lE MAgAzinE DE l’ACTUAliTÉ MUSiCAlE En FÉDÉRATion WAlloniE-BRUxEllES n° 23 - MAI / JUIn 2017

BRNS SYStÈMe nerVeUX

HEnRi PFR | noA Moon | RoMÉo ElViS | ÉRiC lEgnini | oRCHESTRA nAzionAlE DEllA lUnA | PHiliPPE PiERloT | lE CoACHing MUSiCAl | l’ÉDiTion MUSiCAlE | RAgE WiTH THE MACHinES | $uicideboy$, Acid Arab live, Adam Beyer, Alcest, All Them Witches, Amelie Lens, AmenRa, Andy C, 2 Anne-Marie, Apollonia, BAZART, The Black Madonna, Blawan, Blonde Redhead, Bruxelles arrive, Camo & Krooked, Carl Craig presents Versus Ensemble, Carpenter Brut, Charlotte de Witte, Chase & Status dj set & Rage, Circa Waves, Crystal Castles, , De La Soul + live band, Die Antwoord, Dixon, DJ Hype & Hazard, Dubfire, Earl Sweatshirt, Frànçois & The Atlas Mountains, French Montana, Friction, Goldie, Grandaddy, Hanni El Khatib, Hunee dj set, Israël Vibration & Roots Radics, Jagwar Ma, Jon Hopkins dj set, Justice, & Criminel, Kano, Kate Tempest, Kaytranada, Kevin Morby, Kiasmos dj set, KiNK live, Kölsch dj set, Larry Heard aka Mr Fingers Live, Lee Fields & The Expressions, Little Simz, Lone live, Lorenzo, M.I.A, Machinedrum live, Malaa, Manu Le Malin dj set, Manudigital + Beenie Man, Metronomy, Millionaire, Miss K8, Modestep, Møme live, Naâman, NAO, NAS, Nina Kraviz, Noisia ‘Outer Edges’, Panda Dub, Pendulum dj set & Verse, Perturbator, Phoenix, PNL, Popcaan, Pusha T, Rejjie Snow, Roman Flügel, Rone live, Russ, RY X, Sam Paganini, SCH, Shobaleader One, Shy FX feat. Stamina MC, Sleaford Mods, Snakehips, Solange, Solomun, St. Paul & The Broken Bones, Stand High Patrol, Superpoze live, Surgeon Hardware live, Taïro, Tale Of Us, Talib Kweli & The Soul Rebels, Tchami, The Gaslamp Killer, The Geek x Vrv, The Kills, The Strypes, The Underachievers, Timber Timbre, Todd Terje, Toddla T & MC DRS, Trentemøller, TroyBoi, Two Door Cinema Club, , Vitalic ODC live, Warhaus, Wax Tailor, Wilkinson live, Young Fathers, et bien d’autres ...

Sans titre-1 1 13/03/07 14:34:54

music proximus CAMILLE DAAN SUPERPOZE SUAREZ TINDERSTICKS HERCULES & LOVE AFFAIR SHANNON WRIGHT MAGNUS AN PIERLE MOANING CITIES FISHBACH ANGEL OLSEN NOA MOON YASMINE HAMDAN KONOBA THOMAS AZIER WARHAUS DOPE DOD FKJ 11 „ 24.05 ARNO / GIRLS IN HAWAII / MELANIE DE BIASIO and many more...

PET SHOP BOYS FEIST - PUGGY - JAIN - ORBITAL BSF GOLDFRAPP - THE JESUS AND MARY CHAIN OZARK HENRY - TRUST - CALYPSO ROSE MHD - BLACK BOX REVELATION - GOOSE THE DIVINE COMEDY - LA FEMME - HENRI PFR GUIZMO SOLDOUT BOULEVARD DES AIRS KONOBA NOA ... INFOS & TICKETS: WWW.BSF.BE MAI, JUIN - 2017 • LARSEN $uicideboy$, Acid Arab live, Adam Beyer, Alcest, All Them Witches, Amelie Lens, AmenRa, Andy C, Anne-Marie, Apollonia, BAZART, The Black Madonna, Blawan, Blonde Redhead, Bruxelles arrive, Camo & 3 Krooked, Carl Craig presents Versus Synthesizer Ensemble, Carpenter Brut, Charlotte de Witte, Chase & Status dj set & Rage, Circa Waves, Crystal Castles, Damso, De La Soul + live band, Die Antwoord, Dixon, DJ Hype & Hazard, Dubfire, Earl Sweatshirt, Frànçois & The Atlas Mountains, French Montana, Friction, Goldie, Grandaddy, Hanni El Khatib, Hunee dj set, Israël Vibration & Roots Radics, Jagwar Ma, Jon Hopkins dj set, Justice, Kaaris & Kalash Criminel, Kano, Kate Tempest, Kaytranada, Kevin Morby, Kiasmos dj set, KiNK live, Kölsch dj set, Larry Heard aka Mr Fingers Live, Lee Fields & The Expressions, Little Simz, Lone live, Lorenzo, M.I.A, CONSEIL Machinedrum live, Malaa, Manu Le Malin dj set, Manudigital + Beenie Man, Metronomy, Millionaire, Miss K8, Modestep, DE LA MUSIQUE Quai au Bois de Construc- 12 Édito Møme live, Naâman, NAO, NAS, Nina Kraviz, Noisia ‘Outer Edges’, Panda Dub, Pendulum dj set & Verse, Perturbator, Phoenix, tion, 10 - 1000 Bruxelles PNL, Popcaan, Pusha T, Rejjie Snow, Roman Flügel, Rone live, Russ, RY X, Sam Paganini, SCH, Shobaleader One, www.conseildelamusique.be L’été n’est pas encore là, mais les festivals Contact par mail : Shy FX feat. Stamina MC, Sleaford Mods, Snakehips, Solange, Solomun, St. Paul & The Broken Bones, Stand High Patrol, [email protected] arrivent… Qu’ils soient petits ou grands, c’est Superpoze live, Surgeon Hardware live, Taïro, Tale Of Us, Talib Kweli & The Soul Rebels, Tchami, The Gaslamp Killer, The Geek x Vrv, Contactez la rédaction : l’occasion pour chaque festivalier d’applaudir première lettre du un nombre conséquent d’artistes internatio- The Kills, The Strypes, The Underachievers, Timber Timbre, Todd Terje, Toddla T & MC DRS, Trentemøller, TroyBoi, prénom.nom@conseil- Two Door Cinema Club, Vald, Vitalic ODC live, Warhaus, Wax Tailor, Wilkinson live, Young Fathers, et bien d’autres ... delamusique.be naux. Souvent vus comme des valeurs sûres, comme un fi let de sécurité pour certains pro- RÉDACTION grammateurs, ils squa© eront une nouvelle fois Directrice de la rédaction les têtes d’affiche et devraient assurer une Claire Monville 16 affluence, à une époque où le secteur de la Comité de rédaction Sans titre-1 1 13/03/07 14:34:54 Nicolas Alsteen musique est en diffi culté. En arpentant les dif- music Julien Chanet proximus férentes scènes, on aura heureusement du mal François-Xavier Descamps Christophe Hars 2717 à rater certains artistes de chez nous que ce Claire Monville soit Roméo Elvis, Henri PFR ou encore Rive. Ils Coordinateur seront présents dans plusieurs événements en de la rédaction CAMILLE DAAN SUPERPOZE SUAREZ François-Xavier Descamps Belgique mais aussi à l’étranger. Car les Belges Rédacteur ont la cote entend-on dire de plus en plus régu- Nicolas Alsteen lièrement au-delà de nos frontières. Collaborateurs Devenus des événements culturels incontour- TINDERSTICKS HERCULES & LOVE AFFAIR Serge Coosemans Elsa de Lacerda nables depuis quelques années, les festivals font Jean-Pierre Goffin généralement l’objet d’importantes actions de Véronique Laurent Luc Lorfèvre communication afi n d’a© irer un public parfois SHANNON WRIGHT MAGNUS AN PIERLE Jacques Prouvost 8 noyé dans la masse des informations culturelles. Anne-Lise Remacle Didier Stiers Il fut un temps où la presse révélait en exclusi- Benjamin Tollet vité la programmation des festivals ; aujourd’hui, MOANING CITIES FISHBACH ANGEL OLSEN Pierre Vangilbergen 11 ils comptent de plus en plus sur les réseaux so- Correcteurs Christine Lafontaine ciaux pour se démarquer de la concurrence. Nicolas Lommers Si la stratégie de communication semble donc NOA MOON YASMINE HAMDAN KONOBA Couverture fondamentale pour parvenir à sensibiliser le © Bernard Babette public, il n’en reste pas moins qu’un festival, c’est plus qu’une communication originale, que PROMOTION THOMAS AZIER WARHAUS DOPE DOD FKJ & DIFFUSION la qualité d’une programmation ou celle de ses François-Xavier Descamps stands de nourriture, c’est aussi un lieu et sur- tout une identité. 11 „ 24.05 ARNO / GIRLS IN HAWAII / MELANIE DE BIASIO ABONNEMENT Vous pouvez vous abonner Bonne lecture gratuitement à Larsen. [email protected] 18 Claire Monville and many more... Tél. : 02 550 13 20

CONCEPTION GRAPHIQUE CONCOURS Sommaire Mikan Aux plus rapides OUVERTURE ARTICLES Impression d’entre vous à nous Graphius 4X4 APERÇUS envoyer un mail à Henri PFR P.4 idlm/ : twelve points P.27 Prochain numéro EN VRAC LE.COM larsen@conseildelamu- P.5 La com festivalière P.28 Septembre 2017 DÉCRYPTAGE PET SHOP BOYS sique.be, Larsen off re : L’édition musicale P.30 renContres IN SITU Le Bunker P.32 FEIST - PUGGY - JAIN - ORBITAL - 3x2 pass 10 days ENTRETIEN BRNS P.8 POURQUOI ? DAHM P.36 pour le Brussels RENCONTRE FùGù Mango P.11 VUE DE FLANDRE Stikstof P.37 GOLDFRAPP - THE JESUS AND MARY CHAIN Summer Festival RENCONTRE Noa Moon P.12 BSF RENCONTRE Lisza P.13 les sorties - 5 tickets 1 jour OZARK HENRY - TRUST - CALYPSO ROSE pour le Dour Festival RENCONTRE Uman P.14 EN FÉDÉRATION WALLONIE-BRUXELLES P.34-35 RENCONTRE Orchestra Nazionale Della Luna P.15 LISTE DES SORTIES P.36 - 2x2 places pour RENCONTRE Éric Legnini P.16 MHD - BLACK BOX REVELATION - GOOSE les concerts de Valgeir RENCONTRE Catherine Graindorge P.17 BONUS Sigurdsson / Payne TRAJECTOIRE Philippe Pierlot P.18 L’INTERVIEW INDISCRÈTE THE DIVINE COMEDY - LA FEMME - MILOW (12.05), Kelly Lee Chez Roméo Elvis P.38 Owens / Monolithe ZOOM C’ÉTAIT LE… Juillet 1982 P.39 HENRI PFR GUIZMO SOLDOUT Noir (13.05) et Bing René Costy P.20 & Ruth / Going (17.05) Le coaching musical P.22 BOULEVARD DES AIRS KONOBA NOA ... lors des Nuits Rage with the machines P.24 Botanique INFOS & TICKETS: WWW.BSF.BE LARSEN • MAI, JUIN - 2017 4

4X4 4X4 Henri PFR

En mars dernier, j’étais invité dans une émission radio sur Pure. Les animateurs m’ont laissé les commandes de la programmation et j’ai notamment choisi de di¤user la chanson Boys Don’t Cry de The Cure en hommage à ma mère. Maman est une fan de new-wave. Bauhaus, The Psychedelic Furs, Virgin Prunes ou encore The Cure… Tout ça passait beaucoup à la maison. J’ai particulièrement craqué sur le groupe de Robert Smith parce qu’il sortait aussi des vidéos hilarantes. Dans le clip de Boys Don’t Cry, ce sont des enfants lookés comme les membres de The Cure qui jouent la chanson. C’est frais, pop et e¦cace. The Cure Boys Don’t Cry (single) Polydor (1984) DR Si maman est new-wave, mon papa est rock. C’est un méga fan des Rolling Phénomène « feel good » Stones. Chaque été, lorsqu’on partait en vacances en Espagne, il gravait sur CD du moment, Henri PFR explose ses propres compilations des Stones avec Angie, Sympathy For The Devil, Brown Sugar et bien sûr (I Can’t Get no) Satisfaction qu’on retrouve sur cee édition les compteurs des sites de américaine de leur album Out Of Our Heads. Dans la maison où nous résidions streaming et impose avec son en Espagne, il n’y avait pas de réseau télécom et pas de télé. Les activités étaient limitées. Le soir, on se retrouvait autour de la chaîne hi-ƒ à quatre, ma sœur, pote Lost Frequencies la marque mes parents et moi pour écouter de la musique. Et je dis bien « écouter », car « belgian deep house » sur les nous ne faisions rien d’autre que ça. C’était comme un cérémonial. Ce sont des The Rolling Stones moments inoubliables. dancefloors de la planète entière. Out Of Our Heads Dans la foulée de ses tubes Home Abkco / Universal (1965) et Until The End, le Bruxellois de 21 ans a rempli l’Ancienne J’ai commencé le solfège à l’âge de six ans dans une école de Woluwe-St- Belgique et s’apprête à réaliser Pierre. Je dois l’avouer : c’était une horreur. J’avais cours le mercredi le rêve de tout DJ / producteur et j’y arrivais en pleurs. Ma mère me déposait en voiture, elle me jetait devant l’école et refermait la portière à clef derrière moi pour être sûre que en se produisant cet été au je ne revienne pas. Maintenant, je ne peux que la remercier de m’avoir forcé à maîtriser le solfège. Lire la musique me permet de la comprendre et de Tomorrowland. Musicien mieux découper les séquences. La plupart des morceaux que je compose de formation classique, Henri naissent au piano. C’est au piano que je cherche mes lignes mélodiques avant de les reproduire dans mon clavier MIDI. Quand j’ai besoin de décompresser a pu compter sur ses parents Vivaldi ou de m’évader, j’écoute toujours de la musique classique. Mon compositeur artistes pour se faire une éducation Les Quatre Saisons préféré est Vivaldi. Pour moi, Les Quatre Saisons, c’est plus que de la musique. Deutsche Grammophon C’est un voyage, une histoire, un ƒlm, un univers… Sur un plan purement musicale de bon goût. À la veille technique, il y a bien plus de variations de décibels dans une œuvre classique de son marathon des festivals, que dans un morceau électro. C’est plus intense, plus varié. il exhume quatre disques

qui l’ont profondément marqué. J’ai un agenda rempli jusqu’en 2018, mais si un cinéaste me propose Il n’y a aucune référence électro. aujourd’hui d’enregistrer un soundtrack pour son ƒlm, je laisse tomber tous mes engagements pour m’en occuper. C’est mon rêve ultime et je sais qu’il se LUC LORFÈVRE réalisera. J’adore toutes les musiques que Morricone a composées pour les westerns spaghei. Le thème de A Few Dollars More (Et Pour Quelques Dollars De Plus) est un modèle du genre. Tout commence avec quelques notes sorties d’une boîte à musique, puis les violons arrivent et ça monte en crescendo. C’est un truc complètement dingue. Je m’en suis quelque peu inspiré pour la musique d’intro qui ouvrait mon concert à l’Ancienne Belgique. Ennio Morricone For a Few dollars More Soundtrack Mis (1965)

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EN VRAC…

lisZa, CouP au CŒur Vieille dame de la Chan- son, qui l’accompagne depuis 70 ans et qui a ré- compensé les plus grands de cet art, l’Académie du disque Charles-Cros prend DR un coup de jeune une fois l’an, lors de la remise de ses « coups de cœur » une Maison qu’elle puise dans la nou- velle génération d’artistes. Qui Chante L’album de la Belge Lisza La Maison Qui Chante est un nouveau lieu à (La vie sauvage) se voit Ixelles dédié à la Chanson Jeune Public. Accueils nominé aux côtés des en résidences, créations de spectacles chan- disques de Louis-Jean tés, ateliers découverte des Chants du Monde Cormier (Québec), Char- pour les enfants, parents et enseignants. lo© e peut-être (Suisse) et Grèn Sémé (Le Grand Sud La Maison Qui Chante proposera toute l’an- et les îles), dans le rayon née la découverte sensorielle des chants du « Francophonie ». monde grâce à des artistes venus de diff é- www.charlescros.org Fin rentes régions du monde : Asie, Afrique, Eu- rope et Amérique du nord. pourde laBail tax shelter en Fédé- www.lamaisonquichante.be ration Wallonie- Samaritaine BRUXELLES

Suite à un changement Depuis la loi du 25 dé- de propriétaire, le bail du cembre 2016 et son entrée café-théâtre La Samari- Prix CaeCilia en vigueur le 1 er février taine sera interrompu et ce, L’Union de la Presse Musicale Belge a dévoilé les 2017, les productions plus tôt que prévu. La salle, lauréats du Prix Caecilia en ce début mars. théâtrales, de cirque, de DR une cave du 15e siècle bien 10 disques ont ainsi été récompensés, dont 5 théâtre de rue, d’opéra, connue des Bruxellois, dis- me© ent à l’honneur des talents belges avec no- de musique classique, paraîtra malheureusement tamment Julien Libeer, Lorenzo Ga© o, Sophie de danse ou de cabaret (en ce compris la comé- du paysage culturel de la Kartäuser et le Brussels Philharmonic. La céré- unFire nouveau is festival Gold capitale. L’année 2017 et sa die musicale et le ballet) programmation se termi- monie a aussi rendu hommage à Mélanie De- peuvent bénéficier du 100% hip-hop neront donc au Little TTO fi ze, musicologue qui travaillait auprès du label tax shelter. Le système (Théâtre de la Toison d’Or) Cypres et disparue le 22 mars 2016 à Maelbeek. est désormais effectif Jon Tyler, directeur artistique du Bloody Louis à partir de septembre, La Maddalena – Antonio Bertali – Scherzi Musicali, en Fédération Wallonie- (un club de l’avenue Louise à Bruxelles), est jusqu’à décembre, avant Nicolas Achten (Ricercar) Bruxelles par le biais de aux mane© es de ce Fire Is Gold, festival 100% que la Samaritaine ne tire Erbarme dich – Johann Sebastian Bach – l’ouverture aux premières rap. À l’affi che et sur des deux scènes, l’évé- définitivement le rideau le Reinoud Van Mechelen, A Nocte Temporis (Alpha) demandes d’agrément er nement propose de retrouver rien de moins 1 janvier 2018. Vertigo – Jean-Philippe Rameau, Pancrace Royer – des œuvres scéniques. Le tax shelter ressort du www.lasamaritaine.be Jean Rondeau (Erato) que Damso (BE), Hamza (BE), Ritchie Santos fédéral, mais ce sont bien (BE), Brodinski (FR), Simon Lesaint (BE), Woo- Complete Piano Sonatas – Mozart – Fazil Say (Warner Classics) les communautés qui die Smalls (BE) ou encore Roméo Elvis & Le 10 MYthes À déMonter Violin Sonatas – Ludwig van Beethoven – sont compétentes dans Motel (BE)... Un festival très francophile dans Julien Libeer, Lorenzo Ga© o (Alpha) le fonctionnement et la Quand on est musicien, que l’esprit mais qui se déroulera au Domaine des String Quartets, Piano Quintet – Johannes Brahms – gestion du système. Par Trois Fontaines... à Vilvoorde, à quelques en- l’on souhaite percer dans Belcea Quartet, Till Fellner, piano (Alpha) conséquent, la Fédération l’industrie musicale et deve- Wallonie-Bruxelles exerce câblures de la capitale donc. Vier ernste Gesänge – Johannes Brahms – Matthias nir professionnel, on entend Goerne, Christoph Eschenbach (Harmonia Mundi) un double rôle : octroyer Fire is Gold - 14 mai 2017 - www.fi re-is-gold.com toutes sortes de conseils Kennst du das Land – Hugo Wolf – Sophie l’agrément aux œuvres et d’opinions. Les télé-cro- Karthäuser, Eugene Asti (Harmonia Mundi) européennes et originales chets seraient aujourd’hui Let me tell you – Hans Abrahamsen – Barbara au, et attester de l’achè- la seule manière de réus- Hannigan, Symphonieorchester des Bayerischen vement des productions. sir ? Il faudrait au plus vite Rundfunks, Andris Nelsons (Edition Winter & Winter) Plus d’infos ? www. s’entourer d’un label et d’un Pour sortir au jour – Guillaume Connesson – creationartistique. manager quand on débute ? Ma© hieu Dufour, Brussels Philharmonic, cfwb.be Ces conseils devraient-ils Stéphane Denève (Deutsche Grammophon) être absolument suivis… ? Un article démonte les Le Prix du Jeune Musicien de l’année a été a« ribué mythes et c’est ici que ça se à Reinoud Van Mechelen lit : www.tunecore.fr Le Prix d’honneur a été remis à Sigiswald Kuij ken

