Décors des résidences seigneuriales en Viennois et Grésivaudan du XIIIe au XVIe siècle : étude archéologique, stylistique et historique Supamon Peerapornpisal

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Supamon Peerapornpisal. Décors des résidences seigneuriales en Viennois et Grésivaudan du XIIIe au XVIe siècle : étude archéologique, stylistique et historique. Histoire. Université de Lyon, 2018. Français. ￿NNT : 2018LYSE2055￿. ￿tel-01943789￿

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N° d’ordre NNT : 2018LYSE2055 THESE de DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ DE LYON

Opérée au sein de

L’UNIVERSITÉ LUMIÈRE LYON 2

École Doctorale : ED 483 Sciences sociales

Discipline : Histoire

Soutenue publiquement le 4 septembre 2018, par :

Supamon PEERAPORNPISAL

Décors des résidences seigneuriales en Viennois et Grésivaudan du XIIIe au XVIe siècle : étude archéologique, stylistique et historique

Devant le jury composé de : Bruno PHALIP, Professeur des universités, Université Clermont-Ferrand 2, Président Laurence RIVIERE CIAVALDINI, Professeure des universités, Université -Alpes, Rapporteure Géraldine VICTOIR, Maître de conférences, Université de Montpellier, Examinatrice Elisabeth CHALMIN-SIROT, Maître de conférences HDR, Université Lumière Lyon 2, Directrice de thèse Contrat de diffusion

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1

UNIVERSITÉ École Doctorale 483 Sciences Socials UMR 5648 CIHAM LUMIÈRE LYON 2

THÈSE

Présentée et soutenue publiquement le 4 Septembre 2018 par

Supamon PEERAPORNPISAL

Pour obtenir le grade de : Docteur de l’Université Lumière Lyon 2

Discipline : Histoire

Le décor des résidences seigneuriales en Viennois et Grésivaudan du XIIIe au XVIe siècle : étude archéologique, stylistique et historique

Sous la direction de Madame Elisabeth Chalmin-Sirot

Composition du jury : Madame Elisabeth CHALMIN-SIROT, maître de conférences HDR à l’université Lyon 2 Madame Laurence CIAVALDINI RIVIÈRE, professeure à l’université Grenoble Alpes Monsieur Bruno PHALIP, professeur à l’université Clermont-Ferrand Madame Géraldine VICTOIR, maître de conférences à l’université Montpellier 3

TEXTE 2

TABLE DES MATIÈRES

Table des matières 2

Résumé de la thèse en français 8

Résumé de la thèse en anglais 11

Remerciements 14

Introduction 16

Première partie : Sources, méthodes et directions de recherche

Chapitre 1 : Le choix du sujet et les axes principaux de recherche 21

1.1 Historiographie 21

1.2 Ouvrages principaux 30

1.3 Problématiques 37

1.4 Définitions des objets d’étude 40

Chapitre 2 : La présentation des sources 48

2.1 Les archives 48

2.2 La documentation figurée 49

2.3 Le corpus des sites 51

Chapitre 3 : Les méthodologies 53

3.1 Le cadre de la recherche 54

3.1.1 Le principe de l’inventaire 54

- Une analyse de la constitution du corpus 56

3.1.2 Le choix des éléments du décor 57

3.2 Les démarches de la recherche 61

3.2.1 La recherche documentaire 61

3.2.2 La recherche sur le terrain 62

3.2.3 Le classement et l’analyse des données de terrain 64 3

TABLE DES MATIÈRES (suite)

Chapitre 3 : Les méthodologies

3.3 Les difficultés rencontrées et les limites de la recherche 65

Chapitre 4 : Les contextes géographiques et historiques 67

4.1 Le contexte géographique 67

4.1.1 Région du Grésivaudan 69

4.1.2 Région du Viennois 70

4.2 Le contexte historique 75

4.2.1 Contexte historique du Dauphiné 75

4.2.2 Les détenteurs de résidences seigneuriales dans 83 les régions étudiées

- Historique des habitats nobles et du statut des 85 seigneurs

4.2.3 Les seigneurs et leurs résidences 92

4.2.4 Les échanges culturels 97

Deuxième partie : L’étude du corpus des décors

Chapitre 5 : Le corpus des décors, l’emplacement et la datation 100

5.1 Eléments dans la perception globale 100

5.1.1 Le plan et la disposition des bâtiments et des tours 100

A. Caractéristiques des plans 100

B. Analyse stylistique du plan et de la disposition 109 des tours

C. Le plan et l’habitat noble 112

4

TABLE DES MATIÈRES (suite)

Chapitre 5 : Le corpus des décors, l’emplacement et la datation

5.2 Eléments particuliers 114

5.2.1 Les portes 114

A. Caractéristiques des portes 115

B. Datation des portes 124

C. Analyse stylistique 126

D. Evolution stylistique de portes 134

E. Le décor des portes et l’habitat noble 137 5.2.2 Les fenêtres 141

A. Caractéristiques des fenêtres 141

B. Datation des fenêtres 150

C. Analyse stylistique 153

D. Évolution stylistique des fenêtres 159

E. Le décor des fenêtres et l’habitat noble 163

5.2.3 Les coussièges 168

A. Caractéristiques des coussièges 168

B. Analyse stylistique 169

5.2.4 Les éléments défensifs (tourelle, échauguette, 171 bretèche)

A. Caractéristiques des éléments défensifs et leur 171 emplacement en hauteur

B. Datation des éléments défensifs 174

C. Analyse stylistique 176

D. Evolution stylistique des éléments de défense 178

E. Le décor des éléments de défense et l’habitat noble 180

5

TABLE DES MATIÈRES (suite)

Chapitre 5 : Le corpus des décors, l’emplacement et la datation

5.2 Eléments particuliers 5.2.5 Les meurtrières 182

A. Caractéristiques des meurtrières 182

B. Datation des meurtrières 185

C. Analyse stylistique 187

D. Evolution stylistique des meurtrières 188

E. Le décor des meurtrières et l’habitat noble 190

5.2.6 Les cheminées 193

A. Caractéristiques des cheminées 193

B. Datation des cheminées 198

C. Analyse stylistique 202

D. Evolution stylistique des cheminées 206

E. Le décor des cheminées et l’habitat noble 210

5.3 Les décors figuratifs 215

5.3.1 Les décors peints 215

A. Caractéristiques des décors peints 215

B. Datation de décors peints 221

C. Analyse stylistique 223

D. Evolution stylistique des décors peints 226

E. Le décor peint et l’habitat noble 228

5.3.2 Les décors sculptés 232

A. Caractéristiques des décors sculptés 232

B. Datation de décors sculptés 236 6

TABLE DES MATIÈRES (suite)

Chapitre 5 : Le corpus des décors, l’emplacement et la datation

5.3 Les décors figuratifs

5.3.2 Les décors sculptés

C. Analyse stylistique 237

D. Evolution stylistique des décors sculptés 240

E. Le décor sculpté et l’habitat noble 241

Chapitre 6 : La taille du site et l’emplacement de décors 246

6.1 Le caractère et le décor des sites 246

6.2 Les décors et la taille du site 247

6.2.1 Groupement des sites 247

6.2.2 Comparaison entre la présence de décors 249 et la taille du site

A. Etude de la superficie des bâtiments 249

B. Etude de la superficie des tours 250

6.3 Emplacement des décors par localisations sur les sites 254

6.3.1 Emplacement dans les bâtiments 254

6.3.2 Emplacement dans les tours 258

6.3.3 Comparaison de l’emplacement entre le bâtiment 260 et la tour 6.4 Emplacement des décors par étages 262

6.4.1 Résultats concernant l’emplacement intérieur des 263 décors

6.4.2 Analyse de la relation entre le décor et son 269 emplacement

A. Les caractéristiques des décors sur différents 269 niveaux B. La présence et la répétition de motifs décoratifs 271 sur différents niveaux 7

TABLE DES MATIÈRES (suite)

Chapitre 7 : La comparaison du corpus des décors avec les décors trouvés dans d’autres régions

7.1 La comparaison et les critères concernés 274

7.2 Les régions d’étude 275

7.3 Comparaison stylistique des décors architecturaux 277

7.3.1 Les départements voisins 277

A. Les maisons fortes en Bresse et en Revermont 277

B. Les châteaux et les maisons fortes en Basse 277 Maurienne et en Val de Gelon

C. Les maisons fortes en Vivarais 279

7.3.2 Les régions voisines 282

A. Les tours salles en Bourbonnais 282

B. Les maisons fortes en Bourgogne 284

7.3.3 Les régions lointaines 286

A. Les résidences seigneuriales dans la région Centre 286

B. Les châteaux et maisons fortes en Lorraine 292

7.4 Comparaison stylistique des décors figuratifs 293

7.4.1 Motif des faux-appareils 294

7.4.2 Motif géométrique 297

7.4.3 Motif armorié 299

7.4.4 Cycles historiés 301

Conclusion 308

Bibliographie 318

8

Décors des résidences seigneuriales en Viennois et Grésivaudan du XIIIe au XVIe siècle : étude archéologique, stylistique et historique

Résumé de la thèse en français

Aujourd’hui de nombreuses recherches sont menées sur les différents types de demeures aristocratiques. Notre étude porte sur un important corpus de résidences seigneuriales datées du XIIIe au XVIe siècle en Viennois et Grésivaudan ; quatre-vingts douze sites ont été rassemblés à partir, d’une part, de la recherche documentaire dans les archives, les bibliothèques et les centres de documentation, et d’autre part, de visites sur le terrain. Ce travail s’attache aux différents types de décors : les décors architecturaux, figuratifs, sculptés et peints. L’objectif de notre recherche est d’établir un corpus de résidences seigneuriales permettant d’étudier l’approche décorative intégrale des sites, ce qui permet un travail de recherche inédit. Le château et la maison forte subsistent encore de nos jours en grand nombre avec d’importants éléments architecturaux en place. La ressemblance entre les caractères architecturaux de ces deux catégories d’habitations assure un nombre suffisant de sites à étudier. Et la distinction de statut entre le château et la maison forte autorise des comparaisons intéressantes au niveau du décor. Le Dauphiné présente un grand nombre de résidences seigneuriales. Le territoire du Grésivaudan est connu comme étant une région propice à l’installation des habitants grâce aux terres fertiles des massifs de la Chartreuse et de la Belledonne. Quant au Viennois, son riche aspect géographique permet de trouver une grande variété de sites. Par ailleurs, l’histoire du Dauphiné démontre une longue période de dépendance du territoire où plusieurs comtes se sont succédés. La politique des conquêtes a permis d’étendre le territoire et de faire face aux ennemis. Notre recherche se concentre sur une période étendue allant du XIIIe au XVIe siècle. Elle inclut donc l’époque médiévale marquée par peu de changements dans les domaines économique et social en Europe occidentale du fait de la succession des guerres et des épidémies. Ceci ne signifie pas que cette période ait connu un recul mais qu’une faible mutation sociale influencée par la religion s’est produite. Cela se reflète dans le développement du domaine artistique. Notre recherche inclut également la période de 9 mutation de la fin du Moyen-Âge et du début de la Renaissance. Ce moment se caractérise par la combinaison de l’art antiquisant et d’un nouveau courant artistique. Au travers de notre recherche, nous recherchons une possible évolution de l’approche décorative de l’habitat noble.

L’étude de l’approche décorative des résidences seigneuriales nous permet de mieux appréhender les caractéristiques des décors aussi bien architecturaux que figuratifs. Les éléments architecturaux, sur lesquelles nous avons porté notre attention, comprennent les portes, fenêtres et coussièges, les tourelles en surplomb, les échauguettes, bretèches, meurtrières et cheminées. Les autres décors que nous avons examinés sont les décors figuratifs qui se composent des motifs peints et des peintures murales ainsi que des motifs et figures sculptées. Nous avons pu constater par nos études que toutes les formes de conception décorative (le décor architectural et le décor figuratif) possèdent la structure simple au début de la période étudiée (XIIIe siècle), puis cette forme élémentaire se développe de manière plus compliquée au cours du temps en particulier le décor peint. Nous constatons ainsi une évolution stylistique des décors. En outre, trois types des éléments décorés ; portes, fenêtres et cheminées montrent une ressemblance stylistique. Il s’agit du travail de moulure sur les linteaux, les encadrements et les bases de ces éléments et la présence d’écus armoriés symbolisant l’appartenance du site à une famille ou une personnalité. Ceci permet d’affirmer que ces décors sont caractéristiques de l’époque étudiée. Quant au décor figuratif, l’apparition de différentes figures autorise une dimension plus approfondie au travers d’une présentation narrative. Les motifs peints et les peintures murales sont la catégorie de décor qui montrent une présentation en images du déroulement d’une ou plusieurs scènes successives. Par ailleurs, l’importance de notre corpus rassemblant plusieurs types de décors datant du XIIIe au XVIe siècle permet d’apprécier l’évolution stylistique des éléments décorés. En outre, l’étude de la disposition du bâtiment et de la tour nous permet de connaître la symétrie du plan des sites, ce qui donne également un effet décoratif à l’ensemble. L’emplacement des éléments décorés dans les résidences seigneuriales indiquent leur fonction et leur importance, nous en faisons l’étude. Les éléments ornés peuvent également montrer l’importance de l’emplacement où ils se situent. La fonction des éléments architecturaux détermine leur emplacement. Le lieu choisi pour réaliser ces décors dans les édifices révèle une certaine hiérarchie de l’organisation de l’espace intérieur. Le premier étage est considéré comme l’étage noble où se trouvent plusieurs types de décors dans la grande salle (aula). La présence de grandes baies, de grandes cheminées moulurées et parfois de 10 peintures murales au décor raffiné caractérise ainsi un espace privilégié au sein de l’édifice. La fonction de certains éléments d’architecture permet de déterminer leur emplacement précis à d’autres niveaux. Une analyse comparative a été menée avec les mêmes types des éléments ornementaux situés dans d’autres régions dans des demeures aristocratiques datant de la même époque. Cette étude entre les décors de notre région d’étude, de régions voisines et lointaines montre, comme il fallait s’y attendre, une ressemblance stylistique. Cela semble renforcer l’idée que ces décors apparaissent comme étant caractéristiques de la période étudiée. Toutefois, nous avons disposé d’assez peu d’éléments pour cette étude comparative. Il serait donc opportun d’effectuer de futures recherches pour saisir les variations a priori minimes des changements qui interviennent de manière très locale et qui seraient caractéristiques des régions considérées.

Notre travail de thèse s’est attaché à constituer un corpus d’éléments décoratifs des résidences seigneuriales. Cette étude nous permet de connaître l’aspect décoratif des résidences seigneuriales de façon intégrale grâce à la possibilité de les étudier in situ. Ces données ainsi recueillies ont permis de mieux appréhender l’évolution des décors du XIIIe au XVIe siècle. Notre analyse, concernant l’emplacement et la fonction de ces décors, confirme des travaux antérieurs concernant le statut des habitats nobles comme représentatifs du pouvoir que possédaient leurs détenteurs. Nous avons aussi esquissé les premières étapes d’une étude comparative avec d’autres régions, étude possible grâce à la multiplication de corpus tel celui que nous avons réalisé.

Les mots clés

Résidence seigneuriale Maison forte

Décor Dauphiné

Architecture Moyen-Âge

Symboles Aristocrate

Peinture murale Hiérarchie 11

Decoration of seigniorial residence in Grésivaudan and Viennois regions during the 13th- the 16th Centuries for archeological, stylistic and historical study

Summary

There are nowadays many studies about aristocratic houses and their decoration. This study on decoration was achieved from the huge corpus of seignorial residences dated between the 13th and the 16th Centuries in the region of Viennois and Grésivaudan where a number of seignorial residences was found. Fifty-three selected sites gathered from a wide investigation were organized in two ways: firstly by documentary research in the archives, the libraries and the center of document resource, secondly by intervention in the studied area. This research focused on different categories of decoration: architectural, figurative, sculptural and painted decor. The research aims to establish the corpus of seignorial residences which will enable it to study the entire decorative aspect of the selected sites. This will also allow for a new perspective of aristocratic house research. The castles and the fortified manor houses are known today as the existing aristocratic accommodation, which are in quite a large number and are unique in their architectural elements. The similarity of the two seignorial residences lies in their architectural characteristics. The quantity of them allows for an extension of the research framework for determining a sufficient number in terms of the studied sites. On the contrary, the difference of status between the castles and the fortified manor houses permits a comparison of their decorative aspects. Le Dauphiné has a great number of seignorial residences. The territory of Grésivaudan has been recognized for suitable settlement with fertile land in the mountains of Chartreuse and Belledonne. As for Viennois, this territory has a geographical variation which caused different characteristics of houses. Moreover, the history of Dauphiné presents a long period of independence with the succession of several Counts. The conquest policy was applied for defending the enemies in the surrounding areas and also for conquering more land. A great number of seignorial residences was included in this research. The study period from the 13th to the 16th Centuries is known as the transitional time from the end of the Middle Ages to the beginning of the Renaissance, there were many changes in different domains. These changes reflect the evolution of the decoration of aristocratic houses. 12

The study of decoration of the respective seignorial residences will enable us to learn about the characteristics of the architectural and figurative decoration. Understanding the architectural decor involves a study of the architectural elements: doors, windows, turrets, watch-turrets, brattices, arrow holes and chimneys. The figurative decoration means a study of figurative presentation. The elements concerned are painting motifs and mural painting, sculptural motifs and figures. Molding in architectural decor emphasizes the structure of decorative elements. The frames of the doors and windows can be noticed by volumetric and symmetrical effects which can be seen on the lintel and the lower part of the frames of the structure. The appearance of sculpted shields above the doors and windows help complete the decorative aspect of the elements. The chimney has the same decorative effect but the molded decor would be on the upper part and the corbel or side posts. As for the figurative decoration, the presence of different figures like trees, animals, men create an in-depth dimension and more narration or a narrative scene. The painting motifs and the mural painting form a narrative which show a series of pictures which tell the sequence of an event or several successive scenes. Besides, as the corpus of the research assembles a great number of several types of decoration dating from 13th to 16th Centuries, it consequently reflects a stylistic evolution of decorative elements. The decorative elements are related to their location in the seignorial residences because the location can indicate the function and also the importance of the decorative elements. More decorations are found on the building part itself rather than on the tower part because the building part takes a wider space and these decorations form the architectural function of the element. Moreover, the place of decoration on each level of a building indicates the hierarchy of the interior space. The second level is considered the noble place where several types of decoration are found in a hall (aula). The presence of the big windows, big molded chimneys and sometimes the wall paintings indicate a higher hierarchy of that particular area. The function and location of certain architectural elements must go together and this determines their hierarchy. The analysis of the decoration corpus in this research can also be compared with the decoration found in other regions by applying the same criteria: same types of seignorial residences, same categories of decoration and same period of dating. The distance of the sites whether in a faraway region, a neighboring region or the region in this study make us think that it would cause stylistic differences of the decorated elements. However, there were no differences. Thus, it could be said that because of the resemblance of these decors the 13 application of the same decorative model has been applied nationwide, which was typical in the study period. This study aims to establish the corpus of decors of seignorial residences which informs and helps the researchers learn the decorative aspects in the way of whole aristocratic housing. The results of the study show the evolution dated from 13th to 16th Centuries. The analyses were related to the places and the functions of decors confirming previous research about the status of aristocratic housing as representative of the power that seigneurs owned. The initial procedure of comparative study with other regions was also conducted. This indicates a possible study in the future research by means of the multiplications of decors that this study accomplished.

Keywords seignorial residence fortified manor house decoration Dauphiné architecture Middle Age symbols aristocracy mural painting hierarchy

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REMERCIEMENTS En premier lieu, je tiens à remercier ma directrice de thèse, Madame Elisabeth Chalmin Sirot, pour la confiance qu’elle m’a accordée en acceptant de diriger cette thèse, pour ses conseils et son soutien au long de ces années de recherche. Je remercie également Monsieur Jean-Michel Poisson pour tous ses conseils portant sur le corpus des décors et en particulier les renseignements pratiques concernant la région d’étude. Je voudrais remercier Madame Laurence Ciavaldini Rivière, professeure à l’université Grenoble Alpes, Monsieur Bruno Phalip, professeur à l’université Clermont Ferrand et Madame Géraldine Victoir, maître de conférences à l’université Montpellier 3 d’avoir accepté d’être le jury lors de ma soutenance. Leurs conseils et commentaires seront précieux pour mon étude en doctorat et également pour mes recherches suivantes.

Je souhaite exprimer ma vive reconnaissance à tous les propriétaires qui m’ont permis aimablement de visiter leurs résidences. Je tiens tout particulièrement à remercier Monsieur Lionel Poipy de m’avoir conseillée au sujet de la recherche des archives des sites et Monsieur Philippe Lambelain pour les informations fournies et les déplacements sur les sites de plusieurs cantons du Dauphiné. J’adresse également des remerciements aux amis qui m’ont aidée pour les déplacements sur les sites ; Madame Marie Caillet, archéologue du bâti pour le parcours des visites dans le département de la Drôme, Monsieur Paul Pelcé et Madame Nicoleta Petroiu pour le parcours des visites dans le département de l’Isère. Je voudrais également remercier toutes les personnes qui ont facilité mes recherches dans les services de la Conservation du patrimoine de l’Isère, Monsieur Stéphane Poisson et en particulier Madame Annick Clavier qui m’a donné des conseils importants pour le corpus des sites possédant des peintures murales. Je remercie aussi la Conservation du patrimoine de la Drôme, Monsieur Écric Syssau aux archives départementales de l’Isère pour son aide et aussi l’orientation des recherches des archives, des archives départementales de la Drôme, Monsieur Julien Guillot à l’Inventaire général du patrimoine culturel Rhône-Alpes pour son aide de chercher les documentations de l’Inventaire général et de la DRAC de Lyon. Je voudrais souligner l’importance des conseils sur le champ archéologique apportés par Madame Marie-Pierre Feuillet, conservatrice du patrimoine au SRA Rhône-Alpes.

Je remercie tout particulièrement Monsieur Nicolas Payraud pour ses commentaires portant sur l’ensemble de l’analyse du corpus des décors. Je remercie également Monsieur 15

Daniel Régnier-Roux pour son aide dans le domaine de l’histoire de l’art avec la relecture de nombreuses descriptions des décors. Je remercie aussi Mesdames Stéphanie Boisseau et Clara Wagner pour la relecture du texte et Messieurs Teera Thurakit et Saran Chansu pour leur aide et leur soutien pour le travail des images et des graphiques. Je remercie aussi Monsieur Maxime Bonnal pour ses conseils de transcription des archives et l’aide de mise en forme de ma thèse par Mme Kittiya Phinyo et Mme Sureeporn lomakool pour le travail qui demande un gros effort et du temps d’achever ce travail minutieux. Je tiens à remercier Monsieur Mathew et Madame Somporn Varnado, enseignant au département de l’Anglais, faculté des sciences humaines, l’université de Chiang Mai pour la relecture de résumé d’anglais qui rend la valeur de compréhension pour ce qui s’intéresse à mon étude qu’en anglais.

Au cours de ce travail de longue haleine, j’ai bénéficié des encouragements de mes proches, notamment Mesdames Luce Régnier-Roux, Cao Wei et Meng Jin et en particulier de ma famille. Mon père, Monsieur Rungson Peerapornpisal, m’a aidée pour les déplacements sur tous les sites étudiés. Ma mère, Madame Yuwadee Peerapornpisal, m’a accompagnée durant les derniers mois de la rédaction. Et ma sœur, Mademoiselle Chayamon Peerapornpisal m’a apporté de précieux encouragements.

Cette recherche a bénéficié d’une aide financière. Je voudrais donc remercier d’abord le gouvernement thaïlandais qui m’a fourni un soutien important et ensuite mon laboratoire Ciham (UMR 5648) qui a soutenu les déplacements.

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Introduction

La résidence seigneuriale est le lieu principal d’habitation de la noblesse et présente diverses formes et taille. Le château est un habitat noble généralement de grande taille, le manoir et la maison forte ont une dimension plus modeste. La maison forte est un type de résidence seigneuriale qui est très fortement représenté dans le paysage médiéval. Elle est apparue dès le début du XIIème siècle et décline au début du XVIème siècle avec le développement de l’architecture de la Renaissance. L’architecture des demeures aristocratiques présente des particularités quant à la structure des sites. La majorité des résidences seigneuriales qui ont été édifiées pendant l’époque médiévale ont été dans des périodes de conflits, ce qui explique pourquoi ces édifices se caractérisent par une architecture fortifiée avec des éléments de défense comme la tour et les meurtrières.

Les maisons fortes se retrouvant sur une longue période s’étalant sur plusieurs siècles, la structure de ces bâtiments a évolué au fil du temps (début du XIIe au XVIe siècle).

Si la fonction défensive de cet habitat noble a eu un impact sur sa structure, il n’est pas le seul élément déterminant les principes de sa construction. En effet, la maison forte constituant un lieu d’habitation, des décors sont également présents. Les caractéristiques de ces décors médiévaux et leurs rapports avec les éléments architecturaux sur lesquels ils se situent offrent d’intéressantes perspectives d’étude. Les éléments d’architecture et des décors peuvent donner des informations sur les détenteurs des sites, ce que E. Sirot1 a déjà exposé il y a une dizaine d’années. Elle a souligné, en particulier, que la maison forte tout autant que le château peuvent traduire l’identité de son propriétaire et refléter le degré de sa richesse et ses goûts. C’est dans cette perspective que nous envisageons notre étude en l’appuyant sur un important corpus de maisons fortes que nous avons établi avec grand soin.

Notre recherche veut s’inscrire dans une étude historique, archéologique et une analyse des styles portant sur les décors des résidences seigneuriales. Elle s’attache à établir les particularités stylistiques des différents types de décors et leurs relations avec l’architecture des sites. Les résultats de cette recherche sur les décors des habitats nobles de notre corpus seront utilisés pour établir une comparaison avec ceux d’autres zones géographiques.

1 Elisabeth SIROT, Noble et forte maison : l’habitat seigneurial dans les campagnes médiévales, A & J Picard., 2007. 17

Les études menées en matière d’architecture aristocratique s’intéressent depuis longtemps particulièrement aux châteaux et mettent l’accent sur la grandeur de l’architecture fortifiée et la fortune considérable des détenteurs. Toutefois, les résultats des études effectuées sur les petites résidences seigneuriales démontrent la place de ces dernières dans le paysage médiéval ainsi que le rôle des petits aristocrates qui participent à défendre leurs territoires. Plusieurs recherches réalisées ces trente dernières années révèlent l’importance des maisons fortes qui s’intègrent dans la société médiévale comme la plus petite unité des habitats nobles. Cet habitat noble se répartit dans plusieurs régions en France et présentent des caractéristiques plus ou moins distinctives, comme le montrent les travaux importants de G. Giuliato en Lorraine, de G. Carré et E. Litoux dans le nord-ouest de la France ou encore de H. Mouillebouche en Bourgogne et E. Sirot en Rhône-Alpes. Il ressort de ces recherches des caractéristiques architecturales des habitats qui évoluent au cours des siècles et leur rôle dans l’histoire de la région. La transformation des formes et de la disposition architecturale résulte du passage de la fortification à l’habitation à partir du XIIIème siècle. L’aspect résidentiel des habitats nobles devient de plus en plus une approche essentielle et susceptible d’être étudiée comme le montre la recherche de D. Alexandre-Bidon, F. Piponnier et J-M. Poisson. En parallèle, il existe un grand nombre de travaux portant sur les décors des résidences seigneuriales et en particulier sur les peintures murales. C. De Mérindol a étudié, à partir d’un corpus rassemblant les décors peints médiévaux, la perspective de l’ornement dans les résidences aristocratiques réparties dans toute la France. La distribution de ce type de décors se confirme grâce à une série de recherches effectuées dans plusieurs régions en France et présentée lors des Journées d’études de la demeure médiévale organisées à Angers, en 2007. Les travaux approfondis d’E. Siriot sur le fonctionnement et l’approche décorative des cheminées dans les maisons fortes ont ouvert une autre voie en matière de recherche sur le décor architectural des habitats nobles qui recouvre différents éléments. Les recherches portant sur ces décors ainsi que sur les décors figuratifs paraissent limitées au niveau de la résidence seigneuriale. Ceci justifie un grand intérêt qui nous conduit à étudier une approche décorative intégrale composée du décor architectural et également du décor figuratif. Ce vaste programme permet de poursuivre les travaux précédents en élargissant le cadre de recherche à l’intégralité des décors, ce qui permet de lier l’aspect décoratif avec le cadre de vie des habitants.

L’objectif de cette thèse est d’étudier toutes les catégories de décors des résidences seigneuriales en Viennois et Grésivaudan du XIIIème au XVIème siècle. La recherche porte sur les décors trouvés sur les éléments architecturaux ; la porte, la fenêtre, le coussiège, la 18 tourelle, l’échauguette, la bretèche, les meurtrières et la cheminée. Les peintures murales et les figures sculptées constituent un autre type de décors qui étoffent les habitats nobles. Notre étude s’attache aux caractéristiques, aux formes de présentation et également à la datation des décors. Elle s’étend à tous les lieux où se trouvent les décors, c’est-à-dire dans les pièces situées aux différents niveaux des bâtiments et des tours. Certains sites qui possèdent des décors particuliers seront inclus dans notre inventaire. Nous avons rassemblé cinquante-trois sites de tailles différentes. La localisation des décors et leur nombre sont variés. Par ailleurs, nous nous intéressons aux liens entre les décors et leurs emplacements dans l’habitat noble. Cela peut indiquer l’importance de chaque pièce et révéler des éléments sur le cadre de vie des habitants de la résidence seigneuriale dans la période étudiée. En outre, notre travail sur l’approche décorative permet de mettre en avant une évolution stylistique et également la particularité des décors dans les régions d’étude qui se distinguent des décors trouvés ailleurs. En outre, les sites comparateurs qui se situent à proximité ou loin des sites de notre corpus peuvent être influencés de même courant artistique ou non, ce qui donne l’effet sur la présence stylistique des décors. La comparaison peut révéler la ressemblance ou la distinction stylistique. A cette fin, nous envisageons et étudions la décoration des demeures aristocratiques selon deux grandes perspectives. La première concerne les décors des éléments purement architecturaux : le système d’ouverture (les portes et fenêtres), celui de défense (les tourelles, échauguettes, bretèches et meurtrières) et celui de confort (les cheminées et coussièges). La deuxième perspective s’attache à l’analyse des décors qui enrichissent les demeures avec un seul aspect ornemental tels les peintures murales et les figures sculptées. Pour cette recherche, nous avons essayé d’établir un grand corpus constitué de ces deux types de décors se trouvant dans les bâtiments et aussi dans les tours. La présentation des décors varie selon le goût des occupants et l’emplacement des décors dans les sites. Certains types de décors comme les cheminées, les peintures murales ou les grandes fenêtres montrent chacun une approche décorative particulière liée à leur localisation dans un lieu destiné à la réception de visiteurs. Ces éléments peuvent indiquer l’importance des lieux où ils se trouvent.

En ce qui concerne notre période d’étude, nous nous sommes placés sur une longue période allant du XIIIème au XVIème siècle car cette période connaît une mutation des résidences seigneuriales. Le choix a été fait de faire débuter notre étude au XIIIème siècle et non au XIIème siècle car c’est au XIIIème siècle que les résidences seigneuriales ont connu une 19 transformation en présentant l’évolution du côté résidentiel. Celle-ci a eu un impact sur les décors. Ensuite, à partir du XIIIe siècle et au cours des XIVe et XVe siècles, le développement réside continuellement dans la construction des résidences seigneuriales. L’organisation de l’espace a été repensée et la notion de confort a été pris en compte pour la construction des résidences seigneuriales. Cette évolution a conduit à une diversification des formes de décors. Par ailleurs, sur la fin de notre période d’étude (à partir du XVème siècle) le courant artistique de la Renaissance a influencé l’aspect décoratif d’éléments parfois insolites qui se confrontent aux autres décors.

Nos zones d’étude portent sur le secteur du Dauphiné qui était à la période médiévale une principauté indépendante comprenant un vaste territoire. Notre choix s’est porté sur deux régions, le Viennois et le Grésivaudan. Ces deux régions se composent de zones géographiques variées et plus ou moins fertiles qui permettent l’installation et la construction d’habitations. Il s’y trouve un nombre convenable de sites répondant à nos critères. Les maisons fortes se sont multipliées à cette époque. Cet essor a provoqué un conflit territorial, en particulier avec la Savoie, entraînant la construction de maisons fortes en vue de surveiller l’arrivée des combattants, surtout sur la zone frontalière. En conséquence, il existe de nos jours un nombre important de châteaux et de maisons fortes possédant des vestiges identifiables pouvant être inclus dans le corpus.

En dehors de la connaissance de l’approche décorative et des informations étudiées sur les divers éléments d’architecture des habitats nobles, notre recherche peut révéler le cadre de vie des habitants des résidences seigneuriales en présentant l’organisation de l’espace intérieur et la disposition des éléments décorés dans les pièces. L’organisation de l’espace peut être étudiée au travers de la division des espaces en tenant compte de la fonction des pièces selon la trilogie suivante : l’aula, la camera et la capella. L’effet décoratif offert par les ornements des moulures et les décors figuratifs permet d’indiquer l’importance de la pièce où se trouvent ces décors. Par ailleurs, si notre étude a été effectuée dans deux régions importantes du Dauphiné, il est également intéressant de travailler sur l’aspect décoratif des résidences seigneuriales qui se trouvent dans d’autres secteurs. La méthode de comparaison nous permet de découvrir la ressemblance stylistique qui peut être retrouvée dans les décors de régions voisines ou la distinction des formes des éléments de régions lointaines. La confrontation des diverses formes de décors aide à souligner la particularité stylistique de nos régions d’étude et à 20 distinguer les caractéristiques des autres régions. La distinction des décors entre les régions suggère l’existence d’influences stylistiques et montre une amélioration des décors.

Nous avons articulé notre étude en trois parties. Dans la première, nous présenterons les principes de la recherche y compris les sources et les méthodologies, ainsi que le contexte géographique et historique des régions et des seigneurs sur la période qui nous intéresse. Dans la deuxième partie, nous nous attacherons à présenter le corpus de tous les décors étudiés accompagné de la description détaillée mise en annexe. Cette partie comprend également les aspects qui relient les décors à l’organisation architecturale dans les habitats nobles. Dans la troisième et dernière partie, nous terminerons par l’étude comparative de notre corpus avec des décors trouvés dans d’autres régions. La thèse se compose de trois volumes ; le premier comprend la rédaction dans son intégralité, le deuxième est consacré aux annexes présentant la description des décors et les tableaux des résultats, le troisième se compose des annexes montrant les renseignements des sites ainsi que les cartes de localisation.

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Première partie : Sources, méthodes et directions de recherche

Chapitre 1

Le choix du sujet et les axes principaux de recherche

1.1 Historiographie

Dans un premier temps, nous nous intéresserons à l’historiographie de la recherche d’un point de vue général, puis nous exposerons les principes de notre recherche et enfin, nous préciserons les thèmes principaux couvrant l’ensemble du contenu de cette recherche. L’étude des résidences seigneuriales est l’un des sujets assez fréquemment traités en histoire et en archéologie. De nombreuses études portent sur des châteaux et des maisons fortes en France, ainsi que dans d’autres pays occidentaux. Pour les châteaux, G. Fournier2 est l’un des premiers auteurs à étudier leur aspect sociologique en présentant le rapport entre les résidences et leurs propriétaires, ainsi que les approches politiques et économiques de ce type d’habitat dans la société médiévale. Son ouvrage ouvre des voies à la recherche approfondie des châteaux pour les chercheurs des générations suivantes. La recherche de J. Mesqui3, quant à elle, se penche sur l’aspect architectural des édifices qui évoluent tout au long des siècles. L’étude des éléments d’architecture nous permet de connaître leurs fonctions, ainsi que leur évolution. Ceci constitue l’archétype de l’étude architecturale du château. Ensuite, A. Debord4, en suivant le même chemin que G. Fournier, présente une recherche plus approfondie sur le rapport entre la noblesse et leurs châteaux. En outre, il analyse les causes qui permettent d’expliquer la transformation du château pendant plusieurs siècles et le renouveau des maisons fortes. S’agissant de ces dernières, elles représentent un autre type d’habitat noble qui a été étudié sérieusement et continuellement depuis les années 1980. L’apparence de ce type d’habitat noble qui est comme un « petit château » attire de plus en plus l’attention des chercheurs depuis trente ans. Les premières données concernant les

2 Gabriel FOURNIER, Le château dans la France médiévale ; essai de sociologie monumentale, Edition Aubier Montaigne, Paris, 1978. 3 Jean MESQUI, Châteaux et enceintes de la France médiévale. De la défense à la résidence, Edition Picard, Paris, 1993. 4 André DEBORD, Aristocratie et pouvoir: le rôle du château dans la France médiévale, Edition A. & J. Picard, Paris, 2000. 22 maisons fortes remontent au XVIIe siècle date à laquelle G. Allard, qui a recensé les édifices en Dauphiné. De même, les travaux de J.M. Pesez et F. Piponnier5 effectués dans les années 1970 présente une étude des maisons fortes en Bourgogne. Toutefois, lors des actes du colloque de Pont-à-Mousson en 19846, les chercheurs ont exposé les différentes formes de fortifications, situées en France et dans plusieurs pays d’Europe, qui pouvaient être regroupées sous le terme de maison forte. Cette discussion est devenue un ouvrage de référence. Par ailleurs, il existe un certain nombre de recherches sur les maisons fortes dans différentes régions. Tout d’abord, G. Giuliato7 a mené sa recherche des maisons fortes en Lorraine centrale sous la forme de monographies. E. Sirot8 présente l’étude des châteaux et des maisons fortes en Savoie selon un aspect architectural. H. Mouillebouche9 a réalisé un travail exhaustif d’inventaire composé de six cents soixante-six sites fortifiés et propose une analyse socio-historique de ces sites. G. Carré et E. Litoux10 a effectué des recherches sur des habitats nobles (manoirs) dans le nord-ouest de la France. En 2007, la parution de l’ouvrage Noble et forte maison : l’habitat seigneurial dans les campagnes médiévales par E. Sirot11 mène un travail incluant l’aspect socio-historique des maisons fortes ainsi que l’analyse précise de certains éléments architecturaux. Cet ouvrage établit les principales caractéristiques des maisons fortes en présentant les thèmes couvrant tous les domaines et en intégrant les maisons fortes situées dans diverses régions françaises.

Parmi les ouvrages cités ci-dessus, ceux de J. Mesqui et d’E. Sirot (2007) qui présentent chacun une étude architecturale des châteaux et des maisons fortes, mettent l’accent sur l’aspect d’habitation de ces résidences en dehors de l’aspect fortifié des sites. L’étude précise de certains éléments architecturaux comme les fenêtres, les éléments défensifs ou les décors peints nous permet de comprendre les caractères et l’approche décorative de ces éléments, soulevant plusieurs questions au sujet du décor dans les espaces extérieur et intérieur d’un habitat noble. Par ailleurs, les renseignements de la transformation du caractère

5 Jean-Michel PESEZ et Françoise PIPONNIER, Les maisons fortes bourguignonnes, Villy-le-Moutier. 6 Michel BUR (DIR.), La maison forte au Moyen-Age, Actes de la table ronde de Nancy-Pont-à-Mousson, 31 mai- 3 juin 1984, Editions Centre National de la recherche scientifique, 1986. 7 Gérard GIULIATO, Châteaux et maisons fortes en Lorraine centrale, Editions de la maison des sciences de l’homme Paris, Paris, 1992. 8 Elisabeth SIROT, Résidences seigneuriales au Moyen-Age, comté de Genève, Faucigny, Chablais, Presses universitaires de Lyon, Lyon, 1998. 9 Hervé MOUILLEBOUCHE, Les maisons fortes en Bourgogne du nord du XIIIe au XVIe siècle, Editions Universitaires de Dijon, Dijon, 2002. 10 Gaël CARRÉ et Emmanuel LITOUX, Manoirs médiévaux : maisons habitées, maisons fortifiées (XIIe-XVe siècle), Edition Rempart, Villefranche-de-Rouergue, 2008. 11 Elisabeth SIROT, Noble et forte maison : l’habitat seigneurial dans les campagnes médiévales, Editions A & J Picard, Paris, 2007. 23 architectural fournissent un point intéressant. J. Feray12 et D. Letellier13 énoncent chacun que le caractère résidentiel des habitats nobles l’emportait sur leur rôle défensif après le réveil économique qui s’est manifesté après la guerre de Cent Ans en 1453. Ceci favorise le renouvellement de l’architecture et la création de l’approche décorative dans les habitats nobles. Ces deux auteurs conduisent une brève étude concernant les éléments d’architecture pouvant apporter un aspect décoratif dans l’ensemble du site. Il s’agit des fenêtres et des coussièges, des cheminées et des décors peints. Le choix des éléments à étudier est donc nécessaire pour établir les objets principaux de notre recherche. Les quatre ouvrages cités ci-dessus démontrent que les fenêtres constituent un élément d’architecture important de la façade de l’édifice et de la tour. En outre, la forme et le style des fenêtres peuvent être reliées à l’aspect hiérarchique de l’espace intérieur du bâtiment. De même, la cheminée est un élément qui a retenu notre attention par sa fréquence et par la possibilité d’étudier la structure et le décor mouluré. L’ouvrage de M. Diot14 constitue une étude détaillée de la structure et l’évolution de cet élément par siècle. E. Sirot15, de son côté, montre dans sa recherche l’aspect socio-historique de la cheminée, dont nous avons inspiré pour l’étude de notre corpus. Quant aux éléments défensifs (tourelle en surplomb, échauguette, bretèche et meurtrières), il existe une partie des pierres taillées et des motifs sculptés observables sur les murs de l’édifice et de la tour. Le livre de J. Mesqui nous renseigne sur la structure et les motifs des meurtrières. Pourtant, nous n’avons pas trouvé de documents consacrés particulièrement à la porte, mais sa fonction qui sert de transition entre l’extérieur et l’intérieur de l’édifice (et de la tour) permet une approche décorative importante qui est bien visible pour les visiteurs. Ces six éléments précédemment mentionnés sont tous dotés d’un décor mouluré. En outre, il est intéressant d’observer le décor apparaître sur des éléments issus de différents systèmes : les portes et les fenêtres pour le système d’ouverture ; les tourelles en surplomb, les échauguettes, les bretèches et les meurtrières pour celui défensif ; la cheminée pour le confort. Tous ces éléments ont été ornés par des décors architecturaux.

12 Jean FERAY, Architecture intérieure et décoration en France des origines à 1875, Caisse Nationale des Monuments Historiques et des Sites, Paris, 1988. 13 Dominique LETELLIER et Charlotte OLIVIER, Le décor intérieur dans l’architecture des demeures du XIIe au XXe siècle, Edition Privat, Toulouse, 2001. 14 Martine DIOT, Cheminées, étude de structures du Moyen Age au XVIIIe siècle, Editions du patrimoine, Centre des monuments nationaux, Paris, 2007. 15 Elisabeth SIROT, Allumer le feu : cheminée et poêle dans la maison noble et au château du XIIe au XVIe siècle, Edition Picard, Paris, 2011. 24

En outre, nous avons trouvé de nombreuses études traitant des peintures murales des habitats nobles dans plusieurs régions de France. Certaines études sont réalisées dans une zone ou dans une région particulière. M. Roques16 est l’un des premiers auteurs à avoir examiné de manière systématique les peintures murales trouvées dans plusieurs régions du sud-est, qui couvre notre zone d’étude. Puis, la thèse de C. Leduc-Gueye17 a étudié la variété des peintures murales datées de la fin du Moyen-Âge des manoirs de la région Centre. Par ailleurs, il existe une compilation des études régionales englobant l’ensemble du territoire national. Le corpus des décors peints et armoriés de C. De Mérindol18 a méthodiquement répertorié la grande richesse des peintures murales médiévales découvertes dans les demeures aristocratiques en France. Ce grand corpus met en lumière la variété des décors, et présente également des synthèses abordant les corrélations existantes entre différents thèmes. La recherche des décors peints a été assez systématiquement effectuée dans différentes régions, comme le prouvent les actes des journées d’études organisées en 200719 à Angers. Ont été mis en évidence certains caractères propres aux décors de chaque région bien que persiste une inégalité des études menées d’une région à une autre. Néanmoins, grâce à ses données déjà inventoriées, une comparaison stylistique est possible entre les régions. Nous avons porté un intérêt particulier à la publication issue de la collaboration entre E. Sirot et A. Clavier20, qui réalise l’étude des peintures monumentales. Certains sites, comme le château de , offrent un fort intérêt pour l’étude du décor peint. Par ailleurs, il existe plusieurs recherches qui démontrent la richesse du décor dans la région étudiée. Tout d’abord, il s’agit d’un inventaire des maisons fortes en Crémieu21 qui propose une étude sérieuse composée des aspects historique et architectural. Les châteaux de Montplaisant et de Serrières nous renseignent sur l’existence des cycles des peintures murales. Puis, les publications du patrimoine de l’Isère22 ont pour sujet les peintures monumentales de la maison forte des Loives et de la Demeure patricienne. Ces articles sont rédigés par A. Clavier, qui a aussi

16 Marguerite ROQUES, Les peintures murales du sud-est de la France, Edition A. et J. Picard&Cie, Paris, 1961. 17 Christine LEDUC-GUEYE, La peinture murale en Anjou et dans le Maine aux XVe et XVIe siècles, Strasbourg, thèse, Université Strasbourg 2, 1999. 18 Christian de MERINDOL, La maison des chevaliers de Pont-Saint-Esprit : corpus des décors monumentaux peints et armoriés en France à l’époque médiévale, Conseil général du Gard, 2001. 19 Le décor peint dans la demeure au Moyen-Age, Actes des journées d’études (Angers, Conseil général de Maine-et-Loire, 15-16 novembre 2007), Le Conseil général de Maine-Et-Loire, www.cg49.fr/cultures/peintures_murales/journees_etudes/journees_etudes.asp (site consulté le 27 janvier 2010). Conseil général de Maine-Et-Loire, Angers. 20 Elisabeth SIROT et Annick CLAVIER, « Le décor peint dans la maison noble et forte au Moyen Age en territoire savoyard du XIIe au XVIe siècle », in Le décor peint dans la demeure au Moyen Age, Angers, 2007. 21 Maryannick CHALABI et Olivia PELLETIER, Les maisons fortes du canton de Crémieu, Inventaire général du patrimoine culturel, Région Rhône-Alpes., Lyon, 1994-1998. 22 Patrimoine en Isère, Service du patrimoine culturel, Conseil général de l’Isère., Grenoble, 1994-2009. 25 consacré un ouvrage au château de Theys23. Le décor peint permet une autre approche artistique importante dans le contexte de l’habitat noble. En parallèle du décor peint qui présente les caractéristiques de l’art figuratif, le décor sculpté offre l’univers des figures décoratives dans les résidences seigneuriales. La thèse d’E. Dagnas-Thomas24 est une étude de l’ornement sculpté des bâtiments datés de la fin du Moyen-Âge jusqu’au début de la Renaissance. L’auteur a proposé un système permettant d’analyser la structure et le style de l’ornement selon la distinction du champ décoratif. Néanmoins, le décor sculpté possède des caractères qui se distinguent de ceux d’autres éléments car il se trouve sur des éléments d’architecture en les ornant : par exemple, un écu sculpté qui décore le linteau d’une porte. Les motifs sculptés (motif étoilé) ou figures sculptées (figure d’un monstre) peuvent orner la fente de la meurtrière ou décorer la base de l’échauguette. L’étude précise de ce type du décor est rare, mais c’est encore l’inventaire des maisons fortes en Crémieu qui peut nous renseigner sur les sites dotés de décors sculptés intéressants : la maison forte Montagnieu, la maison forte Montplaisant, le château et la maison forte Mépieu. Les trois premiers sites possèdent chacun des figures de personnages sculptés ornant la tombée d’une voûte. Enfin, pour comprendre logique globale d’un site, il est nécessaire d’étudier le plan et la disposition de la tour et du bâtiment. Selon J. Mesqui25, ces composants aident à analyser l’esthétique d’ensemble du site, dès la base de la structure. L’intérêt porté aux éléments décoratifs mentionnés ci-dessus concernent l’aspect esthétique de l’ensemble des habitats nobles, ce qui offre un intérêt particulier des études d’architecture et offre une nouvelle perspective qui n’a que peu été abordée.

L’aspect des demeures aristocratiques s’affirme lors de la transformation architecturale du site austère à la résidence, lieu d’habitation entre le XIVe et le XVe siècle26. L’aspect d’habitation favorise un développement décoratif et le luxe dans l’espace intérieur de l’édifice27. La période charnière de la fin du Moyen-Âge au début de la Renaissance favorise la création artistique en constituant un courant artistique nouveau avec un retour à l’Antique

23 Annick CLAVIER, Perceval en Montagne : le Châtel de Theys, Patrimoine en Isère, Département de l’Isère, Grenoble, 2014. 24 Evelyne DAGNAS-THOMAS, Le système ornemental de la première Renaissance française, Tours, thèse, Université de Tours, 1997. 25 MESQUI, Châteaux et enceintes de la France médiévale. De la défense à la résidence, op. cit. 26 Jean FERAY, Architecture intérieure et décoration en France des origines à 1875, op. cit. 27 Dominique LETELLIER et Charlotte OLIVIER, Le décor intérieur dans l’architecture des demeures du XIIe au XXe siècle, op. cit. 26 plus ou moins important. Nous avons parlé de l’aspect d’habitation des demeures aristocratiques. Celui-ci s’affirme lors de la transformation architecturale du site austère à la résidence d’habitation entre le XIVe et le XVe siècle28. L’aspect d’habitation permet d’évoquer l’approche décorative et le luxe dans l’espace intérieur de l’édifice29. De plus, la période charnière de la fin du Moyen-Âge au début de la Renaissance est particulière car le courant artistique se mélange entre le style antiquisant et le style nouveau, favorisant la création artistique variante. C’est une des raisons pour lesquelles nous précisons que notre période d’étude s’étale du XIIIe au XVIe siècle. Concernant la région d’étude, le Grésivaudan et le Viennois font partie de l’ancienne principauté du Dauphiné qui était autrefois l’un des territoires importants et demeuré indépendant du royaume de France jusqu’en 1349. Les deux territoires étaient dotés de caractères géographiques variés qui permettaient aux seigneurs de s’installer dans la plupart des zones fertiles. Un grand nombre des résidences seigneuriales sont réparties dans ces deux territoires. La prospection et l’étude des habitats nobles ont initialement été réalisées par le Conseil Général de l’Isère, avec la publication divisée par cantons30. De plus, la recherche se poursuit par la publication par territoires avec la série du patrimoine de l’Isère31. Les renseignements de ces sources offrent un point de départ pour constituer notre corpus d’habitats nobles. Dans le même temps, l’étude précise des maisons fortes d’E. Doncieux32 apparue dans les revues Evocation et Pierre de l’écrit rend compte de l’intérêt de certains sites. Par ailleurs, les recherches auprès de l’Inventaire général du patrimoine culturel de la région Rhône-Alpes33 et les travaux universitaires34 montrent la plupart du temps une étude dans la région ou dans une zone particulière sous la forme d’inventaire des sites. Ce type du travail nous renseigne sur les caractères des sites situés dans chaque région, en nous aidant à sélectionner les zones d’étude.

28 Jean FERAY, Architecture intérieure et décoration en France des origines à 1875, op. cit. 29 Dominique LETELLIER et Charlotte OLIVIER, Le décor intérieur dans l’architecture des demeures du XIIe au XXe siècle, op. cit. 30 Annick MENARD, Archéologie chez vous N°10, Département de l’Isère., Grenoble, Conseil général de l’Isère, 1992. Cet ouvrage s’intègre dans la série « Archéologie chez vous » publiée par la direction de la culture et du patrimoine, Conseil général de l’Isère. 31 Patrimoine en Isère : Chambaran, Conservation du Patrimoine de l’Isère, Grenoble, 1999. Cet ouvrage s’intègre dans la série « Patrimoine en Isère » publiée par la direction de la culture et du patrimoine, Conseil général de l’Isère. 32 Emmanuel DONCIEUX, « Maisons fortes dauphinoises », in Evocations. Ce revue a été publié dans la période 1945-1989 mais nous avons consultées celles de l’année 1959 et des années suivantes. La revue et devenue la « Pierre de l’écrit » à partir 1989. 33 Olivia PELLETIER, « Les maisons fortes du canton de Crémieu », op. cit. 34 Elsa VIDIL, Les châteaux et les maisons fortes en basse Maurienne et en Val Gelon du XIIe au XVe siècle, Lyon, mémoire, Ecole des Hautes Etudes en Science Sociale, 2004. Ceci est l’un des mémoires que nous avons consulté pour obtenir les renseignements de quelques régions situées en Isère. 27

Après l’étude des caractères stylistiques des décors, il est important d’examiner dans le détail la relation de ces décors avec leurs emplacements dans les sites étudiés. La documentation des sites et les ouvrages ne mentionnent que rarement cet aspect ; ce ne sont que l’article d’Y. Esquieu35 et l’ouvrage d’E. Sirot36 qui précisent les relations de l’approche décorative et l’emplacement des décors par étage. Il est classique de dire que le premier étage est l’étage noble où se trouve un grand nombre d’éléments à décors. En outre, nous mènerons une réflexion aux autres critères d’emplacement pouvant être reliés avec les décors. Le premier concerne les lieux en édifice, donc le bâtiment et la tour. Les caractéristiques et la fonction de chaque élément d’architecture permettent à chaque élément de se retrouver à différents endroits. La porte et les meurtrières peuvent être présentes en grand nombre sur la tour, en tenant compte de leur fonction de transition et de défense. Au contraire, la fenêtre et la cheminée apparaissent davantage sur le bâtiment car elles sont nécessaires dans les lieux d’habitation. Le deuxième critère est la superficie du bâtiment et celle de la tour dans laquelle le nombre de décors diffère. Nous supposons que l’édifice ayant plus de superficie, ce qui suggère qu’il comprend plus de décors. Ensuite, parmi les références que nous avons citées ci-dessus, certaines sont des études architecturales d’habitats nobles et leur approche décorative en démontrant la particularité régionale, comme les tours salles en Bourbonnais37 ou les manoirs dans le département du Maine-et-Loire38. En outre, le nombre de travaux universitaires, en particulier les recherches traitant le sujet des maisons fortes, sont des sources importantes qui nous donnent des renseignements détaillés sur les sites situés dans la région Rhône-Alpes39, ce qui couvre notre zone d’étude. Il est donc intéressant de réaliser une étude comparative entre le décor de notre corpus et ceux trouvés dans d’autres régions. Ceci permet d’ouvrir la voie pour appréhender la différence stylistique de sites répondant aux mêmes critères. Comme nous l’avons mentionné plus haut, les travaux universitaires permettent d’effectuer la comparaison des décors de sites situés dans la même région que nos sites sélectionnés, la région Rhône-Alpes.

35 Yves ESQUIEU, « La baie. Ostentation et hiérarchisation dans la demeure médiévale », in Cadre de vie et manières d’habiter (XIIe-XVIe siècle), Publications du CRAHM, Caen, pp. 229‑238. 36 Elisabeth SIROT, Noble et forte maison : l’habitat seigneurial dans les campagnes médiévales, op. cit. 37 Timothée RONY, Les tours salles en Bourbonnais un modèle de maisons fortes aux XIVe XVe siècles (études de cas), Lyon, mémoire, Université Lyon2, 2013. 38 Christine LEDUC-GUEYE, D’intimité, d’éternité : la peinture monumentale en Anjou au temps du roi René, Editions Lieux-Dits, Lyon, 2007. 39 Sophie GUENOT, Les maisons fortes en Bresse et en Revermont, de la fin du XIIIe au début du XVIe siècle, mémoire, Université Lumière Lyon2, Lyon, 1997. Deux autres mémoires importants concernent celui de Guillot, L'habitat fortifié secondaire en Vivarais, XIIe-XVIe siècles et celui de Vidil, Les châteaux et les maisons fortes en basse Maurienne et en Val Gelon du XIIe au XVe siècle. 28

L’étude des tours salles en Bourbonnais40 et celle des maisons fortes en Bourgogne41 aident à classer les sites situés dans la région voisine. Enfin, les recherches des manoirs42 et des sites en Touraine43 et celles des maisons fortes en Lorraine44 permettent d’encadrer la comparaison des décors pour les régions lointaines. Notre étude comparative se divise donc en trois parties en tenant compte de la distance par rapport à notre région d’étude. Néanmoins, les caractéristiques du décor figuratif qui diffèrent de ceux du décor architectural autorisent une étude comparative à part. Il est nécessaire de se référer au corpus des peintures monumentales de C. Mérindol45 qui présente un nombre important de décors peints datant de l’époque médiévale. L’ouvrage de C. Leduc-Gueye46 et T. Le Deschault De Monredon47 sont des autres sources qui démontrent la variété des figures et des peintures permettant de faire comparer avec nos décors peints qui possèdent les mêmes sujets.

En dehors de l’étude du corpus de décor, nous pensons au rapport de la résidence seigneuriale avec les propriétaires, qui peut refléter un statut social plus ou moins important. Selon nos sources, les renseignements des sites s’accompagnent souvent de leur historique qui mentionnent les familles nobles, détentrices des sites. Il faut compter sur l’étude sérieuse d’O.Pelletier48 qui se concentre sur l’aspect historique et architectural des maisons fortes en Crémieu. Cet auteur a consulté les archives et d’autres documents anciens (photos et dessins), comme les sources initiales qui peuvent mieux nous renseigner sur l’historique du site et les familles détentrices. Nous avons tenté d’utiliser ce type de document pour retrouver des informations concernant nos sites, mais nous n’avons pas trouvé de données correspondantes malgré tous nos efforts. Néanmoins, il existe d’autres sources comme l’étude des armoiries de G. de Rivoire de La Bâtie qui renseigne sur l’histoire brève des familles seigneuriales en Dauphiné en présentant la généalogie ainsi que les personnages importants de chaque famille.

40 Timothée RONY, Les tours salles en Bourbonnais un modèle de maisons fortes aux XIVe XVe siècles (études de cas), op. cit. 41 Hervé MOUILLEBOUCHE, Les maisons fortes en Bourgogne du nord du XIIIe au XVIe siècle, op. cit. 42 Emmanuel LITOUX, Christian CUSSONNEAU et Christine LEDUC-GUEYE, Entre ville et campagne. Demeures du roi René en Anjou, Inventaire général du patrimoine culturel, Pays de la Loire, 2009. 43 Gael CARRE, « Trois exemples d’habitat aristocratique en Touraine (XIIe-XIVe siècles) », Bulletin Monumental, vol. 157, no 1, 1999, pp. 43‑62. 44 Gérard GIULIATO, Châteaux et maisons fortes en Lorraine centrale, op. cit. 45 Christian de MERINDOL, La maison des chevaliers de Pont-Saint-Esprit : corpus des décors monumentaux peints et armoriés en France à l’époque médiévale, op. cit. 46 Christine LEDUC-GUEYE, D’intimité, d’éternité : la peinture monumentale en Anjou au temps du roi René, op. cit. 47 Térence LE DESCHAULT DE MONREDON, Le décor peint de la maison médiévale ; orner pour signifier en France avant 1350, Edition A. & J. Picard, Paris, 2015. 48 Olivia PELLETIER, « Les maisons fortes du canton de Crémieu », op. cit. 29

Il faut utiliser cet ouvrage parallèlement avec des études sérieuses en histoire, afin de compléter la certitude de l’information. 30

1.2 Les ouvrages principaux

Il s’agit de l’ensemble des documents publiés fournissant des informations générales, des définitions de thèmes, ainsi que des études précises sur des thèmes particuliers issus de différents établissements. Il est important de bien distinguer les sources « bibliographiques » indispensables à l’exploitation scientifiques, des sources utiles à la constitution de l’inventaire des sites. S’agissant de ces dernières, nous les citons dans la partie portant sur les publications régionales car elles abordent le contexte de la région d’étude du Dauphiné.

1.2.1 Les ouvrages

Ce type de ressource comprend tous les ouvrages qui présentent des renseignements de bases, des thèmes particuliers jusqu’aux thèmes traités de manière précise. Nous allons citer quelques références qui apportent des éléments nécessaires à notre recherche. Pour les renseignements initiaux, il existe de nombreux ouvrages qui présentent de manière générale des thématiques différentes. Concernant les châteaux et les maisons fortes, il faut citer encore une fois l’ouvrage de J.Mesqui49, d’A.Debord50 et celui d’E. Sirot51 qui fournissent des informations sur ces deux types d’architecture. Les renseignements sont riches et portent sur divers thèmes. Pour les ouvrages présentant des thèmes particuliers, nous avons trouvé un grand nombre de livres. Les trois ouvrages cités ci-dessus abordent également les thèmes précis des résidences seigneuriales dont Mesqui et Sirot soulignent l’approche d’habitation du château et de la maison forte, tandis que Debord précise le lien entre la noblesse et sa résidence. Pour une approche décorative, la partie relative à la décoration dans l’ouvrage de J.Feray52 et dans celui de D. Letellier53 nous renseignent sur l’aspect décoratif d’un habitat noble à travers les éléments ornés, ce qui est intéressant pour choisir les éléments destinés à être étudiés.

49 Jean MESQUI, Châteaux et enceintes de la France médiévale. De la défense à la résidence, op. cit. 50 André DEBORD, Aristocratie et pouvoir: le rôle du château dans la France médiévale, op. cit. 51 Elisabeth SIROT, Noble et forte maison: l’habitat seigneurial dans les campagnes médiévales, A & J Picard, 2007. 52 Jean FERAY, Architecture intérieure et décoration en France des origines à 1875, op. cit. 53 Dominique LETELLIER et Charlotte OLIVIER, Le décor intérieur dans l’architecture des demeures du XIIe au XXe siècle, op. cit. 31

Quant à une approche historique, un ouvrage collectif54 apporte les événements clés de chaque période en Dauphiné, qui englobe les zones d’étude. Chaque auteur présente une analyse en énonçant les causes et les conséquences de ces événements. Concernant le domaine artistique, l’ouvrage de M. Roques55 qui présente les peintures murales trouvées dans les régions sud-est de la France, nous informe sur les caractères du décor peint de notre région d’étude. Enfin, nous avons trouvé de nombreux ouvrages relatifs à des thèmes très précis susceptibles de donner des points importants à étudier dans le cadre de notre recherche. L’un des sujets les plus importants porte sur les renseignements permettant le choix des éléments à étudier. Pour ceci, les ouvrages présentant les caractéristiques architecturales et leurs évolutions constituent de bonnes sources, comme nous l’avons déjà mentionné dans l’historiographie : ceux de J. Mesqui56 et D. Letellier57 qui soulignent l’évolution des fenêtres. Le même auteur, Mesqui, présente dans son ouvrage la typologie et l’approche décorative des éléments défensifs (échauguette, bretèche et meurtrières). E. Sirot58, quant à elle, met l’accent sur la cheminée. S’agissant du décor figuratif, le corpus des décors peints de C. De Mérindol59 nous renseigne sur les sites reconnus en France, et s’accompagne d’une analyse sérieuse du corpus des décors peints. Par ailleurs, les inventaires et les méthodologies développées pour les constituer par M. Melot et H. Verdier60 expliquent les principes qui permettent le classement des éléments étudiés. En outre, les recherches universitaires fournissent également des thèmes spécifiques pouvant amener à des points de vue intéressants. La thèse de C. Leduc-Gueye61 présente l’étude du corpus des peintures murales sous un aspect artistique et le contexte social de

54 René FAVIER, Alain BELMONT, René VERDIER, Henri FALQUE-VERT et Vital CHOMEL, De la principauté à la province. La perte des libertés dauphinoises (XVIe-XVIIe siècle), Presses universitaires de Grenoble, Grenoble, 1999. 55 Marguerite ROQUES, Les peintures murales du sud-est de la France, op. cit. 56 Jean MESQUI, Châteaux et enceintes de la France médiévale. De la défense à la résidence., op. cit. 57 Dominique LETELLIER et Charlotte OLIVIER, Le décor intérieur dans l’architecture des demeures du XIIe au XXe siècle, op. cit. 58 Elisabeth SIROT, Allumer le feu : cheminée et poêle dans la maison noble et au château du XIIème au XVIème siècle, Picard, 2011, op. cit. 59 Christian de MERINDOL, La maison des chevaliers de Pont-Saint-Esprit: corpus des décors monumentaux peints et armoriés en France à l’époque médiévale, Musée d’art sacré du Gard, France, 2001. 60 Michel MELOT et Hélène VERDIER, Principes, méthode et conduite de l’inventaire général, Editions du patrimoine, Paris, 2001. 61 Christine LEDUC-GUEYE, La peinture murale en Anjou et dans le Maine aux XVe et XVIe siècles, thèse, Université Strasboug2, 1999, op.cit. 32 l’époque. E. Dagnas-Thomas62 montre dans sa thèse le classement des éléments d’architecture ornés accompagné d’analyses stylistiques.

1.2.2 Publications relatives à la région d’étude

Il s’agit de toutes les catégories de documents relatifs à la région étudiée et comportant des renseignements qui peuvent fournir des approches intéressantes à notre recherche. Toutefois, ce type de sources peut se diviser entre les informations permettant de définir les contextes géographique et historique pouvant être définies comme des « sources bibliographiques », et les sources utiles à la constitution de l’inventaire des sites. Ces dernières fournissent généralement des renseignements sur l’aspect historique et architectural des châteaux et des maisons fortes situés dans le département de l’Isère et celui de la Drôme63. Concernant les sources bibliographiques, les livres de B. Bligny64 et de R. Favier65 offrent des renseignements historiques de base sur le Dauphiné. L’ouvrage d’A. Lemonde66 nous permet de comprendre précisément le rattachement du Dauphiné à la France, ce qui constitue l’un des événements les plus importants de ce territoire. Quant aux sources permettant d’établir un inventaire, elles se subdivisent en deux en raison de leurs apports : des études plutôt généralistes ou des études de cas précis. Pour le premier type de document, les descriptions des communes de F. Perrin-Dulac67 et les ouvrages de l’Histoire des communes de l’Isère68 permettent de connaître le contexte géographique, l’approche historique et quelques demeures nobles signalées dans les communes. Ceux-ci offrent une première piste concernant l’intérêt des sites. Puis, nous en apprenons davantage sur ces sites grâce aux articles rédigés par E. Doncieux dans la revue « Evocation69 ». L’auteur parle de l’histoire de la région et des familles possédant plusieurs maisons fortes, ce qui permet également de les dater approximativement. Une autre revue,

62 Evelyne DAGNAS-THOMAS, Le système ornemental de la première Renaissance française, op. cit. 63 Les territoires en Isère englobent l’ensemble des zones étudiées, dont le Grésivaudan et le Viennois. L’une des parties du Viennois se situe dans l’actuel département de la Drôme. 64 Bernard BLIGNY, Histoire du Dauphiné, Edition Edouard Privat, Toulouse, 1973. 65 René FAVIER, Nouvelle histoire du Dauphiné, Editions Glénat, Grenoble, 2007. 66 Anne LEMONDE, Le temps des libertés en Dauphiné. L’intégration d’une principauté à la Couronne de France (1349-1408), Presses universitaires de Grenoble, Grenoble, 2002. 67 François PERRIN-DULAC, Description générale du département de l’Isère, Laffitte reprints, Marseille, 1980. 68 Histoire des communes de l’Isère, Edition Horvath, Le Coteau, 1987-1988. 69 Emmanuel DONCIEUX, « Maisons fortes dauphinoises », op. cit. 33

« et l’écrit70 », est une version postérieure à « Évocation » offrant également une approche historique des résidences seigneuriales en Isère. Par ailleurs, les collections d’ouvrages publiées par le Conseil Général de l’Isère offrent des renseignements plus détaillés sur les sites en divisant les zones d’étude en plusieurs territoires. La collection « Archéologie chez vous71 » et celle du « Patrimoine de l’Isère72 » nous apportent des données sur les caractères géographiques de chaque zone d’étude. Par ailleurs, des renseignements riches sur l’histoire et des descriptions de certains sites intéressants aident à recenser les demeures nobles les plus pertinentes. Avec les ouvrages mentionnés ci-dessus, nous disposons de plusieurs sites dotés d’un intérêt architectural, être que nous avons pu être intégrés dans notre inventaire. Le deuxième type de documents concerne les informations plus précises sur les résidences seigneuriales, qui permettent de déterminer un corpus de sites. Afin d’obtenir ces renseignements spécifiques, nous avons contacté plusieurs établissements publics permettant d’accéder à un grand nombre de ressources. Tout d’abord, les bases de données de ces établissements, en particulier la base « Mérimée73 » et la base gérée par le service du patrimoine du Conseil Général de l’Isère74 et le même service du Conseil Général de la Drôme, disposent d’inventaires des sites triés par commune. Elles peuvent mentionner des éléments sur le décor des sites répertoriés. Ces documents nous aident à identifier les sites remarquables, mais aussi les petits sites inventoriés dans les communes. En outre, le Conseil Général de l’Isère et celui de la Drôme disposent également d’une base de données rassemblant des photographies prises sur place pour les différents types des sites inventoriés. Cette source fournit de nouveaux éléments sur des sites, ainsi que et sur l’intérêt de certains sites inédits que nous avons rajoutés dans notre corpus afin de les étudier. Dès que nous constituons une liste de sites ayant un intérêt décoratif, nous consultons ensuite les dossiers des sites triés par commune. Ceux-ci donnent l’historique et souvent la description de l’ensemble du site, en détail. Le même type de sources peut se trouver auprès du service d’archéologie de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Lyon.

70 Emmanuel DONCIEUX, La Pierre et l’écrit, Presses universitaires de Grenoble, Grenoble, 1989. Nous avons consulté les volumes publiés entre 1989 et 2003. Cette revue est à nos jours un numéro par an. 71 Annick MENARD, Archéologie chez vous, op. cit. Cet ouvrage s’intègre dans la série « Archéologie chez vous » publiée par la direction de la culture et du patrimoine, Conseil général de l’Isère. 72 Patrimoine en Isère : Chambaran, op. cit. Cet ouvrage s’intègre dans la série « Patrimoine en Isère » publiée par la direction de la culture et du patrimoine, Conseil général de l’Isère. 73 La base de données « Mérimée » peut être consultée sur le site web http://www.culture.gouv.fr/culture/inventai/patrimoine/ 74 http://www.isere-patrimoine.fr/711-bases-de-donnees-des-sites.htm 34

Ces ressources présentent les études des sites dans un petit secteur mais de manière très précise. Nous consultons également les études effectuées dans des secteurs plus grands (au niveau des cantons), dans lesquels les apports géographiques des cantons se ressemblent. Dans l’Inventaire général du patrimoine culturel (région Rhône-Alpes), nous avons étudié le corpus des maisons fortes situées dans le canton de Crémieu75. Les photographies prises sur chaque site montrent des similitudes architecturales entre les sites. De plus, les éléments intérieurs permettent de déterminer l’intérêt du décor de chaque site, ce qui autorise l’ajout de certains sites dans notre corpus. Il existe une autre source : les travaux de recherche. Ceux-ci concernent le plus souvent l’étude des résidences seigneuriales dans une zone particulière. L’auteur de chaque étude présente l’inventaire des sites situés dans une même entité géographique. Les mémoires nous renseignent sur l’histoire des zones d’étude et celle des sites, et nous offre une description architecturale permettant de se faire une idée sur ces sites. Nous pouvons citer quelques mémoires portant sur les territoires du Dauphiné : S. Gaime76 et M. Saint-Cyr77 ont situé leurs études dans le territoire de l’île-Crémieu, L. Rogala78, S. Goeller79 et E. Guilini80 ont effectué leurs recherches autour du lac de Paladru. Ces renseignements précis permettent de sélectionner les sites destinés à être étudiés.

1.2.3 Publication des sociétés savantes

Cette catégorie de sources regroupe les publications les plus récentes. Elles concernent les périodiques, les revues, les recherches rassemblées dans le cadre de colloques et d’autres sources sur des sujets précis. Les revues « Perspective » et « Revue de l’art » comportent chacune des articles sur le contenu du décor des périodes moderne et contemporaine. Ils permettent de nous renseigner sur le contexte du décor en dehors de la période étudiée, afin de déterminer le cadre de notre recherche sur ce sujet.

75 Maryannick CHALABI, Olivia PELLETIER, « Les maisons fortes du canton de Crémieu », op. cit. 76 Sébastien GAIME, Les maisons fortes du mandement de Quirieu, mémoire, Université Lyon 2, 1991. 77 Muriel SAINT-CYR, Les maisons fortes du mandement de Crémieu, mémoire, Université Lumière Lyon 2, 1987. 78 Laurent ROGALA, Les maisons fortes des Seigneuries de Rives, et de dans la vallée de la Fure, mémoire, Université Paris 1, 1993. 79 Sarah GOELLER, Les maisons fortes de la haute vallée de la Bourbre (Isère) du XIIe au XVIIe siècle, mémoire, Université Lyon 2, 2001. 80 Estelle GUILINI, Les maisons fortes de la Valdaine du XIIIe au XVIIe siècle : mandement de Clermont et Saint-Geoir-en-Valdaine, mémoire, Université Grenoble 2, 2001. 35

La revue « Dara81 » offre des renseignements très précis et très documentés sur des sites remarquables ou des thèmes particuliers. En outre, il existe également quelques revues anciennement publiées qui nous donnent des informations sur les résidences seigneuriales, mais nous ne pouvons pas toutes les citer.

1.2.4 Dictionnaires

Nous ne pouvons pas nous permettre de négliger cette source car les données encyclopédiques offrent une définition significative et précise qui donne des renseignements de base pour notre recherche. En outre, la présentation de plusieurs significations pour un thème permet de disposer d’une perspective dans ce domaine et probablement d’établir des liens avec d’autres sujets. Les dictionnaires se divisent en plusieurs matières. Nous pouvons en citer certains, indispensables à notre recherche. Pour le domaine de l’architecture, notre source majeure est le livre de J. Pérouse de Montclos82. Les définitions des thèmes architecturaux nous aident à identifier et à classer les éléments d’architecture. En analysant les caractéristiques de ces éléments, les définitions fournissent un critère qui permet de réaliser la typologie de chaque type d’éléments étudiés. A. Koch83 montre dans son ouvrage les styles des éléments d’architecture de chaque période, ce qui nous permet d’en synthétiser l’évolution (par exemple, des arcs d’ouverture). Concernant l’histoire de l’art, nous avons consulté le dictionnaire de P. Charron84 qui donne les définitions essentielles de l’époque, ainsi que l’évolution des éléments d’architecture. Les livres de vocabulaire du Centre des monuments nationaux peuvent apporter des informations sur les significations et les thèmes de la peinture85 et de la sculpture86.

81 Yvonne HARLE-SAMBET et Raymond MOYROUD, Dara : le château de (Isère), Association de liaison pour le patrimoine et l’archéologie en Rhône-Alpes et en Auvergne, Lyon, 2009. 82 Jean-Marie PEROUSE DE MONTCLOS, Architecture description et vocabulaire méthodiques, Centre des momuments nationaux, Paris, 2011. 83 Ailfried KOCH, Comment reconnaître les styles en architecture de la Grèce antique au XXe siècle, Edition Solar, France, 1989. 84 Pascale CHARRON et Jean-Marie GUILLOUET, Dictionnaire d’histoire de l’art du Moyen-Âge occidental, Edition Robert Laffont, Paris, 2009. 85 Peinture et dessin 1 vocabulaire typologique et technique, Editions du patrimoine, Centre des monuments nationaux, Paris, 2009. 86 Marie-Thérèse BAUDRY, Sculpture Méthode et vocabulaire, Centre des monuments nationaux, Paris, 1978. 36

S’agissant de l’aspect décoratif, le dictionnaire de L. De Finance87 et celui d’E. Dagnas-Thomas88 constituent des références importantes qui couvrent le décor d’architecture et le décor figuratif. Quant à l’approche historique, il est nécessaire de connaître quelques thèmes de l’époque. Le dictionnaire de M. Balard89 offre des renseignements de base et celui de J. Le Goff90 présente des définitions par thèmes.

Ce type de sources représente un outil indispensable pour notre recherche qui nécessite des définitions précises dans différents thèmes et particulièrement des définitions des thèmes architecturaux, afin de classifier les éléments d’architecture dans notre corpus de décors.

87 Laurence DE FINANCE et Pascal LIEVAUX, Ornement vocabulaire typologique et technique, Editions du patrimoine, Centre des Monuments Nationaux, Paris, 2014. 88 Evelyne THOMAS, Vocabulaire illustré de l’ornement par le décor de l’architecture et des autres arts, Edition Eyrolles, Paris, 2012. 89 Michel BALARD, Dictionnaire de la France médiévale, Edition Hachette, Paris, 2003. 90 Jacques LE GOFF et Jean-Claude SCHMITT, Dictionnaire raisonné de l’occident médiéval, Edition Fayard, Paris, 1999. 37

1.3 Problématiques

Dans l’Europe médiévale, l’organisation politique était fondée sur l’exercice du pouvoir par des seigneurs locaux, placés sous l’autorité centrale du roi ou de l’empereur, qui s’est renforcée au fil des siècles. La présence de ces différentes strates de pouvoir est une des causes de la construction d’un grand nombre de palais et de résidences seigneuriales. Les grandes et somptueuses résidences – les palais – ont toujours suscité de nombreuses recherches, portant entre autres sur les thèmes propres à l’histoire de l’art (décors, etc.). Les études portant sur les châteaux sont également nombreuses, mais davantage tournées vers les aspects historiques et archéologiques, la castellologie étant devenue, au fil des années, un champ à part entière de la recherche historique. L’attention des chercheurs se porte toutefois de plus en plus sur les maisons fortes, demeures nobles plus modestes, et leurs apports historiques et archéologiques. Les nombreuses études archéologiques de châteaux et de maisons fortes permettent ainsi de bien connaître les caractères architecturaux des sites. Cependant, les décors qui se trouvent dans l’ensemble de ces deux types de résidences seigneuriales, y compris le décor architectural, ne sont pas encore étudiés de manière systématique et approfondie. En conséquence, l’étude du décor des résidences seigneuriales est un sujet intéressant qui permettrait d’obtenir de nouvelles informations sur l’approche décorative, en complément des travaux portant sur d’autres aspects déjà étudiés dans le domaine des demeures aristocratiques.

En Europe, le territoire s’organise d’une manière générale autour du château à partir du Xe siècle. Des nobles de rang moindre s’installent aussi dans des résidences plus ou moins fortifiées, les maisons fortes. Le nombre de ces résidences seigneuriales s’est accru au cours des siècles et décline vers le milieu du XVème siècle et jusqu’au XVIème siècle, c’est-à-dire pendant la période transitoire avec la Renaissance, qui voit l’affirmation progressive d’un autre type de résidence noble, le manoir. Ce nouveau courant artistique se diffusant dans plusieurs pays européens a influencé l’architecture ainsi que l’aspect décoratif des résidences seigneuriales. Par ailleurs, les principes de la construction ont été influencés par les périodes paisibles entrecoupant les périodes troubles et par les goûts des détenteurs qui recherchent un certain luxe, voire le confort pour leur séjour, permettant ainsi, au XIIIème siècle, l’évolution architecturale de l’édifice totalement fortifié vers la résidence présentant les caractères d’une habitation. Par conséquent, le choix de la période étudiée s’est porté sur celle qui englobe la transformation de l’architecture et l’émergence de nouveaux styles de vie et de nouveaux 38 goûts. Nous avons donc décidé que notre étude des décors de la demeure aristocratique se porterait sur la fin du Moyen Âge qui souligne la nouvelle aspiration au confort de l’habitat. La période étudiée est donc une longue période, allant du XIIIème au XVIème siècle.

Le secteur d’étude retenu est le Dauphiné, vaste principauté d’Empire restée indépendante jusqu’en 1349, date de son rattachement à la couronne de France, à la suite duquel elle a peu à peu perdu son autonomie. La présence de nombreux seigneurs y a entraîné partout la construction de résidences nobles. En outre, certaines régions comme le Grésivaudan et le Viennois se situent sur des terres fertiles, attirant la population et donc la construction d’habitats, y compris des demeures nobles présentant des décors. Nous avons donc décidé d’étudier les décors des résidences seigneuriales dans les régions du Grésivaudan et du Viennois, dans les limites antérieures à la réforme de l’organisation de la principauté en 1447. Cette brève présentation de notre recherche permet au lecteur de connaître les principes sous-tendant notre travail. Il est ensuite logique d’aborder les problématiques de cette étude.

En premier lieu, quelle est la raison qui nous a conduit à étudier les décors des résidences seigneuriales du XIIIème au XVIème siècle en Grésivaudan et en Viennois ? Nous nous sommes demandés si les résultats obtenus par cette recherche pourraient montrer les décors des résidences seigneuriales sous un nouvel angle.

L’étude des décors trouvés dans les différents sites nous a permis de découvrir des ressemblances et également des différences stylistiques notables en fonction de leur emplacement dans les pièces et dans les étages. Certains décors présentent des particularités stylistiques uniques. Ainsi, l’étude des décors situés dans différents endroits des sites du corpus peut-elle indiquer l’importance et la fonction des lieux ? Cette réflexion nous conduit à d’autres interrogations : les caractères des décors peuvent-ils avoir un impact sur l’importance et la fonction des lieux , et comment pouvons-nous décrire cet impact?

Notre recherche s’étend sur une longue période de trois siècles. Il est indispensable d’étudier pour chaque élément d’architecture et pour chaque décor peint leurs caractéristiques, leur composition et leur datation. Ces apports suggèrent-t-ils à une évolution stylistique des 39 décors ? De plus, notre étude stylistique peut-elle permettre de dévoiler le cadre de vie dans les habitats nobles et éclairer sur la culture de cette époque ?

L’étude des décors des résidences seigneuriales comprend inévitablement la prise en compte des détenteurs des sites. Il s’agit de seigneurs venant de familles nobles plus ou moins importantes. La différence de statut des détenteurs des sites peut expliquer que nous ayons trouvé des habitats nobles de plusieurs tailles possédant des décors aux caractères différents. En outre, le goût esthétique des occupants peut être l’un des facteurs qui a un impact sur la réalisation de décors se distinguant des caractères typiques de l’époque. Par ailleurs, nous pouvons supposer que les décors ont constitué un moyen pour certains détenteurs de montrer leur statut avec plus ou moins d’ostentation. Afin de mener à bien nos recherches, il est intéressant de poser les questions suivantes : les décors des résidences seigneuriales peuvent- ils être des indicateurs du statut des détenteurs des sites ? Les décors peuvent-ils refléter la société médiévale de la période d’étude ? Les caractères particuliers, le goût esthétique et l’identité des commanditaires influencent-ils l’homogénéité ou la distinction des décors trouvés dans certains sites ?

En voyant les résidences seigneuriales qui datent de la même période que nos sites mais situées dans d’autres régions, nous constatons des ressemblances ou des distinctions stylistiques des décors en tenant compte de différents facteurs : la localisation des sites et leur proximité peuvent correspondre à la diffusion d’une influence artistique, des calamités comme les guerres ou les épidémies ont un impact sur le cadre de vie de la population, ou une approche décorative typique à une région peut exister. En conséquence, l’étude des décors des résidences seigneuriales situées dans les régions proches ou lointaines permettrait-elle de déterminer l’existence de nuances et le caractère plus ou moins travaillé de ces décors par rapport à ceux des résidences seigneuriales situées dans nos régions d’étude ?

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1.4 Définitions des objets d’étude

1.4.1 Les résidences seigneuriales

Notre étude porte sur les habitats seigneuriaux et plus précisément le château et la maison forte. Nous pouvons nous interroger sur les raisons de ce choix. Quelle est l’importance des châteaux et des maisons fortes dans l’étude de l’aspect décoratif ? Jouent-ils un rôle dans la société aristocratique de l’époque ? Afin de répondre à ces questions, il est important d’aborder la définition de ces deux édifices ; d’abord du château, puis de la maison forte. Ils se distinguent par leur apparence autant que par leur statut au sein de la société médiévale.

