Article

Le fragment de L. Cincius (Festus p. 276 L) et le commandement des armées du

SÁNCHEZ, Pierre

Abstract

Many modern historians believe that Rome’s domination over Latium in the 5th and 4th centuries B.C. was considerably exaggerated by the annalistic tradition, and they have used a famous fragment of the antiquarian Lucius Cincius to show that, at that time, Rome exerted military command only in turn with the cities of the League ; some have concluded from it that Rome was herself a member of this league ; others have deduced from this passage that the generals designated by Rome were « Latin » or « federal » magistrates, distinct from the traditional magistrates of the . In fact, a closer lexical, grammatical and institutional analysis of the passage shows that Cincius provides the same information as the annalistic tradition : according to him, Rome was not part of the Latin League, and when the two allies fought together in the name of the foedus Cassianum, it was always the Romans who were in charge of military operations. The command of the allied armies was entrusted to a magistrate of the Roman Republic, either a praetor/consul, a military tribune with consular power, or a dictator, [...]

Reference

SÁNCHEZ, Pierre. Le fragment de L. Cincius (Festus p. 276 L) et le commandement des armées du Latium. Cahiers du Centre Gustave Glotz, 2014, vol. 25, p. 7-48

Available at: http://archive-ouverte.unige.ch/unige:83123

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1 Pierre Sánchez Le fragment de L. Cincius (Festus p. 276 L) et le commandement des armées du Latium1

La version définitive est parue dans : Cahiers du Centre Glotz 25, 2014, p. 7-48 (http://www.anhima.fr/spip.php?article18)

RÉSUMÉ De nombreux Modernes, persuadés que la tradition annalistique avait considérablement e e exagéré la puissance de Rome dans le Latium au V et au IV siècle av. J.-C., ont cru trouver dans un célèbre fragment de l’antiquaire Lucius Cincius la preuve qu’à cette époque, Rome exerçait le commandement militaire à tour de rôle ou en alternance avec les cités membres de la Ligue latine ; certains en ont conclu que Rome faisait elle-même partie de cette ligue ; d’autres ont déduit de ce passage que les généraux nommés par Rome étaient des magistrats « » ou « fédéraux », distincts des magistrats traditionnels de la République romaine. Une analyse lexicale, grammaticale et institutionnelle du passage montre qu’en réalité, Cincius donne les mêmes informations que la tradition annalistique : d’après lui, Rome ne faisait pas partie de la Ligue latine et lorsque les deux alliés combattaient ensemble au nom du foedus Cassianum, c’étaient toujours les Romains qui dirigeaient les opérations militaires. Le commandement des armées alliées était confié à un magistrat romain, préteur/consul, tribun militaire ou dictateur, nommé selon les procédures habituelles : avant de quitter Rome, il prenait les auspices sur le Capitole afin d’obtenir des dieux la confirmation des pouvoirs militaires qui lui avaient été conférés par les instances compétentes, et il était salué du titre de praetor par les armées latines à la porte de la Ville.

ABSTRACT Many modern historians believe that Rome’s domination over Latium in the 5th and 4th centuries B.C. was considerably exaggerated by the annalistic tradition, and they have used a famous fragment of the antiquarian Lucius Cincius to show that, at that time, Rome exerted military command only in turn with the cities of the Latin League ; some have concluded from it that Rome was herself a member of this league ; others have deduced from this passage that the generals designated by Rome were « Latin » or « federal » magistrates, distinct from the traditional magistrates of the Roman Republic. In fact, a closer lexical, grammatical and institutional analysis of the passage shows that Cincius provides the same information as the annalistic tradition : according to him, Rome was not part of the Latin League, and when the two allies fought together in the name of the foedus Cassianum, it was

1 Cette étude est le fruit d’un séminaire de recherche destiné aux étudiants de Master et aux doctorants de l’unité d’histoire ancienne de l’Université de Genève : que tous les participants soient ici vivement remerciés pour leur contribution à la discussion.

1 always the Romans who were in charge of military operations. The command of the allied armies was entrusted to a magistrate of the Roman Republic, either a praetor/consul, a military tribune with consular power, or a dictator, designated according to the usual procedure : before leaving Rome, the general took the auspices on the Capitol in order to obtain from the gods the confirmation of the military powers which had been conferred upon him, and he was greeted with the title of praetor by the Latin armies at the gate of the city.

INTRODUCTION La question des relations entre Rome et ce que les Modernes appellent communément « la er Ligue latine » est particulièrement controversée. Les auteurs grecs et latins de la fin du I siècle avant notre ère ont affirmé que Rome était destinée dès le départ à asseoir sa domination sur le Latium, l’Italie et le bassin méditerranéen, et qu’elle fut en mesure d’exercer son autorité sur les autres cités et peuples du Latium déjà à l’époque royale puis, après une période de conflits liés à la chute des Tarquins, dès l’issue de la bataille du Lac e Régille au début du V siècle. De nombreux Modernes, persuadés que la tradition annalistique avait considérablement exagéré la puissance de Rome à haute époque, ont défendu d’autres points de vue.

A) Les plus radicaux ont contesté que le célèbre foedus Cassianum de 493, dont les clauses sont citées par Denys d’Halicarnasse2, ait pu prendre la forme d’un traité d’alliance militaire e bilatéral entre Rome d’un côté et les cités du Latium de l’autre. D’après eux, Rome était au V siècle une cité parmi d’autres dans le Latium et elle faisait partie intégrante de la Ligue latine, sans y bénéficier de prérogatives particulières, du moins à l’origine : les cités auraient été liées entre elles par des accords multilatéraux et le commandement militaire aurait été exercé à tour de rôle par chacune d’elles, conformément aux décisions prises en commun lors des assemblées dans le sanctuaire de l’aqua Ferentina3.

B) D’autres ont estimé que la conclusion du foedus Cassianum aurait été l’occasion pour Rome d’intégrer ou de réintégrer la Ligue latine, au sein de laquelle elle aurait cependant disposé dès le départ d’une véritable prééminence en droit comme en fait, puisqu’elle aurait eu le même poids que l’ensemble des autres cités latines réunies. En raison de sa puissance, Rome aurait donc bénéficié, peut-être dès l’origine, ou du moins avec le temps, du privilège d’exercer le commandement militaire plus fréquemment que les autres cités de la ligue4.

2 Dion. Hal. 6.95.1-3. Cf. aussi Cic. Balb. 53 ; Liv. 2.22.5-7 ; 2.33.3-4 et 9 ; 6.2.3 ; 7.12.7. La bibliographie sur le foedus Cassianum est considérable : on peut partir des références données par Bengtson 1962, n° 126, p. 22-26 ; Baltrusch 2008, p. 11-12, 95 et 182-184 (il fait partie des derniers savants à contester e encore la date traditionnelle du traité au profit d’une datation dans la première moitié du IV siècle) ; Coşkun 2009, p. 31-34, n. 63-65. La dernière étude d’ensemble est maintenant celle de Sanz 2013.

3 Niebuhr 1853, p. 45-46 ; Rosenberg 1919, p. 147-150 ; Alföldi 1965, p. 119-121 ; Heurgon 1980, p. 288- 289 ; Briquel 2000, p. 177-178 ; Petrucci 2000, p. 175 ; Kremer 2006, p. 42, n. 6.

4 Zœller 1878, p. 203-207 ; Giannelli 1953, p. 183 ; Bellini 1961, p. 205, 222-223 ; Catalano 1965, p. 162- 163, 211, 213, 250 ; Ogilvie 1965, p. 399-401 et 1976, p. 97, 99, 103-104 ; Humbert 1978, p. 68 n. 64, p. 70-71 et n. 69-70 ; Ridley 1979, p. 308 ; Hermon 1989, p. 147-149, 155 ; Ampolo 1990, p. 121-130 &

2 C) D’autres encore ont accepté les données de la tradition annalistique relatives au caractère bilatéral du foedus Cassianum et ils en ont déduit que Rome ne faisait pas partie de la Ligue latine, avec laquelle elle avait passé cet accord. Selon eux, il s’agissait d’un traité conclu sur un pied d’égalité entre deux partenaires de force à peu près équivalente, à savoir la cité de Rome, déjà relativement puissante à cette date, et l’ensemble des autres cités du Latium, de taille plus modeste, mais capables de tenir tête à Rome lorsqu’elles s’unissaient ; toujours selon eux, le commandement militaire était exercé en alternance tantôt par Rome, tantôt par l’une des cités membres de la Ligue latine, selon un système de rotation spécifiquement défini dans le cadre du foedus Cassianum (par exemple une année sur deux), ou déterminé en fonction du théâtre des opérations5.

D) Finalement, plusieurs historiens ont considéré, comme ceux du groupe précédent, que e e Rome ne faisait pas partie de la Ligue latine au V et au IV siècle, mais contrairement à ces derniers, ils ont défendu l’opinion qu’elle exerçait systématiquement le commandement militaire lorsqu’elle combattait en collaboration avec les Latins au nom du foedus Cassianum, conformément à ce que rapporte la tradition annalistique6.

Ces différentes reconstitutions des relations romano-latines s’appuient toutes sur un fragment de Lucius Cincius, un antiquaire contemporain de Cicéron. Le passage, extrait d’un ouvrage aujourd’hui perdu intitulé De consulum potestate, nous a été conservé par Festus dans le De uerborum significatu, un abrégé de l’œuvre homonyme du grammairien Verrius Flaccus, actif sous Auguste et Tibère7. L’interprétation de ce fragment est particulièrement délicate, à tel point qu’Arnaldo Momigliano avait naguère estimé qu’il était préférable de confesser notre ignorance et de renoncer à lui donner un sens précis8. Il me paraît possible de faire preuve d’un peu plus d’optimisme : je me propose de reprendre ici l’analyse lexicale, grammaticale et institutionnelle de ce texte controversé afin de tenter d’en établir la signification. Il s’agira en particulier de vérifier si ce passage permet d’apporter des éléments de réponse à la question de

1996, p. 136-138 ; Bourdin 2005, p. 605-606 & 2012, p. 291-292. Cf. aussi Sanz 2013, p. 230-237, dont la position est plus hésitante, notamment p. 234 avec les n. 89 et 91, où l’auteur se rapproche des vues défendues par les historiens cités n. 6.

5 Schwegler 1885, p. 343-347 ; Von Scala 1889, p. 32 ; De Sanctis 1907, p. 99-102 & 1929, p. 236-237 ; Piganiol 1920, p. 306-307 ; Beloch 1926, p. 189-191 ; Horn 1930, p. 92 ; Hampl 1958, p. 68-69, n. 17 ; Petzold 1972, p. 405-408 (avec hésitation) ; Werner 1963, p. 463-467 ; Ilari 1974, p. 49-50 et n. 64 ; Galsterer 1976, p. 84-85 ; Timpe 1990, p. 379-380 ; Forsythe 2005, p. 186-188 ; Bourdin 2012, p. 291 & 295.

6 Mommsen 1887, p. 619, n. 2 ; Täubler 1913, p. 300 ; Gelzer 1924, col. 955-958, 961 ; Pareti 1952, p. 416- 417 ; Altheim 1953, p. 119-120 ; Pinsent 1959, p. 81-85 ; Bernardi 1973, p. 30-32 ; Tondo 1981, p. 256 ; Cornell 1989, p. 275-276 & 1995, p. 299-301 & 2000, p. 220 et n. 64 ; Baronowski 1990, p. 356-357 et n. 25 ; Bandelli 1995, p. 159-160 ; Oakley 1997, p. 339-341 ; Chiabà 2012, p. 42-45.

7 Fest. s.v. Praetor, p. 276 L ; cf. Kierdorf s.d. ; Dihle 1958 ; Grandazzi 1991 ; Glinister et al. 2007.

8 Momigliano 1989, p. 180-181 : « Con questa confessione di ignoranza possiamo concludere. Il pretore romano comandante i Latini del passo di Festo sta a indicare una fase mal nota (e non datata) dei rapporti tra Roma e il Lazio, che allo stato attuale è difficilmente interpretabile ».

3 l’éventuelle appartenance de Rome à la Ligue latine ; il faudra également reprendre la question du statut et du mode de désignation des généraux romains, qui fait l’objet d’un vif débat ; il conviendra enfin de réviser la traduction française du fragment, car celles qui figurent dans plusieurs travaux récents, mais qui remontent toutes à la traduction élaborée en 1846 par A. Savagner pour l’édition de Festus dans la collection Panckoucke9, sont imprécises, voire erronées sur certains points.

LE FRAGMENT DE CINCIUS : ESSAI D’INTERPRÉTATION Je commence par reproduire ci-dessous le texte latin, tiré de l’édition de W.M. Lindsay dans la collection Teubner (1913), suivi de la traduction française d’A. Savagner. Je mets en italiques dans le texte français les passages dont la traduction me paraît problématique ou fautive. Je procéderai ensuite à une analyse systématique de tous les segments du fragment, y compris ceux qui ne posent pas de problème de traduction. En fin d’étude, je proposerai une nouvelle traduction de l’ensemble du passage et un récapitulatif des résultats obtenus.

Praetor ad portam nunc salutatur is qui in prouinciam pro praetore aut pro consule exit. Cuius rei morem ait fuisse Cincius in libro de consulum potestate talem : Albanos rerum potitos usque ad Tullum regem ; Alba deinde diruta usque ad P. Decium Murem consulem populos Latinos ad caput Ferentinae, quod est sub monte Albano, consulere solitos, et imperium communi consilio administrare ; itaque quo anno Romanos imprs ad exercitum mittere oporteret iussu nominis Latini, conplures nostros in Capitolio a sole oriente auspiciis operam dare solitos. Vbi aues addixissent, militem illum, qui a communi Latio missus esset, illum quem aues addixerant, praetorem salutare solitum, qui eam prouinciam optineret praetoris nomine (Fest. p. 276 L).

3 ad P. Decium Orsini : at poectum F – 4 caput Ferentinae Orsini : capudo etentinae F

« Maintenant on salue du nom de préteur, à la porte de la ville, le magistrat qui se rend dans une province à la place du préteur ou du consul. Voici quel était l’usage, en cette circonstance, selon Cincius dans son traité "Du pouvoir des consuls" : "Les Albains dominèrent jusqu’au règne du roi Tullus ; ensuite, depuis la destruction d’Albe jusqu’au consulat de P. Decius Mus, les peuples latins eurent coutume de discuter leurs intérêts près de la tête de Férentine, qui est au-dessous du mont Albain, et de gouverner leurs affaires d’après une délibération commune. En conséquence, l’année où il fallait envoyer à l’armée des généraux romains sur l’ordre du nom latin, plusieurs des nôtres observaient d’ordinaire les auspices au Capitole depuis le lever du soleil. Aussitôt que les oiseaux avaient signalé le soldat envoyé par l’assemblée des Latins, on avait coutume de saluer préteur celui que les oiseaux avaient signalé, et auquel on donnait cette mission avec le titre de préteur" » (trad. A. Savagner).

Praetor ad portam nunc salutatur is qui in prouinciam pro praetore aut pro consule exit Verrius Flaccus a rédigé cette notice afin d’expliquer les origines de la salutation adressée aux gouverneurs quittant Rome pour se rendre dans leurs provinces au début de l’Empire : on peut

9 Sextus Pompeius Festus, De la signification des mots, traduit pour la première fois en français par A. Savagner, Paris, 1846, p. 416 (Bibliothèque latine-française, série 2, tome 16). Cette traduction a été reprise – avec de légères nuances qui n’affectent pas le sens général – par Briquel 2000, p. 178 (sans renvoi à Savagner), puis par Bourdin 2012, p. 292, n. 120 (renvoie à la traduction de Savagner), et enfin par Sanz 2013, p. 233, n. 73 (reprend la traduction de Briquel).

4 en effet considérer que le nunc de la première phrase renvoie à un usage en vigueur à l’époque de la rédaction du De significatu uerborum, au tout début du Ier siècle de notre ère. À cette date, le gouvernement des provinces de Rome n’était plus confié à des magistrats en fonction, comme c’était le cas sous la République, mais à d’anciens consuls ou d’anciens préteurs, qui portaient différents titres selon le type de provinces qui leur étaient confiées (proconsul, propraetor, legatus Augusti pro praetore, praefectus ou procurator)10. C’est pourquoi la traduction d’A. Savagner reproduite ci-dessus ne me paraît pas judicieuse : il faut plutôt écrire « Maintenant on salue (du titre de) préteur à la porte (de la Ville) celui qui se rend dans une province en tant que propréteur ou proconsul ».

Cuius rei morem ait fuisse Cincius in libro de consulum potestate talem Verrius Flaccus a trouvé l’explication pour l’origine de la salutatio ad portam dans une monographie que l’antiquaire Cincius avait consacrée à la magistrature suprême de la République romaine. Ce n’était donc pas l’histoire et l’organisation de la Ligue latine qui intéressaient ce dernier au premier chef, mais l’ensemble des procédures et des rituels liés à l’élection des consuls et à la collation des pouvoirs civils et militaires qui leur permettaient de diriger les affaires de la République et de commander à la fois les légions romaines et les contingents alliés. En l’occurrence, il s’agissait pour lui de comprendre le sens d’un rituel à caractère militaire qui, encore à son époque, se déroulait aux portes de Rome, alors même que les consuls et les gouverneurs des provinces avaient cessé depuis longtemps de prendre en charge le commandement de leurs troupes aux abords immédiats de la Ville. Il convient donc de considérer les informations qu’il donne sur les réunions et les débats des Latins à l’aqua Ferentina comme une simple digression destinée à introduire le rituel de la salutatio.

Albanos rerum potitos usque ad Tullum regem ; Alba deinde diruta usque ad P. Decium Murem consulem Si l’on en croit Cincius, le cérémonial de la salutatio ad portam remontait à une époque qu’il situe entre le règne de Tullus Hostilius (672-640 selon la chronologie varronienne) et le consulat de P. Decius Mus (340). Ces deux indicateurs temporels appartiennent à la chronologie de Rome, mais ils constituent l’un et l’autre des tournants dramatiques dans l’histoire des relations romano-latines dans les récits de la tradition annalistique, à laquelle l’antiquaire paraît manifestement se rattacher11. Selon cette tradition, c’est après la destruction

10 C’est en 53/52 av. J.-C. que le Sénat et le peuple (sénatus-consulte et lex Pompeia de prouiniciis), décidèrent de ne plus confier les provinces « fixes » à des préteurs en exercice ; cf. Cic. Fam. 8.8.8, avec les analyses de Giovannini 1983, p. 114-119 et Girardet 1987/2007, p. 292-300/160-169. Cf. En dernier lieu Gagliardi 2011, p. 89-104. Caes. Ciu. 1.85 et Dio Cass. 40.30.1 ; 40.46.1-2 ; 40.56.1 prétendent que la mesure fut également étendue aux provinces consulaires, mais cette question est débattue. L’annexion de l’Égypte en 30, la répartition des provinces en janvier 27 et, plus tard, la création des provinces dites « procuratoriennes » conduisirent à l’apparition de nouveaux titres pour les gouverneurs des provinces qui dépendaient directement de l’empereur. Quant aux gouverneurs des provinces placées sous l’autorité du Sénat, ils portèrent tous, désormais, le titre de proconsul.

11 Cornell 1995, p. 300-301 ; Oakley 1997, p. 340.

5 d’Albe-la-Longue par Tullus Hostilius que les Romains auraient tenté pour la première fois d’établir leur autorité sur les Latins12, et c’est sous le consulat de Decius Mus que ces derniers furent définitivement soumis et en grande partie incorporés dans la ciuitas Romana. En d’autres termes, d’après Cincius, le rituel de la salutatio trouve son origine durant les siècles où les Romains n’ont cessé de revendiquer l’hégémonie sur le Latium.

On peut noter qu’il ne parle pas des conflits qui ont opposé Rome aux Latins à plusieurs e reprises entre l’époque royale et le IV siècle ; il ne mentionne ni les traités conclus sous les rois, ni le foedus Cassianum de 493, renouvelé en 358. Son silence peut parfaitement s’expliquer : il n’était ni nécessaire, ni surtout profitable pour sa démonstration de signaler que le rituel de la salutatio avait probablement connu des interruptions, notamment au début e e du V siècle, puis à nouveau dans la première moitié du IV siècle, ou d’admettre qu’il ne remontait peut-être pas à une époque aussi reculée que le règne de Tullus Hostilius ; tout au contraire, pour justifier la permanence de ce rituel jusqu’à son époque, il avait intérêt à prétendre que les Latins n’avaient jamais dérogé à cet usage entre la destruction d’Albe et la dissolution de la Ligue latine.

Cela dit, Cincius mentionne plus loin la nomination d’un magistrat romain salué du titre de praetor par les Latins, et la plupart des Modernes en ont déduit, sans doute à juste titre, que la procédure décrite correspondait en réalité à la situation en vigueur après la mise en place du régime républicain à Rome, et plus précisément après la conclusion du foedus Cassianum au e 13 début du V siècle. Nous reviendrons sur ce point en fin d’étude .