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EN VRAC…

le Journaliste réseau ChristoPhe van iMPe nous a Quittés MusiQue La rédaction de Larsen adresse ses plus sincères du condoléances à sa famille et à ses proches. ouvertMonde aux professionnels du secteur © Olivier Donnet ariGatŌ Relance du RéseauMusi- queduMonde / WereldMu- GoZai- ziekNetwerk. Un réseau Masu, Nouveauen douCeur label hip-hop Mélanie qui a pour volonté de réu- nir les professionnels en honda ! Universal Music Belgium vient d’annoncer son musiques du monde et de Backde in Biasio Town créer plus d’opportunités Kamil Ben Hsaïn Lachiri a association avec Anthony Consiglio et Max pour la production locale remporté le Honda Com- Meli (Back in the Dayz) pour la création de En Le lundi 20 mars, en séance du conseil, les élus des musiques du monde, petition for Classical Music (19 février) à l’issue de la Douceur, un label dédié au hip-hop. L’objec- carolos étaient appelés à voter la vente d’un en Belgique et à l’étranger : tif de ce label sera de développer la carrière stimuler les collaborations finale organisée dans la bâtiment (qui avait abrité pendant longtemps salle de concert du Conser- d’artistes locaux. Pour Patrick Guns, General le consulat d’Italie) à l’artiste carolo Mélanie dans le secteur, attirer plus l’attention sur les vatoire royal de Bruxelles. Manager de Universal Music Belgium : Le dé- De Biasio. La Ville de Charleroi se réjouit bien Kamil Ben Hsaïn Lachiri veloppement d’artistes est l’ADN de notre musiques du monde dans sûr de l’intérêt porté par la chanteuse à la Ville, les médias, véhiculer une est un jeune baryton belge maison de musiques. Pour nous, c’était une à son redéploiement, de même qu’elle se ré- image positive de la diver- de 23 ans. Il s’est formé au évidence de créer un label dédié au hip-hop jouit du retour, tout bientôt, de Mélanie De Bia- sité de notre société à tra- Conservatoire de Namur et est ensuite entré à l’Insti- dans lequel Anthony et Max auront l’occasion sio au centre-ville. De renommée internatio- vers la musique, travailler de déployer leur talent de dénicheurs de à une rémunération cor- tut Supérieur de Musique nale, la chanteuse a décidé de s’établir à et de Pédagogie de Namur jeunes artistes. Pour Anthony Consiglio et Max recte des musiciens, etc. Charleroi, souhaitant implémenter au sein de (IMEP) à l’âge de 15 ans. Meli : Nous nous réjouissons de nous associer l’ancien consulat d’Italie un projet culturel am- Plus d’infos ? www. Il est actuellement étu- avec Universal Music. Ce qui nous permet de bitieux : une Maison des Talents. Ouverte au facebook.com/Wereld- diant en master en chant nous concentrer sur l’essentiel, à savoir la si- citoyen, ouverte à la Ville, la maison vient na- muziekNetwerk à l’IMEP et est par ailleurs gnature de nouveaux talents. Parallèlement à turellement intégrer, compléter et ouvrir le licencié en piano classique, Maître en économie (Uni- ce label deal, Universal Music Belgium ac- champ des possibles d’un maillage culturel cueille dans son catalogue d’artistes, Roméo versité Catholique de Lou- déjà riche de créations artistiques. vain) et Maître en fi nance Elvis x Le Motel et Caballero & JeanJass (deux Prix www.melaniedebiasio.com (Université de Genève). Il a artistes managés par Anthony et Max). raPsat- remporté le premier prix de la compétition, qui est de leliÈvre 8.000 euros. Le concours 2017 musical, sponsorisé par VISIT. Le Québec à Honda Benelux, s’adresse la MusiQue aux étudiants ou musiciens l’honneur fraîchement diplômés des Brussels huit conservatoires belges L’auteure-compositrice- se vend et est organisé par les deux interprète gaspésienne conservatoires bruxellois, aWards Klô Pelgag reçoit le prix Une cérémonie de plus ! le Conservatoire royal de MIEUX Rapsat-Lelièvre 2017 pour 6,9% de croissance en 2016 Bruxelles et le Koninklijk la richesse et la qualité À l’occasion de la Visit.brussels Awards & Conservatorium Brussel, Ce© e augmentation serait le résultat de l’uti- artistique de son album School of Arts van de Eras- Networking Night qui s’est déroulée il y a L’étoile thoracique. Son lisation expansive de plateformes de strea- quelques jours au récent DROH!ME (Uccle), mushogeschool Brussel. ming comme Deezer ou encore Spotify, un prix lui sera remis offi ciel- neuf initiatives culturelles et touristiques lement en Belgique lors secteur en pleine expansion en Belgique. Oli- bruxelloises « ayant marqué l’année écoulée » des Francofolies de Spa est-il PossiBle de vier Maeterlinck de BEA Music explique que 2017, où elle se produira ont été récompensées. Musicalement par- réussir sans Maison nous n’en sommes qu’au début : Nous consta- le 20 juillet prochain sur la lant, deux événements sont ressortis du lot. de disQues ? tons que de plus en plus d’amateurs de mu- Il s’agit d’une part du BOZAR Electronic Arts scène Sabam For Culture. – Intéressante question à sique qui ne payait pas pour la musique au- Festival, gagnant de la catégorie « Evening Ex- – l’heure où internet permet paravant prennent maintenant un perience 2016 ». Et d’autre part du festival abonnement sur une plateforme de musique à de nombreux artistes de Couleur Café qui a remporté le prix « Interna- se passer de maison de en streaming de leur choix. Cela leur permet tional Event 2016 » pour sa dernière édition disques et ce, sans renon- d’avoir accès à plus de 40 millions de chan- sur le site de Tour & Taxis. L’édition 2017 pren- cer au succès. Focus Vif sons, où et quand ils veulent. dra ses quartiers du 30 juin au 2 juillet dans tente d’apporter des élé- le parc de l’Atomium. ments de réponse : h« p:// focus.levif.be

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EN VRAC… les radios J’ai tou- oFF FranCoPhones Jours dut Y ! Les activités du Guichet sont-elles rÊvé des Arts sont temporaire- ment suspendues. Le site allerGiQues d’Être internet de l’association prévoit une reprise mais aux Chansons Bas- ne précise pas la date. Fl aMandes ? siste ! Aff aire à suivre. Poser la question, c’est presque y répondre ! La basse : l’instrument En tout cas, c’est à ce© e épineuse question le plus important dans que s’est a© elé d’y répondre Herman Boel. Tra- un groupe de musique ? C’est ce que révèlerait radio- ducteur de profession, il est également l’au- une étude très sérieuse DR teur de divers ouvrages de non-fi ction publiés publiée par le Proceedings PlaYer. en Flandre (Éditions Lannoo). Le 20 février, il of The National Academy a adressé la question suivante à La Première, of Sciences.En fait, la BE ils Y étaient ! Depuis 2014, maRadio. basse serait ce qu’il y Vivacité, Classic21, Pure, Radio Contact, Nos- L’antenne Belgique du Printemps de Bourges be réunit les radios belges a de plus perceptible, talgie, Bel RTL et NRJ : francophones, du secteur modifiant également a fait son marché et a envoyé (présenté) plu- privé et public, pour assurer Bonjour, considérablement la sieurs artistes bien de chez nous lors du bien- la distribution numérique rythmique d’un morceau, connu festival, qui rappelons-le laisse une du média radio sur internet. Je me demande pour quelles raisons votre bien plus que les autres belle part de sa programmation à la décou- Le player rentre aujourd’hui station ne diff use jamais de musique néer- instruments. Ce sont des verte de talents. Une belle reconnaissance dans l’âge adulte après scientifiques canadiens, landophone. Le néerlandais étant la langue pour nos artistes. Mountain Bike, Wuman, La trois ans d’exploitation en qui ont analysé plusieurs la plus parlée dans notre pays, il me semble Jérôme, (run)Sofa, Roméo Elvis et Dan San croissance permanente encéphalogrammes de logique qu’elle ait une place au sein de et afin de poursuivre son volontaires, qui partagent auront eu l’occasion de faire (re)découvrir leur développement numérique chaque radio belge, ne trouvez-vous pas ? cette révélation. Tous musique au public français. Témé Tan aura dans un cadre internatio- les cobayes ont écouté quant à lui la chance de se démarquer au sein Pourriez-vous m’indiquer pour quelles raisons nal. Le player maRadio.be plusieurs notes au piano de l’événement : Les Inouïs du Printemps de votre radio diff use de la musique en français, change ainsi de nom pour et ils ont remarqué que Bourges, dispositif de repérage de nouveaux intégrer la marque forte en anglais ou en italien, mais jamais en néer- les notes graves étaient talents généralement issus du territoire fran- Radioplayer et profiter de landais ? mieux perçues par le cer- çais mais pas uniquement donc. Malheureu- l’aura extra-muros de la veau humain et qu’il serait Je vous remercie d’avance pour votre réponse. marque. de ce fait plus facile de re- sement, c’est fi ni… puisque le festival déroule Répons(s)e à découvrir sur son blog - www.taalfl uis- connaitre une rythmique sa programmation en avril. www.radioplayer.be teraar.be - ou en français sur h« p://daardaar.be avec des notes graves. La guitare basse étant généralement accordée une octave plus grave le Festival CheFFe, l’oPéra, sous qu’une guitare, le cerveau capterait beaucoup mieux de Wallonie oui PerFusion ses notes. CQFD. ChanGe de noM CheFFe ! PERMANENTE Le Festival de Wallonie se rebaptise en… Les Speranza Scappucci sera Pour François Lévêque, professeur d’économie Bis rePetto Festivals de Wallonie. Une précision qui Chef Principal attitré de l’Opéra Royal de Wallonie- à MINES ParisTech, il est quasi impossible pour La marque de mode change tout ! En eff et, les Festivals de Wallo- Liège à partir de la saison un opéra d’équilibrer ses comptes. Le genre (et Mosaert (anagramme de nie, ce sont sept festivals diff érents, répartis 2017-2018. Diplômée de ses maisons) est donc condamné à une vie Stromae) a récemment sur l’ensemble du territoire de la Wallonie et la Julliard School et de collaboré avec une mai- sous perfusion. À moins de remplacer les inter- à Bruxelles. Ensemble, ils offrent un pro- l’Accademia Santa Cecilia son prestigieuse : Repe© o. prètes par des hologrammes, le coût des opé- gramme de près de 150 concerts à Namur, de Rome, cette pianiste Pour l’occasion, Stromae, ras, des concerts ou encore des ballets croît a suivi une formation de qui avait annoncé me© re Mons, Liège, Stavelot, Tournai, Jodoigne, chef de chant à New York inexorablement plus vite que celui des autres ses activités musicales en Saint-Hubert, Louvain-la-Neuve, Bouillon, avant de collaborer avec biens et services, ainsi que le revenu moyen suspens, s’est fendu d’un Bruxelles ... Du 10 juin au 27 octobre 2017, tout des chefs comme Ricardo des ménages. Sur un peu plus d’un siècle, le instrumental destiné à le programme sur www.lesfestivalsdewallo- Muti ou Daniel Barenboim. accompagner la nouvelle coût par concert de l’Orchestre philharmo- nie.be. À Liège, elle dirigera les collection de vêtements. nique de New York a progressé de 2,5 % par an représentations de Manon Le titre s’appelle simple- contre 1 % pour l’indice des prix aux États-Unis. Lescaut (septembre 2017) ment Repe© o x Mosaert . Pour éviter les défi cits, les établissements d’art et Carmen (janvier-février C’est bref mais ça réjouira 2017-2018) ainsi que le tra- lyrique doivent faire croître leurs rece© es. Et les fans. les diffi cultés budgétaires de la puissance pu- ditionnel concert d’été le 3 blique elle-même rendent désormais ce© e so- septembre. lution caduque. D’où le recours croissant au fi - nancement privé de mécènes. À lire sur lesechos.frv

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ENTRETIEN © Bernard Babette

BRNS SYSTÈME NERVEUX D’ici début octobre et la sortie de leur troisième album, Timothée Philippe (chant, ba©erie), Antoine Meersseman (chant, claviers, basse) et Diego Leyder (chant, guitare) nous réservent quelques surprises. Si les garçons de BRNS devaient adopter une devise, ça pourrait être quelque chose comme « Faut qu’on revienne, faut qu’il y ait de l’actu, faut qu’on balance des trucs ! ». Un premier extrait s’annonce pour la mi-mai. Pile à l’heure pour les Nuits Botanique. Mais c’est dans une brasserie saint-gilloise que les trois Bruxellois ont évoqué leur retour aux affaires. Trois ? Pas quatre ? Eh non : quatre, c’était… avant !

DIDIER STIERS

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ENTRETIEN

nineties qui sont l’une de nos inžuences les À un moment, il faut que l’album qu’on a plus directes, plutôt que d’aller s’enfoncer dans nos cartons sorte, sans quoi, on de- dans un truc très pathos. Bon, il y a des vient un groupe frustré. ans gâcher les éventuelles sur- chansons tristes, mais le ton n’est plus du A. : Voilà ! En même temps, ce n’est pas prises, que peut-on déjà savoir tout « corde au cou ». parce qu’on a pris plus de temps que l’album de ce troisième album ? n’est pas imparfait. Oui, on aurait pu avan- Timothée : Il sera très direct, en S’il y a là du changement, le groupe a lui cer un peu plus vite, mais c’est vrai qu’il y tout cas beaucoup plus direct aussi quelque peu changé : César est parti a toujours cette question chiante et frus- que Patine qui était un disque et a été remplacé. trante – pas seulement pour nous – des la- peut-être plus downtempo et un peu plus… T. : César est quand même resté longtemps bels et de leurs sorties. D’un autre côté, il long. Ici, on a nalement dix titres. avec nous, mais là, il vogue vers d’autres n’était pas question de ne pas avoir d’accord SAntoine : Dont des titres très courts, dans les projets. D’autres envies. La séparation s’est avec un label. À notre niveau, entre guille- 3 minutes, ce qui n’est pas notre habitude. très bien passée, il l’a fait « au bon mo- mets, ça devient compliqué de travailler en Diego : Et des trucs un peu plus up-tempo, ment » : quand nous nous sommes retrou- totale autoprod’. quelques mélodies majeures qui nous sont ap- vés avec du temps pour mixer l’album, ça parues. Sans en dire trop, c’est peut-être un nous en a laissé aussi pour recevoir juste- Avec les années, le niveau est là, c’est clair, peu plus lumineux que le disque précédent. ment… notre nouveau membre. Lucie est mais quand vous dites « à votre niveau », ça T. : On s’est fait plaisir ! une pote qu’on avait croisée sur les tour- signifie aussi que vous avez d’autres exi- nées. Elle a joué dans di érents groupes et… gences, et pas seulement que les gens avec En travaillant différemment ? elle vient de Paris. lesquels vous travaillez en ont ? A. : Les morceaux de Patine avaient été A. : Oui… Si tu redescends d’un step, par mixés dans les mêmes tons. Ici, on avait Sur votre page Facebook, on a pu lire ce exemple parce que tu vas jouer en autopro- plein de titres très, très di érents. Des titres commentaire rigolard : Une Frouze, vous duction totale, ça veut dire que soit tu es sur lesquels Tim chante, des titres où César n’avez pas honte ! énorme et tu le fais à la Frank Ocean, tu chante, où moi je chante, ce qui faisait beau- A. : On aurait effectivement pu trouver sors ton disque qui est déjà énorme et il n’y coup de teintes di érentes. Il a fallu harmo- quelqu’un ici. Mais l’idée était aussi de ne a pas de problème, c’est génial. Soit tu es un niser tout ça, conserver ceŠe variété mais pas avoir juste un mercenaire. Je ne vais groupe comme nous, et redescendre à cet trouver de la cohérence, mettre du liant. pas te faire le coup de « l’aventure hu- échelon-là ne va pas rassurer du tout plein Alors que justement, Patine, c’était plutôt maine », mais on n’est pas un groupe qui est de gens avec lesquels tu travailles. C’est sur- l’inverse : toujours les mêmes synthés, beau- juste là pour cachetonner… tout par rapport aux intermédiaires que coup de sons qui se ressemblaient, et la vo- D. : Tu vois, tu le fais quand même ! c’est compliqué, parce qu’eux veulent no- lonté de créer une diversité là-dedans. A. : Ouais, bon… Mais donc, on la connais- tamment une assurance de promotion. D. : Il y a des choses qui se répondent, des sait bien. Et puis, sur le disque, il y a aussi types d’e ets qui se retrouvent un coup sur des voix féminines. On trouvait ça choueŠe Vous êtes portés sur le détail, sur la re- la guitare, un coup sur la voix… Mais après, aussi, d’ouvrir vraiment les perspectives, de cherche de sons, le fignolage ? Et donc, c’est vrai qu’il y a plus de diversité, ne fut- ne pas rester dans l’énergie brute, le truc de BRNS ne s’écoute pas sur un téléphone… ce que sur la longueur des morceaux. On gros bourrin. Là, on peut faire les gros bour- D. : Même s’il y a plein de choses chez nous tournait quand même autour du format de rins mais aussi de la musique, et c’est qui ne sont pas ré®léchies ou intellectua- cinq minutes ; ici, on est entre trois et sept choueŠe. Après, oui, on ne jouera pas cer- lisées, ce qu’on a toujours essayé de faire, minutes. Et ça bouge pas mal, là-dedans ! tains titres en concert parce que c’est vrai- c’est d’avoir plusieurs niveaux de lectures. ment la voix et le travail de César. Ça n’au- D’avoir un truc qui soit vraiment pop, Être plus direct, c’était une volonté dès le rait pas de sens d’aller chanter à sa place. accessible dès la première écoute, et qui par départ ? Une envie de quelque peu revenir T. : Mais ce n’est pas très grave, ça permet après peut dévoiler certaines autres à ce avec quoi vous avez commencé ? de jouer d’autres morceaux ! subtilités d’arrangements, ou de contre- T. : Comme d’habitude, nous avons été - c’est chant, de cassures et de choses comme ça. un mot qui nous suit un peu tout le temps EXIGENCES Mais on essaie quand même de faire en – instinctifs. C’est plutôt à l’instinct, quoi. sorte qu’à la première écoute, on puisse voir A. : Disons que ça répond toujours à ce que Wounded est sorti en 2012, Patine en 2014, tout de suite où on veut en venir. Donc ça tu as fait avant. Enn, il y a des groupes qui et le nouveau verra le jour en octobre pro- ne me dérange pas que quelqu’un écoute ça ne fonctionnent pas du tout comme ça, chain : vous avez pris votre temps ? sur son téléphone, parce qu’il y aura déjà genre Future Islands qui va sortir toujours D. : Il aurait pu sortir en octobre 2016. quelque chose d’assez direct, des accroches, le même disque, qui est très bien, mais avec A. : En fait, on n’a pas vraiment traîné. Pa- des mélodies… Après, s’il y a une deuxième les mêmes sons, les mêmes prod’. Ce qui tine sort en 2014, en 2015, la tournée s’ar- ou une troisième écoute, tant mieux, et nous avait un peu lassés sur le disque pré- rête après un an mais on a déjà composé sinon tant pis. cédent, on n’allait plus le refaire. Ici, il y a pas mal de trucs. Du coup, on commence à T. : Cela dit, j’ai l’impression que c’est la pre- même des titres « marrants » quoi, des enregistrer au Beursschouwburg tout dé- mière fois qu’on a passé autant de temps au choses qu’on n’aurait pas faites auparavant. but 2016. Puis on fait une seconde session mastering, à essayer de tout faire ressortir. Je crois que c’était nécessaire aussi de créer d’enregistrement en avril 2016. On se re- Et donc quand on écoute ça sur notre lap- une cassure. Quand on a joué pour la pre- trouve avec pas mal de titres, 15, qu’on com- top ou le téléphone, on l’entend. mière fois les nouveaux morceaux à Deep mence à mixer. Là, ça a pris un peu de re- A. : C’est vrai. Au niveau de la prod’, c’est In The Woods, notre tourneur nous a dit tard, mais ce sont surtout les questions de moins gros bras qu’avant. Après, les mor - qu’il était vraiment content qu’on aille dans label qui ont fait que ce n’est pas possible de ceaux sont e ectivement plus pop, donc on ceŠe direction-là. Un truc assez nineties, les le sortir avant octobre. en est à ce double niveau de lecture.

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ENTRETIEN © Bernard Babette

ROBBING MILLIONS, BON ESPRIT qu’on s’est beaucoup croisés. On n’a jamais d’ailleurs, on est un tout petit peu pressés fait de collab’, mais on s’apprécie énormé- par le temps. On a tout, les titres des chan- De manière plus générale, tous les x temps, ment. Et puis, sur la scène bruxelloise, j’ai sons, les visuels, tout, mais on n’arrive pas on semble revivre une période d’effervescence l’impression que c’est le groupe un peu dans à trouver un titre d’album qui nous pour la pop belge. Vous vous y retrouvez ? notre style. convienne. Alors qu’auparavant ça a été A. : J’ai l’impression qu’il y a eu une grosse plus vite, même si c’est toujours venu après. vague mais que c’est en train de s’essou¯er. Et Jacques ? De la même manière qu’on ne se dit pas On se souvient de la vague Mudžow/Sharko, T. : C’est assez cool. Nous, on adore les a´er- qu’on va faire un album concept, on n’a pas les Sacrés Belges, et puis les Massacrés parties ! Et puis, il y a aussi ce côté très créa- non plus d’idée générale des chansons et Belges… Ici, c’est un peu spécial : il y a eu nous, tif, ce côté bric-à-brac qu’on peut peut-être donc du coup, on n’a pas de titre d’album. Robbing Millions, Le Colisée et Mountain un peu retrouver chez nous. En tout cas, je Pour les deux précédents, on s’est mis au- Bike « dans un mouchoir de poche ». Nous de- pense que le public qui nous écoute, écoute tour d’une table pour en trouver un, et il a venons des groupes établis, nous faisons notre forcément Robbing Millions. Et écoute pro- suµt d’une fois. Là, on en a déjà fait deux petite popote, en révolutionnant ou pas notre bablement Jacques. séances, on s’est envoyé des mails et tout : univers. Mais j’ai l’impression qu’aujourd’hui, rien ! Mais ça va venir ! c’est plutôt au niveau du hip-hop que ça se La set-list sera adaptée ? T. : Si tu as une idée, n’hésite pas ! passe, parce que du côté de la pop, je ne vois D. : Oui, tout à fait, mais on joue déjà des pas de truc qui, dernièrement… nouveaux morceaux depuis Deep In The Évidemment ! D. : Il n’y a pas quelques groupes chantant Woods en septembre dernier. Vraiment une en français qui sont apparus récemment ? majorité de nouveaux morceaux, vu qu’on T. : C’est la nouvelle vague : maintenant, tout a quand même tourné quelques années sur le monde chante en français ! les anciens, et qu’on avait déjà inclus pas A. : Oui, mais est-ce que ça va donner quelque mal de titres de Patine avant même qu’il chose ? En hip-hop, il y a des trucs moins sorte. Du coup, là, on avait fort envie de re- bien mais aussi des choses vraiment balèzes ! venir avec du neuf. Pas seulement pour nous mais aussi pour les gens qui nous ont À propos de Robbing Millions : vous figurez sur déjà vus plusieurs fois. la même affiche qu’eux aux Nuits Botanique. Avec Jacques, également. C’est cohérent ? Dites, au fait, il s’intitulera comment, votre T. : Oui, je trouve. Robbing, on a une album ? Ou vous devez encore trouver un titre ? chouette histoire avec eux. Je veux dire D. : Oui, on doit encore en trouver un, et www.brns.be

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RENCONTRE

RENCONTRE POP FùGù Mango ROMANCE EXTRATERRESTRE En gestation depuis plusieurs mois, le premier album de FùGù Mango offre un arc-en-ciel à la pop moderne. Multicolore, bourré d’envies métissées et d’un irrépressible besoin de danser, Alien Love voit le trio bruxellois tenter le coup parfait : un disque électronique chargé de mélodies acoustiques et de quelques tubes radiophoniques.