A. Les châteaux

La définition du château selon P. Durand91 précise clairement la fonction de ce type d’habitat : « édifice élevé par l’aristocratie du Xe au XVe siècle afin de répondre à trois fonctions : défense, résidence et symbolisme ». A. Debord92 désigne le château dans un aspect social, comme une unité territoriale qui permet d’encadrer une communauté dont le dirigeant est le seigneur du château. C’est un mode de vie qui s’organise autour du château. Cette signification semble correspondre à une approche sociale de l’époque « féodale » couvrant notre période d’étude. J. Le Goff93 explique qu’il s’agit d’un régime avec un ordre fondé sur les relations d’homme à homme, sur les solidarités collectives et sur l’adaptation du pouvoir à une échelle territoriale réduite et quelque fois très petite. Cette unité concernant d’encadrement des hommes peut être appelée la « châtellenie » qui signifie le siège d’une domination haute-justiciaire, militaire et administrative, constituée autour du château. Par ailleurs, les seigneurs des châteaux détiennent un pouvoir de police, qui présage les droits de justice, ainsi que des droits de ban qu’ils ont souvent accaparés par la force. Nous pouvons constater que le château constitue le symbole du pouvoir regroupant une unité territoriale sur laquelle le rôle du détenteur et de ses gens est intimement lié. Le château évolue au cours des siècles en parallèle avec les matériaux utilisés, le bois et les pierres : la motte castrale date du XIe siècle, et le château à donjon du XIIe siècle. Au cours

91 Philippe DURAND, Petit vocabulaire du château du Moyen-Age, Edition Confluences, Mercuès, 2009. 92 André DEBORD, Aristocratie et pouvoir: le rôle du château dans la France médiévale, op. cit. 93 Jacques LE GOFF et Jean-Claude SCHMITT, Dictionnaire raisonné de l’occident médiéval, op. cit. 41 de cette évolution, se développe un grand nombre d’éléments défensifs qui permettent de faire obstacle à la progression de l’ennemi. Comme nous l’avons dit, le château fonctionne prioritairement comme un moyen de défense mais aussi comme la résidence de ses détenteurs et représente ainsi le symbole du pouvoir seigneurial.

B. Les maisons fortes

Les maisons fortes constituent un nombre important des sites de notre corpus. Ce type d’habitat noble, après avoir été un peu oublié par rapport aux châteaux, est le sujet d’un certain nombre de recherches ces trente dernières années.

E.Sirot94 traite de la double fonction commune au château et à la maison forte, c’est-à-dire la résidence et la fortification. L. Rogala95, quant à lui, présente une définition brève mais complète : « un édifice fortifié par un seigneur qui se compose d’un centre de commandement et de justice, et de sa résidence privée ». La signification semble être similaire à celle du château. E. Guilini96 explique qu’il existe plusieurs manières de définir les maisons fortes : par les caractéristiques architecturales, par ses propriétaires ou par la nature de sa juridiction. Nous pouvons affirmer que les approches de la fonction et du statut permettent de décrire les maisons fortes. La définition ci-dessus qui illustre la maison forte semble présenter des caractéristiques similaires à celles du château. Pouvons-nous supposer que l’édification d’une maison forte vient d’une imitation du pouvoir castral du château ? S. Goeller97 parle d’un affaiblissement des pouvoirs des châtelains de la haute vallée de la Bourbre, ce qui a conduit les petits seigneurs à se répartir dans de nouvelles seigneuries, se faisant construire des maisons fortes sur leurs terres. L. Rogala indique que pendant le XIIIe et le XIVe siècle est apparu un nombre important de maisons fortes édifiées pour des raisons de sécurité en raison des guerres qui faisaient rage entre les seigneurs de la baronnie de la Tour du Pin. E. Guilini explique la perception des maisons fortes du XIVe siècle en Dauphiné à partir des données de l’enquête pontificale de 1339. L’appartenance du détenteur à la noblesse nécessite l’édification d’une maison forte puisque le statut est lié à la propriété d’un habitat. Une autre source peut confirmer cette perception. Le « Statuta Dalphinalia »,

94 Elisabeth SIROT, Noble et forte maison : l’habitat seigneurial dans les campagnes médiévales, op. cit. 95 Laurent ROGALA, Les maisons fortes de la baronnie de la Tour du Pin du XIIe au XVIIIe siècle, op. cit. 96 Estelle GUILINI, Les maisons fortes de la Valdaine du XIIIe au XVIIe siècle : mandement de Clermont et Saint-Geoir-en-Valdaine, op. cit. 97 Sarah GOELLER, Les maisons fortes de la haute vallée de la Bourbre (Isère) du XIIe au XVIIe siècle, op. cit. 42 recueil d’actes commandé par Humbert II en 1349, nous indique que la possession des maisons fortes est considérée comme l’une des qualités des nobles. D’après ces informations, nous verrons que la construction des maisons fortes se fonde sur plusieurs facteurs : d’une part la volonté de sécurité avec une approche défensive d’un habitat, et d’autre part la perception de la noblesse qui demande à affirmer le pouvoir seigneurial. Cet objectif de posséder la maison forte démontre une certaine similitude avec les châteaux mais il existe une distinction dans la mesure où la domination des détenteurs du château recouvre la châtellenie qui est une unité territoriale plus grande que le territoire administratif des seigneurs des maisons fortes. Ceux-ci possèdent un petit habitat noble situé généralement à la campagne tandis que le château démontre une grande résidence seigneuriale trouvé dans le bourg.

Néanmoins, la poursuite de l’étude des maisons fortes, en s’attachant particulièrement aux approches de statut et de fonction, permet de comprendre leur rôle dans la société aristocratique de l’époque. Dans un premier temps, nous allons aborder le statut avant de parler de la fonction des maisons fortes. La majorité des détenteurs de maisons fortes (par exemple, ceux ayant leurs résidences dans la région du lac de Paladru98) appartenaient à une branche cadette d’une grande famille, c’est-à-dire qu’ils étaient de petits seigneurs dont le statut était inférieur de celui du châtelain (ce titre est souvent attribué au fils aîné dans la famille). Par ailleurs, la maison forte ne possédait pas le statut de chef-lieu du mandement99, comme le château. Il n’est donc pas étonnant que la maison forte soit classée comme « inférieure » au château et considérée comme jouant un rôle secondaire. Dans un second temps, nous pouvons observer que le statut de la maison forte nous renseigne sur son rôle dans la société, qui se distingue de celui du château. Comme ce dernier cependant, la maison forte a été édifiée pour répondre à une fonction militaire qui était primordiale dès le début de sa construction, au XIIe siècle100. Mais à partir de la seconde moitié du XIVe siècle, se développe une fonction agricole pour laquelle le site est accompagné d’un bien foncier de dépendances agricoles101. Quelques éléments d’architecture comme des granges, des écuries, des fours et des colombiers témoignent de cet aspect. Ce dernier élément peut illustrer l’image d’un petit habitat noble à la campagne plus qu’une

98 Ibid. 99 Territoire dépendant d’une coutume et d’une autorité donnée. 100 André DEBORD, Aristocratie et pouvoir: le rôle du château dans la France médiévale, op. cit. 101 Elisabeth SIROT, Noble et forte maison : l’habitat seigneurial dans les campagnes médiévales, op. cit. 43 architecture militaire destinée à défendre une communauté, qui relève davantage de l’image du château. Le statut et la fonction de la maison forte affirment son rôle dans la société qui ressemble à celui du château, mais avec une légère nuance. Ensuite, afin de comprendre les caractéristiques de la maison forte, nous étudierons en détail sa datation, sa localisation et la typologie de ce type d’habitat. Les maisons fortes ont été initialement construites à partir du XIIe siècle comme un nouveau mode de construction d’un habitat noble et ont connu un grand essor entre 1250 et 1350, de manière particulière selon les régions concernées. Quant à la localisation, la majorité des sites se situe dans un lieu stratégique, souvent sur les hauteurs permettant ainsi d’assurer une situation dominante dans l’espace. Cette approche répond à l’objectif de défense du site. Pour la typologie, selon le colloque relatif à la maison forte à Pont-de-Mousson102, les caractéristiques architecturales permettent de diviser ce type d’habitat noble en deux catégories. D’une part les maisons-tours ayant une forme de tours d’habitation et composées d’éléments résidentiels ; d’autre part les habitats situés sur une plate-forme surélevée que nous pouvons comparer aux mottes castrales des Xe–XIe siècles. Néanmoins, il est difficile de déterminer les catégories de maisons fortes à une échelle nationale puisqu’il existe des particularités typologiques dans chaque région.

Nos deux objets d’étude (le château et la maison forte) démontrent l’aspect défensif et résidentiel des résidences seigneuriales à cette époque. Leur statut et leur fonction indiquent qu’elles jouaient un rôle important dans la société médiévale. En dehors des approches de l’architecture militaire, il serait intéressant d’étudier une autre approche reflétant le cadre de vie des habitants à travers l’apport décoratif dans ces habitats nobles.

1.4.2 Le décor

Il est tout d’abord essentiel de comprendre ce qu’est le décor, ses définitions et son importance dans une approche artistique, afin de pouvoir préciser dans un second temps les éléments destinés à être étudiés.

102 Michel BUR (DIR.), La maison forte au Moyen-Age, op. cit.

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Cherchons en premier lieu la définition dans un dictionnaire, comme première source. Celui de F. Godefroy103 définit l’adjectif « décoratif » comme « propre à décorer ». Toutefois, F. Godefroy propose un autre sens avec l’adjectif « décorable » et l’adverbe « décoranment» qui signifient « qui court, qui s’échappe ». Nous avons donc deux significations différentes du décor : l’une qui correspond à la définition actuellement utilisée, et l’autre qui offre un sens totalement différent.

Ensuite, nous avons remarqué une similitude entre la définition de l’époque moderne et celle de l’époque contemporaine. C.-P. Richelet104 définit le décor comme un embellissement des édifices et du jardin. Cette notion a été reprise par L. De Finance105, mais cette dernière définit « ornement » au lieu de « décor » dans un contexte artistique plus récent (2014). Cet auteur met l’accent sur la fonction d’ornement qui est destiné à l’embellissement ou à la mise en valeur d’un objet ou d’une architecture auxquels il est subordonné. Nous constatons que la signification du décor vise à mettre en valeur des objets ou des architectures dès la période moderne. En revanche, l’utilisation des mots a légèrement changé au cours du temps.

L’Encyclopædia Universalis106, dictionnaire contemporain, confirme l’usage du mot « ornement » : ce dernier est composé d’éléments individuels qui se prêtent à différentes formes d’association. Par ailleurs, nous avons trouvé la signification des « arts décoratifs » qui est apparue à la fin du XIXe siècle. L’usage de ce mot est généralement appliqué dans le domaine artistique et est destiné à l’ensemble des arts dont la finalité est le décor. Nous pouvons supposer que durant la période contemporaine, « l’ornement » est utilisé lorsqu’il concerne une approche artistique, tandis que le « décor » est employé dans un contexte plus général.

En conséquence, l’intérêt se portera sur l’ornement dans une approche artistique. L. De Finance107 présente dans son ouvrage une approche de l’ornement qui naît de l’association d’une forme et d’une technique. Ce point de vue ressemble à celui de G. Oleg108 qui le définit

103 Frédéric GODEFROY, Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes, Edition F. Vieweg libraire, 1881. 104 César-Pierre RICHELET, Dictionnaire François, Contenant les mots et les choses, Edition Jean Herman Widerhold, Genève, 1680. 105 Laurence De Finance et Pascal Liévaux, Ornement Vocabulaire Typologique et Technique, op. cit. 106 Peter FUHRING, Encyclopeadia Universalis, rubrique « ornement, histoire de l’art », www.encyclopaedia- universalis.fr (site consulté le 19 juin 2015). 107 Laurence DE FINANCE et Pascal LIEVAUX, Ornement vocabulaire typologique et technique, op. cit. 108 Grabar OLEG, « De l’ornement et de ses définitions », Perspective, vol. 1, 2010. 45 dans un contexte de l’art renaissant par une association entre des motifs et des techniques. Si nous reprenons la signification de l’Encyclopædia Universalis109, nous pouvons observer une légère distinction : l’ornement étant ici composé d’éléments individuels qui se prêtent à différentes formes d’association, de la simple répétition à l’alternance. Dans cette définition, l’élément technique n’est pas mis en avant. T. Golsenne explique l’intérêt d’une ornementation d’un point de vue discursif110 ; le rôle de l’ornementation est considéré secondaire puisqu’elle n’est pas essentielle à l’ensemble de l’architecture ou de l’objet mais est simplement plaisante à regarder. Toutefois, cet effet permet un certain mouvement qui dirige le sujet vers un objet. Ce rapport permet à l’ornement d’accomplir sa fonction d’orner de manière convenable.

Nous pouvons considérer également l’ornement dans une perspective plus vaste, et premièrement dans un contexte sociologique. A. Jacquemart111 énonce que les hommes avaient tout d’abord besoin de sécurité, ce qui explique que les premiers châteaux présentent un caractère de défense davantage qu’un aspect d’habitation. A partir du moment où un encadrement légal intervient pour réguler la société, les hommes recherchent ensuite le bien- être et le luxe. Nous supposons par conséquent que le décor tient une place secondaire par rapport à la sécurité dans le cadre de vie des êtres humains. B. Fontanel112 pense que le désir de décor est venu lorsque les habitants n’étaient plus réduits à une économie de survie et possédaient suffisamment de ressources.

Deuxièmement, si on opte pour une approche sociale qui considère l’homme comme un animal social, l’ornement lui permet de manifester son identité à travers ses objets puisque la beauté et le luxe peuvent montrer une certaine puissance. En conséquence, T.Golsenne résume que l’ornement permet des rapports esthétiques entre les formes, ainsi que des rapports sociaux entre les hommes.

Troisièmement, dans une approche anthropologique, l’ornement crée la force de la création qui s’intègre dans la vie des hommes, ce qui apporte de la vitalité dans la culture. Par ailleurs, l’ornement permet de s’adapter aux circonstances, T. Golsenne parle du régime où l’éthique, l’esthétique et la politique se superposent.

109 Peter FUHRING, op. cit. 110 Thomas GOLSENNE, « L’ornement : esthétique de la différence », Perspective, op. cit. 111 Albert JACQUEMART, Les Arts Décoratifs, Edition Parkstone international, Turquie, 2012. 112 Béatrice FONTANEL, Nos maisons du Moyen-Age au XXe siècle, Edition Seuil, Paris, 2010. 46

Après avoir étudié les définitions de décor et d’ornement ci-dessus, la recherche d’E. Bouet113 permet d’améliorer la notion de décor dans un contexte d’habitation. L’auteur met en avant le concept de « confort » dont il a fait le thème principal de son mémoire. Le décor représente l’une des quatre notions composant son approche du confort114. Il précise le passage d’une notion défensive et de sécurité à celle de bien-être. Il est intéressant de savoir que la notion de confort suit la même évolution que le rôle des résidences seigneuriales tout au long du Moyen-Âge. Le rôle du décor suit également la même voie ; les caractéristiques changent selon l’architecture et l’architecture change selon les événements sociopolitiques.

Nous supposons que le décor est l’un des éléments composant la notion de confort dans une habitation. Il s’adapte aux caractères d’architecture de cette dernière.

Comme nous l’avons énoncé, la construction des maisons fortes s’est multipliée dès la seconde moitié du XIIIe et durant le XIVe siècle, l’une des causes importantes pouvant être liée à la perception des seigneurs ; il était nécessaire pour eux de faire construire leur propre résidence afin d’affirmer leur appartenance à la noblesse. La propriété d’un château ou d’une maison forte démontre le pouvoir et le statut de son détenteur. Avec l’apparence de l’habitat noble, sa construction doit correspondre à la fonction de ce type d’habitat par ses aspects extérieur et intérieur. Le premier se remarque généralement par une approche défensive de la tour ou de hauts murs. Quant au second, il s’agit d’une approche d’habitation qui est primordiale avec l’organisation de l’espace et l’existence d’éléments d’architecture. Par ailleurs, l’appartenance à la noblesse de ces résidences peut entraîner les détenteurs à se présenter de manière ostentatoire à travers les décors et le luxe dans un espace intérieur. L’approche décorative permet de distinguer la demeure aristocratique de l’habitat des paysans. D’après la définition de « décor » citée ci-dessus, le décor autorise la mise en valeur d’un objet ou d’une architecture, ce qui coïncide avec la perception des détenteurs de l’habitat noble. En conséquence, la recherche de décor permet d’étudier les rapports des propriétaires et de leurs résidences en se demandant comment les décors peuvent démontrer l’approche d’habitation des seigneurs et refléter le statut de ces derniers. En outre, comme les seigneurs jouaient un rôle important à l’époque, il est intéressant de savoir si l’étude des décors peut refléter l’aspect de la société médiévale au cours d’une période donnée.

113 Emilie BOUET, La notion de confort et de bien-être dans les maisons nobles et fortes. XIIe-XVIe siècles, mémoire, Université Lumière Lyon 2, 2008. 114 Les quatre notions sont la chaleur, la lumière, l’hygiène et le décor. 47

Si nous considérons les liens des décors avec les habitats nobles, la définition des châteaux et des maisons fortes nous aident à clarifier les problématiques de notre recherche. Tout d’abord, si nous précisons l’aspect d’habitation de ces résidences, nous constatons qu’un édifice se compose de plusieurs éléments d’architecture. Ceux-ci se trouvent dans différents endroits, ce qui nous permet de remarquer des caractères et des fonctions particuliers. Notre recherche est étroitement liée aux décors architecturaux et nous laisse nous poser des questions concernant l’approche décorative et l’emplacement des éléments étudiés. Par ailleurs, nos résidences seigneuriales (particulièrement le château plutôt que la maison forte) connaissent une transformation architecturale entre le XIIIe et le XIVe siècle, passant de l’aspect fortifié à la résidence d’habitation. En conséquence, il n’est pas négligeable d’étudier l’évolution stylistique du décor en parallèle de l’évolution architecturale, puisque celle-ci est liée aux éléments d’architecture. La recherche documentaire dans l’historiographie et les ouvrages principaux, ainsi que les définitions des objets d’étude, nous autorisent à poser des questions qui amènent à déterminer les problématiques et principes de cette recherche. Nous allons les présenter dans les parties suivantes.

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Chapitre 2 La présentation des sources

Après le chapitre 1 présentant le sujet et les axes principaux de notre recherche, il est ensuite fondamental de mentionner les sources qui nous fournissent les renseignements indispensables à cette étude. Les sources utilisées peuvent être divisées en quatre catégories, selon les caractéristiques des données concernées. Tout d’abord les publications (les ouvrages et la documentation) concernant tous les domaines de notre recherche. Ce type de source fournit les informations nécessaires pour définir les problématiques et établir les axes de la recherche que nous avons présentés dans le premier chapitre. Ensuite, pour pouvoir déterminer et constituer notre corpus de sites, la consultation des archives et des données archéologiques, ainsi que les documents figurés a été indispensable. Enfin, la recherche sur le terrain a permis de mener des enquêtes auprès des habitants des sites pour retrouver des sources privées inédites éventuellement détenues par des personnes que nous avons rencontrées lors de notre recherche.

2.1 Les archives

Concernant ce type de sources écrites, nous avons effectué plusieurs recherches aux Archives départementales de l’Isère en espérant trouver des textes portant des mentions relatives au décor. Après consultation des documents et discussion avec les archivistes, nous avons trouvé très peu d’archives présentant des éléments décoratifs. La majorité des archives trouvées sont des documents notariés (série 3 E) qui se focalisent plutôt sur la description des sites et leur alentours (par exemple, les terres, les arbres) et parfois l’agencement des bâtiments115. Il n’existe pas en effet de renseignements directs sur les décors. D’autres séries aux Archives départementales de l’Isère, comme la série B qui concerne les Hommages, le dénombrement, les révisions des feux ou les comptes de châtellenie ne fournissent pas non plus de mentions sur le décor, mais ces archives offrent des renseignements historiques sur les sites, ainsi que sur la transmission du site par les familles

115 Archive code B4424, série 3E, Pierre Avalon, St-Maximin, 1307-1318, Archives départementales de l’Isère, Fonds des notaires. 49 détentrices. Néanmoins, il existe des documents appartenant à la série B qui présentent les châteaux delphinaux116. C’est un travail qui rassemble des sites de manière précise et détaillée, mais ne concerne que ceux détenus par les Dauphins. Aucun site de notre corpus n’est visé par ce travail. Étant donné que nos sites sont plutôt des maisons fortes ordinaires, il est évident qu’il n’y a pas beaucoup de documents tels que des visites ou des inventaires après décès. Le travail aux archives a été plutôt décevant car peu fructueux pour notre sujet de recherche. On peut en donner une raison principale dans la difficulté d’accéder aux documents initiaux qui nécessitaient de trop grandes compétences paléographiques. En outre pour notre important corpus, cette recherche aurait demandé trop de temps d’investigation. Nous nous sommes donc limités à recueillir et rassembler les données déjà établies pour les sites choisis car de nombreux documents permettent de reconstituer une histoire partielle de la majorité des sites. Néanmoins, il reste une autre manière d’obtenir des renseignements sur les décors : consulter les ouvrages et la documentation qui peuvent fournir des informations sur les décors dans différents aspects. L’étude des œuvres d’art et du courant artistique de l’époque permettent d’apprendre les caractéristiques des éléments décorés. De même, parler avec les tailleurs de pierre ou les restaurateurs de peintures. Leur métier et leurs expériences peuvent apporter des éléments importants pour notre travail.

2.2 Les documents figurés

Ce type de document concerne tous les supports qui montrent des illustrations : des photographies, des anciennes cartes postales, des photos aériennes des communes.

S’agissant des photographies que nous avons trouvées en un grand nombre, celles-ci présentent des vues différentes des sites pour leur aspect extérieur, mais aussi des détails précis sur les parties d’architecture et des objets. C’est une ressource qui permet de mieux connaître les sites et de recenser leur intérêt décoratif. Quelques anciennes photos permettent de connaître leur ancien aspect. Nous avons pris contact avec le service du patrimoine culturel

116Ce travail a été réalisé par Jacques Mourier, qui s’est principalement fondé sur le dépouillement des procès- verbaux des visites des maîtres d’œuvres du Dauphiné, estimant, de 1333 à 1543, la valeur des biens ou le coût des réparations à apporter à ces édifices. Ces documents appartiennent à la série B, « fonds de la Chambre des comptes du Dauphiné » (cotes B 3120 à B 3134).des réparations à apporter à ces édifices. Ces documents appartiennent à la série B, « fonds de la Chambre des comptes du Dauphiné » (cotes B 3120 à B 3134). 50 auprès du Conseil Général de l’Isère et le Conseil général de la Drôme dont la mission vise à inventorier, étudier et conserver le patrimoine et les sites importants trouvés dans les communautés. Ceci nous permet de consulter les bases de données des photos des sites inventoriés. Les ressources de ces bases de données sont déjà citées dans la partie des publications relatives à l’étude régionale. Quant aux cartes postales, elles montrent probablement des parties d’architecture qui n’existent plus de nos jours. Nous avons consulté un certain nombre des cartes postales aux Archives départementales de la Drôme. Concernant les photos aériennes, ce sont des sources qui présentent les sites et leurs alentours dans un paysage. La consultation des photos nous permet de reconnaître la structure globale du site et sa communauté d’autrefois. Nous avons consulté des photos aériennes aux Archives départementales de la Drôme. Le document figuré est une autre source essentielle pour interpréter rapidement l’intérêt des sites, ceci permettant ensuite de rassembler les sites pertinents pour notre inventaire. Les anciennes photos et cartes postales aident à connaître les sites d’autrefois. Les photos aériennes permettent d’avoir une vue globale des sites et de leurs alentours. Enfin, nous possédons une autre source qui nous paraît utile mais nécessitant de vérifier la certitude de l’information délivrée. En effet, les entretiens avec les occupants actuels des sites ne nous ont pas permis de retrouver des archives privées et inédites attestant des états antérieurs des bâtis que nous étudions. Ils ne nous ont livré que des témoignages oraux et des informations « de seconde main » que nous devons prendre en considération mais avec beaucoup de circonspection.

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C’est la dernière source qui permet de regrouper des informations et des éléments d’actualité dans nos secteurs d’étude. Lorsque l’inventaire des sites a été déterminé, nous réalisons ensuite une recherche sur le terrain en effectuant des prospections. Lors de ces visites, le propriétaire raconte l’histoire des familles propriétaires et celle du réaménagement de la résidence. Par ailleurs, le propriétaire peut souvent nous renseigner sur d’autres habitats nobles dans la même zone administrative. Nous avons porté un intérêt particulier à ces informations car les sites conseillés n’apparaissent souvent pas dans des répertoires. Ils pouvaient probablement compléter notre recherche par de nouveaux éléments. Après les visites sur place, si des éléments intéressants étaient trouvés sur les sites, nous les avons rajoutés dans le corpus des sites sélectionnés.

2.3 Le corpus des sites

Notre corpus comprend quatre-vingts douze sites dont la majorité concerne des maisons fortes. Nous avons étudié l’historique des sites et leur aspect architectural qui peuvent être consultés dans le volume 3. 52

Sites dotés d’un nombre Sites dotés d’un nombre Sites dotés d’un petit important de décors moyen de décors nombre de décors 1. Maison forte Larnage 21. Maison forte Belmont 34. Manoir de la Bâtie 2. Maison forte Bourcieu 22. Maison forte du Gollard 35. Maison forte Les Blains 3. Château de Châtillon 23. Maison forte de Boutières 36. Maison forte Saleton 4. Manoir de la Tour 24. Maison forte des Loives 37. Maison forte Biol 5. Maison forte Carroz 25. Maison forte Gramond 38. Château de 6. Château Montchalin 26. Maison forte Ferme des 39. Maison forte de la Crosse Dames 7. Maison forte Lens-Lestang 27. Maison forte Mollard- 40. Château Curson Ronde 8. Château Mépieu 28. Château Demptézieu 41. Maison forte Hauterives 9. Maison forte Chaleyre 29. Maison forte de Jail 42. Maison forte d'Ecottier 10. Maison forte des Champs 30. Maison forte de la Frette 43. Maison forte Clérivaux 11. Maison forte 31. Maison forte Verpillière 44. Tour Ravier Montplaisant 12. Tour Brune 32. Maison forte de 45. Château Bayard Commanderie 13. Maison forte Jalionas 33. Château de Theys 46. Demeure patricienne 14. Maison forte Peythieu 47. Maison forte du Châtelard (Saint-Bonnet-de- Chavagne) 15. Maison forte Montagnieu 48. Maison forte de la Tour Saint-Cierge 16. Maison forte du Carre 49. Maison forte Loras 17. Maison forte Tournelle 50. Maison forte de Morges 18. Château de Serrières 51. Château Verna 19. Maison forte du Cingle 52. Maison forte Veurey (Tour des Templiers) 20. Maison forte 53.Maison forte La Robinière

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Chapitre 3 Les méthodologies

La présentation de ce chapitre vise à exposer les principes de notre recherche en tenant compte du choix de la méthodologie. Son contenu peut être divisé en trois grandes parties. Tout d’abord, le cadre de la recherche qui est primordial avant de débuter notre étude. Pour cela, nous parlerons du principe de l’inventaire qui sera nécessairement employé dans notre étude. Cette méthode permet de retenir les sites destinés à être étudiés à l’aide de critères précis. Lorsque l’inventaire sera bien établi, il sera ensuite temps de déterminer le choix des éléments de décor. Leurs types seront sélectionnés de façon identique sur tous les sites. Nous avons précédemment indiqué dans l’historiographie que le Grésivaudan et le Viennois faisaient partie du Dauphiné, l’un des territoires les plus importants de la période d’étude. Le grand nombre de résidences seigneuriales dans ces zones justifie notre intérêt pour cette région. Le choix de nos secteurs d’étude sera justifié dans le chapitre quatre qui portera sur le contexte géographique et historique.

Ensuite, nous parlerons des démarches de la recherche qui concernent la méthodologie de l’inventaire. Cette partie se divise en trois étapes : la recherche documentaire qui fournit les pistes dans l’ensemble de notre recherche. Le nombre de renseignements nous permet de déterminer la méthode appropriée, l’encadrement des secteurs d’étude et de la période de la recherche. C’est une démarche très importante qui concerne l’origine de notre recherche. Puis, dès que tous les principes sont bien déterminés, nous aborderons la recherche sur le terrain qui se concentre sur la prospection des sites sélectionnés. Le recueil des données s’effectue de plusieurs manières, de façon à réunir les renseignements les plus complets possibles. Par ailleurs, avec les nombreuses données que nous possédons, il est important de réaliser un classement et une analyse. Enfin, nous terminerons notre étude par la rédaction qui explique les résultats et la discussion de la recherche.

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3.1 Le cadre de la recherche

3.1.1 Le principe de l’inventaire

Notre sujet est l’étude des décors de l’habitat noble. C’est un travail qui demande de collecter un certain nombre de données et de les analyser selon des critères déterminés. Il est ainsi important d’utiliser la méthode de l’inventaire qui permet d’établir le corpus des sites. Cette méthode vise à rassembler les sites occupant une même fonction-destination ; nous l’avons employée en consultant les recherches précédentes sur le sujet, en particulier celles abordant les habitats nobles dans la région Rhône-Alpes117. Ceci constitue donc le cœur de notre étude. Par ailleurs, ces sites se situent dans un même ensemble géographique : le département de l’Isère, qui est un ancien territoire du Dauphiné. La détermination des critères et la définition de la localisation correspondent aux principes de l’inventaire118 qui permettent ensuite d’établir la quantité de données espérées. Afin de bien sélectionner les sites, nous choisissons certains critères.

L’intérêt du décor est primordial. Cela signifie qu’il faut qu’un aspect du décor soit visible dans le bâtiment ou dans la tour. Comme nous prenons d’abord en compte le décor architectural, si une forme et une partie d’architecture moulurée apparaît, ce site présentera donc un intérêt quant à son décor. Ensuite, une approche ornementale se rapporte au décor figuratif, c’est-à-dire les traces peintes, les motifs peints et sculptés, mais aussi les peintures murales.

En outre, afin de bien choisir un site, nous évaluons le niveau d’intérêt au regard du nombre d’éléments ornés et la qualité du décor sur l’ensemble du site. Cette dernière correspond à l’état rendant visibles les caractères ornementaux et le déroulement du cycle des décors (pour les décors peints et sculptés). S’il existe plusieurs éléments décorés ou de décors particuliers, ce site est considéré comme plus intéressant. Dans le cas où il n’en existe que très peu (par exemple, un seul), cet élément devra être particulier par son apparence pour retenir notre intérêt. (Notre classification des sites tient également compte des décors pour l’étude comparative de la superficie. Ce texte est présenté dans le chapitre six.)

117 Estelle GUILINI, Les maisons fortes de la Valdaine du XIIIe au XVIIe siècle : mandement de Clermont et Saint-Geoir-en-Valdaine, mémoire, Université Grenoble 2, 2001. D’autres recherches abordant l’étude des habitats nobles dans une zone particulière sont aussi concernées. 118 Michel MELOT et Hélène VERDIER, Principes, méthode et conduite de l’inventaire général, Editions du patrimoine, Paris, 2001. 55

Un autre critère est la datation, nous avons réduit notre champs d’investigation à des sites appartenant à une période qui doit être située entre le XIIIe et le XVIe siècle. Cette période correspond à la fin de l’époque gothique et au début de la Renaissance. En outre, les caractéristiques de l’édifice dans cette période présentent l’aspect d’habitation qui s’est substitué à l’aspect fortifié de l’habitat noble datant des Xe-XIIe siècles, démontrant leur rôle de résidence. Néanmoins, certains sites réaménagés durant les siècles suivants conservent encore un aspect décoratif de l’époque étudiée et seront donc pris en compte dans notre recherche, mais nous signalerons leur état de restauration. Dans ce cas, nous considérerons les parties présentant des caractéristiques anciennes par rapport à l’ensemble du site, de manière à les situer entre le XIIIe et le XVIe siècle, selon la datation réelle.

Le choix des sites s’est fait en nous référant à toutes les sources disponibles. L’historique du site permet d’établir la chronologie des familles propriétaires, et en particulier la date initiale du site. Ceci peut nous renseigner sur la date de construction du site et la datation de l’élément du décor. Nous pouvons connaître cette date à l’aide de la référence à une approche stylistique déjà déterminée. Ces informations nous fournissent les premiers éléments sur le site. De plus, la visite sur place des sites pourra mettre au jour les indications en archéologie, les vestiges du décor et la documentation sur l’état actuel des sites. Le dernier critère concerne le type de l’habitat noble : château ou maison forte. Leur apparence extérieure peut suggérer les caractéristiques des résidences seigneuriales ; la tour et le haut mur représentent des éléments défensifs. Afin d’affirmer si un site constitue un habitat noble, nous avons consulté des sources variées. Par ailleurs, certains éléments visibles de l’extérieur, comme les fenêtres ou les portes moulurées, peuvent témoigner du décor dans une habitation aristocratique.

Etant donné que le champ de la recherche s’étend sur l’ensemble du département de l’Isère et une partie de la Drôme – zone peu vaste par sa superficie mais très variée dans sa géographie – la sélection des sites devra être répartie sur ces différentes zones. Nous mettons l’accent sur les secteurs comprenant un grand nombre de résidences seigneuriales, soit le Grésivaudan et le Viennois (nous présentons les informations relatives à ces deux zones dans le chapitre quatre). Le corpus est prévu pour être le plus complet possible selon les critères mentionnés ci-dessus. Néanmoins, notre inventaire reste ouvert pendant les visites, et de nouveaux sites peuvent être ajoutés sur les conseils des habitants de la région, mais cet ajout 56 se fait en faisant appel aux critères initiaux d’élaboration de l’inventaire. Nous comptons également sur les renseignements obtenus sur place qui contribuent à établir l’inventaire. Une analyse de la constitution du corpus Après avoir parlé des critères qui permettent de sélectionner les sites correspondant aux objets de la recherche, nous disposons ensuite d’un inventaire des sites qui aide à constituer le corpus. Il existe plusieurs facteurs permettant d’établir l’ensemble du corpus et que nous pouvons présenter par une analyse en plusieurs points.

Dans un premier temps, nous nous intéressons à l’intérêt du décor pour l’ensemble du corpus. Tous les sites présentés comprennent au moins un élément décoré, soit des parties d’architecture moulurées, soit des décors figuratifs (peints ou sculptés). Ces deux types de décors sont présents dans les habitats nobles, nous supposons par conséquent qu’ils peuvent illustrer une ambiance décorative.

Dans un second temps, il faut souligner qu’il existe une certaine lacune pour quelques parties du corpus. Le principal manque concerne l’absence de renseignements importants comme la mention du décor ou la datation de sites ; ce qui a entraîné des difficultés pour sélectionner ceux méritant de figurer à l’inventaire. Toutefois, nous avons créé un autre inventaire des sites présentant une lacune. Cette liste est renseignée par tous les moyens disponibles et certains sites peuvent être visités pour recenser le décor s’il n’existe pas d’autres informations. Concernant le nombre de sites à examiner, nous en avons quatre-vingts douze, et une dizaine de sites supplémentaires nous a été conseillée par les habitants de la région. Tous les sites sont triés en tenant compte des critères déterminés. Nous pouvons remarquer que nous disposons d’un grand nombre de sites présentant une certaine quantité d’éléments décorés. Cet apport correspond au principe de l’inventaire qui vise à obtenir une quantité conséquente de données. Pourtant, nous avons diminué le nombre des sites du corpus en en enlevant certains. Il s’agit des sites possédant des caractères inappropriés à notre étude, par exemple ceux dans un état ne permettant pas de reconnaître les caractères architecturaux de l’édifice. En outre, quelques sites possédaient des décors postérieurs à notre période d’étude, pouvant causer une incohérence dans l’ensemble des critères déterminés (nous ne connaissons pas la datation de certains décors lors de la visite des sites, les références de stylisation aident à déterminer plus précisément les dates). 57

3.1.2 Le choix des éléments du décor

Notre sujet de recherche met l’accent sur le décor de l’habitat noble. En premier lieu, il est important de déterminer le cadre des éléments à étudier afin de pouvoir poursuivre la recherche. Pour disposer d’une vision globale de l’aspect décoratif de l’habitat, il est indispensable de choisir les éléments qui s’intègrent au sein de l’architecture du site. Par ailleurs, l’emplacement du décor en fonction de la pièce ou de l’étage où il se trouve permet de connaître la place accordée au décor. Les renseignements de Feray119 et de Letellier120 permettent de choisir les éléments les plus intéressants d’un point de vue architectural dans un aspect extérieur et intérieur. Nous essayons de choisir de manière systématique des éléments décorés dans chaque site. Nous présenterons les éléments destinés à être étudiés en considérant la perception de l’ensemble du site et les éléments particuliers.

A. Eléments dans la perception globale 1. Le plan et la disposition des tours et des bâtiments

Le plan et la disposition des édifices montrent la vue globale d’un site qui se compose d’un ou de plusieurs corps de logis et probablement d’une ou de plusieurs tours. L’organisation de ces éléments permet remarquer un intérêt esthétique sur l’ensemble du plan, par exemple, un effet symétrique. En conséquence, nous considérons cet aspect comme premier choix d’élément du décor.

B. Eléments particuliers

- Système d’ouverture 2. La porte 3. La fenêtre Chapu121 nous renseigne sur les portes et les fenêtres qui démontrent chacune leur approche décorative vers l’extérieur de l’édifice, à travers des modénatures profondes, des piédroits

119 Jean FERAY, Architecture intérieure et décoration en France des origines à 1875, Caisse Nationale des Monuments Historiques et des Sites, Paris, 1988. 120 Dominique LETELLIER et Charlotte OLIVIER, Le décor intérieur dans l’architecture des demeures du XIIe au XXe siècle, Edition Privat, Toulouse, 2001. 121 Philippe CHAPU, Le château en France, Caisse Nationale des Monuments Historiques et des sites, Paris, 1986. 58 moulurés et parfois un motif d’accolade sur le linteau. En outre, ce sont des éléments présents sur la façade du bâtiment, ils sont donc les plus visibles comparés à d’autres. Ces informations nous invitent à choisir inévitablement les portes et les fenêtres comme éléments de décor à étudier. En outre, leur présence à l’extérieur leur offre l’avantage d’être plus observables que d’autres éléments spécifiquement d’intérieur. Elles sont également plus faciles d’accès : les visites à l’intérieur du bâtiment ne sont pas toujours autorisées par les propriétaires.

La porte et la fenêtre se démarquent par l’aspect du couvrement. Pour cela, il nous faut nous intéresser sur un élément d’architecture précis, le linteau, qui présente une approche décorative à travers les moulures. Celles-ci apparaissent en différentes formes qui peuvent se diviser en arcs et en motifs. L’arc est la structure qui s’intègre dans la solidité du mur et qui soutient le poids de la structure du dessus. Au contraire, le motif mouluré se trouve sur certains types de portes comme la porte d’accolade. Le motif d’accolade est l’ornement qui décore le couvrement de la porte et non pas la structure supportant le poids.

La ressemblance ornementale de deux éléments d’ouverture concerne principalement la modénature qui est le résultat de l’emploi des moulures. La modénature contribue à la volumétrie et l’ordonnance sur l’ensemble de la façade. Un intérêt particulier doit être porté aux fenêtres car elles constituent un lieu privilégié pour exposer des décors122. Elles sont le seul élément décoratif extérieur situé aux étages nobles, du XIIe au XIVe siècle123. Par ailleurs, leur position sur la façade de l’édifice et les matériaux utilisés peuvent impliquer un aspect hiérarchique tenant compte de l’organisation de l’espace intérieur. Nous constatons que celles au premier étage sont plus grandes et soigneusement décorées, selon l’ouvrage de Sirot124.

- Système de défense

4. Les tourelles en surplomb

5. Les échauguettes

6. Les bretèches

122 Elisabeth SIROT, Noble et forte maison : l’habitat seigneurial dans les campagnes médiévales, Edition A & J Picard, Paris, 2007. 123 Dominique LETELLIER et Charlotte OLIVIER, Le décor intérieur dans l'architecture des demeures du XIIe au XXe siècle, op. cit. 124 Elisabeth SIROT, Noble et forte maison : l’habitat seigneurial dans les campagnes médiévales, op. cit. 59

Après les portes et les fenêtres, qui sont des éléments situés à l’extérieur, arrêtons-nous ensuite sur les éléments de défense situés à l’étage du bâtiment et de la tour. La tourelle en surplomb, l’échauguette et la bretèche constituent chacune une construction en guet, en hauteur sur le mur de l’édifice. Sirot125 présente les dessins de petites tours dotées d’échauguettes. Les photos de l’ouvrage de J.Mesqui126 permettent d’apercevoir la volumétrie de ces éléments, ainsi que la base d’une échauguette et celle d’une bretèche composées d’une moulure plus ou moins recherchée. Ceci suggère l’intérêt du décor et la possibilité de choisir la tourelle en surplomb, l’échauguette et la bretèche comme un autre type d’éléments du décor destiné à être étudié.

7. Les meurtrières Notre inventaire des sites rassemble des résidences seigneuriales qui possèdent un certain nombre des meurtrières. Ces éléments se trouvent dans la plupart des sites sur le bâtiment et sur la tour. Par ailleurs, les formes variées des meurtrières attirent notre attention en raison de l’approche décorative qui apparaît sur cet élément défensif, distinct des éléments en guet cités ci-dessus.

- Système du confort

8. La cheminée

Après les éléments d’ouverture et ceux défensifs à l’extérieur de l’édifice, nous nous intéressons ensuite à d’autres éléments architecturaux spécifiquement intérieurs. La cheminée est le premier élément auquel nous porterons attention, en raison de son apparence dans la majorité des sites. Vidil127 et Sirot128 soulignent la solidité de cet élément lié au feu, contribuant à sa conservation dans plusieurs lieux et permettant d’étudier sa structure. Letellier129 indique que la cheminée est considérée comme le premier élément de confort

125 Ibid. 126 Jean MESQUI, Châteaux et enceintes de la France médiévale. De la défense à la résidence, Edition Picard, Paris, 1993. 127 Elsa VIDIL, Les châteaux et les maisons fortes en basse Maurienne et en Val Gelon du XIIe au XVe siècle, mémoire, Ecole des Hautes Etudes en Science Sociale, 2004. 128 Elisabeth SIROT, Allumer le feu : cheminée et poêle dans la maison noble et au château du XIIe au XVIe siècle, Edition Picard, Paris, 2011. 129 LETELLIER et OLIVIER, Le décor intérieur dans l’architecture des demeures du XIIe au XXe siècle, op. cit., p.46 60 domestique grâce à la chaleur qu’elle fournit aux habitants. La recherche de Bouet130 affirme l’importance de la cheminée en énonçant que l’aspect de chaleur est primordial dans une habitation. Il n’est donc pas difficile d’affirmer que la cheminée est l’élément du confort le plus recherché par sa structure et sa fonction. Elle est devenue naturellement l’élément décoratif essentiel de la salle commune dans les maisons aisées131. De l’extérieur, la structure, la matière, l’emplacement de la cheminée, déterminent bien souvent le style de l’ensemble d’un édifice. Par ailleurs, sa présence semble évidente dans un espace de vie, en particulier dans une pièce maîtresse ou Aula. Néanmoins, la cheminée présente-t-elle un intérêt décoratif sur l’ensemble de sa structure ? Letellier132 nous renseigne sur l’évolution des cheminées et aborde la recherche d’équilibre entre construction et ornement en fonction du rang social des occupants. Avec l’évolution des cheminées, E.Sirot133 indique qu’à partir du XIIIe siècle (début de la période d’étude), la forme du foyer devient rectangulaire et celle de la hotte un parallélogramme. Cette transformation architecturale de la cheminée suggère la modification stylistique de cet élément, offrant un intérêt qui allie à la fois l’esthétique à la fonctionnalité134. C’est la raison pour laquelle nous prenons en compte la cheminée comme un élément du décor.

C. Les décors figuratifs

9. Le décor peint

10. Le décor sculpté

Le décor peint et le décor sculpté sont considérés comme des types de décors privilégiés grâce à leur présentation figurative. Celle-ci offre en effet une multitude de motifs à travers la forme, les couleurs (décor peint) et l’expression du motif de personnage et de la figure animalière. De plus, ce type de décor fait l’objet de nombreuses variations : les traces peintes, les motifs peints ou sculptés, les peintures murales ou monumentales jusqu’aux cycles de

130 Emilie BOUET, La notion de confort et de bien-être dans les maisons nobles et fortes. XIIe-XVIe siècles, mémoire, Université Lumière Lyon 2, 2008, p.109-110 131 Béatrice FONTANEL, Nos maisons du Moyen-Âge au XXe siècle, Edition Seuil, Paris, 2010. 132 Dominique LETELLIER et Charlotte OLIVIER, Le décor intérieur dans l’architecture des demeures du XIIe au XXe siècle, op. cit. 133 Elisabeth SIROT, Allumer le feu : cheminée et poêle dans la maison noble et au château du XIIe au XVIe siècle, op. cit. 134 Philippe CHAPU, Le château en France, op. cit. 61 décors peints ou sculptés. Les peintures et les cycles nous permettent de suivre le déroulement d’une scène ou d’un cycle historié, donnant une dimension stylistique à l’approche décorative d’une résidence seigneuriale. En conséquence, le fort intérêt du décor figuratif nous fait ajouter cette catégorie au dernier type de décor de notre corpus.

3.2 Les démarches de la recherche

Après avoir présenté le principe de l’inventaire et le choix des éléments décorés, il est ensuite important de parler des démarches de la recherche. Ces dernières présentent les étapes de la recherche et les moyens permettant de recueillir les informations nécessaires pour déterminer les axes de la recherche et établir un corpus de sites destinés à être étudiés. De même, les renseignements archéologiques et les données photographiques obtenues lors de la recherche sur le terrain contribuent ensuite à analyser et étudier une approche décorative des résidences seigneuriales, constituant l’objectif de notre recherche. Dans un premier temps, il est nécessaire d’aborder les étapes de la recherche en parallèle avec les méthodes utilisées.

3.2.1 La recherche documentaire

La première démarche permet de déterminer les axes de recherche pour l’ensemble des aspects étudiés. Cette étape consiste en la consultation d’un grand nombre de documents permettant une exploitation scientifique.

Cette démarche se rapporte aux objets d’étude135. Dans notre recherche, nous nous intéressons à l’étude des résidences seigneuriales datant de la fin de l’époque médiévale et du début de la Renaissance. Il s’agit évidemment de châteaux qui offrent un espace d’habitation pour les nobles. Néanmoins, un grand nombre de recherches nous renseigne sur l’importance de la maison forte appartenant aux petits seigneurs. Par ailleurs, nous avons étudié tous les aspects de deux types d’architecture : les points de vue architecturaux et leurs évolutions, le lien entre ces habitats et la noblesse, pour tenter de comprendre leur rôle au sein de la société médiévale.

De plus, il est important de définir la notion de décor dans les résidences seigneuriales afin d’en comprendre le concept et préciser les éléments destinés à être analysés dans la recherche. Il est

135 Laurent ROGALA, Les maisons fortes des Seigneuries de Rives, Beaucroissant et de Tullins dans la vallée de la Fure, mémoire, Université Paris 1, 1993. 62

nécessaire ensuite d’identifier les zones d’étude où nous allons recueillir des renseignements. Pour ceci, nous donnons la priorité aux régions où il existe un nombre suffisant de sites en vue d’établir un corpus. En outre, la période couvrant nos recherches est également considérée pour trouver le temps approprié pour étudier l’approche décorative. Les démarches mentionnées ci-dessus représentent les étapes nécessaires à l’encadrement de la recherche. A partir de tous ces critères, nous pouvons établir un inventaire des sites en précisant les châteaux et les maisons fortes destinés à être examinés. Nous nous sommes intéressés aux sites qui présentent des éléments architecturaux avec décor, après consultation d’un grand nombre de sources. Nous prenons en compte le nombre de sites et de la quantité d’éléments de décor qui peuvent présenter un certain intérêt pour notre recherche. Comme l’étude du décor est tributaire de l’état archéologique des sites, nous avons donc fait attention pour rassembler un nombre suffisant de sites à visiter, en fonction des informations recueillies pendant cette phase de recherche.

3.2.2 La recherche sur le terrain

Cette étape est une étape cruciale de notre travail. Son objectif est de réaliser un état des lieux en recueillant le maximum d’informations archéologiques et autres pour les sites sélectionnés de notre corpus. Son organisation pratique été complexe et a demandé beaucoup de temps. Elle nécessite en effet de pouvoir accéder aux sites pour en réaliser un relevé le plus exhaustif et le plus précis des éléments encore visibles sur le lieu. Convaincre les propriétaires n’est pas chose toujours facile et demande beaucoup de diplomatie, car la majorité des châteaux et des maisons fortes sont des habitations privées encore occupées de nos jours. Nous présentons ci-dessous les étapes nécessaires pour réaliser ce travail.

A. L’observation et la compilation des renseignements archéologiques

Afin d’effectuer cette étape, il est indispensable de réaliser une fiche de prospection avec laquelle nous pouvons noter toutes les données nécessaires, ainsi que tous les aspects importants. Cette fiche contient les données génériques du site et celles concernant le décor sous la forme de descriptions et de croquis. Pour les données génériques, nous notons la localisation, l’historique et la description de l’ensemble du site136. Quant aux données spécifiques au décor, nous précisons également l’emplacement de ces éléments et leur datation probable. De plus, certains vestiges sur les bâtiments ou les tours, par exemple l’arrangement des pierres, peut nous indiquer l’évolution architecturale d’un édifice. Quelques observations sur les pierres de mur nous permettent de déterminer les parties qui datent antérieurement ou postérieurement à d’autres

136 Michel MELOT et Hélène VERDIER, Principes, méthode et conduite de l’inventaire général, op. cit. 63

éléments. Cela concerne la méthodologie qui aboutit à la datation relative. Elle permet ensuite de proposer une date approximative aux éléments de décor sur les lieux où nous étudions la datation du mur.

B. Le relevé photographique

Cette étape complète le travail d’observation et permet de témoigner de la configuration réelle des lieux. Nous avons pris des photos de manière systématique, photographies générales et photographies de détail. Les photographies générales montrent des vues globales des aspects extérieurs et intérieurs du bâtiment, tandis que les photographies de détail présentent des vues précises des éléments d’architecture. Les nombreuses photographies de détail permettent parfois de souliger certains aspects techniques.

C. Les croquis des éléments d’architecture

Parmi les nombreux éléments décorés trouvés sur place, nous choisissons ceux qui sont représentatifs de chaque catégorie ou qui présentent une certaine particularité. Puis, nous réalisons un croquis en respectant les proportions entre la dimension réelle et celle des dessins afin de représenter le plus de détails possibles. Ces dessins permettent de mettre en évidence les détails du décor qui ne sont pas visibles sur les photographies.

Enfin, certains propriétaires peuvent nous renseigner sur l’historique du site et parfois même sur une éventuelle restauration ou un réaménagement intérieur. Par ailleurs, ils peuvent aussi nous fournir des informations sur d’autres habitats nobles situés dans leur zone géographique et parfois nous donner les contacts des propriétaires de ces résidences. Néanmoins, il faut vérifier ces données afin d’éviter toute erreur.

Pendant les visites, nous avons réalisé qu’un certain nombre de sites présentait beaucoup de données lacunaires, en raison de la dégradation au cours des siècles. Ce manque d’informations archéologiques explique de temps en temps la difficulté pour identifier les éléments du décor. C’est pourquoi nous essayons de trouver d’autres sources, comme les sources figurées (les anciennes photographies), afin de compléter cette documentation. Cela comprend les photographies prises avant la période de nos visites, afin de remarquer quelques détails existants. Par ailleurs, il arrive que des éléments d’architecture aient été restaurés lors d’un réaménagement intérieur. Ce changement rend difficile la datation des éléments. Nous prenons en compte la présence des éléments aux caractéristiques stylistiques repérables en se référant à la forme stylistique déjà datée 64

dans les ouvrages pour apprécier la datation, par exemple l’ouvrage d’A. Koch137 qui présente les stylistiques des portes par périodes. En outre, le nombre d’ouvrages cités dans le chapitre deux (présentation des sources) peut fournir des renseignements permettant de proposer une datation approximative. L’historique du site permet également d’encadrer la chronologie de l’ensemble du bâtiment et des éléments d’architecture intéressants. Les différentes approches utilisées pour la recherche sur le terrain visent à constituer des fiches de prospection les plus riches et détaillées possibles car elles sont un outil important pour la compréhension du site. En particulier, les photographies et les croquis donnent un relevé des lieux sur lequel les analyses pourront s’appuyer solidement.

La dernière étape concerne le traitement des données archéologiques et l’analyse de l’aspect décoratif des résidences seigneuriales. Cette partie est très importante puisque l’analyse permet de répondre à la problématique de la recherche. Elle se compose de plusieurs étapes.

3.2.3 Le classement et l’analyse des données de terrain

A. L’arrangement des données de terrain

La fiche de prospection permet d’établir un rapport détaillé d’un site comprenant l’historique, la description de l’ensemble du site et la description des éléments décorés. En outre, les photos prises sur un site et les croquis permettent de réaliser une fiche descriptive de l’élément décoré. Cette dernière permet au lecteur d’appréhender les vues différentes d’un élément et aident à comprendre son aspect décoratif. Toutes ces informations sont collectées pour établir une base de données qui permettra ensuite une analyse statistique. Nous utilisons le logiciel Excel pour saisir toutes ces données.

B. Le traitement des données de terrain

Nous essayons d’utiliser les méthodes qui peuvent le mieux être appliquées à notre corpus. A partir des fiches descriptives des décors, nous adoptons un système de classement des éléments par famille138. Chacune d’entre elles présente les caractères similaires d’éléments du même type (les portes pour le groupe A, les fenêtres pour le groupe B). La classification permet de regrouper des éléments similaires et de constater la différence stylistique des éléments entre les groupes.

137 Ailfried KOCH, Comment reconnaître les styles en architecture de la Grèce antique au XXe siècle, Edition Solar, France, 1989. 138 Michel MELOT et Hélène VERDIER, Principes, méthode et conduite de l’inventaire général, op. cit. 65

Avec la fiche détaillée d’un site, nous disposons de plusieurs types de données, mais nous porterons particulièrement notre attention sur l’emplacement, la datation et les caractéristiques des décors. Ces données représentent des éléments importants en vue d’une analyse statistique. Nous décrirons en détail cette analyse dans le chapitre cinq abordant l’étude de l’approche décorative et tous les aspects concernant les décors.

C. L’interprétation des éléments de décor

L’objectif est d’expliquer les caractéristiques du décor de moulures et les thèmes présentés de manière figurative. Nous recherchons en outre les rapports entre l’aspect décoratif et d’autres aspects comme la datation, l’emplacement du décor sur les sites, ainsi que l’évolution stylistique, afin de pouvoir expliquer l’existence de l’ornement dans les résidences seigneuriales.

D. La comparaison des décors avec d’autres corpus

Notre but est de trouver une certaine particularité du décor dans les régions d’étude en les comparant avec les décors d’autres régions. Dans le cadre de notre recherche, il s’agit d’une comparaison entre les régions choisies et d’autres régions, voisines ou lointaines. La dernière partie de l’analyse est un bilan qui permet de synthétiser le rôle de l’aspect décoratif dans les résidences seigneuriales et de préciser ce qu’il reflète de la société aristocratique.

3.3 Les difficultés rencontrées et les limites de la recherche

Tout au long de cette recherche, nous avons rencontré des difficultés qui ont posé des limites à notre recherche. Au tout début, afin de constituer le corpus des sites destinés à être visités, la détermination des éléments de décor n’était pas évidente car le domaine du décor se compose de nombreux éléments. Il faut bien considérer les choix des éléments du décor afin de pouvoir atteindre notre objectif, qui est d’étudier l’approche décorative dans les habitats nobles. Après l’examen des informations récoltées, il est recommandé d’effectuer la recherche des éléments architecturaux présentant un intérêt en matière de décor : les portes, les fenêtres, les tourelles en surplomb, les échauguettes, les bretèches et les cheminées dont nous avons parlé précédemment. Ces éléments révèlent le décor de moulure. En outre, il est indispensable ensuite de tenir compte du décor figuratif, c’est-à-dire des peintures murales et des décors 66 sculptés. Les peintures murales occupent une place importante en raison de leurs grandes dimensions ; la forme et les couleurs renvoient à l’artiste et parfois au commanditaire. Pour pouvoir visiter les sites qui sont dans la plupart des cas des habitations privées, il a nécessairement et logiquement fallu demander préalablement une autorisation aux propriétaires. Ce processus prend du temps et certaines personnes n’ont pas accepté de visite, malgré l’envoi d’un courrier accompagné de l’attestation de notre directrice de recherche. Nous n’avons donc pu visiter que les sites autorisés. Pendant l’observation des édifices, certains éléments comme les fenêtres situées à l’étage étaient inaccessibles sans échafaudage. Nous n’avons donc pas pu réaliser un relevé du décor de moulure. Il a été néanmoins possible de prendre des photos de ces éléments et de réaliser des croquis.

67

Chapitre 4 : Les contextes géographiques et historiques

4.1 Le contexte géographique

Le choix du département actuel de l’Isère a été déterminé d’une part par le grand nombre d’habitats seigneuriaux recensés ; d’autre part, par les nombreux documents qui peuvent indiquer la présence de décors sur les sites dans ce périmètre. L’ensemble du champ de la recherche étant assez vaste et varié du point de vue géographique, il est donc préférable de diviser les zones d’études en deux grandes parties : le Grésivaudan et le Viennois (voir carte I pour l’ensemble des sites étudiés). Ce partage se réfère à un aspect géographique, mais également historique. La carte du département présente un territoire divisé entre hautes montagnes à l’est et basses plaines à l’ouest139. Pour la partie est, la majorité des terres est composée de plusieurs massifs et de plateaux couvrant les territoires de l’Oisans, de Matheysine et des Trièves. Le paysage se transforme en une plaine « Grésivaudan », située entre les massifs de la Chartreuse et de la Belledonne. Ce secteur fait partie de la vallée de l’Isère qui assure la transition entre le haut-Dauphiné (la montagne) et le Bas-Dauphiné (les collines). Nous avons choisi le Grésivaudan comme l’un de nos secteurs d’étude en raison de ses nombreux habitats nobles. Quant à la partie située à l’ouest (Le Bas-Dauphiné), le paysage se caractérise par des vallées et des plateaux offrant des aspects géographiques différents. Certaines vallées, comme celle de Bièvre-Valloire, séparent le plateau des Terres Froides au nord de celui de Chambaran au sud. Vers le nord-est, apparaît le petit plateau calcaire de l’Isle Crémieu. Ce territoire contraste avec les plaines de la vallée du Rhône et celles du pays viennois à l’est. La variété des caractéristiques géographiques de la partie ouest donne lieu à des conditions différentes en matière de construction des sites, que ce soit dans la localisation ou les matériaux. Ces conditions ont donné naissance à des caractéristiques décoratives variées, ce qui aboutit à notre intérêt pour les territoires du Viennois comme autres secteurs d’étude. Ensuite, nous parlerons de ces deux secteurs d’étude dans une approche historique140 (voir la carte II). La carte141 montre le territoire du Dauphiné formant la province qui s’étendait du

139 Chantal MAZARD, Atlas du patrimoine de l’Isère, Edition Glénat., Grenoble, 1998. 140 Il est nécessaire de présenter dans cette partie l’une des approches historiques car elle est étroitement liée à l’aspect géographique dans le fait que nous pouvons déterminer la limite des secteurs d’étude. 141 Laurence BRUCELLE, Isère, terre de châteaux, Arcol., Saint-Chef, 1994. 68

Rhône à la Provence. Le Dauphiné a été divisé en huit bailliages142 au XVe siècle. Ce découpage territorial recouvre aujourd’hui les départements de l’Isère, de la Drôme et des Hautes-Alpes. Avant le XIe siècle, les terres sont disséminées entre Viennois, Grésivaudan et Briançonnais. Puis, du XIe au XIVe siècle, la famille des Guigues d’Albon a employé la politique de la conquête et la politique matrimoniale en reliant des territoires alentours. Néanmoins, comme notre recherche est centré sur l’étude des décors qui nécessite de rassembler un grand nombre d’éléments, il est important d’encadrer les secteurs d’étude pour uniformiser les éléments historiques. Pour cela, nous tenons compte de l’entité d’origine du Dauphiné, c’est-à-dire entre Viennois, Grésivaudan et Briançonnais. Par ailleurs, l’information archéologique due au recensement et à la prospection des sites nous renseigne sur l’existence des habitats nobles et la présence de décors en Grésivaudan et en Viennois143 (les autres bailliages, comme Briançonnais, Embrunais, Gapençais et Baronnies, comportent très peu d’habitats nobles). Nous verrons que le bailliage Grésivaudan et l’une des parties du bailliage Viennois (l’autre partie appartient à la Drôme) correspondent à la limite du département actuel de l’Isère. Le bailliage Terre de la tour se situe également en Isère. Les recherches et la documentation démontrent la présence d’un certain nombre de résidences seigneuriales du fait des lieux des sièges du pouvoir des comtes et des seigneurs. Il est bien logique d’inclure le bailliage de Terre de la tour pour l’un de nos secteurs d’étude, ce qui permet d’obtenir un champ de recherche disposant des mêmes critères. Nous pouvons constater sur la carte que les zones servant de secteurs d’étude concernent les bailliages du Grésivaudan, du Viennois-Valentinois et de Terre de la Tour. Le Grésivaudan représente la partie est et sud-est, tandis que le Viennois-Valentinois englobe le Bas-Dauphiné, le pays de Viennois (ouest) et une partie du département de la Drôme actuels (sud-ouest). La Terre de la Tour inclut les territoires de la moitié nord de l’Isère. .

142 Les bailliages ou baillis (sénéchaux) étaient les officiers de l’administration royale institués vers 1185 sur le modèle anglo-normand. En 1230, ils s’attachaient à un ressort dénommé bailliage. Les baillis étaient issus de la petite noblesse et de la bourgeoisie. 143 Ce contenu est cité dans la page précédente. 69

4.1.1 Région du Grésivaudan

A. La vallée de l’Isère (ann 2, carte 2, p 3)

Cette région se situe à l’est du département de l’Isère, en suivant le cours de la rivière Isère d’est en ouest, transition naturelle entre la montagne du Haut-Dauphiné et les collines du Bas-Dauphiné. L’Isère offre, entre la Chartreuse et la Belledonne, une large plaine, le Grésivaudan, puis passe par Grenoble et s’étend jusqu’au Rhône. Le paysage est donc marqué par la vallée du Grésivaudan dominé d’un côté par la chaîne cristalline de Belledonne et de l’autre par le massif de la Chartreuse. Ce dernier est plus étroit et certaines industries s’y sont installées. La Belledonne est plus large et mieux étagée, plus favorable à l’agriculture et à l’élevage. Grâce à sa situation géographique privilégiée, la vallée du Grésivaudan est un pays agricole et industriel d’une grande richesse. La région tire avantage de cette situation : d’une part, les terres marécageuses assurent une végétation variée et d’autre part, la localisation sur deux côtés permet une activité agricole mais aussi industrielle. Il existe donc de nombreuses résidences seigneuriales dans la vallée de l’Isère grâce à la fertilité des terres et à l’activité de ses habitants. Diverses recherches archéologiques144 démontrent l’installation des habitats nobles dans la Belledonne et la Chartreuse. Un nombre important de sites (treize sur cinquante-deux) appartenant à cette zone est inventorié dans notre corpus, c’est-à-dire un quart de l’inventaire total. Certains sites sont situés dans la plaine (en bas du vallon) comme la maison forte Hauterives ou la maison forte de la Crosse. Chaque site est composé de plusieurs corps du logis et souvent d’une tour. Un petit nombre de demeures sont à une faible altitude, par exemple Tour Brune, la maison forte du Carre et la maison forte de Veurey. Cette dernière est une tour d’habitation. De plus, un certain nombre de sites se trouve dans des villages situés en hauteur : la maison forte de Boutières, le château de la Frette, le château de Jail, la maison forte de Tournelle ou encore le château de Theys.

B. Les montagnes et les vallées du sud-est (ann 2, carte 2, p 3)

Ce territoire est dominé par les massifs de l’Oisans, des Grandes-Rousses et de Belledonne couvrant la moitié sud du département. Cette zone présente des vallées enneigées

144 A. MENARD et P. MILLE, Archéologie chez vous n°3 : cantons de et du Touvet, Centre d’archéologie des musées de Grenoble et de l’Isère, Grenoble, 1984. 70 et des glaciers peu favorables à l’habitation. Par contre, à l’ouest, le Vercors et la Chartreuse, qui se composent de massifs de moyenne altitude et de plateaux suspendus « en balcon », sont plus propices à l’installation d’habitations. Le petit nombre de sites répertoriés s’explique probablement par le paysage qui semble moins avantageux par rapport aux vallées du Grésivaudan. Néanmoins, nous avons supprimé les sites trouvés dans ce secteur lors de la finalisation de notre inventaire en raison de l’état de dégradation des sites.

4.1.2 Région du Viennois

Cette région se divise en deux grandes zones géographiques : tout d’abord le Bas-Dauphiné qui inclut les zones d’étude dans le département actuel de l’Isère, puis la Drôme des collines qui enclot une petite zone étudiée dans le département actuel de la Drôme145.

A. Le Bas-Dauphiné

C’est un vaste territoire qui se compose de plusieurs entités géographiques. Intéressons- nous aux caractéristiques de chaque entité pouvant influer sur les caractères architecturaux des résidences seigneuriales et le nombre des sites ajoutés à notre inventaire.

1) L’Ile-Crémieu (ann 2, carte 3, p 4) Il s’agit d’une unité géographique située au nord-ouest de l’Isère. Ce massif, en forme de trapèze, est un vaste plateau regroupant les cantons de Crémieu et et une partie de Bourgoin. Des plaines encadrent son périmètre.

Ce massif est composé essentiellement de couches calcaires. Étant donné qu’il est entouré de plaines d’alluvions et de collines, celles-ci sont formées de dépôts sableux et caillouteux au sud et à l’ouest. Ces alluvions ont donné naissance à des marécages, appelés Terres Basses. Cette zone se trouve au sud-est, aux environs de Morestel. Par ailleurs, le glacier du Rhône qui a recouvert le plateau a laissé au-dessus des zones calcaires des dépôts fertiles dans les parties basses, et parfois des étangs ou des marécages. Le

145 La Drôme des collines appartenait au territoire Viennois-Valentinois, qui incluait durant la période d’étude une partie du Dauphiné (voir la carte II). 71 calcaire, matériau local, est largement utilisé dans les constructions et à l’origine de particularités architecturales telles les toitures de lauzes146. Nous avons trouvé un grand nombre de maisons fortes dans cette région, dont quatorze sites ont été sélectionnés pour notre inventaire, ce qui constitue le nombre le plus important des sites inventoriés, en comparaison avec les autres secteurs. La majorité des sites se compose d’une maison forte caractérisée par un aspect résidentiel mais aussi défensif, possédant plusieurs types d’éléments architecturaux. La tour maîtresse de plan carré suggère une approche défensive, tandis que des tours secondaires, les corps de logis dotés d’une grande salle, les chapelles et les bâtiments annexes peuvent justifier une approche résidentielle147.

2) Les Terres Basses et le Val du Dauphiné (ann 2, carte 4, p 5)

Les deux entités géographiques concernent la partie au-dessous de l’Ile-Crémieu et au nord- ouest du département de l’Isère. Pour les Terres Basses, les marais caractérisent la majorité des cantons d’, de la Verpillière, de Bourgoin-Jallieu et de l’Ile d’Abeau. Cette zone constitue un bassin sédimentaire. Dans le canton de Bourgoin-Jallieu, il existe également des dépôts morainiques trouvés dans les plaines et les molasses sableuses. Ces matériaux ont servi à la construction des bâtiments. Le total de cinq sites inventoriés est assez faible par rapport à la vaste superficie de cette zone. Trois des cinq sites se situent à de faibles altitudes tandis que deux autres sites sont dans les plaines. Tous les sites possèdent la taille moyenne composé d’un ou deux corps de logis et au moins d’une tour d’escalier. Le Val du Dauphiné, quant à lui, concerne le canton de la Tour-du-Pin, le Pont-de- Beauvoisin et Virieu (canton situé dans le secteur des Terres Froides occidentales148). Ces terres sont occupées par un bassin qui rassemble de nombreux sédiments, des marnes et de l’argile, ce qui ressemble au caractère géographique des Terres Basses. Ces dépôts sont le fruit d’une érosion fournissant des cailloux et des molasses. Au sud du canton de Virieu se trouve le lac de Paladru qui permet d’irriguer les terres agricoles. Les vallées entre les coteaux sont favorables à la végétation.

146 Frédéric ZEGIERMAN, Le guide des pays de France Sud, Edition Libraries Arthème Fayard., Paris, 1999. 147 Olivia PELLETIER et Maryannick CHALABI, « Inventaire des maisons fortes en Crémieu ». 148 Les Terres froides orientales concernent les cantons Grand-Lemps, Rives et Saint-Etienne-de-Saint-Geoire. 72

Seuls deux sites se retrouvent dans notre corpus. Ils se situent en hauteur. Les caractères architecturaux sont similaires de ceux des Terres Basses sauf la maison forte Mollard-Ronde. Celle-ci possède le plan en carré dont les bâtiments entourent la cour centrale.

3) La Bièvre-Valloire (ann 2, carte 6, p 7) La géographie est ici marquée par des vallées et des plaines, en particulier la plaine de Bièvre qui englobe le canton de la Côte-Saint-André et celui de Beaurepaire. Ce dernier comprend une partie de la plaine de Bièvre et une autre de la vallée de la Valloire. Cette vallée sépare le plateau des Terres-Froides (Val du Dauphiné) au nord, de celui de Chambaran au sud. Les terrains sont très fertiles et donc favorables à l’agriculture. Si nous étudions précisément la même carte, le canton de Saint-Vallier du département de la Drôme se situe près de la frontière du département de l’Isère et présente les mêmes aspects géographiques. Toutefois, nous n’avons choisi qu’un site en Isère, le manoir de la Bâtie, en raison de l’intérêt de son décor. Les autres sites ne disposent pas d’une présentation stylistique correspondant à nos critères. Les autres sites, architecturalement beaucoup moins importants, était d’un intérêt mineur et n’ont donc pas été pris en compte dans notre étude. Le site du Manoir de la Bâtie se situe à proximité de la communauté des habitants sur la plaine. Le simple corps de logis doté d’une tour d’escalier suggère la taille modeste de cet habitat noble.

4) Les Terres Froides (ann 2, carte 5, p 6) Cette zone comprend les cantons Grand-Lemps, Rives et Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs qui se trouvent dans la partie des Terres Froides orientales. Le paysage se caractérise par l’humidité et la fraîcheur. Ces cantons ont un aspect géographique commun : des coteaux élevés sur lesquels sont installés les communes et les terrains agricoles. Le Grand-Lemps présente comme particularités une forêt, un étang et des marais, caractéristiques du paysage des Terres Froides. Par ailleurs, la plaine de Liers se situe parallèlement à celle de la Bièvre.

Cinq sites, répartis dans ce secteur d’étude, ont été inventoriés dans notre corpus. Quatre sur cinq de ces résidences seigneuriales sont localisées dans les plaines, à proximité des communautés d’habitants. La maison forte des Champs, quant à elle, se trouve en hauteur. La majorité des sites sont de taille moyenne et possèdent un ou deux corps de logis et une 73 tour. Au contraire, la maison forte des Champs et la maison forte de la Tour Saint-Cierge disposent de plusieurs corps de logis et au moins d’une tour.

5) Le Chambaran (ann 2, carte 7, p 8) Cette région se situe au sud-ouest du département, et présente des terres fertiles et une grande variété de paysages. Nous y trouvons des montagnes au sud du canton de Saint-Marcellin, des plateaux où se trouvent des galets roulés, des sables et de l’argile dans le canton de . Les collines et les vallons sont favorables à l’agriculture. Dans le canton de Roybon, les deux plaines de la Bièvre et de la Valloire sont présentes, ainsi que la source des galets roulés. La principale rivière qui passe dans la région est l’Isère. Ces aspects géographiques sont similaires à ceux du canton de Grand-Serre et des autres cantons dans la partie de la Drôme des collines (département actuel de la Drôme). Nous verrons dans la carte II que le Chambaran actuel fait partie du bailliage de Viennois - Valentinois comme la Drôme des collines (actuel). Six sites ont été choisis pour faire partie de notre inventaire. La localisation des sites étudiés peut être divisée en deux zones ; l’une au nord. Deux sites situés dans les communes de et sont concernés. Les caractères géographiques présentent le plateau qui se joint à la plaine de Bièvre et nos sites se localisent dans la plaine. Pourtant, cette zone a été souvent soumise au contexte des guerres delphino-savoyardes. L’autre zone du sud s’agit du territoire sur les coteaux et collines descendants vers la vallée de l’Isère. Trois sur cinq sites sont localisés dans ce secteur dont l’un situé sur un coteau et deux autres sites sont dans la plaine.

Les sites inventoriés comprennent ceux d’une taille moyenne et une grande taille. Deux de cinq sites se composent chacun d’un corps de logis et d’une tour d’escalier. La maison forte des Loives et celle du Châtelard se constituent de plusieurs corps de logis et des tours dont l’une montre la tour maîtresse avec le plan carré.

B. La Drôme des collines (ann 2, carte 8, p 9)

Nous avons parlé ci-dessus de l’aspect géographique de la Drôme des collines qui ressemble à celui de Chambaran et qui présente aussi des aspects similaires aux paysages de l’Isère. Les cantons suivants sont concernés dans notre étude : le canton de Grand-Serre, le canton de Saint-Vallier, le canton de Tain-l’Hermitage, et le canton de Romans-sur-Isère. 74

Au centre de ce secteur, se situe le canton de Saint-Donat-sur-l’Herbasse bordé par le plateau des Chambarans et cette zone se caractérise par les collines molassiques s’inclinant vers le Rhône. Un peu plus au sud, le canton de Saint-Romans-sur-Isère 1 et celui de Saint- Romans-sur-Isère 2 sont également concernés par ce type des collines. La rivière Herbasse est le cours d’eau principal de cette zone. Plus à l’ouest et jusqu’à la limite du Rhône, se situe le canton de Tain l’Hermitage et au-dessus de celui-ci, le canton de Saint-Vallier. Les deux cantons se caractérisent par la vallée du Rhône qui est bordée de versants raides. Quatre sites ont été sélectionnés pour notre recherche. Tous les sites se situent dans les plaines avec aucun relief. Deux sur quatre sites montrent chacun le site d’une taille moyenne avec un corps de logis simple. La maison forte Chaleyre est dotée d’une tour maîtresse avec le plan carré et d’une autre tour d’escalier. Les deux autres sites sont dans la grande taille composés chacun de plus d’un corps de logis et au moins deux tours d’escalier.

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4.2 Le contexte historique

4.2.1 Contexte historique du Dauphiné

Le cadre de notre période d’étude s’étend du XIIIème au XVIème siècle. La recherche débute au XIIIème siècle en raison de l’accroissement à cette époque des châteaux en pierre, matériau plus résistant que le bois et perdurant à travers les siècles. De plus, les maisons fortes sont de plus en plus nombreuses à partir de 1250149. L’augmentation de ces résidences seigneuriales est bien évidemment l’intérêt et l’objet principal de notre étude. Au cours des XIVème et XVème siècles, les sociétés européennes se modifient principalement sous l’influence du courant renaissant venu d’Italie. Cette période est propice à de nombreux changements et permet d’observer, notamment, une certaine évolution dans le domaine architectural transformant tout autant les usages et les pratiques résidentielles, défensives mais aussi artistiques des traditionnelles maisons fortes. Nous avons choisi d’étendre notre étude jusqu’à ce que l’on considère comme la fin de cette période d’importantes mutations, à savoir la fin du XVIe siècle qui voit la mise en place de l’Âge Classique. En plus, cette période correspond probablement à la période des guerres d’Italie (1494-1559). Elle voit les échanges s’intensifie entre France et Italie, avec le Dauphiné au milieu.

Il convient de brosser à grands traits le cadre historique dans lequel nous observons ces évolutions en rappelant les phases principales de l’histoire du Dauphiné. Nous insisterons plus particulièrement sur la période allant du XIIIe au XVIe siècle, sujet de notre étude. L’origine du Dauphiné remonte à 1032 à la suite de la disparition du royaume de Bourgogne150. La seigneurie dauphinoise se constitue progressivement en pratiquant une politique d’expansion des territoires. La famille d’Albon, la 1ère génération de la dynastie dauphinoise (avant 1183), débute des conquêtes qui se poursuivent avec leurs successeurs, la 2ème génération, la famille de Bourgogne (1183-1282) et enfin avec la dernière génération, la famille de la Tour (1282-1349). Notre attention se portera principalement sur cette dernière et la riche histoire du Dauphiné jusqu’à la fin du XVIème siècle. L’année 1349 connaît un événement important dans

149 Elisabeth SIROT, Noble et forte maison : l’habitat seigneurial dans les campagnes médiévales, A & J Picard., Paris, 2007. 150 Bernard BLIGNY, Histoire du Dauphiné, Edouard Privat., Toulouse, 1973. 76 cette histoire – le rattachement du Dauphiné au royaume de France – qui marque un tournant pour le pays dont l’indépendance paraît réduite en passant sous la souveraineté française. Les enjeux territoriaux avec annexion de nouveaux territoires pour augmenter sa puissance et s’assurer de sa préservation par rapport aux puissances voisines, en particulier, celle de la France, restent la question majeure du Dauphiné pendant toute cette période qui finira, comme nous le savons, par une conquête de la France et une absorption dans son royaume.

Il est important de connaître la situation et l’état de ce territoire au XIIIème siècle afin de comprendre l’autorité princière au sein du Dauphiné. Ensuite, le contexte de la première moitié du XIVème siècle peut révéler les facteurs aboutissant au rattachement du territoire au royaume de France. Par ailleurs, il est intéressant d’examiner si l’autorité des dauphins se manifeste encore dans les terres dauphinoises après cette union, notamment à travers les guerres d’Italie et les guerres de religion.

A. Le Dauphiné au XIIIe siècle

Cette période correspond à la fin de la deuxième génération gouvernante151 de la principauté dauphinoise. H. Falque-Vert152 démontre que Guigues VII (1236-1269), personnage assez mal connu, est celui qui mais contribue à renforcer le pouvoir delphinal pendant son règne.

Il ressort qu’il n’existe, à cette époque, aucune menace de danger extérieur ou intérieur (de la part des officiers, sauf le maréchal Obert Auruce153). Le Dauphin Guigues VII acquiert des terres afin d’agrandir son espace territorial dans l’avant-pays dauphinois et dans les vallées du Briançonnais, où les puissants seigneurs étaient peu nombreux. Cependant, son autorité est réduite à Grenoble et dans la vallée du Grésivaudan dont les terres sont plus fertiles. La plupart des châtellenies y sont contrôlées par de puissantes familles de seigneurs. La concurrence d’autres seigneurs laïques et des ecclésiastiques semble empêcher l’accroissement de l’autorité royale du Dauphiné. R. Favier parle du temps de la minorité de

151 Selon la généalogie simplifiée de René FAVIER, Nouvelle histoire du Dauphiné, Editions Glénat., Grenoble, 2007., p.75 152 Henri FALQUE-VERT, « Pouvoir et société en Dauphiné durant le principat de Guigues VII », Dauphiné France. De la principauté à la province (XIIe-XVIIIe siècles), Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble, 1999, p.37-57. 153 Albert Auruce, maréchal auquel Guigues VI (père de Guigues VII) a confié la part essentielle de l’administration. 77

Guigues VII qui ne parvient pas à contester une agitation nobiliaire entre 1236 et 1243154. Néanmoins, le Dauphin a achevé quelques acquisitions d’espaces prospères dont celle du Faucigny, en 1268. Cette région, par sa localisation au cœur des possessions savoyardes, connaît de longs conflits avec la Savoie. Guigues VII a mené des enquêtes afin de rassembler des renseignements essentiels sur les parties importantes du territoire. Le Probus est l’une des enquêtes les plus importantes. Ce travail, réalisé de 1250 à 1267, permet de connaître les revenus annuels ordinaires et ainsi le progrès de l’état delphinal. C’est une invention administrative pleine de sagesse en vue de l’occupation du territoire. En outre, le pouvoir princier connaît ainsi son poids politique et économique dans les communautés rurales. Le Dauphin appuie sa politique intérieure sur un gouvernement composé de grands officiers. Le chambrier qui s’occupe des affaires importantes et de la maison du prince et d’autre part, le maréchal, chef de l’armée155. En outre, dès la première moitié du XIIIème siècle, le prince s’efforce de réorganiser l’administration locale par la mise en place de baillis. Tout ceci révèle la capacité de Guigues VII à diriger ses états dauphinois en renforçant son pouvoir à travers une administration solide.

H. Falque-Vert156 décrit en revanche l’autorité incomplète de Guigues VII en soulignant deux points importants. D’une part il ne possède pas de grands moyens financiers à cause de la pauvreté des terres de son territoire. D’autre part, le contrôle des grands officiers prend du retard par rapport au royaume de France ou à la Savoie. Nous pouvons constater que Guigues VII s’est efforcé d’établir un territoire stable et sécurisé avec toutes ses possibilités, mais n’a pu affirmer son véritable pouvoir par rapport à d’autres territoires comme le royaume de France. L’état du Dauphiné au XIIIème siècle était comme, l’auteur le résume, fragile même après sa consolidation.

154 René FAVIER, Nouvelle histoire du Dauphiné, op. cit. 155 Bernard BLIGNY, Histoire du Dauphiné, op. cit. 156 Henri FALQUE-VERT, « Pouvoir et société en Dauphiné durant le principat de Guigues VII », in Dauphiné France. De la principauté à la province (XIIe-XVIIIesiècles), Presses Universitaires de Grenoble., Grenoble. 78

B. Le transport du Dauphiné

Cette période est marquée par le règne d’Humbert II, dernier Dauphin gouvernant le Dauphiné de manière indépendante. Maintenir la principauté était, au temps d’Humbert II, un objectif difficile et complexe. Deux grandes raisons peuvent expliquer ces problèmes. D’une part, les finances du royaume qui étaient très faibles du fait du coût de l’expédition militaire pour la croisade, puis de l’endettement du Dauphin. Par ailleurs, le Dauphiné est en guère permanente contre la Savoie de 1282 à 1355 : c’est cela, en plus de la multiplication des maisons fortes en Dauphiné qui expliquent la ruine de la principauté. D’autre part, le manque de collaboration des officiers pour gérer les affaires importantes. En outre, le Dauphin Humbert II n’avait pas d’héritier. Pour cette raison, il devait concéder le Dauphiné à l’un des royaumes plus importants ; se posait alors la question du meilleur choix pour le rattachement. Parmi les pays autour du Dauphiné, les regards se dirigent vers leurs souverains : le comte de Savoie, son parent le prince d’Achaïe et le prince d’Orange. L’agrandissement de leurs territoires provoquerait un déséquilibre des régions. En 1339, Humbert II a cherché à vendre le Dauphiné à la papauté, ce qui a entraîné la réalisation d’une enquête détaillée par cette dernière, conduisant au refus du pape. Le royaume de France constitue probablement le meilleur choix grâce à la stabilité de son territoire et à la sagesse et la clairvoyance politique de ses dirigeants. Le plus important est une puissance monarchique protectrice et bienveillante plutôt qu’une puissance conquérante157. Nous pouvons supposer que les Français étaient bien les seuls pouvant garantir l’existence de la principauté delphinale. La situation politique sous le règne d’Humbert II semble être brillante, en particulier entre 1340 et 1344. Malgré la générosité que le prince avait à l’égard des grands seigneurs, la collaboration entre le Dauphin et la haute noblesse n’a pas été bien établie. Cette relation distante est l’un des facteurs entraînant une faiblesse dans l’autorité d’Humbert II158. Toutefois, la structure institutionnelle consolidé par le dernier Dauphin permet une démarche transitoire de l’état princier à l’une des provinces du royaume de France. Les rois-dauphins ont par la suite amélioré la situation politique du Dauphiné en sauvegardant le modèle d’Humbert II et en y ajoutant de nouvelles positions au cours du demi-siècle suivant le rattachement.

157 Anne LEMONDE, Le temps des libertés en Dauphiné. L’intégration d’une principauté à la Couronne de France (1349-1408), Presses universitaires de Grenoble., Grenoble, 2002. 158 Vital CHOMEL, « Rois de France et Dauphins de Viennois, « Le transport du Dauphiné à la France », Dauphiné France. De la principauté à la province (XIIème-XVIIIème siècles), Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble, 1999. 79

Les rois Charles V et Charles VI ont appliqué leur propre programme en conservant l’institution delphinale, accompagnée d’un cadre du gouvernement monarchique. Ils ont précisé le domaine des finances avec la nomination d’un trésorier en 1355, puis la création d’une nouvelle Chambre des Comptes en 1367. Par la suite, le roi Charles V a mené plusieurs grandes réformes comme le gouvernement des juges à partir de 1376. Dans les faits, le statut des rois-dauphins est bien accepté par les Dauphinois du fait du respect des libertés et des prérogatives du Dauphiné, suivant le modèle hérité d’Humbert II. Les institutions réformées par les gouverneurs français présentent une pensée politique avancée159 prenant pour modèle celles de Paris, par exemple pour la Chambre des Comptes et le Conseil delphinal.

