LE DEVOIR, LE MERCREDI 16 NOVEMBRE 2011 CAHIER C LES GRANDS MONTRÉALAIS Sid Stevens Frédéric Back Pierre Fortin est le Grand Montréalais devient à 87 ans et Aldo Bensadoun en 2011 le Grand Mont- rejoignent du secteur social réalais culturel la communauté Page 3 Page 5 Pages 4 et 6

JACQUES NADEAU LE DEVOIR Centraide encourage le développement du réseau des intervenants au sein de chaque quartier de Montréal. Il est un petit honneur «qui fait grand plaisir!» Michèle Thibodeau-DeGuire a accédé à l’Académie des Grands Montréalais en 2001

En 2001, Michèle Thibodeau-DeGuire, présidente et directri- police, l’école, les organismes communautaires, le CLSC, etc., ce générale de Centraide du Grand Montréal, s’est vu décer- travaillent dans le même sens ner le titre de Grand Montréalais, un honneur qui lui a fait pour trouver des solutions avec réellement plaisir. «C’est très, très, très excitant, lance tout à les citoyens, indique Mme Thi- fait joyeusement cette Acadienne de souche. C’est probable- bodeau-DeGuire. Nous finan- çons donc des tables de concerta- ment même, de tous les honneurs que j’ai reçus, celui qui tion depuis près de vingt ans, m’a le plus touchée!» afin de réunir les divers interve- nants pour qu’ils s’entendent sur CLAUDE LAFLEUR l’un ou l’autre des quatre les priorités de leur quartier. La champs d’activité — écono- table réunit ceux qui possèdent ela m’a même mique, social, culturel et une partie de la solution, ce qui surprise, se scientifique. Il y a ensuite un a déjà tout un impact.» « souvient Mi- petit groupe qui se réunit chèle Thibo- pour établir une courte liste 2011 sera deau-DeGuire, — trois ou quatre noms par une bonne année nomméeC «Grande Montréalai- secteur d’activité. Cette cour- Malgré la crise économique se» en 2001, et j’ai cherché à te liste est ensuite soumise à qui sévit depuis 2008, Centraide comprendre pourquoi cet hon- la considération des anciens. n’en ressent aucunement d’ef- neur m’a touchée à ce point.» Ce «Je participe donc tous les ans fets négatifs lors de ses col- serait le fait que cette distinc- au choix des nouveaux Grands lectes de fonds, rapporte la di- tion est décernée par «des gens Montréalais», indique Mme rectrice. «Dans les dernières an- qui sont proches de vous, qui Thibodeau-DeGuire. nées, dit-elle, nous avons obtenu vous connaissent donc réelle- Il s’agit, notons-le, d’un hon- des augmentations de dons qui ment bien, dit-elle. J’ai donc res- neur intrinsèque qui ne com- avoisinent 1 %. Cette année, senti une grande excitation.» porte aucune bourse, ni ru- nous nous attendons même à Elle rapporte qu’elle n’a pas ban, ni autre marque tangible. MIGUEL MEDINA AGENCE FRANCE-PRESSE une campagne historique… On été la seule à ressentir une telle «Cela ne donne aucun privilè- La stratégie de Centraide, rapporte sa directrice, consiste par exemple à inviter les personnes a des chances d’atteindre 7 % joie, puisque la grande comé- ge, à part le fait que les gens démunies à participer à des cuisines collectives, au lieu de leur donner des sacs de provisions. d’augmentation!» dienne Huguette Oligny a parti- vous reconnaissent à l’occasion Elle rapporte que la collecte culièrement apprécié de se voir comme Grand Montréalais», moi qu’on honorait que fants, des familles et des jeunes — si et en mettant en commun de fonds pour 2011 progresse elle aussi désignée «Grande rapporte Michèle Thibodeau- Centraide…» puisque, si on veut briser ce cycle, leurs ressources, non seulement extrêmement bien «grâce aux Montréalaise» quelques années DeGuire. En outre, lorsque je il faut commencer par là.» ces personnes auront-elles la fier- stratégies mises en place, in- plus tard. «Ç’a été pour elle une suis invitée à la table d’hon- Et si on éliminait «Ça fait déjà des années qu’on té de faire elles-mêmes leurs re- dique Mme Thibodeau-DeGui- consécration, relate Mme Thi- neur d’un dîner organisé par la la pauvreté en deux investit de la sorte et, l’an passé, pas, mais elles vont en plus se re. Il faut dire que les deux copré- bodeau-DeGuire. C’est fou, mais Chambre de commerce, on me générations ? c’étaient plus de 40 % de tous nos faire des amies autour de la sidents de la campagne de finan- c’est comme cela!» présente alors comme l’un des Chaque année, Centraide re- investissements, poursuit-elle. Et table… Des amies avec qui elles cement — Pierre Beaudoin et Grands Montréalais… C’est un cueille une cinquantaine de on veut investir encore plus mas- pourront échanger des services Heather Munroe-Blum — n’ont Un « club sélect » petit clin d’œil qui fait vrai- millions de dollars auprès des sivement dans ce domaine, puis- de garde d’enfants, par exemple. rien laissé au hasard et qu’ils ont Désormais, toutes deux ment plaisir!» entreprises, des travailleurs et qu’on espère que, dans une ou On encourage ainsi le développe- recruté une équipe du tonnerre!» font partie de l’Académie des La p.-d.g. de Centraide se de la population en général afin deux générations, nous aurons ment de réseaux entre les gens Elle observe enfin que «c’est Grands Montréalais, qui, fait fort de souligner qu’en vé- de soutenir concrètement une brisé le cycle de la pauvreté. On d’un même quartier, leur per- sûr que d’avoir été nommée chaque année, sélectionne les rité, si elle s’est vu attribuer foule d’organismes sociaux et est ambitieux, n’est-ce pas?! Mais mettant de se créer en quelque «Grande Montréalaise» a été une nouveaux membres — d’où le cet honneur, c’est avant tout communautaires. on a l’impression d’avoir déjà sorte une “famille” — des oncles, belle reconnaissance pour tout le fait que ces derniers sont en raison de l’œuvre que «L’argent que nous amassons, fait un gros bout de chemin…» des tantes, des grands-pères…» travail accompli par l’équipe de choisis par des gens qui les poursuit son organisme dans précise la p.-d.g., nous le redistri- La stratégie de Centraide, De surcroît, Centraide en- Centraide. C’était bel et bien une connaissent bien. «Ce sont les la collectivité montréalaise. buons à des organismes et à des rapporte sa directrice, consiste courage le développement du reconnaissance envers l’organis- anciens qui choisissent les nou- «En 2001, ça faisait déjà dix projets de concertation. Le plus par exemple à inviter les per- réseau des intervenants au sein me, et non envers moi personnel- veaux Grands Montréalais», ans que j’étais à Centraide, dit- gros de nos sous servent à briser sonnes démunies à participer à de chaque quartier par l’entre- lement, et c’est à ce titre que je confirme-t-elle. Tous les «an- elle, et c’est pour cela que j’ai le cycle de la pauvreté au moyen des cuisines collectives, au lieu mise de tables de concertation. l’ai accepté avec grande fierté.» ciens» peuvent d’ailleurs sou- été désignée «Grande Montréa- d’investissements dans les quar- de leur donner des sacs de pro- «Dans 29 quartiers de l’île de mettre des candidatures dans laise». En fait, ce n’est pas tant tiers pauvres — auprès des en- visions. «En se rassemblant ain- Montréal, on investit pour que la Collaborateur du Devoir C 2 LE DEVOIR, LE MERCREDI 16 NOVEMBRE 2011 GRANDS MONTRÉALAIS

Grands Montréalais La Chambre entend mettre davantage en relief la valeur des membres de son académie Les Aldo Bensadoun, Frédéric Back, Pierre Fortin et Sid Stevens deviennent les derniers académiciens en titre

