Itération Et Inexpressivité Dans La Bande Dessinée Humoristique
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EESI d'Angoulême 134, rue de Bordeaux / 16000 Angoulême UFR Lettres et Langues de Poitiers 15, rue de l'Hôtel Dieu / 86034 Poitiers Master Littératures et Arts / Spécialité Bande Dessinée Année Universitaire 2010 / 2011 ITÉRATION ET INEXPRESSIVITÉ DANS LA BANDE DESSINÉE HUMORISTIQUE Léo LOUIS-HONORÉ Directeurs de mémoires Lambert BARTHÉLÉMY Dominique HÉRODY 2 ITÉRATION ET INEXPRESSIVITÉ DANS LA BANDE DESSINÉE HUMORISTIQUE Léo LOUIS-HONORÉ Directeurs de mémoires Lambert BARTHÉLÉMY Dominique HÉRODY 3 Merci à Dominique, Lambert, l'EESI et ma famille. 4 SOMMAIRE INTRODUCTION ....................................................................... P.06 I. HISTORIQUE, USAGES ET EFFETS DE L’ITÉRATION 1. L’OuBaPo ........................................................................ P.14 2. Un outil comique et narratif ............................................ P.23 - Le rôle du texte - La conservation du point de vue II. RYTHME ET NOTION DE RYTHME 1. Rythme et motif de l’identique ........................................ P.30 2. Une autre séquentialité ................................................... P.00 - L’attente de la chute - Court-circuitages III. INEXPRESSIVITÉ ET THÉÂTRALITÉ 1. Le comique de l’impassible .............................................. P.00 - Le burlesque - La force de l’inexpressif 2. Le théâtre de marionnettes ............................................. P.00 - La démarche de l’immobile - Stupidité et sérénité CONCLUSION ........................................................................... P.06 5 INTRODUCTION ITÉRATION, du latin iteratio (répétition) : Action de renouveler, de répéter. Apparu en 1488, ce terme est principalement employé en mathématique pour caractériser la méthode de résolution d’une équation par approximations successives (récurrence), et également en psychiatrie où il s’agit alors de la répétition involontaire et inutile d’un même acte moteur ou verbal. Ce terme a été par la suite utilisé en bande dessinée, associé à l’adjectif iconique (relatif à toute forme de représentation visuelle), par le théoricien franco-belge Thierry Groensteen dans le premier OuPus de l’OuBaPo, groupe qu’il a lui-même cofondé, pour désigner une contrainte consistant à raconter une histoire avec une même case (ou un nombre défini) en changeant uniquement les dialogues.1 Lewis Trondheim EXPRESSIF, du latin express!r (celui qui fait sortir, qui exprime) : Qui traduit d'une manière suggestive / rend manifeste par toutes sortes de signes (langage écrit, oral, geste, attitude, réaction émotionnelle, etc.), de façon volontaire ou non, une façon d'être, un sentiment, une pensée. 1 Définition du dictionnaire Le Petit Robert, LR, 2003 6 Dans la bande dessinée humoristique, les expressions d’un personnage sont généralement exagérées par rapport à la réalité, les traits du visage étant souvent traités de manière caricaturale. 2 Marcel Gotlib HUMOUR, de l’anglais humour, lui-même issu du français humeur : Forme d’ironie à la fois plaisante et sérieuse, sentimentale et satirique, qui attire l'attention, avec détachement, sur les aspects plaisants ou insolites de la réalité.3 La bande dessinée dite humoristique se caractérise par un graphisme stylisé et caricatural, à l’opposé de la bande dessinée dite réaliste. La présence de chutes et de calembours est une des caractéristiques fortes de la bande dessinée humoristique. André 2 Définition du dictionnaire Le Petit Robert, LR, 2003 3 Définition du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales 7 Il est empiriquement reconnu que l'humour et son effet direct, le rire, a des effets positifs sur la santé. La science contemporaine a découvert qu'il participait, entre autres, à la décontraction des muscles, à la réduction des hormones de stress, à l'amélioration du système 4 immunitaire, à la réduction de la douleur. Les apparitions les plus connues de l'humour se font dans les histoires amusantes, qualifiées de drôles, désignées fréquemment sous le vocable de blagues. Il se manifeste cependant de manières très diverses et n'est pas toujours explicite (c'est le cas de l'ironie, de la pointe, de la remarque pince-sans-rire) ; des gestes même peuvent être comiques. Si l'humour est toujours volontaire, l'on peut être comique sans le vouloir. Dans le langage courant, le sens du terme s'est élargi pour désigner le comique, c'est-à-dire l'ensemble des procédés visant à susciter le rire ou le sourire. L'humour est indissociable du comique, c'est-à-dire de « ce qui est propre à faire rire » ; le comique est, parmi les tonalités littéraires, ce qui permet l'humour ; on en distingue principalement six formes : situation, mots, gestes, caractère, mœurs, répétition. En sorte, l'humour utilise nécessairement une forme de comique, mais toute manifestation comique n'est pas forcément humoristique. Auparavant, on parlait dans le domaine littéraire de trait d'esprit. Le trait d'esprit se définissait plus comme une forme d'ironie acide et pince- sans-rire, que l'on constate chez des auteurs du siècle des Lumières. L'humour tel que pratiqué par les Britanniques se révélait cependant plus proche d'une forme de regard absurde et détaché sur les événements, sans forcément conduire à la malveillance vers laquelle tendait souvent l'esprit français. 