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Publié en 2018 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture 7, place de Fontenoy, 75352 Paris 07 SP, France

© UNESCO 2018

ISBN 978-92-3-200153-5

OEuvre publiée en libre accès sous la licence Attribution-ShareAlike 3.0 IGO (CC-BY-SA 3.0 IGO) (http://creativecommons. org/licenses/by-sa/3.0/igo/). Les utilisateurs du contenu de la présente publication acceptent les conditions d’utilisation de l’Archive ouverte en libre accès UNESCO (https://fr.unesco.org/open-access/les-licences-creative-commons).

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Titre original : World Trends in Freedom of Expression and Media Development: 2017/2018 Global Report Publié en 2018 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture

Davantage d’informations et le texte intégral du Rapport sur les tendances mondiales sont disponibles à l’adresse suivante : fr.unesco.org/world-media-trends-2017

L’étude complète doit être citée comme suit : UNESCO. 2018. Tendances mondiales en matière de liberté d’expression et de développement des médias : Rapport mondial 2017-2018, Paris.

Les désignations employées dans cette publication et la présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part de l’UNESCO aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites.

Les idées et les opinions exprimées dans cet ouvrage sont celles des auteurs ; elles ne reflètent pas nécessairement les points de vue de l’UNESCO et n’engagent en aucune façon l’Organisation.

Coordination éditoriale : Rachel Pollack Ichou Chercheurs principaux : Nicole Stremlau, Iginio Gagliardone et Monroe Price Création graphique, graphisme de la couverture et composition : Marc James Infographies : Carlos Manzo

Photos : p. 28, 64 © Shutterstock / Marcel Clemens p. 33, 161 © Alfred Yaghobzadeh p. 51 © Shutterstock / Piotr Adamowicz p. 68,100 © Fred Cifuentes p. 76 © Shutterstock / LDprod p. 104 © Slim Ayadi p. 132 © AFP PHOTO / James Lawler Duggan p. 135, 128 © Tobin Jones p. 143 © Shutterstock / Dragon Images p. 170 © Carlos Duarte

Imprimé dans les ateliers de l’UNESCO Imprimé en France

Cette publication a bénéficié du soutien de la Suède. Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de développement des médias RAPPORT MONDIAL 2017/2018 Sommaire

Liste des figures 6 Liste des encadrés 7 Equipe éditoriale 8 Avant-propos 10 Résumé 12 Introduction 18 Fondements du rapport 19 Normes internationales en matière de liberté d’expression 19 Conceptualisation de la liberté de la presse 20 Approfondissement des concepts 23 Contexte technologique, social et politique 24 Inégalités et publics 26 Conflits et extrémisme violent 27 Migrations forcées et crise des réfugiés 28 Structure du rapport 29 Conclusion 30

Tendances en matière de liberté des médias 35 Vue d’ensemble 35 Le concept de liberté des médias 36 Restrictions à la liberté des médias 37 Lois sur la diffamation et autres restrictions juridiques concernant les journalistes 37 Restrictions d’accès, blocages de l’Internet et retraits de contenus 42 Sécurité nationale et lutte contre l’extrémisme violent 47 Protection de l’accès à l’information et du respect de la vie privée 48 Accès à l’information 48 Vie privée, surveillance et chiffrement 52 Protection des sources confidentielles et des lanceurs d’alerte 58 Gouvernance de l’Internet et liberté des médias 61 Egalite des genres et liberté des médias 64 Conclusion 66

Tendances en matière de pluralisme des médias 71 Vue d’ensemble 71 Qu’entend-on par « pluralisme des médias » ? 72 Accès 74 Internet et téléphonie mobile 74 Médias radiodiffusés 77 Industrie de la presse écrite 79 Modèles économiques 79 Pluralisme de la propriété des médias 80 La publicité : entre anciens et nouveaux modèles 81 Nouvelles plates-formes et nouveaux modèles commerciaux 83 Contenus 84 Contenus générés par les utilisateurs 84 Algorithmes, chambres d’écho et polarisation 85 Fausses informations 87 Informer sur les groupes marginalisés 89

4 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Les nouveaux acteurs de l’information : une démocratisation de la production des nouvelles ? 91 L’éducation aux médias et à l’information 93 Égalité des genres et pluralisme des médias 94 Égalité des genres dans le personnel des médias 96 Femmes et prise de décision 98 Genre et représentation 98 Les femmes dans les médias : changer le tableau 100 Conclusion 102

Tendances en matière d’indépendance des médias 107 Vue d’ensemble 107 Comprendre l’indépendance des médias 109 Tendances et transitions en matière de régulation 111 Indépendance et régulation par l’État 112 Autorégulation 113 Pressions politiques et économiques au sein des systèmes médiatiques 116 Tendances à la décrédibilisation des médias 116 Capture des médias 120 Réglementations financières et modèles économiques 121 Perceptions de l’indépendance des médias par les journalistes 122 Professionnalisme et efforts visant à limiter les pressions politiques et économiques 124 Égalité des genres et indépendance des médias 127 Égalité des genres sur le lieu de travail 127 Surveillance et défense des médias 128 Associations professionnelles formelles et informelles 129 Conclusion 130

Tendances en matière de sécurité des journalistes 135 Vue d’ensemble 135 Qu’entend-on par « sécurité des journalistes » ? 136 Actes de violence à l’encontre des journalistes 140 Meurtres de journalistes 140 Impunité des crimes perpétrés contre des journalistes 144 Autres atteintes à la sécurité du journalisme 150 Sécurité numérique des journalistes 152 Égalité des sexes et sécurité des journalistes 155 Harcèlement en ligne des femmes journalistes 157 Actions entreprises pour améliorer la sécurité des journalistes 160 Nations Unies 162 États membres 164 Milieux académiques, société civile et médias 166 Conclusion 172

Appendices 174 Bibliographie 175 Groupements régionaux 196 Acronymes et abréviations 199

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 5 Liste des figures

Figure 1-1 Raisons couramment invoquées pour justifier des arrêts de service Internet 43 Figure 1-2 Nombre de demandes gouvernementales de retrait de contenus reçues par Google et Twitter 45 Figure 1-3 Raisons citées dans les demandes de retrait de contenus reçues par Google 45 Figure 1-4 Nombre de demandes gouvernementales de retrait de contenus reçues par Google, Twitter et Facebook 46 Figure 1-5 États membres (par région) dotés d’une loi ou d’une politique sur la liberté d’information 50 Figure 1-6 Nombre de pays (par région) ayant adopté ou amendé des lois sur la protection des données ou le respect de la vie privée, 2012-2016 55 Figure 1-7 États membres qui sont partie à la Convention des Nations Unies contre la corruption 59 Figure 1-8 Universalité de l’Internet et « principes D.O.A.M. » 62 Figure 2-1 Pourcentage d’individus utilisant Internet, 2012-2017 74 Figure 2-2 Nombre d’abonnements à la téléphonie mobile cellulaire, 2012-2016 en milliards 75 Figure 2-3 Principales sources d’information selon l’âge 77 Figure 2-4 État d’avancement du passage à la radiodiffusion télévisuelle numérique terrestre 78 Figure 2-5 Revenus publicitaires d’Internet, 2012-2016 82 Figure 2-6 Les nouveaux modèles économiques des médias 82 Figure 2-7 Part des recettes publicitaires d’Internet selon la plate-forme, 2012-2016 83 Figure 2-8 Les racines des fausses informations 88 Figure 2-9 Les femmes invisibles ? L’équilibre des genres dans les contenus médiatiques, la prise de décision et le personnel des médias 95 Figure 2-10 Égalité des genres aux postes décisionnels et au sein des conseils d’administration des médias européens 99 Figure 3-1 Scores des indicateurs RDR de transparence des politiques concernant les demandes de restrictions de contenus ou de comptes 115 Figure 3-2 Scores des indicateurs RDR de transparence des politiques concernant le respect de leurs conditions de service (ayant une incidence sur les restrictions de contenus ou de comptes) 115 Figure 3-3 Effet de la décrédibilisation des médias sur la société 118 Figure 3-4 Tendances relatives à la perception de la liberté éditoriale par les journalistes 123 Figure 3-5 Tendances relatives à la perception de la crédibilité du journalisme par les journalistes 123 Figure 3-6 Priorités des bailleurs de fonds en matière de développement des médias 126

6 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Figure 4-1 Nombre de journalistes tués par an et par région (2012-2016) 139 Figure 4-2 Carte des journalistes tués par région (2012-2016) 140 Figure 4-3 Nombre de journalistes tués par pays (2012-2016) 141 Figure 4-4 Nombre de journalistes tués par pays (2016) 142 Figure 4-5 Nombre de journalistes tués dans les pays en proie à un conflit armé (2012-2016) 143 Figure 4-6 Nombre de journalistes tués par statut d’emploi (2012-2016) 143 Figure 4-7 Nombre de journalistes tués par type de média (2012-2016) 143 Figure 4-8 Nombre de journalistes locaux et étrangers tués (2012-2016) 144 Figure 4-9 État des enquêtes judiciaires sur les meurtres de journalistes (2012-2016) 146 Figure 4-10 État des enquêtes judiciaires sur les meurtres de journalistes par région (2006-2016) 147 Figure 4-11 Réponses des États membres aux demandes de la Directrice générale concernant l’état des enquêtes judiciaires (2017) 148 Figure 4-12 Taux de réponse des États membres aux demandes de la Directrice générale (2013-2017) 149 Figure 4-13 Types de menaces pesant sur la sécurité numérique du journalisme 153 Figure 4-14 Nombre de journalistes tués par sexe (2012-2016) 156 Figure 4-15 Harcèlement en ligne des femmes journalistes 158 Figure 4-16 Résolutions des Nations Unies sur la sécurité des journalistes adoptées depuis 2012 168 Figure 4-17 États membres parrainant les résolutions des Nations Unies sur la sécurité des journalistes depuis 2012 170

Liste des encadrés

Encadré 1-1 Action de l’UNESCO en faveur de la liberté des médias 38 Encadré 1-2 Lauréats du Prix mondial de la liberté de la presse UNESCO/Guillermo Cano 39 Encadré 1-3 L’exemple de Lamii Kpargoi, défenseur de l’accès à l’information en Afrique 49 Encadré 2-1 L’action de l’UNESCO en faveur du pluralisme des médias 73 Encadré 2-2 Lina Chawaf : donner une voix aux civils syriens 90 Encadré 3-1 Action de l’UNESCO en faveur de l’indépendance des médias 110 Encadré 3-2 Tai Nalon : Créer un espace de confiance 117 Encadré 4-1 Sécurité des journalistes : ce que fait l’UNESCO 138 Encadré 4-2 Oscar Cantú Murguia : quand un directeur prend position 145 Encadré 4-3 Maria Ressa : ou le refus de se taire face au cyberharcèlement 161

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 7 Equipe éditoriale

Chercheurs principaux

Nicole Stremlau, Université d’Oxford, Royaume-Uni Iginio Gagliardone, Université de Witwatersrand, Afrique du Sud Monroe Price, Université de Pennsylvanie, Etats-Unis

Chercheurs thématiques et régionaux

Carolina Aguerre Inés, Université de San Andres, Argentine Omar Al-Ghazzi, École d’économie et de sciences politiques de Londres, Royaume-Uni Admire Mare, Université de Johannesburg, Afrique du Sud Jennifer Henrichsen, Université de Pennsylvanie, Etats-Unis Jyoti Panday, Centre d’excellence Idea Telecom, Institut indien de management, Inde Krisztina Rozgonyi, Université de Vienne, Autriche Karen Ross, Université de Newcastle, Royaume-Uni Erin Callihan, Université de New York, Etats-Unis Eleanor Marchant, Université de Pennsylvanie, Etats-Unis Everisto Mugocha, Université de Witwatersrand, Afrique du Sud Olivier Aiken, Université de Chicago, Etats-Unis

Equipe de l’UNESCO

Guy Berger, Directeur, Division pour la liberté d’expression et le développement des médias Sylvie Coudray, Chef, Section pour liberté d’expression Marius Lukosiunas, Spécialiste de programme Rachel Pollack, Spécialiste adjointe du programme et Coordination éditoriale Amie Churchill, Assistance éditoriale Oscar Castellanos, Spécialiste des communications

8 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Conseil éditorial consultatif

Ravina Aggarwal, Centres mondiaux de Columbia, Mumbai, Inde Catalina Botero Marino, Université des Andes, Colombie Elda Brogi, Centre pour le pluralisme des médias et la liberté des médias, Institut européen universitaire, Italie Aleida Calleja Gutierrez, Observatoire latino-américain de la réglementation, les médias et la convergence (Observacom), Mexique Ulla Carlsson, Université de Göteborg, Suède Silvia Chocarro Marcesse, Consultante spécialisée en liberté d’expression, France Marius Dragomir, Université d’Europe centrale, Hongrie Gerard Goggin, Université de Sydney, Australie William Horsley, Centre pour la liberté des médias, Université de Sheffield, Royaume-Uni Ahmed Khalifa, Université Ain Shams, Égypte Robin Mansell, London School of Economics, Royaume-Uni Toby Mendel, Centre pour le droit et la démocratie, Canada Paul Nwulu, Ford Foundation, Nigeria Golam Rahman, Dirigeant principal de l’information, Bangladesh Julie Reid, Université d’Afrique du Sud Mousa Rimawi, Centre palestinien pour le développement et les libertés des médias (MADA), Palestine Elena Sherstoboeva, Université nationale de recherche – École des hautes études en sciences économiques, Fédération de Russie Ramon Tuazon, Centre asiatique d’information sur les recherches en communication de masse (AMIC), Philippines Aimée Vega Montiel, Université nationale autonome du Mexique Silvio Waisbord, Université George Washington, Etats-Unis

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 9 Avant-propos

’UNESCO est fière de présenter la troisième édition du rapport consacré Laux Tendances mondiales de la liberté d’expression et du développement des médias. Je vois dans cette publication une incarnation du rôle de l’UNESCO comme laboratoire d’idées et de compréhension internationale. Ce rapport trace le portrait d’un monde dont les mutations vertigineuses affectent les sociétés en profondeur, et tout spécialement dans les domaines de la liberté d’expression et du développement des médias.

La liberté de la presse est ici étudiée dans quatre de ses dimensions clés : (i) la liberté, (ii) le pluralisme, (iii) l’indépendance des médias et (iv) la sécurité des journalistes. Comme dans nos précédents rapports, une attention particulière est portée à l’égalité des genres. Cette étude est conçue comme un outil de mise en œuvre de l’Agenda des Nations Unies pour le développement durable à l’horizon 2030, qui reconnaît l’importance de « l’accès public à l’information et aux libertés fondamentales » parmi ses objectifs.

C’est toute l’importance de ce document. Il donne des outils pour observer la situation mondiale de l’accès à l’information et en termes de liberté d’expression comme liberté fondamentale. C’est dans ce contexte que nous mettons en avant les objectifs interdépendants de la protection de la liberté d’expression et du développement d’un public informé.

Ce rapport couvre la période 2012 à 2017. Il s’appuie sur des études régionales et de nombreuses données qui témoignent des changements survenus depuis notre premier rapport. Nous observons ainsi des mutations profondes dans le champ de la liberté de la presse, qui progresse sur plusieurs points, mais recule également dans certains autres. La liberté des médias est notamment limitée par de nombreuses restrictions légales sur le droit de communiquer des informations et des idées, bien que des progrès soient observés en ce qui concerne les garanties juridiques à chercher et à recevoir de l’information.

En ce qui concerne le pluralisme des médias, les cinq dernières années ont vu la multiplication considérable des sources d’information. Pourtant, la concentration de la propriété des médias et des services Internet soulève des préoccupations majeures. Les effets de filtrage des médias sociaux, qui créent des « bulles » dans lesquelles les gens n’accèdent pas à la vérité ou aux « points de vue » qu’ils jugeraient « gênants » ou « inappropriés » sont un exemple. La manipulation et la diffusion de fausses informations par des organes de propagande en sont un autre. On note également un arrêt des progrès sur l’égalité des genres dans les contenus et en personnel.

10 Les tendances montrent que l’indépendance des médias s’affaiblit et que les normes professionnelles du journalisme s’érodent sous l’effet des forces économiques d’un côté et du manque de reconnaissance de la part des acteurs politiques de l’autre. Les entreprises de médias et de l’Internet sont de plus en plus conscientes de la nécessité de s’autoréguler.

En ce qui concerne enfin la sécurité physique, psychologique et numérique des journalistes, les tendances restent extrêmement alarmantes, même si la mise en œuvre du Plan d’Action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité représente un espoir. Il existe un nouvel élan pour des mécanismes de suivi, de prévention, de protection et de renforcement de la justice pour les crimes commis contre les journalistes. Cet élan doit être encouragé.

Je salue tous nos partenaires mobilisés dans l’élaboration de ce rapport, les universitaires, les professionnels des médias, la Suède pour son financement et la Norvège pour son soutien.

J’encourage vivement nos États membres à utiliser ce Rapport, à en diffuser les enseignements par des traductions et des événements dédiés, et à s’approprier ses résultats, pour renforcer des cadres nationaux propices à la liberté d’expression, à la liberté d’information et à l’indépendance des médias. Chacun trouvera dans ce rapport un guide précieux pour avancer dans cette voie.

Audrey Azoulay Directrice générale de l’UNESCO

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 11 Résumé

a présente édition des Tendances mondiales en matière de liberté d’expression et de développement des Lmédias répond à une tâche majeure formulée par la Conférence générale de l’UNESCO à sa 36e session, qui demandait à l’Organisation de suivre les évolutions actuelles de la liberté de la presse et de la sécurité des journalistes et de faire rapport sur la question. Elle fait suite au premier Rapport des tendances mondiales publié en 2014, en établissant la cartographie des principales transformations qui ont affecté la liberté d’expression et le développement des médias dans le monde entre 2012 et 2017, une période traversée par de profonds bouleversements sociaux, politiques et technologiques.

Les précédentes éditions de cette étude s’inspiraient du cadre défini par la Déclaration de Windhoek de 1991, qui s’appuie sur les principaux piliers que sont la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ainsi que la sécurité des journalistes pour garantir la liberté de la presse. La présente édition s’adapte à l’évolution des situations en prenant acte des rôles changeants joués par les acteurs politiques, les entreprises d’Internet et le public dans le façonnement des environnements de l’information aux niveaux national, régional et mondial. Elle examine les transformations du journalisme et les changements apportés par les nouvelles technologies de l’information et de la communication pour différents types d’utilisateurs et de producteurs d’information, tout en démontrant que la conception de la liberté de la presse promue par la Déclaration de Windhoek reste pertinente.

Les principales tendances de la liberté, du pluralisme et de l’indépendance des médias et de la sécurité des journalistes que fait apparaître cette analyse sont récapitulées ci-après, aux niveaux mondial et régional.1 Dans toute l’analyse des quatre piliers de la liberté de la presse, une attention particulière est portée aux médias numériques et à l’égalité des genres.2

1 Cette publication ayant servi de base à un rapport présenté à la Conférence générale de l’UNESCO, l’analyse qu’elle contient a été réalisée selon les six régions correspondant aux six groupes électoraux de l’UNESCO.

2 Des chercheurs de l’Université d’Oxford (Royaume-Uni), de l’Université de Witwatersrand (Afrique du Sud) et de l’Université de Pennsylvanie (États-Unis) ont mené les travaux de recherche pour l’élaboration de cette étude, avec la collaboration d’un réseau mondial de chercheurs et d’assistants de recherche régionaux, et sous la direction de la Division pour la liberté d’expression et le développement des médias de l’UNESCO. Un conseil éditorial consultatif, constitué de 20 experts internationaux des médias sélectionnés pour leur expertise régionale et thématique, a apporté ses contributions et une évaluation par des pairs.

12 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Tendances en matière de liberté des médias

Des mutations politiques, technologiques et économiques rapides intervenues pendant la période ouverte par la présente étude ont soumis la liberté des médias à des tensions nouvelles. L’apparition de formes inédites de populisme politique ainsi que de ce qui a été considéré comme des politiques autoritaires ont constitué d’autres évolutions majeures. Usant de différents prétextes, notamment la sécurité nationale, des gouvernements exercent une surveillance de plus en plus étroite et exigent le retrait d’informations publiées en ligne, lesquelles dans de nombreux cas ne concernent pas seulement des propos haineux et des contenus prônant l’extrémisme violent, mais également ce qui est jugé comment relevant de positions politiques légitimes. La place centrale qu’occupe de plus en plus Internet dans les communications, de même que le rôle et l’influence des puissantes plates-formes transnationales du Web ont retenu l’attention des tribunaux et des gouvernements cherchant à réglementer ces intermédiaires, ce qui présente des risques pour l’expression en ligne.

Si l’on a beaucoup affirmé que les nouveaux médias accroissent les libertés et dynamisent la communication pour des acteurs qui n’appartiennent pas à ce milieu, on constate qu’ils favorisent également une multiplication des intrusions dans la vie privée et l’expansion d’une surveillance massive et arbitraire. Ces facteurs sont considérés comme constituant des menaces grandissantes pour la sécurité des journalistes et favorisant la défiance du public sur la question du respect de la vie privée, dont l’ONU a reconnu qu’elle était un moteur de la liberté d’expression. En outre, le blocage et le filtrage de contenus en ligne ont considérablement augmenté et l’on observe une tendance de plus en plus marquée à bloquer des sites de réseaux sociaux entiers, des réseaux mobiles ou l’accès national à Internet. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (A/HRC/32/13) « a condamné sans équivoque » de telles pratiques, car elles constituent des restrictions disproportionnées de la liberté d’expression et du droit d’accès à l’information et ont un impact considérable aux niveaux social, politique et économique.

Par ailleurs, la responsabilité juridique limitée qui incombe traditionnellement aux entreprises d’Internet pour les contenus produits par leurs utilisateurs et qui a été d’une manière générale un facteur positif pour la libre circulation de l’information est mise à mal. Bien que toujours dissociées des entreprises médiatiques qui produisent la plupart de leurs contenus, les entreprises d’Internet et leur fonction de contrôle sont placées sous le feu des projecteurs. Pour des raisons diverses, de nombreux acteurs s’intéressent à leurs normes applicables au respect de la vie privée et à la liberté d’expression ainsi qu’à leur politique en matière de transparence, en particulier concernant les traitements algorithmiques. D’un côté, on reproche à ces sociétés de parfois limiter les contenus journalistiques et, selon leur logique d’« économie de l’attention », de reléguer ces contenus à un niveau de présence qui les place sur un pied d’égalité avec d’autres informations non conformes aux normes professionnelles de vérification. D’un autre côté, elles sont perçues comme des cibles commodes de ce qui peut être considéré comme une rhétorique à orientation politique, qui de manière simpliste, les rend responsables—avec Internet—de certains maux de la société et réclame qu’elles limitent plus activement les contenus. La proportionnalité et la nécessité de telles limites, ainsi que les risques pour une expression légitime, sont relégués au second plan.

Selon un récent sondage réalisé par l’institut Gallup auprès d’habitants de 131 pays de toutes les régions, la perception générale est celle d’un recul de la liberté des médias dans de nombreux pays, alors même que cette liberté reste une valeur reconnue dans le monde entier. Une autre évolution encourageante est que le droit à l’accès à l’information a acquis une reconnaissance plus grande grâce à l’inscription de la cible 16.10 « Garantir l’accès public à l’information et protéger les libertés fondamentales, conformément à la

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 13 Résumé

législation nationale et aux accords internationaux » dans les Objectifs de développement durable. En 2015, la Conférence générale de l’UNESCO a proclamé le 28 septembre Journée internationale de l’accès universel à l’information (38 C/70). Le nombre d’États membres qui se sont dotés d’une loi sur la liberté d’expression a atteint 112, les régions Afrique et Asie-Pacifique ayant connu la plus forte hausse. Parallèlement, il reste beaucoup à accomplir dans le monde pour mieux faire connaître ces lois et les appliquer. L’accessibilité (une notion qui recouvre le caractère financièrement abordable, la diversité linguistique, la prise en compte de la question du genre ainsi que l’initiation aux médias et à l’information) a, elle aussi, été reconnue comme un élément essentiel de l’universalité d’Internet, concept adopté par l’UNESCO en 2015 pour promouvoir un Internet fondé sur les droits de l’homme, ouvert, accessible à tous et régi par un cadre multipartite (principes « ROAM »). En 2017, l’UNESCO a lancé une vaste consultation en vue de concevoir des indicateurs pour évaluer l’application de ces principes au niveau national.

Tendances en matière de pluralisme des médias

L’accès à une diversité de plates-formes médiatiques a continué à se développer durant la période couverte par l’étude. Près de la moitié de la population mondiale a désormais accès à Internet, ce qui tient en partie à la montée en puissance rapide de la connectivité mobile à Internet en Afrique, en Asie et dans le Pacifique ainsi qu’en Amérique latine et dans les Caraïbes. La télévision par satellite et le passage au numérique ont multiplié le nombre de chaînes auxquelles les gens ont accès. La disponibilité des contenus, surtout des contenus partagés et produits par les utilisateurs, a également connu une forte hausse depuis 2012. En janvier 2017, Wikipédia comptait presque deux fois plus d’articles qu’en janvier 2012, une tendance qui s’est doublée d’une diversification progressive des contenus et d’une augmentation des contributions dans d’autres langues que l’anglais.

Toutefois, ces tendances se sont accompagnées de l’affirmation d’une nouvelle forme de « pluralisme polarisé », terme qui signifie que bien que différentes sources d’informations et de programmes soient disponibles, chaque groupe segmenté n’accède qu’à un nombre limité d’entre elles.

Dans des régions où la pénétration d’Internet et l’utilisation des sources en ligne pour s’informer sont à leur plus haut niveau, les algorithmes permettant de trier des informations de plus en plus abondantes et classant les résultats des recherches et les fils d’actualité des réseaux sociaux. Ils ont contribué à créer ce que l’on appelle des « caisses de résonance » et des « bulles de filtrage », dont on estime qu’elles renforcent les opinions que les gens ont déjà et donnent lieu à des débats de plus en plus cloisonnés — bien que cette tendance ne soit peut-être pas aussi prononcée qu’on le prétend parfois. Cependant, dans les affrontements électoraux, la prolifération rapide des « fausses nouvelles », alimentée en partie par la tendance des réseaux sociaux à privilégier les informations qui suscitent des clics, est devenue pour beaucoup un exemple évocateur des effets perturbateurs que ce phénomène peut avoir sur les débats publics. Dans d’autres régions, telles que les États arabes et l’Afrique, cette tendance à la polarisation dans et par les médias a davantage été alimentée par la radiodiffusion.

De même, le développement de l’Internet mobile et la pratique du « zero-rating » — par laquelle les fournisseurs de services Internet et mobiles permettent aux utilisateurs d’accéder à des contenus ou des applications spécifiques sans les décompter de leur forfait — ont considérablement développé le pluralisme en termes d’accès à Internet, en particulier pour les populations les plus pauvres. Toutefois, ce type d’accès est souvent limité à des applications mobiles spécifiques et certains s’inquiètent qu’il puisse créer des espaces privés « clôturés » en contradiction avec les principes d’ouverture et de neutralité du Net.

14 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Le pluralisme reste également bridé par la réalité constante qu’est la forte sous-représentation des femmes dans le personnel des médias aux postes de décision et dans les contenus, tant en qualité de sources que de sujets d’information. Pour répondre à cette marginalisation persistante des femmes, plusieurs organisations de la société civile, médias et personnes privées ont mis au point des initiatives afin de changer la donne, notamment par le biais de l’Alliance mondiale genre et médias lancée par l’UNESCO et par l’application d’indicateurs d’égalité des genres dans les médias3.

Les modèles économiques traditionnels des médias d’information ont continué d’être bousculés, débouchant sur une plus forte concentration à la fois verticale et horizontale et sur l’apparition de nouveaux types de participations croisées. Les réductions de personnel ont eu des répercussions sur la diversité des contenus, en particulier s’agissant de la couverture internationale. La circulation de la presse a chuté dans toutes les régions, sauf en Asie et dans la région Pacifique où l’on a observé de fortes hausses dans certaines économies émergentes. Dans plusieurs régions du monde, il n’existe toujours pas de service public de radiodiffusion indépendant ou, s’il existe, il est exposé à de nouvelles menaces de nature financière ou politique. La croissance rapide de la publicité numérique, dont les bénéfices ont presque doublé entre 2012 et 2016, a bénéficié aux grosses plates-formes Internet plus qu’aux médias traditionnels. Face à ces bouleversements, les médias d’information traditionnels ont expérimenté de nouveaux modèles économiques, notamment l’accès payant, l’appel aux dons des lecteurs et l’appel au financement participatif. Les journalistes ont également utilisé les nouvelles technologies, telles que la réalité virtuelle, pour créer des expériences d’immersion dans des événements lointains.

Tendances en matière d’indépendance des médias

La polarisation de la vie publique que l’on observe dans toutes les régions concernées par cette étude fait apparaître le besoin d’un journalisme indépendant et professionnel, capable de fournir des informations vérifiables formant un contenu commun de nature à alimenter un débat public efficace et ouvert. Pourtant, comme le relevait déjà la première édition du rapport publiée en 2014, l’indépendance des médias est soumise à des pressions de plus en plus fortes à cause des relations complexes entre le pouvoir politique et les organismes de régulation, des tentatives de décrédibiliser ou d’influencer les médias et les journalistes, et des budgets en réduction.

Ce recul de l’indépendance des médias est mesuré par plusieurs indicateurs.

Dans la plupart des régions du monde, on observe une baisse de la confiance du public à l’égard des médias d’information. Les perturbations des modèles économiques sont considérées comme un facteur contribuant à favoriser une plus grande dépendance vis-à-vis des subventions publiques et privées dans certaines situations, ce qui suscite de plus en plus de préoccupations quant aux possibles effets sur l’indépendance éditoriale. Dans certains cas, on relève une augmentation de critiques très antagonistes à l’encontre des médias et des pratiques des journalistes, émanant notamment de dirigeants. Ces critiques pourraient inciter à l’intolérance de l’expression et décrédibiliser tout le journalisme, indépendamment de son authenticité.

3 L’Alliance mondiale genre et médias est un mouvement mondial de promotion de l’égalité des genres dans et par les médias, lancé par l’UNESCO et ses partenaires lors du Forum mondial « Genre et médias » qui s’est tenu en décembre 2013. Les indicateurs d’égalité des genres dans les médias définissent un cadre pour mesurer l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes dans et par les médias.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 15 Résumé

Dans toutes les régions, l’autonomie des organismes de régulation indépendants est menacée. Dans de grandes parties de l’Afrique, de l’Asie-Pacifique, de l’Amérique latine et des Caraïbes, l’octroi des licences d’exploitation aux opérateurs de radiodiffusion est opaque et continue d’obéir à des intérêts politiques et commerciaux. Les organismes d’autorégulation, qui peuvent contribuer à faire respecter les normes professionnelles tout en garantissant l’indépendance éditoriale, ont suscité une attention grandissante dans certains pays où le secteur des médias est en pleine croissance. Toutefois, en plus de la difficulté de créer et maintenir une indépendance durable, les associations de presse ont été confrontées aux défis de l’ère numérique tels que la modération des commentaires postés par les utilisateurs.

Dans le même temps, on observe des évolutions favorables à l’indépendance des journalistes s’agissant des décisions éditoriales. En Afrique, dans les États arabes et dans la région Asie-Pacifique, les journalistes signalent une forte hausse de leur autonomie journalistique. Ces changements ont également été favorables à des médias alternatifs et souvent influents, notamment numériques, ainsi qu’à des collaborations internationales dans le journalisme d’investigation. Avec la forte croissance des informations en ligne, l’importance d’un journalisme indépendant est soulignée.

La formation au journalisme, qui renforce les normes professionnelles d’indépendance dans les médias, a connu un fort accroissement de la disponibilité des ressources en ligne. Toutefois, le soutien des donateurs aux ONG indépendantes qui s’occupent de développement des médias a connu des fluctuations, ce qui a gravement mis en péril la pérennité de ces organisations, en particulier dans certaines régions d’Afrique et d’Europe centrale et orientale. Ces organisations subissent également les effets de lois anciennement restrictives, de plus en plus nombreuses, qui limitent les financements provenant de l’étranger.

Face à l’impératif de plus en plus pressant de répondre aux contenus des réseaux sociaux incitant à la haine et la violence, les opérateurs d’Internet ont lancé des initiatives d’autorégulation afin de lutter contre les propos haineux, l’extrémisme violent, la misogynie, le racisme et les « fausses nouvelles ». Les outils incluent des campagnes d’initiation aux médias et à l’information ; des partenariats avec des organismes de recherche et de vérification des faits ; un soutien aux journalistes ; et le retrait des publicités aux sites qui produisent des contenus de ce type. Face à la propagation d’informations fabriquées ou falsifiées, beaucoup de médias d’information trouvent là l’occasion d’afficher leur valeur ajoutée en tant que sources fiables d’informations et de commentaires.

Tendances en matière de sécurité des journalistes

Entre 2012 et 2016, 530 journalistes ont été tués, ce qui représente deux décès par semaine en moyenne. En raison de la poursuite des combats et d’un climat d’instabilité persistant, les meurtres de journalistes dans certaines parties de la région arabe restent nombreux. Après un pic en 2012, la région Afrique a connu un recul important des meurtres de journalistes. Les meurtres de femmes journalistes ont augmenté pendant la période considérée, passant de 5 femmes tuées en 2012 à 10 en 2016.

Bien que le meurtre de correspondants étrangers tende à susciter l’attention internationale, 92 % des journalistes tués pendant la période considérée étaient des reporters locaux.

16 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 L’impunité des crimes contre les journalistes reste la norme, la justice n’intervenant que dans un cas sur dix. Toutefois, les États membres ont montré une grande réactivité aux demandes d’informations de l’UNESCO sur l’état d’avancement des enquêtes judiciaires concernant les meurtres de journalistes, 70 % ayant répondu de façon plus ou moins détaillée en 2017.

En 2013, l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé le 2 novembre Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes, qui est de plus en plus observée dans le monde.

Poursuivant les tendances antérieures, d’autres formes de violence à l’encontre des journalistes sont en forte hausse : kidnapping, disparition forcée, détention arbitraire et torture. Dans la région arabe, les cas de journalistes pris en otage par des groupes extrémistes violents ont connu une nette augmentation. Dans l’ensemble des régions du monde, la sécurité numérique est une préoccupation de plus en plus présente pour les journalistes, l’intimidation et le harcèlement, la désinformation et les campagnes de diffamation, la défiguration de site Web et les attaques techniques constituant des menaces au même titre que la surveillance arbitraire. Les femmes journalistes sont particulièrement visées et de plus en plus exposées aux insultes, à la traque et au harcèlement en ligne.

En dépit des conditions difficiles dans lesquelles exercent beaucoup de journalistes, des mesures importantes ont été prises pour sensibiliser aux violences dont ils sont la cible et lutter contre elles par le biais du Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité. Depuis 2012, l’Assemblée générale, le Conseil des droits de l’homme et le Conseil de sécurité des Nations Unies et l’UNESCO ont adopté 12 résolutions ou décisions relatives à la sécurité des journalistes. Une consultation multipartite sur l’examen de la mise en oeuvre du Plan d’action des Nations Unies qui s’est tenue en juin 2017, à Genève (Suisse), a débouché sur 30 propositions d’action innovantes soumises à l’examen des États membres des Nations Unies, des organisations intergouvernementales régionales, de la société civile, des acteurs des médias, des intermédiaires d’Internet et des universités.

Un suivi constant de la situation de la sécurité des journalistes est nécessaire pour élaborer des stratégies éclairées et efficaces. Ce travail est d’autant plus nécessaire pour que la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 s’appuie sur des sources d’information et de connaissance provenant de médias libres, pluralistes et indépendants et sur la sécurité renforcée des journalistes en vue de produire les informations dont toutes les sociétés ont besoin.

Entre 2012 et 2016, 530 journalistes ont été tués, soit en moyenne deux morts par semaine.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 17 Introduction Introduction

18 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Fondements du rapport

romouvoir le respect de la liberté de la presse est au cœur de la mission dévolue à l’UNESCO de faciliter Pla libre circulation des idées par le mot et par l’image en vue de favoriser la paix et faire progresser le dialogue. Droit humain fondamental en soi, la liberté d’expression est aussi une condition propice à l’exercice de tous les autres droits.

La liberté d’expression et le développement des médias jouent un rôle important dans le maintien de l’état de droit et le renforcement d’une bonne gouvernance. La reconnaissance de ce rôle est clairement énoncée dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030, avec l’inscription de la cible 16.10 (« Garantir l’accès public à l’information et protéger les libertés fondamentales, conformément à la législation nationale et aux accords internationaux ») associée à l’Objectif 16 qui affirme la volonté d’édifier des sociétés justes, inclusives et pacifiques.

C’est dans ce contexte que l’UNESCO publie son troisième rapport sur les Tendances mondiales en matière de liberté d’expression et de développement des médias. Cette étude s’inscrit dans le prolongement du premier rapport publié en 2014, puis du deuxième rapport édité en 2015 dans lequel l’Organisation approfondit son travail sur une sélection de tendances propres à l’ère numérique. Cette série phare répond à une tâche majeure que les 195 États membres de l’UNESCO ont assignée à l’Organisation lors de la 36e session de sa Conférence générale, lui demandant de suivre les évolutions actuelles de la liberté de la presse et de la sécurité des journalistes et de faire rapport sur la question.

La présente édition 2017-2018 fait suite au premier rapport sur les Tendances mondiales en établissant une cartographie des principales transformations qui ont affecté la liberté d’expression et le développement des médias dans le monde entre 2012 et 2017. Dans cette nouvelle édition comme dans la première, l’accent est mis sur la liberté de la presse et la place centrale qu’elle occupe dans la liberté d’expression. Reprenant la structure de la première édition, le présent rapport analyse plus particulièrement les indicateurs clés de la liberté d’expression et du développement des médias que sont la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ainsi que la sécurité des journalistes. Il fait ainsi ressortir l’existence de facteurs spécifiques liés au contexte et leurs effets sur la liberté de la presse : mutations d’ordre technologique et sociopolitique, inégalités, conflits violents et vastes mouvements de populations. Sur le plan géopolitique, il met en exergue la montée du populisme, du nationalisme et du sentiment identitaire observée dans de nombreuses régions du monde durant la période étudiée et son incidence sur la liberté de la presse et la sécurité des journalistes. Normes internationales en matière de liberté d’expression

Les recherches effectuées dans le cadre de cette étude s’appuient sur les normes internationales garantissant le droit de chaque citoyen à la liberté d’expression et d’opinion. En vertu de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, ce droit comprend « le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ». Le caractère universel de ce principe a été renforcé par l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que par l’Observation générale

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 19 Introduction

n° 34 du Comité des droits de l’homme consacrée à cet article. En 2012, le Conseil des droits de l’homme a affirmé que les deux articles étaient applicables à Internet. Aux termes du droit international, c’est le droit à la liberté d’expression (en l’occurrence) qui prévaut, toute restriction à ce droit devant revêtir un caractère exceptionnel. Le droit international prévoit que toute restriction soit justifiable, c’est-à-dire conforme à la loi, nécessaire et proportionnée à un objectif légitime. Ainsi, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule que, pour être légitimes, les restrictions doivent être fixées par la loi et manifestement nécessaires à la réalisation d’un but légitime. Ce but est explicitement formulé comme étant le respect des droits ou de la réputation d’autrui ou la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publique. Comme l’a écrit le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, David Kaye, « Toute restriction doit être libellée avec suffisamment de précision et elle doit être accessible pour le public afin de limiter le pouvoir discrétionnaire des autorités et de conférer aux individus suffisamment d’indications ».

Le cadre défini par l’article 19 impose des fonctions particulières aux détenteurs d’obligations. L’adhésion des gouvernements à l’état de droit à travers la mise en place d’un cadre juridique transparent, efficace et conforme aux normes internationales est primordiale. La promotion et la protection de la liberté d’expression au niveau international comme au niveau régional reposent, en outre, sur l’action de juridictions régionales des droits de l’homme comme la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples et la Cour interaméricaine des droits de l’homme, et sur le mécanisme des rapporteurs spéciaux sur la liberté d’expression de l’Organisation des Nations Unies, de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), de l’Organisation des États américains et de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Les principes directeurs des Nations Unies énoncent les obligations de respecter les droits de l’homme incombant aux acteurs du secteur privé qui, pour bon nombre, sont des acteurs des médias et d’Internet.1

L’efficacité d’une loi dépend souvent de l’existence d’une volonté politique et d’une capacité concrète pour sa mise en œuvre. Ces conditions varient d’un pays à l’autre. Dans le même temps, la nature transfrontalière des communications par satellite et de l’Internet pose de nouveaux défis aux juridictions nationales, aux États et aux autres acteurs, tels que les entreprises d’Internet et les médias transnationaux. La prise en compte des cas de non-respect des droits humains universels s’impose également pour déterminer si la mise en œuvre de la loi est acceptable et réalisable. Si le droit à la liberté d’expression implique le droit de recevoir et de répandre les informations, sans considération de frontières, il se heurte de plus en plus à des revendications de souveraineté dans un monde connecté. Conceptualisation de la liberté de la presse

Pour l’UNESCO, la liberté de la presse et le droit d’accès à l’information sont les corollaires du droit plus général à la liberté d’expression et d’opinion. L’état de la liberté de la presse désigne l’usage qui est fait du droit à la liberté d’expression sur les plates-formes des médias publics. En raison de sa visibilité et de l’importance

1 Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme : mise en œuvre du cadre de référence « protéger, respecter et réparer » des Nations Unies. Haut-Commissariat aux droits de l’homme, New York et Genève. 2011. http://www.ohchr.org/ Documents/Publications/GuidingPrinciplesBusinessHR_FR.pdf

20 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 qu’elle revêt sur le plan social, la liberté de la presse constitue un indicateur du droit plus général à la liberté d’expression. La liberté de la presse ne se limite pas aux institutions de médias, pour importantes qu’elles soient en tant qu’utilisatrices et symboles de la liberté d’expression (et sujet majeur des recherches menées dans le cadre du présent rapport). Plus fondamentalement, la liberté de la presse désigne pour chaque personne ou organisation la liberté de s’exprimer sur les plates-formes médiatiques afin d’atteindre le public.

Dans ce contexte, le concept de « médias » ne se limite pas aux institutions de médias traditionnels ni même aux médias d’information classiques. Pour cette raison, dans le cadre du présent rapport, les questions relatives à la liberté, au pluralisme, à l’indépendance des médias ainsi qu’à la sécurité et au genre s’appliquent à l’ensemble des intermédiaires qui interviennent dans les processus de communication publique, des producteurs de contenus et des publics visés, c’est-à-dire les médias proprement dits, mais aussi tous les autres acteurs de l’Internet public, qu’il s’agisse d’institutions, d’individus ou d’entités.

La liberté de la presse va nécessairement de pair avec la liberté des médias, mais, comme l’indique la Déclaration de Windhoek qui a été approuvée par la Conférence générale de l’UNESCO en 1991, le concept va beaucoup plus loin. Ainsi que le souligne la Déclaration, pour être effective, la liberté de la presse ne peut s’exercer que dans un environnement où la liberté des médias est garantie en droit et en pratique et où, de surcroît, le pluralisme et l’indépendance des médias sont assurés. La liberté de la presse comprend donc l’absence de toute restriction illégitime, de même que la liberté de choisir parmi une pluralité de médias et la liberté de s’exprimer en public sans subir de pressions politiques ou commerciales. L’expression publique dans des conditions de sécurité s’est peu à peu imposée comme un autre élément fondamental d’une presse libre. La nécessité d’aborder tous les aspects de la liberté de la presse à travers le prisme du genre s’est par ailleurs progressivement enracinée dans les esprits.

Cette conceptualisation multidimensionnelle offre la possibilité de rendre compte de l’interdépendance des quatre piliers de la liberté de la presse (liberté, pluralisme, indépendance et sécurité). L’état de la liberté des médias est, à l’évidence, déterminant pour le pluralisme et l’indépendance des médias ; sans liberté des médias, pluralisme et indépendance sont inenvisageables. La liberté des médias permet d’observer la liberté de la presse « d’en haut » tandis que, si l’on se place du point de vue de l’indépendance, on peut prendre la mesure de l’importance des modèles ascendants, en particulier la défense de la liberté par le plaidoyer et l’adhésion aux normes professionnelles du journalisme. Pour que la société puisse tirer profit d’informations conformes à des normes professionnelles et à un processus décisionnaire éthique, l’indépendance doit être un élément indispensable du paysage médiatique pluraliste.

De la même façon, il est évident que le pluralisme des médias conditionne l’état de la liberté et de l’indépendance des médias. Les monopoles, qu’il s’agisse de médias d’État ou de médias privés, entravent la liberté des médias dans la mesure où ils excluent tout nouvel acteur potentiel. Ils risquent, en outre, de restreindre la diversité des informations diffusées auprès du public. Même lorsque la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias existent, ces dispositions restent vaines si la sécurité des participants n’est pas garantie.

Les femmes ont le droit de contribuer sur un pied d’égalité à tous les aspects de la liberté de la presse en jouant, par exemple, un rôle d’acteur dans la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias comme dans la sécurité. Il va de soi que la liberté de la presse perd beaucoup de son sens en raison des inégalités de genre qui peuvent affecter l’un de ses quatre piliers.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 21 Introduction

Conçue dans cette perspective globale et attentive à l’égalité des genres, la liberté de la presse est particulièrement importante pour le journalisme, qui constitue un exercice public de la liberté d’expression conformément à des normes professionnelles sur la production d’informations vérifiables et de commentaires avisés dans l’intérêt du public. La diversité des pratiques journalistiques et de la chaîne qui les appuie se déploie dans ce cadre d’expression, en ligne, hors ligne ou les deux. Le journalisme peut intégrer un large éventail de récits reflétant différentes tendances politiques ou autres, allant jusqu’à estomper les frontières entre différentes formes de communication comme la publicité, la fiction ou la propagande. Le journalisme est une forme spéciale d’utilisation de la communication qui est absolument fondamentale pour le développement et la démocratie. Tous les utilisateurs de la liberté de la presse ne produisent pas de journalisme en tant que tel, mais la liberté des médias s’applique tout autant à eux.