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain une transition qui s’est opérée maintien à Montréal des pro- (CCMM) rend hommage chaque année à quatre citoyens possiblement sur une trentaine duits boursiers dérivés.» d’années, pendant laquelle les exemplaires. Encore une fois, les quatre Grands Montréalais Québécois avaient de la difficulté Sid Stevens, volet social de 2011 ont été désignés par leurs prédécesseurs dans les à comprendre la chose écono- et Jeunesse au soleil secteurs économique, culturel, scientifique et social. Michel mique et percevaient que les éco- Sid Stevens apparaît comme Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre, sa- nomistes parlaient un langage un homme moins bien connu inaccessible; sans doute se pen- que le mouvement Jeunesse au lue ces personnalités et dégage des traits marquants des do- chaient-ils sur des phénomènes soleil, dont il fut l’instigateur et maines où elles se sont respectivement illustrées. difficiles à comprendre et à expli- dont il demeure le vice-prési- quer, alors que Pierre Fortin les dent exécutif. Le président de RÉGINALD HARVEY sont exemplaires.» M. Bensa- a rendus accessibles et faciles à la Chambre en convient: «C’est doun demeure toujours engagé assimiler. Il y a souvent des poli- un peu à l’image de Frédéric ichel Leblanc insiste pour dans les activités quotidiennes ticiens qui s’en sont inspirés et Back et cela témoigne de l’humi- M dire que la CCMM en- de son entreprise. qui se sont référés à lui.» lité que peuvent avoir des indivi- tend à l’avenir déployer encore Au sujet du Montréal écono- Il souligne son apport histo- dus qui ont un grand impact.» plus d’efforts pour faire valoir mique, il tient ces propos: rique: «Il a travaillé sur l’éco- «Dans son cas, il faut com- le caractère d’exemplarité des «Dans son cas à lui, ce qui est nomie publique, les politiques prendre que c’est un Montréa- lauréats: «Cette aventure des majeur, c’est qu’il s’agit d’un monétaires et budgétaires, dans lais qui, à l’âge de 14 ans, en Grands Montréalais remonte à commerce de détail reposant sur un contexte où on a connu, il y 1954, crée un organisme de 1978 et en est donc à sa 33e pré- un produit de niche dont la de- a de cela 15 à 20 ans, l’objectif sport et de loisir pour les jeunes sentation. Il est très important de mande est forte, notamment de l’élimination du déficit; ses qui va devenir ce qu’est aujour- dire que ces gens ne sont pas sé- dans les pays en émergence. Il est interventions étaient celles d’un d’hui Jeunesse au soleil; il des- lectionnés par la Chambre.» Ils donc intéressant de constater, précurseur, elles étaient très sert maintenant 300 000 Mont- ont été réunis, au fil du temps, pour quiconque se rend dans ces pertinentes et elles le demeu- réalais à travers sa banque ali- au sein de l’Académie des endroits-là, qu’il y a une classe rent aujourd’hui, au moment mentaire et vestimentaire, ses Grands Montréalais, dont les moyenne qui est elle aussi émer- où on tente de rétablir l’équi- services d’urgence en cas d’in- membres sont appelés à voter gente et qui désire se procurer libre budgétaire.» cendie, ses installations récréa- pour les personnes qui vont des produits tels que ceux fabri- Et qu’en est-il des dossiers de tives et ses camps d’été pour les joindre annuellement leurs qués par Aldo.» Le Montréal SOURCE CHAMBRE DE COMMERCE DU MONTRÉAL MÉTROPOLITAIN l’heure dans ce secteur scienti- jeunes.» De cet engagement rangs: «La barre est donc placée économique sort gagnant d’une Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre fique? «Pierre Fortin incarne précoce, il puise cette ré- très haut et il n’y a aucun intérêt telle réalité d’affaires. nos universités au moment où flexion: «Il y a là un premier autre que de reconnaître de cette des étudiants sont contre le dé- message qui montre à quel point façon-là leur grande valeur.» Frédéric Back, cinéaste qui a enseigné à l’École du sur le plan universel.» plafonnement des droits de scola- on peut commencer jeune à être Le président commence par meuble et à l’École des beaux- Il se tourne vers le grand rité et où il existe une mobilisa- un entrepreneur social. La Aldo Bensadoun, se montrer surpris du fait que arts de Montréal; il a créé des dossier qui ressort sur la scène tion forte au Québec en faveur deuxième observation, c’est que homme d’affaires le gagnant de deux Oscar ne décors à Radio-Canada et il a culturelle: «C’est de finir ce de ces établissements pour faire cet homme s’est engagé politi- Après avoir expliqué en dé- soit devenu un Grand Montréa- réalisé des œuvres publiques, qu’on a entrepris du côté du en sorte qu’ils soient bien outillés quement; il a été élu au conseil tail la procédure suivie, il en- lais qu’en 2011: «C’est étonnant dont celle qui orne la station de Quartier des spectacles. Une des et financés.» Il est directement municipal de la Ville de Mont- chaîne avec cette appréciation à et cela témoigne du fait que des métro Place-des-Arts. Voilà quel- caractéristiques de Montréal à issu de l’UQAM, où il a pu tra- réal en 1978, ce qui témoigne de l’endroit d’Aldo Bensadoun, le gens peuvent poser des gestes qu’un qui a un profil artistique travers les âges, c’est d’avoir sou- vailler dans un univers doté des la valeur de son engagement po- lauréat 2011 du secteur écono- marquants sans qu’on leur rende très vaste, ce que plusieurs igno- vent lancé des projets qu’on n’a ressources nécessaires à l’ac- litique au moment où un cer- mique: «Il est assez exceptionnel pleinement justice. Monsieur rent, tout en sachant qu’il a rem- pas toujours achevés. Dans ce complissement de son travail. tain cynisme prévaut présente- de voir que cet immigrant a Back est un grand humble: porté à deux reprises un Oscar; à cas-ci, il s’agit à la fois d’un pro- Sur un autre plan, il y a le ment à cet égard.» construit au Québec une entre- quand on l’a appelé pour lui an- l’entrée de l’Exposition universel- jet d’aménagement urbain et Montréal financier aussi incar- Sous quel angle la Chambre prise qui est extrêmement puis- noncer qu’il allait recevoir le le de Shanghai, en 2010, figurait d’un outil culturel extrêmement né par cet homme: «Il y a les regarde-t-elle le secteur social? sante et qui, de plus, rayonne à prix, il a demandé si vraiment il même une mosaïculture repré- dynamique.» services financiers, et là il ne «C’est l’une des forces de Mont- l’extérieur. D’origine plutôt mo- devait l’accepter.» sentant L’homme qui plantait faut pas perdre de vue, au sujet réal. La collectivité montréalaise deste, à titre de petit-fils d’un cor- Il lui rend cet hommage: des arbres.» Pierre Fortin, scientifique de ceux-ci, que durant les 30 der- possède un entrepreneuriat so- donnier, il a puisé dans son vécu «C’est un autre immigrant, qui, Il ajoute: «C’est dire la portée et économiste nières années il y a eu fragilisa- cial extrêmement vigoureux; il familial une compétence qu’il a de son côté, est né de parents al- internationale de son travail. Si je Michel Leblanc se félicite du tion. On veut renforcer ce secteur existe une volonté de développer développée en créant Aldo en saciens et qui est arrivé à Mont- devais recourir au mot qui a fait choix de Pierre Fortin par des finances et il y a une grappe des organisations proches des be- 1972; cette firme compte mainte- réal en 1948. Dans une période en sorte que les membres de l’Aca- l’Académie: «La beauté de cette qui s’est mise sur pied dans ce soins du citoyen qui peuvent par- nant plus de mille magasins, où on se questionne sur nos ni- démie l’ont honoré, je dirais “ins- nomination, c’est d’avoir identi- sens-là; il y a une mobilisation fois satisfaire ceux-ci beaucoup dont six bannières. Il possède une veaux d’immigration, il figure piration”; il a inspiré les jeunes et fié quelqu’un qui a fait avancer contre la création d’une agence mieux que l’État.» stratégie de pénétration des mar- comme un très bon exemple à ci- les créateurs, il a fourni un apport la pensée populaire au Québec de réglementation unique pour chés et un modèle d’affaires qui ter. Il est un homme de métier exceptionnel tant au Québec que sur l’économie. Il s’est produit là le Canada et une autre pour le Collaborateur du Devoir