Populi Latini / nomen Latinum / commune Latium Il convient d’établir dès maintenant le sens de ces trois formules, qui apparaissent successivement dans le fragment, en examinant de quelle façon elles sont employées par les auteurs contemporains de Cincius14. Les expressions populi Latini et populi Latinorum apparaissent chez Cicéron, chez Varron et à plusieurs reprises chez Tite-Live. À quelques exceptions près, tous ces passages concernent l’histoire ancienne du Latium entre le règne d’Ancus Marcius et la guerre romano-latine de 340-338, soit à peu près la même période que celle prise en compte par Cincius15 : d’après ces auteurs, les populi Latini sont les différentes

12 Liv. 1.30.1 ; 1.32 ; Dion. Hal. 3.34.1-5. Sur Albe-la-Longue, cf. la synthèse récente de Grandazzi 2008.

13 Selon Rosenberg 1919, p. 150 ; Werner 1963, p. 467 ; Forsythe 2005, p. 188, il s’agit de la situation en e vigueur au V siècle, alors que d’après Schwegler 1885, p. 347, le passage décrit la situation qui prévalait entre 358 et 340. Contra : Hermon 1989, p. 148-149, qui plaide en faveur de la période royale.

14 Sur ces notions, cf. Liou-Gille 1997 & 2003 ; Bourdin 2012, p. 143-147 & 175-205.

15 Varr. Ling. Lat. 6.25 ; Liv. 1.32.13 ; 1.45.2 ; 1.51.8 ; 2.14.6 ; 2.33.4 ; 6.6.4 ; 6.7.1 ; 6.30.8 ; 6.33.6 ; 7.25.5 ; 7.27.5 ; 8.11.9 ; 8.12.6 ; 8.13.10 ; 8.14.10. Pour la période postérieure à la dissolution de la Ligue latine, cf. Liv. 9.42.10 ; 23.12.16 ; 23.22.5 ; Cic. Balb. 54 (populi Latini = socii nominis Latini). Cf. aussi Enn. An. 1.22 ; Verg. Aen. 7.716 (& Serv. ad loc), qui concernent les origines du Latium. La formule populi Latini / Latinorum est fréquemment remplacée par le substantif simple Latini, qui a exactement le même sens lorsque le contexte est identique.

6 communautés politiques qui appartenaient au groupe ethnique et culturel des Latins et qui, à e partir du VI siècle au moins, étaient membres d’une organisation politique et militaire disposant d’une assemblée commune (commune concilium Latinorum), que nous appelons aujourd’hui la « Ligue latine »16.

e e Cette définition vaut également pour le nomen Latinum. Au III et au II siècle, cette expression, accolée au substantif socii, désigne l’ensemble des alliés de statut latin – pour la plupart des colonies latines –, qui fournissaient des troupes auxiliaires à Rome aux côtés des autres socii de l’Italie17. Mais lorsque Tite-Live l’utilise à propos d’événements antérieurs à la dissolution de la Ligue latine, la formule englobe l’ensemble des peuples qui portaient le nom de Latins et qui étaient membres de la Ligue latine18. L’expression commune Latium dans le passage de Cincius est un hapax, mais on trouve à plusieurs reprises chez Tite-Live le substantif simple Latium dans un sens politique19 : ces deux expressions désignent elles aussi l’ensemble des peuples du Latium qui participaient aux assemblées de la ligue.

Sous la plume de Tite-Live, le populus Romanus a un statut à part, quoiqu’il soit rattaché au groupe ethnique et culturel des Latins : il ne fait pas partie du nomen Latinum ou des populi Latini qui siègent en tant membres « ordinaires » au commune concilium Latinorum. Cet auteur dépeint toujours les rapports diplomatiques entre Rome et les Latins comme des relations bipartites fondées sur une série de traités bilatéraux20 : le plus souvent, c’est en envoyant des ambassadeurs à Rome même que les Latins communiquent avec les autorités

16 Pour populus dans le sens de communauté politique, cf. aussi Cat. Orig. F 58 Peter = F 2.28 Chassignet (Hi populi communiter : Tusculanus, Aricinus, Lanuuinus, Laurens, Coranus, Tiburtis, Pometinus, Ardeatis Rutulus). Pour le commune concilium Latinorum, cf. Liv. 1.51.8 ; 6.10.7 ; 6.33.6 ; 7.25.5 ; 7.28.2 ; 8.3.10. Pour la cité latine d’Ardée, mais dont le peuplement était d’origine rutule, cf. Bourdin 2005.

17 Liv. 29.27.2 (texte authentique ? de la prière de Scipion en 205) ; ILS 18, l. 7 (sénatus-consulte sur les Bacchanales de 186) ; Rom. Stat. I, n° 1, l. 1 (lex repetundarum de 123) ; n° 2, l. 21 et 50 (lex agraria de 111) ; n° 8, l. 12 (fragment de Tarente). Ces expressions et leurs variantes attestées dans les sources littéraires ont été maintes fois étudiées : cf. notamment Mommsen 1887, p. 653, n. 1, 660-663 ; Wegner 1969, p. 95-104 ; Catalano 1965, p. 284-288 ; Ilari 1974, p. 1-23 ; Coşkun 2009, p. 170-174 ; Sanz 2013, p. 167-181.

18 Liv. 1.38.3-5 ; 1.49.9 ; 1.50.4 ; 1.52.4 ; 2.22.7 ; 2.41.6 ; 7.28.2 ; 8.3.8 ; 8.4.12.

19 Liv. 2.22.4 ; 6.21.2 ; 7.27.5 ; 7.28.2 ; 8.3.9 ; 8.4.5 ; 8.5.5 ; etc. Cf. à titre de parallèle en grec Dion. Hal. 5.52.2 ; 5.54.5 ; 5.61.1 (τὸ κοινὸν τῶν Λατίνων).

20 Liv. 1.32.3 & 9-14 (dénonciation du traité conclu avec les Prisci Latini par les féciaux) ; 1.38.3-5 (guerre, puis traité de paix avec les Prisci Latini / le nomen Latinum) ; 1.49.8-52.6, notamment 52.2 & 5 (nouveau traité entre Rome et les Latins) ; 2.22.7 ; 2.33.4 & 9 (foedus Cassianum) ; 2.41.1 & 6 (partage des terres conquises en deux parts égales entre Rome et ses alliés du nomen Latinum) ; 7.12.7 (renouvellement du traité) ; 7.25.5-6 (les Latins réunis en assemblée refusent leur aide aux Romains) ; 7.42.8 (trahison des Latins) ; 8.3.8-10 ; 8.4-5 ; 8.4.12 (les Latins déclarent la guerre à Rome) ; 8.13-14 (dissolution de la Ligue latine). Denys d’Halicarnasse donne à peu près les mêmes informations. Cf. aussi Cic. Balb. 53 ; Dion. Hal. 6.95.1-3 ; 8.74.2 ; 8.76.2 ; 8.77.2-3 ; 8.78.2 ; Plin. Nat. 34.20 (foedus Cassianum ; partage du butin en deux, puis en trois parts égales, d’abord avec les Latins, puis avec ces derniers et les Herniques).

7 romaines, et non à l’occasion des assemblées de la ligue, même s’il arrive parfois que les rois de Rome ou des légats romains se rendent à l’aqua Ferentina21.

Conformément à cette logique, Tite-live prétend que le roi Tarquin l’Ancien aurait soumis tout le nomen Latinum, ainsi que plusieurs cités qui avaient fait défection (sous-entendu de l’alliance romaine) pour se rallier aux Latins22 ; plus loin, il rapporte que son successeur Servius Tullius serait parvenu à convaincre les populi Latini de construire un sanctuaire sur l’Aventin en collaboration avec le populus Romanus23 ; ailleurs encore, il affirme que les Latins étaient furieux contre la cité de parce qu’elle avait abandonné la Ligue latine pour rejoindre l’alliance de Rome et entrer dans la ciuitas Romana24. De même, Varron dit que les populi Latini avaient droit à une part de viande aux côtés du peuple romain lorsqu’on célébrait les Féries latines sur le Mont Albain25. On pourrait multiplier les exemples en faisant le catalogue de tous les passages où Tite-Live parle de la défection des Latins, et l’on peut relever pour terminer qu’aucune des listes nominatives de populi du Latium conservées par les sources antiques ne comprend le populus Romanus26.

Si l’on considère les préoccupations et le point de vue romano-centriste de Cincius, ainsi que le cadre chronologique et historique dans lequel il a situé les origines de la salutatio, qui est le même que celui de la tradition annalistique, il paraît a priori probable que populi Latini, nomen Latinum et (commune) Latium aient chez lui la même signification que chez Varron ou chez Tite-Live : ces formules désignent vraisemblablement les communautés réunies au sein d’une ligue politique et militaire avec laquelle Rome entretenait des relations constantes, mais

21 Liv. 1.49.8-52.6 (Tarquin le Superbe convoque les Latins à l’aqua Ferentina et revendique l’hégémonie) ; 2.30.8 ; 3.22.2 ; 3.57.7 ; 4.26.1 ; 4.37.4 ; 7.19.6 (ambassades latines à Rome) ; Liv. 6.10.6-7 ; 7.25.5-6 (ambassades romaines à l’aqua Ferentina).

22 Liv. 1.38.4-5 (omne nomen Latinum domuit : Corniculum, Ficulea uetus, , Crustumerium, Ameriola, Medullia, Nomentum, haec de Priscis Latinis aut qui ad Latinos defecerant, capta oppida. Pax deinde est facta). Tite-Live semble confondre ici l’ensemble du nomen Latinum avec les cités de l’ager Latiniensis. Cf. Bourdin 2012, p. 286.

23 Liv. 1.45.2 (perpulit tandem, ut Romae fanum Dianae populi Latini cum populo Romano facerent).

24 Liv. 6.33.6 (incensos ea rabie impetus Tusculum tulit ob iram, quod deserto communi concilio Latinorum non in societatem modo Romanam sed etiam in ciuitatem se dedissent).

25 Varr. Ling. Lat. 6.25 (similiter Latinae feriae dies conceptiuus dictus a Latinis populis, quibus ex Albano monte ex sacris carnem petere fuit ius cum Romanis, a quibus Latinis Latinae dictae). Pour cette distinction entre Romains et Latins aux Féries Latines, cf. aussi Dion. Hal. 4.49.3 (ὁ Ταρκύνιος λαμβάνων ἱερὸν ἔγνω κοινὸν ἀποδεῖξαι Ῥωμαίων τε καὶ Λατίνων καὶ Ἑρνίκων καὶ Οὐολούσκων τῶν ἐγγραψαμένων εἰς τὴν συμμαχίαν).

26 Cat. Orig. F 58 Peter = F 2.28 Chassignet (peuples impliqués dans la dédicace d’un bois sacré à Nemi) ; Diod. 7.5.9 (colonies albaines) ; Liv. 1.38.4 (cités soumises par Tarquin) ; Dion. Hal. 5.61.3 (cités réunies à l’aqua Ferentina pour déclarer la guerre à Rome) ; Plin. Nat. 3.68-69 (anciens peuples du Latium et populi Albenses). Les savants discutent à l’envi afin de déterminer si ces listes sont complètes ou incomplètes. Pour un état de la question, cf. Bourdin 2012, p. 277-298 ; Coarelli 2012b, p. 371-374.

8 dont elle-même ne faisait pas partie. Plusieurs indices tirés de la suite du passage permettront de corroborer cette interprétation.

Ad caput Ferentinae consulere solitos La localisation du sanctuaire de l’aqua Ferentina, longtemps débattue, n’est plus contestée aujourd’hui : il se trouvait à proximité du lacus Turni, aujourd’hui appelé « il Laghetto »27. Pris au pied de la lettre, le témoignage de Cincius laisse croire que les Latins ne se réunissaient que dans ce sanctuaire : l’antiquaire ne dit mot de la tentative de Servius Tullius de faire du sanctuaire de Diane sur l’Aventin un lieu de réunion commun aux Romains et aux Latins, sans doute parce que ce projet fut un échec à court terme28, et il semble ignorer le fait que les Latins avaient d’autres sanctuaires communs, notamment à Nemi près d’Aricie, à Cornè près de Tusculum, ou encore à et à Ardée, dans lesquels ils ont peut-être tenu leurs assemblées29. Le point de vue de Cincius est identique à celui de la tradition annalistique, qui ne mentionne aucun de ces quatre sanctuaires : d’après Titre-Live et Denys d’Halicarnasse, c’est à l’aqua Ferentina que se réunissaient les Latins du temps des rois de e e 30 Rome, et c’est là que se tenait le commune concilium Latinorum au V et au IV siècle . De toute évidence, ces trois auteurs estiment que le sanctuaire d’Aricie a été le seul véritable centre politique des Latins durant toute la période considérée31.

Imperium communi consilio administrare A. Savagner a traduit ce membre de phrase par « [Ils eurent coutume] (…) de gouverner leurs affaires d’après une délibération commune », mais la suite du passage montre clairement que le mot imperium se réfère ici à la question précise du commandement des armées du Latium,

27 Liv. 1.51.9 (Caput aquae Ferentinae) ; Liv. 1.50.1 ; 1.52.5 ; 7.25.5 (Lucus Ferentinae) ; 2.38.1 (Caput Ferentinum) ; Dion. Hal. 3.34.3 ; 3.51.3 ; 4.45.3 ; 5.50.2 ; 5.61.1. Cf. Ampolo 1981 & 1993, p. 163-164 ; Barzanò 1991 ; Grandazzi 1996.

28 Liv. 1.45.2-3 ; Varr. Ling. Lat. 5.43 ; Dion. Hal. 4.25.3-26.6. Cf. les pages excellentes de Green 2007, p. 102-105, 108-111. D’autres avis ont été exprimés sur la date de fondation et la fonction du sanctuaire de e l’Aventin : d’après Alföldi 1961, Schilling 1964 et Gjerstad 1970, il aurait été créé au V siècle, après la victoire des Romains sur les Latins au Lac Régille ; quant à Gras 1987, il met en doute la fonction « fédérale » du sanctuaire et il établit un lien avec l’Artémis de Marseille. Pour sa part, Malaspina 1994- 1995 plaide pour le non liquet, tant en ce qui concerne la date que la fonction du sanctuaire.

29 Cat. Orig. F 58 Peter = F 2.28 Chassignet (Lucum Dianium in nemore Aricino Egerius Baebius Tusculanus dedicauit dicator Latinus. Hi populi communiter : Tusculanus, Aricinus, Lanuuinus, Laurens, Coranus, Tiburtis, Pometinus, Ardeatis Rutulus) ; Plin. Nat. 16.242 (est in suburbano Tusculani agri colle, qui Corne appellatur, lucus antiqua religione Dianae sacratus a Latio) ; Strab. 5.3.5 (Ἀνὰ μέσον δὲ τούτων τῶν πόλεων ἐστὶ τὸ Λαουίνιον, ἔχον κοινὸν τῶν Λατίνων ἱερὸν Ἀφροδίτης· ... Ὑπέρκειται δὲ τούτων ἡ Ἀρδέα κατοικία Ῥουτούλων ἐν ἑβδομήκοντα σταδίοις ἀπὸ τῆς θαλάττης. Ἔστι δὲ καὶ ταύτης πλησίον Ἀφροδίσιον, ὅπου πανηγυρίζουσι Λατῖνοι). Cf. Cicala 1976-1977 ; Ampolo 1983 & 1993, p. 161-163 ; Liou-Gille 1992 ; Zevi 1995, p. 127-131 ; Green 2007, p. 3-14 & 87-111 ; Coarelli 2012a & 2012b.

30 Liv. 1.50.1 ; 1.51.9 ; 1.52.5 ; 2.38.1 ; 7.25.5 ; Dion. Hal. 3.34.3 ; 3.51.3 ; 4.45.3 ; 5.50.2 ; 5.61.1.

31 Cf. Cicala 1976-1977 ; Zevi 1995, p. 123.

9 dont la gestion, c’est-à-dire son attribution, incombait aux délégués réunis à l’aqua Ferentina. La formule imperium communi consilio administrare indique que cette question faisait à chaque fois l’objet d’une délibération à l’assemblée, et l’on peut en déduire que, dans l’esprit de Cincius, il n’existait pas de règlement ou de clause figurant dans un traité qui aurait établi une fois pour toutes un système d’alternance automatique entre Rome et les Latins, ou de rotation entre les différentes cités membres de la ligue, comme l’ont imaginé de nombreux Modernes32. Ces débats à l’assemblée avaient pour premier objet de décider de l’opportunité de mettre sur pied une armée commune afin d’assurer la défense du Latium ; il s’agissait ensuite de choisir un général qui, nous le verrons plus loin, était élu parmi les personnalités les plus influentes au sein des principales cités de la ligue.

Quo anno Cette indication temporelle renvoie le plus souvent à un événement unique et précisément daté, du type « l’année où un tel fut consul / l’année où telle ville fut détruite »33, mais ce n’est manifestement pas le sens qui convient ici. Plus rarement, il arrive que cette expression soit employée à propos d’un événement destiné à se produire plusieurs fois, selon un cycle qui peut suivre un calendrier préétabli ou qui peut être déterminé de façon aléatoire par les circonstances. Deux passages tirés du Digeste de Justinien permettront de saisir la nuance, qui est essentielle pour notre propos34 :

Cum bisextum kalendis est, nihil refert, utrum priore an posteriore die quis natus sit, et deinceps sextum kalendas eius natalis dies est : nam id biduum pro uno die habetur. Sed posterior dies intercalatur, non prior: ideo quo anno intercalatum non est sexto kalendas natus, cum bisextum kalendis est, priorem diem natalem habet (Dig. 50.16.98.pr.). « Lorsqu’il y a répétition du sixième jour aux Calendes, il n’importe pas de déterminer si une personne est née le premier ou le deuxième jour et, par la suite, son jour de naissance sera le sixième jour avant les Calendes : en effet, ces deux jours sont considérés comme un seul et même jour, mais c’est le deuxième jour qui est intercalé, et non le premier ; c’est pourquoi une personne née le sixième jour avant les Calendes une année où (quo anno) il n’y a pas d’intercalation fête son anniversaire le premier jour lorsqu’il y a répétition du sixième jour aux Calendes ».

"Ex eo uino quod in illo fundo nascetur, heres meus amphoras decem quotannis in annos singulos dato". Quo anno natum non fuisset, ex superiore anno eius fundi eum numerum amphorarum heredem daturum Sabinus existimat (Dig. 33.6.13.pr.).

32 Cf. notamment De Sanctis 1907, p. 99 (Rome exerce le commandement une année sur deux) ; Alföldi 1965, p. 119 (les cités latines exercent le commandement à tour de rôle) ; cf. aussi Coli 1951, p. 148 ; Werner 1963, p. 463 ; Ogilvie 1965, p. 400 ; Galsterer 1976, p. 85 ; Heurgon 1980, p. 289 ; Timpe 1990, p. 379 ; Ampolo 1990, p. 128 & 1996, p. 138 ; Petrucci 2000, p. 175 ; Kremer 2006, p. 42, n. 6. Notons au passage qu’aucun des traités d’alliance militaire conclus par Rome aux trois derniers siècles de la République, qui suivent le même schéma que le foedus Cassianum, ne contient une clause relative au commandement militaire.

33 Cic. Att. 13.33.3 ; Liv. 3.51.13 ; Asc. in Pis. p. 1C ; in Mil. p. 48C ; in Corn. p. 59C ; Vell. 1.9.5 ; 1.14.6 et 8 ; 2.12.3 ; 2.58.1 ; Plin. Nat. 7.35 ; 10.36 ; 11.189 ; 18.166 ; Tac. Dial. 17.2.

34 Cf. dans le même sens Dig. 22.1.17.pr ; Cat. Agr. 161.2 ; Col. Arb. 19.1.

10 « "Sur le vin produit dans cette propriété, mon héritier donnera chaque année dix amphores par année". L’année où (quo anno) rien n’est produit, Sabinus estime que l’héritier devra (néanmoins) donner le nombre d’amphores (requis en le prélevant) sur (la production de) l’année précédente de cette propriété ».

Dans le premier extrait, l’expression quo anno se réfère à toutes les années non bissextiles, qui se suivent selon un rythme parfaitement régulier fixé une fois pour toutes par le calendrier romain, tel qu’il a été réformé par Jules César. Dans le deuxième extrait, ce sont les conditions météorologiques, changeantes et imprévisibles d’une année à l’autre, qui déterminent la récurrence éventuelle des années où la vigne ne produit rien. C’est le second sens qu’il convient de retenir pour notre passage puisque – on l’a vu dans la section précédente – l’attribution du commandement militaire n’était pas fixée par un règlement ou par un traité, mais faisait chaque année l’objet d’un débat, dont les termes et l’issue étaient évidemment déterminés par les circonstances et par des considérations politiques et géostratégiques35.

Romanos imperatores ad exercitum mittere Le manuscrit porte la leçon imprs, que les éditeurs ont généralement interprétée comme le pluriel du mot imperator. Quelques historiens ont proposé de corriger le texte en imp(e)r(atore)36 en se fondant notamment sur le fait que la suite du passage évoque la désignation d’un seul praetor à la fois. Cette correction est séduisante, mais elle ne me paraît pas absolument nécessaire, dans la mesure où le singulier quo anno a en réalité une valeur plurielle : « l’année où il fallait que les Romains etc. » signifie « toutes les années où il fallait que les Romains etc. ». L’emploi du pluriel imperatores peut parfaitement se justifier dans ce contexte, me semble-t-il.

