RAPPORT D'enquete SUR LA CREUSE T. Jolas, S. Pintón, Y
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M RAPPORT D'ENQUETE SUR LA CREUSE T. Jolas, S. Pintón, Y. Verdier Savoirs Naturels Conseil du Patrimoine Ethnologique Paris, 1984 S omma i re AVANT-PROPOS 4 PREMIERE PARTIE : LES NOMS ET LES LIEUX 10 Terres 13 La Pierre et les pierres 21 Les bois, l'arbre 30 DEUXIEME PARTIE : LA PAROLE ET LES BETES 45 L'orage 47 Le domestique 52 Apprentissages 65 Les oiseaux 75 Renard 115 Hommes d'un animal 140 L'homme aux vipères 140 Le bécassier 147 Le déterreur 153 CONCLUSION ....' 16Ü APPENDICE 170 BIBLIOGRAPHIE 177 AVANT-PROPOS Le projet initial comportait deux chapitres ou thèmes . 1) Approche calendaire, au sein duquel nous distinguions l'étu de de trois cycles : cycle météorologique et représentation du temps ; cycle de la vie végétale ; cycle de la vie animale. Et 2) Approche topographique visant à rechercher le processus de nomination et de mémorisation d'un territoire en liaison avec les propriétés accordées au monde naturel (bois, pierre, eau, terres cultivées, friches...). Projet ambitieux pour autant qu'il prétendait recenser, dans leur quasi-totalité, les "savoirs naturels" des Creusois et leurs rapports avec la nature, alors que nous abordions un F terrain neuf qui, s'il a suscité une littérature savante déj ancienne* ' touchant les pratiques et savoirs populaires et une littérature tout court -nous songeons aux fines notations de George Sand éparses dans toute son oeuvre de romancière - n'en est pas moins resté à l'écart des enquêtes ethnologiques récentes. Les exigences d'une localisation du terrain et le tour donné d'emblée aux entretiens par nos interlocuteurs, leur évi dente passion pour vcertai ns sujets, nous ont amenéesà tailler dans ce programme, à le restreindre et, croyons-nous, à l'ap profondi r. (1) A partir de 1832, certains érudits locaux entament le re censement des particularités et richesses de la Creuse, et pu blient Les Mémoires de la Société Archéologique et Historique de la Creuse. Aujourd'hui cette revue est animée par M. Amédée Carriat, dont les conseils nous ont toujours été très précieux 5 L'approche topographique s'est imposée à nous comme préa lable. Dans ce pays au dessin complexe, aux "natures" multiple il nous fallait comprendre - nous faire d'emblée expliquer - ce que désignaient bon nombre de mots surgis dans les conver sations, qui apparaissaient chargés d'un sens particulier, voire d'une histoire. Il ne s'agit pas seulement de simples désignations topographiques ou toponymiques, mais d'une série de termes complexes, tout à la fois catégories d'usage et catégories de pensée. Ainsi se pense le paysage, ç_e paysage-là La première partie de ce rapport sera donc consacrée à l'étude des données naturelles : Terres, la Pierre et les pierres, les'boi's^ -¿ 'arbre . Les eaux ont fait l'objet d'un chapitre à part, fruit d'un travail plus poussé de Marie-Claud Pingaud, intitulé "Eau vive, eau prise ; chronique.de l'eau en Creuse", à paraître dans un numéro spécial d'Etudes Rurales. La deuxième partie de ce rapport, et de beaucoup la plus importante, porte sur l'animal . En effet nous avons été frap pées et ce,dès les premiers entretiens, par l'importance, la véhémence, la finesse, la précision des observations, la ri chesse des récits. sur le monde des bêtes. Le monde tout proche - chien, chèvre, vache, poule, hérisson . - ou celui plus lointain des très diverses bêtes de chasse , que l'on poursuit, que l'on cherche inlassablement à tuer, manger, capturer, "élever en liberté" ou mettre en cage, en particulie les oiseaux de toutes espèces, mais aussi la vipère et enfin le renard, à côté duquel, conformément à la tradition, on trou ve le blaireau. Ainsi l'enquête s'est-elle concentrée sur cett= parole si éloquente et sur le rapport particulièrement riche 6 et diversifié dans cette région de ffaute Marche, entre l'hom me et le monde animal . Rapport qui' s'élucide et se trans mue en une réflexion beaucoup plus générale sur le sauvage et le domestique et sur toutes les ténues phases intermedial res et interférentes : sur le bien ou le mal-fondé, aux dires des gens, des notions fluctuantes de "nuisible" et de "protégé sur celles "d'élimination", "d'introduction", ou encore de "repeuplement" d'espèces à des fins diverses ; enfin sur les traits de caractère —imputés aux bêtes -et singulière ment au renard - le courage, la ruse, la méchanceté, l'intel ligence ou l'imbécillité, la capacité d'amour (conjugal, ou maternel et paternel), la jalousie, l'exigence de liberté poussée au point de préférer la mort à la captivité et la do mestication. Ces thèmes prennent forme en deux chapitres un peu plus fouillés, un