Par ailleurs, le Dauphiné offre des avantages stratégiques en permettant l’accès à la Provence et la région autour d’Avignon, le Comtat Venaissin appartenant au pontife. À la fin du XVe siècle, le territoire facilitera l’entrée en Italie des armées françaises. Le plus important pour assurer la réussite du souverain est d’obtenir la soumission des Dauphinois et les fidélités des petits et grands seigneurs. Ces derniers ont trouvé leurs places dans les secteurs administratifs et les établissements institutionnels qui leur conviennent160. Les fidélités ne sont pas de simples révérences mais des fidélités plus affectives. Les souverains ont bien joué le jeu des libertés qui offre le lieu d’exercice d’un pouvoir harmonieux entre gouverneurs et gouvernés.

Néanmoins, nous ne pouvons pas parler d’un véritable progrès en 1407, la structure des institutions devant encore être consolidée. Nous voyons que la faiblesse de Dauphiné est causée par la ruine financière d’Humbert II en raison de l’envoi des combattants dans la croisade et par le manque de collaboration des grands seigneurs. Le rattachement au royaume de France semblait à ce moment la meilleure solution permettant de soutenir l’état de financement en gardant une certaine indépendance du gouvernement. Néanmoins, les circonstances dans la région et aux alentours ont été touchées par la continuité des conquêtes et des batailles qui pouvaient mettre en cause la stabilité de la souveraineté française.

159 Anne LEMONDE, Le temps des libertés en Dauphiné. L’intégration d’une principauté à la Couronne de France (1349-1408), op. cit. 160 Ibid. 80

C. Le Dauphiné à la fin du XIVe au XVe siècle

Le statut du Dauphiné après le rattachement au royaume de France présente une approche intéressante, permettant de savoir si le pouvoir des souverains de France se manifeste dans l’une des « provinces » du roi. Afin de répondre à cette question, il est important de connaître quelques événements historiques rapprochant le Dauphiné au contexte du royaume de France. Le règne du roi-dauphin Louis II (futur Louis XI) présente un certain lien entre la cour de France et l’état provincial du Dauphiné. L’administration de Louis II apporte une nouvelle prospérité : il réforme l’administration locale en transformant le Conseil delphinal en Parlement, en 1453161. De ce fait, il ressort que le Dauphiné conserve encore une véritable autonomie malgré le rattachement au royaume de France. En revanche, ce statut indépendant résulte de la politique personnelle162 de Louis II qui refuse d’être considéré comme un vassal du roi Charles VII. La volonté d’autonomie contre le pouvoir royal se manifeste en 1440 par une révolte aristocratique contre l’autorité royale qui provoque l’inquiétude de la haute noblesse. Le roi Charles VII se rend rapidement compte de l’hostilité de son fils dont les efforts pour restaurer un état indépendant échouent. Dès la fin du XVème siècle, la province désigne des parties bien délimitées du royaume et soumises à l’autorité du roi. Le roi Charles VIII, par une ordonnance de 1539, affirme la volonté royale de gouverner les provinces par les mêmes « lois et statuts que les autres parties du royaume »163. Nous voyons que le Dauphiné a perdu son autonomie au cours du temps en s’intégrant au royaume de France.

D. Le Dauphiné à la fin du XVe et au XVIe siècle

Après le règne de Louis II, nous savons que le statut du Dauphiné conserve encore une certaine autonomie – même si elle est réduite. Sous le règne de François Ier, la volonté d’autonomie en Dauphiné va à l’encontre du désir d’unification de la monarchie. Le roi de France se rend compte de cette tension et pousse ses sujets à partir pour les guerres d’Italie pour affirmer l’identité du pouvoir monarchique164.

161 Bernard BLIGNY, Histoire du Dauphiné, op. cit. 162 René VERDIER, « Louis II le dernier dauphin », in Dauphiné France. De la principauté à la province (XIIe- XVIIIe siècles), Presses universitaires de Grenoble., Grenoble, 1999. 163 René FAVIER, Nouvelle histoire du Dauphiné, op. cit. 164 Alain BELMONT, « L’intégration au royaume par les armes. Le Dauphiné et les guerres d’Italie », Dauphiné, France. De la principauté à la province (XIIe-XVIIIe siècles), Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble, 1999, p109-122. 81

Lorsque les conflits entre la France et l’Italie débutent en 1494, en raison de la revendication du royaume de Naples par le roi Charles VIII, les souverains de la cour en profitent pour accrocher solidement le Dauphiné au reste du royaume. Le Dauphiné sert de base de départ pour les expéditions militaires (rassemblements des hommes et des matériels). De nombreuses levées d’hommes et d’animaux sont effectuées par la force avec peu de remboursements des pertes pour la population. Par ailleurs, les soldats pillent les communautés qui ont refusé de répondre à ces demandes irréalistes. Il ressort que même si les guerres n’ont pas eu lieu sur les terres du Dauphiné, ce territoire a connu une véritable calamité. A. Belmont explique dans son ouvrage que l’obligation des levées d’hommes se présente comme un processus pour réduire les prérogatives du Dauphiné, avec les commandements sans frais. Par ailleurs, la perte du pouvoir delphinal peut être aussi expliquée par le changement du titre du Dauphin165. En effet, après le rattachement en 1349, le titre et la charge appartiennent désormais au fils aîné du roi. Sous le règne de François Ier, le titre de « Dauphin » est devenu simplement un titre symbolique. Le changement de vocabulaire de la « principauté », des « pays du Dauphiné » pour la « province » vise à créer le sentiment d’une partie intégrante du royaume de France. Ces modifications démontrent le déclin progressif du Dauphiné face à l’autorité des souverains de France. Après les guerres d’Italie, un autre conflit émerge concernant la religion en France. Les souverains du royaume sont catholiques tandis que certaines parties en Dauphiné sont sous l’influence des réformés. Ces opposants dans les terres dauphinoises représentent un risque d’affaiblissement de l’autorité royale et probablement une volonté d’autonomie en Dauphiné166.

Dès le règne de François Ier qui amène la politique de l’Etat moderne centralisateur et absolutiste, commence parallèlement la perte des libertés dauphinoises dont le processus est long et complexe.

L’autonomie du Dauphiné est donc de plus en plus réduite à partir du XVe siècle, il en résultée des révoltes de la noblesse en particulier sous le principat de Louis II face à la volonté de la monarchie française d’unification du royaume. Ceci a causé la régression d’autonomie

165 Alain BELMONT, « L’intégration au royaume par les armes. Le Dauphiné et les guerres d’Italie », in Dauphiné, France. De la principauté à la province (XIIe-XVIIIesiècles), Presses Universitaires de Grenoble., Grenoble. 166 René FAVIER, « De la principauté à la province. La perte des libertés dauphinoises (XVIème-XVIIème siècle) », Dauphiné France. De la principauté à la province (XIIème-XVIIIème siècles), Presses universitaires de Grenoble, Grenoble, 1999. 82 en Dauphiné. Les guerres d’Italie et la guerre de religions sont deux événements allant à l’encontre du pouvoir royal et du pouvoir local. Enfin, la politique de la période moderne autorise la suppression de la principauté de Dauphiné.

Nous voyons que le transport au royaume de France est considéré comme l’une des étapes créant l’état d’un pays souverain.

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4.2.2 Les détenteurs de résidences seigneuriales dans les régions étudiées

Après avoir présenté le contexte historique des régions d’étude, nous souhaitons ensuite relier l’histoire du secteur d’étude avec le contexte historique du royaume de France et des pays alentours. Toutefois, comme la longue période d’étude du XIIIe au XVIe siècle comprend plusieurs événements historiques qui se sont succédé, il est difficile de s’intéresser à seulement une ou quelques phases. Mais nous pouvons prendre en compte les effets de ces événements historiques pour saisir le contexte de l’époque étudiée. L’événement le plus connu est la Guerre d’Italie qui s’est déroulée de la fin du XVe au milieu du XVIe siècle. Pour cela, l’étude l’historique des sites présente les seigneurs qui ont participé à l’expédition militaire, dont certaines concernent la Guerre d’Italie. En outre, la partie précédente nous apprend que les troupes françaises qui prenaient part à ces combats ont amené une influence italienne qui se reflète par des œuvres d’art et l’architecture en France. Toutefois, il est également important d’apprendre l’historique des sites étudiés et le contexte de leurs détenteurs, afin d’améliorer la compréhension des décors. La recherche historique des familles détentrices des résidences seigneuriales a pour objectif de démontrer le rôle et l’importance des seigneurs sur les sites et dans les zones étudiées. Concernant les sources, nous voulons prendre en compte dans un premier temps les documents d’archives contenant les actes et registres réalisés à cette époque. Ces divers renseignements peuvent être extraits de différents fonds tels ceux des Archives départementales de l’Isère, en particulier les minutes notariales (série 3E167) et les archives du fond Morin-Pons comportant de nombreux manuscrits sur les familles dauphinoises et lyonnaises. Nous avons sélectionné les archives étudiées avec grand soins, en tenant compte de la date de réalisation, de la mention des familles nobles concernées et du type de documents. Il existe une dizaine d’archives correspondant à nos critères. Nous pouvons donner les exemples d’archives déjà étudiées. Tout d’abord, l’archive B4424168 classée dans le fond des minutes notariales (3E) qui présente la description de la demeure et du domaine du noble Pierre Avalon. La mention de la commune (Saint-Maximin) et de la date (1307-1318) peut être liée au site de la Tour Brune. Néanmoins, une rapide transcription révèle la vente de terres qui ne concerne pas le bâtiment de notre site. Nous avons ensuite tenté d’analyser six

167 La série 3E contient les documents notariés qui indiquent la description des sites et des alentours 168 Archives départementales de l’Isère : B 4424, la description de la demeure et du domaine de Pierre Avalon à Saint-Maximin (1307-1318) 84 archives classées dans le fond Morin-Pons. Les archives se composent de divers types de documents de transaction. Ceux-ci peuvent se subdiviser en procuration (MS 17 p°24169), document de vente (MS 208 p°2170), paiement des décimes (MS 52 p°1171) ou compromis (MS 112 n°1172). Le contrat du mariage est un autre document intéressant au niveau de la transmission des sites. Nous travaillons sur les archives MS 87 p°5173 et MS 228-230 p°14174. Néanmoins, il est difficile d’y trouver la description de l’aspect architectural et des décors du lieu concerné. A l’inverse, nous possédons des renseignements issus d’autres sites appartenant à la même famille présente sur nos sites étudiés, ce qui permet de connaître plus ou moins le statut des propriétaires. En conséquence, nous n’avons pas trouvé d’éléments se rapportant directement à l’approche décorative des sites, mais ceux obtenus suggèrent le statut des sites et celui des seigneurs. De plus, nous pouvons nous orienter vers des ouvrages ou d’autres types de documents. Les renseignements obtenus par le biais des archives présentent principalement la transmission des sites entre les familles nobles, le statut et le pouvoir des détenteurs ou les caractères généraux du site. Il est difficile de trouver des informations sur l’architecture mais deux de nos sites en possèdent avec le document du rapport d’ingénieur175 (ces informations ont été présentées dans la fiche de chaque sites dans le volume 3). Les données présentent les dimensions, la composition et les caractéristiques de certaines parties. Ces éléments sont précieux afin de connaître la structure des sites à l’époque. En ce qui concerne les renseignements issus d’ouvrages et de la documentation des sites, ils nous ont permis d’en décrire certains plus précisément, en tenant compte de sources disponibles qui présentent chacune un historique des sites de manière approfondie. La

169 Bibliothèque municipale de Lyon : MS 17 p°24, fond Morin-Pons, Procuration de noble Antoinette de , dame de Demptésieu & de Montcarra, à Gaspard Allemand, son fils, pour traiter avec nobles Gaspard de Vallin & Benoît de Raches (Rachais), seigneur de Chabodière près Montferra 170 Bibliothèque municipale de Lyon : MS 208 p°2, fond Morin-Pons, Vente des terres avec la mention de la famille Guiffrey, et celle de la famille Freynet 171 Bibliothèque municipale de Lyon : MS 52 p°1, fond Morin-Pons, Paiement de décimes avec la mention de Guigues Glandut et Antoine Astier 172 Bibliothèque municipale de Lyon : MS 112 n°1, fond Morin-Pons, compromis entre Guy Boyzard, prieur d'Anneyron, et Didier Brunier, seigneur de Larnage 173 Bibliothèque municipale de Lyon : MS 87 p°5, fond Morin-Pons, Contrat du mariage entre François de Bocsozel et Jeanne Terrail 174 Bibliothèque municipale de Lyon : MS 228-230 p°14, fond Morin-Pons, Contrat du mariage entre Cristofle de Loras, seigneur de Chonas, Montplaisant et de la Roche en Dauphiné et Dame Françoise de Collorge, veuve de Humbert de Grolée, seigneur d'Ylins et du Breuil 175 Pour la maison forte Montplaisant; L198/1-2, coffer 45 : rapport de l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées sur la destruction des emblêmes féodaux (6 fructidor an II). (le renseignement obtenu de Maryannick CHALABI, Olivia PELLETIER, Maison forte, dite château de Montplaisant, op.cit.) Pour le château de Serrières ; A.D. Isère : L198/1.2, coffre 45 : rapport de Chabord, château de Serrières (fructidor an II) (renseignement obtenu d’Olivia PELLETIER, Maison forte, dite château de Serrières, op. cit.) 85 recherche portée sur l’inventaire des maisons fortes en Crémieu réalisée par l’Inventaire général du patrimoine176 possède un intérêt particulier avec l’analyse réalisée sur le corpus des sites en présentant les caractères historiques et architecturaux. Les détenteurs des sites étaient des nobles dotés d’une autorisation de construire. Ils étaient chevaliers, écuyers ou probablement damoiseaux. La plupart occupait des charges administratives importantes à la cour delphinale. Les seigneurs préféraient transformer leur possession en fief pour bénéficier de la protection du Dauphin en échange de leurs hommages. Ceci explique les droits seigneuriaux liés à une maison forte : ils consistaient en cas de justice haute, moyenne ou basse. Ces caractères correspondent à la notion générale de maisons fortes que nous avons présentée dans le chapitre 1 et dans la partie précédente relative au contexte historique. Les autres recherches, en particulier la prospection des habitats nobles au niveau de la commune effectuée par la Conservation du patrimoine de l’Isère et de la Drôme, permet de fournir des renseignements historiques importants. En outre, des ouvrages traitant de la généalogie des familles seigneuriales nous aident à saisir des éléments essentiels et améliorer la connaissance des liens historiques entre familles.

Historique des habitats nobles et du statut des seigneurs

Nous savons désormais que les propriétaires d’habitats nobles devaient être des seigneurs ayant obtenu l’autorisation du Dauphin ou auprès de la souveraineté pour la construction des sites. Nous voyons que le contexte des seigneurs est étroitement lié à leurs résidences. L’étude historique des sites devient par conséquent une étape importante nous permettant de connaître les caractères des détenteurs des sites.

Tout d’abord, l’étude historique révèle que chacun d’entre eux pouvait être occupé par différentes familles nobles au cours des siècles. La transmission des sites s’est effectuée par divers modes. S’il existe un héritier mâle dans la famille, le site lui sera transmis généralement par testament, en respectant le droit d’aînesse. Au contraire, le site peut accompagner la fille comme dot lors de son mariage avec un noble d’une autre famille. Dans ce cas, le site devient la possession de cette dernière. Ces événements permettent de comprendre les rapports entre les familles nobles. Il est nécessaire d’ajouter que les habitats nobles sont échangés entre familles de niveau social très proche. La vente de résidences était

176 Maryannick CHALABI, Olivia PELLETIER, Les maisons fortes du canton de Crémieu, Inventaire général du patrimoine culturel, Région Rhône-Alpes, 1994, 1998. Cette étude a été réalisée grâce à l’inventaire des maisons fortes en Crémieu datant entre la seconde moitié du XIIIe siècle et la fin du XVe siècle. Cette période correspond à la mise en place de l’administration des terres de la baronnie de la Tour-du-Pin 86

également pratiquée mais bien moins souvent que les deux premiers cas susvisés. E.Vidil177 énonce que les familles possédant des maisons fortes ne font pas partie de la haute noblesse ; la vente d’une maison forte représente donc une grosse perte. Nous pouvons donc observer que la transmission des sites révèle la tentative de seigneurs de garder et de maintenir leur statut qui s’attache à leurs propres résidences. Ceci nous pousse à étudier le contexte des familles détentrices qui peut être lié à quelques personnages aristocratiques importants. Le travail sur l’historique des sites montre le rôle de familles nobles. En effet, un site peut être possédé au cours des siècles par une petite famille pendant une courte période ou par une grande famille pendant une période plus longue car celle-ci se compose de plusieurs branches. Le caractère des familles nobles paraît donc varié. Nous avons trouvé un certain nombre de documents nous renseignant sur les mouvements des grandes familles, suggérant la puissance de certains seigneurs.

Le tableau 4.1 présente les grandes familles détentrices en Dauphiné et leur rôle dans la société. Nous verrons que certaines familles possédaient plus d’un site en même temps, par exemple la famille Loras de Montplaisant avec la maison forte de Montplaisant (Saint- Hilaire-de-Brens, Crémieu) et le Château Verna (Vernas, Crémieu). Il en est de même avec la famille de la Balme de Montchalin qui occupait à la fois la Maison forte Peythieu (Saint- Savin), la Maison forte du Carroz (Courtenay, Morestel) et le Château de Montchalin (Courtenay, Morestel). La famille Loras de Montplaisant possédait deux habitats nobles, tous deux situés dans le canton de Crémieu. Les seigneurs de cette famille semblaient posséder un certain pouvoir dans ce canton avec la possession de deux sites. Quant à la famille de la Balme de Montchalin, les seigneurs disposaient de deux sites dans la même commune (Courtenay) et un autre situé dans une commune limitrophe (Saint-Savin). La possession de résidences dans différentes communes suggère que la puissance de la famille noble se manifeste sur un large secteur. En conséquence, il est logique de résumer que le nombre des sites possédés peut indiquer le pouvoir et le statut des détenteurs des sites.

177 Elsa VIDIL, Les châteaux et les maisons fortes en basse Maurienne et en Val Gelon du XIIe au XVe siècle, EHESS, mémoire, 2004, 2 volumes 87

Tableau 4.1 Présentant les grandes familles détentrices en Dauphiné et la possession

de leurs demeures aristocratiques dans les secteurs d’étude

Familles détentrices Sites concernées Rôle sur habitat noble ou dans la société

Alleman Château Demptézieu L’une des familles seigneuriales les plus considérables en Dauphiné. Elle se compose de plusieurs branches. Le détenteur du château Demptézieu possédait également le château Verna (au XVIIe siècle), l’un de nos sites étudiés. Aynard Château de Theys L’une des puissantes familles en Dauphiné.

Balme (de Vertrieu) Maison forte d'Ecottier L’une des familles seigneuriales les plus Maison forte Vertrieu considérables en Dauphiné. Elle se compose de plusieurs branches.

Le détenteur de la maison forte Vertrieu possédait

également la maison forte d’Ecottier, l’un de nos sites étudiés. Balme (de Montchalin) Château de Montchalin Le détenteur du château de Montchalin possédait Maison forte du Carroz également la maison forte du Carroz et la maison Maison forte Peythieu forte Peythieu, l’un de nos sites étudiés. Bocsozel Maison forte Verpillières L’une des familles seigneuriales les plus anciennes en Dauphiné. Claveyson Maison forte Clérivaux L’une des familles les plus puissantes en Dauphiné.

Genève Château de Brangues Famille puissante ; possédait de vastes domaines en Dauphiné, par exemple, la terre de Theys. Grôlée Château de Mépieu L’une des familles seigneuriales les plus considérables en Dauphiné. Elle se compose de plusieurs branches. Guiffrey Maison forte de Boutières L’une des familles seigneuriales les plus Manoir de la Tour considérables en Dauphiné. Rôle dans les expéditions militaires avec chevalier de Bayard. Le détenteur de la maison forte de Boutières possédait également le manoir de la Tour, l’un de nos sites étudiés. La Poype (Saint-Jullien) Maison forte Gramond L’une des familles les plus renommées de l’ancienne Maison forte Montagnieu province du Dauphiné. La famille La Poype détenait le château Serrières. Le détenteur de la maison forte Gramond possédait également la maison forte Montagnieu, l’un de nos sites étudiés. Lesdiguières Maison forte Verpillières Le détenteur de la maison forte Verpillières Château de Jail possédait également le château de Jail, l’un de nos sites étudiés. Loras Maison forte Loras L’une des familles les plus renommées en Dauphiné. Loras (de Jalionas) Maison forte Jalionas Participation à plusieurs expéditions militaires comme la septième Croisade, les batailles des Savoyards et Loras (de Montplaisant) Maison forte Montplaisant même la guerre de Cent Ans. Elle se divise en plusieurs branches.

88

Familles détentrices Sites concernées Rôle sur habitat noble ou dans la société Loras Maison forte Loras Cette famille se compose de plusieurs branches Loras (de Jalionas) Maison forte Jalionas dont la branche de Loras s’occupait de la maison forte Loras, la branche de Jalionas possédait de la Loras (de Montplaisant) Maison forte Montplaisant maison forte Jalionas et la branche de Montplaisant disposait de la maison forte Montplaisant. Montchenu Château Châtillon L’une des familles seigneuriales les plus Maison forte Clérivaux considérables dans la Drôme. Elle se compose de plusieurs branches. Le détenteur du château Châtillon possédait également la maison forte Clérivaux, l’un de nos sites étudiés. Theys Maison forte du Mollard- L’une des familles les plus renommées en Dauphiné. Ronde

Nous avons étudié le contexte des détenteurs de nos sites, nous permettant de comprendre leur rôle sur les sites étudiés, ainsi que leur importance dans la société (voir tab 4.2). La plupart des détenteurs ont prêté hommage au Dauphin pour la protection des résidences seigneuriales. Quelques exemples présentés dans cette partie sont destinés à démontrer la puissance des seigneurs. Le site de Montplaisant en Crémieu présente une information riche178 qui peut nous éclairer le pouvoir du seigneur : la lettre patente du Dauphin Louis à noble Pierre de Loras affirme la justice de Montplaisant et de Saint-Hilaire de Pierre de Loras en échange de ses hommages et ceux de ses héritiers. Le même aspect se retrouve sur le site de Serrières où le Dauphin Louis (futur Louis XI) octroie le statut du chevalier « toute justice et juridiction haute, moyenne et basse » à Antoine de la Poype179. Il est évident que les seigneurs de deux sites possèdent chacun un pouvoir important. En outre, l’historique des sites peut nous informer sur le statut des seigneurs qui les relie à leurs principales charges administratives : Jacques Brunier, détenteur de la Maison forte de Larnage180, était le chancelier du dernier Dauphin de Viennois, Humbert II. Il pouvait authentifier les actes du Dauphin comme possesseur du sceau. De plus, il a participé à une affaire importante du Dauphiné, le transfert de la principauté au royaume de France. Un autre site qui appartenait à un noble de haut statut

178 Manuscrit 1J 1175, lettres patentes du dauphin Louis de France à noble Pierre de Loras, seigneur de Montplaisant, 24 avril 1449, 15 février 1455, copie du XVIIème siècle (le renseignement obtenu de Maryannick CHALABI, Olivia PELLETIER, Maison forte, dite château de Montplaisant, Inventaire général du patrimoine culturel, Région Rhône-Alpes, 1994) 179 A.D. Isère : B 2968, dépouillement Ch.Delomier. (renseignement obtenu d’Olivia PELLETIER, Maison forte, dite château de Serrières, Inventaire général du patrimoine culturel, Région Rhône-Alpes, 1996.) 180 Jean-Michel POISSON, Le château de Larnage, le document d’étude du Château de Larnage et de prospection des maisons fortes dans la commune d’Anneyron, 2008 89 est le Château de Theys181. Son propriétaire, le chevalier Girard de Bellecombe, était le seigneur châtelain chargé de Theys et des régions alentours, et le mandement de Moretel avec des charges importantes. En outre, ce seigneur possédait une grande fortune. Il était le garant du Dauphin lors de l’achat d’Allevard en 1263.

Tableau 4.2 Présentant quelques personnages importants qui étaient les détenteurs des sites étudiés et le rôle sur leurs résidences seigneuriales ou dans la société

Personnages Sites concernées Rôle sur habitat noble ou dans la société Amblard de Machy Maison forte Montagnieu Prêt hommage en 1363 et en 1375 pour la maison forte. Antoine de Vinay Château Châtillon Prêt hommage en 1350 pour la maison forte de « Vinayrie » (Château Châtillon) au nouveau dauphin Charles. Chevalier de Château de Bayard Participation à plusieurs batailles. Il a été nommé Bayard (Pierre III de sous le règne de François Ier, lieutenant général du Bayard) Dauphiné. Guigue Guiffrey Maison forte de Boutières Seigneur de la famille Guiffrey, possédant la maison Manoir de la Tour forte de Boutières et le manoir de la Tour. Il a obtenu la seigneurie et le château de la Frette d’Antoine de Château de la Frette Beaumont en échange de l’abandon de diverses terres à . Guyonnet et Johannet Maison forte Vertrieu Prêt hommage du site en 1289. de La Balme Hugues et Louis de Maison forte Gollard Hommage au Dauphin sur diverses terres et Bressieux réception du site en remerciement de leur hommage. Jacques Brunier Maison forte Larnage Chancelier durant le règne d’Humbert II. Il jouait un rôle important dans plusieurs domaines : la création de l’université de Grenoble, l’expédition en Terre Sainte et la cession du Dauphiné au royaume de France. Jean Pèlerin Maison forte du Cingle L’un des témoins qui a observé l’acte de transport du Dauphiné au royaume de France. Membres de la famille Maison forte Les Blains Participation à la conquête de Naples. Blains Membres de la famille Maison forte Bourcieu Les chevaliers de la famille, comme Amédée de Bourcieu Bourcieu, ont apporté des biens à la famille La Font, en 1410. Membres de la famille Maison forte Gramond Charges importantes à l’Abbaye de Saint-Chef et à Brunel celle de Saint-Antoine l’Abbaye. Le seigneur Maison forte Hauterives Prêt hommage en 1543 au roi de France pour la d'Hauterives-les- maison forte. Servettes

181 Annick CLAVIER, Perceval en montagne le châtel de Theys, Conseil général de l’Isère Patrimoine en Isère, Grenoble, 2014 90

Personnages Sites concernées Rôle sur habitat noble ou dans la société Membres de la famille Maison forte Biol Rôle d’exécuteur testamentaire d'Antoine de Paludru. de Serre : Jacques de Serre et Bernardin de Rachais Membres de la famille Maison forte de Theys Rôle important dans la vie politique du Dauphiné. Theys Membres de la famille Maison forte Belmont Rôle dans le parlement de Grenoble, comme Vachon de Belmont conseiller et président du parlement. Moines Antonins, de Maison forte des Loives Construction du site entre 1344 et 1369. l’Ordre hospitalier de Demeure patricienne Ils dépendaient de l’ordre des Antonins, dont le siège Saint-Antoine : Abbé était l'abbaye Saint-Antoine. Deux abbés ont joué un Guillaume de Mitte et rôle important dans la vie politique du Dauphiné, Pierre Lobet pendant le règne d’Humbert II. En outre, ils ont appliqué le courant artistique de la cour avignonnaise sur les peintures murales de leurs résidences. Vachon Maison forte des Champs L’une des familles seigneuriales les plus Vachon (de Belmont) Maison forte Belmont considérables en Dauphiné, dont les membres travaillaient au parlement de Grenoble, comme conseillers et présidents du parlement.

Parmi les seigneurs des sites de notre corpus, nous pouvons distinguer les seigneurs abbés des autres, avec la commande de peintures murales sur deux sites : la Demeure patricienne et la Maison forte des Loives. Le premier site a été influencé par les abbés de l’ordre des Antonins. Il en est de même pour le second site, mais dans cet habitat nous pouvons nommer les fondateurs : Pierre Lobe et Guillaume Mitte. Le point commun entre ces deux lieux concerne le programme pictural qui vise à décorer la grande salle avec une série d’écus peints. L’objectif de ces décors semble être lié au fait d’honorer des personnages influents du Dauphiné182. L’existence de ces décors peints permet de concevoir le rôle important des seigneurs ecclésiastiques dans la région. En outre, il est nécessaire de considérer le contexte des deux détenteurs, les abbés Pierre Lobe et Guillaume Mitte. Ces personnages jouaient un rôle important dans la vie politique du Dauphiné, pendant le règne d’Humbert II. En outre, ils ont appliqué le courant artistique de la cour avignonnaise sur les peintures murales de leurs résidences. Cette influence stylistique se retrouve visiblement sur l’ensemble de la présentation des peintures. Le tableau 4.3 présente plusieurs sites étudiés possédant des rapports importants dans le courant politique en Dauphiné.

182 Patrimoine en Isère : Chambaran, Conservation du Patrimoine de l’Isère., Grenoble, 1999. 91

Tableau 4.3 Présentant les habitats nobles qui étaient reliés aux rapports importants dans le courant politique en Dauphiné

Sites étudiés Familles concernées Rapports dans le courant politique

Château de la Frette Beaumont François de Beaumont (baron des Adrets) est né dans cette demeure. Maison forte de Campéry Entre 1450 et 1455, le Dauphin Louis II (futur Louis Chaleyre XI), a rédigé plusieurs actes du gouvernement dans ce site. Maison forte de la Cossonnay En 1328, le Dauphin Guigues VIII et le comte de Crosse Savoie ont signé une trêve dans la maison forte.

L’étude des détenteurs des sites présentés ci-dessus peut répondre à notre problématique. Tout d’abord, le contexte historique des habitats nobles permet d’identifier les familles détentrices et les seigneurs reconnus. De plus, la transmission des sites entre les familles nobles aide à comprendre les mouvements de chaque famille ayant possédé le site. De même, les informations relatives à une même famille qui possédait plusieurs sites dans différentes communes permettent de supposer la puissance de cette famille sur un large secteur. Enfin, la provenance des propriétaires peut désigner les liens avec les décors, comme les sites de Loives et de la Demeure patricienne. Les détenteurs des sites avaient pour rôle de diffuser le courant artistique d’une autre province pour être appliqué sur les décors de la région de notre corpus. Dans ce cas, nous pouvons affirmer que le commanditaire du décor est l’un des facteurs faisant partie des caractéristiques des décors. 92

4.2.3 Les seigneurs et leurs résidences Après la présentation du contexte des propriétaires des sites étudiés, il est intéressant d’étudier les liens entre les détenteurs et leurs résidences dans un aspect historique, afin de comprendre le rôle des résidences seigneuriales. Ces dernières sont un des éléments de la société féodale en ce qu’elles représentent le siège du pouvoir de l’époque. Les seigneurs exerçaient leurs pouvoirs sur les terres et les hommes au sein de leur seigneurie.

Tout d’abord, il est essentiel de remonter à la fin du IXe siècle, au moment où l’autorité souveraine faiblit en raison du morcellement du pouvoir, permettant dans le premier tiers du Xe siècle la mise en place de principautés territoriales. Un peu plus tard, le XIe siècle a connu de grands bouleversements dans tous les domaines : économiques, démographiques, etc. L’aspect politique en Europe occidentale, et en particulier en France, révèle la mise en dépendance d’hommes libres à la fois sur les plans politique, juridique et économique183. Il s’agit d’un système d’exploitation de la terre et des hommes dans lequel la seigneurie foncière184 s’établit. Les seigneurs exercent leur pouvoir afin de contrôler la seigneurie où le château joue un rôle important. Le pouvoir réside dans la possession de la terre, seule source de richesse. Les paysans, serfs185 et vilains186, travaillent dans les champs en cultivant une quantité restreinte de produits agricoles. Nous sommes en présence d’une économie autosuffisante qui permet de nourrir uniquement les habitants de la seigneurie. Les seigneurs assurent, en échange des produits agricoles des paysans, la protection de leurs domaines. Quant aux vassaux187, leur condition est meilleure : ils reçoivent la possession de terres (fief) de seigneurs, devenant par la suite un bien héréditaire. Les vassaux doivent en échange du fief rendre hommage en accordant un service militaire et une aide financière aux seigneurs. Nous pouvons en conclure que le début de la période féodale se caractérise par une société de dépendance.

183 André DEBORD, Aristocratie et pouvoir: le rôle du château dans la France médiévale, A. et J. Picard., Paris, 2000. Cet auteur a parlé de ce contexte en citant la référence de R. Fossier, Enfance de l’Europe, Xe-XIIe siècles. Aspects économiques et sociaux, Paris (Coll. « Nouvelle Clio »), 1982, 2 vols. 184 Structure de production et d’encadrement de la vie économique née des droits de propriété que le feudataire détenait sur la terre et sur ses tenanciers 185 Paysans non libres. Le servage est une attache héréditaire au sol, en même temps qu’une dépendance personnelle qui lie étroitement l’homme à son seigneur. Avec la mise en place du régime seigneurial aux Xe et XIe siècles, le serf attaché à sa tenure, vit en marge des autorités publiques et, au titre de la servitude, rend hommage à son maître en versant le chevage. 186 Habitant libre. Par la suite, le terme prend le sens de cultivateur libre détenant une tenure censitaire. 187 La vassalité est une relation contractuelle et réciproque entre deux individus libres mais d’inégale puissance. Le vassal engage sa foi, s’oblige à obéir et à servir le plus souvent militairement, tandis que le seigneur s’engage à protéger et à entretenir son vassal. Dès la fin du XIe siècle, certains princes territoriaux, qui profitent de conditions économiques et sociales favorables, usent du lien féodo-vassalique pour restaurer leur autorité. Au XIIe siècle, les rois capétiens obligent les grands vassaux à leur prêter l’hommage lige. Ils font du lien vassalique un instrument particulièrement efficace de l’action royale 93

Ces éléments suscitent maintes interrogations concernant la noblesse et ses résidences. Est-ce que le château et les autres résidences seigneuriales pouvaient consolider le pouvoir des propriétaires, ainsi que celui des souverains ?

C’est le statut des seigneurs dans le contexte social de l’époque qui nous fourniront les réponses à ces questions. Les seigneurs doivent s’occuper des châteaux, qui sont chacun le lieu principal d’habitation. Ils disposent ainsi du pouvoir de ban, c’est-à-dire un pouvoir de commandement qui leur permet notamment d’édicter des règlements. Ce droit juridique se divise en haute, moyenne et basse justice, appliqués différemment dans les territoires administratifs. Ce pouvoir conduit à établir un rapport étroit entre le seigneur et les hommes vivant sur ses terres. De plus, les châtelains exercent leur pouvoir sur tous les hommes libres et sur les serfs dans les limites géographiques de leur fief. Chaque homme est concerné différemment selon son statut. Chacun doit rendre service au seigneur en échange de sa protection et peut-être de son amitié. Les chevaliers vassaliques ont vocation à combattre et bénéficient de certains privilèges et possèdent des terres. Ils doivent fournir une aide financière aux seigneurs188. A. Debord explique qu’il s’agit d’un système assurant la cohésion de la classe dominante entre les seigneurs et les chevaliers et qui aboutit à la protection du château. Les serfs et les vilains ont vocation au contraire à agir dans le domaine de l’agriculture, ce qui permet de vêtir et de nourrir les habitants des seigneuries.

La structure de la société médiévale semble être destinée à consolider l’autorité des souverains en partageant le pouvoir entre de grands seigneurs devant s’occuper de leurs territoires. Ceux-ci restent étroitement liés aux petits seigneurs et à leurs habitants par le pouvoir de ban. La possession des terres, les privilèges et prérogatives qu’ils détiennent aident les seigneurs à renforcer leur pouvoir dans leurs domaines. Néanmoins, il est communément admis que le château représente un véritable moyen pour renforcer l’autorité des princes. G. Fournier189 souligne la possibilité, pour les seigneurs, de rechercher leur autonomie lorsqu’ils se sentaient assez puissants, en affirmant leur monopole sur le château par le biais de la châtellenie190. Le statut de châtellenie paraît indépendant de l’autorité centrale grâce à une certaine force militaire et aux pouvoirs banaux. Les princes territoriaux, en profitant de conditions économiques et sociales qui leur sont favorables, usent

188 Il s’agit d’une aide financière dite aux « 4 cas » : le paiement de la rançon du seigneur, le mariage de la fille aînée, l’entrée dans la chevalerie du fils aîné (armure) et le départ pour la croisade 189 Gabriel FOURNIER, Le château dans la France médiévale ; essai de sociologie monumentale, Aubier, Paris, 1978, op. cit. 190 Il s’agit d’une unité territoriale composée de plusieurs villages 94 du lien féodo-vassalique pour restaurer leur autorité : ils contraignent châtelains et chevaliers à respecter leurs obligations et à récupérer l’autorité territoriale191. Néanmoins, à la fin du XIIIe siècle, les souverains sont parvenus à affirmer l’autorité centrale, en parallèle des efforts menés pour renouveler l’Etat. Le château est par conséquent considéré comme un instrument crucial permettant aux seigneurs d’établir leur pouvoir à travers l’organisation féodale. Ce siège du pouvoir peut être dangereux pour l’autorité des souverains si le contrôle des châtellenies n’est pas bien établi. Ainsi, les notions de noblesse et de résidence sont étroitement liées à la structure sociale qui vise à centraliser le pouvoir, d’abord aux mains des souverains et, à un autre niveau, aux mains des seigneurs, en assurant des rapports étroits entre les souverains et les grands vassaux. Le château exprime la puissance économique et politique des seigneurs et devient le symbole de leur pouvoir. Il est envisagé comme moyen de consolider le pouvoir de leurs détenteurs.

Les maisons fortes

Au XIIIe siècle, le château conserve son prestige de pouvoir et de force, mais l’aspect d’habitation est de moins en moins attirant. Par ailleurs, le goût des aristocrates se développe vers une approche plus raffinée, recherchant le luxe ou le confort du séjour dans le choix de construction de leurs demeures. Dès la fin du XIIe siècle apparaît une nouvelle catégorie d’habitat noble, la maison forte, qui se situe majoritairement à la campagne. Cette demeure correspond au besoin des grands seigneurs d’être la seconde résidence, en fonction des saisons.

L’un des caractères de la maison forte présenté ci-dessus nous renvoie à la question concernant sa distinction avec le château, ainsi que le rapport avec son détenteur. Avant d’aborder ces questions, il convient d’aborder les caractéristiques de la maison forte. La maison forte appartient généralement à la petite aristocratie chevaleresque, en ce qui concerne les sites antérieurs au XIVe siècle. A l’inverse, les détenteurs des châteaux appartiennent à la noblesse de haut rang ou aux grands châtelains. E. Sirot énonce que les occupants des maisons fortes détiennent également le droit de ban, comme les châtelains. L’application de ce droit juridique ressemble à celle du château en encadrant la haute, la moyenne et la basse

191 André DEBORD, Aristocratie et pouvoir: le rôle du château dans la France médiévale, op. cit. 95 justice. La possession de cette juridiction justifie le statut prestigieux des membres de la petite noblesse rurale. Toutefois, la maison forte peut être possédée par des seigneurs ecclésiastiques, comme les moines et les prieurs en Genevois et en Faucigny. De ce fait, les domaines et les devoirs de la maison forte se partagent entre les seigneurs laïcs et le clergé. Les maisons fortes apparaissent dès la fin du XIIe siècle et se multiplient entre 1250 et 1350. Nous savons, que ce type d’habitat noble est principalement destiné à être un lieu d’habitation permettant de surveiller le paysage alentour, particulièrement dans les zones frontalières. Cependant, la majorité des sites se situent à la campagne, ce qui suggère une autre fonction, celle de centre d’exploitation agricole. En outre, la notion de seconde résidence de la noblesse est soulignée depuis le XIIIe siècle. Cette situation se développe parallèlement à la conception architecturale qui évolue de l’édifice fortifié à la demeure d’habitation. Il faut réfléchir au facteur d’accroissement du nombre de maisons fortes pendant des siècles : le corps des aristocrates se renouvelle à partir du XIVe siècle et permet à plusieurs personnages de service comme les juristes magistrats, les praticiens du droit ou les gens de robe d’accéder à la noblesse. Ces nouveaux seigneurs ont besoin de démontrer leur appartenance à l’aristocratie, ce qui se traduit par la possession d’une maison forte. Nous pouvons donc en déduire que la maison forte est étroitement liée aux seigneurs comme un symbole de promotion sociale. Ceci semble être différent en comparaison avec les châteaux qui sont la plupart du temps réservés à la noblesse de haut rang ou aux grands châtelains. Néanmoins, il existe une certaine inégalité entre les seigneurs possédant un petit nombre de maisons fortes et ceux qui détiennent plusieurs sites, comme les châtelains.

Il faut néanmoins souligner que la notion de maisons fortes présente une nuance par rapport à celle du château : le rôle de fortification est moins exigeant car les maisons fortes ne présentent pas la même valeur stratégique, même si elles expriment aussi la puissance et la domination de leurs détenteurs192. Le fait qu’avec une maison forte, les seigneurs ne sont pas dans tous les cas les grands châtelains à la différence des châteaux, ceci n’est pas un obstacle à l’affirmation de la position de son propriétaire. En effet, la possession d’une maison forte permet d’en tirer des avantages économiques car elle constitue un centre d’exploitation agricole.

192 Elisabeth SIROT, Noble et forte maison : l’habitat seigneurial dans les campagnes médiévales, A & J Picard, 2007, op. cit. 96

Enfin, nous pouvons revenir à la question posée au début de cette partie : le château et autres résidences seigneuriales peuvent-ils consolider l’autorité de leurs détenteurs ? Pour la maison forte, même si ses caractères architecturaux ne correspondent pas à un édifice fortifié somptueux et que la majorité des détenteurs appartiennent à la petite noblesse, nous pouvons penser à l’image inférieure de la résidence seigneuriale en comparaison avec le château. Nous pouvons d’ailleurs attester que la possession des terres peut justifier le statut des seigneurs. Par ailleurs, les détenteurs possèdent également le droit de ban qui confirme les prérogatives sur leurs territoires. En conclusion, la maison forte exprime, comme le château, la puissance économique et politique, représentant un moyen de consolider le pouvoir des propriétaires. 97

4.2.4 Les échanges culturels

Afin de mieux comprendre le domaine artistique du Dauphiné, il faut garder en mémoire que le territoire est vaste et se divise en plusieurs petits ensembles. En raison de cette localisation différenciée, chaque région est influencée plus ou moins par ses voisines. J. Roman193 indique dans son ouvrage que ce sont ces dernières qui imposaient des courants artistiques en Dauphiné, du fait d’un manque de caractères propres. La partie comprise entre le Rhône, l’Isère et la Durance est concernée par l’influence provençale. Celle comprise entre le Rhône, l’Isère et les montagnes de la Savoie subit l’influence bourguignonne, lyonnaise et française. Vers les Alpes, du côté de l’Italie, le Briançonnais et l’Embrunais sont sous influence italienne. Enfin, à Grenoble et au Grésivaudan, au centre de la province, nous retrouvons tous les courants artistiques de manière successive et concurrente. Néanmoins, malgré un courant d’influence dominant, nous trouvons, dans la plupart des cas, plus d’un courant artistique dans une région. Parmi ces diverses influences, le courant italien est prépondérant par rapport aux autres. Il est intéressant de comprendre les facteurs de cette hégémonie. L’intégration des Italiens et des pratiques italiennes dans la société dauphinoise peut expliquer cette situation. Les personnages de haut rang étaient directement touchés, comme le prince (en particulier Humbert II qui y séjournait périodiquement), les magistrats et les évêques de plusieurs villes dauphinoises. Ces personnes connaissant les coutumes italiennes montraient donc une propension à gérer les affaires de cette manière. En outre, certains aristocrates commandaient des œuvres d’art auprès d’artistes italiens194. Par ailleurs, il existe plusieurs voies de diffusion de l’influence italienne en Dauphiné. Tout d’abord par les marchands et les banquiers lombards qui se déplacent entre les deux pays et qui ainsi participent aux échanges. Puis, au XVe et XVIe siècle, la peinture et la sculpture parviennent à leur apogée, les peintres italiens formant de nombreux élèves. Ces jeunes artistes se dispersent par la suite dans d’autres régions en diffusant ces inspirations italiennes. Enfin, un événement important survient et permet une autre voie pour les échanges culturels : il s’agit des guerres d’Italie. Les armées françaises mènent plusieurs expéditions et ce conflit contribue à la diffusion du goût italien en France.

193 J. ROMAN, L’art et les artistes en Dauphiné depuis l’époque gauloise jusqu’à nos jours, A. Picard et fils., Paris, 1909. 194 Bernard BLIGNY, Histoire du Dauphiné, op. cit. 98

Nous pouvons nous interroger sur l’origine de l’influence italienne et sur quels territoires celle-ci se diffusait. L’arrivée des marchands et banquiers lombards, ainsi que la guerre d’Italie, nous font penser inévitablement à la voie d’Italie. En outre, le courant artistique autour de 1400 peut se référer à la cour d’Avignon. Les caractères de l’art à la cour pontificale se divisent entre l’architecture et la sculpture appartenant au gothique français, et la peinture qui relève très largement de l’Italie. Comme nous avons abordé les peintres et la dispersion de leurs élèves dans d’autres régions, ceci constitue également l’un des moyens par lesquels l’art italien a pu diffuser dans les œuvres d’art en Dauphiné. L’exemple de la peinture murale de la maison forte des Loives est dans cette perspective assez caractéristique. Il s’agit du cycle d’écus peints présentés dans la grande salle à l’étage. La documentation du site nous renseigne sur les fondateurs ecclésiastiques de cet habitat noble : les abbés Pierre Lobe et Guillaume Mitte. Ils jouaient un rôle important dans la vie politique du Dauphiné, sous le règne d’Humbert II. En outre, ils ont appliqué le courant artistique de la cour avignonnaise sur les peintures murales de leurs résidences. Cette influence stylistique se retrouve visiblement sur l’ensemble de la présentation des peintures.

Le Dauphiné est donc tributaire de l’art italien195. La vraie question est d’en déterminer l’exacte chronologie et de savoir si sa proximité avec l’Italie en fait l’un des premiers foyers de diffusion du courant renaissant ?

Si nous examinons plusieurs domaines artistiques (l’architecture, la sculpture et la peinture), nous constatons que le courant français et allemand (pour la sculpture) précède le courant italien. Cependant, ce dernier pénètre progressivement en Dauphiné à la fin du Moyen-Âge, avant les guerres d’Italie. A cette époque, ces deux courants artistiques, français et italien, sont rivaux. L’exemple de l’architecture peut illustrer ce changement artistique : le château qui est initialement conçu comme une forteresse, est transformé en résidences seigneuriales dominées par la recherche du luxe et du confort.

L’étude du groupe des résidences seigneuriales en Genevois et Savoyarde196 par E.Sirot, démontre les manifestations de la Renaissance dans cette architecture civile. L’inspiration italienne est bien perceptible dans la conception du site, par exemple, la maison forte du Conflans dotée d’une galerie ouverte sur la façade et des baies en plein cintre. Les briques

195 J. ROMAN, L’art et les artistes en Dauphiné depuis l’époque gauloise jusqu’à nos jours, op. cit. 196 Genevois et Savoyarde sont deux entités médiévales du comté de Genève et du comté de Savoie. Ces zones d’étude se situent dans les départements actuels de la Savoie et de la Haute Savoie, à proximité du département actuel de l’Isère où nous avons effectué notre recherche. 99 moulées des fenêtres suggèrent une pratique présente en Lombardie à cette époque. En outre, un certain nombre de sites illustre l’emploi du plafond à la mode italienne sur l’ensemble de la structure. En plus, le plafond à poutrelles sous lesquelles cannelées du plancher à l’italienne était très répandu à la fin du XVe siècle. Le plafond à caissons traduit aussi ce fort courant artistique. L’auteur résume que la présence de ces décors renaissants justifie une évolution progressive dans l’approche architecturale des habitats nobles, sans rupture entre le Moyen-Âge et la Renaissance. Nous pouvons constater l’influence italienne dans les territoires alentours de nos secteurs d’étude, ce qui soumet pratiquement la pratique des œuvres d’art avec une inspiration italienne dans les zones étudiées. Il existe une approche architecturale en Dauphiné de l’aspect de la résidence seigneuriale. J. Roman mentionne dans son livre qu’il n’existe pas de résidence seigneuriale construite de manière renaissante. Les propriétaires font modifier leurs anciennes demeures pour ajouter des éléments de type Renaissance pour mettre leurs demeures au goût de l’époque. Nous pouvons dire que le Dauphiné est à l’époque un territoire concerné par diverses influences mais c’est le courant italien qui domine par rapport à ceux des territoires situés au nord, le royaume de France et le pays allemand. La localisation du Dauphiné permet des échanges culturels et facilite le déplacement des personnes, comme les marchands et les artistes. Le courant italien amène de nouveaux principes permettant de transformer les formes d’art.

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Deuxième partie : L’étude du corpus des décors

Chapitre 5

Le corpus des décors, l’emplacement et la datation

5.1 Eléments dans la perception globale

5.1.1 Le plan et la disposition des bâtiments et des tours

La première partie de notre corpus de décors est consacrée à l’étude du plan et de la disposition des bâtiments et des tours, et concerne un aspect global des demeures aristocratiques. Le travail porté sur l’intégralité du site permet ensuite d’étudier les différents éléments d’architecture dans les parties suivantes. Etant donné que nous avons rassemblé un nombre important de sites montrant des caractères diversifiés quant à l’arrangement du plan, il est nécessaire de diviser les plans selon des catégories tenant compte de la disposition des bâtiments et des tours. Nous nous demanderons pendant l’analyse du plan si ce dernier peut révéler un intérêt esthétique.

A. Caractéristiques des plans Notre corpus comprend un total de trente-cinq sites qui possèdent chacun un plan doté du corps de logis et d’une ou plusieurs tours. Les plans peuvent être divisés en huit types (voir ann 1197, tableau 1.1, p 1). Le type A : plan possédant une tour située sur le côté du bâtiment (treize) ; type B : plan possédant une tour située à l’angle du bâtiment (sept) ; type C : plan possédant deux tours dont l’une située à l’angle du bâtiment et l’autre sur le côté du bâtiment (neuf) ; type D : plan possédant trois tours dont deux situées sur le côté du bâtiment et une autre à l’angle du bâtiment (un) ; type E : plan possédant trois tours dont deux situées à l’angle du bâtiment et une sur le côté du bâtiment (un) ; type F : plan possédant trois tours situées à l’angle du bâtiment ; type G : plan possédant quatre tours dont deux situées sur le côté du bâtiment et deux à l’angle du bâtiment (un) ; type H : plan possédant cinq tours (un).

197 N.B. « ann 1 » signifie « annexe 1 ». il faut voir des tableaux dans le volume d’annexe 1 accompagné du texte.

105 sur le côté du bâtiment. Cet effet symétrique ressemble à celui présenté dans les plans type A et B.

Il est ensuite intéressant d’étudier la distinction de deux tours dont l’une est située sur le côté du bâtiment et l’autre à l’angle du bâtiment. Nous supposons que la forme de la tour peut indiquer une fonction différente. Dans un premier temps, parlons des tours situées sur le côté du bâtiment. La tour de forme hexagonale se trouve sur plusieurs sites : Maison forte Bourcieu, Maison forte Chaleyre et Château Demptézieu en dotant chacun d’un escalier à vis. Néanmoins, la disposition de ce dernier se présente aussi dans la tour circulaire (Manoir de la Tour et Château Curson). Une autre remarque réside dans les tours des sites de Carre, de Cingle et de Loras ; elles sont des tours résidences visant à être des lieux d’habitation. La forme des tours se divisent entre la forme circulaire (Maison forte du Carre) et celle quadrangulaire (Maison forte du Cingle et Maison forte Loras). Les commentaires relatifs sur la forme de la tour peuvent être reliés à la fonction de cette structure. La forme hexagonale se présente sur la tour d’escalier et la forme quadrangulaire se retrouve sur la tour résidence. Pourtant, la forme circulaire peut être employée sur la tour d’escalier, mais aussi sur la tour résidence. L’emploi de différentes formes pour réaliser la tour d’escalier et la tour résidence est-il relatif à l’évolution de la forme des tours ?

Dans un deuxième temps, essayons d’aborder les tours situées à l’angle du bâtiment. Tous les sites sont dotés chacun d’une tour circulaire. La plupart des tours sont les tours d’escalier (Maison forte Chaleyre, Maison forte du Carre, Maison forte du Cingle, Château Curson et Maison forte Loras). La tour de Bourcieu présente une fonction de tour résidence.

Parmi les cinq tours d’escalier présentées ici, il existe deux tours, celles de Cingle et de Curson, qui sont flanquées entre deux corps de logis. Ces tours donnent directement sur la cour afin de permettre une circulation entre l’extérieur et l’intérieur, comme pour les tours du type A.

L’observation sur les tours situées sur le côté et celles à l’angle du bâtiment révèle des remarques intéressantes. Les tours à l’angle du bâtiment présentent prioritairement pour objectifs de circuler vers les étages supérieurs (la tour d’escalier) et servent de lieu d’habitation (la tour résidence). Les tours sur le côté du bâtiment montrent également deux fonctions : l’une concerne la circulation entre les espaces intérieurs (la tour d’escalier) et l’autre l’habitation (la tour résidence). Il n’existe donc pas de distinction au niveau de la

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La tour située à l’angle du bâtiment permet d’observer le paysage sur deux côtés. Si nous étudions la tour d’angle de Mépieu (ann 1, tableau 1.5, p 11), elle offre une visibilité sur les deux côtés auxquels elle se rattache. Par ailleurs, deux autres tours situées sur la façade autorisent chacune une vision sur un côté. Ces remarques aident à conclure que la position des tours détermine le nombre de côtés pouvant être observés. Le site de Mépieu permet de voir trois côtés grâce à une tour au coin du bâtiment (permettant donc d’observer deux côtés) et deux tours situées sur deux côtés opposés l’un et l’autre du bâtiment (permettant l’observation de deux côtés, mais l’un fournit la même vision que l’un des côtés de la tour d’angle). Cette visibilité se retrouve sur le plan de Châtillon (ann 1, tableau 1.6, p 12). La position de deux tours d’angle dans le même axe permet à trois côtés d’être vus. Néanmoins, une autre tour (hexagonale) située sur le côté du bâtiment offre le même angle de vision que l’un des côtés de la tour d’angle. Par conséquent, nous avons, comme le site de Mépieu, trois côtés du bâtiment qui peuvent être observés à partir des tours. Par ailleurs, la disposition des tours sur deux sites révèle un certain effet esthétique. Celles-ci se trouvent dans le même axe (deux tours d’angle de Châtillon et deux tours à côté du bâtiment de Mépieu) produisent un effet symétrique sur l’ensemble du plan, si nous les étudions avec une autre tour. La position parallèle de deux tours par rapport à l’emplacement d’une autre est caractérisée pour le plan du site possédant trois tours.

6) Type F : plan possédant trois tours dont situées à l’angle du bâtiment 7) Type G : plan possédant quatre tours 8) Type H : plan possédant cinq tours Le tableau 1.7 (ann 1, p 13) présente le plan du type F, le tableau 1.8 (ann 1, p 14) le plan du type G et le tableau 1.9 (ann 1, p 15) le plan du type H. Les caractéristiques en commun de trois plans concernent la présence d’au moins trois tours et leur emplacement, soit au coin, soit sur le côté du bâtiment. La disposition des tours sur chaque site nous permet d’observer tous les côtés du bâtiment du fait de la présence des tours à l’angle du bâtiment. Concernant le plan du type F (ann 1, tableau 1.7, p 13), les tours d’angle de Serrières dans la cour intérieure permettent une vision circulaire, ainsi que la circulation entre deux logis au nord-ouest et deux autres au sud-est. L’emplacement de deux tours montre une division équilibrée du plan et un effet symétrique dans l’ensemble. Une autre tour se situe à l’angle de l’enceinte extérieure. De plus, un bel effet de symétrie se retrouve dans le plan de Boutières

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1) Le bâtiment (corps de logis)

Cet élément constitue la majeure partie d’un site et sert prioritairement de lieu d’habitation. E. Sirot202 explique que le logis d’une maison forte se compose de trois parties importantes : l’aula (ou grande salle) qui est le lieu de réception, la capella (ou petite chapelle) qui sert de lieu de prière et la camera qui est une chambre privée pour le propriétaire et sa famille. L’emplacement de chaque pièce est déterminé par sa fonction. Nous pouvons observer la cuisine au rez-de-chaussée, l’aula se trouve généralement au premier étage, la camera et la capella se situent aux niveaux supérieurs.

Ces pièces se répartissent sur l’ensemble du plan et sur chaque niveau. Pour notre étude, nous avons l’intention de présenter le plan du logis du rez-de-chaussée dont la partie principale est en gris (dans les tableaux présentant les plans des sites). Ensuite, le bâtiment est un dispositif de base qui peut révéler une approche esthétique. La majorité des sites est constituée d’un plan massif de forme quadrangulaire, se composant de plus ou moins de corps de logis s’arrangeant en blocs accolés. Certains sites montrent une structure particulière s’apparentant à différentes formes de plans. Celui en forme de « L » se trouve sur la Maison forte des Champs, la Maison forte Verpillières et la Maison forte du Châtelard (vol 2, tableau 1.3, p 7). Le plan en « U » se présente sur la Maison forte du Cingle (ann 1, tableau 1.4, p 9). La répartition des corps de logis (dans ces plans) sur deux côtés présente un effet symétrique, ce qui montre l’une des approches esthétiques dans la vue d’ensemble des sites.

2) La disposition des tours

Ce sont des éléments importants de l’architecture fortifiée et des résidences seigneuriales datant de l’époque médiévale. Les tours se diversifient en plusieurs catégories selon leur fonction. Elles servent principalement à surveiller les alentours afin de repérer les combattants au loin. La tour d’escalier permet le passage d’un endroit à un autre dans les sens horizontal (de pièce à pièce) et vertical (d’étage à étage), ce qui facilite la circulation à l’intérieur du site. Ce type de tour varie par la forme : circulaire ou hexagonale. Enfin, certains sites disposent d’une tour résidence souvent de forme quadrangulaire offrant un lieu d’habitation, comme les logis.

202 Elisabeth SIROT, Noble et forte maison : l’habitat seigneurial dans les campagnes médiévales, op. cit. 111

Si nous étudions l’ensemble du plan, la tour se situe différemment par rapport au corps de logis, ce qui attire notre attention pour considérer d’une part, le nombre de tours présentes sur le site et d’autre part, leur emplacement.

Le nombre de tours et leur emplacement sont des facteurs qui peuvent déterminer une approche esthétique du plan. La disposition d’une tour sur le plan du site crée une relation entre ces deux dispositifs. La tour peut se situer sur le côté ou à l’angle du bâtiment. Il est aussi important de connaître la direction de la tour vers le bâtiment, c’est-à-dire la position de la tour sur le côté cour intérieure ou sur le côté extérieur. L’emplacement à l’intérieur de la cour est souvent réservé à la tour d’escalier permettant une communication entre l’extérieur et un espace intérieur du logis, ou encore une circulation entre les espaces intérieurs. Ceci se réfère à la tour du type A (ann 1, tableau 1.2, p 4-6) et du type B (ann 1, tableau 1.3, p 7-8). Le site de Tournelle (ann 1 tableau 1.2, p 4) présente le modèle du plan doté d’une tour située sur le côté du bâtiment, vers la cour intérieure. La tour se retrouve centralisée sur le côté du bâtiment, donnant un effet symétrique. Le site de Verpillière (ann 1, tableau 1.3, p 7) montre un modèle de plan doté d’une tour d’escalier à la jonction de deux corps de logis. La position intermédiaire entre deux logis évoque également l’effet de symétrie. L’emplacement de la tour sur le côté extérieur du bâtiment est souvent destiné à la tour résidence, mais aussi à la tour d’escalier. Les sites du Carre et du Cingle (ann 1, tableau 1.4, p 9) présentent un modèle de plan ayant une tour résidence située sur le côté extérieur du bâtiment. La position centrale de la tour révèle une approche esthétique et donc un effet symétrique. En outre, la majorité des tours d’escalier se trouvent à l’angle du bâtiment. Par ailleurs, la possession de plusieurs tours sur le plan d’un site permet d’augmenter la capacité architecturale de l’habitat noble dans ses aspects extérieur et intérieur. A l’extérieur, le nombre de tours détermine les côtés du bâtiment pouvant être surveillés, ce qui est lié à la fonction défensive des tours. Dans un espace intérieur, les tours permettent de circuler de manière plus fluide entre les pièces et vers les étages. Pour conclure, les deux dispositifs du plan, à savoir le bâtiment et la tour, peuvent présenter une approche esthétique au niveau de leur emplacement. Par ailleurs, les tours permettent d’indiquer le niveau d’habitation à travers la capacité de surveillance du site et le système de circulation.

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C. Le plan et l’habitat noble Après l’étude portant sur les catégories des différents plans et l’analyse de leur disposition, il est intéressant de s’intéresser au rapport des plans avec l’aspect de l’habitat noble. L’objectif est de comprendre la perspective des plans et celle de disposition du bâtiment et de tour qui constituent l’ensemble de dispositifs de base de l’habitat noble. Le travail des catégories de plans révèle qu’il existe différents types de plans, en tenant compte du nombre présenté de tours et l’emplacement de ces éléments en hauteur. Avant d’étudier le rapport entre le plan et l’approche esthétique du site, il est préférable de connaître le degré d’approche décorative de chaque site. Pour cela, nous avons réalisé un regroupement des sites en tenant compte du nombre et des caractéristiques des décors trouvés. La division des sites selon le niveau du décor nous aide à comparer le caractère de nos plans (voir le regrouprement des sites, p 249).

Tout d’abord, les plans qui possèdent une disposition simple, uniquement une tour, se présentent dans de petits sites ou des sites ayant un ornement élémentaire. Nous les avons trouvés dans le Manoir de la Bâtie, la Maison forte Biol, la Maison forte d’Ecottier, la Maison forte Châtelard, la Maison forte de la Tour Saint-Cierge et la Maison forte Robinière. Les plans qui sont dotés d’une disposition complexe avec plusieurs tours se trouvent dans les sites de grande taille ou ceux possédant un ornement plus recherché. Nous pouvons citer les sites suivants : Château Châtillon, Château Montchalin, Maison forte Lens-Lestang, Château Mépieu et Château Serrières. Nous pouvons supposer que le plan et la disposition des sites coïncident avec les caractéristiques des sites. Toutefois, il existe des facteurs sur lesquels nous devons réfléchir avant d’affirmer cette supposition. Ils concernent le goût des détenteurs des sites et le caractère des plans dans la période d’étude. Pour ce dernier facteur, nous pouvons préciser que la tour de forme circulaire et celle de forme hexagonale ont été employées dans la construction des habitats nobles au cours de notre période d’étude. La disposition du bâtiment et de la tour varie en différentes formules et est identique pour chaque site. Néanmoins, il existe certaines plans dont la disposition ne concorde pas avec le caractère des sites. Quelques sites de grande taille ou possédant un nombre de décors recherchés possèdent des plans simples dotés chacun d’une seule tour : la Maison forte Larnage, la Maison forte Carroz, la Maison forte des Champs, la Maison forte Peythieu, la Maison forte Montagnieu et la Maison forte Tournelle. Nous pouvons aussi remarquer un contraste sur les petits sites ayant des plans plus recherchés et possédant une tour ou plus : 113

Château de Brangues, Château Curson, Maison forte Loras et Château Vernas. Par ailleurs, cette divergence entre le caractère des sites et le degré de décor peut être observé sur un plan possédant trois tours d’escalier mais situées dans des sites de taille moyenne, comme la Maison forte de Boutières. Cette contradiction entre l’approche esthétique du plan et les caractéristiques des sites s’explique par le goût plus ou moins spécifique des détenteurs. En outre, il est probable que la présence de ce type de plan correspond au courant artistique de l’époque. Ce dernier aspect peut être examiné comme dans le cas déjà présenté plus haut. Ainsi, comme nous l’avons évoqué, la tour de forme circulaire et celle de forme hexagonale ont été employées dans la construction des habitats nobles pendant notre période d’étude.

Le plan et la disposition des tours permettent de concevoir l’image globale de l’ensemble du site. Le bâtiment et la tour sont des dispositifs importants qui constituent l’unité du plan. Tout d’abord, le bâtiment dispose de différentes formes dont la majorité des sites présente un plan massif dans une forme quadrangulaire ayant un effet symétrique. De même, la tour est un facteur qui permet de diversifier les catégories de plans. Le nombre des tours et leur position sur le plan du bâtiment suggèrent une variation des plans.

La plupart de nos sites est généralement dotée d’une tour d’escalier. Celle-ci peut se trouver sur le côté ou à l’angle du bâtiment, dans une position qui autorise la circulation entre les espaces à l’intérieur. En outre, l’emplacement de la tour, soit sur le côté, soit à l’angle du bâtiment, se retrouve souvent centralisé sur le côté où les tours se situent. Ceci crée un effet esthétique, voire une symétrie sur l’ensemble du plan. La disposition des tours permet également de surveiller un ou plusieurs côtés d’un bâtiment. La tour d’angle autorise l’observation des deux côtés du bâtiment qui se rejoignent par la tour. La tour située sur le côté du bâtiment ne nous laisse qu’une visibilité sur un côté. La vision possible sur le bâtiment devient plus complexe sur les sites dotés de trois tours et plus. Elles se situent différemment dans le plan. Au contraire, l’approche esthétique du site est moins apparente si le plan du site devient irrégulier avec plusieurs tours.

Néanmoins, il est intéressant (pour les sites dotés de plusieurs tours) d’étudier la forme de la tour qui peut être liée à sa fonction. La forme hexagonale a été employée sur la tour d’escalier, tandis que la forme quadrangulaire se retrouve sur la tour résidence. La tour de forme circulaire se présente dans un grand nombre d’entre elles, avec l’emploi de cette forme sur deux types de tours.

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5.2 Eléments particuliers 5.2.1 Les portes

Les portes sont le premier type de décor architectural que nous allons étudier. Elles sont catégorisées comme l’un des éléments d’ouverture liant l’extérieur d’un site et un espace intérieur. La porte est le premier élément qui accueille les visiteurs du site. Elle donne un accès à l’intérieur par la porte d’entrée du bâtiment ou la porte d’entrée de la tour. Dans un habitat noble, la porte sert à pénétrer dans différentes pièces. Nous pouvons constater l’importance de cet élément architectural servant de passage transitoire entre deux espaces. Avant de commencer une analyse des portes, nous aborderons le contexte des portes dans la période étudiée afin de comprendre leur place dans le domaine artistique. Tout d’abord, les portes sont réalisées en pensant à la sécurité. Elles présentent une dimension réduite, ne s’ouvrent qu’à l’intérieur, se rebattent dans l’ébrasement des murs et sont munies de fortes serrures et verrous203. A. Err204 parle dans son ouvrage de l’évolution de la porte entre 1200 et 1525 ; des plateaux assemblés à joints vifs vers les portes à bâti, faites de montants et traverses. Ce sont des structures qui permettent de consolider et stabiliser les portes. L’aspect décoratif n’est présent qu’à travers de simples moulures trouvées sur les bords mais l’ornement des motifs en feuillage sur la penture constitue l’intérêt du décor. Néanmoins, une ébauche de moulure trouve sa place sur les portes de la Renaissance avec une série de colonnettes et des cannelures hélicoïdales. L’emplacement de ces décors peut être associé à la fonction de la porte que l’auteur a expliquée ainsi : les portes ne servent pas seulement à la communication mais aussi à affirmer la richesse, le pouvoir et la culture du maître de maison.

Le dictionnaire d’histoire de l’art du Moyen-Âge occidental205 souligne la fonction de la porte comme élément défensif destiné à limiter deux espaces dont le franchissement constitue un acte symbolique. La porte est donc un élément architectural ayant un rôle significatif en jouant un rôle de transition.

Nous verrons d’après cet auteur que l’aspect décoratif des portes avant la période de la Renaissance paraît moins luxueux et n’apporte pas d’élément important en terme de décor si on le compare avec les portes datant de la Renaissance. Néanmoins, il n’existe pas encore d’étude approfondie qui présente le corpus des portes datées avant la Renaissance. Nous

203 Jean FERAY, Architecture intérieure et décoration en France des origines à 1875, Caisse Nationale des Monuments Historiques et des Sites, Paris, 1988. 204 Antoine ERR et Ferd DUMONT, Les portes tradtionnelles et modernes, Edition Vial, Turin, 2012. 205 Pascale CHARRON, Jean-Marie GUILLOUËT (dir), Dictionnaire d’histoire de l’art du Moyen-Âge occidental, Edition Robert Laffont, Paris, 2009. 115 pouvons nous demander, à partir de notre corpus, si les portes présentent un intérêt en matière de décor et éventuellement une évolution stylistique à travers leurs éléments décoratifs.

A. Caractéristiques des portes

S’agissant des caractéristiques des portes, nous pouvons dans un premier temps les diviser en plusieurs types distincts. Le critère de la forme du linteau206 sera pris en compte pour classer les portes car il constitue l’élément le plus représentatif lors de l’observation de l’ensemble de cette ouverture. Les portes de notre corpus peuvent être divisées en cinq catégories (tab 2.1, p 16). La porte dotée d’un linteau décoré en accolade est la plus représentative (23 portes), puis la porte au linteau plat présente le nombre inférieur (10 portes), ensuite la porte avec arc en anse de panier vient après la dernière (8 portes), la porte avec arc segmentaire montre un petit nombre (5 portes) et enfin la porte avec arc brisé (1 porte).

1) Porte avec arc brisé

Ce type de porte décorée n’a été trouvé que sur un seul site, à la Maison forte de Jail (fig 10 et ann 1, tableau 2.16, p 31). Le caractère de l’arc nous montre un arc à deux branches concaves se rejoignant en pointe au faîte, mais dépourvu de partie convexe en haut. La porte cochère et piétonne du site de Jail présente la voussure à chanfrein et ce traitement se continue sur les piédroits. Elle est remarquée par une table historiée, ce qui manifeste sur le porche d’entrée en permettant l’entrée principale du site. Nous voyons que la porte se trouve dans un emplacement important en regardant l’ensemble du site.

Figure 10 La porte de la maison forte de Jail

206 Nous prenons la définition du linteau après Pérouse de Montclos J.-M., Architecture méthode et vacabulaire. Le linteau est un bloc de pierre ou une pièce de bois qui couvre une baie. Il reçoit la charge des parties au-dessus de la baie. 116

2) Porte avec arc segmentaire (ou arc surbaissé) Nous avons découvert cinq portes ornées de cet arc (ann 1, tab 2.17-2.19, p 32-34). La porte se caractérise par le segment inférieur au demi-cercle. La porte de la Maison forte du Carre ressemble à celle du Château Bayard (ann 1, tab 2.17, p 32) par la porte à claveaux sur lesquels se trouvent chacun un écu plus ou moins sculpté. Le décor armorié se retrouve aussi sur la porte de Ferme des Dames (fig 11 et tab 2.19, p 34). Une petite distinction réside sur l’encadrement intérieur qui est chanfreiné pour la porte du Carre et celle de Ferme des Dames et qui est mouluré par deux filets pour la porte de Bayard. Les trois portes se situent chacune sur le porche d’entrée en permettant une entrée principale du site comme la porte avec arc brisé.

Figure 11 La porte de la maison forte Ferme des Dames

Les deux autres portes sont ornées de décors raffinés (ann 1, tab 2.18, p 33). La porte de la Tour Brune présente la structure à plate-bande à soffite surélevée dont la pierre centrale est ornée d’un écu armorié. La porte de la Maison forte Lens-Lestang est remarquée par la constitution de petites moulures accompagnées de deux écus sculptés. Les deux portes servent chacune à l’entrée du bâtiment. Pour conclure, la porte avec arc segmentaire présente un décor simple par l’encadrement à chanfrein et un décor raffiné par le traitement des moulures. L’ornement des écus armoriés se trouve sur toutes les portes, ce qui permet une mise en valeur esthétique et suggère probablement la volonté des détenteurs des sites qui montre l’appartenance de la résidence noble à travers le symbole de la famille.

3) Porte avec arc en anse-de-panier

Il existe huit portes possédant ce type d’arc (ann 1, tab 2.20-2.23, p 35-38). La porte se démarque par sa portée qui est le plus grand diamètre de l’ovale, distinguée de l’arc en plein- 117 cintre. Le décor s’accentue sur l’emploi des moulures qui peuvent être classifiées selon les types des moulures207. Nous tenons compte du critère : le nombre des types des moulures trouvés sur chaque porte. D’abord, nous commençons par l’emploi d’un type de moulure (ann1, tab 2.20 ; A-2, p 35 et tab 2.21 ; A-2, p 36). La porte de la Maison forte Bourcieu et celle du Château Châtillon présentent chacune le décor de larges cordons qui donnent l’effet volumétrique sur l’ensemble de la porte. Ensuite, l’emploi de deux types de moulure se présente sur la porte de la Maison forte Larnage (fig 12 et ann 1, tab 2.21 ; A-1, p 36) et sur la porte du Manoir de la Tour (ann 1, tab 2.23 ; A-2, p 38). Nous avons remarqué sur chaque porte la combinaison des moulures de grande taille et de petite taille qui permet un rythme sur l’effet volumétrique des encadrements. La porte de Larnage peut éclairer cet effet par le traitement de deux larges gorges et trois baguettes étroites. Cet effet se retrouve également sur la porte du Manoir de la Tour.

Figure 12 La porte de la maison forte Larnage

Enfin, nous parlons de l’emploi des types multipliés des moulures. C’est une mouluration complexe qui se compose à partir de trois types des moulures. Nous avons remarqué que l’emploi des moulures s’alterne entre les grandes moulures et les petites moulures, ce qui permet le jeu de volume sur la surface de la porte. La porte du site de Châtillon (ann 1, tab 2.22 ; A-1, p 37) présente la mouluration constituée de quatre cordons, de deux gorges et des filets. L’arrangement des moulures est successif que nous pouvons le retrouver sur la porte de la Maison forte Bourcieu (ann 1, tab 2.22 ; A-2, p 37) avec les moulures constituées de trois larges gorges, quatre baguettes et de filets. Cette porte est complétée par le décor sculpté figurant le motif géométrique trouvé au-dessus du linteau. Au contraire, la porte du site de

207 Les types des moulures sont identifiés par une observation visuelle portée sur chaque porte en consultant les renseignements des moulures. La source principale s’agit des principes d’analyse scientifique ; vocabulaire de l’architecture de Pérouse de Montclos. 118

Carre (ann 1, tab 2.23 ; A-1, p 38) montre la complexité des moulures qui s’alternent entre une large gorge, une seconde baguette soulignée d’un filet et un petit tore. Cet effet se répète sur le deuxième encadrement.

En résumé, l’approche décorative de la porte avec arc en anse-de-panier se caractérise par l’emploi des moulures diversifiées. La mouluration s’étale d’une simple moulure qui s’améliore à l’emploi de deux types des moulures et enfin à plusieurs types des moulures. Le décor complémentaire se trouve sur quelques portes avec l’ornement d’un écu sculpté ou des motifs décoratifs sculptés.

4) Porte décorée du motif d’accolade Il s’agit du type de porte le plus présent en nombre dans notre corpus (23 sur 47 portes). Le motif en accolade se compose de deux branches en courbe et contre-courbe qui se rejoignent en point aigu au faîte208. Chaque branche est concave en bas et convexe en haut. L’accolade est le motif décoratif qui orne le linteau de la porte, mais elle ne s’intègre pas dans la structure qui supporte le poids. Les décors se divise en plusieurs groupes. Nous commençons par le décor simple qui se caractérise par la mouluration élémentaire et les encadrements à chanfrein. La porte de la Maison forte de Jail (ann 1, tab 2.3, p 18) montre visiblement la porte ornée des moulures rudimentaires. Puis, nous pouvons observer la porte dotée de l’encadrement à chanfrein à la maison forte Peythieu (fig 13 et tab 2.4, p 19). Les deux portes sont décorées chacune d’un écu armorié au milieu du linteau.

Figure 13 La porte de la maison forte Peythieu

208 Architecture méthode et vocabulaire, Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, Paris, 1972, no . 1/. 119

Ensuite, nous pouvons admirer le décor des chanfreins employé sur différentes parties des portes. Les portes de la Maison forte de la Crosse et de la Maison forte de la Frette (fig 14 et ann 1, tab 2.5, p 20) possèdent chacune le linteau qui est doté de deux coussinets à chanfreins. Ceux-ci reposent sur les piédroits également chanfreinés. La porte de la Crosse est remarquée par le jeu de volumétrie.

Figure 14 La porte de la maison forte de la Crosse

Le traitement des chanfreins se retrouve aussi sur quatre portes de la Maison forte Hauterives (fig 15 et ann 1, table 2.6-2.7, p 21-22) mais de façon différente. Les chanfreins résident sur les piédroits qui sont surmontés de deux pierres en console. Le décor permet sur l’ensemble des portes de beaux effets géométriques et volumétriques.

Figure 15 La porte de la maison forte Hauterives

Ensuite, nous parlerons de l’emploi de mouluration qui présente une variété ornementale. Le premier type s’agit de l’emploi d’un type de moulure. Afin d’identifier le type de moulure, il faut prendre en compte des renseignements de mouluration. Une moulure est caractérisée par 120 sa forme géométrique, arrondie ou rectangulaire et par la taille, grande ou petite. L’emploi des filets est fréquemment pratiqué sur plusieurs portes, nous avons trouvé les filets très fins dans les encadrements internes des portes du Château Curson et de la Maison forte Vertrieu (ann 1, tab 2.8, p 23). Puis, le décor des filets moulurés se présente sur la porte du Manoir de la Tour (ann 1, tab 2.9, p 24), ce qui ne diffère pas d’un double filet trouvé sur la porte de la Maison forte Tournelle (ann 1, tab 2.10 ; A-1, p 25). Nous pouvons remarquer l’emploi d’une moulure de grande taille, une large gorge sur les portes de la Maison forte Ferme des Dames (ann 1, tab 2.11 ; A-2, p 26) et de la Maison forte d’Ecottier (ann 1, tab 2.13 ; A-2, p 28). En plus, la présence des moulures paraît un peu distinguée avec la forme rectangulaire, le bandeau. Celui-ci se trouve sur la porte de la Maison forte de la Crosse (ann 1, tab 2.10 ; A-1, p 25) et sur celle de la Maison forte Boutières (fig 16 et ann 1, tab 2.11 ; A-1, p 26).

Figure 16 La porte de la maison forte Boutières

Par ailleurs, nous pouvons remarquer le mouvement des moulures en observant la rencontre et le croisement des moulures. La porte de la Maison forte Biol (fig 17 et ann 1, tab 2.12 ; A-1, p 27) montre les baguettes du linteau qui se rencontrent les baguettes des piédroits, ce qui permet sur l’ensemble l’effet de la profondeur.

Figure 17 La porte de la maison forte Biol

121

Les portes de la Maison forte La Robinière et de Montagnieu présentent chacune le croisement des moulures horizontales et verticales mais de façon différente. La porte de Robinière (ann 1, tab 2.12 ; A-2, p 27) montre l'intersection des moulures dans les écoinçons tandis que la porte de Montagnieu (ann 1, tab 2.13 ; A-1, p 28) présente deux cordons croisés au milieu du linteau.

Le deuxième type du décor concerne l’emploi de deux types des moulures. Il existe dans notre corpus une porte qui correspond à ce critère. La porte du Château de Serrières (fig 18 et ann 1, tab 2.14 ; A-1, p 29) présente son encadrement interne qui se constitue d’un cordon et de deux baguettes formant le motif en accolade.

Figure 18 La porte du château Serrières

Le troisième et le dernier type du décor renseigne l’emploi de trois types des moulures. Nous avons deux portes qui possèdent ce décor compliqué. La porte de la Maison forte Gramond (fig 19 et ann 1, tab 2.14 ; A-2, p 29) montre son encadrement interne constitué d’un tore, d’une baguette et de deux gorges. Le décor de ce site est aussi souligné par le jeu de croisement au niveau central de l’accolade. Enfin, la porte de la Maison forte Verpillières (ann 1, tab 2.15, p 30) montre le décor exceptionnel qui se démarque par trois encadrements superposés et par un double croisement. Celui-ci se présente sur chaque encadrement la rencontre des moulures dont l’une se trouve sur les piédroits en partie haute et l’autre se situe au niveau central du linteau. 122

Figure 19 La porte de la maison forte Gramond

Nous pouvons conclure que la porte décorée du motif d’accolade présente le décor riche et diversifié, de simples chanfreins à l’emploi des moulures plus ou moins développé.

5) Porte au linteau plat Ce type de porte se trouve, en nombre (dix), derrière la porte en accolade. Le linteau de la porte ne présente aucune forme particulière, mais le linteau rectiligne est orné de plus ou moins des moulures. Si nous tenons compte de la division des décors de la porte d’accolade, nous pouvons contribuer un seul type de décor à la porte au linteau plat. Les portes de la Maison forte Jalionas, de la Maison forte Mollard-Ronde, fig 20 et tab 2.24, p 39) et de la Maison forte de Morges (ann1, tab 2.25, p 40) se ressemblent par le traitement des moulures de manière successive. Les baguettes (les sites de Jalionas et de Mollard-Ronde) et les bandeaux (Morges) ornent les linteaux et se continuent sur les piédroits de trois portes. L’ensemble de la porte permet un effet volumétrique. L’effet décoratif obtenu de l’intersection des moulures se retrouve aussi sur ce type de porte. Les portes de la Maison forte Larnage tableau ann 1, 2.26, p 41) et du Château Montchalin (tableau 2.27, p 42) présentent chacune le décor du croisement des moulures dans les écoinçons. 123

Figure 20 La porte de la maison forte Mollard-Ronde

Enfin, l’approche décorative de la porte devient plus somptueuse par le décor sculpté ou les moulures trouvés dans la partie haute, au-dessus du linteau. La porte de la Maison forte du Châtelard (ann 1, tab 2.29, A-1, p 44) présente une plaque historiée ornée du motif des volutes et de la couverture en demi-cercle qui suggèrent au décor à la Renaissance. Une autre porte ayant le décor de la Renaissance se trouve au Manoir de la Bâtie (fig 21 et ann 1, table 2.29, p 44).

Figure 21 La porte du Manoir de la Tour

La mouluration présente le motif d’un fronton triangulaire situé au-dessus du linteau. Le motif raffiné des volutes se situe sur les piédroits (comme chapiteaux). La porte du Château Châtillon (ann 1, tab 2.29 ; A-2, p 44) montre l’emprunt du motif d’accolade qui est devenu pour cette porte le motif complémentaire. Le décor se situe dans la partie haute de la porte.

Le décor de la porte au linteau plat révèle l’emploi des moulures comme la porte d’accolade mais semble être moins développé. Les motifs sculptés soulignent un effet décoratif de l’ensemble.

124

B. Datation des portes

Après avoir présenté les catégories de portes, il est important de connaître la datation de chaque caractère, pouvant suggérer une évolution stylistique dans le même type et entre les types de portes. Les informations relatives à la datation sont composées de deux dates : la première concerne la datation connue pour le site qui permet ensuite de concevoir l’hypothèse de datation du décor pour la seconde. Toutefois, nous n’avons pas trouvé l’historique de certains sites, l’absence de date du site nous pousse donc à appliquer la comparaison stylistique afin d’obtenir une datation approximative des décors. Quant à la rédaction de cette partie, il est préférable de rendre la compréhension la plus claire et la plus visible du fait des nombreux objets d’étude. C’est la raison pour laquelle nous avons réalisé des tableaux présentant la datation accompagnée des photos de toutes les portes, en les divisant par catégories. Cette présentation aidera les lecteurs à suivre le contenu du texte.