DR NICOLAS ALSTEEN

ébut de l’année dernière, on s’est re- plans sont totalement inconscients, souligne le chansons perdaient le feu sacré, l’intensité. Avec trouvés sans batteur attitré, in- guitariste Jean-Yves Lontie. En écoutant un Alien Love, nous avons réussi à concilier nos dique la chanteuse et bassiste de nos morceaux, un ingé-son a même évoqué atouts mélodiques et dynamiques. Avant, les Anne Fidalgo. Cette nouvelle Fleetwood Mac. Sa remarque nous a intrigués. gens écoutaient notre musique parce qu’ils nous donne a complètement bouleversé On connaissait assez mal ce groupe. En s’y inté- avaient vu en concert. À présent, c’est l’album qui nos habitudes de travail. On s’est ressant, on a compris le rapprochement. Ici, doit leur donner envie de nous voir sur scène. mis à utiliser des percussions électroniques, à pourtant, pas question de resucées. FùGù Métamorphosé, FùGù Mango trouve enn programmer certaines mélodies sur des ma- Mango se détache des receŠes éculées grâce son équilibre : un juste milieu entre ses pul- Dchines. À l’heure de publier son premier al- à une production moderne, souple et ultra sions mélancoliques et des chansons résolu- bum, FùGù Mango s’avance oµciellement élastique : des arrangements qui tentent ré- ment euphoriques. Dans le genre irrésistible, en trio, avec un podium complété par les gulièrement le grand-écart entre envies exo- le single Blue Sunrise donne envie de croire frères Vincent (chant, claviers) et Jean-Yves tiques et grand trip électronique. En cela, les au mythe de l’été éternel, à la toute puissance Lontie. Dans ce nouveau processus, nous avons mélodies du groupe bruxellois partagent les du dieu soleil. Ça doit être lié à notre nouvel en- dû apprendre à utiliser des logiciels et intégrer aspirations de quelques cousins anglo- vironnement de travail, note Jean-Yves Lontie. du synthé, explique ce dernier. Se familiariser saxons. On songe alors à Crystal Fighters ou Avant, nous répétions dans une cave sans fenêtre, avec ces nouveaux éléments, ça nous a pris pas Yeasayer. un lieu très sombre, totalement isolé du monde mal de temps. L’avantage, c’est qu’à présent, nos extérieur. Aujourd’hui, nous avons emménagé références afro-pop s’ancrent dans un cadre LE ROI SOLEIL dans un studio à la campagne : un endroit hyper beaucoup plus lisible. La généralisation des syn- Enregistré à Bruxelles dans l’antre des stu- lumineux. Entre les répétitions, on se prend des thés di‹use en e‹et un parfum typique des an- dios ICP, Alien Love est passé entre les doigts pauses dans un grand jardin au fond duquel nées 1980 dans les nouvelles compos de Fùgù experts de Luuk Cox, maître d’œuvre de coule une petite rivière. Comme quoi, c’est tou- Mango. C’est amusant. Jusqu’à mes vingt ans, je grands disques pour Stromae ou Girls in jours bénéque de se meŠre au vert. pensais que je détestais la musique associée à Hawaii. Mixé à Londres par Ash Workman ce–e période, remarque l’atout féminin de la (Christine & The Queens, Metronomy) et Fùgù Mango Alien Love formation. Je me sentais plutôt grunge. En vieil- peaufiné du côté de Paris en compagnie Washi Washa/[PIAS] lissant, je réalise que je me suis trompée. Il y a d’A l e x Gopher, figure légendaire de la des tas de choses que j’aimais, que je connaissais « French touch », le nouvel album de FùGù parfois sans le savoir... Alien Love abrite ainsi Mango se donne les moyens de ses ambitions. une dimension parallèle où se dandinent les Jusqu’ici, nous n’étions jamais parvenus à trans- noms de Duran Duran, Paul Simon, Cindy Lau- poser l’esprit de nos prestations en studio, in- per, Talking Heads ou Human League. Certains dique Anne Fidalgo. Une fois enregistrées, nos www. facebook.com/fugumango

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RENCONTRE

RENCONTRE POP Noa Moon EAUX PROFONDES Quatre ans après Let Them Talk et sa pop folk acoustique teintée de couleurs reÈae, Manon de Carvalho Coomans se métamorphose sur Azurite. La Bruxelloise a mûri, la jeune fille est devenue une femme de vingt-six ans qui regarde devant elle et le propos, comme la musique, ont gagné en profondeur. Galvanisée par de nouvelles envies et séduite par örtz

des sonorités électro, Noa Moon © Boris G repousse les horizons et montre à ceux qui en doutaient encore qu’elle n’est pas l’artiste d’un seul tube. « J’ai compris LUC LORFÈVRE qu’il fallait que je reste spontanée. »

vec le recul, que retenez-vous envies. Je voulais aussi me prouver que rite condense tout ce va et vient entre les in- de l’aventure Paradise et des j’étais capable d’écrire des chansons seule certitudes et les certitudes que j’ai connues. retombées de votre premier al- avec de nouveaux outils, notamment en m’ai- bum ? dant de l’ordinateur. CeŠe phase d’introspec- Votre premier EP paru en 2012 s’intitulait La chanson Paradise est sortie tion était nécessaire, même s’il y a eu beau- River et l’eau est encore omniprésente dans en 2012 et très vite, elle m’a per- coup de questionnement de ma part et aussi Azurite : sur la photo de la pochette, dans mis de jouer partout. Sans le moindre calcul de la frustration parce que je ne maîtrisais le clip de Sparks ou au travers des chansons et de manière tout à fait spontanée, cette pas certains programmes informatiques. Ocean et The Sea. Quel est votre rapport Achanson m’a permis d’ouvrir des portes et de J’entendais des sons dans ma tête mais je ne avec cet élément ? propulser le projet Noa Moon de manière parvenais pas toujours à les reproduire. J’entretiens un rapport ambigu avec l’eau. Je très saine avant même la sortie de mon pre- suis aŠirée par elle comme je suis aŠirée par mier album. C’était complètement inaŠen- Azurite a été enregistré au studio la Frette tout ce qui touche à la nature en général. du. Je suis montée dans un train qui fonçait à Paris avec l’ingénieur-son « maison » Mais, en même temps, l’eau me fait très peur. à vive allure. J’avais moins de contrôle qu’au- Nicolas Quere et Daniel Offerman de Girls Ce n’est d’ailleurs pas très loin de la phobie. jourd’hui mais je l’acceptais. À la n de la In Hawaii. Qu’ont-ils apporté à l’album ? Quand vous êtes dans l’eau, vous n’êtes jamais tournée, je n’étais plus la même qu’au début. Ils ont mis de l’ordre. Grâce à leur approche ancré. Ça bouge tout le temps, vous perdez le J’avais arrêté mes études, fait plein de ren- humaine, leur maîtrise technique et leur contrôle avec tous les sensations opposées que contres, découvert de nouvelles musiques, approche artistique, Daniel et Nicolas m’ont cela peut entraîner. C’est parfois enivrant de appris à être plus curieuse. Et, au nal, j’y ai permis d’y voir plus clair. Je ne suis pas ar- se laisser porter par une force invisible, mais pris beaucoup de plaisir. rivée à la FreŠe avec une grosse quantité de ça peut être aussi très žippant. chansons. Par contre, j’avais une multitude Avez-vous dû beaucoup vous chercher artis- de versions di érentes de chaque morceau. Votre êtes née un 3 mars sous le signe du tiquement avant d’accoucher d’Azurite ? Au début de mon travail en solitaire, j’avais poisson. Un poisson, ça nage entre deux Oui, le travail d’écriture et de composition a rejeté tout ce qui était acquis. À un moment, eaux. Un peu à l’image de votre album ? pris presque trois ans. Après la tournée Let je ne me voyais même plus faire de la folk Je trouve ceŠe analyse intéressante, même Them Talk, j’ai ressenti le besoin de m’isoler comme je la jouais sur Let Them Talk. Mais si ce n’est pas voulu de ma part. Beaucoup et de me recentrer sur moi-même. Je devais après quelques mois, je me se suis rendu de choses vont en e et par deux sur Azu- baliser de nouveaux repères et de nouvelles compte que ça me manquait. Au nal, Azu- rite. Il y a des instruments organiques et de

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RENCONTRE

l’électro. Des chansons up-tempo et des bal- pique avec un investissement immédiat dans lades, de la pop sautillante et de la folk plus la vie de la compagnie. mélancolique, des textes qui touchent aux De retour en Belgique, elle touche à la réali- relations sentimentales et d’autres tournés sation, étudie la philosophie et les langues vers l’extérieur. Tout s’est fait au feeling et arabes. Lisza multiplie les expériences avec de manière inconsciente. À la FreŠe, je me le désir d’apprendre, d’explorer le monde. En suis rendu compte qu’il fallait parfois évi- marge de ses incessantes expéditions, Lisza ter de trop réžéchir et que les chansons al- nourrit aussi un aŠrait irrépressible pour la laient trouver elles-mêmes leur place sur le liŠérature, la lecture, les phrases, la musica- disque. J’ai aussi accepté le fait qu’un album lité des mots. Dans son jardin secret, la jeune est comme une photo qui capture un mo- femme conjugue d’ailleurs ses émotions ment de la vie. Let Them Talk et Azurite sont RENCONTRE CHANSON dans des chansons artisanales. Elle écrit des deux disques complètement différents paroles, imagine quelques mélodies aux pos- parce que je ne suis plus la même. Et je l’as- sibilités innies... Mais je ne me voyais pas en- sume parfaitement. registrer tout ça, explique-t-elle. J’hésitais. J’at- Lisza tendais le bon moment. Il survient au Vous avez été révélée au public avec Para- printemps 2014. Invitée par des copines au dise, une chanson écrite alors que vous L’ ÉQ U I P É E SAUVAGE concert du chanteur belge Vincent Liben, étiez post-adolescente et vous nous reve- Lisza découvre une âme (sœur), une person- nez en femme adulte. Ne craignez-vous pas Nouvelle voix d’une chanson nalité musicale qui lui va droit au cœur… qu’une partie de votre public regre«e la française sans frontière, Lisza En conance, elle révèle ses secrets, une Manon des premiers émois ? partie cachée de sa personnalité : son amour Je sais que certaines personnes n’ayant de dévoile un premier album réalisé de la musique, sa passion pour les belles moi que l’image de la Noa Moon de Paradise en compagnie de Vincent chansons. Intrigué par les textes et la teneur ne vont peut-être pas s’y retrouver. Mais je ne Liben (ex-Mud Flow). Écrin de des morceaux, Vincent Liben met alors ses vais pas leur mentir. Je n’ai plus envie de com- talents d’arrangeur au service des compos. poser des chansons comme je le faisais en mélancolie sophistiquée, La vie Habillées d’arpèges ensoleillés, nappées de 2012. Les morceaux d’Azurite me permeŠent sauvage disperse ses beaux mots cordes, infusées de samples et d’une multi- de pousser le projet encore plus loin et tout le tude de détails instrumentaux, les idées de reste suit : le clip de Sparks, les photos de po- sous un soleil couchant, chaud Lisza voyagent à bonne distance des clichés. cheŠe, le groupe, mon look… Tout montre que et rassurant. Le regard tourné Loin de la Tour Ei el, des cartes postales j’ai avancé. Je ne trompe personne. vers d’autres continents, la d’Édith Piaf et des pâles copies servies par Zaz et Zazie, la chanteuse bruxelloise trans- chanteuse explore onze ritournelles Quelle est la leçon la plus importante que porte la langue française sous d’autres lati- vous avez apprise durant l’enregistrement imprégnées d’effluves bossa nova, tudes. En suivant les ondulations de sa voix, de Azurite ? de tango et d’arômes calypso. on aperçoit ainsi le Bosphore de Selda, la J’ai compris qu’il fallait que je reste spon- jungle tropicale d’Astrud Gilberto, l’Amé- tanée. Parfois je me prenais la tête pour NICOLAS ALSTEEN rique latine et le Canada de Lhasa, mais aus- amener les chansons dans un univers qui si les plages paradisiaques de Cesaria Evo- ne me correspondait pas, j’étais trop dans ra. Globe-troŠeuse, nomade et curieuse, la l’analyse. C’est lorsque je suis revenue sur ne vie sauvage, c’est quoi ? Si chanson française de Lisza s’écarte des che- les versions les plus naturelles de mes mor- l’on tient compte du parcours mins balisés, histoire d’éviter les postes fron- ceaux que le disque a commencé à prendre de Lisza, il convient de s’accro- tières. Dans son sac à dos, elle n’oublie pas sa forme et sa cohérence. cher, de ne pas redouter l’in- non plus de glisser quelques refrains sucrés : connue et, surtout, d’oser se des envolées édulcorées qui žirtent autre- Comment voyez-vous l’avenir ? lancer. Née à Bruxelles, l’ar- ment avec la variété (Tonino). Enregistré en J’ai hâte de retrouver la scène. C’est ce qui tiste grandit dans un des premiers habitats cinq jours au Jet Studio, La vie sauvage dé- m’a le plus manqué ces deux dernières an- groupés du Brabant wallon. Entre les siens voile ses charmes mélancoliques à travers nées. Je me rends compte que je ne suis pas Uet les autres, la petite lle se sent chez elle, onze titres délicats et sophistiqués. Fruit faite pour gamberger sur des nouvelles à l’aise partout. Musicalement, son premier d’un dialogue permanent entre le chant et compositions durant des mois. souvenir marquant tombe entre deux coups les instruments, cet album o re sa propre de tonnerre : un éclair de génie surnommé version de la sauvagerie. Sans violence ni Noa Moon la Callas. Je me souviens de tout, cone Lis- incivilité, la musique se veut indomptable, Azurite Blue Milk Records/[PIAS] za, aŠablée dans un bistrot du centre-ville authentique, inclassable. Disque intuitif, bruxellois. L’orage, sa voix, ma mère à côté de l’objet expose ses mélodies métissées sans moi. Marquée par ceŠe révélation, elle suit jamais maquiller le fond de sa pensée : des des cours de chant lyrique, s’essayant en- sentiments contrariés, une certaine nostal- suite au piano, à la guitare et au violoncelle. gie, de la naïveté, un peu de solitude et beau- À dix-huit ans, elle quiŠe la Belgique pour coup d’amour pour servir des chansons qui s’installer dans le Sud de la France, à Agen, valent largement le détour (La Cavale, Or- une petite bourgade gallo-romaine située à phelin). Soit une belle entrée en matière. quelques encablures de Toulouse. J’ai suivi www.noamoon.com une formation théâtrale : un enseignement aty- www.facebook.com/liszamusic

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RENCONTRE

RENCONTRE REGGAE Uman FAIT LE MÉNAGE S’il s’en était tenu à sa première idée, après la Tournée des Grands Ducs, il aurait concocté une mixtape orientée dancehall. Deux ans de réflexion et de travail plus tard, Manuel Istace a préféré revenir à ses bases, à ce qu’il sait faire le mieux. C’est un peu mon ring, résume-t-il à propos de ce Umanist sur lequel flo©e la bannière du reÈae en français. Et qui multiplie les featurings, une fois n’est pas coutume.

DIDIER STIERS © Sacha Lempereur

ourquoi pas de mixtape, finale- même aura qu’au début des années 2000, Culturellement, ma rencontre avec le reg- ment ? quand je suis passé du hip-hop au reggae. En gae remonte à 84, 85, dix ans après le punk, La réalité du bizness aujourd’hui France, ils ont le pré-acquis de la loi d’excep- grâce notamment à Pete de chez Arlequin est telle que les streams ne se font tion, qui a permis à la scène hip-hop et reggae à Bruxelles. C’est donc quand même un bon plus sur YouTube mais sur Spo- francophone d’émerger. En Belgique, le hip- Anglais bien blanc qui m’a appris le reggae. tify, Deezer… MeŠre en ligne une hop est en train d’exploser, avec des gars Et si je mets « dancehall punk » à côté de mixtape avec des faces B qui allaient être comme Back in the Dayz qui bougent leur cul mon nom, c’est parce que je me considère bloquées sur YouTube aurait été con. Alors de ouf, on a de vrais artistes comme Damso comme issu de ceŠe culture-là. Une culture Pautant faire le boulot complètement. Là, qui est un tueur, Caballero, Roméo Elvis… À dans laquelle on trouvait aussi de la mili- quand j’écoute cet album, je le trouve à la côté de ça, la scène reggae comme telle en Bel- tance. Quand j’étais gamin, j’étais sur les frontière de pas mal de trucs que j’ai pu gique, Atomik Spliff, David Corléone et épaules de mon père aux manifs anti-Per- faire : il est urbain, on y retrouve de temps quelques autres mis à part, est quasi inexis- shing, contre le racisme, à Saint-G illes en temps L’Aventure C’est L’Aventure (sorti en tante. Il y a une réalité du marché, à laquelle quand ils ont mis Graindorge en prison… 2007 - ndlr), des sujets de société, de la poli- on s’adapte : dans Dancehall Station, on joue Plus tard, j’ai un peu traîné avec les mouve- tique, de l’amour… Et nalement, il est plu- de la trap, de l’afrobeat, des trucs black, et ments anars. Quand ce militantisme se re- tôt sorti tout seul. même sur cet album-ci, il y a d’autres in- trouve dans la musique mais sous forme žuences, on est dans une vibe moderne. manichéenne ou didactique, c’est chiant, il Un mot sur l’omniprésent Tristan Gransart, faut que ça soit distillé. Là, Renaud a été alias Selecta Killa ? Umanist est un album accessible ! mon maître à écrire, même si je le bousille Je travaille avec lui depuis 7 ou 8 ans, depuis Quand je fais un album, c’est avec le point de dans Pas de justice et un autre texte. Renaud, Bienvenue en Belgique. Je lui ai toujours dit référence suivant : il faut que les gens puissent NTM… Marley, qui se trouve entre « peace, qu’il devait se meŠre à la prod’, parce que je l’écouter du début à la n le dimanche matin love, unity » et « marche pas sur mes pieds ». le trouvais doué et que les soirées ( issues de quand il fait beau, qu’ils ouvrent leur fenêtre Donc oui, j’avais quand même envie de faire leur émission Dancehall Station - ndlr), ça ne et qu’ils font leur ménage. Quand tu te lèves passer un message de rébellion : on est dans dure qu’un temps. Il a produit 8 morceaux à 9h parce que tu n’es pas sorti la veille, que une période trouble, au niveau des valeurs, sur les 12, et du coup, on a vraiment bossé en tu décides de faire le ménage, que tu vas de nos conditions de vie… famille : au studio, à la maison, on a mijoté meŠre un Marley, un Marvin Gaye ou un dans notre propre marmite avec plaisir. Sam Cooke. Ou un Uman !