Académie des Grands Montréalais Après les Chiriaeff et autres Jean Drapeau Elles seront ce soir 118, ces personnalités dont l’apport à la vie montréalaise aura été remarqué

ls étaient 20 en 1978: ce fu- I rent les premiers membres 2003 nommés à la future Académie Serge Godin des Grands Montréalais. Le Yves Lamontagne CN avait en effet inauguré un Huguette Oligny gala où on soulignait l’apport Charles Taylor de personnalités exception- nelles qui avaient permis, au 2004 fil des ans, à la métropole Denis Brott québécoise de devenir ce André Chagnon qu’elle était. En 1984, la Chambre de Daniel Langlois commerce du Montréal mé- tropolitain et le CN se sont 2005 associés pour assurer la sur- Paul Desmarais fils vie de l’événement. En 1988, Margaret Lock l’Académie prend son envol Henry Mintzberg et, par la suite, chaque an- Alain Simard née, quatre personnalités, provenant de quatre secteurs 2006 d’activité, soit le scientifique, Robert Charlebois le culturel, l’économique et Pavel Hamet le social, s’ajoutent à ce Jocelyne Monty noble aréopage à la suite des Henri-Paul Rousseau CHRISTINNE MUSCHI REUTERS votes déposés par les anciens JACQUES GRENIER LE DEVOIR académiciens. L’homme d’affaires et pharmacien Jean Coutu s’est hissé dans l’Académie des Grands Montréalais en 1992. Le romancier Michel 2007 En 2011, dès ce soir, après la Trembay était parmi les premiers à recevoir les honneurs, en 1978. Denise Filiatrault réception qui se tient au Centre Paul Gérin-Lajoie d’événements Wave de la rue Harry J. Stern (1897-1984) 1986 J. V. Raymond Cyr Jacques Lamarre Saint-Patrick, elles seront alors Michel Tremblay Jean Béliveau Antonine Maillet 1998 Hubert Reeves 118, ces personnalités qui au- Jeanne Sauvé (1922-1993) Daniel Gauthier ront reçu un tel hommage, avec 1979 Paul Paré (1922-1996) Alexander Kennedy Paterson 2008 en retour la responsabilité qui Michel Bélanger (-1997) 1992 Paul M. Tellier Peter Howlett en découle. 1987 Jean Coutu Rémi Marcoux 1980 A. de Grandpré John P. Humphrey (1905-1994) 1999 Heather Munroe-Blum 1978 Thérèse Casgrain (1896-1981) Jean Duceppe (1923-1990) Robert Lapalme (1908-1997) Francesco Bellini Denise Robert Iole Appugliese (1912-1971) Roger Gaudry (1914-2001) Pierre Béique (1910-2003) 1981 1993 Albert Millaire 2009 Gilles Carle (1929-2009) (1919-1999) 1988 Alexander Brott (1915-2005) Lise Bissonnette Ludmilla Chiriaeff (1924-1996) David M. Culver Jeannine Guindon (1920-2002) 2000 Sœur Nicole Fournier Camille A. Dagenais 1982 Père Marcel de la Sablonnière Eugene N. Riesman L. Jacques Ménard Pierre Dansereau (1911-2011) Charles Bronfman, Charles Du- (1918-1999) Andrée Lachapelle Balfour M. Mount Jean Drapeau (1916-1999) toit Maryvonne Kendergi 1994 Jean C. Monty Jean-V. Dufresne (2000) Charles Daudelin (1920-2001) Maurice Richard (1921-2000) 2010 Gérard Fauteux (1900-1980) 1984 1989 Maurice L’Abbé (-2006) Yvon Deschamps (1904-1991) Paul Desmarais Laurent Beaudoin Pierre Péladeau (1925-1997) 2001 Hélène Desmarais Alphonsine Howlett (1913- Phyllis Lambert Gratien Gélinas (1909-1999) Jacques Bougie Gilles Julien 1992) Pierre-Elliott Trudeau (1919- Liliane M. Stewart 1995-1996 Guy Laliberté Claude Montmarquette André Langevin 2000) Gretta Chambers Charles R. Scriver Guy R. Legault 1990 Arlette Cousture Michèle Thibodeau-Deguire 2011 Iona Monahan (-2006) 1985 Denys Arcand Serge Saucier Frédéric Back J. Alphonse Ouimet (1908- Yvette Brind’Amour (1921- Claude Castonguay 2002 Aldo Bensadoun 1988) 1992) Sœur Denise Lefebvre (1907- 1997 André Caillé Pierre Fortin Alfred Pellan (1906-1988) Bernard Lamarre 1993) André Bérard Emmett Johns Sid Stevens Gérard Plourde (-2004) Cardinal Paul-Émile Léger Alan B. Gold (-2005) Robert Lacroix Sam Pollock (-2007) (1904-1991) 1991 Gilles Lefebvre (1922-2001) Dominique Michel Le Devoir LE DEVOIR, LE MERCREDI 16 NOVEMBRE 2011 C 3 GRANDS MONTRÉALAIS

Secteur social Sid Stevens avait 13 ans quand il a publié le Clark Street Sun «Je crois qu’on trouve le vrai bonheur en donnant» Sid Stevens, vice-président d’enlèvement ou de meurtre. quitter la cordonnerie parce que nous encourageaient beaucoup», exécutif et cofondateur de «C’est rendu provincial. Ça fonc- nous étions devenus trop gros, af- indique M. Stevens. Jeunesse au soleil, devient tionne bien. Nous avons com- firme M. Stevens. Nous avions Lorsque l’organisme est dé- mencé en 1991, et, sur 54 cas, de la difficulté à payer nos fac- ménagé en 1981 dans ses locaux Grand Montréalais pour le 21 ont été résolus», se réjouit Sid tures. Nous n’avions pas de place actuels, ce fut encore une fois secteur social en 2011. Stevens. où aller et nous avons failli fer- grâce à l’aide de Jean Drapeau. Jeunesse au soleil a aussi mer! En 1967, Jean Drapeau, le MARTINE LETARTE développé récemment un pro- maire de Montréal à l’époque, Toujours plus de besoins gramme pour aider les fa- nous a donné accès à un im- Aujourd’hui, Sid Stevens croit orsqu’il a lancé un journal de milles québécoises qui ont un meuble situé avenue du Parc. Il que la pauvreté demeure le L quartier dans la cuisine de enfant malade à Sainte-Justine croyait en nous.» grand problème à Montréal. ses parents en 1954, Sid Stevens et à l’Hôpital de Montréal pour Ce dont Sid Stevens est le «C’est encore pire qu’avant, préci- était loin de se douter qu’il amor- enfants. plus fier, c’est que Jeunesse au se-t-il. Nous avons 2000 familles çait alors une grande carrière soleil a réussi à convaincre la par mois qui utilisent notre dans le milieu communautaire. Un journal de quartier Ville de Montréal d’acheter des banque alimentaire. Ce sont 450 Et, 57 ans plus tard, l’organisme Avec ces initiatives à grande autobus pour accueillir les vic- de plus qu’il y a deux ans. Une qu’il a cofondé, devenu Jeunesse portée, on est bien loin de times d’incendie. personne sur cinq qui en bénéficie au soleil, touche près de 300 000 l’époque où Sid Stevens a lancé «Au départ, nous louions les est âgée de moins de cinq ans.» Montréalais ainsi que le journal Clark Street autobus nous-mêmes, mais Quel est son conseil pour de nombreux Québé- La fierté de Sun avec un ami, Earl c’était très dispendieux et il y améliorer la situation? «Les gou- cois ailleurs dans la De La Parralle, au- avait plusieurs incendies dans le vernements fédéral, provincial et province. Sid Stevens, jourd’hui directeur gé- quartier. L’achat des autobus en municipal et les groupes commu- L’édifice de Jeunes- néral de Jeunesse au 1970 a permis d’aider des mil- nautaires doivent travailler dans se au soleil, rue c’est que soleil. liers de personnes dans la ville, le même sens. Il doit y avoir une Saint-Urbain à Mont- Jeunesse «J’avais 13 ans. On et ça dure toujours.» meilleure communication. Je réal, fourmillait de écrivait le journal à Le Service de police de la Vil- trouve aussi qu’on ne fait pas as- gens lorsque Le au soleil la main. C’était un le de Montréal (SPVM) a égale- sez confiance aux jeunes. Seule- Devoir s’y est rendu passe-temps. Ça nous ment toujours été un grand allié ment 5 % causent des problèmes, pour rencontrer Sid ait réussi gardait occupés et de Jeunesse au soleil. «Jacques mais c’est seulement d’eux qu’on Stevens. Plusieurs loin du trouble. Nous Duchesneau (auparavant au parle. Il faut encourager et soute- venaient s’inscrire à convaincre vendions le journal SPVM) était notre meilleur ami! nir davantage les jeunes», affir- pour obtenir un pa- la Ville aux familles pour Il nous envoyait même des me M. Stevens qui, à 71 ans, est nier de Noël. Chaque deux sous. Avec les jeunes pour voir si on pouvait toujours engagé dans l’organisa- année, l’organisme d’acheter des profits, nous louions faire quelque chose avec eux tion, sans toutefois la diriger au en donne environ le gymnase d’une éco- SOURCE CHAMBRE DE COMMERCE DU MONTRÉAL MÉTROPOLITAIN avant de les emmener en cour. quotidien comme auparavant. 18 000 à des gens autobus pour le pour faire du sport. Sid Stevens est vice-président exécutif et cofondateur de Les policiers nous ont donné aus- Il a d’ailleurs de bonnes chances dans le besoin. Nos parents n’avaient Jeunesse au soleil. si beaucoup d’équipement spor- de continuer à être fort occupé Avec ses 68 em- accueillir pas les moyens de tif. Certains ont même été en- pendant les prochains mois. ployés permanents et les victimes nous inscrire à des conte M. Stevens. Nous vi- nous-mêmes en aidant les autres. traîneurs pour les jeunes», se «Nous négocions avec la Ville sa centaine d’étu- centres sportifs», affir- vions dans un quartier où il y Puis, je crois qu’on trouve le vrai souvient M. Stevens. de Montréal, le gouvernement diants pendant l’été, d’incendie me M. Stevens en avait beaucoup de pauvreté. bonheur en donnant», affirme Plusieurs personnalités du du Québec et la Commission sco- l’organisme offre une brandissant quelques Bien des gens qui faisaient du M. Stevens. monde politique et du monde laire de Montréal pour que Jeu- foule de services d’urgence aux exemplaires du journal datant sport avec nous n’avaient pas sportif ont aussi participé aux nesse au soleil devienne proprié- familles et agit pour la préven- des années 50. beaucoup de nourriture sur la De nombreux appuis banquets organisés pour finan- taire de l’édifice, indique M. Ste- tion du crime. Jeunesse au so- Le groupe de jeunes s’est éta- table. Certains avaient des pro- importants cer Jeunesse au soleil. vens. Nous espérons y arriver leil organise également diffé- bli dans l’arrière-boutique blèmes avec la justice. Nous Assurer la survie de Jeunesse «Drapeau venait, bien sûr. On d’ici six à douze mois. Nous vou- rentes activités sportives et des d’une cordonnerie. Le journal avons rapidement mis sur pied au soleil n’a pas toujours été fa- a aussi vu Maurice Richard et lons ensuite le rénover complète- colonies de vacances pour les est devenu de plus en plus po- un groupe pour les aider. C’est cile pour ses fondateurs. Le sou- Jean Béliveau. Tous les premiers ment. Il en a besoin. C’est notre enfants dans les Laurentides. pulaire. Les jeunes allaient voir vraiment un centre commu- tien de plusieurs acteurs impor- ministres du Québec venaient, objectif principal pour les pro- En ce moment, l’équipe est les commerçants pour leur nautaire que nous avons créé.» tants de la société a été crucial. mais aussi des premiers mi- chaines années.» bien occupée avec la gestion vendre de la publicité. Pourquoi avoir fait tout cela? «Le moment le plus difficile est nistres du Canada: Pearson, des récompenses dans des cas «Ils nous encourageaient, ra- «Au départ, nous nous aidions survenu lorsque nous avons dû Trudeau, Chrétien. Ces gens Collaboratrice du Devoir C 4 LE DEVOIR, LE MERCREDI 16 NOVEMBRE 2011 GRANDS MONTRÉALAIS