Tout d’abord, la porte avec arc brisé ornant se trouve sur un seul site (ann 1, tab 2.36, p 51). La datation du décor a été estimée entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle, en étudiant la date du site. Le décor se démarque par l’encadrement à chanfrein et par une table historiée. Puis, la porte avec arc segmentaire se présente dans cinq habitats nobles (voir ann 1, tab 2.37, p 52). La porte du site de Carre montre un encadrement chanfreiné et un décor d’écu vide datant de la première moitié du XIVe siècle. Trois portes possédant une datation du XVe siècle montrent les différents décors suggérant une certaine amélioration : le porche d’entrée de la Ferme des dames est orné d’un encadrement chanfreiné et d’un écu sculpté, la porte de Bayard est décorée de petits filets et le traitement soigné des moulures à Lens-Lestang fait penser à une date tardive du XVe siècle. Le décor des chanfreins se retrouve encore sur la porte de Tour Brune qui date de la seconde moitié du XVIe siècle. Ensuite, la porte avec arc en anse de panier se trouve dans huit sites (voir ann 1, tab 2.38, p 53). La période d’existence des portes paraît tardive, de la fin du XVe et tout au long du XVIe siècle. Deux portes datées du XVe siècle, celle de Larnage et celle de Bourcieu se caractérisent par l’emploi de grandes et de petites moulures qui s’arrangent de manière successive. Concernant le décor du siècle suivant, le début du XVIe siècle se démarque par les encadrements multipliés que nous pouvons observer sur les portes de Bourcieu, du Carre et du Manoir de la Tour. L’emploi des grandes moulures est encore pratiqué sur les portes datant de la première moitié du XVIe siècle, présenté sur les portes du site de Châtillon. Il existe à la fin 125 du siècle un jeu de polychromie sur l’encadrement de la porte de Belmont. En outre, le décor de l’arrangement des clous se trouve sur le vantail de la porte. Par ailleurs, la porte avec le motif en accolade est la plus représentative, avec un nombre de vingt-trois portes (ann 1, tab 2.39-2.41, p 54-56). Le XVe siècle se manifeste par la diversification des décors. Nous avons le décor des moulures simples ; les grands coussinets à chanfrein situés sur le linteau. Ils causent un motif d’accolade tronqué de sa pointe, comme le montrent les portes de la Crosse et de la Frette. De plus, nous avons remarqué le décor de petites moulures sur la porte de Curson et le décor associé de petites et de grandes moulures sur la porte de Serrières. Cette dernière porte attire notre attention sur le double encadrement que nous allons préciser dans la partie d’analyse. Le traitement des moulures se développe selon un caractère particulier ; les moulures horizontales (sur le linteau) et les moulures verticales (sur les piédroits) se rencontrent comme la porte de Biol le montre (ann 1, tab 2.40, p 55). Le croisement des moulures se présente sur les portes de Gramond (ann 1, tab 2.39, p 54) et de Montagnieu (ann 1, tab 2.40, p 55). En outre, le travail de moulure se retrouve aussi dans les écoinçons avec les petits coussinets (ann 1, tableau 2.40-2.41, p 55-56 site d’Hauterives). Il nous faut parler d’un autre décor important, un écu armorié qui se présente sur plusieurs portes (les sites de Vertrieu-tableau 2.39, les sites de Biol, de Montagnieu et de Peythieu, tableau 2.40). L’emploi de différentes moulures avec une taille plus ou moins grande s’applique à nos portes. Au XVIe siècle, l’approche décorative présente une complexité dans la présentation en conservant le modèle du XVe siècle. Les trois portes du site d’Hauterives (ann 1, tab 2.40.a et 2.41, p 55-56) possèdent un décor de coussinets qui ressemble à celui sur la porte datée du XVe siècle, mais le traitement du décor est plus recherché avec la double face chanfreinée dans l’encadrement intérieur. Le travail des moulures des trois portes s’améliore par rapport au traitement des moulures de la porte du XVe siècle. Le caractère de la modénature accentuée se retrouve sur la porte de Boutières (ann 1, tab 2.41, p56) qui date du début du XVIe siècle. L’amélioration du décor réside aussi dans le croisement des moulures. Celui-ci se retrouve dans les écoinçons de la porte de Robinière (ann 1, tab 2.41, p 56) datant du début du XVIe siècle. Il ne faut pas oublier la porte du site de Verpillière (ann 1, tab 2.41, p 56) qui présente un décor exceptionnel. La baie se démarque par trois encadrements superposés et par le double croisement des moulures, l’un se situe au niveau central du linteau et l’autre dans les écoinçons. L’ornement de cette porte aide à résumer l’emploi des moulures caractéristiques du XVIe siècle. 126

Enfin, la porte au linteau plat se retrouve dans un certain nombre, dix portes (ann1, tab 2.42-2.43, p 57-58). La datation des portes est assez tardive, au XVe et tout au long du XVIe siècle. Concernant le décor du XVe siècle, la porte de Jalionas (ann 1, tab 2.42, p 57) présente l’emploi des moulures simples. Le croisement des moulures se retrouve sur les portes datées de la fin du XVe ou du début du XVIe siècle (tableau 2.42, les sites de Larnage et de Montchalin), ce qui révèle la ressemblance stylistique si nous comparons avec la porte d’accolade. Dans la même période, la porte du Manoir de la Bâtie (ann 1, tab 2.42, p 57) montre l’intérêt du motif de la Renaissance avec le fronton triangulaire et le motif des volutes. Au XVIe siècle, l’ornement des portes reflète le goût pour l’effet géométrique qui est représenté à travers la continuité des moulures entre le linteau et les piédroits. Les portes du Mollard-Ronde et de Morges (ann 1, tab 2.42, p 57) montrent visiblement ces effets. La disposition du décor sculpté au-dessus du linteau affirme la mise en valeur que nous avons observées sur les portes du Châtelard, de Morges et de Châtillon (ann 1, tab 2.42, p 57).

C. Analyse stylistique

Ensuite, intéressons-nous à l’aspect décoratif des portes. Pour une porte, nous observons que plusieurs parties permettent d’accueillir des moulures. L’intérêt esthétique réside particulièrement sur le linteau et la surface alentour avec différentes moulures. De plus, les moulures continuent sur les piédroits qui reposent sur les bases, éventuellement ornées du décor de terminaison de l’ensemble de la porte. De même, étudions l’approche décorative de la porte à l’aide d’une analyse stylistique. L’objectif de cette partie est l’étude des caractéristiques des moulures, leur arrangement sur les portes et l’effet ornemental qui en résulte de l’ensemble des ouvertures. Elle précise les différentes manières de l’emploi des moulures en tenant compte de la complexité des moulures. Par ce fait, nous précisons le critère lié au nombre du type des moulures présentées sur les portes (référence). Ceci permet de diviser l’emploi des moulures en quatre groupes.

1) L’encadrement à chanfrein Les tableaux 2.31 (ann 1, p 46) et 2.44 (ann 1, p 59) nous présente l’emploi de l’encadrement chanfreiné sur différents types des portes. Les chanfreins varient en fonction de la forme et du caractère de l’arc. Les encadrements qui sont ornés des chanfreins montrent généralement un effet volumétrique, visiblement présenté sur les portes de Jail, du Carre et de La Frette. Les chanfreins peuvent être présentés sur la double face dans l’encadrement 127 intérieur, ce qui permet de beaux effets volumétrique et géométrique, comme sur les portes de La Crosse et d’Hauterives. 2) L’emploi d’un type de moulure Cette remarque renvoie au choix d’une seule mouluration ornant le linteau ou les piédroits d’une porte. Tous les types de portes sont concernés par ce décor. Parmi cinq catégories des portes, la porte ornée du motif d’accolade se démarque par la variété des moulures, ainsi que la porte au linteau plat qui possède le plus grand nombre d’ouvertures ornées d’une seule moulure. Les tableaux 2.32 et 2.33 (ann 1, dessins, p 47-48) et tableaux 2.45 et 2.46 (ann 1, photos, p 60-61) présentent des portes possédant l’emploi d’un type de moulure qui permet deux remarques importantes. La première concerne la taille de moulure qui varie d’une petite taille à une taille plus grande. Nous pouvons distinguer, d’après le tableau 2.45, les filets qui sont de petites moulures. Ils se présentent sur les portes décorées en accolade de façon différente. Le décor de filets très fins (Château Curson et Maison forte Vertrieu) et de filets moulurés (Manoir de la Tour) révèlent des tailles différentes. Les fins filets permettent de donner à la porte un effet de légère profondeur, tandis que les filets moulurés donnent un effet accentué sur l’encadrement de la porte. Le double filet (Maison forte Tournelle) montre le traitement raffiné des moulures. De plus, la présence des baguettes qui sont les moulures de taille moyenne se trouve sur les portes au linteau plat. La mouluration des baguettes sur les portes de Jalionas et de Mollard-Ronde permet un effet volumétrique plus accentué que les filets. Ensuite, les moulures de grande taille consistent en des cordons et de la gorge (ann 1, tab 2.45, p 60). Les cordons se retrouvent sur les portes au linteau plat. La disposition des moulures s’adapte au caractère de chaque porte. Les cordons peuvent être présentés de manière continue sur l’encadrement des portes (les sites de Serrières, du Châtelard et de Châtillon). Ils peuvent se croiser comme sur la porte de Montchalin. Toutes les formes offrent un effet volumétrique important. Le même effet se retrouve aussi sur la gorge qui orne la porte de la Ferme des Dames. La seconde remarque vise la forme des moulures. Toutes les moulures présentées ci- dessus possèdent une forme ronde. Il existe une moulure d’une forme rectangulaire qui décore les portes de Boutières et de Morges (tableau 2.46, p 61 voir la description dans le tableau 2.11, p 26 et ann 1, tab 2.25, p 40). Les bandeaux se trouvent sur la porte avec linteau orné en 128 accolade et la porte au linteau plat. Ils permettent de donner à deux portes un effet volumétrique important.

3) L’agencement de deux types de moulure La partie précédente démontre l’emploi d’un seul type de moulure qui peut être présent sur différentes parties de la porte. La présentation des moulures nous pousse à examiner dans cette partie un aspect décoratif résultant de l’amélioration des moulures. Après la description des portes, l’arrangement des moulures permet de diviser ces dernières en deux groupes.

3.1) Disposition successive

Ce type de disposition se caractérise par l’arrangement de larges moulures et de petites moulures de façon successive, comme sur le tab 2.47 (ann 1, p 62) Sur le linteau de la porte de Larnage (voir la description dans l’ann 1, tab 2.21 p 36), la mouluration est constituée de deux larges gorges et de trois baguettes étroites qui se succèdent. Ce décor démontre l’effet ornemental par l’arrangement en ordre des moulures.

3.2) Disposition complémentaire

Cette disposition signifie la présence d’une large moulure complétée ou soulignée par une plus petite moulure. Tout d’abord, le tableau 2.47 présente la porte d’accolade de Serrières (voir la description dans le tab 2.14, ann 1, p 29). Elle est constituée d’un encadrement interne dont la partie inférieure est en forme de cordon et la partie supérieure (arc) est ornée de deux baguettes. La position des baguettes indique qu’elles complètent l’encadrement en accolade. Puis, nous verrons la porte au linteau plat du Manoir de la Tour (voir la description dans le tab 2.23, ann 1, p 38). La partie inférieure du linteau est constituée d’un cordon et la partie supérieure est ornée de deux filets. Ces filets viennent souligner l’ensemble du linteau et notamment le cordon. Cet effet décoratif peut être observé sur les trois portes suivantes, mais de manière distincte. Les portes de Montagnieu (fig 22 et voir le dessin ; ann 1, tab 2.34, p 49) et d’Ecottier présentent chacune une accolade constituée d’une large gorge ornée de deux cordons (voir la description dans le tab 2.13, ann 1, p 28). Ceux-ci sont destinés à accentuer la gorge en présentant l’effet bombardé des cordons. Ce décor ressemble à celui de la porte de Châtillon (voir la description dans le tab 2.21, ann 1, p 36). Le linteau en anse-de-panier de la 129 porte est constitué d’un large cordon en continuité de deux colonnettes présentées sur les piédroits.

Figure 22 La porte de la maison forte Montagnieu

L’effet décoratif se manifeste sur les portes de ce groupe par la combinaison de larges moulures et de moulures plus petites. Les moulures de taille réduite aident à accentuer la mouluration des larges moulures de manière différente. Elles se présentent de manière successive avec de larges moulures (les portes de Serrières et du Manoir de la Tour) ou en continuité des larges moulures (les portes de Montagnieu, d’Ecottier et de Châtillon). Parmi les portes de notre corpus, il existe deux portes qui présentent chacune une approche décorative particulière ; l’adjonction des moulures du linteau avec les motifs sculptés situés dans la partie haute. La porte d’accolade de Serrières montre une accolade qui s’inscrit dans un plein-cintre dans lequel s’articulent les motifs trilobés (voir la description dans l’ann 1, tab 2.14, p 29). L’intégration de deux moulures se retrouve aussi sur la porte avec arc en anse de panier, la porte de la Maison forte Bourcieu, classée dans le groupe du décor ayant l’emploi de trois types des moulures (ann 1, tab 2.48, p 63) (voir la description dans le tableau 2.22, p 37). Les moulures de l’arc se rencontre avec les motifs quadrilobés situés au-dessus du linteau. Il faut noter que chaque porte dispose la rencontre de deux systèmes des décors ; le décor des moulures sur l’arc et les motifs sculptés. Le dernier permet d’accentuer un aspect décoratif de l’ensemble de la porte. Néanmoins, il semble que la proportion du cadre en plein- cintre ne correspond pas à celle de l’encadrement de la porte (Château de Serrières). Le cadre en plein-cintre possède la dimension plus petite que la porte. Le désaccord de deux moulures est aussi présent sur l’autre porte (Maison forte Bourcieu). La répétition du motif des fleurons trouvée sur les pinacles et aussi dans les rinceaux suggère à la date de réalisation 130 contemporaine. Ceci diffère des moulures situées sur l’encadrement de la porte qui paraît plus récentes. La distinction des moulures soumet aux différentes dates.

Pour conclure, nous pouvons dire que c’est une intégration de nouveaux encadrements dans les cadres plus anciens. Par conséquent, les portes montrent chacune une évolution stylistique au cours du temps.

4) L’agencement de plusieurs types de moulure Après l’agencement de deux types de moulures, il est ensuite intéressant de présenter une approche décorative qui montre l’amélioration des moulures à travers la présentation plus complexe. L’étude de six portes permet de classer l’arrangement des moulures en deux groupes.

4.1) Disposition successive

Comme pour l’agencement de deux types de moulures, nous possédons plusieurs portes possédant un décor des moulures successives (ann 1, table 2.35, p 50 et 2.48, p 63). Commençons par la porte en accolade ; la porte de Gramond (voir la description dans l’ann 1, tab 2.14, p 29). Son encadrement interne est constitué d’une tore, d’une baguette et de deux gorges. La moulure de la baguette est remarquable par son croisement au niveau central du linteau. De même, les portes avec arc en anse-de-panier présentent le même type de décor sur deux portes, les portes de Châtillon et de Bourcieu (voir la description dans le tab 2.22, ann 1, p 37). Elles se ressemblent par la disposition de larges moulures alternée avec de petites moulures. La porte de Châtillon possède deux cordons en bas et l’arrangement alterné de deux gorges et de filets. La porte de Bourcieu présente trois tailles des moulures : large (trois gorges), moyenne (quatre baguettes) et petite (filets). Elles sont toutes arrangées de façon alternée et équilibrée sur le linteau. En outre, ces moulures semblent s’harmoniser avec les décors sculptés au-dessus de la porte.

Le décor d’alternance de Bourcieu se retrouve également sur la porte de Lens-Lestang. La mouluration sur l’arc segmentaire se constitue de trois baguettes alternées avec de filets. Nous pouvons en conclure que les portes possédant plusieurs types de moulures s’appuient sur leur aspect décoratif par la disposition alternée de différentes moulures. L’arrangement alterné de petites et de grandes moulures permet un effet équilibré et un effet volumétrique sur l’ensemble de la porte. 131

4.2) Disposition complexe

Ce dernier type de décor se caractérise par l’emploi d’un double encadrement sur les portes. Ce caractère évoque le décor des moulures complexes (ann 1, tab 2.48, p 63). Seules deux portes possèdent ce type de décor. Commençons par la porte en accolade de la Maison forte Verpillière (fig 23 et voir la description dans le tab 2.15, ann 1, p 30). Cette ouverture est remarquable par les encadrements doublés et le croisement doublé des moulures sur chaque cadre. La disposition des moulures varie en tenant compte de leur emplacement : le cadre interne (1e encadrement) est constitué d’une baguette. Puis, le cadre externe (2e encadrement) est composé d’un cordon, dont l’emplacement indique qu’il est le cadre principal. Enfin, le 3e encadrement qui aide à orner l’ensemble de la porte se compose de deux filets. Nous pouvons observer que le choix de moulure correspond à la fonction de chaque encadrement. Le cordon ayant le diamètre le plus important a été employé pour le cadre principal, qui exige renforcement et stabilité. Les filets de diamètre plus petit ont été utilisés pour accomplir un effet décoratif. De plus, le croisement des moulures permet un mouvement de mouluration dans le sens horizontal et vertical, ce qui offre un dynamisme à l’ensemble de la porte. Si nous observons l’encadrement interne (1e cadre), nous pouvons remarquer deux cadres qui se superposent dans le même encadrement ; il s’agit d’un cadre ayant des sommiers latéraux curvilignes et un croisement au niveau central du linteau. Un autre cadre possède un linteau plat et deux croisements aux sommiers latéraux. Le décor des cadres doublés se retrouve sur le 2e encadrement et continue sur le 3e encadrement. Nous avons de beaux effets géométrique et volumétrique sur l’ensemble des portes.

Figure 23 La porte de la maison forte Verpillière

Ensuite, ce décor se retrouve sur la porte avec arc en anse-de-panier de la Maison forte du Carre (voir la description dans le tab 2.23, ann 1, p 38). La porte est constituée d’un cadre en 132 anse-de-panier et d’un cadre rectangulaire. Les moulures se présentent entre deux cadres de façon répétée : une large gorge, une seconde baguette, un filet et un petit tore. L’intérêt réside dans la disposition systématique des moulures.

Nous pouvons affirmer que le doublement des cadres de la porte permet d’augmenter les effets décoratifs qui pourront donner une volumétrie et un dynamisme sur les ouvertures entières.

5) La rencontre des moulures horizontales et verticales La rencontre des moulures horizontales et verticales attire notre attention sur le jeu de mouluration qui varie sur l’encadrement d’une ouverture. Le décor de deux portes montre cet intérêt ; la porte d’accolade de Biol (voir la description dans l’ann 1 tab 2.12 ; A-1, p 27) présente des moulures sur l’accolade qui butent sur des moulures verticales. La rencontre des moulures de deux sens est raffinée. La porte d’accolade de Robinière (fig 24 et voir la description dans le tab 2.12, ann 1, A-2, p 27) présente l’intersection de la moulure sur les piédroits dans les écoinçons. Le décor est aussi délicat comme sur la première porte. Par ailleurs, l’existence des moulures sur l’accolade permet un effet de perspective qui accentue la profondeur de la baie.

Figure 24 La porte de la maison forte Robinière

Pourtant, le décor des moulures croisées varie selon la position du croisement. Les portes de Montagnieu et de Gramond présentent des moulures déroulées sur les piédroits du côté gauche et du côté droit (dans le sens vertical). Celles-ci continuent et se croisent au niveau central du linteau (dans le sens horizontal). Ce décor offre à la porte une concordance des moulures des deux côtés qui se croisent au milieu. Ceci suggère de beaux effets symétrique et volumétrique. Par ailleurs, la porte de La Verpillières se distingue par l’emploi de deux types 133 des croisements sur le même encadrement (ann 1, tab 2.48, p 63). Nous l’avons présenté en détail dans la partie de l’emploi de plusieurs types de moulures.

6) Rajout des décors supplémentaires En dehors de la disposition des moulures, il existe un autre décor qui vise à compléter l’aspect décoratif des portes. Le décor armorié et les motifs sculptés se présentent sur un certain nombre de portes.

Concernant le décor armorié, le tableau 2.49-2.50 (ann 1, p 64 – 65) nous montre que tous les types de portes (sauf celle avec arc brisé) peuvent être décorés de ce type du décor. La figure armoriée se trouve au niveau central du linteau, autorisant à guider la vue des visiteurs accédant la porte. L’emplacement du décor peut être lié à la volonté des commanditaires. Dans ce cas là, l’armoirie qui représente le symbole de la famille détentrice est probablement destinée à montrer tout d’abord l’appartenance de l’habitat noble et ensuite le grandeur des seigneurs. Quant aux motifs sculptés, le tableau 2.51 (ann 1, p 66) présente différentes figures qui peuvent accentuer l’approche décorative des portes. Tous les types de portes sont ornés de ce décor, sauf la porte avec arc segmentaire. Nous présentons quelques exemples qui permettent d’éclairer l’image des décors. La porte de Bourcieu (fig 25 et voir la description dans l’ann 1 tab 2.22, p 37) montre au- dessus de la porte la répétition de motifs quadrilobés dans un système de rinceaux, accompagnés de pinacles à fleuron (partiellement abîmés). Le traitement délicat des décors suggère probablement un goût particulier du commanditaire. Par ailleurs, la porte de Lens- Lestang (voir la description dans l’ann 1 tab 2.18, p 33) présente au-dessus du linteau une bande moulurée ornée de petits motifs sculptés. Enfin, la sculpture prend aussi place sur le décor de la porte comme le site de Châtillon le montre (voir la description dans le tableau 2.22, ann 1, p 37). La sculpture d’un petit personnage se trouve sur le piédroit, à l’extrémité droite du linteau. 134

Figure 25 La porte de la maison forte Bourcieu

D. Evolution stylistique de portes

Après avoir présenté l’analyse stylistique de décors dans la partie précédente, nous allons nous intéresser aux types de portes et au décor des moulures, en parallèle avec la période de réalisation. Cette étude permettra de suivre l’évolution stylistique des portes pendant la période d’étude et préciser les caractéristiques de décors au cours de chaque période. Le résultat sera présenté en soulignant les périodes par siècle, puis nous parlerons de la précision du temps par période. Les informations relatives à la datation ont été obtenues par des suppositions pour la majorité de décors ; il ne s’agit pas d’une date indiquée en année, mais d’une date relative dans une large période. Les sources de la datation proviennent de renseignements historiques, en particulier de l’historique du site, de la prospection archéologique en observant l’état de la construction, des caractères des appareils sur le mur extérieur et de la forme des éléments architecturaux. La comparaison stylistique entre les éléments ornés a été appliquée pour supposer la datation approximative des éléments dépourvus d’indications. En outre, nous prenons en compte des références qui montrent la date de réalisation des arcs, élément permettant de diviser les portes en catégories. Ces renseignements aident à connaître la date initiale de l’arc et à comprendre son évolution stylistique au cours de la période étudiée. En outre, nous pouvons utliser ces dates pour analyser les liens entre le courant artistique de l’époque et l’approche décorative de nos portes. Afin de montrer une présentation claire et compréhensible, nous avons réalisé des tableaux présentant une datation accompagnée de photos de toutes les portes, divisées par siècles et par catégories. Cette présentation facilitera la lecture.

Le tableau 2.2 (ann 1, p17) présente les catégories des portes et le nombre d’existence qui se présentent dans chaque période (siècle). D’abord, il n’existe pas de porte qui date du 135

XIIIe siècle. Au XIVe siècle se trouvent deux portes dont l’une concerne la porte avec arc segmentaire et l’autre s’agit de la porte avec arc en anse de panier. Le XVe siècle se caractérise par l’existence de tous les types des portes en particulier la porte avec linteau décoré du motif en accolade (14 portes), celle avec arc segmentaire (3). Puis, la porte avec arc brisé, celle avec arc en anse de panier et celle au linteau plat montrent pour chaque type une porte. Le XVIe siècle se démarque par la présence des portes dans un grand nombre. Les portes avec linteau décoré du motif en accolade et celle au linteau plat montrent pour chaque type neuf portes. Puis, les portes avec arc en anse de panier se présentent six portes et enfin celle avec arc segmentaire ne se trouve qu’une porte. Tout d’abord, le XIIIe siècle ne présente aucune porte de cette période. Selon N.Reveyron209, le développement sur le plan structural des églises gothiques au XIIe siècle permet la création de diverses formes d’arc. L’un de ces arcs concerne les arcs plats qui se développent sous la forme d’arcs segmentaires. Nous possédons un petit nombre de portes avec arc segmentaire, mais elles sont datées des siècles suivants en tenant compte de la datation des sites.

Puis, le XIVe siècle se caractérise par l’emploi des moulures simples. (voir le tab 2.52, p 67), par le linteau chanfreiné de la porte avec arc segmentaire datée de la première moitié du XIVe siècle. A la fin du XIVe siècle et jusqu’au début du XVe siècle, le décor des moulures se présente aussi sur la porte avec arc en anse de panier. Il existe deux types de moulures, celle de grande taille et celle de petite taille. Nous constatons une amélioration des décors de chanfreins ornant la surface des éléments à la moulure qui permet un effet volumétrique aux éléments décorés.

Ensuite, un nombre d’améliorations de décors se manifeste au XVe siècle (voir ann 1, les tab 2.53-2.54, p 68-69). L’emploi d’un type de moulure pour orner la porte se retrouve sur toutes les catégories de portes sauf la porte avec arc en anse de panier. Pour les portes d’accolade, le décor des encadrements à chanfreins et les moulures décorant l’encadrement interne du linteau montrent chacun le caractère des moulures simples qui se présente sur les portes. Le décor des chanfreins se retrouve aussi sur la porte avec arc brisé210 (Maison forte de Jail), ce qui présente l’emploi de l’arc qui a été créé au XIIe siècle. Cet arc dure tout au long des siècles et son aspect décoratif se développe au XVe siècle. Puis, la mouluration varie : la

209 Nicolas REVEYRON, « Arc », in Dictionnaire d’histoire de l’art du Moyen Âge occidental, Edition Robert Laffont, Paris, pp. 50‑51. 210 L’historique de l’arc (N.Reveyron, Dictionnaire d’histoire de l’art du Moyen Age occidental) informe l’invention de l’arc brisé dès la fin du XIe siècle. Il s’applique à l’aspect décoratif des grandes églises au XIIe siècle avant devenir la norme de l’architecture gothique 136 présence de larges moulures, le croisement des moulures verticales et horizontales et le décor d’un blason armorié. En plus, les moulures se présentent de manière continuelle du linteau sur les piédroits et sur les congés des portes. Pendant la seconde moitié du XVe siècle, les portes ornées du motif d’accolade, les portes avec arc en anse de panier et celles avec arc segmentaire présentent un décor amélioré, c’est à-dire l’emploi de deux ou plusieurs types de moulures et des décors armoriés. Ces derniers décors permettent d’accentuer l’effet décoratif de l’ensemble de la porte. L’existence des portes avec linteau décoré en accolade se présente en un grand nombre, ce qui correspond au courant artistique de l’époque qui a multiplié plusieurs formes géométriques211. La diversification des formes se manifeste dans l’approche décorative des portes.

L’existence des portes ornées de mêmes types des moulures se retrouve dans les sites situés dans d’autres régions. La porte décorée du motif en accolade connaît la catégorie de la porte qui se trouve largement dans les sites de notre corpus et aussi dans les sites situés dans la même région (les maisons fortes en Bresse et en Revermont, en Basse Maurienne et en Vivarais) dans les régions voisines (les tours salles en Bourbonnais) et aussi dans les régions lointaines (les manoirs en Anjou). La plupart des portes date entre le XIVe et le XVe siècle. La porte du Manoir de La Ménitré en Anjou date au troisième quart du XVe siècle. En outre, il existe dans la même zone d’étude (en Anjou) la présence de la porte ornée de l’arc brisé et celle avec arc en anse de panier dans les demeures aristocratiques. Les deux ouvertures datent environ au troisième quart du XVe siècle. Nous voyons que l’apparition des portes décorées se présente nombreuse surtout la porte en accolade au cours du XVe siècle dans plusieurs régions en France. Cette ressemblance stylistique peut suggérer à l’approche de l’échelle nationale des portes qui se trouve dans les demeures aristocratiques situées dans plusieurs régions en France. Enfin, les caractéristiques des décors du XVe siècle se retrouvent au XVIe siècle, mais avec une présentation plus complexe (voir tableau 2.55-57, p 70-72). Le décor des moulures simples et l’emploi d’un type de moulures est présent, comme au XVe siècle, sur tous les types de portes. Les portes décorées de deux ou plusieurs types de moulures sont présentes au cours de cette période, la porte avec arc en anse de panier et la porte décorée en accolade. Il existe certaines portes représentatives de décors complexes. La porte avec arc en anse-de-

211 Nicolas REVEYRON, « Arc », op. cit. 137 panier du Carre et la porte en accolade de Verpillière se caractérisent par les encadrements doublés et l’emploi de plusieurs moulures. Nous pouvons affrimer que les caractéristiques des portes se présentent continuellement pendant notre période d’étude, avec une évolution stylistique sur les formes et sur plusieurs éléments précis. Les caractères passent de la simplicité à la complexité. Le rajout du blason armorié est commandé par les détenteurs afin de manifester leur identité sur les résidences seigneuriales. Une porte peut être ornée de décors datant de différentes époques, ce qui signifie qu’elle a subi un réaménagement au cours des siècles. Le décor le plus récent peut se trouver intégré dans la partie du décor plus ancienne.

E. Le décor des portes et l’habitat noble Après notre étude portant sur l’approche décorative et l’évolution stylistique des portes, il est indispensable de travailler sur le rapport des portes avec l’aspect de l’habitat noble. L’objectif est de comprendre la perspective des portes qui constituent l’un des éléments architecturaux importants de la disposition de l’habitat noble. Les études révèlent que les différents types des portes se situent dans les résidences dont les caractéristiques se ressemblent ou se distinguent : la majorité des portes ayant un décor élémentaire se retrouve sur les sites possédant peu de décors ou dans les sites de petite taille. La plupart des portes possédant un décor plus recherché se situent sur les sites possédant un certain nombre de décors ou dans les sites de grande taille. Nous présenterons quelques exemples permettant d’éclairer l’image des sites. Afin de connaître le degré d’approche décorative de chaque site, il est essentiel d’en faire le regroupement en tenant compte du nombre et du caractère des décors. La division des sites selon le niveau du décor nous aide à comparer le décor des portes (voir le regrouprement des sites, p 249).

Tout d’abord, les portes qui possèdent un petit nombre de décors se situent dans les petits sites ou les sites ayant un ornement élémentaire. Nous les avons trouvées dans le Château Curson, la Maison forte d’Ecottier et le Château Bayard. De plus, les portes ayant un certain nombre de décors sont dans les sites de grande taille ou ceux possédant un ornement plus recherché. Nous pouvons citer les sites suivants : Maison forte Larnage, Maison forte Bourcieu, Château Châtillon, Maison forte Lens-Lestang, Maison forte Montagnieu, Maison forte du Carre et Château Serrières. Pourtant, nous pouvons retrouver des portes possédant un certain nombre de décors dans les sites de taille moyenne ou les sites ayant un décor moyen. 138

Ces habitats nobles concernent la Maison forte Belmont, la Maison forte du Jail et la Maison forte de Commanderie. Nous pouvons constater que les décors des portes coïncident avec les caractères des sites. Toutefois, il existe des facteurs que nous devons prendre en compte avant d’affirmer cette supposition ; le goût des détenteurs des sites et le caractère des portes dans la période d’étude. Néanmoins, il existe certaines portes dont le décor ne concorde pas avec le caractère des sites. Quelques sites possédant un nombre de décors recherchés ou de grande taille possèdent des portes avec un décor élémentaire ; par exemple, Manoir de la Tour, Maison forte Peythieu, Maison forte Tournelle ou Maison forte Vetrieu. Nous pouvons aussi remarquer le contraste sur les petits sites doté d’un décor des portes plus recherché dans les sites suivants : Manoir de la Bâtie, Maison forte Biol, Maison forte du Châtelard, Maison forte Tournelle ou Maison forte Vertrieu. La contradiction entre le décor des portes et le caractère des sites s’explique par le goût plus ou moins spécifique des détenteurs des sites. En outre, il est probable que les propriétaires commandent des portes en fonction du courant artistique de l’époque qui peuvent donner l’effet sur l’approche décorative des portes.

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Nous pouvons dire que la porte est l’un des éléments architecturaux qui se présente en grand nombre de notre corpus. Elle se divise en cinq catégories, en tenant compte de la forme du linteau. Si nous considérons la structure des portes en précisant les arcs qui soutiennent le poids des murs, nous pouvons identifier la porte avec arc brisé, celle avec arc segmentaire et celle avec arc en anse de panier pour un groupe. La porte avec un linteau décoré en accolade et celle au linteau plat seront classées dans un autre groupe. Le motif d’accolade ne fonctionne que comme le motif décoratif. Toutefois, ce type de porte est le plus représentatif au niveau de l’aspect du décor. En outre, elle se caractérise par la diversification des décors. La porte au linteau plat se trouve dans un nombre inférieur que celle au linteau décoré en accolade, mais certaines ressemblent à plusieurs portes d’accolade du fait de l’approche décorative. La porte avec arc en anse de panier vient après la porte au linteau plat. Quelques portes attirent notre attention par la complexité du décor. La porte avec arc segmentaire se présente en un petit nombre mais elle se démarque par son emplacement sur les porches d’entrée de site. Enfin, la porte avec arc brisé se trouve dans un seul site. Elle distingue l’intérêt du décor situé à l’entrée du site. L’intérêt du décor des portes réside dans l’emploi des moulures. Celles-ci se présentent en plusieurs formes démontrant une évolution stylistique. Tout d’abord, les portes sont ornées d’encadrements à chanfreins qui montrent le caractère des moulures simples. Puis, l’emploi des moulures s’applique particulièrement au décor des linteaux de toutes les catégories des portes par un, deux ou plusieurs types de moulures. Celles-ci varient en différentes tailles : de petite, de moyenne et de grande taille, qui offent plus ou moins de beaux effets volumétriques. Il existe un jeu de moulures qui constitue la rencontre et le croisement des moulures horizontales et verticales. Ces décors donnent un mouvement et du dynamisme sur l’ensemble de la porte. Par ailleurs, la disposition d’un écu armorié au-dessus du linteau suggère la volonté des détenteurs des sites de montrer leur statut de noble, voire leur ostentation à travers les décors.

La variation de ces décors est le résultat de moulures qui s’améliorent au cours des siècles, de simples chanfreins présentés principalement au XIIIe siècle à la mouluration diversifiée dans les siècles suivants. Le XVe siècle se démarque par la création de multiples types des moulures. Elles se développent par l’association de moulures présentées sur l’encadrement des portes. La présence d’un écu armorié se retrouve sur la majorité des portes. Enfin, les principes du décor du XVe siècle se retrouvent sur les portes du XVIe siècle, mais le traitement du décor paraît plus accentué avec un caractère raffiné et plus recherché. 140

L’approche décorative des portes crée tout au long de la période d’étude une évolution stylistique.

Si nous réfléchissons sur le décor des portes par rapport à l’ensemble des sites, les portes ayant un décor élémentaire se situent dans les sites de petite taille ou ceux possédant peu de décors. Toutefois, ces portes élémentaires se retrouvent aussi dans de grands sites. Le contraste entre le degré de décor et le caractère des sites se retrouve également pour les portes dotées d’un décor plus recherché ; elles ne se situent pas seulement dans les grands sites mais aussi dans des sites de petite taille. Nous pouvons en conclure que le niveau du décor des portes peut concorder ou non avec le caractère des sites.

141

5.2.2 Les fenêtres

Après la porte, la fenêtre est un autre élément architectural qui sert une liaison entre l’extérieur et un espace intérieur. Elle possède une double fonction : protéger l’habitation des intempéries et permettre à la lumière de pénétrer dans l’espace intérieur du bâtiment. Entre le XIIe et XIVe siècle, les fenêtres étaient le seul élément décoratif extérieur situé aux étages nobles. Leur présence sur les façades détermine certains aspects fonctionnels du bâtiment mais aussi symboliques selon l’importance plus ou moins grande donnée aux éléments décoratifs. Ceci nous permet d’étudier leurs variations pour ces deux registres l’un matériel et fonctionnel et l’autre stylistique.

A. Caractéristiques des fenêtres

La fenêtre possède la structure et l’aspect décoratif qui ressemble à ceux de la porte. Nous tenons compte de cette ressemblance stylistique et précisons la forme du linteau comme le critère permettant de classer les fenêtres. Le décor du linteau est un élément le plus représentatif en regardant l’ensemble de la fenêtre. Les fenêtres de notre corpus peuvent être divisées en sept catégories (ann 1, tab 3.1, p 73). La fenêtre à croisée est la plus représentative (16 baies), puis la fenêtre au linteau plat présente le nombre inférieur (12 baies), ensuite la fenêtre avec linteau décoré du motif trilobé (10 baies) et la fenêtre à demi-croisée (10 baies) viennent après la dernière. La fenêtre avec arc brisé (3 baies), celle avec linteau décoré du motif en accolade (3 baies) et celle avec arc segmentaire (1 baie) montrent chacune un petit nombre.

1) Fenêtre au linteau plat

Ce type de fenêtre présente la baie n’ayant pas de relief sur le linteau. Son encadrement est le lieu privilégié où le décor des moulures se trouve dans le sens horizontal (sur le linteau) et aussi dans le sens vertical (sur les piédroits). Puis, la combinaison de petites moulures et de grosses moulures se présente en nous montrant un effet décoratif. Les grosses moulures comme le cordon (voir ann 1, tab 3.5, p 77) ou la tore cannelée (fig 26 et tab 3.3, A-2, ann 1, p 75) ornent l’encadrement des fenêtres en donnant un effet volumétrique sur les baies.

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Figure 26 La fenêtre de la maison forte de Commanderie (Falcoz)

Les petites moulures ; par exemple, le canal se trouve sur les gorges (grosse moulure) dans la chambrale de fenêtre (voir tab 3.3, A-1 , ann 1, p 75 et tab 3.4, A-2, ann 1, p 76 ou fig 27). Il sépare les gorges en deux parties en présentant l’effet de profondeur. Nous voyons que le décor de grosses et de petites moulures permet le jeu du volume sur les fenêtres.

Figure 27 La fenêtre de la maison forte du Carre

Par ailleurs, la mouluration présentée sur les fenêtres au linteau plat révèle aussi la rencontre des moulures venant du sens horizontal et vertical. Le croisement des moulures se trouve sur plusieurs baies en présentant la complexité du décor des moulures. Nous observons des moulures simples chanfreinées (ann 1, tab 3.6, A-1, p 78) et de petites moulures (tableaux 3.6, A-2, ann 1, p 78 et 3.7, A-1, ann 1, p 79) qui présentent le croisement sur l’encadrement des baies. Ensuite, la complexité du croisement se présente avec les encadrements doublés en donnant l’effet de profondeur (tab 3.7, A-2, ann 1, p 79 et 3.8, ann 1, p 80). La fenêtre de Lens-Lestang (fig 28 ou tab 3.8) est remarquée par le croisement doublé, ce qui présente de beaux effets géométriques et volumétriques.

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Figure 28 La fenêtre de la maison forte Lens-Lestang

Enfin, le jeu des moulures s’améliore successivement avec la présence de cordon mouluré au- dessus de fenêtres (ann 1, tab 3.9, p 81). Ce décor des moulures aide à accentuer l’aspect décoratif de l’ensemble des baies en dehors des croisements déjà présentés. La présence de tous les décors montre véritablement une évolution stylistique au cours du temps. La rencontre des moulures permet un mouvement sur l’encadrement des baies, les encadrements doublés et le rajout d’une autre moulure au-dessus de fenêtre donnent des effets volumétriques et géométriques.

2) Fenêtre avec arc brisé La caractéristique de fenêtre ressemble à celle de la porte avec arc brisé ; le linteau est composé de deux branches concaves qui se rejoignent en pointe au faîte. Nous avons un petit nombre de ces fenêtres. La baie est ornée sur son encadrement d’une grosse moulure (gorge) dans la figure 29 ou le tableau 3.10 (ann 1, p 82).

Figure 29 La fenêtre de la maison forte de la Tour Saint-Cierge

Puis, les fenêtres en baies jumelées se présentent dans deux sites (ann 1, tab 3.11, p 83) avec les moulures simples. Elles sont dotées chacune d’un coussiège mouluré dans un espace intérieur. Il n’existe pas de décor particulier pour ce type de fenêtre. 144

3) Fenêtre avec arc segmentaire La fenêtre se caractérise comme la porte avec arc segmentaire par la possession du segment qui est inférieur au demi-cercle. Ce type de fenêtre se trouve dans le site de la Tour Saint-Cierge (fig 30 ou tab 3.12, ann 1, p 84). Le décor sur l’encadrement se compose d’une grosse moulure (tore) et d’une petite moulure (canal). Au-dessus de fenêtre se trouve un bandeau mouluré qui complète l’ornement d’ensemble de la baie. Ces décors ressemblent à ceux de la fenêtre au linteau plat. Nous pouvons dire qu’un décor mouluré peut être employé sur une ou autres formes de fenêtre.

Figure 30 La fenêtre de la maison forte de la Tour St-Cierge

4) Fenêtre avec linteau orné du motif en accolade

La fenêtre se caractérise comme la porte ornée d’accolade par la composition de deux branches en courbe et contre-courbe se rejoignant au point aigu au faîte. Le motif en accolade a été employé sur un grand nombre des portes mais sa variation des décors semble être réduite sur les fenêtres. Nous trouvons dans deux sites ce type de fenêtre (fig 31 ou tab 3.13, ann 1, p 85). Les décors de la baie montrent les encadrements chanfreinés et l’existence des motifs sculptés au niveau central du linteau. Le décor présente par conséquent les moulures possédant la caractéristique simple.

Figure 31 La fenêtre de la maison forte Montplaisant

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5) Fenêtre avec linteau orné du motif trilobé Les fenêtres se caractérisent par le linteau ayant la forme en motif trilobé. Les décors montrant : des moulures simples avec les encadrements chanfreinés (ann 1, tab 3.14-3.15, p 86-87) et avec les encadrements ornés des moulures creuses (fig 32 ou tab 3.16, A-1, p 88).

Figure 32 La fenêtre de la maison forte du Cingle

La partie du linteau trilobé est inscrite dans un arc segmentaire. Puis, la fenêtre peut être ornée du motif sculpté (fig 33 ou le tab 3.17, A-1, ann 1, p 89) qui présente les figures des blasons armoriés montrant la famille détentrice situer dans les écoinçons de la baie.

Figure 33 La fenêtre de la maison forte Clérivaux

Le rajout d’une bande moulurée au-dessus de fenêtre (ann 1, tab 3.17, A-2, p 89) permet de donner de beaux effets géométriques et volumétriques. Enfin, il existe une particularité stylistique pour ce type de fenêtre avec la présence d’un autre motif trilobé juste au-dessus du linteau (ann 1, tab 3.18-3.19, p 90-91). Nous avons donc l’effet de doublement des motifs trilobés sur la baie (ann 1, tab 3.18, A-1, p 90) et la répétition des motifs trilobés sur les fenêtres (ann 1, tab 3.18, A-2, p 90 et 3.17, p 89). Il faut remarquer que les deux dernières fenêtres sont en baies jumelées. La fenêtre de Veurey (fig 34 ou le tab 3.19, p 91) est dotée à l’intérieur d’un coussiège mouluré. 146

Figure 34 La fenêtre de la maison forte de la Tour Saint-Cierge

Nous pouvons conclure que ce type de fenêtre se remarque par le décor trilobé et par l’ajout des motifs décoratifs (figure armoriée, motif trilobé supplémentaire) et d’une moulure (bande moulurée). La présence des motifs décoratifs montre une particularité stylistique de cette catégorie des baies.

6) Fenêtre à croisée Ce type de fenêtre se caractérise par une baie en grande dimension possédant un meneau et une traverse qui permettent de diviser la baie en quatre compartiments. Si nous la comparons avec fenêtre à demi-croisée, cette fenêtre se constitue de deux travées de la fenêtre à demi-croisée. Elle présente la ressemblance stylistique des décors avec la dernière fenêtre.

Tout d’abord, nous parlerons du décor des moulures simples. Ces moulures se présentent dans la forme du chanfrein (ann 1, tab 3.26, p 98). Puis, le décor simple peut être composé de plus d’un type de moulure qui aide à accentuer l’aspect décoratif des fenêtres. Nous voyons la combinaison du chanfrein avec une petite ou une grosse moulure. La présence de l’encadrement chanfreiné est accompagnée d’un filet présenté sur le meneau (ann 1, tab 3.27, p 99). Puis, les cadres chanfreinés sont décorés sur le registre supérieur d’une bande (fig 35 ou le tab 3.28, A-1, ann 1, p 100) et d’un bandeau (ann 1, tab 3.28, A-2, p 100).

Figure 35 La fenêtre de la maison forte Larnage 147

Ensuite, le motif en accolade se présente également sur ces fenêtres. Leurs encadrements est orné d’une petite moulure, un réglet (fig 36 ou le tableau 3.29, A-2, ann 1, p 101), d’une grosse moulure, un cordon (ann 1, tab 3.30, p 102) et d’une combinaison de grosses et de petites moulures, deux gorges séparées par un canal (ann 1, tab 3.29, A-1, p 101). Nous voyons que l’emploi de petites ou de grosses moulures ou leurs combinaisons se présente sur les encadrements des baies ayant le chanfrein et sur ceux ornant du motif d’accolade.

Figure 36 La fenêtre de la maison forte du Jail

Enfin, l’intérêt se portera sur le croisement des moulures. Ce type de procédé se retrouve sur plusieurs fenêtres étudiées en dehors de la fenêtre au linteau plat et la fenêtre à demi- croisée. Les décors se présentent comme les deux dernières fenêtres en moulures simples qui s’évoluent en moulures complexes. D’abord, les linteaux et les piédroits des fenêtres sont ornés de petites moulures, les baguettes (ann 1, tab 3.31, p 103 et 3.32, A-1, p 104) et de grosses moulures, les cordons (fig 37 ou le tableau 3.32, A-2, p 104). Les baguettes et les cordons se croisent dans les écoinçons en partie haute.

Figure 37 La fenêtre de la maison forte de Boutières

Puis, les moulures s’améliorent par la superposition des encadrements (ann 1, tab 3.33, p 105). Ce décor permet la répétition des croisements qui montre l’effet de profondeur et un effet géométrique. Le rajout d’une autre moulure située au-dessus de la baie peut être observé sur plusieurs fenêtres. Le tableau 3.33 présente deux fenêtres qui sont chacune ornées au- dessus des baies d’un bandeau mouluré. Enfin, l’approche décorative évolue avec la 148 combinaison de différentes moulures sur les encadrements comme les autres fenêtres déjà citées. La baie de Montplaisant (ann 1, tab 3.33, p 106) montre un bon exemple de décor complexe. La moulure située au-dessus de la fenêtre présente un bandeau de forme rectangulaire, l’intrados de la baie se compose de trois filets dont l’un sert les cordons. Enfin, un décor particulier se présente au Château Demptézieu avec les fenêtres de la tour d’escalier (fig 38 ou le tab 3.34, ann 1, p 107). L’on remarque sur la baie un double encadrement réalisé par le croisement des cordons et celui des filets. Le registre supérieur de la baie est orné par un bandeau mouluré. En outre, à l’extrémité de bandeau sur le côté gauche et droit se situe une petite figure de personnage sculpté.

Figure 38 La fenêtre du château Demptézieu

Nous pouvons dire que le décor de la fenêtre à croisée ressemble à celui de la fenêtre à demi-croisée pour ce qui concerne les variations du décor mouluré, le rajout d’une moulure ou des motifs décoratifs et le croisement des moulures. En outre, le traitement des moulures sur certains fenêtres présente la délicatesse, ce qui rendra à la fenêtre à croisée la complexité des décors.

7) Fenêtre à demi-croisée

Cette catégorie de fenêtre correspond à la moitié d’une fenêtre à croisée. Son compartiment est divisé en registre supérieur et en registre inférieur par la traverse au niveau intermédiaire. L’aspect décoratif de la fenêtre est intéressant par l’existence de différentes formes des moulures. Nous commençons d’abord par le décor des moulures simples. L’encadrement de la baie montre le double-chanfrein plat (ann 1, tab 3.20, p 92). Le cadre de fenêtre peut être décoré de petites moulures qui s’arrangent de manière successive (fig 39 ou le tableau 3.21, ann1, p 93). La modénature est constituée d’un filet, puis un canal et d’un filet. 149

Figure 39 La fenêtre de la maison forte de Boutières

Ensuite, l’ornement du motif en accolade se retrouve sur les baies comme sur les portes. Le tableau 3.22 présente deux fenêtres possédant les linteaux ornés du motif en accolade. Les encadrements sont entièrement chanfreinés. Puis, les trois fenêtres du site de Carroz (fig 40 ou le tableau 3.23, ann 1, p 95) montrent le même décor que le dernier tableau mais l’encadrement de chaque baie est orné d’une grosse moulure en gorge qui est soulignée par de petites moulures (canal, filet).

Figure 40 La fenêtre de la maison forte du Carroz

Enfin, comme la fenêtre au linteau plat et les portes, nous avons le croisement des moulures sur l’encadrement de ce type de baie. La rencontre des moulures du sens horizontal et du sens vertical est inscrite dans l’encadrement qui est composé des moulures distinctes. Le tableau 3.24, A-1 (p 96) ou la figure 41 présente le croisement des moulures simples de réglet. Le tableau 3.24, A-2 et le tableau 3.25 montrent au contraire les baies ayant chacune la combinaison de grosses et de petites moulures sur son encadrement ; une gorge, un filet et un double-chanfrein plat.

150

Figure 41 La fenêtre de la maison forte de La Verpillières

Nous pouvons conclure que les décors trouvés sur la fenêtre à demi-croisée montrent des variations stylistiques ; des moulures simples au décor complexe. La combinaison de grosses et de petites moulures permet d’accentuer l’effet décoratif. La rencontre des moulures venant de deux sens montre le mouvement sur l’ensemble des baies. Ces caractéristiques ressemblent à celles de la fenêtre au linteau plat. Nous nous demandons si ces décors peuvent être aussi présents sur les fenêtres à croisée possédant la forme ressemblante de la fenêtre à demi-croisée.

B. Datation des fenêtres

Après avoir présenté les caractères des fenêtres, nous parlerons de l’aspect chronologique de chaque type de fenêtres afin de connaître son évolution stylistique. Il est d’abord important de préciser que les informations relatives à la datation ont été obtenues par des suppositions pour la majorité des décors comme pour le corpus des portes. Nous avons employé la datation relative afin de proposer une datation approximative pour chaque fenêtre ; il s’agit d’une observation sur l’état des bâtiments précisant l’emplacement où se trouvent les fenêtres décorées. L’évolution portée sur les appareils des pierres et sur les murs permet de suggérer l’évolution des éléments architecturaux et la date relative à son architecture. Par ailleurs, la présentation des décors sur les fenêtres peut être étudiée de façon comparative avec la forme et le caractère des autres fenêtres déjà renseignées. Ces éléments aident à préciser la date de nos fenêtres étudiées sur une large période.

151

1) Fenêtre au linteau plat Les tableaux 3.35-3.37 (ann 1, p 112-114) présentent la division des fenêtres en tenant compte des décors tels que présentés dans la partie précédente. D’abord, le tableau 3.33 présente différents décors de moulures qui se trouvent sur l’encadrement des fenêtres accompagnés de leur datation. Le seul décor du site de Chaleyre date probablement du début du XIVe siècle, c’est-à-dire antérieurement aux autres fenêtres qui datent elles de la fin du XVe au début du XVIe siècle. Le décor de ces dernières fenêtres semble être plus raffiné que celui du XIVe siècle. Nous disposons également dans notre corpus du décor de moulures croisées (ann 1, tab 3.36-3.37, p 113-114). La présence de moulures simples datant du milieu du XVe siècle (sites de Gramond et de Bayard) et celle de moulures complexes plus tardives, de la deuxième moitié du XVe au début du XVIe siècle (Lens-Lestang et Bayard) révèle une amélioration dans le soin porté aux moulures. Les encadrements superposés montrent de beaux effets volumétrique et géométrique. La période charnière entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle se démarque par la disposition des moulures en corniche (ann 1, tab 3.37, p 114).

Pour conclure, il existe au cours de notre période d’étude une progression esthétique des moulures des fenêtres. La période de la fin du XVe au début du XVIe siècle est marquée par l’existence de diverses formes de moulures plus travaillées par rapport à la période précédente, avec des moulures délicates et des encadrements superposés.

2) Fenêtre avec arc brisé Comme le montre le tableau 3.38 (ann 1, p 115), ce type de fenêtre date largement du XIVe siècle. Les fenêtres présentent un décor de chanfreins et de grosses moulures.

3) Fenêtre avec arc segmentaire La seule fenêtre trouvée date du XVIe siècle et présente de grosses moulures (ann 1, tab 3.38, p 115 pour le site de la maison forte de la Tour Saint-Cierge).

4) Fenêtre avec linteau décoré d’un motif en accolade Les trois fenêtres présentées dans le tableau 3.39 (ann 1, p 116) montrent une ressemblance stylistique avec l’encadrement à chanfrein accompagné de motifs décoratifs qui datent entre le XIVe et le XVe siècle. 152

5) Fenêtre avec linteau décoré d’un motif trilobé Ce type de fenêtres est classé en deux groupes (voir tab 3.40-3.41, ann 1, p 117-118). Le premier groupe concerne les fenêtres possédant un décor de moulures sur les encadrements. Les fenêtres datent entre le XIIIe et le XIVe siècle et présentent un encadrement à chanfrein (Clérivaux, Montchalin) ou un encadrement en moulure creusée (Cingle, Chatillon). L’effet esthétique paraît plus ou moins important. Le deuxième groupe comprend les motifs décoratifs qui ornent les linteaux des fenêtres. Le motif armorié et la bande moulurée datent entre le XIIIe et le XIVe siècle. L’intérêt se porte sur le motif trilobé qui décore la partie haute de la baie. Trois fenêtres montrent une datation différente ; celle de Veurey date du XIVe siècle, celle de Jalionas date du XVe siècle et celle du Manoir de la Tour date du XVIe siècle. Le traitement du décor est particulièrement raffiné sur la baie du Manoir de la Tour.

6) Fenêtre à croisée Ce type de fenêtres présente une certaine diversification des décors (ann 1, tab 3.44-3.45, p 121-122). Les fenêtres datent entre le XVe et le XVIe siècle comme les fenêtres à demi- croisée, à l’exception de celle de Montplaisant. La baie du Cingle présentant un encadrement à chanfrein est datée du XVe siècle. Le milieu du XVe siècle est une période caractérisée par l’existence de plusieurs types de décors, en particulier des moulures croisées (Curson, Gramond, Châtillon et Manoir de la Tour). L’emploi de grosses moulures se retrouve dans le site de Serrières. Le décor devient plus compliqué dans la deuxième moitié du XVe siècle avec l’emploi d’une bande mouluré (Bourcieu, Demptézieu) et les encadrements superposés (Lens- Lestang). L’amélioration des moulures continue jusqu’à la fin du XVe et le début du XVIe siècle avec la présence du motif en accolade sur la partie haute de la baie (Jail, Tournelle) ainsi que l’emploi d’une bande moulurée (Larnage). Par ailleurs, l’emploi des moulures croisées se retrouve au XVIe siècle sur la porte de Boutières.

L’approche décorative des fenêtres se modifie tout au long du XVe et jusqu’au XVIe siècle et voit la complexité des moulures augmenter.

7) Fenêtre à demi-croisée

Ces fenêtres datent entre le XVe et le XVIe siècle, elles sont plus tardives que d’autres fenêtres citées ci-dessus (voir tableaux 3.42-3.43, ann 1, p 119-120). La fenêtre la plus 153 ancienne (première moitié du XVe siècle) est la baie du site de Bayard qui est ornée de chanfreins. Trois autres fenêtres ornées chacune de moulures croisées sont datées du milieu du XVe siècle. Le décor donne un effet de raffinement. Puis, la période de la fin du XVe au début du XVIe siècle se remarque par l’existence d’un décor de moulures dans l’encadrement interne des baies (Boutières, Carroz). L’effet esthétique réside dans la délicatesse des moulures. La présence de ces décors révèle une certaine amélioration dans le traitement stylistique des moulures des fenêtres pendant le XVe et jusqu’au début du XVIe siècle. Après avoir présenté les catégories des fenêtres et leur datation relative, il ressort clairement que la forme des fenêtres et leur composition se complexifie au cours de la période étudiée. Si nous regardons l’ensemble de notre corpus de fenêtres, les baies datées du XIIIe- XIVe siècle en particulier les fenêtre avec linteau orné du motif trilobé se remarquent par la structure des baies jumelées. L’agrandissement des baies se retrouve aussi sur les fenêtres à croisée et celles à demi-croisée datées du XVe-XVIe siècle. La forme de ces fenêtres traduit une volonté d’augmenter la luminosité à l’intérieur. Une question émerge sur la suffisance de lumière dans un espace intérieur. Y. Esquieu212 présente la source de lumière dans les maisons médiévales en parlant de l’éclairage naturel et de l’éclairage artificiel. L’auteur explique l’usage des baies jumelles et l’agrandissement de la taille des baies comme des moyens permettant davantage de lumière dans les habitats nobles. Toutefois, ce travail effectué sur les fenêtres reste limité pour plusieurs raisons. La peur du froid constitue la raison principale. A cela s’ajoute des questions de sécurité en cas de multiplication des ouvertures. Enfin, l’intimité est également un facteur pris en compte avec la proximité des voisins. L’emploi d’éclairage artificiel ne semble pas souvent effectif. Le même auteur résume que la disposition de lumière dans les édifices médiévaux était notoirement insuffisante. C’est pour cela que la forme des baies a été transformée, passant d’une petite baie étroite aux baies jumelées et enfin à la fenêtre à croisée disposant de plusieurs compartiments.

C. Analyse stylistique

Nous voulons présenter quelques réflexions pour l’analyse des systèmes décoratifs de l’ensemble des fenêtres étudiées. Nous allons établir des comparaisons systématiques des éléments de notre corpus afin de distinguer différents types des fenêtres et établir la liaison

212 Yves ESQUIEU, « La baie. Ostentation et hiérarchisation dans la demeure médiévale », in Cadre de vie et manières d’habiter (XIIe-XVIe siècle), Publications du CRAHM, Caen, pp. 229‑238. 154 entre ces fenêtres et d’autres types des décors. Puis, nous préciserons l’étude parallèle des caractéristiques des décors et leur datation (la partie de l’évolution stylistique). Ceci peut permettre de mettre en lumière une possible évolution stylistique des décors.

1) Similitude entre les différentes catégories de fenêtres Cette partie est destinée à synthétiser quelques remarques importantes concernant nos fenêtres. Il est bien évident que la fenêtre au linteau plat, la fenêtre à demi-croisée et la fenêtre à croisée possèdent une ressemblance stylistique en ce qui concerne les décors des moulures. Les deux dernières fenêtres sont plus rapprochées avec l’emploi du motif d’accolade (voir tab 3.22-3.23 (ann 1, p 94-95) pour les fenêtres à demi-croisée et tab 3.29-3.30 (ann 1, p 101-102) pour les fenêtres à croisée. Il est ensuite intéressant de connaître le facteur qui permet la similarité des décors sur trois types des fenêtres. La structure du linteau montre la surface plate et aucun relief, ce qui permet de présenter librement le décor mouluré en particulier le croisement des moulures situé dans les écoinçons (voir tab 3.6-3.9, p 78-81 pour les baies au linteau plat, tab 3.24-3.25, p 96-97 pour les fenêtres à demi-croisée et tab 3.31-3.34, p 103- 107 pour les fenêtres à croisée). Le traitement en arc sur les fenêtres avec arc brisé ou celles avec arc trilobé n’autorise pas d’espace pour présenter les mêmes décors que trois dernières fenêtres. Puis, la similitude des décors peut être comparé avec ceux des portes ornées du motif d’accolade (ann 1, tab 2.10, p 25 et 2.13, p 28) et du linteau plat (ann 1, tab 2.24-2.25, p 39- 40). La rencontre des moulures est le type du décor qui se présente sur deux éléments d’ouverture. Nous nous demandons si ce décor est représentatif de décors à l’époque de réalisation. Ensuite, le motif trilobé est le décor qui se trouve uniquement sur le linteau de la fenêtre par rapport au linteau de la porte. Si nous considérons la disposition de cette fenêtre qui peut être en baies jumelées et dotée d’un coussiège à l’intérieur, la structure complexe reflète donc la particularité du décor des fenêtres.

2) Structure de la fenêtre et son décor Comme pour les portes, la structure des fenêtres offre la possibilité de créer un effet décoratif.

2.1) Baies jumelées Les baies jumelées se retrouvent sur les fenêtres au linteau plat, les fenêtres avec arc brisé et surtout sur les fenêtres décorées d’un motif trilobé (ann 1, tab 3.46, p 123). L’emploi du trumeau central autorise à concéder un double compartiment ayant une grande dimension (ann 155

1, tab 3.4, p 76 maison forte du Carre). Toutefois, la double baie a été employée dès le XIIIe siècle sur les fenêtres avec arc brisé et celles décorées d’un motif trilobé, et constitue un héritage de l’Antiquité213. Par ailleurs, la grande structure est souvent dotée d’un coussiège placé à l’intérieur dans l’embrasure des fenêtres (Maison forte de la Frette, Maison forte de Veurey). Elles se trouvent à l’emplacement de la grande salle au 1e étage. Nous pouvons dire que la présence des baies jumelées participe à l’essai esthétique de l’ensemble architectural intérieur.

2.2) Baies supplémentaires

Certaines baies ont été agrandies par l’ajout d’un compartiment supplémentaire (ann 1, tab 3.47, p 124). La partie ajoutée se trouve sur la fenêtre à croisée dans le sens horizontal (Maison forte du Cingle, voir dessin tab 3.1.a, ann 1, p 108) et sur la fenêtre à demi-croisée dans le sens vertical (Château Bayard, voir dessin tab 3.2.a, ann 1, p 109). La dimension de ces baies devient ainsi plus grande.

2.3) Encadrements superposés

L’aspect décoratif se développe avec la présence des encadrements superposés (ann 1, tab 3.45, p 122). Les fenêtres de Lens-Lestang et de la Tour Saint-Cierge (voir dessin tableau 3.3.a, ann 1, p 110) se démarquent chacune par de beaux effets volumétriques et géométriques.

L’embellissement des fenêtres présentées ci-dessus révèle le travail de la structure des baies qui affirme l’effet esthétique de la façade du bâtiment. L’agrandissement de la dimension des baies et la multiplication du nombre d’ouvertures sont liés à la recherche de lumière, idée qui se développe au cours du XIIIe et XIVe siècle214. Le principe structural de l’habitat noble à cette époque se démarque de l’architecture fortifiée datant des siècles précédents avec la demeure aristocratique dont l’aspect d’habitation devient prépondérant. La taille des baies s’agrandie et permet à la lumière de pénétrer à l’intérieur du bâtiment. En outre, la présence des baies jumelées en particulier sur les fenêtres avec arc brisé ou les fenêtres ornées d’un motif trilobé est liée à la disposition des coussièges situés à l’intérieur du bâtiment (par exemple, sites de La Frette et de Veurey). Cet élément architectural (qui sera

213 Dominique LETELLIER et Charlotte OLIVIER, Le décor intérieur dans l’architecture des demeures du XIIe au XXe siècle, Edition Privat, Toulouse, 2001. 214 Ibid. 156

étudié dans la partie suivante) témoigne d’une volonté de confort qui constitue l’un des principes de la résidence seigneuriale de l’époque. Toutefois, il existe certains détails des décors qui se distinguent entre ceux des portes et ceux trouvés sur les fenêtres. Ceci peut être expliqué par la structure des fenêtres qui est liée avec la disposition architecturale à l’intérieur. Nous revenons à la recherche du confort dans un habitat noble ; le besoin de lumière permet de multiplier le nombre des ouvertures ou d’agrandir la taille des baies, ce qui traduit par la présence des baies jumelées et des travées supplémentaires. De ce fait, la structure de la baie dans un espace intérieur devient plus large, ce qui correspond à la recherche du confort permettant la disposition des coussièges. Ces bancs moulurés se situent dans l’embrasure des fenêtres.

3) Le décor des moulures Il est intéressant de présenter le travail et les caractéristiques des moulures. 3.1) Chanfreins

Ce sont des moulures plates et obliques215. Ils s’appliquent à toutes les catégories des fenêtres (ann 1, tab 3.48, p 125). Les fenêtres de Chaleyre et du Cingle sont remarquables par l’emploi de chanfreins accentués sur l’encadrement tandis que les autres fenêtres sont ornées des chanfreins plats.

3.2) Moulures

Après l’étude de chaque type des fenêtres, nous voyons bien la variation des moulures qui se compose de grosses et de petites moulures (ann 1, tab 3.49, p 126). Les grosses moulures (gorge-Maison forte Loras, cordon-Maison forte Chaleyre, bande-Château Serrières) sont généralement destinées à encadrer une ouverture par son emplacement sur les piédroits et sur les linteaux. Le caractère du gonflement permet l’effet de profondeur ou le jeu du volume. Puis, les petites moulures (filet - Maison forte de Boutières, baguette - Maison forte de Commanderie, bandeau - Château de Serrières) se trouvent soulignées ou séparées deux grosses moulures. Leur présence autorise à orner ou à accentuer un aspect décoratif. Nous pouvons dire que les deux types des moulures augmentent un effet ornemental sur l’ensemble d’une baie en montrant un effet volumétrique. La combinaison de grosses et de petites moulures se trouve sur trois fenêtres ; celle au linteau plat - Maison forte du Carre, celle à

215 Evelyne THOMAS, Vocabulaire illustré de l’ornement par le décor de l’architecture et des autres arts, Edition Eyrolles, Paris, 2012. 157 demi-croisée - Maison forte de Boutières et celle à croisée, à demi-croisée (voir dessins tab 3.1.a-3.2.a, ann 1, p 108-109) - Maison forte Tournelle et Maison forte de Jail.

3.3) La rencontre des moulures

L’effet esthétique obtenu de ces moulures est accentué par le croisement des moulures du sens horizontal et vertical (tab 3.53-3.54, ann 1, p 130-131 voir les dessins de trois fenêtres ; celles de Curson et de Demptézieu, tab 3.1.a, p 108 et celle de Verpillière, tab 3.2.a, p 109). Les petites baguettes (Manoir de la Tour) ou les gros cordons (Maison forte de Boutières) se rencontrent en donnant l’effet du mouvement des décors. Par ailleurs, le décor des moulures croisées semble être amélioré en particulier sur les fenêtres au linteau plat (tab 3.54, ann 1, p 131 Maison forte Lens-Lestang) et celles à croisée (tableau 3.53, ann 1, p 130, Maison forte Lens- Lestang). Nous avons déjà parlé de la superposition des encadrements possédant les croisements. Les beaux effets géométriques et volumétriques se manifestent avec cet ornement.

3.4) Les moulures ressemblant à une corniche

Un autre type de décor est constitué d’un bandeau ou d’une bande moulurée situés au niveau supérieur de la baie (tab 3.50, ann 1, p 127 sites de Saint-Cierge et de Lens-Lestang pour une bande moulurée et site de Demptézieu pour un bandeau mouluré). L’effet de profondeur obtenu par les moulures permet de souligner l’aspect décoratif de la baie. Ce décor se retrouve sur presque tous les types de fenêtres sauf celles ayant un arc brisé ou un motif en accolade. En outre, l’extrémité de la bande de certaines fenêtres est décorée de petits motifs sculptés. La baie de la Commanderie montre ainsi un motif végétal sculpté. Le décor des fenêtres de Demptézieu est exceptionnel par la série de petits personnages sculptés. Nous constatons donc que la bande moulurée constitue un autre endroit offrant la possibilité d’admirer un décor riche sur la façade du bâtiment.

3.5) Les motifs moulurés Nous trouvons deux motifs décoratifs sur les linteaux des fenêtres ; le motif en accolade (tableau 3.51, ann 1, p 128) et le motif trilobé (tab 3.52, ann 1, p 129). Le premier motif se retrouve également sur les portes avec des variations importantes (tab 2.3, p 18-2.15, p 30). Le motif trilobé dans les sites étudiés, quant à lui, se trouve uniquement sur le linteau de la 158 fenêtre. Il faut souligner le traitement du motif en accolade qui se constitue de diverses moulures ; le chanfrein plat (Maison forte Montplaisant, voir dessin : tab 3.3.a, p 110), de petites moulures (Maison forte du Carroz, voir dessins : tableau 3.3.a, p 110, Maison forte Tournelle, voir dessin : tableau 3.1.a, p 108 et Maison forte de Jail, voir dessin : tableau 3.2.a, p 109) ou de grosses moulures (Château de Serrières) et même la combinaison des moulures. L’emploi de différentes moulures permet un niveau décoratif plus ou moins important sur l’ensemble des baies. Par ailleurs, ce décor signale l’emprunt du motif décoratif de la porte. Trois baies ornées d’un motif trilobé permettent d’apprécier les différences de ce décor (ann 1, tab 3.52, p 129). Le décor de Jalionas paraît élémentaire tandis que celui du Manoir de la Tour et celui de Veurey présentent des éléments plus recherchés, particulièrement les compartiments bien divisés des trois figures trilobées du Manoir de la Tour. L’ajout d’un motif trilobé permet d’augmenter le degré du décor en offrant de beaux effets géométrique et symétrique. En outre, ce motif ajouré permet de faire pénétrer plus de lumière dans l’espace intérieur de l’édifice, ce qui correspond aux caractéristiques de l’habitation seigneuriale de l’époque216.

3.6) Les motifs sculptés

Ce type de décor est l’une des catégories des décors de fenêtres. Il se compose du motif armorié et d’autres motifs sculptés (ann 1, tab 3.53, p 130). Concernant le motif armorié, la figure du blason représente la famille détentrice qui s’occupe du site. Il se trouve généralement au niveau central du linteau (l’exemple du site de Bayard, dessin : tableau 3.3.a, p 110) sauf la baie de Clérivaux (dessin, tab 3.4.a, ann 1, p 111). Les deux petits écus se situent dans les écoinçons des baies. La présence de ce décor qui se trouve sur la façade, l’endroit où se manifeste la visibilité nous laisse à considérer la volonté des détenteurs. Quant au décor des autres motifs sculptés, les quatre baies montrent les figures différentes. Les fenêtres de Vertrieu et de la Commanderie sont ornées chacune du motif végétal. La baie de Montplaisant montre le motif du visage d’un personnage. Le décor de Demptézieu est particulier avec la série de petits personnages tenant chacun un phylactère.

Le traitement des figures est très délicat. L’existence de ces décors figuratifs permet de souligner un effet ornemental de chaque baie.

216 Dominique LETELLIER et Charlotte OLIVIER, Le décor intérieur dans l’architecture des demeures du XIIe au XXe siècle, op. cit. 159

Nous pouvons conclure que le décor des fenêtres se compose d’abord de la variation des moulures obtenues du traitement délicat, puis le rajout de certains motifs sculptés et enfin la grande structure de certaines fenêtres. Ceci montre la disposition des éléments d’architecture en double. Il est ensuite intéressant d’étudier les caractéristiques des décors parallèlement avec leurs datations afin de mettre en évidence diverses approches décoratives et faire apparaître une éventuelle évolution stylistique au long de notre période d’étude.

D. Évolution stylistique des fenêtres Après avoir parlé des caractéristiques et analysé les styles des fenêtres, nous verrons dans cette partie la chronologie des styles de décors (ann 1, tab 3.54-3.59, p 131-136). Pour ce faire, nous avons divisé la période d’étude par siècle (XIIIe, XIVe, XVe et XVIe siècle). Puis, chaque siècle a été subdivisé en périodes, ce qui permet de mieux cerner la présence de décors particuliers. Le tableau 3.2 (p 74) présente le nombre de fenêtres pour chaque catégorie en focntion des différentes périodes (siècle). Le XIIIe siècle présente des fenêtres avec un linteau décoré d’un motif trilobé (deux baies) et des fenêtres avec arc brisé (une baie). Le XIVe siècle se démarque par la présence de fenêtres avec un linteau décoré d’un motif trilobé (six baies) et par le petit nombre de fenêtres décorées d’un motif en accolade (deux baies). La fenêtre au linteau plat, celle avec arc brisé et celle à croisée existent chacune en une baie. Le XVe siècle se caractérise par l’existence de plusieurs types de fenêtres en grand nombre ; les fenêtres à croisée (quatorze baies), celles à demi-croisée et celles au linteau plat (neuf baies chacune). La fenêtre avec linteau décoré en accolade et celle avec linteau décoré en motif trilobé se retrouvent en une baie. Le XVIe siècle présente peu de fenêtres ; fenêtres au linteau plat (deux baies), celle avec arc segmentaire (une baie), celle avec un linteau décoré en motif trilobé (une baie), celle à demi-croisée (une baie) et celle à croisée (une baie). Pour le XIIIe siècle , il existe seulement trois fenêtres datées de cette période (ann 1, tab 3.54, p 131). Commençons par le milieu du XIIIe siècle avec la fenêtre ornée d’un motif trilobé. La baie de la Tour Brune montre un décor élémentaire. Pour la fin du XIIIe et le début du XIVe siècle, il existe la fenêtre avec arc brisé de la Tour Saint-Cierge et la fenêtre ornée d’un motif trilobé de Veurey. Le décor paraît raffiné avec l’emploi de moulures sur l’encadrement et dans la partie haute de la baie. L’existence des fenêtres correspond au caractère de la baie durant le XIIe et le XIIIe siècle qui se démarquent par un décor simple et le 160 début des baies géminées217. L’emploi de l’arc brisé et du motif trilobé s’explique par les formes simples qui sont basées sur une utilisation primaire de la droite et du cercle218. La baie à arc brisé se retrouve de la fin du XIIe jusqu’à la seconde moitié du XVe siècle, selon J. Mesqui. Le motif trilobé existe parallèlement à l’arc brisé, à partir de la fin du XIIe siècle. Sa forme et la composition se transforment continuellement jusqu’au XIVe siècle. Nous disposons d’exemples de fenêtres datant tout au long du XIVe siècle. La première moitié du siècle se caractérise par des moulures simples qui se trouvent sur l’encadrement des baies. Le décor du chanfrein se présente sur la fenêtre avec arc brisé (Châtelard) et le décor des cordons moulurés sur la fenêtre au linteau plat (Chaleyre). La deuxième moitié du XIVe siècle est caractérisée par la présence de fenêtres ornées du motif trilobé. Le décor connaît une amélioration esthétique au cours de la période jusqu’au début du XVe siècle, comme en témoignent le cadre à chanfrein du site de Clérivaux et de Montchalin, les cadres moulurés des sites de Cingle et de Châtillon et la baie ornée d’un motif armorié du site de Clérivaux. En outre, il existe trois fenêtres n’ayant pas de date précise mais que nous supposons appartenir au XIVe siècle : les baies jumelées ornées du motif trilobé (Veurey) et les baies ornées du motif en accolade (Montplaisant) qui apparaît dans les décors des portes dès le milieu du XIIIe siècle219. Le linteau est décoré de petits motifs sculptés. Nous pouvons conclure que la période du XIVe siècle est la continuité du siècle précédent par l’existence de fenêtres avec arc brisé et celles présentant un motif trilobé. Néanmoins, la présence de deux baies ornées d’un motif d’accolade représente un nouveau motif décoratif. Pour le XVe siècle, nous retrouvons des fenêtres tout au long du siècle et en grand nombre. Pour illustrer, la première moitié du siècle, il existe la baie à demi-croisée du site de Bayard. Elle possède un encadrement à chanfrein. Le milieu du XVe siècle se démarque par la présence de trois types de baies possédant une ressemblance stylistique ; la fenêtre au linteau plat, la fenêtre à demi-croisée et la fenêtre à croisée. Les deux dernières catégories de fenêtres montrent l’évolution de la forme des baies avec les baies jumelées qui se développent durant les XIIIe et XIVe siècles et la fenêtre rectangulaire composée de meneaux au XVe siècle220. C’est une évolution du décor des piédroits avec l’absence de chapiteaux et leur remplacement

217 Dominique LETELLIER et Charlotte OLIVIER, Le décor intérieur dans l’architecture des demeures du XIIe au XXe siècle, Edition Privat, Toulouse, 2001. 218 Jean MESQUI, Châteaux et enceintes de la France médiévale. De la défense à la résidence, Edition Picard, Paris, 1993. 219 Ailfried KOCH, Comment reconnaître les styles en architecture de la Grèce antique au XXe siècle, Edition Solar, Paris, 1989. 220 Dominique LETELLIER et Charlotte OLIVIER, Le décor intérieur dans l’architecture des demeures du XIIe au XXe siècle, op. cit. 161 par les moulures des baguettes prismatiques dans la seconde moitié du XVe siècle221. Ces fenêtres sont toutes décorées de moulures croisées. La structure de la baie autorise la rencontre des moulures horizontales situées sur le linteau et des moulures verticales placées sur les piédroits. De ce fait, la baie à demi-croisée et celle à croisée semblent avoir davantage de croisements par rapport à la baie au linteau plat. Les baies à demi-croisée et à croisée se composent de plusieurs compartiments. En outre, nous pouvons admirer la variation du décor situé sur la baie à croisée. La mouluration peut souligner l’encadrement de la baie (Serrière) ou une bande moulurée permet un effet de profondeur sur la partie haute de la baie (Châtillon, Demptézieu). La deuxième moitié du siècle est caractérisée par le décor des encadrements superposés. La baie au linteau plat et celle à croisée (Lens-Lestang) affirment cet effet esthétique. Enfin, la période charnière de la fin du XVe au début du XVIe siècle est remarquable par l’existence des fenêtres au linteau plat et celles à demi-croisée. Le décor de la baie au linteau plat présente un traitement raffiné des moulures sur l’encadrement des baies (Carre, Loras, Commanderie). Le décor de la baie à demi-croisée se démarque par le motif en accolade ayant des moulures plus ou moins raffinées présenté sur le linteau (Carroz). Ce décor a été aussi employé sur la baie à croisée (Tournelle, Jail).

Il reste quelques fenêtres datant du XVe siècle sans plus de précision. Il s’agit d’une baie ornée du motif en accolade (Vertrieu), celle ornée du motif trilobé (Jalionas) et celles à croisée (Cingle, Larnage). Ces fenêtres sont décorées de moulures simples et d’un décor élémentaire.

Le décor des fenêtres du XVe siècle s’accentue sur les nouvelles catégories qui existent dans cette période, les baies à demi-croisée et les baies à croisée en dehors des baies au linteau plat. La structure de la fenêtre se modifie d’une ouverture en dimension réduite à la baie ayant une grande taille du fait de la recherche de lumière. L’aspect décoratif connaît une amélioration stylistique tout au long du XVe siècle. Le décor des moulures se diversifie des moulures simples employées sur l’encadrement des baies, une bande moulurée qui se trouve au-dessus du linteau comme une corniche jusqu’aux moulures croisées et enfin les encadrements superposés. Nous disposons d’un décor riche pour cette période. Le XVIe siècle se caractérise par la continuité des décors du XVe siècle (ann 1, tab 3.59, p 136). Tous les types de fenêtres (sauf celle avec le motif d’accolade) sont présents et montrent un caractère plus recherché que les baies datées du siècle précédent. Il n’existe pas de distinction stylistique entre le groupe des trois baies datées de la première moitié du siècle

221 Jean MESQUI, Châteaux et enceintes de la France médiévale. De la défense à la résidence, op. cit. 162 et l’autre groupe qui ne possède pas de date précise. Le caractère des moulures montre un travail raffiné et bien proportionné.

Il existe dans les résidences seigneuriales situées dans d’autres régions la présence des fenêtres ornées. La majorité des fenêtres apparues sont les fenêtres à croisée et celles à demi- croisée qui se trouvent largement dans différents sites. Si nous considérons le type de l’habitat noble qui se varie en tours salles (Bourbonnais) ou en manoirs (Anjou) qui se diffère légèrement des maisons fortes et des châteaux, il n’existe pas de distinction stylistique présentée sur les baies et elles datent aux XIVe – XVe siècle. Certaines fenêtres du manoir de Belligan (Anjou) montrent la datation plus tardive, à la fin du XVIe siècle. La stylisation des baies et leur datation sont similaires de la plupart des fenêtres de notre corpus en particulier l’apparition nombreuse des baies au XVe siècle. Puis, l’apparence d’une baie ornée du motif en accolade (trouvée au château de Baugé, Anjou) nous permet de comparer avec l’une des fenêtres de la maison forte du Carroz. Le traitement raffiné des moulures qui se présente dans ces deux baies indique une datation contemporaine, vers le troisième quart du XVe au début du XVIe siècle. Nous voyons que la structure et l’approche décorative des fenêtres révèle une ressemblance stylistique remarquée sur les baies situées dans différents sites en France. Ceci permet de supposer la réalisation des fenêtres sous la même influence stylistique qui conduit au modèle national. En résumé, nous voyons une amélioration des décors au cours des siècles. Au XIIIe siècle, apparaissent les fenêtres avec arc brisé et celles ornées du motif trilobé. Le décor est élémentaire. Le XIVe siècle se démarque par la continuité des décors du XIIIe siècle avec l’existence de deux baies du siècle précédant mais avec des caractères améliorés. Toutefois, si nous retrouvons au XIVe siècle des baies ornées du motif trilobé et celles avec arc brisé, nous voyons apparaître également des fenêtres ornées du motif en accolade et celles au linteau plat. Au XVe siècle se manifeste une transformation stylistique avec les fenêtres à demi-croisée et celles à croisée qui montrent la recherche de plus de lumière. Mais il existe encore les fenêtres au linteau plat avec un décor amélioré. Le XVIe siècle est la période où nous retrouvons tous les types de fenêtres qui possèdent des décors embellis. L’approche décorative des fenêtres est relativement développée pendant les siècles. 163

E. Le décor des fenêtres et l’habitat noble Nous allons évoquer dans cette partie le rapport entre l’aspect des fenêtres et l’approche décorative des sites et essayer de déterminer s’il existe une corrélation ou pas entre ces éléments.

L’étude des fenêtres dans notre corpus montre l’existence de diffétentes types de fenêtres au sein des résidences seigneuriales et qui présentent des caractéristiques semblables ou différentes. Comme avec les portes, nous avons employé le regroupement des sites en tenant compte du nombre et du caractère des décors afin de connaître le niveau de l’aspect décoratif de chaque site. Ensuite, la division des sites selon le niveau de décor nous aide à comparer le décor des fenêtres (voir le regrouprement des sites ; fichier « regroupement des sites »).

Tout d’abord, les fenêtres qui possèdent un petit nombre de décors se situent dans les petits sites ou les sites ayant un ornement élémentaire. Nous les avons trouvées dans le Château Curson (fenêtre à croisée, tab 3.44, ann 1, p 121) et la Maison forte Loras (fenêtre au linteau plat, tab 3.35, ann 1, p 112). Les fenêtres ayant un grand nombre de décors sont dans les sites de grande taille ou ceux possédant un ornement plus recherché. Nous pouvons citer les sites suivants : Maison forte Larnage, Maison forte Bourcieu, Château Châtillon, Maison forte Lens-Lestang, Maison forte Tournelle et Château Serrières (fenêtres à croisée, voir tab 3.44-3.45, ann 1, p 121-122). Pour les fenêtres à demi-croisée, elles se situent dans la Maison forte Carroz, la Maison forte Lens-Lestang et la Maison forte Tournelle (tab 3.42-3.43, ann 1, p 119-120). Pour la fenêtre décorée du motif trilobé, elle se trouve dans le Manoir de la Tour (tab 3.41, ann1, p 118). Quant à la fenêtre ornée du motif en accolade, elle se situe dans la Maison forte Montplaisant (tab 3.39, ann 1, p 116) et la fenêtre au linteau plat à la Maison forte du Carre (tableau 3.33, p 110). Nous pouvons constater que les décors des fenêtres correspondent aux caractères des sites. Toutefois, il existe des facteurs que nous devons prendre en compte avant d’affirmer cette supposition. Il s’agit du goût des détenteurs des sites et du caractère des fenêtres dans la période d’étude. Pour le dernier facteur, nous pouvons préciser les types des fenêtres déjà présentés dans le dernier paragaphe et voir s’ils sont situés dans notre période d’étude. La fenêtres à croisée et celle à demi-croisée apparaissent dès le XVe siècle222. La fenêtre ornée du motif trilobé et la fenêtre au linteau plat datent initialement du XIIIe siècle223 et la fenêtre

222 Dominique LETELLIER et Charlotte OLIVIER, Le décor intérieur dans l’architecture des demeures du XIIe au XXe siècle, op. cit. 223 Jean MESQUI, Châteaux et enceintes de la France médiévale. De la défense à la résidence, op. cit. 164 ornée du motif en accolade est datée du XIVe siècle224. Toutes les catégories montrent les caractères des fenêtres qui existent dans notre période d’étude. Néanmoins, il existe certaines fenêtres dont le décor ne concorde pas avec le caractère des sites. Quelques sites de grande taille ou possédant un nombre de décors recherchés possèdent des fenêtres présentant un décor élémentaire ; par exemple, la Maison forte Chaleyre (fenêtre au linteau plat, voir tableaux 3.35-3.36, ann 1, p 112-113), le Château Montchalin, la Tour Brune, la Maison forte Jalionas, la Maison forte du Cingle (fenêtres ornées du motif trilobé, voir tableaux 3.40-3.41, ann 1, p 117-118) et la Maison forte Vertrieu (fenêtre ornée du motif en accolade, voir tableau 3.39, ann 1, p 116). Nous pouvons aussi remarquer un contraste sur les petits sites dotés de fenêtres présentant un décor plus recherché : Château Bayard, Maison forte de la Tour Saint-Cierge (fenêtres au linteau plat, tableaux 3.36-3.37, ann 1, p 113-114), Maison forte Clérivaux et Maison forte de Veurey (fenêtres ornées du motif trilobé, tableau 3.41, p 118). Par ailleurs, cette divergence entre le caractère des sites et le degré de décor peut être remarqué sur certaines fenêtres possédant un décor riche mais situées dans des sites de taille moyenne : Maison forte Commanderie (fenêtres au linteau plat, voir tableau 3.35, p 112), Maison forte Boutières, Maison forte Gramond, Maison forte de Jail, Maison forte Verpillières (fenêtres à demi-croisée, tableaux 3.42-3.43, p 119-120), Maison forte Boutières, Maison forte Gramond, Maison forte de Jail et Château Demptézieu (fenêtres à croisée, tableaux 3.42-3.43, p 121-120). Cette contradiction entre le décor des fenêtres et le caractère des sites s’explique par le goût plus ou moins spécifique des détenteurs des sites. En outre, il est probable que les propriétaires commandent des fenêtres correspondant au courant artistique de l’époque. Le dernier aspect peut être examiné comme le cas déjà présenté en haut. Ainsi, comme nous l’avons évoqué précédemment, la fenêtre au linteau plat et celle ornée du motif trilobé se retrouvent dès le XIIIè siècle, les fenêtres ornées du motif en accolade au XIVe siècle et les fenêtres à demi- croisée et à croisée se retrouvent à partir du XVe siècle. Nous précisons les types des fenêtres qui montrent le caractère opposé par rapport à celui des sites et vérifions l’existence de ces fenêtres pendant notre période d’étude. Pour la fenêtre au linteau plat, elle existe depuis le XIIIe siècle, la fenêtres à demi-croisée et celle à croisée se retrouvent à partir du XVe siècle.