Le journalisme revêt un caractère essentiel pour les institutions de médias d’information, quel que soit le support utilisé (presse écrite, radiodiffusion par câble, signal terrestre ou satellite, Internet). Mais il comprend également un ensemble élargi d’acteurs au sein d’un système de participation distribué. Tous les producteurs de contenus journalistiques ne sont pas des journalistes au sens professionnel du terme. Cependant, tout journalisme peut être en butte à des réactions d’hostilité émanant d’éléments qui préfèrent l’ombre à la lumière, de sorte que tous les acteurs qui contribuent à cette forme de communication méritent une attention particulière en bénéficiant d’une protection correspondant à leur forme d’expression spécifique.

C’est la raison pour laquelle l’UNESCO s’intéresse tout particulièrement à ceux qu’elle décrit comme des « journalistes, des professionnels du secteur des médias et des responsables de médias sociaux qui sont à l’origine d’une quantité significative de contenu médiatique d’intérêt public. » On retrouve cette même formulation dans la stratégie de mise en œuvre du Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité.2 Le Plan d’action des Nations Unies lui-même précise explicitement que « la protection des journalistes ne doit pas se limiter à ceux qui sont officiellement reconnus comme tels mais aussi bénéficier à d’autres personnes, dont les travailleurs des médias communautaires et les journalistes citoyens et autres personnes qui peuvent se servir des nouveaux médias pour atteindre leurs publics ». Cette volonté d’intégration est au cœur du sens donné au terme « journaliste » dans la présente étude.

La liberté de la presse sous ses multiples aspects sensibles au genre, liberté des médias, pluralisme, indépendance et sécurité, renforce la paix ainsi que les processus de la démocratie et du développement. La liberté de s’exprimer sans crainte et la possibilité de s’informer librement des affaires publiques sont les conditions nécessaires de ces bienfaits pour la société. En tant que telle, la liberté de la presse contribue à garantir la participation, la transparence et la responsabilité, d’où la valeur que constitue pour la société l’accès à des médias libres et l’importance que revêt la multiplicité des choix en matière d’information et de communication, et ce grâce au pluralisme. Cette optique souligne plus avant le caractère essentiel de l’indépendance éditoriale à l’égard de l’État ou des propriétaires privés, ou de toute autre influence externe, et le rôle de l’obligation pour les journalistes de respecter les normes d’éthique professionnelle qui déterminent la qualité des informations accessibles.

2 http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/CI/CI/pdf/official_documents/Implementation_ Strategy_2013-2014_01.pdf

22 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Approfondissement des concepts

À l’instar de la première édition des Tendances mondiales, un exposé plus détaillé de chacun des concepts de liberté, d’indépendance, de pluralisme des médias et de sécurité des journalistes fait office de préambule à une analyse des tendances en matière de liberté d’expression et de développement des médias.

La place centrale donnée au concept de liberté des médias fait ressortir l’importance d’examiner le rôle de l’État et plus précisément l’environnement législatif et réglementaire. La liberté des médias doit être garantie en droit et en pratique. Elle comprend l’existence et la mise en œuvre de lois sur la liberté d’information et la transparence, de même que l’absence de restrictions disproportionnées de la liberté de parole, comme il en existe dans les lois favorisant les poursuites pour diffamation au pénal (à la différence des poursuites pour diffamation au civil). Ce concept de liberté des médias s’applique aux cas de censure ou d’interdiction et de blocage des médias, mais aussi à l’utilisation d’autres lois visant des médias et des personnes qui font œuvre de journaliste dans le but de restreindre la liberté d’expression de façon arbitraire, autrement dit par des moyens ou pour des objectifs qui ne sont pas sanctionnés par les normes internationales.

Comme on l’a noté précédemment, ne sont justifiables que les limitations juridiques de l’expression qui sont nécessaires et proportionnées à des objectifs d’intérêt public, par exemple la protection des droits d’autrui ou de la sécurité publique. De nombreuses restrictions constituent néanmoins une forme de censure dans la mesure où elles dépassent le seuil des restrictions et ne font pas figure de moyen le moins intrusif de limiter la liberté d’expression.

L’unanimité se fait aujourd’hui autour de ce que la liberté des médias passe aussi par le respect du droit à la vie privée, lequel renvoie, à son tour, à la protection de la confidentialité des sources des journalistes. Les législations trop générales sur la sécurité, les lois disproportionnées sur la rétention des données et les actes de surveillance arbitraire peuvent avoir des conséquences préjudiciables sur la vie privée et la confidentialité.

Le deuxième pilier essentiel pour analyser la liberté de la presse est le pluralisme des médias. Il concerne plus particulièrement l’économie des médias et la question de la propriété, de même que la régulation et ses effets sur la concentration, la centralisation et la monopolisation d’entreprises dans le domaine des communications. Les diverses formes de propriété, qu’elle soit d’entreprise, politique ou oligarchique, tout comme la montée en puissance de géants de l’Internet, sont autant de facteurs à considérer. Un autre indicateur du pluralisme est la dynamique commerciale des médias, notamment parce qu’elle modifie la représentation des différents groupes de la société par les médias et leur participation aux activités médiatiques et qu’elle a une incidence sur la diversité des contenus journalistiques. Le pluralisme renvoie aussi aux contenus générés par des utilisateurs. Dès lors, il faut en parallèle considérer l’accès du public à une grande diversité de fournisseurs de plates-formes et d’outils de communication comme de contenus, y compris des contenus sensibles à la dimension de genre.

L’indépendance des médias désigne le modèle de fonctionnement des médias (les formes de régulation et/ou d’autorégulation par exemple) selon que l’indépendance éditoriale constitue, ou non, la logique fondamentale qui sous-tend la production de contenus conformément à l’éthique professionnelle et aux protocoles du journalisme. L’indépendance implique la liberté d’agir sans ingérence politique ou commerciale. Cependant, plus que l’absence de pressions, l’indépendance qualifie aussi la valeur que représente pour la société l’adhésion volontaire à la déontologie du journalisme, notamment la vérification,

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 23 Introduction

la confidentialité des sources lorsque les circonstances l’exigent, l’équité et le souci de l’intérêt public. L’autonomie professionnelle des personnes qui font œuvre de journaliste ainsi que des instances de régulation ou d’autorégulation présentent un intérêt tout particulier. En outre, l’environnement que forment les organisations non gouvernementales liées aux médias et les établissements de formation au journalisme contribue à l’indépendance. Le degré d’éducation aux médias et à l’information, qui permet aux citoyens d’avoir une vision positive de la liberté de la presse et renforce leur confiance dans les médias, est également un indicateur de l’indépendance. L’effet cumulé de faibles niveaux d’éducation aux médias et de confiance et d’actions qui sapent la légitimité des médias peut bouleverser la norme même en matière d’indépendance.

La sécurité des journalistes, qui est le quatrième pilier de l’analyse, est un sujet transversal. Il ne peut y avoir de liberté des médias sans sécurité, pas plus qu’il ne peut y avoir d’indépendance ou de pluralisme dans un environnement où les journalistes vivent dans la crainte de faire leur métier. Or, l’insécurité grandit, semble-t-il, partout dans le monde pour ceux qui exercent la profession de journaliste. Les questions de sécurité mettent plus spécialement en évidence la responsabilité qui échoit à l’État de protéger la liberté des médias et de veiller à ce que les crimes commis à l’encontre des personnes qui pratiquent le journalisme ne restent pas impunis. L’implication des divers groupes de parties prenantes (différentes branches de l’État, propriétaires de médias, professionnels des médias, groupes de la société civile, universitaires, organes intergouvernementaux par exemple) dans le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité fait partie intégrante de l’analyse globale de la sécurité. L’emprisonnement arbitraire motivé par la pratique du journalisme est un indicateur associé reconnu par la Commission de statistique de l’ONU, au même titre que les rapts et les enlèvements. Les aspects psychologiques et numériques de la sécurité sont également à prendre en compte.

Les éléments qui forment la toile de fond de l’analyse présentée dans cette étude -­ liberté, pluralisme, indépendance et sécurité - se conjuguent pour dégager différents aspects de la liberté de la presse dans une grande variété de sociétés et de contextes. Les configurations politiques, les aléas historiques et les modèles économiques influent, entre autres facteurs, sur chaque élément de l’équation et sur la situation dans son ensemble. Toutefois, pour l’analyse de tendances, il faut partir de l’idée que la diversité doit s’accorder avec les normes internationales universelles garantissant la liberté d’expression.

L’égalité des genres est un sujet transversal essentiel qui, compte tenu de son incidence sur la liberté, le pluralisme, l’indépendance et la sécurité, est traité dans chacun des quatre piliers. Chaque chapitre attache, par conséquent, une importance particulière à la question de l’expérience des femmes journalistes et de la représentation des femmes plus généralement.. Contexte technologique, social et politique

Le monde traverse depuis quelques années une époque tumultueuse, jalonnée de bouleversements politiques et de changements sociaux profonds qui ont transformé le paysage de la liberté de la presse. Plusieurs problématiques transversales ont modelé et influencé les tendances en matière de liberté, de pluralisme et d’indépendance des médias et de sécurité des journalistes ainsi que les dynamiques de genre à l’œuvre dans chacun de ces domaines. Les médias en ligne et plus spécialement les médias sociaux demeurent des sources d’information et d’opinion majeures pour de nombreux citoyens du

24 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 monde entier. La convergence technologique est devenue un facteur d’imprévisibilité pour les médias traditionnels et a offert de nouvelles possibilités d’expression et de censure.

Avant l’apparition des médias sociaux, le filtrage des contenus a, dans une large mesure, été réalisé par des intermédiaires traditionnels (presse écrite, radio et télévision). Il était admis que, pour garantir la liberté des médias, ces institutions traditionnelles devaient agir (ou prétendre le faire) au nom de l’intérêt public. Elles faisaient office de « gardiens ». D’aucuns objectent à bon droit qu’un grand nombre de ces intermédiaires se sont plus attachés à préserver des intérêts particuliers qu’à défendre l’intérêt public. Sans aller jusqu’à parler de violation de la liberté d’expression, on peut considérer qu’ils n’ont ni respecté les normes du journalisme professionnel ni assumé leur mission de service public en tant que tel.

Dans cet univers médiatique déjà complexe, l’Internet a rapidement éclipsé les médias traditionnels et leur fonction habituelle d’intermédiaires, voire d’entités pouvant être assujetties au contrôle et à l’influence de l’État. Une grande partie du débat sur le rôle de Facebook et de Google dans le filtrage ou le retrait de contenus (concernant l’extrémisme et les discours de haine, la violence à l’égard des femmes, les « fausses nouvelles » et les contenus jugés indésirables par un État) tourne autour de la place de ces nouveaux intermédiaires plus que des médias traditionnels. En l’espace de cinq ans, la situation a évolué. Le principe de la responsabilité limitée des entreprises de l’Internet ne fait plus l’unanimité, et les appels à renforcer le rôle de médiation et de gardien des intermédiaires tendent au contraire à se multiplier.

Face à ces mutations, les principes de nécessité et de proportionnalité qui sont fondamentaux dans le cadre de l’analyse de l’article 19 s’appliquent de manière très différente lorsque des grandes plates- formes négocient avec les pouvoirs publics et prennent des décisions privées d’avis et de retrait. Les processus décisionnels privés, qui sont souvent automatisés et laissent peu de place à l’intervention humaine, et les décisions prises sur la base d’accords relatifs aux conditions de service plutôt qu’en vertu de lois dûment adoptées et conformes au droit international des droits de l’homme, supplantent peu à peu les pratiques traditionnelles d’élaboration et d’application des normes.

Les avancées technologiques liées à l’essor d’acteurs économiques majeurs renvoient à ce qui a été qualifié par Ithiel de Sola Pool en son temps de « technologies de la liberté »3 et qui, aux yeux de certains observateurs contemporains, s’apparentent davantage à des technologies de contrôle. Dépassant cette ambiguïté, il est manifeste que les technologies changent la donne et rendent nécessaire d’ajuster les politiques existantes et d’en introduire de nouvelles. En réponse, des États se sont mis en quête de nouveaux moyens de faire valoir leur autorité et leur pouvoir sur des communications qui semblent être de nature transnationale mais qui, pour nombre d’entre eux, ont des répercussions nationales sur les citoyens comme sur les politiques. Les tendances en la matière divergent. Dans la majorité des régions du monde, la tendance est à l’extension de la domination de grandes entreprises mondiales qui transcendent l’État régulateur et de modèles d’autorégulation en concertation avec les gouvernements.

3 de Sola Pool 1983.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 25 Introduction

Plus rarement, la réaffirmation de la souveraineté coexiste avec des tentatives d’incorporation des plates-formes dans le droit interne, le tout allant dans le sens d’un contrôle rigoureux des médias locaux traditionnels. Dans ce dernier cas, les fournisseurs de service Internet sont soit détenus ou contrôlés par l’État, soit entre les mains d’entreprises proches du pouvoir, et la localisation de données est prescrite par la loi. Mais, qu’il s’agisse de la première ou de la seconde tendance, des gouvernements ont autorisé de puissantes instances de régulation à retirer des sites Internet et à fermer l’accès à l’intégralité du réseau de l’Internet.

Dans ces contextes changeants, la liberté des médias est étroitement liée au pluralisme et à l’indépendance. En témoigne l’apparition de nouveaux acteurs du côté de l’offre, par exemple des individus, groupes, institutions qui communiquent hors média et n’aspirent à aucune norme journalistique professionnelle ou encore des acteurs délibérément malveillants qui se livrent à la désinformation pour des raisons commerciales, politiques ou sociales. Du côté de la demande, la configuration du public a évolué, les citoyens devenant souvent des points de données pour des interactions algorithmiques qui agissent parfois comme des médias en générant ou partageant des contenus et qui sont de plus en plus en relation avec des fournisseurs prêts à réagir instantanément aux invites et aux clics.

L’évolution vers une société fondée sur les données allant en s’accélérant, le rapport traditionnel entre l’émetteur et le récepteur d’informations s’est profondément transformé. Dans ce type de société, obtenir la communication de données personnelles à l’insu de l’intéressé ou contre sa volonté est un aspect essentiel de nombreuses transactions. À la faveur de cette masse de données globales et intégrées, il est possible d’effectuer des analyses stratégiques et de définir les mesures qui en découlent sans le consentement formel du sujet. La logique qui est à l’œuvre ici est, là encore, le passage généralisé d’un modèle de transmission et de réception vers un contexte de surveillance active et de manipulation des interactions.

Si l’on se place sous l’angle d’une économie politique de la communication en mutation qui déborde le cadre de l’État, de nouvelles tendances se dessinent en ce qui concerne la paracensure et des modalités similaires à une surveillance. Cette dynamique dictée par les données réduit la capacité des individus de façonner et de maîtriser leur environnement d’information et tend à concentrer le pouvoir entre les mains des pouvoirs publics et des grands intermédiaires de l’Internet et des médias.

Tandis que les nouvelles technologies des médias s’enracinent progressivement dans la vie quotidienne, la complexité et l’opacité de leurs rouages internes ne cessent de se renforcer. Par conséquent, pour appréhender la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias, il devient nécessaire de comprendre les architectures techniques sur lesquelles reposent la production et l’échange d’informations. L’intelligence artificielle prend aussi une importance grandissante. Tous ces éléments ont une incidence sur les fondements de la liberté de la presse et les droits et limites inhérents à ce concept, comme on le verra dans cette troisième édition des Tendances mondiales.

26 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Inégalités et publics

La fourniture d’une connectivité sous-jacente demeure un aspect central de l’accès des populations, de leur droit de chercher, recevoir et répandre des informations et du respect de leur vie privée. Des efforts considérables sont déployés pour connecter à l’Internet ceux qui ne le sont pas encore, particulièrement dans les pays de l’hémisphère sud. Comme cela est souligné dans les Objectifs de développement durable définis par l’Organisation des Nations Unies, la connectivité par les TIC est un formidable accélérateur du développement, et l’objectif de la connectivité universelle est fixé à l’horizon 2020. Selon les estimations, 35 % des habitants des pays en développement ont aujourd’hui accès à l’Internet et, dans les pays les moins avancés, ce pourcentage n’est plus que de 10 %4. La connectivité n’est, pourtant, qu’un volet de la lutte contre les inégalités numériques. L’accessibilité mesurée à l’aune de l’offre linguistique en est un autre, tout comme le niveau de compétences des utilisateurs. L’optimisme qu’a suscité l’essor initial de l’Internet dans le monde, du temps où l’on se félicitait des nouvelles technologies de la communication et des nouveaux espaces de liberté des médias et possibilités élargies à tous qu’elles ouvrent en réduisant les inégalités préexistantes et en permettant aux individus de mener une vie meilleure et pleinement satisfaisante, a vécu. Il a fait place à une plus grande prudence, doublée de la nécessité de mieux comprendre la relation qui existe entre l’usage des médias et ses effets au quotidien.

Comme on le voit tout au long de cette étude, l’accès à une pluralité de plates-formes et de contenus médiatiques s’est considérablement amélioré entre 2012 et 2017. Toutefois, en dépit de ces avancées, les inégalités déjà existantes ont persisté et continué de se creuser dans la plupart des régions. Certes, les recherches sur les causes et les conséquences de l’aggravation du fossé entre les riches et les pauvres ont progressé, mais les études consacrées au lien entre les inégalités et l’utilisation des médias sont encore peu nombreuses et essentiellement exploratoires.

Les recherches provenant de pays en voie d’atteindre la « saturation numérique », c’est-à-dire dont la quasi- totalité des habitants ont accès à l’Internet, montrent que, même là où il semble que le combat contre la fracture numérique a été gagné, les inégalités préexistantes fondées sur la richesse, l’éducation, le revenu, le genre et la race sont pour beaucoup un obstacle insurmontable et les empêchent de transformer le potentiel qu’offrent les nouvelles technologies en effets positifs hors ligne. Ces recherches apportent, en outre, un éclairage intéressant sur les tentatives de créer des services Internet à deux niveaux ou multi-niveaux, comme cela est analysé dans ce rapport..

Conflits et extrémisme violent

Dans les zones de conflit et dans les pays en transition, la liberté de la presse est mise à mal de façon bien particulière. Depuis 2012, la situation s’est aggravée dans plusieurs régions en proie à un conflit violent. Outre des effets préjudiciables sur la liberté des médias, de nombreux médias ont été instrumentalisés pour servir d’arme dans des conflits. Dans les États qui se sont efforcés de parvenir à une stabilité négociée, la question s’est posée de savoir si les médias pouvaient devenir une plate-forme de paix après avoir été un facteur de polarisation. Dans certaines régions, les menaces de violences en période électorale ou post-électorale et

4 http://www.un.org/sustainabledevelopment/blog/2015/09/billions-of-people-in-developing-world-still-without-internet- access-new-un-report-finds/

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 27 Introduction

les mesures prises pour tenter de les neutraliser ou de les endiguer ont, à des degrés divers, porté atteinte à la liberté des médias. La liberté, le pluralisme, l’indépendance des médias, comme la sécurité, pâtissent systématiquement d’un contexte de conflit.

L’attitude à adopter face aux discours qui incitent à la violence, cherchent à recruter pour le compte de l’extrémisme et contribuent à alimenter et prolonger un conflit a été un autre sujet important de débat au cours de la période étudiée. La collaboration se renforce entre les États et les grandes entreprises technologiques pour permettre le contrôle et le retrait des contenus qui encouragent le terrorisme. Face aux attaques, certains responsables politiques ont adopté une position ferme, sommant les États et les entreprises technologiques de prendre des mesures plus vigoureuses pour lutter contre le risque supposé de radicalisation d’individus en ligne, même lorsque la preuve théorique d’un lien est ténue5. Tout en s’opposant publiquement aux pressions en faveur d’un contrôle de ces contenus sur la Toile, les entreprises investissent de plus en plus dans le retrait automatisé de contenus postés ayant potentiellement une relation avec des actes terroristes. À l’occasion d’un guide interne consacré à l’évaluation de propos dangereux par les entreprises, un débat s’est engagé sur la difficulté de définir ces propos et sur la menace qu’une plus grande ingérence des entreprises en la matière peut faire peser sur la liberté d’expression. La censure collatérale d’un reportage d’actualité sur le terrorisme en est un exemple, de même que la participation à la mise en place de régimes de censure qui font délibérément l’amalgame entre le journalisme et le terrorisme. Toute la question est de savoir si l’autorégulation des entreprises de l’Internet respecte l’indépendance des médias et s’appuie elle-même sur les principes du journalisme professionnel.

Les États comme les entreprises n’ont guère porté attention à l’autonomisation des utilisateurs, notamment à l’éducation aux médias et à l’information et aux moyens qu’elle procure de lutter contre les « discours haineux », le « harcèlement en ligne » et les « fausses nouvelles ». Néanmoins, promouvoir ces compétences pour maîtriser le pluralisme des médias où émergent ces formes d’expression s’impose de plus en plus comme un impératif.

Dans toutes les régions, des gouvernements et des dirigeants renforcent la surveillance et restreignent la liberté d’expression au nom de la sécurité nationale, mettant ainsi en péril le respect de la vie privée et la liberté des médias. Trouver un juste équilibre, compatible avec les normes internationales, est rare. La sauvegarde de la sécurité nationale est aussi invoquée dans le cadre d’un recours croissant aux pannes ou aux arrêts de service Internet, les gouvernements prenant la décision de fermer certaines plates-formes grand public, voire de bloquer l’accès à l’intégralité du réseau Internet. Ces pratiques coïncident souvent avec des événements politiques majeurs, tels que des élections ou des troubles généralisés, et le pluralisme des médias est alors présenté comme une menace pour l’ordre public. Dans ce contexte, le concept d’universalité de l’Internet élaboré par l’UNESCO invite à réfléchir sur la bonne articulation de l’équilibre des droits avec les principes qui prônent un Internet ouvert, accessible à tous et nourri par la participation d’acteurs multiples.

Migrations forcées et crise des réfugiés

Depuis 2012, les mouvements et les migrations de populations humaines qui, souvent, fuient des conflits et les violations des droits de l’homme qui les accompagnent, se sont accélérés. Si les migrations à destination des pays plus riches du Nord ont été fortement médiatisées et d’une ampleur sans précédent, les réfugiés et les migrants forcés sont plus nombreux dans les régions affectées par un conflit et dans les pays voisins. Ces situations soulèvent des questions importantes sur la couverture des sujets relatifs aux migrations dans

5 Alava, Séraphin, Divina Frau-Meigs, and Ghayda Hassan. 2017. Youth and Violent Extremism on Social Media. Collection UNESCO sur la liberté de l’Internet. Paris : UNESCO. Disponible à

28 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 les médias et sur la façon dont les voix des marginalisés sont représentées et dont les gouvernements et les entreprises traitent les discours de haine et les propos extrémistes envers des groupes de personnes. Leurs conséquences sur le pluralisme, l’indépendance et l’égalité des genres dans et à travers les médias et, plus généralement, sur le développement des médias sont loin d’être négligeables et justifient d’être analysées dans cette étude. Structure du rapport

Le présent rapport de la série Tendances mondiales a été élaboré à partir d’études relatives aux différentes régions de l’UNESCO qui font l’objet de publications distinctes. En annexe figure la liste de ces régions et des États qui la composent. Des équipes d’analystes se sont réunies pour rendre compte des tendances observées dans leurs régions respectives. Un comité consultatif formé d’experts régionaux ou de spécialistes thématiques a été mis en place pour assurer un soutien et une lecture critique (liste de ses membres en annexe).

Cette étude globale présente la synthèse des tendances régionales qui se dégagent des recherches menées à ce titre. Elle rend également compte de tendances mondiales et de tendances moins visibles au niveau régional. De par la période qu’elle couvre, il a été nécessaire d’examiner à la fois des études et des rapports universitaires déjà rendus publics et de recouper les informations tirées de données crédibles et d’autres rapports. Le réseau de rapporteurs spéciaux internationaux, ainsi que des institutions comme la Cour européenne des droits de l’homme et la Commission interaméricaine des droits de l’homme ont aussi constitué des sources d’information importantes.

Les chercheurs se sont heurtés à plusieurs difficultés. Avec les études secondaires, par exemple, un inconvénient fréquent est le manque d’homogénéité des bases de données (les pays étudiés dans un rapport n’étant pas les mêmes dans un autre rapport). Certaines régions disposent d’un grand volume de données, d’autres non. La comparaison de régions étendues et composées de pays très disparates aboutit souvent à des résultats divergents qui font ressortir des inégalités plutôt que des tendances communes. Il a malgré cela été possible de mettre au jour aussi bien des analogies que des différences, que ce soit au niveau macro ou au niveau régional.

Compte tenu de la nature même de ce type de métarecherches, les tendances exposées dans le rapport revêtent un caractère plus indicatif que définitif. Elles n’en illustrent pas moins des évolutions cumulatives, voire persistantes. Il est possible, si ce n’est souhaitable, que bon nombre d’entre elles se transforment, surtout si le système de communication doit progressivement servir l’intérêt que porte le monde à la liberté de la presse et à la sécurité des journalistes en tant que composante à part entière du développement durable.s

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 29 Introduction

Conclusion

La promotion de la liberté d’expression, de la liberté de la presse et de la sécurité des journalistes s’inscrit pleinement dans le cadre du programme élargi des Nations Unies en matière de droits de l’homme. Cet objectif prend une résonance particulière en 2018, qui est l’année du 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. La liberté d’expression et le développement des médias sont liés de façon inextricable à la question des droits de l’homme au sens large. Les tendances examinées dans le présent rapport font partie d’un ensemble conceptuel plus vaste, tout en étant façonnées en partie par la situation générale des droits sur le terrain. Les retombées de la liberté d’expression et ses corrélats sur d’autres droits et l’édification d’un avenir durable pour tous les peuples du monde sont d’autres raisons qui expliquent l’importance de cette étude. Les chapitres qui suivent fournissent une cartographie globale qui permet de mettre en correspondance les tendances régionales et nationales et de prendre les mesures correctives nécessaires pour bâtir notre système de communication en vue d’un avenir meilleur.

30 31 Tendances en matière de Pays disposant de lois relatives à la liberté Liberté des médias d’information** 112 104 101 PERSISTANCE DES RESTRICTIONS 97 JURIDIQUES,notamment des lois sur la 91 2016 90 diffamation, l’insulte, le blasphème et le 56 crime de lèse-majesté

2011 2012 2013 2014 2015 2016

RECONNAISSANCE ACCRUE du droit d’accès à l’information du public 18 2015 Nombre de coupures Internet*

AUGMENTATION DES BLOCAGES, du filtrage et des coupures

LES MÉDIAS NUMÉRIQUES ont fait surgir de nouveaux défis pour la vie privée et la protection des sources des journalistes R.O.A.M

LES ÉTATS MEMBRES DE L’UNESCO SE SONT DÉCLARÉS EN FAVEUR DE L’UNIVERSALITÉ LES PRÉOCCUPATIONS LIÉES À DE L’INTERNET, pour un Internet fondé sur LA SÉCURITÉ NATIONALE, les les droits, ouvert, accessible et nourri par la mesures d’état d’urgence et les participation de multiples acteurs lois antiterroristes ont restreint (principes dits « R.O.A.M ») la liberté d’expression

TRANSMISSION RÉCEPTION d’INFORMATIONS : RÉPRIMÉE d’INFORMATIONS : AMÉLIORÉE Sources: *AccessNow. 2017; **freedominfo.org. 2016 Tendances en matière de Pays disposant de lois relatives à la liberté Liberté des médias d’information** 112 104 101 PERSISTANCE DES RESTRICTIONS 97 JURIDIQUES,notamment des lois sur la 91 2016 90 diffamation, l’insulte, le blasphème et le 56 crime de lèse-majesté

2011 2012 2013 2014 2015 2016

RECONNAISSANCE ACCRUE du droit d’accès à l’information du public 18 2015 Nombre de coupures Internet*

AUGMENTATION DES BLOCAGES, du filtrage et des coupures

LES MÉDIAS NUMÉRIQUES ont fait surgir de nouveaux défis pour la vie privée et la protection des sources des journalistes R.O.A.M

LES ÉTATS MEMBRES DE L’UNESCO SE SONT DÉCLARÉS EN FAVEUR DE L’UNIVERSALITÉ LES PRÉOCCUPATIONS LIÉES À DE L’INTERNET, pour un Internet fondé sur LA SÉCURITÉ NATIONALE, les les droits, ouvert, accessible et nourri par la mesures d’état d’urgence et les participation de multiples acteurs lois antiterroristes ont restreint (principes dits « R.O.A.M ») la liberté d’expression

TRANSMISSION RÉCEPTION d’INFORMATIONS : RÉPRIMÉE d’INFORMATIONS : AMÉLIORÉE Sources: *AccessNow. 2017; **freedominfo.org. 2016 Tendances en matière de liberté des médias

34 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Tendances en matière de liberté des médias

Vue d’ensemble

e chapitre décrit les aspects juridiques et réglementaires essentiels de la liberté des médias, tout en Cprésentant une synthèse des principales tendances mondiales et régionales qui ont vu le jour depuis la publication, en 2014, par l’UNESCO de la première édition du Rapport intitulé Tendances mondiales en matière de liberté d’expression et de développement des médias.

Au cours de la période 2012-2017 examinée dans cette étude, les médias ont connu de profonds changements dans de nombreuses régions du monde. Les transformations rapides des structures médiatiques se poursuivent parallèlement à la diffusion accélérée des nouvelles technologies et au rôle toujours croissant des grandes entreprises de l’Internet. Dans ce contexte extrêmement mouvant, les méthodes traditionnelles de régulation des médias ont évolué. Les organismes internationaux, les gouvernements, les tribunaux internationaux et la société civile jouent un rôle de plus en plus important dans l’établissement de normes pour la régulation des médias. Les tendances en matière de liberté des médias qui se dégagent de cette étude mettent clairement en lumière la revendication de pouvoir d’ingérence de l’État dans les affaires des médias et la dynamique de transformation véhiculée par de puissantes entreprises d’Internet. Ces progrès de l’Internet sont, à l’évidence, d’une grande portée ; ils ne doivent pas pour autant faire oublier la prépondérance durable des médias d’information par-delà la plate-forme de publication.

Les perturbations successives qui ont marqué la période considérée sont liées à des bouleversements politiques, à la radicalisation, à l’extrémisme violent et aux peurs qu’ils engendrent et ont contribué à restreindre la liberté des médias. L’origine de ce recul de la liberté des médias réside sans doute en grande partie dans les inquiétudes ressenties face à la diffusion de messages dissidents, aux activités que les autorités nationales qualifient de propagande antigouvernementale ou terroriste et aux tentatives de contrôle de l’État sur les contenus en ligne. Suite à la profusion de producteurs de contenus médiatiques en ligne, la définition même du journalisme n’a cessé d’être examinée et étoffée durant cette période, la régulation par l’État couvrant une plus grande catégorie d’acteurs.

Dans maintes régions du monde, l’opinion publique a le sentiment d’une régression de la liberté des médias. Un sondage réalisé en 2015 par l’Institut Gallup dans 131 pays de toutes les régions du monde montre que « dans bien des pays, les habitants ont, non pas davantage mais moins tendance à déclarer que leurs médias jouissent d’une grande liberté1 ». Alors qu’en 2012, 67 % des habitants des pays concernés indiquaient que le degré de liberté des médias dans leur pays était satisfaisant, ce pourcentage était tombé à 61 % en 20152 ,

1 Crabtree 2016. 2 Ibid. 35 Tendances en matière de liberté des médias

demeurant inchangé l’année suivante3 . Bien qu’elle soit perçue comme menacée, la liberté de la presse n’en est pas moins une valeur reconnue dans le monde entier. D’après une enquête conduite en 2015 par le Pew Research Center, « la majorité des habitants de la quasi-totalité des 38 pays étudiés déclare qu’il est plutôt important de vivre dans un pays qui respecte la liberté d’expression, la liberté de la presse et la liberté sur l’Internet »4 .

Dans cet environnement complexe, plusieurs tendances se dessinent : durcissement des formes classiques de restriction de la liberté des médias (censure, mesures juridiques) dans certaines régions, instauration de nouvelles restrictions au titre de la sécurité nationale et de la lutte antiterroriste, multiplication des perturbations générales (par exemple, arrêts de service Internet), renforcement des pratiques de surveillance et attention aux questions liées au respect de la vie privée et à la cybersécurité qui portent atteinte à la liberté des médias. Dans le même temps, le droit d’accès public à l’information et le droit à la vie privée sont progressivement mieux reconnus, et des efforts concertés sont déployés en vue de consolider les mécanismes de l’Internet capables de promouvoir un système propice à la liberté des médias. Le concept de liberté des médias

Le concept de liberté des médias peut s’entendre comme la liberté de publier et diffuser des contenus sur des plates-formes médiatiques. Pour de nombreuses organisations comme pour tout individu qui cherche à toucher un public, par le biais des médias sociaux par exemple, cette liberté est indispensable. De plus, elle est particulièrement essentielle pour les médias d’information et pour quiconque fait du journalisme en raison de l’incidence de leurs publications sur le pouvoir. Mais toute restriction de la liberté des médias peut avoir un impact sur l’ensemble des acteurs qui utilisent cette dimension publique du droit à la liberté d’expression. Préserver la liberté des médias et la faire progresser est crucial pour édifier une société plus démocratique.

La liberté des médias, outre qu’elle n’est jamais acquise d’avance, est chaque jour plus fragile. Comment interpréter les tendances observées à cet égard ? La liberté des médias dépend de l’environnement politique, judiciaire et réglementaire qui fixe le cadre opérationnel des journalistes et des organes de presse. Les dispositions législatives relatives à la liberté d’expression et les modalités de leur transposition dans la pratique sont, par conséquent, des indicateurs clés de la liberté des médias. Dès lors, il est possible d’évaluer la liberté des médias à l’aune des restrictions qui entravent l’expression publique au-delà des normes internationales reconnues, telles que l’obligation faite aux journalistes de détenir une licence, l’interdiction, le blocage et le filtrage arbitraire des médias, ou encore les interruptions d’accès à l’Internet. L’existence et l’application de lois sur la diffamation qui reviennent à une pénalisation des affaires d’ordre civil et peuvent donc paraître disproportionnées par rapport aux normes internationales sont un autre indicateur de la liberté des médias. D’autres types de lois, comme les lois relatives au crime de lèse- majesté par exemple, souvent jugées incompatibles avec la liberté des médias, sont aussi à prendre en compte. Le degré de protection accordé aux lanceurs d’alerte et le respect de la confidentialité des sources journalistiques (généralement reconnus l’un et l’autre comme un impératif d’intérêt public pour la révélation d’informations sur la corruption et les abus) sont d’autres aspects juridiques importants. Le champ défini et couvert par différentes lois, comme les lois relatives à la sécurité nationale et aux propos haineux, a également des répercussions sur la liberté des médias. Il est, de surcroît, pertinent d’analyser les garanties qu’offre la loi du droit d’accès à l’information et les conditions de leur respect dans la pratique.

3 Crabtree 2017. 4 Wike and Simmons 2015.

36 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Plus large que celui de liberté des médias, le concept de liberté de la presse désigne un écosystème dans lequel la liberté s’accompagne des conditions qui rendent possible le pluralisme des médias, l’indépendance, la sécurité et l’égalité des genres (thèmes abordés dans les chapitres suivants de la présente étude). Dans une société sans liberté des médias, l’indépendance ou le pluralisme des médias n’est guère envisageable, même si la liberté en soi n’est pas une condition suffisante pour ces autres éléments de l’écosystème qui composent la liberté de la presse. Il existe, par ailleurs, une interdépendance entre la liberté des médias et la sécurité de ceux qui pratiquent le journalisme, comme on le verra dans le chapitre4. Cette démarche globale d’évaluation de la liberté de la presse est à la base des Indicateurs de développement des médias de l’UNESCO5 , qui ont été utilisés pour faire le point de la situation des médias dans plus de 20 pays à ce jour.

Dans ce cadre élargi, la liberté des médias est au cœur de la Journée mondiale de la liberté de la presse qui est célébrée chaque année à travers le monde sous l’égide de l’UNESCO dans le but de promouvoir l’importance des normes internationales connexes qui sous-tendent la liberté des acteurs en matière d’expression publique sur toutes les plates-formes médiatiques (voir FONDEMENTS DE LA LIBERTE DE LA PRESSE6 ).

L’état mondial de la liberté des médias se caractérise aujourd’hui par la poursuite des progrès technologiques, l’accentuation de la polarisation politique, la contestation des acteurs non étatiques et les menaces qu’ils font planer sur la sécurité nationale, autant d’éléments qui font surgir de nouveaux enjeux pour la liberté des médias. La capacité de contrôle des citoyens par les États s’est considérablement renforcée et a modifié l’équilibre entre la surveillance et le respect de la vie privée, se doublant d’une prise de conscience accrue de l’incidence qu’elle peut avoir sur la liberté des médias en particulier et sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en général. Les grandes entreprises d’Internet sont désormais des acteurs clés pour la création d’un environnement favorable à la liberté des médias mais, de par leur fonction de surveillance massive des données et leur capacité à définir et imposer de façon unilatérale des conditions de service qui ne respectent pas nécessairement les normes internationales, elles peuvent aussi nuire à la liberté des médias. Si le journalisme reste une pratique de communication spécifique consistant à produire des informations vérifiables et des contenus fiables dans l’intérêt public, la frontière entre les producteurs et les récepteurs de contenus médiatiques est plus poreuse qu’elle ne l’était auparavant. Toute restriction à la liberté des médias, même si elle vise le journalisme et les organes d’information, peut donc aussi être lourde de conséquences pour l’expression publique au sens large, ainsi que pour l’accès de la société à l’information. Restrictions à la liberté des médias

Lois sur la diffamation et autres restrictions juridiques concernant les journalistes

Aujourd’hui encore, la plupart des réformes juridiques relatives à la presse témoignent d’un retour en arrière. Dans la grande majorité des pays, il est vrai, la liberté d’expression est garantie par la constitution mais dans la pratique, les médias sont souvent en butte à des restrictions abusives qui contreviennent aux normes internationales sur les limitations légitimes de la liberté d’expression. Partout dans le monde, les lois sur la

5 UNESCO 2008. 6 Se reporter aux déclarations adoptées par les participants à la conférence internationale annuelle de la Journée mondiale de la liberté de la presse : Déclaration de Paris (2014), Déclaration de Riga (2015), la Finlandia Declaration (2016) et Déclaration de Jakarta (2017). Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 37 Tendances en matière de liberté des médias

Encadré1-1 : Action de l’UNESCO en faveur de la liberté des médias

Institution spécialisée du système des Nations Unies ayant expressément pour mandat de promouvoir la liberté d’expression, l’UNESCO s’attache à créer dans le monde entier un espace juridique et politique propice à la liberté d’expression, la liberté de la presse et l’accès à l’information aux niveaux national, régional et international. Par son action, elle contribue à favoriser :

La consolidation des cadres normatifs nécessaires à la liberté d’expression, la liberté de la 1 presse et l’accès à l’information, ainsi que le renforcement des capacités institutionnelles Inscrite dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030, la cible 16.10 qui appelle à « garantir l’accès public à l’information et protéger les libertés fondamentales » est le fruit des activités de plaidoyer menées à l’initiative du Programme international pour le développement de la communication (PIDC) de l’UNESCO en partenariat avec le Forum mondial pour le développement des médias.

Le concept d’« universalité de l’Internet », approuvé par la Conférence générale de 2015, s’incarne dans quatre principes regroupés sous l’acronyme D.O.A.M. (en anglais R.O.A.M.) qui prônent un Internet (i) fondé sur les Droits de l’homme, (ii) Ouvert, (iii) Accessible à tous et (iv) nourri par la participation d’acteurs Multiples.

En Amérique latine, 5 500 agents du système judiciaire ont suivi des cours de formation en ligne sur les normes internationales en matière de liberté d’expression, et un guide à l’attention des professionnels de la justice a été élaboré. Un programme semblable a été lancé en Afrique.

La sensibilisation aux droits à la liberté d’expression, à la liberté de la presse et à l’accès à 2 l’information Journée mondiale de la liberté de la presse, célébrée le 3 mai de chaque année, qui s’est tenue dans plus de 120 pays en 2017. Les thèmes retenus depuis 2012 pour cette journée sont les suivants : o Les nouvelles voix : la liberté des médias aide à transformer les sociétés (2012) o Parler sans crainte : assurer la liberté d’expression dans tous les médias (2013) o La liberté des médias pour un meilleur avenir : contribuer à l’agenda de développement post-2015 (2014) o Donnons du souffle au journalisme ! Vers une meilleure couverture de l’information, l’égalité des genres et la sécurité des médias à l’ère du numérique (2015) o Accès à l’information et aux libertés fondamentales – C’est votre droit ! (2016) o Des esprits critiques pour des temps critiques : le rôle des médias dans la promotion de sociétés pacifiques, justes et inclusives (2017)

Commémoration mondiale de la Journée internationale de l’accès universel à l’information organisée depuis 2016 sous l’égide de l’UNESCO. En marge de l’édition 2017, 13 pays ont proposé des événements conçus sur le modèle des « Débats du PIDC » 3 La recherche en matière de politiques publiques Plusieurs volumes de la Collection sur la Liberté de l’Internet : o Countering online hate speech (disponible en français : Combattre les discours de haine sur Internet) o Fostering freedom online : the role of Internet intermediaries o and encryption o Principles for governing the Internet (disponible en français : Principes de la gouvernance de l’Internet) o Privacy, free expression and transparency o Protecting journalism sources in the digital age o Survey on privacy in Media and Information Literacy with youth perspectives o What if we all governed the Internet? Advancing multistakeholder participation in Internet governance

Des clés pour la promotion des sociétés du savoir inclusives : accès à l’information et au savoir, liberté d’expression, respect de la vie privée et éthique sur un Internet mondial, fruit d’une consultation internationale multipartite et notamment de la conférence internationale InterCONNECTer les ensembles.

38 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Encadré 1-2 : Lauréats du Prix mondial de la liberté de la presse UNESCO/Guillermo Cano

Lauréats

Les lauréats auxquels est décerné ce Prix ont contribué d’une manière notable à promouvoir la liberté des médias où que ce soit dans le monde, souvent au mépris du danger et dans des contextes de crise. Ils sont sélectionnés par un jury international et indépendant, composé de six membres qui représentent tous les types de médias et sont des personnalités reconnues pour leurs travaux dans le domaine de la collecte d’informations, du journalisme, de la liberté de la presse et de la liberté d’expression.

Ce Prix a été attribué à des journalistes et des activistes, parfois à titre posthume.

1997 - , Chine 2008 - Ribeiro, Mexique 1998 - Christina Anyanwu, Nigeria 2009 - , 1999 - Jesus Blancornelas, Mexique 2010 - Mónica González Mujica, Chili 2000 - Nizar Nayyouf, Syrie 2011 - , 2001 - U , 2012 - , Azerbaïdjan 2002 - Geoffrey Nyarota, Zimbabwe 2013 - , Ethiopie 2003 - , Israël 2014 - Ahmet Şik, Turquie 2004 - Raúl Rivero, Cuba 2015 - , Syrie 2005 - Cheng Yizhong, Chine 2016 - , Azerbaïdjan 2006 - , Liban 2017 - , Érythrée /Suède 2007 - , Russie

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 39 Tendances en matière de liberté des médias

pénalisation de la diffamation, la calomnie, l’insulte, le blasphème et le crime de lèse-majesté continuent à porter gravement atteinte à la liberté des médias7 . Qui plus est, les mesures juridiques et politiques prises afin de lutter contre les discours de haine et ce que l’on appelle les « fausses nouvelles » augmentent le risque de restrictions disproportionnées de la liberté des médias et la possibilité de recours abusif aux restrictions juridiques, comme on l’a vu à maintes reprises avec les dispositions relatives aux « fausses nouvelles » instaurées avant l’ère numérique.

La pénalisation de la diffamation en particulier demeure une entrave persistante à la liberté des médias dans toutes les régions du monde. Le premier rapport Tendances mondiales datant de 2012 souligne que la diffamation constituait toujours une infraction pénale dans 174 pays, en dépit d’une lente évolution en direction de la dépénalisation observée au cours des dernières années8 . Les données disponibles sont incomplètes ; toutefois, des lois pénalisant la diffamation étaient encore en vigueur en 2017 dans 130 États membres au moins. Le Bureau du représentant de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour la liberté des médias indique, dans un rapport publié en 2017 à propos des lois sur la diffamation et contre le blasphème dans ses États membres, que la diffamation est considérée comme une infraction pénale dans près de trois-quarts (42) des 57 États membres de l’OSCE9 . Dans quantité de lois relatives à la diffamation, des dispositions prévoient explicitement des sanctions plus sévères à l’encontre des auteurs de propos ou de publications critiques visant des chefs d’État, des responsables publics, des organes de l’État et l’État lui-même. Ce même rapport note également qu’un tiers environ des pays membres de l’OSCE sont dotés de lois sur le blasphème et sur les propos insultants vis-à-vis de la religion et que, dans bon nombre d’entre elles, le blasphème ou les injures à caractère religieux sont associés à des éléments qui relèvent de la législation sur les discours de haine.

Suite aux campagnes lancées en faveur de la dépénalisation de la diffamation et à diverses décisions de justice historiques, cette tendance s’est poursuivie, notamment en Afrique, où pas moins de quatre États membres ont dépénalisé la diffamation entre 2012 et 2017. En outre, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, statuant dans l’affaire Lohé Issa Konaté c. la République du Burkina Faso, a rendu un jugement qui crée un précédent dans la région contre le recours à l’emprisonnement comme sanction légitime de la diffamation, estimant qu’il s’agissait d’une violation de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du traité de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)10 .