Secteur scientifique Pierre Fortin est un «agent double» économique «Je maintiens qu’il est à la fois possible d’être lucide et solidaire»

Nommé Grand Montréalais 2011 dans le secteur scientifique, l’économiste Pierre Fortin s’est fait connaître par la pertinence de ses travaux, mais aussi par ses nombreuses interventions sur la place publique. C’est d’ailleurs grâce à ces dernières, croit-il, que cet honneur lui échoit.

PIERRE VALLÉE ries économiques servirent de tin s’est penché tout au long de fondement au New Deal de sa carrière est trop élevé pour ai été très surpris de rece- Roosevelt. «Keynes croyait dans en dresser une liste. Une «J’ voir cet honneur, raconte- le capitalisme parce qu’il est fon- constante, toutefois, se dégage. t-il, surtout si je me compare aux dé sur le droit, la démocratie et Plusieurs des questions aux- trois autres lauréats, qui, à mes la liberté fondamentale. Mais il quelles il s’est intéressé sont le yeux, sont des géants. Et je ne en connaissait aussi les excès, fruit du hasard. «Par exemple, je crois pas que ce sont mes travaux comme la pauvreté et les inégali- me suis penché sur la relation de recherche qui me valent cette tés. Il pensait donc qu’il fallait entre la hauteur du salaire mini- reconnaissance, mais plutôt le une intervention de l’État afin de mum et son effet sur la création fait que je suis un universitaire corriger les effets négatifs du ca- du chômage. Mais c’est à la de- qui a pris la parole hors des pitalisme. Au fond, c’est ce qu’est mande du gouvernement Lé- cercles universitaires. Je crois que la social-démocratie, et je me vesque que j’ai réalisé cette étude. le point de vue universitaire est considère comme un social-dé- Et je l’ai mise à jour à la deman- utile pour la prise de positions po- mocrate. Les questions écono- de du gouvernement Bouchard.» litiques.» En effet, tout au long miques ne peuvent pas être à C’est un autre hasard — ici, de sa carrière, Pierre Fortin a l’écart des questions sociales.» la rencontre avec un collègue maintes fois participé à des co- Bien qu’il ne partage pas les — qui l’a mis sur la piste de l’in- mités de recherche et mené des opinions politiques de l’écono- flation et de la cible inflationnis- études qui ont servi à éclairer miste français Maurice Allais, il te que devraient viser les plusieurs lanternes. Il est un ha- est d’accord avec sa démarche banques centrales. Sa re- bitué des émissions d’affaires scientifique. «Allais en avait cherche, basée sur les statis- publiques et tient une chro- contre les constructions écono- tiques provenant des conven- nique économique depuis dix miques abstraites érigées loin des tions collectives, a révélé que ans dans la revue L’Actualité. réalités. Il a rappelé que la scien- les travailleurs sont en désac- C’est d’ailleurs par le biais du ce économique est une science du cord avec toute baisse absolue journalisme que Pierre Fortin comportement humain et donc de leur rémunération, peu im- est venu à l’économie, lui qui se une science de l’homme.» porte le taux d’inflation. destinait plutôt à une carrière «Prenons la situation suivan- en mathématiques. «Lorsque L’agent double te: un taux d’inflation de 10 % j’étais étudiant en mathéma- Plusieurs s’interrogent quant à qui s’accompagne d’une hausse tiques à l’Université Laval, on savoir à quelle enseigne loge du salaire annuel de 10 %. Si m’a demandé de collaborer au Pierre Fortin. Est-il de droite ou une entreprise en difficulté de- journal étudiant. Cela m’a per- de gauche? «Pour les gens de la mande à ses travailleurs d’accep- mis de m’ouvrir aux questions gauche, je suis de droite, et pour les ter, pour l’année suivante seule- sociales et surtout aux questions gens de la droite, je suis de gauche. ment, une hausse de salaire de économiques.» C’est à la même C’est la raison pour laquelle je me 5 %, les travailleurs, règle géné- époque qu’il rencontre sa fem- qualifie d’agent double.» rale, accepteront. Par contre, si me, Michèle. «Au fond, j’ai ma- Cette position lui permet de le taux d’inflation est de 0 % et rié les deux, Michèle et l’écono- nuancer ses propos. «Prenons que la même entreprise en diffi- mie, au même moment.» la question de la création de la culté demande à ses travailleurs Il obtient ensuite son docto- richesse et celle de sa redistribu- d’accepter, pour l’année suivan- rat en économie à l’Université tion. Pour les gens de droite, il te, une baisse de salaire de 5 %, de la Californie à Berkeley. De n’y a que la croissance écono- ceux-ci refuseront. Pourtant, retour au Québec, il entreprend mique qui compte. Et pour les dans les deux cas, il s’agit exacte- une carrière de professeur à gens de gauche, il n’y a que la re- ment de la même baisse du pou- l’Université Laval et à l’Univer- distribution de la richesse qui voir d’achat, soit 5 %.» C’est ce sité de Montréal. C’est en 1988 compte. Mais l’un ne contredit qu’on appelle une illusion mo- SOURCE CHAMBRE DE COMMERCE DU MONTRÉAL MÉTROPOLITAIN qu’il accepte un poste à pas l’autre et on peut travailler nétaire, impensable pour bon C’est par le biais du journalisme que Pierre Fortin est venu à l’économie, lui qui se destinait plutôt l’UQAM et qu’il s’installe défini- sur les deux plans. Je maintiens nombre d’économistes. C’est ce à une carrière en mathématiques. tivement dans la métropole. qu’il est à la fois possible d’être qui l’a amené à proposer que lucide et solidaire.» les banques centrales acceptent mettre en question. «J’ai com- Québécois de trente ans ou Quel sera le prochain champ Keynes et Allais une cible d’inflation plus élevée. muniqué avec François Le- moins qui ont le plus haut taux d’intérêt de Pierre Fortin? Ga- Deux économistes ont inspi- Au fil de la vie Sa dernière sortie porte sur gault pour lui faire part d’une de diplomation collégiale et geons que l’actualité et la vie se ré Pierre Fortin. Il y a d’abord et du hasard l’utilité des cégeps, à l’heure étude que j’ai menée sur les cé- universitaire au Canada, no- chargeront de lui en fournir un. John Maynard Keynes, cet éco- Le nombre de sujets écono- où certains, comme François geps et qui démontre, chiffres à tamment grâce à la présence nomiste anglais dont les théo- miques sur lesquels Pierre For- Legault, proposent de les re- l’appui, que ce sont les jeunes des cégeps.» Collaborateur du Devoir