Les fenêtres constituées d’un décor riche peuvent être trouvées dans des sites de grande taille comme de petite taille ou de taille moyenne. Cela est identique pour les fenêtres possédant un décor élémentaire que nous retrouvons dans les sites de petite taille et de grande

224 Ibid. 165 taille. Le niveau du décor des fenêtres ne dépend pas dans tous les cas du caractère des sites ; le goût esthétique des détenteurs des sites et le courant artistique de l’époque peuvent avoir une impact sur l’approche décorative des fenêtres.

166

En conclusion, La fenêtre tout comme la porte est un élément architctural véritablement important pour l’étude de notre corpus de maisons fortes, c’est pourquoi ces éléments réclament une grande attention. Elle se divise en sept catégories selon la forme du linteau et la structure de la baie. Le premier critère permet de classer les fenêtres en cinq types, comme pour les portes. La fenêtre au linteau plat se démarque par le décor de moulures qui varie du caractère simple à une forme plus recherchée. La fenêtre avec arc brisé, la fenêtre avec arc segmentaire et la fenêtre ornée du motif trilobé se caractérisent chacune par l’emploi de moulures identiques qui donnent un effet volumétrique à l’ensemble d’une baie. Au contraire, la fenêtre ornée du motif en accolade montre un décor simple avec le chanfrein accompagné de motifs sculptés. Ensuite, la structure de la baie autorise à diviser les fenêtres en deux catégories. La fenêtre à croisée se remarque par la composition en quatre compartiments qui suggère une recherche de luminosité. En outre, son approche décorative paraît exceptionnelle avec la diversité des moulures. La fenêtre à demi-croisée et celle à croisée présentent une ressemblance stylistique mais la dimension de la première est moitié moindre que la seconde.

L’aspect décoratif des fenêtres révèle une certaine complexité si nous abordons l’ornement des portes. La structure de la baie est un facteur de variation de l’ouverture. Les caractères des baies jumelées, de la baie supplémentaire et aussi les encadrements superposés témoignent d’un effet esthétique. Puis, le décor des moulures présente une oscillation qui porte sur différentes formes de mouluration. Nous commençons par le travail des chanfreins qui a été employé sur tous les types de baies. Ce traitement crée un effet de profondeur. Ensuite, l’emploi de différents types de moulures montre une ressemblance stylistique avec le décor des portes ; la combinaison de grosses et de petites moulures et la rencontre des moulures horizontales et verticales. Cependant, l’utilisation d’une bande moulurée comme corniche se retrouve uniquement sur les fenêtres. Puis, l’application des motifs moulurés comme le motif en accolade témoigne de l’idée d’ornement des ouvertures de l’époque, ce qui est similaire entre les portes et les fenêtres. Mais le motif trilobé est réservé à l’approche décorative des baies. Enfin, l’emploi de motifs sculptés se présente sur les fenêtres comme sur les portes avec les écus sculptés au niveau central du linteau. Toutefois, certains détails des décors se distinguent entre ceux des portes et ceux des fenêtres. Ceci peut être expliqué par la structure des fenêtres qui est liée avec la disposition architecturale de l’intérieur. Nous revenons à la recherche du confort dans un habitat noble ; le besoin de lumière permet de multiplier le nombre des ouvertures ou d’agrandir la taille des baies, ce qui se traduit par la 167 présence des baies jumelées et des travées supplémentaires. De ce fait, la structure de la baie dans un espace intérieur devient plus large, ce qui correspond à la recherche du confort permettant la disposition des coussièges. Ces bancs moulurés se situent dans l’embrasure des fenêtres.

En outre, l’approche décorative des fenêtres paraît très riche avec l’existence des motifs sculptés à l’extrémité d’une bande moulurée. Le site de Demptézieu nous montre six fenêtres de la tour d’escalier qui s’orne chacune de motifs de personnages situés à l’extrémité d’une bande moulurée, au-dessus du linteau, sur la baie. Nous pouvons conclure que le décor des fenêtres montre une similarité stylistique en comparant avec celui des portes mais l’aspect ornemental des fenêtres paraît plus approfondi par les liens avec la disposition architecturale de l’intérieur.

Les caractéristiques des décors ont évolué tout au long de la période étudiée, mais nombreux sont aussi les éléments qui perdurent et restent constants. Simplicité ou complexité des systèmes décoratifs peuvent-ils être un élément de datation ? Ce n’est pas le cas pour les décors simples et qui, pour notre corpus, sont présents tout au long de la période étudiée.

Si nous réfléchissons sur le décor des fenêtres par rapport à l’ensemble des sites, les fenêtres ayant un décor élémentaire se situent dans les sites de petite taille ou ceux possédant peu de décors. Toutefois, ces fenêtres élémentaires se retrouvent aussi dans de grands sites. Le contraste entre le degré de décor et le caractère des sites se retrouve également pour les fenêtres dotées d’un décor plus recherché ; elles ne se situent pas seulement dans les grands sites mais aussi dans des sites de petite et de moyenne taille. Nous pouvons en conclure que le niveau du décor des fenêtres ne concorde pas toujours avec le caractère des sites.

168

5.2.3 Les coussièges

Les coussièges se situent dans l’embrasure de la fenêtre dans un espace intérieur de l’édifice. Ils servent de place assise auprès de la baie, position qui permet d’utiliser au mieux la lumière naturelle pour différentes activités225. Cette fonction suggère qu’il s’agit d’un élément de confort. En dehors de l’aspect fonctionnel, les coussièges présentent également une approche décorative à travers le travail des moulures. Pourtant, la présence des coussièges à la fenêtre montre qu’ils constituent un type d’élément architectural subordonné. Sa réalisation demeure en effet étroitement liée à la construction des fenêtres. En conséquence, l’étude stylistique que nous présentons ne concerna que la partie des coussièges.

A. Caractéristiques des coussièges Notre corpus comprend un total de vingt-huit coussièges, qui peuvent être divisées en deux catégories (ann 1, tab 4.1, p 139) : les coussièges simples (treize) et les coussièges doubles (quinze).

1) Coussiège simple (voir tab 4.2-4.7, p140-145) Le coussiège simple se compose d’un banc situé à gauche ou à droite de la fenêtre. Son espace semble réduit à la réception d’une seule personne assise. Le coussiège simple accompagne généralement la fenêtre à demi-croisée et la fenêtre au linteau plat, voire la fenêtre dotée d’une seule travée. La mouluration montre un banc à chanfrein et ne présente aucune moulure particulière.

Figure 42 coussiège simple, maison forte Mollard-Rond

2) Coussièges doubles (tab 4.8-4.14, p 146-152)

225 Yves ESQUIEU, « La baie. Ostentation et hiérarchisation dans la demeure médiévale », in Cadre de vie et manières d’habiter (XIIe-XVIe siècle), Publications du CRAHM., Caen, pp. 229-238 169

Les coussièges doubles sont constitués de deux bancs moulurés dans un espace approprié pour plus d’une personne assise. Ce sont les fenêtres à croisée qui sont majoritairement dotées de ce type de coussièges (ann 1, tab 4.8, p 146), suivies de celles au linteau plat, celles avec arc brisé et celles ornées du motif trilobé226. L’existence de coussièges sur différents types de baies démontre leur datation contemporaine avec celle des fenêtres. Par conséquent, la datation des coussièges doubles se situe depuis le XIIIe siècle (baies avec arc brisé - Maison forte de La Frette datant du XIIIe siècle) et dure jusqu’au XVe siècle (baies ornées du motif trilobé – Maison forte de Veurey et plusieurs baies à croisée datant de la même période). Concernant l’aspect du décor, les coussièges doubles ne présentent que le travail des chanfreins et aucune moulure particulière.

Figure 43 coussiège double, maison forte de Boutières

B. Analyse stylistique Tout d’abord, l’analyse porte sur la distinction des deux types des coussièges. Ils diffèrent par le nombre de bancs, l’espace alentour et la catégorie de fenêtres auxquelles les coussièges se rattachent. De plus, nous avons remarqué que la dimension des fenêtres est un facteur déterminant pour le choix entre un banc simple ou des bancs doubles. Ensuite, la structure des coussièges existant dans l’épaisseur du mur permet un emplacement isolé du reste de la pièce. Certains coussièges accentuent cet effet en disposant d’un sol surélevé (ann 1, tab 4.15, p 153). Nous pouvons le constater sur plusieurs sites (Maison forte des Loives et Maison forte du Mollard-Ronde ; ann 1, tab 4.3, p 141, Maison forte Montagnieu ; tab 4.4 A-1 ; p 142 et tab 4.10, A-1, p 148 et Maison forte Montplaisant ; tab 4.13 A-1, p 151).

226 Les fenêtres se situent sur la tour de la Maison forte de Veurey. Nous ne pouvons la visiter en raison du faible état de conservation du site. La documentation du site indique l’existence de coussièges auprès des baies jumelées 170

Quant à l’approche décorative, nous n’avons pas découvert de moulures particulières comme les filets moulurés sur les coussièges. Ceux-ci sont ornés d’une moulure simple (chanfrein) qui est taillée dans une forme géométrique. Ceci suggère un ou des bancs répondant à un premier usage utilitaire qui est celui de s’asseoir. Même si l’aspect décoratif des coussièges paraît limité par rapport à d’autres éléments architecturaux, deux remarques doivent être évoquées. La première concerne la présence des coussièges doubles. Celle-ci peut révéler l’importance de la pièce, en particulier s’ils accompagnent les fenêtres à croisée situées au 1er étage. Leur emplacement identifie donc la grande salle (aula). Les sites concernés sont : la Maison forte ferme des Dames (ann 1, tab 4.6 A-1, p 144), Maison forte de Tournelle et Maison forte de Boutières (ann 1, tab 4.8, p 146), Maison forte de La Frette et Château de Serrières (ann1, tab 4.9, p 147), Maison forte Montagnieu (ann 1, tab 4.10, p 148), Maison forte Chaleyre (ann 1, tab 4.11, p 149), Maison forte Hauterives (ann 1, tab 4.12, p 150) et Maison forte Montplaisant (ann 1, tab 4.13, p 151). Nous pouvons en conclure que le coussiège fait partie de la structure intégrale de la fenêtre. Il se distingue par son usage utilitaire, qui est celui de s’asseoir, plutôt que par une volonté de démontrer une approche décorative. Pourtant, son existence permet de déterminer l’importance de la pièce en constituant l’un des éléments de confort.

En résumé, le coussiège est un élément particulier en raison de son caractère d’attachement avec les fenêtres. Il s’intègre dans l’épaisseur de mur dans un espace intérieur du logis seigneurial. La structure combinée d’une ouverture et d’un banc mouluré démontre la nécessité de bénéficier de la lumière venant de l’extérieur. La mouluration des bancs paraît élémentaire, mais la disposition dans l’ensemble avec les fenêtres révèle un effet esthétique, voire une symétrie, en particulier avec les coussièges doubles. Le coussiège simple et les coussièges doubles se distinguent par le nombre de bancs, en particulier pour les coussièges doubles. Ceux-ci accompagnent souvent les grandes baies et surtout les fenêtres à croisée. Le coussiège simple se retrouve dans la plupart du temps dans la partie basse de la baie simple. La disposition des coussièges en parallèle avec les fenêtres peut indiquer l’importance de la salle et augmenter le degré d’approche esthétique du site.

171

5.2.4 Les éléments défensifs (tourelle, échauguette, bretèche)

Ce type d’élément constitue une autre catégorie d’élément architectural présentant un aspect décoratif, comme les éléments d’ouverture mentionnés précédemment (porte et fenêtre). Pourtant, la distinction entre l’élément d’ouverture et l’élément défensif, en ce qui concerne sa structure et sa fonction permet de concevoir une approche décorative différente. E.Sirot explique que la disposition des tourelles et des échauguettes permet le flanquement à l’angle du logis, ce qui embellit les façades sur le plan architectural227. Les caractéristiques des éléments défensifs donnent lieu à une division en deux parties : la première concerne la défense verticale qui se subdivise en tourelle en surplomb, échauguette et bretèche. La seconde présente les éléments de tir comprenant archère, canonnière et archère-canonnière. Commençons par la défense verticale et abordons ensuite les éléments de tir.

A. Caractéristiques des éléments défensifs et leur emplacement en hauteur

Ces trois types d’éléments architecturaux228 se composent chacun d’une structure en saillie en hauteur du mur, sur le corps de logis ou sur la tour, et reposant sur des supports différents. En effet, la tourelle et la plupart des échauguettes reposent sur un cul-de-lampe (voir images agrandies de la tourelle de Vertrieu ; tab 5.4, A-2, p 157 et celles de l’échauguette de Serrières ; tab 5.8, A-1, p 161), tandis que la bretèche et certaines échauguettes s’appuient sur des consoles (voir images agrandies de la bretèche de Serrières, tab 5.10, p 163). Ces éléments de support attirent notre attention par la présence de moulures et de décors sculptés.

L’emplacement de ces trois éléments défensifs diffère également selon leur type. Cette distinction peut être reliée à la fonction de chaque élément.

1) Tourelle en surplomb

Cet élément se distingue de l’échauguette et de la bretèche par la disposition en son sein d’un escalier à vis. Cet escalier dessert le passage entre deux lieux, généralement entre la tour d’escalier et le corps de logis (les tourelles de Montagnieu ; tab 5.3, A-1, p 156 et du Manoir

227 Elisabeth SIROT, Noble et forte maison: l’habitat seigneurial dans les campagnes médiévales, Edition A & J Picard, 2007 228 Nous réalisons ici une étude complète comprenant à la fois trois éléments défensifs : la tourelle en surplomb, l’échauguette et la bretèche, car elles possèdent les mêmes décors, ainsi qu’une structure similaire 172 de la Tour ; tab 5.4, A-1, p 157). La tourelle fournit également un passage entre deux corps de logis (la tourelle de Montplaisant ; tab 5.3, A-2, p 156). La majorité des tourelles de notre corpus se présente de manière indépendante, à l’angle du bâtiment (les tourelles de Vertrieu ; tab 5.4, A-2, p 157 ou figure 44, la tourelle de Jalionas ; tab 5.5, p 158 ou figure 45, celle de Verpillière (ann 1, tab 5.5, p 158) ou celle de Mépieu (ann 1, tab 5.6, p 159). La tourelle est oblongue, sa base se situe majoritairement à partir de 2e étage, le corps est parallèle au bâtiment et le sommet se situe au niveau de la toiture (ou dépasse la toiture comme pour la tourelle de Jalionas, ann 1, tab 5.5, p 158).

Figure 44 La tourelle de la maison forte Vertrieu

Figure 45 La tourelle de la maison forte Jalionas

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Figure 46 La tourelle de la maison forte Larnage

Ce qui attire notre attention est l’emplacement de la tourelle, qui diffère selon la disposition du bâtiment. Trois des sept tourelles se présentent à la jonction de deux édifices (voir tab 5.7, ann 1, p 160 ou fig 46 pour le site de la maison forte de Larnage) ou sont à l’angle du bâtiment (voir tableau 5.4 pour le site de Vertrieu et fig 44). Cette distinction soulève un intérêt sur sa fonction, celle-ci pouvant différer de la fonction de transition entre deux espaces, c’est-à-dire d’intermédiaire entre la tour et le logis. Par ailleurs, la position de la tourelle, soit sur le côté, soit à l’angle du bâtiment, nous fait penser à la disposition de la tour (première partie du chapitre 5) ; la position à l’angle du bâtiment offre une visibilité sur deux côtés du bâtiment à la fois. Cette propriété permet d’identifier la tourelle comme un lieu d’observation.

2) Echauguette

L’échauguette possède un corps de structure beaucoup plus court que celui de la tourelle. De même, elle ne possède pas d’escalier à vis. Son emplacement se situe au niveau de la toiture, à l’angle du bâtiment comme certaines tourelles (fig 47 ou le tableau 5.8, p 161). Cette position suggère une fonction d’observation des alentours.

Figure 47 L’échauguette du château Montchalin 174

3) Bretèche

Le corps de la bretèche semble plus évolué que ceux de la tourelle et de l’échauguette. Il s’agit d’un édicule de plan souvent quadrangulaire, reposant sur des consoles à ressauts. Comme l’échauguette, elle se situe au niveau de la toiture, sur le mur du corps de logis (tableau 5.9, A-2, p 162 ou fig 48), sur le mur de la tour (tableau 5.9, A-1, p 162) ou sur la courtine (tableau 5.10, p 163). Si nous précisons la position de bretèche en étudiant l’ensemble de l’édifice, elle se trouve au-dessus de la porte d’entrée de la tour (tableau 5.9, A- 1, p 162) et de la porte d’entrée du logis (tableau 5.9, A-2, p 162). Cette position permet la mise en œuvre d’une stratégie du combat selon laquelle les combattants peuvent attaquer leurs adversaires en restant cachés dans un édicule en hauteur. Les archers peuvent donc viser ceux qui passent devant les portes d’entrée.

Figure 48 La bretèche du château Montchalin Nous pouvons constater que ces trois éléments défensifs se distinguent par leur forme et par leur fonction. La tourelle et l’échauguette sont similaires avec leur fonction d’observation, tandis que la tourelle sert également de passage transitoire entre deux espaces. La fonction de la bretèche diffère des deux premiers éléments par sa position stratégique qui permet des assauts directs sur des ennemis. L’emplacement en hauteur des trois éléments est lié à leur fonction de défense.

B. Datation des éléments défensifs

Il est d’abord important de préciser que les informations relatives à la datation ont été obtenues par des suppositions pour la majorité des décors, comme pour le corpus des portes et des fenêtres. Nous avons employé la datation relative ; il s’agit d’une observation sur l’état des bâtiments précisant l’emplacement où se trouvent les éléments architecturaux. L’évolution portée sur les appareils des pierres et sur les murs permet de suggérer l’évolution 175 des éléments architecturaux et la date relative de leur architecture. Par ailleurs, la présentation des décors sur les cheminées peut être étudiée de façon comparative avec la forme et le caractère d’autres cheminées déjà renseignées. Ces éléments aident à préciser la date de nos cheminées étudiées sur une large période.

Tout d’abord, étudions la tourelle en surplomb (tab 5.3-5.7, p 156-160). Si nous précisons le caractère de la base des tourelles, nous pouvons distinguer quatre types de base : le premier concerne la tourelle à base de grosses moulures taillées qui datent du XIIIe au XVe siècle. Ce décor de la tourelle se présente dans les sites de Vertrieu (ann 1 ; tab 5.4, A-2, p 157) et de Montagnieu (ann 1 ; tab 5.3, A-1, p 156). L’autre type de tourelle concerne une base en pierres taillées datant de la fin du XIIIe jusqu’au début du XVIe siècle. Cet ornement se retrouve sur les sites de Montplaisant (ann 1 ; tab 5.3, A-2, p 156), de Larnage (ann 1 ; tab 5.7, p 160), de Mépieu (ann 1 ; tab 5.6, p 159) et du Manoir de la Tour (ann 1 ; tab 5.4, A-1, p 157). En outre, il existe une tourelle ayant la base ornée de moulures plus recherchées (le quart de rond) qui date entre le XVe et le XVIe siècle. Le site possédant ce décor est celui de Verpillière (ann 1 ; tab 5.5, A-2, p 158). Enfin, la tourelle peut être décorée du motif figuratif comme le site de Jalionas nous le montre (ann 1 ; tab 5.5, A-1, p 158). Elle date de la seconde moitié du XVe siècle.

Concernant l’échauguette (ann 1 ; tab 5.8, p 161), deux possèdent chacune le caractère de la base similaire à celui de la tourelle, c’est-à-dire la base à grosses moulures taillées (Montchalin) datant probablement du XIVe siècle et la base en pierres taillées (Serrières) datant du XVe siècle. Quant à la bretèche (ann 1 ; tab 5.9-5.10, p 162-163), elle comprend deux types de base : le premier concerne la forme plus recherchée en quart de rond, comme pour la tourelle. Il se trouve sur l’une de trois bretèches situées sur le site de Serrières avec pour date probable le XVe siècle. Deux bretèches de Montchalin et deux autres bretèches de Serrières disposent chacune d’une bretèche à la base d’une forme recherchée de réglet mouluré. Les bretèches de Montchalin datent entre le XIVe et la fin du XVe siècle, tandis que celles de Serrières datent probablement du XVe siècle. Les bretèches trouvées dans deux sites démontrent une certaine amélioration du décor mouluré au cours des siècles, ce qui paraît un peu plus tardif au regard de la période où la bretèche se généralise, au XIIIe siècle.

La datation de ces décors moulurés de trois éléments s’échelonne sur une période longue : le quart de rond (entre le XVe et le XVIe siècle) et le réglet mouluré (entre XIVe et XVe siècle). 176

J.Mesqui229 parle d’une période où le quart de rond existait en grand nombre au XVe siècle. Nous pouvons affirmer que le premier type (décor élémentaire de grosses moulures et de pierres taillées) et le second (décor en quart-de-rond et en réglets) demeurent contemporains entre le XIVe et le XVIe siècle, mais le premier a existé antérieurement depuis la fin du XIIIe siècle.

Par ailleurs, il faut s’intéresser aux tourelles qui possèdent chacune une base ornée du motif sculpté : le site de Jalionas (motif trilobé) ; les sites de Montagnieu et de Mépieu (motif de personnage). J.Mesqui230 indique l’emploi du motif trilobé sur le mâchicoulis, qui est un élément défensif. Ce motif existait à la fin du XIVe siècle. Les figures trilobées et les figures de personnage sont toutes datées du XVe siècle, selon la documentation des sites.

C. Analyse stylistique

Comme nous l’avons présenté en début de partie, nous allons aborder en détail les décors présents sur les éléments de support en suivant la datation chronologique. Selon leurs caractéristiques, les décors peuvent se diviser en deux catégories.

1) Décor des moulures

Ce type de décor se présente sur le cul-de-lampe de la tourelle et celui de l’échauguette, ainsi que sur les consoles de la bretèche. L’intérêt du décor se précise sur le profilage des moulures. Dans notre corpus, il existe deux types de profils. Le premier concerne les moulures élémentaires, composées de grosses moulures taillées (assises des tores) qui soutiennent la base de la tourelle (voir les tableaux ann 1 ; 5.3, A-1, p 156 et 5.4, A-2 ; p 157 et voir les dessins tab 5.1.a, p 164 pour le site de Vertrieu) et la base de l’échauguette (voir ann 1 ; tab 5.8, A-2, p 161). De plus, le type de moulure élémentaire se compose également de pierres taillées (assises des bandeaux) qui supportent la base de la tourelle (voir ann 1, tab 5.3 ; (A-2), p 156, 5.4 ; (A-1), p 157, 5.6 et 5.7 ; p 159-160 et voir le dessin tableau 5.1.a, p 164 pour le site de Montagnieu) et de l’échauguette. Concernant le type d’architecture (la tourelle ou l’échauguette) et leur emplacement (à la jonction de deux espaces ou à l’angle du bâtiment), il n’existe pas de distinction de décor entre ces éléments. Pourtant, le décor des bandeaux moulurés semble plus soigné que le décor

229 Jean MESQUI, Châteaux et enceintes de la France médiévale. De la défense à la résidence, Edition Picard, Paris, 1993 230 Ibid. 177 des tores. La tourelle du site de Larnage (ann 1, tab 5.7, p 160 et tab 5.1.a, p 164 pour le dessin) atteste cette remarque en présentant la succession de trois arrangements de moulures. Ceci démontre l’emploi de moulures particulières qui manifeste une approche décorative sur un élément défensif.

Le second type de décor présente des moulures de forme plus recherchée. Elles décorent les consoles qui servent de base à la tourelle en surplomb (voir ann 1 ; tab 5.5, A-2, p 158) et particulièrement à la bretèche (ann 1 ; tab 5.9, A-1, A-2, p 162). L’intérêt du décor réside dans le profilage des moulures qui se divise en quart-de-rond et en réglets moulurés231. Le quart de rond est constitué de pierres saillantes et superposées (ann 1, tab 5.10, A-1 et A-3, p 163 et tab 5.1.a, p 164 pour le dessin), comme le réglet mouluré (ann 1, tab 5.9, p 162). C’est le décor du réglet qui ressemble au quart-de-rond arrangé en ressauts, mais dans une forme rectangulaire.

2) Décors figuratifs Ce type de décor est beaucoup moins présent sur les sites étudiés, mais démontre éventuellement une approche décorative particulière. Tout d’abord, commençons par le décor simple avec le motif géométrique ajouré de la Maison forte Jalionas (voir ann 1, tab 5.5, A-1, p 158 et tab 5.1.a, p 164 pour le dessin). Ce motif trilobé se présente sur la base de la tourelle de façon alternée avec les consoles à ressauts. Intéressons-nous ensuite au décor de sculpture. Deux sites comprennent le motif de personnage sculpté. Tout d’abord, à la maison forte Montagnieu (ann 1, tab 5.3, A-1, p 156), à côté de la tourelle ornée des tores, se présente la figure sculptée d’un personnage en torse. Le traitement du visage est assez raffiné : le personnage exprime son inquiétude à travers ses traits. De même, le site de Mépieu possède une tourelle ornée de bandeaux moulurés. (ann 1, tab 5.6, p 159). L’intérêt se précise sur le cul-de-lampe qui a été sculpté en une main tenant la base de la tourelle.

Les décors figuratifs permettent de fournir un intérêt dans l’approche décorative, en dehors du décor des moulures. La figure de la main fait penser sans doute à un élément symbolique. La figure du torse de personnage semble être particulière car la plupart des décors sculptés sur la façade présente des figures de bestiaires. Le motif de personnage est

231 Les réglets moulurés se composent de petites moulures rectangulaires ressemblant aux marches d’un escalier 178 souvent utilisé dans les espaces intérieurs, en particulier sur les culots qui supportent la retombée de la voûte. Nous en parlerons dans la partie relative au décor sculpté.

D. Evolution stylistique des éléments de défense

Après avoir étudié l’aspect décoratif de nos trois éléments, leur datation232 nous permet ensuite de situer le décor de chaque élément sur une ligne chronologique, afin de constater une évolution stylistique de l’ensemble des décors. Avant de présenter cette partie, il est important d’expliquer comment nous traitons les informations relatives à la datation. En premier lieu, l’information recueillie pendant la prospection archéologique nous intéresse prioritairement avec des éléments initiaux. Par ailleurs, nous employons la méthode de la datation relative, qui vise à supposer la datation approximative d’éléments qui en sont dépourvus. Afin de soumettre une datation, nous devons posséder des éléments disposant d’une datation confirmée servant de piste de comparaison avec les éléments sans date. Nous prenons en compte la ressemblance stylistique, c’est-à-dire la forme et les caractéristiques des deux éléments, afin de proposer une datation approximative. Puis, nous employons l’une des méthodes de l’archéologie du bâti (l’observation des appareils et des matériaux du bâtiment) permettant d’indiquer la construction antérieure ou postérieure des parties intéressées. Cette pratique aide à supposer des dates rapprochées. En outre, la documentation des sites, en particulier leur historique et la famille détentrice, permettent d’encadrer la chronologie du site et la période de réalisation des décors. Toutes ces méthodes permettent de présenter une datation des décors de manière correcte et compréhensible. Le tableau 5.2 (ann 1, p 155) présente la datation des éléments de défense par catégories. Nous pouvons constater que l’apparition des tourelles (neuf) se retrouve davantage que les échauguettes et bretèches et se répartit tout au long de notre période d’étude. L’échauguette est présente en petit nombre (deux) et datent entre le XIVe et le XVe siècle, tandis que la bretèche se retrouve dans un certain nombre (cinq), mais uniquement au XVe siècle. Ensuite, nous parlerons des décors dont les caractéristiques se présentent tout au long de notre période étudiée. Tout d’abord, commençons par le XIIIe siècle où le décor de tore mouluré se retrouve sur la tourelle du site de Vertrieu (ann 1, tab 5.4, A-2, p 157). La moulure est élémentaire mais raffinée. A la fin du XIIIe ou au début du XIVe siècle, cette époque se caractérise par la continuation du tore mouluré (voir l’échauguette ann 1, tab 5.8, A-2, p 161)

232 La datation des décors est présentée dans les tableaux des éléments décorés dans le volume 2

179 et la présence de bandeaux moulurés (voir la tourelle ann 1, tab 5.3, A-2, p 156). Le dernier décor présente une forme de moulure plus soignée, avec l’arrangement net des pierres. De plus, le XVe siècle se démarque par l’amélioration des décors. Le décor de tore moulurée et de bandeaux moulurés existe encore mais l’approche décorative est complétée par le rajout des sculptures. (tourelles tab 5.3, A-1, p 156 et 5.4, A-1, p 157). En outre, il existe un décor composé des motifs figuratifs sur la base de la tourelle (ann 1, tab 5.5, A-1, p 158). Enfin, la période charnière entre le XVe et le XVIe siècle se superpose à la période du XVe siècle mais comprend le début du XVIe siècle. Elle démontre l’amélioration du décor mouluré. La base de la tourelle de Verpillières (ann 1, tab 5.5, A-2, p 158) et la base de la bretèche de Serrières (ann 1, tab 5.10, p 163) présentent des consoles composées de pierres saillantes en quart-de-rond. Ce décor possède un travail de moulure raffinée et améliorée. Ce type de décor s’accompagne de petits réglets moulurés qui ornent la base de la bretèche (ann 1, tab 5.10, A- 3, p 163, tab 5.9, p 162). Par ailleurs, le début du XVIe siècle poursuit le développement du décor. La base de la tourelle de Larnage (ann 1, tab 5.7, p 160) se caractérise par trois registres de pierres moulurées.

Ces trois éléments défensifs, la tourelle en surplomb, l’échauguette et la bretèche peuvent se retrouver dans des résidences seigneuriales situées en dehors de notre zone d’étude. Dans une région lointaine, comme les Pays-de-la-Loire, la tourelle est présente au Château de Baugé (restauré pendant le troisième quart du XVe siècle) et le Manoir de Chanzé (milieu du XVe siècle mais remanié au XVIIIe siècle). Le décor des moulures paraît plus soigné que le décor des tourelles de notre corpus, mais la structure de la tourelle est similaire. Par ailleurs, l’aspect décoratif des bretèches sur les sites en Vivarais ne se distingue pas de celui de nos bretèches. Par conséquent, nous pouvons conclure que ce modèle a été employé dans tous ces territoires. Nous pouvons en conclure que le XIIIe et le XIVe siècle se caractérisent par la moulure simple, en tore moulurée et en bandeaux moulurés. Le XVe siècle se distingue par l’amélioration des moulures avec le développement du motif figuratif et par le rajout de la sculpture. Enfin, le XVIe siècle offre des moulures améliorées par le biais d’une organisation en plusieurs registres, ainsi que par le raffinement du quart de rond sur le profilage de la moulure. 180

E. Le décor des éléments de défense et l’habitat noble

Comme pour les portes et les fenêres, nous présenterons le rapport entre l’aspect des éléments de défense et l’approche décorative des sites et tenter de déterminer s’il existe une corrélation entre ces éléments.

L’étude des éléments de défense de notre corpus montre l’existence de trois grandes catégories d’éléments au sein des résidences seigneuriales et qui présentent des caractéristiques semblables ou distinctes. Comme avec les portes et les fenêtres, nous avons utilisé le regroupement des sites en tenant compte du nombre et du caractère des décors afin de connaître le niveau de l’aspect décoratif de chaque site. Ensuite, la division des sites selon le niveau de décor nous aide à comparer le décor des éléments de défense. Toutefois, neuf des dix sites qui possèdent des éléments de défense sont classés dans le groupe ayant un nombre important de décors : maison forte Montagnieu (tab 5.3, A-1, p 156), maison forte Montplaisant (tab 5.3, A-2, p 156), manoir de la Tour (tab 5.4, A-1, p 157), maison forte Vertrieu (tab 5.4, A-2, p 157), maison forte de Jalionas (tab 5.5, A-1, p 158), château de Mépieu (tab 5.6, p 159), maison forte de Larnage (tab 5.7, p 160), château de Serrières et château Montchalin (tab 5.8, p 161). La maison forte de Verpillière (tab 5.5, A-2, p 158) est le seul site classé dans le groupe possédant un nombre moyen de décors. Il semble être difficile de comparer l’aspect des éléments de défense entre les groupes dotés de niveaux différents de décors. Le caractère de nos éléments de défense permet de conclure qu’ils se situent a priori dans les grands sites ou les sites importants, plus que sur les sites modestes. Cela peut être expliqué par la fonction de chaque élément : la tourelle servant de passage transitoire entre deux édifices et aussi de poste de surveillance peut être moins nécessaire dans les sites constitués chacun d’un corps de logis. L’échauguette et la bretèche qui sont qualifiées par leur aspect défensif ne se retrouvent pas dans les sites de taille moyenne (à l’exception du site de Verpillière) ou de petite taille dans notre corpus. Il paraît que ces deux éléments se présentent dans les grands sites. Néanmoins, nous pouvons remarquer la distinction de décors classés dans le même groupe. L’emploi des moulures élémentaires se présente sur la tourelle (les sites de Montagnieu, Vertrieu, Montplaisant et Manoir de la Tour) et sur l’échauguette (Montchalin, Serrières). Les moulures plus recherchées se retrouvent également sur ces deux éléments mais aussi sur la bretèche. Le site de Larnage se démarque par l’arrangement de moulures complexes. Certains sites, comme la Maison forte Montagnieu et le Château Mépieu sont dotés chacun d’une figure de personnage sculpté située sur la base de la tourelle. La 181 possession de différents décors est liée au goût de détenteurs et probablement au courant artistique de l’époque. L’ornement en motif géométrique, en particulier le motif trilobé et le motif en accolade, se trouve de temps en temps sur le décor mouluré des éléments de défense. J.Mesqui233 parle de ces décors qui se diffusaient au cours du XVe siècle.

En résumé, les éléments de défense, la tourelle en surplomb, l’échauguette et la bretèche présentent un aspect décoratif à travers le caractère de la base et l’emploi de différentes moulures. La tourelle montre une diversification de décors par l’emploi de moulures élémentaires (tores et bandeaux moulurés), qui se retrouve également sur l’échauguette. Puis, le traitement de moulures plus recherchées (le quart de ronde et le réglet) s’applique à la tourelle et plus particulièrement à la bretèche. Par ailleurs, le décor d’un motif ou d’une figure sculptée se présente uniquement sur la tourelle. La partie de l’évolution stylistique démontre l’amélioration de la forme et celle d’éléments décoratifs qui apparaissaient au cours de la période étudiée, du XIIIe au XVIe siècle. L’organisation du décor devient plus complexe, mais le traitement est plus raffiné sur les tourelles, échauguettes et bretèches à partir du XVe siècle. Cet effet esthétique est bien souligné sur les décors du XVIe siècle.

La relation entre l’aspect des éléments de défense et l’approche décorative des sites se résume par l’existence d’éléments décorés dans les grands sites ou ceux possédant un grand nombre ou un certain nombre de décors. De plus, les caractéristiques des décors se composent de décors élémentaires et de décors plus recherchés.

233 Jean MESQUI, Châteaux et enceintes de la France médiévale dela défense à la résidence, Edition Picard, Paris, 1993 182

5.2.5 Les meurtrières

Les meurtrières sont catégorisées comme un autre type d’élément défensif du type de l’élément de tir, en dehors de l’élément défensif du type vertical. Néanmoins, il est nécessaire de considérer l’approche décorative de cet élément afin de comprendre les éventuelles autres fonctions des meurtrières. En premier lieu, nous devons signaler que le corpus des meurtrières est restreint. Dans les différents sites visités, nous avons observé des meurtrières, mais nous n’avons collecté d’informations que sur celles présentant une approche décorative intéressante (présence de moulures et d’éléments figuratifs, par exemple).

A. Caractéristiques des meurtrières

Le tableau 6.1 (ann 1, p 175) présente le corpus des meurtrières qui se divisent en trois catégories : les archères (huit), les canonnières (deux) et les archères canonnières (douze).

1) Archères

Ce type de meurtrière correspond à un certain nombre de décors dans notre corpus. Les archères sont des ouvertures pratiquées dans les murailles qui permettent aux défenseurs placés derrière de tirer des flèches sur l’assaillant, en prenant des risques limités234. Une archère est constituée d’une étroite fente verticale. Les tableaux 6.3 (ann 1, p 177) ou la figure 49 et 6.4 (ann 1, p 178) présentent les figures d’archères cruciformes composées d’une fente verticale et d’une autre transversale. La position perpendiculaire de cette dernière permet d’améliorer la vision du tireur.

Figure 49 L’archère de la maison forte de Chaleyre

234 André CHATELAIN, Châteaux forts : Images de pierre des guerres médiévales, Rempart., Paris, 1995 183

Il faut noter également que la fente transversale peut se situer au milieu de l’archère (tab 6.3, ann 1, p 177 et 6.4, A-3, p 178) ou à son extrémité (tab 6.4, A-1, p 178 ou fig 50).

Figure 50 L’archère de la maison forte Vertrieu

2) Canonnière

Cet élément défensif ressemble à la meurtrière, mais permet de lancer des boulets de canon sur l’assaillant au lieu de flèches. Nous n’avons pu étudier qu’un petit nombre de canonnières. Le tableau 6.10 (ann 1, p 184) en présente deux dont la première se démarque par l’effet de profondeur des pierres taillées. La seconde est exceptionnellement ornée d’une figure animalière fantastique (fig 51 ou tab 6.10, A-2, p 184). Elle anime cette ouverture par des détails soignés de dents pointus et par l’action de bouche ouverte du bestiaire. Nous nous demandons s’il existe une correspondance entre le thème du motif décoratif et la fonction utilitaire de la canonnière.

Figure 51 La canonnière du château Mépieu

184

3) Archère canonnière

Les archères canonnières sont le fruit de l’adaptation d’une archère. Le tableau 6.5 (ann 1, p 179) montre deux figures composées chacune d’un élément de tir mixte : une fente étroite verticale associée à un orifice de tir à l’extrémité. Cet élément sert à la fois pour tirer des flèches et des boulets de canon. Nous remarquons un effet de profondeur autour des fentes. Elles présentent une datation probable au XVe siècle (A-1) ou au XVIe siècle (A-2).

Figure 52 L’archère-canonnière de la maison forte du Carroz

De plus, les archères canonnières peuvent être dotées chacune d’un croisillon, comme le tableau 6.6 (ann 1, p 180) ou fig 53 nous le démontre. Les deux archères possèdent au milieu des fentes transverses. En outre, nous avons observé que l’une de deux archères est dissociée de sa fente. Ce type des meurtrières est dit en point d’exclamation, selon P.Durand235. Nous observons un effet de profondeur autour des meurtrières. Elles datent entre le XIVe et le XVe siècle.

Figure 53 L’archère-canonnière de la maison forte du Carre

235 Philippe DURAND, Petit vocabulaire du château du Moyen-Age, Edition Confluences, Mercuès, 2009 185

L’aspect décoratif de ce type de meurtrière s’améliore au cours du temps et nous l’observons visiblement sur le site de Boutières (tab 6.7, ann 1, p 181). Les archères se composent chacune d’une fente verticale, associée à son extrémité d’un orifice rond. Un autre orifice se retrouve au milieu de la fente, donnant à l’ensemble une forme de serrure renversée (fig 54).

Figure 54 L’archère-canonnière de la maison forte de Boutières

Il existe dans la maison forte Loras ce type de meurtrière possédant une approche décorative remarquable (tab 6.8, ann 1, p 182 ou fig 55). De variants motifs géométriques ornent dans les alentours de la fente.

Figure 55 L’archère-canonnière de la maison forte Loras

B. Datation des meurtrières

Il est tout d’abord important de préciser que les informations relatives à la datation ont été obtenues à l’aide de suppositions pour la majorité des décors, comme pour le corpus des portes et des fenêtres. Nous avons employé la datation relative : il s’agit d’une observation sur l’état des bâtiments précisant l’emplacement des meurtrières décorées. L’évolution portée sur les appareils des pierres et sur les murs permet de suggérer l’évolution des éléments architecturaux et la date relative de leur architecture. Par ailleurs, la présence stylistique des meurtrières peut être étudiée de façon comparative avec la forme et les 186 caractéristiques des autres meurtrières déjà connues. Ces éléments aident à préciser la date de nos meurtrières, étudiées sur une large période. Nous présenterons cette partie par catégorie de meurtrières. 1) Archère Le tableau 6.11 (ann 1, p 185) présente les archères dans trois sites en démontrant la ressemblance des figures cruciformes. Les archères du site de Chaleyre, dotées d’une traverse au milieu de la fente, datent du XIVe siècle. Ce caractère se retrouve sur l’une des archères de Vertrieu du XVe siècle. Néanmoins, la forme de deux éléments défensifs de Vertrieu se distingue de celle des archères du XIVe siècle par la disposition de la deuxième traverse sur l’orifice à l’extrémité de la fente. Une autre archère montre l’existence de cet élément sur le site de Commanderie daté probablement du XVIe siècle. Cette apparition paraît contradictoire avec la documentation relative à l’archère : elle se présente dès le XIIIe siècle et décline vers la seconde moitié du XVe siècle avec son remplacement par la canonnière236. Nous pouvons supposer que l’emploi de l’archère cruciforme existe au-delà du XVe siècle. L’utilisation de l’archère cruciforme réside par conséquent dans une période longue, depuis le XIVe jusqu’au XVIe siècle. 2) Canonnière

Le tableau 6.12 (ann 1, p 186) montre deux canonnières qui se distinguent l’une et l’autre. L’emploi du motif bestiaire sur la canonnière de Mépieu révèle l’une des meurtrières les plus remarquables de notre corpus qui date du XVe siècle. Puis, le site de Loras présente une canonnière qui se démarque par des moulures complexes datant de la fin du XVe ou du début du XVIe siècle. La datation de deux canonnières coïncide avec l’existence de cet élément qui apparaît dès le XVe siècle (précisément à partir de la seconde moitié de ce siècle).

3) Archère canonnière Le tableau 6.13 (ann 1, p 187) présente les archères canonnières, qui constituent les éléments les plus présents dans le corpus des meurtrières. Les trois éléments du site de Carre sont remarquables par les figures cruciformes datant d’une période longue du XIVe au XVe siècle. Puis, la fin du XVe siècle se manifeste par le contraste d'un double caractère : la simplicité de l’archère canonnière de Carroz et la richesse du motif décoratif des trois éléments de Loras. Ces derniers sont datés de la fin du XVe jusqu’au début du XVIe siècle. Puis, quatre éléments

236 Jean MESQUI, Châteaux et enceintes de la France médiévale. De la défense à la résidence, Picard., Paris, 1993 187 du site de Boutières (tab 6.14, ann 1, p 188) se caractérisent chacun par un double orifice dont l’un situé au milieu de la fente verticale et l’autre à son extrémité. Ces quatre archères combinées datent du début du XVIe siècle. Enfin, le caractère simple continue au XVIe siècle avec l’archère canonnière de Carroz. Ce type de canonnière se généralise entre le XIVe et le XVe siècle mais quelques-uns de nos éléments datent tardivement, jusqu’au XVIe siècle en tenant compte de la datation des sites. Ceci nous montre que l’influence stylistique de l’archère canonnière réside dans le siècle suivant, mais avec une amélioration importante au niveau de la forme.

C. Analyse stylistique

La présentation des meurtrières de la dernière partie nous indique qu’il existe une évolution de la forme, parallèlement à une évolution stylistique de ces éléments. Parmi ce double changement, il est important de savoir si la modification des formes vise à améliorer la fonction des meurtrières ou à mettre en valeur leur approche décorative. Tout d’abord, entre les archères simples (tab 6.3, ann 1, p 177) et les canonnières (tab 6.10, ann 1, p 184), l’apparition de ces dernières suggère évidemment une évolution des meurtrières permettant l’usage de nouvelles armes. De même, la présence mixte des archères canonnières (tableaux 6.5- 6.7, ann 1, p 179-181) démontre un essai d’amélioration de la fonction des meurtrières autorisant à lancer à la fois des flèches et des boulets de canon. Ensuite, le rajout d’une fente transversale au milieu d’une fente verticale paraît stratégique au regard de l’aspect fonctionnel des meurtrières (tab 6.4, A-3, p 178), car cette fente offre aux combattants une meilleure vision. Toutefois, l’emploi de cet élément sur les archères du Carre (tab 6.6, ann 1, p 180) et sur celles de Boutières (tab 6.7, ann 1, p 181) ne concerne peut-être pas le même but que les archères de Vertrieu. Si nous considérons la taille des croisillons sur les archères du Carre (tab 6.6, ann 1, p 180), nous pouvons constater qu’elle est suffisamment grande par rapport à la taille d’une archère complète. Ceci paraît étrange pour un petit élément servant à dissimuler le regard. Au contraire, si nous réfléchissons à ces archères sous un aspect décoratif, le caractère cruciforme semble correspondre davantage à un objectif de mise en valeur esthétique. Nous retrouvons la même conception sur les archères de Boutières (tab 6.7, ann 1, p 181). Celles-ci sont associées chacune d’un autre orifice rond au milieu de la fente verticale. Si nous considérons l’ensemble de ces archères, cet orifice rond central semble créer un effet répétitif en dehors de l’autre orifice à l’extrémité de la fente. En outre, les dimensions de l’orifice du 188 milieu sont beaucoup plus petites que celle de celui à l’extrémité. Nous pouvons donc confirmer que l’orifice du milieu est destiné à souligner un effet décoratif, et non pas à servir à lancer des boulets de canon. Les remarques concernant les archères des sites du Carre et de Boutières permettent de constater une mise en valeur de l’approche décorative des meurtrières. L’ouvrage de J.Mesqui explique ce mode de représentation par une fonction symbolique.

Ensuite, certaines meurtrières présentent effectivement un aspect décoratif, comme les tableaux 6.8 (ann 1, p 182) et 6.9 (ann 1, p 183) le présentent. Deux des trois archères sont constituées chacune d’un orifice rond à leur extrémité et ornées sur les côtés d’un décor riche composé de motifs variés : le motif étoilé et le motif damier. Une autre archère se distingue par la fente associée au milieu d’un croisillon et les alentours décorés de motifs quadrilobés. Il est évident que la fonction décorative se manifeste purement et simplement pour ces archères. Enfin, il ne faut pas oublier la canonnière du site de Mépieu (tab 6.10, ann 1, p 184) ornée d’une figure de bestiaire. Celui-ci possède une bouche ouverte permettant la sortie des boulets de canon.

En résumé, il existe dans notre corpus des meurtrières dont la modification des formes est destinée à améliorer leur fonction défensive. Ceci peut être visiblement observé par l’évolution de l’archère en archère canonnière, permettant d’augmenter l’efficacité du tir. L’existence de la canonnière correspond à l’introduction d’un nouveau mode d’arme. Le rajout de la fente traverse (croisillon) s’intègre dans l’essai d’amélioration de la fonction des meurtrières. Toutefois, certains croisillons visent à souligner un effet décoratif. La présence de motifs démontre certainement une volonté de mise en valeur décorative, ce qui offre aux meurtrières une fonction symbolique.

D. Evolution stylistique des meurtrières Il paraît difficile de déterminer les caractéristiques des meurtrières pour chaque période, car l’un des types d’archères ou l’un des types de canonnières existaient au cours de la même période. Néanmoins, les caractéristiques et la présence stylistique des décors permettent de suggérer leur apparition sur la planche chronologique. Le tableau 6.2 (ann 1, p 176) présente le nombre de meurtrières pour chaque catégorie en fonction des différentes périodes. Le XIVe siècle se démarque par la présence des archères 189

(deux) et par l’apparition des archères canonnières (trois) à la fin du XIVe et au début du XVe siècle. Le XVe siècle se caractérise par l’existence de plusieurs types de meurtrières, en particulier à la fin du XVe et au début du XVIe siècle : les archères (deux), les canonnières (deux) et les archères canonnières (trois). Le XVIe siècle présente davantage de meurtrières : archères (deux) et archères canonnières (quatre). Commençons par les archères : celles du site de Chalayre montrent une figure simple dotée d’un croisillon au milieu de la fente. Elles datent probablement du XIVe siècle. Plus tardivement, au XVe siècle, apparaissent les archères canonnières des sites de Vertrieu et de Carroz. L’association de l’orifice rond sur la fente des archères démontre une amélioration de la forme. Néanmoins, le caractère élémentaire observé sur l’ensemble des deux archères suggère la réalisation des premiers éléments de tir mixte. J.Mesqui237 indique dans son ouvrage que la période transitoire de l’archère à la canonnière se situe entre le troisième tiers du XIVe siècle et le milieu du XVe siècle. Puis, durant le XVe siècle jusqu’au début du XVIe siècle, le décor des archères canonnières s’est amélioré par la variation de ses décors. Le rajout du croisillon (tab 6.6, ann 1, p 180) ou de l’orifice rond (tab 6.7, ann 1, p 181) sur la fente verticale confirme ce progrès au niveau stylistique. Au même moment, l’approche décorative de cet élément nous présente un embellissement au-delà des formes modifiées par l’ornement des motifs décoratifs (ann 1, tab 6.8, p 182 et tab 6.9, p 183). Il faut préciser que l’apparition des archères canonnières s’accompagne de la présence de canonnières dans la période allant du XVe siècle jusqu’au début du XVIe siècle. Le tableau 6.10 (ann 1, p 184) montre deux canonnières, dont l’une est ornée de pierres taillées et l’autre décorée d’un motif figuratif (motif animalier).

Les catégories et l’aspect décoratif des meurtrières, ainsi que les conclusions de J.Mesqui présentées dans le paragraphe ci-dessus nous permettent de comprendre l’évolution stylistique des meurtrières. Tout d’abord, les archères simples ont existé au XIVe siècle, puis les archères canonnières sont apparues au XVe siècle. Du XVe siècle jusqu’au début du XVIe siècle, l’introduction des canonnières s’est faite en parallèle de l’amélioration du décor sur tous les types de nos éléments de tir. Enfin, le corpus des meurtrières connaît une évolution stylistique tout au long de notre période étudiée, du XIVe au XVIe siècle.

237 Jean MESQUI, Châteaux et enceintes de la France médiévale. De la défense à la résidence, Edition Picard, Paris, 1993 190

La présence des meurtrières présentées ci-dessus se retrouve également dans les habitats nobles situés dans d’autres régions. Les caractères de ces éléments défensifs montrent une ressemblance par la structure et leur emplacement sur l’édifice et aussi la similarité stylistique. Ceci nous permet de supposer qu’elles ont été réalisées sous la même influence stylistique, ce qui conduit à définir les modèles nationaux.

L’étude des maisons fortes en Bourgogne d’H.Mouillebouche238 nous renseigne l’évolution des meurtrières qui semble être légèrement distingué des éléments de notre corpus. Concernant l’archère, la fente simple apparaît dès le XIIIe siècle et puis elle peut être dotée d’un orifice rond dans la seconde moitié du XIIIe siècle. Ensuite, entre la fin du XIIIe et le début du XIVe siècle, l’archère s’enrichit par l’adjonction d’une fente horizontale au milieu de fente verticale qui montre l’archère cruciforme. Quant à la canonnière, la forme de l’orifice large se présente environ 1430-1450. Au milieu du XVe siècle, apparaît l’archère canonnière qui permet à la fois de lancer des flèches et des boulettes. L’adjonction des orifices sur la fente apparaît dans la deuxième moitié de même siècle, ce qui permet de multiplier des armes de petits calibres au XVIe siècle.

E. Le décor des meurtrières et l’habitat noble Comme pour les portes et les fenêres, nous allons présenter le rapport entre l’aspect des meurtrières et l’approche décorative des sites et essayer de déterminer s’il existe une corrélation entre ces éléments.

L’étude des meurtrières dans notre corpus démontre l’existence de trois grandes catégories d’éléments dans les résidences seigneuriales, présentant des caractéristiques semblables ou distinctes. Comme avec les portes et les fenêtres, nous avons utilisé le regroupement des sites en tenant compte du nombre et du caractère des décors, afin de connaître le niveau de l’aspect décoratif de chaque site. Ensuite, la division des sites selon ce dernier critère nous aide à comparer le décor des meurtières (voir le regrouprement des sites ; fichier « regroupement des sites »).

Tout d’abord, les meurtrières qui possèdent les décors les plus recherchés se situent dans de grands sites ou des sites possédant un ornement complexe. Nous les avons observées au château Mépieu (tab 6.18, ann 1, p 192) et à la Maison forte du Carre (tab 6.16, ann 1, p 190).

238 Hervé MOUILLEBOUCHE, Les maisons fortes en Bourgogne du nord du XIIIe au XVIe siècle, Editions Universitaires de Dijon, Dijon, 2002. 191

Nous pouvons énoncer que les décors des meurtrières concordent avec les caractéristiques des sites. Toutefois, il existe des facteurs sur lesquels nous devons réfléchir avant d’affirmer cette supposition. Ils concernent le goût des détenteurs des sites et le caractère des meurtrières dans la période d’étude. Pour ce dernier facteur, nous pouvons préciser les types de meurtrières déjà présentés dans la partie relative à l’évolution (tab 6.2, ann 1, p 176) et étudier s’ils se situent dans notre période d’étude. L’archère et l’archère canonnière se présentent parallèlement depuis le XIVe, durant le XVe et jusqu’au XVIe siècle. La canonnière apparaît tardivement aux XVe et XVIe siècles. Toutes les catégories des meurtrières existent au sein de notre période d’étude. Pourtant, il existe certaines meurtrières dont le décor ne coïncide pas avec le caractère des sites. Quelques sites de grande taille ou dotés d’un nombre de décors recherchés possèdent des meurtrières montrant un décor élémentaire : la Maison forte Chaleyre (tab 6.16, ann 1, p 190), la Maison forte du Carroz et la Maison forte Vertrieu (tab 6.19, ann 1, p 193). Nous pouvons aussi remarquer un contraste sur les petits sites dotés de meurtrières présentant un décor plus recherché, comme la Maison forte Loras (tab 6.18, ann 1, p 192). Par ailleurs, cette divergence entre le caractère des sites et le degré de décor peut être remarqué sur une meurtrière possédant un décor riche mais située sur un site de taille moyenne : la Maison forte de Boutières (tab 6.17, ann 1, p 191). Cette contradiction entre le décor des meurtrières et le caractère des sites s’explique par le goût plus ou moins spécifique de leur détenteur. En outre, il est probable que les propriétaires commandent des meurtrières correspondant au courant artistique de l’époque. Ce dernier aspect peut être examiné comme le cas déjà présenté en haut. Tous les types des meurtrières existent dans notre période d’étude. Pour conclure, des meurtrières aux décors plus ou moins travaillés se retrouvent sur des sites présentant des caractères différents. Les meurtrières constituées d’un décor riche peuvent être trouvées dans des sites de grande comme de petite taille, ou encore de taille moyenne. Il en est de même pour les meurtrières possédant un décor élémentaire que nous retrouvons dans des sites de grande taille. Le niveau de décor des meurtrières ne dépend pas dans tous les cas du caractère des sites : le goût esthétique des détenteurs de ces derniers et le courant artistique de l’époque peuvent avoir un impact sur l’approche décorative des meurtrières.

Notre corpus de meurtrières présente trois types d’éléments décorés possédant chacun une fonction différente : l’archère, la canonnière et l’archère canonnière. Les caractéristiques du décor évoluent de la forme simple, avec des moulures donnant un effet de profondeur, vers 192 une forme plus recherchée et l’application de motifs décoratifs (cruciforme, géométrique et figuratif). Le niveau de traitement du décor est étroitement lié à la datation des éléments : ceux présentant un motif soigné sont plus tardifs que ceux ornés d’un motif simple, mais dans certains cas, comme pour les canonnières, les motifs simples et les motifs plus complexes datent d’une même période. Si nous considérons le décor des meurtrières par rapport à l’ensemble des sites, celles dotées d’un décor élémentaire se situent dans les sites de petite taille ou possédant peu de décors. Toutefois, ces meurtrières élémentaires se retrouvent également dans de grands sites ou de taille moyenne. Le contraste entre le degré de décor et les caractéristiques des sites se retrouve également pour les meurtrières dotées d’un décor plus recherché : elles ne se situent pas seulement dans de grands sites mais aussi dans ceuxde petite et de moyenne taille. Nous pouvons donc en conclure que le niveau de décor des meurtrières ne correspond pas toujours aux caractéristiques des sites.

Il ressort de cette analyse la possibilité de travailler l'esthétique d’éléments architecturaux possédant une fonction défensive en y apposant des décors. 193

5.2.6 Les cheminées

La cheminée est un élément architectural important dans l’aspect décoratif intérieur d’un bâtiment. Elle est également catégorisée comme un élément architectural de confort. A. Durand souligne cet aspect de confort apporté par la cheminée qui est mise au premier rang des dispositifs de confort. A partir du XIVe siècle, le logis seigneurial est doté presque systématiquement d’éléments de chauffage fixes à tous les étages239. Notre corpus présente un nombre important de cheminées, différentes par leur forme et leurs motifs décoratifs. Nous allons par conséquent diviser le corpus des cheminées en catégories afin d’une part, étudier les ressemblances stylistiques entre les cheminées et d’autre part, comparer les différentes cheminées selon les catégories identifiées.

A. Caractéristiques des cheminées Notre corpus comprend un total de quarante-deux cheminées qui peuvent être divisées en quatre catégories (tab 7.1, ann 1, p 196-197). La cheminée adossée à large couvrement est la plus représentée (quinze), puis vient ensuite la cheminée adossée à piédroits en forme de corbeaux moulurés (quatorze), la cheminée engagée au couvrement mouluré (neuf) et la cheminée incorporée (quatre).

1) Cheminée incorporée

La cheminée se caractérise par l’intégration complète du foyer dans l’épaisseur d’un mur240. Seul le chambranle se présente sur celui-ci. Notre corpus comporte quatre cheminées répondant à ce caractère. Les tableaux 7.3 (ann 1, p 199) et 7.4 (ann 1, p 200) présentent trois cheminées de cuisine et une petite cheminée, possédant chacune son corps intégré dans le mur. Nous pouvons regarder le décor des moulures sur le couvrement du manteau, le chanfrein sur le linteau en anse-de-panier (le site du Carroz, tab 7.4), ainsi que les deux tores sur le linteau en arc surbaissé (les sites de Blains et de Saleton, tab 7.3 ou fig 56). Le décor du site de Châtillon est particulier avec le croisement de trois cordons des piédroits et du linteau en partie haute. Cet aspect décoratif nous laisse réfléchir à la ressemblance stylistique avec la porte (tab 2.27, ann 1, p 42) et la

239 Aline DURAND, Sylvie CAMPECH et Nelly POUSTHOMIS-DALLE, « Se chauffer en milieu de montagne. Habitats seigneuriaux dans le Massif central méridional (XIIe-XVIIe siècle) », in Cadre de vie et manières d’habiter (XIIe-XVIe siècle), Publications du CRAHM 2006, Caen. 240 Jean-Marie PEROUSE DE MONTCLOS, Architecture description et vocabulaire méthodiques, Centre des monuments nationaux, Paris, 2011. 194 fenêtre (tab 3.6, ann 1, p 78). Par ailleurs, l’apparition des motifs décoratifs sur la cheminée du Carroz révèle un décor exceptionnel (voir image agrandie tab 7.4, ann 1, p 200). Les figures d’un homme barbu et d’un bestiaire médiéval suggèrent une représentation symbolique signifiant le Bien pour le décor de l’homme et le Mal pour le motif du bestiaire.

Figure 56 Cheminée incorporée, maison forte Saleton

La catégorie des cheminées incorporées se résume par une structure simple et prise dans l’épaisseur d’un mur, mais pouvant être embellie par la mouluration et le décor figuratif. Néanmoins, la structure élémentaire de cette cheminée peut laisser penser que son existence est plus précoce par rapport à d’autres types de cheminées. Par ailleurs, le décor des moulures croisées qui se retrouve aussi sur les portes et les fenêtres évoque une similarité entre ces trois éléments d’architecture. Cet élément de chauffage permet de préciser que ce sont les encadrements qui accueillent le décor des moulures.

2) Cheminée adossée

Il s’agit d’une cheminée qui possède un foyer construit devant un mur241. Il existe dans notre corpus un grand nombre de ce type de cheminées. Elles se divisent en deux catégories : la première est la cheminée dotée de piédroits en forme de corbeaux moulurés. L’intérêt doit se porter sur les corbeaux qui montrent le travail important fait sur les moulures. La deuxième catégorie concerne les cheminées qui possèdent chacune un large couvrement et des jambages réduits. Elle est caractérisée par un grand manteau présentant le décor mouluré.

Nous parlerons tout d’abord de la cheminée ayant des piédroits en forme de corbeaux. Les dimensions des cheminées sont variées : un petit foyer, une moyenne et une grande taille. Les caractéristiques sont similaires entre les cheminées par le couvrement du manteau en bois (ou en pierre) et deux piédroits réduits terminés par des consoles en forme de corbeaux moulurés. L’intérêt portera sur le décor mouluré des corbeaux. Nous trouvons sur les corbeaux un décor

241 Ibid. 195 de moulures semblant élémentaire (tableau 7.8, sites de Belmont et de Montagnieu, p 204 voir fig 57) ou raffiné (tab 7.9, site du Cingle, p 205).

Figure 57 Cheminée adossée, maison forte Montagnieu

La cheminée de Biol (ann 1, tab 7.6, A-1, p 202) possède un décor ressemblant à une armoirie, tandis que la cheminée de Morges présente la figure de deux volutes sculptées (tab 7.7, A-1, ann 1, p 203). Il ne faut pas non plus négliger trois cheminées dotées chacune le décor exceptionnel. La cheminée du Manoir de la Tour (tab 7.11, A-2, ann 1, p 207) montre le travail soigné des corbeaux, donnant un effet volumétrique. De même, les deux cheminées de Tournelle (tab 7.10 A-1, p 206 et 7.11 A-1, p 207 ou fig 58) présentent une mouluration raffinée et l’emploi d’une série d’écus armoriés rarement trouvés ailleurs. En outre, la console constitue la partie à la jonction du couvrement et des piédroits. Le décor sur les consoles se remarque facilement.

Figure 58 Cheminée adossée, maison forte de Tournelle

Néanmoins, les cheminées de ce type (ann 1, tab 7.5-7.11, p 201-207) se trouvent dans des pièces situées au rez-de-chaussée du logis (sauf la cheminée de Biol et celles de Peythieu et de Theys). A l’inverse, les cheminées présentées dans les tableaux 7.10-7.11 (ann 1, p 206- 207) se situent au 1e étage (sauf la cheminée de Tournelle 7.10, A-1), dans les grandes pièces. Cet emplacement fait penser à une hiérarchisation des cheminées, indiquant leur rôle prédominant ou secondaire selon leur emplacement. 196

Ensuite, ce sont les cheminées ayant un large couvrement qui constituent le deuxième groupe le plus important dans notre corpus. Cette cheminée se particularise par de grandes dimensions montrant un entablement décoré de larges moulures avec des retours latéraux galbés reposant sur des piédroits. Certaines cheminées sont ornées en bas de la base prismatique. Nous trouvons cette forme de cheminée dans la plupart des sites, mais certaines d’entre elles se distinguent par leur mouluration. Le site de Châtillon (ann 1, tab 7.15, A-1, p 211) présente un couvrement du manteau dans une forme trapézoïdale qui crée un autre jeu de volumes. L’une des cheminées de Montplaisant (ann 1, tableau 7.16 A-2, p 212 ou fig 59) possède un décor du couvrement composé d’une corniche et de moulures saillantes en forme d’accolade.

Figure 59 Cheminée adossée, maison forte de Montplaisant

Une autre cheminée de Chatillon présente un décor riche de moulures (ann 1, tab 7.17 A-2, p 213). Toutefois, il est évident que la figure armoriée est indispensable pour l’approche décorative des cheminées. Elle se situe au niveau central du linteau, en présentant l’armoirie de la famille détentrice. Si nous réfléchissons à l’emplacement de ce type de cheminée, elle se trouve dans une grande pièce ou la grande salle (aula) située au rez-de-chaussée ou au 1er étage du logis. Ces lieux sont les espaces sociaux où les habitants et les visiteurs peuvent admirer l’aspect décoratif d’un site. La cheminée nous révèle ici un élément d’architecture décoré en présentant l’identité et le goût du détenteur du site. Elle constitue l’élément essentiel du décor intérieur242.

3) Cheminée engagée

C’est un type de cheminée dont le foyer est pris en partie dans l’épaisseur d’un mur et en partie dans une avancée construite devant ce mur243. Nous pouvons dire que ce caractère

242 Dominique LETELLIER et Charlotte OLIVIER, Le décor intérieur dans l’architecture des demeures du XIIe au XXe siècle, Privat., Toulouse, 2001. 243 Jean-Marie PEROUSE DE MONTCLOS, Architecture description et vocabulaire méthodiques, op. cit. 197 ressemble à celui de la cheminée adossée, en ce qui concerne la partie engagée dans le mur. La cheminée est de moyennes ou de grandes dimensions. Trois cheminées se distinguent des autres par la hotte parallélépipédique (ann 1, tab 7.21 ; A-2, p 217, tab 7.22 ; A-2, p 218 et 7.23, p 219). Nous pouvons observer la hotte de cheminée dont une partie a été prise dans le mur et dont l’autre partie est hors du mur. Le manteau et la partie d’entablement montrent la forme droite et longue qui est typiquement employée sur cette cheminée. La structure longue de la hotte correspond à l’intégration du corps dans le mur. Les autres cheminées possèdent généralement des hottes rectangulaires dont certaines présentent la forme conique trouvée dans le site de Montagnieu (ann 1, tab 7.19, A-1, p 215) ou la forme pyramidale (tab 7.20, A- 1, ann 1, p 216). L’ensemble de la cheminée permet une profondeur entre l’avant-corps et la partie intérieure. Nous nous demandons si ce type de cheminée permet une stabilité importante en raison de la partie prise dans le mur, ainsi qu’une approche décorative par une autre partie présentée sur une avancée. Le décor de moulures est sur le couvrement du manteau. Celles-ci continuent sur le retour galbé sur les côtés. La cheminée de Gramond (tab 7.22, A-1, p 218 ou fig 60) présente un riche jeu de nervures et des moulures offrant un bel effet décoratif.

Figure 60 Cheminée engagée, maison forte de Gramond

Un autre décor intéressant se trouve sur le site de Châtillon (tab 7.19, A-2, p 215 ou fig 61), avec l’emploi de deux cordons formant un motif en accolade sur le couvrement. Ces moulures continuent sur les piédroits et reposent sur la base prismatique. Le motif d’accolade suggère l’emploi de ce décor sur la porte (tab 2.13, ann 1, p 28) et la fenêtre (tab 3.13, ann 1, p 85). Nous pouvons remarquer la ressemblance stylistique sur ces trois éléments. Ils possèdent chacun une structure ouverte et des encadrements sur lesquels se situent le décor des moulures. 198

Figure 61 Cheminée engagée, château Châtillon

Pour conclure, la cheminée engagée se distingue des deux premières cheminées par le corps mi-engagé et mi-adossé. Ce caractère et son aspect décoratif ressemblent à ceux de la cheminée adossée.

B. Datation des cheminées

Il est d’abord important de préciser que les informations relatives à la datation ont été obtenues par des suppositions pour la majorité des décors comme pour le corpus des portes et des fenêtres. Nous avons employé la datation relative afin de proposer une datation approximative pour chaque cheminée ; il s’agit d’une observation sur l’état des bâtiments précisant l’emplacement où se trouvent les cheminées décorées. L’évolution portée sur les appareils des pierres et sur les murs permet de suggérer l’évolution des éléments architecturaux et la date relative à son architecture. Par ailleurs, la présentation des décors sur les cheminées peut être étudiée de façon comparative avec la forme et le caractère des autres cheminées déjà renseignées. Ces éléments aident à préciser la date de nos cheminées étudiées sur une large période. Nous présenterons cette partie par catégorie de cheminées.

1) Cheminées incorporées

Le tableau 7.24 (ann 1, p 224) présente trois des quatre cheminées (à l’exception de celle de Châtillon) pouvant être datées du XVe siècle en raison des éléments présents sur les moulures. Le couvrement du manteau des cheminées de Blains et de Saleton est orné de grosses moulures, tandis que la cheminée du Carroz présente un couvrement à chanfrein et deux figures sculptées sur les piédroits. Quant à la cheminée de Châtillon, dotée de moulures croisées qui révèlent un décor plus sophistiqué, présente une date précise au deuxième quart du XVe siècle. 199

Nous voyons que les décors présents sur la cheminée incorporée a connu une amélioration au cours du XVe siècle. Si nous considérons la grande taille des cheminées de Blains, de Saleton et de Carroz, ce caractère commun suggère qu’il s’agit de cheminées de cuisine. Aux XIVe et XVe siècle, l’implantation des cuisines dans les logis seigneuriaux se développe244, ce qui permet de supposer cette même datation pour ce type de cheminée. C. Corvisier245 affirme comme date précise, le XIVe siècle qui correspond à l’invention de la cheminée incorporée.

2) Cheminées adossées à piédroits ou corbeaux moulurés (cheminée à consoles)

Ce type de cheminée se présente de la fin du XIIIe siècle jusqu’à la fin du XVIe siècle (voir ann 1, tab 7.25-7.26, p 225-226). Notre corpus comprend des cheminées correspondant à cette période de l’apparition de ce type de cheminées. Cependant, la majorité des cheminées de notre corpus sont postérieures au milieu du XVe siècle. Il apparaît que les corbeaux des cheminées peuvent indiquer une modification stylistique. La cheminée ayant la datation la plus archaïsante (fin du XIIIe – début du XIVe siècle) est celle de Theys (tab 7.26, 1er rang, p 226, voir image agrandie tab 7.6, p 202). Elle dispose d’une grande hotte de forme pyramidale et des corbeaux attachés aux supports des chandeliers. Cela assure chaleur et lumière dans la pièce. E. Sirot présente la date de dendrochronologie en 1279246. La cheminée de Mollard- Ronde est, elle, datée de la fin du XIVe siècle (tab 7.25, 2e rang, p 225) voir image agrandie tab 7.7, p 203), et est dotée d’un manteau en bois et de corbeaux chanfreinés. Les mêmes caractéristiques se retrouvent sur les cheminées datant de la première moitié du XVe siècle. Des corbeaux à chanfrein se trouvent sur la cheminée de Montagnieu et la cheminée de la Tour Brune présente un manteau en bois (tab 7.25, 3e rang, p 225 voir image agrandie tab 7.9, p 205). Les corbeaux de cette dernière cheminée montrent un certain travail de moulure. Dans la seconde moitié du XVe siècle, le décor des corbeaux semble être amélioré avec une surface moulurée soutenue par le corps à chanfrein. Cet effet peut être observé sur les cheminées de Peythieu (tableau 7.25, 1er rang, p 225 voir image agrandie tab 7.5, p 201). Ce caractère existe encore sur une cheminée datée de la fin du XVe siècle ; celle du Cingle (tableau 7.25, 3e rang, p 225 voir image agrandie tab 7.9, p 205) ressemble aux deux

244 Elisabeth SIROT, Allumer le feu : cheminée et poêle dans la maison noble et au château du XIIe au XVIe siècle, Edition Picard, Paris, 2011. 245 Christian CORVISIER, « Cheminée », in Dictionnaire d’histoire de l’art du Moyen-Âge occidental, Edition Robert Laffont, Paris. 246 Elisabeth SIROT, Allumer le feu : cheminée et poêle dans la maison noble et au château du XIIe au XVIe siècle, op. cit. 200 cheminées de Peythieu mais le corps des corbeaux est soigneusement traité avec des chanfreins raffinés. Puis, la période transitoire entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle se manifeste par un décor riche qui suggère un véritable développement des corbeaux. Notre corpus présente une cheminée de petite dimension, celle de Biol qui se démarque par le décor mouluré figurant une armoirie, peut-être celle des seigneurs détenteurs du site (tab 7.25, 1e rang, p 225 voir image agrandie tab 7.6, p 202). Deux cheminées de Tournelle montre une particularité stylistique des cheminées de grande taille (tableau 7.26 ; 1er rang, p 226). Les corbeaux d’une des cheminées sont décorés de chanfreins très raffinés et ceux de l’autre s’ornent d’écus sculptés (voir image agrandie tab 7.10-7.11, ann 1, p 206-207). La présence du décor armorié sur les corbeaux est exceptionnelle dans notre corpus de cheminées. Enfin, les cheminées du XVIe siècle présentent une certaine continuité par rapport au décor du XVe siècle avec un traitement délicat des moulures. La cheminée de Morges montre des volutes sculptées. Au début du siècle, le décor semble garder le concept de moulures comme nous l’avons observé sur les corbeaux de la cheminée du Manoir de la Tour. Mais cela semble évoluer par la suite. Ainsi, la cheminée de Belmont datant du dernier quart du XVIe siècle montre deux grands corbeaux de forme curviligne sans décor de moulures. Ceci met en évidence un autre type de cheminées qui correspond probablement à la stylisation du XVIe siècle.

E. Sirot souligne l’existence de ces cheminées pendant la période médiévale et leur diffusion dans de vastes territoires. Cependant, l’emploi de ce type d’élément de chauffage a continué jusqu’au début de l’époque moderne avec l’amélioration du décor des corbeaux. Il faut également noter que ce type de cheminées se retrouve davantage dans les demeures nobles que dans les grands châteaux247.

3) Cheminées adossées à large couvrement Ces cheminées existent depuis le début du XIVe siècle mais sont particulièrement nombreuses tout au long du XVe siècle (tab 7.27, p 227). La cheminée de Chaleyre (tab 7.27, 1er rang, p 227) est caractéristique de cette période avec un aspect monolithique présenté sur le couvrement du manteau et les piédroits chanfreinés. La figure d’un écu sculpté se situe au niveau central de la cheminée. Entre le milieu du XIVe siècle et jusqu’au début du XVe siècle,

247 Ibid. 201 la mouluration sur le manteau s’améliore avec une plate-bande centrale qui divise le couvrement en partie haute et en partie basse. La partie supérieure est ornée d’une corniche soulignée d’une petite moulure et la partie inférieure est en double moulure. Comme indiqué précédemment, notre corpus comprend de nombreuses cheminées datant de toutes les périodes du XVe siècle. Le caractère commun des cheminées de cette période est le couvrement comprenant un entablement décoré de larges moulures avec retours latéraux galbés qui reposent sur de fins piédroits. Pourtant, certaines cheminées se distinguent par leur forme ou par un décor particulier. Celle de Mépieu (tableau 7.28 ; 2e rang, p 228 voir image agrandie tab 7.18, p 214) possède sur ses corbeaux un motif de volutes sculptées. La cheminée de Châtillon (tableau 7.28 ; 1er rang, p 228) se démarque par une hotte de forme trapézoïdale. La hotte de la cheminée de Mépieu est, quant à elle, de forme parallélépipédique (tab 7.28 ; 2e rang). Néanmoins, la stylisation à partir de la fin du XVe au début du XVIe siècle devient plus recherchée avec l’emploi de moulures saillantes. La cheminée de Montplaisant (tab 7.27, 3e rang, p 227) est décorée sur le manteau de moulures en forme d’accolade situées sur le haut et sur le bas de la plate-bande centrale. La cheminée de Châtillon (tableau 7.28, 1er rang, dernière colonne, p 228) montre aussi l’emploi de moulures saillantes soulignées de grosses et de petites moulures. Enfin, le XVIe siècle est représenté par une seule cheminée (tableau 7.28, 2e rang, dernière colonne, p 228) qui possède un couvrement à entablement et une corniche composée de différentes moulures (cheminée de Châtillon). Ce décor démontre un travail approfondi des moulures.

4) Cheminées engagées Le tableau 7.29 (ann 1, p 229) présente les cheminées montrant les effets esthétiques de la période d’étude. Comme la cheminée adossée à large couvrement, les cheminées engagées existent entre la seconde moitié du XIVe siècle et le début du XVIe siècle. Lorsqu’il est possible de dater des cheminées dans une même période, cela nous permet d’observer les éventuelles distinctions stylistiques entre les différents types de cheminées.

Pour le XIVe siècle, il n’existe que la cheminée de Clérivaux (tableau 7.29, 3e rang, dernière colonne, p 229) qui est ornée sur le manteau d’une corniche en partie haute et de moulures en partie basse. Pour le XVe siècle, la cheminée de Larnage (tableau 7.29, 1e rang) présente une ressemblance avec les caractéristiques du XIVe siècle, ce qui rapproche aussi la cheminée engagée de la cheminée adossée. Datant de cette période, il existe deux cheminées 202 ayant un décor particulier ; celle de Montagnieu (son état suggère une réalisation plus tardive, peut-être au XVIIe siècle avec une influence stylistique du XVe siècle, voir image agrandie tab 7.19, p 215) qui est décorée sur les corbeaux de figures humaines sculptées ; et celle de Châtillon (tab 7.29 ; 1e rang, p 229) qui se démarque par les grosses moulures formant un motif en accolade sur le manteau. Les cheminées datées de la fin du XVe jusqu’au début du XVIe siècle (sites de Cingle et de Champs, tableau 7.29 ; 2e rang) gardent encore le décor du XVe siècle. Pourtant, le décor des moulures s’améliore avec un jeu de nervures et moulures au début du XVIe siècle. Nous l’avons remarqué sur les cheminées de Gramond et de Gollard (voir images agrandies tab 7.22, p 218).

L’étude chronologique du décor de trois types de cheminées permet de connaître la période de présence de nos cheminées et de mettre cette information en parallèle avec l’étude de l’amélioration du décor tout au long des siècles. Ces renseignements conduisent à parler de l’évolution stylistique des cheminées dans la partie analytique.

C. Analyse stylistique

Après avoir présenté les trois types des cheminées ci-dessus, il est intéressant d’ajouter plusieurs remarques permettant d’analyser l’approche décorative des cheminées. 1) Modification stylistique en tenant compte de la structure des cheminées La tentative de mise en valeur des décors est remarquable sur tous les types de cheminées. Pour la cheminée incorporée, le couvrement du manteau est la partie la plus visible de l’ensemble. C’est pour cela qu’il est décoré de différentes moulures. Quant à la cheminée adossée, il faut distinguer la cheminée ayant des piédroits en forme de corbeaux et celle possédant un grand couvrement. La première est particulière par ses corbeaux construits devant le mur. Ils montrent le travail des moulures délicates et l’emploi des motifs sculptés, en particulier les décors observés sur le site de Tournelle (tab 7.10-7.11, p 206-207). La seconde cheminée présente au contraire le couvrement du manteau comme partie la plus représentative. Ce caractère ressemble à celui de la cheminée engagée. Nous trouverons par conséquent le décor mouluré sur le couvrement du manteau. En outre, certaines cheminées possèdent un décor riche sur les bases prismatiques ou buticulaires.

203

2) Similitudes entre les différentes catégories des éléments d’architecture Il existe une ressemblance stylistique du décor des moulures employé sur les portes, les fenêtres et les cheminées. Nous pouvons observer le motif en accolade (tab 7.31, 3e rang ; cheminée de Montplaisant, p 231) et le croisement des moulures (tableau 7.31, 1er rang ; cheminée de Châtillon) sur les cheminées, comme sur les portes (ann 1, tab 2.4, p 19 et tab 2.27, p 42) et les fenêtres (tab 3.13, p 85 et les tableaux 3.6-3.9, p 78-81). Nous avons déjà proposé que la structure similaire de ces trois éléments d’ouverture permet une même réception des décors sur les encadrements. Cependant, il existe sur certaines cheminées des corbeaux ornés de moulures ou de motifs sculptés, ce qui est particulier à l’aspect décoratif des cheminées. En dehors de l’utilisation des moulures, la présence de motifs décoratifs permet d’accentuer l’effet esthétique des cheminées, comme pour les deux autres éléments d’ouverture étudiés. Nous nous demandons si la ressemblance des moulures peut être référée au décor typique de l’époque.

3) Décor des moulures

L’étude des différents éléments d’architecture a mis en avant l’emploi des moulures. Les types de moulures présentes sur les cheminées varient comme ceux des portes et des fenêtres ; en présentant des formes différentes, telles que la forme de moulures simples (chanfreins).

3.1) Chanfreins Le tableau 7.30 (ann 1, p 230) présente les cheminées décorées de chanfreins. La cheminée du Carroz (1e rang) se distingue des autres par le couvrement à chanfrein. Nous pouvons observer l’effet de surface lisse présenté sur le linteau de la cheminée. De plus, le jeu de polychromie sur les pierres noires et rouges permet de souligner l’effet décoratif. Les cheminées adossées se démarquent par les corbeaux qui sont ornés de chanfreins plus ou moins importants. Les corbeaux possèdent différentes formes mais ceux de Tournelle (2e rang, voir dessin : tab 7.2.a, p 221) montrent un traitement raffiné des chanfreins. Dans la même catégorie de cheminées, trois d’entre elles se distinguent par un décor combinant plusieurs éléments. L’intégralité du corps des corbeaux est doté de chanfreins mais leurs extrémités sont ornées de légères moulures (3e rang, voir images agrandies tableaux 7.5-Peythieu, p 201 ,7.6-Biol, p 202 ; voir dessin : tableau 7.2.a , p 221 et 7.9-Cingle, p 205). 204

L’approche décorative des chanfreins révèle leur caractère adaptable qui permet de les retrouver sur différents types de cheminées. Nous les voyons ainsi sur le couvrement de la cheminée incorporée et sur les corbeaux de la cheminée adossée.