Seule ombre au tableau : la scène re¾ae L’album est cool, jusqu’à ce qu’arrive Pas de francophone… justice. C’est le Uman revendicateur qui res- On se rend compte aujourd’hui que l’univers surgit ? Et critique aussi les gens qui gobent du reggae francophone ne bénécie pas de la ce que les politiques leur font croire ? w.facebook.com/umanist

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RENCONTRE

RENCONTRE JAZZ FUSION Orchestra Nazionale Della Luna Manu Hermia n’est pas avare de projets. Slang, le Murmure de l’Orient, Jazz For Kids, deux trios, un quintet, sans oublier DAHM ou ses collaborations avec Majid Bekkas. Il est sur tous les fronts. Le voici en co-leader avec le finlandais Kari Ikonen dans un groupe au nom aussi étonnant que sa musique : Orchestra Nazionale Della Luna. Rencontre avec Manuel Hermia. . Lagadec JACQUES PROUVOST © Maël G

OBJECTIF LUNE jammait et on s’est découvert une aµnité LA GALAXIE n trio, avec Manolo Cabras et humaine et musicale évidente. On s’est pro- Je pense la musique comme un matériau. J’ai Joao Lobo, dans un cadre que l’on mis de faire quelque chose ensemble. envie, quand je fais du jazz, d’avoir la musique se xe, on essaie de réintégrer indienne, arabe ou africaine dans mon sac à une certaine notion du free jazz. MISE EN ORBITE dos et de l’utiliser comme je veux. Je n’ai pas Avec Sylvain Darrifourcq et Va- À Brême, lors de Jazzahead, on a discuté envie que ce soit nécessairement lisible. Cela lentin Ceccaldi, dans un esprit avec Teun, que Kari ne connaissait pas, et doit s’incorporer à la musique, à l’esprit. Que jazz mais sans le swing, on essaie de s’ins- on a vite pensé à Sébastien avec qui on avait ce soit des modes, des couleurs, qu’il y ait des pirer de formes contemporaines avec une tous envie de jouer. J’ai alors organisé 4 accords ou pas, des cris, des bruitages, il faut Eénergie qui frôle parfois celle du rock. Avec jours de résidence à l’Espace Columban à juste savoir comment intégrer ces moments Orchestra Nazionale Della Luna, je pense Wavre. On était ensemble 24 heures sur 24, de liberté dans un morceau. L’envie de susci- qu’il y a un enracinement plus clair dans le ce qui était une situation privilégiée car on ter une émotion est à la base du choix de ces jazz traditionnel. Il y a un piano, un sax, une pouvait décider de jouer ensemble à une matériaux. J’aime les extrêmes. Les mo- baŠerie et une basse, il y a du swing, des heure du matin si on le voulait. On avait ments intériorisés, très planants et, d’un autre grilles d’accords, bref, un environnement plein de compos, anciennes ou écrites spé- côté, une extériorisation débridée. classique que l’on essaie d’éclater. On in- cialement pour ce projet. Cela a marché, tègre aussi la musique du monde avec le on a enregistré huit mois plus tard. NOM DE MISSION bansuri ou l’électro avec le moog. Et puis il L’humour nlandais est aussi décalé et sur- y a une rythmique puissante, avec Teun L’ODYSSÉE réaliste que le belge. C’est Kari qui a proposé Verbruggen et Sébastien Boisseau, qui À Jazzahead, je me suis rendu compte qu’il le nom du groupe. On a assumé, on a creusé bouscule les tempos et propose des ouver- y avait beaucoup de musiciens, beaucoup l’idée. On s’est inventé une bio. On a fait une tures incessantes. C’est très libre, on ne sait de projets, beaucoup d’écoles aussi qui en- photo qui se référait aux phases de la lune. jamais où cela va aller, mais on sait qu’on seignent la base du jazz. Moi, j’adore jouer Cela nous correspond bien : on n’a pas d’iden- peut tout se permettre et que lorsque des standards, mais si on se limite à ça, on tité nationale car on vient de France, de Fin- quelqu’un y va, on y va ensemble. ne va pas sortir des frontières, on ne va pas lande, il y a un francophone et un néerlan- pouvoir se démarquer. Je suis partisan du dophone, il y a un côté fellinien dans la RENCONTRE D’UN CERTAIN TYPE fait d’avoir des racines dans le jazz, de sa- musique. C’est un nom qui porte le projet. J’ai rencontré Kari Ikonen à Budapest lors voir s’inscrire dans ceŠe culture qui a un Comme pour un groupe de rock. Nous, on d’un workshop où une quarantaine de mu- bon siècle maintenant. Mais il faut pouvoir vient simplement de la lune ! siciens, qui ne se connaissaient pas, étaient se démarquer et avoir un propos personnel. invités à jouer ensemble. Il y avait 9 groupes C’est ce que l’on cherche avec ce groupe : Orchestra Nazionale Della Luna de 5 personnes qui avaient trois ou quatre une identité. Moi, j’aime les bands où les Jazz Avatars jours pour répéter avant de partir en tour- gens ne sont pas interchangeables. C’est née dans di érents pays d’Europe. Kari et l’individu qui fait le son. D’où l’importance moi n’étions pas dans le même groupe mais de trouver des alchimies humaines qui www.manuel-hermia.com www.kariikonen.com on voyageait ensemble, on se côtoyait, on fonctionnent.

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RENCONTRE JAZZ Éric Legnini LE RETOUR DE BEATMAN Waxx Up est peut-être le disque le plus produit d’Éric Legnini, le plus soul, le plus R&B et, sans doute aussi, le plus éloigné du jazz auquel il nous avait habitués. Pourtant, de Miss Soul à Sing Twice, on sentait le bateau dériver peu à peu. Avec l’album qu’il vient de sortir avec Franck Agulhon à la ba©erie, Daniel Roméo à la basse électrique, une poignée de soufflants et une pléiade de chanteurs et chanteuses, le pianiste belge a décidé de larguer plus franchement les amarres.

JACQUES PROUVOST © Philip Ducap Fine Art Photography

la n d’une journée promo ma- dios Ferber. Il y fait de nombreuses séances Alors qu’il se met en mode écriture, Ibra- rathon, c’est devant une vraie avec les plus célèbres chanteurs français. him Maalouf vient le chercher pour travail- pizza italienne que l’on re- Un jour, Claude Nougaro est venu vers moi et ler sur son album Red & Black Light où il re- trouve l’infatigable Éric Legni- m’a demandé de réaliser ce qui sera son dernier trouve de vieux amis belges, François ni, sourire aux lèvres, baskets album. Il voulait que ce soit jazz, mais que cela Delporte et Stéphane Galland. rouges aux pieds, survêt’ sonne plus urbain aussi. C’était un honneur et streetwear sur le dos pour parler de cet al- un challenge. Et c’est grâce à cet album qu’on J’avais rencontré Ibrahim, il y a plus de douze bum qui lui ressemble tant. Je voulais faire m’a découvert en tant que producteur et arran- ans lors d’un festival Gnawa au Maroc. On a Àun disque à partir de la musique que j’écoute geur. Aux Studios Ferber, Legnini a sa pe- jammé ensemble là-bas. On s’est revu bien plus tous les jours, c’est-à-dire de la soul et surtout tite pièce à lui où il « fait » des sons. Curieu- tard, on a sympathisé. Il m’avait envoyé un du hip-hop. On a toujours un peu senti ce–e in- sement, des chanteurs de hip-hop lui choue–e message après un concert que j’avais §uence dans mon écriture mais jamais au pre- demandent de les produire. Il devient alors donné sur TSF et avait déjà proposé de faire mier degré. Ici, je voulais l’a¨rmer plus fran- Mister Moogoo, beatmaker. Je me suis vu quelque chose ensemble. Et voilà notre clavié- chement. travailler avec Soprano à ses débuts, avec Yous- riste parti pour une longue et épuisante soupha, Sinik ou Kayna Samet, qui reste une tournée à travers le monde avec Ibrahim C’est vrai que lorsqu’il est parti à New York, référence pour les plus jeunes encore Maalouf. C’était assez fou. On faisait la tour- alors qu’il n’avait que 18 ans, il avait dans les actuellement. Je pouvais très bien être en stu- née des Zénith et, en même temps, je bossais sur oreilles du rap, du hip-hop, Miles et Col- dio avec Diam’s la journée et me retrouver dans mon album. C’est un peu le trompettiste trane. Et, inconsciemment, il se demandait des clubs de jazz le soir. Je travaillais dans franco-libanais qui le pousse à aller au bout déjà comment faire cohabiter ces amours deux mondes assez di‹érents, mais j’aimais ça. de ses idées, à intégrer plus franchement impossibles. Dix ans plus tard, Miles lui l’autre musique qui le fait vibrer : le hip-hop. donnait quelques clés avec Doo-Bop. LEADER AGAIN Le déclic a aussi été provoqué par les albums Depuis, ce n’est pas un secret, ce rêve lui Il joue avec la crème des jazzmen, coi e plu- de Kendrick Lamar et de Anderson .Paak. Il troŠait dans la tête. Mais le jazz lui colle à sieurs casqueŠes - producteur, arrangeur, n’y a pas que des rythmes programmés chez la peau. Un pianiste aussi doué que lui se sideman - et sort nalement en 2006 le pre- eux, c’est plus joué. Et puis, il y a une grande fait vite remarquer et embarquer pour la mier disque d’une série qui dénira un peu incursion dans le jazz et surtout la soul. J’avais France. Je jouais au Sounds à Bruxelles avec plus sa ligne musicale. Miss Soul, Big Boo- envie d’aller là-dedans. Partir du hip-hop et in- Stefano Di Ba–ista et Flavio Boltro. Ils m’ont galoo et Trippin’ préparent le terrain à une tégrer de la soul et du jazz plutôt que l’inverse. proposé de les rejoindre à Paris pour monter autre de ses obsessions : la voix. Il invite Utiliser ce–e énergie musicale-là. un groupe et j’ai dit oui sans presque ré§échir. alors Krystle Warren sur The Vox, puis Là-bas, tout s’enchaîne assez vite. Il a la Hugh Coltman et Mamani Keita sur Sing WAXX UP chance de tomber sur les bonnes personnes Twice. Ce n’est qu’un début. Honnêtement Dans son studio à Paris il peaune ses ma- au bon moment. Ce sont des rencontres, rare- j’essaie d’aller là où je veux aller. Mais parfois, queŠes, demande à Hugh Coltman d’écrire ment des calculs, assure-t-il. Le baŠeur An- je l’avoue, j’ai des craintes et j’ai peur de sortir les paroles, rele une pile de disques réfé- dré Ceccareli l’emmène aux célèbres Stu- du cercle dans lequel je me suis inscrit. rences à Franck Agulhon pour qu’il s’im-

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prègne de l’esprit, se l’approprie, le réin- rière dans la musique classique m’angoissait. vente. Demande à Daniel Roméo d’y ajouter S’en tenir religieusement aux partitions, ça ne sa paŠe. Chaque séance de travail commen- me correspondait pas vraiment. J’ai donc cou- çait par l’écoute d’un vinyle que je prenais dans pé la poire en deux en optant pour musicologie ma collection. Cela pouvait aller de la soul la à l’ULB. Mais ces études, c’est tout… sauf l’ap- plus connue à de la musique très « niche ». Mon prentissage de la vie ! J’ai alors bifurqué vers inspiration vient de ma culture discogra- l’IAD section théâtre. En sortant de là, j’ai joué phique. Le but n’était pas de sampler comme dans une pièce où on m’a demandé de jouer du dans le rap, ni de m’inspirer harmoniquement violon. De ´l en aiguille, l’envie de revenir à mon des morceaux, mais plutôt de trouver une cou- instrument de prédilection est revenue. J’avais leur, un esprit ou une énergie. Parfois un © Michel Masquelier besoin d’un incitant. Impliquée dans les idées simple bridge m’inspirait. RENCONTRE NÉO-CLASSIQUE originales de Nox, trois leŠres derrière les- quelles se cache un trio violon-basse-baŠe- Il envoie à des chanteurs des maqueŠes très rie, l’artiste s’échappe en solitaire dès 2010. abouties avec la voix de Hugh Coltman des- Le déclencheur ? C’est Animal, une création sus. Ce qui en déstabilise plus d’un. Mais la Catherine collective mise en scène par Virginie Thirion sélection se fait. Naturellement. Charles X, autour de Pietro Pizzuti. Pour laquelle j’ai com- ce n’était pas gagné d’avance car il avait car- posé les morceaux qui allaient structurer les tonné en France, mais il a aimé l’univers. Grain- bases de mon premier album ( The Secret of us Nightbird est parti chez quatre ou cinq chan- All). Les morceaux du récent Long Distance teurs et on a gardé la version avec Mathieu Boo- Operators s’inscrivent eux dans le prolonge- gaerts. J’ai contacté Michelle Willis que j’avais dorge ment d’une relation amicale avec Hugo rencontrée à la première partie de Snarky Pup- Race, artiste aperçu avec Nick Cave aux pre- py à la Cigale. Elle a accepté et a même écrit mières heures des Bad Seeds, mais aussi en deux morceaux pour l’album. Daniel m’a fait RELATION LONGUE solo, en groupe (DirtMusic) ou en compagnie rencontrer Anaëlle Potdevin, qui a un grain de DISTANCE de valeureux touaregs (Tamikrest). Je l’ai voix formidable. rencontré via Facebook. Un jour, je lui ai envoyé Violoniste du groupe Nox, Catherine un lien vidéo d’une de mes compos. Il m’a répon- On y retrouve encore Nathalie Williams sur du : Super. On devrait jouer ensemble ! J’a i le très beau Living Tomorrow et bien enten- Graindorge a joué dans Venus avec sauté sur l’occasion ! du Hugh Coltman. Et puis, il y a aussi Yael Marc A. Huyghens et participé Octobre 2011. De passage à Bruxelles, l’Aus- Naim ! Cela s’est fait en dernière minute. J’ai au Détroit de Pascal Humbert et tralien enregistre deux morceaux avec la envoyé l’album à David Donatien et Yael, qui violoniste. Catherine et Hugo entament sont des amis de longue date. Yael a proposé Bertrand Cantat. Aperçue sur scène alors une partie de ping-pong à distance. d’écrire un morceau. J’ai demandé à Franck en présence de John Parish, elle Entre Bruxelles et Melbourne. Les échanges d’improviser sur un tempo et quelques phrases opère également en solitaire. Entre sont lointains, mais toujours soutenus. En de piano que j’avais préparées. C’est devenu l’os- moyenne, on se voyait deux fois par an. À l’été sature de Despair. On a ensuite monté la chan- un premier album solo et quelques 2013, le duo se retrouve sous le ciel d’Italie son, on s’est mis d’accord sur une mélodie et elle bandes originales pour l’industrie où il met en boîte ce qui ressemble de plus a écrit les paroles. C’est le seul morceau qui s’est du cinéma, elle s’associe à Hugo en plus à un véritable album. En novembre vraiment construit en duo, avec plein d’allers- 2015, Long Distance Operators est oµcielle- retours. C’est devenu le single et on en a même Race pour esquisser les chansons ment achevé. Pourquoi sort-il seulement au- pro´té pour en faire un clip en animation. de Long Distance Operators, effort jourd’hui ? Parce qu’Hugo a beaucoup de pro- jets sur le feu. Tous les gens qui connaissent Éric Legnini parlerait encore des heures de collaboratif dont la beauté tient Hugo Race disent que c’est très di‹érent de ce ce projet, mais son train pour Paris l’aŠend. autant au timbre bouleversant de qu’il fait habituellement. Sans doute parce qu’il La machine est lancée. Place au groove. l’Australien qu’aux fro©ements d’un est parti de mon univers pour écrire les textes. Place à la scène et aux tournées en France Pour moi, Long Distance Operators est un (Marcillac, entre autres) et en Belgique (Liège archet parfaitement maîtrisé. disque métaphysique. Il est porté vers les cieux, et Dinant pour commencer, d’autres dates NICOLAS ALSTEEN les mystères de l’existence. Il parle de l’immor- suivront). Oui, The Beatman est de retour. talité, des liens de fraternité, de la perte, de l’amour : des thèmes qui me sont proches et qui Éric Legnini résonnent aussi chez Hugo Race. Sombre, mé- Waxx Up Anteprima Productions our le moins atypique, la trajec- lancolique, la voix de baryton de l’Austra- toire musicale de Catherine lien s’élève par-dessus le violon pour libérer Graindorge prend racine à des émotions intenses, des chansons Bruxelles où, dès le plus jeune lourdes de sens. La grande classe. âge, elle entame une formation classique. Entre solfège et cours de violon à l’académie, la musicienne se per- Catherine Grain- fectionne au contact d’une prof polonaise dorge / Hugo Race qui pousse l’élève à entrer au conservatoire. Long Distance Operators Sub Rosa www.ericlegnini.com P Mais à dix-huit ans, la perspective de faire car-

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TRAJECTOIRE DR

Philippe Pierlot CHERCHEUR TOUJOURS

Depuis plus de trente ans, PhilippePA PierlotSS resteIONNÉ fidèle aux fondements de son ensemble, Ricercar : chercher, rechercher – encore et toujours avec le même feu et la même rigueur – le répertoire, les instruments du monde en résonance avec la viole ou les interprétations...

ELSA DE LACERDA

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TRAJECTOIRE

PhiliPPe Pierlot insolite Quand j’étais petit, je voulais être vétérinaire! Il vit en Ardenne où il élève ses oies et ses enfants. C’est par ce˜e note d’humour que se conclut « On ne s’ennuie jamais sa biographie. Dans la région de Spa où il réside, dans son jardin, son verger, son potager, Philippe quand on est dans le sublime ! » Pierlot, entre deux tournées, est entouré de nature et de bois magnifiques. Il aime la cuisine et la nature. Comment ne pas allier les deux plaisirs ? Il affectionne aussi la gastronomie japonaise. Les internautes curieux trouveront d’ailleurs sur la toile une photo de Philippe Pierlot en train de s’a˜aquer à une tête de thon (un morceau souvent jeté par n 1985, Philippe Pierlot crée avec donne. Philippe Pierlot et ses musiciens s’il- les poissonniers, et qui est pourtant l’un des plus Bernard Foccroulle et François lustrent désormais dans les standards de la délicieux. Au Japon, c’est l’un des morceaux les plus Fernandez Æ Ricercar Ç. Au départ, musique baroque : Stabat Mater de Pergo- recherché que l’on déguste cru au cuit au four et qui il ne s’agit pas d’un ensemble, lèse, Magni´cat et Passions de Bach. est rempli de chair !). l’aventure se voulant avant tout Autre passion, partagée aussi avec Brigi˜e, sa discographique. Faire découvrir à C’est alors, dans un souci à la fois d’indé- femme : Philippe Pierlot aime le monde du textile et il a même appris à tricoter ! travers des enregistrements, des répertoires pendance mais aussi dans l’esprit toujours Ses musiciens, ingénieurs du son, ses amis disent de insolites, peu connus qui valent le détour. On vivant de recherche, que Philippe Pierlot lui qu’il est la « cool a˜itude » et qu’il ne se presse est en plein Æ boum Ç du baroque : des pans de crée avec Rainer Zipperling et François Fer- jamais. Tout est dans le partage, la générosité et E e musiques du 17 siècle sont encore à exhumer, nandez le label Flora, une coopérative qui la simplicité. Partout où il va, il s’adonne aux tradi- le répertoire est vaste, on lit les traités, re- présente des projets plus personnels et sin- tions locales, apprend les bons petits plats du coin. cherche les sonorités de l’époque, un foison- guliers. Si la crise du disque pointe déjà le Il a gardé une curiosité sans limites, presque enfan- nement extraordinaire dans lequel Philippe bout de son nez dans les années 2000, l’ac- tine et puis – on vous aura gardé le meilleur pour la fin – chez Philippe Pierlot, ça sent tout le temps bon Pierlot et ses comparses vont apporter leur tivité du concert explose pour le Ricercar dans la maison... pierre à ce bel édice. Consort mais Philippe Pierlot, toujours ani- mé par la passion et la découverte sort un Fin des années 90, Philippe Pierlot prend à deux disques par an. la direction de l’ensemble. Dans les années travailler dans l’artisanat qui suivent, le Ricercar Consort donnera Il Gérer un label est un travail titanesque mais On n’échappe jamais à tout l’aspect organisation- Ritorno di Ulisse mis en scène par William Philippe Pierlot n’est pas du genre à se laisser nel d’une structure. Avec mon épouse Brigi˜e, nous Kentridge, véritable bijou d’intemporalité abaŠre, l’enthousiasme est présent, plus que gérons le Ricercar depuis plus de quinze ans. Le plus et de poésie qui poursuit son chemin – re- jamais et les projets se suivent et ne se res- simple, c’est de s’asseoir et de jouer ! Nous devons nous adapter aux réalités d’aujourd’hui, faire face pris récemment à New York au Lincoln semblent pas, des bébés qui voient le jour tous à la crise du disque, être présent sur les réseaux Center et en Corée – et qui n’a pas ni de les 9, 12 mois. Être musicien est une identité, sociaux, communiquer dans un monde où tout va si faire parler de lui. un état, une conscience, toujours en éveil. vite et où la concurrence est bel et bien présente. Nous travaillons parfois sur certains programmes Du Grand Carrousel en 2000, des amours Oui, la « mode » du baroque est peut-être derrière avec des musiciens de 10,15 nationalités différentes. foudroyantes de Sémélé de Marin Marais ou nous, mais sa révolution n’est pas terminée, L’organisation des répétitions et des voyages est du triomphe que fut Tous les matins du scande èrement Philippe Pierlot. Le travail parfois aventureuse et compliquée. Sans parler des instruments qu’il faut déplacer dans le monde monde n’est jamais ´ni et je suis un grand optimiste et d’Alain Corneau, autant de projets entier. Nous voulons rester une petite structure et viviants qui feront très vite du Ricercar, travailleur. avoir un contact privilégié avec tous. Ne pas être un ensemble incontournable au rayonne- dans un rapport d’autorité avec l’autre. Écouter les ment international. De nombreux ensembles voient le jour, cer- besoins de chacun et tenter de les satisfaire. La tains ont à leur actif de grosses machines de peur du vide, je l’aurai toujours, je ne refuse pas de C’est dans la continuité de ce joyeux tour- di usion, de communication, de marketing, concerts, j’organise ma vie privée et mes vacances billon que le Ricercar Consort sera repéré mais pour Philippe Pierlot, ce qui compte, autour des périodes de travail. par le pape français des concerts, alias c’est la pérennité et une déontologie dans le René Martin, qui fera très vite du Ricercar, travail. Beaucoup de jeunes font à ses yeux son ensemble belge par excellence. Pré- un travail très sérieux, nourri de réžexion et nées, le cursus est aujourd’hui très complet sent chaque année à la Folle Journée de sont portés par les recherches des aînés. et la formation de qualité. De très bons Nantes, au Japon, et dans les di érentes jeunes gambistes sortent aujourd’hui des « antennes du festival », le Ricercar Consort Collaborant en 2011 et 2013 avec des artistes Conservatoires. marquera aussi l’histoire du label Mirare issus du Conservatoire de Pékin dans le cadre puisqu’il en proposera le premier opus, un d’une rencontre entre instruments baroques L’activité du Ricercar a toujours été d’une cd consacré à la vision de la mort dans l’Al- européens et traditionnels Chinois, Philippe grande diversité, alliant des programmes lemagne protestante, le très beau De Aeter- Pierlot a suscité des créations contempo- très intimes à deux, trois musiciens à des nitate avec le concours de Carlos Mena et raines pour les deux types d’instruments. projets de plus grande envergure, au niveau qui fut dans la foulée « Diapason d’Or » et de l’e ectif et du répertoire choisi, des col- « Choc du Monde de La Musique ». Il est professeur aux Conservatoires de laborations avec chanteurs, le vocal ayant Bruxelles et La Haye. Si le niveau n’était pas toujours inspiré Pierlot dans son travail en La collaboration avec Mirare change la forcément excellent, il y a une dizaine d’an- résonance avec la viole de Gambe.