Ces améliorations ne parviennent, cependant, pas à inverser la tendance globalement négative qui se profile dans le monde. Dans toutes les régions, des pays ont adopté des mesures qui vont dans le sens d’une pénalisation de la diffamation en étendant la législation aux contenus en ligne. Les lois sur la cybercriminalité et les lois antiterroristes qui ont été promulguées à travers le monde ont conduit de nombreux blogueurs devant les tribunaux et certains même en prison. En renforçant la capacité des pouvoirs publics de contrôler les contenus en ligne, les progrès technologiques ont encouragé cette tendance. Par ailleurs, dans plusieurs pays, les sanctions pour blasphème et injure à caractère religieux restent en vigueur.

L’ardeur déployée ces dernières années, particulièrement en Europe, pour mettre en place des mesures législatives visant à combattre les discours de haine n’a pas non plus été sans conséquence sur la liberté des

7 UNESCO 2014. 8 Ibid., 29. 9 Griffen 2017. 10 Columbia Global Freedom of Expression 2014

40 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 médias. Dans diverses régions, les lois relatives aux propos haineux sont appliquées au mépris des critères, pourtant largement admis, de nécessité ou de proportionnalité. Les priorités des législations ont changé, mais un certain nombre d’États et d’organismes intergouvernementaux ont clairement tendance à faire pression sur les entreprises d’Internet, comme Facebook, Twitter et YouTube, pour qu’elles se montrent plus coopératives. Un exemple récent l’illustre bien en Europe occidentale où un pays a instauré une législation qui exige des plates-formes du Web le retrait de contenus potentiellement illicites dans les 24 heures sous peine de lourdes amendes11 . Autre exemple : le code de conduite de la Commission européenne destiné à lutter contre les discours illicites de haine en ligne, dont la mise en place a été annoncée en mai 2016 par quatre grandes entreprises d’Internet, appelle les entreprises de technologie de l’information à supprimer ou rendre invisibles les propos haineux illicites dans les 24 heures suivant la notification12 . En l’occurrence, on peut craindre une définition trop vague de la notion de haine dans les conditions de service, le non-respect des principes du Plan d’action de Rabat13 qui exhorte à considérer la probabilité réelle ou l’apparition de violences (voir 1.3.3 ci-après), l’opacité des décisions prises en la matière et le contournement des procédures judiciaires publiques. Informations légitimes et critiques politiques pourraient alors pâtir de la censure automatisée.

La prolifération des « fausses nouvelles », manœuvre délibérée de désinformation déguisée en information, et le rôle des entreprises d’Internet dans leur diffusion ont suscité l’inquiétude de nombreux acteurs soucieux de la qualité du débat public, notamment en période électorale. Il existe plusieurs moyens d’y remédier, par exemple de nouvelles initiatives législatives ou des pressions renforcées sur les intermédiaires d’Internet, mais ils apparaissent comme étant une source de risques inédits pour la liberté des médias. Dans une déclaration commune formulée en mars 2017, les Rapporteurs spéciaux sur la liberté d’expression de l’Organisation des Nations Unies, de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), de l’Organisation des États américains (OEA) et de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) indiquent que « les interdictions générales de diffusion d’informations fondées sur des notions vagues et ambiguës, y compris les « fausses nouvelles » ou les « informations non objectives », sont incompatibles avec les normes internationales relatives aux restrictions à la liberté d’expression… et devraient être abolies14 . »

Dans certaines régions, il est de longue date nécessaire de posséder une licence pour exercer le journalisme ou être journaliste, et ce souvent en vue de garantir un niveau minimum de professionnalisme ou de formation. Parallèlement, l’octroi d’une licence est également considéré comme un moyen pour les autorités nationales de peser sur le nombre de journalistes et sur la marge de liberté qu’elles entendent leur conférer. À l’heure actuelle, dans plusieurs régions où la production et la diffusion des informations sont de plus en plus transférées à de nouveaux médias, les exigences de délivrance de licence ont été renforcées et empiètent désormais sur la liberté des médias. Certains États obligent, par exemple, les médias en ligne ou les blogueurs à partir d’un certain nombre de lecteurs à s’enregistrer auprès d’une autorité publique. Dans divers pays d’Asie et Pacifique, d’Europe centrale et orientale et de la région arabe, les journalistes en ligne sont tenus de détenir une licence, mais cette pratique est plus rare en Afrique, en Amérique latine et aux Caraïbes, de même qu’en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord.

11 Nossel 2017. 12 Commission européenne 2016. 13 Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme 2012. Plan d’action de Rabat sur l’interdiction de tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence. 14 Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression et al. 2017.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 41 Tendances en matière de liberté des médias

Restrictions d’accès, blocages de l’Internet et retraits de contenus

Les États recourent de plus en plus à des mesures visant à perturber l’accès aux contenus médiatiques en ligne, et cette tendance qui touche la liberté des médias est perceptible dans le monde entier. Les pratiques de blocage et de filtrage de contenus en ligne sont en nette augmentation depuis 2012, même s’il est difficile de savoir précisément si elles s’appliquent aux contenus des médias d’information et si elles sont, ou non, justifiées au regard des normes internationales en matière de restrictions légitimes.

Le blocage de plates-formes entières, d’applications ou de l’accès national à Internet fait aussi partie des tendances émergentes. Malgré la difficulté d’obtenir des données mondiales à ce sujet, les études dont on dispose livrent des informations éclairantes sur les restrictions d’accès aux médias en ligne.

Mettant à profit l’externalisation ouverte et les logiciels ouverts, le réseau d’observation Open Observatory of Network Interference (OONI) a, par exemple, collecté des données sur la censure de sites Internet et la manipulation des flux de résultats (comme les ralentissements de réseaux). Les données recueillies par l’OONI à partir d’un million de demandes HTTP effectuées entre 2012 et 2016 donnent un premier aperçu des cas de censure par pays15 . Dans 71 des 91 pays où les chercheurs de l’OONI ont pu réaliser des tests, des « anomalies de réseaux », c’est-à-dire des interruptions du trafic de l’Internet, ont été relevées. Si ces anomalies ne sont pas nécessairement dues à une censure intentionnelle, des cas de censure délibérée sont, selon l’OONI, confirmés dans 12 pays de la région arabe, d’Asie et Pacifique, d’Europe centrale et orientale, d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord. L’OONI a, par ailleurs, découvert l’existence de logiciels destinés à manipuler le trafic de l’Internet dans 12 autres pays, essentiellement en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, mais aussi dans des pays de la région arabe, en Afrique, en Asie et dans le Pacifique. Il est à noter que cette méthode ne permet pas de détecter toutes les formes de censure en ligne.

Une étude réalisée au printemps 2017 par des chercheurs du Citizen Lab de l’Université de Toronto démontre l’apparition de nouvelles méthodes de blocage et de filtrage de contenus en ligne. Les chercheurs ont procédé à différentes expériences empiriques qui leur ont permis de mettre en évidence le filtrage d’images et le blocage de certaines combinaisons de mots clés et d’images sur les plates-formes WeChat et Sina Weibo 16.

D’autres éléments fournis par Access Now attestent de la fréquence accrue des restrictions d’accès aux contenus en ligne. Faisant appel à l’externalisation ouverte, Access Now a recueilli des données sur des coupures affectant l’intégralité du réseau de l’Internet par des États sur leur territoire. En 2015, 15 cas d’arrêts de service Internet ont été enregistrés dans 15 pays de chaque région UNESCO, exception faite de l’Europe centrale et orientale. Ce chiffre a fortement augmenté en 2016, atteignant 56 cas avérés de coupures d’Internet dans 18 pays, dans les mêmes régions17 .

En dépit du caractère incomplet de ces ensembles de données, les conclusions des études conduites par l’OONI, Citizen Lab et Access Now font clairement ressortir une amplification des restrictions appliquées aux communications en ligne. Les États font souvent valoir que ces mesures s’imposent pour faire face aux menaces qu’ils voient monter, à l’intérieur comme à l’extérieur de leurs frontières. Un rapport rédigé en 2017 par Access Now dresse un état détaillé des justifications et méthodes utilisées pour mettre en œuvre ces arrêts de service et souligne l’importance de la coopération entre les gouvernements et les fournisseurs de services privés. Les raisons officiellement invoquées pour les justifier sont des plus diverses : préserver

15 The Tor Project 2016. 16 Deibert 2017. 17 Access Now 2017.

42 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Figure 1-1 : Raisons couramment invoquées pour justifier des arrêts de service Internet

Source: Access Now. 2017. Primer on internet shutdowns and the law l’autorité publique, réprimer les opinions dissidentes, lutter contre le terrorisme, assurer la sécurité nationale, prévenir le plagiat en période d’examens et protéger les intérêts économiques et commerciaux18 . Différents acteurs les contestent.

Ces perturbations qui affectent l’accessibilité de l’information ou sa diffusion ne sont pas cantonnées aux médias. En effet, la censure entrave les processus politiques, limite les manifestations politiques et empêche les défenseurs des droits de l’homme de rendre compte des abus commis par les forces de sécurité. Dès lors, la société civile ne peut plus jouer pleinement son rôle capital en faveur de la responsabilisation envers le public. En 2016, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a adopté une résolution aux termes de laquelle il « condamne sans équivoque les mesures qui visent à empêcher ou à perturber délibérément l’accès à l’information ou la diffusion d’informations en ligne, en violation du droit international des droits de l’homme, et invite tous les États à s’abstenir de telles pratiques et à les faire cesser19 ». La même année, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples s’est déclarée préoccupée par « la pratique émergente des États parties consistant à interrompre ou limiter l’accès aux services de télécommunication comme l’Internet, les médias sociaux et les services de messagerie, particulièrement en période électorale20». Fait à noter, la Freedom Online Coalition a publié en 2017 une déclaration conjointe sur les perturbations

18 OONI 2017; Access Now 2017. 19 Conseil des droits de l’homme des Nations unies 2016, vol. A/HRC/32/13. 20 Commission africaine des droits de l’homme et des peuples 2016.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 43 Tendances en matière de liberté des médias

des réseaux organisées par les États qui encourage les gouvernements à adopter les bonnes pratiques proposées, notamment à s’engager publiquement à respecter ou élaborer une législation respectueuse des droits de l’homme et à améliorer la transparence au sein des agences gouvernementales nationales21 . La Global Network Initiative et le groupe Telecommunications Industry Dialogue, à leur tour, ont publié une déclaration conjointe dans laquelle ils se disent préoccupés par les coupures de réseaux et appellent les États à faire preuve d’une plus grande transparence22 . Ces pratiques d’interruption des services Internet se retrouvent dans d’autres initiatives de grande envergure destinées à restreindre la liberté des médias que l’on observe dans des régions où les États ont également ordonné la fermeture de stations de radio, de chaînes de télévision et de journaux.

Toutefois, les mesures prises pour faire obstacle à la liberté des médias en ligne tendant à se généraliser, les campagnes de sensibilisation aux menaces que représentent la censure numérique et les arrêts de service se sont multipliées. La campagne #KeepItOn orchestrée par Access Now a rassemblé plus de 130 organisations de la société civile. Selon une étude effectuée en 2015 par le Pew Research Center, dans 32 des 38 pays examinés, plus de 50 % des personnes interrogées ont déclaré qu’il était important que les populations puissent utiliser l’Internet sans subir la censure gouvernementale23 .

Améliorer la transparence est l’un des moyens de résister aux pressions liberticides dont font l’objet des plates- formes du Web et des médias sociaux de la part d’États afin qu’ils retirent des contenus. Cette mobilisation face aux menaces qui pèsent sur la liberté des médias s’étend au monde entier, comme en témoigne la fiabilité accrue des rapports de transparence publiés par Google, Facebook, Twitter et d’autres grandes entreprises d’Internet. Ces rapports indiquent le nombre de demandes gouvernementales adressées à chaque entreprise pour qu’elles retirent des contenus et donnent accès aux données des utilisateurs et parfois aussi, mais plus rarement, les types de demandes et le taux d’acceptation de ces demandes par l’entreprise concernée.

Comme l’indique la figure 1-2, Google a, par exemple, reçu au cours du deuxième semestre de 2016 un nombre record de requêtes de retrait de contenus (15 961) émanant des tribunaux, des autorités de maintien de l’ordre et du pouvoir exécutif dans le monde entier : au total, 48 809 requêtes officielles provenant de plus de 100 pays de l’ensemble des régions ont été faites à l’entreprise depuis 201224 . On voit aussi sur cette même figure que la hausse est encore plus spectaculaire pour Twitter qui, de 6 requêtes gouvernementales recensées durant le premier semestre de 2012, en a comptabilisé 5 925 durant le second semestre de 201625 .

Cette progression du nombre de requêtes reçues par Google est imputable, pour partie, à un pic important du nombre de demandes de retraits soumises pour des raisons de sécurité nationale (figure 1-3).

C’est néanmoins Facebook qui détient, et de loin, le record, avec 64 279 demandes reçues au cours du second semestre de 2016. Comme il ressort de la figure 1-3, si l’on intègre Facebook dans l’analyse, le nombre de demandes qui lui ont été adressées est sans commune mesure avec le nombre, comparativement dérisoire, de demandes enregistrées par Google et Twitter, signe supplémentaire de la progression constante de ces chiffres au fil des années.

Google a, en outre, divulgué des données sur la suite qu’il donne à ces requêtes. Les taux d’acceptation

21 Freedom Online Coalition 2017. 22 Global Network Initiative and Telecommunications Industry Dialogue 2016. 23 Wike and Simmons 2015. 24 Google 2017. 25 Twitter 2017.

44 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Figure 1-2: Nombre de demandes gouvernementales de retrait de contenus reçues par Google et Twitter

Google Twitter 16000 15961

14000

12000

10000

8000

6000 5925

4000 Source : Google. Transparency Report – Government requests to 2000 remove content; Twitter. Twitter 0 transparency report – Removal requests. 20121H 20122H 20131H 20132H 20141H 20142H 20151H 20152H 20161H 20162H

Figure 1-3: Raisons citées dans les demandes de retrait de contenus reçues par Google

Tous les Obscénité Abus de Con dentialité Sécurité Diamation autres / nudité drogues et Sécurité nationale 16000

14000

12000

10000

8000

6000

4000 Source : Google. Transparency Report 2000 – Government requests to remove content; Twitter. Twitter transparency 0 report – Removal requests. 20121H 20122H 20131H 20132H 20141H 20142H 20151H 20152H 20161H 20162H

varient en fonction de l’origine de la requête (tribunaux, autorités de maintien de l’ordre, pouvoir exécutif), mais aussi d’un pays à l’autre. D’autre part, Google a accédé aux requêtes de certains pays et rejeté toutes les requêtes d’autres pays.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 45 Tendances en matière de liberté des médias

Figure 1-4: Nombre de demandes gouvernementales de retrait de contenus reçues par Google, Twitter et Facebook

Google Twitter Facebook 70000 64279 60000

50000

40000

30000

20000 15961 Source : Google. Transparency 10000 5925 Report – Government requests to remove content; Twitter. Twitter 0 transparency report – Removal requests. 20131H 20132H 20141H 20142H 20151H 20152H 20161H 20162H

Quant au nombre de suppressions effectuées dans le cadre de demandes externes émanant, soit de l’entreprise elle-même en application de ses conditions de service, soit des utilisateurs, l’opacité demeure26 . Une analyse des conditions de service de 50 plates-formes en ligne, réalisée par des chercheurs du Center for Technology and Society de la Faculté de droit de la Fondation Getulio Vargas (FGV), révèle que ces dispositions contractuelles n’offrent en général qu’une protection limitée des droits des utilisateurs à la liberté d’expression, au respect de leur vie privée et aux principes de procédure régulière27 . De surcroît, mises à part les grandes entreprises internationales, les données relatives aux pratiques des fournisseurs de service Internet (FSI) et des entreprises de télécommunications sont difficiles à obtenir car la publication de rapports de transparence est moins courante28 .

Selon des études empiriques, les entreprises d’Internet ont tendance à « surréagir » aux demandes de suppression de contenus pour se dégager de toute responsabilité29. Durant la période couverte par cette étude, les mécanismes « d’avis et de retrait » qui, auparavant, exemptaient ces entreprises de la responsabilité des contenus hébergés sur leurs plates-formes ont été remis en cause. En 2015, par exemple, dans l’affaire Delfi AS c. Estonie, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a affirmé que le journal en charge de l’exploitation de ce portail ne pouvait, en l’espèce, se prévaloir du régime d’exemption de responsabilité applicable aux intermédiaires pour les remarques insultantes ou menaces figurant dans les commentaires de ses lecteurs à propos d’un de ses articles. Ce portail était administré à des fins commerciales et avait donc une part de responsabilité. La véritable question qui était présente dans l’esprit des citoyens, des industriels et des gouvernements portait sur les intermédiaires responsables, les règles applicables et les types de forums concernés. Or, une décision rendue en 2016 par la Cour européenne des droits de l’homme a établi que l’instance hongroise d’autorégulation MTE et le portail d’informations en ligne Index.

26 MacKinnon et al. 2014. 27 Belli and Venturini 2016. 28 CIPESA 2017. 29 Keller 2015.

46 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 hu n’étaient pas tenus responsables des commentaires offensants postés par leurs lecteurs. Dans une autre affaire, la décision de la Cour de justice de l’Union européenne à propos du « droit à l’oubli » (Google Espagne c. AEPD et Mario Costeja González) a soulevé la question des nouvelles limitations du droit de publier et de la responsabilité des entreprises d’Internet en matière de modération des contenus que leurs plates-formes hébergent (voir 1.4.2 ci-après).

Sécurité nationale et lutte contre l’extrémisme violent

La sécurité nationale est l’une des raisons invoquées par de nombreux États pour mettre en œuvre des mesures présentant un risque réel pour la liberté des médias, amenant à s’interroger sur les principes de nécessité et de proportionnalité. Dans toutes les régions, une déclaration de l’état d’urgence est souvent la justification fournie par un État pour suspendre ou restreindre fortement la liberté d’expression. Il arrive que l’état d’urgence, ostensiblement instauré à un moment particulièrement critique d’un pays, soit prolongé et que les journalistes qui assurent la couverture de sujets relatifs au terrorisme soient accusés d’être eux- mêmes des terroristes. Dans certains pays de la région arabe, la montée des menaces liées aux groupes extrémistes violents et aux conflits a entraîné un recul de la liberté des médias et une augmentation du nombre d’arrestations et de détentions massives, de fermetures forcées d’organes médiatiques et de licenciements de journalistes critiques, de perquisitions des syndicats de journalistes et d’expulsions de journalistes étrangers.

Aux questions évoquées précédemment à propos de la surveillance de masse et du respect de la vie privée s’ajoute celle de la législation relative à la lutte contre le terrorisme qui, elle aussi, conduit à déclarer illégaux certains types de discours, par exemple ceux qui feraient l’apologie du terrorisme. En de nombreuses régions du globe, les gouvernements ont tendance à adopter des lois antiterroristes ou à recourir à des lois relatives à la sécurité nationale pour contrer la menace que représente la propagande pro-terroriste. Néanmoins, le concept de terrorisme est souvent mal défini dans ces lois et peut donner lieu à une interprétation trop large pour limiter les discours critiques. Les tribunaux font, toutefois, marche arrière sur le champ d’application de ces lois répressives et, dans quelques pays africains où de nouvelles lois antiterroristes ont été mises en place suite à l’extension de la menace provenant de groupes extrémistes violents régionaux, des organes judiciaires indépendants ont déclaré inconstitutionnelles certaines clauses les plus extrêmes, dénonçant expressément des violations de la liberté des médias.

Au niveau mondial, en 2016, plusieurs rapporteurs spéciaux en charge du droit à la liberté d’expression ont rédigé une Déclaration conjointe sur la liberté d’expression et la lutte contre l’extrémisme violent30 . Dans ses recommandations, la Déclaration indique que les concepts d’« extrémisme violent » et d’« extrémisme » ne doivent pas servir de motif pour restreindre la liberté d’expression à moins d’être définis de manière claire et suffisamment précise. Il est également spécifié que les États ne doivent pas limiter la communication d’informations sur des actes, des menaces ou la promotion du terrorisme ou autres activités violentes à moins que ces informations elles-mêmes visent à inciter à des violences imminentes ou qu’elles soient susceptibles d’inciter à de telles violences. En d’autres termes, en application des principes du « Plan d’action de Rabat sur l’interdiction de l’appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence » adopté en 2012, il faut qu’il existe un lien direct et immédiat entre les discours et la réalité des violences.

30 Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression et al. 2016.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 47 Tendances en matière de liberté des médias

La Déclaration conjointe s’inscrit dans le prolongement du Plan d’action pour la prévention de l’extrémisme violent défini par le Secrétaire général des Nations Unies en 2015, qui comprend des aspects relatifs à la liberté des médias. Notant dans son Plan d’action que les « messages manipulateurs mis en ligne par les extrémistes violents sur les médias sociaux ont été très efficaces pour inciter des individus, notamment des jeunes, femmes et hommes, à rejoindre leurs rangs », le Secrétaire général exhorte les États membres à formuler et appliquer des stratégies nationales de communication. Organisées en étroite coopération avec les entreprises de médias sociaux, ces stratégies doivent être « adaptées au contexte local… de façon à démonter les argumentaires favorables à l’extrémisme violent31 ». Appelant à des mesures préventives permettant de combattre l’extrémisme violent, le Secrétaire général recommande également dans son Plan d’action aux États « de veiller à ce que les cadres juridiques nationaux protègent la liberté d’opinion et d’expression, le pluralisme et la diversité des médias » (p. 22).

Si certains pays souhaitent une régulation de plus en plus restrictive des entreprises d’Internet, comme on l’a évoqué ci-dessus, c’est par crainte que les plates-formes en ligne ne facilitent la mobilisation des opposants politiques et/ou ne servent à des fins de recrutement pour le compte de l’extrémisme violent. Cela étant, une étude récente de l’UNESCO met en évidence le manque de données concluantes obtenues à ce jour pour établir un lien clair et direct entre les médias sociaux et les processus de radicalisation violente des jeunes, invitant ainsi à éviter d’élaborer des politiques sur la base d’hypothèses qui risqueraient d’aboutir à restreindre la liberté des médias de façon disproportionnée32 . Protection de l’accès à l’information et du respect de la vie privée

Accès à l’information

Élément essentiel de la liberté des médias, l’accès à l’information est aussi une condition préalable fondamentale à l’exercice de leur métier par les journalistes. Tant au niveau international qu’au niveau régional, on a vu se développer une meilleure reconnaissance du droit d’accès du public à l’information au cours des cinq dernières années. Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 adopté, en septembre 2015, par l’Assemblée générale des Nations Unies prévoit, au titre de la cible 16.10, de « Garantir l’accès public à l’information et protéger les libertés fondamentales, conformément à la législation nationale et aux accords internationaux » (Assemblée générale des Nations Unies, 2015b, p. 28). L’UNESCO a été désignée comme l’organisme dépositaire mandaté pour rendre compte à l’échelle mondiale de l’indicateur 16.10.2 concernant le « nombre de pays qui adoptent et mettent en œuvre des dispositions constitutionnelles, réglementaires et politiques pour garantir l’accès public à l’information33 » .

La responsabilité qui incombe dès lors à l’UNESCO se situe dans le droit fil du mandat qui lui est assigné par son Acte constitutif de promouvoir l’accès universel à l’information afin de « faciliter la libre circulation des idées par le mot et par l’image ». À la Conférence générale de 2015, les États membres de l’UNESCO ont proclamé le 28 septembre Journée internationale de l’accès universel à l’information34 . L’année suivante, les participants à la célébration annuelle de la Journée mondiale de la liberté de la presse organisée par

31 Le Secrétaire général des Nations unies 2015, 19. 32 Alava, Frau-Meigs, and Hassan 201. 33 UNESCO 2016c. 34 UNESCO 2015.

48 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 l’UNESCO ont adopté la Déclaration de Finlandia relative à l’accès à l’information et aux libertés fondamentales, soit 250 ans après la promulgation par la Finlande et la Suède d’aujourd’hui de la première législation sur la liberté de l’information35 .

Encadré 1-3 : L’exemple de Lamii Kpargoi, défenseur de l’accès à l’information en Afrique

amii Kpargoi était tout jeune quand son père a perdu son emploi à la Lfonction publique, pour des raisons purement politiques à ses yeux. Ce sentiment d’injustice, resté gravé dans sa mémoire, a guidé Kpargoi au moment de choisir son orientation professionnelle et nourri sa conviction de l’importance de l’accès à l’information pour garantir la transparence de l’État et promouvoir la démocratie.

Au fil des ans, comme avocat, journaliste et militant de la société civile, Kpargoi a plaidé avec constance en faveur d’une réforme de la législation de son pays en matière de liberté d’expression et d’accès à l’information. Grâce aux efforts que lui-même et d’autres ont déployés, le Libéria a adopté, en 2010, sa première loi sur la liberté d’information, devenant le premier pays d’Afrique de l’Ouest et, plus largement, le sixième pays de la région Afrique à le faire Photo credit: Lamii Kapargoi et donnant, par là même, la preuve concrète des progrès accomplis vers la transparence et la consolidation d’une démocratie stable. Malgré les difficultés « Une société bien de mise en œuvre, l’adoption de cette loi marque, d’après Kpargoi, un tournant qui a conduit à la création d’un Bureau pour la liberté d’information informée est la et de structures publiques d’appui à la mise en œuvre de cette législation au clé d’une société sein du gouvernement.

ouverte. » Pour Kpargoi, la transparence et l’accès à l’information sont des piliers – Lamii Kpargoi, essentiels du développement durable, agissant en premier rempart contre la responsable, corruption. Ses arguments sont simples : « Plus le peuple sait ce fait l’État, plus il s’intéresse à la gestion du pays et plus l’État est attentif à la transparence de Liberia Media Center son action. Je pense que l’accès à l’information est le fil conducteur et le garant d’une bonne gouvernance ».

Kpargoi voit dans la liberté d’information un catalyseur de la croissance démocratique du Libéria et continue de militer activement pour renforcer l’application de la loi et en assurer la cohérence. Au titre de ses fonctions de responsable au Liberia Media Center, il publie des rapports dans lesquels il analyse la situation de la liberté d’expression dans son pays et apporte un éclairage sur le rôle de l’accès à l’information pour ouvrir la voie au développement durable.

35 UNESCO 2016a.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 49 Tendances en matière de liberté des médias

Le suivi de la cible 16.10.2 des Objectifs de développement durable peut être un outil d’une grande utilité pour les pays ne disposant pas d’ONG chargées d’évaluer régulièrement l’accès public à l’information. L’évaluation sur laquelle repose l’Objectif 16.10 couvre trois principaux domaines : (1) Un pays possède-t- il les dispositions constitutionnelles, réglementaires et politiques permettant de garantir l’accès public à l’information ? ; (2) Ces dispositions constitutionnelles, réglementaires et politiques correspondent-elles à des accords internationaux connus ? ; (3) Quels sont les mécanismes de mise en œuvre qui ont été mis en place pour assurer l’efficacité optimale de ces dispositions ?

Si un examen complet de l’action de l’UNESCO dans ce domaine dépasse le cadre de la présente étude, plusieurs tendances majeures se dégagent, la plus remarquable étant l’adoption de lois sur la liberté d’information, l’accès à l’information et le droit à l’information qui s’est poursuivie à un rythme accéléré tout au long de la période étudiée.

Selon le réseau freedominfo.org qui compile des données mondiales sur la liberté d’information, 112 pays analysés dans cette étude se sont dotés d’une législation sur la liberté d’information ou de réglementations administratives similaires36. Parmi eux, 22 pays ont promulgué une nouvelle législation depuis 2012 (figure 1-6). Au niveau régional, l’Afrique affiche une progression record : 10 pays ont entériné une législation sur la liberté d’information au cours des cinq dernières années, faisant passer de 9 à 19, c’est-à-dire multipliant quasiment par deux, le nombre de pays de la région disposant d’une telle législation. Cette tendance est tout aussi forte dans la région Asie-Pacifique, où 22 pays au total disposent de lois sur la liberté d’information depuis l’adoption par 7 autres pays d’une législation en ce sens au cours des cinq dernières années. En outre, pendant la période

Figure 1-5 : États membres (par région) dotés d’une loi ou d’une politique sur la liberté d’information

Europe centrale & de l'Est 24 24 24 24 24 24

Europe de l'Ouest 22 22 22 22 et Amérique du Nord 21 21 21 21 21 20 Amérique latine 19 19 19 & les Caraïbes 18 17 Asie et Pacique 15 15 15 15 14 13

Afrique 9 9

44 333 États arabes 2

2011 2012 2013 2014 2015 2016

Source : freedominfo.org, 2016, Consensus list of 115 countries with freedom of information laws or the equivalent.

36 freedominfo.org 2016.

50 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 considérée, 2 pays de la région arabe, 2 pays d’Amérique latine et des Caraïbes et un pays de la région d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord ont adopté une législation sur la liberté d’information. La grande majorité de la population mondiale vit désormais dans un pays doté d’une loi sur la liberté d’information, et l’adoption de ce type de lois est à l’étude dans plusieurs pays

De plus en plus de pays ont inscrit la liberté d’information dans leur législation. Toujours est-il que la mise en œuvre et l’efficacité de ces législations sont très variables d’un pays à l’autre. Une tendance se profile nettement quand on analyse la force et le cadre juridique de la loi sur la liberté d’information de chaque pays à l’aide du classement des lois en matière de droit à l’information37 . Globalement, quelle que soit leur implantation géographique, les pays dotés de lois plus récentes sont les mieux classés. Cette évolution est sans doute l’illustration des progrès accomplis ces 20 dernières années par les groupes de la société civile et les États membres participant à l’Open Government Partnership (voir ci-après) pour définir et réclamer des normes internationales plus rigoureuses. S’il est encore trop tôt pour connaître les modalités de mise en œuvre de certaines de ces lois sur la liberté d’information, les premiers marqueurs n’en laissent pas moins d’ores et déjà entrevoir qu’une protection forte passe par une législation forte38 .

Autre évidence : en matière de lois, la quantité ne fait pas la qualité. Il ne suffit pas de promulguer une loi sur la liberté d’information, il faut aussi en garantir la bonne application, et c’est là un aspect qu’il est beaucoup plus délicat d’évaluer à l’échelle mondiale que l’adoption de lois. Dans de nombreuses régions du monde, la méconnaissance générale du droit à l’information peut parfois mettre en péril l’existence de garanties juridiques. Selon le Rapport sur les Objectifs de développement durable 2017 établi par le Secrétaire général des Nations Unies, parmi les 109 pays disposant de données sur la mise en œuvre de législations relatives à la liberté d’information, 43 % ne prévoient pas de dispositions suffisamment claires pour en faire connaître l’existence au public et 43 % ont des définitions trop imprécises quant aux exceptions à la divulgation, qui vont à l’encontre du renforcement de la transparence et de la responsabilité qui est recherché39 .

Tout cela se double d’une culture du secret qui persiste dans bon nombre d’États ayant pourtant adopté une législation sur la liberté d’information ; il n’est pas rare que leurs fonctionnaires ignorent les normes de transparence qui sont au cœur de la liberté d’information ou qu’ils montrent peu d’entrain à les reconnaître dans la pratique. Qui plus est, les journalistes ne tirent pas toujours parti des lois sur la liberté d’information pour de multiples raisons : les autorités ne répondent pas aux demandes d’information, les délais sont interminables, les documents reçus sont lourdement censurés, les honoraires arbitrairement pratiqués pour certains types de demandes sont exorbitants et la formation professionnelle fait défaut40 .

Les débats sur l’accès public à l’information ont aussi porté sur des initiatives nouvelles pour promouvoir l’accès aux données ouvertes et, partant, accroître la transparence de l’action des gouvernements. L’année 2009 a été marquée par le lancement, aux États-Unis, du portail data.gov qui collecte et rassemble en un même lieu la plupart des données gouvernementales ouvertes ; au cours des années suivantes, le mouvement d’ouverture de données gouvernementales s’est propagé dans le monde entier. Dans le cadre de l’Open Government Partnership (OGP), réseau multilatéral créé en 2011, quelque 70 pays disposent dorénavant de Plans d’action nationaux qui, pour la plupart, énoncent des engagements fermes en matière d’ouverture des données pour renforcer la transparence, stimuler la croissance économique, aider les citoyens à se prendre en charge, lutter contre la corruption et, plus généralement, améliorer la gouvernance. Plus récemment, en

37 Centre for Law and Democracy & Access Info 2017b. 39 Nations Unies 2017. 38 Centre for Law and Democracy & Access Info 2017a. 40 Trapnell 2014.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 51 Tendances en matière de liberté des médias

2015, la Charte pour l’ouverture des données publiques ancrée dans un processus multipartite énonce les principes appelés à régir « la manière dont les gouvernements doivent publier leurs données41 . » À ce jour, toutefois, cette charte n’a recueilli la signature que de 17 gouvernements nationaux seulement, dont plus de la moitié se trouvent en Amérique latine et dans les Caraïbes42 .

L’un des bienfaits de ces initiatives autour des données ouvertes pour les sociétés a été d’offrir un accès plus large et plus immédiat aux données43 . Malgré la variabilité des résultats, Verhulst et Young ont pu démontrer que les effets (escomptés ou réels) de l’ouverture des données sur la société vont au-delà de la transparence et complètent aussi la fonction des médias traditionnels. L’ouverture des données contribue entre autres à la résolution de problèmes publics complexes car elle permet de mieux apprécier les situations, de mobiliser une plus large palette de compétences et de connaissances pour aborder les problèmes publics et d’aider les décideurs, les groupes de la société civile et les citoyens à mieux cibler leurs interventions et en suivre l’incidence. Elle peut également soutenir les citoyens en renforçant leurs capacités pour prendre des décisions et élargir leurs choix, et servir de catalyseur de la mobilisation sociale.

Améliorer la transparence et la facilité d’accès aux données est crucial pour créer un environnement propice à la liberté d’information. Néanmoins, pour les lois sur les données ouvertes comme pour les lois sur la liberté d’information, les lacunes de mise en œuvre sont fréquentes. À titre d’exemple, les derniers résultats de l’édition 2017 du Baromètre des données ouvertes fournis par la World Wide Web Foundation montrent que, même si 79 gouvernements sur les 115 étudiés possèdent un portail de données gouvernementales ouvertes, dans bien des cas, « les politiques appropriées ne sont pas en place et l’ampleur ainsi que la qualité des bases de données rendues publiques sont insuffisantes » (World Wide Web Foundation, 2017, p. 11). De façon générale, le Baromètre des données ouvertes constate que les données des gouvernements sont souvent « incomplètes, pas actualisées, de mauvaise qualité et fragmentaires » (p. 14) et que, en dépit de la vague d’enthousiasme suscitée par les données ouvertes à partir de 2009/2010, dans l’ensemble, en 2016, « l’engagement des gouvernements en faveur des données ouvertes a ralenti ou s’est interrompu » (p. 11).

La volonté politique joue, par conséquent, un rôle capital dans l’efficacité des plates-formes de données ouvertes. Le Baromètre des données ouvertes fait apparaître que certains pays d’Amérique latine et des Caraïbes, de la région Asie et Pacifique et d’Afrique, forts de cette volonté politique, sont parvenus à améliorer leurs performances ces dernières années. En revanche, en l’absence d’une volonté politique, les portails de données ouvertes finissent par devenir redondants pour diverses raisons, parmi lesquelles le manque de capacités de développement des contenus, la réticence de certaines agences gouvernementales à élargir l’accès à l’information, l’insuffisance des ressources financières et la généralisation d’une culture du secret d’État.

Vie privée, surveillance et chiffrement

Droit universel en soi, le droit au respect de la vie privée est aussi « un préalable essentiel à la réalisation du droit à la liberté d’expression44 ». Conséquence de l’accès élargi aux médias numériques, mais aussi de la dépendance accrue à leur égard pour recevoir et produire des informations, les États et les entreprises du secteur privé disposent de moyens renforcés pour surveiller les comportements des individus, leurs opinions et leurs réseaux. La collecte et l’échange des données personnelles sont devenus un aspect important de l’Internet, en particulier lorsque des services importants, allant de la recherche de données aux communications entre

41 Open Data Charter 2017b. 43 Young and Verhulst 2016. 42 Open Data Charter 2017a. 44 La Rue 2013.

52 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 pairs, sont offerts gratuitement en contrepartie du droit d’utiliser les précieuses traces laissées par les utilisateurs en ligne. Les États sont, quant à eux, de plus en plus nombreux à promulguer des lois et des politiques visant à légaliser le suivi des communications, et ils justifient ces pratiques en invoquant la nécessité de défendre leurs propres citoyens et leurs intérêts nationaux. Dans diverses régions d’Europe, par exemple, les nouvelles lois antiterroristes ont eu pour résultat d’étendre les pouvoirs de l’État en termes de surveillance et les capacités des services de renseignement en termes d’accès aux données des citoyens. Si la légalité est une condition préalable de toute limitation légitime des droits de l’homme, il faut aussi veiller à ce que chaque loi respecte les autres critères de nécessité, de proportionnalité et de finalité légitime susceptibles de justifier ces restrictions.

Un nouvel équilibre des pouvoirs s’est alors instauré, entre des instances publiques et privées devenues de plus en plus opaques quant à la nature des éléments collectés et l’utilisation qu’elles en font, d’une part, et des utilisateurs devenus de plus en plus transparents pour ces instances et n’en ayant souvent ni la maîtrise ou ni la conscience, d’autre part. L’adoption de lois sur la liberté d’information et l’établissement de rapports de transparence par les entreprises qui, comme on l’a vu plus haut, témoignent de la quête de transparence en divers endroits du globe ne peut que rétablir partiellement l’équilibre.

Au cours des années couvertes par la présente étude, des gouvernements ont réaffirmé leurs droits en matière de protection et de respect de leur souveraineté sur leur espace national d’information, parfois en protégeant leurs citoyens des ingérences étrangères, mais sans nécessairement leur offrir une plus grande protection contre leurs propres pratiques de surveillance et autres mesures connexes. Dans cet environnement, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a pris diverses mesures pour souligner l’importance du droit

53 Tendances en matière de liberté des médias

universel au respect de la vie privée en ligne. En 2015, dans une résolution sur le droit à la vie privée à l’ère du numérique, le Conseil a décidé de nommer un Rapporteur spécial sur le droit à la vie privée. Dans son second rapport annuel, Joseph Cannataci, Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la vie privée45, a insisté sur l’importance de la coopération internationale en matière de protection et de promotion des droits de l’homme compte tenu de « la nature des flux transfrontières de données46 ». Le Rapporteur spécial a fait observer que « pour préserver les flux de données entre États, il faut qu’existe un cadre cohérent et fiable qui les rendent possibles » et « un socle de droits et de valeurs qui soit respecté, protégé et promu de manière systématique dans l’ensemble de la communauté internationale47 ».

En 2017, le Conseil des droits de l’homme a mis l’accent sur le fait que « la surveillance et ou l’interception des communications, ainsi que la collecte illégale ou arbitraire des données personnelles, sont des actes hautement intrusifs qui constituent une violation du droit au respect de la vie privée et peuvent porter atteinte à d’autres droits de l’homme, parmi lesquels le droit à la liberté d’expression et à la liberté d’opinion sans ingérence48 ».

Ces dernières années, un certain nombre de tentatives régionales ont été faites, notamment par le biais des tribunaux, pour mettre en place des réglementations relatives à la protection des données, au respect de la vie privée et à la surveillance qui ont une incidence dans le domaine journalistique. À titre d’exemple, la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, dite Convention n°108, du Conseil de l’Europe a fait l’objet d’un processus de modernisation dans le but de traiter les problèmes nouveaux touchant au respect de la vie privée. Les pays y accordent une plus grande attention du fait que la participation directe de leurs citoyens aux échanges de données en ligne ne cesse de croître. Depuis 2012, 4 nouveaux pays membres du Conseil de l’Europe ont signé ou ratifié la Convention, imités par 3 pays d’Afrique et d’Amérique latine qui n’en sont pas membres49 .

Le nombre de pays dans le monde dotés de lois sur la protection des données est en constante évolution. Entre 2012 et 2016, 20 États membres de l’UNESCO ont, pour la première fois, adopté des lois sur la protection des données, portant leur nombre total à 101 pays50 . Parmi eux, 9 pays sont situés en Afrique, 4 dans la région Asie et Pacifique, 3 dans la région Amérique latine et Caraïbes, 2 dans la région arabe et un dans la région Europe de l’Ouest et Amérique du Nord. Durant la même période, 23 pays ont procédé à une révision de leurs lois sur la protection des données, signe des nouveaux défis que pose la protection des données à l’ère du numérique. Les pays concernés sont pour la plupart situés en Europe centrale et orientale, de même qu’en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord. De nombreux autres pays modifieront leur législation de façon à se conformer au Règlement général sur la protection des données de l’Union européenne qui a été adopté en 2016 et entrera en vigueur en 2018.

Les tribunaux régionaux jouent aussi un rôle non négligeable dans l’élaboration de réglementations sur le respect de la vie privée en ligne. En 2015, la Cour de justice de l’Union européenne a, par exemple, déclaré que l’accord sur la sphère de sécurité, ou accord Safe Harbor, autorisant les entreprises privées à « transférer légalement des données à caractère personnel de leurs utilisateurs européens vers les États-Unis51 », était invalide au regard de la législation européenne, arguant qu’il n’offrait pas un niveau de protection suffisant des données des citoyens européens ou ne protégeait pas ces derniers face à la surveillance américaine.

45 Conseil des droit de l’homme des Nations Unies 49 Conseil de l’Europe 2017. 46 Cannataci 2017, 9. 50 Greenleaf 2017. 47 Ibid. 51 Glenster 2016. 48 Conseil des droit de l’homme des Nations Unies 2017.

54 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Figure 1-6 : Nombre de pays (par région) ayant adopté ou amendé des lois sur la protection des données ou le respect de la vie privée, 2012-2016

Nouvelle loi Amendement

Afrique 9

Asie et Pacique 4 5

Europe centrale & de l'Est 17

Europe de l'Ouest et Amérique du Nord 1 7

Amérique latine & les Caraïbes 3 4

États arabes 2

Source : Greenleaf, G. 2017. Global Table of Data Privacy Laws and Bills (5th Ed.)

Cette décision a créé un précédent important au sujet de la protection du respect de la vie privée des personnes contre des acteurs tiers étrangers. En 2016, la Commission européenne et le Gouvernement américain ont conclu un accord ayant pour objet de remplacer le régime de la sphère de sécurité par un nouveau dispositif, baptisé Bouclier de protection des données UE-États-Unis (EU-U.S. Privacy Shield), qui prévoit entre autres des obligations pour les entreprises qui reçoivent des données à caractère personnel en provenance d’Europe concernant leur protection, un encadrement de l’accès des autorités publiques américaines aux données, des protections et des voies de recours pour les individus et un réexamen annuel conjoint afin de suivre de près la mise en œuvre52 .

Adoptant une position similaire, la Cour de justice de l’Union européenne a estimé que les législations nationales existantes imposant la conservation systématique de données liées à des communications électroniques portaient atteinte aux « droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel » inscrits dans la législation européenne. Cette décision de la Cour prend notamment en compte les conséquences négatives potentielles qu’une surveillance constante peut avoir sur la liberté d’expression en ligne.

De surcroît, la décision rendue en 2014 par la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire Google Espagne mentionnée ci-dessus a autorisé les citoyens à revendiquer un « droit à l’oubli » ou un « droit de ne plus être référencé » et introduit une définition plus précise de l’équilibre entre le respect de la vie privée, la liberté d’expression et la transparence53 .

52 Commission européenne n.d. 53 Cannataci et al. 2016.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 55 Tendances en matière de liberté des médias

Le retentissement de ces affaires européennes a dépassé le cadre régional. Suite à la décision Google Espagne, plusieurs pays du monde entier, particulièrement en Amérique latine et dans les Caraïbes, ont ainsi reconnu le « droit à l’oubli » ou le « droit de ne plus être référencé54 ». On assiste depuis quelques années à un durcissement des réglementations en matière de respect de la vie privée dans la région Asie et Pacifique; un certain nombre de réglementations nouvelles ont vu le jour, inspirées du « modèle européen » qui érige un data wall tout autour de la région, mais non entre les pays membres55 . En Asie, les réglementations relatives au respect de la vie privée en ligne sont principalement l’aboutissement d’initiatives sous-régionales conduites par des organismes comme l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) et l’Association de l’Asie du Sud pour la coopération régionale (SAARC)56 .

Les journalistes et les organes de presse ont naturellement pris part à bon nombre de ces initiatives pour qu’un monde dominé par les données et contenant des quantités colossales de données à caractère personnel en ligne n’empiète pas sur les droits de l’individu au respect de sa vie privée. Les groupes de presse relèvent souvent d’un régime de protection des données conçu pour une organisation, ou un journal, qui recueille des renseignements sur des utilisateurs ou conserve des données sur une personne vivante. Certaines lois qui offrent une protection étendue du droit au respect de la vie privée prévoient que les données collectées à des fins « uniquement » journalistiques sont exemptées de ces restrictions. Dans les années à venir, sans doute ne manquera-t-on pas de s’interroger sur la manière dont les journalistes et les organes de presse s’adaptent au monde des méga données et sur la question non moins importante de la finalité journalistique.

Le considérant 153 du Règlement général sur la protection des données de l’Union européenne57 , qui prendra effet en mai 2018, est un exemple d’initiatives régionales qui tentent d’établir une relation harmonieuse entre le journalisme et la protection des données. Il s’efforce d’accorder les deux dans les termes suivants : « Le droit des États membres devrait concilier les règles régissant la liberté d’expression et d’information, y compris l’expression journalistique… et le droit à la protection des données à caractère personnel en vertu du présent règlement. Dans le cadre du traitement de données à caractère personnel uniquement à des fins journalistiques… il y a lieu de prévoir des dérogations ou des exemptions à certaines dispositions du présent règlement si cela est nécessaire pour concilier le droit à la protection des données à caractère personnel et le droit à la liberté d’expression et d’information, consacré par l’article 11 de la Charte58 ».