Contrairement à ce que croyait A. Savagner, le mot Romanos n’est pas un adjectif qualifiant le terme imperatores (« il fallait envoyer à l’armée des généraux romains »), car il aurait été placé après le substantif dans ce cas37. Compte tenu de sa position dans la phrase, Romanos doit nécessairement être compris comme le sujet de la proposition infinitive imperatores ad exercitum mittere (« il fallait que les Romains envoient des généraux à l’armée »)38. On pourrait penser qu’il s’agit là d’une nuance sans conséquence, mais ce n’est pas le cas. Cette construction verbale indique en effet que l’assemblée des Latins n’avait pas la compétence d’élire elle-même les généraux romains placés à la tête des armées du Latium : son rôle se limitait à demander aux Romains de désigner le commandant en chef, et celui-ci était nommé à Rome même par les instances compétentes, selon la procédure évoquée par Cincius dans la

35 D’après Beloch 1926, p. 190-191 et Frezza 1947, p. 281, le général était choisi dans la cité sur le territoire de laquelle se déroulaient les opérations.

36 Schwegler 1885, p. 344, n. 2 ; Coli 1951, p. 163 et n. 62 ; Catalano 1965, p. 163 et 211.

37 Liv. 26.7.5 ; 26.13.2 ; 26.14.7 ; 27.4.6 ; 37.48.6 ; 39.26.5.

38 Werner 1963, p. 464, n. 2.

11 suite du passage. C’est un point capital pour l’interprétation des relations romano-latines, telles que les conçoit l’antiquaire, mais il n’a guère été exploité par les Modernes39.

Les auteurs latins ne donnent aucune indication sur la manière dont étaient désignés les chefs militaires originaires des différentes cités membres de la ligue, mais Denys d’Halicarnasse affirme à trois reprises qu’ils étaient élus directement par l’assemblée réunie à l’aqua Ferentina. D’après cet historien, les délégués élisaient les individus qui seraient chargés du commandement, et il n’est jamais question de confier la conduite de la guerre à telle ou telle cité de la ligue, qui se serait ensuite chargée de nommer l’un de ses ressortissants :

Αἱ δὲ τῶν Λατίνων πόλεις ἰδίᾳ μὲν οὐδὲν ἀπεκρίναντο πρὸς τοὺς πρέσβεις, κοινῇ δὲ τοῦ ἔθνους ἀγορὰν ἐν Φερεντίνῳ ποιησάμενοι ψηφίζονται μὴ παραχωρεῖν Ῥωμαίοις τῆς ἀρχῆς καὶ αὐτίκα αἱροῦνται δύο στρατηγοὺς αὐτοκράτορας εἰρήνης τε καὶ πολέμου, Ἄγκον Πουπλίκιον ἐκ πόλεως Κόρας καὶ Σπούσιον Οὐεκίλιον ἐκ Λαουϊνίου (3.34.3). « Les cités latines ne répondirent pas à titre individuel aux ambassadeurs (romains), mais elles tinrent une assemblée commune à tout le peuple (latin) à Ferentinum, elles votèrent de ne pas conférer l’hégémonie aux Romains et elles élirent aussitôt deux généraux munis des pleins pouvoirs dans la paix et dans la guerre, Ancus Publicius, de la cité de Cora, et Spusius Vecilius, de Lavinium ».

Καὶ γίνεται κοινὴ τῶν συναγομένων εἰς Φερεντῖνον ἀγορὰ πλὴν μιᾶς τῆς Ῥωμαίων πόλεως (ταύτῃ γὰρ οὐκ ἐπήγγειλαν μόνῃ παρεῖναι, καθάπερ εἰώθεσαν), ἐν ᾗ ψῆφον ἐνεγκεῖν ἔδει τὰς πόλεις περὶ τοῦ πολέμου καὶ στρατηγοὺς ἀποδεῖξαι καὶ περὶ τῶν ἄλλων βουλεύσασθαι παρασκευῶν (5.50.2). « Il y eut une assemblée commune des cités qui se réunissaient à Ferentinum, à l’exception de la cité de Rome (celle-ci était la seule qu’ils n’avaient pas convoquée, comme ils en avaient l’habitude), au cours de laquelle les cités devaient voter la guerre, désigner des généraux et délibérer à propos des autres préparatifs ».

Συναχθείσης δ’ ἀγορᾶς ἐν Φερεντίνῳ πολλὴν ἐποιοῦντο τῶν ἀποσπευδόντων τὸν πόλεμον κατηγορίαν οἱ τὰ ὅπλα πείθοντες αὐτοὺς ἀναλαβεῖν, μάλιστα δὲ Ταρκύνιός τε καὶ ὁ κηδεστὴς αὐτοῦ Μαμίλιος καὶ οἱ προεστηκότες τῆς Ἀρικηνῶν πόλεως. ὑφ´ ὧν ἐκδημαγωγηθέντες, ὅσοι τοῦ Λατίνων μετεῖχον γένους, κοινῇ τὸν κατὰ Ῥωμαίων ἀναιροῦνται πόλεμον· (...) ἐκ τούτων ἁπασῶν τῶν πόλεων τοὺς ἐν ἀκμῇ συστρατεύειν ὅσων ἂν δέῃ τοῖς ἡγεμόσιν Ὀκταουΐῳ Μαμιλίῳ καὶ Σέξτῳ Ταρκυνίῳ· τούτους γὰρ ἀπέδειξαν στρατηγοὺς αὐτοκράτορας (5.61.1-3 [extraits]). « Une assemblée s’étant réunie à Ferentinum, ceux qui prônaient le recours aux armes, particulièrement Tarquin et son beau-fils Mamilius, ainsi que les magistrats de la cité d’Ardée, portèrent de nombreuses accusations contre ceux qui étaient opposés à la guerre. Circonvenus par leurs discours, tous ceux qui appartenaient à la race des Latins décidèrent d’entreprendre une guerre commune contre Rome (...). [Ils décidèrent que] les hommes en âge de servir dans toutes ces cités devraient combattre ensemble, selon les effectifs exigés par les dirigeants Octavius Mamilius et Sextus Tarquin : [les Latins] les avaient en effet élus généraux munis des pleins pouvoirs ».

Le premier passage se rapporte à une révolte des Latins sous le roi Tullus Hostilius dont on ne trouve pas trace chez Tite-Live40 ; cet épisode pourrait n’être qu’une simple anticipation des e e événements de la fin du VI siècle et du début du V siècle évoqués dans les deux passages

39 Sauf erreur de ma part, il n’y a que Petzold 1972, p. 407-408, qui ait songé à tire parti de cet argument.

40 Liv. 1.32.3 dit cependant qu’Ancus Marcius fut contraint de dénoncer un traité conclu avec les Latins sous Tullus Hostilius. Il pourrait s’agir du traité qui mit fin à la révolte dont parle Denys.

12 suivants41, qui sont bien documentés dans la tradition et qui sont aujourd’hui considérés comme historiques par la plupart des Modernes42 : aux alentours de l’an 500, les Latins – ou du moins une partie d’entre eux – ont constitué ou reconstitué une ligue dirigée contre Rome pour tenter de mettre fin à l’hégémonie que cette cité n’avait cessé de vouloir leur imposer du temps des rois43. C’est dans cette perspective qu’il convient d’interpréter le second passage de Denys, où il affirme que Rome faisait partie des cités qui se réunissaient traditionnellement à l’aqua Ferentina, mais qu’elle n’avait pas été convoquée à l’assemblée au cours de laquelle les Latins comptaient rompre officiellement avec elle44 : Tarquin le Superbe avait pris l’initiative de convoquer les Latins dans ce sanctuaire afin de revendiquer l’hégémonie sur l’ensemble du Latium, et les indications que l’on peut tirer du premier traité romano- carthaginois permettent de penser qu’il était en partie parvenu à ses fins : il y est en effet question de cités latines soumises à l’autorité de Rome (ὑπήκοοι), alors que d’autres ne le sont pas (encore)45. Il est donc possible que sous son règne et dans les années qui précédèrent la rupture, Rome ait exercé un contrôle direct sur les assemblées des populi Latini passés sous son autorité.

41 Cf. Bourdin 2012, p. 285 et n. 70. Contra : Liou-Gille 2004, p. 434 et n. 66-67. Elle soutient avec des arguments peu convaincants que les deux στρατηγοὶ αὐτοκράτορες Ancus Publicius et Spusius Vecilius mentionnés dans le premier extrait ne sont pas des généraux de la ligue, mais des dictateurs dans leurs cités d’origine, choisis par l’assemblée comme ambassadeurs plénipotentiaires pour négocier avec Rome. Le rapprochement entre ce passage et les deux extraits suivants, tirés du livre 5, exclut cette interprétation.

42 Pour les relations entre Rome et les Latins de la chute des Tarquins à la conclusion du foedus Cassianum, cf. par ex. Bernardi 1973, p. 22-30 ; Cornell 1989, p. 271-274 & 1995, p. 293-301 ; Ampolo 1990, p. 121- 126 ; Smith 1996, p. 210-215 & 2014, p. 21-30 ; Forsythe 2005, p. 183-192 ; Bourdin 2012, p. 284-289 ; Chiabà 2012, p. 1-46.

43 Liv. 1.45.2 ; 1.49.8-52.6 ; Dion. Hal. 4.25.3-26.5 ; 4.45.1-49.3 (Servius Tullius et Tarquin le Superbe tentent d’imposer la domination de Rome aux Latins) ; Pol. 3.22.1-13 (hégémonie de Rome sur plusieurs cités du Latium attestée dans le premier traité romano-carthaginois, daté du tout début de la République) ; Cat. Orig. F 58 Peter = F 2.28 Chassignet (consécration d’un bois sacré à Nemi par différents peuples latins, sous la conduite du dictateur latin Egerius Baebius de Tusculum, vers 500) ; Liv. 2.18.3 ; Dion. Hal. 5.50.1-51.2 ; Flor. 1.15 ; Val. Max. 1.8.1 (coalition des Latins, réunis à l’aqua Ferentina, contre Rome vers 499). Catalano 1965, p. 157 et 168 et Grandazzi 1996, p. 291-292, ont voulu distinguer les deux ligues de Nemi et de l’aqua Ferentina, mais il faut noter que Tusculum et Aricie, qui figurent en tête de liste dans le fragment de Caton, sont aussi les principaux artisans de l’opposition à Rome lors des assemblées tenues à l’aqua Ferentina dans le récit de Denys d’Halicarnasse. Il s’agit donc d’une seule et même ligue, active dans différents sanctuaires. Cf. Cicala 1976-1977 ; Cornell 1995, p. 298-299 & 2000, p. 220 ; Green 2007, p. 89 ; Coarelli 2012b, p. 372-373.

44 Dion. Hal. 5.50.2, cité plus haut dans le corps du texte ; cf. aussi 5.50.4 (discours de l’ambassadeur romain : μάλιστα δ´ ὅτι Ῥωμαίοις μόνοις οὐ παρήγγειλαν ἐπὶ τὴν ἀγορὰν παρεῖναι, γεγραμμένον ἐν ταῖς συνθήκαις ἁπάσας παρεῖναι τὰς πόλεις ταῖς κοιναῖς ἀγοραῖς, ὅσαι τοῦ Λατίνων εἰσὶ γένους, παραγγειλάντων αὐταῖς τῶν προέδρων / « [il leur reprochait] surtout que les Romains fussent les seuls à ne pas avoir été invités à se rendre à l’assemblée, alors qu’il était écrit dans le traité que toutes les cités du nom latin devaient être présentes aux assemblées communes, après y avoir été invitées par les présidents »).

45 Pol. 3.22.10-11. La date haute donnée par Polybe (508/7) est acceptée par une majorité d’historiens aujourd’hui. Cf. aussi Dion Hal. 4.48.3 : Tarquin y est qualifié d’ἡγεμὼν τοῦ ἔθνου.

13 Ces trois passages concernent des périodes durant lesquelles les Latins étaient en conflit avec les Romains, mais nous savons qu’ils ont continué de nommer leurs propres généraux après le rétablissement de la concorde avec Rome en 493 : Denys prétend que cela leur était en principe interdit par le foedus Cassianum, tandis que Tite-Live laisse entendre qu’ils ne pouvaient le faire qu’avec l’autorisation préalable du Sénat romain46, mais il s’agit là de déformations destinées à faire croire que les Latins sont redevenus des sujets de Rome dès la conclusion du traité. Ces affirmations péremptoires sont d’ailleurs contredites par d’autres passages tirés de ces mêmes auteurs, dont un texte fameux où Tite-Live fait dire aux sénateurs romains que rien, dans le traité, n’interdisait aux Latins de faire la guerre à qui ils voulaient, ce qui impliquait naturellement de désigner des généraux47. À titre de comparaison, on peut relever que d’après Denys, les assemblées des peuples sabins et des Volsques élisaient e directement leurs généraux au V siècle ; ses dires sont confirmés par Tite-Live dans le cas des Volsques et il en allait probablement de même pour les Latins48. Ces indications correspondent également à celles qu’on peut déduire du fragment de Cincius : d’après lui, les Latins se réunissaient régulièrement à l’aqua Ferentina pour y débattre de l’attribution du commandement militaire, et celui-ci n’était confié aux Romains que certaines années seulement. Il est donc certain que, dans l’esprit de l’antiquaire, l’assemblée des Latins avait la compétence et la liberté de désigner ses propres généraux dans tous les autres cas.

En résumé, le rapprochement des témoignages de Cincius et de Denys montre qu’il a existé deux procédures différentes pour l’élection des commandants en chef des armées du Latium, à savoir : a) directement par l’assemblée des Latins à l’aqua Ferentina lorsqu’ils étaient choisis parmi les ressortissants des cités latines ; b) à Rome même par les instances compétentes lorsque le commandement devait être confié à un Romain. Cela tend à corroborer ce qui a été dit plus haut à propos des populi Latini et du nomen Latinum : que ce soit chez Tite-Live ou dans le fragment de Cincius, Rome n’entretient pas avec le commune concilium Latinorum les mêmes rapports que les autres cités du Latium. Il en résulte qu’on ne peut pas invoquer le fragment de l’antiquaire pour démontrer que Rome n’aurait été qu’une cité parmi d’autres au sein de la Ligue latine, soumise aux décisions de l’assemblée commune (hypothèse A)49 : si tel avait été le cas, cette assemblée aurait probablement élu les généraux romains parmi les délégués de Rome présents à l’aqua Ferentina, comme elle le faisait pour les généraux issus des autres cités membres de la ligue.

Certains Modernes ont imaginé que Rome occupait une position dominante au sein de la ligue (hypothèse B)50, ce qui lui aurait permis notamment de ne pas dépendre des décisions de l’assemblée pour la nomination de ses généraux. Cette hypothèse peut à la rigueur se défendre

46 Dion. Hal. 8.15.2 ; 9.60.3 ; Liv. 2.30.8-9 ; 2.53.4-5.

47 Dion. Hal. 9.67.4-5 ; Liv. 2.30.8-9 ; 2.53.4-5 ; 3.6.5-6 ; 3.7.4-5 ; 8.2.13 (in foedere Latinos nihil esse quod bellare cum quibus ipsi uelint prohibeant).

48 Dion. Hal. 5.40.1-2 ; 8.11.1-2 ; 8.32.4 ; 8.58.1 ; 10.9.6 ; Liv. 2.39.1.

49 Cf. supra, n. 3.

50 Cf. supra, n. 4.

14 pour les derniers temps de l’époque royale et les premières années de la République, lorsque Rome dominait une partie du Latium, mais elle se heurte à de grosses difficultés historiques et institutionnelles pour la période postérieure à la conclusion du foedus Cassianum51. En effet, les clauses de ce traité bilatéral d’alliance militaire défensive, telles qu’elles sont rapportées par Denys d’Halicarnasse52, mettent sur un pied d’égalité les Romains d’un côté et l’ensemble des Latins de l’autre : on peut en déduire que la victoire de Rome au Lac Régille en 499/496 n’a pas débouché sur la soumission des Latins, qui ont été en mesure de négocier des conditions équitables. Par conséquent, il est invraisemblable qu’au moment de conclure la paix en 493, les dirigeants du Latium aient décidé ou accepté d’intégrer Rome dans une ligue qu’ils avaient précisément formée contre elle, qui plus est en lui donnant d’emblée un poids équivalant à celui de l’ensemble des autres cités latines : c’eût été reconnaître sa suprématie en droit comme en fait et se priver volontairement de toute marge de manœuvre pour le futur. Ces clauses paritaires interdisent en effet d’imaginer que les Romains auraient progressivement et seulement de facto acquis la première place au sein de la ligue. Par ailleurs, d’un point de vue juridique, il est difficile de concevoir comment Rome aurait pu conclure un accord bilatéral avec les autres membres d’un organisme dont elle faisait elle- même partie – sauf à rejeter complètement le témoignage de Denys sur le foedus Cassianum.

La solution la plus simple et la plus vraisemblable, tant d’un point de vue historique que d’un point de vue juridique, consiste donc à considérer que Rome n’était pas un membre de la ligue politique et militaire qui s’était constituée aux alentours de l’an 500 pour résister à ses velléités hégémoniques, et avec laquelle elle avait conclu un traité de paix et d’alliance en 493 (hypothèses C et D)53. Cela dit, nous savons par quelques textes que Rome a parfois envoyé des ambassadeurs, apparemment sans droit de vote, aux assemblées qui se tenaient à l’aqua Ferentina, et cela pourrait avoir été une pratique plus répandue que ne le laisse entendre la tradition : c’était un excellent moyen pour les deux partenaires de se tenir informés de la situation aux frontières du Latium54.

Oporteret Le verbe o(p)portere, suivi d’une proposition infinitive, peut être employé pour introduire les termes d’un débat sur l’opportunité ou le bienfondé de prendre telle ou telle décision dans un contexte donné, comme c’est le cas dans les deux exemples suivants :

Magnaque inter eos in consilio fuit controuersia, oporteretne Lucili Hirri, quod is a Pompeio ad Parthos missus esset, proximis comitiis praetoriis absentis rationem haberi (Caes. Ciu. 3.82.4).

51 Cf. dans le même sens Bourdin 2012, p. 295.

52 Dion. Hal. 6.95.1-3 ; cf. aussi Liv. 2.41.1 & 6 ; Plin. Nat. 34.20 pour le partage du butin en deux parts égales.

53 Cf. supra, n. 5-6.

54 Cf. par ex. Dion Hal. .5.50.3-4 et surtout Liv. 6.10.6-7 et 7.25.5-6.

15 « Il y eut entre eux une grande controverse au conseil (afin de déterminer) s’il fallait que la candidature de Lucilius Hirrus, qui avait été envoyé par Pompée chez les Parthes, soit acceptée en son absence aux prochains comices prétoriens ».

Quo quidem tempore cum esset non nemo in senatu qui diceret non oportere mitti hominem priuatum pro consule, L. Philippus dixisse dicitur non se illum sua sententia pro consule sed pro consulibus mittere (Cic. Man. 62). « À cette époque, alors qu’ils étaient nombreux au Sénat à déclarer qu’il ne fallait pas envoyer un simple particulier à la place d’un consul, Lucius Philippus aurait déclaré, dit-on, qu’à son avis, il fallait envoyer (Pompée) non pas à la place d’un (seul) consul, mais des deux ».

Dans le premier passage, le débat au consilium de Pompée portait sur la recevabilité de la candidature in absentia de Lucilius Hirrus ; dans le second, le Sénat devait déterminer s’il était judicieux d’envoyer Pompée à la tête d’une armée en tant que priuatus contre Sertorius, alors que cette mission aurait normalement dû être confiée à l’un des deux consuls. Dans les deux cas, il s’agissait de décider si les circonstances justifiaient que l’on enfreigne une règle ou un usage, et il est certain que des avis divergents ont été exprimés. Par analogie, on peut considérer que dans le fragment de Cincius, les débats à l’assemblée des Latins portaient sur la nécessité ou l’opportunité de solliciter l’envoi de généraux désignés par Rome à la tête des armées du Latium en fonction des circonstances : en d’autres termes, les Latins devaient déterminer s’ils étaient en mesure de s’organiser entre eux pour repousser une attaque des Èques ou des Volsques contre le Latium, ou s’ils devaient faire appel à Rome. La suite du passage ne s’oppose pas à cette interprétation, contrairement aux apparences.

Iussu nominis Latini Plusieurs Modernes ont vu dans cette locution la preuve que Rome était membre de la Ligue latine et devait par conséquent se plier aux décisions de l’assemblée des délégués, qui aurait été l’instance suprême en matière de politique extérieure du Latium55. Cette interprétation, qui semble aller de soi à première vue, n’est ni la seule possible, ni la plus vraisemblable, compte tenu de tout ce qui a été dit ci-dessus. Il convient en effet de rapprocher cette expression de la formule parallèle bien connue iussu populi Romani, qui peut parfois signifier « sur ordre du peuple romain », mais qui signifie aussi, suivant le contexte, « avec l’autorisation du peuple romain »56 et, plus fréquemment encore, « sur décision du peuple romain »57. Dans le passage qui nous occupe, on peut donc parfaitement traduire iussu nominis Latini par « sur décision (des cités) du nom latin ». Cette traduction s’accorde particulièrement bien avec la formule quo anno Romanos imperatores ad exercitum mittere oporteret : par ces mots, Cincius veut

55 Werner 1963, p. 464-466 ; Alföldi 1965, p. 119 ; Humbert 1978, p. 70 (qui considère néanmoins cet ordre de l’assemblée des Latins comme une fiction juridique masquant la prééminence de Rome dans la ligue) ; Heurgon 1980, p. 289 ; Ampolo 1990, p. 128 & 1996, p. 137 ; Timpe 1990, p. 380.