Forum jeunesse de l’île de Montréal Rajeunir Montréal, un projet à la fois Les «jeunes» aussi ont à cœur l’avenir de la métropole québécoise

Porter la voix des jeunes de l’île de Montréal auprès des déci- On comprend qu’on vit dans un nistration de la société de trans- monde où les ressources sont li- port, le FJIM vient de perdre deurs locaux, mais surtout leur permettre de concrétiser leurs mitées, mais quand on parle de son siège au conseil exécutif de idées, souvent «novatrices» et «rafraîchissantes». Voilà le man- ressources pour des projets de la CRÉ. Il doit maintenant se dat que se sont donné le Forum jeunesse de l’île de Montréal jeunes, on dirait que ça devient contenter d’une place au conseil et son président, Jean Sébastien Dufresne, qui croit que Mont- plus limité…» d’administration. Voilà la preuve que rien n’est gagné d’avance. réal aurait avantage à accorder plus de place à ses jeunes, Un engagement «C’est également important de avant qu’ils ne désertent la grande ville pour les banlieues. «essentiel» rajeunir la députation. Et, pour Ce lauréat du prix de la per- qu’on ait plus de représentants KARL RETTINO- concertation de la Conférence sonnalité par excellence du gala politiques qui sont jeunes, il faut PARAZELLI régionale des élus de Montréal Forces avenir 2008 croit néan- que les partis politiques munici- (CRÉ), le FJIM porte la voix des moins que l’engagement ci- paux reconnaissent que cet enjeu rborant une chemise recou- jeunes lors de consultations ou toyen des jeunes, à petite ou à est prioritaire. […] Le travail Averte d’un gilet sans de rencontres avec les élus, mais grande échelle, est non seule- doit donc se faire dans les deux manche, une tasse d’espresso à son rôle est «surtout d’encoura- ment important, mais qu’il est sens: des jeunes vers les décideurs la main, Jean Sébastien Dufres- ger des projets qui n’auraient pas essentiel. «Nous pensons que, et des décideurs vers les jeunes», ne ne correspond pas tout à fait pu voir le jour sans l’appui finan- lorsque les jeunes contribuent au résume le président du FJIM. à l’image qu’on se fait générale- cier et la reconnaissance des développement de leur collectivi- Le problème provient, selon ment d’un «jeune» Montréalais. jeunes du forum», précise-t-il. té, ils s’approprient leur environ- lui, d’une certaine méconnais- C’est pourtant lui qui préside Chaque année, le gouverne- nement, puis ils veulent y demeu- sance des jeunes. «On entend pour une deuxième année ment du Québec, par l’entremi- rer et s’y ancrer.» souvent dire dans les médias que consécutive le Forum jeunesse se du Secrétariat à la jeunesse, Selon lui, le fait que de plus en les jeunes participent peu, votent de l’île de Montréal accorde 1,5 million au plus de jeunes décident de quit- peu, sont peu intéressés par la (FJIM), un organisme FJIM, une somme ter Montréal après leurs études politique. Nous, on dit: “Au qui représente plus de «Notre que les 26 élus de l’or- pour s’installer en banlieue est contraire!” Les jeunes ne sont 500 groupes jeunesse vision de ganisme octroient à un enjeu primordial pour l’ave- pas cyniques, ils transposent sim- de la région. des projets soumis nir de Montréal. «Plus il y aura plement leurs préoccupations de C’est que, à 29 ans, Montréal, par des jeunes sur le de jeunes qui vont s’installer dans manière différente. Et pas néces- M. Dufresne est encore territoire montréalais. les banlieues mais qui vont tout sairement à travers les canaux un jeune aux yeux du c’est une «C’est un comité de de même prendre leur voiture traditionnels que sont les partis FJIM. Il défend donc jeunes élu par des pour travailler à Montréal, plus politiques», observe-t-il, en pre- avec passion les intérêts ville où jeunes qui décide des on verra apparaître des coûts so- nant le soin de saluer des initia- et les idées des habi- les jeunes projets qui obtiennent ciaux, économiques et écologiques tives jeunesse comme Généra- tants de l’île de Montréal le financement», un importants», déplore-t-il, souli- tion d’idées, dont le 2e sommet âgés de 12 à 30 ans. Le prennent pouvoir très précieux, gnant au passage le phénomène est d’ailleurs prévu à la fin du forum se décrit comme estime Jean Sébastien de l’étalement urbain. mois de novembre. un espace de «concerta- pleinement Dufresne. En attendant le lancement, en tion» et «d’action» pour la «C’est unique d’avoir Se tailler une place décembre prochain, du Guide de jeunesse, deux mots leur place » cette confiance de l’État Même s’il préfère parler de l’engagement, du FJIM, Jean-Sé- d’ordre que le président qui nous donne ce pou- «défis» plutôt que de «problèmes», bastien Dufresne espère que le s’assure de faire respecter. voir de décider quelles sont les ini- M. Dufresne reconnaît que les travail accompli par les élus du fo- «Notre vision de Montréal, tiatives à encourager et quelles jeunes pourraient être mieux re- rum et les jeunes engagés par- c’est une ville où les jeunes pren- sont nos priorités. Cet appui signi- présentés, notamment au niveau tout sur l’île de Montréal pourra nent pleinement leur place. Non fie qu’on croit à la capacité des SOURCE CHAMBRE DE COMMERCE DU MONTRÉAL MÉTROPOLITAIN municipal. «Il y a un travail de servir d’exemple. «Il faut qu’on ait seulement une ville qu’ils peu- jeunes de pouvoir identifier leurs Jean Sébastien Dufresne est président du Forum jeunesse de l’île sensibilisation politique à faire, des modèles en place pour que la vent s’approprier, mais aussi besoins et les enjeux qui leur tien- de Montréal. mais nous croyons que plus il y société québécoise ait un intérêt à avec laquelle ils peuvent vibrer, nent à cœur.» aura de jeunes dans les instances aller vers les jeunes qui apportent sentir finalement que c’est un en- Au cours de la dernière an- de l’art et de la culture de la relè- budget limité et une forte de- décisionnelles, plus l’apport des quelque chose de différent, de ra- droit où ils peuvent se dévelop- née, par exemple, le FJIM a per- ve ou encore à la présentation de mande, le FJIM se voit dans jeunes va être reconnu et valorisé.» fraîchissant, plutôt que d’en avoir per», explique le jeune homme mis à 14 initiatives locales de voir pistes d’action pour une consom- l’obligation de refuser environ Alors qu’il peut se vanter peur. […] Et tout cela, au bénéfice d’une voix assurée. le jour. Les projets vont du déve- mation plus responsable. 80 % des projets qui lui sont pré- d’avoir convaincu en avril der- des jeunes, bien sûr, mais aussi de loppement de l’autonomie culi- Plusieurs projets sont sub- sentés chaque année. nier la Ville de Montréal et la l’ensemble de la population.» Des projets soutenus naire des adolescents en milieu ventionnés, mais aussi plu- «[Le financement] est un défi STM d’accueillir un représen- En tant qu’organisme de défavorisé à la démocratisation sieurs sont rejetés. Avec son constant, concède M. Dufresne. tant jeunesse au conseil d’admi- Collaborateur du Devoir LE DEVOIR, LE MERCREDI 16 NOVEMBRE 2011 C 5 GRANDS MONTRÉALAIS