Quant à la société civile, elle a également apporté une contribution importante au débat sur le respect de la vie privée, la règlementation en matière de données et le journalisme au sens large. Élaborés par des groupes de la société civile et des défenseurs du respect de la vie privée à l’initiative de Privacy International, les Principes internationaux sur l’application des droits de l’homme à la surveillance des communications (« principes de nécessité et de proportionnalité ») qui ont été lancés en septembre 2013 ont recueilli la signature de plus de 270 000 personnes et de centaines d’organisations de toutes les régions59 . Le regain d’intérêt pour la confidentialité des données transparaît aussi à l’occasion du Forum sur la gouvernance de l’Internet (FGI) qui se tient chaque année et, notamment en 2016, au cours duquel plus de 20 ateliers et 3 grandes sessions ont été consacrés aux questions de protection des données, de réglementation en matière de données et de confidentialité.

54 Keller 2017; Santos 2016. 57 EU GDPR 2016. 55 Parsons and Colegate 2015. 58 Ibid. 56 Greenleaf 2014. 59 Necessary & Proportionate n.d.

56 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 En parallèle aux avancées enregistrées dans le domaine des réglementations sur le respect de la vie privée en ligne, le rôle important que joue le chiffrement des données dans la protection du respect de la vie privée et de la liberté des médias en ligne est mieux reconnu. Selon une étude de l’UNESCO sur les droits de l’homme et le cryptage effectuée en 2016, le cryptage de données peut être un élément capital pour préserver « la liberté d’expression, l’anonymat, l’accès à l’information, les communications privées et la vie privée60 ». L’étude révèle que l’utilisation de logiciels de chiffrement par des opérateurs tiers et des utilisateurs finaux eux-mêmes s’est généralisée. Les utilisateurs finaux se tournant vers des services de chiffrement de logiciels ouverts, les opérateurs tiers ont investi activement dans « le déploiement de techniques cryptographiques… ces dernières années afin de renforcer la protection des données et des communications de leurs utilisateurs et de promouvoir la confiance dans leurs services »61 . Parmi les exemples notoires, on peut citer l’offre WhatsApp d’un service complet de chiffrement de bout en bout des messages62 et le refus d’Apple d’obtempérer à une demande des autorités de police pour le déblocage d’un iPhone utilisé par les auteurs d’une attaque terroriste63 .

On oppose souvent sécurité et respect de la vie privée depuis quelques années, et plusieurs États ont d’ailleurs récemment restreint le droit au chiffrement personnel au nom de la sécurité nationale64 . La représentation binaire de cette question a été vivement contestée au motif que la protection de la confidentialité, que permet par exemple le chiffrement, a pour but de protéger l’individu contre le piratage informatique et les violations de ses données et renforce ainsi sa sécurité. Les critiques formulées à l’égard du modèle soit/soit n’ont cependant pas empêché l’instauration de mesures considérées comme contraires au respect de la vie privée ou à la liberté des médias. Le chiffrement de bout en bout des messages privés est une fonctionnalité disponible par exemple sur WhatsApp qui est interdite dans plusieurs États membres, en général dans le cadre d’efforts plus vastes visant à réprimer les activités criminelles et aider les services de maintien de l’ordre; pourtant, comme dans le cas des États qui exigent un accès aux données chiffrées par porte dérobée (back- door), ce procédé est critiqué parce qu’il augmente la vulnérabilité des citoyens à des acteurs malveillants65 . Des législations draconiennes non assorties de garde-fous contre les atteintes au respect de la vie privée ont été introduites dans des États membres qui disposent de protections solides et bien définies du respect de la vie privée, tandis que, dans d’autres États, le chiffrement demeure illégal et met ainsi en péril des individus susceptibles d’être victimes de préjugés ou de persécutions injustes66 . Selon Global Partners Digital, seuls 4 États ont inscrit un droit général au chiffrement dans leur législation nationale, et 31 États ont adopté une législation nationale autorisant les autorités responsables de la force publique à intercepter ou décrypter des communications chiffrées67 .

Si l’anonymat des communications peut constituer une entrave à l’action des responsables du maintien de l’ordre et de la lutte contre le terrorisme, les normes émergentes relatives aux droits de l’homme reconnaissent l’importance du chiffrement pour des raisons de sécurité, qu’il s’agisse de la sécurité des entreprises, des États, des personnes ou autres, et le présentent comme une composante essentielle d’un Internet libre et ouvert. C’est ce que confirme le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression dans un rapport de 2015, où il se déclare également inquiet que les États ne fournissent pas de raisons pour justifier l’interdiction du chiffrement à des fins personnelles. Selon ses termes,

60 Schulz et Hoboken 2016a, 7. Cette étude réalisée dans le cadre de la Collection 62 WhatsApp 2016. UNESCO sur la Liberté de l’Internet traite de la pertinence du cryptage au regard des 63 Lichtblau and Benner 2016. droits humains dans le contexte des médias et des communications et fournit des 64 Cardozo 2017. recommandations sur les politiques de cryptage utiles aux États et à d’autres parties 65 Blum-Dumontet 2017. prenantes. 66 Privacy International 2017. 61 Schulz and Hoboken 2016b, 10. 67 Global Partners Digital n.d.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 57 Tendances en matière de liberté des médias

« Les tendances en ce qui concerne la sécurité et la confidentialité en ligne sont très préoccupantes ».68 En effet, « [souvent], les États ne fournissent pas de justification publique à l’appui des mesures de restriction qu’ils adoptent. Les communications chiffrées et anonymes peuvent gêner les agents de la force publique et les responsables de la lutte contre le terrorisme, et elles compliquent aussi la surveillance mais, d’une manière générale, les autorités publiques n’ont pas cité de situations (pas même en termes généraux, pour de possibles raisons de confidentialité) dans lesquelles il a été nécessaire d’imposer une restriction pour atteindre un objectif légitime69 ».

Protection des sources confidentielles et des lanceurs d’alerte

L’étude de l’UNESCO intitulée Protecting Journalism Sources in the Digital Age montre que, partout dans le monde, les lois relatives à la protection des sources en relation avec le journalisme risquent de plus en plus de perdre leur efficacité, d’être restreintes ou de faire l’objet de compromis à l’ère du numérique70 . Il est d’autant plus important de déterminer à qui revient le privilège du secret des sources et dans quelles circonstances, que le nombre de ceux qui collectent les informations comme de ceux qui les diffusent ne cesse de croître. D’après l’étude, cette érosion progressive des lois constitue « une remise en cause directe des droits universels établis en faveur des droits de l’homme à la liberté d’expression et au respect de la vie privée et peut représenter une menace sérieuse pour le journalisme d’investigation71 ».

Les mutations rapides qui s’opèrent dans l’univers numérique, conjuguées à la pratique du journalisme contemporain qui s’appuie de plus en plus sur les technologies des communications numériques, engendrent de nouveaux risques pour la protection des sources journalistiques. Les principales menaces auxquelles le monde d’aujourd’hui est confronté sont les technologies de surveillance massive, les politiques de conservation obligatoire des données et la divulgation par des intermédiaires des activités numériques personnelles. Par leur méconnaissance des moyens de protéger leurs communications et leurs traces numériques, les journalistes et leurs sources peuvent, sans le savoir, révéler à des parties intéressées des informations les identifiant72.

L’application de lois relatives à la sécurité nationale, telles que les lois antiterroristes, pour contourner les protections légales existantes des sources est une autre tendance de fond qui s’est accentuée dans le monde ces dernières années73 . De surcroît, dans de nombreuses régions, la persistance de lois sur le secret ou l’émergence de lois sur la cybersécurité menace la protection des sources, en particulier lorsqu’elles confèrent aux autorités le droit d’intercepter des communications en ligne dans l’intérêt d’une sécurité nationale aux contours souvent flous. Ces deux tendances risquent, dès lors, d’ébranler la confiance dans une loi qui a vocation à sécuriser le droit à la protection des sources et, par là même, d’avoir un effet dissuasif sur la pratique du journalisme dans l’intérêt du public qui se fie à des sources confidentielles74 .

Se repérer dans l’imbroglio de la sécurité numérique et de ses aspects juridiques n’a pas été chose aisée pour les journalistes du monde entier. Pour reprendre les termes employés par Frank La Rue, anciennement Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et

68 Kaye 2015b. 71 Ibid., 7. 69 Ibid. 72 Open Society Justice Initiative 2013. 70 Posetti 2017. Cette étude réalisée dans le cadre de la Collection 73 Ibid. UNESCO sur la Liberté de l’Internet analyse l’évolution des cadres 74 Posetti 2017a. juridiques de protection des sources journalistiques à l’ère numérique.

58 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 d’expression (puis Sous-directeur général de l’UNESCO pour la communication et l’information), « [Les journalistes] doivent pouvoir compter sur la confidentialité, la sécurité et l’anonymat de leurs échanges. Un milieu dans lequel la surveillance est courante et non restreinte par le respect de la légalité ou par un contrôle juridictionnel ne peut assurer la pérennité de la présomption de protection des sources75 ».

Face à ces difficultés, les cadres nationaux qui régissent la protection des sources commencent à évoluer. Comme il ressort de l’étude de l’UNESCO citée plus haut, des évolutions des législations relatives à la protection des sources ont été constatées dans 84 (69 %) des 121 pays étudiés entre 2007 et la première moitié de 201576. Mais ces évolutions sont très inégales d’un pays à l’autre. Les plus significatives d’entre elles ont eu lieu dans la région arabe, où 86 % des États ont modifié leur législation. Viennent ensuite la région Amérique latine et Caraïbes (85 %), la région Asie et Pacifique (75 %), la région Europe de l’Ouest et Amérique du Nord (66 %), puis l’Afrique, où 56 % des États ont réexaminé leurs lois sur la protection des sources77 . D’autres ajustements potentiels sont à attendre, suite à la décision rendue en 2015 par la Cour de justice de l’Afrique de l’Est dans laquelle elle réaffirme l’importance du respect de la protection des sources journalistiques par les autorités et la nécessité de justifier toute exception éventuelle par une ordonnance du tribunal78 .

Figure 1-7 : États membres qui sont partie à la Convention des Nations Unies contre la corruption % des États membres % des États membres devenu Parties, 2012-2016 sont Parties à la Convention %

Europe Centrale & de l'Est 4 96

États arabes 21 74

Europe de l'Ouest et Amérique du Nord 489

Asie et Pacique 20 71

Afrique 13 78

Amérique latine & les Caraïbes 679

Source: UN Office on Drugs and Crime (Office des Nations Unies contre la drogue et le crime), 2017. Convention against Corruption : Signature and Ratification Status.

75 La Rue 2013. 76 Posetti 2017a. 77 Ibid. 78 Burundi Journalists Union v. Attorney General of Burundi 2015.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 59 Tendances en matière de liberté des médias

Si la mise au point de mécanismes de protection des lanceurs d’alerte dans le secteur public a pris beaucoup de temps dans le monde, le processus s’est accéléré ces dernières années. En 2015, au moins une soixante d’États avaient institué une forme ou une autre de protection des lanceurs d’alerte79 . À l’échelle internationale, la Convention des Nations Unies contre la corruption est entrée en vigueur en 200580 . En juillet 2017, 179 pays au total, soit la majorité des pays du monde, avaient ratifié cette Convention qui fournit un cadre protecteur des lanceurs d’alerte. Ce chiffre englobe les 23 États membres de l’UNESCO qui l’ont ratifiée, l’ont approuvée ou y ont adhéré depuis 2012, dont 9 en Asie et Pacifique, 6 en Afrique, 4 dans la région arabe, 2 en Amérique latine et Caraïbes, un dans la région Europe de l’Ouest et Amérique du Nord et un en Europe centrale et orientale (figure 1-7)81 .

Au niveau régional, aussi, de plus en plus de pays ont ratifié des conventions contre la corruption qui contiennent des dispositions en faveur de la protection des lanceurs d’alerte. Il n’est que de citer la Convention interaméricaine contre la corruption, ratifiée par 33 États membres, et la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, ratifiée par 4 nouveaux États membres de l’UNESCO au cours de la période considérée, portant à 36 le nombre total de ratifications82 .

De l’année 2009 se dégage une tendance semblable avec l’adoption par le Conseil de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) de la Recommandation visant à renforcer la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, laquelle impose aux pays de l’OCDE qui sont parties à la Convention des Nations Unies contre la corruption d’assurer la protection des lanceurs d’alerte au niveau national. D’après un rapport de l’OCDE publié en 2016 sous le titre Committing to Effective Whistle-blower Protection (« S’engager pour une protection efficace des lanceurs d’alerte ») qui présente une enquête conduite dans tous les pays membres de l’OCDE, les cadres juridiques de protection des lanceurs d’alerte se sont grandement améliorés dans les pays membres depuis quelques années : « Ces cinq dernières années, les pays de l’OCDE ont été plus nombreux à mettre en place une législation particulière en matière de protection des lanceurs d’alerte qu’au cours des 25 années précédentes83». Sur le continent africain, seuls 7 pays ont adopté des lois de protection des lanceurs d’alerte, selon la Plate-forme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique84 .

Pourtant, ces dispositifs de protection, lorsqu’ils existent, ne parviennent pas toujours à aider les journalistes à signaler des faits de corruption et les sources à se faire connaître sans craindre des représailles. Le rapport de l’OCDE note par ailleurs que 59 % des pays de l’OCDE « garantissent l’anonymat des lanceurs d’alerte dans le secteur public », mais que 30 % seulement « prévoient des mesures d’incitation pour encourager les lanceurs d’alerte à divulguer les actes répréhensibles85 ».

Par conséquent, des avancées vers une plus grande reconnaissance légale de l’importance de protéger les lanceurs d’alerte sont visibles ces dernières années et, si la route est encore longue, il s’agit là d’un élément positif pour la liberté des médias.

79 Kaye 2015a. 83 OCDE 2016, 2. 80 Office des Nations Unies contre la drogue et le crime 2005. 84 Fröhlich 2017. 81 Office des Nations Unies contre la drogue et le crime 2017. 85 OCDE 2016, 6–7. 82 Union africaine 2017 ; Organisation des États américains n.d.

60 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Gouvernance de l’Internet et liberté des médias

Pour comprendre l’environnement de la liberté des médias à l’ère du numérique, il faut prendre du recul afin de considérer l’évolution de l’écosystème de la gouvernance de l’Internet dans sa globalité. Liberté des médias, liberté d’expression et liberté d’information font depuis longtemps partie des principes de la gouvernance de l’Internet, tels qu’ils sont énoncés en particulier dans la Déclaration de Genève (2003) et dans l’Engagement de Tunis adopté à l’occasion du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) en 2005. De par le caractère décentralisé et transnational de l’Internet, un environnement favorable à la liberté des médias à l’ère du numérique requiert une coopération internationale entre de multiples acteurs et le respect mutuel des droits de l’homme.

Globalement, deux visions s’opposent dans les débats qui se sont déroulés ces dernières années sur la gouvernance mondiale de l’Internet86 . D’un côté, on trouve des gouvernements nationaux, en particulier dans la région de l’Europe centrale et orientale et celle de l’Asie et Pacifique, qui mettent l’accent sur la souveraineté de l’État, estimant qu’elle représente un point d’articulation de la gouvernance nationale et mondiale de l’Internet. Dans certaines régions, des lois relatives à la localisation des données exigeant que les données soient stockées, traitées et diffusées dans une juridiction déterminée ont été instaurées pour conserver les données à caractère personnel des citoyens à l’intérieur des frontières, dans le double but de préserver la mainmise des autorités de réglementation sur ces données et de justifier une extension de juridiction. Dans les régions de l’Europe centrale et orientale, de l’Asie et Pacifique et de l’Afrique, tous les pays disposent d’une législation comportant des exigences de localisation (Bowman, 2017). Si les cas signalés de propositions de lois et de politiques en matière de localisation foisonnent partout dans le monde87 , le phénomène est particulièrement prononcé dans les régions Asie et en Europe, les États tirant souvent prétexte de renforcer la sécurité nationale, garantir le respect de la vie privée, faciliter l’application de la loi et agir en prévention contre la surveillance exercée par les pays étrangers88 . Il n’en demeure pas moins que l’exigence de localisation des données augmente le risque de multiplication des normes et la fragmentation de l’Internet en limitant la libre circulation de l’information et qu’elle accroît, dans certains cas, le pouvoir potentiel de surveillance, avec les conséquences qui s’ensuivent pour la liberté d’expression.

À l’encontre de cette tendance, une autre approche privilégie la vision d’Internet comme espace unifié et universel avec des normes et des principes communs. La réunion NETmundial, qui s’est tenue au Brésil en 2014, a regroupé ses conclusions dans une déclaration multipartite qui affirme que « l’Internet doit continuer à être un réseau de réseaux mondialement cohérent, interconnecté, stable, non fragmenté, évolutif et accessible89 ». En 2015, la Conférence générale de l’UNESCO a approuvé le concept d’universalité de l’Internet et les« principes D.O.A.M. » qui prônent un Internet : « (i) fondé sur les Droits de l’homme, (ii) Ouvert, (iii) Accessible à tous et (iv) nourri par la participation d’acteurs Multiples ». Les principes D.O.A.M. définissent les normes applicables en termes de processus (comment s’effectue la prise de décisions pour éviter le risque d’interception de l’Internet par un centre de pouvoir unique et le risque global qui en découle), assorties de recommandations sur le fond (quels devraient être ces principes). Ce modèle repose sur un Internet mondial dont les principes

86 Drake, Cerf, and Kleinwachter 2016. 87 Daskal 2015. 88 FTI Consulting 2017. 89 NETmundial 2014.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 61 Tendances en matière de liberté des médias

Figure 1-8: Universalité de l’Internet et « principes D.O.A.M. »

62 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 D.O.A.M. servent de cadre aux diversités régionales, nationales et locales. Dans cette perspective, les principaux objectifs sont la liberté des médias, l’interopérabilité des réseaux, la neutralité du réseau et la libre circulation de l’information (minimiser les entraves au droit de recevoir et transmettre des informations par-delà les frontières et les restrictions éventuelles en conformité avec les normes internationales)90 . Ce modèle préconise, en outre, d’évaluer les décisions relatives à l’équilibre des droits (concernant par exemple la sécurité, la liberté d’expression et le respect de la vie privée) au regard des trois autres piliers. Cet équilibre peut, selon le cas, nuire à l’ouverture considérée comme essentielle de l’Internet ou à l’accessibilité. La prise de décisions selon des modalités multipartites apparaît alors comme la meilleure formule91.

Parallèlement à l’action menée par l’UNESCO pour promouvoir les principes D.O.A.M. et concevoir des indicateurs d’évaluation au niveau national, un certain nombre d’initiatives ont été lancées à l’échelle nationale, régionale et internationale pour créer un socle de droits communs dans l’univers numérique. Dans une étude menée sur 30 initiatives de grande ampleur visant à élaborer une déclaration des droits en ligne pendant une période comprise entre 1999 et 2015, des chercheurs du Berkman Klein Center de Harvard ont constaté qu’il existait plus de documents (26) protégeant le droit à la liberté d’expression en ligne que tout autre droit92 . De même, l’étude de l’UNESCO intitulée « Principes de la gouvernance de l’Internet » fait ressortir que, sur les 52 documents examinés, 41 mentionnent la liberté d’expression93 . Ces initiatives sont au cœur des actions engagées pour parvenir à un consensus sur les droits, y compris les droits des médias, en ligne.

Les principes D.O.A.M. définis par l’UNESCO ont, à l’instar d’autres principes de la gouvernance de l’Internet, fait l’objet d’amples débats dans le monde lors de divers forums, comme le suivi du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) et le Forum sur la gouvernance de l’Internet (FGI) qui a lieu chaque année. Une des caractéristiques majeures des initiatives mondiales axées sur la mise en œuvre de l’universalité de l’Internet est la place importante accordée à la participation multipartite qui élargit l’implication dans la prise de décisions au-delà des États pour l’étendre à la société civile, à la communauté technique et au secteur privé et qui reconnaît le rôle des médias94 . En décembre 2015, l’Assemblée générale des Nations Unies s’est engagée en faveur de la collaboration multipartite aux termes d’une résolution portant prolongation du processus du Sommet mondial sur la société de l’information et du mandat du Forum sur la gouvernance de l’Internet pour une période supplémentaire de dix années95 . L’importance des droits de l’homme et des questions relatives aux médias, comme la sécurité des journalistes, y est également mise en exergue.

Un autre signe de l’écho favorable que reçoit le modèle multipartite a été la transition de la gestion de l’Autorité d’attribution des adresses Internet (IANA). La coordination des identificateurs uniques de l’Internet qui faisait l’objet d’un contrat avec le Ministère américain du commerce a été confiée à une nouvelle entité du secteur privé dotée de nouveaux mécanismes multipartites de reddition de comptes. L’un des fruits du modèle multipartite a été le Manuel de Tallin 2.0 sur le droit international applicable à la cyberguerre (Tallinn Manual 2.0 on the International Law Applicable to Cyber Operations)96 , deuxième édition actualisée et considérablement augmentée de la première édition parue en 2013 (Tallinn Manual on the International Law

90 UNESCO 2016b. 93 Weber 2015. Cette étude réalisée dans le cadre de la Collection 91 van der Spuy 2017. Cette étude réalisée dans le cadre de UNESCO sur la Liberté de l’Internet comprend une évaluation à la la Collection UNESCO sur la Liberté de l’Internet analyse fois quantitative et qualitative d’une cinquantaine de déclarations, l’évolution du modèle de gouvernance de l’Internet régi par lignes directrices et cadres. la participation d’acteurs multiples. 94 van der Spuy 2017. 92 Gill, Redeker, and Gasser 2015. 95 Assemblée générale des Nations Unies 2015a. 96 Schmitt 2017.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 63 Tendances en matière de liberté des médias

Applicable to Cyber Warfare)97 . À l’occasion des conférences annuelles organisées en lien avec la Convention sur la cybercriminalité signée à Budapest, de même que des réunions du Groupe d’experts gouvernementaux chargé d’examiner les progrès de l’informatique et des télécommunications dans le contexte de la sécurité internationale en vertu d’un mandat de l’Assemblée générale des Nations Unies, les participants ont délibéré sur les normes telles que la protection des infrastructures critiques et l’application du droit international dans le cyberespace. Tous ces éléments fournissent un contexte important, sachant que l’évolution des lois relatives à la cybersécurité a une incidence croissante sur la liberté des médias.

Le débat en profondeur qui s’est tenu sur ces questions de gouvernance à l’échelle internationale l’a été pareillement à l’échelle régionale, mais sous des formes variées. Entre 2012 et 2016, l’Union africaine a adopté la Convention de l’Union africaine sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel98 tandis que le Secrétariat du Commonwealth entérinait le rapport du groupe de travail d’experts sur la cybercriminalité99 . En adoptant cette convention, l’Union africaine a ouvert la voie à plusieurs pays de la région en les incitant, à leur tour, à légiférer ou discuter sur la protection des données, la cybercriminalité et la cybersécurité. Certaines de ces lois, soigneusement élaborées, prévoient notamment la mise en place d’autorités nationales de protection des données, d’exigences de notification des utilisateurs et de périodes de conservation des données d’une durée raisonnable. Mais d’autres lois contiennent des restrictions ambiguës qui pourraient fort bien être utilisées pour entraver la liberté des médias. À l’inverse, d’autres pays, particulièrement en Amérique latine, ont contribué à promouvoir une approche respectueuse des droits de la législation en rapport avec l’Internet en y incorporant des dispositions sur la quantité de données qu’une entreprise peut conserver sur ses utilisateurs, l’examen par une autorité judiciaire des demandes de retrait de contenus illicites et un engagement vis-à-vis des principes de neutralité du réseau. Égalité des genres et liberté des médias

La libre participation aux médias, les droits d’expression, l’accessibilité et la production de contenus médiatiques sont des problématiques que l’on ne peut pas pleinement appréhender sans prendre en compte les dimensions de l’égalité des genres. Ces problématiques se recoupent souvent et sont exacerbées par la complexité grandissante de la sphère numérique. Dans toutes ces problématiques, les femmes ne sont pas sur un pied d’égalité avec les hommes, et la valeur accordée à leur travail n’est pas la même que celle des hommes. Dans un grand nombre de salles de rédaction à travers le monde, persiste une culture qui ralentit la progression des femmes. Les actes de harcèlement sont monnaie courante sur ces lieux de travail et, faute de suivi, les politiques en faveur de l’égalité des genres, même lorsqu’elles sont en place, sont inefficaces pour lutter contre la discrimination fondée sur le genre [voir TENDANCES EN MATIERE DE PLURALISME DES MEDIAS].

Un autre problème connexe tient à l’exclusion des femmes du débat, qu’il s’agisse de la liberté des médias ou, plus généralement, de l’élaboration des politiques sur la gouvernance de l’Internet. La situation semble figée depuis quelques années. La coalition dynamique Genre et gouvernance de l’Internet créée dans le cadre du Forum sur la gouvernance de l’Internet, qui appelle à intégrer la question du genre dans la gouvernance de l’Internet, indique que si la participation des femmes au Forum sur la gouvernance de l’Internet était proche de la parité en 2015, les femmes demeurent sous-représentées dans les discussions et les débats : 37 % seulement des intervenants étaient des femmes, en baisse de 40 % par rapport à l’année précédente .100

97 Schmitt 2013. 98 Union africaine 2014. 99 Secrétariat du Commonwealth 2014. 100 Gender Dynamic Coalition and APC 2016. 64 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Dans d’autres organisations, comme la Société pour l’attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet (ICANN), les hommes continuent d’avoir la mainmise sur les postes de direction. En 2017, le Conseil d’administration de l’ICANN comptait 4 femmes et 16 hommes, preuve du long chemin qui reste à parcourir avant de parvenir à la parité. Réduire le déséquilibre hommes-femmes aux postes de direction des organes décisionnels de la gouvernance de l’Internet est un pas important pour donner rang de priorité aux problèmes d’accès, de respect de la vie privée et de sécurité liés au genre101 . Face aux inégalités actuelles, la société civile reste un élément charnière de progrès. D’autres organisations plaident pour une plus grande représentation des femmes et pour la création de grands organismes normatifs, comme le Gender and Internet Governance eXchange, lancé par l’Association pour le progrès des communications, qui a pour mission de combler la faible participation des défenseurs des droits des femmes et des droits sexuels aux processus de gouvernance de l’Internet. Il reste bien des défis à relever pour que les questions de genre soient reconnues et intégrées dans les futures politiques relatives à la liberté des médias (pour connaître l’action de l’UNESCO en faveur de l’égalité des genres dans les médias, [voir TENDANCES EN MATIERE DE PLURALISME DES MEDIAS : ÉGALITE DES GENRES ET PLURALISME DES MEDIAS.]

Certes, l’importance de la liberté d’information est mieux reconnue. Pour autant, l’égalité d’accès des femmes et des hommes à cette liberté n’a guère retenu l’attention. Les barrières sociales comme l’analphabétisme, notamment numérique, ont creusé les inégalités en matière de maniement d’outils utilisés pour accéder à l’information, exacerbant souvent la méconnaissance de problèmes en relation directe avec la condition de la femme et le genre, comme la santé génésique [voir TENDANCES EN MATIERE DE PLURALISME DES MEDIAS]. S’ajoutent à cela d’autres cas plus extrêmes, où les autorités locales interdisent ou restreignent l’usage du téléphone mobile par les filles et les femmes célibataires de leurs communautés102 .

Plusieurs États, dont certains ont instauré de nouvelles lois au cours des cinq dernières années, censurent ouvertement les membres de la communauté des lesbiennes, gays, bisexuel(le)s, transgenres, allosexuel(le)s ou intersexué(e)s (LGBTQI) et les contenus qui en émanent, entraînant de graves conséquences pour l’accès à l’information sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre103 . Les plates-formes numériques peuvent, elles aussi, jouer un rôle déterminant dans les restrictions d’accès à certains contenus. En 2017, par exemple, YouTube a décidé de classer en « accès restreint », c’est-à-dire une classification destinée à filtrer des « contenus potentiellement inappropriés », des vidéos sans contenu explicite évoquant des thèmes portant sur les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres ou allosexuelles104 .

Les aspects sexospécifiques de la liberté des médias sont étroitement liés à la sécurité des journalistes. Les femmes journalistes courent des risques particuliers, notamment pour leur sécurité personnelle lorsqu’elles traitent avec des sources confidentielles, qui peuvent limiter leur liberté d’expression et les exposer à des difficultés supplémentaires dans l’exercice de leur métier [voir TENDANCES EN MATIERE DE SECURITE DES JOURNALISTES]. La violence physique qui se manifeste sous forme virtuelle à travers la fréquence accrue des propos haineux et insultants à l’encontre des femmes et de la communauté des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres ou allosexuelles est un autre aspect. Ces propos abusifs ont un effet dissuasif et font obstacle à la participation en ligne de ces communautés. La lutte contre la prolifération de ces discours pose un sérieux défi aux décideurs politiques attachés à réduire les préjudices dont les groupes vulnérables sont la cible. Pour marquer la Journée internationale de la femme en 2017, le Rapporteur spécial des Nations

101 Kovacs et al. 2012. 103 York 2016. 102 Kovacs 2017. 104 Hunt 2017.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 65 Tendances en matière de liberté des médias

Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression a souligné la difficulté pour les États, les entreprises et les organisations de la société civile à faire face à ces abus tout en restant attentifs au droit international des droits de l’homme. Il a mis en garde contre le recours à la censure et à des restrictions injustifiées de la liberté d’expression pour contrer les propos abusifs en ligne, faisant valoir que ces restrictions pourraient « finir par saper les droits des femmes auxquelles, précisément, les États et les acteurs privés s’efforcent d’accorder réparation »’.105 Conclusion

Les transformations observées depuis 2012 dans le domaine de la liberté des médias résultent, en grande partie, de tendances politiques et sociales et de changements induits par les nouvelles technologies. L’évolution des avancées technologiques n’a, cependant, rien d’uniforme et se révèle plutôt variable en fonction des régions, du genre et des fractures, numériques et autres. Les nouvelles technologies peuvent se muer aussi bien en technologies de liberté qu’en outils potentiels de surveillance, voire de coercition. Durant la période étudiée, le champ de la liberté d’information et des activités autour des données ouvertes s’est élargi, mais les conditions d’exercice du métier de journaliste, en particulier la protection des sources journalistiques et la protection des journalistes contre les diverses formes de harcèlement, d’intimidation et d’exclusion, se sont dégradées. Les blocages généralisés (tels que les arrêts de service Internet) sont devenus beaucoup plus fréquents. Dans certaines régions, le phénomène des « fausses nouvelles » a fragilisé la légitimité des médias, mettant dès lors les États devant l’obligation de réagir par des mesures appropriées et proportionnées qui affaiblissent la liberté des médias [voir TENDANCES EN MATIERE DE PLURALISME DES MEDIAS]. Les disparités de genre dans le journalisme et le droit restent une entrave à la mise en œuvre d’une pleine et entière liberté des médias.

Les tendances économiques, politiques et environnementales de ces cinq dernières années ont également affecté la liberté des médias de façon non négligeable, mais inégale. Depuis la publication du premier rapport Tendances mondiales en matière de liberté d’expression et de développement des médias, la capacité d’influence des plates-formes privées de l’Internet et des entreprises de médias sociaux sur la liberté des médias s’est accrue de façon spectaculaire. Le terrorisme et les conflits violents qui sévissent en divers endroits du globe représentent des menaces qui, aux yeux des États, justifient les restrictions à la liberté des médias. Les appels à la souveraineté et à la sauvegarde de la sécurité nationale se sont alors avérés des arguments plus que convaincants. D’aucuns ont invoqué la sécurité nationale pour restreindre la protection des journalistes, renforcer les actions de surveillance et ordonner la fermeture de journaux et de stations de radio. Et, dans maints pays du monde entier, cette liberté rendue possible par les nouvelles technologies a connu un déclin souvent très net, sans parler des lois déjà existantes sur la diffamation et le blasphème.

La liberté des médias, en ce qu’elle désigne la liberté de tous les acteurs d’utiliser des plates-formes médiatiques comme vecteurs de l’expression publique, va de pair avec la capacité d’enrichir et d’approfondir la multiplicité des cultures. Que ce soit la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles adoptée par l’UNESCO en 2005 ou le Rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du le droit à la liberté d’opinion et d’expression élaboré en 2011,

105 OHCHR 2017.

66 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 l’un et l’autre reconnaissent que les sociétés doivent protéger et promouvoir les valeurs qu’elles portent, tout en favorisant le débat public et la liberté d’expression dans le respect des droits de l’homme106 . Cette difficile harmonie, qui consiste à identifier et préserver les valeurs fondamentales appelées à irriguer une dynamique d’échange mondial d’informations et d’idées, compose la trame de fond de cette étude. Dans un monde multiculturel, il convient, comme pour d’autres aspects, d’encadrer d’éventuelles restrictions à la liberté des médias par des normes élargies sur les droits humains universels et le principe de non- discrimination.

En 2017, l’Union internationale des éditeurs a adopté un manifeste pour la liberté de publier où l’on peut lire : « L’édition est un mécanisme puissant grâce auquel l’humanité a pu activer la circulation des œuvres de l’esprit, des informations, des idées, des croyances et des opinions depuis des siècles107 ». Traversé par la très forte démocratisation de l’édition, le monde actuel offre désormais à tout individu la possibilité de générer des contenus, souvent sans gardiens pour en assurer le filtrage et la publication108 . Les barrières à l’entrée sur le marché de l’édition sont aujourd’hui levées, les structures de diffusion des informations ont changé du tout au tout, et la difficulté est de savoir l’attitude que vont adopter les sociétés à l’égard des médias et de la liberté des médias. Pour que la liberté des médias progresse, il est indispensable de maintenir la vitalité et la pérennité d’un engagement public et institutionnel en faveur de normes internationales, à l’image de celles qui sont consacrées dans l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et d’autres documents. Au vu du rythme continu des changements technologiques et de l’influence grandissante des entreprises d’Internet, cet engagement méritera qu’on y porte une attention soutenue.

106 UNESCO 2005, vol. CLT-2005; La Rue 2011. 107 International Publishers Association (IPA) 2017. 108 Ayish and Mellor 2015.

67 Tendances en matière de pluralisme des médias Tendances en matière de LA CIRCULATION DE LA PRESSE*** INFO a chuté partout dans le monde, Pluralisme des médias sauf en Asie et dans la région Pacifique Pourcentage d’individus ayant accès à l’Internet* LES FEMMES RESTENT SOUS- REPRESENTÉES DANS LES MÉDIAS**, ne comptant que pour :

34% 48% 2012 2017 PRÈS DE LA MOITIÉ DE LA POPULATION MONDIALE a 1/4 DES DÉCIDEURS DES MÉDIAS aujourd’hui accès à l’Internet

1/3 DES REPORTERS

1/5 DES EXPERTS INTERROGÉS LA DISPONIBILITÉ DES CONTENUS MÉDIATIQUES s’est considérablement accrue, en grande partie en raison de l’augmentation de contenus produits et partagés par les usagers sur les réseaux sociaux

LE CLASSEMENT PAR ALGORITHMES des résultats de recherche et des flux d’actualités sur les réseaux sociaux a RATING contribué à créer des « chambres d’écho » LA PRATIQUE DU « ZERO-RATING » a et des « bulles de filtres » qui confortent les renforcé le pluralisme en termes d’accès, internautes dans leurs opinions au lieu de mais a soulevé des inquiétudes concernant la renforcer le dialogue limitation de la neutralité du Net LARGE ACCÈS CHOIX RESTREINT 68 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Sources: *ITU. 2017; **Global Media Monitoring Report. 2015; *** WAN-IFRA.2017 Tendances en matière de LA CIRCULATION DE LA PRESSE*** INFO a chuté partout dans le monde, Pluralisme des médias sauf en Asie et dans la région Pacifique Pourcentage d’individus ayant accès à l’Internet* LES FEMMES RESTENT SOUS- REPRESENTÉES DANS LES MÉDIAS**, ne comptant que pour :

34% 48% 2012 2017 PRÈS DE LA MOITIÉ DE LA POPULATION MONDIALE a 1/4 DES DÉCIDEURS DES MÉDIAS aujourd’hui accès à l’Internet

1/3 DES REPORTERS

1/5 DES EXPERTS INTERROGÉS LA DISPONIBILITÉ DES CONTENUS MÉDIATIQUES s’est considérablement accrue, en grande partie en raison de l’augmentation de contenus produits et partagés par les usagers sur les réseaux sociaux

LE CLASSEMENT PAR ALGORITHMES des résultats de recherche et des flux d’actualités sur les réseaux sociaux a RATING contribué à créer des « chambres d’écho » LA PRATIQUE DU « ZERO-RATING » a et des « bulles de filtres » qui confortent les renforcé le pluralisme en termes d’accès, internautes dans leurs opinions au lieu de mais a soulevé des inquiétudes concernant la renforcer le dialogue limitation de la neutralité du Net LARGE ACCÈS CHOIX RESTREINT Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 69 Sources: *ITU. 2017; **Global Media Monitoring Report. 2015; *** WAN-IFRA.2017 Tendances en matière de pluralisme des médias

70 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Tendances en matière de Pluralisme des médias

Vue d’ensemble

epuis la première édition des Tendances mondiales en matière de liberté d’expression et de développement Ddes médias, le pluralisme des médias a fait face à de profondes transformations, mettant en relief une série de tendances contradictoires qui affectent les systèmes médiatiques et les expériences des utilisateurs des médias partout dans le monde. Les tendances dégagées ici abordent la question du pluralisme sous plusieurs angles : le niveau d’accès, les modèles économiques, la diversité des contenus et la place des femmes dans les médias.

L’accès à une pluralité de médias a continué de se développer, grâce à la formidable démocratisation d’Internet et au passage au numérique. Cela a permis d’augmenter considérablement la disponibilité des contenus médiatiques, en particulier des contenus partagés et produits par les utilisateurs sur les médias sociaux, à quoi s’est ajoutée une multiplication des chaînes numériques auxquels les gens ont accès par le biais de la télévision et de la radio. Cette diversité accrue des contenus s’est cependant accompagnée d’une tendance dominante - observée partout dans le monde, mais avec des expressions régionales différentes - vers une nouvelle forme de « pluralisme polarisé»1. L’interaction entre habitudes de consommation, modification des modèles économiques et dispositifs techniques a creusé les divisions en matière d’utilisation des médias : différentes sources d’information et de programmes sont disponibles, mais chaque groupe segmenté ne consomme qu’un nombre limité d’entre eux.

Dans les régions où la pénétration d’Internet et l’utilisation des ressources en ligne pour s’informer sont à leur plus haut niveau, les filtres et les algorithmes basés sur les choix antérieurs des utilisateurs risquent de donner lieu à un cloisonnement croissant des débats. Dans d’autres régions, comme les États arabes ou l’Afrique, cette tendance à la polarisation a surtout été alimentée par la radiodiffusion, notamment dans les pays où la libéralisation a provoqué une montée du sectarisme et une mainmise d’acteurs politiques rivaux sur les médias.

Certains aspects de cette fragmentation ont également affecté les infrastructures. La tendance au développement du mobile s’est souvent opérée, notamment au sein des économies émergentes, grâce à la pratique du « zero rating », par lequel les fournisseurs de services Internet ou de téléphonie mobile permettent aux utilisateurs d’accéder à des contenus ou des applications spécifiques sans les décompter de leur forfait.

1 Ce terme a été appliqué pour la première fois aux systèmes médiatiques par Hallin et Mancini 2004.

71 Tendances en matière de pluralisme des médias

Les modèles commerciaux traditionnels des médias d’information continuent d’être bousculés, débouchant sur une concentration à la fois verticale et horizontale et sur l’apparition de nouveaux types de participations croisées. Les défis actuels en ce qui concerne le financement des médias ont conduit de nombreux médias à expérimenter de nouveaux modèles économiques, tels que l’accès payant ou les initiatives de financement participatif, avec des résultats mitigés.

Le pluralisme reste bridé par la sous-représentation persistante des femmes tant dans le personnel des médias, en particulier aux postes de décision, que dans leurs contenus. Les femmes rencontrent toujours des obstacles importants pour progresser dans leur carrière. Face à cela, la société civile a intensifié ses efforts de diversification des médias et de lutte contre la marginalisation endémique des femmes, notamment par le biais de l’Alliance mondiale genre et médias lancée par l’UNESCO et l’application d’indicateurs d’égalité des genres dans les médias. Qu’entend-on par « pluralisme des médias » ?

Élément clé de la liberté d’expression et du développement des médias, le pluralisme signifie qu’il y a choix en matière de consommation et de production de médias, par opposition à la monopolisation des offres et des possibilités. Le pluralisme exige une sensibilité à une diversité des modèles de propriété économique et à une architecture technique de la diffusion dans laquelle celle-ci peut emprunter une multiplicité de canaux et de plates-formes. Le pluralisme appelle souvent des engagements forts de la part des gouvernements à l’égard du service public et des médias communautaires pour assurer la diversité.

Jusqu’à présent, les débats concernant le pluralisme des médias ont surtout porté sur les questions de « fourniture » et d’« offre » de contenus médiatiques et sur l’impact des informations dont dispose la société2 . Les évaluations du pluralisme des médias examinent généralement le nombre de médias disponibles, la représentation qu’ils donnent des différents groupes et intérêts présents dans la société, les propriétaires des médias et les personnes capables d’y exercer une influence. La présente étude aborde ces importantes dimensions. En outre, l’explosion de l’accès aux médias par le biais d’Internet, la pratique de plus en plus répandue chez les utilisateurs de consommer de l’information à travers une variété de plates-formes, et l’essor du profilage algorithmique, soulèvent des questions concernant les utilisateurs et la manière dont ils accèdent - ou sont gardés d’accéder - à une pluralité de sources. Ce chapitre analyse donc les tendances persistantes qui ont affecté et continue d’affecter le pluralisme - telles que la concentration de la propriété et l’équilibre entre les sources d’information publiques et privées - et les tendances nouvelles, qui exigent d’adopter de nouveaux outils conceptuels pour comprendre si la pléthore d’informations et l’apparition de nouvelles plates-formes médiatiques reflètent et servent réellement les principes du pluralisme des médias.

L’évaluation ci-dessous mesure les tendances en matière de pluralisme des médias sous l’angle de l’accès à une gamme de médias, de la production et de la disponibilité d’une diversité de contenus sur les plates- formes médiatiques prises individuellement et dans leur ensemble, ainsi que de la pluralité des modèles économiques et de la multiplicité des propriétaires et des types de médias qui, ensemble, structurent la consommation et la production de l’information. Le présent chapitre comprend aussi un examen de l’égalité des genres dans les personnels, les postes de décision et les représentations des médias, qui sont autant d’éléments clés d’un environnement médiatique pluraliste.

2 Jakubowicz 2015.

72 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Encadré 2-1 : L’action de l’UNESCO en faveur du pluralisme des médias

En tant qu’agence spécialisée des Nations Unies expressément mandatée pour défendre la liberté d’expression, l’UNESCO agit à plusieurs niveaux pour promouvoir le pluralisme des médias. Ces dernières années, elle a mené les actions suivantes :

Autonomisation d’institutions clés et Des lignes directrices pour la préparation de politiques renforcement des capacités et de stratégies d’EMI ont été élaborées en vue de leur 1 adaptation par les États membres au niveau national, Les radiodiffuseurs tant publics que privés de et six pays ont mis en œuvre le Cadre d’évaluation de l’ensemble de la région arabe et de l’Afrique l’EMI. francophone ont bénéficié d’une formation aux Indicateurs d’égalité des genres dans les médias (GSIM) Cinq consultations nationales ont été organisées sur et à l’élaboration de plans d’action concernant leur la formulation de politiques et de stratégies d’EMI, suivi. et un curriculum EMI a été mis à l’essai dans des instituts de formation et des modules de formation des Les chaînes de radio locales de sept pays d’Afrique enseignants. ont vu leurs capacités renforcées dans le domaine de l’utilisation des TIC, de la prise en compte des Sensibilisation des médias, des citoyens et questions de genre, de l’application de normes d’autres parties prenantes journalistiques et du journalisme d’investigation. 3 Des efforts pour promouvoir un secteur La Journée mondiale de la radio (13 février) reste cinématographique respectueux de l’égalité des l’occasion chaque année de plaider en faveur du genres ont été engagés dans les pays du sud de la pluralisme des médias, de la diversité et de la viabilité Méditerranée. des médias communautaires.

37 organisations de jeunes ont été formées à intégrer Une Semaine mondiale de l’EMI a été organisée chaque l’éducation aux médias et à l’information (EMI) dans année, avec pour thème, en 2017, « L’éducation aux leurs politiques et leur fonctionnement. médias et à l’information en temps critiques : réinventer Plus d’un millier de jeunes sont formés à l’EMI grâce les méthodes d’apprentissage et les environnements aux innovations apportées par les médias sociaux : de l’information ». MILCLICKS (réflexion critique et créativité, éducation, interculturel, citoyenneté, connaissance et durabilité), La célébration annuelle de la campagne « Les femmes formation EMI en ligne ouverte à tous et cours en font l’info » promeut l’égalité des genres dans les présentiel associés. médias.