chapitre sur les oiseaux et un chapitre sur le renard. Nous examinerons enfin, en rapport direct avec la recon naissance de ces caractéristiques, la tendance qui incite certains à se choisir, avec passion et exclusivité, l'homme n d'un animal donné, et de nul autre : " le. bécasse*- J "l'homme aux vipères", "le déterreur" Ajoutons que le travail de documentation mené préalable ment à l'enquête avait dessiné I* pc*«;«r vtM»nt à«, le recher che. En effet, les érudits locaux privilégient nettement les pierres singulières et les fontaines "sacrées". En revanche en ce qui concerne le monde animal, c'est sur l'enquête ethnogra phique que nous nous sommes entièrement appuyées. Hors un 7 recensement des espèces par les naturalistes qui ont constitué dès le 19ème siècle, d'importants herbiers et une remarquable collection d'animaux naturalisés exposés au Musée de Guéret,fo pev oie données d'observation et d'interprétation existaient. Le choix du bourg de Peyrabout, sur les hauteurs de ce que l'on nomme la Montagne , et de la commune voisine de St Yrieix-les-Bois, à flanc de coteau, est dû au hasard d'une amitié nouée .il y a plusieurs années avec Michel Guyonnet, à l'époque où il était instituteur dans un village de Bourgogne du nord, où certaines d'entre nous travaillaient. M. Guyonnet se montra sensible à ce que nous cherchions, et lui-même fort intéressé par tout ce qui touchait au monde naturel et à la vie d'une petite communauté. De retour, depuis quelques années à Savennes près de Peyrabout, son village natal,où n'ont cessé de vivre et de travailler ses parents et son frère, Michel Guyonnet fut pour nous un hôte et un introducteur bienveillant il nous "raconta" le pays, et nous mit en rapport avec ses proches, parents et voisins d'abord, puis avec des amis ou connaissances, vivant parfois à distance, tous passionnés ou spécialistes, susceptibles de nous parler de ce monde ani mal dont nous avions fait assez vite le centre de notre travai1. 8 Une enquête donc, un peu à l'image de cet habitat dis tendu. Chaque commune compte ici un village-bourg dont elle porte le nom, et plusieurs "villages" formant avec le bourg la commune proprement dite : quatre à Peyrabout (le bourg, Pétillât, La Ruade, Le Faux) et six ä St Yrieix-1es-Boi Cette forme d'habitat donne une grande importance aux terroirs des "villages", et une grande indépendance d'esprit et d'actio aux habitants de chacun d'eux. 9 Puy des 3 Cornes A 636 GUERET £ f'aupuy 685 Aï) de Gaudy 1« rfs, leyre StÎHilairWla-Pla ine Peyrabout Savennes St Yrieix-les-'Wji; 686 £ 684 Maiûonnisses A672 îardeot '*ers veJ Dourganeuf Aubuàeon Carte au 200 COOème Í 10 PREMIERE PARTIE LES NOMS ET LES LIEUX L'épaulement granitique qu'on appelle "la Montagne" et qu r mène insensiblement vers le Massif Central, s'élève depuis la plaine du Bercy ; la chaîne de collines est marquée par des points hauts - les puys ou peus- et par des buttes écrasées en forme de dôme - les chiers . Ainsi repère-t-on le Puy des Trois Cornes (613 m), le Maupuy et le Puy^Gaudy, qui dominent la ville de Guéret. Ces hauteurs, sur les cartes postales du début du siècle, apparaissent dénudées, couvertes d'une herbe rase, semées de blocs ou d'amas rocheux. Elles furent lieux de foires- et c'est encore le cas au Puy des Trois Cornes— de visites aux pierres à légendes, aux sources réputées qui leur sont souvent associées, de promenades à point de vue. Un reboi sèment spontané d'abord, lorsque fut abandonné le mouton puis, dès la fin de la dernière guerre, concerté, a noirci les hauts de sapinières ; enserré dans l'épaisseur des bois, le promeneu 11 ne saisit plus le dessin du paysage, tandis qu'une végétation proliférante de fougère et de lierre dissimule les pierres re marquable, les sarcophages guérisseurs, réputés gaulois,mais plus probablement médiévaux, du Puy de Gaudy. Un paysage bien tranché, mouvementé, étage, dont témoigne la disposition en cascade de Peyraboutjsur les hauts, St Yrieix- les-Bois à flanc de coteau, et plus bas, dans les fonds humides, St Hilaire-la - Plaine, reliés à un même ruisseau : " le ruis seau qui passe à St Hilaire, il a pas de nom. Ici, c'est le ruis seau de St Hilaire, plus haut c'est le ruisseau de St Yrieix, plus haut encore, c'est le ruisseau de Peyrabout. C'est le même- Plus vous montez haut, plus les truites sont petites, parce que là-haut, j'appelle ça la Montagne ". Nos interlocuteurs s'accordent pour marquer la singula rité du carrefour linguistique où ils se trouvent : "Ils par lent pas limousin ici (à St Yrieix), ils parlent moitié chien, moitié loup, c'est bien coupé. St Yrieix est à la lisière du Limousin, de l'Auvergne, de la Marche et du Berry , la langue est séparée comme avec un couteau.