Secteur culturel Frédéric Back est aussi un homme qui plante des arbres «Je trouve ça extrêmement malheureux que la finance ait pris autant d’importance à un moment crucial où tous les efforts devraient être déployés pour protéger la Terre»

Frédéric Back a été nommé ment, je n’étais pas trop à côté de la track», rigole-t-il doucement. Grand Montréalais du secteur culturel par la Chambre de Un regret commerce du Montréal mé- «Ce que je regrette, c’est que je suis à peu près le seul qui a fait tropolitain. Le cinéaste d’ani- des films de ce genre. Maintenant, mation, à la filmographie gé- ce sont des films qui datent d’il y a néreuse, engagée et univer- trente ou quarante ans. On les uti- selle qui compte les chefs- lise encore, mais je ne vois rien surgir dans les films d’animation d’œuvre Crac!, L’homme qui qui soit dans ce genre de divertis- plantait des arbres et Le fleu- sement porteur de messages, ve aux grandes eaux, a ac- d’idées, de motivations pour qu’on cueilli Le Devoir, pour l’occa- améliore notre façon d’agir.» Il affiche cette déception sion, dans son appartement alors qu’il considère que, avec du quartier Côte-des-Neiges. les nouvelles technologies dans le domaine du dessin animé, ÉTIENNE «tout est possible». «On est entou- PLAMONDON ÉMOND ré de sujets fantastiques à faire valoir, mais il n’y a personne qui u centre d’une table bon- s’intéresse à ces aspects. On diver- A dée de papiers, de crayons tit. On fait de la belle musique. et de pinceaux trône le dessin On fait de belles images. On fait d’un chêne vert aux teintes cha- rire le monde. On radote aussi toyantes et aux traits fins, sen- sur le passé, sur les choses imma- sibles, poétiques. Frédéric térielles et irréelles qu’on imagi- Back, la tête penchée sur son ne. Mais on est dans une réalité illustration inachevée, lâche, en qui a besoin d’être défendue et artiste éternellement insatisfait protégée. Et ça, malheureuse- de lui-même: «Ce n’est pas très ment, je ne vois rien qui prend beau.» Cette image, il la réalise cette forme-là, qui stimule, qui pour la donner en cadeau à un réveille les gens», déplore le ci- Québécois d’origine japonaise néaste qui a consacré son talent qui, à l’âge de sept ans, avait à peindre de façon lumineuse la planté des arbres en sa compa- JACQUES NADEAU LE DEVOIR faune et la flore et à noircir les gnie et qui, le 2 juillet dernier, Aujourd’hui, Frédéric Back a quelque peu rangé ses crayons et ses pinceaux pour dédier ses mains au service de son épouse, illusions du prétendu progrès. fut son interprète lors de l’inau- paralysée depuis près de cinq ans. «Le bonheur, ce n’est pas juste de guration de l’exposition qui lui passer son temps à s’amuser. Le bon- était dédiée au Musée d’art ce que j’ai pu, mais je n’ai cer- sastre nucléaire de Fukushima, dessins, gouaches et études. Un chaise «en métal qui était silen- heur, ça existe dans la mesure où on contemporain de Tokyo. tainement pas fait assez», dit-il dont la cicatrice demeure vive. travail colossal de numérisation cieuse et donc n’avait rien à voit les problèmes autour de nous et Cette rétrospective, qui pour- en riant humblement. Ces illustrations ont été publiées auquel sa fille Süzel s’est consa- dire». Un texte qui inspira le cha- qu’on les règle. Il faut participer au suivra son chemin à Sapporo au à l’intérieur du catalogue de l’ex- crée pendant près de sept ans. leureux court métrage Crac! sauvetage de la planète»,lance-t-il, printemps et à Hiroshima l’an- «Hors de combat» position, à la grande joie de son La même Süzel qui, à l’âge de avec lequel il prévoyait intéres- souhaitant que son œuvre soit née prochaine, l’occupait à tel mais «pas endormi » auteur, qui espère que l’idée fera 10 ans, avait écrit un texte sur la ser les Québécois. Ce film se ré- une «inspiration» en cette point que, lorsqu’on l’a nommé L’homme de 87 ans, la voix son chemin. «Je trouve ça extrê- vieille chaise berçante jetée par véla être un succès international époque qu’il juge «charnière». Grand Montréalais, il assure ne berçante, se dit «rendu au bout mement malheureux que la fi- la famille Back dans un fossé et lui permit de remporter son pas avoir eu «le bon réflexe». du rouleau physiquement». Il a nance ait pris autant d’importan- afin de la remplacer par une premier Oscar en 1982. «Finale- Collaborateur du Devoir «Je regrette un peu d’avoir ac- quelque peu rangé ses crayons ce à un moment crucial où juste- cepté. Il y a d’autres gens qui et ses pinceaux pour dédier ses ment tous les efforts devraient sont souvent dans des situations mains au service de son épou- être déployés pour protéger la Ter- où leur travail n’est pas mis en se, Ghylaine Paquin, paralysée re», s’inquiète l’artiste, pour qui lumière et n’est pas valorisé», dit depuis près de cinq ans. C’est la «négligence à propos du ré- celui qui refuse dorénavant les avec cette Québécoise qu’il chauffement climatique» apparaît mentions. «Et puis, j’en ai eu avait entrepris une correspon- «catastrophique». une grosse tartine de prix», rap- dance, depuis la France, pen- pelle-t-il. Quelques trophées dant plus de deux ans, lorsqu’il Des images qui ont trônent sur les étagères au fond était jeune et curieux de décou- des choses à dire de la pièce, mais la plupart sont vrir les paysages sauvages du Dans un couloir, de nom- entreposés à Radio-Canada, fau- nord de l’Amérique. Débar- breux cadres accrochent diffé- te d’espace. quant à Montréal en 1948, il alla rents hommages crayonnés par Les murs sont plutôt tapissés à la rencontre de cette femme, des cinéastes d’animation aux de reproductions de ses pein- puis s’empressa de la deman- nationalités très diverses. À plu- tures contemplatives colorées der en mariage trois jours plus sieurs reprises, il fut invité à qui brossent des paysages bu- tard. Ce qui se concrétisa l’an- donner des conseils dans des coliques. «J’ai été comblé de pou- née suivante, et il s’installa alors studios d’animation à Paris, To- voir m’exprimer librement, de ici pour de bon. kyo et Los Angeles. «Ce qui pouvoir faire des films qui voya- «J’essaie de lui rendre un peu m’étonne, c’est que mes films gent autour de la planète. Il y a ce qu’elle m’a donné pendant tou- étaient appréciés non seulement des millions d’arbres qui sont te sa vie», souffle-t-il. Après un pour le message, mais aussi pour plantés chaque année grâce à bref silence, il poursuit: «Ma rai- la façon dont je les ai faits. Je L’homme qui plantait des son de vivre, c’est surtout de l’ac- n’ai jamais voulu présenter un arbres. Des gens ont trouvé leur compagner le plus longtemps pos- style de dessin. J’ai utilisé sponta- vocation, un but dans la vie, en sible. C’est important de la soute- nément ce qui me semblait être regardant ces films ou ces des- nir, pour le moral et pour donner le moyen le plus rapide pour réa- sins. Ça vaut bien plus que des un sens à cette vie qui est un peu liser ces films.» prix», exprime-t-il de son timbre l’antichambre de la mort.» Des écoles en Italie, en Es- posé et délicat. Dans la lutte écologique qui pagne et en France lui envoient Lui-même, il a planté des mil- l’a toujours animé, il se dit au- des témoignages sur les liers d’arbres. «Je ne voulais pas jourd’hui «un peu hors de com- trousses d’activités pédago- simplement être un théoricien», bat», mais il avertit qu’il n’est giques qu’il a conçues pour ac- répète-t-il. L’artiste et l’écologis- «pas endormi» pour autant, com- compagner ses dessins animés. te demeurent indissociables. me en témoigne ce croquis es- Frédéric Back reçoit de la cor- Dès son enfance, en Alsace, il quissé en prévision de l’exposi- respondance de partout dans le est «ému par la souffrance, les tion de Tokyo: deux schémas monde, à laquelle il «essaie de guerres, le mal qu’on fait aux présentant le potentiel, pour le répondre le plus possible» depuis animaux», en croquant de ses Japon, de l’exploitation des mou- la mise en ligne du site www.fre- crayons la pollution des cours lins à marée et des systèmes de dericback.com. d’eau et la cruauté envers les géothermie en ce pays de terre Cette vitrine dans Internet chevaux. «Il faut réagir. J’ai fait volcanique. Une réponse au dé- présente près de 6000 de ses