Cadres politiques et lignes directrices 2 Recherche universitaire et guides pratiques L’UNESCO a accueilli une conférence mondiale visant à promouvoir une information de sur les politiques destinées à assurer la viabilité 4 qualité dans le cadre du pluralisme des médias des médias communautaires (2015) et adopté des recommandations sur une série concrète de notes Les médias face au terrorisme : manuel pour les d’orientation dans ce domaine (2016). journalistes

L’UNESCO assiste les régulateurs des médias dans la Le changement climatique en Afrique : guide à l’intention mise en œuvre de politiques de soutien au secteur des journalistes des médias communautaires, et des processus de consultation sont en cours dans plusieurs pays. Media and Information Literacy: Reinforcing Human Un soutien a été apporté à l’élaboration du code Rights, Countering Radicalization and Extremism d’éthique et des statuts de l’Alliance mondiale genre et médias (GAMAG), ainsi que du Réseau genre, médias et TIC du Programme de mise en réseau des universités (UNITWIN).

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 73 Tendances en matière de pluralisme des médias

Accès

L’accès à une diversité de médias s’est accru entre 2012 et 2016. Malgré des différences notables entre les régions, cette croissance a coïncidé avec des changements majeurs dans la manière dont les utilisateurs conjuguent médias anciens et nouveaux pour accéder à l’information et au divertissement. Internet a enregistré la plus forte croissance en utilisateurs, en particulier dans les régions historiquement à la traîne, grâce à des investissements massifs dans les infrastructures et au développement de la téléphonie mobile. La télévision n’en reste pas moins le média le plus populaire, bien que sa suprématie ait été fortement entamée par les plates-formes de médias en ligne. Il reste que c’est la consommation de la radio et des journaux qui a le plus pâti de ces nouvelles tendances. La consommation du journalisme, qu’il s’exprime par le son, l’audiovisuel, le texte ou l’image, passe de manière croissante par les plates-formes Internet.

Internet et téléphonie mobile

On a assisté ces cinq dernières années à une augmentation des engagements internationaux envers la fourniture d’accès Internet pour tous. Les plus éminents sont le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, les travaux de la Commission « Le large bande au service du développement durable », codirigée par l’UNESCO, et les travaux intersessions du Forum sur la gouvernance de l’Internet visant à « Connecter le prochain milliard ». L’accès à Internet n’a cessé de croître au cours de la période considérée, notamment dans les zones où il était historiquement inexistant. L’amarrage entre 2009 et 2012 de six câbles sous-marins en Afrique orientale et occidentale (Seacom, Teams, Eassy, Main One, ACE et WACS), par exemple, a beaucoup amélioré la disponibilité et le caractère financièrement abordable des connexions Internet durant la période couverte par la présente étude. L’Afrique a été le continent qui a connu la plus forte croissance en utilisateurs d’Internet.

Figure 2-1 : Pourcentage d’individus utilisant Internet, 2012-2017

% d'individus utilisant Internet Taux annuel de croissance

100

90

80

70

60

50 48% Source: Union internationale des 40 34% télécommunications (UIT), 2017 : « Key ICT 30 indicators for developed and developing 20 countries and the world (totals and penetration 10 10% 5% rates) ». Statistiques 0 mondiales TIC : www.itu. int/en/ITU-D/Statistics/ 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Pages/facts/default.aspx

74 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Selon l’Union internationale des télécommunications (UIT), à la fin de 2017, on estimait à 48 % la part des personnes régulièrement connectées à Internet, contre 34 % en 20123 . Mais si l’augmentation a été substantielle en chiffres absolus, le taux annuel de croissance des utilisateurs d’Internet a baissé au cours de la même période, de 10 % en 2012 à 5 % en 2017 (voir la figure 2-1).

Cette baisse peut être imputée à la très faible croissance enregistrée en Europe occidentale et en Amérique du Nord et à une baisse moins spectaculaire, mais relativement généralisée, dans toutes les autres régions.

La connectivité mobile a largement contribué à l’extension de l’accès à Internet ces dernières années, notamment en Asie et dans le Pacifique et en Afrique. Le nombre d’abonnés uniques à la téléphonie mobile cellulaire est passé de 3,89 milliards en 2012 à 4,83 milliards en 2016, soit les deux tiers de la population mondiale, plus de la moitié des abonnements étant situés en Asie et dans le Pacifique ; on prévoit une hausse du nombre des abonnements à 5,69 milliards d’utilisateurs en 20204 . En 2016, près de 60 % de la population mondiale avait accès à un réseau mobile 4G à large bande, contre un peu moins de 50 % en 2015 et 11 % en 20125 .

L’élargissement de l’accès renforce le pluralisme des médias, mais la connectivité mobile crée aussi des défis particuliers. L’accès à l’information par le biais des applications mobiles tend à offrir une expérience sensiblement différente de l’accès obtenu par le biais des ordinateurs et des navigateurs ouverts. Alors que l’Internet ouvert permet des explorations au-delà de la palette d’intérêts immédiate de l’utilisateur, les applications mobiles tendent à créer des espaces d’information cloisonnés, qui prédisposent les utilisateurs de téléphonie mobile à n’accéder qu’à une part restreinte de l’information disponible.

Figure 2-2 : Nombre d’abonnements à la téléphonie mobile cellulaire, 2012-2016 ?

en milliards 3,89 4,83 5,69 en 2012 en 2016 en 2020

Source : GSMA, 2017. The Mobile Economy 2017.

3 Union internationale des télécommunications (UIT) 2017a. 4 GSMA 2017. 5 Ibid.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 75 Tendances en matière de pluralisme des médias

Les limites auxquelles se heurtent les utilisateurs pour accéder à l’information grâce aux applications mobiles coïncident avec un processus plus large de fragmentation d’Internet, qui s’est accéléré durant la période couverte par la présente étude sous l’effet de forces tant commerciales que politiques. Cette fragmentation restreint l’accès au contenu médiatique et tend à pénaliser surtout les utilisateurs les plus pauvres. Bien que l’image qu’on se fait le plus souvent d’Internet soit, traditionnellement, celle d’un réseau permettant de connecter les individus et de faciliter la circulation des contenus indépendamment des frontières nationales ou des appareils utilisés pour se connecter, des espaces dits « protégés » ont fait leur apparition partout sur la planète.

Le « zero-rating », cette pratique des fournisseurs d’accès à Internet consistant à offrir aux usagers une connectivité gratuite pour accéder sans bourse délier à des contenus ou des applications spécifiques, a permis aux gens, dans une certaine mesure, de surmonter les obstacles d’ordre économique, mais il est également accusé de créer un Internet « à deux vitesses ». Les données concernées par ce « taux zéro » ne sont pas décomptées du volume de données alloué aux utilisateurs, les incitant à accéder aux informations et aux divertissements. À ceci près que ce ne sont pas les utilisateurs, mais les fournisseurs de contenus (comme Facebook) et les opérateurs de réseau mobile (comme Vodafone) qui décident du type d’informations accessibles gratuitement. Le « zero-rating » illustre la complexité de mesurer le pluralisme des médias aujourd’hui : il peut en effet encourager le pluralisme en favorisant l’accès, mais l’appauvrir en termes de choix, bien que des destinations comme Facebook ou Wikipedia ne constituent pas en soi des environnements fermés.

Pour remédier aux problèmes posés par le « zero-rating », un modèle alternatif, sous le concept d’« equal rating », c’est-à-dire de traitement égal des données, a fait son apparition et il est actuellement testé en Afrique par Mozilla et Orange. L’« equal rating » empêche de prioriser un type de contenu et autorise l’accès à tous les contenus jusqu’à un certain plafond. Cependant, il ne s’agit pas encore d’offres commerciales, et ces projets expérimentaux n’ont dans la région qu’une présence symbolique. On manque de données globales concernant le « zero-rating », mais durant la période couverte par la présente étude, ce service est devenu disponible dans la plupart des pays où la pénétration d’Internet a été historiquement limitée, car les fournisseurs d’accès Internet cherchent à pénétrer sur les marchés émergents. Selon une étude publiée par Chatham House, sur 19 pays d’Amérique latine étudiés, 15 disposaient d’un type de produit hybride ou à « taux zéro ». Certains pays de la région n’avaient qu’une poignée d’offres disponibles (sur l’ensemble des opérateurs mobiles), alors que dans d’autres, comme la Colombie, on trouvait jusqu’à 30 offres de prépaiement et 34 offres de postpaiement6 .

Une étude menée dans huit pays du Sud mondial a trouvé des offres de « zero-rating » dans tous ces pays, bien qu’il y ait une large variation dans la fréquence avec laquelle elles sont proposées et effectivement utilisées dans chacun d’eux7 . Sur les 181 offres examinées, 13 % proposaient ce type de services. Selon une autre étude, menée en Afrique du Sud, au Ghana, au Kenya et au Nigéria, les contenus sans décompte les plus courants étaient l’application Free Basics de Facebook et le programme Wikipedia Zero8.

Si le « zero-rating » illustre les tendances commerciales pouvant restreindre ou augmenter l’accès aux médias en ligne, il n’en demeure pas moins que les facteurs politiques, comme la censure et la surveillance, restent

6 Galpaya 2017. 7 Alliance for Affordable Internet (A4AI) 2015. Cette étude examine les trois à cinq premiers fournisseurs d’accès classés selon leur part de marché au Bangladesh, en Colombie, au Ghana, en Inde, au Kenya, au Nigéria, au Pérou et aux Philippines. 8 Gillwald et al. 2016.

76 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 de bons critères pour apprécier le pluralisme dans de nombreuses régions du monde. Selon les États, les interventions politiques ont causé des expériences radicalement différentes pour les utilisateurs d’Internet. Les possibilités d’intervention des États dans ce domaine sont très nombreuses, et beaucoup excèdent les normes internationales concernant les limitations légitimes au droit d’expression. Ces mesures vont de la censure de contenus considérés comme déstabilisants par les gouvernements aux interventions des opérateurs liées à leurs conditions de services et obligations légales, telles que le retrait de contenus visant à protéger la dignité des individus dans le cadre du « droit à l’oubli » [voir TENDANCES EN MATIÈRE DE LIBERTÉ DES MÉDIAS]. Télévision Médias en ligne Figure 2-3 : Principales sources d’information + de 55 ans selon l’âge 55% 28%

Source : Newman, N., Fletcher, R., Kalogeropoulos, A., Levy, D.A.L., Nielsen, R.K., 2017. Reuters Institute Digital News Report 18-24 ans % 2017. Reuters Institute for the 24 % Study of Journalism, Oxford. 64

Médias radiodiffusés

En Europe occidentale et en Amérique du Nord, la suprématie de la télévision comme principale source d’information est menacée par Internet, alors que dans d’autres régions, comme l’Afrique, la télévision gagne en part d’audience par rapport à la radio, la plate-forme médiatique historiquement la plus utilisée.

Outre des variations géographiques, l’âge joue un grand rôle pour déterminer la répartition entre radio, télévision et Internet comme première source d’information. Selon le Rapport sur l’information numérique 2017 du Reuters Institute, dans les 34 pays et territoires étudiés, 51 % des adultes de 55 ans et plus considèrent la télévision comme leur principale source d’information, contre 24 % seulement des répondants âgés de 18 à 24 ans9 . C’est le schéma inverse qui se vérifie en ce qui concerne les médias en ligne, choisis comme première source d’information par 64 % des 18-24 ans, et par seulement 28 % des utilisateurs âgés de 55 ans ou plus. Dans les 34 mêmes pays couverts par l’étude, les variations semblent bien moindres en ce qui concerne la radio, qui est le premier média pour 4 % seulement du groupe des répondants les plus jeunes, et pour 7 % des plus âgés. Cette différenciation selon l’âge pourrait avoir son importance pour les médias à l’avenir, avec des corrélations potentielles aux sociétés vieillissantes et à celles où prédominent les jeunes. En dehors des pays couverts par le rapport du Reuters Institute, l’évolution vers les médias en ligne comme principale source d’information se produit aussi dans d’autres régions du monde. En 2016, selon l’Arab Youth Survey, 45 % des jeunes interrogés considéraient les médias sociaux comme une source majeure de nouvelles10 . La télévision, qui était regardée régulièrement par 63 % des répondants, n’en demeurait pas moins le principal moyen utilisé pour recevoir l’information, y compris chez les plus jeunes.

9 Newman et al. 2017. Ce rapport couvre 34 États membres de l’UNESCO, situés pour l’essentiel en Europe occidentale et en Amérique du Nord, mais également en Europe centrale et orientale, en Asie-Pacifique et en Amérique latine et dans les Caraïbes. 10 ASDA’A Burson-Marsteller 2016.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 77 Tendances en matière de pluralisme des médias

Le passage de la télévision analogique à la télévision numérique a été inégal à travers le monde, mais il élargit régulièrement l’éventail des chaînes auxquels les individus ont accès. Selon l’UIT, qui suit les progrès du passage au numérique dans le monde, en 2017, la conversion avait été achevée dans 56 pays et se poursuivait dans 68 (voir la figure 2-4)11 .

Figure 2-4 : État d’avancement du passage L’accès aux contenus est également augmenté par les à la radiodiffusion télévisuelle numérique changements survenus dans les modes d’utilisation terrestre grâce au visionnement non linéaire, le streaming en Non entamé ligne devenant un élément important de l’expérience des utilisateurs. Depuis qu’il a étendu ses services Terminé En cours mondiaux à 130 pays en janvier 2016, Netflix a vu 7% bondir le nombre de ses abonnés, qui sont passés de 40 millions en 2012 à plus de 100 millions au deuxième trimestre de 2017. Son audience s’est également 35% diversifiée, 47 % des utilisateurs étant situés à 28% Total l’extérieur des États-Unis, où la société a commencé 198 ses activités en 199712 . La télévision par satellite a continué d’ajouter des alternatives mondiales ou transnationales aux options nationales de visionnement pour de nombreuses 30% audiences. Des fournisseurs d’information mondiaux comme la BBC, Al Jazeera, l’Agence France-Presse, RT (ex-Russia Today) et l’Agencia EFE hispanophone Absence de données utilisent Internet et la télévision par satellite pour

Source: Union internationale des télécommunications mieux toucher les spectateurs par-delà les frontières, UIT, 2017. Status of the transition to Digital Terrestrial et ils ont créé des chaînes spécialisées afin de cibler Television Broadcasting: Figures. ITU Telecommunication certains publics étrangers. Reflet d’une orientation Development Sector. https://www.itu.int/en/ITU-D/ Spectrum-Broadcasting/Pages/DSO/default.aspx plus ouverte sur l’extérieur, le China Global Television

Network (CGTN), groupe multilingue et multi-canaux appartenant à China Central Television et exploité par elle, a changé de nom en janvier 2017, abandonnant celui de CCTV-NEWS. Après des années de coupes budgétaires et de réduction de ses opérations mondiales, la BBC a annoncé en 2016 le lancement de 11 nouveaux services linguistiques (en amharique, en coréen, en gujarati, en igbo, en marathi, en oromo, en penjabi, en pidgin, en telougou, en tigrigna et en yoruba), ce qu’elle présente comme un élément de sa plus grande expansion « depuis les années 194013 ».

Certaines entreprises de radiodiffusion internationales et étrangères ont eu tendance à faire le reflet des intérêts des gouvernements ou des intérêts et points de vue de leurs pays respectifs, tandis que d’autres ont conservé davantage d’indépendance.

Le rayonnement croissant des médias d’information publics à diffusion internationale a également été influencé par des dynamiques régionales particulières. Globalement, la plus grande attention accordée aux audiences des médias radiodiffusés du Golfe a gagné de vitesse le reste du monde arabophone. On estime

11 Union internationale des télécommunications (UIT) 2017b. 12 Huddleston 2017. 13 BBC 2016.

78 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 que ce sont surtout les intérêts géopolitiques qui ont présidé au lancement des chaînes arabophones, même si les considérations commerciales n’y sont pas totalement absentes.

Industrie de la presse écrite

La presse écrite a été de nouveau le secteur le plus fortement ébranlé par l’essor des médias numériques. Si Internet s’est imposé comme source alternative d’information et d’opinion, il a également procuré une nouvelle plate-forme aux organes de la presse écrite pour atteindre de nouvelles audiences. Entre 2012 et 2016, la circulation des journaux imprimés a continué de chuter dans presque toutes les régions, à l’exception de l’Asie et du Pacifique, où la montée en flèche des ventes dans certains pays est venue compenser les baisses sur des marchés asiatiques historiquement solides comme le Japon ou la République de Corée. Il y a eu notamment une hausse spectaculaire de la circulation de la presse en Inde, où elle a grimpé de 89 % entre 2012 et 201614 .

Les médias imprimés ont aussi continué d’être affectés par l’évolution des tendances en matière de publicité, dont la part dans le revenu total des médias d’information au niveau mondial est pour la première fois passée sous la barre des 50 % en 2012, poursuivant cette baisse ensuite pour atteindre 38 % en 2016. Dans la mesure où de nombreux journaux effectuent leur transition vers les plates-formes en ligne, les revenus de la diffusion et de la publicité numériques ont augmenté substantiellement. Un défi urgent pour les journaux consistera toutefois à profiter davantage de cette croissance15 . Les difficultés qu’ont les médias imprimés à attirer la publicité ont également provoqué une baisse massive de la diffusion des « quotidiens gratuits », segment qui avait connu un rapide essor au début des années 2000, mais qui a été le plus touché par la concurrence avec les autres médias : le nombre de quotidiens gratuits a chuté de façon spectaculaire dans toutes les régions. Modèles économiques

Les systèmes médiatiques reposent sur des modèles économiques variés, dont des combinaisons alliant marché, service public, entités communautaires et entités étatiques. La présence d’une pluralité de propriétaires de médias et de modèles économiques est un élément essentiel du pluralisme externe, garanti par la concurrence. Les médias de service public et communautaires sans but lucratif peuvent contribuer au pluralisme interne en intégrant la diversité sociale et culturelle dans les contenus qu’ils produisent. Les médias communautaires, qui se caractérisent par leur appel aux bénévoles, peuvent être une source exceptionnelle de dialogue et d’échange d’information au niveau local. Là où prédominent des médias détenus par l’État et contrôlés par le gouvernement, l’accès au pluralisme des médias est réduit d’autant.

Certains éléments centraux des modèles traditionnels de propriété et de financement ont néanmoins connu des bouleversements ces cinq dernières années. L’ouverture à la propriété privée en Afrique, dans la région arabe et ailleurs, par exemple, a réduit le contrôle monopolistique de l’État sur l’information – évolution positive, mais qui a aussi conduit, dans certains cas, à ce qui a été perçu comme un renforcement du sectarisme et une prolifération de médias certes privés, mais entretenant des liens étroits avec la sphère politique. En Europe occidentale et en Amérique du Nord, le secteur de la presse écrite, tout en s’efforçant d’étendre son empreinte numérique, a été incapable de cueillir les fruits de la publicité numérique, de plus en plus concentrée dans des médias détenus par une poignée de leaders du marché.

14 Campbell 2017. 15 Ibid.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 79 Tendances en matière de pluralisme des médias

Ces bouleversements sont intervenus parallèlement à l’apparition de nouveaux modèles économiques, souvent basés sur le streaming de l’information et du divertissement sur Internet, mais aussi sur les contributions financières de « sponsors ». Bien que ces possibilités amènent une diversification des modèles économiques, l’érosion des sources de revenu disponibles pour la radiodiffusion publique et la production de journaux de qualité pourrait avoir des répercussions négatives sur l’indépendance des médias [voir TENDANCES EN MATIÈRE D’INDÉPENDANCE DES MÉDIAS]. La volonté politique de financer des médias publics authentiques semble sur le déclin.

Pluralisme de la propriété des médias

La tendance à la privatisation des médias et à la diminution de l’emprise de l’État sur le contenu des médias s’est poursuivie après 2012. Dans la région arabe, l’Union de radiodiffusion des États arabes (ASBU) comptait 1 230 chaînes de télévision diffusant grâce à des satellites arabes et internationaux, réparties en 133 chaînes publiques et 1 097 chaînes privées16 . Selon le rapport de l’ASBU, ces chiffres sont la preuve d’une baisse du pourcentage de chaînes publiques et d’une augmentation des chaînes privées nationales et des chaînes publiques étrangères ciblant la région arabe. La réduction de la part directe de l’État dans l’ensemble du secteur des médias est généralement mentionnée comme une tendance positive, mais elle s’est faite parallèlement à une croissance de médias dotés d’un agenda sectaire. En Afrique, certains médias privés ont conservé des liens étroits avec des gouvernements ou des personnes politiques, tandis que les maisons de presse aux mains de patrons politiquement non alignés, souvent confrontés aux boycotts publicitaires des agences de l’État, ont eu du mal à survivre.

Dans la quasi-totalité des régions, les modèles de radiodiffusion publique ont peiné à obtenir des financements. En Europe occidentale, centrale et orientale, les fonds destinés à la radiodiffusion publique ont stagné ou baissé après 201217 .

Dans la région Asie et Pacifique, le processus de libéralisation contrôlée de la presse s’est poursuivi, assorti de puissantes incitations à la mise en place de modèles rentables de journaux appartenant à l’État, mais relativement indépendants. On trouve toujours dans de nombreux pays africains et dans la région arabe des cas où des journaux d’État sont les publications les plus vendues, mais leurs contenus sont généralement perçus comme ne reflétant pas la pluralité de leurs sociétés respectives. En Europe centrale et orientale, l’intégration et la concentration verticales sur des marchés solides se sont accélérées. Cette tendance s’est accompagnée d’un manque de transparence concernant la propriété, et de mesures institutionnelles de protection du pluralisme (telles que suivi de la concentration et intervention réglementaire). En Europe occidentale, les limites à la concentration ont généralement été fixées plus clairement, sauf dans quelques pays où les acteurs des médias ont su faire pression sur les gouvernements pour obtenir un assouplissement dans les normes et l’application de la loi.

De nouveaux types de propriété croisée ont fait leur apparition au cours des cinq dernières années, et ont suscité de nouvelles interrogations concernant la limite à tracer entre les médias et les autres industries. L’événement le plus remarquable a été l’acquisition du Washington Post par le fondateur du détaillant en ligne Amazon. Si elle a d’abord suscité des inquiétudes quant l’indépendance du journal, ce dernier a considérablement renforcé sa position au sein des médias en ligne - et imprimés - et introduit des innovations importantes. Des questions demeurent quant aux possibles avantages pouvant être apportés par Amazon

16 Union de radiodiffusion des États arabes (ASBU) 2015. 17 Union européenne de radiotélédiffusion (UER) 2015

80 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 en termes de profilage des utilisateurs et de collecte de données, et à la nécessité de prendre de nouvelles mesures pour garantir une concurrence loyale sur le marché des médias.

Un modèle alternatif de propriété communautaire survit encore dans certaines zones, notamment isolées, rurales ou défavorisées, et le média concerné est généralement la radio. Selon ce modèle, des stations à but non lucratif sont exploitées et gérées par les communautés qu’elles servent, même s’il s’agit rarement d’une propriété communautaire au sens littéral du terme.

Ce type de modèle représente une « troisième voie », pouvant répondre à certaines inquiétudes suscitées par la présence d’intérêts économiques et politiques derrière les radiodiffuseurs publics et commerciaux, comme le soulignait une récente note d’orientation de l’UNESCO concernant la viabilité des médias communautaires. Il favorise aussi une plus grande diversité des expressions et permet de mieux couvrir les problèmes locaux, à une époque où les contenus médiatiques uniformisés et syndiqués semblent tout envahir. De nombreuses stations de radio communautaires ont toutefois bien du mal à assurer leur viabilité financière sans les sources fiables sur lesquelles peuvent compter les autres types de médias. Davantage de soutien et de meilleures politiques nationales sont essentiels pour assurer la viabilité future de ce type de diffuseurs.

La publicité : entre anciens et nouveaux modèles

Les sources de revenu des médias ont beaucoup changé, ce qui pose avant tout problème aux médias traditionnels. Les revenus des abonnements et des ventes des médias de presse sont restés relativement stables au niveau mondial (la croissance réalisée dans des régions comme l’Asie et le Pacifique et l’Afrique ayant compensé les baisses enregistrées en Europe occidentale et orientale). Mais les recettes publicitaires des médias imprimés ont chuté de 27 % entre 2012 et 201619 . En 2012, la part de la publicité imprimée dans le montant total des recettes publicitaires des médias d’information était de 48 %, et de 38 % seulement en 201620 . La circulation des versions numériques des journaux traditionnels et les annonces publicitaires numériques ont fortement augmenté, mais cela n’a pas suffi à compenser les pertes de l’imprimé.

Le défi de préserver les recettes publicitaires tout en passant du papier au numérique a été important, mais de nouveaux modèles ont aussi fait leur apparition, empêchant les médias historiques de bénéficier pleinement de la publicité numérique. Comme le montre la figure 2-5, après des années d’incertitude sur la rentabilité de la publicité numérique, ce secteur s’est considérablement développé ces dernières années, et ses recettes ont doublé entre 2012 et 201621 .

18 UNESCO 2017d. 19 Campbell 2017. 20 Ibid. 21 PwC 2017. La tendance identifiée par l’étude du Internet Advertising Bureau se limite aux États-Unis, où se trouve le siège des principales multinationales auxquelles on doit les transformations de la publicité numérique.

81 Tendances en matière de pluralisme des médias

Figure 2-5 : Revenus publicitaires d’Internet, Cette croissance s’est inégalement répartie entre 2012-2016 les différents types d’acteurs numériques. Ce sont Google et Facebook qui en ont bénéficié le Taux de croissance Revenus publicitaires annuels (en milliards de dollars) plus, absorbant près des deux tiers du marché 100 dans de nombreuses régions. Leurs positions 90 dominantes en tant que moteur de recherche et 80 70 fournisseur de réseaux sociaux et leur capacité 60 à recueillir des informations pour élaborer des 50 40 profils d’utilisateurs complexes n’ont pas eu 30 leur pareil pour aider les annonceurs à atteindre 20 leurs cibles. Mais s’ils ont conquis cette position 10 0 dominante, c’est souvent en s’appuyant sur des

2012 2013 2014 2015 2016 contenus produits par des entreprises de médias qui n’auront pas nécessairement été rétribuées Source: PwC, 2017. Rapport de l’IAB, revenus publicitaires en retour, selon que l’utilisateur aura décidé de d’Internet, résultats pour l’année entière (2016). Interactive Advertising Bureau (IAB). consulter le site Web d’origine après avoir lu le

titre ou la légende de l’article, ou bien de poursuivre sa navigation sur l’application ou le site du média social ou du moteur de recherche concerné.

Avec l’essor des mégadonnées, les médias semblent avoir perdu les « subventions publicitaires » du contenu journalistique, grâce auxquelles la publicité « privée » finançait le « journalisme public22 ». Avant l’avènement de la publicité ciblée, née des possibilités de profilage offertes par les mégadonnées, les annonceurs étaient prêts à payer des prix très élevés à des publications de qualité pour qu’elles placent leurs annonces bien en vue des audiences, ce qui procurait en retour les ressources nécessaires pour que ces titres puissent financer un journalisme de qualité. Or, depuis l’arrivée des mégadonnées, leur analyse permet aux annonceurs d’aller chercher de manière lisée des consommateurs de média et de poster leurs annonces sous ses yeux quel que soit le contenu qu’il est en train de consommer. Ceci s’étend à la publicité politique, parfois utilisée pour éclipser certaines informations au moment des élections23.

Figure 2-6 : Les nouveaux modèles économiques des médias

22 Harper 2016. 23 Pariser 2011; Couldry and Turow 2014.

82 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Nouvelles plates-formes et nouveaux modèles commerciaux

Parallèlement aux bouleversements vécus par les segments traditionnels du marché de l’information, de nouveaux modèles commerciaux ont fait leur apparition. Pour certains, il s’agit d’extensions ou de variations des modèles existants, comme les formules d’accès payant introduites par des publications considérées comme d’excellente qualité ou occupant une niche spécifique (comme le New York Times aux États-Unis ou le Mail & Guardian en Afrique du Sud).

D’autres ont emprunté leurs stratégies à d’autres secteurs, comme l’illustrent les fréquents appels à financer son journalisme de qualité lancés par le Guardian à ses lecteurs, après ceux de Wikipédia appelant aux dons de soutien pour ses contenus gratuits.

L’enthousiasme suscité par le financement participatif du journalisme s’est accru. Sur Kickstarter, une plate- forme de financement participatif lancée en 2009 pour soutenir les projets créatifs dans divers secteurs, le nombre des projets de journalisme à financement participatif a augmenté de façon importante. Alors qu’en 2012, 88 projets avaient été financés grâce à cette plate-forme, en 2015, le nombre des projets soutenus était passé à 173, disséminés dans 60 pays (même si l’Amérique du Nord enregistre toujours la majorité des projets financés). Les fonds collectés sont passés de 1,1 million de dollars des États-Unis en 2012à 1,9 million en 201524 . Cela dit, ces projets ne représentent qu’une faible part du marché de l’information, et il faut aussi tenir compte des échecs d’autres initiatives de ce genre. Spot.Us, Contributoria et Beacon ont tous commencé par créer ou consolider des communautés d’individus ayant les mêmes affinités et cherchant à soutenir et produire un journalisme de qualité, mais en 2015, ils avaient tous mis la clé sous la porte25.

Figure 2-7 : Part des recettes publicitaires d’Internet selon la plate-forme, 2012-2016

Part des recettes annuelles mobile Part des recettes annuelles non mobile $milions de dollars 45

40

35

30

25

20

15

10

5

0 Source : PwC, 2017. Rapport de l’IAB, revenus publicitaires de Internet, résultats pour l’année entière (2016). Interactive Advertising2012 Bureau (IAB). 2013 2014 2015 2016

24 Vogt and Mitchell 2016. 25 DeJarnette 2016.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 83 Tendances en matière de pluralisme des médias

D’autres changements dans les modèles économiques reposent sur les plus larges reconfigurations structurelles du marché. Comme indiqué plus haut, le marché de la publicité numérique a connu une croissance exponentielle durant la période couverte par la présente étude, mais de nouvelles tendances en ont aussi modifié la dynamique de l’intérieur. Comme le montre la figure 2-7, alors qu’en 2012, les recettes publicitaires du mobile ne représentaient qu’une part infime du marché aux États-Unis, en 2016, elles ont dépassé celles de toutes les autres plates-formes.

Divers acteurs médiatiques ont également commencé à tester de nouveaux formats et techniques de journalisme, afin de vérifier si la réalité ou les jeux virtuels pouvaient faciliter les expériences d’immersion dans des événements relativement éloignés. Ainsi, en 2015, le New York Times a inauguré son Laboratoire de réalité virtuelle, cherchant à apporter des points de vue originaux sur des sujets qui vont de la guerre en Iraq et du conflit au Soudan du Sud à l’amincissement de la banquise en Antarctique. L’application RV est aujourd’hui la plus téléchargée des applications interactives lancées par ce journal26 . Les efforts pour mettre au point des jeux vidéos destinés à sensibiliser aux questions complexes, depuis les conflits jusqu’aux épisodes de famine, se sont poursuivis au cours des années couvertes par la présente étude, comme l’illustre l’exemple des communautés formées autour d’initiatives comme Games for Social Change, et les tentatives de plus en plus nombreuses d’associer les étudiants à la programmation et à la création de jeux27 . Bien que ces initiatives constituent une contribution supplémentaire au renforcement du pluralisme, en offrant aux utilisateurs de multiples moyens d’accéder aux contenus, leur viabilité économique reste un défi, car la plupart des jeux ou documentaires de réalité virtuelle reposent soit sur des dons ou sur les subventions de grands groupes médiatiques, et leur capacité de générer des revenus durables est limitée. Contenus

Parallèlement à la forte progression de l’accès, on note depuis 2012 une disponibilité accrue des contenus médiatiques. Bien que cette facette du pluralisme des médias soit plus difficile à évaluer quantitativement, on connaît le volume de données échangées au niveau mondial. En 2016, selon Cisco Systems, une moyenne de 96 000 pétaoctets ont été transférés chaque mois sur Internet, soit plus de deux fois plus qu’en 201228 . En 2016, le nombre de sites Web actifs a dépassé le milliard, en hausse de quelque 700 millions par rapport à 201229 . Ces chiffres, tout en montrant clairement la tendance à une plus grande disponibilité de l’information, risquent toutefois de masquer des transformations plus subtiles dans la production de contenus sur les plates-formes médiatiques, que l’on examinera ici.

Contenus générés par les utilisateurs

La croissance des contenus sur Internet est due en grande partie à la popularité croissante des plates-formes de réseaux sociaux. Facebook, qui, en juin 2017, affichait 2 milliards d’utilisateurs quotidiens actifs, est devenu de loin la plate-forme des médias sociaux la plus populaire au monde30 . Au niveau régional, toutefois, d’autres plates-formes ont réussi à contester la position commerciale dominante de Facebook31 . Twitter est la plate- forme de médias sociaux la plus populaire au Japon, tandis que Naver, une plate-forme offrant des nouvelles, des jeux vidéos et des services de courrier électronique, est l’espace en ligne le plus visité en République de Corée. En Afrique, Instagram (propriété de Facebook) et LinkedIn (propriété de Microsoft) occupent une

26 Welsh 2015. 29 Internet Live Stats 2017. 27 Games for Social Change 2017. 30 Reuters 2017. 28 Cisco Systems 2017. 31 Cosenza 2017.

84 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 place grandissante. Dans la Fédération de Russie, ainsi que plusieurs pays russophones d’Europe centrale et orientale, c’est VKontakte (VK) et Odnoklassniki qui dominent le paysage des médias sociaux. En Chine, où l’accès à Facebook et à Twitter est restreint, WeChat et QQ se sont positionnés comme les principales plates- formes d’interaction sociale, et proposent progressivement de nouveaux services à leurs utilisateurs.

Malgré ces variations, depuis la période couverte par le premier rapport sur les Tendances mondiales, l’utilisation des médias sociaux s’est progressivement concentrée sur une poignée de plates-formes. Hi5, autrefois la plus populaire dans plusieurs pays d’Amérique latine et d’Asie, a cédé devant Facebook dans ces deux régions. En septembre 2014, Google a fermé Orkut, jadis la plate-forme de réseaux sociaux la plus populaire au Brésil et en Inde. À l’inverse, d’autres plates-formes ont gagné en popularité du fait de leurs spécificités propres, qui ont généralement trait aux moyens supplémentaires de protection de la vie privée qu’elles offrent aux utilisateurs grâce aux messages éphémères ou au chiffrement de bout en bout (proposés sur WhatsApp, Snapchat, Signal ou Telegram), mais elles tendent à occuper des niches et à faciliter des échanges d’information qui restent relativement invisibles à de plus larges publics. La possibilité de défier les leaders du marché, qui s’offrait aux nouveaux entrants au début de l’évolution d’Internet, semble s’être considérablement amoindrie, tandis que les acteurs établis consolident leurs positions, y compris en acquérant de nouveaux services.

La production d’informations accessibles gratuitement a également enregistré une augmentation significative au cours des cinq dernières années. Cette tendance s’observe en particulier en ce qui concerne Wikipédia. En janvier 2017, Wikipédia comptait plus de 43 millions d’articles, soit presque deux fois plus qu’en janvier 2012. Cette tendance s’est doublée d’une diversification progressive des contenus et d’une augmentation des contributions dans d’autres langues que l’anglais. En 2017, moins de 12 % du contenu de Wikipédia était en anglais, contre 18 % en 201232 . Cependant, comme la recherche concernant la production et la révision des entrées de Wikipédia l’a montré, l’augmentation de la disponibilité et de la diversité des contenus n’a pas radicalement modifié les structures et les processus de production de connaissances. Ainsi, bien que les contenus concernant l’Afrique aient considérablement augmenté, une part importante a continué à être produite par des contributeurs originaires d’Amérique du Nord et d’Europe, plus que d’Afrique elle- même33 . La production des contenus de Wikipédia correspond aux habitudes de consommation des médias d’information, car les utilisateurs consultent cette plate-forme financée par des dons d’internautes en vue de contextualiser des éléments d’information glanés à la télévision ou à la radio dont ils n’ont pas nécessairement une bonne connaissance immédiate.34

Algorithmes, chambres d’écho et polarisation

Le pluralisme peut être une fin en soi, la possibilité d’accéder à une pluralité de médias publics et privés et de points de vue médiatiques étant la marque d’un environnement de communication en bonne santé. Mais il peut aussi favoriser des débats nationaux et mondiaux informés, qui permettent à des voix diverses de se confronter et de coexister.

Il est particulièrement important de le souligner pour analyser le paradoxe qui a surgi avec la dépendance croissante envers les plates-formes de réseaux sociaux, les applications et les moteurs de recherche comme

32 Cosenza 2017. 33 Graham, Straumann et Hogan 2015. 34 Geiß, Leidecker et Roessing 2015.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 85 Tendances en matière de pluralisme des médias

portes d’accès à l’information : alors que celle-ci se diversifie et voit son accès facilité, beaucoup de gens semblent moins capables d’accéder à des matériels qui remettent en cause leurs opinions préexistantes. Selon la première définition du pluralisme soulignée plus haut, la prolifération des sources en ligne représente un vecteur conduisant à l’augmentation du pluralisme. Selon la seconde, les algorithmes utilisés par les plates-formes de réseaux sociaux et les moteurs de recherche afin de procurer aux utilisateurs une expérience personnalisée basée sur leurs préférences individuelles constituent un obstacle au pluralisme, dans la mesure où ils limitent l’exposition des individus à d’autres points de vue et fils d’actualité.

Les images « chambre d’écho » et « bulle de filtres » sont aujourd’hui des métaphores courantes pour décrire ce phénomène. Les algorithmes sont utilisés pour offrir un service aux utilisateurs - et remédier à l’excès d’information qui se produit dans un environnement de communication où l’attention est une ressource qui se raréfie -, mais ils risquent aussi de déformer la perception de la réalité. Les algorithmes présentent aux utilisateurs un plus grand nombre de sources du type d’informations qu’ils ont déjà sélectionnées, et un moins grand nombre de celles qu’ils ont ignorées ou dont ils n’avaient pas connaissance.

Il s’agit du même processus que celui qui caractérisait autrefois la sélection des contenus. Dans le cas des médias imprimés ou radiodiffusés, par exemple, les utilisateurs, selon leurs goûts et inclinations, chargeaient leur radio ou leur quotidien favoris de recueillir et d’analyser l’information, sans nécessairement chercher d’autres canaux susceptibles de remettre en question leur vision du monde. Mais ce qui a changé avec les « bulles de filtres » à l’ère d’Internet, c’est la manière dont les individus sont influencés par des algorithmes dont le fonctionnement est caché aux utilisateurs, et conjugue préférences individuelles et parti pris informatique. Avec le temps, cette combinaison risque de créer la perception artificielle qu’une représentation de la réalité ou un point de vue particulier est non seulement vérifiable ou convaincant, mais qu’il est partagé par le plus grand nombre. Les conséquences de ce type de consommation des médias ont attiré l’attention notamment après le référendum de 2016 sur la participation du Royaume-Uni à l’Union européenne et après les élections présidentielles américaines, lorsque beaucoup se sont dits surpris à l’annonce de résultats qui leur semblaient très éloignés de leurs attentes.

Ce paradoxe est profondément enraciné dans la nouvelle réalité, et les contradictions, du « pluralisme algorithmique ». Autrefois, quand les utilisateurs se constituaient un bouquet de médias comme source d’informations, il leur était plus facile d’évaluer si les stations de radio ou les journaux qu’ils avaient choisis appartenaient ou non au courant dominant, et si les opinions auxquelles adhéraient ces médias étaient en gain ou en perte de vitesse. Maintenant qu’apparaissent dans des formats similaires de nouvelles sources d’information sur les plates-formes de réseaux sociaux, connectant blogs spécialisés, agrégateurs et médias dominants, il devient de plus en plus difficile de comprendre et d’évaluer d’où provient l’information et dans quelle direction souffle le vent de l’opinion. Le champ du pluralisme est obscurci par l’individualisme personnalisé des services et la manière dont il réduit les choix.

Les recherches concernant les chambres d’écho se sont intensifiées également, et brossent une image plus nuancée du phénomène et de ses variations dans différents contextes. Bien que ces recherches concernent majoritairement l’Europe occidentale et l’Amérique du Nord, on dispose aussi d’études du fonctionnement et des conséquences des chambres d’écho en Asie-Pacifique et en Afrique35 . Les données obtenues suggèrent que l’utilisation des médias sociaux et des moteurs de recherche tend à creuser le fossé idéologique entre les

35 Flaxman, Goel et Rao 2016; Pariser 2011; Grömping 2014; Gagliardone et al. 2016.

86 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 individus, mais il n’y a pas consensus sur l’ampleur de ce phénomène. Les comparaisons entre la ségrégation en ligne et hors ligne montrent qu’elle tend à être plus importante lors des interactions en face-à-face entre voisins, collègues de travail ou membres d’une même famille36 , et l’examen des recherches existantes indique que les preuves empiriques disponibles ne confirment pas les points de vue les plus pessimistes concernant la polarisation37 . Une étude réalisée par des chercheurs de Facebook et de l’Université du Michigan, par exemple, suggère que ce sont les choix personnels des individus qui infléchissent le filtrage algorithmique, limitant l’exposition à certains contenus38 . Il est donc possible que les algorithmes ne soient pas à l’origine de la polarisation, mais qu’ils l’amplifient, et constituent donc un élément important du nouveau paysage de l’information39 .

Fausses informations

Le phénomène des « fake news » ou fausses informations a reçu un coup de projecteur après les résultats inattendus des élections de 2016 en Europe occidentale et en Amérique du Nord. Les « fausses » informations ne sont pas seulement erronées. Elles se caractérisent à la fois par des contenus frauduleux travestis en nouvelles, et leur capacité à s’ébruiter autant, sinon plus, dans certains cas, que les informations authentiques. Comme le suggère une analyse récente sur l’origine et la prolifération de ces nouvelles fallacieuses, c’est lorsqu’un mensonge délibéré « est repris par des dizaines d’autres blogs, retransmis par des centaines de sites Web, partagé par des milliers de comptes de médias sociaux et lu par des centaines de milliers » d’utilisateurs qu’il accède effectivement au rang de « fausse information40 ». [VOIR FIGURE 2-8]

La capacité des fausses informations à prendre l’apparence d’informations vérifiées et à être partagées massivement est étroitement liée à leur aptitude à présenter des informations qui sont conformes aux convictions d’une communauté d’individus de points de vue similaires et les renforcent41 . Elles profitent également d’autres transformations accompagnant la mise en ligne de l’information : les modèles économiques d’Internet et la nature de la confiance ressentie.

En premier lieu, le modèle économique adopté par les plates-formes de médias sociaux et les moteurs de recherche encourage la production d’une information apte à susciter des clics, sans égard pour son exactitude ou son intérêt pour le public. Cette dynamique est mise à profit par des groupes d’individus, qui produisent des articles canulars attirant des millions de clics et de partages, qu’ils peuvent ensuite transformer en gains financiers grâce à des services comme Google AdSense42 . Les consultations électorales qui ont eu lieu en Europe occidentale et en Amérique du Nord en 2016 ont révélé le caractère transnational de cette dynamique, et ses conséquences potentiellement dramatiques pour la confiance et le débat politique au tant niveau national qu’international. Des acteurs résidant en Europe centrale et orientale et en Asie du Sud- Est se sont distingués par leur capacité à produire des nouvelles largement partagées par les utilisateurs d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord, sans pourtant être très au fait des systèmes politiques et des candidats sur lesquels ils rédigeaient leurs nouvelles43 .

36 Gentzkow and Shapiro 2011. 40 Bounegru et al. 2017. 37 Zuiderveen Borgesius et al. 2016. 41 Howard et al. 2017. 38 Bakshy, Messing, and Adamic 2015. 42 Byrne 2016. 39 Hargittai 2015; Sandvig 2015. 43 Ibid

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 87 Tendances en matière de pluralisme des médias

Figure 2-8 : Les origines des fausses informations

Le deuxième phénomène, connexe, concerne la nature de la confiance. Il repose sur le postulat que les formes de communication non institutionnelles sont moins liées au pouvoir, et donc mieux à même de fournir une information que les grands médias sont perçus comme incapables ou non désireux de divulguer. Il existe de nombreux cas où des blogs ou des médias sociaux ont su révéler des scandales ou peser sur les pouvoirs publics. Il existe aussi, bien entendu, des lacunes dans la couverture journalistique des médias traditionnels. Mais les auteurs de fausses informations profitent de la croyance dans l’indépendance des contenus partagés sur les médias sociaux et la retournent à leur profit, exploitant la crédulité du public en vue d’obtenir un avantage économique ou politique. La baisse de confiance dans bien des médias traditionnels44 et dans le savoir des experts45 a créé un terreau fertile permettant à des sources d’information alternatives, et souvent obscures, d’acquérir une apparence d’autorité et de crédibilité. Une confusion sur les faits les plus élémentaires a ainsi fini par s’immiscer dans l’esprit des utilisateurs46 .

44 Edelman 2016. 46 Barthel, Mitchell, et Holcomb 2016. 45 Morozov 2017.

88 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Les grandes sociétés Internet, dont la crédibilité s’est trouvée menacée par ce phénomène, se sont efforcées d’élaborer de nouvelles réponses afin de circonscrire les fausses informations et de réduire les incitations financières à leur prolifération47 [voir TENDANCES EN MATIÈRE D’INDÉPENDANCE DES MÉDIAS]. L’intérêt croissant du public pour ces questions est de nature à transformer le rapport des utilisateurs à l’information, notamment s’il se double de campagnes d’éducation aux médias et à l’information plus agressives.

Informer sur les groupes marginalisés

L’aggravation de crises aux répercussions régionales et mondiales, comme les guerres civiles qui ravagent une partie de l’Afrique et de la région arabe, a provoqué des mouvements migratoires sans précédent. Ces derniers soulèvent des interrogations, qui ont leur pertinence pour le pluralisme des contenus, sur les représentations que donnent les médias de groupes marginalisés comme les migrants, et sur leurs conséquences éventuelles : la couverture médiatique des migrants et des réfugiés peut nous dire dans quelle mesure les préjugés sur l’« autre » ont colonisé non seulement les pratiques éditoriales mais aussi la société dans son ensemble.