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ZOOM DR ZOOM René Costy

Violoniste virtuose, prof,L’ chef É L d’orchestre,ECTRON compositeur de musiques LIB de filmsRE érotiques, sonorisateur de documentaires pour le service public, le Bruxellois René Costy est un éclairé, limite illuminé : une figure mythique du jazz psychédélique, un avant-gardiste découvert par Howie B. (Björk, Tricky, U2) et ressuscité par quelques visionnaires de la scène hip-hop (J Dilla, Common). Puits de samples, coffre remplis de trésors sonores, la discographie de cet illustre inconnu refait aujourd’hui surface par l’entremise d’une double compilation essentielle. Vingt ans après sa disparition, Larsen part sur les traces de ce génie anticonformiste, féru de whisky distillé dans les règles de l’art et grand fumeur de cigares.

NICOLAS ALSTEEN

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ZOOM

1 avril 1997. René Costy s’éteint paisiblement du côté de avec le pianiste Gus Decock, le trompeŠiste Jeannot Morales et un DoŠignies, dans la région mouscronnoise. Violoniste de jeune guitariste qui se passionne pour l’harmonica, un certain Toots renom, compositeur et professeur, l’homme laisse der- Thielemans... Esprit curieux, Costy voit le jazz comme une façon rière lui une œuvre colossale. Stockées dans les greniers d’échapper à la rigidité des œuvres classiques, à l’austérité imposée par de la famille à son décès, ses productions protent d’un les partitions. Parallèlement à ceŠe nouvelle passion, l’artiste est ap- repos bien mérité pendant qu’à l’autre bout du globe, des pelé à diriger l’orchestre de l’Atomium à l’occasion de l’Exposition uni- archéologues exhument les trésors enregistrés par le maître. À verselle. Côté jazz, il donne vie à plusieurs groupes, dont le fameux Londres, Howie B. – qui vient de produire les disques de Björk (Post), René Costy & Son Orchestre. Le matin, il répétait dans son studio, porte 2Tricky (Maxinquaye) et U2 (Pop) – s’a aire en solo en marge des stu- fermée à clef avec un écriteau « Silence, je répète ! ». En ´n d’après-midi, ses dios, occupant son temps libre chez les petits disquaires avec l’espoir copains jazzmen débarquaient à la maison. Là, il n’était absolument plus d’y dégoter quelques perles rares. Durant ses fouilles, il met la main question de silence… Ça balançait du gros son en buvant et fumant jusqu’à sur Scrabble, ouvrage funk-jazz signé Costy. Le Britannique en dis- des heures improbables. Quand les jazzmen terminaient la répétition, sur tille les instrumentaux pour échafauder un morceau (Switch) de son le coup de 4 heures, mon père disait toujours :Maintenant, on va se rincer propre album, le classique Turn The Dark O‹. Depuis, des samples les oreilles ! Et il passait le Requiem de Fauré à fond les ballons... La police de Scrabble bourgeonnent de l’autre côté de l’Atlantique. Aux USA, débarquait régulièrement pour lui demander de baisser d’un ton. Mon père J Dilla et Common ont, eux aussi, pigé comment recycler le travail pouvait aller se coucher n’importe quand, le lendemain, à sept heures, il se de cet énigmatique musicien bruxellois... chau‹ait les doigts en jouant une pièce de Jean-Sébastien Bach, son héros.

Printemps 2014. Loin du rap et des productions trip hop, Michel En désaccord avec les méthodes d’apprentissage du Conservatoire, Costy reçoit un appel de sa lle. En plein déménagement, celle-ci Réné Costy s’écarte des règles de l’enseignement traditionnel pour souhaite se débarrasser de breloques, notamment des vieilles boîtes meŠre en place un cycle de cours particuliers, très particuliers… J’a i héritées de papy. Intrigué, le ls de René Costy déballe les cartons vu des gens venir d’Israël, d’Argentine, des États-Unis ou du Japon. Pour et découvre des centaines d’heures d’enregistrement : quatre cents ma mère et moi, ces visites constituaient de grands moments d’appréhen- bandes originales, numérotées, classées par année, avec titres et mi- sion. Car, pour mon père, c’était toujours blanc ou noir, bon ou mauvais. nutages des compos à l’appui. J’ai passé des semaines à écouter tout ça, Ça ne le traumatisait absolument pas de savoir qu’un élève avait fait cinq raconte ce dernier. Dans un premier temps, j’ai cherché à digitaliser ces jours de voyage pour venir le voir. S’il considérait qu’un jeune artiste était trouvailles. Dans la foulée, un label gantois (SDBAN - ndlr) est venu de niveau moyen, il le renvoyait sur le champ. Je l’ai même entendu m’expliquer que de nombreux jeunes écoutaient la musique de mon père conseiller à certains violonistes de changer de métier ! À côté de ça, dès via des samples utilisés ici et là. Au début, je n’y croyais pas.Aujourd’hui, qu’il tombait sur un petit virtuose, il prenait le temps d’apprécier ses qua- une rétrospective (Expectancy) consacrée à René Costy rassemble lités. Il arrivait qu’il se pose en admiration devant un élève, cigare au bec vingt-huit titres au groove implacable. Entre jazz, funk, musique et verre de whisky à la main. classique, expérimentations électroniques et grand trip cinémato- graphique, ceŠe double compilation met en lumière les avancées 69 ANNÉE ÉROTIQUE d’un géant de la musique belge. Mais qui était René Costy ? En 1962, René Costy entre à la RTB (ancêtre de la RTBF) comme so- norisateur. Mais, deux ans plus tard, il se montre réticent à l’idée d’ha- Son histoire commence en Angleterre où sa famille, originaire de Verviers, biller les émissions avec la musique des autres. Dès lors, il prend les avait trouvé refuge pendant la guerre, retrace son seul et unique rejeton. choses en main, enregistrant ses premières bandes originales pour Le petit René voit le jour à Hammersmith, en périphérie londonienne. des documentaires. CeŠe expérience marque une nouvelle transition Il naît le 31 janvier 1917 avec un peu de retard sur les prévisions et beau- dans la vie du compositeur. En meŠant sa musique au service de coup d’avance sur la courbe de croissance : 5,6 kg sur la balance. Soit l’image, René Costy juxtapose visions cinématographiques et ambi- un bébé qui pèse pour un bonhomme qui va compter... En 1920, la fa- tions orchestrales dans des œuvres malicieusement hybrides. Bien- mille Costy retrouve Verviers, avant de prendre la direction de tôt, ce savoir-faire l’amène dans le monde du cinéma. Il a notamment Bruxelles sous l’impulsion d’illustres professeurs de violon (Joseph composé la musique d’un ´lm porno, explique son ls.À Bruxelles, le ´lm Jongen et Mathieu Crickboom en tête), persuadés des capacités hors- était programmé au Nova. Mais papa ne voulait pas assister à la séance... normes du garçon. Diplômé du Conservatoire de Bruxelles, René Cos- Alors, il a envoyé son pianiste en repérage, lui demandant de minuter tous ty multiplie les distinctions, empoche le Stradivarius royal et devient les passages instrumentaux. Mon père se montrait mé´ant à l’égard de ses premier violon du Quatuor Reine Élisabeth. Mais en 1940, la guerre employeurs et des sociétés de droits d’auteur. Du coup, il rentrait lui-même met un terme à ceŠe ascension fulgurante. À la demande expresse du ses déclarations mensuelles à la seconde près. Il était méticuleux, control Roi, la formation continue néanmoins de jouer sous l’occupation. En freak. Il pouvait sembler radin. Paradoxalement, il multipliait les concerts 1943, un maréchal de l’armée nazie est assassiné en pleine rue. Une de charité pour la Croix-Rouge et autres bonnes œuvres. Il avait le cœur veillée funéraire est organisée. Réquisitionné pour l’occasion, le Qua- sur la main, mais gardait toujours un œil sur son portefeuille. tuor Reine Élisabeth refuse de se produire dans ce contexte. Mitrail- Entre musique classique, jazz, cours de violon, sonorisation télévi- leŠes dans le dos, les musiciens acceptent nalement de jouer derrière suelle et compositions pour l’industrie du cinéma, René Costy avait un rideau, à l’abri des regards. À la ´n du con§it, un de mes oncles s’est pour habitude de remiser son violon pendant tout le mois de juillet, mis en tête de dénoncer le Quatuor pour collaboration. Pendant quatre histoire de passer du bon temps au Cap d’Agde. Loin de tout, il se fo- ans, René Costy est ainsi interdit de concerts. Mis au ban de la mu- calisait alors sur l’essentiel : le soleil, la mer, le pastis et les boules.La sique classique, l’homme prête alors son cœur à une jeune femme photo qui illustre la poche–e de la double compilation a d’ailleurs été prise d’origine tzigane. Les tourtereaux se marient en 1950, année deTran - durant nos vacances là-bas, explique le ston. En 1980, à l’approche de sylvania/Moldavia, première œuvre originale signée Costy. Il la com- ses septante ans, René Costy commence à sou rir d’arthrose. A ai- pose pour les beaux yeux de ma mère. C’est sa façon à lui d’exprimer son bli au niveau des articulations, il décide de baisser pavillon, préférant amour, de marquer son intérêt pour une culture di‹érente de la sienne.À abandonner le violon que de le pratiquer approximativement. Car, partir de là, quelques jazzmen se penchent sur les idées transversales pour lui, la musique était comme une opération chirurgicale : on ne pou- développées par le violoniste. Dès 1954, René Costy se met à répéter vait pas se louper, sous peine de tuer le patient.

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ZOOM ZOOM Le coaching musical LE PIED SUR L’ACCÉLÉRATEUR AERTS N © REY

Sortir du lot en tant que musicien demande aujourd’hui non seulement d’exceller d’un coup sur scène mais aussi de devenir un communicant hors-pair, le tout à une vitesse inouïe. Pour aiguiser l’intérêt du public et de la critique, pouvoir bénéficier de l’expérience de professionnels aguerris s’avère souvent payant. Larsen fait le point sur les encadrements en Fédération Wallonie-Bruxelles.

ANNE-LISE REMACLE

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réé en 2012 à l’initiative de Denis Gerardy comme mi-heure. La stratégie adoptée se fait nalement large et variée : Nous une excroissance de son voisin parisien, le Studio des avons eu une résidence scénique à la Madeleine et moi, dix heures de Variétés Wallonie-Bruxelles a pour mission d’aider chant avec Birgid Volens. Avec eux deux, nous avons beaucoup travaillé les artistes bénéciant déjà d’un certain entourage sur le sens induit par les textes, sur l’interprétation, sur l’intention. Cela professionnel à développer leurs compétences liées nous a permis de gagner un temps précieux et d’aborder les scènes de l’été aux arts de la scène. beaucoup plus conscients et confiants. Un coup de pouce porteur, puisque RIVE remporta en août le premier prix des Franc’o . À ces La structure a récemment opéré un li´ing, nécessaire pour enle- ateliers pratiques s’est ajouté un coaching interview avec Luc Lor- Cver l’ambiguïté d’un nom (ni studio d’enregistrement, ni variétoche) fèvre (Moustique) et media avec Valérie Dumont (This Side Up). Cela et pour asseoir un positionnement propre par rapport à la France : nous a permis très tôt de savoir comment défendre le projet, quel message un nouveau logo sous forme d’ADN et un nouveau maître d’œuvre faire passer. Une expérience riche dont le groupe fera son miel pour (aussi bien coach scénique que directeur artistique), en la personne l’enregistrement de son EP et la communication à sa sortie : Nous de Michaël Larivière aka Redboy (des groupes My LiŠle Cheap avons appris à anticiper pour que le projet continue à vivre longtemps et Dictaphone ou Hollywood Porn Stars). nous sommes désormais dans une démarche de coaching permanent.

Figure-pivot en Fédération Wallonie-Bruxelles (comme musicien, CeŠe impression constructive de limites repoussées, est partagée par membre fondateur du label JauneOrange ou encore comme produc- Simon Fontaine, baŠeur de Pale Grey. Le groupe liégeois – qui sor- teur de Roscoe), investi dans le coaching depuis huit ans et formé par tira le 12 mai un nouvel EP – a récemment été accompagné par Ben- l’antenne parisienne, Redboy a ainsi à cœur d’éto er une nouvelle jamin Georjon. Il est comédien de profession et a une solide expérience, équipe de coachs, tous issus du terreau belge, et de développer les donc il nous a amené une tout autre vision de la scène et de nouvelles pers- propres outils de l’association, histoire de minimiser les coûts et d’en- pectives pour s’y sentir mieux. Parmi les derniers accueillis par le Stu- cadrer davantage de projets (entre 25 et 30 groupes suivis par an) mais dio des Variétés, on compte aussi Piano Club, Noa Moon, Leaf House aussi de répondre aux spécicités saillantes de notre scène, entre et les prochains sur les rangs seront Balimurphy ou Valkø. autres en musiques urbaines. On collabore avec Kaer de Star§am. Il y a de plus en plus de demandes en hip-hop, comme Roméo Elvis ou comme On s’étonnera peut-être de trouver très peu de groupes de jazz ou Damso qui se retrouvent à faire d’énormes scènes sans avoir fait beaucoup de musique world. Pour la scène world, il y avait de la demande avant de rodage. L’important pour coacher, c’est d’avoir les bons codes pour chaque mon arrivée, nous dira Michaël Larivière. Mais c’est parfois di¨cile genre. Kaer pratique l’accompagnement depuis une quinzaine d’années. de rassembler l’entièreté du groupe et de pouvoir assurer un bon suivi. Il nous faut aussi trouver les coachs adéquats. Pour les jazzmen, je se- L’équipe est également renforcée par une nouvelle intervenante rais vraiment partant mais on se rend compte que ce sont eux qui n’ont en coaching chant, Birgid Volens, véritable couteau suisse. Nous pas trop envie de §irter avec ça. Ils sont centrés sur leur bulle : eux et avons reçu beaucoup de candidatures. Elle est assez incroyable. Elle a leur instrument. Ce sont généralement les projets modernes ou fusion une formation de chanteuse lyrique, mais se produit aussi en jazz. Elle qui seront davantage ouverts au rapport au public. a aussi fait du métal, du punk et même du chant asiatique. Elle a une Si le mot « coach » a été popularisé par des émissions de télé-cro- technique vraiment basée sur le corporel et on peut aussi bien lui con´er chet grand public, nul besoin donc de devoir faire virevolter quatre JeanJass & Caballero que Noa Moon. fauteuils rouges pour espérer bénécier d’un accompagnement scénique et vocal de qualité… loin du formatage. Devenir la boîte à outils ad hoc ou le tremplin qui fera passer des musiciens à l’étape supérieure, nécessite, selon Michael Larivière, non seulement de rester à leur écoute mais aussi à celle de leur en- et ailleurs en Fédération Wallonie-Bruxelles ? tourage professionnel. On nous mentionne souvent des freins en Flandre ou à l’étranger, dûs à un problème d’anglais hasardeux. Nous fai- Parmi les autres initiatives d’accompagnement musical, mentionnons les Francosessions qui, en collaboration avec le Studio des Variétés de Paris et son sons appel à Theo Clark, un parolier écossais qui travaille aussi bien sur directeur Philippe Albaret, encadrent 5 groupes sélectionnés sur dossier (et déjà l’accent et la phonétique que sur la véri´cation des textes. C’est plus utile un minimum structurés) et leur délivrent – avec en visée les tournées, festivals et de le rencontrer avant le passage en studio : quand les erreurs se sont en- structuration d’un plan de carrière – des ateliers musique, scène et chant, subsi- racinées, c’est plus di¨cile d’en sortir. diés par le Festival des Francofolies et la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Après contact par formulaire, se tient une première discussion infor- Toujours en Région wallonne, Nationale 5 fédéralise les forces de 5 structures melle avec l’équipe pour cerner davantage les besoins et priorités et – Ça balance en province de Liège, Rock’s Cool pour la province de Namur, Service de la Diffusion et de l’Animation Culturelles pour la province du Luxem- proposer aux musiciens un plan d’accompagnement sur mesure pour bourg, L’Envol des Cités pour le Hainaut et Le Grand Tremplin pour le Brabant une durée d’un an. Ce qui fonctionne c’est de se me–re à la hauteur de l’ar- wallon – et propose aux musiciens sélectionnés 5 modules d’une durée totale tiste. Il faut être dans la suggestion, me–re en con´ance. C’est lui qui va trou- de 2 ans. Leur but ? Donner une autonomie aux groupes, les rendre davantage ver les clés, aµrme Redboy. Cerise sur le gâteau, ces formations sont professionnels et favoriser leur engagement sur des scènes locales et étrangères. entièrement gratuites grâce au soutien de la Fédération Wallonie- Bruxelles et d’autres partenaires. A˜ention espèces musicales en voie d’appartion ! Du côté des festivals, à Bruxelles ce˜e fois, et toujours en français, Francofaune a développé son propre « parcours ». Une session qui, après audition, octroie à quelques groupes une rési- C’est un parcours à la carte qu’a suivi RIVE, duo d’électro-pop en dence scénique avec des musiciens-conseils et une programmation au festival. français – et auteur d’un premier EP Vermillon – au sortir de leur deuxième place au concours Du F. dans le texte en mars 2016. Ju- Signalons enfin que du côté de la musique classique, Chamber Music for Europe, lieŠe Bossé, chanteuse, insiste sur l’importance qu’a eue ceŠe prise développe des masterclass (notamment de quatuors à cordes) mais aussi des en main précoce : L’urgence pour nous, c’était d’avoir un regard sur stages comme le BruxAmaMus et destiné aux ensembles amateurs, encadré par l’ébauche de live qu’on proposait. Nous avions gagné une présence à plu- Julie˜e Danel (alto), Naaman Sluchin (violon), Guy Danel (violoncelle) et Jean-Marie sieurs festivals et il nous fallait éto‹er notre set pour parvenir à une de- Bardèche (piano). La structure participe aussi à la résidence de certains ensembles.

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ZOOM DR ZOOM Rage with the machines Documentaire nébuleux, Rage met à l’honneur l’Acid-Techno en l’associant à un idéal politique, celui de l’anarchie. C’est discutable. En revanche, ce qui est sûr, c’est que le sous-genre n’est pas qu’un exercice de style mais tient avant tout du culte, au sens quasi religieux du terme. 30 ans que ça dure et que ça fait danser un public très hardcore, souvent plutôt fier de se « sentir mal », et ce, sur une musique ne©ement plus proche du punk et de l’industriel que du et du jazz électronique.

