fait connaître le nom de Neuchâtel dans les cinq continents.

Nous sommes en tractation avec le Polytechnicum de Zürich pour la saisie et la mise en ligne de l’ensemble des articles scientifi ques du Bulletin et pour aider à cela, la subvention cantonale est plus qu’indispensable.

La SNSN a également publié 12 gros Mémoires (parasitologie, géologie, parasitologie, expéditions scientifi ques, archéologie).

• Aspect éthique du soutien cantonal. La SNSN fêtait en 2007 le 175ème anniversaire de sa fondation par Agassiz et de Coulon en 1832. Elle marquait aussi la parution du 125ème numéro de son Bulletin par l’édition d’une table des matière générale qui montre l’importance de sa publication sur le plan can- tonal, suisse voire international. Sera-ce aussi le moment choisi par les autorités cantonales pour supprimer tout soutien fi nancier à cette société qui fait partie de l’histoire culturelle du canton de Neuchâtel. On ne peut sans autre condamner une telle société, qui a toujours représenté les sciences régionales, ce que fait de moins en moins l’Université qui se nationalise, voire s’interna- tionalise.

Le comité de la SNSN

130 SNSN : COMPTE DE PROFITS ET PERTES 2007

Bilan 2007

Libellé DOIT AVOIR

CCP 20-1719-9 33865.21 UBS, 709.307.M1E 21985.55 BCN L171.976.08 3347.10 Titres 0.00 Correctif sur titres 0.00 IA à récupérer 0.00 Editions 1.00 Charges payées d'avance 0.00 Produits à recevoir 21894.50 Charges à payer 30042.40 Produits reçus d'avance 0.00 Capital 15000.00 Fonds Matthey-Dupraz 1129.00 Fonds F. & S. Kunz 10000.00 Provision Prix quinquennal 500.00 Provision No spécial 0.00 Provision publicité 3000.00 Provision Musée Hist, nat. 2500.00 Provision Publication 17500.00 Pertes et profits 1421.96 Totaux égaux 81093.36 81093.36

Profits & Pertes 2007

Libellé DOIT AVOIR

Subvention ASSN 13500.00 Subventions 4000.00 Subvention FNRS (Mémoires) 0.00 Subventions (Mémoires) 0.00 Taxes, ports, banque 171.25 Frais d'administration 1349.25 Assurances 0.00 Impôts 0.00 48.50 Bulletin annuel+table 12089.25 Cycle de conférences 821.15 Sortie d'été 240.00 Cotisations à payer 740.00 Prix baccalauréat 0.00 Mémoires 0.00 Rétrocesion FNRS 0.00 Frais divers 0.00 Pertes sur débiteurs 0.00 Congrès ASSN 0.00 Publicité 0 Cotisations des membres 12460.50 Dons 600.00 Contribution des auteurs 0.00 Vente de Bulletins 0.00

131 SNSN : COMPTE DE PROFITS ET PERTES 2008

Bilan 2008

Libellé DOIT AVOIR

CCP 20 - 17 24830 UBS, 709.307.M1E 22243 BCN L171.976.08 3391 Titres 0 Correctifs sur titres 0 IA à récupérer 0 Editions 2 Charges payées d'avan 0 Produits à recevoir 0 Charges à payer 0 Produits reçus d'avance 0 Capital 15000 Fonds Matthey-Dupraz 1129 Fonds F. & S. Kunz 10000 Provision Prix quinquennal 500 Provision Mémoire 0 Provision Publicité 3000 Provision Musée 2500 Provision publications 17500 Résultat Exercice (Bén 0836 Totaux égaux 50465 50465

Profits & Pertes 2008

Libellé DOIT AVOIR

Subvention ASSN 4938 Subventions 2000 Taxes, ports, banque 209 Frais d'administration 1517 Bulletin annuel 18122 Cycle de conférences 2071 Sortie d'été 110 0 Cotisations à payer 698 Prix baccalauréat 200 Frais divers 0 Pertes sur débiteurs 0 Impôt 28 Cotisations des membres 12885 Dons 820 Contribution des auteurs 0 Vente de mémoires 0 Vente de Bulletins 0 0 Produit des capitaux 155 22927 20826 Déficit sur l'excercice 2101 22927 22927

132 TABLE DES MATIÈRES DU TOME 131 (2010)

LES SCIENCES NATURELLES À TRAVERS LES PUBLICATIONS DE LA SNSN (PARTIE 1)

Willy Matthey & Jacques Ayer - 175e anniversaire de la Société neuchâteloise des Sciences naturelles. .. 3

Willy Matthey - De quelques disciplines à la recherche d’auteurs...... 7

Pierre Galland & François Felber - 150 ans d’histoire de la botanique neuchâteloise au travers des publications de la SNSN...... 17

Claude Vaucher - Une histoire de l’helminthologie lue à travers les publications de la Société neuchâteloise des Sciences naturelles...... 22

Willy Matthey - Les arthropodes dans le Bulletin...... 41

Willy Matthey - Et les Mollusques...... 69

M. S. Jacquat - 175 ans de zoologie des vertébrés dans le Bulletin et les Mémoires de la Société neuchâteloise des Sciences naturelles ...... 73