Comme on le verra ci-dessous, alors qu’on dispose de médias qui pourraient permettre aux personnes les plus directement touchées par ces crises d’apporter leur propre éclairage, le traitement de ces événements reste accaparé par les acteurs politiques et médiatiques existants, dont les responsables politiques, et par des experts désignés par les médias.

Bien que la presse ait généralement tendance à donner une représentation biaisée et erronée des divers groupes, la prise de conscience et la vigilance à l’égard de ces pratiques sont restées relativement faibles au cours des années couvertes par la présente étude48 .

Il est difficile d’obtenir à cet égard des données systématiques et fiables pour la période couverte par la présente étude. Mais les rares informations actuellement disponibles indiquent que si une part importante de la presse européenne a d’abord réagi avec sympathie et empathie à la crise humanitaire causée par le conflit syrien, ce sentiment a peu à peu laissé place au soupçon et, dans certains cas, à une hostilité à l’égard des réfugiés et des migrants49 . Tant la presse de qualité que les tabloïds ont eu tendance à adopter « des discours convenus et stéréotypés » sur les menaces sécuritaires et les coûts économiques50 . Une partie de la presse, notamment en Europe centrale et orientale, a viré à l’hostilité systématique contre les migrants et les réfugiés51 . Celle-ci a parfois été renforcée par la couverture médiatique intense des attentats terroristes, et un amalgame malhonnête entre la question du terrorisme et la migration forcée continue de compliquer les efforts pour accueillir paisiblement les nouveaux arrivants.

Les recherches concernant la couverture médiatique des déplacements forcés dans les médias arabes et africains ne sont pas suffisantes pour permettre de tirer des conclusions concernant ces régions, qui ont pourtant connu des exodes massifs de réfugiés. L’absence de services médiatiques destinés aux communautés exilées et fournis par elles est une tendance qui se confirme, malgré les efforts de la diaspora pour les mettre en place (voir encadré 2-2).

47 Kuchler 2016; Wingfield, Isaac, et Benner 2016. 48 Bleich, Bloemraad, et Graauw 2015; Esses, Medianu, et Lawson 2013; Esses, Hamilton, et Gaucher 2017; Parker 2015. 49 Georgiou et Zaborowski 2016. 50 Greussing et Boomgaarden 2017. 51 Gábor et Messing 2016; Georgiou et Zaborowski 2016.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 89 Tendances en matière de pluralisme des médias

Encadré 2-2 : Lina Chawaf, donner une voix aux civils syriens

eux heures par jour, Radio Rozana prête sa voix aux civils syriens Dpiégés par une guerre civile qui dure. Fondée par Lina Chawaf, en exil à Paris depuis 2013, Radio Rozana (« la fenêtre laissant entrer la lumière ») vient éclairer le sort des civils syriens réfugiés dans des camps ou pris sous le feu des combats urbains et leur donner la parole. Elle s’adresse aussi aux membres de la diaspora, qu’ils aient quitté le pays et se soient fixés à l’étranger, ou soient encore en situation de transit.

Comme le souligne Chawaf, interrogée par Reporters sans frontières, « ce conflit a grand besoin d’un journalisme indépendant et professionnel qui tienne les citoyens et les réfugiés informés de la situation politique, sociale et humanitaire dans le pays et contribue à Photo credit: Lina Chawaf la construction d’une société libre et démocratique en Syrie ».

« Rozana est le Répondant à ce besoin, Rozana s’affirme comme une plate-forme de radio indépendante et sans appartenance politique. Elle diffuse moyen pour les chaque matin en direct depuis Paris et Gaziantep (une ville turque civils syriens proche de la frontière syrienne) via Internet, le satellite et une fréquence FM en Syrie même. Avec 160 collaborateurs syriens à d’exprimer leur travers le monde, dont 70 citoyens journalistes au pays natal, Rozana âme, leurs valeurs, applique une approche dynamique de la radio afin de surmonter leurs convictions... les immenses défis auxquels sont confrontés les journalistes à l’intérieur comme à l’extérieur de la Syrie. Elle comprend des mesures Rozana est destinées à protéger la vie privée et garantir l’anonymat grâce à vraiment leur des outils numériques équipés d’un cryptage intégré comme Viber ou WhatsApp, ajoutés à des plates-formes de médias sociaux et de média ». communication comme Facebook et Skype, où il est possible de – Lina Chawaf, dissimuler ses informations personnelles. fondatrice de Radio Pour Lina Chawaf, Radio Rozana vise autant à écouter les Syriens Rozana qu’à s’adresser à eux. La station se consacre à permettre aux Syriens de parler et à écouter ce qu’ils disent, d’où qu’ils viennent : « Dès le départ, cette [station] de radio ne pouvait être que la voix des gens », explique-t-elle. « Ils avaient besoin d’une plate-forme, d’un média où ils pouvaient dire ce qu’ils pensaient librement. Ils avaient besoin de s’exprimer (...) Rozana est le moyen pour les civils syriens d’exprimer leur âme, leurs valeurs, leurs convictions ».

90 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Les récits du soupçon et de la peur prennent le pas sur d’autres points de vue, ce qui ne favorise pas le pluralisme.

La plupart des études disponibles portent sur la couverture médiatique des migrants ou des réfugiés en Europe, or c’est un problème mondial, dont les causes sont multiples et touchent souvent plusieurs pays ou régions. C’est pourquoi les pays européens, par exemple, travaillent avec les pays africains dont certains de ces migrants sont originaires, ce qui prouve qu’il faudra un effort mondial pour s’attaquer aux racines de ce phénomène et lui apporter des solutions.

Quant au terrorisme, c’est aujourd’hui la première des craintes mises en exergue par les dirigeants politiques. Dans une enquête récente réalisée auprès de 20 000 jeunes de 20 pays, 83 % déclaraient que le terrorisme leur faisait craindre pour l’avenir, et les pourcentages étaient élevés y compris dans les pays épargnés par les attentats52 . Dans la mesure où les conséquences politiques et sociales de cette crainte commencent à se faire sentir, et où les réactions parfois violentes qu’elle suscite à l’encontre des groupes marginalisés s’intensifient, il est important de s’interroger sur la contribution potentielle de la couverture médiatique quasi incessante de cette question. C’est d’autant plus nécessaire qu’un des principaux objectifs du terrorisme est d’utiliser des médias pour semer la peur53 . Les récits du soupçon et de la peur prennent le pas sur d’autres points de vue, ce qui ne favorise pas le pluralisme.

Les nouveaux acteurs de l’information : une démocratisation de la production des nouvelles ?

L’abaissement des obstacles à la production de contenus médiatiques et la prolifération des plates-formes, permettant aux utilisateurs de partager leurs connaissances et leurs convictions, ont créé de nouvelles attentes en matière de démocratisation de l’information. Celles-ci supposaient de renoncer aux grandes institutions médiatiques relativement centralisées en faveur de réseaux plus dispersés et hétérogènes. Si les individus ont aujourd’hui accès à des possibilités sans précédent de publication d’informations, cela ne signifie pas que leurs voix sont entendues, et n’a pas nécessairement modifié la relation de pouvoir entre les médias et leurs audiences. Lorsque cela a été le cas, cela s’est fait de façon plus discrète qu’on ne l’a parfois prétendu.

Les mécanismes de « gatekeeping » ou de contrôle des accès continuent de peser non seulement sur ce qui est communiqué, mais aussi sur le choix des personnes autorisées à traiter les événements. Comme les recherches réalisées à la fois sur les médias traditionnels et sur les nouveaux médias l’ont montré, s’il est vrai que la voix des citoyens se fait entendre davantage dans les articles ou les reportages, les témoins cités tendent à être traités, non comme des agents capables de faire valoir leurs points de vue et leur interprétation des événements, mais comme la vox populi, utilisée pour donner de la couleur locale54 . De même, s’agissant de mouvements de contestation, de manifestations ou de conflits, malgré la disponibilité croissante d’informations fournies par les activistes et les acteurs concernés, ce sont les institutions établies et les élites

52 Broadbent et al. 2017. 53 Marthoz 2017. 54 Van der Meer et al. 2016.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 91 Tendances en matière de pluralisme des médias

qui tendent à prévaloir comme sources d’information55 . C’est particulièrement le cas des médias dominants, comme les grands journaux et radiodiffuseurs. On observe, par contre, que la parole des utilisateurs est mieux prise en compte et représentée dans les articles et récits d’acteurs alternatifs de l’information (comme Global Voices) ou dans des programmes spécifiques ou des services en ligne de médias existants ciblant les jeunes et spécifiquement axés sur la « vie numérique » (comme les programmes Stream, The Listening Post ou AJ+ d’Al-Jazeera). Par conséquent, s’agissant de la capacité de s’appuyer sur les utilisateurs ordinaires et de présenter leurs points de vue, il semble que, bien que les formules et les acteurs médiatiques innovants aient eu un moindre impact sur les pratiques de reportage dominantes, ils ont été utilisés pour animer les espaces intermédiaires, qui agrègent du contenu en vue d’atteindre de plus larges publics.

En ce qui concerne la possibilité pour les contenus d’élargir leur audience, les premières recherches sur les médias en ligne ont suggéré que, loin de remettre en cause cette dynamique selon laquelle le joueur arrivé en tête rafle toute la mise, qui caractérisait des médias plus anciens, les médias en ligne l’aient en réalité renforcée. Une étude empirique du trafic vers plus de 3 millions de pages web collectées en 2007 a conclu que la consommation de contenus était plus concentrée en ligne que hors ligne56 . Un petit nombre de sites Web, essentiellement connectés aux médias d’information traditionnels (comme la BBC ou CNN), captaient la grande majorité des utilisateurs. Bien que le nombre global des médias en ligne ait déjà explosé en 2007, la proportion de ceux qui atteignaient une « audience non triviale » n’avait pas progressé57 . Comme les utilisateurs délaissent de plus en plus la radiodiffusion pour se reporter sur les médias en ligne comme sources d’information, ce sont les mêmes grands médias qui ont tendance à prédominer sur les espaces en ligne, même si c’est de façon filtrée et indirecte à travers une bonne part de leur présence sur les réseaux sociaux. Une décennie plus tard, la majorité des sites d’information les plus visités et visionnés restent les médias traditionnels (CNN, le New York Times, le Guardian, le Washington Post, la BBC), même si des sites d’agrégation de nouvelles comme Reddit ou Google News se sont hissés parmi les cinq sites générant le plus de trafic58 .

Cette tendance, basée sur des analyses de blogs et de journaux en ligne réalisées avant la ruée vers les médias sociaux, n’est que partiellement remise en cause par des études plus récentes concernant ces plates- formes : l’examen des débats sur les médias sociaux durant des consultations électorales59 laisse penser que les dirigeants politiques et les grands acteurs des médias continuent de garder la main sur l’ordre du jour et de fournir les contenus qui sont ensuite disséminés par des acteurs moins influents. Dans le même temps, si les médias traditionnels continuent de décider des informations qui circulent, les utilisateurs de plates- formes de réseaux sociaux sont désormais plus à même d’influencer le traitement des événements, quoique dans un nombre limité de domaines. Si la recherche à cet égard reste lacunaire et ne couvre qu’un nombre restreint de cas et de zones géographiques (principalement l’Europe occidentale et l’Amérique du Nord), certains résultats récents indiquent que les utilisateurs de ces plates-formes tendent à adopter un ton plus négatif et antagoniste que les médias d’information lorsqu’ils commentent un événement donné.60

55 Harlow et Johnson 2011. 56 Hindman 2008. 57 Ibid., 97. 58 Alexa 2017. 59 Shah et al. 2015; Vaccari et Valeriani 2015. 60 Ceron, Curini, et Iacus 2016.

92 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 L’éducation aux médias et à l’information

Les chercheurs insistent depuis longtemps sur le fait qu’un des moyens d’accroître la diversité réelle des contenus médiatiques est d’autonomiser les audiences en développant l’éducation aux médias et à l’information (EMI)61 . L’EMI peut être un moyen particulièrement utile de s’attaquer aux conséquences des contenus démocratisés non filtrés générés par les utilisateurs et de comprendre l’influence des algorithmes sur les modes de diffusion. Historiquement, de nombreuses initiatives d’éducation aux médias se sont concentrées sur les jeunes et les enfants d’âge scolaire62 , mais les capacités ainsi acquises ont une pertinence particulière et croissante à une époque où la consommation des médias sur Internet s’accroît et où les fausses informations et la désinformation prolifèrent sur les médias sociaux63 . Cela suggère aussi qu’il faudrait accentuer les efforts afin de cibler plus de monde64 , bien que les États et d’autres acteurs soient encore lents à ne serait-ce qu’intégrer systématiquement ces compétences dans les établissements d’enseignement.

L’éducation à l’information et aux médias ayant gagné en relief, elle a pris de nombreuses formes, avec de nombreuses spécialisations : initiation à l’information, initiation aux médias, éducation à l’information, éducation à la publicité, éducation au numérique, éducation aux médias et plus récemment, éducation au numérique et aux médias. Des appels ont été lancés en faveur d’une uniformisation des termes à des fins de clarté, ainsi que d’amélioration de l’utilité des recherches dans ce domaine, et l’UNESCO milite depuis longtemps pour que le terme « éducation aux médias et à l’information » soit choisi comme expression commune.

Des efforts ont été déployés, ces dernières années, pour que l’EMI porte avant tout sur la création d’une demande de médias de qualité et d’une prise de conscience de l’importance de multiplier les sources médiatiques pour favoriser la diversité. Il y a eu plusieurs efforts, par exemple, pour élaborer des lignes directrices et des stratégies destinées à encourager les utilisateurs à mieux cerner les limites et les possibilités, grâce aux outils fournis par l’EMI. Des recommandations et des cadres politiques ont été préparés afin d’inciter les pays à adopter des plans en matière d’éducation aux médias et à l’information, et des initiatives ont fleuri, comme le Cadre global d’évaluation de l’EMI de l’UNESCO65 .

En 2013, l’UNESCO a lancé l’Alliance mondiale des partenaires de l’éducation aux médias et à l’information (GAPMIL), à titre d’« initiative novatrice qui tend à promouvoir la coopération internationale, afin que tous les citoyens aient accès à une série de compétences dans les domaines des médias et de l’information66 ». Comme indiqué dans le Plan d’action de la GAPMIL, l’idée à la base de cette initiative est d’équiper tous les utilisateurs, et notamment ceux issus des groupes marginalisés, des compétences nécessaires pour profiter des avantages offerts par les nouvelles technologies de l’information. Beaucoup d’initiatives, en particulier dans un contexte de rôle croissant des médias sociaux comme nouvelles sources essentielles de nouvelles, ont consisté à apprendre aux enfants d’âge scolaire à faire preuve d’esprit critique et à distinguer les « vraies » informations et les sources fiables à l’ère du numérique. La plupart des initiatives sont basées en Amérique du Nord ou en Europe occidentale, bien que certaines organisations internationales aient une activité mondiale. Le récent rapport annuel du Centre international d’échange et d’information pour les enfants, les jeunes et les médias, préparé en collaboration avec l’UNESCO, porte, par exemple, sur les tendances et les possibilités en matière d’EMI dans la région arabe67 .

61 Frau-Meigs, Velez, et Michel 2017; Frau-Meigs et Torrent 2009. 65 UNESCO 2013a. 62 Buckingham 2013; Carlsson et Culver 2013; Hobbs 2005; Hobbs et Jensen 2009. 66 UNESCO 2013b. 63 Livingstone 2004; Spratt et Agosto 2017. 67 Abu-Fadil, Torrent, et Grizzle 2016. 64 Livingstone, Van Couvering, et Thumim 2005.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 93 Tendances en matière de pluralisme des médias

Dans un petit nombre de cas, on s’est efforcé d’intégrer les initiatives et les exigences en matière d’éducation aux médias et à l’information dans la législation. La Serbie, la Finlande, le Maroc, les Philippines, l’Argentine, l’Australie et plusieurs États des États-Unis ont adopté des lois en matière d’EMI. En général, celles-ci prévoient, par exemple, l’enseignement de l’EMI au sein des systèmes scolaires et/ou inscrivent ces politiques dans les lois sur l’éducation (comme c’est le cas en Finlande). D’autres initiatives d’éducation ont proliféré en ligne et connaissent une croissance parallèle à celle des MOOC ou cours en ligne ouverts à tous. Accessibles sur des plates-formes comme Coursera ou edX, ainsi qu’auprès des radiodiffuseurs du service public, ces formations s’adressent à la fois aux étudiants et aux consommateurs de médias, mais aussi aux enseignants. Bien que souvent pilotées par des universités ou des organismes d’Amérique du Nord ou d’Europe occidentale, et appliquant généralement des approches distinctes, elles sont ouvertes aux intéressés du monde entier.

On a également assisté à un nombre croissant d’initiatives lancées par des sociétés Internet afin de combattre les discours de haine ou la prolifération des fausses informations en ligne. Elles s’appuient largement sur les contributions et le soutien des utilisateurs, invités à signaler les contenus semblant contraires aux conditions d’utilisation des plates-formes. Or, comme la recherche existante l’a montré, les utilisateurs ont une capacité limitée à faire la distinction entre les différents types de contenu, y compris les informations sponsorisées et les fausses informations, et très rares sont ceux qui connaissent les possibilités de signalement offertes par les plates-formes de médias sociaux et le processus à suivre68 . En 2017, suite aux événements politiques au cours desquels la diffusion de fausses informations a montré son influence, des entreprises comme Facebook ont lancé diverses initiatives de renforcement de l’éducation à l’information et de soutien au journalisme [voir TENDANCES EN MATIÈRE D’INDÉPENDANCE DES MÉDIAS].69 Égalité des genres et pluralisme des médias

Nous avons jusqu’à présent évalué le pluralisme des médias sous l’angle de l’accès, de la pluralité des modèles économiques et de la diversité des contenus. La présente section aborde la question de l’égalité des genres dans les rôles décisionnaires, le personnel des médias et la représentation médiatique. Bien que des progrès aient été accomplis, l’égalité des genres n’est encore atteinte dans aucun de ces domaines.

C’est au milieu des années 1970 que des universitaires ont réalisé la toute première analyse systématique de la relation des femmes aux médias de masse et de leur visibilité au sein de ces médias. Dans cette étude pionnière, ils ont repris le terme d’« annihilation symbolique » (créé par George Gerbner) pour décrire ce qu’ils avaient découvert70 . Près de 40 ans plus tard, la plupart des chercheurs spécialisés dans le genre et les médias déclareraient que les progrès sont au point mort, et il reste beaucoup à faire, y compris en qui concerne les médias dominants. Les femmes continuent d’apparaître moins fréquemment que les hommes dans les informations ; les femmes journalistes et professionnelles des médias sont souvent exclues des spécialités les plus prestigieuses, et n’occupent qu’une part infime des postes de direction au sein des organes médiatiques.

68 Stanford History Education Group 2016. 69 Simo 2017. 70 Tuchman, Daniels, et Benoit 1978.

94 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Figure 2-9 : Les femmes invisibles ? L’équilibre des genres dans les contenus médiatiques, la prise de décision et le personnel des médias

Source : Rapport 2015 du Projet mondial de monitorage des médias.

Les progrès en matière d’augmentation de la présence des femmes dans le contenu des médias ont été lents: la visibilité des femmes dans la presse écrite, à la télévision et à la radio n’a progressé que de sept points de pourcentage entre 1995 (17 %) et 2015 (24 %)71 . Mais les possibilités offertes aux citoyens « ordinaires » par la création de plates-formes d’information alternatives en ligne font que les voix et les points de vue des femmes commencent à trouver leur expression par le biais de ces canaux médiatiques informels.

Depuis plusieurs décennies, les organisations et les agences régionales et internationales ont elles aussi reconnu qu’il existe des problèmes concernant le genre et le pluralisme des médias. En 2010, l’UNESCO a élaboré un ensemble complet d’Indicateurs d’égalité des genres dans les médias, qui vise à encourager les médias à s’appliquer des critères d’égalité. En 2013, le Conseil du Parlement européen a adopté la recommandation de l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, selon laquelle l’industrie des médias devrait adopter et mettre en œuvre des indicateurs d’égalité des genres en ce qui concerne la place des femmes aux postes décisionnels, les politiques en faveur de l’égalité et la présence des femmes dans les conseils d’administration.

À la 60e session de la Commission de la condition de la femme, en 2016, ONU Femmes a lancé un nouveau partenariat avec de grandes sociétés des médias afin d’attirer l’attention sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de mettre en œuvre cet agenda, qui vise à éradiquer toutes les formes d’inégalité. Le Pacte médiatique de l’initiative « Franchissons le pas pour l’égalité des sexes » réunit une coalition de médias du monde entier et de divers secteurs, qui s’engagent à promouvoir l’égalité des sexes de trois manières : en combattant les stéréotypes et les préjugés dans leur traitement quotidien de l’information, en

71 Macharia 2015.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 95 Tendances en matière de pluralisme des médias

augmentant le nombre des femmes dans leurs rangs, y compris aux postes de direction et de décision, et en développant des pratiques entrepreneuriales soucieuses d’égalité des genres. Lors de son lancement, 39 organes de presse s’étaient déjà engagés comme membres fondateurs du Pacte, et même si chacun élaborera son propre agenda, leur qualité de membre leur impose de mener un minimum d’actions : défendre les droits des femmes et l’égalité des genres dans les éditoriaux, les chroniques et les actualités ; produire une information de qualité privilégiant l’égalité des genres et les droits des femmes, en y consacrant au moins deux articles ou reportages par mois ; inclure des femmes parmi les sources d’information de ces articles et reportages ; viser la parité des genres dans la couverture de l’actualité, y compris sur des sujets aussi divers que l’économie, les technologies, la science et l’ingénierie ; adopter un code de conduite journalistique sensible aux questions de genre.

L’initiative « Franchissons le pas pour l’égalité des sexes » a été lancée en 2015 par ONU Femmes sous le slogan « Une planète 50-50 d’ici 2030 ». Lors de son lancement, sept pays s’étaient engagés à mettre en œuvre un programme d’égalité des genres, et leur nombre était monté à 93 deux ans plus tard. En 2016, ONU Femmes a passé en revue les mesures prises par tous ces pays et recensé un grand nombre d’initiatives, quoique aucune ne mentionne explicitement les médias. Pourtant, malgré ces initiatives, les femmes ont actuellement le choix soit d’être exclues des médias ou d’y être marginalisées, soit d’y apparaître sous un jour stéréotypé et banalisé. Les études longitudinales des femmes dans l’information ne prévoient pas de changements d’attitude dans le proche avenir. Au rythme où vont les choses, la parité hommes-femmes en matière de visibilité a encore peu de chances de se réaliser dans les 40 ans qui viennent.72

Égalité des genres dans le personnel des médias

Dans un grand nombre de pays, les femmes sont aussi nombreuses que les hommes à sortir diplômées des programmes de formation aux médias, au journalisme et à la communication et à intégrer ce secteur73 . En fait, un certain nombre de médias, notamment parmi les radiodiffuseurs du service public, proposent des programmes de formation diplômants où des places sont réservées aux femmes et aux autres groupes sous-représentés. Dès 1995, lorsqu’a été réalisée la première analyse substantielle sur les professionnelles des médias dans 43 pays, les femmes représentaient environ 40 % de la main-d’œuvre médiatique74 . Le problème concerne moins la diversité au sein de l’industrie dans son ensemble que les obstacles empêchant les femmes d’accéder à différentes fonctions et de progresser au-delà d’un certain niveau. Le plus souvent, les femmes sont encouragées à ne pas intégrer les spécialités journalistiques dites « dures », et, à la place, on les oriente vers des domaines d’information supposés présenter plus d’« intérêt » pour les femmes, qui sont aussi habituellement considérés comme moins prestigieux. Ainsi, selon le rapport 2015 du Projet mondial de monitorage des médias (GMMP), 31 % seulement des articles consacrés à la vie politique et 39 % des articles consacrés à l’économie sont signés par des femmes75 .

73 Ibid. 73 Byerly 2011. 74 National Watch on Images of Women in the Media (MediaWatch) 1995. 75 Le Projet mondial de monitorage des médias est la plus longue étude longitudinale et mondiale jamais menée sur le genre dans les médias d’information. Elle fournit un instantané, pris au cours d’une seule journée tous les cinq ans, de la place des hommes et des femmes dans l’actualité, qu’ils en soient le sujet, l’auteur ou le présentateur. Le premier rapport du GMMP date de 1995, et le plus récent (en 2015) a fait paraître ses conclusions en novembre 2015. Le GMMP fournit des données comparables dans le temps et entre les régions. Le rapport 2015 a été réalisé par des équipes basées dans 114 pays, qui ont examiné 22 136 reportages publiés, diffusés ou twittés par 2 030 médias distincts. Au total, des données ont été collectées sur le travail de 26 010 journalistes et la représentation de 45 402 personnes ayant fait l’objet d’un reportage ou ayant vu leurs propos cités.

96 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Ceux qui traitent de la politique et de la criminalité comptent le moins de femmes reporters toutes régions confondues, à l’exception de l’Asie et de l’Amérique latine. Contrairement aux hommes, même lorsque les femmes travaillent sur des sujets « durs », elles ont souvent du mal à obtenir que leur reportage soit rendu visible : à peine plus du tiers (37 %) des reportages des journaux, de la télévision ou de la radio étaient signés ou présentés par une femme, comme dans l’étude du GMMP de 2005. On retrouve exactement les mêmes tendances dans les analyses au niveau national : des recherches aux États-Unis, par exemple, indiquent qu’alors que les femmes traitent un plus large éventail de sujets, elles restent minoritaires parmi les chroniqueurs des grands quotidiens76 .

S’agissant de la présentation des nouvelles dans les médias radiodiffusés, le GMMP 2015 indique une proportion globale de 49 % de femmes, le même chiffre qu’en 2000 et en retrait de deux points de pourcentage par rapport au chiffre de 1995. Depuis 2005, le nombre de femmes travaillant comme reporters pour les actualités radiodiffusées a baissé de quatre points de pourcentage à la télévision et à la radio.

Une analyse plus détaillée montre, par exemple, que les femmes étaient plus nombreuses à la télévision (57 %), et moins nombreuses à la radio (41 %), où l’apparence a évidemment bien moins d’importance. La majorité des présentateurs les plus jeunes étaient des femmes, mais cette tendance s’inversait avec l’âge, et les présentateurs plus âgés étaient tous de sexe masculin. On ne trouvait quasiment aucune femme reporter âgée de 65 ans. Ceci est sans doute dû en partie aux récents progrès qui ont permis à un plus grand nombre de jeunes femmes d’entrer dans la profession, mais pourrait également s’expliquer par les différences de perception du vieillissement chez les hommes et les femmes, ainsi que par les difficultés pour celles-ci d’avancer dans la profession.

Le rapport 2017 du Women’s Media Center (WMC) sur les femmes et les médias aux États-Unis brosse un tableau qui a peu changé par rapport aux dernières conclusions du GMMP et même des résultats de ses études précédentes. Au sein des 20 principaux médias d’information du pays, les femmes produisaient 37,7 % des informations, soit une progression de 0,4 point de pourcentage par rapport à 201677 . Dans les actualités radiodiffusées, la place des femmes en tant que présentatrices, reporters et journalistes de terrain a perdu près de sept points de pourcentage entre 2015 et 2016. L’étude du WMC indique que ces disparités hommes-femmes existent dans tous les médias d’information, aussi bien les journaux, l’information en ligne et les agences de presse que les médias audiovisuels, mais qu’elles sont particulièrement marquées dans les informations télévisées.

La situation est-elle meilleure pour les journalistes travaillant pour les médias numériques ? Contrairement aux espoirs de ceux qui pensaient que l’Internet serait le média égalitaire par excellence, le monde numérique peut tout autant perpétuer les mêmes divisions entre les sexes que celles du monde hors ligne, qu’avoir l’effet inverse. On dispose de peu de données suggérant que les médias numériques emploient ou promeuvent davantage de femmes que les autres secteurs de l’écologie des médias. Les conclusions les plus récentes du GMMP suggèrent que la visibilité des femmes à la fois comme citoyennes et comme professionnelles des médias sur les sites d’information en ligne et les fils d’actualité de Twitter était de 26 %, soit seulement deux points de pourcentage de plus qu’à la télévision, à la radio et dans la presse écrite. La situation dans les coulisses des grandes sociétés Internet, qui décident du degré de visibilité des contenus d’information qui y sont présentés et sont chargées de modérer discussions et commentaires, est tout aussi désastreuse. Elles ont

76 Harp, Bachmann, et Loke 2014. 77 Women’s Media Center 2017.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 97 Tendances en matière de pluralisme des médias

du mal à s’attaquer aux questions d’équilibre des genres et à attirer une palette plus diverse d’employés, en dépit de la bonne volonté affichée par certaines, qui ont accepté d’informer publiquement sur la composition de leur main-d’œuvre.

Femmes et prise de décision

Le défi pour de nombreuses femmes est bien plus redoutable que de simplement percer dans l’industrie, il est d’être capable, également, de progresser jusqu’au plus haut niveau dans la carrière. Selon le Global Report on the Status of Women in the News Media, les femmes dans les médias occupaient à peine plus du quart des emplois de haute responsabilité (27 %) et de direction (26 %)78 . Les régions les plus vertueuses en matière de représentation des femmes étaient l’Europe centrale (33 %) et orientale (43 %) et les pays nordiques (36 %). Partout ailleurs, les femmes n’occupaient qu’environ un cinquième des postes de direction, et moins de 10 % des postes à haut niveau de responsabilité dans la région Asie et Pacifique. Un grand projet européen financé par l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) est parvenu à des conclusions à peu près similaires. Comme le montre la figure 2-9, ce sont des hommes qui occupent la plupart des postes de cadres supérieurs et de membres des conseils d’administration dans 99 médias de l’Union européenne79 . Les médias du secteur public étaient plus susceptibles de recruter et de promouvoir des femmes à des postes situés en haut de la hiérarchie que les médias du secteur privé.

Dans la région Asie et Pacifique, un rapport conjoint du Bureau de l’UNESCO à Bangkok, d’ONU Femmes et de la représentation régionale de la Fédération internationale des journalistes (FIJ)80 a conclu que les femmes y sont nettement sous-représentées aux postes décisionnels81 . En Afrique australe, selon une étude de l’association Gender Links, les femmes constituent 40 % des employés et 34 % des administrateurs des médias82 . Elle indique aussi que le harcèlement sexuel reste un problème majeur pour les femmes : près de 20 % des professionnelles des médias ont déclaré avoir été confrontées au harcèlement sexuel, et selon la majorité d’entre elles, l’agresseur était un supérieur hiérarchique.

Les femmes restent largement sous-représentées parmi les propriétaires de médias, une tendance qui s’est poursuivie sans variation alors que s’accentuait la concentration des médias par regroupement et convergence83

Genre et représentation

De nombreux chercheurs féministes observateurs des médias pensent que ce que l’on voit devant la caméra est dans une certaine mesure déterminé par qui se trouve derrière, et on est en droit de penser que s’il y avait davantage de femmes dans les salles de rédaction, les informations produites seraient plus diverses. Plusieurs études, y compris celles du GMMP (voir ci-dessus), indiquent que les femmes sont plus susceptibles que les hommes de prendre des femmes comme sources de leurs articles, ce qui conduit à des reportages plus équilibrés, plus aptes à refléter les points de vue d’un éventail de groupes sociaux plus large et plus

78 Byerly 2011. Ce rapport, la plus importante étude récente consacrée aux professionnelles des médias, réalisée pour la Fondation internationale des femmes dans les médias (IWMF) avec le soutien de l’UNESCO, a examiné 59 pays et 522 médias d’information. 79 Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) 2017. 80 UNESCO Bangkok Office, UN Women and International Federation of Journalists 2015. 81 Byerly 2011. 82 Ndlovu and Nyamweda 2016. 83 Kosut 2012.

98 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Figure 2-10 : Égalité des genres aux postes décisionnels et au sein des conseils d’administration des médias européens

Femmes Hommes

N1- PDG 15.6 84.4

N1 - Mbre suppléant du CA 22.2 77.8

N1 - Mbre ordinaire du CA 26.6 73.4

Total N1 25.2 74.8

N2 - DG 21.3 78.8

N3 - Directeur de dpt 31.3 68.7

N4 - Cadre sup. 35.2 64.8

Total N2, N3, N4 33.4 66.6

Total général 30.7 69.3

Source : Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), 2017. Base de données statistiques ventilées par sexe. divers. Cependant, compte tenu de la relative sous-représentation des femmes journalistes soulignée à la section précédente, il n’est pas surprenant que la plupart des études portant sur le contenu des actualités fassent état d’une sous-représentation correspondante des femmes évoquées ou citées dans les articles ou les reportages. Le rapport du GMMP de 2015 a pu effectuer des comparaisons au long de ses 20 années d’existence. Malgré des progrès considérables dans le public comme dans le privé ces deux dernières décennies, les apparitions de femmes à la télévision, à la radio et dans la presse écrite n’ont augmenté que de sept points de pourcentage entre 1995 (17 %) et 2015 (24 %). C’est lorsqu’elles évoquent leur expérience personnelle que les femmes sont le plus présentes dans les médias (38 %), alors qu’elles ne représentent que 20 % des porte-parole et 19 % des experts cités84 . Cette sous-représentation des femmes dans le contenu des médias transcende les régions. Les femmes représentent 32 % des experts interrogés dans les actualités en Amérique du Nord, suivie par les Caraïbes (29 %) et l’Amérique latine (27 %). En Afrique australe, la dernière étude de Gender Links consacrée aux progrès des femmes dans les médias, qui couvrait 14 pays, indiquait que les opinions et les voix des femmes ne représentaient que 20 % des sources d’information dans les médias d’Afrique australe.

Accroître simplement le nombre de femmes aux postes de décision ne modifie pas automatiquement le faible pourcentage de femmes qui sont vues et entendues et dont on parle aux actualités. Même si elles figuraient en plus grand nombre dans les médias, cela pourrait n’avoir qu’un effet limité sur les préjugés et les stéréotypes présents dans les contenus médiatiques, et risquerait de promouvoir des rôles féminins étriqués, et de restreindre les choix et les options présentés à tous. En d’autres termes, agir simplement sur l’aspect quantitatif n’améliorera pas nécessairement la qualité. C’est pourquoi de nombreux acteurs continuent

84 Macharia 2015.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 99 Tendances en matière de pluralisme des médias

d’encourager l’ensemble des travailleurs des médias à être plus sensibles à l’égalité des genres grâce à des formations et à des politiques internes de surveillance de la couverture médiatique et de promotion d’une sensibilisation accrue aux questions de genre.

Les femmes dans les médias : changer le tableau

Un éventail d’ONG, d’organisations de la société civile, de médias et de simples citoyens ont développé des initiatives en vue d’améliorer la situation en matière d’emploi, de reconnaissance et de représentation. Ces initiatives vont des programmes d’action positive en interne comme les cours sur le leadership proposés aux femmes, aux projets nationaux comme les annuaires de femmes experts, ou aux initiatives régionales comme le projet « Promouvoir l’égalité des genres dans les industries des médias » (AGEMI), financé par l’UE. Tant l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes que la Commission pour l’égalité de genre du Conseil de l’Europe ont réuni des collections de méthodes, outils et bonnes pratiques concernant les femmes dans les médias. Parmi les exemples de bonnes pratiques figurent le suivi des politiques et des plans en faveur de l’égalité, l’adoption de quotas, l’utilisation de statistiques ventilées par sexe, les opérations de sensibilisation, la formation des femmes, leur préparation aux postes de direction, l’autorégulation, le compagnonage, le mentorat, les récompenses décernées à un journalisme et à une publicité soucieux d’égalité des sexes, les enquêtes internes (médias) et les engagements à surveiller le contenu des médias pour y traquer les préjugés et ensuite modifier les attitudes.

Les organismes de contrôle des médias sont également encouragés à adopter des politiques visant à améliorer l’équilibre des genres dans les médias et leur contenus, y compris à travers les médias publics. Certains pays disposent actuellement d’une forme de politique genre et médias, même si, selon une étude réalisée par l’UNESCO en 2015, les trois quarts environ des 27 pays répondants n’intégraient pas, et les deux tiers n’avaient pas intégré, les questions concernant l’égalité des genres dans les médias dans leurs politiques et programmes culturels nationaux85 .

L’Association mondiale des journaux et des éditeurs de médias d’information (WAN-IFRA), qui représente plus de 18 000 publications, 15 000 sites en ligne et plus de 3 000 entreprises dans plus de 120 pays, dirige avec l’UNESCO la campagne « Les femmes font l’info », dans le cadre de leur stratégie Genre et liberté des médias. Dans le manuel qu’elles ont publié en 2016 sous le titre « WINing Strategies: Creating Stronger News Media Organizations by Increasing Gender Diversity » (Des stratégies gagnantes : renforcer les médias d’information en améliorant la diversité de genre »), elles mettent en lumière une série de stratégies d’action positive mises en œuvre par plusieurs organisations membres, de l’Allemagne à la Jordanie en passant par la Colombie, dans le but de proposer des exemples à suivre86 . Le projet AGEMI, cité plus haut, vise à créer une plate-forme en ligne qui réunisse en un même lieu diverses ressources, et à élaborer une série d’unités d’enseignement et de formation sur différents éléments de la relation genre-médias, qui pourront être téléchargées et partagées gratuitement.

Les réalisations des femmes dans le secteur des médias ont longtemps souffert d’un manque de reconnaissance de la part des professionnels et des médias d’information traditionnels, tendance qui reste inchangée. Ainsi, les femmes ne se sont vu décerner qu’un quart des prix Pulitzer couronnant le reportage à l’étranger et 17 % seulement des prix Martha Gellhorn du journalisme87 .

85 UNESCO 2015. 86 WAN-IFRA 2016. 87 Asquith 2016.

100 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Plusieurs organisations, qui pour la plupart ciblent les questions de genre, ont créé des prix destinés à reconnaître les réalisations des femmes dans les médias. La Fondation internationale des femmes dans les médias (IWMF) continue de saluer le travail courageux des femmes journalistes. Depuis 2007, l’Alliance of Women Film Journalists décerne chaque année les EDA Awards, récompensant des femmes réalisatrices et photojournalistes. Plus récemment, la Banque africaine de développement parraine depuis 2015 un des prix proclamés chaque année par One World Media, le prix Women’s Rights in Africa, qui vise à promouvoir l’égalité des genres dans les médias88. S’agissant de mettre en évidence la contribution des femmes au paysage de l’information, le prix mondial de la liberté de la presse UNESCO/Guillermo Cano distingue chaque année une personne, une organisation ou une institution qui a contribué de manière remarquable à la défense et/ou à la promotion de la liberté de la presse où que ce soit dans le monde. Neuf de ses 20 lauréats sont des femmes.

Plusieurs initiatives ont été lancées, qui diffèrent dans leur orientation, leur but et leur secteur. Dans des pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni ou la Thaïlande, des annuaires de femmes expertes ont été préparés afin de faciliter la recherche de références des journalistes désireux d’entendre d’autres points de vue que ceux des experts de sexe masculin habituellement cités comme sources de leurs reportages. Des annuaires similaires ont été établis ailleurs, y compris dans la plupart des pays nordiques.

Le Poynter Institute dirige depuis 2014 une Académie pour le leadership des femmes dans les médias numériques, expressément axée sur la transmission des compétences et connaissances nécessaires pour réussir dans l’environnement médiatique numérique. Des initiatives similaires naissent aussi dans d’autres régions. L’UNESCO a également dirigé des ateliers destinés aux professionnels des médias et aux médias communautaires au Gabon et au Burundi, dans le cadre de ses efforts globaux pour améliorer l’égalité des genres dans les médias.89

88 African Development Bank 2015. 89 Kenmoe 2016.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 101 Tendances en matière de pluralisme des médias

Conclusion

Face aux bouleversements qu’a connus le pluralisme des médias, de nouveaux cadres doivent être élaborés pour rendre compte non seulement de l’éventail et de la diversité des producteurs d’information et de la quantité d’information disponible, mais aussi de l’exposition et du rapport des utilisateurs à ces informations.

Les tendances analysées ici montrent que, si l’accès s’élargit et les contenus abondent, le pluralisme des médias reste bridé à d’importants égards. Les populations démunies et marginalisées éprouvent toujours de grandes difficultés à se faire entendre ou à se voir traitées avec équité dans les actualités, l’accès au numérique est encore loin d’être généralisé et les femmes ne bénéficient pas d’une place égale dans les médias. En outre, un petit nombre de grands acteurs, en particulier les opérateurs d’un Internet piloté par les algorithmes, et l’essor des applications mobiles, structurent chaque jour davantage la possibilité pour les utilisateurs d’accéder ou non à certaines informations. Cette domination des grands acteurs affecte aussi les médias traditionnels, en particulier les journaux, qui n’ont pas pu recueillir les bénéfices du marché de plus en plus lucratif de la publicité numérique et peinent à concurrencer d’autres contenus, comme les fausses informations.

102 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 103 Tendances en matière d’indépendance des médias Tendances en matière D’indépendance des médias

L’AUGMENTATION DES CRITIQUES À L’ENCONTRE DES MÉDIAS provenant de personnalités politiques LES ORGANISMES D’AUTORÉGULATION, encourage l’autocensure et qui peuvent encourager l’application décrédibilise les médias des normes professionnelles tout en préservant l’indépendance éditoriale, ont fait l’objet d’un intérêt croissant dans les pays en situation de post-conflit et en développement LA DÉPENDANCE ACCRUE VIS-À-VIS des subventions publiques et privées est liée aux bouleversements qui ont frappé les modèles économiques

LA CONFIANCE PORTÉE AUX MÉDIAS D’INFORMATION a décliné dans certaines régions LES EFFORTS ACCRUS D’AUTORÉGULATION DES INTERMÉDIAIRES DE L’INTERNET encouragent l’initiation aux médias et à l’information et la lutte contre les « fausses nouvelles » et les L’OCTROI DE LICENCES DE propos abusifs en ligne RADIODIFFUSION continue d’obéir à des intérêts politiques et commerciaux

VULNÉRABILITÉ/INFLUENCE RÉSILIENCE/RÉSISTANCE 104 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Tendances en matière D’indépendance des médias

L’AUGMENTATION DES CRITIQUES À L’ENCONTRE DES MÉDIAS provenant de personnalités politiques LES ORGANISMES D’AUTORÉGULATION, encourage l’autocensure et qui peuvent encourager l’application décrédibilise les médias des normes professionnelles tout en préservant l’indépendance éditoriale, ont fait l’objet d’un intérêt croissant dans les pays en situation de post-conflit et en développement LA DÉPENDANCE ACCRUE VIS-À-VIS des subventions publiques et privées est liée aux bouleversements qui ont frappé les modèles économiques

LA CONFIANCE PORTÉE AUX MÉDIAS D’INFORMATION a décliné dans certaines régions LES EFFORTS ACCRUS D’AUTORÉGULATION DES INTERMÉDIAIRES DE L’INTERNET encouragent l’initiation aux médias et à l’information et la lutte contre les « fausses nouvelles » et les L’OCTROI DE LICENCES DE propos abusifs en ligne RADIODIFFUSION continue d’obéir à des intérêts politiques et commerciaux

VULNÉRABILITÉ/INFLUENCE RÉSILIENCE/RÉSISTANCE Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 105 Tendances en matière d’indépendance des médias

106 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Tendances en matière d’indépendance des médias Vue d’ensemble

ans la plupart des régions du monde, l’indépendance des médias est mise à rude épreuve. Les Dperturbations et la crise qui affectent les modèles économiques pris, depuis des décennies, comme référence par la presse écrite et les organes de radiodiffusion ont contraint les médias traditionnels à se mettre en quête de nouvelles sources de revenus et accru dès lors leur vulnérabilité aux pressions extérieures. Les mesures d’austérité instaurées dans de nombreuses régions ont conduit à des coupes sombres dans les budgets des services publics de radiodiffusion, entraînant la mise au chômage des employés et mettant un frein à l’innovation en matière de programmation.

Le degré de confiance du public dans la crédibilité du journalisme est un indicateur de l’indépendance. Or, cette confiance à l’égard des médias est en baisse, tout comme l’est la confiance dans les pouvoirs publics, les entreprises et les organisations non gouvernementales (ONG)1 .

Néanmoins, ces fluctuations de la confiance sont aussi très variables selon la région et selon la forme médiatique. Dans la grande majorité des pays étudiés, la défiance envers les médias semble s’accentuer2 . La baisse de confiance est particulièrement marquée en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, et il n’y a guère que dans quelques pays d’Asie et du Pacifique où une amélioration se fait sentir en la matière. Les médias traditionnels sont, de toutes les différentes formes médiatiques, ceux qui affichent la chute de confiance la plus vertigineuse au monde. Les médias en ligne, en revanche, jouissent d’une remontée de la confiance depuis 2012. Le phénomène n’est assurément pas nouveau. Mais la circulation de « fausses nouvelles » (en anglais, « fake news ») a été la cause d’intenses débats et d’une sensibilisation croissante de l’opinion publique à la suite des contenus politiques qui ont été diffusés en Europe et en Amérique du Nord en 2016, faisant évoluer la perception de la crédibilité des informations en ligne3 . Cette évolution se poursuivra au gré de la capacité des médias en ligne, des gouvernements et des citoyens de faire face à ce problème croissant par des moyens appropriés et efficaces, notamment par l’éducation aux médias et à l’information, par des actions ciblées contre les discours de haine et par des efforts renforcés d’autorégulation de la part des plates-formes de réseaux sociaux.

Ce recul perceptible de la confiance envers les médias d’information traditionnels s’est accompagné d’une nouvelle conception journalistique de l’indépendance éditoriale.