SERGE COOSEMANS

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Sous ceŠe forme originale, l’Acid-Music n’a pas duré très longtemps. La house la plus emblématique de Chicago a bien vite évolué vers quelque-chose de neŠement plus vocal et même gospel. Autrement dit, les modulations de TB-303 ont laissé la place aux divas bien en chair et tout en coffre. En revanche, fin des années 80, la folie « aciiid » a complètement séduit l’Angleterre, à un niveau social digne du Swinging London des sixties et de la Britpop alors encore à ve- nir. Cela a été très documenté : toutes les couches sociales de la po- ien que parlant principalement d’Acid-Techno, notam- pulation ont été touchées et l’Acid-House « à l’anglaise » a même en- ment d’un point de vue belge, Rage est un très récent chaîné les tubes dans l’Europe entière. Yazz, , Baby Ford et documentaire de Dominique Lohlé et Guy-Marc Hinant, S’Express ont ainsi drôlement cartonné, sans même parler de l’in- par ailleurs tête pensante du label bruxellois Sub Rosa, žuence de l’Acid sur des groupes pop/rock comme New Order, Pri- que l’on aurait tort de prendre pour une suite à The mal Scream, Happy Mondays ou encore The Stone Roses. Sound of Belgium. Alors que ce dernier contextualisait très clairement la new-beat et pouvait donc fédérer un très large Le raz-de-marée a été assez similaire en Belgique, où l’Acid-House public tant par ses joyeux souvenirs des années 80 que par son as- américaine se mélangea fort bien à la new-beat locale, un genre qui Bpect « Alain Decaux raconte », Rage est en e et beaucoup plus geek n’hésita d’ailleurs jamais à complètement plagier des morceaux d’ar- et, au fond, relativement discutable. Le lm part d’une question tistes US du genre peu ou pas distribués en Europe. CeŠe folie dura simple : « comment parler d’Acid Music ? ». Il y répond en mélan- environ 3 ans, avant de disparaître des radars du grand public. Début geant philosophie anarchiste, mystique de la -party, fascina- 1990, subsistait toutefois un peu partout sur le continent européen un tion maniaque pour certains instruments, parmi lesquels le fa- véritable culte de la TR-909, de la TB-303 et de la tendance « Acid », meux séquenceur TB-303, ainsi que sombres ruminations sociales considérée comme la plus pure, la plus radicale. Beaucoup de produc- et quelques extases cathartiques. L’approche est ardue, voire même tions sont alors devenues plus dures, plus techno que house, et bien quelque peu décousue, mais certainement pas idiote. Il reste tou- davantage inžuencées par la musique industrielle anglaise et alle- tefois permis de ne pas être vraiment d’accord avec ce que raconte mande que par le disco ou la synth-pop comme c’était le cas avant. En Rage, d’estimer que sa vision entretient davantage un mythe plu- fait, l’Acid-Music est surtout devenue blanche, européenne, asexuée tôt que de rendre compte de ce qu’est réellement l’Acid, une mu- et mentale alors qu’elle fut au départ plutôt américaine, plutôt black, sique certes plutôt radicale et qui a pu changer quelques vies, mais plutôt gay et très portée sur les délires sexy, voire carrément salaces. dont la dangerosité sociale a tout de même toujours été neŠement plus fantasmée qu’e ective. VICTIMES DE L’ACID Les tenants du culte de l’Acid s’inventent alors un mode de vie, de IN THE BEGINNING, THERE WAS HOUSE pensée et la musique qui va avec est de plus en plus hardcore. On pri- La naissance de l’Acid électronique, puisqu’il exista bel et bien de vilégie la techno dure, froide, répétitive à l’excès, généralement dé- l’Acid-Rock psychédélique durant les sixties/seventies, remonte nuée d’émotion et surtout destinée à être jouée à un volume très éle- au milieu des années 80. On ne parle alors pas encore d’Acid-Tech- vé et à être vécue dans des et des free-parties illégales. C’est une no mais bien d’Acid-House, un genre basique, souvent a-mélodique, esthétique en soi, qui se veut chaotique, révoltée, sombre et libertaire. caractérisé par un beat puissant tiré d’une boîte à rythmes de type Dans les faits, ce n’est pourtant pas si chaotique que ça. C’est même TB-909 et auquel on a ajouté des e ets de TB-303, un séquenceur au contraire assez codé, presque un rituel d’abrutissement, où il s’agit jusque-là plutôt utilisé dans la musique de variété et dont l’utilisa- certes d’explorer ses limites mais concrètement, explorer ses limites, tion prescrite fut détournée pour en sortir non pas des lignes de c’est bien souvent ne plus pouvoir aligner un mot valide à peine ava- basses synthétiques mais plutôt des sons bizarres. lé le deuxième cachet d’ecstasy et danser, seul, au moins jusque midi. La caractéristique première de l’Acid-House, ce sont en e et ses Ce qui n’empêche pas l’Acid de s’opposer au positivisme d’une techno modulations généralement stridentes, que l’on rapprocha du bruit américaine plus mélodieuse, à la fois futuriste, sentimentale et opti- que feraient des gouŠes d’acide rongeant le sol. Ou le cerveau, en- miste alors que l’Acid s’idéalise au contraire marginale, droguée, au- tendu que l’Acid-House était bien évidemment la forme de house- toboutiste, anarchiste ou même carrément nihiliste. Comme le dit music préférée des fêtards sous ecstasy, une drogue apparentée dans le lm Rage un intervenant britannique, c’était de la musique pour par son public aux acides psychédéliques de l’époque hippie. gens qui se sentent mal, quelque-chose de sombre à quoi s’identi´er.

Quoi qu’il en soit, Acid Tracks est généralement considéré comme Cocktails Molotov, armes de guerre, robots-tueurs, squeleŠes... L’ima- le premier morceau du genre et on le doit à DJ Pierre, Spanky et gerie n’a elle-même jamais été très peace & love, même si le second Herb J, trois jeunes gars de Chicago qui n’étaient pas spécialement degré restait toutefois souvent présent. Il ne faut pas non plus zapper révoltés, pas vraiment anarchistes non plus, et entendaient sur- du tableau un point capital : s’il y eut beaucoup de contorsions pour tout faire danser les clients de la Music Box, une mythique disco- se donner une image méchante et radicale et se distancier du club- thèque du Chicago bien freaky d’alors où oµciait Ron Hardy, un bing, le plus important a tout de même toujours été de faire danser. DJ qui n’hésitait pas à jouer certaines démos plusieurs fois par Mais à 150 BPM plutôt qu’à 125 et dans des friches industrielles et des nuit si ce qu’il y entendait lui plaisait. C’est d’ailleurs ce qui rend entrepôts délabrés plutôt que dans des discothèques propreŠes où la chronologie de l’Acid-House assez sujeŠe à polémiques et autres laisser sa veste au vestiaire et lâcher 20 francs belges à chaque pause révisionnismes. Beaucoup de morceaux ne sont en e et oµcielle- pipi. Cela dit, la Belgique n’a pas vraiment connu de période de raves ment sortis qu’en 1986-87, notamment sur les légendaires labels et de frees comparable à ce que l’on a pu voir en Angleterre ou en Trax et DJ International, mais certains de ces désormais classiques France, vu que les discothèques de Flandre notamment passaient étaient déjà connus et appréciés du public noctambule bien avant, elles-mêmes une musique assez dure, en plus d’être relativement per- dès 1984-85, alors transmis, écoutés et copiés sur casseŠes. missives et d’avoir des horaires élastiques. Aller écouter de la Techno

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Hardcore au fond des bois ou dans un hangar froid mérulé a donc parvenir et lancer une boucle voulue hypnotique, certains trouveront chez nous toujours davantage tenu du pur choix esthétique que de la le son bouleversant, d’autres simplement ennuyeux. Les protagonistes nécessité de recourir à l’illégalité pour « vivre » une musique et un trip du lm ont pourtant l’air d’y trouver réponse à quelques-unes de leurs autrement indisponibles. Ce qui n’empêcha pas la police de voir dans questions les plus profondément existentielles. C’est tout à leur hon- les raves du Limbourg et les frees du fond des parcs bruxellois des at- neur mais cela montre aussi les limites d’un genre qui ne tient en fait, teintes à l’ordre public. Mais au niveau de la répression, il n’y a jamais sous sa forme la plus basique, qu’à une combinaison assez simple et rien eu de comparable à ce que l’on a pu voir au Royaume-Uni sous binaire de sons a-mélodiques et limite glauques. L’Acid est donc certes John Major ou en France encore aujourd’hui, où les free-parties conti- tenable sur le long terme (presque 30 ans que ça dure) mais ne risque nuent toujours de susciter beaucoup de paniques morales. toutefois pas de convertir au-delà d’un cercle de convaincus somme tout restreint. Sous une forme plus friendly, positive, moins politique THE POPE OF ACID et ralenti à une cadence plus disco, l’Acid reste par contre toujours aus- En Belgique, si on ne devait n’en retenir qu’un, ce serait probablement si immédiate, fédératrice et dansante, y compris sans recourir aux stu- Acid Kirk, alias Cédric Stevens, qui a certes beaucoup de couleurs à péants. À Bruxelles, il faut par exemple se rendre à une prestation sa paleŠe créative et musicale mais passe néanmoins toujours pour du duo Silicon Vallée pour s’en rendre compte. Bref, tout dépend en un pape local de l’Acid. Il le doit à ses premières années DJ, dès 1993, fait de votre degré de conviction. Comme toujours avec les cultes. alors qu’il s’avouait « très torturé » et aŠiré « par les extrêmes » et a, sur ceŠe base pour certains très promeŠeuse, retourné pas mal de cer- veaux et de salles underground, comme la PK à Bruxelles, hangar digne d’un décor du lm Terminator et où Stevens avait un moment ses habitudes. Parmi lesquelles une musique donc extrême, souvent oppressante, principalement fonctionnelle, basique et répétitive. Des disques pour la plupart diµciles à retrouver, à traquer ; des produc- tions allemandes, belges et anglaises souvent quasi-anonymes (ce qui est en soi un autre idéal Techno de puristes) et tirées à peu d’exem- plaires, surtout destinées à être jouées, pas forcément écoutées. Des morceaux qui, sur de gros soundsystems, dans le noir, entouré de gens, faisaient néanmoins l’e et de véritables bombes psychiques, amenant une partie signicatives du public à reconsidérer son mode de vie, ses croyances et ses priorités.

LE SLIDE AU BON ENDROIT Dans le lm Rage, on voit à un moment un jeune homme d’aujourd’hui essayer de tirer un son valable d’une TB-303. Ce n’est pas si facile.Il faut arriver à taper le slide au bon endroit, lui dit-on. Quand il nit par y

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es coordonnées de l’agent d’un ar- tiste ? Des acteurs de diffusion APERÇUS pour votre groupe ? Un local de ré- pèt ? Des contacts médias ? Un stage de saxophone ? Un prof de Tout trombone ? Une lutherie, un créa- teur sonore, du coaching, une librairie mu- sicale, un concours régional, … et même ce sur la Là quoi vous n’avez pas encore pensé ; IDLM vous renseigne. Le portail web aµche en ce

moment 9000 références/prols au comp- DR musique teur. Il se dénit comme who’s who du sec- teur musical, le « qui fait quoi avec qui »…. taculaire s’organise en 9 rubriques (la plus Mais elle sort d’où ceŠe bonne idée ? Il exis- importante : Artistes, suivent Formation, Vous saurez tout sur la musique, en tait en son temps un guide papier, un bo–in, Di usion et distribution, Médias, etc), à af- dénommé pratiquement Le Guide de la mu- ner par catégorie, genre musical et lieu. consultant le nouvel outil mis en sique, raconte-on du côté du Conseil de la Magnique outil destiné à professionnaliser ligne par le Conseil de la Musique en Musique. Sa troisième édition revue et com- et soutenir le secteur musical mais aussi ac- mars dernier : IDLM, pour intégrale plétée en 2000 fut aussi sa dernière en version cessible au grand public, la plateforme se papier. Le guide a ensuite vécu une dizaine veut également interactive, et donc évolu- de la musique, une base de données d’années sous forme numérique, accessible via tive. Une remarque : si l’on peut consulter publiques recensant tout (ou le site du Conseil de la Musique, mais il était dans chaque rubrique les ches par ordre presque) ce que le monde musical au devenu di¨cile à gérer au ´l des années et il a alphabétique, il existe également un classe- été décidé de le refondre entièrement pour une ment par pertinence. Mais laquelle ? Ce sont sens large compte comme acteurs version moderne et plus interactive. les pages les plus complètes, dotées de liens, en Fédération Wallonie-Bruxelles. Le projet a mis quelques années à se nali- de photos, qui s’aµchent en premier. ser ; le dé informatique était de taille. Au- VÉRONIQUE LAURENT jourd’hui l’organigramme numérique ten- www.idlm.be

Belgium : twelve points Révélée par le télécrochet The Voice Belgium, Blanche représente la Belgique au Concours Eurovision de la Chanson ce 13 mai en Ukraine avec City Lights, un titre coécrit avec Pierre Dumoulin du groupe Roscoe. On vous livre le making of.

© Marie Wynants LUC LORFÈVRE

e public la découvre sous son vrai Il a demandé qu’on se rencontre et m’a présen- luer. Pierre a signé la musique et pour le texte, nom, Ellie Delvaux, lors de la sai- té quelques musiques, se souvient-elle. Nous c’est une vraie collaboration. J’ai donné des son 2015 de The Voice Belgium. Ti- avons fait l’une ou l’autre maque–e que Pierre idées et il a apporté sa propre expérience . mide, (très) jeune, elle impose sa a envoyées à son label Play It Again Sam. Nous avons beaucoup joué sur les contrastes personnalité, son timbre grave et Parmi ces démos, se trouve une version en clair/obscur. Chantée en anglais, origi- -déjà- sa part de mystère sur des re- brute de City Lights. [PIAS] contacte le co- nale dans la forme et moderne dans le ton, prises qui lui vont comme un gant de velours. mité de sélection de l’Eurovision mis en City Lights séduit les bookmakers dès la Running With The Wolves d’Aurora, Daydrea- place par la RTBF. Et, c’est banco, City première diffusion officielle du titre en Lmer d’Adèle ou encore du Ed Sheeran... De- Lights fait l’unanimité. Je ne m’y a–endais mars dernier. Ses atouts ? La voix singu- vant sa télé, Pierre Dumoulin, leader en chef pas du tout. Nous n’avions jamais parlé en- lière de son interprète, le spleen entêtant de Roscoe tombe sous le charme. Le par- semble de l’Eurovision. Devenue Blanche qui ressort de la mélodie et une atmos- cours d’Ellie au télécrochet s’arrête en quart (mon deuxième prénom), la jeune Bruxel- phère bien dans l’air du temps. Blanche est de nale. Mais qu’importe... Alors qu’elle a loise de dix-sept ans enregistre plusieurs désormais sous contrat avec [PIAS]. Mes repris sa vie d’ado anonyme et ses études se- versions di érentes du morceau durant objectifs dépassent l’Eurovision. Je travaille condaires, Ellie est contactée par Pierre. l’automne 2016. La chanson n’a cessé d’évo- sur mon premier album avec Pierre.

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LE.COM

Com festivalière : feuilleton addictif ou traffic jam ? Elle commence tôt, la com des festivals, ou ne s’arrête-t-elle jamais ? La fin d’une édition entraîne l’annonce des dates de la suivante. Toute l’année tenu en haleine sur les réseaux sociaux, le public ne se lasse pas. Et les médias ? Avec quelles conséquences ? Réponses de 3 a©achés de presse.

VÉRONIQUE LAURENT DR

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LE.COM

9 novembre dernier, sur le l TwiŠer Les Ardentes, pre- d’un festival, - au départ le terme désigne la « zone où le surfer at- mière mention de l’aµche 2017 : #LesArdentes17, ce ven- tend la vague pour démarrer » -, se doit de déferler toute l’année. dredi > annonce de la première tête d’a¨che - et mise en vente Dans le langage du community marketing, on appelle ça générer de 2000 Pass Early Bird. Premier petit suspens. Le ven- du trac, à e et boule de neige. Et ça arrange tout le monde, ces 7 dredi 2 décembre, n du premier suspens : Placebo sera ou 8 mois de feuilleton numérique pour faire monter la sauce et le 17 juillet sur la scène liégeoise. Le même jour, re-tweets l’envie. Ça suit, ça like, ça tweete et re-tweete, ça chau e sur le net. des (fatalement courts) retours faits dans la presse. Celui de Stu- Les blogs et les webzines sont super importants, les jeunes ne suivent dio Brussels : Feest ! @LESARDENTES werpt een allereerste head- pas les médias classiques, ils s’informent via le net, souligne Irène 2liner : @PLACEBOWORLD ! #popnieuws. Chez Moustique : #Pla- Rossi. Les annonces en primeur font tourner la billeŠerie, avec des cebo fera partie des têtes d’a¨che du #festival #lesArdentes. La seule o res intéressantes assez rapidement écoulées, créant un e et d’ap- date en #Belgique en 2017. 29 novembre toujours, ceŠe fois sur la pel. Les premiers tickets « Early birds » de Couleur Café se sont page Facebook du Dour Festival : Die Antwoord, premier nom an- même vendus sans aµche. noncé pour Dour. Réactions à la publication de la présence du groupe sud-africain : près d’un million. Partages: 1327. Pour des Ça permet également de rectier le tir, parfois, pointe Alex Ste- méga-festivals, on monte encore en puissance, sans parler de To- vens, satisfait d’annoncer que tous les messages tombant dans la morrowland, sold-out dès le premier jour de vente des tickets, le 4 mailbox du festival reçoivent une réponse. Il prône d’ailleurs ceŠe février. Les chi res parlent ; les réseaux sociaux bossent. proximité depuis son arrivée en 2005, en tant que stagiaire dans l’équipe informatique, époque à laquelle il avait lancé un forum de FESTIVALERIE discussion avec les festivaliers : Ce–e proximité avec le public fait par- Dès la n de la précédente édition, la com des festival est lancée, tie de notre ADN. Et c’est une des clés de la réussite du festival. Tous parfois au pas de charge. Novembre voit apparaître les premiers les responsables com’ suivent les réactions des internautes. À Cou- noms, ils ne s’arrêteront plus de tomber jusqu’à fin mars, par leur Café, raconte Irène Rossi, on demande très tôt l’input de nos fans, quatre, six, dix ou plus. Pourquoi ceŠe communication au gouŠe- avec la question : Qui voulez-vous entendre l’année prochaine ? à-gouŠe ? Alex Stevens, responsable de la programmation du Dour Festival, illustre sa réponse par une anecdote : En mai 2007, on avait D’autres festivals, ceux de musique moins mainstream, ne fonc- vu Katerine aux Nuits du Bota. Il nous restait une place sur la deu- tionnent pas encore sur ce modèle de débit d’informations en conti- xième scène en plein air ; on est allé lui faire une o‹re, et il a accepté. nu. La page Facebook du Festival Musiq’3, qui commence n juin Avant, on commençait la programmation en mars, on stressait jusqu’à n’aµche rien de neuf depuis juillet dernier. Il semble pourtant que ´n mai, au moment de boucler l’a¨che. Aujourd’hui, début avril, tout ce ne soit pas par manque d’envie. Pour le jazz, les musiques clas- est con´rmé. Deux raisons l’expliquent selon lui. Le nombre des fes- siques, ma philosophie c’est d’amener la com’ traditionnelle vers plus de tivals en augmentation rend la concurrence d’autant plus rude ; mouvement, déclare Jean-Yves Reumont. Avant, on organisait une c’est à celui qui sera le premier sur le coup, c’est la course à la pre- conférence de presse, on imprimait a¨ches et §yers, et les tickets étaient mière o re. Deuxièmement, et en conséquence, un e et d’entraî- mis en vente deux mois avant le festival. Aujourd’hui, on essaie de faire nement mutuel s’installe entre les programmateurs et le manage- du crossover, d’établir des passerelles entre les genres musicaux et d’ame- ment ou les agents des groupes, chacun demandant des ner de nouveaux publics vers ces musiques. On sait aussi que le public conrmations toujours plus précoces. Irène Rossi, aŠachée de auquel on s’adresse est di‹érent. Le public jeune est plus pro-actif, c’est presse de Couleur Café a constaté en septembre dernier que cer- lui qui réagit sur les réseaux. Les pop-rock regardent, par exemple, mais tains groupes avaient été bookés plus d’un an à l’avance. La ten- ne partagent pas. dance risque bien de continuer à s’accentuer. Si la question de la surenchère de la communication se pose dans Si le booking prend l’avance, l’annonce doit-elle pour autant suivre ? ce ballet numérique parfois échevelé, Alex Stevens y répond en Le Primavera, festival espagnol, a rompu avec ceŠe façon de faire : appuyant sur l’argument « découverte » : ceŠe perfusion culturelle il a dévoilé en mars d’un seul boum sa programmation. Les festi- permanente permet de communiquer sur ces nombreux groupes vals qui font un gros coup com en une fois, le font parce qu’ils ont un tic- peu, ou moins connus qui composent l’aµche de Dour. Alors que, ke–ing qui s’écoule très vite, parce qu’ils suscitent une grosse a–ente, souligne-t-il tout comme Irène Rossi, la place consacrée à la culture commente Jean-Yves Reumont, responsable presse pour Les Ar- et la musique diminue dans la presse. À mes débuts, il n’était pas dentes, le Ronquières Festival, Jazz à Liège et du Režektor. Le Pa- rare d’obtenir une page entière consacrée à l’événement dans les grands léo (festival suisse - ndlr), Coachella ou le Primavera peuvent se le per- médias, une page qui se réduit aujourd’hui à juste trois lignes dans l’un me–re. Alex Stevens : À Dour, nous di‹usons tous les types de musique, ou l’autre supplément spécial festivals. CeŠe réžexion en amène une on doit donc aussi aller chercher di‹érents types de public. On n’est pas autre : ceŠe com’ parcellaire, épisodique, récurrente, relayée faci- sur l’idée de sortir l’a¨che en une fois, qui comprend 250 noms, ça de- lement (c’est à dire sans grand travail journalistique) par les mé- vient un peu indigeste. Et puis franchement, c’est quand-même plus fa- dias sur leur propre réseaux sociaux, n’a- t-elle pas elle-même as- cile de dire : Tu veux aller à Barcelone un week-end voir Radio- phyxié l’article papier plus fouillé ? CeŠe année, le changement de head ?, que : Tu viens dans le Borinage un week-end voir des lieu de Couleur Café a poussé le festival à organiser ce 19 avril une groupes dont on n’a pas beaucoup entendu parler ? Le Primavera conférence de presse, – ce qu’il ne faisait plus –, an de présenter a clairement d’autres arguments. C’est un peu plus facile… tous les aspects non-musicaux de l’événement, puisque, comme on le sait, Couleur Café, ce n’est pas seulement la musique. Irène Rossi y NOUVELLES DU FRONT voit pour les journalistes une occasion à saisir pour aller plus loin. Jean-Yves Reumont convient qu’un gros travail reste nécessaire Alex Stevens souhaite quant à lui qu’à l’heure de la multiplication pour faire exister, dans son cas, Les Ardentes toute l’année, se- des festivals en Europe et en Belgique, de l’industrialisation de l’événe- maine après semaine : Pas de temps morts, faut être présent tout le mentiel (« on a des grands noms, le reste on s’en fout »), il ne serait pas temps. Entretenir le buzz... Et puis, c’est devenu une sorte de sport chez anodin de présenter à nouveau au public, de façon exhaustive, des ini- certains festivaliers ; partager les nouvelles têtes d’a¨che. Le line-up tiatives porteuses d’une réelle ligne créative.

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DÉCRYPTAGE DR

L’édition, le plus ancien et le plus mal connu des métiers liés à la musique

C’est à la fois le plus vieux commerce lié à la création, le plus mal connu et aussi celui qui charrie le plus de clichés : du gros paquet d’or qu’il peut rapporter aux pratiques de voyous utilisées par ses représentants. L’édition musicale, c’est pourtant avant toutes choses beaucoup de travail administratif.