56 Cic. Rep. 2.31 ; Liv. 10.37.10.

57 Cic. Cat. 4.10 ; Aug. RG 2 ; Liv. 2.27.5 ; 4.4.7 ; 5.46.10 ; 7.11.3 ; 7.12.6 ; 8.25.2 ; 10.45.7 ; 22.27.3 ; 37.51.6.

16 simplement dire que certaines années, l’assemblée des Latins décidait par un vote qu’il était nécessaire ou opportun que des généraux romains assument la conduite de la guerre.

La suite du texte indique que Rome répondait positivement à ces demandes, mais cela ne suffit pas à prouver que cette cité était aussi membre de la ligue et soumise à l’autorité de l’assemblée. La décision des Latins peut parfaitement être interprétée comme un appel auquel les Romains étaient tenus de donner suite, plutôt que comme un ordre qui leur était intimé, et il en découle que c’étaient d’autres considérations et d’autres formes d’obligations qui déterminaient les autorités romaines à désigner un général iussu nominis Latini : ces obligations contractuelles peuvent être identifiées sans risque, me semble-t-il, aux clauses d’entraide militaire du foedus Cassianum58. La tradition annalistique a conservé la trace de nombreux appels des Latins à Rome – et inversement, d’ailleurs –, mais elle les présente de manière biaisée : d’un côté, les Latins prétendument sans défense viennent annoncer l’arrivée des troupes ennemies sur leur territoire et prient les Romains de bien vouloir se porter à leur secours59 ; de l’autre, les Romains ordonnent aux Latins de fournir des contingents, comme ils e e 60 le feront au III et au II siècle avec l’ensemble de leurs alliés latins et italiens . Ce tableau est e très certainement incorrect pour le V siècle, et peut-être aussi pour les années 358-340, même si, à cette date, Rome avait considérablement accru sa puissance politique et militaire en conséquence de la prise de Véies. Cela dit, lorsqu’on laisse de côté ces déformations, il apparaît que les indications transmises par la tradition annalistique sont très semblables à celles que donne Cincius, même si elles sont exprimées en termes différents. Deux exemples tirés de Tite-Live et Denys d’Halicarnasse permettront de le démontrer :

Aequi Latinum agrum inuaserant. Oratores Latinorum ab senatu petebant ut aut mitterent subsidium, aut se ipsos tuendorum finium causa capere arma sinerent. Tutius uisum est defendi inermes Latinos quam pati retractare arma. Vetusius consul missus est ; is finis populationibus fuit (Liv. 2.30.8-9). « Les Èques avaient envahi le Latium. Les ambassadeurs des Latins demandaient au Sénat qu’on leur envoie de l’aide ou qu’on leur permette de prendre les armes eux-mêmes pour défendre leurs frontières. Il parut plus sûr de défendre des Latins désarmés que de leur permettre de reprendre les armes. On envoya le consul Vetusius, qui mit fin aux dévastations ».

Λατίνων τε πρέσβεις ἧκον ἐπὶ τὴν βουλὴν δεόμενοι πέμψαι σφίσι τὸν ἕτερον τῶν ὑπάτων μετὰ δυνάμεως, ὃς οὐκ ἐάσει προσωτέρω χωρεῖν τὴν Αἰκανῶν καταφρόνησιν (Dion. Hal. 9.1.2). « Des ambassadeurs des Latins se présentèrent devant le Sénat, réclamant qu’on leur envoie l’un des deux consuls avec une force armée, afin de mettre un terme à l’insolence des Èques ».

58 Bernardi 1973, p. 31.

59 Liv. 2.22.4-7 ; 2.24.1 ; 2.30.8-9 ; 3.22.2 ; 3.31.3 ; 3.38.5 ; 3.40.13-14 ; 3.57.7-9 ; 4.26.1-2 ; 4.37.4-6 ; 4.45.5-7 ; 4.53.1-2 ; 4.55.1-2 ; 7.19.5 ; 7.27.5 ; Dion. Hal. 6.18.1 ; 8.15.2 ; 9.1.2 ; 9.60.3 ; 9.67.4 ; 10.20.4. Certaines de ces ambassades ont été envoyées par la cité de Tusculum, et non par les Latins, ce qui peut signifier qu’elle dirigeait les affaires de la ligue à cette époque, ou qu’elle n’en faisait plus partie.

60 Liv. 3.22.4 ; 4.26.12 ; 7.12.6-9 ; 7.25.5-7 (ordre de marche donné par le Sénat et les magistrats aux Latins) ; Dion. Hal. 6.25.3-4 (le Sénat refuse l’aide militaire proposée par les Latins).

17 Il est certain que les Latins n’ont jamais été désarmés par Rome et il convient d’éliminer ces éléments parfaitement anachroniques du texte de Tite-Live, afin de conserver uniquement les membres de phrase en italiques dans la traduction. L’extrait de Denys d’Halicarnasse, qui ne concerne pas le même épisode, est plus sobre et il peut être conservé en l’état pour la comparaison. On constate alors que les deux historiens et l’antiquaire tiennent à peu près le même discours : dans les trois passages, un général romain est envoyé par Rome à la tête d’une armée en réponse à une demande pressante des Latins. Or ces ambassadeurs n’ont pu venir à Rome que sur mandat officiel, et donc « par décision » de l’assemblée des Latins (iussu nominis Latini). Cette formule n’est donc pas incompatible avec l’interprétation du fragment défendue jusqu’ici : chaque fois qu’ils en avaient la possibilité, les Latins géraient leurs affaires entre eux et assuraient eux-mêmes la défense de leur territoire, mais les circonstances les conduisaient parfois à demander aux Romains de leur envoyer des généraux accompagnés de leurs légions. Et d’après Cincius, Rome assumait le commandement militaire toutes les fois que c’étaient les Latins qui sollicitaient son intervention au nom du foedus Cassianum.

Uniquement préoccupé par la salutatio ad portam du général romain, l’antiquaire ne donne aucune indication sur l’origine et le mode de désignation du général lorsque c’étaient les Romains qui faisaient appel aux Latins : la tradition prétend que le commandement était systématiquement réservé à un magistrat romain, comme ce sera le cas après la dissolution de la Ligue latine, mais nous ne disposons guère d’éléments externes qui permettraient de vérifier le bien-fondé de cette affirmation. Notons cependant que, suite à la prise du Capitole par Appius Herdonius et sa troupe d’esclaves révoltés en 460, le dictateur de Tusculum L. Mamilius se porta spontanément au secours des Romains avec une armée et que les deux contingents combattirent côte à côte, chacun dirigé par son propre général61. S’agit-il là d’un indice que le commandement militaire pouvait être exercé conjointement par Rome et par les Latins lorsque c’était Rome qui avait besoin d’aide ? Je ne suis pas certain que l’on puisse tirer des conclusions générales à partir de cet épisode isolé qui, de surcroît, ne concerne pas la défense des frontières du Latium.

Conplures nostros in Capitolio a sole oriente auspiciis operam dare solitos. Vbi aues addixissent, militem illum, qui a communi Latio missus esset, illum quem aues addixerant, praetorem salutare solitum La dernière partie du fragment de Cincius a également posé de gros problèmes aux historiens et elle a donné lieu à des interprétations très divergentes. Compte tenu de l’importance de ce passage à la fois pour la compréhension des relations romano-latines et pour l’interprétation du rôle des auspices dans la désignation des généraux romains, il me paraît nécessaire de l’analyser en bloc et de passer en revue les différentes hypothèses formulées à ce jour, en commençant par celles qui me paraissent les moins convaincantes.

Quelques savants, persuadés que c’était l’assemblée des Latins qui élisait les généraux romains, ont cru que le rôle des auspices était de faire valider par les dieux romains le vote

61 Liv. 3.15.4-9 ; 3.18.1-7 ; Dion. Hal. 10.14.1-2 ; 10.16.3 ; 10.20.2.

18 des Latins62. Telle était notamment l’opinion d’A. Savagner, qui a traduit le second membre de phrase de la manière suivante : « Aussitôt que les oiseaux avaient signalé le soldat envoyé par l’assemblée des Latins, on avait coutume de saluer préteur celui que les oiseaux avaient signalé ». Cette traduction est grammaticalement acceptable, dans la mesure où l’on peut faire de militem illum le complément d’objet direct du verbe addixissent et donner une valeur impersonnelle à la construction verbale salutare solitum, mais elle se heurte à un obstacle rédhibitoire : elle présuppose en effet que Cincius aurait qualifié de miles, c’est-à-dire de « simple soldat », le citoyen romain choisi pour commander les armées avec le titre de praetor. Or, le terme miles n’est jamais employé dans la littérature latine pour désigner un chef militaire issu de l’aristocratie, et une telle erreur de langage de la part de l’antiquaire me paraît totalement exclue. De fait, le passage se prête à une autre traduction et à une autre interprétation, nettement plus satisfaisantes. Des expressions du type aues (non) addixerunt / (non) addixissent sont attestées plusieurs fois chez Tite-Live et chez Sénèque et le verbe addicere y a toujours une valeur intransitive :

Negare Attus Nauius, inclitus ea tempestate augur, neque mutari neque nouum constitui nisi aues addixissent posse (Liv. 1.36.3)63. « Attus Navius, augure célèbre à cette époque, déclara qu’aucune réforme ou création nouvelle ne pouvait être introduite si les oiseaux n’avaient pas donné leur accord ». C’est une construction et un sens identiques qu’il convient de retenir pour la formule ubi aues addixissent, qui signifie « lorsque les oiseaux avaient donné leur approbation ». Si l’on renonce à faire de militem le complément du verbe addicere, il devient possible – et même nécessaire – d’y reconnaître le sujet de la construction verbale salutare solitum, ce qui règle le problème soulevé plus haut : le praetor nommé à la tête des armées et le miles envoyé par les Latins sont des personnages différents, et il convient d’établir le rôle du second dans ce contexte. D’aucuns ont pris le passage au pied de la lettre et ils ont considéré qu’il s’agissait d’un soldat isolé, c’est-à-dire une estafette envoyée à Rome par l’assemblée des Latins afin de saluer, au nom de la ligue, le magistrat romain qui avait reçu le commandement des armées64. Avec d’autres, je suis convaincu que nous sommes ici en présence d’une figure de style fréquemment attestée dans la littérature latine : le singulier miles est employé par Cincius à la place de milites ou exercitus65 ; il désigne les contingents envoyés par les cités du Latium (a communi Latio missus) aux portes de Rome afin de saluer le général romain et se placer sous

62 Niebuhr 1853, p. 45 ; Rosenberg 1919, p. 149 ; Alföldi 1965, p. 120-121. Ces trois savants ont eu tort de croire que le général romain était élu par l’assemblée des Latins, mais ils étaient sur la bonne voie en ce qui concerne le rôle des auspices. Cf. infra.

63 Cf. aussi Liv. 1.55.3 ; 22.42.8 ; 27.16.5 ; Sen. Breu. Vit. [10] 13.8 ; Tac. An. 2.14.1.

64 Cf. notamment Oakley 1997, p. 340.

65 Liv. 6.10.6 ; 8.4.7 ; 9.10.7 ; Tac. An. 2.18.1 ; Hist. 3.86.1. Cf. Schwegler 1885, p. 344, n. 2 ; Rosenberg 1919, p. 148 ; Werner 1963, p. 463 et n. 3 ; Alföldi 1965, p. 120 ; Petzold 1972, p. 406 ; Cornell 2000, p. 220 et n. 64

19 son commandement : « Lorsque les oiseaux avaient donné leur approbation, les soldats qui avaient été envoyés par l’ensemble des Latins avaient coutume de saluer préteur, etc. »66.

Ce premier point étant établi, il faut nous pencher sur les formules conplures nostros … auspiciis operam dare solitos et illum quem aues addixerant, qui font difficulté. Le terme conplures est extrêmement vague, tandis que le verbe addicere a ici une valeur transitive, ce qui n’est pas le cas dans les autres textes où il est employé à propos des auspices67 : ce passage pourrait donc laisser entendre que c’étaient les oiseaux, c’est-à-dire les dieux, qui « désignaient » celui qui devait recevoir le commandement militaire parmi « tous ceux » (conplures) qui avaient pris les auspices sur le Capitole. Plusieurs historiens ont retenu cette interprétation et ils ont rapproché ce texte de l’épisode fameux de Rémus et Romulus, qui avaient pris les auspices simultanément sur l’Aventin et sur le Palatin afin de déterminer lequel des deux deviendrait roi et aurait le privilège de fonder la nouvelle ville68 : selon eux, l’expression conplures nostros désignerait les différents candidats au poste de général, qui auraient procédé tous ensemble à une consultation publique des auspices afin de décider qui, parmi eux, recevrait le commandement69. D’autres historiens, se fondant sur le fait que ce fragment provient d’un ouvrage intitulé De consulum potestate, ont supposé que c’étaient les deux consuls en charge qui prenaient les auspices pour savoir lequel des deux obtiendrait la direction des opérations militaires conjointes avec les Latins. L’un d’eux, U. Coli, a même estimé que la leçon conplures n’avait aucun sens et il a proposé de corriger le texte en consules70.

Ces deux hypothèses soulèvent elles aussi de grosses difficultés. Concernant la première, il est difficile de concevoir que l’attribution d’une fonction aussi importante que le commandement des armées du Latium ait été abandonnée exclusivement aux dieux, qui auraient choisi parmi tous ceux qui faisaient acte de candidature et consultaient les auspices en tant que simples particuliers71. D’après la légende, Rémus et Romulus ne parvinrent pas à

66 Pour la locution miles ille, qui ..., à l’accusatif dans notre passage, cf. Apul. Met. 10.1 ; 10.13 ; Petr. Sat. 94.3.

67 Liv. 1.36.3 ; 1.55.3 ; 22.42.8 ; 27.16.5 ; Sen. Breu. Vit. [10] 13.8 ; Tac. An. 2.14.1.

68 Cic. Diu. 1.107-108 ; Liv. 1.6.4-7.3 ; Dion. Hal. 1.86.1-4 ; Plut. Rom. 9.4-5.

69 Frezza 1946, p. 304 ; Kunkel 1959/1974, p. 15-16/359-360 ; Catalano 1960, p. 45-46, 55, n. 68, 66-67 (avec hésitation), 185, 245, n. 124, 310 et n. 258 (avec hésitation), 322, 383, 509, n. 220, 575-576 ; Idem 1965, p. 211 ; Petzold 1972, p. 407 ; Ampolo 1990, p. 128 ; Liou-Gille 2004, p. 439.

70 Coli 1951, p. 163-164 (conplures = consules) ; Bellini 1961, p. 178 et n. 39 ; Pareti 1952, p. 416 ; Werner 1963, p. 467 ; Oakley 1997, p. 340. La correction suggérée par U. Coli ne s’impose pas d’un point de vue paléographique et nous verrons plus loin qu’il est possible de donner un sens satisfaisant au terme conplures.

71 Cf. pourtant Liou-Gille 2004, p. 439 : « Quand le choix d’un général se porte sur un Romain, s’il y a plusieurs candidats, les Romains appliquent une procédure conforme à leurs habitudes religieuses, qui permet à Jupiter de décider souverainement entre les compétiteurs : le dieu exprime sa volonté par le truchement des oiseaux, grâce à une simple prise d’auspices ». Pour une approche plus convaincante du dialogue entre les Romains et leurs dieux, cf. notamment Scheid 1987-1989.

20 s’entendre sur l’interprétation des signes qu’ils avaient observés, et chacun prétendit avoir été désigné par Jupiter, ce qui déboucha sur la rixe à l’issue tragique que l’on connaît : il me paraît certain que les Romains n’ont jamais songé à recourir à un tel procédé pour choisir leurs généraux, car c’eût été à chaque fois la guerre civile dans la République. Par ailleurs, – et cela constitue à mes yeux un argument décisif contre cette interprétation –, nous savons que seuls les magistrats régulièrement élus ou nommés avaient le droit de prendre les auspices dans l’intérêt de la communauté aux trois derniers siècles de la République, et nous n’avons e e 72 aucune raison de supposer qu’il en allait différemment au V et au IV siècle .

La deuxième hypothèse a pour principale faiblesse d’introduire dans l’histoire des institutions romaines un mode de répartition des provinces militaires qui ne correspond pas aux usages en vigueur : la règle, fréquemment attestée, voulait que le Sénat demande aux consuls de procéder à un tirage au sort (sortitio)73 ; il pouvait aussi les inviter à se mettre d’accord entre 74 e eux à l’amiable (comparatio) ; à partir de la fin du III siècle, il leur laissait parfois le choix entre la sortitio et la comparatio75 ; enfin, une province importante pouvait être attribuée d’office à l’un des deux consuls par un sénatus-consulte ou par un vote populaire (extra sortem, sine sorte, extra ordinem)76, mais c’était une mesure jugée contraire aux us et coutumes, qui provoquait souvent des tensions avec l’autre consul77. En revanche, lorsqu’une menace particulièrement grave requérait la nomination d’un dictateur, la conduite de la guerre lui était attribuée d’office par le Sénat, en principe sans discussion ni contestation de la part des consuls, qui conservaient leurs fonctions et restaient les chefs de la République romaine pour toutes les autres affaires78. Il est arrivé au moins une fois que l’on prenne les auspices à l’occasion d’un tirage au sort pour la répartition des secteurs d’attaque entre les consuls, qui avaient tous deux obtenu comme prouincia la guerre contre les Ligures, mais ce sont les sortes, et non les dieux qui ont choisi : le rôle des auspices a consisté uniquement à vérifier que le tirage au sort s’était déroulé conformément aux règles, ce qui n’avait pas été le cas, en l’occurrence, pour l’un des deux consuls, qui fut tué au combat peu après79.

72 Varr. frg. apud Non. p. 131 L (de caelo auspicari ius nemini sit praeter magistratum).

73 Cic. Pis. 50 ; Phil. 3.24-26 ; Fam. 1.9.25 ; Vell. 2.18.3 ; Val. Max. 3.7.5 ; 4.1.7 ; 6.3.3 ; Liv. 4.37.6 ; 4.43.1 ; 7.6.8 ; 7.19.7 ; 7.38.8 ; 8.29.6-7 ; 9.31.1 ; 10.11.1 ; 10.45.11 ; etc. (on trouve de très nombreux exemples de sortitio dans les livres 21-45).

74 Liv. 3.41.7 ; 8.20.3.

75 Liv. 28.38.12 ; 28.40.1 ; 30.1.2 ; 30.40.12 ; 32.8.2 ; 33.43.3 ; 35.30.2 ; 37.1.7 ; 42.31.1.

76 Liv.3.2.2 ; 6.30.3 ; 8.16.6 ; 38.58.8 ; Liv. Per. 51 ; Val. Max. 8.15.4. 77 Liv. 10.24 ; 26.29.6-9.

78 Liv. 7.11.4 ; 7.17.6. Pour leur part, Pol. 3.86.7 ; 3.87.7-8 (= 6.18.9-10) et Dion. Hal. 6.22.3 ; 11.20.3 affirment à tort que toutes les magistratures étaient suspendues lors de la nomination d’un dictateur.

79 Liv. 41.18.7-8 (tum sortiti, quia non ab eadem utrumque parte adgredi hostem placebat, regiones quas peterent. Valerium auspicato sortitum constabat, quod in templo fuisset ; in Petilio id uitii factum postea augures responderunt, quod extra templum † sortem in sitellam in templum latam foris ipse † oporteret / « Ensuite [les consuls] tirèrent au sort les secteurs où ils se rendraient, car ils avaient décidé de ne pas

21 En bref, les partisans de ces deux hypothèses ont le tort d’attribuer aux auspices un rôle décisionnel ou arbitral, alors qu’on ne trouve rien de tel dans les sources antiques pour la période médio- et tardo-républicaine. Jamais, en effet, les Romains n’ont consulté les auspices pour demander aux dieux de prendre une décision ou d’effectuer un choix à leur place80 : dans tous les cas connus, la consultation a eu pour fonction de déterminer si les dieux approuvaient ou désapprouvaient une décision prise, une action accomplie, ou qui était sur le point de l’être, soit par les magistrats eux-mêmes, soit par les assemblées électorales ou législatives présidées par ces magistrats : « l’auspice est un vol des oiseaux », écrit Servius, « qui indique s’il faut poursuivre ou abandonner l’action que l’on a entreprise »81. Nous n’avons aucune raison de croire qu’il en allait autrement à haute époque et nous devons donc nous efforcer de trouver d’autres explications, qui permettent de réconcilier le passage de Cincius avec ce que nous savons du rôle traditionnel des auspices82.

Les obstacles auxquels se sont heurtés de nombreux Modernes viennent du fait qu’ils ont jugé nécessaire de donner deux sens distincts au verbe addicere dans ce fragment (« approuver » / « désigner »), sous prétexte qu’il est construit de deux façons différentes83. Cela ne me paraît pas justifié : les deux formules ubi aues addixissent (verbe intransitif) et illum quem aues addixerant (verbe transitif) se côtoient à quelques mots d’intervalle et il est certain qu’elles se

attaquer l’ennemi les deux du même côté. Il était établi que Valérius avait procédé au tirage au sort avec des auspices favorables, parce qu’il était à l’intérieur de l’espace consacré. En ce qui concerne Pétilius, les augures répondirent plus tard qu’il y avait eu vice de forme, parce qu’il fallait † ... † à l’extérieur de l’espace consacré »). Le texte de l’unique manuscrit V est manifestement corrompu, mais cela n’a pas d’incidence pour la question qui nous occupe. Pour les différentes corrections proposées, cf. l’état de la recherche donné par Briscoe 1986, p. 362-363 et 2012, p. 97-98.