3.2) Moulures Nous parlerons du décor des moulures présentées dans les tableaux 7.31-7.33 (p 231-233). 3.2.1) Moulures sur le manteau

D’abord, si nous pensons à la moulure qui se présente sur le manteau, tous les types de cheminées sont concernés. Le couvrement du manteau est la partie de la cheminée qui assure la réception des moulures du fait de sa surface et de sa dimension. La cheminée incorporée semble montrer l’emploi de moulures simples sur la bordure du manteau (ann 1, tab 7.31, p 231 sites de Blains et de Saleton). Néanmoins, le décor devient plus recherché avec les moulures croisées de Châtillon (tab 7.31, 1er rang et tab 7.1.a pour le dessin, p 220). Quant aux cheminées adossées à large couvrement, le couvrement du manteau se constitue d’un entablement orné de larges moulures et de retours latéraux galbés (tableau 7.3.a pour les sites de Chaleyre et de Mépieu, p 222 et tab 7.4.a pour le site de Larnage, p 223). Dans certains cas, il existe une unité au travers d’un décor mouluré sur le manteau de la cheminée et sur les baies, y compris les modèles des congés. Ceci crée un même ensemble architectural dans la pièce248. Le décor de certaines cheminées est accentué par la corniche constituée de petites moulures en partie supérieure et en partie inférieure (tab 7.31, voir images agrandies ; tab 7.13, p 209 - Vertrieu, tableau 7.15, p 211 - Châtillon et tableau 7.16, p 212- Montplaisant). Deux cheminées sont remarquables par le décor riche de leur manteau. Le site de Châtillon (tableau 7.32, p 232 ; 1er rang, voir image agrandie tab 7.17, p 213) montre l’organisation d’une corniche saillante en partie supérieure, puis une plate-bande au centre et sur le bas des moulures saillantes soulignées de filets. La variation des moulures se retrouve aussi sur la cheminée de Serrières (tab 7.32 ; 1er rang, voir images agrandies tab 7.18, p 214) avec entablement aux moulures alternées de bandeau et de quart-de-rond. Les mêmes décors trouvés sur le couvrement du manteau sont également présents sur la cheminée engagée. Quelques cheminées présentent un jeu de moulures ; la cheminée de Châtillon (tab 7.32, 1e rang et tableau 7.4.a pour le dessin, p 223) se remarque par deux tores moulurés qui se rencontrent en formant un motif en accolade. Puis, la cheminée du site de Gramond (tab 7.32,

248 Ibid. 205

2e rang, p 232 voir image agrandie tab 7.22, p 218) montre un cas particulier avec un riche jeu de nervures et de moulures sur le couvrement et sur les retours latéraux. Par ailleurs, notre intérêt doit aussi se porter sur la base buticulaire de quelques cheminées qui présentent des moulures très soignées. La structure des piédroits se compose de colonnettes engagées qui reposent sur la base buticulaire présente dans la majorité des cheminées. Certaines cheminées adossées à large couvrement et celles engagées sont décorées sur leur base prismatique (celles de Châtillon et de Gramond, voir images agrandies ; tableaux 7.19, p 215 et 7.22, p 218). La mouluration sur le couvrement du manteau démontre la diversification des caractéristiques des décors : emploi de moulures simples, présence de corniches associées aux moulures, décor riche caractérisé par la rencontre de différentes moulures. Il est évident que l’emploi de ces décors correspond à la structure réelle des cheminées. C’est pour cela que le couvrement de la cheminée incorporée est simplement orné d’une seule grosse moulure tandis que la cheminée adossée et la cheminée engagée présentent chacune le travail du décor sur l’ensemble du couvrement et jusqu’aux retours latéraux.

3.2.2) Moulures sur les corbeaux

En dehors du couvrement du manteau, l’aspect décoratif des cheminées se trouve sur les corbeaux qui sont intermédiaires entre le manteau et les piédroits. Cet élément est particulièrement présent sur la cheminée adossée. Le site de Tournelle (tab 7.33, 2e rang, p 233 voir image agrandie tab 7.10, p 206 et dessin : tableau 7.2.a, p 221) montre un traitement délicat des chanfreins appliqué sur les corbeaux. La cheminée de Theys présente l’adjonction de corbeaux avec le support des chandeliers situés contre le mur (tab 7.33, 2e rang, voir image agrandie tab 7.6, p 202). Le motif des volutes (Mépieu-tab 7.33, voir image agrandie tab 7.18, p 214 et dessin : tab 7.3.a,) et celui des personnages (Montagnieu-tab 7.33, voir image agrandie tab 7.19, p 215) nous permet de nous interroger sur la visibilité sur les corbeaux. Nous voyons une tentative de présenter les décors dans les meilleures conditions possibles en s’adaptant à la composition de la cheminée.

3.3) Les motifs sculptés La présence de ce type de décor fait penser aux portes et aux fenêtres. Le tableau 7.34 , p 234 présente trois types de cheminées (à l’exception de la cheminée incorporée) possédant 206 une figure armoriée située au niveau central du manteau sauf l’une des cheminées de la maison forte Tournelle. Celle-ci montre l’ornement des écus sculptés sur leurs corbeaux (dessin : tab 7.2.a, p 221). L’écu sculpté de Mépieu se trouve sur la hotte. Cet emplacement assure une large visibilité. La cheminée est le lieu le plus approprié pour présenter l’armoirie si nous comparons avec d’autres éléments d’architecture. E. Sirot explique que la cheminée offre une position valorisée dans la pièce. La présence du décor armorié est une manière pour le détenteur, de montrer son appartenance à une famille, de prouver l’ancienneté de son lignage et d’exprimer sa puissance249. L’emploi de ce décor est pratiqué depuis le XIVe siècle. Le même effet ornemental se retrouve sur les motifs décoratifs présents sur toutes les catégories des cheminées (tab 7.35, p 235). Les figures sculptées se situent sur les piédroits et sur les corbeaux plutôt que sur le manteau (sites de Carroz et de Montagnieu – motifs de personnages, voir images agrandies tableaux 7.4, p 200 et 7.19, p 215 et sites de Morges – motif des volutes, voir image agrandie tableau 7.7, p 203 et dessin : tableau 7.2.a, p 221 et le site de Mépieu voir le tableau 7.18, p 214). Toutefois, ces emplacements assurent également une certaine visibilité des décors comme pour le décor des moulures et le décor armorié.

L’aspect décoratif des cheminées est attesté par la présence du décor des moulures, du décor armorié et des motifs décoratifs situés à des endroits stratégiques pour être visibles et admirés. Enfin, l'étude des cheminées nous conduit à nous interroger sur une possible évolution stylistique au cours de la période étudiée.

D. Evolution stylistique des cheminées Les renseignements tirés du travail présentant la datation des cheminées (partie II) nous permettent de connaître la période d’existence de chaque catégorie de cheminées. Il est ensuite intéressant d’accentuer l’étude de l’approche chronologique des cheminées afin de confronter les différents types de cheminées présents dans une même période. Afin de rassembler les renseignements nécessaires, nous avons modifié l'organisation des tableaux. Les différents types de cheminées sont présentés par rapport à leur datation, ce qui permet de déterminer pour les différentes périodes quels types de cheminées sont présents ; la période d’existence des cheminées se divise en siècles échelonnés du XIIIe au XVIe siècle. Puis, nous étudierons pour chaque siècle la présence des différents types de cheminées en comparant la stylisation. Ensuite, l’étude porte sur l’évolution stylistique des cheminées observée au cours des siècles.

249 Ibid. 207

Le tableau 7.2, p 198 présente le nombre de cheminées pour chaque catégorie en fonction des différentes périodes. Le XIIIe siècle est représenté par une seule cheminée adossée à piédroits. Le XIVe siècle se démarque par la présence de cheminées adossées à piédroits (deux) et de cheminées adossée à large couvrement (deux). Il n’existe qu’une seule cheminée engagée au couvrement mouluré. Le XVe siècle se caractérise par l’existence de plusieurs types de cheminées en grand nombre ; les cheminées adossées à large couvrement (douze), les cheminées adossée à piédroits (huit), les cheminées incorporées (quatre) et les cheminées engagées (deux). Le XVIe siècle présente moins de cheminées ; cheminées adossées à piédroits (trois), cheminées engagées (deux) et cheminées adossées à large couvrement (une). Les cheminées de notre corpus sont datées du XIIIe au XVIe siècle. La cheminée datée du XIIIe siècle est du type adossé à piédroits en forme de corbeaux (Château de Theys). Elle date de 1279250. (tab 7.36, ann 1, p 236). Les cheminées du XIVe siècle comprennent toutes les catégories sauf la cheminée incorporée. Elles se répartissent tout au long du siècle. Le début du XIVe siècle est représenté par une cheminée adossée à large couvrement ornée de moulures monolithes (tab 7.37, 1er rang, p 237). Le décor élémentaire de la cheminée semble être ressemblant avec le caractère sommaire de la cheminée daté avant la seconde moitié du XIVe siècle dont Corvisier parle ; la cheminée est dotée d’une hotte pyramidale et des deux tablettes destinées à poser des lampes251. La seconde moitié du siècle présentent trois types de cheminées possédant un décor élémentaire (tableau 7.37, 1er rang) ; la cheminée adossée à piédroits en forme de corbeaux (Mollard-Ronde), la cheminée engagée (Clérivaux) ainsi que la cheminée adossée à large couvrement (Montplaisant). Ce dernier type de cheminées se retrouve sur une longue période, allant jusqu’au début du XVe siècle. Le décor des corbeaux à chanfrein se retrouve sur la cheminée datée de la fin du XIVe – début du XVe siècle. Les cheminées présentes au XIVe siècle montrent une certaine simplicité par la surface à chanfrein, les moulures monolithes ou l’emploi de petites moulures qui soulignent la corniche. Ces décors caractérisent l’aspect ornemental des cheminées du XIIIe et XIVe siècle ; E. Sirot parle de l’uniformité et de la sobriété du décor sculpté des cheminées situées dans les grandes demeures comme dans les maisons plus modestes. Les cheminées du XVe siècle sont nombreuses et montrent une variation des décors. Elles comprennent tous les types de cheminées et se répartissent au cours du siècle. Tout d’abord, il existe douze cheminées datant du XVe siècle sans plus de précision sur la période

250 Ibid. 251 Christian CORVISIER, « Cheminée », op. cit. 208 au cours de ce siècle (tab 7.38, ann 1, p 238). La majorité concerne des cheminées incorporées et adossées à large couvrement. Pour ces cheminées, leur décor présente une similarité stylistique. La cheminée incorporée présente de grosses moulures sur le couvrement (tableau 7.38, 1e rang). Les cheminées dotées de figures sculptées sont également présentes au XVe siècle (cheminée de Carroz). Quant à la cheminée adossée à large couvrement, celle-ci montre un élément en commun avec la cheminée incorporée ; le couvrement du manteau comprenant un entablement composé sur le haut d’une corniche et dans la partie inférieure de larges moulures. Nous nous demandons si ce décor est typique de la période du XVe siècle. Letellier252 souligne le point commun des cheminées pour leur monumentalité qui mesure environ 1,8 mètre du sol au linteau. Par ailleurs, il existe la cheminée de Mépieu (tableau 7.38, 3e rang, 238) qui se démarque par l’existence de volutes sculptées sur les piédroits. La période de la première moitié du siècle se caractérise par la diversification du décor, comme le montre en particulier le site de Châtillon (tableau 7.39, 1er rang, p 239). Les trois cheminées sont chacune représentatives d’un type différent de cheminées ; la cheminée adossée à large couvrement (à gauche), la cheminée engagée (milieu) et la cheminée incorporée (droite). L’aspect ornemental des cheminées est exceptionnel avec la rencontre des moulures (tableau 7.39, 1er rang, la troisième), le motif en accolade (tableau 7.39, 1er rang, la deuxième) ou le manteau de forme trapézoïdale (tableau 7.39, 1er rang, la première). Par ailleurs, la cheminée de la Tour Brune (tableau 7.39, 1er rang, la quatrième) est une cheminée adossée à piédroit en forme de corbeaux. Ensuite, le décor des cheminées paraît plus élémentaire sur les cheminées de la seconde moitié du XVe siècle (voir les cheminées de Peythieu, tableau 7.39, 2e rang, la première et la deuxième). Toutefois, si nous précisons la catégorie de ces deux cheminées, la présence stylistique paraît être plus recherchée pour la cheminée adossée à piédroits en forme de corbeaux. Dans la partie concernant la datation, nous avons indiqué que les moulures sur les corbeaux remplacent les corbeaux à chanfrein de la première moitié du siècle. La cheminée de la Tour Brune montre cette évolution. Le développement du décor sur la cheminée adossée à piédroit continue jusqu’à la fin du XVe siècle. La cheminée de Cingle (tableau 7.39, 2e rang, dernière colonne) peut attester d’un décor amélioré avec un traitement raffiné des moulures. La période courant de la fin du XVe jusqu’au début du XVIe siècle se caractérise par un décor riche de moulures. Tous les types de cheminées sont concernés par cet effet esthétique particulier. Les cheminées adossées à large couvrement (celles de Montplaisant, de Ferme des Dames et de Châtillon, tableau 7.40 (p 240), voir images

252 Dominique LETELLIER et Charlotte OLIVIER, Le décor intérieur dans l’architecture des demeures du XIIe au XXe siècle, op. cit. 209 agrandies tableaux 7.16 (p 212), 7.12 (p 208) et 7.17 (p 213) se remarquent par les moulures saillantes qui se trouvent sur le couvrement. En outre, les deux cheminées de Tournelle disposent de décors délicats sur les piédroits (tableau 7.40, 1er rang). La cheminée adossée à piédroit (celle de Biol, tableau 7.40) se démarque par le travail soigné des moulures situées sur les corbeaux. Par contre, le corps des cheminées des Champs présente un décor élémentaire.

Il ressort qu’au XVe siècle, la diversification du décor se situe dans la première moitié du siècle et dans la période transitoire allant de la fin du XVe au début du XVIe siècle.

Le XVIe siècle est moins représenté que le XVe siècle mais l’aspect décoratif des cheminées connaît une amélioration stylistique à la suite du XVe siècle. Concernant la première moitié du siècle, le travail des moulures du couvrement permet d’admirer le jeu des nervures et moulures (sites du Gollard et de Gramond, tab 7.41, p 241). Néanmoins, l’effet ornemental dans la seconde moitié du siècle devient élémentaire avec l’emploi de grands corbeaux en forme curviligne. Toutefois, nous ne pouvons pas supposer un recul du décor à cette période en raison du faible nombre d’éléments trouvés. De plus, il existe deux cheminées datant du XVIe siècle sans plus de précision. Leur aspect décoratif paraît luxueux avec le motif des volutes situé sur les corbeaux (cheminée de Morges, tableau 7.41) et l’emploi de différentes moulures sur le couvrement (cheminée de Serrières, tableau 7.41). Le décor des cheminées au XVIe siècle montre une amélioration de la présence stylistique des cheminées, avec un effet luxueux, dans la continuité du XVe siècle. Le modèle de la cheminée de cuisine et celui de la cheminée monumentale se retrouvent dans les demeures aristocratiques situées dans d’autres régions. Les maisons fortes (situées en Basse Maurienne et Val de Gelon et en Vivarais) ainsi que d’autres types de l’habitat noble comme les tours salles (en Bourbonnais) et les manoirs (en Anjou) se trouvent les mêmes types des cheminées ornées des moulures. La majorité de cet élément du feu date aux XIVe et XVe siècle. Nous pouvons supposer que ces cheminées connaissent la réalisation sous le même courant artistique, ce qui permet de définir les modèles nationaux comme nous avons présenté dans la partie des fenêtres.

L’ouvrage de M.Diot253 renseigne clairement l’évolution de la structure et de l’aspect décoratif des cheminées. Ceci correspond plus ou moins aux caractères des cheminées de notre corpus. Ce dispositif se généralise dès le milieu du XIIIe siècle. Le plan circulaire des

253 Martine DIOT, Cheminées, étude de structures du Moyen Age au XVIIIe siècle, Editions du patrimoine, Centre des monuments nationaux., Paris, 2007. 210 cheminées se transforme en un plan rectangulaire. En outre, le linteau connaît la modification importante ; de la forme cintrée en pan coupé et puis le linteau plat avec clé à claveaux avec des corbeaux reposant sur les piédroits. Dans le siècle suivant, la cheminée devient un attribut important dans la grande salle. Dans la seconde moitié du XIVe siècle et au XVe siècle, ils apparaissent les cheminées superposées situées entre les étages. Cette disposition suggère au type de la cheminée située au premier niveau pour le corps incorporé qui supporte le foyer de l’étage. Ensuite, au XVe siècle, la cheminée se caractérise par le corps en forte saillie surmonté d’une hotte pyramidale. Le manteau est orné d’un bandeau saillant et la corniche au- dessus du linteau.

E. Le décor des cheminées et l’habitat noble Comme pour les portes et les fenêres, nous allons présenter le rapport entre l’aspect des cheminées et l’approche décorative des sites et essayer de déterminer s’il existe une corrélation ou pas entre ces éléments.

L’étude des cheminées dans notre corpus montre l’existence de trois grandes catégories de cheminées au milieu des résidences seigneuriales et qui présentent des caractéristiques semblables ou distinguées. Comme avec les portes et les fenêtres, nous avons utilisé le regroupement des sites en tenant compte du nombre et du caractère des décors afin de connaître le niveau de l’aspect décoratif de chaque site. Ensuite, la division des sites selon le niveau de décor nous aide à comparer le décor des cheminées (voir le regrouprement des sites ; fichier « regroupement des sites »).

Tout d’abord, les cheminées qui possèdent un petit nombre de décors se situent dans les petits sites ou les sites ayant une ornementation. Nous les avons trouvées dans la Maison forte les Blains (cheminée incorporée, tab 7.3, p 199), la Maison forte de Saleton (cheminée incorporée, tab 7.3, p 199), la Maison forte D’Ecottier (cheminée adossée à large couvrement, tab 7.12, p 208) et la Maison forte Clérivaux (cheminée engagée, tab 7.23, p 219). Les cheminées ayant un grand nombre de décors sont dans les sites de grande taille ou ceux possédant un ornement plus recherché. Nous pouvons citer les sites suivants qui possèdent les cheminées adossées à large couvrement : Château Châtillon (tab 7.15, p 211), Maison forte Carroz (tab 7.14, p 210), Château Mépieu (tab 7.18, p 214), Maison forte Montplaisant (tab 7.16, p 212), Maison forte Tournelle (tab 7.10, 7.11, p 206-207), Château Serrières (tab 7.17- 7.18, p 213-214) et Maison forte Vertrieu (tab 7.13, p 209). Pour la cheminée incorporée, 211 elles se situe dans le Château Châtillon (tab 7.4, p 200) et la cheminée engagée se trouve dans la Maison forte Montagnieu (tab 7.19, p 215). Nous pouvons contester que les décors des cheminées concordent avec les caractères des sites. Toutefois, il existe des facteurs que nous devons réfléchir avant d’affirmer cette supposition. Ils concernent le goût des détenteurs des sites et le caractère des cheminées dans la période d’étude. Pour le dernier facteur, nous pouvons préciser les types des cheminées déjà présentés dans la partie de l’évolution et voir s’ils sont situés dans notre période d’étude. La cheminée adossée à piédroits date initialement de la fin du XIIIe ou du début du XIVe siècle et se retrouve durant le XVe siècle, selon A. Durand254 et E. Sirot255. Les cheminées adossées à large couvrement et les cheminées engagées apparaissaient dès le XIVe siècle. La cheminée incorporée est datée entre le XIVe et le XVe siècle. Toutes les catégories des cheminées existent dans notre période d’étude. Pourtant, il existe certaines cheminées dont le décor ne coïncide pas avec le caractère des sites. Quelques sites de grande taille ou possédant un nombre de décors recherchés possèdent des cheminées montrant un décor élémentaire ; par exemple pour les sites ayant la cheminée adossée à large couvrement ; la Maison forte Chaleyre (tab 7.13, p 209). Les cheminées adossées à piédroits se trouvent dans les sites de la Tour Brune et de la Maison forte du Cingle (tab 7.9, p 205) et la Maison forte Peythieu (tab 7.5, p 201). Pour les cheminées engagées, elles se présentent dans les sites de la Maison forte de Larnage (tab 7.21, p 217), la Maison forte des Champs (tab 7.20, p 216) et la Maison forte du Cingle (tab 7.21, p 217). Nous pouvons aussi remarquer un contraste sur les petits sites dotés de cheminées présentant un décor plus recherché : Maison forte Biol (tab 7.6, p 202), Maison forte de Morges (tableau 7.7, p 203) et le Château Verna (tab 7.15, p 211). Par ailleurs, cette divergence entre le caractère des sites et le degré de décor peut être remarqué sur certaines cheminées possédant un décor riche mais situées dans des sites de taille moyenne : Maison forte du Gollard et Maison forte Gramond (tab 7.22, p 218), Maison forte Ferme des Dames (tab 7.12, p 208) et le Château de Theys (tab 7.6, p 202). Nous avons deux sites de taille moyenne possédant chacun une cheminée dotée de décors simples ; Maison forte Belmont (tab 7.8, p 204) et Maison forte Mollard-Ronde (tab, 7.7, p 203). Cette contradiction entre le décor des cheminées et le caractère des sites s’explique par le goût plus ou moins spécifique

254 Aline DURAND, Sylvie CAMPECH et Nelly POUSTHOMIS-DALLE, « Se chauffer en milieu de montagne. Habitats seigneuriaux dans le Massif central méridional (XIIe-XVIIe siècle) », op. cit. 255 Elisabeth SIROT, Allumer le feu : cheminée et poêle dans la maison noble et au château du XIIe au XVIe siècle, op. cit. 212 des détenteurs des sites. En outre, il est probable que les propriétaires commandent des cheminées correspondant au courant artistique de l’époque. Le dernier aspect peut être examiné comme le cas déjà présenté en haut. Ainsi, comme nous l’avons évoqué précédemment, la cheminée adossée à piédroits date initialement de la fin du XIIIe ou du XVIe siècle, les cheminées adossées à large couvrement et engagées apparaissaient dès le XIVe et se retrouvent jusqu’au XVIe siècle et la cheminée incorporée est présente entre le XIVe et le XVe siècle. Nous précisons les types des cheminées qui montrent le caractère opposé par rapport à celui des sites et vérifions l’existence de ces cheminées pendant notre période d’étude. Tous les types des cheminées existent dans notre période d’étude comme les cheminées possédant le caractère corespondant à celui du site. En résumé, des cheminées aux décors plus ou moins travaillés se trouvent dans des sites présentant des caractères différents. Les cheminées constituées d’un décor riche peuvent être trouvées dans des sites de grande taille comme de petite taille ou de taille moyenne, E. Sirot le souligne dans son ouvage256. Cela est identique pour les cheminées possédant un décor élémentaire que nous retrouvons dans les sites de petite taille, de grande taille et de taille moyenne. Le niveau du décor des cheminées ne dépend pas dans tous les cas du caractère des sites ; le goût esthétique des détenteurs des sites et le courant artistique de l’époque peuvent avoir une impact sur l’approche décorative des cheminées. En résumé, La cheminée est un élément d’architecture important qui se situe dans un espace intérieur de l’édifice. En dehors du caractère utilitaire de la cheminée d’apporter de la chaleur dans les pièces, la structure et la présence stylistique des moulures permet à la cheminée d’avoir également une fonction ornementale qui prédomine dans l’espace d’habitation des résidences seigneuriales. Le critère de la disposition des cheminées par rapport au mur permet de les diviser en trois catégories. Tout d’abord, la cheminée incorporée qui est présente en petit nombre dans notre corpus, mais dont la forme particulière la distingue des autres cheminées. Son corps est entièrement intégré dans le mur et le manteau est la partie la plus représentative. L’aspect décoratif se trouve sur le couvrement du manteau avec l’emploi de grosses moulures dans la plupart des cheminées. Celles de notre corpus datent du XVe siècle. La cheminée adossée qui est la plus nombreuse dans notre corpus.présente un foyer construit devant un mur. La composition de cette cheminée permet de la diviser en deux catégories. D’abord la cheminée

256 Elisabeth SIROT, Allumer le feu : cheminée et poêle dans la maison noble et au château du XIIe au XVIe siècle, op. cit. 213 adossée à large couvrement caractérisée par le couvrement du manteau comprenant un entablement doté de moulures dans les parties supérieures et inférieures et des retours latéraux engalbés. Cette cheminée est très présente au XVe siècle. L’autre catégorie concerne la cheminée adossée à piédroits en forme de corbeaux moulurés. Elle se distingue de la catégorie précédente avec son manteau plus léger, dont certains sont en bois et dont les corbeaux dominent le corps d’ensemble de la cheminée. L’approche décorative se retrouve sur ces derniers. Ces cheminées sont également nombreuses au XVe siècle. Enfin, la cheminée engagée qui ressemble à la cheminée adossée à large couvrement, mais se dintingue de celle- ci par le foyer dont une partie est intégrée dans l’épaisseur d’un mur. Le décor se présente sur le couvrement du manteau ou sur les corbeaux. La majorité de ces cheminées apparaissent au XVIe siècle.

Quant à l’aspect décoratif des cheminées, il comprend le décor des moulures et l’emploi de motifs sculptés comme pour la porte et la fenêtre. La partie des corbeaux constitue un endroit privilégié pour accueillir des décors en raison de la visibilité offerte par cet élément. Concernant le décor des moulures, il se divise en chanfreins et en moulure creuse. Le traitement des chanfreins s’applique sur le couvrement du manteau (pour la cheminée incorporée) et aussi sur la partie des corbeaux (pour la cheminée adossée à piédroits). L’effet du décor permet une légère profondeur sur le corps de cheminée. Au contraire, l’emploi des moulures donne un effet esthétique plus accentué en montrant la diversification du décor. Les moulures sont employées sur le couvrement du manteau (pour tous les types des cheminées, à l’exception de celle avec les corbeaux moulurés) et également sur les corbeaux (pour tous les types des cheminées, sauf celle incorporée). Nous pouvons affirmer que les moulures sont des éléments indispensables dans l’approche décorative des cheminées. Enfin, l’utilisation des motifs sculptés permet de souligner un effet décoratif sur différentes parties de cet élément de chauffage. Le motif armorié se présente au niveau central du manteau de cheminée, comme il se retrouve sur les linteaux de la porte et de la fenêtre. Cet emplacement lui permet d’être vu par les visiteurs. Ceci suggère la volonté des commanditaires de présenter une certaine ostentation257. Enfin, la disposition des autres motifs sculptés, comme la figure des volutes ou celle du personnage, contribue à améliorer la perspective de la cheminée en étant l’un des éléments du décor important. Quant à l’évolution stylistique des cheminées, il faut d’abord préciser que la cheminée s’est généralisée assez tardivement, aux XIVe et XVe siècles malgré son apparition et l’emploi

257 Jean-Marie PESEZ, « Le chauffage : foyers et cheminées », in Cent maisons médiévales en France (du XIIe au milieu du XVIe siècle) Un corpus et une esquisse, CNRS., Paris, 1998. 214 de cheminée dans les logis seigneuriaux depuis le XIIe siècle258. Le caractère du décor s’améliore en observant la présence stylistique d’un siècle à l’autre. Le XIIIe siècle est caractérisé par la cheminée d’une forme élémentaire et du décor simple (la cheminée de Theys est une exception en possédant un décor peint sur la hotte). Les cheminées se modifient avec l’utilisation des chanfreins et de moulures plus recherchés au XIVe siècle. Puis, au XVe siècle, l’emploi de la sculpture et de la mouluration complexe sur les piédroits et manteaux devient un élément majeur du décor intérieur259. Pendant ces deux siècles, la cheminée connaît une généralisation et une systématisation des dispositifs, ce qui paraît tardif puisqu’elle existe depuis le XIIe siècle260. Enfin, l’aspect décoratif du siècle précédent se poursuit au XVIe siècle en joignant l’emploi des moulures raffinées. Finalement, si nous considérons le décor des cheminées par rapport à l’ensemble des sites, les cheminées dotées d’un décor élémentaire se situent dans les sites de petite taille ou possédant peu de décors. Toutefois, ces cheminées élémentaires se retrouvent aussi dans de grands sites ou d’une taille moyenne. Le contraste entre le degré de décor et le caractère des sites se retrouve également pour les cheminées possédant un décor plus recherché ; elles ne se situent pas seulement dans les grands sites mais aussi dans des sites de petite et de moyenne taille. Nous pouvons en conclure que le niveau de décor des cheminées ne correspond pas toujours aux caractéristiques des sites.

258 Aline DURAND, Sylvie CAMPECH et Nelly POUSTHOMIS-DALLE, « Se chauffer en milieu de montagne. Habitats seigneuriaux dans le Massif central méridional (XIIe-XVIIe siècle) », op. cit. 259 Christian CORVISIER, « Cheminée », op. cit. 260 Aline DURAND, Sylvie CAMPECH et Nelly POUSTHOMIS-DALLE, « Se chauffer en milieu de montagne. Habitats seigneuriaux dans le Massif central méridional (XIIe-XVIIe siècle) », op. cit. 215

5.3 Les décors figuratifs

5.3.1 Les décors peints

Les décors peints constituent des éléments importants de la décoration et de la mise en valeur de ses demeures. Ils peuvent donner des indications sur les goûts et le niveau social des propriétaires, de même que sur l’impact des changements artistiques en œuvre pour la période étudiée. Ils se présentent sous différentes formes : une forme élémentaire avec des murs peints de couleurs et tonalité différentes (simples murs peints) ; une forme plus élaborée avec divers motifs décoratifs (motif décoratif isolé) ; une forme où ses mêmes motifs s’organisent dans des séries répétitives (peintures murales) et enfin une forme complexe avec souvent des éléments héraldiques tels les blasons et dans les cas exceptionnels des scènes historiées (cycles historiés). Nous allons étudier ces quatre catégories que nous venons de distinguer pour savoir si elles ont des caractéristiques propres dans leurs apparitions et leurs distributions chronologique et spatiale.

A. Caractéristiques des décors peints

Notre corpus comprend un total de trente-sept décors peints qui peuvent être divisés en quatre catégories (ann 1,tab 8.1, p 242). La peinture murale est la plus représentée (vingt), puis viennent ensuite le motif décoratif (sept), le cycle historié (six) et la teinte ou le trait coloré (quatre).

Tout d’abord, nous pouvons distinguer trois modes de représentation des décors peints.

1) Les teintes ou les traits colorés

Ce type de décor peint ne constitue pas une représentation figurée, il s’agit d’une représentation colorée. Les teintes peuvent être présentées avec d’autres décors comme des frises colorées (ann 1, tab 8.3, p 244) ou se présentent de manière superposée avec une ou plusieurs teintes de tonalité différente (ann 1, tab 8.4, p 245 et 8.5, p 246 ou fig 62). Néanmoins, il semble difficile de connaître la signification des teintes ; néanmoins les couleurs employées donnent un effet décoratif à cette ambiance. 216

Figure 62 teintes colorées, château de La Frette 2) Les motifs décoratifs (motif décoratif isolé) Ces décors de présentation figurative se divisent en différents motifs. Les tableaux 8.6-8.8 (ann 1, p 247-249) montrent les motifs se trouvant directement sur l’architecture du site, en présentant le décor du symbole (ann 1, tab 8.6, p 247), celui en motif géométrique répété (ann 1, tab 8.7, p 248 et fig 63) et celui d’inscription (ann 1, tab 8.8, p 249).

Figure 63 motifs décoratifs, Château de Serrières

3) Les peintures murales

L’utilisation d’un grand nombre de motifs décoratifs permet la réalisation de peintures murales. Celles-ci peuvent être composées chacune de plusieurs motifs décoratifs ou d’un seul. Nous allons présenter les différentes peintures murales en précisant les motifs décoratifs.

D’abord, nous parlerons du motif des faux-appareils. Le tableau 8.9 (ann 1, p 250) et 8.10 (p 251), pour le dernier voir la figure 60 présente le décor orné de ce motif qui imite les traits des blocs de pierres des murs. Le décor du tableau 8.9 est combiné avec le motif floral, tandis que le décor du tableau 8.10 est remarquable par le jeu des couleurs. L’effet de répétition se manifeste dans les deux peintures. 217

Figure 64 Motif des faux-appareils, Tour Ravier

Le site du tableau 8.9 présente une autre peinture décorée de motifs floraux. Le décor est animé par l’alternance des fleurs rouges. De même, le tableau 8.11 (ann 1, p 252-253, ou fig 65) montre les peintures murales du site de Demeure patricienne comportant différents motifs : l’intérêt portera sur une frise ornée sur le registre supérieur de trois bandes colorées et sur le registre inférieur par la répétition de motifs géométriques. La frise représente trois blasons colorés identifiables.

Figure 65 Motif armorié, Demeure patricienne

La partie de l’écoinçon de la même pièce où se situe ces décors montre la figure d’un animal fantastique, la chimère. Une autre peinture trouvée dans ce site présente aussi les figures armoriées sur le plafond. Nous voyons que ce site est remarquable par l’apparition des motifs armoriés qui peuvent être présents sur le mur ou au plafond. Le tableau 8.12 (ann 1, p 254) concerne le décor peint du site de Brangues qui se trouve exceptionnellement dans une cave, au niveau du sous-sol. Il existe deux décors nous permettant de les identifier : le motif géométrique qui se présente sous la forme d’une frise sur laquelle des cercles rouges sont représentés. La frise est soulignée par deux bandeaux parallèles colorés en rouge et en jaune. Le motif du personnage apparaît avec la figure d’un hybride et celle d’une femme reconnaissable par la coiffure et le vêtement. Les attributs du personnage aident à en identifier le caractère. Il en est de même pour le personnage présenté dans le tableau 8.14 (ann 1, p 218

256). Nous avons identifié la figure d’une femme et celle d’un homme, à l’aide des caractères de leurs vêtements.

Le motif géométrique est l’un des motifs décoratifs les plus présents en nombre sur les sites étudiés et présente une approche décorative intéressante. Le tableau 8.13 (ann 1, p 255) montre les décors du site de Vertrieu et de Belmont qui se manifestent chacun par un effet de répétition. L’intérêt réside dans l’alternance des motifs de manière systématique : à Vertrieu (fig 66), la série des triangles noirs alterne avec la série des triangles blancs. Ceci évoque un jeu de couleurs.

Figure 66 Motifs géométriques, maison forte Vertrieu

A Belmont, la solive décorée du motif géométrique (coloré en brun) alterne avec la solive ornée du motif du cœur. Nous avons donc une répétition réalisée à l’aide de la combinaison de deux motifs, ce qui ressemble à l’effet décoratif du tableau 8.9 (ann 1, p 250).

4) Les cycles historiés

Il s’agit d’un décor présentant des scènes narratives sur un thème particulier ou relatives à l’histoire de la famille détentrice du site. Nous allons étudier la série de décors par site.

4.1) Maison forte Montplaisant (ann 1, tab 8.16, p 258-261)

Le cycle historié se trouve sur quatre murs, à l’intérieur de la chapelle castrale. Le thème est celui de deux scènes religieuses, dont l’une présente l’Annonciation et l’autre la Crucifixion. Les deux autres scènes montrent les rapports du commanditaire du site et des membres de la famille avec les figures des saints et des anges. La scène où deux anges portent un blason suggère au spectateur d’admirer l’importance de la famille détentrice. Celle-ci est représentée par les armoiries surmontée d’un plumet (voir fig 67). 219

Figure 67 L’une des scènes du cycle historié, maison forte de Montplaisant

La présentation des figures correspond au déroulement des scènes. L’approche décorative est soulignée par le décor de fond qui est animé par de petits motifs géométriques. La particularité de ce cycle historié est l’apparition de la figure des seigneurs dans la scène. Selon les sources, ce décor est caractéristique de l’époque.

4.2) Maison forte Les Blains (ann 1, tab 8.17, p 262)

Les décors se caractérisent par l’emploi de la couleur grisaille sur l’ensemble de la scène. La scène de bataille est suivie par une scène dans laquelle une personne de pouvoir menant un siège.

4.3) Maison forte des Loives (ann 1, tab 8.18 et 8.19, p 263-265)

Cette peinture murale expose une série d’écus armoriés tout le long de la pièce située au premier étage. D’autres décors présentant des scènes en registres, dont le registre supérieur, montrent des figures principales comme l’affrontement d’un chevalier ou la composition de motifs géométriques. Le registre inférieur présente la série des écus armoriés (fig 68). Nous pouvons décrire ce décor comme la galerie des blasons. 220

Figure 68 Détail des écus peints, maison forte des Loives

Un autre décor montre des motifs en faux-appareils, dont le décor trouvé au rez-de- chaussée de la tour est particulier par la figure d’une croix cercelée (fig 69).

Figure 69 Détail des faux-appareils, maison forte des Loives 4.4) Maison forte du Champs (ann 1, tab 8.20-8.21, p 266-267)

Les décors de ce site se caractérisent par la présentation de peintures dotées d’encadrements et par une série des motifs végétaux trouvés aux alentours de la baie et sur le cadre des fenêtres. L’aspect décoratif du site s’accentue par la présence du décor végétal pouvant orner une partie des fenêtres.

4.5) Maison forte Saleton (ann 1, tab 8.22, p 268) Le thème du décor est similaire à celui de Champs avec des peintures montrant le paysage urbain des fleuves. De plus, deux panneaux des rinceaux présentent le goût du détenteur pour le motif végétal. La technique de ce décor ressemble à celle de Champs.

4.6) Château de Theys (ann 1, tab 8.23, p 269-270) Le décor se trouve dans la grande salle située au premier étage du logis. Il ne reste plus que des vestiges du décor d’origine, à l’exception du registre intermédiaire qui existe encore de nos jours. La composition de ce registre est organisée autour de motifs triangulaires recoupés alternativement par des médaillons circulaires ou quadrilobés. Le jeu des formes se manifeste 221 par trois motifs distincts. L’effet esthétique est aussi souligné par le jeu des couleurs qui varient en quatre tons (fig 70).

Figure 70 Décor peint dans la grande salle, château de Theys

Par ailleurs, de petits motifs sont inscrits sur les médaillons et les motifs quadrilobés. Ces derniers présentent les scènes de l’aventure du chevalier Perceval. Ce décor riche se présente tout le long du mur de la pièce, en couvrant les éléments d’architecture engagés contre le mur (la cheminée et les coussièges). Cet effet décoratif permet d’offrir aux habitants une ambiance joyeuse et imaginative. Nous pouvons affirmer que le décor peint est une catégorie de décor figuratif qui est caractéristique pour la variation du décor par la manière de présentation et aussi par les motifs décoratifs.

B. Datation de décors peints

Il est d’abord important de préciser que les informations relatives à la datation ont été obtenues par des suppositions pour la majorité des décors comme pour le corpus des portes et des fenêtres. Nous avons employé la datation relative afin de proposer une datation approximative pour chaque cheminée ; il s’agit d’une observation sur l’état des bâtiments précisant l’emplacement où se trouvent les cheminées décorées. L’évolution portée sur les appareils des pierres et sur les murs permet de suggérer l’évolution des éléments architecturaux et la date relative à son architecture. Par ailleurs, la présentation des décors sur les cheminées peut être étudiée de façon comparative avec la forme et le caractère des autres cheminées déjà renseignées. Ces éléments aident à préciser la date de nos cheminées étudiées sur une large période.

222

1) Les teintes ou les traits colorés Le tableau 8.24 (ann 1, p 271) présente des décors peints aux teintes colorées qui datent du XIIIe au XVe siècle. Le décor de la Tour Ravier montre de fausses draperies colorées en rouge et ocre de la fin du XIIIe au début du XIVe siècle. Les teintes rouges se retrouvent dans le décor peint de Larnage qui se démarque par les points et les frises. L’ensemble du décor date du deuxième quart du XIVe siècle. Par ailleurs, le décor de La Frette, qui se caractérise par le jeu des couleurs, présente une datation plus tardive, entre le XIVe et le XVe siècle.

2) Les motifs peints Le tableau 8.25 (ann 1, p 272) montre le décor aux motifs peints datant entre le XVe et le XVIe siècle. Le décor avec motif de fleurs de Lys de Cingle date du XVe siècle. De même, le motif des inscriptions du site de Montplaisant présente une date correspondant à la seconde moitié du XVe siècle. Enfin, deux motifs de Serrières présentant un effet répétitif sont datés du début du XVIe siècle.

3) Les peintures murales Les tableaux 8.26-8.28 (p 273-275) présentent des peintures murales ornées de différents motifs. Celles des faux-appareils des sites de Tour Brune et de Tour Ravier possèdent une datation contemporaine vers la seconde moitié du XIIIe ou la fin du XIIIe jusqu’au début du XIVe siècle. Les décors variés de la Demeure patricienne montrent une date un peu plus tardive, à la première moitié du XIVe siècle. Les peintures de Brangues, dont l’un de deux motifs présente la figure d’un personnage, sont comprises dans une période allant du milieu du XIVe jusqu’au XVe siècle. L’emploi des couleurs rouge, jaune et noire se retrouve dans la peinture de Blains qui présente une figure géométrique de la même période que les peintures de Brangues. Il ne faut pas oublier les décors de Loives présentant le motif des faux-appareils, déjà apparu au XIIIe siècle. Son apparition au XIVe siècle montre une certaine amélioration de la forme consistant en des figures superposées. Ensuite, les peintures du XVe siècle montrent un traitement des figures plus raffiné, ce qui représente une évolution stylistique. La peinture influencée par le motif géométrique de Vertrieu présente la date du XVe siècle. Le décor des personnages du site de Gollard date du milieu du XVe siècle. La peinture du motif végétal ressemblant à une figure réelle possède une datation à la fin du XVe siècle. Enfin, le décor répétitif du motif géométrique situé sur le plafond de Belmont présente une datation plus tardive, à la fin du XVIe siècle. 223

4) Cycles historiés

Les tableaux 8.29-8.30 (ann 1, p 276-277) montrent le décor peint d’un type cycle historié. La datation des décors s’échelonne du XIIIe au XVIe siècle. Tout d’abord, le programme pictural de Theys, qui présente un jeu de couleurs en racontant l’aventure du chevalier Perceval, montre une datation de la fin du XIIIe au début du XIVe siècle. Puis, le cycle présentant la série des écus de Loives date du troisième quart du XIVe siècle. Ensuite, les peintures présentant le thème religieux le reliant au commanditaire de Montplaisant date du dernier quart du XVe siècle (1479). Au même moment, les peintures de Champs se présentent vers la fin du XVe siècle. Par ailleurs, deux peintures en grisaille du cycle historié de Blains datent tardivement du XVIe siècle. Enfin, les décors peints de Saleton montrant une peinture ressemblant à celle de Champs, ainsi que des motifs végétaux, datent des siècles suivants, c’est-à-dire les XVIIe et XVIIIe siècle.

C. Analyse stylistique Après la présentation des décors ci-dessus, intéressons-nous au corpus de décors peints constitués de motifs décoratifs variés, qui se présentent en un unique type du motif ou se composent de plusieurs motifs et montrent un cycle historié. Les bandes colorées se retrouvent également dans les scènes de quelques sites. Nous allons ensuite parler de quelques remarques qui relient la nature du type de décor et son effet décoratif.

1) La présentation répétitive Ce type de présentations se retrouve dans certains motifs décoratifs, en particulier le motif des faux-appareils et les motifs géométriques. Toutefois, nous remarquons que ces motifs sont de nature différente : les faux-appareils sont destinés à imiter la pierre de taille (ann 1, tab 8.9, A-1, p 250 et 8.10, A-3, p 251), tandis que le motif géométrique vise à imiter une forme géométrique (ann 1, tab 8.13, A-1, 255). Le motif végétal s’inspire de la nature (ann 1, tab 8.9, B-1, p 250) et le motif armorié symbolise la famille seigneuriale (ann 1, tab 8.18, p 263- 264). La répétition présente des qualités décoratives qui peuvent être divers. Nous pouvons diviser la manière de répéter en deux caractères. 224

Le premier consiste en une répétition simple. Les motifs sont présentés successivement dans le sens horizontal et vertical, comme les losanges de la Maison forte de Montplaisant (tableau 8.16, A-2, p 260). Nous n’avons vu qu’un seul motif pour ce type de répétition. Le second caractère se compose d’une répétition alternée. Des motifs différents s’alternent et peuvent être présentés sous diverses orientations. Le décor peint de la Maison forte Belmont (tab 8.13, B-1, p 255) montre une répétition alternée entre le motif floral et le motif géométrique présentés sur le plafond. La répétition des triangles de la Maison forte Vertrieu (tab 8.13, A-1, p 255) montre une alternance d’orientation des motifs : enfermés dans des carrés ou des rectangles, les triangles s’alternent en étant respectivement orientés horizontalement et verticalement. Les motifs floraux de la Tour Brune et les motifs triangulaires de Theys (tab 8.9, ann 1, p 250 et 8.23, p 269-270) présente également une répétition alternée de formes et de couleurs. Sur la partie haute du mur, les fleurs jaunes alternent avec les fleurs rouges de taille plus petite. Les cas présentés ci-dessus nous permettent de constater que la répétition offre un mode varié de présentation des motifs tout en créant un effet esthétique. Ceci permet de donner à l’ensemble de la scène une présentation abstraite. Nous supposons par conséquent que la répétition est destinée à fournir un effet décoratif voulu par les peintres. De plus, le nombre de décors présentant cet effet révèle probablement que le mode de la répétition était inscrit dans le courant artistique de l’époque.

2) La présentation narrative Cette catégorie de décor est constituée de la présentation répétitive de plusieurs motifs composés en établissant une ou plusieurs scènes continues (le cycle historié). L’ensemble du décor est destiné à raconter le contenu de la scène par des motifs jouant un rôle principal et un rôle secondaire. Le rôle secondaire s’accompagne toujours de la fonction ornementale, en particulier sur la partie marginale de la scène. Néanmoins, les motifs ornementaux montrent plusieurs motifs variés : le motif géométrique (ann 1, tab 8.13, p 255), le motif végétal (ann 1, tab 8.9, B-1, p 250), et le motif armorié (ann 1, tab 8.11, p 252-253). Chaque motif présente un effet répétitif, en particulier le motif géométrique et le motif armorié. La répétition des motifs joue un rôle important dans la scène.

L’intérêt porte sur le déroulement de la scène qui expose la narration dans une seule scène, et en plusieurs scènes dans le cycle historié. Pour le déroulement d’une seule scène, les figures principales jouent un rôle important. Le geste de figure du site de Blains (tab 8.17, p 225

262) montre le statut prestigieux avec l’action du commandement, tandis que la figure du Gollard (ann 1, tab 8.14, p 256) présente une désignation vers l’autre figure. Le geste est une clef qui permet d’impliquer l’état ou le statut du personnage. Quant au cycle historié, la série des scènes présentées dans un site montre généralement un thème principal, comme le thème religieux présenté à la Maison forte Montplaisant, (tab 8.16, p 258-261) ou le thème du pouvoir des seigneurs symbolisé par la présence d’un grand nombre d’écus armoriés (Demeure patricienne, tab 8.11, p 252-253) ; Maison forte des Loives, tab 8.18, p 263). De plus, la composition de certaines scènes dans ces deux derniers sites peut être divisée en plusieurs registres. Ceux-ci peuvent être reliés et lus de manière continue, comme la scène d’affrontement d’un chevalier à la Maison forte des Loives (ann 1, tab 8.18, A-2, p 263) ou la scène principale divisée en plusieurs registres à la Demeure patricienne (ann 1, tab 8.18, B-1, p 263). Le site des Loives se démarque par la grande salle située au premier étage qui est entièrement décorée d’écus armoriés sur tout le long du mur. Le site de la Demeure patricienne est remarquable par la grande salle du premier étage ornée de motifs variés. Le motif des écus armoriés se présentent au milieu de la scène, entourés de motifs géométriques et de bandes colorées. La documentation à notre disposition261 révèle que la présence de nombreux écus sur ces deux sites permet de supposer que la grande salle servait de lieu de réunion entre les seigneurs de différentes familles à la demeure patricienne et à la maison forte des Loives. Les écus symbolisent chacun les armoiries d’une famille. Le décor peint présente ici la fonction symbolique des familles seigneuriales qui étaient dominantes dans la région.

Ensuite, intéressons-nous à la présentation d’un thème découpé en plusieurs scènes mais dont le déroulement demeure individuel pour chacune d’entre elles. Le cycle historié de la Maison forte Montplaisant (ann 1, tab 8.16, p 258-261) en est un bon exemple. Le thème présenté est remarquable par l’apparence des saints et en particulier la présence de la figure de détenteur du site et de sa famille auprès des saints et des saints patrons. Ce type d’iconographie reflète le développement du culte des saints à la fin du Moyen-Âge et montre la pratique religieuse qui tend à s’individualiser selon les croyances de chaque famille seigneuriale comme celle de la maison forte Montplaisant. L’une des peintures murales trouvées à la chapelle présente la figure du détenteur du site dans la scène religieuse.

261 Patrimoine en Isère : Chambaran, Conservation du Patrimoine de l’Isère, Grenoble, 1999 226

Nous verrons que la présentation narrative se caractérise par le déroulement de scènes évoquant l’intérêt de l’ensemble de présentation. Par ailleurs, ce type de décor révèle la richesse de l’ornement avec des motifs décoratifs variés.

3) La variété des formes et des couleurs Les formes et les couleurs des motifs peuvent varier dans une scène. Le décor des faux- appareils de la Tour Brune (ann 1, tab 8.9, p 250) montre une variété de couleurs appliquée à des motifs identiques : les filets sont jaunes et encadrés par des lignes noires, tandis que les fleurs sont rouges. Ces faux-appareils sont présents le long des murs d’une pièce située à l’étage. Le décor géométrique de la Maison forte Vertrieu (ann 1, tab 8.13, A-1, p 255) présente un jeu de couleurs dans l’alternance des motifs. Tous les triangles sont en noir, soit ceux orientés verticalement, soit ceux orientés horizontalement. Le cadre de ces figures est en rouge. Le contraste entre les tonalités rouge et noire créé un certain effet artistique. Le jeu des couleurs et le jeu des formes se retrouvent sur le décor du site de Theys (ann 1, tab 8.23, p 269-270). Les motifs répétés de la Maison forte de Belmont (tab 8.13, A-2, p 255) exposent une variété de formes. Les décors sont distincts entre deux rangées verticales. L’une présente un motif ressemblant à un cœur et l’autre, deux motifs géminés qui sont alternés avec une fleur. Nous pouvons constater que l’effet répétitif des motifs est étroitement lié à la variété des formes et des couleurs. Nous supposons que les peintres avaient l’intention de présenter les motifs décoratifs de manière exhaustive en utilisant pleinement l’espace grâce à la répétition des figures. Celles-ci sont présentées de manière variée, autant par la forme que par la couleur.

D. Evolution stylistique des décors peints

Le tableau 8.2 (ann 1, p 243) présente le nombre de décors peints pour chaque catégorie, en fonction des différentes périodes étudiées. Le XIIIe siècle est représenté par cinq décors peints tous datant partir de la seconde moitié du XIIIe siècle. Le XIVe siècle se démarque par la présence d’un certain nombre de décors pour la première (six) et la seconde moitié du siècle (six). Il existe trois décors pendant la fin du XIVe et le début du XVe siècle. Au cours du XVe siècle, les décors se répartissent tout au long de cette période avec l’existence de douze 227 décors. Nous trouvons plusieurs décors (cinq) entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle. Il existe également quatre décors datant du XVIe siècle. Enfin, nous avons un décor en cycle historié qui date probablement du XVIIe – XVIIIe siècle.

Tout d’abord, il est préférable d’étudier la distinction des décors qui se divisent en tenant compte du mode de présentation. Puis, nous allons voir la datation de ces décors en comparant leur existence sur la planche chronologique. Il est nécessaire de préciser que les informations relatives à la datation sont issues de notre corpus de décors. Pour le décor des teintes (voir tab 8.31, ann 1, p 278), la période de réalisation se situe entre le milieu du XIIIe et le XVe siècle. Ensuite, concernant le décor de motifs décoratifs, la période de réalisation se situe entre le XVe et XVIe siècle (voir tab 8.32, p 279 pour le site de La Frette, tableau 8.33, p 280 pour le site de Montplaisant et tableau 8.34 pour le site de Serrières, p 281). Ceci montre la période en continu de la datation des teintes. Nous pensons que les motifs décoratifs sont plus tardifs par rapport à l’apparition des teintes au XIVe siècle, puis se présentent parallèlement à celles-ci au XVe siècle. Quant à la peinture murale, elle existe sur une longue période, depuis le milieu du XIIIe jusqu’à la fin du XVIe siècle (ann 1, tab 8.31-8.34, p 278- 281). Cette remarque semble couvrir la période d’existence des motifs décoratifs datés entre le XIVe et le XVIe siècle. Si nous nous penchons sur le caractère de la peinture murale qui se constitue généralement de plusieurs motifs décoratifs, il apparaît que les motifs décoratifs, qui sont moins importants que la peinture murale par la présentation et la variété des décors, existent bien dans la période d’existence des peintures murales qui couvrent une période longue. Nous considérons que le décor des motifs décoratifs et celui des peintures murales possèdent une datation contemporaine. Il en est de même pour le décor du cycle historié qui présente une longue période de datation, entre la fin du XIIIe et le XVIe siècle262 (ann 1, tab 8.31-8.34, 278-281). Les quatre catégories de décors que nous avons distinguées (simples murs peints), les motifs décoratifs, les peintures murales et le cycle historié possèdent les mêmes datations, entre le XIIIe et le XVIe siècle. Le décor des teintes est également inclus dans cette dernière période, présente surtout entre le XIIIe et le XVe siècle.

Enfin, si nous voulons préciser la période d’existence de certains motifs décoratifs, il est assez difficile de connaître leurs particularités stylistiques car ils se présentent tout au long de notre période d’étude. Il existe une grande variété de décors par le mode de présentation et par les motifs décoratifs. Pourtant, le seul motif qui se caractérise entre le XIIIe et le XIVe siècle

262 Cette période n’inclut pas le décor du site de Saleton (tableau 9.17.a) qui date entre le XVIIe et le XVIIIe siècle 228 est celui des faux-appareils263. Celui-ci présente une datation contemporaine avec sa présence dans les trois sites mentionnés.

E. Le décor peint et l’habitat noble Comme pour les éléments architecturaux, nous allons présenter le rapport entre l’aspect des décors peints et l’approche décorative des sites et tenter de déterminer s’il existe une corrélation entre ces éléments.

L’étude des décors peints dans notre corpus démontre l’existence de quatre catégories d’éléments au sein des résidences seigneuriales et qui présentent des caractéristiques semblables ou distinctes. Comme avec les éléments architecturaux, nous avons utilisé le regroupement des sites en tenant compte du nombre et des caractéristiques des décors, afin de déterminer le niveau de l’aspect décoratif de chaque site. Ensuite, la division des sites selon le niveau de décor nous aide à comparer le décor peint classifié entre trois groupes. (voir le regrouprement des sites ; fichier « regroupement des sites »).

Tout d’abord, les décors peints dotés des caractères plus recherchés se retrouvent dans les grands sites ou ceux ayant un ornement complexe. Ils concernent le Château de Serrières et la Maison forte Montplaisant (tab 8.25, p 272), la Maison forte Vertrieu et la Maison forte des Champs (tab 8.28, p 275). En outre, il existe quelques sites qui possèdent chacun un décor au caractère ni élémentaire, ni complexe : la Tour Brune et la Tour Ravier (tableau 8.26) et la Maison forte Gollard (tab 8.27, p 274). Nous pouvons énoncer que les caractéristiques de décors peints coïncident avec celles des sites. Toutefois, il existe des facteurs sur lesquels nous devons réfléchir avant d’affirmer cette supposition. Ils concernent le goût des détenteurs des sites et le caractère des décors peints au cours de la période d’étude. Pour ce dernier facteur, nous pouvons préciser les types des décors peints déjà présentés dans la partie relative à l’évolution (tableaux 8.31-8.36) et s’assurer s’ils sont situés dans notre période d’étude. Les teintes ou les traits colorés existent pendant la période allant du XIIIe au XVe siècle. Les motifs peints se présentent entre le XVe et le XVIe siècle. Les peintures murales se retrouvent dans une période longue, depuis le XIIIe

263 Christian de MERINDOL, La maison des chevaliers de Pont-Saint-Esprit : corpus des décors monumentaux peints et armoriés en France à l’époque médiévale, Conseil général du Gard, 2001.

229 jusqu’au XVIe siècle. Enfin, les cycles historiés connaissent une datation contemporaine aux peintures murales, donc du XIIIe jusqu’au XVIe siècle. Pourtant, il existe certains décors peints dont le décor ne concorde pas avec le caractère des sites. Quelques sites de grande taille ou dotés d’un certain nombre de décors recherchés possèdent également des décors peints présentant un décor élémentaire : la Maison forte Larnage (tab 8.24, p 271) et la Maison forte du Cingle (tab 8.25, p 272). Nous pouvons aussi remarquer un contraste sur les petits sites dotés de décors peints présentant un décor plus recherché : Demeure patricienne (tab 8.26, p 273), Château de Brangues (tab 8.27, p 274), Maison forte Les Blains (tab 8.29, p 276) et Maison forte Saleton (tableau 8.30). Par ailleurs, cette divergence entre le caractère des sites et le degré de décor peut être étudié sur le décor peint possédant un décor riche mais situé sur un site de taille moyenne : Maison forte de la Frette (ann 1, tab 8.24, p 271), Maison forte Belmont (tab 8.28, p 275), Maison forte des Loives (tableaux 8.28 et 8.29, p 275-276) et Château de Theys (tab 8.29, p 276). Cette contradiction entre le décor peint et le caractère des sites s’explique par le goût plus ou moins spécifique de leurs détenteurs. En outre, il est probable que les propriétaires commandent des décors peints correspondant au courant artistique de l’époque. Ce dernier aspect peut être examiné comme dans le cas déjà présenté plus haut. Nous précisons les types des décors peints présentant un caractère opposé par rapport à celui des sites et vérifions l’existence de ces décors peints pendant notre période d’étude. Tous les types des décors peints existent dans notre période d’étude. Pour conclure, les décors peints avec des caractéristiques plus ou moins travaillées se retrouvent dans des sites présentant des caractères différents. Les décors peints constitués d’une présentation complexe peuvent être présents sur des sites de grande comme de petite taille ou encore de taille moyenne. Il en est de même pour les décors peints dotés d’un décor élémentaire que nous retrouvons sur des sites de grande et de petite taille. Le niveau du décor ne dépend pas dans tous les cas du caractère des sites ; le goût esthétique des détenteurs et le courant artistique de l’époque peuvent avoir un impact sur l’approche décorative des décors peints.

230

Nous pouvons conclure que le décor peint est l’une des catégories de décor figuratif qui démontre la présentation en différents motifs et en figures variées. Cette particularité se distingue du décor architectural étudié dans les parties précédentes par la forme et la structure de ses éléments. Le décor peint semble disposer d’une spécificaté permettant d’exprimer une approche décorative de manière approfondie à travers la forme et la couleur. Ce type de décor peut être divisé en quatre catégories, en tenant compte du mode de présentation : tout d’abord les teintes ou les traits colorés. Ceux-ci s’appuient sur la représentation abstraite (sans forme ni construction) tout en privilégiant l’usage des couleurs. Leur datation montre qu’il s’agit du premier type de décors employé entre la période du XIIIe au XVe siècle. Puis, les motifs décoratifs présentent une réalisation en figures identifiables sous différentes formes. Leur apparition s’échelonne entre le XVe et le XVIe siècle. Ensuite, la peinture murale constitue le mode de présentation le plus employé pendant notre période d’étude, du XIIIe au XVIe siècle. Au sein de celle-ci, nous pouvons admirer la présentation complexe constituée de plusieurs peintures murales pour réaliser un cycle historié. Par la forme et par la présentation, nous pouvons identifier des remarques concernant les caractéristiques de décors peints. Tout d’abord, un effet répétitif se retrouve dans certaines présentations de motifs peints et notamment celles des peintures murales pour le motif géométrique et le motif végétal. Par ailleurs, l’effet narratif est issu de la peinture murale et du cycle historié. La disposition des figures et la présence des motifs décoratifs dans la scène autorisent à dérouler les éléments dans leur ensemble. Enfin, la variété des formes et des couleurs représente un caractère important du décor peint. Les éléments étudiés révèlent une évolution stylistique tout au long de notre période d’étude. Le XIIIe siècle se démarque par l’existence du motif des faux-appareils et par l’effet répétitif du décor, en particulier avec le motif végétal. Ces deux caractères du décor se retrouvent à la fin du XIIIe ou au début du XIVe siècle, mais avec une amélioration de la forme ou un enjeu des couleurs. La première moitié du XIVe siècle se distingue par l’emploi de différents motifs dans la peinture murale, surtout le motif armorié qui se retrouve dans un nombre important. La seconde moitié du siècle est encore influencée par les peintures murales composées de différents motifs, par exemple, celui des faux-appareils dont la forme s’améliore par rapport à celle du XIIIe siècle. Puis, la période charnière des XIVe et XVe siècle et jusqu’au XVe siècle se caractérise par des décors plus recherchés en peintures murales ou cycles historiés. Le jeu des couleurs et les figures raffinées sont également présents. Enfin, le XVIe siècle montre un décor complexe par l’organisation des motifs et leurs caractéristiques. 231

Nous pouvons constater qu’il existe une certaine amélioration qui se développe au cours des siècles dans le cadre d’une évolution stylistique. Quant à l’aspect du décor peint et l’approche décorative du site, il n’existe pas de distinction particulière du décor selon qu’il soit présent dans les sites de grande taille ou ceux dotés d’un grand nombre de décors et les ceux possédant une petite taille ou disposant d’un petit nombre de décors. Les caractéristiques de décors peuvent être complexes ou élémentaires, correspondant plus ou moins au caractère du site. Or, certains décors ne concordent pas avec les sites. Ces remarques s’expliquent par le goût des commanditaires et le courant artistique de l’époque.

232

5.3.2 Les décors sculptés

Après avoir présenté le corpus des décors peints dans la partie précédente, nous allons étudier les décors sculptés, qui constitue la dernière catégorie de l’ensemble de notre corpus. Tout d’abord, il est important de connaître les caractéristiques de ce type du décor. Le décor peint et le décor sculpté se ressemblent par le caractère du décor figuratif. En outre, la variation des motifs décoratifs se manifeste pour le décor sculpté comme pour le décor peint. Pourtant, la technique de réalisation se distingue du décor peint faisant uniquement appel à l’acte de peindre. Nous pouvons remarquer qu’il existe plusieurs techniques de réalisation des décors sculptés. Dans le cadre de notre étude, nous parlerons de la gravure, du bas-relief et de la sculpture, qui sont les principes du décor sculpté. De plus, chaque technique comprend des décors possédant des motifs variés. Il faut préciser que le corpus de ce décor comprend des motifs et des décors liés à différents éléments architecturaux. Ceux qui se situent sur les portes (blason sculpté), les fenêtres, les tourelles et échauguettes, les meurtrières et les cheminées ne sont pas inclus dans ce corpus. Ils ont déjà été présentés dans les corpus des éléments auxquels ils se rattachent.

A. Caractéristiques des décors sculptés Notre corpus comprend un total de vingt-six décors sculptés qui peuvent être divisés en trois catégories (ann 1, tab 9.1, p 282). Le motif en ronde-bosse est le plus représenté (vingt), puis viennent ensuite le motif gravé (trois) et le motif en bas-relief (trois).

1) La gravure Cette technique se présente sous la forme de traits en léger relief réalisés sur une surface plate montrant la forme et les détails des figures. Nous ne disposons que d’une œuvre pour ce type de décor. Le tableau 9.3 (ann 1, p 284) présente une série de trois motifs géométriques de forme identique. La réalisation des traits fins suggère un décor de graffitis. Ils présentent des figures de rosaces aux six pétales inscrites dans des motifs circulaires (fig 71). La signification de ce décor n’est pas évidente. 233

Figure 71 L’une de trois gravures, maison forte du Cingle

2) Le bas-relief Ce type de technique montre des figures en relief sur différents éléments architecturaux. Il existe trois décors de motifs distincts : le tableau 9.4 (p 285) présente la tour d’escalier du Manoir de la Tour décorée sur le mur en partie haute d’une plaque sculptée ornée du motif trilobé (fig 72). Le décor date probablement du premier quart du XVIe siècle.

Figure 72 Le décor d’un motif trilobé en bas-relief, Manoir de la Tour

Le tableau 9.5 (p 286) montre la figure d’un blason sculpté sur le mur d’enceinte. La datation remonte probablement au XVe siècle. De même, le tableau 9.6 (p 287) présente la figure d’un visage de personnage sculpté. Elle se trouve sur le culot de la base de la tourelle. Son emplacement suggère une datation vers la seconde moitié du XVe siècle. Ces décors révèlent la fonction ornementale qui se manifeste à différents emplacements. Il est nécessaire de préciser que la figure du blason sculpté représente la possession de la famille détentrice du site. Comme les décors sculptés se trouvent dans des différents endroits, il est intéressant de connaître le choix du motif décoratif qui a été employé sur un élément architectural. Nous en parlerons dans la partie analytique.

3) La ronde-bosse

Cette technique a été observée dans un grand nombre de décors. Une œuvre sculptée peut être vue de tous les côtés et représente un objet indépendant du support. Une petite partie du 234 décor est rattachée à l’élément architectural. Le décor de ronde-bosse est plus présent en nombre en comparaison avec la gravure et le bas-relief. La présentation des figures en série montre une particularité stylistique du décor sculpté. Commençons par le tableau 9.7 ( p 288) qui présente le motif géométrique mouluré. La figure de volute montre un effet volumétrique. Ce décor fait partie d’une série comprenant également la figure de personnage de Montplaisant présentée dans le tableau 9.9 (suite), p 292 ou la figure 73 et qui date probablement de la fin du XVe siècle.

Figure 73 La tombée de voûte en mouluration, maison forte Montplaisant

Le tableau 9.8 (ann 1, p 289-290) est remarquable par les décors des bestiaires. Il existe trois figures d’animaux fantastiques datant probablement du XVe siècle sur le site de Jalionas. Toutes les figures expriment un caractère monstrueux à travers plusieurs éléments comme l’oreille ou les dents pointues (fig 74). Ce caractère se retrouve également sur l’un des trois bestiaires sculptés du site de Montchalin. Toutes les figures se situent au niveau de la toiture, sur le mur extérieur du logis, ce qui fait penser à la position de la gargouille. La datation remonte probablement à partir du XIVe siècle.

Figure 74 Un bestiaire sculpté, maison forte de Jalionas

Un autre motif concerne les figures de personnage présentées en série. Le tableau 9.9 de Verna (p 291) montre le motif de deux visages de personnages sculptés. Les figures sont 235 simplifiées et datent de la seconde moitié du XVe siècle. Le site de Montplaisant possède également une figure simplifiée appartenant à une série datée probablement de la fin du XVe siècle. Celle-ci comprend le décor du tableau 9.9 (p 292) Enfin, les décors du site Montagnieu (datés probablement du XVe siècle) et de Demptézieu (datés probablement de la fin du XVe siècle) paraissent exceptionnels avec leur présentation sérielle. Les figures de Montagnieu (fig 75) sont toutes en bon état et possèdent chacune un caractère identifiable. Les attributs présentés sur chaque personnage permettent de supposer le thème représentatif du Tétramorphe.

Figure 75 L’un de quatre personnages du cycle historié, maison forte Montagnieu

Les figures de Demptézieu (fig 76) se distinguent par les personnages tenant un phylactère. Toutes les figures décorent les fenêtres de la tour d’escalier, situées au 1er, au 2e et au 3e étage.

Figure 76 L’un des personnages présentés sur la façade de la tour, château Demptézieu

Cette technique permet de produire des figures en thème ou en cycle historié, similaire à la façon de présenter les peintures en un cycle historié.

236

B. Datation de décors sculptés

Il est d’abord important de préciser que les informations relatives à la datation ont été obtenues par des suppositions pour la majorité des décors comme pour le corpus des portes et des fenêtres. Nous avons employé la datation relative afin de proposer une datation approximative pour chaque cheminée ; il s’agit d’une observation sur l’état des bâtiments précisant l’emplacement où se trouvent les cheminées décorées. L’évolution portée sur les appareils des pierres et sur les murs permet de suggérer l’évolution des éléments architecturaux et la date relative à son architecture. Par ailleurs, la présentation des décors sur les cheminées peut être étudiée de façon comparative avec la forme et le caractère des autres cheminées déjà renseignées. Ces éléments aident à préciser la date de nos cheminées étudiées sur une large période.

1) Gravure

Le tableau 9.10 (ann 1, p 299) présente l’un des types de décor qui montre des figures gravées sur le mur. Les motifs géométriques du site de Cingle possèdent une particularité stylistique qui ne datent peut-être pas de notre période d’étude.

2) Motifs en bas-relief Le tableau 9.11 (p 300) montre trois sites dotés de motifs décoratifs en bas-relief datés du XVe au XVIe siècle. La figure armoriée de Vertrieu montre la date du XVe siècle. Le motif du personnage sculpté de Verna présente une datation précise pour la seconde moitié du XVe siècle. Le décor du manoir de la Tour semble plus tardif que les deux premiers, avec une datation du premier quart du XVIe siècle.

3) Figures en ronde-bosse Les tableaux 9.12-9.14 (ann 1, p 301- p303) présentent les figures en ronde-bosse qui sont les plus présentes dans notre corpus du décor sculpté. Les décors datent entre le XIVe et le XVe siècle. Les figures des trois gargouilles de Montchalin montrent une date probable au XIVe siècle. Le XVe siècle est la période où se trouvent le plus grand nombre de décors par rapport aux XIVe et XVIe siècle. La série de quatre personnages identiques à Montagnieu date du XVe siècle. La seconde moitié du XVe siècle comprend un décor sculpté dans trois sites : celui de Montplaisant possède un décor de culots sculptés avec les figures d’une volute et 237 d’un personnage. Le site de Jalionas présente trois figures de bestiaires sculptés. Le site de Verna montre un autre décor de culots sculptés avec deux figures de personnages. Enfin, la série de petites figures du site de Demptézieu présente une datation de la fin du XVe siècle.

C. Analyse stylistique

Tout d’abord, nous pouvons dire que le décor sculpté présente une ressemblance stylistique avec le décor peint du fait d’une représentation figurative que nous pouvons diviser en plusieurs motifs. Toutefois, certaines caractéristiques de décor sont uniquement présentes sur les décors sculptés et sont intéressantes pour une analyse stylistique.

1) La présence de figures en dimension

Il s’agit de figures en bas-reliefs et en ronde-bosse se retrouvant sur des éléments d’architecture. Avec ce mode de représentation, le décor tire son volume des supports architecturaux. L’effet décoratif est plus approfondi car le décor reste étroitement lié à son support.

2) La présentation sérielle

Comme le décor peint, le décor sculpté se présente sous la forme d’arrangements en série ou en cycle historié. Le décor se démarque par la présence de figures de personnages au bout de la tombée des voûtes sur plusieurs sites. Les figures de Demptézieu (dessins : tableau 9.2.a, p 297) ornent la façade de la tour d’escalier couverte de grandes baies, et esquissent des gestes similaires. Ceci offre un effet d’union à partir d’un certain type de présentation. Le même effet décoratif se retrouve dans le site de Montagnieu (dessins : tableau 9.2.a suite, p 298) avec le cycle des quatre figures de personnages sculptées. Chacune exprime un sentiment à travers le geste et l’expression du visage, ce qui crée une ambiance narrative à l’ensemble. Nous supposons qu’il s’agit de la représentation du Tétramorphe. La présentation sérielle révèle que ce mode de présentation est particulier car nous ne l’avons pas trouvé sur le décor de moulures.

238

3) Les caractéristiques du décor et le choix de son emplacement Nous pouvons observer la nette différence parmi les motifs sculptés, entre ceux en relief et ceux en ronde-bosse. Ces derniers sont situés sur les culots des voûtes (tableau 9.9 (p 291- 295) pour les sites de Verna, de Montplaisant et de Montagnieu) ou des fenêtres (tableau 9.9 pour le site de Demptézieu), bénéficiant d’un support en surplomb. L’emplacement nous permet de voir les figures en trois dimensions et de tous les côtés. Ceci est différent des motifs en relief dont la base est attachée au support. Parmi ces décors présentés en ronde-bosse, les motifs ne présentent que des figures de personnages (à l’exception de la figure de volute du site de Montplaisant, tableau 9.7 (p 288) mais celle-ci fait partie d’une série trouvée sur les culots dont un autre décor présente la figure d’un personnage, tabl 9.9, p 291-295). Il est évident que l’emplacement sur un support en surplomb offre un endroit approprié pour les figures de personnage qui peuvent ainsi montrer leur corps du décor en longueur. Nous supposons que le choix des éléments d’architecture a été déterminé en fonction des caractères des motifs. Par ailleurs, nous pouvons émettre plusieurs remarques concernant les liens entre le décor et son emplacement. La première remarque vise le motif décoratif et la visibilité de son emplacement.

Elle concerne le décor armorié qui s’observe sur plusieurs éléments architecturaux, en particulier les portes, les fenêtres et les cheminées. Le nombre de ce type de motifs découverts et leur emplacement révèlent l’importance des familles détentrices des résidences seigneuriales. Nous avons observé un nombre important d’armoiries sculptées sur le linteau des portes (ann 1, tab 2.8 : p 23 et 2.10 : p 25) et un nombre de moindre importance sur des fenêtres (tab 3.30, p 102). La visibilité du décor démontre la volonté d’exprimer l’identité d’une famille seigneuriale à travers un certain symbolisme. Les habitants et les visiteurs passaient le temps dans cet espace social, surtout dans la grande salle. En conséquence, en dehors du symbolisme de la famille détentrice, les figures des écus armoriés démontrent également l’orgueil de certains détenteurs possédant leurs propres résidences seigneuriales. Cependant, il existe des décors sculptés dont l’emplacement les situe dans des endroits difficilement observables : les figures de personnage trouvées sur les fenêtres (tableau 9.9, le site de Demptézieu, p 291-295) ou la cheminée (ann 1, tab 7.4, p 200 et 9.1.a (le dessin), p 296 pour le site du Carroz). Les décors sur les tourelles ou les échauguettes, qui sont en hauteur, évoquent aussi une difficulté pour les observer (ann 1, tab 5.3 ; p 156, 5.5 ; p 158 et 239

5.6 ; 159). Les figures du château de Jail peuvent aussi montrer les endroits difficilement à accéder ; sur la façade du porche d’entrée (tableau 9.1.a pour le dessin, p 296). La seconde remarque concerne le motif du décor et la fonction de l’élément d’architecture. L’un des exemples les plus visibles est le décor animalier du Château Mépieu (tableau 6.10, p 184 et tableau 9.1.a pour le dessin). Le motif décoratif présente une bouche à feu ornée d’un motif animalier. Cette figure se caractérise par une bouche de monstre grande ouverte par laquelle les bombardes pouvaient être envoyées.

Comme la bouche à feu est un élément défensif destiné à protéger l’habitat noble de ses ennemis, l’action de la figure animalière à vocation à effrayer grâce aux caractéristiques d’une bête monstrueuse. Nous pouvons constater que la thématique du décor correspond à la fonction de l’élément architectural ; ils cherchent tous deux à vaincre l’adversaire. Ceci évoque le rapport entre l’esthétique et la fonction de l’élément d’architecture. La figure animalière peut représenter des gargouilles, animaux fantastiques sculptés (tab 9.8, p 289 le site de Montchalin). Ces gargouilles servent à l’écoulement de l’eau. En outre, ces motifs sont destinés à effrayer les ennemis dans le but de les éloigner de l’édifice.

4) La présentation et un effet décoratif Nous avons déjà abordé les caractères des décors en utilisant le critère des techniques employées, ce qui permet une division hiérarchisée selon le niveau décoratif. Nous souhaitons présenter désormais une autre manière, concernant le rapport du décor avec les lieux auxquels il se rattache. De ce point de vue, le décor sculpté peut se diviser en deux types. Le premier concerne les décors qui s’attachent à différents éléments architecturaux en leur donnant un effet plus ou moins décoratif. Si nous revenons sur les corpus déjà réalisés, comme celui des portes, des fenêtres, des échauguettes et des meurtrières, nous pourrons identifier les éléments richement ornés de l’ensemble du corpus. Cette remarque reflète la fonction de mise en valeur du décor sur nos éléments d’architecture. Néanmoins, les effets décoratifs attribués ne sont pas égaux à chaque élément, ce qui autorise une prédominance stylistique sur certains. Ce point nous fait penser aux fenêtres et aux cheminées, dont les éléments remarquables se situent souvent au premier étage dans une grande salle. L’approche décorative présentée sur les éléments architecturaux peut indiquer l’importance des pièces et leur hiérarchie dans l’organisation de l’espace des habitats nobles. Le second type porte sur le décor indépendant de son emplacement. Il démontre également une approche décorative, sans rapport avec les éléments auxquels il est attaché. 240

D. Evolution stylistique des décors sculptés Il est intéressant de connaître les caractéristiques des décors en suivant leur évolution stylistique au cours de la période étudiée. Etant donné que nous avons classifié les décors en trois groupes en tenant compte de la technique employée, c’est-à-dire la gravure, le bas-relief et la sculpture, les œuvres réalisées à l’aide de ces techniques et les effets décoratifs permettent une distinction observable. Nous avons ainsi le décor de graffitis réalisés par des traits simples représentant des rosaces à six pétales (tab 9.3, p 284), la figure armoriée en bas- relief (tab 9.5, p 286), le groupe de gargouilles sculptées en ronde-bosse (tab 9.8, p 289) ou la série de personnages sculptés (tableau 9.9, p 291-295). Tous ces éléments démontrent une véritable évolution stylistique au cours du temps. Nous avons donc intérêt à savoir comment les décors peuvent s’améliorer tout au long des siècles. Pour répondre à cette question, nous nous intéresserons à la datation de tous les décors, selon la planche chronologique. Le tableau 9.2 (p 283) présente le nombre de décors sculptés pour chaque catégorie, en fonction des différentes périodes étudiées. Le XIVe siècle est représenté par trois décors sculptés. Le XVe siècle se démarque par la présence d’un certain nombre de décors à la seconde moitié du XVe siècle (seize) et à la fin du XVe au début du XVIe siècle (quatorze). Il existe dix décors datant du XVe siècle sans précision de temps. Le XVIe siècle se caractérise par l’existence de décors dans sa première moitié (deux). Presque tous les décors ont été réalisés au cours du XVe siècle, à l’exception du motif géométrique du Manoir de la Tour (daté du premier quart du XVIe siècle), des gargouilles sculptées de Montchalin (datées à partir du XIVe siècle) et du décor de graffitis du Cingles (datation inconnue). Afin de mieux comparer les décors, nous allons étudier la datation des décors dotés du même motif mais réalisés à partir de différentes techniques. Commençons par le motif géométrique : le décor en bas-relief du Manoir de la Tour (ann 1, tab 9.4, p 285) date du premier quart du XVIe siècle et paraît postérieur au décor en ronde-bosse de Montplaisant, datant probablement de la fin du XVe siècle. De même, le motif de personnage est animé par le décor en bas-relief de Verna (tab 9.6, p 287), ainsi que par plusieurs décors en ronde-bosse, avec une datation à la seconde moitié du XVe siècle. Le premier décor figurant la série de quatre personnages sur les culots sculptés de Montagnieu date du XVe siècle ; le même type de décor mais composé de deux têtes de personnage date probablement de la seconde moitié du XVe siècle. Enfin, il existe deux décors datés de la fin du XVe siècle mais dont les caractères se distinguent : la figure 241 simplifiée de Montplaisant (tab 9.9, p 292) et la présentation sérielle de Demptézieu (tab 9.9, p 294-295). Le motif armorié en bas-relief de Vertrieu (tab 9.5, p 286) date probablement du XVe siècle. Le motif des bestiaires en ronde-bosse se trouve sur les sites de Montchalin et de Jalionas (tab 9.8, p 289-290) sont datés entre le XIVe et le XVe siècle. Après la présentation des décors ci-dessus, nous pouvons constater que les décors possédant le même motif, mais faisant chacun appel à une technique différente, possèdent une datation contemporaine (au moins le même siècle). Les décors complexes, comme la série de quatre personnages ou le groupe de personnages sculptés, datent de la même période que le motif en bas-relief. Nous pouvons donc en conclure que les caractères des décors sculptés se sont améliorés successivement pendant un siècle, les motifs décoratifs attachés aux éléments architecturaux et la sculpture en ronde-bosse créent une série de présentation.

E. Le décor sculpté et l’habitat noble

Comme pour les éléments architecturaux et le décor peint, nous allons présenter le rapport entre l’aspect des décors sculptés et l’approche décorative des sites et essayer de déterminer s’il existe une corrélation entre ces éléments. L’étude des décors sculptés dans notre corpus démontre l’existence de trois catégories d’éléments au sein des résidences seigneuriales et qui présentent des caractéristiques semblables ou distinctes. Comme avec les éléments architecturaux, nous avons utilisé le regroupement des sites en tenant compte du nombre et des caractéristiques des décors, afin de connaître le niveau de l’aspect décoratif de chaque site. Ensuite, la division des sites selon le degré de décor nous aide à comparer le décor sculpté classé entre trois groupes (voir le regrouprement des sites ; fichier « regroupement des sites »).

Tout d’abord, les décors sculptés dotés de caractères plus recherchés se situent sur les grands sites ou ceux ayant un ornement complexe. Nous les avons trouvés dans la Maison forte du Cingle (tab 9.10, p 299), le Château Montchalin et la Maison forte Montagnieu (tab 9.12, p 301), la Maison forte Montplaisant et la Maison forte de Jalionas (tab 9.13, p 302). Les décors sculptés possédant un caractère élémentaire sont présents dans les sites de petite taille ou ceux dotés un ornement simple. Nous pouvons citer le site suivant : Château Verna (tab 9.14, p 303). 242

Nous pouvons énoncer que les caractéristiques de décors sculptés coïncident avec les caractères des sites. Toutefois, il existe des facteurs sur lesquels nous devons réfléchir avant d’affirmer cette supposition. Ils concernent le goût des détenteurs des sites et les caractéristiques des décors sculptés dans la période d’étude. Pour ce dernier facteur, nous pouvons préciser les types de décors sculptés déjà présentés dans la partie relative à l’évolution (tab 9.15-9.17, p 304-306) et voir s’ils sont situés dans notre période d’étude. Les décors sculptés en bas-relief existent pendant la période s’étendant du XVe au XVIe siècle. Les décors sculptés en ronde-bosse se présentent entre le XIVe et le début du XVIe siècle. Nous pouvons constater que les deux types de décors sculptés (à l’exception du motif gravé) existent au sein de notre période d’étude (XIIIe-XVIe siècle). Par ailleurs, les décors du site de Vernas nous démontre l’existence de décors en bas-relief et celle en ronde-bosse dans la même période. Pourtant, il existe certains éléments sculptés dont le décor ne concorde pas avec le caractère des sites. Quelques sites de grande taille ou possédant un nombre de décors recherchés possèdent également des décors sculptés montrant un décor élémentaire : Manoir de la Tour et Maison forte Vertrieu (tab 9.11, p 300). Nous pouvons aussi remarquer un contraste sur les sites de taille moyenne dotés de décors sculptés présentant un décor plus recherché : Château Demptézieu (tab 9.14, p 303). Par ailleurs, cette divergence entre le caractère des sites et le degré de décor peut être observé sur le décor sculpté possédant un décor moyen mais situé sur un site de petite taille : Château Verna (tab 9.11, p 300). Cette contradiction entre le décor sculpté et le caractère des sites s’explique par le goût plus ou moins spécifique des détenteurs des sites. En outre, il est probable que les propriétaires commandent des décors sculptés correspondant au courant artistique de l’époque. Ce dernier aspect peut être examiné dans le cas déjà présenté plus haut. Nous pouvons constater si les décors ont été réalisés dans le cadre du courant artistique de l’époque en étudiant leur datation parallèlement avec la période d’étude. Tous les types de décors sculptés existent dans le cadre de cette dernière. Pour conclure, les décors sculptés plus ou moins travaillés se retrouvent sur des sites présentant des caractères différents. Ceux constitués d’une présentation complexe peuvent être trouvées dans des sites de grande comme de petite ou de moyenne taille. Il en est de même pour les décors sculptés dotés d’un décor élémentaire que nous retrouvons dans les sites de grande et de petite taille. Le niveau du décor ne dépend donc pas dans tous les cas du 243 caractère des sites : le goût esthétique des détenteurs des sites et le courant artistique de l’époque peuvent avoir un impact sur l’approche décorative des décors sculptés. 244

Nous pouvons conclure que le décor sculpté est catégorisé comme un type de décor figuratif, au même titre que le décor peint. Ce type de décor se distingue du décor peint par l’utilisation de différentes techniques permettant d’obtenir des effets décoratifs plus ou moins spécifiques. Le décor sculpté se caractérise par son emplacement sur différents éléments architecturaux : porte, fenêtre, tourelle en surplomb, meurtrière ou cheminée. Nous avons parlé de ces décors dans les parties concernant ces éléments d’architecture ; par exemple, les blasons sculptés sur le linteau de la porte et de la fenêtre, ainsi que sur le couvrement du manteau de la cheminée. En outre, les motifs décoratifs, comme celui du personnage ou celui géométrique, peuvent être présents sur différents éléments. Par exemple, le premier se trouve sur la base d’une échauguette et le second orne les meurtrières. Toutefois, notre étude précise que ces décors peuvent se retrouver en série ou de manière autonome sur les éléments d’architecture. Le décor sculpté se divise en trois types : le premier concerne le motif gravé qui présente des figures sur le mur. Nos décors ne fournissent pas d’élément de datation. Le deuxième type est celui du décor en bas-relief offrant de légères profondeurs sur les figures situées sur une surface plane. La datation de ce décor se situe entre le XVe et le XVIe siècle. Le troisième type vise le décor en ronde-bosse qui révèle de beaux effets de volumétrie, dans la période allant du XIVe au XVe siècle. Nous constatons qu’il s’agit d’un effet volumétrique qui accentue le décor sculpté. La présentation de décors dans notre corpus permet de souligner les caractéristiques et d’identifier quelques remarques intéressantes. Tout d’abord, le décor sculpté se caractérise par la présence de figures en plusieurs dimensions, donnant un effet volumétrique plus ou moins important. Il s’agit d’un caractère spécifique du décor sculpté, qui le diffère de décor peint. Puis, certains décors sculptés se présentent en une série ou dans un cycle historié permettant de raconter un ou plusieurs thèmes. Ceci montre une ressemblance avec le décor peint. Ensuite, le décor sculpté se présente sur plusieurs éléments architecturaux de la résidence seigneuriale. Le choix de l’emplacement de décors varie, mais dépend principalement de la visibilité des décors et de la fonction de ces derniers sur ces éléments. Enfin, les décors situés sur certains éléments comme la fenêtre ou la cheminée peuvent souligner une approche décorative en démontrant leur effet hiérarchique. Les décors de la grande salle au 1e étage en attestent visiblement.