SERGE COOSEMANS

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DÉCRYPTAGE

droits d’auteur, autrement dit à véri er que France, certains éditeurs se posent une des sociétés de gestion collectives comme question disons assez drastique : puisque la Sabam fassent bien remonter les rému- notre métier, c’est de défendre l’auteur, nérations. Cela fait, quand la paperasse est pourquoi ne pas attaquer les sites web expédiée, l’éditeur peut alors se consacrer amateurs qui meŠ ent à disposition de leurs à son activité d’éleveur et de vendeur de bes- public les paroles d’une chanson ? ongtemps, l’éditeur musical se tiaux. C’est là un rôle qui n’est pas systéma- contenta d’éditer des partitions, tique, mais l’éditeur peut effectivement En plus d’être relativement stable, le milieu ce qui était alors la seule forme prendre en charge le développement d’un de l’édition promet sinon aux dents longues de diffusion commerciale des artiste et donc s’associer à un label et à un un champ d’action sans cesse renouvelé. À oeuvres d’auteurs-compositeurs. tourneur a n de faire connaître un nouveau chaque fois qu’une nouvelle source de dif- Puis, en 1877, Edison inventa le poulain. D’où la nécessité d’avoir une bonne fusion apparaît et dieu sait combien il en phonographe et l’on se mit à exploiter la réputation, un réseau étendu et un certain apparaît tous les ans à notre époque de musique sur disques. L’éditeur, qui jouis- pouvoir, ne fût-ce que de persuasion. haute compétitivité et de streaming géné- Lsait jusque-là dans le « business » d’une ralisé, il est en e et loisible pour un éditeur prestigieuse position centrale s’est rapide- L’éditeur s’occupe aussi de ce que l’on ap- de percevoir et de répartir des rémunéra- ment vu reléguer en coulisses, au profit pelle le « pitching », c’est-à-dire de chercher tions. Quoi qu’il en soit, le cliché de l’éditeur du « producteur », perdant au passage pas à placer une chanson dans une pub, un  lm, musical plein aux as est toutefois souvent mal d’argent, d’in®luence et de pouvoir. un jeu vidéo, un dé lé de mode ou une sé- exagéré. Ne fût-ce que parce que les labels Cela ne s’est pas fait sans heurts et il est rie télé (ce qui se traduit par « synchro » dans sont en train de reprendre du poil de la bête amusant de constater, à la lecture du livre le jargon du milieu). C’est devenu quelque- et avides de réaŠ aquer le gâteau... Last Night a DJ Saved My Life notamment, chose de très important et passablement que les éditeurs et les labels se sont dans très rémunérateur. Il suµ t de penser à la FULL OPTIONS un premier temps livré une guerre assez manne marketing et  nancière que peut re- Les labels ont en e et de plus en plus sou- chaude et au fond très comparable à celle présenter le placement d’un titre dans des vent recours à ce que l’on appelle des stra- que ces mêmes labels livrèrent aux sites  lms de Quentin Tarantino ou Wes Ander- tégies à 360 degrés, c’est à dire qu’ils re- de téléchargement un bon siècle plus tard. son, ainsi qu’au générique de séries HBO prennent à leurs comptes des activités Dans l’urgence, l’éditeur a donc dû se ré- telles que The Sopranos ou Boardwalk Em- jusqu’ici gérées par des partenaires indé- inventer un métier : protéger les droits des pire. Pour des groupes qui vivotent, c’est pendants. L’édition en fait les frais, non seu- auteurs-compositeurs, laissant à d’autres inespéré, et pour les éditeurs, cela se négo- lement parce que les labels grignotent l’ad- le soin de défendre les interprètes. Il y a cie à la dure. Dans ces cas-là, il n’est en e et ministratif, en imposant par exemple aux toutefois bien eu une forme de capitula- que rarement question de passer par des so- artistes des cessions d’édition ou des deals tion, la plupart des gros éditeurs histo- ciétés de gestion collective, où toutes les de coédition, mais aussi parce que ces riques ayant tous été rachetés par des mai- oeuvres sont facturées de façon égalitaire. mêmes labels ne signent désormais le plus sons de disques, dont ils sont simplement L’éditeur, comme un bon fermier, n’entend souvent que des artistes qui ont déjà une devenus des filiales. La position de force forcément pas négocier l’utilisation de titres image, une identité, un suivi sur les réseaux a toutefois commencé à s’inverser au dé- des Beatles ou de Madonna au même tarif sociaux ainsi qu’un certain succès d’estime. but des années 2000, alors que la déma- qu’Alabama 3 et The Brian Jonestown Mas- Choses que développait éventuellement térialisation de la musique devint une sacre. avant cela l’éditeur... norme et que toutes les récentes évolu- tions technologiques bouleversèrent non CHEVALIERS BLANCS ET CHERCHEURS D’OR D’autres diµ cultés pointent à l’horizon. seulement les pratiques de consommation En Belgique, on compte quelques éditeurs La multiplication des micro-entreprises mais aussi les mentalités. Des législations indépendants de bonne réputation, comme spécialisées, déjà, qui proposent aux au- jusque-là suffisantes ont ainsi commencé Team4Action, Strictly Con dential ou en- teurs une gestion directe, grâce à des ou- à montrer leurs limites et les maisons de core Freaksville, Benjamin Schoos s’occu- tils informatiques simples. Mais ce que disques à laisser apparaître de grosses fai- pant d’édition en dehors de ses activités ar- semble le plus craindre le milieu, c’est que blesses. Or, quand les disques ne se tistiques (Freaksville travaille principale- l’on aille en fait droit vers une refonte com- vendent plus et que les labels arrêtent de ment avec des gens qui ont la même philoso- plète du concept de droit d’auteur. C’est un signer de nouveaux artistes, il ne reste phie que nous, même s’il est arrivé que l’on tra- débat long et ardu mais il semble bien que qu’un seul espoir si on désire vivre de son vaille avec des majors, notamment dans le cas la vision anglo-saxonne de la probléma- art : se dégotter un bon éditeur. de Jacques Duvall, pour lequel nous sommes tique, plus libérale qu’en Europe, puisse parfois co-éditeurs de textes). Cela dit, on ne un jour prochain s’imposer sur le conti- BACK TO LIFE, BACK TO REALITY croise pas que des chevaliers blancs dans nent. Et ce n’est pas tout. L’éditeur d’au- Le boulot principal d’un éditeur musical est le secteur. Normal, ce secteur est réputé jourd’hui compte aussi quelques autres avant tout administratif. Il s’agit de gérer être l’un des derniers de la sphère musi- « ennemis » puissants contre lesquels ba- toute une paleŠ e de droits des auteurs-com- cale où on peut vraiment gagner de tailler : les opérateurs Télécom, les fabri- positeurs de son catalogue. Si on veut pres- l’argent. Il n’est donc pas rare que des mai- cants informatiques ainsi que les direc- ser un vinyle ou un CD dans une usine, il sons d’éditions soient montées par des nos- tives européennes sur les copies privées, faut un accord de l’éditeur, ce qui relève du talgiques du business arrogant des années qui génèrent un manque à gagner évident droit mécanique. Le droit d’exécution, c’est 80/90. Ce qui accouche d’histoires tout aus- bien qu’éthiquement discutable. Bref, tout gérer les passages en radio, en télé, sur les si révoltantes que celles des artistes jadis cela nous fait des journées bien chargées, réseaux numériques... L’éditeur a encore à spoliés ou négligés par des directeurs de un « vrai métier ». Pour certains, c’est s’occuper des droits patrimoniaux et des majors aux nez trop poudrés. Ainsi, en même une vocation.

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IN SITU IN SITU… Le Bunker DE BRIQUES ET DE ROCK Le lieu, planqué dans une petite rue du quartier Nord de Bruxelles, une « strotje » comme on disait dans le temps, porte plutôt bien son nom. On n’y donne pas de thé dansant, pour faire court ! Par contre, si le black metal et autres genres relevant de l’underground vous rendent tout(e) chose…

DIDIER STIERS

’enseigne a été gravée au siècle passé. Les années 10 ou 20, par-là, mais elle est toujours accrochée au-dessus de la porte. « Laboratoires cinématographiques Léon Mar- tin », peut-on y lire… Dans le quartier, à l’époque, les en- treprises liées de près ou de loin à l’industrie du film s’étaient multipliées. Avant de disparaître lentement mais inexorablement. Le 66a de la rue des Plantes est alors resté à l’aban- DR don pendant 20 ans. Quelques spéculateurs avaient imaginé que Lla gare du Nord allait s’étendre de leur côté, mais il n’en fut rien ! En 1999, le bâtiment change de main : un petit groupe de passion- nés le transforme peu à peu en un lieu de création. Théâtre, ciné- ma et musique au programme. Le nom s’impose de lui-même. Comme des lms inžammables étaient stockés dans l’immeuble, il devait être équipé en conséquence. Au 3e se trouvaient des pièces spécialement conçues contre le feu, raconte Patrice Bauduinet, au- jourd’hui seul aux commandes. Pendant les travaux, on l’avait sur- nommé « le bunker ». Et puis c’est resté, naturellement…

CYANURE ET BLACK METAL Pour l’anecdote, il n’y a pas eu que de la vieille pellicule à démé- nager. Mais aussi deux tonnes de produits chimiques à virer des caves ! Des barils de cyanure, et de quoi fabriquer du gaz moutarde, paraît-il ! Il aura fallu dix ans pour tout évacuer légalement ! De

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IN SITU

Bruxelles Propreté à la protection civile, on a sonné partout et personne nulé ou le groupe remplacé une semaine avant… Dans ces conditions, n’en voulait. Un jour, le nouveau commissaire de police nous a fait sa- même si on avait des sous pour le faire, ça ne servirait à rien d’impri- voir qu’on allait fermer ! Je lui ai montré toutes les démarches entre- mer un beau §yer ou d’essayer de gérer un agenda ! Et pour le reste… prises, il a fait les mêmes et s’est vu opposer un non partout. Il a ´ni par oui, oui, Le Bunker existe toujours ! m’appeler un matin : On arrive ! C’est-à-dire trois pompiers en combi- naison chimique, une ambulance, la rue bloquée… Il l’a fait à la James Bond, en me–ant la Commune au pied du mur. Dans l’après-midi, tout était parti !

Aujourd’hui, l’endroit aµche un look pour le moins brut. Lors des premiers travaux, nous avons évacué 30 containers de merde, mais il était encore plus brut que ça ! Avec les années, le cinéma a été mis de côté, les initiatives en la matière n’ayant jamais « pris ». Impasse a également été faite sur le théâtre, trop compliqué à gérer : On a même eu de la casse et du vol pendant ce–e période. Alors qu’avec les concerts rock, black metal et autres, il y a toujours eu un respect complet de la salle et du public ! Du coup, c’est un vrai plaisir de travailler avec des gens comme ça, même si ce n’est pas systématiquement ma préfé- rence musicale. allardo Le bar et le foyer sont à l’étage, avec la fanzinothèque. Au rez, la

salle – brute d’aspect, donc - aµche une jauge d’une centaine de © John G personnes : Tout dépend de la con´guration. Avec Daniel Hélin et Di- dier Super, on a fait sold out, il y avait 150 personnes. Pour un concert « traditionnel », avec musiciens, ba–erie et tout, il faut compter entre 100 et 120 personnes. Pour l’heure, elle est en mode « tables et chaises », mais il y a une bonne raison : Une fois par mois ont lieu les Mercredis du Fanzine. C’est une sorte de café li–éraire, autour du fan- zine, inauguré début avril. Précisons que le Bunker organise un fes- tival consacré à ce même média : voilà huit ans que ça dure, et c’était inédit, lors de la première édition !

À LA SAUVAGE À vol d’oiseau, Le Bunker et le Magasin 4 ne sont nalement pas si éloignés l’un de l’autre. Concurrence ? Il arrive que les a¨ches se rejoignent, admet Patrice Bauduinet, mais pas à la même période ni au même moment. Et puis ici, il y a parfois des choses beaucoup plus pointues que chez eux. Le mois passé, on a eu un concert de black me- tal : des gens sont venus d’Allemagne, de France, la salle était pleine… C’est un type de musique fort spéci´que, rarement présenté à Bruxelles. DR L’année dernière, on a eu Jozef van Wissem, qui travaille avec Jim Jar- musch ; la salle était pleine. On a eu Lori Goldston, qui a été violoncel- liste pour Nirvana : elle est venue avec trois musiciens accompagner un ´lm muet. On a aussi eu un cirque punk ! C’est super spéci´que…

Au Bunker, les choses fonctionnent dans le même esprit under- ground. Un peu « à la sauvage », si vous préférez ! À la débrouille. Quelques bénévoles donnent un coup de main pour faire vivre le lieu. On fait une tournante au bar. Généralement, l’été sert à e ectuer quelques travaux et neŠoyer un peu. Patrice Bauduinet s’occupe de temps en temps d’un concert : Mais c’est assez rare. Ce sont sou- vent des organisateurs indépendants qui viennent ici. Ils connaissent l’endroit. Ils font leur programmation en fonction des demandes qu’ils reçoivent, ou arrivent à caser une date entre deux autres déjà bookées dans une tournée.

Voilà aussi pourquoi la salle, même ouverte de septembre à juin, DR ne connaît pas de saisons régulières, ni même de programmation à proprement parler. Il arrive souvent que des gens nous demandent si on existe encore. Oui, on existe toujours ! On a une newsle–er, envoyée à 700 personnes qui connaissent le lieu, et c’est le seul outil de commu- Bunker Ciné-Théâtre Rue des Plantes 66a nication. Même moi parfois, je ne sais pas qui vient jouer ! Parce qu’on 1210 Bruxelles a oublié de me le dire, parce que ça se fait à la sauvage, ça peut être an- bunker-cine-theatre.wifeo.com

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LES SORTIES

ajouter le projet rock ceau, Qui suis-je ?, est une manière de montrer emmené par l’Arlonaise ma di‹ érence. Dans le rap, il est de bon ton de Audrey Maurot. Cousine pas si lointaine que ça faire du name dropping ou de nourrir ses rimes de l’Australienne Cour- d’ego trip. Ce n’est pas mon truc. Je préfère rester tney Barne˜ , Audrey Älou sur mon identité, mon âge, les dates, les étale sa pale˜ e de sen- lieux ou les faits. Ce– e démarche me permet d’al- timents et d’énergie sur ler en profondeur, de m’inventer des vies anté- un premier EP épatant. rieures et futures. Sans prétention aucune, Entre indie rock période Emptiness j’ouvre des portes et des fenêtres vers le monde Not For Music Posies (Best Good Season of Mist Friend), ballade pour des possibles. Je donne des pistes sans asséner fi lles rebelles (Louisa des vérités toutes faites. Par la qualité de sa Not For Music est à And Louise), hymne plume, la richesse de sa poésie et sa manière l’image de son artwork : pour party alcoolisée une descente vers de toucher au plus près l’essence des senti- (Period Sex) et pop l’obscurité. Avec ce ments humains, Scylla évolue loin au-dessus noyée dans un clavier cinquième album, de la mêlée et des lieux communs trop sou- new-wave (Stuck In The Emptiness poursuit vent déclinés dans le rap francophone. Pour- Mud), on ne s’ennuie son voyage mystique jamais. Mieux, on en tant passionné de sons urbains, le Bruxellois au cœur de l’expéri- redemande. À découvrir Scylla relève le dé d’articuler tous les morceaux mental. Au confl uent d’urgence. - LL de Masque De Chair sur des notes de piano de sonorités musclées Masque de Chair jouées par le jeune virtuose So ane Pamart. – Jeremie Bazier et Olve URBAN/[PIAS] Lomer sévissent aussi Touchant quand il évoque, le trémolo dans dans Enthroned tandis le ž ow, sa maman disparue (Vivre), toujours que Jonas Sanders agite Sur Qui suis-je ?, chanson d’ouverture de son juste dans son questionnement (Enchanté, Et ses fûts notamment deuxième album solo qu’il a dévoilé le 31 toi ?), il sait aussi se défouler quand il le faut, dans Pro-Pain et mars dans un Cirque Royal archi-complet, à l’instar de l’exercice freestyle d’Arrête Tes Komah –, la formation Scylla chante Je ne suis pas ce que je semble Couilles. En équilibre parfait entre espoir et puise son inspiration dans le Black et Death être. Une véritable déclaration de foi pour cet pénombre, chanson française et hip-hop ré- artiste qui cultive la discrétion, brouille les ž échi, Scylla réussit ici un tour de force et Metal et déconstruit Super Ska le genre pour façon- POW WOW Double Live pistes et se joue des codes parfois tyranniques franchit un nouveau cap. Attachant bon- ner des plages plus Studio imposés par les puristes du hip-hop. Ce mor- homme et grand disque. - LL atmosphériques. En dix Coucou Label compositions, le qua- tuor bruxellois propose Un double album, une lente exploration entièrement réalisé en glacée dans les tréfonds prise live, histoire pour guitariste jazz Jacques eff usions gothiques, du Nordeste brésilien de l’âme, bercée par des l’auditeur de récolter Piro˜ on, pour une col- minis trips électro- sur des arrangements nappes mélancoliques une musique livrée brute laboration qui déborde niques ou afro-beat que l’on doit en partie au synthé et guidée et sans artifi ces et même sur les concerts. progressif donnent vie à au directeur musical de par une voix tantôt ce, dans une évidente À suivre (surtout) sur un album anti-conven- l’album, David Bovée gu˜ urale, tantôt diabo- volonté de transme˜ re scène. - FXD tionnel, franchement (du groupe Think of liquement susurrée. Une la spontanéité des inclassable. Au premier One - actuellement gui- exploration à tâtons, concerts. Un double acte (Ji Ameeto), tariste de la chanteuse sans jamais pouvoir « presque » live donc, Babils déplace un bloc brésilienne CéU). Avec toucher le sol du bout très bien réalisé, très monolithique, hypno- Anavantou! également la partici- bien interprété, avec des des pieds. - PV tique et ultra répétitif, Brincantes pation de la chanteuse cuivres bien présents, cadencé par les paroles Cypres Records Dona Nadir, une grande rutilants et sautillants surréalistes du chanteur voix de la musique tradi- à souhait comme l’exige Gabriel Séverin. Dans la Brincantes est un album tionnelle de la région réalisé entre Flandre et le genre (Pow Wow et ses foulée, la formation sort Sergipe. - FXD roulements et autres un titre improbable de Brésil et issu de ce col- accélérations), avec Babils son chapeau. C’est la lectif (En avant toute !) aussi quelques moments Ji Ameeto raison pour laquelle nous né en 2013 à l’initiative de respiration dans ce˜ e Sub Rosa ne cesserons jamais de du producteur belge course eff rénée (Peace- Damien Chemin et Aux devants de recommencer entraîne ful Hand, In a so» way)… du musicien brésilien l’avant-garde depuis un la langue française dans et même une jolie valse Dudu Prudente. Un Annabel Lee moment, Babils cultive une dimension parallèle. (Da Waltz), plus jazzy mariage qui avait pour Wall‚ owers l’amour du risque dans Non-identifi és, des mots Autoproduction / Luik records que purement ska. Rien envie de rapprocher nos des compositions sans hantés rebondissent de bien nouveau sous le sur une ligne de basse deux cultures. L’album Jusqu’à présent, le nom œillère. En un disque (Ji soleil du genre, dira-t-on, plombée comme au propose principalement Annabel Lee évo- Ameeto) et deux mor- mais Super Ska dégage pinacle de la cold-wave. des compositions ori- Haring quait en nous l’un des ceaux de seize minutes, In Spaces une bonne humeur com- Défonce auditive 100 % ginales accompagnées derniers poèmes écrits le groupe bruxellois City Tracks municative et emporte organique, la musique de de quelques reprises du par Edgard Allan Poe fusionne quelques répertoire traditionnel. haut la main notre Babils plane bien fort. Après trois EP’s et un ainsi qu’une chanson éléments piochés sur la Une (belle) occasion coeffi cient sympathie. Juste de quoi off rir un morceau (Us) taillé sur- ensoleillée enregistrée ligne du temps : krau- pour les non avertis Avec un featuring sur spectacle à la hauteur : mesure pour le défi lé par Stevie Nicks sur son trock, new-wave, da- de découvrir le forrò, l’entièreté d’un des deux un feu d’artifi ce senso- Dior à la Fashion Week, album In Dreams (2011). daïsme, psychédélisme, ce˜ e musique (et danse disques en la présence du riel. - NA Haring s’élance sur la Il faudra désormais (post-)punk cosmique, aussi) propre à la région