80 Exception faite, naturellement, de la consultation légendaire des auspices par Rémus et Romulus (Liv. 1.6.4 : quoniam gemini essent nec aetatis uerecundia discrimen facere posset, ut di quorum tutelae ea loca essent auguriis legerent qui nomen nouae urbi daret, qui conditam imperio regeret). Cf. aussi Dion. Hal. 3.69.3-6 : selon cet auteur, les augures auraient pris les auspices sur ordre de Tarquin afin de déterminer sur quelle colline il convenait de construire le temple de Jupiter, mais son récit laisse penser qu’ils ont plutôt procédé par élimination, demandant à chaque fois l’autorisation d’effectuer telle ou telle démarche, comme le rapporte Liv. 1.55.2-4.

81 Serv. Ad Aen. 3.374 (auspicium autem est uolatus auium, qui indicat agendum uel omittendum esse quod quis coeperit).

82 Pour le rôle des auspices et des augures, en attendant la parution du manuel sur les institutions romaines que prépare mon maître et ami Adalberto Giovannini, qui m’a généreusement communiqué le manuscrit provisoire, on peut partir de Staveley 1956, p. 84-90 ; Nichols 1967 ; Magdelain 1968 ; Develin 1977 ; Bleicken 1981 ; Heuss 1982 ; Hermon 1982 ; Giovannini 1983, p. 35-37, 44-56, 77-79 ; Idem 1985 et 1998 ; Linderski 1986 et 1990 ; Scheid 1987-1989 ; Kowalski 1995 ; Vaahtera 2001 ; Dalla Rosa 2003 ; Rüpke 2005 ; Stasse 2005 ; Humm 2012 ; Van Haeperen 2012 ; Vervaet 2014, p. 300-351 ; Berthelet 2015.

83 Cf. par ex. Kunkel 1959/1974, p. 16/360, qui a rapproché le second membre de phrase, illum quem aues addixerant, des locutions addicere iudicem et addicere arbiter (« nommer un juge » / « désigner un arbitre »), qu’on rencontre dans les textes juridiques, le plus souvent au passif : Sen. Ep. 7.65.2 (te arbitrum addiximus) ; Val. Max. 7.2.4 (iudex addictus de sponsione) ; Dig. 5.1.39.pr (iudex addicitur) ; 5.1.46.pr ; 5.1.80.pr ; 13.4.4 ; 36.1.61.1 (iudex addictus est) ; 10.2.30 (addictus arbiter).

22 réfèrent toutes deux à une seule et même intervention des auspices, qui doit être conforme aux pratiques du droit augural. Par conséquent, le verbe addicere doit avoir le même sens dans les deux locutions. Deux textes parallèles de Tite-Live permettent de confirmer ce postulat et de sortir de l’impasse dans laquelle se sont engouffrés les historiens :

Auguriis certe sacerdotioque augurum tantus honos accessit ut nihil belli domique postea nisi auspicato gereretur, concilia populi, exercitus uocati, summa rerum, ubi aues non admisissent, dirimerentur (Liv. 1.36.6). « Assurément les augures et le sacerdoce des augures en tirèrent un tel prestige que plus rien, par la suite, ni à l’armée ni au civil, ne fut accompli sans avoir consulté les auspices : les assemblées du peuple, la convocation des armées, les affaires les plus importantes étaient ajournées lorsque les oiseaux n’avaient pas donné leur autorisation ».

Nam cum omnium sacellorum exaugurationes admitterent aues, in Termini fano non addixere (Liv. 1.55.3). « En effet, alors que les oiseaux avaient autorisé la désacralisation de toutes les chapelles, il ne donnèrent pas leur approbation pour le temple de Terminus ».

Le verbe admittere, qui a un sens voisin du verbe addicere lorsqu’il est employé dans un contexte augural, est intransitif dans le premier passage (ubi aues non admisissent), alors qu’il est transitif dans le second (exaugurationes admitterent aues), mais il ne fait aucun doute que le sens est le même dans les deux cas : les oiseaux permettent ou interdisent aux magistrats de mettre à exécution les projets qu’ils avaient conçus ou les décisions qu’ils avaient prises, à savoir : réunir les comices, convoquer les troupes ou désacraliser des sanctuaires. En nous fondant sur ces parallèles, nous sommes autorisés à traduire le passage de Cincius de la manière suivante : « Lorsque les oiseaux avaient donné leur approbation, les soldats qui avaient été envoyés par l’ensemble des Latins avaient coutume de saluer préteur celui que les oiseaux avaient approuvé », c’est-à-dire, dans un style plus élégant, « celui auquel les oiseaux avaient donné leur approbation ». Si l’on accepte cette interprétation, tout rentre dans l’ordre : les différentes constructions grammaticales du verbe addicere sont respectées et les dieux remplissent leur rôle traditionnel, qui consiste simplement à approuver (ou à désapprouver) une décision prise ou une action entreprise par les hommes84.

Ce deuxième point étant lui aussi établi, il convient maintenant d’identifier d’une part, les personnes qui prenaient les auspices sur le Capitole (conplures nostros) et, d’autre part, celui qui recevait le commandement militaire avec l’approbation des dieux (illum qui aues addixerant). C’est un long passage de Denys d’Halicarnasse qui va nous permettre de nous orienter vers l’interprétation correcte de ces deux segments du fragment85 : Romulus, rapporte l’historien grec, aurait réuni en assemblée les migrants venus fonder la ville de Rome avec lui, afin de leur demander sous quel régime politique ils souhaitaient vivre (2.3.1-8). Après

84 Schwegler 1885, p. 347 ; Gioffredi 1958, p. 27, n. 9 : « La frase illum quem aues addixerant non sta a significare che gli auspici hanno designato la persona del pretore, ma che hanno convalidato la scelta fatta dai Romani ». Catalano 1960, p. 310 et n. 258, a rejeté son interprétation, mais avec des arguments qui ne convainquent pas.

85 Je remercie Séverine Nasel, qui prépare actuellement une thèse sur Denys d’Halicarnasse à l’Université de Genève, de m’avoir rendu attentif à ce passage fondamental.

23 délibération, les membres de l’assemblée répondirent qu’ils voulaient conserver le régime monarchique hérité d’Albe-la-Longue et ils demandèrent à Romulus d’assumer la fonction royale (2.4.1-2) :

2.4.2. Ταῦτα ὁ Ῥωμύλος ἀκούσας ἀγαπᾶν μὲν ἔφη βασιλείας ἄξιος ὑπ´ ἀνθρώπων κριθείς· οὐ μέντοι γε λήψεσθαι τὴν τιμὴν πρότερον, ἐὰν μὴ καὶ τὸ δαιμόνιον ἐπιθεσπίσῃ δι´ οἰωνῶν αἰσίων. 5.1. Ὡς δὲ κἀκείνοις ἦν βουλομένοις προειπὼν ἡμέραν, ἐν ᾗ διαμαντεύσασθαι περὶ τῆς ἀρχῆς ἔμελλεν, ἐπειδὴ καθῆκεν ὁ χρόνος ἀναστὰς περὶ τὸν ὄρθρον ἐκ τῆς σκηνῆς προῆλθεν· στὰς δὲ ὑπαίθριος ἐν καθαρῷ χωρίῳ καὶ προθύσας ἃ νόμος ἦν εὔχετο Διί τε βασιλεῖ καὶ τοῖς ἄλλοις θεοῖς, οὓς ἐποιήσατο τῆς ἀποικίας ἡγεμόνας, εἰ βουλομένοις αὐτοῖς ἐστι βασιλεύεσθαι τὴν πόλιν ὑφ´ ἑαυτοῦ, σημεῖα οὐράνια φανῆναι καλά. 5.2. Μετὰ δὲ τὴν εὐχὴν ἀστραπὴ διῆλθεν ἐκ τῶν ἀριστερῶν ἐπὶ τὰ δεξιά. [Digression sur la signification des éclairs venant de la gauche] 6.1. Τότε δ´ οὖν ὁ Ῥωμύλος ἐπειδὴ τὰ παρὰ τοῦ δαιμονίου βέβαια προσέλαβε, συγκαλέσας τὸν δῆμον εἰς ἐκκλησίαν καὶ τὰ μαντεῖα δηλώσας βασιλεὺς ἀποδείκνυται πρὸς αὐτῶν καὶ κατεστήσατο ἐν ἔθει τοῖς μετ´ αὐτὸν ἅπασι μήτε βασιλείας μήτε ἀρχὰς λαμβάνειν, ἐὰν μὴ καὶ τὸ δαιμόνιον αὐτοῖς ἐπιθεσπίσῃ, διέμεινέ τε μέχρι πολλοῦ φυλαττόμενον ὑπὸ Ῥωμαίων τὸ περὶ τοὺς οἰωνισμοὺς νόμιμον, οὐ μόνον βασιλευομένης τῆς πόλεως, ἀλλὰ καὶ μετὰ κατάλυσιν τῶν μονάρχων ἐν ὑπάτων καὶ στρατηγῶν καὶ τῶν ἄλλων τῶν κατὰ νόμους ἀρχόντων αἱρέσει. 2. Πέπαυται δ´ ἐν τοῖς καθ´ ἡμᾶς χρόνοις, πλὴν οἷον εἰκών τις αὐτοῦ λείπεται τῆς ὁσίας αὐτῆς ἕνεκα γινομένη. Ἐπαυλίζονται μὲν γὰρ οἱ τὰς ἀρχὰς μέλλοντες λαμβάνειν καὶ περὶ τὸν ὄρθρον ἀνιστάμενοι ποιοῦνταί τινας εὐχὰς ὑπαίθριοι, τῶν δὲ παρόντων τινὲς ὀρνιθοσκόπων μισθὸν ἐκ τοῦ δημοσίου φερόμενοι ἀστραπὴν αὐτοῖς μηνύειν ἐκ τῶν ἀριστερῶν φασιν τὴν οὐ γενομένην. 3. Οἱ δὲ τὸν ἐκ τῆς φωνῆς οἰωνὸν λαβόντες ἀπέρχονται τὰς ἀρχὰς παραληψόμενοι οἱ μὲν αὐτὸ τοῦθ´ ἱκανὸν ὑπολαμβάνοντες εἶναι τὸ μηδένα γενέσθαι τῶν ἐναντιουμένων τε καὶ κωλυόντων οἰωνῶν, οἱ δὲ καὶ παρὰ τὸ βούλημα τοῦ θεοῦ κωλύοντος, ἔστι γὰρ ὅτε βιαζόμενοι καὶ τὰς ἀρχὰς ἁρπάζοντες μᾶλλον ἢ λαμβάνοντες. 4. Δι´ οὓς πολλαὶ μὲν ἐν γῇ στρατιαὶ Ῥωμαίων ἀπώλοντο πανώλεθροι, πολλοὶ δ´ ἐν θαλάττῃ στόλοι διεφθάρησαν αὔτανδροι, ἄλλαι τε μεγάλαι καὶ δειναὶ περιπέτειαι τῇ πόλει συνέπεσον αἱ μὲν ἐν ὀθνείοις πολέμοις, αἱ δὲ κατὰ τὰς ἐμφυλίους διχοστασίας. « 2.4.1. En entendant cette réponse, Romulus déclara qu’il était heureux d’être jugé digne de la royauté par les hommes, mais qu’il n’assumerait pas la charge tant que la divinité n’aurait pas à son tour donné son accord par un présage favorable. 5.1. Comme tous approuvaient cette décision, il fixa un jour au cours duquel il se proposait de prendre les auspices au sujet de sa charge. Lorsque le moment fut venu, il se leva au point du jour et sortit de sa cabane. Il se plaça en plein air, en un lieu bien dégagé, et procéda au sacrifice préalable que réclamait le rite. Puis il invoqua Jupiter Roi et les autres dieux qu’il avait choisis comme protecteurs de la colonie, les priant, s’ils approuvaient qu’il fût roi de la cité, de faire paraître dans le ciel quelque signe favorable. 5.2. Après cette prière, un éclair parcourut le firmament de la gauche vers la droite ». [Digression sur la signification des éclairs venant de la gauche]. 6.1. « Ayant ainsi obtenu la confirmation de la part de la divinité, Romulus réunit le peuple en assemblée et lui révéla les auspices, et tous le proclamèrent roi. Il établit alors pour tous ses successeurs une loi selon laquelle nul n’assumerait ni la royauté, ni une magistrature, si la divinité ne lui donnait pas également son accord. Les Romains ont longtemps continué à observer cette prescription relative aux auspices, non seulement sous la monarchie, mais encore après la chute des rois, pour l’élection des consuls, des préteurs et des autres magistrats prévus par les lois. 2. De nos jours, ils ont cessé de l’observer, mais ils en ont conservé la forme par égard pour son caractère sacré. Ceux qui s’apprêtent à revêtir une magistrature passent la nuit à l’extérieur, se lèvent au point du jour et prononcent en plein air certaines prières. Certains des préposés à l’observation des oiseaux qui sont présents, et qui touchent un salaire de l’État, disent que des éclairs venus de la gauche leur sont apparus, alors que rien de tel ne s’est produit. 3. Acceptant ce présage sur parole, ils s’en vont assumer leur magistrature, les uns considérant qu’il suffit qu’aucun présage contraire ou défavorable ne soit apparu, les autres passant outre la volonté du dieu si celui-ci marque son opposition ; il arrive même que certains recourent à la violence et s’emparent des magistratures plutôt qu’ils ne les reçoivent. 4. C’est à cause d’eux que tant d’armées romaines ont essuyé un désastre complet, que

24 tant de flottes ont été englouties avec tout leur équipage et que Rome a connu, dans ses guerres à l’extérieur comme au cours des troubles civils, des revers considérables et terribles » (trad. V. Fromentin, légèrement modifiée)86.

Ce passage décrit la prise des auspices d’investiture, qui permettait à un magistrat d’obtenir la sanction des dieux pour le mandat et le pouvoir qu’il avait reçus des hommes. L’intérêt marqué de Denys d’Halicarnasse pour ce rituel s’explique sans difficulté : dans son grand ouvrage historique sur les débuts de Rome, il s’était fixé comme objectif de démontrer l’origine grecque des Romains, et il en a profité au passage pour flatter discrètement l’empereur Auguste, nouveau fondateur de Rome et restaurateur de l’ordre ancien, en décrivant en détail dans son œuvre des monuments, des rites religieux ou des institutions qui avaient fait l’objet de l’attention du Princeps87. Ce dernier n’est pas mentionné dans le passage sur les auspices d’investiture, mais nous savons par d’autres sources qu’il avait pris soin de respecter scrupuleusement ce rituel, une première fois lorsqu’il avait revêtu l’imperium pro praetore que lui avait accordé le Sénat en janvier 4388, puis une nouvelle fois lorsque, après avoir contraint le Sénat et les comices à l’élire consul, il avait pris ses fonctions le 19 août de la même année : alors qu’il sacrifiait et consultait les auspices, rapporte une tradition unanime et enthousiaste, six, puis douze vautours étaient apparus dans le ciel, confirmant fort à propos la légitimité des pouvoirs qu’il avait obtenus par la menace et en dehors de toute règle, alors qu’il n’était âgé que de 19 ans89.

Le récit de Cincius présente plusieurs points de convergence avec l’auspicatio des magistrats romains décrite par Denys : il me paraît en effet hautement probable que l’expression conplures nostros in Capitolio a sole oriente auspiciis operam dare solitos désigne un groupe d’augures observant le ciel en compagnie d’un magistrat détenteur de l’imperium militaire

86 On trouve chez Liv. 1.18.5-10 et Plut. Num. 7.2-7 la description d’un rituel d’intronisation sensiblement différent pour le roi Numa, dans lequel l’augure joue un rôle actif, ce qui n’est pas le cas dans le passage de Denys. Ces deux auteurs semblent confondre l’auspicatio accomplie par les magistrats eux-mêmes avec l’inauguratio des nouveaux membres cooptés dans les collèges religieux, qui incombait aux augures : Cic. Phil. 2.110 ; Brut. 1 ; Liv. 27.8.5 ; 27.36.5 ; 29.38.6 ; 30.26.10 ; 33.44.3 ; 37.47.8 ; 40.42.8-11 ; 41.28.7 ; 45.15.10 ; Dion. Hal. 2.73.3 ; Gai. Inst. 3.114 ; Gell. 15.27.1. Cf. aussi Ampel. Mem. 19.11 (Scipio Nasica qui quia non rite inauguratus consul esse uideretur, consulatu se abdicauit), qui commet sans doute un abus de langage en parlant de l’inauguratio d’un consul.

87 Denys est arrivé à Rome en 29 av. notre ère et il a publié les premiers livres de son œuvre en 7 avant notre ère (Dion. Hal. 1.3.4, 1.4-5 et 1.7.2). Il a donc été un témoin privilégié de la mise en place du nouveau régime et de l’élaboration du programme de restauration des valeurs et des usages traditionnels par Auguste. Sur l’œuvre de Denys d’Halicarnasse, cf. Gabba 1991 qui, curieusement, rejette tout rapport entre le contenu des Antiquités romaines et l’entreprise augustéenne.

88 CIL XII 4333 = ILS 112, l. 24-25 (Idus Ianuar(ias) qua die primum imperium / orbis terrarum auspicatus est) ; Plin. Nat. 11.190. Cf. aussi Aug. RG 1.2 ; Cic. Phil. 6.3 ; 11.20 ; Liv. Per. 118 (C. Caesari, qui priuatus rei p. arma sumpserat, pro praetore imperium a senatu datum est) ; App. Ciu. 3.51.209 ; Dio Cass. 46.29.5-6.

89 Suet. Aug. 95 (primo autem consulatu et augurium capienti duodecim se uultures ut Romulo ostenderunt) ; App. Ciu. 3.92.377-94.388 ; Dio Cass. 46.41.3 ; 46.45.1-46.1-3. Cf. Hurlet 2001 ; Van Haeperen 2012, p. 79 et 108.

25 nommé par les instances compétentes90. Leur rôle était de lui indiquer les signes qui étaient apparus dans le ciel, et surtout de l’aider à les interpréter : « Nous (les augures) n’avons que le droit d’annoncer les auspices » écrit Cicéron, « alors que les consuls et les autres magistrats ont aussi celui de les consulter »91. Après avoir obtenu cette approbation des dieux (ἐπειδὴ τὰ παρὰ τοῦ δαιμονίου βέβαια προσέλαβε / ubi aues addixissent), le général romain était salué du titre de praetor par les soldats latins, de la même façon que Romulus, qui avait déjà été désigné à la fonction royale par ses compagnons, fut salué par eux du titre de roi après avoir pris les auspices (τὰ μαντεῖα δηλώσας βασιλεὺς ἀποδείκνυται πρὸς αὐτῶν / militem ... illum quem aues addixerant praetorem salutare solitum)92.

Les auspices d’investiture se subdivisaient en deux catégories93 : a) les auspices d’entrée en charge, que devaient prendre les rois, puis tous les magistrats le premier jour de leur mandat, afin d’obtenir des dieux la confirmation de leur nomination ou de leur élection par les comices centuriates ou tributes94 ; b) les auspices de départ, qui ne concernaient que les magistrats ayant reçu un commandement militaire par sortitio, par comparatio ou extra ordinem : il s’agissait pour eux d’obtenir l’approbation des dieux au moment de quitter Rome pour se rendre dans leur prouincia95. Selon Cincius, la salutatio aux portes de la Ville avait lieu les années où les Latins demandaient aux Romains de nommer un général à la tête des armées du Latium et la consultation sur le Capitole précédait immédiatement le départ du général à la guerre. Il ne peut donc s’agir ici de la prise des auspices d’entrée en charge des

90 Tel était aussi l’avis d’A. Momigliano, exprimé dans une note manuscrite figurant à la dernière page d’un tiré à part d’un article que lui avait donné G. De Sanctis (il s’agit de l’article de 1929 cité dans la bibliographie) et qui est aujourd’hui conservé à la bibliothèque de la Scuola Normale di Pisa. On y trouve un extrait recopié à la main du passage de Festus avec l’indication « conplures (augures ?) ». D’après Van Haeperen 2012, p. 75-76 et n. 29, les ὀρνιθοσκόποι dans le passage de Denys d’Halicarnasse ne sont probablement pas des augures, mais des pullarii salariés par la communauté, qui procédaient à l’observation des signes pour le compte des magistrats à la fin de la République, au grand dam de Cicéron, qui regrettait le temps où les magistrats observaient eux-mêmes le ciel tout en prenant conseil auprès des augures (Cic. diu. 71-74). C’est possible, mais cela n’a pas d’incidence sur l’interprétation du passage de Cincius.

91 Cic. Phil. 2.81 (nos enim nuntiationem solum habemus, consules et reliqui magistratus etiam spectionem).

92 Cf. aussi Liv. 1.7.1, à propos de Rémus et Romulus (utrumque regem sua multitudo consalutauerat).

93 Magdelain 1968, p. 36-57.

94 Dion. Hal. 2.60.3 (Numa) ; 3.1.1-3 (Tullus Hostilius) ; 3.35.5-6 ; 3.36.1 (Ancus Marcius) ; 4.40.2 ; 4.74.4 ; 4.80.2-3 (nomination des rois en général) ; Dion. Hal. 4.75.2 ; Val. Max. 4.4.1 (premiers consuls républicains) ; Liv. 23.31.12-14 (Marcellus, consul suffect en 215) ; Cic. Ver. 2.1.104 (Verrès) ; Val. Max. 8.15.8 (Pompée) ; Cic. Leg. 3.10 ; Leg. agr. 2.26-35 (lex curiata et auspicia) ; Cic. Dom. 38 ; Varr. Ling. Lat. 5.143 ; Gell. 13.14.1 (auspicia urbana) ; Gell. 13.15.4 (auspices des magistrats majeurs et mineurs).