4 Paul E. McGhee, Humor and Health, Holisticonline.com, 1999 8 On a nommé « humour noir » une forme d'humour qui s'appuie sur des éléments tristes ou désagréables et les tourne en dérision, et « rire jaune » un rire forcé et amer. De fait, l'humour n'est pas nécessairement lié à la joie. Pour l'écrivain français Paul Reboux (André Amillet de son vrai nom), l'humour consiste tout simplement à « traiter à la légère les choses graves, et gravement les choses légères », ce qui n'est pas sans rappeler la définition de l'esprit français léguée par Montesquieu. Ainsi, l'humour reste une notion floue, à la croisée d’autres concepts qui lui sont proches tels que le comique, le trait d'esprit, l’ironie ou le burlesque. L'humour est distingué par plusieurs concepts : c’est un langage, mais aussi un moyen d’expression. Sa forme, plus que sa définition, est diversement appréciée d'une culture à l'autre, d'une région à une autre, d'un point de vue à un autre, à tel point que ce qui est considéré par certains comme de l'humour, peut être considéré par les autres comme une méchante moquerie ou une insulte. L'humour a toujours été une caractéristique fondamentale de la bande dessinée. Ce dernier différant selon les cultures et se développant au fil du temps, la bande dessinée humoristique s'est enrichie en puisant dans ces différentes formes, de la même manière qu'elle puise dans les autres arts tels le cinéma ou le théâtre. C'est pourquoi la bande dessinée dite humoristique couvre à l'heure actuelle une quantité énorme et variée de bandes dessinées, qui évolue sans cesse ; des classiques de la bande dessinée franco-belge aux bandes dessinées atypiques de Daniel Goossens, Étienne Lécroart ou encore José Parrondo, en passant par les dessins d'humour de Gary Larson ou l'œuvre de Marcel Gotlib, l'humour en bande dessinée est une chose large, riche et aussi irréductible qu'un certain peuple gaulois. 9 Gary Larson Tout procédé produisant de l'humour est bon à utiliser, et avec l'OuBaPo est apparu une contrainte qui, bien qu'ayant déjà été plus ou moins employée dans le passé, a pris de l'ampleur est s'est avérée particulièrement humoristique. Cette contrainte, connue sous le nom d'« itération iconique » joue sur le comique de répétition, dans le cas où elle est utilisée à des fins humoristiques (ce qui est généralement le cas). Le procédé du comique de répétition est bien connu, souvent analysé en même temps qu'identifié : telle scène des Fourberies de Scapin de Molière fait rire car elle repose sur le comique de répétition ; et le commentateur consciencieux d'énumérer les récurrences, les écarts, les variations derrière la similitude de l'énoncé. Lorsque Charlie Chaplin, dans Les Temps modernes, continue de visser des écrous même après sa sortie de l'usine, l'analyse retrouve une expression commode et le fait semble donc aller de soi : le retour mécanique du même fait rire. 10 Henri Bergson a de manière lumineuse éclairé ce phénomène en énonçant et étudiant cette loi comique dont relève la répétition sous toutes ses formes : « du mécanique plaqué sur du vivant ». 5 Ainsi, le personnage comique agit comme un pantin dont on tire les ficelles : c'est le ressort des jeux de clown, de la farce ou encore du burlesque. Le burlesque est un type de comique qui consiste à traiter un sujet héroïque ou sérieux en des termes vulgaires ou populaires. Ainsi, Charlie Chaplin incarnant Hitler dans Le Dictateur est une représentation burlesque des despotes qui oppriment le peuple. Le burlesque peut être rapproché de la parodie, du pastiche ou de la caricature en ce qu'il relève d'une imitation : l'idée est de travestir un modèle en mettant l'accent sur l'inversion des valeurs (le haut devient le bas). Le burlesque opère, par conséquent, une démythification de l'héroïsme. Le rire burlesque prend une signification politique : il rabaisse l'orgueil des grands qui deviennent objets de risée. Molière, par exemple est un grand créateur de comique burlesque : Le Misanthrope caricature les salons précieux ; Le Malade imaginaire tourne en ridicule les milieux médicaux... On distingue le burlesque de l'héroï-comique qui opère la parodie inverse : non du haut vers le bas, mais du bas vers le haut. Le berger parle comme un seigneur et la bergère comme une princesse. Ce registre, très en vogue au XVIIIe siècle, est aristocratique (on se moque des bergers qui ignorent le style des seigneurs) alors que le burlesque est populaire. Une des figures marquantes du burlesque au cinéma demeure celle de l'acteur et réalisateur Buster Keaton, célèbre pour ses acrobaties et sa fameuse « inexpressivité ». Chez certains acteurs, le manque d'expression peut être considéré comme un handicap (comme par exemple chez Steven Seagal ou Christophe Lambert), 5 Henri Bergson, Le Rire : Essai sur la signification du comique, Presses Universitaires de France, originalement paru en 1899 11 mais il n'en est rien pour Buster Keaton.