1 Edelman 2017. 2 Ibid. 3 Chahal 2017.

107 Tendances en matière d’indépendance des médias

Le présent chapitre est consacré aux grandes tendances émergentes susceptibles de mettre en péril l’indépendance des médias, comme le maintien d’un régime de propriété d’État et d’un contrôle par les autorités publiques de nombreux médias ou encore un contexte de pressions politiques destinées à décrédibiliser d’autres médias. Un autre thème abordé dans ce chapitre concerne ce qui s’apparente à un affaiblissement continu des organisations et des institutions ayant contribué au professionnalisme du secteur des médias qui érode ainsi progressivement son rôle de surveillance indépendante. Sont aussi évoqués les problèmes de « capture des médias4 » et de polarisation. Après l’optimisme initial suscité par les médias sociaux et la certitude de leur capacité d’accroître la participation citoyenne aux médias et, par là même, de contrer ces tendances, on voit s’accumuler des signes montrant que les médias sociaux sont tout autant exposés au risque de polarisation et d’emprise par les politiques, portant de ce fait un nouveau coup à la confiance que les utilisateurs accordent aux informations diffusées sur ces plates-formes.

Dans toutes les régions, l’incidence des organes de régulation des médias sur l’indépendance éditoriale des médias demeure déterminante, et l’adaptation de la régulation à la nouvelle donne se révèle complexe. Même lorsque les systèmes de régulation eux-mêmes satisfont à toutes les normes officielles relatives à l’indépendance, ils restent bien souvent sous le joug des pressions et des influences politiques et économiques. Dans le même temps, ce contrôle des médias est constamment remis en cause par des fournisseurs de médias qui s’appliquent tant et plus à contourner la réglementation applicable aux médias traditionnels par le biais de l’Internet.

S’agissant des médias privés qui ne relèvent pas du contrôle des autorités publiques ou ne sont assujettis qu’à un minimum de régulation officielle, ils n’en restent pas moins tributaires des supports publicitaires. Dans de nombreuses régions, le risque pour les médias privés est de ne dépendre que d’une poignée d’annonceurs et, partant, de s’exposer à une utilisation abusive potentielle de la publicité comme outil politique par les plus gros annonceurs, en l’occurrence souvent les pouvoirs publics. Dans les régions où les systèmes de régulation sont encore fragiles ou dans les pays où les médias privés peinent à atteindre la viabilité économique, la corruption de l’information règne parfois en maître, et les responsables politiques, les entreprises ou d’autres groupes de pression monnayent la rédaction de certains articles auprès d’un journal ou l’orientation d’entretiens radiophoniques sur un thème ou dans un sens particulier. Les journalistes eux-mêmes font perdurer la pratique des « enveloppes brunes » dans maints pays. Certaines initiatives médiatiques sont expressément conçues dans l’optique d’un « journalisme de mercenariat », et ceux qui en produisent les contenus ne semblent même pas considérer qu’ils font du journalisme au sens propre, à savoir la fourniture d’informations vérifiables dans l’intérêt public.

Les nouvelles technologies ont, en outre, ajouté une nouvelle dimension à la notion d’indépendance des médias. Aujourd’hui, les tâches consistant à collecter, sélectionner, rassembler, synthétiser et analyser les données sont de plus en plus automatisées. Si le partage de messages postés sur les médias sociaux est déterminant pour attribuer davantage d’importance à telle ou telle information ou source d’information, les contenus affichés dans les fils d’actualité de plates-formes comme Facebook ou bien d’agrégateurs d’actualités comme Google News sont également la résultante d’autres facteurs. Les calculs d’algorithmes, par exemple, suppriment le processus professionnel de décision éditoriale au profit d’anciens modèles de consommation définis par l’utilisateur individuel et son réseau social. En 2016, dans certaines régions du monde, les utilisateurs se sont majoritairement déclarés en faveur d’une sélection algorithmique plutôt qu’éditoriale des contenus susceptibles de les intéresser5 . Cependant, derrière une apparente neutralité, les algorithmes compromettent souvent l’intégrité éditoriale, comme cela se produit dans d’autres domaines que les médias où ils aboutissent à la discrimination de personnes en raison de leur race, de leur statut socioéconomique et de leur lieu de résidence6 . L’expansion des mégadonnées et l’influence des « fausses nouvelles » et de l’automatisation révolutionnent complètement les modalités de production

4 Schiffrin 2017b. 5 Levy et al. 2016. 6 Sweeney 2013; Turow 2013; Diakopoulos 2014.

108 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 des connaissances et sont à l’origine de nouvelles exigences en matière de transparence des algorithmes et de responsabilité. D’un autre côté, cela crée une niche pour des informations qui sont générées et gérées par des journalistes professionnels, indépendants et dignes de confiance, et confère un rôle important aux organismes de vérification des faits. Les questions de régulation et d’autorégulation sont d’une grande complexité pour les entreprises de l’Internet qui n’ont que le statut de plates-formes et non de producteurs de contenus. Néanmoins, leur degré d’indépendance et de responsabilité à l’égard, entre autres, des contenus journalistiques est devenu un enjeu majeur au cours de la période couverte par la présente étude. Comprendre l’indépendance des médias

Deux indicateurs clés et distincts de l’indépendance des médias interviennent dans l’analyse. Le premier a trait au rôle des autorités de régulation vis-à-vis de l’indépendance éditoriale. Certaines institutions, par exemple, délivrent une licence à des opérateurs de radiodiffusion ou à d’autres plates-formes et fournisseurs de contenus et fixent les règles applicables aux médias. Le second concerne la résistance aux pressions politiques et commerciales qui menacent l’autonomie du secteur médiatique. L’existence d’acteurs puissants engagés dans la protection de l’indépendance éditoriale et de l’intégrité, y compris par le biais des instances d’autorégulation, des associations professionnelles et des organismes de la société civile, est à ce titre déterminante.

S’agissant du premier indicateur, il est important que les autorités de régulation ne relèvent pas directement du contrôle des responsables politiques et que leur indépendance soit expressément institutionnalisée dans le cadre de directives gouvernementales. Si les instances de régulation n’ont pas une distanciation suffisante par rapport à l’État et subissent le contrôle ou l’influence d’intérêts politiques et commerciaux, elles ne peuvent disposer que d’une marge de manœuvre réduite pour exercer leur mission de service public. Garantir à ces instances le droit de délimiter leur champ d’action et de compétence réglementaire dans un système juridique et politique clairement défini, propice à l’indépendance éditoriale de l’entreprise journalistique, leur permet de mener à bien cette mission dans l’intérêt public.

Le cadre juridique des instances indépendantes de régulation est analysé à l’aune des lois, des statuts des agences et des règles en vigueur dans divers domaines, tels que la conformité aux normes internationales des dispositions législatives concernant la délégation d’autorité à une agence ou le degré d’autonomie que possède l’instance de régulation relativement au budget et au personnel. Parmi d’autres aspects importants à prendre en compte dans l’analyse figurent l’application des législations antitrust et du droit de la concurrence, la transparence de la propriété des médias, les paramètres applicables à la publicité d’État et l’obligation des branches exécutive et législative de rendre des comptes en matière de supervision des régulateurs des médias et de l’Internet.

Le deuxième indicateur de l’indépendance des médias est le degré de séparation entre les médias et un réseau de plus en plus étendu de producteurs d’informations, d’une part, et les intérêts politiques et commerciaux, d’autre part. Les structures de nature à étayer ce type d’indépendance sont variables d’une société à l’autre, mais, de manière générale, l’indépendance des médias prend corps dans une solide éthique professionnelle

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 109 Tendances en matière d’indépendance des médias

qui permet aux organisations et aux professionnels des médias d’exécuter leur mission et, en particulier, de jouer un rôle de surveillance dans un contexte de pluralité d’intérêts et d’institutions. Cette éthique implique souvent l’existence de systèmes de reddition de comptes qui autorisent différentes formes d’autorégulation au niveau des entreprises, des professionnels ou des industriels. Un environnement composé de groupes de la société civile constitue un élément d’appui propre à garantir l’indépendance éditoriale des médias.

Encadré 3-1 : Action de l’UNESCO en faveur de l’indépendance des médias

Institution spécialisée de l’Organisation des Nations Unies ayant expressément pour mandat de promouvoir la liberté d’expression, l’UNESCO s’attache à créer des conditions propices à l’indépendance des médias et à la confiance dans leurs institutions aux niveaux communautaire, national et international. Ces dernières années, elle a mené son action dans les domaines suivants :

Autonomisation des médias et soutien aux mécanismes d’autorégulation 1 Par l’intermédiaire du Programme international pour le développement de la communication (PIDC), l’UNESCO soutient le développement des médias communautaires dans le monde. L’UNESCO œuvre, en partenariat avec la Commission européenne, à l’instauration d’un climat de confiance envers les médias, au renforcement de l’obligation redditionnelle des médias et à la lutte contre les propos haineux en ligne en Europe du Sud- Est et en Turquie par des actions de sensibilisation du public, par un appui à la mise en place de mécanismes d’autorégulation des médias et par la promotion de l’éducation aux médias et à l’information.

Publication de l’étude : Fostering freedom of expression – the role of internet intermediaries (2014)

Développement de la formation au journalisme à travers l’élaboration des guides et 2 programmes d’enseignement ci-dessous: The Global Investigative Journalism Casebook (2012)

Climate Change in Africa: A Guidebook for Journalists (2013)

Model Curricula for Journalism Education: A Compendium of New Syllabi (2013)

Teaching Journalism for Sustainable Development: New Syllabi (2015)

Conduite d’évaluations nationales à partir des indicateurs de développement des médias de l’UNESCO dans plus de 20 pays, notamment depuis 2012: 3 Afrique : Gabon, Madagascar et Soudan du Sud États arabes : Égypte, Jordanie, Libye, Palestine et Tunisie

Asie et Pacifique : Mongolie, Myanmar et Népal

Amérique latine et Caraïbes : Curaçao et République dominicaine

Intensification des recherches universitaires pour favoriser la compréhension de la liberté d’expression

4 Un manuel sur le maintien de l’ordre et le respect de la liberté d’expression a été publié et introduit par des établissements d’enseignement supérieur dans la région arabe.

110 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 La nature et l’intensité des pressions politiques et économiques varient fortement d’un pays à l’autre, rendant ainsi difficile toute tentative de généralisation et de comparaison. Dans plusieurs domaines, toutefois, des indicateurs de tendances en matière de pressions politiques et économiques apporte un éclairage intéressant sur la période étudiée. Les critiques de plus en plus nombreuses émises à l’adresse des médias, notamment par d’éminents dirigeants, ont orchestré un travail de sape sur la légitimité des médias. Les nouvelles méthodes de capture des médias, traditionnels ou nouveaux, méritent aussi attention. L’indépendance à l’égard des pressions économiques, quant à elle, pâtit des bouleversements qui ont frappé les modèles économiques suite à l’émergence des nouvelles technologies, aux mutations des modes de consommation des médias et à l’évolution des concepts de professionnalisation, là encore dans le contexte des nouveaux médias.

Ces deux indicateurs de l’indépendance, l’un d’ordre réglementaire, l’autre d’ordre économique et politique, sont en évolution partout dans le monde, et la notion d’indépendance en tant que norme recueille moins d’assentiment qu’auparavant. Les médias opèrent dans des structures étroitement interconnectées d’intérêts gouvernementaux, politiques, économiques et professionnels. L’indépendance totale est rare (sinon impossible), mais elle n’en reste pas moins un objectif primordial de la mission, et le degré d’autonomie des médias demeure indissociable d’un système médiatique efficace. Tendances et transitions en matière de régulation

Normalement, dans un système médiatique indépendant, les autorités de régulation et les tribunaux administrent l’attribution de licences et d’autres aspects des médias, tels que les codes applicables à la couverture des élections et à la publicité politique. Dans l’idéal, ces institutions sont dotées d’une structure transparente et habilitées à décider elles-mêmes de leur champ d’action et de compétence. Un rapport d’experts établi pour le compte de l’UNESCO expose les raisons pour lesquelles la définition de leur capacité d’action mérite attention dans les termes suivants :

Si l’octroi des licences de radiodiffusion relève exclusivement de la compétence de l’État, il est peu probable que l’offre de services soit juste et équitable (ou considérée comme telle). En effet, dans les pays où l’État (ou un organisme de régulation contrôlé par l’État) délivre les licences, la plupart des opérateurs de radiodiffusion, assez logiquement, soutiennent ouvertement le gouvernement7 .

Établir une séparation des pouvoirs entre les pouvoirs publics et les instances de régulation est une condition préalable à la crédibilité journalistique. Dans la majorité des pays, on attend des autorités de régulation qu’elles gèrent des aspects économiques, comme la concurrence et la propriété, et des aspects non économiques, comme la sauvegarde des droits fondamentaux des citoyens et la protection des droits du consommateur. L’indépendance des autorités de régulation se traduit par une plus grande confiance du public dans l’équité de leurs décisions et renforce la vision positive du rôle de la liberté d’expression dans la société.

7 Salomon 2016, 16.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 111 Tendances en matière d’indépendance des médias

Indépendance et régulation par l’État

Comme l’a relevé le premier rapport sur les Tendances mondiales, « [L]’indépendance opérationnelle des instances de régulation reste un défi alors que l’on constate régulièrement des cas de pressions politiques et commerciales8 ». Cette tendance s’est poursuivie et intensifiée.

Dans plusieurs régions de l’Amérique latine et des Caraïbes, de l’Afrique et de l’Asie et Pacifique, le sentiment que l’attribution de licences d’exploitation aux opérateurs de médias est dictée par des priorités politiques et économiques est relativement répandu. Le processus de délivrance des licences est toujours aussi opaque dans bien des régions, et il passe pour obéir à des procédures obscures et cachées. Dans bon nombre de pays, il n’est pas rare que des accusations de parti pris politique en faveur du gouvernement et du parti au pouvoir soient portées contre les instances de régulation, lorsque de potentiels opérateurs de radiodiffusion sont confrontés à un refus de licence ou à la menace de son retrait. L’insuffisance de contrôle et d’équilibre dans les mécanismes de régulation, les conceptions instrumentalistes du rôle des médias et les carences de l’autorégulation ont conduit à une libéralisation des médias au service d’intérêts politiques et économiques particuliers. Nombreux sont les pays qui voient s’assécher la diversité des contenus et des opinions à cause de la présence de monopoles directement ou indirectement encouragés par l’État, qui faussent la concurrence, favorisent la concentration de pouvoirs et comportent un risque d’emprise excessive sur l’opinion publique9 .

Dans toutes les régions, il est désormais monnaie courante que les instances de régulation revendiquent un minimum d’indépendance ou d’autonomie. Les procédures prévues pour garantir l’autonomie des organismes de régulation vis-à-vis du contrôle des pouvoirs publics sont, toutefois, de plus en plus menacées. On trouve partout dans le monde des pays qui ont introduit ou appliqué des mécanismes destinés à renforcer la chaîne de délégation entre les élus et l’administration. Comme le révèlent des cas récents constatés dans des régions d’Europe centrale et orientale, d’Asie et Pacifique et d’Amérique latine et des Caraïbes, il existe des instances de régulation qui sont officiellement en conformité avec les obligations légales relatives à l’indépendance, mais dont l’essentiel de la tâche consiste en réalité à faire appliquer le programme politique, aux dépens de l’intérêt public. Entre autres exemples figurent le non-renouvellement ou le retrait de leur licence à des médias dotés d’une ligne éditoriale critique, l’intégration de l’instance de régulation dans un ministère ou la réduction de son champ de compétence et d’action, ou encore le non-respect de la procédure légale d’adoption des décisions en matière de régulation10 .

Le contrôle de l’État se manifeste également dans la politisation croissante des autorités de régulation qui se traduit par le transfert et la nomination de personnes proches du parti aux postes de responsabilité de ces instances. Dans certains pays, il est fréquent que l’État exerce ouvertement un contrôle sur les instances de régulation à la fois en limitant leur autonomie et en appuyant la nomination et la promotion de leurs membres et de leurs responsables. La réforme des processus opérationnels est lente et ralentie par les procédures bureaucratiques. Dans maints pays, les cadres réglementaires ne donnent pas suffisamment de moyens au régulateur pour qu’il puisse mener à bien sa tâche, quand ils ne sont pas devenus obsolètes au regard de l’évolution des technologies et de la structure du marché. Il s’ensuit une situation de vide juridique dont des agences d’autres secteurs s’emparent pour créer une législation. Cela étant, la tendance à la réforme des cadres réglementaires se renforce dans de nombreuses régions. Ces initiatives ont, du moins sur le papier, pour but d’accroître l’indépendance et l’impartialité des instances de régulation.

8 UNESCO 2014a, 68. 9 Hanretty 2014. 10 Buckley et al. 2008.

112 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Partout dans le monde, des gouvernements ont cherché à étendre la régulation aux entreprises de l’Internet, qu’elles fournissent des services de connectivité ou des services d’applications et qu’elles soient implantées dans leur pays ou à l’étranger. Mais les disparités sont fortes en la matière, et la logique comme les motivations qui président à ces efforts n’ont rien d’homogène. Dans bien des cas, ces initiatives semblent ne répondre ni aux critères de légalité, de nécessité et de proportionnalité, ni relever de la poursuite de fins légitimes, et l’indépendance comme la transparence font défaut. Les conséquences peuvent être lourdes pour les contenus journalistiques, notamment si les entreprises de l’Internet choisissent d’opter pour la prudence et le retrait de contenus, en recourant par exemple aux algorithmes, sans laisser suffisamment de moyens de réparation aux producteurs d’information concernés.

Autorégulation

Dans certaines régions, l’autorégulation des pratiques des médias est aussi très répandue et remplace parfois la régulation par l’État, notamment en Europe de l’Ouest. Les journaux ne sont habituellement assujettis ni à une licence ni à une quelconque régulation, et ils sont régulièrement invités à s’autoréguler ou, tout au moins, à faire appel à des médiateurs internes. Cependant, la mise en place de structures d’autorégulation efficaces a souvent été problématique. En sus de la faiblesse traditionnelle de ces structures, leurs responsables ne disposent que de moyens limités tant au niveau des recours qu’ils peuvent prescrire qu’au niveau des amendes ou sanctions qu’ils peuvent réellement infliger et faire appliquer. Ces dernières années, le moyen d’instaurer un mécanisme d’autorégulation efficace, suffisamment rigoureux et fiable, agissant indépendamment de toute influence ou de tout contrôle gouvernemental, a fait l’objet d’amples débats dans plusieurs pays.

De manière générale, l’autorégulation coexiste avec la régulation par l’État ; elle varie selon le degré possible d’intervention de l’État qu’elle a d’ordinaire vocation à contenir. Dans les négociations entre les pouvoirs publics et le secteur privé sur l’efficacité et la portée de l’autorégulation, des questions importantes se posent : qui désigne l’instance d’autorégulation et comment est-elle tenue de rendre compte ? L’instance d’autorégulation peut-elle réglementer ou interdire des activités qui ne relèvent pas des pouvoirs publics ? Quels sont les moyens dont dispose l’instance d’autorégulation pour faire respecter ses décisions ?

Comme cela est indiqué dans les rapports régionaux sur les Tendances mondiales, la position des instances d’autorégulation demeure généralement solide en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, où les systèmes de régulation ne menacent habituellement pas de manière significative l’autonomie journalistique, sauf dans quelques cas. Dans de nombreux pays d’Europe centrale et orientale, à l’inverse, les structures d’autorégulation continuent d’être perçues comme étant inexistantes ou toujours aussi inefficaces ou inutiles qu’auparavant11 . Par ailleurs, l’indépendance opérationnelle des instances de régulation des radiodiffuseurs continue de se dégrader dans de nombreux pays de la région, où des cas récurrents de pressions politiques et commerciales ont été observés. Au niveau mondial, dans une forte proportion de pays où la presse écrite est également régulée, il semble que des organismes juridiquement autonomes subissent de plus en plus les pressions et les contraintes qu’exerce la branche exécutive.

L’autorégulation recueille une large adhésion, notamment dans les rangs mêmes des journalistes, qui sont nombreux à exprimer leur préférence pour ce système. L’autorégulation bénéficie de même d’un appui important des organismes de développement et de défense de la liberté des médias, comme l’UNESCO. Les organisations non gouvernementales qui œuvrent dans l’univers médiatique proposent régulièrement aux

11 Fengler et al. 2015.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 113 Tendances en matière d’indépendance des médias

journalistes et aux instances de régulation des formations et des cours sur le renforcement de l’autorégulation, favorisant ainsi le déploiement de cette approche. Cependant, si les systèmes d’autorégulation collectifs, tels que les conseils de presse, ont continué de se développer dans certaines régions, leur efficacité est souvent discutable. Dans les environnements où le secteur des médias s’est développé, par exemple dans certains pays d’Asie et Pacifique et d’Amérique latine et Caraïbes, l’intérêt pour ce genre de modèle a légèrement augmenté, alors que, dans la sous-région d’Europe de l’Ouest, l’autorégulation est en recul, principalement pour des raisons économiques. Les efforts se poursuivent aussi pour mettre en place des organismes d’autorégulation dans les situations de conflit et de post-conflit.

La radiotélévision publique indépendante et autonome a essentiellement progressé en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, où elle était déjà relativement solide. À l’échelle mondiale, une majorité écrasante d’organes de radiotélévision détenus par l’État, y compris ceux relevant du domaine transnational et faisant office de médias internationaux, manquent toujours de dispositions efficaces garantissant l’indépendance éditoriale. De surcroît, de nombreux médias internationaux sont détenus principalement par l’État, auquel cas l’indépendance journalistique reste limitée, même lorsque le gouvernement n’exige pas de contrôle direct.

L’essor des chaînes d’information par satellite diffusées aux téléspectateurs directement, ou par câble ou en ligne, concourt également à élargir la sphère des programmes sans régulation. Diverses tentatives ont, néanmoins, été menées pour réguler l’accès des programmateurs à des répéteurs de satellite dans certaines régions d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord, dans la région arabe et dans la région Asie et Pacifique. La Charte arabe de radiodiffusion par satellite illustre, par exemple, les efforts déployés en faveur de l’application de normes officielles et d’un minimum de régulation aux contenus transmis, mais sa mise en œuvre n’a, semble-t-il, pas abouti12 . Des organismes européens de régulation ont conçu un système complexe qui permet aux gouvernements de réguler, dans une mesure limitée, les signaux satellite provenant de pays situés en dehors de l’Union européenne. Dans la région Asie et Pacifique, les États membres ont une gestion plus globale du trafic par satellite. L’explosion des contenus générés par les utilisateurs est un autre domaine où l’expansion de contenus relativement indépendants est particulièrement forte.

Les grandes entreprises de l’Internet ont réagi aux pressions des gouvernements et de l’opinion publique par la mise au point de systèmes d’autorégulation et de réclamation au niveau de l’entreprise, en s’inspirant des principes élaborés dans le cadre de la Global Network Initiative (GNI). Aujourd’hui, la Global Network Initiative rassemble des grandes entreprises des télécommunications et de l’Internet comme Google, Facebook et d’autres, des organisations de la société civile et des universitaires13 .

Sous la pression de l’opinion publique, les géants technologiques ont échafaudé de nouvelles stratégies visant non seulement à identifier les « fausses nouvelles », mais aussi à éliminer les causes structurelles de leur apparition et de leur prolifération. S’appuyant sur des stratégies antérieures de lutte contre les propos haineux et le harcèlement en ligne, Facebook a créé des fonctionnalités nouvelles permettant aux utilisateurs de signaler les contenus qui leur semblent suspects. Ces innovations témoignent des transformations profondes qui s’opèrent au sein des géants technologiques pour accroître leur transparence. L’index de responsabilisation des entreprises (Corporate Accountability Index) élaboré par Ranking Digital Rights indique que la plupart des grandes entreprises de l’Internet se montrent mieux disposées en matière de transparence sur les demandes de retrait de contenus ou de transmission de données émanant de tiers et,

12 UNESCO 2014b 13 Global Network Initiative (GNI) 2017.

114 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 plus particulièrement, de gouvernements (Figure 3-1)14 . Cela étant, l’étude révèle aussi une plus grande opacité dans un certain nombre d’entreprises, réticentes à divulguer les modalités d’application de leurs propres conditions de service, concernant les restrictions de certains types de contenus et de comptes (Figure 3-2).15

Figure 3-1 : Scores des indicateurs RDR de Figure 3-2 : Scores des indicateurs RDR de transparence des politiques concernant les transparence des politiques concernant le demandes de restrictions de contenus ou de respect de leurs conditions de service (ayant comptes une incidence sur les restrictions de contenus ou de comptes)

Source : Ranking Digital Rights. 2015. Corporate Accountability Index; Ranking Digital Rights. 2017. Corporate Accountability Source : Ranking Digital Rights. 2015. Corporate Accountability Index. rankingdigitalrights.org/16 Index; Ranking Digital Rights. 2017. Corporate Accountability Index. rankingdigitalrights.org/

Un autre élément semblant indiquer une tendance à l’autorégulation à ce niveau est la publication de 2013 de la Commission européenne intitulée Guide à destination du Secteur des TIC sur la mise en œuvre des principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme17 . Ces initiatives ont une influence sur le journalisme indépendant en fixant les limites entre ce qui doit, ou non, être diffusé et privilégié dans les espaces numériques les plus fréquentés.

Outre les mesures prises en réponse aux sollicitations de ceux qui réclament une définition plus précise des mécanismes d’autorégulation et sous la pression stimulante des débats autour du phénomène des « fausses nouvelles » [pour en savoir plus sur les « fausses nouvelles », voir PLURALISME : CONTENUS], des entreprises d’Internet comme Facebook ont organisé des campagnes d’information à l’attention des utilisateurs pour les aider à distinguer la bonne de la mauvaise information. À l’approche de l’élection nationale de 2017 au

14 Ranking Digital Rights 2015; Ranking Digital Rights 2017. 15 Ranking Digital Rights 2015; Ranking Digital Rights 2017. Notez que les valeurs pour 2015 ont été calculées en prenant la moyenne des indicateurs F3 et F4, qui ont été fusionnés en un indicateur (F3) dans l’indice 2017. 16 Note: Les valeurs (sur un total de 100 points) correspondent à l’indicateur F6 de l’indice 2015 et F5 à l’indice 2017. 17 Shift and Institution for Human Rights and Business 2013.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 115 Tendances en matière d’indépendance des médias

Royaume-Uni, Facebook a, par exemple, publié dans les journaux une série d’annonces sous le titre « Conseils pour identifier les fausses informations » qui dresse une liste d’indices à vérifier pour contrôler l’authenticité d’une information. D’autres initiatives de plus grande ampleur associent un large éventail de donateurs et d’acteurs pour promouvoir la vérification des faits et la culture de l’information. Ainsi, la News Integrity Initiative, conçue par la City University de la New York’s School of Journalism, a été lancée en 2017 sous la forme d’un investissement de 14 millions de dollars des États-Unis réunissant différents partenaires, dont la Fondation Ford et Facebook. Il est, certes, trop tôt pour savoir si elle produira tous les effets attendus. Mais elle vient s’ajouter aux projets d’autres réseaux, comme le réseau mondial de vérification des faits (International Fact-Checking Network) créé par le Poynter Institute en 2015 qui a pour but de définir les contours de la question. Une autre mesure adoptée par des plates-formes de réseaux sociaux et des moteurs de recherche a été de supprimer les sources de revenus qui encouragent la production des « fausses nouvelles ». Les fabricants de ces « fausses nouvelles » ont coutume d’exploiter les algorithmes utilisés par les plates-formes de réseaux sociaux pour promouvoir des contenus qui sont facilement partagés et appréciés afin de produire du sensationnel et d’accroître le nombre de pages vues et les revenus publicitaires [voir TENDANCES EN MATIÈRE DE PLURALISME DES MÉDIAS : CONTENU]. En réponse, Google et Facebook se sont engagés à retirer les publicités aux sites Internet qui véhiculent ce type d’information. Ces mesures d’autorégulation peuvent renforcer l’indépendance et la crédibilité du journalisme authentique et mettre en avant l’importance d’un journalisme professionnel et transparent et de journalistes renommés pour l’impartialité de leurs reportages, dans un système où la confiance est en perte de vitesse. Pressions politiques et économiques au sein des systèmes médiatiques

Deux tendances politiques majeures font sentir leurs effets sur les systèmes médiatiques dans le monde. La première est la campagne de discrédit menée par des acteurs politiques contre les médias en tant qu’institution respectable et contre la profession de journaliste. La seconde est la multiplication des tentatives de capture des médias, en particulier des médias en ligne, considérés il n’y a pas si longtemps comme moins vulnérables que les autres médias à ce type d’emprise. Ce processus de capture se manifeste plus particulièrement dans un contexte de pressions économiques exercées sur des médias, et les tendances récentes donnent à penser que le bouleversement des anciens modes de production médiatique et le déclin des modèles de médias traditionnels sont en passe de bousculer les concepts normatifs de l’indépendance.

Tendances à la décrédibilisation des médias

Il est difficile d’évaluer les conséquences de la décrédibilisation générale des médias et des institutions d’appui sur l’indépendance des médias, mais il y a tout lieu de croire qu’elles sont loin d’être négligeables. L’indépendance, ainsi que les normes professionnelles et l’intérêt public qu’elle protège, étant relativement fragile, il est essentiel d’en comprendre les fonctions et les finalités et d’en reconnaître la valeur. Dans ce contexte, les attaques systématiques lancées par les acteurs gouvernementaux et autres acteurs au pouvoir contre les médias en les banalisant, voire en les traitant d’« ennemi » , ont de larges répercussions sur l’indépendance et le bien-être de ce secteur. Ces pratiques ont été peu répandues en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, mais la période récente n’en offre pas moins des exemples notables dans ces régions.

116 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Encadré 3-2 : Tai Nalon - Créer un espace de confiance

ai Nalon était journaliste politique depuis sept ans quand, en 2014, en Tpleine période d’instabilité politique, son malaise a grandi en voyant qu’aucune vérification n’était faite des déclarations publiques portant sur des sujets sensibles. Ne pouvant y consacrer suffisamment de temps sur son lieu de travail, elle a entrepris de réfléchir à la viabilité potentielle d’un service autonome de vérification des faits.

En juillet 2015, Nalon a lancé le premier service indépendant et continu de vérification des faits au Brésil, Aos Fatos (To the Facts). Financé par un conglomérat de partenaires éditoriaux, de groupes de parrainage du secteur privé et d’organisations de la société civile et par les contributions des lecteurs, ce service propose des analyses transparentes et neutres de questions politiques allant du niveau local au niveau national. Près de 400 discours, documents, résumés et articles publicitaires ont ainsi été Photo credit: Ananda Photo vérifiés par Aos Fatos durant les deux premières années, sans compter la rédaction de nombreux rapports d’enquête. L’exemple d’Aos Fatos montre que les journalistes sont capables de suivre l’évolution de l’univers des « Je pense que le médias numériques. Si l’ère du numérique a donné naissance à de nouvelles résultat le plus plates-formes et de nouvelles possibilités pour les médias indépendants, elle a également favorisé la prolifération de vérités et de contre-vérités non gratifiant que nous vérifiées. ayons obtenu est S’adressant au Knight Center for Journalism in the Americas, Nalon fait d’avoir pu créer observer que « la vérification de l’information a toujours existé ; c’est l’une des un espace de bases du journalisme. Mais on l’a quelque peu négligée parce que la course quotidienne à l’information s’accélère et qu’il faut couvrir l’information sur confiance. » l’Internet en temps réel. » Cette situation est problématique pour plusieurs -Tai Nalon, fondatrice raisons. Comme l’explique Nalon, le niveau d’éducation aux médias et à l’information est faible, l’information circule extrêmement vite, si bien que de Aos Fato, Brésil les rumeurs et les « fausses nouvelles » peuvent faire l’effet « d’une bombe nucléaire. Elles peuvent se propager rapidement d’un individu à l’autre, et on doit alors faire face à une véritable épidémie de désinformation. »

Cette petite équipe de quatre membres permanents a produit des résultats tangibles. Les grands médias brésiliens ont ainsi été nombreux à mettre en place leur propre service de vérification des faits, d’autant plus que Google a reconnu le travail accompli par Aos Fatos dans le cadre de ses propres efforts pour lutter contre la propagation des « fausses nouvelles ». Pour Nalon, « le résultat le plus gratifiant que nous ayons obtenu est d’avoir pu créer un espace de confiance. »

Elle est par ailleurs remplie d’espoir quant à l’évolution des médias indépendants au Brésil et aux possibilités qui s’offrent aux nouveaux médias: « Il existe au Brésil une bonne dynamique des médias indépendants et des petits médias... et je suis optimiste car on nous considère enfin comme des acteurs professionnels, objectifs et responsables ».

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 117 Tendances en matière d’indépendance des médias

La décrédibilisation des médias est un phénomène globalement omniprésent dans de nombreuses régions, surtout en période électorale. Une stratégie habituelle consiste à effacer les distinctions entre les médias traditionnels et la masse des contenus non vérifiés circulant sur les réseaux sociaux. Si dans des démocraties en place, des acteurs puissants n’ont de cesse de discréditer les médias, les dirigeants d’autres pays ont davantage les coudées franches pour leur emboîter le pas. Il arrive aussi que des personnalités occupant des postes influents réfutent la crédibilité de certains reportages en les qualifiant de « fausses nouvelles » [comme cela est mentionné dans le chapitre intitulé TENDANCES EN MATIÈRE DE PLURALISME DES MÉDIAS] dans le but d’écarter des reportages critiques. Là encore, la tendance s’accentue depuis quelques années, et le recours des pays démocratiques à de tels discours est devenu la norme pendant la période étudiée.

C’est surtout lorsque des acteurs au pouvoir s’en prennent à des éléments majeurs des médias et, notamment, que les attaques s’inscrivent dans un contexte de communication régulière avec le public que l’entreprise systématique de décrédibilisation des médias est la plus frappante. La décrédibilisation est une forme sournoise et efficace de propagande qui, peu à peu, entame la confiance qu’a l’opinion publique dans la capacité des médias d’assumer sa fonction collective et vitale de contrôle du gouvernement. En sus d’être un danger en soi, la décrédibilisation encourage et renforce les attaques dirigées contre les médias par d’autres factions de la société. Pris ensemble, tous ces facteurs peuvent non seulement intimider des journalistes, mais aussi porter atteinte à la confiance du public dans les principes fondamentaux de la fonction des médias et de la presse et à la crédibilité des données factuelles et scientifiques. Les répercussions sur le statut du journalisme, sur la sécurité des journalistes et sur les pratiques démocratiques fondamentales peuvent être profondes. La décrédibilisation donne à voir l’une des facettes d’un problème plus vaste de polarisation politique et sociale, s’accompagnant d’attaques répétées contre la légitimité des institutions publiques, y compris des instances judiciaires indépendantes, et d’ampleur mondiale.

Figure 3-3 : Effet de la décrédibilisation des médias sur la société

118 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Si l’existence de la menace qui plane sur l’indépendance des médias en général est indéniable, il est intéressant ici d’étudier en détails quelques aspects particuliers du processus de décrédibilisation. L’un de ses effets est d’affaiblir les médias pour accroître leur vulnérabilité à des actions en justice. Dans de nombreuses régions, les efforts se poursuivent pour limiter la pénalisation de la diffamation, mais les poursuites au civil sont également coûteuses et hasardeuses et exposent les diffuseurs de médias à une probabilité accrue de faillite. Lorsque le droit des journalistes de critiquer des fonctionnaires est menacé, l’indépendance est fragilisée. Une offensive d’envergure contre les médias peut conduire à l’adoption de mesures qui étendent la responsabilité pénale des journalistes en cas de publication de secrets d’État et amoindrit leur capacité de protéger leurs sources. En décrédibilisant les médias, il devient plus facile de justifier des réformes juridiques qui, à terme, aggravent la précarité du secteur de la presse.

Le cadre juridique idéal qui existe actuellement dans les sociétés du monde entier est en pleine évolution. Conçu comme rempart pour défendre la liberté des médias, il bascule vers un autre modèle qui met la liberté des médias en balance entre hostilité et protection.

D’après les informations recueillies, la décrédibilisation organisée, systématique et cautionnée par l’État de la fonction des médias dans la société a conduit à réduire au silence certaines catégories de populations. Déstabiliser les médias est un moyen classique pour les pouvoirs publics d’étendre leur pouvoir pour déclencher une série d’actes de perturbation et d’intimidation dans le but de faire taire des groupes défavorisés, notamment des minorités politiques ou ethniques. Dans certaines régions, la décrédibilisation se double d’attaques de plus grande envergure contre des médias indépendants : des propriétés clés ont, par exemple, été fermées ou vendues à des partis affiliés au gouvernement. Les nouveaux venus proches du pouvoir de l’État et des nantis gagnent de l’influence. Il est possible de s’élever contre ces pressions pour défendre la presse en tant que groupe de la société civile et appeler l’opinion publique à protester, mais, dans ce genre de conflit, la peur engendre parfois la passivité ou le repli sur soi. Enfin, la décrédibilisation peut aussi faire fuir les annonceurs et les investisseurs.

L’indépendance des médias et la diffusion des informations jouent un rôle important dans la création de connaissances et dans le processus démocratique de prise de décision. Les méthodes de décrédibilisation servent alors d’obstacle, en semant le doute sur la pertinence de l’information, en laissant planer l’hypothèse d’un parti pris des médias qui neutraliserait en partie ou en totalité leur capacité de recueillir des données pertinentes et en dénigrant la notion de données vérifiables qui rendent compte de la réalité pour discréditer les normes professionnelles des journalistes. La contestation de faits spécifiques prend le dessus sur l’analyse de récits plus généraux qui donnent du sens aux faits et qui mobilisent des publics différents et de manières différentes. Ces considérations plus sérieuses sont éclipsées par l’image que l’on donne délibérément de la presse en lui apposant l’étiquette « opposition » et qui ternit la réputation des médias, érode leur indépendance et met en péril les idéaux du dialogue et d’une parole libre.

Qui plus est, la décrédibilisation ébranle les autres soutiens institutionnels fondamentaux de la liberté d’expression. L’état de droit, aspect central de la liberté d’expression, suppose l’existence d’un possible consensus sur des enquêtes factuelles. Les décisions ne sauraient garantir la primauté du droit s’il n’existe aucun moyen de s’entendre sur des principes factuels. La contribution de la presse en la matière est vaine si son statut est constamment remis en question

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 119 Tendances en matière d’indépendance des médias

Capture des médias

Par « capture » des médias, on entend l’ensemble des forces pouvant restreindre ou fausser la couverture de l’information. D’aucuns l’ont définie comme « une situation dans laquelle les médias ont échoué à gagner leur autonomie pour manifester leur volonté propre et acquérir la capacité d’exercer leur fonction essentielle, en particulier l’information des citoyens. Au lieu de cela, ils sont demeurés dans un état intermédiaire, au service d’intérêts particuliers, et pas uniquement gouvernementaux, en les utilisant à d’autres fins » 18 . Des médias sous emprise peuvent difficilement jouer leur rôle premier d’informer le public, les organes de presse préférant s’adonner au commerce d’influence et à la manipulation de l’information19 . L’un des caractères distinctifs de la capture des médias, par opposition à des formes plus explicites de contrôle des médias par l’État, est la collaboration du secteur privé. Mais toutes les régions livrent aussi des exemples qui illustrent les liens insidieusement noués entre le contrôle des médias par l’État et des intérêts commerciaux privés, tout en donnant l’apparente illusion de médias libres et indépendants.

Les cas abondent, partout dans le monde, de blogueurs et de journalistes citoyens qui placent certains sujets au centre de l’actualité et font des reportages de terrain lors de manifestations20 . Grâce aux réseaux sociaux, il est désormais extrêmement facile de partager l’information. Ces plates-formes ont ouvert des voies jusqu’alors ignorées pour révéler des scandales, avancer d’autres interprétations des événements et remettre en cause le discours dominant. Ce sont là autant de preuves de l’indépendance.

Maints exemples révèlent par ailleurs l’intervention d’acteurs politiques et économiques soucieux d’étendre sur les médias une emprise qu’ils veulent totale. Selon certaines sources, les « trolls » payés qui sont à l’origi- ne de phénomènes perturbateurs comme les « commentaires payés » et les attaques collectives organisées, ainsi que les « fausses nouvelles » et les rumeurs, sont capables de lancer des actions d’envergure contre des journalistes indépendants avec l’aide de robots (bots). Dans une grande partie du continent africain, le système des « appels en série » (serial callers) connaît une vogue croissante. Un autre procédé, communé- ment appelé « astroturfing » , a cours dans d’autres régions, comme l’Amérique du Nord. Il consiste à utiliser des personnes mandatées par des acteurs politiques pour participer à un maximum d’émissions populaires de libre antenne dans l’intention de fausser ou d’influencer le débat dans leur intérêt21 . Dans certains cas, l’émission est structurellement orientée en faveur de ces acteurs (avec, par exemple, une ligne téléphonique spéciale réservée aux sympathisants politiques qui prévoient de participer à l’émission). Dans d’autres, le dispositif est plus ponctuel et consiste en un ciblage spécifique d’émissions radiodiffusées qui sont inondées d’appels de sympathisants22 .

Face à ces pratiques de confiscation, des associations de journalistes, des groupes de la société civile et des organisations internationales ont réitéré l’importance de normes professionnelles rigoureuses et de l’éduca- tion aux médias et à l’information [voir la section 2.4.6 dans TENDANCES EN MATIÈRE DE PLURALISME DES MÉDIAS].

18 Zielonka 2015; Gagliardone et Pohjonen 2016. 21 Gagliardone 2016. 19 Mungiu-Pippidi 2013, 40–41. 22 Brisset-Foucault 2016; Stremlau, Fantini, et Gagliardone 20 Allan et Thorsen 2009, vol. 1; Allan 2013; Hänska-Ahy et 2015. Shapour 2013; Mutsvairo 2016; Thorsen et Allan 2014, vol. 2; Wall 2015.

120 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Réglementations financières et modèles économiques

Au chapitre de l’indépendance des médias, nécessité s’impose d’être attentif aux réglementations financières pour éviter une concentration excessive de la propriété des médias et donc de leur pouvoir, prévenir un risque de faillite des médias et favoriser une saine concurrence au sein de ce secteur. L’existence de mécanismes qui garantissent l’octroi de financements pérennes aux radiodiffuseurs de service public est importante de telle sorte que les médias ne soient pas réduits à servir de porte-parole du gouvernement ou à se laisser dicter leur conduite par des intérêts commerciaux.

Dans un contexte de concentration des médias, améliorer les performances économiques est en général nécessaire, mais n’améliore pas obligatoirement l’exercice journalistique. La propriété d’entreprise, différente de la propriété d’État et d’une réglementation gouvernementale stricte, n’est pas une condition suffisante pour garantir l’indépendance éditoriale. Si la transparence des médias en matière de propriété a progressé ici ou là ces dernières années, c’est en partie parce que des entreprises de médias ont cherché à augmenter leur capital via leur cotation en Bourse, les obligeant à révéler leurs structures de propriété. D’autres avancées ont été enregistrées en ce qui concerne le nombre de poursuites dans des affaires de concentration de la propriété des médias, contribuant à une meilleure visibilité des structures médiatiques dans les tribunaux. Le recours à des mandataires est, nonobstant, un obstacle majeur à la transparence des médias en matière de propriété dans de nombreuses régions du monde, car il masque la véritable propriété des médias et a une incidence sur l’indépendance.

Dans toutes les régions, des dispositifs de contrôle des capitaux des médias sont en place pour gérer les investissements directs étrangers dans ce secteur. De nombreux gouvernements de pays d’Afrique, d’Amérique latine et des Caraïbes, et de la région Asie et Pacifique ont adopté des lois et des réglementations très strictes qui limitent ou interdisent la propriété étrangère des médias, particulièrement dans les secteurs de la radiodiffusion et des télécommunications, avec des retombées variables sur l’indépendance éditoriale. En Amérique latine, près des deux tiers des 15 pays examinés au titre d’une étude de la Banque mondiale sur les investissements directs étrangers imposent des restrictions à la propriété étrangère dans le secteur de l’édition de journaux. Le montant des investissements étrangers dans le secteur des médias est plafonné dans la quasi-totalité des pays, même si les efforts se multiplient dans cette région pour absorber les capitaux privés et étrangers et s’approprier l’expérience de gestion des médias sans perdre la propriété ni le contrôle politique du secteur des médias23 . L’évolution des modèles de propriété et de contrôle a créé un conflit entre la protection de l’indépendance éditoriale d’une part et les aspects commerciaux de la production des informations d’autre part, qui s’est accompagné d’un flou éthique, d’un défaut de protection des médias et d’un affaiblissement de l’identité et du professionnalisme des journalistes et des médias d’information. Parallèlement, la réglementation des questions de propriété s’est complexifiée pour les plates-formes Internet qui relèvent de juridictions multiples, quoique les dispositions européennes en matière de droit de la concurrence et de droit fiscal aient permis de résoudre une partie de ces questions et que l’incidence de la question de l’indépendance des contenus journalistiques pour les entreprises de l’Internet soit difficile à établir.

23 Banque mondiale, Société financière internationale (SFI) et Banque de développement d’Amérique latine (CAF) 2013.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 121 Tendances en matière d’indépendance des médias

Les aspects financiers ont aussi eu des répercussions sur l’indépendance des médias en raison de la mutation des modèles économiques. Dans le secteur de l’industrie, les médias ont entrepris de réévaluer ce qui constitue la valeur du contenu médiatique, tout en entraînant le renforcement des programmes publics de développement, du mécénat d’entreprise et autres financements au titre d’intérêts spéciaux ou encore la subvention croisée des contenus. Ces types de financement qui n’ont rien de nouveau en matière de radiodiffusion internationale ont habituellement une incidence sur le contenu des médias, la présentation des informations et les « lignes rouges », à distinguer des principes professionnels, que les journalistes se sentent incapables de franchir.