95 Cic. Leg. agr. 27 ; 30 (quod consuli, si legem curiatam non habet, attingere rem militarem non licet) ; Cic. Diu. 2.76-77 (auspicium militare) ; Liv. 5.52.16 (comitia curiata, quae rem militarem continent) ; cf. aussi Varr. Ling. Lat. 7.37 ; Cic. Nat. deor. 2.9 ; Diu. 1.77-78 ; 2.21 ; 2.67 ; 2.71 ; Verr. 2.5.34 ; Pis. 31.2 ; Prou. cons. 37 ; Phil. 3.24.6, 5.24.3 ; Fam. 8.10.2, 15.17.3, 15.19.2 ; Att. 4.13.2 ; Caes. Ciu. 1.6 ; Liv. 5.21.1-3 ; 5.46.11 ; 8.30.2 ; 9.38.15-39.1 ; 10.18.1 ; 21.63.5-9 ; 22.1.4-7 ; 31.14.1-2 ; 36.3.13-14 ; 37.4.1-3 ; 40.26.5- 6 ; 41.10.5, 7, 11 et 13 ; 41.17.3 ; 41.28.1 ; 45.39.15 ; Val. Max. 5.6.3 ; Dion. Hal. 8.37.3 ; 8.86.7.

26 magistrats ordinaires, qui devaient tous se soumettre à ce rituel le jour où ils s’apprêtaient à assumer leurs fonctions au début de l’année civile, indépendamment de la situation politique extérieure. Dès lors, il ne reste plus que deux possibilités : soit l’antiquaire évoque les auspices d’entrée en charge d’un magistrat nommé extra ordinem sur ordre du Sénat pour prendre la direction des armées du Latium96 ; soit il se réfère aux auspices de départ d’un magistrat ordinaire qui avait reçu ce commandement militaire par sortitio, par comparatio ou extra ordinem.

Plusieurs historiens ont supposé que le commandement des armées du Latium était une fonction « latine » ou « fédérale », distincte des magistratures traditionnelles, ordinaires ou extraordinaires, de la République. Quelques-uns, on l’a vu plus haut, ont imaginé à partir du texte de Cincius que ce magistrat était choisi directement par les dieux, et non par les comices ou par le Sénat97 ; certains ont considéré que Rome nommait l’un des deux praetores « fédéraux » qui commandaient les armées du nomen Latinum98 ; d’autres ont identifié ce général au dictator Latinus mentionné dans un célèbre fragment de Caton99, et ils ont supposé e qu’une partie au moins des nombreux dictateurs romains enregistrés dans les Fastes pour le V e et le IV siècle seraient en réalité des magistrats « latins » ou « fédéraux », originaires de Rome ou d’autres cités du Latium : Cincius se serait simplement trompé en donnant à ces dictateurs latins le titre de praetor et les annalistes auraient « déguisé » ces Latins en citoyens romains100.

Ces deux dernières hypothèses se heurtent à un obstacle de taille : il faudrait en effet admettre e er que les annalistes du II et du I siècle auraient procédé à une falsification méthodique et sans faille des Fastes, qui leur aurait permis d’escamoter complètement ces généraux « latins » ou « fédéraux » : les magistrats de la République romaine (consuls, tribuns militaires à pouvoir consulaire et dictateurs romains) sont en effet les seuls, dans la tradition, à avoir exercé des

96 C’est le Sénat qui avait la compétence de recevoir les ambassades et de déterminer chaque année quelles seraient les prouinciae confiées aux magistrats en charge, après avoir procédé à une évaluation des menaces extérieures et des problèmes intérieurs auxquels était confronté la cité romaine. C’est lui qui décidait s’il fallait confier la direction des opérations militaires aux magistrats ordinaires élus par les comices, ou s’il fallait plutôt désigner un dictateur. Il ne fait par conséquent aucun doute, dans le cas qui nous intéresse ici, que c’est au Sénat qu’il appartenait d’ordonner les mesures nécessaires pour répondre à l’appel des Latins. Cette étape est passée sous silence par Cincius, parce qu’elle allait de soi pour ses lecteurs ou parce que le texte transmis par Verrius Flaccus/Festus est fortement résumé, mais il me paraît absolument nécessaire de la restituer dans la succession des événements qui conduisaient à la désignation du général romain.

97 Cf. supra, n. 69.

98 Liv. 8.3.9 (praetores tum duos Latium habebat) ; cf. Manni 1964.

99 Cat. Orig. F 58 Peter = F 2.28 Chassignet (Egerius Baebius Tusculanus dedicauit dicator Latinus).

100 Magistrat « fédéral » élu par les Latins : Niebuhr 1853, p. 45 ; Rosenberg 1919, p. 149-150 ; Alföldi 1965, p. 120-121. Intégration dans la liste des dictateurs romains de plusieurs dictateurs latins originaires de Tusculum : Soltau 1914, p. 352-368 ; Piganiol 1920, p. 306-307 ; Münzer 1920, p. 44-45 ; Bellini 1961 p. 222-223. Élection à Rome même d’un magistrat « fédéral » ou « latin » portant le titre de dictator ou de praetor : De Sanctis 1907, p. 99-100 ; Bruno 1910, p. 1755 ; Kunkel 1959/1974, p. 16/360 ; Pinsent 1959, p. 83-84 ; Ogilvie 1965, p. 399-400 ; Ridley 1979, p. 303-309.

27 commandements militaires à l’époque qui nous intéresse ici. On ne connaît qu’une seule exception : en 464, T. Quinctius Capitolinus, qui avait été consul pour la troisième fois l’année précédente, aurait été nommé par le Sénat à la tête d’un corps de troupes composé exclusivement de Latins et d’Herniques avec le titre parfaitement anachronique de proconsul, afin de porter secours à l’armée du consul Sp. Furius encerclée par les Èques ; l’autre consul, A. Postumius, serait resté à Rome pour y organiser la mobilisation générale et y « veiller à ce que la République ne subisse aucun dommage », selon la formule célèbre – mais elle aussi anachronique dans ce contexte – que l’on rencontre dans quelques sénatus-consultes de la fin de la République (uideret ne quid res publica detrimenti caperet)101. Ce passage problématique et isolé ne saurait être considéré comme une preuve irréfutable de l’existence de magistrats « latins » ou « fédéraux », qui auraient cessé d’exister au moment de la dissolution de la Ligue latine et que la tradition annalistique aurait gommé des Fastes pour les périodes plus anciennes102. Par ailleurs, si l’on accepte la thèse défendue plus haut, selon laquelle Rome ne faisait pas partie de la Ligue latine après la conclusion du foedus Cassianum, ces généraux « latins » ou « fédéraux » nommés par Rome n’ont plus lieu d’être : on ne voit pas pourquoi les Romains auraient créé des magistrats ad hoc pour commander les contingents romains et latins réunis, alors qu’ils pouvaient parfaitement confier cette mission à l’un des magistrats suprêmes de la République.

Il n’y a guère que Th. Mommsen et A. Magdelain qui aient reconnu dans le passage de Cincius une allusion à la prise des auspices de départ des magistrats romains traditionnels revêtus d’un commandement militaire103. Cette solution présente le très grand avantage e e d’englober tous les cas de figure qui ont pu se présenter au cours du V et du IV siècle, et cela sans remettre en cause le fonctionnement des institutions romaines tel qu’il est décrit par la tradition annalistique, qui a conservé le souvenir d’importants changements dans la magistrature suprême de la République romaine. La chronologie et la signification de ces réformes font l’objet de débats sans fin chez les Modernes, mais l’historicité de ces 104 e différentes magistratures n’est pas en doute : à l’origine, et au moins jusqu’au milieu du V siècle, les premiers magistrats de Rome ont porté le titre de praetor avant d’être appelés

101 Liv. 3.4.7-11 ; cet épisode est au centre de la thèse de Piganiol 1920, p. 285-361, notamment p. 305-315. Sur les fameux sénatus-consultes « ultimes » de la fin de la République (l’expression senatus consultum ultimum est une création moderne), cf. en dernier lieu Giovannini 2012, p. 181-196.

102 Sur la fiabilité globale de la tradition annalistique et des Fastes, cf. Fraccaro 1956 ; Cornell 1986 et 1995, p. 1-26 ; Forsythe 2005, p. 59-77.

103 Mommsen 1887, p. 78 n. 3 et 99 n. 2 ; Magdelain 1968, p. 42. Contra : Kunkel 1959/1974, p. 15-16/359- 360, qui s’est montré très sévère à l’égard de Th. Mommsen.

104 La bibliographie sur l’origine des magistratures romaines dépasse les limites du raisonnable. Pour une synthèse des vues anciennes, on peut partir de De Martino 1972a et 1972b ; pour une présentation schématique et volontairement caricaturale des différentes tentatives modernes de corriger ou de réinterpréter les données de la tradition annalistique, suivie d’un plaidoyer en faveur de cette tradition, cf. Momigliano 1989 ; cf. dans le même sens Giovannini 1984 et 1993 ; Cornell 1995, p. 226-230.

28 consules105 ; le Sénat a plus d’une fois ordonné à ces préteurs/consuls de nommer un dictateur en raison des menaces qui pesaient sur Rome et le Latium106 ; la République a été gouvernée par des décemvirs pendant trois ans107 ; des tribuns militaires à pouvoir consulaire, dont le nombre a varié entre trois et neuf, ont été nommés à maintes reprises en lieu et place des préteurs/consuls entre 445 et 367108 ; il est enfin question d’un commandant désigné dans l’urgence et en marge des règles habituelles pour venir en aide à un consul en difficulté avec son armée109. Toujours d’après la tradition, la plupart de ces magistrats ordinaires ou extraordinaires ont combattu en coopération avec les Latins, et nous n’avons pas de raison de douter qu’ils aient veillé à prendre les auspices sur le Capitole avant de quitter Rome pour rejoindre leur prouincia et prendre la tête des armées coalisées110. C’est donc très vraisemblablement à ce rituel que Cincius fait allusion dans ce passage – tiré d’un ouvrage consacré au pouvoir des consuls, il faut le rappeler –, qui prétend décrire une procédure en vigueur sans interruption jusqu’à la dissolution de la Ligue latine. Pour illustrer l’importance des deux formes d’auspices d’investiture, je ne crois pas inutile de citer en conclusion de cette section un extrait de Tite-Live relatif à l’affaire du consul C. Flaminius, qui avait négligé de prendre aussi bien les auspices d’entrée en charge que les auspices de départ, et qui fut écrasé par l’armée d’Hannibal au lac Trasimène en 217 :

Ob haec ratus auspiciis ementiendis Latinarumque feriarum mora et consularibus aliis impedimentis retenturos se in urbe, simulato itinere priuatus clam in prouinciam abiit. Ea res ubi palam facta est, nouam insuper iram infestis iam ante patribus mouit: non cum senatu modo sed iam cum dis immortalibus C. Flaminium bellum gerere. Consulem ante inauspicato factum reuocantibus ex ipsa acie dis atque hominibus non paruisse; nunc conscientia spretorum et Capitolium et sollemnem uotorum nuncupationem fugisse, ne die initi magistratus Iouis optimi maximi templum adiret, ne senatum inuisus ipse et sibi uni inuisum uideret consuleretque, ne Latinas indiceret Iouique Latiari sollemne sacrum in monte faceret, ne auspicato profectus in Capitolium ad uota nuncupanda, paludatus inde cum lictoribus in prouinciam iret (Liv. 21.63.5- 9)111. « Supposant pour ces raisons que (ses adversaires) le retiendraient à Rome en inventant de faux auspices112, en retardant les Féries latines ou en suscitant d’autres obstacles à la prise de ses

105 Liv. 3.55.12 (iis temporibus nondum consulem iudicem sed praetorem appellari mos fuerit) ; Liv. 7.3.5 ; Zon. 7.19.1 ; Cic. Leg. 3.8 ; XII Tab. 8.14.

106 Pour la création de la dictature à Rome, cf. Liv. 2.18.2-4 ; Dion. Hal. 5.70-75. Les dictateurs portaient à l’origine le titre de magister populi : Cic. Leg. 3.9-10 ; Rep. 1.63 ; Fest. p. 216 L.

107 Liv. 3.33.1 ; 3.35.9-11 ; Dion. Hal. 10.54.6-56.2 ; 10.58.3-59.3.

108 Pour l’origine de cette mesure, cf. Liv. 4.1-12 ; Dion. Hal. 11.56.2-3 ; 11.60.5.

109 Liv. 3.4.7-11.

110 Dion. Hal. 10.20 ; Liv. 3.22.2-4 ; 4.37.4-6 ; 4.53.1-2 ; 4.55.1-2 (préteurs/consuls) ; Liv. 4.26.1-12 ; 4.45.5- 46.12 ; 7.12.7-8 ; 7.19.5-10 (dictateurs) ; Liv. 3.38.5-6 ; 3.41.7-10 (décemvirs) ; Liv. 4.45.5-7 (tribuns militaires).

111 Cf. aussi Liv. 22.1.4-7.

112 Il s’agit des sénateurs qui lui étaient hostiles et qui demanderaient aux augures d’annoncer des auspices défavorables.

29 fonctions consulaires, il partit dans sa province en cachette, simulant un voyage privé. Lorsque l’affaire éclata au grand jour, une colère nouvelle s’empara des patres déjà hostiles à son égard : "Caius Flaminius ne faisait plus seulement la guerre au Sénat, mais aussi aux dieux immortels ! Déjà autrefois, nommé consul sans avoir pris les auspices, il n’avait pas obéi aux dieux et aux hommes qui le rappelaient du front ; aujourd’hui, ayant pris conscience du mépris (qu’il avait pour eux), il fuyait le Capitole et la prononciation solennelle des vœux ; il évitait de pénétrer dans le temple de Jupiter Très Bon Très Grand le premier jour de sa magistrature ; il ne voulait pas rencontrer et consulter (les membres) du Sénat, que lui-même détestait et qui le détestaient tout autant ; il refusait de fixer la date des Féries latines et d’accomplir un sacrifice solennel à Jupiter Latiar sur le Mont (Albain) ; il renonçait à partir dans sa province revêtu de sa tenue militaire et accompagné de ses licteurs, après avoir pris les auspices et être monté sur le Capitole pour y prononcer ses vœux" ».

Militem … praetorem salutare solitum, qui eam prouinciam optineret praetoris nomine Cincius dit que le général romain qui avait reçu la conduite de la guerre à la tête des armées du Latium était salué praetor par les soldats latins, et qu’il exerçait son commandement avec le titre de préteur (praetoris nomine)113. Deux solutions ont été envisagées par les Modernes pour expliquer le sens de cette appellation : d’après les uns, ce rituel remontait à une époque où praetor était le titre officiel des magistrats supérieurs de la République romaine114 ; selon d’autres, les Latins donnaient au général romain le titre que portaient les dirigeants de la e 115 Ligue latine, en tous les cas au milieu IV siècle . Il n’est peut-être pas nécessaire de trancher entre ces deux hypothèses, dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles. L’origine de cette salutatio ad portam date probablement des années où la préture était la magistrature suprême à Rome, et c’est très certainement cet élément qui intéressait Cincius dans son De consulum potestate. Mais le titre de praetor est également attesté dans plusieurs autres cités de l’Italie centrale à cette époque, et cela pourrait expliquer que les Latins aient employé un titre identique pour désigner les généraux en chef de leurs armées, aussi bien ceux qui étaient élus par l’assemblée de la ligue que ceux qui étaient envoyés par Rome116. Par la suite, les Latins pourraient avoir conservé l’usage de saluer les généraux romains du titre de praetor, qui était toujours en vigueur dans certaines de leurs cités et dans le cadre de la ligue, alors même que le titre des chefs de la République romaine avait changé (consuls) et que de nouvelles magistratures étaient apparues (dictateurs et tribuns militaires à pouvoir consulaire). C’est du reste un phénomène identique que Verrius Flaccus/Festus a cherché à expliquer dans cette notice en s’appuyant sur le témoignage de Cincius : au début de l’Empire, on saluait du titre de praetor tous les gouverneurs qui se rendaient dans leurs provinces, alors qu’à cette date, aucun d’entre eux ne portait plus officiellement ce titre, qui avait été celui des

113 Le terme prouincia doit naturellement être compris ici dans son acception originelle de « sphère d’activité, mission, domaine de compétence » du magistrat : Liv. 2.40.14 ; 26.28.3 ; 30.43.1 ; 39.8.3. Pour le sens de nomen dans ce contexte, cf. Caes. Ciu. 2.32.14 (uos me imperatoris nomine appellauistis).

114 Liv. 3.55.12 ; Werner 1963, p. 467 ; Bernardi 1973, p. 31 ; Momigliano 1989, p. 181.

115 Coli 1951, p. 163 ; Oakley 1997, p. 340.

116 Cf. infra, appendice.

30 e e gouverneurs en charge des premières provinces fixes au III et au II siècle. Ce qu’il importe surtout de relever, c’est la signification de cette salutatio aux portes de Rome : il s’agissait pour les contingents envoyés par les différentes cités latines de faire acte d’allégeance à un général en chef qui, selon l’interprétation défendue plus haut, n’appartenait pas à l’une des cités membres de la ligue et n’avait pas été élu par l’assemblée à l’aqua Ferentina117.

On trouve chez Tite-Live une évocation synthétique de l’ensemble de la procédure, telle que j’ai proposé de la reconstituer dans cette étude, de l’appel des Latins à Rome au nom du foedus Cassianum jusqu’au départ du général romain, en passant par la répartition des provinces entre les consuls et l’arrivée des contingents latins aux portes de la Ville :

Bellum ingens a Volscis et Aequis Latini atque Hernici nuntiabant (...). Consules inde partiti prouincias : Fabio ut legiones Antium duceret datum, Cornelius ut Romae praesidio esset (...) Hernici et Latini iussi milites dare ex foedere, duaeque partes sociorum in exercitu, tertia ciuium fuit. Postquam ad diem praestitutum uenerunt socii, consul extra portam Capenam castra locat. Inde lustrato exercitu Antium profectus haud procul oppido statiuisque hostium consedit (Liv. 3.22.2-4). « Les Latins et les Herniques annonçaient une guerre terrible avec les Volsques et les Èques (...). Les consuls se répartirent alors les provinces : à Fabius échut la mission de conduire les légions à Antium, Cornelius fut chargé de la défense de Rome (...). Les Herniques et les Latins ayant reçu l’ordre de fournir des soldats au nom du traité, l’armée était composée de deux tiers d’alliés et d’un tiers de citoyens romains. Après que les alliés se furent présentés au jour fixé, le consul établit son camp à l’extérieur de la Porte Capène. Une fois qu’il eût procédé à la purification de l’armée, il se rendit à Antium et s’établit non loin de la place forte et des positions ennemies ».

Sans aucun doute, il manque dans cet extrait une partie des éléments qui ont retenu l’attention de Cincius, et les Latins y apparaissent comme des sujets tenus d’obéir aux ordres du consul plutôt que comme de véritables alliés, conformément aux biais de la tradition annalistique. Cependant, les deux textes se complètent et s’expliquent mutuellement, me semble-t-il, et ils permettent de brosser un tableau parfaitement cohérent de la procédure, sans qu’il soit nécessaire de rejeter aucune des données à notre disposition. Les ambassadeurs latins ont très certainement été envoyés à Rome pour annoncer la guerre et demander de l’aide sur décision de l’assemblée de la ligue à l’aqua Ferentina ; celui des deux consuls qui a reçu la guerre contre Antium par sortitio ou par comparatio n’a sans doute pas manqué de prendre les auspices sur le Capitole avant de quitter Rome ; les contingents envoyés par les Latins et les Herniques conformément au foedus se sont présentés aux portes de Rome au jour convenu, et c’est très probablement à l’occasion de la purification rituelle de l’armée que le consul a été salué du titre de praetor. Cette ancienne cérémonie accomplie aux portes de la Ville a été conservée longtemps après la dissolution de la Ligue latine et en dépit de l’éloignement des théâtres d’opérations militaires : on en trouve peut-être la trace dans un extrait de Tite-Live e 118 qui concerne le II siècle :

117 Cornell 2000, p. 220.

118 Pinsent 1959, p. 83-84.

31 Itaque Minucius consul, cui Ligures prouincia euenerat, ex auctoritate patrum in rostra escendit et edixit ut legiones duae urbanae quae superiore anno conscriptae essent post diem decimum Arretii adessent : in earum locum se duas legiones urbanas scripturum. Item sociis et Latino nomini, magistratibus legatisque eorum qui milites dare debebant, edixit ut in Capitolio se adirent. Iis quindecim milia peditum et quingentos equites pro numero cuiusque iuniorum discripsit et inde ex Capitolio protinus ire ad portam et, ut maturaretur res, proficisci ad dilectum iussit (Liv. 34.56.3-7). « C’est pourquoi le consul Minucius, qui avait obtenu comme province (la guerre contre) les Ligures, monta à la tribune des Rostres conformément à l’avis des patres et ordonna aux deux légions urbaines qui avaient été recrutées l’année précédente de se présenter à Arretium dans les dix jours ; il déclara qu’il recruterait deux légions urbaines pour les remplacer. De même, il ordonna aux alliés et au nomen Latinum, à leurs magistrats et à leurs ambassadeurs, tenus de fournir des soldats, de se rendre au Capitole. Il leur assigna (la fourniture totale de) quinze mille fantassins et cinq cents cavaliers, au prorata du nombre des hommes mobilisables chez chacun d’eux ; il leur ordonna ensuite d’aller directement du Capitole à la porte (de la Ville), et, afin d’accélérer les choses, de partir pour procéder au recrutement ».