MONTRÉAL

GRANDS MONTRÉALAIS

CE CAHIER SPÉCIAL

EST PUBLIÉ PAR LE DEVOIR

Responsable NORMAND THÉRIAULT

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2050, rue de Bleury, 9e étage, Montréal (Québec) H3A 3M9.

Tél.: (514) 985-3333 [email protected]

FAIS CE QUE DOIS C 6 LE DEVOIR, LE MERCREDI 16 NOVEMBRE 2011 GRANDS MONTRÉALAIS

Secteur économique Aldo Bensadoun lance son entreprise au temps du Flower Power «Je voulais commencer ma compagnie avec mes propres valeurs» «Je n’ai jamais considéré les affaires ou le Groupe Aldo com- nent et fabriquent de beaux sou- nombreux pour le fondateur de me une simple source de revenus, mais plutôt comme un liers et nous donnent du bon ser- l’entreprise, notamment en ce vice, mais, en plus, ce sont des qui concerne les communica- moyen de porter des actions à une échelle différente», affir- gens qui ont une conscience, qui tions internationales et la nor- me le fondateur, Aldo Bensadoun, qui vient d’être nommé font partie de notre société et qui malisation des standards un Grand Montréalais en 2011, représentant venu du secteur tentent de rendre ce monde peu partout dans le monde. économique. meilleur”.» L’autre éternel défi, c’est le lien avec le consommateur. JESSICA NADEAU chaussure pour établir les Amour, respect et dignité «Le secret de la réussite, c’est bases de son entreprise. Dans le discours de l’homme de grandir avec son client. Il a voix est posée, les mots «Je connaissais bien les d’affaires, les valeurs d’amour, faut comprendre le client et lui L sont bien choisis et élo- chaussures et je voulais com- de respect et d’intégrité revien- fournir ce dont il a besoin. Il quents. Le verbe est franc. Le mencer ma compagnie avec nent constamment. Il croit que faut donc continuellement créer ton est à la fois élégant et ami- mes propres valeurs, raconte le les entreprises ont une respon- de nouveaux outils, de nou- cal, et les rires ponctuent régu- dirigeant de la multinationale sabilité sociale de participer à la veaux produits et de nouveaux lièrement ses phrases. Dans dans un entretien télépho- société et il tente d’exporter ces décors dans le magasin, de ma- ses propos, on perçoit l’huma- nique. Vous savez, dans les an- valeurs en même temps que nière à toujours exciter et faire niste bien avant le prospère nées 1960, au moment où j’ai ses souliers, qui se vendent rêver le client.» homme d’affaires. étudié, c’était la période des hip- dans une soixantaine de pays. En entrevue, Aldo Bensa- Aldo Bensadoun a beau faire pies et nous étions tous, com- «Ce qui est bien lorsqu’on a sa doun refuse de divulguer son partie du palmarès des ment dirais-je, assez rêveurs.» propre entreprise, c’est que ça âge. «Ah non! Ça, c’est mon se- hommes les plus riches du Le Flower Power, dans l’air du donne le privilège d’influencer cret!», répond-il mystérieuse- Québec, il reste un homme temps, l’a fortement inspiré au les gens qui travaillent avec soi.» ment. Pourtant, l’homme d’af- humble, près des gens. Un en- moment de fonder la société Son engagement dans la so- faires avoue qu’il commence à trepreneur qui se définit lui- Aldo en 1972. Il ne voulait pas ciété a été reconnu par l’Acadé- songer sérieusement à sa suc- d’une entre- mie des Grands Montréalais, cession. «Le défi à court et Aldo Bensadoun croit que les prise comme représentant le secteur écono- moyen terme, c’est d’assurer la les autres. Il mique dans cet organisme sous relève qui est existante et qui entreprises ont une responsabilité souhaitait per- l’égide de la Chambre de com- s’épanouit bien.» mettre à cha- merce du Montréal métropoli- Il fait référence aux direc- sociale de participer à la société et cun de ses tain. C’est, pour le fondateur et teurs de l’entreprise, mais il tente d’exporter ses valeurs en même membres de président du conseil d’adminis- également à ses fils, David et grandir, tant à tration du Groupe Aldo, une Douglas, qui travaillent tous temps que ses souliers l’intérieur qu’à marque d’appréciation qui le les deux au sein du Groupe l’extérieur de rend particulièrement fier. Aldo. Et à sa fille, la plus jeu- même comme un brin hippie en l’entreprise, en ayant une in- «C’est tout un honneur, car ne, présentement à l’universi- raison des valeurs qui régissent fluence sur la société. Quaran- Montréal est une ville d’adoption té, qu’il aimerait bien voir sa vie et son entreprise. Car, te ans plus tard, il affirme être pour moi. Je trouve donc fantas- s’engager dans l’entreprise fa- pour lui, Aldo, c’est beaucoup toujours fidèle à ces valeurs tique que ma ville d’adoption miliale. «On a toujours besoin plus qu’un magasin de chaus- fondamentales. m’ait choisi comme Grand Mont- de femmes dans une entrepri- sures, c’est d’abord et avant réalais. Je suis fier de cela. Mais je se», affirme-t-il en conclusion tout un moyen de s’engager La responsabilité sociale SOURCE CHAMBRE DE COMMERCE DU MONTRÉAL MÉTROPOLITAIN comprends aussi que ce n’est pas d’entrevue. dans la société pour créer un des entreprises Pour Aldo Bensadoun, le commerce de la chaussure est une simplement grâce à moi, mais Quelques minutes plus tard, monde meilleur. Aldo Bensadoun n’est pas tel- histoire de famille. Son grand-père était cordonnier en Algérie. grâce à toute l’équipe que nous le téléphone sonne. C’est son Le commerce de la chaussu- lement du genre à se vanter. Il avons formée au Groupe Aldo.» adjointe: «Monsieur Bensadoun re, c’est une histoire de famille se qualifie néanmoins de pré- pour aider la cause et tenter de sées. L’entreprise engage égale- Au mois de mai dernier, il a voudrait ajouter deux mots.» À pour Aldo Bensadoun. On pour- curseur en matière d’engage- trouver un remède à cette ma- ment des gens handicapés dans également été intronisé à l’autre bout du fil, l’homme d’af- rait même dire qu’il est tombé ment social entrepreneurial. ladie incurable. ses entrepôts afin de leur offrir l’Ordre du Temple de la renom- faires remet les pendules à dedans lorsqu’il était tout petit. C’est un sujet qui le passionne Plus récemment, il s’est atta- de nouvelles sources de fierté. mée de l’entreprise canadienne. l’heure. «Vous avez parlé de mes Son grand-père, en Algérie, et sur lequel il est intarissable. qué au cancer en étant de «Je pourrais parler de cela jus- Une grosse année? «Oh oui!, se fils, mais n’oubliez pas ma fem- était cordonnier. Et son père Dans les années 1980 déjà, toutes les marches et autres qu’à demain matin!», affirme-t- réjouit-il. Mais j’espère que ce me également, Diane, elle joue possédait une petite chaîne de Aldo tentait de sensibiliser les randonnées pour soutenir la il en riant d’aisance à l’autre n’est pas le signe de quoi que ce un rôle très important.» Preuve magasins de chaussures. Il citoyens et ses clients au pro- cause. Occasionnellement, l’en- bout du fil. soit, simplement une célébration que, pour Aldo Bensadoun, les semblait donc normal que, des blème du sida. Il a distribué treprise fait venir des employés «Ce que j’aimerais, c’est que, du travail que j’ai fait ces 40 der- affaires, c’est beaucoup plus années plus tard, celui qui a des brochures dans ses maga- des quatre coins de la planète en venant magasiner chez nous, nières années.» une histoire de famille que de étudié les sciences écono- sins et amassé des millions de pour aider des organismes ou les gens reconnaissent le nom et souliers. miques à l’Université McGill dollars qui ont été envoyés un des écoles de Montréal ac- qu’ils s’y sentent bien en se di- Les secrets d’Aldo choisisse le domaine de la peu partout dans le monde cueillant des clientèles défavori- sant: “Non seulement ils dessi- Au quotidien, les défis sont Collaboratrice du Devoir