Berta Pokorni-Aebi - Limnologie et hydrobiologie neuchâteloises à travers le bulletin de la SNSN...... 91

Bertrand De Montmollin - La protection de la nature neuchâteloise à travers le bulletin de la Société neuchâteloise des Sciences naturelles (SNSN) ...... 105

Eric Jeannet - La physique...... 111

Rapports sur l’activité de la Société en 2007 et en 2008...... 127 Instructions aux auteurs...... 134

133 INSTRUCTIONS À L’INTENTION DES AUTEURS

I. Remise des documents

Les manuscrits inédits, rédigés en français ou en anglais, doivent être remis jusqu’au 15 février pour paraî- tre dans le Bulletin de l’année. Les textes sont présentés dans leur rédaction défi nitive, prêts à l’impression sur support informatique (disquette ou cd-Rom) accompagnée d’une impression papier. Les fi gures, tableaux et autres planches sont remis sous la forme de tirages ou de dessins défi nitifs, de qualité optimale, prêts à l’impression. Ils peuvent être également fournis sur disquette ou cd-Rom s’ils ont été réalisés au moyen de logiciels d’utilisation courante (Excel ou Photoshop par ex.)

Les auteurs reçoivent deux épreuves, la deuxième signée faisant offi ce de bon-à-tirer. (Pour la participation éventuelle aux frais de publication, voir deuxième page de couverture du Bulletin).

II. Remarques pour la rédaction

Mots-latins : Ils doivent être en italique dans le texte imprimé (p. ex. Scilla bifolia) et seront soulignés une fois dans le manuscrit dactylographié. Les noms français d’espèces sont écrits sans majuscules. Noms d’auteurs : Ils doivent être composés en petites capitales s’il s’agit d’une citation, p. ex. (LINNÉ, 1758), LINNÉ (1758) ou (GOTO & OZAKI, 1930). Quand plus de deux auteurs signent un travail, le nom du premier est suivi de la mention «et al.» (CORT et al.). Cette remarque n’est pas valable pour la bibliogra- phie. Si, au contraire, le nom d’auteur est associé à celui d’un taxon, il s’écrit en romain et ne doit pas être souligné (p. ex. Scilla bifolia Linné); il est recommandé dans ce cas de l’abréger, en se conformant aux abrévations usuelles (p. ex. Scilla bifolia L.). Les citations de titres d’ouvrages ou d’articles sont placés entre guillemets. Numérotation des fi gures et des planches dans le texte : Entre parenthèses et en chiffres arabes pour les fi gures et tableaux (fi g. 12, tab.1), en chiffres romains pour les planches (pl. III, fi g. 5). Dans le texte courant et dans les légendes, les mots «fi gure» et «planche» ne sont pas abrégés.

Abréviations et symboles usuels : a) Abréviations (suivies d’un point) vol. = volume fi g., tab. = fi gure, tableau t. = tome pl. = planche p. = page (pp.= pages) chap. = chapitre b) Symboles (non suivis d’un point) m = mètre g = gramme cm = centimètre kg = kilogramme mm = millimètre mg = milligramme

134 µm = micromètre, ou micron µg = microgramme (et non µ) 1µm = 10 -6 m h = heure nm = nanomètre (et non mµ) mn = minute 1 nm = 10 -9 m s = seconde km = kilomètre °C ou °K = degré Celsius ou Kelvin l = litre 1er, 2e = premier, deuxième ml = millilitre N S E W = points cardinaux µl = microlitre NE SSW = (ni trait d’union, ni espace)

Pour les autres unités : faire référence à une liste offi cielle (par ex : Ecological Society of America). c) Coordonnées géographiques : les valeurs seront indiquées en nombres décimaux, séparées par un espace (ni point, ni virgule).

Bibliographie : A établir par ordre alphabétique des noms d’auteurs et selon les modèles suivants : Livres : BERNARD, F. 1968. Les Fourmis (Hymenoptera Formicidae) d’Europe occidentale. Faune de l’Europe et du Bassin méditerranéen. Masson. Paris. Articles de revues : REZNIKOVA, L. 1983. Interspécifi c communications between ants. Behaviour 80 : 84-85. SHIMAZU, S.; HIRANO, T. & UEMATSU, T. 1987. Shape-Selective Hydrogenation by Ruthenium-Hec- torite Catalysts with Various Interlayer Distances. Appl. Catal. 34 (1) : 255.

Dans une série d’articles du même auteur, le nom de celui-ci est répété à chaque fois. Si deux articles consécutifs ont été publiés dans la même revue, le nom de celle-ci ne sera pas répété, mais remplacé par Ibid.

Référence au Bulletin de la Société neuchâteloise des Sciences naturelles : Bull. Soc. neuchâtel. Sci. nat. Légendes : Elles seront réunies à la fi n du manuscrit. Résumés : Il est recommandé de rédiger trois résumés (en français, en allemand et en anglais), donnant l’essentiel des résultats avec, si nécessaire, la traduction du titre de la publication. Les articles en anglais comprennent un résumé étendu en français. Des mots-clés en français et anglais sont également indiqués.

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