Les indications topographiques figurant tout à la fin de ce passage sont surprenantes (ex Capitolio … ad portam) : compte tenu de l’urgence qu’il y avait à envoyer des troupes en Ligurie, on ne comprend pas pourquoi le consul n’a pas simplement ordonné aux magistrats et aux ambassadeurs de rentrer chez eux sans délai afin de procéder au recrutement. On peut donc supposer que les représentants des alliés devaient s’arrêter brièvement à la porte de la Ville pour y accomplir le rituel de la salutatio du consul, qui allait lui aussi quitter Rome pour rejoindre ses propres troupes à Arretium.

TRADUCTION ET RÉCAPITULATION Parvenu au terme de cette longue analyse, il me paraît possible de proposer une nouvelle traduction de ce fragment :

« Maintenant on salue (du titre de) préteur à la porte (de la Ville) celui qui se rend dans une province en tant que propréteur ou proconsul. L’origine de cet usage, rapporte Cincius dans son livre Sur le pouvoir des consuls, est la suivante : "les Albains dirigèrent les affaires (des Latins) jusqu’au règne de Tullus. De la destruction d’Albe jusqu’au consulat de P. Decius Mus, les peuples latins eurent l’habitude de se consulter (à propos de leurs affaires) à la source de Ferentina, qui est au pied du Mont Albain, et de régler (la question du) commandement militaire par une délibération commune. C’est pourquoi, l’année où il était nécessaire que les Romains envoient des généraux à l’armée par décision (des cités) du nom latin, plusieurs des nôtres avaient l’habitude de se consacrer à (l’observation) des auspices sur le Capitole au soleil levant. Lorsque les oiseaux avaient donné leur approbation, les soldats qui avaient été envoyés par l’ensemble des Latins avaient coutume de saluer préteur celui auquel les oiseaux avaient donné leur approbation, (et) qui détenait (ainsi) cette prouincia avec le titre de préteur" ».

L’analyse lexicale, grammaticale et institutionnelle du passage m’a conduit à la conclusion que Cincius concevait globalement les relations romano-latines de la même façon que la tradition annalistique, représentée notamment par Tite-Live et Denys d’Halicarnasse :

– Il a situé l’institution de la salutatio ad portam dans un cadre chronologique et historique qui correspond, dans la tradition annalistique, à la période durant laquelle les Romains n’auraient cessé de revendiquer l’hégémonie sur tout le Latium, soit entre le

32 e règne de Tullus Hostilius et la dissolution de la Ligue latine au IV siècle. Plusieurs indices tirés du texte même (titre de praetor porté par le général en chef ; autonomie des Latins) invitent à placer l’origine ce rituel plutôt après la conclusion du foedus Cassianum en 493.

– Il emploie un vocabulaire et des concepts identiques à ceux que l’on trouve dans la tradition annalistique, et il est donc probable qu’il leur attribue un sens identique : tout comme Tite-Live ou Denys d’Halicarnasse, il ne paraît pas avoir inclus Rome parmi les populi Latini qui constituaient le nomen Latinum et qui tenaient leurs assemblées à e e l’aqua Ferentina au V et au IV siècle.

– Il est en revanche exempt des biais de la tradition annalistique sur un point, manifeste dans les clauses du foedus Cassianum et perceptible dans quelques passages de cette tradition : à la date où la procédure qu’il décrit était en vigueur, les cités membres de la Ligue latine n’étaient pas des sujets de Rome sans cesse portés à la révolte, mais des partenaires politiquement indépendants.

– L’assemblée des Latins avait la compétence de délibérer souverainement de la question du commandement militaire. Son attribution ne dépendait pas d’un règlement ou d’un traité qui aurait établi une fois pour toutes un système de rotation entre toutes les cités latines, ou un système d’alternance entre Rome d’un côté et les Latins de l’autre : la question faisait chaque année l’objet d’une délibération et d’un vote à l’assemblée des Latins, et ce sont les circonstances qui, certaines années uniquement, déterminaient les délégués à faire appel aux Romains.

– Cette assemblée n’avait pas la compétence d’élire elle-même les généraux romains ; son rôle se limitait à réclamer aux autorités de Rome l’envoi d’un général, qui était désigné à Rome même par les instances compétentes. Cette information, confrontée à ce que nous savons par d’autres sources sur l’élection des généraux issus des cités latines, tend à corroborer l’hypothèse selon laquelle Rome ne faisait pas partie des e e membres « ordinaires » de la Ligue latine au V et au IV siècle.

– La formule iussu nominis Latini ne constitue pas un obstacle à cette interprétation : la « décision » – tel est l’un des sens possible de iussus – de l’assemblée de faire appel à un général romain, de même que la réponse positive des autorités romaines, peuvent parfaitement s’expliquer dans le contexte de l’alliance militaire scellée par le foedus Cassianum, qui obligeait les deux partenaires à se porter mutuellement assistance en cas de menace extérieure pesant sur le Latium. Le passage de Cincius laisse entendre que Rome exerçait le commandement des armées communes chaque fois que les Latins sollicitaient son intervention au nom de ce traité.

– Compte tenu de ce que nous savons du rôle des auspices dans le fonctionnement des institutions romaines, il paraît hautement probable que la consultation sur le Capitole n’avait pas pour objectif de choisir le général romain parmi plusieurs candidats, mais d’obtenir l’approbation des dieux pour l’attribution du commandement militaire à un magistrat désigné selon les procédures habituelles (élection préalable par les comices ou nomination extra ordinem sur décision du Sénat).

– Cette mission n’était vraisemblablement pas confiée à un magistrat « latin » ou « fédéral » nommé uniquement en cas d’appel des Latins et dont on aurait perdu toute

33 trace dans la tradition annalistique, mais à l’un des magistrats ordinaires ou extraordinaires de la République romaine, qui étaient les seuls autorisés à prendre les auspices dans l’intérêt de la communauté.

– L’observation du ciel sur le Capitole décrite par Cincius correspond peut-être à la prise des auspices de départ, à laquelle devaient procéder tous les magistrats ayant obtenu un commandement militaire au moment de quitter Rome pour se rendre dans leur province. Le général romain était ensuite salué aux portes de la Ville par les contingents du Latium envoyés en application des clauses du foedus Cassianum.

– Suivant les époques et les circonstances, ces magistrats ont été appelés préteurs, consuls, tribuns militaires à pouvoir consulaire ou encore dictateurs, mais quel que soit le titre qu’ils portaient à Rome, ils étaient salués du nom de praetor car c’était à l’origine le titre porté par les premiers magistrats républicains de Rome et d’autres cités de l’Italie centrale, et c’était aussi celui porté par les généraux de la Ligue latine, du moins en certaines circonstances et à certaines époques119.

CONCLUSION Les partisans d’une lecture hypercritique de la tradition annalistique continueront sans doute de penser que les récits de Tite-Live et Denys d’Halicarnasse sont sans grande valeur pour les deux premiers siècles de la République, et je n’ai nullement la prétention de les convaincre du contraire par cette étude. J’ai simplement tenté de montrer que le témoignage de Cincius ne devrait pas être invoqué pour rejeter ou corriger les données de cette tradition, comme l’ont fait de nombreux historiens, pour la raison principale qu’en dépit des apparences, il présente l’histoire des relations entre Rome et les Latins sous un éclairage très semblable à celui que lui ont donné les historiens de la fin de la République. Nous n’avons donc aucune raison de supposer qu’il disposait de sources différentes, plus objectives et plus fiables, sur ce sujet. Il convient de réserver notre jugement pour l’époque royale, durant laquelle Rome paraît avoir dominé une partie du Latium, mais l’ensemble des témoignages à notre disposition, y compris le fragment de Cincius, laisse entendre qu’entre la conclusion du foedus Cassianum et la guerre romano-latine de 340-338, les Latins ont conservé leur indépendance politique au sein d’une ligue qu’ils avaient formée aux alentours de l’an 500 pour résister aux ambitions de Rome, et dont cette dernière ne faisait pas partie. Romains et Latins étaient libres de faire la guerre à qui ils voulaient, chacun de leur côté et sous les ordres de leurs généraux respectifs, mais il leur est arrivé souvent de faire campagne ensemble contre les peuples voisins du Latium, au nom de l’alliance militaire défensive qu’ils avaient conclue en 493 et renouvelée en 358. Les Latins devaient alors composer avec un partenaire plus puissant qu’eux qui revendiquait peut-être le commandement lors de toutes les opérations menées en commun pour la défense du Latium.

119 Cf. infra, appendice.

34 ADDENDUM Dans un article auquel je n’avais pas eu accès jusqu’à récemment, A. Ziółkowski (« The Capitol and the "auspices of departure" », in S. Ruciński et al. (dir.), Studia Mrozewicz ab amicis et discipulis dedicata, Poznań, 2011, p. 465-471) soutient que : a) il faut corriger imperatores en imperatorem ; b) que les auspices de départ des magistrats ne se prenaient pas sur le Capitole et que la cérémonie évoquée par Cincius correspond donc à un rituel différent, inconnu de nous ; c) que les mots illum quem aues addixerant praetorem constituent une interpolation. Ses arguments à propos des points b) et c) méritent assurément considération, même s’il est toujours gênant de construire une interprétation sur la base d’un texte dont on évacue les éléments qui contredisent ladite interprétation. Dans tous les cas, cela ne change rien à mes propres conclusions sur les autres points controversés du passage.

APPENDICE : LE TITRE ET LE NOMBRE DES GÉNÉRAUX DE LA LIGUE LATINE Denys affirme que les armées de la Ligue latine auraient été dirigées dès l’origine par deux généraux auxquels il donne les titres de στρατηγοί, στρατηγοὶ αὐτοκράτορες, ou encore ἡγεμόνες120. D’après la tradition latine, en revanche il n’y aurait eu qu’un seul commandant e e en chef à la fin du VI et au début du V siècle, appelé dicator Latinus, dux Latinus ou 121 e encore imperator Latinus , et c’est seulement pour le IV siècle que l’on trouve mention chez Tite-Live deux praetores à la tête de la ligue122. Les Modernes ont naturellement tenté de résoudre ces contradictions, mais ils sont arrivés à des résultats contrastés. La plupart ont fait grand cas du fragment de Caton en raison de la mention d’un dicator Latinus, que certains considèrent comme le modèle de la dictature romaine123. Cependant, force est de constater qu’il s’agit d’un hapax : la tradition annalistique, qui connaît pourtant l’existence de dictateurs à Albe et à Tusculum124, a préféré recourir aux termes dux et imperator, beaucoup

120 Dion. Hal. 5.50.8 (στρατηγοί) ; 3.34.3 ; 5.61.3 ; 5.76.3 (στρατηγοὶ αὐτοκράτορες) ; 5.61.3 ; 6.4.1 ; 8.15.2 (ἡγεμόνες).

121 Cat. Orig. F 58 Peter = F 2.28 Chassignet (Egerius Baebius Tusculanus dedicauit dicator Latinus) ; Flor. 1.15 (omne Latium Mamilio Tusculano duce quasi in regis ultionem tollit animos) ; Liv. 2.19.10 (Latinus dux) ; Liv. 2.20.7 (imperator Latinus). En 1.49.9, Tite-Live écrit à propos d’Octavius Mamilius qu’il était le princeps des Latins (is longe princeps Latini nominis erat), mais il s’agit là de sa position de fait au sein des élites latines, et non de la fonction qu’il occupait à la tête de la ligue. Ce passage doit être rapproché de Dion. Hal. 4.45.1 (ὁ Ταρκύνιος … τὸν ἐπιφανέστατον ἐκ τοῦ Λατίνων ἔθνους καὶ πλεῖστον ἁπάντων δυνάμενον ἐσπούδαζε φίλον ποιήσασθαι τῷ γάμῳ συζεύξας τῆς θυγατρός, ὃς ἐκαλεῖτο μὲν Ὀκταούιος Μαμίλιος).

122 Liv. 8.3.9 (praetores tum duos Latium habebat).

123 Pour différents points de vue sur les origines de la dictature, cf. par ex. De Sanctis 1907, p. 99-100 et 409- 413 ; Rosenberg 1913, p. 71-79 & 1919, p. 149 ; Soltau 1914, p. 352-368 ; Piganiol 1920, p. 306-307 ; Frezza 1947, p. 280-281 ; Coli 1951, p. 162-164 ; Altheim 1953, p. 405-429 ; Kunkel 1959/1974, p. 16/360 ; Bellini 1961 p. 222-223 ; Bernardi 1973, p. 31-32 ; Ridley 1979, p. 303-309 ; Ampolo 1990, p. 126-130 ; Liou-Gille 2004, p. 422-428 ; Bourdin 2012, p. 283, n. 49-51 & p. 296.

124 Liv. 1.23.4 ; 1.24.9 ; 1.27.1 (Mettius Fufétius, d’Albe) ; Liv. 3.18.2 ; 6.26.4 (L. Mamilius, de Tusculum). Ces dictateurs sont aussi appelés dux dans certains sources : Fest. p. 380 L ; Val. Max. 7.4.1 ; [Aur. Vic.] Vir. ill. 4.10 (Mettius Fufétius) ; Liv. 3.19.2 ; Val. Max. 1.8.1 (L. Mamilius).

35 plus vagues, pour désigner les généraux de la Ligue latine, des termes qu’elle utilise également pour les chefs militaires des autres peuples de l’Italie centrale (Volsques, Èques et Samnites)125. Quant à Denys d’Halicarnasse, fidèle à son projet de démontrer que tout était d’origine grecque chez les Romains, il a rejeté la thèse de Licinius Macer sur l’origine albaine de la dictature et il a réservé le terme δικτάτωρ aux seuls magistrats romains126 ; pour les dictateurs d’Albe et de Tusculum, il a donc employé tantôt le titre de στρατηγὸς αὐτοκράτωρ, que Polybe a lui aussi utilisé pour traduire la fonction de dictateur à Rome127, tantôt une périphrase du type τὴν μεγίστην ἐν τῇ πόλει ἀρχὴν ἔχων128 ; comme les auteurs latins, il a recouru à des titres imprécis pour les dirigeants de la Ligue latine (στρατηγός, ἡγεμών et στρατηγὸς αὐτοκράτωρ), pour le chef unique des Sabins (στρατηγὸς αὐτοκράτωρ), et pour les deux généraux des Volsques (στρατηγοὶ αὐτοκράτορες)129. Il est donc absolument vain de chercher à savoir si Denys a utilisé ces différents termes pour traduire la fonction de dictator (Latinus) ou plutôt celle de praetor dans le cas des Latins : selon toute probabilité, il a suivi une source latine qui n’employait aucun de ces deux termes, mais plutôt dux ou imperator. e Pour ce qui est du nombre des généraux latins au début du V siècle, Denys pourrait avoir suivi une tradition différente, qui faisait de Sextus Tarquin l’égal du dux Latinus Octavius Mamilius en raison du rôle central que les Tarquins ont joué dans le déclenchement de la révolte des Latins contre Rome, puis à nouveau le jour de la bataille du Lac Régille130.

Cela dit, le rapprochement des témoignages de Caton, de Cincius et de Tite-Live permet de penser que les deux titres « officiels » portés par les chefs militaires du Latium ont effectivement été ceux de dictator et de praetor, qui sont l’un et l’autre attestés pour la magistrature suprême dans différentes cités du Latium et de l’Italie centrale131. Il n’y a rien de

125 Liv. 2.39.1 ; 2.40.13 ; 4.9.12 ; 4.10.1 ; 4.10.7 ; 4.37.4 ; 4.39.1 ; 9.15.8 ; 9.22.11 ; 9.44.13 ; 10.19.14 ; 10.29.16. Notons au passage que Tite-Live emploie à deux reprises le terme praetor pour désigner les chefs samnites : Liv. 8.26.1 ; 8.39.12.

126 Dion. Hal. 5.73.1-74.4 ; Licin. Macer F 10 Peter = F 7 Walt = F 7 Chassignet [= Dion. Hal. 5.74.4]. Cf. aussi Plut. Rom. 27.1, avec les commentaires de Nicolet 1988 et Walt 1997, p. 227-229 (brève présentation des différentes hypothèses modernes sur l’origine de la dictature romaine).

127 Pol. 3.86.7 ; 3.87.7-8 = 6.18.9-10, à propos du dictateur romain nommé en 217 après la bataille du Lac Trasimène.

128 Dion. Hal. 3.5.3 ; 3.7.3 (στρατηγὸς αὐτοκράτωρ) ; 3.2.1 ; 3.28.6 ; 10.16.3 (μεγίστη ἀρχή). Pour une expression comparable, cf. Serv. ad Aen. 8.642 (Mettius Fufetius cum apud Albanos summam rerum teneret).

129 Dion. Hal. 3.34.3 ; 5.50.2 5.61.3 ; 5.76.3 ; 6.4.1 ; 8.15.2 (Latins) ; 5.40.1-2 (Sabins) ; 8.11.1-2 ; 8.32.4 ; 8.58.1 ; 10.9.6 (Volsques).

130 Cic. Att. 9.10.3 ; Liv. 2.15.7 ; 2.19.3-6 ; 2.19.10 ; 2.20.1-3 ; Dion. Hal. 5.61.1-3 ; 5.76.3 ; 6.2.1 ; 6.4.1 ; 6.5.2-5 ; 6.11.1-2 ; 6.12.5.

131 En dehors de Rome, la dictature est attestée à haute époque à Albe (Liv. 1.23.4 ; 1.24.9 ; 1.27.1 ; ILS 9507 ; AE 1913, 189) et à Tusculum (Liv. 3.18.2 ; 6.26.4). Si l’on se fonde sur les documents d’époque tardo-républicaine et impériale, elle a vraisemblablement existé aussi à Aricie (ILS 3243 ; 6193) ; Lanuvium (Cic. Mil. 45 ; ILLRP 129a ; ILS 6194 ; 6200 ; 7212, l. 9) ; Préneste (AE 1903, 341) ; Nomentum (ILS 2740 ; 4378 ; AE 1975, 145) ; Fidènes (ILLRP 591 ; ILS 6224 ; Macr. Sat. 1.11.37) ; Fabrateria Vetus

36 surprenant à ce que leur nom ait changé au cours du temps, ni à ce que leur nombre ait été doublé, par exemple en raison de la multiplication des théâtres d’opérations militaires, mais les témoignages ne sont pas suffisamment nombreux pour que l’on puisse reconstituer les règles suivies par les Latins, et plusieurs solutions sont possibles : on peut imaginer que le passage de dictator à praetor est intervenu à un moment précis et une fois pour toutes, lorsque le nombre des généraux élus a été définitivement doublé ; il pourrait également y avoir eu alternance entre des dictateurs uniques et des paires de préteurs au gré des circonstances et des besoins ; enfin, et c’est peut-être l’hypothèse la plus plausible, on ne saurait exclure qu’un magistrat unique ait porté tantôt le titre de dictator, tantôt celui de praetor : l’expression employée par Tite-Live (praetores tum duo Latium habebat) laisse en effet entendre que la désignation de deux préteurs à la tête de la ligue en 340 était un phénomène nouveau ou une mesure exceptionnelle132. De fait, dans le fragment de Cincius, il est question de la nomination d’un seul praetor à la fois. À titre de comparaison, on peut relever que Cloelius d’Albe porte le titre de praetor dans un fragment de Caton et celui de rex dans un passage de Tite-Live, alors que son successeur Mettius Fufétius est nommé dictator dans ce même passage133. On peut également noter que le terme de dictator a été utilisé dans l’inscription honorifique du consul C. Duilius pour désigner Hannibal, l’amiral en chef de la flotte carthaginoise à la bataille de Mylae en 260134. Manifestement, ces titres étaient à peu près équivalents et interchangeables à haute époque.

BIBLIOGRAPHIE Alföldi 1961 : A. Alföldi, « Il santuario federale latino di Diana sull’Aventino e il tempio di Ceres », SMSR 32, 1964, p. 21-39. Alföldi 1965 : A. Alföldi, Early Rome and the Latins, Ann Arbor, 1965. Altheim 1953 : F. Altheim, Römische Geschichte II : bis zum Latiner Frieden 338 v. Chr., Wiesbaden, 19534. Ampolo 1981 : C. Ampolo, « Ricerche sulla lega latina I : Caput aquae Ferentinae e Lacus Turni », PP 36, 1981, p. 219-233.

Ampolo 1983 : C. Ampolo, « Ricerche sulla lega latina II. La dedica di Egerius Baebius (Cato fr. 58 Peter), PP 38, 1983, p. 321-326.

Ampolo 1990 : C. Ampolo, « Roma arcaica ed i Latini nel V secolo », dans Crises et transformations des e sociétés de l’Italie antique au V siècle av. J.-C., Roma, 1990, p. 117-133 (CEFR 137).