245

Quant à l’évolution de décors sculptés, l’étude de la datation nous permet de connaître l’existence de décors tout au long de notre période d’étude. Un motif décoratif peut être réalisé selon différentes techniques, soit en motif de bas-relief, soit en ronde-bosse. Quelques motifs comme celui du personnage se présentent en séries (les décors en bas-relief et en ronde-bosse) pendant la seconde moitié du XVe siècle. Par ailleurs, il existe des décors dotés de caractères à la fois élémentaire et complexe au cours de la dernière période. Nous pouvons supposer une certaine amélioration des décors pendant une époque donnée. L’apparition du décor en bas-relief du XVe au début du XVIe siècle et du décor en ronde-bosse du XIVe au XVe siècle révèle une évolution stylistique dans chaque type de décors et une évolution parallèle entre le décor en bas-relief et celui en ronde-bosse.

Concernant l’aspect du décor sculpté et l’approche décorative du site, il n’existe pas de distinction entre le décor situé dans les sites de grande taille ou dotés d’un grand nombre de décors et les sites de petite taille ou ayant un petit nombre de décors. Les caractéristiquse des décors peuvent être complexes ou élémentaires, ce qui correspond plus ou moins au caractère du site. Certains décors ne concordent pas avec les sites. Ceci s’explique par le goût des commanditaires et le courant artistique de l’époque concernée. 246

Chapitre 6

La taille du site et l’emplacement de décors

6.1 Le caractère et le décor des sites

Tout d’abord, il est important de présenter les caractéristiques de notre corpus de sites avant d’aborder les parties suivantes. L’inventaire des sites se compose de quatre-vingt-treize sites et se divise en deux parties. La première partie se compose des sites (cinquante-trois au total) dont le décor est encore visible et relativement complet. Les données historiques et archéologiques de ces sites seront étudiées de manière approfondie. Nous pourrons donc ainsi analyser les renseignements concernant le décor et les relier au contexte des détenteurs des sites. La deuxième partie concerne les quarante sites dont l’état des décors ne permet pas d’être étudiés, mais l’ensemble du site présente l’architecture des résidences seigneuriales. Afin de présenter les caractéristiques de ces sites, nous avons rédigé une partie à part dans l’annexe du volume 3. La distinction des sites en deux parties repose sur deux critères :

1) L’état actuel des sites L’état des vestiges ne permettant pas d’observer la structure du site ou bien l’état de ruine des édifices des lieux (par exemple, le Château d’Ars, le Château Bressieux et la Maison forte Balme-les-Grottes) sont considérés comme des critères rendant le site inapproprié pour l’étude du décor, cet état ne permettant pas de comprendre la structure du site.

2) L’intérêt du décor La qualité des décors et leur nombre sont des éléments importants. Les sites ayant peu de décors et ceux ayant moins d’intérêt décoratif seront classés dans la deuxième partie. Toutefois, nous présentons les caractéristiques en général de ces sites dans le volume 3. Ensuite, nous avons étudié les éléments décorés par type, en comptant sur la fonction de chaque décor dans le chapitre cinq. Le premier genre d’élément concerne le type d’ouverture qui comprend la porte et la fenêtre264. Le deuxième type concerne les éléments

264 Désignation du type de décor en référence à l’ouvrage d’Elisabeth SIROT, Noble et forte maison : l’habitat seigneurial dans les campagnes médiévales, Edition A & J Picard, 2007. Toutefois, la fenêtre peut être aussi 247 défensifs265 que nous observons sur les sites, c’est-à-dire la tourelle en surplomb, l’échauguette et la bretèche. En outre, des meurtrières sont visibles sur le mur du bâtiment et de la tour ; leur fonction est vraisemblablement plus symbolique que défensive. Les fenêtres, les échauguettes les bretèches se trouvent à l’extérieur, tandis que les portes sont des éléments présents à la fois à l’intérieur et à l’extérieur. Il existe également un troisième type de décors, dans un espace intérieur, qui présente des éléments du confort266 et de l’ornement : la cheminée et les coussièges267. Enfin, la quatrième catégorie concerne le décor figuratif268, présenté sous la forme de décor peint et de décor sculpté. Ce dernier se trouve à l’intérieur et à l’extérieur. Nous nous focalisons sur la catégorie et les caractéristiques de décors dans le dernier chapitre.

6.2 Les décors et la taille du site Les sites répertoriés présentent des caractéristiques variées et des types de décors hétérogènes. Les cinquante-trois sites étudiés dans la première partie et retenus, seront classés en trois groupes, en tenant compte de la qualité et du nombre de décors conservés. Ce regroupement facilitera l’étude de ces décors. Il faut noter en premier lieu que notre étude de cette partie tient compte de l’état actuel des sites, ainsi que la quantité et la qualité réelles des décors. En outre, nous tentons de sélectionner avec précaution les éléments décorés, selon une datation correspondant à notre période d’étude, soit du XIIIe au XVIe siècle.

6.2.1 Groupement des sites 1e groupe : « sites possédant un nombre important de décors conservés » Les vingt (20) sites composant ce groupe se caractérisent par le fait de présenter au moins trois types de décors, chacun se retrouvant en grand nombre. 2e groupe : « sites possédant un nombre moyen de décors conservés » Les treize sites de ce deuxième groupe présentent chacun trois types de décors et chaque type de décor est présent plusieurs fois. classée comme un type de décor permettant le confort grâce à sa structure qui autorise la lumière à entrer à l’intérieur. 265 Nous avons désigné les éléments défensifs selon la classification de Jean MESQUI, Châteaux et enceintes de la France médiévale. De la défense à la résidence, Edition Picard, Paris, 1993. 266 Danièle ALEXANDRE-BIDON, « Le confort dans la maison médiévale. Une synthèse des données. », CRAHM, 2006, Cadre de vie et manières d’habiter (XIIe-XVIe siècle), pp. 129‑144. 267 Les coussièges seront étudiés dans la partie suivante, avec les fenêtres, puisqu’ils s’attachent à celles-ci dans un espace intérieur. Ce caractère montre que le coussiège fait partie de la structure d’ensemble de la fenêtre. 268 Jean MESQUI, Châteaux et enceintes de la France médiévale. De la défense à la résidence, op. cit. 248

3e groupe : « sites possédant un petit nombre de décors conservés » Nous retrouvons dans ce dernier groupe vingt sites ayant chacun moins de trois types de décors différents, chacun étant présent en petit nombre. Le tableau présenté ci-dessous montre la division des sites en trois groupes.

Sites dotés d’un nombre Sites dotés d’un nombre Sites dotés d’un petit nombre important de décors moyen de décors de décors 1. Maison forte Larnage 21. Maison forte Belmont 34. Manoir de la Bâtie 2. Maison forte Bourcieu 22. Maison forte du Gollard 35. Maison forte Les Blains 3. Château de Châtillon 23. Maison forte de Boutières 36. Maison forte Saleton 4. Manoir de la Tour 24. Maison forte des Loives 37. Maison forte Biol 5. Maison forte Carroz 25. Maison forte Gramond 38. Château de Brangues 6. Château Montchalin 26. Maison forte Ferme des 39. Maison forte de la Crosse Dames 7. Maison forte Lens-Lestang 27. Maison forte Mollard-Ronde 40. Château Curson 8. Château Mépieu 28. Château Demptézieu 41. Maison forte Hauterives 9. Maison forte Chaleyre 29. Maison forte de Jail 42. Maison forte d'Ecottier 10. Maison forte des Champs 30. Maison forte de la Frette 43. Maison forte Clérivaux 11. Maison forte Montplaisant 31. Maison forte Verpillière 44. Tour Ravier 12. Tour Brune 32. Maison forte de 45. Château Bayard Commanderie 13. Maison forte Jalionas 33. Château de Theys 46. Demeure patricienne 14. Maison forte Peythieu 47. Maison forte du Châtelard (Saint-Bonnet-de-Chavagne) 15. Maison forte Montagnieu 48. Maison forte de la Tour Saint-Cierge 16. Maison forte du Carre 49. Maison forte Loras 17. Maison forte Tournelle 50. Maison forte de Morges 18. Château de Serrières 51. Château Verna 19. Maison forte du Cingle 52. Maison forte Veurey (Tour des Templiers) 20. Maison forte Vertrieu 53.Maison forte La Robinière

249

6.2.2 Comparaison entre la présence de décors et la taille du site

L’étude des décors des résidences seigneuriales datant du XIIIe au XVIe siècle, dans les régions de Grésivaudan et du Viennois, présente cinquante-trois sites regroupés selon le type de décors et leur nombre en trois groupes : les sites possédant un nombre important de décors, les sites disposant d’un nombre moyen de décors et les sites dotés d’un petit nombre de décors. Nous avons également étudié pour chaque site la superficie des bâtiments et celle des tours. L’objectif est de vérifier si un lien peut être établi entre le nombre de décors et la superficie des sites. A priori, nous pouvons considérer que plus la superficie d’un bâtiment est importante, plus le nombre de décors augmente. Nous avons étudié la superficie des bâtiments de quarante-quatre sites269 : dix-huit sites possédant un nombre important de décors, dix ayant un nombre moyen de décors et seize présentant un petit nombre de décors. Nous avons également étudié la superficie des tours dans vingt-huit sites : onze sites possédant un nombre important de décors, sept ayant un nombre moyen de décors et dix avec un petit nombre de décors. Afin de pouvoir observer les différences dans un groupe et entre les groupes eux-mêmes, nous avons réalisé des graphiques (fig 6.1, 6.2 et 6.3, ann 1, p 307-308) présentant en ordre croissant la superficie des bâtiments des sites étudiés.

A. Etude de la superficie des bâtiments

D’après les graphiques (fig 6.1, 6.2, 6.3, ann 1, p 307-308) et surtout la figure 6.4 (ann 1, p 309), nous pouvons observer que dans le groupe des sites ayant un nombre moyen de décors, sept des onze sites ont une superficie importante, au-dessus de 200 m2. Dans le groupe des sites ayant de nombreux décors, treize des dix-huit sites ont une superficie égale ou supérieure à 200 m2 et un des sites dépasse les 500m2. Pour le groupe des sites présentant peu de décors, la majorité des sites – dix sur seize – a une superficie réduite, inférieure à 200 m2 et aucun n’atteint 500 m2. Nous pouvons donc confirmer l’idée de base selon laquelle les sites les plus décorés ont une superficie plus importante que ceux ayant peu de décors. Pour compléter ce constat, arrêtons-nous sur deux sites : le Château de Montplaisant qui possède la superficie la plus importante (589 m2) et appartient au groupe des sites possédant un nombre important de décors, et la Tour Ravier qui a la plus petite superficie (93 m2) et est classé parmi les sites ayant un petit nombre de décors. Le Château Montplaisant se caractérise

269 Nous disposons de la superficie des bâtiments de 44 sites sur 53 sites. Nous avons recueilli les mesures sur place et avons calculé la superficie sur le site web https://www.geoportail.gouv.fr/ 250 par un plan carré avec plusieurs bâtiments s’organisant autour d’une cour intérieure. Le logis oriental possède à chaque étage une grande pièce dotée de grandes fenêtres accompagnées de coussièges et d’une grande cheminée. Un cycle de peintures murales se situe dans une chapelle castrale. Concernant la Tour Ravier, le site se compose d’une seule tour d’habitation et il n’existe qu’un seul élément décoré : des motifs peints dans une pièce située à l’étage.

B. Etude de la superficie des tours La tour est un autre endroit où plusieurs types de décors peuvent être observés. Dans notre étude, nous avons mesuré la dimension des tours présentant une approche décorative intéressante, afin de nous assurer si un lien peut être établi entre la superficie des tours et la quantité de décors trouvés sur chaque site.

1) Tour maîtresse et tour-résidence

Ces deux types de tours sont particulièrement importants car elles sont les lieux d’habitation des propriétaires. Néanmoins, elles se distinguent par le rapport que chacune d’elles a avec les autres tours présentes sur un site donné. D’après P.Durand270, qui explique la signification de la tour maîtresse selon le terme proposé par Jean Mesqui, la tour maîtresse est la tour principale du château, tandis que la tour-résidence est un synonyme de la tour maîtresse servant de résidence et de fortification271, à l’exception notable que la tour-résidence n’est pas la tour principale. Parmi dix sites possédant ces deux types des tours (voir fig 6.5, ann 1, p 310), six résidences se constituent chacune d’une tour maîtresse. Il s’agit des sites suivants : A1 : Maison forte du Cingle, A2 : Château Serrières, A3 : Maison forte Montplaisant, C1 : Maison forte Loras, C3 : Tour St-Cierge et C4 : Maison forte du Châtelard. La tour maîtresse possède une dimension importante par rapport à d’autres tours situées sur le même site. Les quatre derniers sites sont constitués chacun d’une tour-résidence qui est la seule tour trouvée sur chaque site. Ce sont des sites suivants : B1 : Maison forte des Loives, C2 : Tour Ravier, C5 : Maison forte Hauterives et C6 : Maison forte de Veurey. La majorité des décors découverts sont des fenêtres soigneusement ornées et des peintures murales intérieures. La figure 6.5 démontre curieusement que les six sites possédant un petit nombre de décors possèdent des tours maîtresses et des tours-résidences de taille moyenne et grande (entre 84,8 et 192 m2), alors que les tours maîtresses des sites disposant d’un nombre important de décors

270 Philippe DURAND, Petit vocabulaire du château du Moyen-Age, Edition Confluences, Mercuès, 2009. 271 Elisabeth SIROT, Noble et forte maison : l’habitat seigneurial dans les campagnes médiévales, op. cit. 251

(trois sites) et la tour-résidence possédant un nombre moyen de décors (un site) ont une superficie plus réduite (entre 38 et 139,7 m2). Pourtant, nous pouvons remarquer que les sites possédant un nombre important de décors se constituent chacun d’une tour maîtresse, tandis que les sites ayant un petit nombre de décors sont constitués d’une tour maîtresse (3 sites) mais aussi d’une tour-résidence (3 sites). Un site disposant d’un nombre moyen de décors se compose d’une tour résidence (Maison forte des Loives).

2) Tour d’escalier La figure 6.6 (ann 1, p 311) est consacrée aux tours d’escalier. Les tours appartenant au groupe possédant un nombre important de décors (neuf sites) sont de tailles variées : allant de 6,8 m2 (Maison Forte Chaleyre) à 26,9 m2 (Château Montchalin) ; cinq tours dépassant les 10 m2. Les tours du groupe ayant un nombre moyen de décors (cinq sites) sont de taille moyenne à grande. La situation est légèrement différente pour les tours appartenant au groupe de sites disposant d’un petit nombre de décors (quatre sites) : la superficie des sites est majoritairement petite (trois sites présentent une superficie inférieure à 10 m2), un site ayant une superficie moyenne (15,9 m2, Maison forte du Châtelard).

3) Autres tours

Ce type de tour consiste en une tour d’une grande dimension située majoritairement au coin du bâtiment. Elle sert de lieu d’habitation pour les occupants, dans une structure circulaire. La figure 6.7 (ann 1, p 312) montre que la superficie des tours appartenant au groupe des sites ayant un nombre important de décors (deux sites) est inférieure à celle de la tour appartenant au groupe des sites dotés d’un nombre moyen de décors (un site). Toutefois, le nombre des sites étudiés n’est pas suffisant pour pouvoir tirer des conclusions sur le rapport entre la superficie de ce type de tours et leurs décors.

4) Tour colombier272 Un seul site de notre corpus présente une tour colombier décorée (fig 6.8, ann 1, p 313). Il s’agit de la Maison forte du Cingle qui appartient au groupe des sites possédant un nombre

272 Ce type de tour peut se trouver dans quelques sites dont l’une des parties est destinée à élever des colombes. La forme de tour est variée : la tour carrée dont le niveau supérieur est réservé pour les nids (Maison forte du Cingle, Maison forte du Châtelard) ou la tour circulaire (Maison forte Montagnieu, Maison forte Gramond). Le mur de celle-ci est ajouré en nombreux trous carrés servant à loger les oiseaux. 252 important de décors. La superficie de cette tour est moyenne (18,7 m2). Étant donné que nous ne disposons pas d’éléments de comparaison, nous ne pouvons émettre de conclusion sur ce type de tour.

Les résultats évoqués ci-dessus mettent en évidence que les bâtiments ayant un nombre moyen de décors disposent d’une grande superficie. Les bâtiments possédant un nombre important ou faible de décors ont une superficie inférieure à celle du premier groupe, à l’exception notable que constitue la maison forte Montplaisant qui possède la plus grande superficie (589 m2) et un nombre important de décors. En outre, la superficie de quelques sites ayant un petit nombre de décors dépasse celle des sites possédant un nombre important de décors (voir fig 6.4, ann 1, p 309).

Certains sites disposant d’un nombre moyen de décors ont une superficie supérieure à celle des sites possédant de nombreux décors. Cet état de fait peut s’expliquer par le goût des propriétaires des sites. Les nobles possédant un grand site ne recherchaient pas nécessairement un décor opulent : la taille du site étant déjà un indicateur de richesse ou d’importance de la famille détentrice. Alors que les nobles possédant un site de taille moyenne pouvaient chercher, au travers d’un décor riche, à appuyer leur position : le décor servant alors à compenser la taille plus réduite du site. Les sites ayant un petit nombre de décors ont une superficie inférieure à celle des sites des deux autres groupes, à l’exception de quatre sites qui dépassent les 300 m2 (voir fig 6.4, ann 1, p 309) : C13 : Maison forte du Châtelard, C14 : Tour St-Cierge, C15 : Château Curson et C16 : Maison forte Loras). La superficie de ces sites dépasse celle de certains sites ayant un nombre important de décors. L’explication avancée ci-dessus peut également expliquer ce constat. En ce qui concerne la superficie des tours, le nombre très réduit du type « autre tour » n’est pas suffisant pour effectuer des comparaisons entre les groupes. Les tours maîtresses et les tours-résidences servaient de lieu d’habitation. La destination de ce type de tour peut expliquer leur importante superficie, même si elles sont peu décorées. Le nombre plus conséquent de tours d’escalier étudiées permet de réaliser des comparaisons entre les différents groupes. La figure 6.6 (ann 1, p 311) démontre que les tours des sites ayant un nombre moyen de décors possèdent une superficie de 10 à 18 m2. Ainsi, la plus petite tour de ce groupe (Maison forte de Jail) dépasse en superficie quatre des neuf tours des sites disposant d’un nombre important de décors (A1 à A4) et trois des quatre sites ayant peu de 253 décors (C1 à C3). Seulement deux tours (A8, A9) du groupe des sites possédant un nombre important de décors ont une superficie supérieure à la plus grande tour du groupe des sites ayant un nombre moyen de décors (B5). Une seule tour dépasse les 20 m2. Il s’agit de la tour du Château Montchalin (26,9 m2) qui appartient au groupe des sites possédant un nombre important de décors. Le fait que le nombre de décors diminue tandis que la superficie des tours augmente peut s’expliquer par les mêmes raisons que celles évoquées ci-dessus pour la superficie du bâtiment. Toutefois, il est nécessaire de souligner que la tour d’escalier est le type de tour qui présente un aspect esthétique particulier au XVème siècle, période au cours de laquelle la tour évoluait vers davantage de commodité, avec la transformation des résidences seigneuriales qui perdaient progressivement leur aspect défensif pour devenir pleinement des lieux d’habitation273. Ce phénomène contribue à la compréhension de l’aspect décoratif des tours d’escalier. Les détenteurs des sites disposant d’un nombre important de décors souhaitaient probablement assurer une approche décorative dans plusieurs endroits d’un site.

Nous pouvons conclure que la quantité de décors trouvés sur chaque site ne correspond pas en général à la superficie du bâtiment et à celle de la tour. Les sites ayant un nombre important de décors peuvent être composés de bâtiments de taille moyenne et les sites possédant un nombre moyen de décors peuvent comprendre des bâtiments de grande taille. L’explication réside certainement dans les goûts et volontés des détenteurs de chaque site, ainsi que dans l’importance de leur richesse respective. Il ne faut pas oublier de rappeler que notre étude se fonde sur l’état actuel des bâtiments, des tours et des décors, qui ont pu subir un réaménagement ou une restauration au cours du temps.

273 ROUDIÉ P., « Les tours d’escalier dans les châteaux du Sud-Ouest aquitain », Le château et la tour, Actes du premier colloque de castellologie (Valence-sur-Baïse, Centre culturel de l’Abbaye de Flaran, 1-2 octobre 1983), Lannemezan, Imprimerie Ricaud, 1985. 254

6.3 Emplacement des décors par localisations sur les sites La partie précédente nous présente le rapport entre le regroupement des sites étudiés et la superficie où se trouvent des éléments décorés. Le bâtiment et la tour sont les lieux ornés de décors. Notre objectif dans cette partie est de présenter les catégories de décors sur différents emplacements dans un site, en comparant les particularités du bâtiment et celles de la tour. Cette partie introduit le lien entre les décors et leur emplacement, avant de préciser les lieux et l’organisation de l’espace des sites dans la partie suivante. Nous savons que les éléments décorés se trouvent sur le bâtiment et sur la tour, et présentent chacun un lieu de réception distinct par ses caractéristiques et ses fonctions. Il est préférable de présenter dans un premier temps le nombre de décors et le lieu où se trouvent des éléments ornés par type de décor, en divisant par emplacement sur le bâtiment et sur la tour. Ensuite, nous pourrons comparer les caractéristiques des décors avec le critère de l’emplacement.

6.3.1 Emplacement dans les bâtiments A. Porte

La porte est un élément architectural se trouvant à l’extérieur, ainsi que dans un espace intérieur. La majorité des portes se situe au rez-de-chaussée du bâtiment (15 sur 20, voir tab 6.1, ann 1, p 314). 8 sur ces 15 portes sont des portes d’entrée du bâtiment et quatre sont des porches d’entrée servant à pénétrer dans le site. L’emplacement de ces portes, qui permettent de circuler entre deux espaces (l’extérieur et l’intérieur), est un lieu privilégié pour présenter un aspect décoratif aux passagers. Les portes situées aux étages supérieurs (5 sur 20 portes situées au 1er étage, voir tab 6.1, ann 1, p 314) se trouvent dans un espace intérieur et servent à circuler entre les pièces et certaine porte comme celle du site de Vertrieu permet un accès à l’intérieur. Les portes du Château Châtillon, celle de la Maison Forte Vertrieu et celle de la maison forte de la Frette mènent à une grande salle où se trouvent plusieurs décors (voir tab 6.1, ann 1, p 314 et présentation picturale du château Châtillon ; ann 2, p 84, de la maison forte de la Frette ; ann 2, p 282 et de la maison forte Vertrieu ; ann 2, p 305).

255

B. Fenêtre et coussiège

La fenêtre est un élément d’ouverture qui se situe à l’extérieur. La majorité des fenêtres décorées se trouve au 1er étage (29 sur 44, voir tab 6.2, ann 1, p 315-316). Parmi ces 29 fenêtres, 19 se situent sur le mur de la grande pièce274 et 25 sur le mur de la pièce. En outre, les fenêtres situées au rez-de-chaussée et au 2e étage se trouvent aussi sur le mur de la grande pièce, mais dans un nombre inférieur ; au rez-de-chaussée se trouvent 2 fenêtres. Certaines fenêtres, en particulier celles à croisée, sont dotées de coussièges à l’intérieur du bâtiment. Les bancs moulurés se trouvent dans l’embrasure de la fenêtre. Par leur emplacement et leurs caractéristiques, nous préférons présenter les coussièges à la suite des fenêtres. La plupart des coussièges se trouve au 1er étage (18 sur 27, voir tab 6.3, ann 1, p 317-318). Il y en a moins au rez-de-chaussée (5 sur 27) et aux étages supérieurs (2 coussièges au 2e et au 3e étage). Il est intéressant de préciser leur emplacement à l’intérieur : un grand nombre de coussièges se situe dans une grande pièce de chaque site, ce qui nous fait penser aux cheminées et aux fenêtres, dont une majeure partie se présente aussi dans ces grandes pièces.

Il faut ensuite considérer la structure des coussièges, qui se combine avec l’emplacement des fenêtres. Ils se trouvent dans l’embrasure de certaines fenêtres situées dans de grandes pièces. Le tableau 6.4 (ann 1, p 319) montre le lien étroit entre le type de coussièges et les fenêtres avec lesquelles ils s’attachent. En conséquence, il est nécessaire d’étudier l’emplacement de fenêtres parallèlement au type de coussièges, afin de comprendre la structure totale. Le tableau nous indique que 7 fenêtres à croisée (7 sur 7) présentent chacune des coussièges doubles. La grande taille des fenêtres à croisée explique l’emplacement de ces coussièges doubles. Néanmoins, le site de Montplaisant (5 sur 14, voir ann 1, tab 6.4, p 319) montre aussi que des fenêtres simples avec linteau plat sont combinés à des coussièges doubles, comme la fenêtre en arc brisé du site de La Frette (1 sur 14, voir ann 1, tab 6.4 (suite), p 320). Concernant les coussièges simples, ils se présentent souvent (8 sur 11) avec les fenêtres de la baie simple. Nous pouvons dire que les coussièges se trouvent étroitement liés aux fenêtres situées dans de grandes pièces.

274 « Grande pièce » signifie une pièce ou plusieurs pièces du site possédant de grandes dimensions en comparaison avec d’autres pièces situées au même étage. 256

C. Tourelle en surplomb et échauguette Les tourelles en surplomb et échauguettes se situent sur plusieurs niveaux ; du 1er étage et jusqu’au niveau de la toiture (3 sur 8, voir tab 6.5, ann 1, p 321), du 2e étage jusqu’au niveau de la toiture (3 sur 8), et au niveau de la toiture pour les échauguettes (2 sur 8). L’emplacement des tourelles et des échauguettes nous permet d’observer leur intérêt : 6 sur 8 échauguettes se situent à l’angle du bâtiment, tandis que 1 sur 8 se trouvent à la jonction de deux bâtiments et 1 sur 8 à la position intégrée dans le corps du bâtiment (voir maison forte Jalionas, ann 1, tab 5.5, p 158). Néanmoins, nous n’avons pas trouvé de lien entre l’emplacement de la tourelle et de l’échauguette avec l’approche décorative, mais entre son emplacement et sa fonction. La tourelle de Montplaisant, qui se situe à la jonction de deux bâtiments, semble dotée d’un escalier à vis dans le corps de la tourelle (voir ann 1, tab 5.3, p 156), servant à un passage transitoire entre deux espaces. Les échauguettes situées à l’angle du bâtiment renvoient à la fonction d’observation (voir château de Montchalin, ann 1, tab 5.8, p 161). Les tourelles des sites de Montagnieu et de Montplaisant (ann 1, tab 5.3, p 156), du Manoir de la Tour (ann 1, tab 5.4, p 157) et de Larnage (ann 1, tab 5.7, p 160) possèdent chacune un escalier à vis dans la tourelle, servant le passage transitoire entre deux espaces.

D. Bretèche Toutes les bretèches se situent au niveau de la toiture, au-dessus du 2e étage (voir tab 6.9, ann 1, p 322). Si nous précisons l’emplacement des bretèches sur le bâtiment, toutes les bretèches se trouvent au-dessus de la porte d’entrée du bâtiment, au rez-de-chaussée.

E. Meurtrières La plupart des meurtrières se trouve au rez-de-chaussée (7 sur 8, voir tab 6.9, ann 1, p 322). Les meurtrières de Loras présentent une particularité stylistique avec les motifs sculptés situés autour de l’orifice des meurtrières. La présence des motifs permet d’accentuer l’effet décoratif des meurtrières (voir ann 1, tab 6.8-6.10, p 182-184).

F. Cheminées La plupart de cheminées se situe au rez-de-chaussée (21 sur 40) et au 1er étage (18 sur 40, voir ann 1, tab 6.8, p 323-324). Elles sont moins nombreuses à l’étage supérieur (1 au 2e étage). La précision de leur emplacement présente un intérêt : un nombre important de 257 cheminées se trouve dans une grande pièce de chaque site (28 sur 40). 15 cheminées sur 28 sont dans une grande pièce au rez-de-chaussée et 12 cheminées se situent également dans une grande salle, mais au 1er étage. Les cheminées du 2e et du 3e étage se trouvent aussi dans de grandes pièces.

G. Décor peint

La majorité des décors peints se trouve au 1er étage (24 sur 34, voir ann 1, tab 6.9, p 325), puis au rez-de-chaussée (7 sur 34). Ils sont moins nombreux au 2e étage (2 sur 34). Il est intéressant de préciser l’emplacement dans le bâtiment : la plupart des décors se présente dans la grande pièce (26 sur 34). Celle-ci se répartit au rez-de-chaussée (5), au 1er étage (21) et au 2e étage (2). Le décor peint du Château de Brangues est un cas exceptionnel avec son décor situé dans une cave souterraine (ann 1, tab 8.12, p 254). Un autre décor de la Maison forte Montplaisant présente un cycle peint dans une chapelle castrale au rez-de-chaussée (ann 1, tab 8.16, p 258-261).

H. Décor sculpté La majorité des décors se présente au rez-de-chaussée (10 sur 19, voir ann 1, tab 6.10, p 326). Ils sont ensuite moins nombreux au 1er étage (4 sur 19), au 2eétage (2 sur 19) et au- dessus de ce dernier (3 sur 19). Néanmoins, il est important de tenir compte des caractéristiques de ce type de décors puisqu’il s’attache à d’autres éléments architecturaux, ce qui ressemble au coussiège. La majorité des décors se trouve à l’extérieur du bâtiment (12 sur 19). Les décors se divisent en deux types : le premier est le décor situé sur le mur extérieur du bâtiment ou celui du site. La sculpture de trois gargouilles de Montchalin (ann 1, tab 9.8, p 290) et les écus sculptés de Vertrieu et de Loives en sont un exemple. Le deuxième type de décor concerne les motifs sculptés qui se trouvent rattachés à différents éléments architecturaux ; par exemple, deux motifs sculptés sur la tourelle du Château Mépieu (ann 1, tab 5.6, p 159), deux motifs sculptés sur les fenêtres de la Maison forte Montplaisant (ann 1, tab 3.13, p 85) et trois motifs sur le porche d’entrée du Château de Jail (ann 1, tab 2.16, p 31). A l’intérieur, il existe un groupement de motifs sculptés sur la tombée de voûte à la Maison Forte Montplaisant et à la Maison Forte Montagnieu (ann 1, tab 9.9, p 293). L’emplacement de ce type de décors dépend donc de l’élément architectural avec lequel il se rattache. 258

6.3.2 Emplacement dans les tours A. Porte La plupart des portes décorées sont situées également au rez-de-chaussée de la tour (25 sur 29, voir ann 1, tab 6.11, p 327-328). Toutes les portes donnent accès à l’intérieur de la tour et certaines portes situées aux étages permettent également d’entrer dans le bâtiment (voir ann 1, tab 2.26, p 41).

B. Fenêtre et coussiège La plupart des fenêtres décorées sont au 1er étage (18 sur 39), puis au 2e étage (14 sur 39) et enfin au 3e étage (9 sur 39, voir tab 6.12, ann 1, p 329-330). Il est intéressant d’observer l’emplacement des fenêtres et le type de la tour. Un nombre important de fenêtres décorées est sur la tour d’escalier (22 sur 39). Puis, la tour maîtresse présente 17 fenêtres décorées. Enfin, la tour résidence et la tour colombier présentent chacune une fenêtre ornée. Nous remarquons par conséquent une distinction concernant le nombre de fenêtres relié à l’emplacement (le niveau) sur la tour maîtresse ; une approche esthétique se présente au 2e étage, ce qui n’est pas le cas de la tour d’escalier. Comme l’emplacement dans le bâtiment, nous présentons l’emplacement des coussièges dans les tours, car ils sont des éléments architecturaux dotés des fenêtres. Il existe un seul coussiège simple dans la tour d’escalier de la Maison forte de Tournelle (ann 1, tab 4.2, p 140) et deux coussièges doubles dans la tour maîtresse de la Maison forte Hauterives (ann 1, tab 4.12, p 150).

C. Tourelle en surplomb et échauguette

Tout d’abord, il y a peu de tourelles étudiées par rapport à celles des bâtiments (voir tab 6.5, ann 1, p 321). Trois tourelles sont au niveau de la toiture. Deux de trois tourelles dotées des bases qui sont au niveau de 2e étage et la troisième se trouve au 1er étage.

Les échauguettes se situent à l’angle du bâtiment, ce qui est contraire à la tourelle qui se trouve souvent à la jonction du bâtiment et de la tour. Cet emplacement suggère la disposition d’un escalier à vis dans le corps des tourelles servant de passage transitoire entre deux espaces.

259

D. Bretèche Il existe une seule bretèche sur la tour (voir tab 6.6, ann 1, p 322). Elle se trouve également au niveau de la toiture (au-dessus du 2e étage), et est également au-dessus d’une porte d’entrée de la tour (voir ann 1, tab 5.9, p 162). Si nous observons cette tour en partie basse, la bretèche se situe dans le même axe que la porte d’entrée du rez-de-chaussée. E. Meurtrières La majorité des meurtrières décorées se trouve au 2e étage (6 sur 15, voir tab 6.17, p 333), puis au 1er étage (5 sur 15) et enfin au rez-de-chaussée (3 sur 15). Il faut signaler le site de Chaleyre où se trouvent six archères au 2e étage (ann 1, tab 6.3, p 177). C’est le seul site qui possède des meurtrières au niveau supérieur du 1er étage.

F. Cheminée Une seule cheminée se trouve dans la tour au rez-de-chaussée (ann 1, tab 6.18, p 334) (voir le château Serrières, ann 1, tab 7.18, p 214).

G. Décor peint Il y a moins de décors peints dans la tour (voir ann 1, tab 6.19, p 334), mais le motif des faux-appareils peints se présente dans la tour de la Maison forte Larnage et il existe des teintes colorées dans la Tour Brune (ann 1, tab 8.9, p 250).

H. Décor sculpté La majorité des décors se trouve au 2e étage (6 sur 16, voir ann 1, tab 6.20, p 335), puis au rez-de-chaussée et au-dessus du 2e étage (4 sur 16 et 4 sur 16), ainsi qu’au 1er étage (2 sur 16). Le décor se présente majoritairement à l’intérieur (9 sur 16) et l’intérêt portera sur le décor des culots à la retombée des voûtes. Il se trouve sur les culots formant la partie tombante de la voûte avec différents personnages (3 sur 4 sites où se trouve ce type de décors, voir maison forte Montagnieu par exemple, ann 1, tab 9.9, p 293). Le décor à l’extérieur se divise en deux types, comme celui trouvé sur le bâtiment : le premier présente des motifs sculptés situés de manière indépendante sur le mur de la tour (1 sur 7 de ce type de décor). Le déroulement en motif trilobé au niveau de la toiture du Manoir de la Tour en est un exemple (voir ann 1, tab 9.4, p 285). Le deuxième concerne des motifs rattachés à d’autres éléments architecturaux 260

(6 sur 7), en particulier les fenêtres pour le Château Demptézieu. Celles-ci sont accompagnées sur la tour de douze petites figures sculptées (voir ann 1, tab 9.9, p 294-295). La tourelle de la Maison forte Jalionas présente sur la base de petits motifs sculptés.

6.3.3 Comparaison de l’emplacement entre le bâtiment et la tour Tout d’abord, nous parlerons des portes. Le nombre des portes de la tour semble plus nombreux que pour les portes du bâtiment, c’est-à-dire 29 sur 20. Pourtant, leur emplacement au rez-de-chaussée permet à toutes les deux portes une visibilité aux visiteurs. Concernant l’aspect décoratif, deux types de portes montrent chacun les caractéristiques des moulures recherchées. Certaines portes de la tour présentent des particularités à travers une organisation plus complexe (voir les portes d’accolade de Serrières – tab 2.14 (ann 1, p 29), d’anse de panier de Bourcieu – tableau 2.22 (ann 1, p 37) et d’accolade de Verpillière – tableau 2.15 (ann 1, p 30). Nous pouvons expliquer cette distinction par l’emplacement de ces portes. En comparaison avec les portes du bâtiment, celles de la tour servent d’entrée, tout en permettant d’accéder aux étages supérieurs, notamment ceux du bâtiment. Nous pouvons affirmer que l’entrée de la tour d’escalier est un emplacement privilégié où nous pouvons remarquer un aspect décoratif. Concernant les fenêtres, elles sont présentes en grand nombre sur la tour et le bâtiment (voir tab 6.2, ann 1, p 315-316 et 6.12, ann 1, p 329-330). Les décors des fenêtres sont variés et se composent de plusieurs types des moulures, comme pour les portes. Les décors des moulures sur les fenêtres du bâtiment se retrouvent aussi sur les fenêtres de la tour. Nous pouvons observer la ressemblance stylistique des décors dans deux emplacements. Ces nombreuses fenêtres attestent que cet élément constitue le lieu favori pour exposer des décors275. Le tableau nous apprend que le 1er étage du bâtiment et de la tour (sauf la tour maîtresse) peut être considéré comme « l’étage noble », en raison de la présence de nombreuses fenêtres décorées et par l’emplacement de grandes pièces en son sein. Néanmoins, l’auteur de l’ouvrage mentionné (E.Sirot) parle de variation de la forme des fenêtres dans un même bâtiment. Par conséquent, il est important d’étudier le type de fenêtres et les caractéristiques décoratives dans la partie suivante, pour démontrer que les fenêtres possèdent plusieurs formes et caractéristiques distinctes, ainsi qu’une hiérarchie. Ceci se rapporte à l’emplacement des fenêtres, surtout celles situées au 1er étage car la présence de

275 Elisabeth SIROT, Noble et forte maison : l’habitat seigneurial dans les campagnes médiévales, op. cit. 261 fenêtre à croisée décorée (par exemple) peut indiquer l’emplacement de grande pièce dans un espace intérieur, au 1er étage. Quant aux coussièges, ils sont plus nombreux dans le bâtiment que dans la tour. Néanmoins, le caractère des coussièges paraît exceptionnel quand ils se situent dans l’embrasure de la fenêtre à croisée (les coussièges doubles) ou celle de la fenêtre à demi- croisée (la plupart sont des coussièges simples). Le type de fenêtre peut dans certains cas déterminer le type de coussiège.

Concernant les tourelles et les échauguettes, nous pouvons énoncer qu’il y a davantage d’échauguettes et de tourelles sur le bâtiment que sur la tour (8 sur 3). Après avoir observé ces éléments architecturaux, nous souhaitons ajouter deux remarques : la première concerne la forme des échauguettes (celles du Château Montchalin et du Château Serrières) qui sont de petites dimensions, tandis que les tourelles sont de grande taille. La seconde remarque concerne l’emplacement de la tourelle et de l’échauguette puisque celles de la tour se trouvent à la jonction du bâtiment et de la tour, tandis que celles du bâtiment sont majoritairement à l’angle du bâtiment. Le premier emplacement suggère un passage transitoire doté d’un escalier à vis entre deux espaces. Le deuxième fait penser à une position en hauteur destinée à l’observation. Néanmoins, il n’existe pas de distinction ornementale entre les tourelles du bâtiment et celles de la tour. Pour les bretèches, le tableau 6.6 (ann 1, p 322) et 6.16 (ann 1, p322) présente les mêmes résultats que pour les tourelles et échauguettes. Les bretèches sont un peu moins nombreuses sur la tour que sur le bâtiment (1 sur 4). La bretèche se situe au niveau de la toiture (au-dessus de 2e étage) et précisément au-dessus de la porte d’entrée au rez-de- chaussée. Le décor n’est pas lié à l’emplacement de la bretèche, mais nous considérons que la localisation de la bretèche en haut de la porte peut être rattachée à la fonction défensive. Concernant les meurtrières, elles se présentent davantage sur la tour que sur le bâtiment (15 sur la tour et 8 sur le bâtiment). La majorité des meurtrières sur le bâtiment se trouvent au rez-de-chaussée, celles de la tour sont au 2e étage. Cette présence peut se rapporter à la fonction défensive de la tour276, qui sert à observer généralement les alentours du site et permettre aux habitants de préparer des assauts contre des ennemis. Il est donc possible qu’il existe de nombreuses meurtrières en hauteur de la tour. Toutefois, certaines meurtrières ne permettent pas aux archères et aux canonnières de tirer, leur existence étant alors destinée à jouer un rôle symbolique. Le décor mouluré sur les meurtrières du bâtiment présente une

276 Jean MESQUI, Châteaux et enceintes de la France médiévale. De la défense à la résidence, op. cit. 262 ressemblance stylistique avec celui de la tour. Le site de Loras présente un décor exceptionnel d’archères-canonnières sur le bâtiment (ann 1, tab 6.8-6.10, p 182-184) et le site de Chaleyre montre une série d’archères en hauteur de la tour (ann 1, tab 6.3, p 177). Pour les cheminées, il n’est pas possible de comparer celles dans le bâtiment avec celle trouvée dans la tour car nous n’en avons découvert qu’une seule. Quant au décor peint, nous pouvons en conclure qu’il existe davantage de décors peints dans le bâtiment que dans la tour. Leur emplacement indique que ce type de décors se trouve à l’intérieur, en particulier dans la grande pièce, ce qui démontre une ressemblance avec les fenêtres, les cheminées et les coussièges. En conséquence, nous pouvons nous interroger sur l’importance du décor en observant son emplacement par rapport à d’autres décors cités.

Enfin, s’agissant du décor sculpté, celui-ci est moins présent dans la tour que dans le bâtiment (16 sur 19). Nous pouvons affirmer que le décor sculpté se caractérise par son lien entre des éléments architecturaux situés à l’extérieur et à l’intérieur. Il les orne en différents motifs sculptés et en sculpture. Le traitement des figures montre un travail soigné, en particulier la figure des personnages trouvés à l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment, et aussi de la tour.

6.4 Emplacement des décors par étages Après avoir présenté les types de décors et leur emplacement sur les bâtiments et les tours, nous allons maintenant étudier dans la présente partie la relation entre décor et emplacement dans les espaces intérieurs. Dans cette partie, nous mettrons en exergue l’organisation de l’espace intérieur du site. Pour cela, notre réflexion sera conduite par cette interrogation : comment la grande salle (aula) peut influencer l’organisation de l’espace intérieur, en tenant compte de l’aspect décoratif ? Nous reprenons la méthode statistique utilisée dans la partie précédente afin de connaître le nombre et le type de décors se trouvant dans chaque lieu. Ces derniers se divisent en bâtiments et en tours, qui se subdivisent en bâtiments et tours principaux et en bâtiments et tours secondaires. De plus, l’espace intérieur est décrit par étage et par pièce277. Les sites sont également divisés en trois groupes en fonction du nombre de décors présents278 : le groupe

277 Nous tenons compte seulement des pièces comprenant des décors. 278 Il s’agit des groupements de sites que nous avons retenus dans la partie relative à la relation entre les décors et la superficie. 263 des sites avec un nombre important de décors279 (groupe 1), le groupe des sites avec un nombre moyen de décors280 (groupe 2) et le groupe des sites avec un petit nombre de décors281 (groupe 3).

6.4.1 Résultats concernant l’emplacement intérieur des décors Tout d’abord, intéressons-nous aux décors qui se situent dans le bâtiment. Nous précisons le corps du logis principal282, puis les pièces283 situées à l’intérieur. Au niveau du rez-de- chaussée, la cheminée est l’élément le plus présent, comparé à d’autres éléments dans les sites des trois groupes (voir tab 6.21-6.23, ann 1, p 336-338) : seize sur quarante-cinq pour le groupe 1, six sur quatorze pour le groupe 2 et six sur vingt-neuf pour le groupe 3. Ensuite, viennent les éléments d’ouverture, c’est-à-dire les fenêtres et les portes : le groupe 1 comprend sept fenêtres et onze portes (sur quarante-cinq éléments). Les groupes 2 et 3, quant à eux, présentent davantage de portes décorées que de fenêtres ornées. Les portes peuvent être divisées en trois catégories en fonction de leur situation. La première catégorie concerne la porte permettant d’entrer dans une pièce (quatre sur quatorze pour le groupe 2 et cinq sur vingt-neuf pour le groupe 3). Le deuxième type de portes concerne l’entrée du bâtiment (trois sur quatorze pour le groupe 2 et quatre sur vingt-neuf pour le groupe 3). Le dernier type est le porche d’entrée du site qui permet d’accéder à l’intérieur de celui-ci (deux sur quatorze pour le groupe 2 et un sur vingt-neuf pour le groupe 3). Enfin, il existe d’autres éléments décorés : le décor sculpté (cinq sur quarante-cinq pour le groupe 1), les fenêtres (trois sur quatorze pour le groupe 2 et cinq sur vingt-neuf pour le groupe 3) et les meurtrières (quatre sur quarante- cinq pour le groupe 1 et quatre sur vingt-neuf pour le groupe 3). Dans les autres pièces de taille plus réduite situées à ce niveau, nous avons trouvé les mêmes décors que ceux de la grande pièce : les cheminées (quatre sur sept pour le groupe 1), les portes (un sur deux), les coussièges (un sur deux) pour les sites de groupe 2 et une porte pour le groupe 3. Nous pouvons affirmer que la cheminée est l’élément décoré le plus représenté au niveau des pièces du rez-de-chaussée du bâtiment, et cela pour les sites des trois groupes. L’existence d’un grand nombre de cheminées peut être expliquée par la variété des catégories de cet

279 Afin de faciliter la lecture du texte, nous voulons simplifier l’appellation des groupes. Le groupe des sites ayant un nombre important de décors sera appelé « Groupe 1 ». 280 Le groupe des sites avec un nombre moyen de décors sera appelé « Groupe 2 ». 281 Le groupe des sites avec un petit nombre de décors sera appelé « Groupe 3 ». 282 Nous mettons l’accent sur l’étude des décors trouvés dans le bâtiment principal (pour le site composé de plusieurs bâtiments), c’est-à-dire le grand bâtiment où se trouve un nombre important de décors. 283 Nous précisons étudier sur chaque étage la pièce où se trouve un nombre de décors (pièce 1 ou P1 dans le tableau) afin de connaître sa répartition dans le site. 264

élément. Les cheminées se divisent en deux types : la cheminée d’agrément et la cheminée de cuisine. Cette dernière se trouve uniquement au rez-de-chaussée, dans la pièce destinée à préparer les repas. Néanmoins, il n’existe que trois cheminées de cuisine dans notre inventaire (celle de la Maison forte Les Blains, celle de la Maison forte Saleton et celle de la maison forte du Carroz, ann 1, tab 7.3-7.4, p 199-200). Les portes sont également intéressantes par leur variété, en particulier le porche d’entrée que nous retrouvons dans les sites du groupe 2 (Maison forte Ferme des Dames ; ann 1, tab 2.19, p 34 et Château de Jail ; ann 1, tab 2.16, p 31). Ces porches sont souvent ornés de motifs ou de figures sculptées. Intéressons-nous ensuite aux décors situés au premier étage. Le type de décors à ce niveau, dans une grande pièce284, diffère selon les groupes (voir tab 6.21-6.23, ann 1, p 336- 338). La présence des cheminées est remplacée par la prédominance des fenêtres pour les sites du groupe 1 (quinze fenêtres décorées sur cinquante éléments décorés). L’apparition des fenêtres ornées des sites de groupe 2 présentent la prédominance comme le groupe 1 (vingt- quatre sur quarante-quatre). Dans ce dernier groupe, la Maison forte Verpillière possède une tourelle en surplomb au premier étage, démontrant la présence d’élément défensif à l’étage. Les sites du groupe 3 présentent au contraire de nombreuses cheminées au premier étage (huit sur vingt-cinq). Les cheminées sont moins nombreuses dans les sites du groupe 2 (six sur quarante-quatre) et plus nombreuses dans les sites du groupe 1 (onze sur cinquante). Un autre élément qui se trouve dans un nombre dans les sites de trois groupes est le décor peint. Il se présente huit sur cinquante éléments décorés dans les sites du groupe 1, puis sept sur vingt- cinq dans le groupe 3 et cinq sur quarante-quatre dans le groupe 2. A part des trois éléments mentionnés ci-dessus, les coussièges sont un autre élément que nous retrouvons dans plusieurs sites, en particulier ceux du groupe 2 (huit sur quanrante- quatre) et du groupe 1 (neuf sur cinquante) : un seul site du groupe 3 dispose d’un coussiège. Dans les autres pièces de taille plus réduite, que nous pouvons appeler pièces secondaires (P2), nous retrouvons les mêmes types d’éléments décorés que ceux d’une grande salle, en nombre plus ou moins élevé. Ainsi, quatre fenêtres décorées sont visibles dans les sites de groupe 1. Pour les sites des groupes 2 et 3, tous les types de décors existent mais en plus petit nombre. Les cheminées et les fenêtres se retrouvent en grand nombre et que les coussièges et les décors peints sont également bien représentés. Ces éléments se trouvent majoritairement dans

284 Par grande pièce, nous entendons une pièce possédant une grande superficie comparée à d’autres pièces situées au même niveau. 265 une grande pièce ou grande salle (aula) située au premier étage du bâtiment. Les caractéristiques de chaque type de décor ne sont pas anodines quant à leur emplacement. D’abord, en ce qui concerne les fenêtres, la majorité est de grande dimension. Les fenêtres à croisée et les fenêtres à demi-croisée permettent à la lumière de pénétrer largement à l’intérieur285. Elles sont souvent accompagnées de coussiège simple ou double. Cet élément apporte du confort à l’ensemble de la pièce, en permettant aux habitants de s’asseoir près de la fenêtre. Les cheminées présentent également une grande dimension et des décors moulurés placés généralement sur le linteau et les piédroits. Certaines cheminées sont ornées sur le linteau d’un écu armorié. L’existence d’une cheminée dans une pièce offre un effet décoratif important à l’ensemble. Enfin, le décor peint se présente sous plusieurs formes : les motifs peints, les peintures murales ou le cycle historié286. La présentation figurative donne une approche décorative à la pièce. Nous pouvons affirmer que la présence de ces quatre types de décors donne à la grande salle du premier étage un certain luxe que le propriétaire du site voulait montrer, notamment à travers les éléments ornés. Maintenant, nous allons étudier le deuxième étage du bâtiment. Les décors se présentent en grand nombre comme au premier étage, mais le type de décor présent se distingue légèrement entre les sites des trois groupes (voir tab 6.21-6.23, ann 1, p 336-338). Les fenêtres sont nombreuses dans les sites des trois groupes (six sur vingt-et-un pour le groupe 1, quatre sur huit pour le groupe 2 et quatre sur quatre pour le groupe 3). De plus, les décors peints et les décors sculptés se retrouvent dans les sites des groupes 1 et 2 : cinq décors sculptés parmi les dix-neuf sites du groupe 1 et un seul sur les huit sites du groupe 2, un seul décor peint du groupe 1 et deux décors peints parmi les huit sites du groupe 2. L’attention doit se porter sur les sites du groupe 1 qui possèdent des éléments défensifs : trois tourelles en surplomb et une bretèche parmi les neuf sites. Nous n’avons pas découvert de décor dans les pièces secondaires situées à cet étage sauf le Château de Bayard du groupe 3 ayant une fenêtre ornée. Nous pouvons énoncer que les décors au deuxième étage ressemblent à ceux du premier étage pour les fenêtres et les décors figuratifs (décors peints, décors sculptés). Par ailleurs, l’existence des tourelles en surplomb et des bretèches s’explique par leur fonction défensive qui nécessite qu’elles soient en hauteur.

285 Y. Esquieu parle de ces deux types de fenêtres qui sont le support fréquent d’un décor plus marqué. ESQUIEU Yves, « La baie. Ostentation et hiérarchisation dans la demeure médiévale », Cadre de vie et manières d’habiter (XIIe-XVIe siècle), Publications du CRAHM, Caen, 2006. 286 Nous parlerons du détail des décors dans le chapitre 6. 266

Au niveau du troisième étage, nous ne trouvons des décors que pour les sites du groupe 1 (voir tab 6.21, ann 1, p 336). Nous pouvons observer quelques cheminées, fenêtres et coussièges. Comme pour le deuxième étage, il n’existe pas de décor dans les pièces secondaires situées à ce niveau.

Enfin, au-dessus du troisième étage, nous constatons seulement la présence d’éléments défensifs, en particulier au niveau de la toiture : l’échauguette du Château Montchalin et celle du Château Serrières (voir tab 6.21, ann 1, p 336), ainsi que les trois bretèches du Château de Serrières.

L’étude des éléments décorés par étage et par pièce nous montre que ce sont au rez-de- chaussée, au premier et au deuxième étage que se situent la majorité des décors. Il faut également souligner que c’est au premier étage que nous trouvons le plus de décors. Par ailleurs, les caractéristiques des éléments décorés à ce niveau présentent une qualité particulière. Cela correspond aux caractéristiques de l’espace d’habitation du premier étage, que plusieurs spécialistes ont appelé « étage noble ». La majorité des décors se situe dans la grande pièce, l’aula287. Cette salle se caractérise par une superficie importante (voir tab 6.27- 6.29, ann 1, p 342-346) et également par un aspect décoratif marqué à travers plusieurs types de décors. (voir tab 6.21-6.23, ann 1, p 336-338) Ces deux éléments permettent d’identifier une aula (voir tab 6.30-6.32, ann 1, p 347-349). Concernant les tableaux 6.27-6.29 qui présentent la superficie des pièces où se trouvent les décors, il faut noter que nous ne pouvons pas accéder à l’intérieur de tous les sites lors de la deuxième prospection, qui est destinée à cueillir les renseignements supplémentaires. La majorité des grandes salles possède la plus grande superficie par rapport à d’autres pièces du même site. Néanmoins, certaines grandes salles disposent d’une superficie moindre que l’autre pièce située dans le même site (par exemple : Maison forte Larnage, tableau 6.27), mais la grande salle de Larnage a un décor peint et une porte ornée. Ceux-ci sont dans une pièce d’une superficie inférieure en comparant avec celle d’une pièce au rez-de-chaussée. Ces décors démontrent une approche décorative plus spectaculaire que la présence d’une seule cheminée de la pièce au rez-de-chaussée. Nous tentons ici de rassembler les indices permettant d’identifier la grande salle. Toutefois, selon les tableaux 6.30-6.32 (ann 1, p 347-349), l’aula n’est pas toujours située au premier étage : elle peut être au rez-de-chaussée ou au deuxième étage. Pour les sites du

287 Elisabeth SIROT, Noble et forte maison : l’habitat seigneurial dans les campagnes médiévales, Edition A & J Picard, 2007. 267 groupe 1, la majorité des grandes salles se trouve au premier étage (douze sur vingt), puis au rez-de-chaussée (sept sur vingt) et enfin au deuxième étage (un sur vingt). Les grandes salles de ce groupe se remarquent par l’approche ornementale des éléments décorés à l’intérieur. (le tableau 6.30 dont la colonne « qualité et type de décors » présente le nombre quatorze sur vingt sites où le critère de décor permet de déterminer la grande salle). Il nous faut noter ici que nous ne pouvons pas visiter certains sites288 (dans ce cas, nous observons les éléments décorés, en particulier les fenêtres sur la façade du bâtiment s’ils possèdent un aspect décoratif dont nous présentons le résultat dans le tableau 6.30-6.32 colonne « présence d’éléments décorés à l’extérieur. » Les décors des fenêtres sur la façade aident à supposer l’emplacement des grandes salles à l’intérieur.) Par ailleurs, il existe certains sites où nous ne pouvons pas accéder à l’étage289 (dans ce cas, nous observons les éléments décorés au rez-de- chaussée pour vérifier s’ils peuvent montrer un aspect décoratif dont nous présentons le résultat dans le tableau 6.30-6.32 colonne « présence d’éléments décorés à l’intérieur »). Toutefois, la majorité des sites de ce groupe est accessible. Ce qui n’est pas le cas des sites de groupe 2 et 3, dont l’accès est plus difficile et nécessitant d’étudier attentivement les façades extérieures. Les sites du groupe 2 présentent les mêmes caractéristiques que ceux du groupe 1 : la majorité des grandes salles se situe au premier étage (onze sur quatorze), elles sont moins nombreuses au rez-de-chaussée (deux sur quatorze) et au deuxième étage (une sur quatorze). Pour les sites du groupe 3, la plupart des grandes salles se trouvent aussi au premier étage (seize sur vingt et un), puis au rez-de-chaussée (trois sur vingt et un) et au deuxième étage (un sur vingt et un).

Après avoir présenté le résultat concernant l’emplacement des décors trouvés dans les bâtiments, nous allons étudier la localisation des décors situés sur la tour afin de connaître l’aspect décoratif de l’ensemble du site. Tout d’abord, c’est au rez-de-chaussée des tours des sites des trois groupes classés290 que se trouve un nombre important de portes décorées (voir tab 6.24-6.26, ann 1, p 339-341). Nous avons découvert quinze portes ornées sur vingt éléments décorés pour le groupe 1, six sur treize pour le groupe 2 et six sur huit pour le groupe 3. Les meurtrières sont moins nombreuses que les portes : trois sur vingt pour le groupe 1, quatre sur treize pour le groupe 2 et deux sur huit pour le groupe 3. Le décor sculpté est présent dans les sites du groupe 1 (deux

288 Maison forte Bourcieu, Manoir de la Tour, Maison forte Lens-Lestang, Château de Serrières 289 Château Montchalin, Maison forte du Carre et Maison forte du Cingle 290 Les groupes classés par nombre de décors : le groupe avec un grand nombre de décors, le groupe avec un nombre moyen de décors et le groupe avec un petit nombre de décors. 268 sur vingt) et du groupe 2 (quatre sur treize). Ainsi, nous pouvons constater que les portes et les meurtrières sont largement présentes à ce niveau. Au premier étage de la tour (voir tab 6.24-6.26, ann 1, p 339-341) se trouvent de nombreuses fenêtres dans les sites des trois groupes classés (onze sur vingt-sept pour le groupe 1, huit sur seize pour le groupe 2 et six sur douze pour le groupe 3). Cette présence à ce niveau de la tour rappelle celle pour le bâtiment. Comme au rez-de-chaussée de la tour, nous retrouvons des meurtrières au premier étage. Nous avons également le décor sculpté dans les sites du groupe 2 (quatre sur seize), du groupe 3 (deux sur douze) et seulement un dans le site du groupe 1. Parmi les sites du groupe 2, quatre figures de personnage sculptées se situent au Château Demptézieu. Un seul site du groupe 2 et du groupe 3 possèdent des coussièges mais ils se trouvent nombreux dans le groupe 1 (cinq sur vingt-sept). Enfin, le décor peint se présente uniquement dans la tour de la Maison forte des Loives qui appartient au groupe 2 : il s’agit d’un motif de faux-appareils. Ce sont donc les fenêtres, les meurtrières et les décors sculptés qui sont les plus présents au premier étage de la tour. Nous trouvons également de nombreuses fenêtres au deuxième étage (voir tab 6.24- 6.26, ann 1, p 339-341) : cinq sur dix-neuf pour le groupe 1, six sur dix pour le groupe 2 et huit sur quinze pour le groupe 3. La Maison forte Chaleyre (groupe 1) est remarquable avec ses six meurtrières moulurées. Les sites du groupe 3 présentent au contraire un petit nombre de meurtrières (deux sur quinze) alors que les sites du groupe 2 n’en possèdent aucune. Le Château Demptézieu (groupe 2) se remarque par des décors sculptés (quatre sur dix) comme au premier étage. Les sites du groupe 3 possèdent des coussièges (deux sur dix-huit) et des décors peints (deux sur dix-quinze) sur la tour. Le décor peint de la Tour Ravier se caractérise par un motif de faux-appareils colorés dont les couleurs s’alternent. Le même motif se retrouve dans la tour d’escalier de la Maison forte Larnage du groupe 1. Ensuite, au troisième étage (voir tab 6.24-6.26, ann 1, p 339-341), nous retrouvons des fenêtres pour les sites du groupe 1 (un), du groupe 2 (deux) et du groupe 3 (quatre). Pour ce dernier groupe, la Maison forte de la Tour Saint-Cierge est remarquable par ses quatre fenêtres ornées situées sur la tour maîtresse. Le château Demptézieu (groupe 2) possède, comme au premier et au deuxième étage, quatre figures sculptées sur les fenêtres. Enfin, au-delà du troisième étage (voir tab 6.24-6.26, ann 1, p 339-341), nous avons pu observer un décor sculpté présentant un motif trilobé. Il se situe au niveau de la toiture, sur la tour d’escalier du Manoir de la Tour. Le décor sculpté présentant deux personnages sur les culots se présente au 6e étage de la tour dans le site de Vernas du groupe 3. 269

Les décors sur la tour varient en fonction des niveaux. Le rez-de-chaussée se caractérise par l’ornement de la porte d’entrée. A partir du premier étage, jusqu’au niveau de la toiture, les fenêtres jouent un rôle important sur le décor et s’accompagnent d’autres éléments. Le deuxième étage se distingue par des meurtrières sur la tour maîtresse de la Maison forte Chaleyre. Du premier au troisième étage, le décor de la tour d’escalier du Château Demptézieu est marqué par la présence du décor sculpté. Le décor peint, lui, se situe à l’intérieur des tours, au niveau du premier et du deuxième étage. Il existe donc une corrélation entre l’emplacement de chaque type de décors et la fonction de l’élément architectural attaché.

6.4.2 Analyse de la relation entre le décor et son emplacement

Les résultats concernant l’emplacement des décors présentés ci-dessus nous apportent des éléments chiffrés relatifs à l’intérêt des décors. Cela est particulièrement visible dans certains sites étudiés, notamment ceux du groupe 1 où les décors se trouvent dans plusieurs endroits. La comparaison des décors en fonction de leur emplacement permet de tirer plusieurs conclusions. Nous allons l’étudier maintenant au travers de sites sélectionnés pour leur intérêt.

A. Les caractéristiques des décors sur différents niveaux

Tout d’abord, le Château Châtillon (groupe 1) est un grand site composé d’un corps de logis flanqué dans les coins du logis de trois tours identiques (voir le plan, ann 2, p 84). Les décors se répartissent dans quatre pièces dont deux au rez-de-chaussée et deux autres au premier étage. L’une des deux pièces du rez-de-chaussée se situe dans un même axe que l’une des deux pièces du premier étage, tout comme pour l’autre pièce du rez-de-chaussée et celle du premier étage. La pièce 1 située au rez-de-chaussée (75,6 m2, voir tab 6.27, p 342) comprend une grande cheminée ornée de moulures sur le linteau (voir ann 1, tab 7.15, p 211), ce qui ressemble au décor de la cheminée (voir ann 1, tab 7.17, p 213) dans la pièce 1 du premier étage (23,9 m2, superficie actuelle après réaménagement, voir tab 6.27, p 342). Une autre pièce (2) au rez-de-chaussée (29,66 m2) possède une cheminée de taille plus réduite que la première cheminée. Elle est ornée de tores moulurées (voir ann 1, tab 7.4, p 200). Les caractéristiques de la pièce et celles de la cheminée se retrouvent dans la pièce 2 au premier étage (23,33 m2), voir la cheminée de la dernière pièce dans le tableau 7.19 (ann 1, p 215) La cheminée dans la plus grande pièce est plus grande et son décor plus soigné que pour l’autre cheminée. L’importance de la pièce influence les caractéristiques de la cheminée. Mais il n’y 270 a pas forcément de distinction en matière de décors selon son emplacement sur différents niveaux. Ce constat peut être fait en examinant le décor découvert dans deux pièces situées à différents niveaux de la Maison forte Larnage (voir le plan, ann 2, p 19). La première pièce située au rez-de-chaussée (orientée au sud) présente une porte d’entrée possédant un motif d’accolade. Une cheminée ornée sur le linteau d’un décor mouluré (voir tab 7.21, ann 1, p 217) est dans cette pièce (25,96 m2, voir tab 6.27, p 342). Ce décor se retrouve dans une autre pièce au même emplacement mais au premier étage (26,85 m2, voir tab 6.27, p 342). La pièce dispose d’une porte d’entrée présentant un motif d’accolade et comprend une cheminée moulurée. Les décors de la pièce du rez-de-chaussée ressemblent à ceux de la pièce du premier étage comme au Château Châtillon : le décor dans la pièce du rez-de-chaussée ressemble au décor de la pièce de taille similaire au premier étage.

Les cheminées sont présentes dans presque tous les sites et constituent un indicateur du niveau de décor du site. L’exemple offert par la Maison forte du Carroz permet de mettre en exergue ce constat (voir le plan, ann 2, p 116). A l’intérieur du bâtiment, se trouvent quatre cheminées réparties dans quatre pièces. La première cheminée (voir tab 7.4, ann 1, p 200) se situe dans une pièce du rez-de-chaussée (23,2 m2 taille actuelle, voir tab 6.27, p 342). Cette cheminée de cuisine ornée de deux figures sculptées possède de très grandes proportions. La deuxième cheminée est au même niveau mais dans une pièce plus grande (45,75 m2, voir tab 6.27, p 342). Il s’agit d’une autre cheminée de cuisine moulurée (ann 1, tab 7.14 (A-1), p 210). La troisième cheminée (voir tab 7.14 (A-2), p 210) se trouve dans une pièce au premier étage (21,76m2) qui comprend également une fenêtre décorée sur le linteau d’un motif d’accolade finement mouluré (voir tab 3.23, ann 1, p 95). Le même décor se retrouve dans une autre pièce au même niveau (45,75m2) voir tableau 3.23 (ann 1, p 95). Le décor et l’emplacement de la fenêtre au premier étage suggèrent que la grande salle se trouvait à ce niveau. Nous pouvons affirmer que la cheminée et la fenêtre jouent un rôle d’indicateur de décor. Par ailleurs, les décors de la Maison forte Tournelle et du Château Montplaisant révèlent une autre distinction en matière de décors. Pour le site de Tournelle (voir le plan, ann 2, p 276), la première cheminée est dans une pièce au rez-de-chaussée (voir tab 7.10, ann 1, p 206) et la deuxième (voir tab 7.11, ann 1, p 207) dans une pièce du premier étage. Pour le site de Montplaisant (voir le plan, ann 2, p 212), une cheminée se situe au premier étage (voir tab 7.16 (A-1), ann 1, p 212), ainsi qu’au rez-de-chaussée (voir tab 7.16 (A-2), ann 1, p 212). 271

Notre étude sur le terrain nous a permis de constater que les cheminées situées au premier étage disposent d’un décor très raffiné et plus recherché, en comparaison des autres cheminées au rez-de-chaussée et aux étages supérieurs. Nous pouvons constater que les décors évoluent selon l’emplacement des pièces. La pièce du premier étage apparaît dominante par rapport à d’autres pièces situées en-dessous ou au-dessus. La hiérarchisation des décors en fonction de l’emplacement des éléments architecturaux peut aussi être observée en étudiant les fenêtres. Nous voyons sur la façade du bâtiment de la Maison forte Tournelle, au rez-de-chaussée, plusieurs baies simples ornées d’un motif d’accolade tandis qu’au premier étage, se trouvent des fenêtres à croisée de plus grande dimension et décorées sur le linteau d’un motif d’accolade (voir tab 3.29, ann 1, p 101). Au deuxième étage se trouvent deux fenêtres à demi-croisée de taille plus réduite que les baies du premier étage (voir tab 3.22, ann 1, p 94). Les différences de taille et de décors entre les fenêtres selon les niveaux d’élévation démontrent une certaine hiérarchisation privilégiant le premier étage291. Nous retrouvons ce même constat pour les cheminées : la cheminée du premier étage (tab 7.11, ann 1, p 207) étant davantage ornée que celle du rez-de- chaussée (voir tab 7.10, ann 1, p 206). Nous remarquons clairement que le décor des éléments architecturaux, comme la cheminée et la fenêtre, est étroitement lié à leur emplacement par pièce et par niveau, ce qui prouve une hiérarchisation à travers ces éléments. Ces liens entre le nombre, l’emplacement et le décor des baies sont notamment décrits par Y. Esquieu292. Il montre qu’il existe une organisation de l’espace intérieur de la résidence seigneuriale : la grande salle (aula) est une grande pièce située principalement au premier étage du bâtiment. Il nous apprend également que les décors sur les façades reflètent fortement la distinction des fonctions des pièces intérieures : celles du premier niveau ayant une fonction économique tandis que celles du deuxième niveau ont une fonction résidentielle.

B. La présence et la répétition de motifs décoratifs sur différents niveaux

Nous venons de constater que l’emplacement des décors découverts sur les différents éléments architecturaux des bâtiments et des tours fournit des informations sur la fonction de certaines pièces. Nous allons approfondir ce constat en étudiant tout d’abord le décor des

291 Cette conception correspond à ce que E. Sirot mentionne dans son ouvrage : une hiérarchie est perçue par la qualité des ouvertures. 292 Yves ESQUIEU, « La baie. Ostentation et hiérarchisation dans la demeure médiévale », in Cadre de vie et manières d’habiter (XIIe-XVIe siècle), Publications du CRAHM, Caen, pp. 229-238. 272 fenêtres de la Maison forte Lens-Lestang (voir le plan, ann 2293, p 146). Si nous observons le bâtiment tout autour du site, nous pouvons remarquer que la majorité des fenêtres au premier étage des bâtiments I et II est décorée d’un motif de filets croisés (voir tab 3.8, ann 1, p 80). Ce décor se retrouve aussi sur la baie du premier étage de la tour (voir tab 3.9, ann 1, p 81 et tab 3.33, ann 1, p 105). La présence de ce décor nous laisse supposer l’existence d’une grande salle à l’intérieur du bâtiment (nous n’avons pas pu visiter l’intérieur). Un autre décor à étudier est celui du Château de Jail (voir le plan, ann 2, p 270). Le motif d’accolade se retrouve sur plusieurs ouvertures : la porte d’entrée au rez-de-chaussée de la tour (voir tab 2.3, ann 1, p 18), les fenêtres au premier étage du bâtiment et de la tour. Deux des fenêtres du bâtiment sont des fenêtres à croisée (voir tab 3.29, ann 1, p 101) et une autre est à demi- croisée (voir tab 3.22, ann 1, p 84). C’est ce dernier type de fenêtres que nous retrouvons sur la tour. La présence d’un décor sur ces fenêtres laisse supposer, comme pour la Maison forte Lens-Lestang, que la grande salle se situait au premier étage du bâtiment (nous n’avons pas non plus pu y entrer). Cet apport du motif décoratif sur plusieurs types de supports se présente aussi au Château de Châtillon. Nous pouvons bien observer ici la ressemblance stylistique sur les éléments à l’extérieur et à l’intérieur du bâtiment. Le premier décor concerne le motif d’accolade sur le linteau extérieur de la porte d’entrée de la tour hexagonale (voir tab 2.29, ann 1, p 44), au rez-de-chaussée. Ce même motif se retrouve sur le linteau de la cheminée au 1er étage, à l’intérieur du bâtiment (voir tab 7.19, ann 1, p 215). Ce motif d’accolade peut donc être utilisé pour décorer une porte ou une cheminée. Le deuxième décor concerne les baguettes croisées (voir tab 3.24, ann 1, p 96) sur la fenêtre au deuxième étage de la tour hexagonale. Ce motif se retrouve sur le linteau de la cheminée au rez-de-chaussée du bâtiment (voir tab 7.4, ann 1, p 200). Le motif des baguettes croisées peut donc aussi être utilisé pour orner une fenêtre ou une cheminée. Pour conclure, nous constatons qu’un type de décor architectural peut être utilisé sur différents supports, en particulier sur les portes, les fenêtres et les cheminées.

Les différents constats effectués à partir de l’étude des éléments architecturaux et leurs décors révèlent que le premier étage du bâtiment constitue un niveau privilégié, présentant de nombreux décors sur plusieurs éléments architecturaux. La grande salle (aula) réunit une uniformité de décors et plusieurs types d’éléments architecturaux ornés, comme les grandes fenêtres garnies de coussièges dans l’embrasure de la baie. La cheminée est un autre élément

293 N.B. « ann 2 » signifie « annexe 2 ». Il faut voir la présentation picturale dans le volume d’annexe 2 accompagné du texte. 273 architectural jouant un rôle important sur l’aspect décoratif de la salle. Il faut tenir compte également du décor peint ornant la salle et dont l’effet ornemental varie selon le type de décors. Tous ces éléments permettent à l’aula d’être la pièce la plus grandiose d’un site, par sa taille et par son niveau de décoration. L’effet offert par les décors nous permet de nous interroger sur la volonté des détenteurs de montrer leur richesse et d’asseoir leur statut. L’aula se situe généralement au premier étage du bâtiment, qui correspond à l’espace d’habitation. Les autres pièces de superficie plus réduite possèdent également des éléments décorés mais généralement moins travaillés. Cette distinction évoque une certaine hiérarchie entre la grande pièce et les autres pièces intérieures. Cela se retrouve également dans l’aspect extérieur, avec les différents types de fenêtres à chaque étage. La façade du premier étage possède des fenêtres à croisée et à demi-croisée, ce qui nous laisse supposer l’emplacement de l’aula à l’intérieur. Au contraire, les baies au rez-de-chaussée et au deuxième étage sont de taille plus petite et leur décor paraît plus simple. Nous retrouvons donc ici une certaine hiérarchisation. En conséquence, la résidence seigneuriale, comme la maison forte et le château, se caractérise par une approche hiérarchique matérialisée par l’organisation de l’espace extérieur et intérieur et l’emplacement des éléments décorés. Il est intéressant d’étudier ensuite les types de décors et leurs caractéristiques ainsi que leur datation, afin de pouvoir rechercher une évolution stylistique des décors au cours de la période étudiée. 274

Chapitre 7 La comparaison du corpus des décors avec les décors

trouvés dans d’autres régions

Les chapitres 5 et 6 qui présentent le corpus des décors et leur emplacement dans les sites nous ont permis de mettre en avant les particularités stylistiques des décors dans nos régions d’étude, c’est-à-dire le Viennois et le Grésivaudan du XIIIe au XVIe siècle. Etant donné que le cadre de notre recherche s’étend sur un large corpus composé de neuf catégories de décors, ces deux chapitres nous offrent donc une riche approche de l’aspect décoratif des résidences seigneuriales. Il est intéressant d’analyser les décors trouvés au-delà de notre zone d’étude, dans les régions voisines ou ailleurs, afin de les comparer. Une telle observation est nécessaire pour analyser les caractéristiques propres de chaque région et les influences artistiques propres à la période d’étude. Néanmoins, le travail de comparaison nécessite généralement une étude particulièrement approfondie des décors trouvés dans différentes régions. L’analyse des caractéristiques des décors qui se lient au rapport stylistique et historique, ainsi qu’à la variation des dates, demande une recherche plus poussée. Nous envisageons d’entreprendre cette ouverture d’étude comparative comme une suite de notre travail. En conséquence, la présentation de ce chapitre présente une perspective globale de la partie comparative en fournissant une petite analyse des décors.

7.1 La comparaison et les critères concernés Ce chapitre se divise en deux parties : la première est une étude comparative des moulures, et la seconde une confrontation des décors figuratifs. La variation de ce type de décors, s’agissant des motifs décoratifs et de leur mode de présentation, contribue à une analyse essentielle.

Avant de débuter notre étude comparative, il est important d’en préciser les critères. Le premier indice vise la catégorie des sites sélectionnés. Cette catégorie doit être composée de maisons fortes ou de châteaux, c’est-à-dire le même type que les résidences seigneuriales étudiées. Néanmoins, en ce qui concerne la comparaison des décors figuratifs trouvés dans d’autres régions, de nombreux décors peints appartiennent à des maisons médiévales qui ne sont pas des maisons fortes, par exemple la demeure patricienne, le manoir ou la maison 275 urbaine. L’emplacement des décors dans ces lieux spécifiques sera donc également étudié. Le deuxième critère s’applique à la datation des sites, qui devra se situer au sein de notre période d’étude, soit du XIIIe au XVIe siècle. Et le troisième critère se rapporte à la même catégorie de décor, c’est-à-dire les décors architecturaux et les décors figuratifs. Par ailleurs, nous considérons la proximité géographique des sites localisés plus ou moins loin de notre région d’étude. Ce critère permet de diviser les sites de comparaison en trois types : tout d’abord ceux de l’ancienne région Rhône-Alpes294. La proximité de nos zones d’étude (le Grésivaudan et le Viennois dans le département de l’Isère) permet de supposer une ressemblance stylistique des décors étudiés entre ces territoires. Ensuite, nous nous intéressons aux sites des régions proches : Bourgogne-Franche-Comté, Provence-Alpes-Côte d’Azur et les anciennes régions Auvergne et Languedoc-Roussillon295. Il est possible que l’étude des décors de ces régions montre une certaine similarité ou une légère distinction avec notre corpus, en raison de leur relative proximité. Enfin, nous chercherons des comparaisons avec des sites de régions plus éloignées, probablement influencées par des courants artistiques différents. Nous supposons que ces derniers donnent lieu à une distinction stylistique spécifique entre ces décors et nos éléments étudiés.

7.2 Les régions d’étude 7.2.1 Les départements voisins Nous avons sélectionné trois études portant sur les habitats nobles situés dans différents départements (voir la carte 1, A). La première concerne les maisons fortes en Bresse et en Revermont296 (département de l’Ain). La deuxième vise les châteaux et maisons fortes en Basse Maurienne et en Val de Gelon297 (département de Savoie). La troisième s’intéresse aux maisons fortes en Vivarais298 (département de l’Ardèche).

294 L’ex région Rhône-Alpes, aujourd’hui intégrée à la région Auvergne-Rhône-Alpes se composait de huit départements ; Ain (01), Ardèche (07), Drôme (26), Isère (38), Loire (42), Rhône (69), Savoie (73) et Haute- Savoie (74) 295 Nous tenons compte de la division territoriale antérieure à la réforme de 2016 car la prospection des sites a été effectuée entre 2012 et 2013 296 Sophie GUENOT, Les maisons fortes en Bresse et en Revermont, de la fin du XIIIe au début du XVIe siècle, mémoire, Université Lumière Lyon2, Lyon, 1997 297 Elsa VIDIL, Les châteaux et les maisons fortes en basse Maurienne et en Val Gelon du XIIe au XVe siècle, mémoire, Lyon, Ecole des Hautes Etudes en Science Sociale, 2004 298 Enguerrand GUILLOT, L’habitat fortifié secondaire en Vivarais, XIIe-XVIe siècles, mémoire, Université Lyon2, 2016. 276

Les sites de chaque département se situent dans une localisation possédant différents aspects géographiques. Les maisons fortes en Bresse et en Revermont sont proches de la rivière d’Ain et de la vallée du Suran. Celles-ci offrent de bonnes conditions de construction. Quant aux sites en Basse Maurienne et en Val de Gelon, ce lieu se démarque par trois vallées : la vallée de l’Isère au nord, la Maurienne vers l’est et la vallée de Tarentaise vers l’ouest. Les sites se situent dans une zone qui a fortement évolué après le long conflit delphino-savoyard. Concernant les maisons fortes en Vivarais, elles se trouvent dans un paysage morcelé par son relief très vallonné, variant entre 100 et 1 100 mètres d’altitude. Il est donc intéressant de se demander si les particularités géographiques peuvent avoir un effet sur le caractère architectural des sites concernés.

7.2.2 Les régions voisines Nous avons choisi deux territoires voisins pour comparaison : les anciennes régions Bourgogne, où est connu un nombre important d’habitats nobles et en particulier de maisons fortes299, et Auvergne, où existe un autre modèle de maison forte, les tours salles300 (voir la carte 1, B).

Quant à l’aspect géographique des régions étudiées, la Bourgogne présente des caractères géographiques contrastés entre deux parties du territoire. Les terres de l’est et jusqu’à celles du sud sont constituées de grandes plaines. Au contraire, la partie nord-ouest est caractérisée par des montagnes qui s’étendent sur les plateaux boisés de Dijon.

7.2.3 Les régions lointaines Les régions lointaines de comparaison sont les suivantes : Centre-Val-de-Loire301 (département Indre-et-Loire), Pays de la Loire302 (département Maine-et-Loire) et ex- Lorraine303 (plusieurs départements concernés) (voir la carte 1, C).

299 Hervé MOUILLEBOUCHE, Les maisons fortes en Bourgogne du nord du XIIIe au XVIe siècle, Editions Universitaires de Dijon., Dijon, 2002 300 Timothée RONY, Les tours salles en Bourbonnais un modèle de maisons fortes aux XIVe XVe siècles (études de cas), Lyon, Université Lyon2, 2013 301 Gaël CARRÉ, « Trois exemples d’habitat aristocratique en Touraine (XIIe-XIVe siècles) », Bulletin Monumental, 1999, vol. 157, no 1, pp. 43-62 302 Emmanuel LITOUX, Christian CUSSONNEAU et Christine LEDUC-GUEYE, Entre ville et campagne. Demeures du roi René en Anjou, Editions 303, Art, Recherches, Créations., Inventaire général du patrimoine culturel, Nantes, 2009 303 Gérard GIULIATO, Châteaux et maisons fortes en Lorraine centrale, Editions de la maison des sciences de l’homme Paris., Paris, 1992 277

L’aspect géographique des départements de l’Indre-et-Loire et du Maine-et-Loire, situés dans le centre-ouest de la France, se distingue de la Lorraine située au nord-est. Les deux premiers se caractérisent par un paysage de petits vallons et sillonnés de plusieurs rivières, tandis que la Lorraine se démarque par des reliefs formés d’une alternance de vallées et de plateaux. Cette distinction explique probablement le caractère architectural différent des sites entre ces régions.

7.3 Comparaison stylistique des décors architecturaux 7.3.1 Les départements voisins

Caractères architecturaux

Tout d’abord, il est essentiel de connaître le caractère architectural des sites avant d’effectuer une étude stylistique et comparative des éléments d’architecture. A.Les maisons fortes en Bresse et en Revermont Les sites localisés dans ces territoires se caractérisent par une proximité avec une rivière et par la présence de tous les types d’éléments défensifs comme les tours, chemins de ronde, hourds et meurtrières. Ces éléments permettent d’affirmer l’appartenance de ces sites à la catégorie des résidences de la noblesse. Par ailleurs, il existe des aménagements indispensables à la vie quotidienne à l’extérieur de l’édifice, comme les puits et les citernes. La disposition de certains éléments comme les tours, les meurtrières, ainsi que les puits, présente une similarité architecturale par rapport à nos sites étudiés.

B. Les châteaux et les maisons fortes en Basse Maurienne et en Val de Gelon

Les sites de ces zones d’étude appartiennent au type de l’habitat noble, dont la majorité est constituée d’un corps de bâtiment accolé dans un angle par une tour. Le plan du site peut être en L ou en U, tout comme quelques sites de notre corpus. Il en existe certains possédant des bâtiments de type tour et non pas de corps de logis, par exemple la Tour de Presle ou la Tour Parillet. Certains sites ne sont pas dotés de tour, comme la maison du Bornel. En outre, un petit nombre de ces sites est doté de deux dispositifs qui peuvent signaler la puissance d’une famille détentrice : la chapelle castrale et le colombier. La chapelle présente un caractère résidentiel, tandis que le colombier est un élément essentiel, à la fois symbole de pouvoir et édifice agricole. Certains sites de notre corpus possèdent ces éléments. 278

(A) (B)

(C)

Carte 1 localisant les zones étudiées.

(A) Le département d’étude autres départements dans la même région (B) la région d’étude les régions voisines (C) la région d’étude les régions lointaines 279

C. Les maisons fortes en Vivarais Les sites en Vivarais disposent majoritairement d’un corps de logis rectangulaire ou carré, flanqué d’une ou de plusieurs tours (dans les sites complexes). La position de la tour reliée au corps de logis est variée : elle peut se trouver en position centrale du côté du bâtiment ou à l’un de ses angles. Par ailleurs, certains sites sont dotés d’une chapelle castrale et d’un colombier, signes de pouvoir des seigneurs. Le plan et les dispositifs des sites démontrent une similarité avec ceux de notre corpus.