Rue Antonine-Maillet, à Outremont «Montréal, c’est ma ville!» Nommée Grande Montréalaise il y a 20 ans, Antonine Maillet dit adorer la métropole

Nommée Grande Montréalaise en 1991, Antonine Maillet de lieux de diffusion de la cultu- glais être la langue universelle, re», souligne avec enthousias- puisqu’il en faut une, mais ar- adore Montréal. Si, dans ses ouvrages, elle préfère dépeindre me Mme Maillet. rangeons-nous pour garder notre son Acadie natale, au bout du fil, l’écrivaine confie que la mé- Toujours très active, l’écrivai- langue française bien en vie. tropole, qu’elle habite depuis déjà plus de quarante ans, lui a ne profite pleinement des plai- Faisons tout ce qui est en notre ravi son cœur. sirs que lui offre la ville. pouvoir pour qu’elle reste une Lorsque son horaire chargé le langue de civilisation, de cultu- ÉMILIE CORRIVEAU temps! Je me rappelle une fois, lui permet, elle fréquente aussi re. À mon avis, c’est plutôt là que j’étais à Radio-Canada pour bien les salles de concert et de le bât blesse et c’est là-dessus qu’il ontréal, c’est ma donner une entrevue. Quelqu’un cinéma que les halls d’exposi- faut travailler.» «M ville», affirme d’em- m’a demandé si j’allais rentrer tion des différents musées C’est donc ce que s’évertue à blée Mme Maillet. Débarquée immédiatement à la maison montréalais. faire l’écrivaine en noircissant sur l’île au tournant des an- après l’émission. J’ai répondu Gourmande et curieuse, elle chaque jour d’une langue colo- nées 1970, la célèbre drama- que oui. Il m’a alors demandé apprécie particulièrement de rée des pages entières d’his- turge se souvient d’avoir été combien de temps j’allais mettre conjuguer les arts de la table à toires qui lui trottent en tête. charmée par la métropole dès pour rentrer. Je lui ai dit que ça ses activités culturelles. Ainsi, Alors que vient tout juste de pa- son arrivée. ne me prendrait que dix mi- lorsque les nuitées s’y prêtent, raître son dernier roman, L’al- «Montréal, pour moi, ç’a été nutes. Il était bien surpris! Il il n’est pas rare de retrouver batros, Mme Maillet travaille tout de suite beaucoup plus était convaincu que j’habitais Mme Maillet attablée dans l’un déjà activement à la rédaction qu’une grande ville, encore l’Acadie», ra- de ses restaurants préférés, d’une pièce dépeignant l’Aca- se souvient Mme «Ça conte Mme Maillet, parfois portugais, parfois viet- die. Intitulée Le retour des Maillet. Quand je suis rieuse. namien, libanais, français, grec puces, l’œuvre traitera métapho- arrivée, il y avait des m’amuse que ou même afghan. riquement de la situation ac- enfants qui jouaient Montréal, «J’adore la cuisine exotique, tuelle de la culture acadienne et dans les rues. Les gens certaines métropole confie la dramaturge. À Mont- de la menace qui pèse sur celle- du voisinage se par- personnes culturelle réal, il y en a de toutes sortes, et ci. laient. Cette ville-là Aussi tendre à je trouve ça fabuleux. Il est rare «C’est une pièce qui sera jouée m’apparaissait com- pensent l’égard de Montréal de retrouver autant de diversité en plein air l’été prochain, à l’île me un grand village. qu’au premier jour, dans une même ville!» aux Puces, en Acadie, précise Pourtant, je suis une encore que l’écrivaine pose sur la l’auteure. Elle sera présentée fille de la campagne, métropole un regard Et le français, dans tout dans le cadre du 20e anniversai- une fille de la mer; je je suis rempli d’affection. cela? re du pays de la Sagouine.» n’avais jamais habité seulement Elle dit chérir son Diversifié, Montréal l’est Si, de toute évidence, l’Aca- les grandes villes, paysage urbain et ap- certes, mais, d’après certaines die peuple toujours l’imaginai- mais j’avais vraiment de passage à précier son dévelop- projections démographiques, la re de l’écrivaine, Mme Maillet cette impression d’un pement architectural: ville tendrait surtout à s’anglici- soutient qu’elle ne pourrait immense village. Au- Montréal. Ça «Je trouve qu’à Mont- ser. Mme Maillet redoute-t-elle plus y habiter de façon perma- jourd’hui, j’ai toujours réal il y a cet heureux l’anglicisation de Montréal? nente: «Je ne pourrais plus la même vision de m’arrive tout mélange de bâtiments «Non, ça ne m’inquiète pas outre vivre en Acadie aujourd’hui. Je Montréal.» le temps! » historiques et de nou- PAUL LABELLE mesure», dit-elle, puisqu’aux ne dis pas que j’en mourrais, Bien qu’elle habite veaux projets. Moi, les La dramaturge Antonine Maillet habite Montréal depuis plus de yeux de l’écrivaine la probléma- mais je n’y serais pas aussi heu- le quartier Outre- constructions, ça ne 40 ans. tique ne se pose pas réellement reuse qu’à Montréal. C’est ici mont depuis des lustres, me gêne pas trop, parce que, en ces termes. que j’ai fait ma vie. Et puis, si qu’une rue y porte même son lorsqu’on construit, on bâtit vilège de visiter. coup de peintres, de musiciens, «Tous les jours, je constate que j’habitais là-bas, je ne serais nom et qu’elle y ait passé la quelque chose pour l’avenir. Je «J’ai eu la chance de voyager d’écrivains, de cinéastes et de co- Montréal est vraiment une ville plus aussi nostalgique de mon moitié de sa vie, nombreux vois Montréal comme une ville et de visiter quelques grandes médiens qui viennent de Mont- bilingue, explique Mme Maillet. pays natal. Comment ferais-je sont ceux qui croient que la tournée vers demain, et ça me villes dans le monde et je dois réal, ce n’est pas un hasard; c’est Contrairement à plusieurs, je ne alors pour écrire?» grande dame de la littérature réjouit!» dire que jamais je n’ai retrouvé parce que l’activité culturelle y crois pas que ça signifie nécessai- Le plus récent ouvrage d’An- francophone vit toujours au Mme Maillet, qui a célébré ailleurs ce que je trouve à Mont- est très ancrée. Ce ne sont pas rement que le français soit en pé- tonine Maillet, L’albatros, est Nouveau-Brunswick. en mai dernier ses 82 prin- réal. Pour moi, Montréal est toutes les métropoles qui ont, ril. Certes, l’anglais est de plus paru à l’automne aux éditions «Ça m’amuse que certaines temps, ajoute qu’à son avis une métropole culturelle, une proportionnellement à leur po- en plus parlé à Montréal, mais il Leméac et est actuellement dis- personnes pensent encore que je Montréal est l’une des métro- ville exceptionnelle, une ville pulation, une telle densité artis- s’agit de la langue de communi- ponible en librairie. suis seulement de passage à poles les plus culturellement ef- pleine d’enthousiasme, d’énergie tique, une concentration aussi cation universelle. Alors, moi, ce Montréal. Ça m’arrive tout le fervescentes qu’elle a eu le pri- et de créativité. S’il y a beau- importante de grands artistes et que je dis, c’est ceci: laissons l’an- Collaboratrice du Devoir