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LES SORTIES

longueur d’un album. au sprint avec un souci de la Renaissance un traitement libre ins- Dans la foulée de Gold d’effi cacité qui frise piré du jazz – improvisation, solos, swing,… – Panda, Rone ou Fatima souvent l’anarchie. Bra- Yamaha, le producteur vache et sauvage, We’re le pianiste Johan Dupont rafraîchit avec bruxellois fantasme All Pink Inside prône goût et talent une musique qui sonnerait le dancefl oor sous la l’insurrection et le quelque peu désuète dans sa version origi- voûte céleste. Voyage pogo, la rédemption par nale : C’est un peu le paradoxe d’une partition apaisant, envoûtant, le chaos. Une grande dont on pense qu’elle est le moyen unique toujours dansant, messe punk à célébrer à d’aborder une musique alors que celle-ci était In Spaces glisse la fond les ballons. - NA aussi fort orale. J’ai envie de l’aborder en fai- techno dans la ouate et laisse rebondir une sant ´ de cet aspect du respect de l’écriture qui house minimale et la rend peut-être complexe et la coupe de ces hyper sophistiquée sur racines populaires. Du coup, ce que la mu- de gros cumulus : des sique avait d’un peu conceptuelle et rigide, vagues moelleuses et voire didactique dans le premier album, dé- atmosphériques. En gage ici une plus grande liberté, un côté na- lévitation, les dix titres turel et léger ampli é par la voix ondulant de ce disque explorent Music 4 A While le monde sans se sou- entre français, anglais, italien et espagnol cier des murs, frontières Piloot Ay Linda Amiga de Muriel Bruno. La place laissée aux so- Piloot et autres barrières IGLOO RECORDS listes n’est elle non plus pas négligeable : esthétiques. Composé PLT André Klenes (contrebasse), Jean-François entre Bruxelles, Paris Trio à vocation Deuxième opus de ce quintet qui a pris pour Foliez (clarineŠ e) et Martin Lauwers (vio- et Istanbul, In Spaces expérimentale, Piloot nom une œuvre d’Henry Purcell, composi- lon) impriment chacun leur personnalité transpose les idées d’un esquisse des paysages teur du 17e siècle. Si celui-ci est encore dans aux di érentes pièces, et Stephan Pougin, artiste en mouve- sauvages. Entre champs le nouveau répertoire, on retrouve aussi le nouveau venu, colore subtilement quatre ment. D’ici et de là, de d’improvisation, reliefs John Dowland, Monteverdi, Claudin de Ser- d’entre elles. Avec légèreté et humour partout et nulle part à krautrock et panoramas la fois, Haring esquisse free-jazz, la musique misy ou Guillaume de Machaut, étendant même, ceŠ e musique quelque peu délaissée e son propre itinéraire servie par le groupe ainsi la matière du début du 14 à la  n du reprend des couleurs, les mélodies sonnant électronique. Avec l’art e bruxellois propulse des 17 . En appliquant à la musique baroque et quasi familières. - JPG et la manière. - NA drones mutants dans un espace-temps non défi ni, misant réguliè- rement ses atouts sur la répétition de formes sonores indomp- Soledad tables. Kaléidoscope instrumental aux vertus Regard dans le rétro et cinématographiques, ce nouvel album premier album met en lumière le travail d’une Sects Tape tripartie royale. Accom- We’re All Pink Inside Fondé en 1995, Soledad a rapidement obte- Rockerill Records pagnés du fl ûtiste Flo- rian Guibert, le contre- nu une reconnaissance internationale grâce Le poing tendu, l’ironie bassiste Cyrille de Haes à l’originalité de son interprétation de la mu- dressée sur la tête, (O˜ o Lindholm) et sique d’Astor Piazzolla. Un des fondateurs Sects Tape déboule le ba˜ eur Jean-Phi- du groupe, le pianiste Alexander Gurning, avec ses cagoules du Ku lippe De Gheest (Mark parle de la genèse de la formation : Quand Klux Klan badigeonnées Lanegan Band, Lyenn, Manu Comté m’a contacté, le but était de faire en rose fl uo. Une façon Joy as a Toy) emballent revivre la musique de Piazzolla avec ce nouveau de traîner l’homopho- cinq compositions bie dans la boue et de extatiques sous une groupe d’une composition particulière. Il fallait prendre le contre-pied poche˜ e dessinée par faire coexister des timbres qui n’étaient pas com- des idées racistes et l’illustratrice Chloé muns : accordéon, guitare et piano, trois instru- fermer dans la musique de Piazzolla, nous xénophobes défendues Schuiten. - NA ments harmoniques. Il s’agissait de s’approprier avons enregistré la musique de Devreese avec ici et là par quelques de nouveaux arrangements, car il n’y avait pas Philip Catherine en invité. Ces trois disques factions d’extrême- de partitions pour ce type d’ensemble. Nous nous sortis sur Virgin/Classics font aujourd’hui droite. Sur son premier sommes basés sur les enregistrements que nous l’objet du co ret Collected. Véritable ž orilège album, le groupe tournaisien multiplie avions en reprenant les techniques de composi- sonore, le nouvel album Logical sort quasi si- les pains rock-garage tion de Piazzolla qui sont précises et en les trans- multanément et constitue un retour aux et joue au frisbee avec posant à notre formation. Remarqué par Mar- sources de la formation, le trio : Jean-Frédé- les meilleures hosties tha Argerich, Soledad est invité sur toutes ric Molard au violon, Manu Comté à l’accor- yankees (The Spits, les scènes internationales et enregistre trois déon et Alexander Gurning au piano trans- Nots, Ausmuteants). disques sur Virgin/Classics. Sorte de transi- posent Ravel, Debussy, Franck et Proko ev Descendants abraca- tion vers la troisième galeŠ e, Del Diablo réu- comme… Je Buckley ou Roger Hodgson. dabrants des Ramones et autres Misfi ts, les nit Piazzolla, Alberto Iglesias, Daniel Cape- Loin de tout académisme, ce nouvel album mecs de Sects Tape letti et Frédéric Devreese auquel Passage démontre une nouvelle fois l’étendue de la a˜ aquent les guitares sera ensuite consacré : On ne voulait pas s’en- paleŠ e de Soledad. - JPG

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LES SORTIES

Jean-Baptiste Lully Armide LISTE Chœur de Chambre POURQUOI ? de Namur, Talents Lyriques, Christophe DES Rousset SORTIES Aparté DAHM Johann Sebastian ENVOYEZ-NOUS LA Bach DATE DE SORTIE DE Mysterium : Cantatas Ricercar Consort, Philippe Pierlot POURQUOI UN MÉLANGE D’ARTISTES VOS PRODUCTIONS. Harmonia Mundi Nous relaierons dans ces colonnes : [email protected] AUSSI IMPROBABLE ? Joseph-Hector Chanson Fiocco Petits motets vol. II Balimurphy Scherzi Musicali, Nico- Nos Voiles las Achten Freaksville Records Musique en Wallonie

Benjamin Schoos Joseph Jongen Profession Chanteur Œuvres pour violoncelle (Best OŒ) et orchestre Freaksville Records Henri Demarqueƒ e, Orchestre Philharmo- Fantøme nique Royal de Liège, Victoires et Vanités Christian Arming Freaksville Records Musique en Wallonie

Les Filles de Hiro- Ravel, Piazzolla, hito Comté, Franck, Single (Célibataire) Debussy Autoproduction Logical Soledad Lisza Warner Classics La vie sauvage J’avoue qu’à première vue, on a des horizons Animalé/Cod&S Le projet DAHM réunit Kris Dane, ELECTRO assez incompatibles, chacun avec son univers Novambre GLÜ Manu Hermia, Nicolas Achten et et sa manière de fonctionner. On a accepté le Energ-humaine Three Frédéric Malempré au croisement dé´ et commencé à bosser, sans savoir où aller, Autoproduction Naff Rekords raconte Nicolas Achten. Lors de la première Théa & the Mugs Monolithe Noir du classique, du pop-rock Avant/Après répétition, on s’est jeté à l’eau et très vite une en- Le Son Grave et des musiques du monde. tente s’est dessinée. On a pu s’amuser à essayer Autoproduction Luik Records Une combinaison de musiciens des choses et voir comment les autres réagis- ClassiQue - SOLDOUT saient. C’était surprenant et très intéressant. CONTEMPORAIN Forever improbable qui, à la surprise Flatcat Recording Alessandro Scarlatti d’Achten, fonctionne à merveille : Confrontant aussi. Notre mode de fonctionne- Passio Secundum Yann Leguay ment est très di‹ érent. La musique écrite se re- Johannem Headcrash La clé se trouve dans notre trouve face à une musique qui s’apprend à Giuseppina Bridelli, Vlek Records ouverture d’esprit ! Millenium, Chœur de l’oreille. On a été intrigué et a– iré par nos uni- Chambre de Namur, EXPERIMENTAL BENJAMIN TOLLET vers réciproques. Chacun jouant le jeu de se Leonardo García Babils fondre dans l’univers de l’autre, sans essayer Alarcón Ji Ameeto Outhere/Ricercar d’être l’autre car ce genre de cross-over ne fonc- Sub Rosa tionne alors pas. Je suis musicien classique, je Bob Verschueren Catherine Grain- Catalogue de plantes ne vais pas me prendre pour un jazzman, pour- dorge / Hugo Race suit le luthiste. Le but n’était pas de dénaturer (suite) Long Distance Operators Fuga Libera Sub Rosa ourquoi s’essayer à un mélange si notre musique mais de créer un nouvel univers L’Oreille de Mélanie improbable ? C’était une idée de avec les ingrédients de chacun. Pour un musi- De l’Oreille de Zurbarán JaZZ l’émission radio Le Monde est un cien classique, où tout est écrit et codi´ é, trou- au Piano de Mélanie - 21 Bravo Big Band Village qui voulait faire ceŠ e ex- ver une telle liberté et si peu de repères de base, étapes pour une prome- Another Story périence avec des musiciens d’ho- c’est déroutant mais excitant ! nade musicale SoulFactory Cypres Records rizons di érents pour son festival Charlotte Haesen annuel Première Esquisse (Théâtre 140). Fin Le résultat est tout à fait ina– endu. C’est une ma- Claudio Monteverdi, Quintet (EP) 2016, ils ont voulu tirer encore plus sur l’élas- tière assez vivante, on réagit les uns aux autres, Salomone Rossi Hibernation Balli & Sonate Autoproduction tique. Imaginez : Kris Dane, chanteur pop- il y a une grosse part d’improvisation. Ce qui se Ensemble Clematis, P rock aux accents blues et à la guitare acous- passe en termes de couleurs, de dynamique ou Zachary Wilder tique. Manu Hermia, saxophoniste et ž ûtiste d’improvisation dépend fort de ce que la personne Outhere/Ricercar Retrouvez de jazz qui adore s’aventurer dans les vents en face propose, termine Nicolas Achten. C’es t Girolamo Fresco- la liste complète de l’Inde avec sa ž ûte bansuri. Nicolas Ach- un clash assez violent entre époques et lieux, mais baldi des sorties sur Organ Works ten, chanteur baroque, claveciniste, luthiste, on a constaté que dans la musique, si on fait l’ef- Bernard Foccroulle www.conseil s’aventurant surtout dans la musique du 17e fort de se rencontrer, on parle en fait tous la même Outhere/Ricercar delamusique.be siècle. Il fallait oser. langue… avec des accents di‹ érents.

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VUE DE FLANDRE

VUE DE FLANDRE Stikstof BRUXELLES ARRIVE Groupe bruxellois et fier de l’être, Stikstof est à l’image de sa ville : bilingue, poétique, ironique et ouvertement je-m’en-foutiste. Curieux de tout, collectionneurs de sons mutants et porteurs d’un discours engagé, les rappeurs néerlandophones n’ont pas a©endu les succès de Damso et Hamza pour secouer le tire-bouche de Manneken- Pis. Actif depuis 2012, Stikstof a sorti un énorme Dobberman en compagnie de Roméo Elvis, bien avant que ce dernier ne fasse la Morale au rap francophone...

© Yaqine Hamzoui NICOLAS ALSTEEN

près deux albums remarqués public. Il n’y a aucun calcul derrière ce–e colla- tualité du hip-hop en France. Je connaissais la dans les cercles spécialisés, DJ boration, comme pour celles avec Jan Paternos- Fonky Family, Lunatic, IAM, Roh‹, Assassin, Vega et les quatre emcee’s de ter (Black Box Revelation) ou le saxophoniste Sefyu, NTM... Avec du recul, je trouve que ces Stikstof (Astrofisiks, Jazz, Jeroen Capens. C’est toujours l’histoire d’un projets exprimaient systématiquement le ma- Zwangere Guy et Rosko) pré- verre partagé au bar, d’une sortie qui s’achève laise social. Ils avaient la haine, détestaient les parent méticuleusement le pro- un peu trop tard. §ics et la vie des cités. Maintenant, à Bruxelles, chain chapitre de leur histoire. On prend le les rappeurs proposent des morceaux qui o‹rent temps de faire les choses correctement, explique Si Stikstof claque le žow dans la langue de une autre perspective sur la ville, un point de AAstrosiks, clope au bec et sourire en coin. Kim Clijsters, son patrimoine génétique foi- vue positif sur les choses. Nous sommes en 2017. En interne, on se met la pression. Parce que ce sonne d’inžuences anglo-saxonnes parfai- Le délire de faire de la musique pour les types disque-là devra forcément être le meilleur. On tement assimilées. Entre traditions old- qui vendent du shit en bas des blocs, c’est mort. n’a pas droit à l’erreur. Le premier album school et affection pour les tenants d’un Nous sommes de la même génération que Ca- marque les débuts, le deuxième une améliora- hip-hop indépendant, la musique du collec- ballero & JeanJass, Roméo Elvis, Le 77 ou L’Or tion, le troisième est synonyme de consécration tif opère des liaisons magnétiques entre hier du Commun. Nous partageons le même état ou de grosse déception… Exigeant, le groupe et aujourd’hui, demain et un futur encore d’esprit. On adore s’amuser, raconter les bons s’a aire au cœur de la capitale depuis 2012. plus lointain. De Gang Starr à Company moments, déjeuner avec un hamburger et une Avant Stikstof, il n’y avait pas de rap néerlan- Flow, de Cannibal Ox à Jonwayne en pas- tasse de café sous le soleil. Nous ne sommes pas dophone à Bruxelles. Nous sommes arrivés sant par Shabazz Palaces, Flying Lotus ou là pour braquer les gens. Ce n’est pas notre dans un espace d’expression complètement vide, Joey Bada$$, le groupe bruxellois plante ses genre, tout simplement. Au-delà des textes souligne Rosko. Il n’y avait aucun modèle à mots géolocalisés dans un monde global. Où chantés en néerlandais, les morceaux de suivre, pas de concurrence, rien. Nous sommes Bruxelles reste capitale. Nous vivons dans le Stikstof impriment une ambiance singu- donc partis d’une page blanche, en faisant ce centre-ville, précise Jazz en picorant ses der- lière, une musicalité universelle : un rap qui qui nous passait par la tête. Ça a bien pris ; nières frites. On ne roule pas en Maserati avec transgresse les frontières sans œillère. Au après moins d’un an d’existence, on a¨chait un des ´lles en bikini perchées sur la banque–e ar- point d’être seul au monde. Ou pas loin. Un morceau et plus de cinquante concerts au comp- rière. Nous sommes l’antithèse du rap bling- cas unique, nécessairement précieux. teur ! À chaque fois, on vient nous demander de bling. Nos textes s’inspirent de notre quotidien : jouer. À ce jour, nous n’avons toujours pas le mélange des cultures, le melting pot social et Stikstof Stikstof 02 d’agent artistique… les travers de la métropole sont des thèmes iné- FRONTAL puisables pour Stikstof. Si l’Europe célèbre au- Phénomène d’une scène bruxelloise en jourd’hui l’avènement du rap bruxellois, elle pleine e ervescence, Stikstof montre sou- se doit de traduire sa copie pour ne pas lou- vent la voie à suivre. Un exemple ? En juin per un projet qui, malgré son jargon, se rat- 2015, le collectif žamand enregistre le mor- tache au wagon des nouveaux héros franco- ceau Dobberman en compagnie d’un cer- phones. Ces dernières années, le rap en tain… Roméo Elvis. Quand nous avons tra- français a aussi beaucoup évolué, remarque vaillé sur ce titre, Roméo était inconnu du grand Jazz. À une période, j’étais incollable sur l’ac- h«p://stikstoÃrussel.be

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L’INTERVIEW INDISCRÈTE L’INTERVIEW INDISCRÈTE Chez Roméo Elvis Nouveau fer de lance d’un hip-hop francophile qui traque les crocos et le bédo, Roméo Elvis signe le deuxième épisode de Morale, effort collaboratif servi en compagnie de l’ami Le Motel. Le flow en lévitation sur des sons profilés pour sa voix de baryton, le rappeur bruxellois gagne les faveurs du public et des médias. Adulé en Belgique et à l’étranger, Roméo Elvis se prépare à vivre un été chaud bouillant. En a©endant les festivals, l’artiste nous accueille dans son salon. Invité à farfouiller en toute indiscrétion dans ses affaires, Larsen débarque dans la place.

© Kevin Jordan NICOLAS ALSTEEN

Strauss). Et puis, c’est un clin d’œil à Levi’s : l’étendard du rêve américain par excellence. Pour un mec qui ne voulait pas vendre de fripes aux concerts, on peut dire que j’ai re- tourné ma veste...

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UNE EFFRITEUSE UN SWEAT-SHIRT

J’essaie de fumer dans les règles de l’art, le C’est du merchandising. Dans le rap, ce plus « sainement » possible, en limitant la terme est souvent synonyme d’arnaque. Dé- quantité de tabac et de papier. Dans mon quo- bourser sa thune pour avoir la pocheŠe d’un tidien, l’e riteuse est un élément récurrent. album reproduite sur un t-shirt, je ne vois On peut d’ailleurs dégoter des échantillons de pas l’intérêt… Du coup, je me suis longtemps cannabis dans la plupart de mes morceaux. montré réticent à l’idée de vendre des tex- DES BAGUES L’herbe m’aide à installer un décor. Il y a tout tiles à la sortie de mes concerts. Face à la de- un vocabulaire qui tourne autour de la mari- mande, j’en ai parlé à Dooler, le mec qui s’oc- Ce sont des cadeaux de mon père. Il m’a of- juana : un champ lexical inni qui s’imbrique cupe de mes tatouages. Première règle ? fert la bague avec la couronne pour mon dix- parfaitement dans mes textes. Ces codes me Interdiction de voir mon visage apparaître septième anniversaire. Elle fait référence au correspondent bien. Fumer me permet de ca- sur les vêtements. Ensuite, il fallait que je les King Elvis. Ça n’a rien de présomptueux. naliser mon anxiété. Je suis quelqu’un de ner- trouve suµsamment jolis pour accepter de C’est juste que je m’appelle réellement Ro- veux et d’angoissé. En plus, je suis maintenant les porter moi-même. Si ça repose sur une méo Johnny Elvis. Gamin, les copains m’ap- amené à prendre des décisions qui comptent esthétique sophistiquée, je l’assume. Au pelaient déjà Elvis. C’est pour ça que j’ai choi- pour moi, mais aussi pour tous ceux qui point d’enler mes propres survêtements. Le si d’emporter ce prénom avec moi sur scène. bossent à mes côtés. Le joint m’apaise dans les croco est un animal qui me fascine. C’est un À l’école, on me chambrait souvent : j’étais le moments de tension. D’ailleurs, mon entou- avant-gardiste, un survivant. Il traînait déjà seul mec de ma classe qui se promenait avec rage me demande régulièrement de fumer. avec les dinosaures mais, lui, il a trouvé un des bagouses aux doigts. À côté de ça, je por- Au naturel, j’ai tendance à communiquer mon moyen de rester et de se faire respecter. tais de longs cheveux et j’écoutais du rock. stress… Avant, je dissimulais ceŠe réalité à L’animal le plus méchant de la savane, ce Dans le rap, tous ces aŠributs n’avaient au- mes parents. Aujourd’hui, j’ai l’impression n’est pas lui, mais l’hippopotame. Du coup, cun intérêt. D’ailleurs, j’ai longtemps intério- d’avoir passé un contrat de conance avec eux. le croco endosse le rôle du méchant sans risé ma passion pour Jimi Hendrix et Nir- Je n’ai plus rien à leur cacher. Ils connaissent l’être vraiment. Je me reconnais bien dans vana. Aujourd’hui, j’assume totalement mes mes vices. Ils savent ce que je fais de ma vie. ceŠe métaphore. Aujourd’hui, je songe à lan- goûts et mon apparence. Avoir une culture Ceci étant dit, je tiens tout de même à rappe- cer ma propre ligne de fringues à travers la rock dans le hip-hop, c’est presque devenu ler que fumer des pétards, c’est de la merde. Il marque Strauss. J’aime bien la connotation un avantage. À une époque où les gens s’agit d’une dépendance. Si quelqu’un est ca- germanique du mot. En plus, ça vaut dire écoutent tout et n’importe quoi sur YouTube, pable de ne pas fumer, sa vie sera certaine- « autruche ». C’est un terme que l’on peut fa- mon caractère hybride est un privilège. J’as- ment meilleure. Le top serait de se limiter à cilement personnier aussi. Humainement, sume à 100 % mon côté rock’n’roll. D’où ces un petit pétard de temps en temps. Mais ça, ça touche à la fois au vilain (Dominique bagues, indissociables de ma personnalité. pour l’instant, j’en suis totalement incapable. Strauss-Kahn) et au génie musical (Johann Sans elles, je me sens nu.

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C’ÉTAIT EN…

C’était en… Le présent article est reproduit JUILLET 1982 avec l’autorisation de l’Éditeur, tous droits réservés.

Début des années 80, seulement deux On retrouvera un peu carrière solo sous le tard pour rejouer ses Toute utilisation un groupe belge albums, notamment plus tard certains nom de… Marka. deux albums et ce, ultérieure alliant fi èvre funk signés sur Les membres du groupe dans un line up doit faire l’objet d’une autorisation et groove africain Disques du Crépus- sous d’autres Et la reformation proche de l’original. spécifi que de la enfl ammait nos cule, latitudes. d’Allez Allez, c’est société de gestion scènes. Leur single et probablement Kris Debusscher pour cet été (en Un livre retraçant Copiepresse : African Queen en raison du départ et Nico Fransolet concert notamment l’aventure Allez Allez [email protected] serait même, de la chanteuse se reconvertiront aux Francos et au devrait également paraît-il, un du groupe Sarah dans l’humour abrasif Brussels Summer voir le jour sous peu. hommage à la Osbourne, le band au sein des Snuls Festival) ! Allez Allez sculpturale Grace me© ait la clé sous tandis que Serge Van se retrouvera donc sur Jones. Après le paillasson. Laken, entamera une scène 35 ans plus

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