La description des sites ci-dessus nous révèle une certaine ressemblance avec ceux du corpus, aux niveaux du plan et de la disposition architecturale, ainsi que de la présence d’éléments de décoration. Il est important d’étudier précisément le rapport entre ces éléments architecturaux et leur approche décorative, afin de pouvoir comparer leur aspect décoratif dans plusieurs territoires.

Études comparatives

Après avoir étudié l’aspect géographique et le caractère architectural des sites dans la partie précédente, ces renseignements nous permettent d’aborder une comparaison stylistique entre notre corpus de décors et l’approche décorative de sites se répartissant dans une même région, mais également au sein de différents territoires. Commençons par la porte. Parmi plusieurs types des portes, celle ornée du motif en accolade se retrouve largement dans les sites en Bresse et en Revermont, ainsi que dans les sites en Vivarais. Certaines portes trouvées dans ce dernier territoire sont décorées par le gâble en accolade. En outre, l’approche décorative de la porte est présentée à travers différents décors, comme les colonnes engagées ou les pilastres. Le décor de la porte des sites répartis dans différents territoires ressemble à celui de nos portes trouvées dans la même région. Ensuite, intéressons-nous à la fenêtre. Les sites situés dans trois territoires possèdent la même typologie de fenêtres, démontrant la variété des formes et de décors. La maison forte de Pomiers en Bresse présente une baie jumelée ornée du motif trilobé. De même, les fenêtres des sites en Vivarais sont nombreuses, en particulier les baies à croisée et celles à demi- croisée. Elles sont décorées d’arêtes vives, puis de chanfreins droits ou d’arêtes en quart-de- rond inversé ou de moulures plus complexes, comme les tores ou les prismes. L’emplacement des fenêtres sur les sites en Basse Maurienne et en Val de Gelon et les sites en Vivarais révèle 280 une différence de traitement des baies, offrant une certaine hiérarchie en fonction des besoins. La grande salle se distingue depuis l’extérieur par un soin plus grand apporté au traitement des baies. Nous pouvons constater que les fenêtres sont des éléments de confort distinguant les maisons nobles des maisons paysannes. Le décor des baies et son rapport avec leur emplacement dans les sites présentent une similitude en comparaison avec les fenêtres de notre corpus. La cheminée est un autre élément intéressant car commune à presque tous les sites. La typologie de la cheminée se divise en cheminée de cuisine (située souvent au rez-de-chaussée de l’édifice), cheminée monumentale (trouvée majoritairement dans une grande salle) et cheminée présente dans d’autres pièces. L’intérêt porte sur la cheminée monumentale dont la majorité concerne les cheminées des sites en Vivarais, apportant du prestige dans un espace intérieur. La majorité des cheminées se situe au 1er étage dans l’aula, mais parfois à d’autres étages. L’existence de ces cheminées démontre une ressemblance avec celles de notre corpus. Les éléments défensifs observés sur les sites présentent un aspect décoratif. Certaines maisons fortes en Vivarais nous montrent tourelle, échauguette et bretèche ornées chacune de moulures. Nous soulignons le cul-de-lampe de la tourelle et de l’échauguette, décoré de trois à six assises de pierre taillée en quart-de-rond. Les corbeaux de la bretèche sont ornés de deux ou trois pierres saillantes superposées et terminées en quart-de-rond. Nous pouvons donc constater leur similarité stylistique avec les éléments défensifs de notre corpus. En outre, les sites en Vivarais disposent également de meurtrières sur la tour et le bâtiment, sur différents niveaux. L’intérêt porte sur la forme des trous au bout des meurtrières (fig 1, A et B). Ils présentent des formes diverses : goutte, simple trou rond et serrure inversée sont les formes les plus présentes. En outre, il existe une composition variée : un double trou de serrure inversé superposé qui se trouve dans la maison forte de Cheylus. Il existe également une meurtrière possédant un trou en forme de goutte au-dessus d’un trou rond. La ressemblance stylistique est également manifeste entre les meurtrières des sites en Vivarais et celles de nos propres sites.

281

(A) (B) Figure 11 Les meurtrières trouvées dans le site de Dol (A) et le site du Besset (B) (Vivarais), photos par E.Guillot, L’habitat fortifié secondaire en Vivarais, XIIe-XVIe siècles.

En conclusion, l’étude des habitats nobles des territoires voisins démontre une similitude entre eux, ainsi qu’une ressemblance avec la disposition des sites rassemblés dans notre corpus. Nous retrouvons également la chapelle castrale et le colombier, présents sur nos sites étudiés, dans ceux en Basse Maurienne et Val en Gelon, et en Vivarais.

L’apparence des éléments architecturaux comme la porte, la fenêtre, la cheminée et les éléments défensifs (tourelle, échauguette, bretèche, meurtrière) des sites étudiés ci-dessus est donc similaire à celle de nos sites. La fonction et l’emplacement de ces éléments indiquent une même conception. Par ailleurs, la présence de décors moulurés sur différentes parties d’éléments suggère une approche décorative commune aux décors architecturaux des sites de notre corpus. En conséquence, notre étude comparative confirme la supposition selon laquelle les décors des sites situés en Grésivaudan et en Viennois, qui sont nos zones d’étude, révèlent une similarité stylistique par rapport aux décors des sites localisés dans des territoires voisins : la Bresse et le Revermont (Ain), la Basse Maurienne, le Val de Gelon (Savoie) et le Vivarais (Ardèche). Cette similitude des décors de trois territoires peut s’expliquer par les liens historiques. Au cours de notre période d’étude, la Bresse304, la Maurienne (limitrophe du Dauphiné) et le Val de Gelon étaient des territoires savoyards. Pour le Vivarais, la domination sur ce territoire constituait un enjeu entre évêques et seigneurs laïcs. Néanmoins, une grande partie appartenait aux seigneurs laïcs : les comtes de Valentinois, les comtes d’Albon, les dauphins de Viennois et autres seigneurs en Dauphiné305. Le Revermont, quant à lui, était d’abord lié au Dauphiné de 1282 à 1355, mais avec le traité de 1355 les terres de la rive droite du Rhône ont été abandonnées par les dauphinois. Le comte de Savoie a donc effectué la jonction savoyarde Bresse-Bugey306. Nous verrons par ces liens historiques que les trois

304 Nous pouvons connaître la domination savoyarde dans le territoire de l’Ain actuel depuis le XIe siècle. Quelques possessions des terres dans le Bugey appartenaient à la maison de Savoie. La situation s’est amplifiée en 1272 par le mariage de Sibille de Bâgé, héritière de la Bresse avec Amédée V de Savoie ; l’installation du pouvoir des comtes de Savoie s’étendait entre Rhône et Saône. Les terres de l’Ain actuel ont été sous le gouvernement de Savoie pendant 200 ans, dès la fin du XIIe et durant le XIVe siècle. 305 Jean RÉGNÉ, Histoire du Vivarais, Edition Laffitte reprints, Marseille, 1978. 306 Paul CATTIN, Histoire de l’Ain. L’Ain antique et médiéval, Edition Horvath., Saint-Etienne, 1988. 282 territoires (la Bresse et le Revermont, la Basse Maurienne et le Val de Gelon et le Vivarais) appartiennent tous au Dauphiné ou à la Savoie à un moment donné de notre période d’étude, pouvant expliquer l’uniformisation des modes. C’est pour cela que la ressemblance stylistique se manifeste dans l’aspect décoratif des habitats nobles de ces trois régions.

7.3.2 Les régions voisines

Caractères architecturaux A.Les tours salles en Bourbonnais Les tours salles se situent dans la région Auvergne. Nous nous intéressons à une étude de T. Rony portant sur ces éléments307. Les tours salles constituent une autre catégorie de maison forte caractérisée par l’image de demeure seigneuriale. Son aspect architectural se focalise sur les éléments de confort et de raffinement, tout en conservant un aspect fortifié. Ces caractéristiques représentent un fort intérêt pour une étude comparative avec les éléments d’architecture de notre corpus. Les tours salles sont premièrement destinées à être des lieux d’habitation pour les seigneurs. Les propriétaires semblent être des seigneurs de petite noblesse au XIVe siècle, mais au XVe siècle les détenteurs sont de hauts officiers ducaux ou royaux. Les caractères de ces sites peuvent indiquer le statut de leur propriétaire, à l’aide de la hauteur et de la forme de la tour, distinctes entre les sites, mais aussi du raffinement et de la multiplication des tourelles.

L’aspect extérieur des tours salles présente une architecture en hauteur accentuée par une approche défensive présentée par le chemin de ronde situé au dernier niveau. La tour salle est une tour à quatre étages dont l’un est doté de combles auxquelles sont accolées une ou deux tourelles (fig 2). Les tourelles d’escalier rattachées à la tour centrale disposent de plusieurs dispositifs complémentaires comme des latrines et des chapelles, ce qui permet d’indiquer la fonction des tours secondaires. Les tours d’escalier sont souvent flanquées au coin du bâtiment ou cantonnées sur la façade. Des éléments architecturaux de confort sont présents dans les étages habitables : de grandes fenêtres garnies de coussièges, des cheminées, des mobiliers et des éléments sculptés. Plusieurs motifs sculptés se retrouvent sur les fenêtres et les portes.

307 Timothée RONY, Les tours salles en Bourbonnais un modèle de maisons fortes aux XIVe XVe siècles (études de cas), mémoire, Université Lyon2, 2013. 283

Figure 12 La vue générale de la façade est de l’hospice de Gayette, photo par T.Rony, Les tours salles en Bourbonnais : un modèle de maisons fortes aux XIVe XVe siècles

Études comparatives

Les portes sont souvent bâties en pierres de taille. Il faut souligner la porte d’entrée principale située au rez-de-chaussée qui présente quelques moulurations plus ou moins importantes. Son emplacement signale visuellement le point d’entrée de la maison et en particulier le passage de l’espace public à l’espace privé. Le décor des colonnettes et moulures témoigne de son importance. Les fenêtres sont composées de larges baies rectangulaires et sont toujours accompagnées de coussièges. Elles se trouvent également dans les tourelles d’escalier. Les fenêtres et les coussièges montrent leur emplacement dans des lieux de sociabilité signalant la spécialisation de certaines pièces à ces usages particuliers. Certaines fenêtres, surtout celles à croisée situées aux étages, sont ornées sur les traverses et les meneaux de moulures.

Les cheminées présentent un décor bien soigné. L’intérêt est porté sur les piédroits qui sont souvent ornés de moulures et terminés par une base prismatique. Les corbeaux et le manteau possèdent également un décor mouluré. La cheminée exprime une volonté de confort et se retrouve dans le lieu dédié aux relations sociales.

Ensuite, certains éléments d’architecture présentent une approche décorative à travers le décor sculpté, particulièrement les culs de lampe. Ceux-ci se retrouvent sur le mur et souvent dans la salle au 1er étage. La maison forte de Fourchaud se démarque par ses figures présentées en série dans la salle nord au 1er étage. Les décors se composent de figures 284 d’épagneul, de musicien, d’animal grotesque et de chouette tenant un livre. Ce décor sériel ressemble à notre décor de Montagnieu (tableau) qui présente une série de quatre figures sculptées décorant l’espace de prière au sommet de la tourelle. Nous pouvons constater que l’approche décorative des tours salles présente une ressemblance stylistique par leur forme et leurs motifs décoratifs avec les décors des sites de notre corpus. Les décors architecturaux se retrouvent sur les mêmes éléments : les portes, les fenêtres, les cheminées, les coussièges et le décor sculpté. L’effet décoratif présenté sur les trois premiers éléments permet d’identifier un espace de sociabilité, dénommé « aula » ou grande salle, dans un espace intérieur. Par ailleurs, l’ornement sur les portes d’entrée évoque la transition entre deux lieux distincts.

B. Les maisons fortes en Bourgogne Caractères architecturaux

En Bourgogne, la recherche exhaustive d’H. Mouillebouche nous informe sur l’existence des variantes-types de l’habitat noble : les châteaux, les maisons fortes, les formes mineures de fortification et les édifices modernes, notamment en Bourgogne du Nord. Nous nous intéresserons prioritairement aux châteaux et maisons fortes, qui sont les mêmes types de demeures aristocratiques que ceux de notre corpus. L’aspect général des deux derniers habitats nobles est similaire sur le plan et la disposition des bâtiments et des tours, à l’exception de la composition du château qui est plus complexe. La ressemblance entre deux résidences seigneuriales se retrouve également dans la distribution intérieure des salles, des cuisines et des chambres.

Études comparatives

Tout d’abord, il faut préciser que H.Mouillebouche308 n’a pas effectué d’étude sur l’évolution des éléments de confort comme celle que nous avons présentée dans les corpus des portes, des fenêtres, des cheminées et des décors figuratifs des sites. Pourtant, il s’est intéressé à l’évolution des éléments défensifs que sont les archères et les canonnières (fig 3,A). L’apparition et la transformation des formes de ces meurtrières tout au long de notre période d’étude (du XIIIe au XVIe siècle) démontrent l’existence contemporaine de ces éléments par rapport à nos meurtrières, par exemple les archères canonnières sur le site de la

308 Hervé MOUILLEBOUCHE, Les maisons fortes en Bourgogne du nord du XIIIe au XVIe siècle, op. cit. 285 maison forte du Carroz (fig 3,B). Quelques archères de notre inventaire sont néanmoins d’époque plus tardive.

(A) (B) Figure 13 Une archère canonnière (A) trouvée dans le site de Châteauneuf (XVe siècle), photos par H.Mouillebouche, Les maisons fortes en Bourgogne du nord du XIIIe au XVIe siècle et deux archères canonnières (B) de la maison forte du Carroz, l’un des sites de notre corpus

L’étude comparative des décors de sites localisés dans les régions voisines appelle deux remarques. La première concerne la similarité de la disposition des bâtiments et des tours. Les maisons fortes en Bourgogne du Nord sont concernées par ce cas. De plus, il existe une ressemblance stylistique entre les éléments d’architecture de notre corpus et ceux d’autres sites. Les décors des sites de Bourgogne et ceux en Bourbonnais confirment notre analyse sur la similarité. La forme et la structure des éléments d’architecture offrent des caractéristiques similaires entre les sites des deux régions. La conception des décors moulurés indique une approche décorative de même nature. Ce caractère nous suggère de supposer que la localisation de nos sites et celle des sites en Bourgogne et en Vivarais demeurent dans la même influence stylistique. Nous pouvons également penser que le courant artistique de l’époque donne cet effet sur la conception de décors. Les exemples de la porte ornée du motif en accolade ou des fenêtres à croisée représentent ainsi des éléments typiques du XIVe-XVe siècle. La seconde remarque se rapporte au caractère distinct. Il se présente visiblement dans la structure des tours salles en Bourbonnais. L’édifice est caractérisé par la hauteur de la tour principale et des tourelles accolées. De plus, les éléments défensifs présentent une architecture fortement fortifiée en comparaison avec le bâtiment plus modeste flanqué d’une ou plusieurs tours qu’est la maison forte. Néanmoins, la documentation donne un statut équivalent aux tours salles par rapport à nos sites, les tours salles étant un autre type de résidences seigneuriales. La distribution de l’espace intérieur paraît particulière en tenant compte de l’architecture, mais la conception en trilogie constituée de l’aula, de la camera et de la capella est bien conservée dans les tours salles comme dans les maisons fortes. L’approche décorative 286 est donc similaire à celle de nos sites. Suite à notre étude comparative, nous pouvons considérer que les tours salles, qui représentent l’édifice typique en Bourbonnais, possèdent une conception d’habitat noble comparable aux maisons fortes.

7.3.3 Les régions lointaines

Caractères architecturaux

Avant d’employer une étude stylistique et comparative, il est d’abord préférable de s’intéresser à l’aspect général des sites de ces régions.

A. Les résidences seigneuriales dans la région Centre Les sites étudiés dans cette région peuvent être divisés en deux groupes : la résidence seigneuriale en Touraine (Indre-et-Loire) (fig 4,A) et le groupe des manoirs (Maine-et-Loire) (fig 4, B et C). Celui du premier groupe est l’un des trois sites de l’étude de cas d’habitat aristocratique représentant le site rural, tandis que les deux autres correspondent aux sites urbain et péri-urbain. L’étude précise de ce premier site attire notre attention sur le modèle de l’habitat noble rural dans la région. Son plan se compose de deux bâtiments en équerre délimitant une cour. Une tour d’escalier est flanquée en position centrale de la façade principale. Les sites du second groupe concernent les demeures du roi René en Anjou. Nous disposons de l’inventaire des châteaux et des manoirs. Ces derniers sont classés comme l’un des types de résidence seigneuriale caractérisé par un aspect résidentiel loin de la sévérité militaire d’une place-forte309. Il n’existe pas de différence entre manoir et maison forte310 s’agissant de leur détenteur respectif, qui est toujours un seigneur, bien qu’ils diffèrent au niveau du type d’habitat car le manoir est plutôt considéré comme une résidence secondaire campagnarde. Le point en commun entre la maison forte et le manoir permet d’identifier les caractéristiques des décors de ces habitations qui constituent les demeures seigneuriales typiques de la région. Le plan le plus simple se compose d’un logis barlong doté d’une ou plusieurs tours. Certains châteaux possèdent des plans plus complexes avec des corps de logis multiples, par exemple le château de Baugé et le château de Saumur.

309 Emmanuel LITOUX, Christian CUSSONNEAU et Christine LEDUC-GUEYE, Entre ville et campagne. Demeures du roi René en Anjou, Inventaire général du patrimoine culturel, Nantes, 2009 310 Emmanuel LITOUX et Gael CARRE, Manoirs médiévaux maisons habitées, maisons fortifiées (XIIe-XVe siècles), Edition Rempart., Paris, 2008 287

(A) (B)

(C) Figure 14 Les demeures aristocratiques dans le Centre : résidence seigneuriale à Bossay-sur-Claise (A) photo par G.Carré, Bulletin Monumental, 1999, vol. 157, no 1, château de Baugé (B,C), photos par E.Litoux et C.Cussonneau, Entre ville et campagne : demeures du roi René en Anjou.

Études comparatives

L’étude comparative peut être effectuée sur plusieurs éléments d’architecture. Débutons par le site de Bossay-sur-Claise (Indre-et-Loire). La porte de ce site est une porte avec arc en plein cintre à double rouleau, dont l’extrados est souligné par une archivolte moulurée d’une gorge et d’un tore (fig 5). L’ensemble du site suggère une typologie datant du dernier tiers du XIIe siècle, ce qui indique une datation légèrement antérieure aux portes de notre corpus, qui elles datent entre le XIIIe et le XVIe siècle. Les demeures aristocratiques en Anjou (Maine-et-Loire) possèdent plusieurs portes dont l’intérêt porte sur le décor des moulures. Le manoir de Haute-Folie (Angers) comporte une porte ornée d’un arc brisé à l’entrée de la tour d’escalier. L’encadrement de la porte est chanfreiné, ce qui ressemble au portail du site de Jail. Le château de Montriou (Feneu) présente à l’entrée de la tour d’escalier imposante une porte ornée d’un arc en plein-cintre. Elle est soulignée par une archivolte moulurée d’une gorge, comparable à la porte de Bossay- sur-Claise présentée plus haut. Enfin, le château de Baugé dispose également à l’entrée de la tour d’escalier d’une porte principale richement décorée. Elle est ornée d’un double 288 encadrement dont le premier cadre est un arc en anse de panier et le second présente un motif en accolade (fig 5,A). Ce type de décor peut être comparé à l’une de nos portes étudiées : celle du château de Châtillon (fig 5,B). Cette dernière est également ornée d’un double encadrement, mais l’ensemble présente un traitement plus élémentaire. Il est en revanche difficile d’étudier le décor des portes des sites en Lorraine car la documentation fournie est insuffisante pour pouvoir comparer les éléments entre eux.

(A) (B) Figure 15 Les portes du château de Baugé (A) photo par E.Litoux et C.Cussonneau, Entre ville et campagne : demeures du roi René en Anjou et du château de Châtillon, l’un des sites de notre corpus (B)

La comparaison stylistique des portes d’autres régions et celles de notre corpus démontre l’existence d’une même catégorie de portes, à l’exception de celle avec arc en plein-cintre. Pourtant, la présence de la porte du site de Bossay-sur-Claise nous aide à connaître l’apparition de ce type de porte à une période antérieure au XIIIe siècle. La forme et les motifs décoratifs des autres portes sont similaires à ceux du corpus. L’approche décorative des portes de différentes régions est donc semblable. De même, abordons les fenêtres. Le site de Bossay-sur-Claise présente plusieurs fenêtres à croisée aux étages, mais ce sont les baies géminées au 1er étage qui se démarquent (fig 6). Celles-ci sont ornées d’un arc en plein-cintre souligné par une archivolte qui retombe sur un cordon horizontal. Les piédroits des baies sont ornés de colonnettes aux chapiteaux sculptés de motifs végétaux, ce qui suggère une variété de décors sur un site appartenant au dernier tiers du XIIe siècle. 289

Figure 16 La fenêtre de la résidence seigneuriale à Bossay-sur-Claise, photo par G.Carré, Bulletin Monumental, 1999, vol. 157, no 1.

Par ailleurs, certaines demeures en Anjou disposent de belles fenêtres plus ou moins ornées de décors moulurés. Le château Baugé se distingue par sa façade agrémentée de différentes baies. Intéressons-nous à la baie rectangulaire au rez-de-chaussée de la tour d’escalier. Elle est décorée sur le linteau du motif en accolade mouluré à une gorge soulignée par un cordon. L’encadrement extérieur est orné dans les écoinçons de filets croisés (fig 7,A). Le décor en accolade se retrouve également au château de Montriou (Feneu). Sur la façade de la tour d’escalier au 1er étage se trouve une baie simple ornée de ce motif. Il semble que la baie avec linteau en accolade existe sur d’autres types d’édifices, comme la chapelle de Sainte Geneviève au château d’Angers. Sur la façade de la galerie à trois niveaux de ce site, se situe sur chacun d’entre eux une baie rectangulaire ornée du motif en accolade. Ceci offre un effet harmonieux sur l’ensemble des étages. Ce motif décoratif se présente sur plusieurs fenêtres de notre corpus, par exemple la baie simple de la maison forte Montplaisant (fig 7,B) ou la baie à demi-croisée de la maison forte du Carroz (fig 7,C).

(A) (B) (C)

Figure 17 Les fenêtres ornées du motif en accolade ; celle du château Baugé (A), photo par E.Litoux et C.Cussonneau, Entre ville et campagne : demeures du roi René en Anjou, la fenêtre de la maison forte Montplaisant (B) et celle de la maison forte du Carroz (C) 290

En outre, il existe un autre décor de baie qui se retrouve dans des demeures en Anjou. Il s’agit de la fenêtre à croisée ou à demi-croisée dotée d’une travée supplémentaire dans le sens horizontal (château d’Angers) et dans le sens vertical (château de Baugé et château de Saumur). L’exemple des baies décorées du château de Baugé (fig 8,A) est comparable à la baie du site de Bayard (fig 8,B). Ce décor permet de concevoir une baie de dimensions plus grandes au niveau des étages. Nous avons identifié cet ornement dans plusieurs sites de notre corpus.

(A) (B) Figure 18 Les fenêtres ornées d’une travée supplémentaire ; Château de Baugé (A) photo par E.Litoux et C.Cussonneau, Entre ville et campagne : demeures du roi René en Anjou et Château Bayard (B)

Ensuite, présentons une étude comparative des cheminées. Il existe un certain nombre de cheminées ornées dans des résidences seigneuriales en Anjou. La plupart des cheminées sont aux étages, comme deux cheminées du manoir de Launay (Villebernier). La première se situe dans la tour nord-est au 1er étage avec le corps adossé constitué d’un manteau droit surmonté de deux corbeaux moulurés. Le linteau est orné d’un écu vide. Le caractère de ces corbeaux ressemble à celui de plusieurs cheminées adossées de notre corpus. La seconde cheminée est au 1er étage, dans la tour de la chapelle. Elle est encadrée de deux fenêtres à croisée avec corps adossé. Le manteau droit est soutenu par des piédroits légèrement moulurés. Au château de Les Ponts-de-Cé, trois cheminées se situent dans des pièces superposées au niveau de la cave dans la tour résidentielle. L’une de ces trois cheminées adossées est dotée d’un aspect monumental. La hotte et le couvrement du manteau forment un élément de forme trapézoïdale, orné d’un jeu de moulures sur le haut formant une corniche, de même sur sa partie inférieure (fig 9,A). Les piédroits reposent sur une base buticulaire. Ces caractéristiques sont comparables à la cheminée adossée au rez-de-chaussée du château Châtillon (fig 9,B). Une autre cheminée se trouve au manoir de Rivettes (Les-Ponts-de-Cé). Il s’agit d’une 291 cheminée à large foyer ouvert avec un manteau composé de deux piédroits à une colonnette et d’un couvrement à entablement et corniche.

(A)

(B) (C) Figure 19 Les cheminées monumentales du manoir de Launay (A), du château des Ponts-de-Cé (B) photos par E.Litoux et C.Cussonneau, Entre ville et campagne : demeures du roi René en Anjou et du château de Châtillon (C)

Enfin, un élément défensif fait partie de cette étude comparative. Il existe des tourelles dans deux demeures aristocratiques en Anjou. Le château de Baugé présente une tourelle à la jonction de deux corps de logis, au niveau de la toiture. La base repose sur un cul-de-lampe à six tores (fig 10,A) . Le même élément se retrouve dans le manoir de Chanzé (Sainte- Gemmes-sur-Loire), mais la tourelle de ce site est un corps long situé au 1er étage et se poursuit jusqu’au niveau de la toiture. Elle est flanquée à l’angle du bâtiment. Son aspect décoratif réside dans le cul-de-lampe décoré de moulures. Cette approche esthétique est similaire aux décors présentés sur les tourelles de notre corpus, notamment la tourelle de la maison forte Vertrieu (fig 10,B). 292

(A) (B) Figure 20 Les tourelles ornées des moulures du château de Baugé (A) photo par E.Litoux et C.Cussonneau, Entre ville et campagne : demeures du roi René en Anjou et de la maison forte Vertrieu (B)

B. Les châteaux et maisons fortes en Lorraine

L’ouvrage de G.Giuliato311, étude exhaustive des châteaux et des maisons fortes en Lorraine, apporte un intérêt majeur dans l’analyse des résidences seigneuriales sur ce territoire. L’auteur présente deux types de plans d’habitats nobles. Il s’agit du plan polygonal qui traduit l’adaptation du plan du château à la topographie. Les sites possédant ce plan sont antérieurs au XIVe siècle. Il se retrouve également pour la maison forte, mais seulement sur un site daté entre 1420 et 1430. Par ailleurs, le plan quadrangulaire est présent en grand nombre dans la disposition de châteaux et de maisons fortes dès la seconde moitié du XIIIe siècle. De plus, la documentation de la partie résidentielle nous permet de connaître l’aspect général du site par la distribution des corps de logis. L’auteur précise pour la maison forte que la disposition du bâtiment et de la tour se subdivise en trois catégories. Le premier type concerne les maisons tours, petits édifices massifs parfois flanqués de tourelles. Le deuxième comprend les maisons avec logis adossés aux courtines. Il se caractérise par un plan rectangulaire ou légèrement trapézoïdal et presque tous les sites sont flanqués de tours d’angle circulaires. Le dernier type se rapporte aux maisons avec tour principale et logis adossés aux courtines. Ce type se retrouve sur certains sites. Nous constatons pour l’ensemble de ces types que la tour représente un dispositif important pour définir la typologie du plan. Cette observation révèle une ressemblance avec la majorité des plans de nos sites. En outre, l’auteur présente la distribution intérieure des châteaux, constituée de la salle de réception, de la chapelle, des

311 Gérard GIULIATO, Châteaux et maisons fortes en Lorraine centrale, op. cit. 293 chambres des seigneurs, des dépendances et des cuisines. Cette disposition présente un principe d’organisation de l’espace qui se retrouve dans nos sites. Les informations relatives au plan et à la distribution des sites des trois régions présentées ci-dessus nous permettent d’en conclure à la similitude s’agissant de la conception générale des demeures aristocratiques, que ce soit dans les territoires étudiés que dans les régions lointaines.

Néanmoins, les informations de l’ouvrage de G.Giuliato ne sont pas suffisantes pour réaliser une étude comparative des éléments d’architecture, bien qu’il se soit appuyé sur l’aspect général, en particulier la datation.

Après la confrontation de décors de notre corpus avec ceux de sites situés dans des régions lointaines, la comparaison stylistique des éléments d’architecture révèle un rapprochement de décors de différentes régions. Ces éléments se situent aux mêmes endroits et leur aspect décoratif démontre un caractère similaire dans les moulures. Nous pouvons donc supposer que la localisation de nos sites et celle des sites en Touraine (Indre-et-Loire) et en Anjou (Maine-et-Loire) sont soumis à la même influence stylistique, comme pour les sites en Bourgogne et en Vivarais qui sont des régions voisines. Pourtant, comme nous l’avons déjà exposé dans la partie précédente, ce phénomène peut être expliqué par le facteur du courant artistique de l’époque, contribuant à la diffusion de modèles à l’échelle nationale, voire plus large. L’ouvrage d’H. Mouillebouche affirme ainsi qu’il n’existe pas de distinction stylistique sur les éléments d’architecture trouvés dans les sites de Bourgogne par rapport aux modèles qui se diffusent dans tout le royaume et l’empire pendant la période d’étude . Les exemples de portes ornées du motif en accolade, de fenêtres à croisée ou de cheminées monumentales peuvent constituer des éléments typiques datant entre les XIIIe et XVIe siècles.

7.4) Comparaison stylistique des décors figuratifs

L’étude comparative dans cette partie se focalise sur les décors peints, qui se démarquent par la variation de leurs motifs décoratifs et de leurs nuances colorées. La sélection des décors figuratifs pour une étude comparative diffère des décors d’architecture sur deux points. Le premier est la localisation des sites concernés. Nous ne prenons pas en compte la division des régions voisines et des régions lointaines, comme présenté dans la partie relative aux décors architecturaux. En revanche, nous nous intéressons aux sites dotés d’éléments comparables 294 avec nos décors, soit dans des régions voisines, soit dans des régions lointaines. Le décor figuratif se caractérise par la présentation d’images soulignées par la forme et la couleur. Ceci permet d’élargir le champ de recherche qui peut dès lors cibler des sites situés dans d’autres régions. Le second point concerne le type d’habitat noble, qui ne se limite pas aux châteaux et maisons fortes, mais comprend aussi d’autres types de demeures médiévales, comme la maison urbaine ou la demeure patricienne car celles-ci sont d’avantages dotées des peintures monumentales. Les détenteurs et la localisation des sites suggèrent une tendance de réalisation de ce type de décor. Etant donné que le décor peint se présente dans de nombreuses demeures médiévales, il est important d’effectuer une étude comparative sur ces sites de datation contemporaine, afin de pouvoir identifier la stylisation des décors pour la même période. Après le corpus des décors peints présentés dans les tableaux 8.3-8.23 (ann 1, p 244-270), nous pouvons préciser certains thèmes apportant une particularité stylistique et contribuant au travail comparatif avec d’autres décors ayant la même datation.

7.4.1 Motif des faux-appareils Ces motifs sont présents dans trois des dix-huit sites étudiés. Néanmoins, le traitement apporté sur ces décors paraît différent, ce qui justifie une étude plus détaillée. Le site de Ravier est remarquable par son décor en alternance de fausses pierres de taille et de blocs d’une autre couleur. Les sites de la Tour Brune et des Loives présentent des peintures de faux- appareils dont chaque bloc contient un motif floral (site de Tour Brune) (fig 11,A,B) et un motif cruciforme (site des Loives) (fig 11,C).

(A) (B) (C) Figure 21 Le décor des faux appareils des sites de Ravier (A), de la Tour Brune (B) et des Loives (C)

295

Avant de commencer l’étude comparative de ce décor, l’article d’O.Deforge312 qui présente la typologie des faux-appareils nous renseigne sur la variété des formes de ce motif. Cette typologie a été réalisée d’après un repérage de l’architecture civile médiévale et moderne ce qui nous intéresse à classifier nos décors des faux-appareils en employant le classement standardisé. L’auteur présente une typologie des faux appareils se divisant en quatre groupes tenant compte des caractères du décor (fig 12).

Figure 22 Présentation de typologie de faux appareils, sources d’O.Deforge, Faux appareils et polychrome dans les maisons médiévales de Provins

Le groupe A présente les faux appareils composés de joints non recoupés par des joints perpendiculaires. Le groupe B possède des joints horizontaux et verticaux à filets simples. Le groupe C ressemble aux appareils de groupe B, mais les joints sont généralement doublés. Le groupe D est composé de variantes de faux appareils riches avec des motifs inscrits dans les appareils. En observant nos décors de faux-appareils, nous pouvons les classer dans les groupes suivants : le décor de Ravier appartient probablement au groupe B avec ses joints à filets simples. Les décors des sites de la Tour Brune et des Loives peuvent être classés dans le groupe C en raison de leurs joints doubles. Les figures inscrites dans les blocs de pierre offrent un effet de répétition. Nous pouvons en conclure que le classement des faux appareils

312 Olivier DEFORGE, « Faux appareils et polychromie dans les maisons médiévales de Provins », in Le décor peint dans la demeure au Moyen Age, Actes des journées d’études (Angers, Conseil général de Maine-et-Loire, 15-16 novembre 2007), Angers, 2007. www.cg49.fr/cultures/peintures_murales/journees_etudes/journees_etudes.asp (site consulté le 27 janvier 2010) 296 aide à caractériser les décors et facilite la comparaison avec différents décors utilisant une même typologie.

Tentons ensuite d’identifier des maisons fortes dans d’autres régions possédant le même décor, en vue de réaliser une comparaison. Or, ce sont souvent des demeures médiévales qui en possèdent. Il existe des faux-appareils dotés de motifs décoratifs dans les appareils. Le prieuré de Sainte-Croix de Virandeville en Normandie dispose de deux décors présentant chacun un motif de faux-appareil à double trait. Il se compose au centre de l’appareil d’un rameau fleuri (XIIIe siècle) et d’un rinceau fleuri (XIVe siècle)313 (voir fig 13,A,B).

(A) (B)

(C) Figure 23 Le décor des faux appareils des sites du prieuré de Saint-Croix de Virandeville, Normandie (A,B) photos par V.JUHEL, Habitat et peinture médiévale en Normandie et de la maison au 1 rue des Murs, Metz (C) photo par I.HANS-COLLAS, Le décor des maisons dans l’est de la France.

L’autre site est la maison au 1 rue des Murs à Metz, qui montre un faux-appareil à doubles traits rouges cernant un filet jaune, avec des fleurettes et des tiges séparées dans les

313 Vincent JUHEL, « Habitat et peinture médiévale en Normandie », in Le décor peint dans la demeure au Moyen Age, Actes des journées d’études (Angers, Conseil général de Maine-et-Loire, 15-16 novembre 2007), Angers, 2007. www.cg49.fr/cultures/peintures_murales/journees_etudes/journees_etudes.asp (site consulté le 27 janvier 2010). 297 appareils314 (fig 13,C). Ce décor est typique de l’habitat messin de la seconde moitié du XIIIe siècle. Il est évident que les trois motifs ci-dessus démontrent la ressemblance stylistique des décors de régions différentes. Cette remarque nous pousse à nous demander si ce type de faux-appareils était caractéristique de cette période, c’est-à-dire entre le XIIIe et le XIVe siècle. L’ouvrage de C.Mérindol315 confirme la datation des motifs du faux appareil à ces dates. En conséquence, nous pouvons en conclure que le motif des faux appareils à doubles joints, avec le motif de fleurs dans son appareil, est typique des XIIIe et XIVe siècles.

7.4.2 Motif géométrique Ce motif est présent dans quatre des dix-huit sites de notre inventaire. Ce type de décor peut se présenter de manière indépendante, mais également de façon répétitive. C.Davy316 identifie la répétition comme l’un des caractères du décor couvrant. Il se définit en effet par la répétition d’un même motif, en particulier ceux géométrique et végétal. Dans notre corpus, le décor de Vertrieu possède une présentation répétitive de motifs triangulaires qui joue sur l’alternance des formes et des couleurs (fig 14,A). Le décor de Belmont se démarque par l’alternance de figures géométriques et végétales. Au contraire, il existe un décor géométrique doté de frises arrangées en registres. Il peut s’associer avec d’autres motifs décoratifs, comme celui végétal (fig 14,B). Nous retrouvons ces décors dans la peinture de Normandie317. Il s’agit de la peinture sur deux pignons avec frise de rinceaux, blanc sur fond rouge, datant du XIVe siècle (fig 14,C). La frise de rinceaux possède des caractères comparables à ceux de nos peintures trouvées à la Demeure patricienne et à la maison forte des Loives (fig 14,D). Ceci permet de supposer une datation contemporaine, aux alentours du XIVe siècle.

314 Ilona HANS-COLLAS, « Le décor des maisons dans l’est de la France : peintures murales et plafonds peints (XIIIe-XVe siècles) », in Le décor peint dans la demeure au Moyen Age, Actes des journées d’études (Angers, Conseil général de Maine-et-Loire, 15-16 novembre 2007), Angers, 2007. www.cg49.fr/cultures/peintures_murales/journees_etudes/journees_etudes.asp (site consulté le 27 janvier 2010). 315 Christian de MERINDOL, La maison des chevaliers de Pont-Saint-Esprit : corpus des décors monumentaux peints et armoriés en France à l’époque médiévale, Conseil général du Gard, France, 2001. 316 Christian DAVY, « Les décors peints civils entre Loire et Bretagne (XIIe au XVIe siècle) », in Le décor peint dans la demeure au Moyen Age, Actes des journées d’études (Angers, Conseil général de Maine-et-Loire, 15-16 novembre 2007), Angers, 2007. www.cg49.fr/cultures/peintures_murales/journees_etudes/journees_etudes.asp (site consulté le 27 janvier 2010). 317 Vincent JUHEL, « Habitat et peinture médiévale en Normandie », op. cit. 298

(A) (B)

(C) (D)

(E) (F) Figure 24 Le décor des motifs géométriques trouvés dans la maison forte Vertrieu (A), la maison forte de Belmont (B), la maison du 5 impasse Prud’homme, Bayaux (C) photo par V.JUHEL, Habitat et peinture médiévale en Normandie, la maison forte de Theys (D) et la scène de Perceval datée dans la seconde moitié du XIIIe siècle, Italie (E).

En dehors des motifs géométriques permettant l’effet de répétition, nous pouvons nous intéresser à son autre rôle qui fournit un espace de présentation. Pour cela, intéressons-nous à la peinture de Theys (datation 1297-1315), formée de triangles colorés, recoupés alternativement par des médaillons circulaires ou quadrilobés (fig 14,E). Ces médaillons présentent le cycle historié de l’aventure du chevalier Perceval. Ce thème se retrouve dans des peintures murales (datées de la seconde moitié du XIIIe siècle) situées dans des édifices civils 299 en Piémont et Val d’Aoste qui datent de la fin du XIIIe et du début du XIVe siècle (fig 14,F). Ces mêmes figures sont présentées dans des médaillons sur le fond orné de motifs triangulaires colorés. En conséquence, la présentation des décors cités ci-dessus nous permet de constater une similarité de décors sur des sites situés dans des régions différentes.

7.4.3 Motif armorié

Le décor armorié est l’un des motifs les plus employés dans les peintures médiévales. Parmi les scènes sélectionnées dans notre corpus, celles de la Demeure patricienne et de la Maison forte des Loives constituent les décors les plus représentatifs (fig 15). Le premier décor date environ du deuxième quart du XIVe siècle et celui du second site appartient au milieu du XIVe siècle. L’importance des armoiries se traduit par leur position en enfilade sur la frise centrale, entourée de registres supérieurs et inférieurs. Le décor du site de Loives se distingue par la présentation en série de blasons peints suivant la longueur de la grande salle. Le mode de présentation des frises armoriées est courant aux XIIIe et XIVe siècles318. La qualité du décor suggère une présentation de cycle historié. Il est nécessaire de préciser que les deux scènes se trouvent dans des grandes salles.

(A) (B) Figure 25 Les décors armoriés trouvés dans la Demeure patricienne (A) et la maison forte des Loives (B)

Les études d’E.Sirot et d’A.Clavier sur le décor peint dans les maisons fortes en Savoie319 offrent des renseignements intéressants, en particulier sur la grande salle où se trouvent un

318 Christian de MERINDOL, La maison des chevaliers de Pont-Saint-Esprit : corpus des décors monumentaux peints et armoriés en France à l’époque médiévale, op. cit. 319 Elisabeth SIROT et Annick CLAVIER, « Le décor peint dans la maison noble et forte au Moyen Age en territoire savoyard du XIIe au XVIe siècle », in Le décor peint dans la demeure au Moyen Age, Actes des journées d’études (Angers, Conseil général de Maine-et-Loire, 15-16 novembre 2007), Angers, 2007. www.cg49.fr/cultures/peintures_murales/journees_etudes/journees_etudes.asp (site consulté le 27 janvier 2010). 300 grand nombre de décors peints. La maison de Dingy possède des enduits pariétaux datés de 1321 qui représentent une frise de blasons sous le plafond (fig 16,A). Le caractère de ces blasons en enfilade ressemble à celui de nos deux sites (fig 15). Les maisons anciennes à Metz possèdent des plafonds peints qui se sont multipliés au XIVe siècle320. Ce décor est similaire au plafond peint de la Demeure patricienne (fig 16,C). Par ailleurs, la maison située au 12 rue des Clercs possède un décor exceptionnel de 36 motifs héraldiques figurant les armoiries des papes, de l’Empire, du roi de France et de plusieurs personnages connus (fig 16,B). La présence de ces décors héraldiques en grand nombre semble comparable aux deux décors de notre corpus, la Demeure patricienne et la maison forte des Loives (fig 16). Les sites qui possèdent des décors armoriés en grand nombre dans la grande salle nous permettent de réfléchir sur leur importance comme lieu de réunion de seigneurs. Leurs détenteurs étaient probablement des aristocrates de haut rang.

320 Ilona HANS-COLLAS, « Le décor des maisons dans l’est de la France : peintures murales et plafonds peints (XIIIe-XVe siècles) », op. cit. 301

(A) (B)

(C)

Figure 26 Les décors armoriés trouvés dans la maison de Dingy (A) photo par E.Sirot et A.Clavier, Le décor peint dans la maison noble et forte au Moyen Age en territoire savoyard du XIIe au XVIe siècle, dans la maison au 12 rue des Clercs (B) photo par I.HANS-COLLAS, Le décor des maisons dans l’est de la France et dans la Demeure patricienne (C)

Nous pouvons affirmer que le décor armorié constitue l’un des thèmes favoris des décors peints. Son style de représentation ne diffère pas selon les régions, et est généralement présenté en enfilade ou associé à d’autres décors (les frises armoriées datées des XIVe et XVe siècles). La présentation en série se manifeste dans certains sites importants.

7.4.4 Cycles historiés Il est intéressant de mentionner la présentation du cycle historié du décor peint. Le déroulement en continu de scènes donne lieu à un décor riche offrant de nombreux éléments à étudier avec d’autres peintures sur le même sujet. Pour cette étude comparative, nous avons pris pour exemple le décor peint de la maison forte Montplaisant. Le cycle des peintures se trouve dans la chapelle castrale du site. La présentation est composée de deux thèmes : le 302 premier comprend deux peintures montrant l’Annonciation et la Crucifixion (fig 17,A). Le second thème concerne la représentation des saints et de l’armoirie de la famille détentrice (fig 17,B). Le déroulement de l’ensemble des scènes est harmonieux. Le traitement des figures démontre un raffinement, en particulier sur les figures des anges, ce qui facilite l’identification des personnages et la compréhension de l’ensemble des décors, qui date probablement de 1479.

(A) (B)

Figure 27 La scène de l’Annonciation (A) et la scène présentant les saints et l’armoirie de la famille détentrice (B) de la maison forte Montplaisant

C. Leduc-Gueye321 présente les décors peints de demeures angevines datant du XVe siècle. Parmi les peintures retrouvées, celles portant sur des scènes religieuses attirent notre attention par leur thème commun au site de Montplaisant. Les scènes du dernier site représentent trois saints, ainsi que l’Annonciation et la Crucifixion. L’auteur énonce que les représentations de saints ou de la Crucifixion révèlent une fonction exprimant davantage un désir de protection et de rédemption qu’une valeur esthétique. Si nous étudions l’ensemble de ce cycle, le peintre n’a pas omis de mentionner l’identité des détenteurs du site dans une autre scène, à l’aide des écus armoriés. Ceci suggère l’intégration des représentations religieuses dans le cadre de la demeure. L’auteur explique que la représentation des décors religieux reflète une manifestation du développement de la piété individuelle et l’essor considérable du culte des saints en dehors du cadre de l’église. Ensuite, pour cette étude comparative, nous avons sélectionné l’une des peintures du manoir de la Frosselière (Fougeré), qui date de la seconde moitié du XVe siècle. Elle

321 Christine LEDUC-GUEYE, « Les décors peints des demeures angevines au XVe siècle », in Le décor peint dans la demeure au Moyen-Age, Actes des journées d’études (Angers, Conseil général de Maine-et-Loire, 15-16 novembre 2007), Angers, 2007. www.cg49.fr/cultures/peintures_murales/journees_etudes/journees_etudes.asp (site consulté le 27 janvier 2010). 303 représente la scène de Saint Hubert et la vision du cerf miraculeux (fig 18). Les critères de l’habitat noble et de la datation sont similaires à ceux de nos peintures (le décor est dans une maison forte datant approximativement de 1479). Le sujet de Frosselière n’est pas le même que celui de Montplaisant, mais les scènes présentent des décors religieux. Nous pouvons remarquer que la facture et les couleurs se ressemblent entre ces deux scènes. Toutefois, le traitement des visages des personnages de Montplaisant paraît plus délicat que celui de Frosselière. Nous pouvons néanmoins affirmer que l’aspect décoratif de Montplaisant s’apparente aux décors religieux de Frosselière.

(A) Figure 28 La peinture de Saint Hubert et la vision du cerf miraculeux, manoir de la Frosselière (Fougeré), photos par C. Leduc-Gueye, D’intimité et d’éternité, la peinture monumentale en Anjou au temps du roi René.

En dehors de la présentation des scènes religieuses, il existe plusieurs peintures illustrant des thèmes laïcs que nous devons d’analyser. Parmi celles de notre corpus, il est intéressant d’aborder les décors de l’affrontements de deux chevaliers de la maison forte des Loives (Montfalcon). (fig 19) Dans la grande salle située à l’étage se trouvent deux murs sud- ouest et nord-est opposés qui montrent deux peintures différentes. Le premier mur présente l’affrontement du comte de Savoie et du dauphin de Viennois. Chaque personnage utilise des lances pourvues de rochets322, ce qui permet d’identifier une scène de joute.

322 Ce type de lance est appelé « lance courtoise » et diffère des lances de guerre par sa forme de couronne à trois ergots utilisé lors des joutes. La signification est issue de Le Deschault De Monredon, Le décor peint de la maison médiévale orner pour signifier en France avant 1350, Editions A. & J. Picard, Paris, 2015. 304

Figure 29 La scène de l’affrontement (détail), maison forte des Loives (Montfalcon) photo par T.LE DESCHAULT DE MONREDON, Le décor peint de la maison médiévale.

Le duel entre deux personnages importants se retrouve également sur d’autres sites. Deschault De Monredon323 mentionne deux sites où ce thème est exprimé, au Prieuré et à la maison forte. Non loin des Loives, au prieuré de Salaise-sur-Sanne se trouvent les vestiges d’un décor peint dont il est assez difficile d’identifier les figures. Pourtant, l’action de l’affrontement est encore visible avec un des cavaliers portant les armes de Savoie. Il existe dans ce site une ressemblance stylistique concernant une frise d’écus qui se présente également à Loives. L’auteur propose que les affrontements présentés dans ces deux sites pourraient être le même en raison de la présence d’un même personnage et d’une même représentation des écus. Par ailleurs, la scène d’affrontement se présente de manière plus grandiose à la maison forte de Vinzelles (Puy-de-Dôme) (fig 20). Les figures des cavaliers démontrent un effet symétrique : aucun signe de supériorité n’apparaît sur les deux combattants. Pourtant, la distinction est visible en effectuant une comparaison avec les figures du prieuré : le comte de Savoie est représenté se tournant cette fois-ci vers le comte d’Auvergne avec sa lance courtoise. La lecture des écus armoriés nous aide donc à identifier les personnages.

323 Térence LE DESCHAULT DE MONREDON, Le décor peint de la maison médiévale ; orner pour signifier en France avant 1350, Edition A. & J. Picard, Paris, 2015. 305

Figure 30 La scène de l’affrontement, maison forte de Vinzelles (Puy-de-Dôme) photo par T.LE DESCHAULT DE MONREDON, Le décor peint de la maison médiévale.

Dans la région du Centre, où la pratique des tournois était très active, le nombre de sites possédant ce décor paraît assez important. L’un des décors les plus remarquables est la scène de la maison du Perron (Chartes). Elle montre deux cavaliers qui s’affrontent sur le mur pignon. La bordure du mur est ornée de variants écus armoriés (fig 21).

Figure 31 La scène de l’affrontement, maison du Perron (Chartes) photo par T.LE DESCHAULT DE MONREDON, Le décor peint de la maison médiévale.

La présentation de ce thème s’accentue sur l’action d’affrontement de deux cavaliers que nous pouvons retrouver dans toutes les peintures. Il existe plusieurs détails qui distinguent les scènes entre elles et ce sont des écus armoriés qui permettent d’identifier les cavaliers.

En outre, il est intéressant d’étudier ce qui ajouté dans d’autres scènes traitant du même sujet. Le château de Theys, l’un de nos sites sélectionnés, possède ainsi un décor peint d’affrontement à l’intérieur de la grande salle. La représentation se trouve sur le linteau de cheminée qui connaît un axe principal dans la salle. Le Deschault De Monredon indique que 306 ce décor est associé aux épisodes du roman de Perceval qui illustre la partie majeure de l’espace, donc les peintures monumentales sur le mur. Le relevé présente les figures des cavaliers au milieu desquels se présente un personnage tenant deux bannières (fig 22,A), vêtu d’une robe ornée d’écus armoriés (fig 22,B). Le même auteur suppose qu’il s’agit d’un personnage féminin en raison de sa coiffure et qu’elle remplit les fonctions de juge de la joute. Cela suggère une dimension courtoise qui n’apparaît pas dans d’autres décors, mais la figure d’une femme juge se présente également dans une maison à Hérisson (Allier).

(A) (B)

Figure 32 Relevé du décor du linteau de la cheminée du château de Theys : Affrontement de deux cavaliers (A) Détail de la femme tenant deux bannières armoriées (B) photos par T.LE DESCHAULT DE MONREDON, Le décor peint de la maison médiévale.

Les études comparatives sur les décors des moulures et les décors figuratifs appellent plusieurs remarques intéressantes. Tout d’abord, les caractéristiques des éléments de notre corpus possèdent une ressemblance stylistique avec des décors trouvés dans d’autres régions. Cela ne semble pas étonnant pour les décors de moulures de sites de régions voisines, de même pour les tours salles de la région du Bourbonnais. La comparaison stylistique avec des décors d’architecture de sites situés dans des régions lointaines ne révèle pas non plus de distinction stylistique. Le plan et la disposition des tours, les éléments architecturaux et leur aspect décoratif sont de même nature que les caractères ornementaux de sites de régions voisines et de notre zone d’étude. Nous pouvons donc énoncer que la réalisation des décors se fonde sur une même conception et probablement une même influence stylistique. Nous pouvons en conclure que l’approche décorative des éléments architecturaux dans des habitats nobles fait appel à des modèles se diffusant dans tout le royaume et l’Empire au cours de notre période d’étude. Il existe cependant une petite nuance sur la forme, mais la conception ornementale est bien la même, ce qui ne conduit pas à un particularisme stylistique régional. 307

En ce qui concerne les décors figuratifs, la comparaison avec d’autres régions du royaume de France et de l’Empire montre une plus grande variation de décors. Toutefois, l’étude comparative de différents motifs décoratifs et de peintures ne présente pas explicitement de distinction stylistique entre les régions, mais plutôt l’existence de détails spécifiques. Nous pouvons donc supposer que la ressemblance stylistique de ces décors issus de différentes régions suggère également une stylisation typique de cette période et largement diffusée géographiquement.

Néanmoins, nous l’avons mentionné au début de ce chapitre, cette étude montre la perspective globale de la partie comparative. Il est important de développer ce travail pour les recherches suivantes. Par conséquent, nous avons besoin de conclure ce chapitre en tenant compte des résultats d’une étude de deux types des décors.

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Conclusion

Les demeures seigneuriales des XIIIe-XVIe siècles en Grésivaudan et en Viennois sont à la fois des résidences et des sites fortifiés. Néanmoins, il ne faut jamais perdre de vue que les seigneurs et leur famille ont pour principal objectif, en ce qui concerne leur lieu d’habitation, de construire une véritable résidence. L’aspect fortifié du lieu, en vue de se défendre contre d’éventuels ennemis, n’intervient ainsi qu’en seconde position. Par ailleurs, les habitats nobles sont aussi des lieux où leurs détenteurs mettent en scène leur pouvoir, leur richesse et, plus généralement, leur statut au sein de la société médiévale.

L’étude de l’aspect décoratif des petites demeures aristocratiques à la campagne a déjà fait l’objet de nombreuses recherches, mais, la particularité de notre étude est d’avoir approfondi la question du décor, à travers une analyse complète de l’ensemble des éléments architecturaux et des décors figuratifs, dont certains aspects constituent la continuité d’études antérieures. Notre objectif était, rappelons-le, de présenter une nouvelle perspective d’analyse de l’approche décorative des résidences seigneuriales. Les catégories de sites retenues pour cette étude sont les châteaux et les maisons fortes dont la datation est comprise entre le XIIIe et le XVIe siècle. Nous comptions sur la présence de nombreux décors dans ces habitats nobles, ainsi que sur leurs qualités intrinsèques, pour sélectionner les sites correspondant à notre objet d’étude. Nous avons d’abord inventorié quatre-vingts douze sites. Puis, après étude de l’état réel et de la datation des décors observés sur place, nous avons le corpus d’étude à cinquante-deux, pour des raisons de pertinence et d'intérêt à disposer d’un échantillon plus petit, mais beaucoup plus sélectif.

Les décors des résidences seigneuriales se divisent en deux catégories. La première comprend les décors d’architecture sur les éléments d’ouverture, l’élément de confort que sont les cheminées, ainsi que les éléments défensifs. Les fenêtres sont les plus présentes au sein de notre corpus, devant les portes, les cheminées, les coussièges, les meurtrières, les tourelles en surplomb, les bretèches et les échauguettes. Les éléments comportant bien une présence stylistique ont été davantage sélectionnés pour notre analyse. L’existence d’un grand nombre de fenêtres décorées peut s’expliquer par la présence de baies à plusieurs niveaux des sites. La seconde est celle des décors figuratifs, comprenant les décors peints et les décors sculptés, les premiers étant les plus nombreux. Les caractéristiques du décor peint peuvent 309 justifier cet état de fait, ce décor se composant en effet d’une présentation variée se divisant en motifs décoratifs et en cycles historiés. Par ailleurs, les artistes de l’époque disposaient de matériaux plus économiques pour réaliser un décor peint qu’un décor sculpté.

L’étude de notre corpus nous a permis de relever les caractéristiques de chaque type de décor, que ce soit dans son aspect général ou dans certaines particularités stylistiques, que nous présentons ci-dessous. 1. Le plan et la disposition du bâtiment et de la tour

La majorité des sites présente un plan quadrangulaire et est généralement dotée d’une tour d’escalier à l’angle du bâtiment ou sur la façade principale de l’édifice. Certains grands sites peuvent posséder plusieurs tours. La présence d’une ou de plusieurs tours offre un effet sur la forme du plan dans son ensemble. La plupart des sites disposent d’un plan composé de bâtiments et de tours positionnés de manière symétrique. Cet effet visuel suggère une valeur esthétique applicable à l’aspect général du site. 2. La porte

La porte dotée de moulures se situe généralement à l’entrée, au rez-de-chaussée de la tour d’escalier. La forme du linteau permet de diviser les portes en plusieurs catégories. L’approche décorative se caractérise par le décor des moulures qui peut être simple ou plus complexe. L’effet ornemental révèle de beaux effets volumétriques et géométriques. De plus, la porte se démarque par le décor des écus sculptés sur le linteau, révélant le statut des détenteurs des sites. 3. La fenêtre

Cet élément d’ouverture constitue l’un des éléments d’architecture primordiaux, car il peut indiquer l’importance des lieux là où se trouvent les baies. Les fenêtres du 1e étage présentent la plupart du temps un décor de moulures raffinées, ce qui indique l’emplacement de la grande salle à l’intérieur de l’édifice. Le décor des fenêtres est similaire à celui de la porte, au niveau de l’ornement des moulures, mais il semble parfois plus complexe en raison de la structure de la baie. 4. Les coussièges Ils font généralement partie des grandes baies, en particulier des fenêtres à croisée. La présence de ces bancs moulurés reliés aux fenêtres se retrouve souvent dans les sites de grande taille. Les coussièges fonctionnent comme un élément du confort permettant aux 310 habitants de profiter de la lumière extérieure. Il n’existe pas de décor particulier sur les coussièges. 5. La cheminée

Il s’agit d’un élément d’architecture qui possède une approche décorative singulière. Sa structure est étroitement liée à sa disposition dans l’épaisseur du mur. L’aspect décoratif de la cheminée se manifeste par l’ornement des moulures sur le couvrement du manteau et sur les piédroits. Certaines cheminées sont décorées d’écus sculptés qui indiquent le statut des détenteurs des sites. En outre, cet élément lié au feu démontre la recherche du confort grâce à leur nombre important dans la grande salle. La porte, la fenêtre et la cheminée, possèdent ainsi une approche décorative similaire dans laquelle les moulures jouent un rôle important. Chaque élément est composé d’une structure ouverte et autour de celle-ci des éléments suivants : le linteau, les encadrements et la base, ornés de différentes moulures et parfois d’un écu sculpté. La ressemblance stylistique suggère une datation contemporaine de ces éléments et conduit à supposer qu’elle est caractéristique d’une période donnée. 6. Les tourelles, les échauguettes et les bretèches Elles se trouvent généralement sur les sites de grande taille ou possédant un certain nombre de décors. La base de ces éléments en hauteur sur le mur présente des assises de pierres taillées pour les tourelles et les échauguettes, ou des pierres taillées en quart-de-rond pour les bretèches. Il existe parfois une figure sculptée ou des motifs décoratifs ornant la base de ces éléments. L’aspect décoratif de ces trois éléments démontre une similarité stylistique sur le décor des moulures. 7. Les meurtrières Ces éléments se distinguent de ceux cités ci-dessus par leur structure permettant de lancer des projectiles. Néanmoins, certaines archères et canonnières possèdent uniquement une fonction symbolique par la présence de motifs décoratifs. Elles sont nombreuses sur la façade de la tour. 8. Le décor peint Ce type de décor connaît une approche décorative importante dans les demeures aristocratiques en raison de ses caractéristiques. En effet, il offre une dimension particulière sur les formes et l’emploi des couleurs, autorisant une variation stylistique des motifs décoratifs et de leur présentation. La majorité de ces décors se situe dans la grande salle. Les motifs décoratifs les plus employés sont ceux géométriques et végétaux. Les cycles historiés 311 présentent souvent un thème religieux et parfois un lien avec les détenteurs des sites concernés. Le décor peint peut refléter à travers les motifs décoratifs utilisés la culture de l’époque, par exemple la coiffure et les vêtements des seigneurs. 9. Le décor sculpté Il est aussi important que le décor peint, mais se démarque par son intégration à différents éléments architecturaux. Les décors se divisent en plusieurs catégories : la gravure, le bas- relief et la ronde-bosse. Cette dernière peut être observée sur les figures, par exemple, les personnages sculptés qui décorent les culots sculptés d’une voûte. Au contraire, la figure armoriée se présente sous la forme de bas-relief. Le décor peint et le décor sculpté sont classés dans le même type car ils possèdent des caractères similaires en matière de présentation figurative et narrative. Néanmoins, le décor peint permet de rassembler un grand nombre de détails, notamment dans les cycles historiés. En outre, l’emploi des couleurs dans les scènes offre une vision plus approfondie des figures. Ces deux décors figuratifs peuvent refléter le goût des détenteurs et le cadre de vie des seigneurs, d’après les thèmes utilisés.

Notre corpus de décors rassemble un nombre important d’éléments ornés qui englobent plusieurs catégories d’ornementations. L’étude des formes, l’analyse stylistique des décors, ainsi que les informations relatives à la datation permettent de retracer l’évolution stylistique de nos éléments. En effet, ces derniers présentent une certaine évolution, néanmoins inégale. Il existe toutefois trois éléments qui se démarquent : la fenêtre, la cheminée et la meurtrière. Concernant la fenêtre, la forme et la structure des baies évoluent en raison de la recherche de lumière. Au début de notre période d’étude (XIIIe siècle), l’ornement des baies emprunte à des modèles du XIIe siècle avec la baie simple ou les baies géminées, décorées de l’arc brisé ou de l’arc trilobé. Plus tard, certaines baies sont dotées d’une petite ouverture au-dessus du linteau, qui permet de faire entrer davantage de lumière. Pourtant, cette recherche de lumière s’est affirmée au XVe siècle avec l’apparition de la fenêtre à croisée. Celle-ci est une baie de grandes dimensions composée de quatre compartiments. La structure de cette fenêtre reflète les dimensions agrandies de cet élément d’ouverture et le nombre de petites ouvertures permettent à la lumière de pénétrer à l’intérieur. Quant à la cheminée, sa forme et ses dimensions évoluent au cours de la période étudiée. 312

La cheminée du XIIIe siècle présente un foyer quadrangulaire qui se distingue de celle du XIIe siècle constituée d’un foyer circulaire car la forme rectangulaire facilite la construction et augmente l’efficacité du feu. Les corbeaux sont remarquables par le décor des moulures. Par ailleurs, la période du XIVe siècle se démarque par la continuation des cheminées dotées d’un foyer quadrangulaire qui se divisent en deux types, la cheminée à large couvrement apparue dès la première moitié du XIVe siècle et la cheminée à piédroit en forme de corbeaux, qui fait son retour durant la seconde moitié du XIVe siècle, après une première apparition au XIIIe siècle. La cheminée du XVe siècle a des dimensions plus importantes, en particulier la cheminée incorporée, qui fonctionne comme cheminée de cuisine, ainsi que la cheminée à large couvrement qui est ornée de décors variés. Enfin, tout au long du XVIe siècle, la cheminée présente des modifications stylistiques plus raffinées et délicates, d’après les décors des moulures. De plus, certaines cheminées sont plus petites, ce qui peut se référer à un motif de la Renaissance, comme celui des volutes. En ce qui concerne les meurtrières, leur structure et leurs fonctions se modifient parallèlement au cours de la période d’étude à cause du développement des armes de l’époque. L’archère se présente déjà au XIVe siècle avec une fente simple ou ornée d’un orifice rond. Puis, la canonnière apparaît entre le troisième tiers du XIVe et le milieu du XVe siècle. Ensuite, la meurtrière mixte, qui sert à lancer en même temps des flèches et des boulets, c’est-à-dire l’archère canonnière, est présente du XVe jusqu’au début du XVIe siècle, avec une variation des motifs décoratifs.

Ces trois éléments d’architecture révèlent chacun une évolution stylistique au cours des siècles. Les autres éléments architecturaux, ainsi que les décors figuratifs, présentent au contraire une modification stylistique moindre en comparaison.

Par ailleurs, l’étude de l’évolution stylistique nous permet de préciser les caractéristiques des éléments décorés de chaque période. La ressemblance stylistique qui se présente sur différents types d’éléments d’architecture reflète ainsi le caractère du décor à une période donnée. Parmi les décors de notre corpus, notre intérêt se focalise sur la porte, la fenêtre et la cheminée datant du XVe siècle, en raison de leur grand nombre.

Tout d’abord, la porte se caractérise par le motif en accolade qui orne le linteau et par le décor des moulures, composé de simples filets jusqu’au croisement des moulures horizontales et verticales (voir tableau 2.12.a). Le motif d’accolade décore aussi le linteau de la fenêtre et le manteau de la cheminée, ainsi que la base de l’échauguette, au cours de la même période. 313

La majorité des fenêtres datant du XVe siècle présentent le type de la baie à croisée (voir tableau 3.32.a). Elles se retrouvent souvent au 1e étage, là où se situe la grande salle. Par conséquent, la fenêtre fonctionne comme un indicateur du niveau d’habitation en montrant des décors variés. Ses grandes dimensions témoignent de la recherche de lumière au sein de la résidence seigneuriale.

Les cheminées datées de cette époque appartiennent, pour la majorité d’entre elles, au type de la cheminée à large couvrement (voir tableau 8.15.a). Celle-ci possède sur le manteau un grand entablement décoré de moulures. Son emplacement est souvent dans la grande salle.

Ces trois éléments d’architecture se ressemblent par l’emploi des mêmes types de moulures et aussi les parties des éléments où se trouvent les décors. Leur nombre est très important au XVe siècle, ce qui permet d’affirmer que ces décors sont typiques de la résidence seigneuriale de cette époque. Ceci peut évoquer l’aspect décoratif de l’habitat noble sous un nouvel angle, le XVe siècle étant évidemment influencé par les courants artistiques du début de la Renaissance.

La relation entre l’approche décorative et l’aménagement des résidences seigneuriales nous permet également de comparer nos objets d’étude avec l’aspect général des sites. Nous supposons que le nombre et les caractéristiques des décors trouvés sur chaque site dépendent de la taille des habitats nobles. Cette supposition nous permet de présumer que les grands sites devaient être ornés d’un grand nombre de décors, tandis qu’il y en aurait moins sur ceux de taille moyenne ou de petite taille. Notre étude révèle que la majorité des grands sites est en effet dotée d’un nombre important de décors, tandis que les décors trouvés sur la plupart des sites de moyenne ou de petite taille sont moins présents. Toutefois, certains grands sites possèdent peu de décors ou bien des décors rudimentaires. De la même manière, de petits sites peuvent comporter un nombre important de décors ou encore des décors raffinés. Nous pouvons mentionner à titre d’exemple le site de Tournelle, qui se démarque par l’existence de fenêtres et de cheminées disposant d’un décor exceptionnel compte tenu de la faible importance de ce petit site. La famille Buissière, connue comme une grande famille en Grésivaudan dès 1280, occupe ce site. Ici, les contradictions entre la taille de la résidence et la qualité ou la présence de ses décors peuvent être expliquées par la culture ou le goût des détenteurs des sites.

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Ensuite, nous nous intéressons aux relations entre les décors et leurs emplacements au sein des résidences seigneuriales. Tout d’abord, nous considérons les espaces où se trouvent les décors dans les habitats nobles ; il s’agit du bâtiment et de la tour. Par ailleurs, les décors présents sur différents sites sont inégaux par leur nombre et par leur qualité. Nous avons donc classé les sites en tenant compte de l’effectif et des caractères des décors en trois groupes. Le groupe 1 est caractérisé par les sites dotés d’un nombre important de décors, le groupe 2 comprend ceux d’un nombre moyen et le groupe 3 concerne les sites possédant un petit nombre de décors. Ensuite, il est intéressant de réfléchir sur les corrélations entre les trois groupes de sites classés et les espaces où se situent les décors (bâtiment, tour). Nous supposons que les sites du groupe 1 et du groupe 2 possèdent probablement chacun une grande ou une moyenne superficie du fait de leur niveau de décor. Au contraire, les sites du groupe 3 seraient de petite superficie en raison du niveau de décor. De ce fait, nous avons mesuré la superficie du bâtiment et de la tour de presque tous les sites. Néanmoins, le nombre des décors trouvés sur chaque site ne correspond pas généralement à la superficie du bâtiment et à celle de la tour ;nous l’expliquons par le goût des détenteurs. Les seigneurs de grands sites ne recherchaient pas nécessairement un décor riche car la taille du site démontre déjà leur important statut. Par contre, les seigneurs de moyens ou de petits sites pouvaient rechercher, avec un décor fastueux, à appuyer leur position.

Il existe aussi une distinction relative à l’emplacement des décors, entre le bâtiment et la tour. L’étude statistique et la documentation portant sur la structure et la forme des éléments décorés démontrent que la majorité des décors sont davantage présents dans le bâtiment que dans la tour. Tous les éléments architecturaux, à l’exception de la porte et de la meurtrière, sont présents en grand nombre dans les édifices, moins dans la tour. La fonction de chaque élément permet bien sûr d’expliquer le lieu de leur emplacement. Pourtant, les autres éléments défensifs, notamment les échauguettes et les bretèches, se situent au contraire sur le bâtiment plutôt que sur la tour. Nous pouvons comprendre cette contradiction par le fait que la façade du bâtiment possède une superficie plus importante, et davantage d’emplacements, notamment au niveau des angles qui autorisent l’installation de ces éléments défensifs. Par ailleurs, les niveaux du bâtiment et de la tour peuvent présenter une relation entre l’emplacement précis des éléments et la catégorie des décors. En effet, les portes, par leur nombre, se démarquent logiquement au niveau du rez-de-chaussée du bâtiment, ainsi que, information plus importante, les cheminées, tandis que les meurtrières se retrouvent surtout au premier niveau de la tour. Le premier étage se distingue par la présence de plusieurs types 315 d’éléments décorés, dans le bâtiment et dans la tour. Dans le bâtiment, et plus précisément la grande salle, se situent la cheminée, les fenêtres dont la majorité est accompagné de coussièges et enfin le décor peint. L’ensemble de la pièce présente un aspect décoratif important. Quant à la tour, il existe de nombreuses fenêtres décorées, comme pour le bâtiment, ainsi que des meurtrières. De plus, le décor sculpté se retrouve particulièrement dans certains sites à cet étage. Par ailleurs, ces mêmes éléments décorés sont présents au deuxième étage du bâtiment, pour les fenêtres et les décors figuratifs (peints et sculptés). Néanmoins, les tourelles en surplomb et les bretèches se présentent à ce niveau. Les éléments de la tour ressemblent à ceux du bâtiment en ce qui concerne les fenêtres et les décors figuratifs et à ceux du premier étage pour les meurtrières. Quant au troisième étage, il possède moins d’éléments décorés, même si nous avons pu en étudier un petit nombre. La cheminée, la fenêtre et les coussièges des sites du groupe 1 (ayant un grand nombre de décors) se présentent à ce niveau de l’édifice. Il n’existe que les fenêtres et le décor sculpté dans la tour. Enfin, au-delà du troisième étage, ce sont les éléments défensifs comme les échauguettes et les bretèches qui se retrouvent sur la façade du bâtiment, ainsi que le décor sculpté qui peut orner la façade de la tour ou décorer une petite pièce à son sommet.

Enfin, l’emplacement des décors dans un espace intérieur peut démontrer les relations entre les caractéristiques des décors et l’organisation de l’espace. Plusieurs résidences seigneuriales, en particulier les sites du groupe 1, possèdent certains aspects intéressants. L’élément d’architecture comme la cheminée peut être dans des pièces situées au rez-de- chaussée ou au premier étage. Leur aspect décoratif varie selon l’importance des pièces, si nous observons les cheminées situées au même niveau. Certains sites présentent visiblement une distinction stylistique. La cheminée du premier étage révèle en général une approche décorative plus recherchée que celle du rez-de-chaussée. Cet aspect se retrouve également sur la fenêtre : la baie au premier étage ayant de grandes dimensions présente un décor plus raffiné que celle du rez-de-chaussée. Ces deux éléments constituent par conséquent des indicateurs de la hiérarchisation de l’espace intérieur. Par ailleurs, avec la présence de décors peints dans la grande salle, l’étude des éléments architecturaux et de leurs décors prouve que le premier étage du bâtiment représente un niveau privilégié.

Certains motifs décoratifs observés sur des éléments d’architecture, particulièrement les portes, les fenêtres et les cheminées, démontrent l’emploi de mêmes décors. Ceci offre un effet de répétition sur la façade du bâtiment ou de la tour. Toutefois, certaines fenêtres situées 316 au même niveau, dotées des mêmes décors, peuvent indiquer l’existence de la grande salle à l’intérieur de l’édifice, comme dans la maison forte de Lens-Lestang.

L’étude des décors d’architecture et des décors figuratifs des résidences seigneuriales de notre corpus révèle la variation des catégories et des caractéristiques des décors de chaque élément, ainsi que l’évolution stylistique des décors. Ceci souligne l’intérêt d’une comparaison de la forme et de la stylisation avec des décors d’autres régions de datation contemporaine, afin de déterminer leur ressemblance ou leur différence avec les décors de notre corpus. Nous avons déterminé les critères employés dans cette étude comparative. Les catégories de demeures aristocratiques sont similaires aux types de sites de notre corpus, soit le château et la maison forte. Néanmoins, nous avons rajouté un autre type habitat, la maison patricienne, pour la comparaison des décors figuratifs du fait de l’existence d’un grand nombre de décors. De plus, les critères suivants concernent la datation contemporaine des sites par rapport à nos logis seigneuriaux, ainsi que les mêmes types des décors à étudier. Enfin, la localisation des sites de comparaison constitue un autre facteur important. Nous les avons classés en trois catégories, selon leur proximité avec les sites de notre corpus : ceux situés dans la même région, ceux dans une région voisine et ceux dans une région lointaine. Cette classification a été déterminée par la ressemblance stylistique entre les décors trouvés dans les sites à proximité de nos propres sites et probablement la différence stylistique avec les décors de sites plus lointains.

L’étude comparative des décors d’architecture sur les sites situés dans la même région que ceux de notre corpus démontre une ressemblance au niveau des caractéristiques architecturales sur le plan et la disposition des bâtiments. De même, la similarité stylistique s’affirme avec les décors des éléments architecturaux. La similitude des décors se retrouve également dans les sites de régions voisines, pour le même type d’habitat noble, c’est-à-dire la maison forte, et pour un type différent de même statut, à savoir la tour salle. Nous avons ensuite constaté une approche décorative semblable dans des sites situés dans des régions lointaines, malgré la présence d’un type de site distinct de ceux de notre corpus, le manoir. Ces caractères similaires s’expliquent par le fait que les résidences seigneuriales des régions d’étude ont été influencées par un même courant artistique, conduisant à un modèle imité dans toutes les terres de la couronne de France. Quant à la comparaison des décors figuratifs, la présentation générale des décors peints est semblable à celle de nos décors, à l’exception de quelques détails particuliers. La similarité 317 stylistique entre les décors se présente ainsi sur les sites situés dans des régions lointaines. Ceci peut être également expliqué par une stylisation typique de cette période et non d’un territoire donné.

Enfin, il est important de s’intéresser aux détenteurs des sites, qui représentent un facteur important puisqu’ils ont fait construire ces sites, ainsi que réaliser les décors. L’historique des sites permet de connaître les familles propriétaires, ainsi que la transmission des sites entre elles. Certaines grandes familles possèdent des sites implantés dans différentes régions, ce qui indique leur pouvoir et leur richesse. Les propriétaires des habitats nobles peuvent jouer un rôle dans la diffusion d’un courant artistique d’une région à une autre, comme les seigneurs de la maison forte des Loives. Après étude du décor, de ses relations avec son emplacement dans les sites, ainsi que la comparaison stylistique entre les décors de notre corpus et ceux d’autres régions, nous pouvons parler des perspectives et des études futures. Les informations recueillies dans les régions du Grésivaudan et du Viennois pourraient servir de base à d’autres chercheurs en vue d’approfondir les recherches sur l’aspect décoratif des demeures aristocratiques. Le recours, à la méthode d’inventaire mise en œuvre dans la présente étude, en permettant d’établir des corpus de sites et d’éléments de décor normalisé, semblerait tout à fait pertinent dans cette optique.

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Les sites web

1) Sites web servant aux documents de colloque, de conférence www.cg49.fr/cultures/peintures_murales/journees_etudes/journees_etudes.asp

Le décor peint dans la demeure au Moyen-Age, Actes des journées d’études (Angers, Conseil général de Maine-et-Loire, 15-16 novembre 2007), (site consulté le 27 janvier 2010).

2) Sites web accédant à la base de données

La base de données « Mérimée » permet d’accéder aux sites ou monuments recensés par intérêt architectural. http://www.culture.gouv.fr/culture/inventai/patrimoine/

La base de données de la Conservation du patrimoine de l’Isère rassemble des sites ou monuments inventoriés dans la région par intérêt architectural. http://www.isere-patrimoine.fr/711-bases-de-donnees-des-sites.htm

3) Sites web accédant à l’encyclopédie électronique Encyclopeadia Universalis aide à chercher la définition du décor

FUHRING Peter, Encyclopeadia Universalis, rubrique « ornement, histoire de l’art », www.encyclopaedia-universalis.fr (site consulté le 19 juin 2015).

4) Sites web permet de visualiser des cartes géographiques https://www.geoportail.gouv.fr/

333

Documentation

Ce type des références permet l’information importante et précisée de nos sites étudiés. Nous avons la cueillie pendant la recherche documentaire en particulier à la Conservation du patrimoine, Conseil général de l’Isère et de la Drôme. Par ailleurs, lors des visites des sites, les propriétaires nous ont fourni souvent les renseignements de leurs demeures. La plupart des documents ne sont pas publiés mais servant des éléments importants pour la publication des revues locales et aussi celle des revues du patrimoine.

1) Documents en papier Certains documents montrent le travail de prospection sérieuse qui résulte de la méthodologie de l’inventaire.

BOTU Joseph, « Les maisons fortes dans la commune de Saint-Marcel-Bel-Accueil » Ce documents fait partie des renseignements des communes du département de l’Isère, rassemblés et conservés à la Conservation du patrimoine de l'Isère, Conseil général de l’Isère.

CHABERT Roland, La maison forte de Grammont (les renseignements sur le site, y compris l’historique, sont rassemblés par M Roland Chabert qui est l’actuel propriétaire du site. Son travail de recherche est systématique et très riche d’informations nécessaires.

CHALABI Maryannick et PELLETIER Olivia, « La maison forte Bourcieu », Les maisons fortes du canton Crémieu, Lyon, Inventaire général du patrimoine culturel, 1994-1998.

CHALABI MAYYANNICK et PELLETIER Olivia, Les maisons fortes du canton de Crémieu : Maison forte de Montplaisant, Inventaire général du patrimoine culturel, Région Rhône-Alpes, Lyon, 1994.

CHALABI Maryannick et PELLETIER Olivia, Maison forte du Cingle, Inventaire général du patrimoine culturel, Région Rhône-Alpes, Lyon, 1996.

CHALABI Maryannick et PELLETIER Olivia, Château de Vernas, Inventaire général du patrimoine culturel, Région Rhône-Alpes, Lyon, 1998. 334

CORRÉ Marie-Hélène, « Maison forte de Tournelle », revue de la commune de Theys.

DUBOIS Roger, « La petite maison forte dans le hameau. La lettre de la commune de », N°52, janvier 1998.

FAURE Denys, « Réflexions sur une pierre armoriée martelée. A la cheminée de l’étage du château de Châtillon-Saint-Jean (Drôme) ». Ce document donne l’information importante sur l’analyse du décor de cheminée.

GUETAT Edouard, « Maison forte dite de Morges », in Les maisons fortes de Sérézin-de-la- Tour, Association Mémoires et Traditions.

LAUVERJAT D., « Château de », Ce documents fait partie des renseignements des communes du département de l’Isère, rassemblés et conservés à la Direction régionale des affaires culturelles Rhône-Alpes, 1981.

LIOGIER Aimée, Le château de Larnage, Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Anneyronnais, 2008.

PELLETIER Olivia , Les maisons fortes du canton de Crémieu : Maison forte Bourcieu, Inventaire général du patrimoine culturel, Lyon, Région Rhône- Alpes, 1995.

PELLETIER Olivia , Les maisons fortes du canton de Crémieu : Maison forte Ferme des Dames, Inventaire général du patrimoine culturel, Lyon, Région Rhône- Alpes, 1996.

PELLETIER Olivia , Les maisons fortes du canton de Crémieu : Maison forte Montagnieu, Inventaire général du patrimoine culturel, Lyon, Région Rhône- Alpes, 1996.

PELLETIER Olivia, Les maisons fortes du canton de Crémieu : château de Serrières, Lyon Inventaire général du patrimoine culturel, Région Rhône-Alpes, 1996. 335

PELLETIER Olivia, Les maisons fortes du canton de Crémieu : maison forte Vertrieu, Lyon, Inventaire général du patrimoine culturel, Région Rhône-Alpes, 1997.

POISSON Jean-Michel, « Maison forte de Saleton. Visite de maisons fortes dans le canton d'Anneyron (Drôme) 14 octobre 2008 » Le château de Larnage, Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Anneyronnais, 2008.

2) Documents présentent les sites inscrits aux Monuments Historiques « Fiche n°8296 "Manoir de la Bâtie", Conservation du patrimoine de l'Isère, 2007.

3) Documents présentent les résidences seigneuriales inventoriés dans le département de l’Isère « Maison forte d'Écottier", Conservation du patrimoine de l'Isère, 2006. « fiche n°807 Maison forte du Gollard », Conservation du patrimoine de l'Isère, 2006. « fiche n°17174 Château de Lesdiguières », Conservation du patrimoine de l'Isère.

« fiche n°814 : Tour Ravier dite du Diable » Conservation du patrimoine de l'Isère, 2006. « fiche n°8454 Maison forte des Loives », Conservation du patrimoine de l'Isère, 2007. « Fiche n°8503 Château de Demptézieu », Conservation du patrimoine de l'Isère.

« fiche n°817 : La Tour Brune », Conservation du patrimoine de l'Isère, 2008. « fiche n°8543 Châteaux vieux (ruines), Conservation du patrimoine de l'Isère, 2008». « Maison forte du Mollard-Ronde », La Direction régionale des affaires culturelles Rhône-Alpes (document consulté mai 2012). « Maison forte Montplaisant », La Direction régionale des affaires culturelles Rhône- Alpes, 1973. « Château de La Poype de Serrières », La Direction régionale des affaires culturelles Rhône-Alpes, 1973.

4) Documents présentent le recensement des sites et des monuments triés par communes

« Anneyron », La Conservation du patrimoine de la Drôme (document consulté mars 336

2013).

« Brangues », La Conservation du patrimoine de l’Isère (document consulté mai 2012). « Buissière (La) », La Conservation du patrimoine de l’Isère (document consulté mai 2012). « Châtillon-Saint-Jean », La Conservation du patrimoine de la Drôme (document consulté mars 2013).

« Cheylas », La Conservation du patrimoine de l’Isère (document consulté novembre 2014).

« Courtenay », La Conservation du patrimoine de l’Isère (document consulté mai 2012). « Goncelin », La Conservation du patrimoine de l’Isère (document consulté mai 2012). « La Terrasse », La Conservation du patrimoine de l’Isère (document consulté mai 2012). « », La Conservation du patrimoine de l’Isère (document consulté mai 2012). « Saint-Savin », La Conservation du patrimoine de l’Isère (document consulté mai 2012). « Theys », La Conservation du patrimoine de l’Isère (document consulté mai 2012). « Touvet », La Conservation du patrimoine de l’Isère (document consulté mai 2012). « Saint-Marcel-Bel-Accueil », La Conservation du patrimoine de l’Isère (document consulté mai 2012).

« Saint-Maximin », La Conservation du patrimoine de l’Isère (document consulté mai 2012).

«Veurey-Voroise », La Conservation du patrimoine de l’Isère (document consulté mai 2012).

5) Documents rassemblent les habitats nobles où se trouvent des peintures murales en Isère Fiche référence : édifice, « Chevrières, maison forte du Golard », La Conservation du Patrimoine de l'Isère (document consulté mai 2012).

Fiche référence : édifice, «La Murette, maison forte des Champs », La Conservation du Patrimoine de l'Isère (document consulté mai 2012).

337

Fiche référence : édifice, «Murianette,Tour Ravier », La Conservation du Patrimoine de l'Isère (document consulté mai 2012).

Fiche référence : édifice, « Roybon, maison forte des Loives », La Conservation du Patrimoine de l'Isère (document consulté mai 2012).

Fiche référence : édifice, «Demeure patricienne », La Conservation du Patrimoine de l'Isère (document consulté mai 2012).

6) Exposition L’exposition du château de Bayard, organisée au musée Bayard, durant la période d’ouverture annuelle, entre mi-mai et fin septembre. (document consulté septembre 2012).

7) Documents des photographies Base de données des photographies des sites inventoriés et triées par communes ; « », La conservation du patrimoine de l’Isère. « Charette », La conservation du patrimoine de l’Isère. « Cheylas », La conservation du patrimoine de l’Isère.