(CIL X 5655) ; Caere (CIL XI 3257 [trouvée à Sutrium] ; 3593 ; 3614) ; Bruno 1910, p. 1755-1759. La fonction de dicator est par ailleurs attestée dans une loi sacrée d’époque républicaine trouvée dans la colonie latine de Spoletium (CIL I2 366, col. II, l. 3-10 : sei quis scies / uiolasit dolo malo, / Ioue bouid piaculum / datod et a CCC / moltai suntod ; / eius piaculi / moltaique dicator / exactio est[od]). Quant à la préture, on la trouve dans le Latium à Albe (Cat. orig. F 22 Peter = 1.22 Chassignet) ; à Lavinium (Liv. 8.11.4 ; ILS 1429 ; 1886 ; 2741, 6187 ; AE 1975, 258) ; à Préneste (Liv. 9.16.17) ; à Cora (CIL I2 1513) ; à Vélitrae (CIL X 6554). On la trouve aussi dans d’autres cités voisines non latines, par exemple à Capène (ILS 409) ; à Anagnia (ILS 6259-6261 ; ILLRP 271) ; à Capitulum Hernicum (ILS 2681).

132 Frezza 1947, p. 281.

133 Cat. Orig. F 22 Peter = 1.22 Chassignet ; Liv. 1.23.4.

134 CIL I2 25 = ILS 65 = ILLRP 319, l. 9-11 : [c]umque eis nauebos claseis Poenicas omn[is item ma/x]umas copias Cartaciniensis praesente[d Hanibaled] / dictatored ol[or]om in altod marid pucn[ad uicet].

37 Ampolo 1993 : C. Ampolo, « Boschi sacri e culti federali : l’esempio del Lazio », dans Les bois sacrés, Actes du colloque du Centre Jean Bérard-EPHE, Napoli, 1993, p. 159-167. Ampolo 1996 : C. Ampolo, « L’organizzazione politica dei Latini », in A. Pasqualini (ed.), . Mito, storia, archeologia, Roma, 1996, p. 136-138. Baltrusch 2008: E. Baltrusch, Aussenpolitik, Bünde und Reichsbildung in der Antike, München, 2008. Bandelli 1995 : G. Bandelli, « Coloni e municipi dall’età monarchica alle guerre sannitiche », in Nomen Latinum. Latini e Romani prima di Annibale, in Eutopia 4.2, 1995, p. 143-197. Baronowski 1990 : D.W. Baronowski, « Sub umbra foederis », Phoenix 44, 1990, p. 344-369. Barzanò 1991 : A. Barzanò, « La morte di Turno Erdonio e il problema della localizzazione del lucus e del caput aquae Ferentinae », Aevum 65, 1991, p. 39-63. Bellini 1961 : V. Bellini, « Sulla genesi e la struttura delle leghe nell’Italia arcaica III. Le leghe laziali », RIDA 8, 1961, p. 165-227. Beloch 1926 : J. Beloch, Römische Geschichte bis zum Beginn der Punischen Kriege, Berlin, 1926. Bengtson 1962 : H. Bengtson, Die Staatsveträge des Altertums II. Die Verträge der griechisch-römischen Welt, München, 1962. Bernardi 1973 : A. Bernardi, Nomen Latinum, Pavia, 1973. Berthelet 2015 : Y. Berthelet, Gouverner avec les dieux. Autorité, auspices et pouvoir, sous la République romaine et sous Auguste, Paris, 2015. Bleicken 1981 : J. Bleicken, Zum Begriff der römischen Amtsgewalt : auspicium-potestas-imperium, Göttingen, 1981 (Nachrichten von der Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen, Philosophisch-Historische Klasse 9). Bourdin 2005 : S. Bourdin, « Ardée et les Rutules. Réflexions sur l’émergence et le maintien des identités ethniques des populations du Latium préromain », MEFRA 117, 2005, p. 585-630. Bourdin 2012 : S. Bourdin, Les peuples de l’Italie préromaine : identités, territoires et relations inter-ethniques en Italie centrale et septentrionale (VIIIe-Ier s. av. J.-C.), Roma, 2012 (BEFAR 350). e Briquel 2000 : D. Briquel, « La nuit du V siècle », dans F. Hinard (éd.), Histoire romaine I : des origines à Auguste, Paris, 2000, p. 163-202. Briscoe 1986 : J. Briscoe (ed.), Titi Livi ab Vrbe condita, libri XLI-XLV, Stuttgart, 1986. Briscoe 2012 : J. Briscoe A Commentary on , Books 41-45, Oxford, 2012. Bruno 1910 : B. Bruno, s.v. « Dictator », Diz. Epigr. II, 1910, p. 1754-1778. Catalano 1960 : P. Catalano, Contributi allo studio del diritto augurale, Torino, 1960, Catalano 1965 : P. Catalano, Linee del sistema sovrannazionale romano I, Torino, 1965. Chiabà 2012 : M. Chiabà, Roma e le priscae Latinae coloniae: ricerche sulla colonializzazione del Lazio dalla costituzione della repubblica alla guerra latina, Trieste, 2012. Cicala 1976-1977 : V. Cicala, « A proposito di una dedica a Diana Nemorensis », RSA 6-7, 1976-1977, p. 301- 305. Coarelli 2012a : F. Coarelli, « Le sanctuaire de Diana Nemorensis : nouvelles découvertes », CRAI 2012, p. 555- 569. Coarelli 2012a : F. Coarelli, « Il santuario di Diana Nemorensis e la Lega Latina », Annali della Fondazione per il Museo Claudio Faina, 19, 2012, p. 367-377. Coli 1951 : U. Coli, Regnum, Roma, 1951. Cornell 1986 : T.J. Cornell, « The value of the literary tradition concerning Archaic Rome », in K.A. Raaflaub (ed.), Social Struggles in Archaic Rome : New Perspectives on the Conflict of the Orders, Berkeley, 1986, p. 52-76. Cornell 1989 : T.J. Cornell, « Rome and Latium to 390 B.C. », in F.W. Walbank et al. (ed.), Cambridge Ancient History VII.2 : The Rise of Rome to 220 B.C., Cambridge, 19892, p. 243-308.

38 Cornell 1995 : T.J. Cornell, The Beginnings of Rome. from the Bronze Age to the Punic Wars (c. 1000-264 B.C.), London – New York 1995. Cornell 2000 : T.J. Cornell, « The City-State in Latium », in M.H. Hansen (ed.), A Comparative Study of Thirty City-State Cultures, København, 2000, p. 209-228. Coşkun 2009 : A. Coşkun, Bürgerrechtsentzug oder Fremdenausweisung ? Studien zu den Rechten von Latinern und weiteren Fremden sowie zum Bürgerrechtswechsel in der römischen Republik (5. bis frühes 1. Jh. v. Chr.), Stuttgart, 2009. Dalla Rosa 2003 : A. Dalla Rosa, « Ductu auspicioque. Per una riflessione sui fondamenti religiosi del potere magistratuale fino all’epoca augustea », SCO 49, 2003 ; p. 185-255. De Martino 1972a : F. de Martino, Storia della costituzione romana I, Napoli, 19722. De Martino 1972b : F. de Martino, « Intorno all’origine della reppublica romana e delle magistrature », ANRW I.1, 1972, p. 217-249. De Sanctis 1907 : G. De Sanctis, Storia dei Romani II, Roma, 1907. De Sanctis 1929 : G. De Sanctis, « Sul Foedus Cassianum », Atti del I Congresso Nazionale di Studi Romani, Roma, 1929, p. 231-239. Develin 1977 : R. Develin, « Lex curiata and the competence of magistrates », Historia 30, 1977, p. 49-65. Dihle 1958 : A. Dihle, s.v. « M. Verrius Flaccus, Grammatiker », RE XVI, 1958, col. 1636-1645. Forsythe 2005 : G. Forsythe, A Critical History of Early Rome. From Prehistory to the First Punic War, Berkeley, 2005. Fraccaro 1956 : P. Fraccaro, « La storia romana arcaica », in Opuscula I, Pavia, 1956, p. 1-23. Frezza 1946 : P. Frezza, « Intorno alla leggenda dei Fabi al Cremera », in G.G. Archi (ed.), Scritti di diritto romano in onore di Contardo Ferrini, Milano, 1946, p. 297-306. Frezza 1947 : P. Frezza, « La costituzione cittadina di Roma ed il problema degli ordinamenti giuridici preesistenti », in Scritti in onore di C. Ferrini I, Milano, 1947, p. 275-298. Gabba 1991 : E. Gabba, Dionysius and the History of Archaic Rome, Berkeley, 1991. Gagliardi 2011 : L. Gagliardi, Cesare, Pompeo e la lotta per le magistrature : anni 52-50, Milano, 2011. Galsterer 1976 : H. Galsterer, Herrschaft und Verwaltung im republikanischen Italien, München, 1976. Gelzer 1924 : M. Gelzer, s.v. Latium, RE XII.1, 1924, col. 940-963. Giannelli 1953 : G. Giannelli, Trattato di Storia romana I, Roma, 19533. Gioffredi 1958 : C. Gioffredi, « Sulle attribuzioni sacrali dei magistrati romani », Iura 9, 1958, p. 22-49. Giovannini 1983 : A. Giovannini, Consulare imperium, Basel, 1983. Giovannini 1984 : A. Giovannini, « Les origines des magistratures romaines », MH 41, 1984, p. 15-30. Giovannini 1985 : A. Giovannini, « Auctoritas patrum », MH 42, 1985, p. 28-36. Giovannini 1993 : A. Giovannini, « Il passaggio dalle istituzioni monarchiche alle istituzioni repubblicane », in Bilancio critico su Roma arcaica fra monarchia e repubblica, Roma, 1994, p. 75-96 (Atti dei Convegni Lincei 100). Giovannini 1998 : A. Giovannini, « Les livres auguraux », dans Cl. Moatti (éd.), La mémoire perdue : recherches sur l'administration romaine, Roma, 1998, p. 103-122 (CEFR 243). Giovannini 2012 : A. Giovannini, « Le senatus consultum ultimum. Les mensonges de Cicéron », Athenaeum 100, 2012, p. 181-196. Girardet 1987/2007 : K. Girardet, « Die lex Iulia de prouinciis (46 v. Chr.). Vorgeschichte – Inhalt – Wirkung », RhM 130, 1987, p. 291-329 (= Rom auf dem Weg von der Republik zum Prinzipat, Bonn, 2007, p. 159-197). Gjerstad 1970 : E. Gjerstad, « The Aventine Sanctuary of Diana », AArch 41, 1970, p. 99-107. Glinister et al. 2007 : F. Glinister et al. (ed.), Verrius, Festus & Paul : Lexicography, Scholarship, & Society, London, 2007 (BICS suppl. 93).

39 Grandazzi 1991 : A. Grandazzi, « Les mots et les choses : la composition du De verborum significatu de Verrius Flaccus », REL 69, 1991, p. 101-123. Grandazzi 1996 : A. Grandazzi, « Identification d’une déesse : Férentina et la ligue latine archaïque », CRAI, 1996, p. 273-294. Grandazzi 2008 : A. Grandazzi, Alba Longa. Histoire d’une légende. Recherches sur l’archéologie, la religion, les traditions de l’ancien Latium, Roma, 2008 (BEFAR 336). Gras 1987 : M. Gras, « Le temple de Diane sur l’Aventin », REA 89, 1987, p. 47-61. Green 2007 : C.M.C. Green, Roman Religion and the Cult of Diana at Aricia, Cambridge, 2007. Hampl 1958 : F. Hampl, « Das Problem der Datierung der ersten Verträge zwischen Rom und Karthago », RhM 101, 1958, p. 58-75. Hermon 1982 : E. Hermon, « La place de la loi curiate dans l’histoire constitutionnelle de la fin de la République romaine », Ktèma 7, 1982, p. 297-307. Hermon 1989 : E. Hermon, « Les priscae Latinae coloniae et la politique colonisatrice à Rome », AJHA 14, 1989, p. 143-179. Heurgon 1980 : J. Heurgon, Rome et la Méditerranée occidentale jusqu’aux guerres puniques, Paris, 1976, 19802. Heuss 1982 : A. Heuss, Gedanken und Vermutungen zur frühen römischen Amtsgewalt, Göttingen, 1982 (Nachrichten von der Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen, Philosophisch-Historische Klasse 10). Horn 1930 : H. Horn, Foederati. Untersuchungen zur Geschichte ihrer Rechtsstellung im Zeitalter der römischen Republik und des frühen Principats, Frankfurt am Main 1930. Humbert 1978 : M. Humbert, et civitas sine suffragio : l’organisation de la conquête jusqu’à la guerre sociale, Roma, 1978. Humm 2012 : M. Humm, « The curiate law and the religious nature of the power of the Roman magistrates », in O. Tellegen-Couperus (ed.), Law and Religion in the Roman Republic, Leyde-Boston, 2012, p. 57-84. Hurlet 2001 : F. Hurlet, « Les auspices d’Octavien/Auguste », CCG 12, 2001, p. 155-180. Ilari 1974 : V. Ilari, Gli Italici nelle strutture militari romane, Milano, 1974. Kierdorf s.d. : W. Kierdorf, s.v. « Cincius [1] », Brill’s New Pauly Online (http://brillonline.nl/entries/brill-s- new-pauly/cincius-e234600?s.num=0#e234610). Kowalski 1995 : C. Kowalski, « Cicero, Augur und Politiker : die Theorie und Praxis der Auspizien in Ciceros Tätigkeit », ACD 31, 1995, p. 125-139. Kremer 2006: D. Kremer, Ius Latinum. Le concept de droit latin sous la République et l’Empire, Paris, 2006. Kunkel 1959/1974 : W. Kunkel, « Zum römischen Königtum », in Ius et lex. Festgabe zum 70. Geburtstag von M. Gutzwiller, Basel, 1959, p. 1-22 (= Kleine Schriften. Zum römischen Strafverfahren und zur römischen Verfassungsgeschichte, Wiemar, 1974, p. 345-366). Linderski 1986 : J. Linderski, « The augural law », ANRW II 16.3, 1986, p. 2146-2312. Linderski 1990 : J. Linderski, « The auspices and the struggle of the orders », in E. Weder (ed.), Staat und Staatlichkeit in der frühen römischen Republik, Stuttgart, 1990, p. 34-48. Liou-Gille 1992 : B. Liou-Gille, « Une tentative de reconstitution historique : les cultes fédéraux latins de Diane Aventine et de Diane Nemorensis », PP 47, 1992, p. 411-438. Liou-Gille 1997 : B. Liou-Gille, « Les rois de Rome et la Ligue latine : définitions et interprétations », Latomus 56, 1997, p. 729-764. Liou-Gille 2003 : B. Liou-Gille, « La Ligue latine ou les Ligues latines ? Fédérations au temps des rois romains », in P. Defosse (éd.), Hommages à Carl Deroux, Bruxelles, 2003. Liou-Gille 2004 : B. Liou-Gille, « Le gouvernement fédéral de la Ligue latine sous la royauté romaine : dictateur fédéral, roi fédéral, “hegemôn toû éthnos” », REA 106, 2004, p. 421-443. Magdelain 1968 : A. Magdelain, Recherches sur l’imperium : la loi curiate et les auspices d’investiture, Paris, 1968.

40 Malaspina 1994-1995 : E. Malaspina, « Diana Nemorensis vs Diana Aventinensis : priorità cronologica e paradigme storiografici », Museo Civico Albano, 1994-1995, p. 15-35. Manni 1964 : E. Manni, « Praetores tum duo Latium habebat », in Synteleia V. Arangio Ruiz, Napoli, 1964, p. 253-259. Momigliano 1989 : A. Momigliano, « Praetor maximus e questioni affini » in Idem, Roma arcaica, Firenze, 1989, p. 171-181. Mommsen 1887 : Th. Mommsen, Römisches Staatsrecht III.1, Leipzig, 1887. Münzer 1920 : F. Münzer, Adelsparteien und Adelsfamilien, Stuttgart, 1920. Nichols 1967 : J.J. Nichols, « The content of the lex curiata », AJPh 88, 1967, p. 257-278. Nicolet 1988 : C. Nicolet, « dictateurs romains, στρατηγοὶ αὐτοκρατόρες grecs et généraux carthaginois », dans F. Hinard (éd.), Dictatures, Actes de la table ronde, Paris, 1988, p. 31-41. Niebuhr 1853 : G. Niebuhr, Römische Geschichte II, Berlin, 18534. Oakley 1997 : S.P. Oakley, A Commentary on Livy Books VI-X I, Oxford, 1997. Ogilvie 1965: R.M. Ogilvie, A Commentary On Livy Books 1-5, Oxford, 1965. Ogilvie 1976 : R.M. Ogilvie, Early Rome and The Etruscans, Glasgow, 1976. Pareti 1952 : L. Pareti, Storia di Roma e del mondo Romano I, Torino, 1952. Petrucci 2000 : A. Petrucci, « Colonie romane e latine nel V e IV sec. a.C. : i problemi », in F. Serrao (ed.), Legge e società nella repubblica romana II, Napoli, 2000, p. 1-177. Petzold 1972 : K.-E. Petzold, « Die beiden ersten römisch-kartagischen Verträge und das foedus Cassianum », ANRW I.1, 1972, p. 364-411. Piganiol 1920 : A. Piganiol, « Romains et Latins », Mélanges d’archéologie et d’histoire 38, 1920, p. 285-316. Pinsent 1959 : J. Pinsent, « Antiquarianism, fiction and history in the first decade of Livy », CJ 55, 1959, p. 81- 85. Ridley 1979 : R.T. Ridley, « The origin of the Roman dictatorship : an overlooked opinion », RhM 122, 1979, p. 303-309. Rosenberg 1913 : A. Rosenberg, Der Staat der alten Italiker. Untersuchungen über die ursprüngliche Verfassung der Latiner, Osker und Etrusker, Berlin, 1913. Rosenberg 1919 : A. Rosenberg, « Zur Geschichte des Latinerbundes », Hermes 54, 1919, p. 147-150. Rüpke 2005 : J. Rüpke, « Divination et décisions politiques dans la Rome républicaine », CCG 16, 2005, p. 217- 233. Sanz 2013 : A.-M. Sanz, La République romaine et ses alliances militaires. Pratiques et représentations de la societas, de l’époque du Foedus Cassianum à la fin de la seconde guerre punique, thèse soutenue en 2013 (manuscrit accessible en ligne : https://ecm.univ-paris1.fr/nuxeo/site/esupversions/6f4993b1-f45d-4560- a462-b8581cef28af). Scheid 1987-1989 : J. Scheid, « La parole des dieux. L’originalité du dialogue des Romains avec leurs dieux », Opus 6-8, 1987-1989, p. 125-136. Schilling 1964 : R. Schilling, « Une victime des vicissitudes politiques : la Diane latine », in Hommages à Jean Bayet, Bruxelles, 1964, p. 650-667. Schwegler 1885 : A. Schwegler, Römische Geschichte II, Tübingen, 1885. Smith 1996 : Ch.J. Smith, Early Rome and Latium, Oxford 1996. Smith 2014 : Ch.J. Smith, « The Latins : historical perspective », in M. Aberson et al. (éd.), Entre archéologie et histoire: dialogues sur divers peuples de l’Italie préromaine, Bern 2014, p. 21-30 (EGeA 2). Soltau 1914 : W. Soltau, « Der Ursprung der Diktatur », Hermes 49, 1914, p. 352-368. Stasse 2005 : B. Stasse, « La loi curiate des magistrats », RIDA 52, 2005, p. 375-400. Staveley 1956 : E.S. Staveley, « The constitution of the Roman Republic 1940-1954 », Historia 5, 1956, p. 74- 122.

41 Täubler 1913 : E. Täubler, Imperium Romanum. Studien zur Entwicklungsgeschichte des römischen Reiches I. Die Staatsverträge und Vertragsverhältnisse, Leipzig 1913. Timpe 1990 : D. Timpe, « Das Kriegsmonopol des römischen Staates », in W. Eder (ed.), Staat und Staatlichkeit in der frühen römischen Republik, Stuttgart, 1990, p. 368-387. Tondo 1981 : S. Tondo, Profilo di storia costituzionale romana I, Milano, 1981. Vaahtera 2001 : J. Vaahtera, Roman Augural Lore in Greek Historiography. A Study of the Theory and Terminology, Stuttgart, 2001. Van Haeperen 2012 : F. Van Haeperen, « Auspices d’investitures, loi curiate et légitimité des magistrats romains », CCG 23, 2012, p. 71-111. Vervaet 2014 : F.J. Vervaet, The High Command in the Roman Republic. The Principle of summum imperium auspiciumque from 509 to 19 BCE (Historia Einzelschriften 232), Stuttgart, 2014. Von Scala 1889 : R. von Scala, Die Staatsverträge des Altertums I, Leipzig, 1889. Walt 1997 : S. Walt, Der Historiker Licinius Macer. Einleitung, Fragmente, Kommentar, Stuttgart/Leipzig, 1997. Wegner 1969 : M. Wegner, Untersuchungen zu den lateinischen Begriffen socius und societas, Göttingen, 1969. Werner 1963 : R. Werner, Der Beginn der römischen Republik, München, 1963. Zevi 1995 : F. Zevi, « I santuari "federali" del Lazio : qualche appunto », Nomen Latinum. Latini e Romani prima di Annibale, in Eutopia 4.2, 1995, p. 123-142. Zœller 1878 : M. Zœller, Latium und Rom, Leipzig, 1878.

42