Si les grandes entreprises de médias s’emploient à attirer leurs propres annonceurs en ligne, les nombreux intermédiaires en ligne qui existent désormais, par exemple Google Ads, laissent les petites entreprises de médias en ligne engranger des revenus et leur évitent d’avoir à mettre en place des services spécifiques. On ne peut néanmoins pas nier que les plates-formes comme Facebook, friandes de contenu vidéo et capables de modifier leur fil d’actualité sans en référer à quiconque, compromettent l’autonomie éditoriale. De surcroît, non seulement le média concerné n’a plus aucune maîtrise sur les publicités diffusées, mais il ne peut pas non plus accéder à la totalité des données sur l’auditoire pour accroître ses propres perspectives de revenus.

Perceptions de l’indépendance des médias par les journalistes

De l’enquête de la Worlds of Journalism Study, il ressort que dans 18 des 21 pays d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord examinés, les journalistes se considèrent de moins en moins libres de prendre des dé- cisions éditoriales de manière indépendante depuis cinq ans. Dans la plupart des pays de toutes les autres régions, en revanche, un grand nombre de journalistes déclarent jouir d’une plus grande liberté éditoriale (Figure 3-4)24 . Cette perception d’une liberté éditoriale en progression est particulièrement marquée en Afrique et dans les sous-régions de l’Asie du Sud et du Sud-Est. Une tendance similaire semble se profiler con- cernant la perception de la crédibilité du journalisme par les journalistes. Si elle s’est améliorée en Afrique, en Asie et Pacifique, en Amérique latine et dans les États arabes, elle se dégrade dans les pays d’Europe centrale et orientale et dans la grande majorité des pays d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord (Figure 3-5).

Au vu de certains éléments, toutefois, la tendance à la baisse d’indépendance des médias perçue dans certaines parties du monde pourrait s’inverser. S’il est trop tôt pour pouvoir prendre la mesure du phénomène, des signes d’engagement et de mobilisation active de citoyens en faveur des médias se font jour dans quelques pays d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord. Tandis que le déclin marqué des ventes de publicités imprimées se poursuit dans ces États, des journaux font état d’une augmentation des abonnements et des recettes publicitaires dans le numérique qui a permis de développer des salles de rédaction en proie à de graves difficultés financières25 . On peut voir là l’une des illustrations du lien qui existe entre les grands médias d’information et les cycles électoraux, mais aussi l’indice d’une propension plus grande du lectorat à payer pour un contenu numérique de qualité.

24 Worlds of Journalism Study 2016. The Worlds of Journalism est un projet académique qui a été créé pour le statut de journalisme à travers le monde. Le projet a interviewé 27 500 journalistes entre 2012 et 2016. 25 Chatterjee 2017; Doctor 2016.

122 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Figure 3-4 : Tendances relatives à la perception de la liberté éditoriale par les journalistes

Nombre de pays où les journalistes ont perçu une PROGRESSION de la liberté éditoriale Nombre de pays où les journalistes ont perçu une BAISSE de la liberté éditoriale

Afrique 6 1

États arabes 2

7 Asie et Pacique 6

Europe centrale et orientale 6 5

Amérique latine et Caraïbes 4 3

Europe de l’Ouest 3 et Amérique du Nord 18

Source : Worlds of Journalism Study. 2016. Change: Journalists’ freedom to make editorial decisions

Figure 3-5 : Tendances relatives à la perception de la crédibilité du journalisme par les journalistes

Nombre de pays où les journalistes ont perçu une PROGRESSION de la crédibilité du journalisme Nombre de pays où les journalistes ont perçu une BAISSE de la crédibilité du journalisme

Afrique 6 1

États arabes 2

8 Asie et Pacique 5

Europe centrale et orientale 3 8

Amérique latine et Caraïbes 5 2

Europe de l’Ouest 2 et Amérique du Nord 19

Source : Worlds of Journalism Study. 2016. Change: Journalists’ freedom to make editorial decisions

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 123 Tendances en matière d’indépendance des médias

Professionnalisme et efforts visant à limiter les pressions politiques et économiques

Tant au niveau des instances de régulation que des normes journalistiques, le professionnalisme a des effets bénéfiques sur l’indépendance des médias. Dans certains pays, il semble que la domination des organisations professionnelles dans le domaine du plaidoyer réduit la pluralité d’expression de ceux qui sont concernés ou consultés à ceux qui représentent les intérêts des propriétaires dans le processus décisionnel. La capacité de pression des élites médiatiques s’est en effet renforcée à la faveur de la concentration de la propriété, surtout en Amérique du Nord. La relative indépendance formelle d’un média vis-à-vis de l’État le rend quelquefois plus vulnérable à l’emprise d’intérêts commerciaux. Certains membres du conseil de ces organisations et associations professionnelles siègent dans des groupes de travail au sein du gouvernement et sont membres de comités. Ils facilitent souvent la participation indirecte des associations à la rédaction des lois et des politiques relatives aux médias..

La professionnalisation des organes de régulation et de presse fait l’objet d’une forte demande de la part de la société. Des efforts considérables sont déployés à l’échelle mondiale pour que l’opinion publique et les gouvernements penchent en faveur de normes internationales. Des alliances gouvernementales comme Freedom Online Coalition et des organisations non gouvernementales comme l’IFEX (Échange international de la liberté d’expression) et Media Legal Defence Initiative ont contribué à mobiliser l’adhésion du public à des normes sur la liberté d’expression qui étayent l’indépendance des médias. Force est aussi de souligner les efforts engagés aux quatre coins du monde pour former de nouvelles cohortes d’avocats spécialisés en droit des médias et de sensibiliser les juges aux questions relatives à la liberté d’expression et à l’indépendance. Dans cet esprit, l’UNESCO a dispensé des formations à quelque 5 000 employés du secteur judiciaire en Amérique latine, et elle s’apprête à monter une initiative analogue en Afrique. Si les initiatives normatives ont plutôt été portées par des organisations de développement des médias et des organisations intergouvernementales comme l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, les entreprises technologiques s’y intéressent de plus en plus, en particulier pour peser sur les politiques au niveau national. Dernièrement, Google, Facebook et d’autres ont aussi mis en place en Afrique et dans la région arabe des bureaux stratégiques chargés d’appuyer l’élaboration de politiques incitatives et de cadres juridiques adaptés et la formation d’avocats et de responsables politiques compétents pour promouvoir leurs produits.

Comme le fait remarquer le premier rapport sur les Tendances mondiales, bien qu’il existe un certain nombre de codes de déontologie du journalisme visant à l’universalité, et même des codes pour les « journalistes en ligne » et les blogueurs, la plupart des agences de presse et des radiodiffuseurs transnationaux possèdent leurs propres codes, même s’ils ne sont pas tous accessibles au public26 .

Dans la plupart des régions, les journaux ont élaboré leurs propres codes de conduite en s’inspirant d’un ensemble cohérent de valeurs et de normes auquel les éditeurs et les journalistes sont appelés à se conformer. Soucieux des bonnes pratiques, certains journaux ont même désigné un médiateur ou un représentant des lecteurs pour traiter les plaintes des citoyens. Dans maints pays, des associations et des conseils de presse font office de syndicats et se tiennent à la disposition des journalistes qui veulent améliorer leurs conditions de travail et éliminer les obstacles qu’ils rencontrent dans la collecte de l’information. Selon les pays, des conseils de presse indépendants sont formés, sans obligation statutaire ou par obligation légale.

26 UNESCO 2014a.

124 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Ces dispositifs favorisent une plus grande efficacité de la responsabilité professionnelle, mais doivent aussi assurer leur indépendance politique et économique à long terme. Au sein des médias privés, les tendances qui président aux intérêts politiques ou économiques d’acteurs proches ou membres du gouvernement sont contradictoires. À l’opposé, d’autres médias s’adonnent au sensationnel en publiant des contenus à caractère violemment antigouvernemental et privilégient la quête de profits ou d’avantages politiques plutôt que l’exactitude des faits.

Parallèlement à l’essor des cours en ligne, notamment des cours en ligne ouvert à tous (MOOC), et à l’élargissement de l’accès à l’Internet dans toutes les régions du monde auxquels on assiste depuis quelques années, on observe une augmentation de l’offre de supports de formation au journalisme en ligne. L’UNESCO a, par exemple, publié des guides complets pour les journalistes, qui traitent de sujets divers allant de la couverture des conflits au journalisme d’investigation. L’Organisation a également produit des cursus en ligne, notamment des modèles de cursus pour la formation au journalisme et un programme en ligne d’éducation aux médias et à l’information. Dans les pays en développement, notamment en Afrique, des universités œuvrent, en coopération avec des universités d’Amérique du Nord ou d’Europe, à la conception de cours de formation au journalisme et aux médias et à l’appui de différentes formes d’apprentissage à distance. Plusieurs programmes d’enseignement à distance conçus aux États-Unis et au Royaume-Uni, par le Knight Centre for Journalism in the Americas notamment, proposent aussi des cours en langue espagnole destinés aux pays latino-américains. L’exemple de l’Académie BBC est également remarquable. L’University of South Africa ouvre à des diplômes et des formations de courte durée en ligne, en particulier dans le domaine des médias, et s’adresse à un public international. Ces initiatives concourent à de meilleures conditions d’accès et au déploiement d’une conception et d’une pratique normatives du journalisme à travers la formation d’un plus grand nombre de journalistes, y compris dans des régions peu accoutumées à bénéficier de cours et de formations à l’échelon local. Pour autant, on est encore loin de répondre au besoin croissant de formation des journalistes pour qu’ils puissent couvrir des sujets d’actualité complexes, comme les Objectifs de développement durable, le populisme, la génétique et les technologies.

Le soutien qu’apportent les bailleurs de fonds au développement des médias et les organisations non gouvernementales actives dans le domaine de la liberté d’expression peut varier considérablement d’une année à l’autre et, dès lors, compromettre la viabilité des organisations, en particulier dans certaines régions d’Afrique, de même qu’en Europe centrale et orientale. Un rapport établi récemment par le Center for International Media Assistance (CIMA) du National Endowment for Democracy met en évidence ces fluctuations de financement à partir d’un suivi des fonds affectés par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) à différentes régions au cours des trois dernières années27 . Le financement national de ces groupes bénéficiaires reste limité dans les pays en développement. Les résultats d’une enquête sur les priorités des bailleurs de fonds en matière de développement des médias qui sont présentés dans ce même rapport sont riches d’enseignement et font ressortir l’importance accordée à l’accès à l’information (Figure 3-6).

La coordination des activités des pourvoyeurs de fonds et des ONG continue de soulever d’innombrables difficultés qui empêchent les bailleurs de fonds des médias de garantir l’indépendance des ONG et des médias qu’ils financent. Il est fréquent que les priorités changent d’une année sur l’autre ou qu’un pays bailleur de fonds décide de privilégier un thème particulier, tantôt en concertation avec les groupes qu’il soutient, tantôt en fonction de ses propres priorités. Le fait que des fondations privées situées dans les pays du Nord attribuent des subventions à des médias situés dans les pays du Sud n’est nullement exceptionnel.

27 Kalathil 2017.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 125 Tendances en matière d’indépendance des médias

Figure 3-6 : Priorités des bailleurs de fonds en matière de développement des médias

Source: Kalathil, S., 2017. A Slowly Shifting Field: Understanding Donor Priorities in Media Development, CIMA Digital Report. Center for International Media Assistance (CIMA).

Ces fonds sont généralement destinés à des domaines d’intérêt bien définis, comme la santé ou l’éducation, et ces dons ont, selon le cas, une incidence positive ou négative sur l’indépendance éditoriale28 . Le Forum mondial pour le développement des médias (GFMD) poursuit son action en vue d’améliorer la coordination entre les bailleurs de fonds et les ONG qui travaillent dans ce secteur.

À contre-courant de ces initiatives, des gouvernements redoublent d’efforts pour réglementer ou interdire les activités des ONG. La meilleure preuve en est le foisonnement des législations qui restreignent le champ d’action des ONG et des groupes de la société civile29 . La situation d’il y a dix ans où les efforts étaient encore fragmentaires n’a rien de comparable avec la situation actuelle où l’adoption de législations visant des ONG qui œuvrent pour le développement des médias et, plus spécialement, celles qui bénéficient de financements étrangers, est, partout dans le monde, des plus banale30 .Ces législations prévoient souvent d’instaurer des barrières au financement externe ou étranger et d’imposer des contraintes à ceux qui souhaitent participer et prêter appui à ces groupes et organisations. Dans les pays du Sud, exception faite d’une poignée de nouvelles plates-formes de journalisme d’investigation indépendantes à but non lucratif, principalement numériques, de nombreuses ONG ont noté une tendance des bailleurs de fonds à supprimer leur soutien. Les aides provenant de puissances émergentes qui ne font pas partie du cercle traditionnel des pays bailleurs de fonds des médias n’ont, en général, pas été touchées par ces mesures restrictives à l’égard des investissements étrangers dans le développement des médias.

28 Schiffrin 2017a. 29 International Centre of Not-for-Profit Law 2016. 30 Rutzen 2015.

126 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Égalité des genres et indépendance des médias

Comme pour la liberté et le pluralisme des médias, le genre est omniprésent sous des formes multiples et variées dans l’indépendance des médias. Les médias ne peuvent exercer leur rôle avec efficacité et dans l’intérêt de tous que si les femmes et les hommes peuvent y travailler dans des conditions égales d’accès, de liberté et d’indépendance. En dépit des législations progressistes en vigueur depuis des décennies, de l’élaboration de politiques nationales d’égalité des genres et de l’action des syndicats de médias, les inégalités entre hommes et femmes subsistent. En l’absence de sanctions clairement définies et à défaut d’une vision des bienfaits qu’elle apporte, la promotion de l’égalité des genres n’a suscité qu’un enthousiasme discret. À titre d’exemple, dans une étude de 2016 effectuée en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest auprès de membres de conseils à propos de l’introduction de quotas, il apparaît que, dans les organisations (et les pays) engagées dans des stratégies positives en faveur de la représentation des femmes, les avis étaient favorables, alors qu’ils l’étaient beaucoup plus rarement dans des contextes où cet engagement était absent31 .

Pour faire face à ces problématiques liées au genre et à l’indépendance des médias, plusieurs actions de plaidoyer et de contrôle des médias ont été menées ces dernières années, et les données qu’elles livrent sur les inégalités persistantes entre les hommes et les femmes sont éclairantes. De leur côté, les syndicats de médias ont joué un rôle de premier plan aux niveaux local, national, régional et mondial dans la défense des intérêts des femmes employées dans les médias, avec la création de comités de femmes, la nomination de femmes à des postes de responsabilité, l’organisation de conférences réunissant des femmes et l’élaboration de guides de bonnes pratiques. La Fédération internationale des journalistes (FIJ) est, par exemple, dotée d’un Conseil du Genre (CG) qui a pour tâche de coordonner le travail de la Fédération en tenant compte des questions de genre. Ce Conseil a, dès sa création, été considéré comme un instrument important pour guider les projets, formuler des politiques concernant le genre et les bonnes pratiques, sensibiliser aux questions de genre et intégrer ces questions dans les projets et activités de la Fédération et de ses affiliés32. Depuis son Congrès, en 2016, les activités du Conseil du Genre sont officiellement consacrées et protégées par la Constitution de la Fédération. Les professionnelles des médias ont elles-mêmes pris une part active au développement de leurs propres réseaux de solidarité et de soutien mutuels en créant des événements, des programmes de mentorat et des prix destinés à récompenser des femmes pour leurs réalisations.

Égalité des genres sur le lieu de travail

Globalement, les recherches conduites ces vingt dernières années sur les conditions de travail des femmes dans l’univers des médias montrent que les femmes sont parfois en butte à des réactions d’hostilité dans les salles de rédaction. L’absence de politiques organisationnelles relatives à l’égalité des genres et aux mécanismes de signalement d’actes de harcèlement en est l’une des explications probables. D’après l’étude mondiale consacrée au statut des femmes dans les médias menée en 2011 par la Fondation internationale des femmes dans les médias (voir le chapitre précédent), plus de la moitié des organisations de médias interrogées disposaient d’une politique d’égalité des genres, ce taux variant largement d’une région à l’autre33 . En Europe de l’Ouest et en Afrique, elles étaient plus des deux tiers dans ce cas, contre un quart au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et moins de 20 % en Europe centrale et orientale.

31 Wiersema and Mors, 2016. 32 International Federation of Journalists (IFJ) n.d. 33 Byerly 2011.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 127 Tendances en matière d’indépendance des médias

Selon le rapport 2013 de l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes qui a porté sur 99 grandes entreprises de médias en Europe, un quart d’entre elles s’étaient dotées de politiques contenant des dispositions relatives à l’égalité des genres, souvent inspirées de directives nationales plus larges sur l’égalité. Il est intéressant de noter que, sur ces 99 entreprises, les entreprises publiques étaient plus nombreuses que les entreprises commerciales à avoir instauré des politiques d’égalité des genres. Toutefois, les entreprises où de telles politiques étaient en place n’avaient pas prévu de mécanismes de suivi de leur efficacité, limitant ainsi les perspectives de réel changement. Cela étant, la faible ampleur des actions de lutte contre les inégalités hommes-femmes n’est pas imputable à un déficit de plaidoyer, car certains éléments démontrent un engagement croissant des organisations de médias en faveur de l’égalité des genres.

Surveillance et défense des médias

Outre le Projet mondial de monitorage des médias (GMMP) [voir TENDANCES EN MATIÈRE DE PLURALISME DES MÉDIAS : ÉGALITÉ DES GENRES ET PLURALISME DES MÉDIAS], plusieurs initiatives régionales effectuent un suivi régulier des aspects d’égalité des genres dans les médias, dont certaines s’insèrent dans un travail de collaboration avec des journalistes en vue de faire évoluer les mentalités dans les salles de rédaction. À titre d’exemple, l’ONG sud-africaine Gender Links, créée en 2001 dans le but de favoriser « l’égalité des genres dans et à travers les médias » en Afrique australe, dirige le groupe des médias de l’Alliance pour le Protocole sur le genre. Gender Links promeut la défense des médias par le plaidoyer à travers des initiatives internationales comme l’Alliance mondiale genre et médias (GAMAG), qui organise des rencontres sur les questions de genre et les médias, met au point des politiques en coopération avec des instances de régulation et soutient des actions de formation et d’élaboration de politiques aux côtés des médias. Gender Links s’occupe actuellement de l’implantation de centres d’excellence pour l’éducation sur les questions de genre dans les médias dans 108 salles de rédaction en Afrique australe et a déjà établi huit centres d’excellence de ce type. En 2016, l’Association mondiale pour la communication chrétienne (AMCC), le réseau du Projet mondial de monitorage des médias (GMMP) et d’autres partenaires ont lancé une campagne ayant pour objet d’en finir avec le sexisme dans les médias d’ici à 2020. Intitulée End News Media Sexism, cette campagne encourage et appuie les actions de plaidoyer engagées pour changer les politiques des médias et les pratiques journalistiques. S’appuyant sur une démarche pluridisciplinaire, elle utilise une large palette d’outils pour renforcer la sensibilisation, parmi lesquels une fiche de pointage relative à la parité des sexes qui permet aux médias d’évaluer leur niveau en la matière.

Le Réseau des femmes africaines pour le développement et la communication (FEMNET), fondé en 1988 dans le cadre d’un projet plus large de lutte pour l’autonomisation des femmes en Afrique, est principalement axé sur la promotion de la femme dans le domaine de la communication. On lui doit la création de plates-formes de partage d’informations, d’idées, de stratégies et d’expériences pour favoriser l’apprentissage mutuel et la réalisation d’objectifs communs avec une efficacité accrue dont il assure la gestion. Le Réseau FEMNET rédige des rapports et des synthèses politiques dans lesquels il énonce des recommandations stratégiques. Très investi dans des actions de renforcement des capacités à l’échelon local, il a en particulier permis de faciliter l’accès des femmes aux technologies de l’information et de la communication (TIC) en Afrique. En Asie, le réseau SWAN (South Asia Women’s Network) a lancé un projet de recherche appelé Women for Change: Building a Gendered Media in South Asia. Développé dans neuf pays d’Asie du Sud, ce projet est financé pour partie par le Programme international pour le développement de la communication (PIDC) de l’UNESCO.

De leur côté, un certain nombre d’organisations nationales œuvrent au niveau local pour accroître la représentation et la participation des femmes dans les médias. L’association palestinienne Women, Media

128 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 and Development (connue sous son acronyme arabe TAM) a vu le jour en 2004. Cette association travaille en collaboration avec des femmes de communautés locales pour améliorer leur représentation dans les médias et créer un environnement propice à la communication et la défense de leurs droits. Elle propose aux femmes des formations sur l’accès à différentes plates-formes médiatiques et sur leur utilisation et appuie des projets locaux de sensibilisation et de plaidoyer. L’association TAM a, par exemple, contribué au renforcement des capacités et à la lutte contre les conceptions stéréotypées des femmes dans les médias en élaborant des manuels de formation et des guides de sensibilisation à la dimension du genre et en mettant en œuvre des projets destinés à élargir l’accès des femmes aux structures de pouvoir et à la vie dans la société.

Associations professionnelles formelles et informelles

Plusieurs réseaux formels et informels de professionnelles des médias jouent également un rôle actif au service des femmes dans les médias, aux côtés des organisations militantes. L’un des plus anciens, Alliance for Women in Media (AWM), fondé en 1951 sous l’appellation American Women in Radio and Television, aide les femmes à étendre leurs réseaux, à suivre des programmes de formation et de perfectionnement professionnel et à faire valoir leurs talents dans le secteur des médias.

Ce réseau est à l’origine d’un prix qui est décerné chaque année depuis 1975 aux réalisateurs de programmes et aux fournisseurs de contenus pour les récompenser de leur action en faveur de la promotion de la femme et des questions relatives aux femmes. Quant au réseau Marie Colvin de journalistes, il agit au niveau régional et regroupe des femmes journalistes opérant dans le monde arabe. Cette communauté en ligne bilingue (anglais-arabe) a pour objet d’aider des femmes journalistes locales en situation difficile et privées de soutien, que ce soit sur des questions de sécurité, de contrats juridiques, d’assurance ou d’aide psychologique34 .Le réseau met en relation des journalistes aguerries et des journalistes novices ou isolées auxquelles il offre des services de tutorat et d’entraide entre pairs. Il propose aussi des aides et des conseils spécialisés en collaboration étroite avec des experts spécialisés dans le domaine du droit des médias, de la sécurité en ligne, de la santé et de la sécurité.

Des syndicats de médias aux niveaux local, régional et mondial ont par ailleurs constitué des comités de femmes et fait campagne pour encourager les femmes à briguer des mandats électifs dans des structures syndicales formelles. D’après une enquête de 2001 menée par la Fédération internationale des journalistes, les femmes représentaient 29 % des membres de syndicats dans 38 pays, mais n’étaient que 17 % à siéger dans les organes directeurs des syndicats : son rapport de 2010 indiquait que la représentation des femmes dans les syndicats n’avait que légèrement augmenté, atteignant 15 %. En Europe, on a noté une tendance à la baisse entre 2006 et 2013, les femmes ne comptant plus que pour 42 % des membres de syndicats de journalistes et pour 36 % des membres d’organes décisionnels des syndicats, des chiffres en baisse par rapport aux résultats antérieurs établis à 45 % et 39 % respectivement. À défaut d’enquêtes locales plus ciblées sur la situation des femmes journalistes dans les médias en Europe, il est difficile de déterminer la cause de ce recul, mais elle tient probablement à la diminution du nombre de femmes au sein du personnel des principaux médias européens et au recours accru à des journalistes indépendants qui sont en grande partie des femmes. Par leur existence même, ces organisations, réseaux et associations attestent de l’importance que les femmes attachent à l’entraide mutuelle dans un secteur largement dominé par les hommes. Ils sont également le signe que les femmes apprécient et recherchent des espaces sociaux réservés dans lesquels elles puissent partager des expériences et des stratégies afin de pouvoir affronter cet univers compétitif et précaire, mais aussi s’y épanouir.

34 Marie Colvin Journalists’ Network n.d.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 129 Tendances en matière d’indépendance des médias

Les médias ne peuvent exercer leur rôle avec efficacité et dans l’intérêt de tous que si les femmes et les hommes peuvent y travailler dans des conditions égales d’accès, de liberté et d’indépendance Conclusion

L’indépendance des médias est, de tous les principaux aspects de la liberté de la presse qui sont en jeu, l’un des plus vulnérables. Deux facteurs au moins sont à considérer pour garantir cette indépendance des médias : l’indépendance des instances de régulation des médias à l’égard des pressions gouvernementales et commerciales d’une part, l’indépendance des médias et des journalistes eux-mêmes à l’égard de toute forme de contrôle, qu’il s’agisse d’intérêts politiques, gouvernementaux ou commerciaux. Les rapports régionaux de la série Tendances mondiales mettent en évidence un renforcement des directives gouvernementales et de l’ingérence politique dans les processus de décision concernant les licences et les sanctions dans certaines régions. Les structures médiatiques oligarchiques, dans lesquelles les pouvoirs publics, les responsables politiques et les acteurs puissants des milieux d’affaires entretiennent des liens étroits, font fi des normes professionnelles d’indépendance qui sont dans l’intérêt du public. Les efforts accrus déployés pour présenter les médias comme un simple instrument d’opposition politique, et non comme une institution investie d’une fonction sociale de surveillance de l’action gouvernementale, ont contribué à affaiblir le soutien de l’opinion publique et sa confiance dans les médias. Dans des sociétés divisées, galvanisées par l’effet polarisant des élections, les médias sont devenus un vecteur privilégié d’expression des conflits politiques. Les acteurs de la presse sont décrits non pas comme des intermédiaires de la profession qui exercent leur métier au sein de diverses structures narratives, mais comme des partisans politiques qui fabriquent des contenus et ne méritent donc pas la protection journalistique qu’ils revendiquent. Depuis le premier rapport sur les Tendances mondiales, cette tendance gagne, à la fois en intensité et en extension géographique. Elle a eu de fortes répercussions sur les deux aspects de l’indépendance que sont le fonctionnement des organismes publics et l’action des médias eux-mêmes. Par ailleurs, l’écosystème d’appui à l’indépendance dans lequel s’inscrivent les organisations non gouvernementales et les programmes de formation a été remis en cause, et l’indépendance continue de pâtir des inégalités entre les genres.

130 131 Tendances en matière de sécurité des journalistes

100% Tendances en matière de 74% LES ÉTATS MEMBRES SONT 80% DEVENUS PLUS ATTENTIFS 47% aux exigences de Sécurité des journalistes 60% l’UNESCO en matière de 30% 68% sécurité des journalistes, Europe de l’Ouest et Amérique du Nord 40% 2013-2017 JOURNALISTES Europe centrale et orientale 20% Afrique 27% ONT ÉTÉ TUÉS, 0% 530 entre 2012 et 2016 Asie et Pacifique Amérique latine et Caraïbes 2013 2014 2015 2016 2017 CARTE DES JOURNALISTES TUÉS PAR RÉGION, 2012-2016 États arabes

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73 LE PLAN 125 D’ACTION DES NATIONS UNIES IMPUNITÉ DES sur la CRIMES COMMIS sécurité des CONTRE LES journalistes et la JOURNALISTES question de LES MENACES l’impunité 9 CAS SUR10 CROISSANTES POUR LA SÉCURITÉ NUMÉRIQUE RESTENT incluent les cyber-attaques, IMPUNIS la surveillance, le piratage, l’intimidation et l’augmen- tation du harcèlement en ligne, notamment des femmes journalistes ATTAQUES PLUS ÉTENDUES RÉACTIONS PLUS FRÉQUENTES 132 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 100% Tendances en matière de 74% LES ÉTATS MEMBRES SONT 80% DEVENUS PLUS ATTENTIFS 47% aux exigences de Sécurité des journalistes 60% l’UNESCO en matière de 30% 68% sécurité des journalistes, Europe de l’Ouest et Amérique du Nord 40% 2013-2017 JOURNALISTES Europe centrale et orientale 20% Afrique 27% ONT ÉTÉ TUÉS, 0% 530 entre 2012 et 2016 Asie et Pacifique Amérique latine et Caraïbes 2013 2014 2015 2016 2017 CARTE DES JOURNALISTES TUÉS PAR RÉGION, 2012-2016 États arabes

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73 LE PLAN 125 D’ACTION DES NATIONS UNIES IMPUNITÉ DES sur la CRIMES COMMIS sécurité des CONTRE LES journalistes et la JOURNALISTES question de LES MENACES l’impunité 9 CAS SUR10 CROISSANTES POUR LA SÉCURITÉ NUMÉRIQUE RESTENT incluent les cyber-attaques, IMPUNIS la surveillance, le piratage, l’intimidation et l’augmen- tation du harcèlement en ligne, notamment des femmes journalistes ATTAQUES PLUS ÉTENDUES RÉACTIONS PLUS FRÉQUENTES Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 133 Tendances en matière de sécurité des journalistes

134 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Tendances en matière de sécurité des journalistes

Vue d’ensemble

artout dans le monde, le journalisme reste une profession dangereuse. Dire la vérité aux détenteurs du Ppouvoir, enquêter sur les crimes et la corruption, tenir les gouvernements pour responsables, travailler dans des zones ou des contextes dangereux expose à des risques de représailles, de harcèlement et de détention arbitraire.

La période comprise entre 2012 et 2017 s’est caractérisée par une augmentation de la fréquence et de la régularité des actes de harcèlement et de violence dirigés contre les journalistes par rapport aux années précédentes, et tout particulièrement du nombre de journalistes tués dans l’exercice de leur profession. Les conflits et les troubles s’étant poursuivis dans la région arabe, le nombre des homicides y demeure très élevé, mais après un niveau record en 2012, une baisse s’est amorcée. Dans la région Afrique, où les morts de journalistes ont également atteint un sommet en 2012, on observe depuis une décrue significative. Dans la région Amérique latine et Caraïbes, par contre, la tendance concernant les meurtres de journalistes, liée dans une large mesure au crime organisé, au trafic de drogues et à la corruption, est en forte hausse.

Les meurtres de femmes journalistes ont augmenté au cours de la même période (de cinq femmes journalistes tuées en 2012 à 10 tuées en 2016), la région arabe se révélant la plus meurtrière, devant l’Afrique. Bien que le meurtre de correspondants étrangers tende à susciter l’attention internationale, les journalistes tués sont, dans leur écrasante majorité, des reporters locaux abattus alors qu’ils couvraient des faits locaux de guerre ou de corruption ou les activités locales d’organisations criminelles. Cette tendance s’observe dans toutes les régions. Des groupes politiques, des militaires, des bandes rebelles, des milices et des organisations criminelles ont ciblé directement des journalistes et cherché à les réduire au silence.

La région arabe connaît toujours des taux élevés de kidnapping et de torture, notamment de la part des bandes rebelles. Les emprisonnements de journalistes, qui encouragent l’autocensure et empiètent sur le droit du public d’avoir accès à l’information, y sont signalés en augmentation constante, bien que de nombreux gouvernements aient soutenu que certains journalistes ont été emprisonnés pour des raisons sans rapport avec leur travail journalistique. L’emprisonnement de journalistes dans un État membre a provoqué une hausse significative des chiffres dans la région Europe de l’Ouest et Amérique du Nord.

L’impunité des crimes commis contre les journalistes reste la norme, justice n’ayant été rendue que dans 10 % des cas seulement. Cela dit, les États membres ont manifesté une plus grande réactivité à la demande d’informations de la Directrice générale de l’UNESCO sur le statut des enquêtes judiciaires concernant les meurtres de journalistes, 74 % y ayant répondu - de façon plus ou moins détaillée - en 2017, contre 30 % en

135 Tendances en matière de sécurité des journalistes

2013. En 2013, l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé le 2 novembre Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes, qui est de plus en plus observée dans le monde.

La sécurité numérique reste une grave préoccupation, car la surveillance arbitraire progresse dans l’ensemble des régions, faisant courir des risques à la fois aux journalistes et à leurs sources, en même temps qu’elle encourage l’autocensure. S’agissant en particulier des femmes journalistes, le cyberharcèlement misogyne demeure une menace importante, qui peut réduire les femmes journalistes au silence et fait obstacle au pluralisme des médias en pesant sur la mixité de la production médiatique.

En dépit des conditions difficiles dans lesquelles travaillent de nombreux journalistes, la période écoulée depuis 2012 n’en a pas moins connu des progrès en ce qui concerne la lutte contre la violence à l’égard des journalistes et la sensibilisation à ces exactions, notamment dans le cadre du Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité.

On trouvera dans le présent chapitre une description détaillée des tendances observées en matière de sécurité des journalistes depuis 2012, tenant compte des menaces spécifiques qui pèsent sur les femmes journalistes et des tendances en matière de sécurité numérique des journalistes. Il résume également les initiatives prises par les organismes des Nations Unies, les États membres, les milieux académiques, les groupes de la société civile et les acteurs des médias pour améliorer et promouvoir la sécurité des journalistes. Qu’entend-on par « sécurité des journalistes » ?

Les journalistes et les professionnels des médias jouent un rôle crucial en fournissant au public des nouvelles et des informations susceptibles de révéler des méfaits, de tenir les institutions pour responsables et de contribuer à la création de sociétés plus justes, plus pacifiques et plus inclusives. Postés aux premières lignes de défense du droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information, les journalistes doivent avoir la possibilité d’effectuer leur travail sans craindre les représailles ou les intimidations.

L’assassinat de journalistes et de professionnels des médias est la forme la plus extrême de la censure. Non seulement elle constitue une grave violation des droits de l’homme, mais elle porte aussi plus largement atteinte au droit collectif à la liberté d’expression et à l’accès à l’information. Comme l’a souligné le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la protection et la promotion du droit à la liberté d’expression et d’opinion, protéger les journalistes contre toute attaque est « fondamental, non seulement pour [leur] permettre d’exercer leur métier, mais aussi pour garantir l’accès de la société à l’information et obtenir des comptes des gouvernements1 ». Cette violence bâillonne des individus, en intimide d’autres et encourage l’autocensure en dissuadant de s’exprimer librement.

Mais la sécurité des journalistes est aussi menacée de plusieurs autres façons. L’indicateur 16.10.1 des Objectifs de développement durable (ODD) énumère, en plus du meurtre, le kidnapping, la disparition forcée, la détention arbitraire et la torture. Les autres formes d’attaques vont des menaces et des intimidations aux

1 OHCHR 2017.

136 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 coups, à la confiscation d’équipements, à l’exil forcé et au harcèlement sexuel. Elles s’exercent aussi dans la sphère numérique, sous forme de cyberattaque des sites Web et des équipements, de surveillance arbitraire en ligne et de cyberharcèlement. Tout cela crée un risque professionnel pour ceux qui produisent et diffusent le journalisme. Les actes de violence et de harcèlement peuvent être le fait d’acteurs étatiques ou non étatiques, ou le fruit de facteurs contextuels, comme les circonstances politiques et sociales, ou de normes culturelles nuisibles.

Depuis la publication de la première édition des Tendances mondiales en 2014, d’importants changements structurels se sont poursuivis dans le paysage médiatique. En raison, essentiellement, du progrès des technologies de l’information et de la communication, il est possible à un plus grand nombre d’individus de pratiquer un journalisme citoyen et de couvrir des conflits en freelance, tendance que l’on a continué d’observer ces cinq dernières années. Or, ces journalistes citoyens et freelance n’ont souvent pas les ressources et la formation à la sécurité suffisantes que leur auraient procuré les organes de presse traditionnels, ce qui les rend vulnérables aux menaces de violence, de surveillance arbitraire et de poursuite. Les menaces pesant sur la sécurité numérique, en particulier, sont un nouveau risque qui va s’aggravant, notamment en ce qui concerne le harcèlement en ligne et la protection des sources confidentielles.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 137 Tendances en matière de sécurité des journalistes

Encadré 4-1 : Sécurité des journalistes : ce que fait l’UNESCO

En tant qu’agence expressément mandatée pour défendre la liberté d’expression, l’UNESCO s’efforce de créer un environnement libre et sûr pour les journalistes en pilotant le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité, qui en est à sa cinquième année de mise en œuvre. Des progrès ont été obtenus dans les domaines suivants :

Mise en place d’un solide cadre normatif L’intégration de la sécurité des journalistes au pro- sur la sécurité des journalistes gramme des écoles de journalisme a été encouragée 1 par les programmes d’enseignement type pour le Depuis 2012, 12 résolutions et décisions journalisme de l’UNESCO, ainsi que par la mise à l’es- concernant la sécurité des journalistes ont été sai d’un modèle de cours dans la région arabe. adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies, le Conseil de sécurité des Nations Unies, le Le Guide pratique de sécurité des journalistes, manuel Conseil des droits de l’homme et l’UNESCO. pour reporters en zones à risques, produit par l’UNESCO et Reporters sans frontières, a été mis à jour Un indicateur de la sécurité des journalistes (ODD en 2017, afin de mettre l’accent sur la sécurité des 16.10.1) a été établi afin de mesurer la réalisation femmes journalistes. du Programme de développement durable à l’horizon 2030, et en particulier de la cible 16.10 5500 membres des systèmes judiciaires d’Amérique sur l’accès public à l’information et la protection latine ont été formés aux normes internationales des libertés fondamentales. de la liberté d’expression et de la sécurité des journalistes grâce à des formations offertes en ligne, Sensibilisation renforcée aux défis de la et un programme similaire a été lancé en Afrique. 2 sécurité des journalistes et de l’impunité Renforcement des travaux de recherche sur En 2013, l’Assemblée générale des Nations Unies la sécurité des journalistes a proclamé le 2 novembre Journée internationale 5 de la fin de l’impunité pour les crimes commis L’UNESCO a publié deux ouvrages sur la sécurité contre des journalistes, qui fait depuis l’objet numérique, Building Digital Safety for Journalism et de commémorations dirigées par l’UNESCO au Protecting Journalism Sources in the Digital Age, et a niveau mondial. collaboré au recueil intitulé The Assault on Journalism.

Renforcement du rôle de suivi dans le Des conférences universitaires sur la sécurité des cadre des ODD journalistes ont été organisées parallèlement à la 3 Journée mondiale de la liberté de la presse. Les États membres de l’UNESCO ont amélioré l’établissement de rapports annuels sur le suivi Un Réseau de recherche sur la sécurité du judiciaire des meurtres de journalistes, dans le journalisme (JSRN) a été créé à l’Université de cadre du Rapport sur la sécurité des journalistes Sheffield avec le soutien de l’UNESCO. et le danger de l’impunité présenté tous les deux ans par la Directrice générale au Programme Création de nouvelles coalitions pour international pour le développement de la promouvoir la sécurité des journalistes communication (PIDC). 6 Un « Groupe d’amis » informel d’États membres a été Des évaluations basées sur les Indicateurs de la créé à l’UNESCO, ainsi que des groupes similaires au sécurité des journalistes ont été réalisées dans sein des Nations Unies à New York et à Genève, pour 10 pays. soutenir la sécurité des journalistes.

Responsabilisation d’institutions Un réseau de responsables de la sécurité au sein des sociétales clés sur la sécurité des entreprises médiatiques s’est développé suite à une journalistes par le renforcement des réunion intitulée « Les médias se mobilisent pour la 4 sécurité des journalistes » qui s’est tenue à l’UNESCO capacités en 2016.

Les relations entre les services de maintien de Des propositions concrètes et axées sur l’action l’ordre et les journalistes se sont améliorées grâce destinées à renforcer le Plan d’action des Nations à la formation des forces de police à la liberté Unies ont été formulées dans le cadre d’une d’expression dans une bonne douzaine de pays, consultation multi-parties prenantes de quatre mois, avec le soutien du manuel pédagogique de comprenant une importante conférence tenue à l’UNESCO intitulé Maintien de l’ordre et respect de Genève en juin 2017. la liberté d’expression.

138 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Du fait de cette fluidité croissante de l’environnement médiatique, il devient de plus en plus difficile de définir les journalistes selon les modes d’exercice traditionnels (presse écrite, télévision ou radio). Aujourd’hui, nombreux sont les journalistes qui publient leurs travaux sur des plates-formes multiples, et le public va chercher ces contenus à des sources variées, telles que médias d’information numériques « pure-play », blogs en ligne ou médias sociaux, et non plus seulement auprès des organes d’information traditionnels, ni même des plates-formes d’information de ces institutions patrimoniales (voir TENDANCES EN MATIERE DE PLURALISME DES MEDIAS). C’est pourquoi l’analyse de la sécurité des journalistes réalisée par l’UNESCO couvre un large éventail d’acteurs des médias, englobant notamment les reporters, les équipes de tournage et les producteurs des médias sociaux ayant une activité journalistique conséquente. Cette analyse s’appuie sur les données de l’UNESCO et sur les informations fournies par des articles scientifiques fiables, ainsi que par plusieurs bases de données et rapports d’organisations non gouvernementales internationales et indépendantes de premier plan.

Figure 4-1 : Nombre de journalistes tués par an et par région (2012-2016)

50

45

40

35 États arabes 30 Amérique latine et Caraïbes 25 Asie et Paci que 20

15

10 Afrique 5 Europe de l’Ouest et Amérique du Nord 0 Europe centrale 2012 2013 2014 2015 2016 et orientale

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 139 Tendances en matière de sécurité des journalistes

Actes de violence à l’encontre des journalistes

Meurtres de journalistes

Du début de 2012 à la fin de 2016, la Directrice générale de l’UNESCO a condamné le meurtre de 530 journalistes, ce qui représente une moyenne de deux tués par semaine2 . L’année 2012 s’est révélée la plus mortelle à ce jour, avec 124 journalistes tués. Bien que le nombre de journalistes tués chaque année ait légèrement diminué depuis 2012, il demeure extrêmement alarmant. Au cours de la période de cinq ans précédente, de 2007 à 2011, l’UNESCO avait recensé 316 tués.

La région arabe, où plusieurs États membres ont connu des périodes de conflit violent, reste la plus dangereuse pour les journalistes, 191 journalistes y ayant trouvé la mort entre 2012 et 2016, avec un chiffre record de 50 décès en 2012. Bien qu’on ait enregistré une légère baisse les années suivantes, la région représente globalement 36 % de l’ensemble des cas. L’Amérique latine et les Caraïbes ont vu croître le nombre des journalistes tués au cours des cinq dernières années, avec un chiffre global de 125 meurtres et un pic de

Figure 4-2 : Carte des journalistes tués par région (2012-2016)

Europe centrale et orientale

17 1717

Europe de l’Ouest et Amérique du Nord 191 Asie et Pacique

Amérique latine États et Caraïbes 733 arabes 12125 Afrique

Moins d’assassinats Plus d’assassinats

2 Les données relatives aux meurtres de journalistes correspondent à ceux qui ont été condamnés par la Directrice générale de l’UNESCO, conformément à la Résolution 29 adoptée par la 29e session de la Conférence générale. Comme exposé plus en détail à la section 4.3.2, à la demande du Conseil intergouvernemental du PIDC de l’UNESCO, l’Organisation a élaboré un mécanisme permanent de suivi de l’impunité. Chaque année, la Directrice générale de l’UNESCO adresse des requêtes aux États membres en leur demandant d’informer l’Organisation du statut de leurs enquêtes en cours concernant les meurtres de journalistes condamnés par la Directrice générale. Les statistiques de l’UNESCO en ce qui concerne l’impunité s’appuient sur les données recueillies à cette occasion, qui sont publiées tous les deux ans dans le rapport présenté par la Directrice générale au Conseil intergouvernemental du PIDC, et, en alternance, dans les Tendances mondiales en matière de liberté d’expression et de développement des médias.

140 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 République arabe syrienne 86 Philippines 21 Figure 4-3 : Nombre de journalistes tués par pays (2012-2016)Yémen 21 Afghanistan 20 Honduras 19 Inde 18 Libye 17 République arabe syrienne 86 PhilippineGuatemalas 2114 Iraq 46 CoYlombieémen 2112 AfghanistaPalestinen 2011 BangladesHondurash 1910 UkrainIndee 1810 Soudan duLibye Sud 179 GuatemalaFrance 148 IrMexiqueaq 4637 ColombieEgypte 127 Palestineraguay 116 BangladesTurquihe 106 RépubliqueUkraine 105 démocratiqueSoudan du du Co Sudngo 9 GuinéeFrance 84 Pérou 4 MexiqueSomalie 3736 Egypte 7 Fédération Paderagua Russiye 64 CambodgeTurquie 63 RépubliqueÉrythrée 53 démocratique duNigéria Congo 3 République centrafricaineGuinée 42 Pakistan 30 El SalvadorPérou 42 Somalie 36 Fédération deFi nlandeRussie 42 CambodgeMali 32 OugandaÉrythrée 32 République-Unie de TNigériaanzanie 32 21 Brésil 29 République centrafricaineAzerbaïdjan Pakistan 30 El SalvadorBahreïn 21 BurkFiinanlande Faso 21 BurundMalii 21 OugandaEquateur 21 République-Unie de TanzanieHaïti 21 11 Brésil 29 AzerbaïdjanIndonesie BahreïnIran 11 BurkJordanieina Faso 11 BurundKenyai 11 EquateurLiban 11 MozambiqueHaïti 11 IndonesieMyanmar 11 République arabe syrienne 86 Philippines 21 NépaIranl 11 Yémen 21 JordaniePologne 11 Afghanistan 20 KenSerbieya 11 Honduras 19 Afrique duLiban Sud 11 Inde 18 MozambiqueThaïlande 11 Libye 17 États-Unis d'MyAmériqueanmar 11 Guatemala 14 Népal 1 Iraq 46 Colombie 12 Pologne 1 Palestine 11 Serbie 1 Bangladesh 10 Afrique du Sud 1 Ukraine 10 Thaïlande 1 Soudan du Sud 9 États-Unis d'Amérique 1 France 8 Mexique 37 Egypte 7 Paraguay 6 Turquie 6 République 5 démocratique du Congo Guinée 4 Pérou 4 Somalie 36 Fédération de Russie 4 Cambodge 3 Érythrée 3 Nigéria 3 République centrafricaine 2 Pakistan 30 El Salvador 2 2 Finlande Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 141 Mali 2 Ouganda 2 République-Unie de Tanzanie 2 1 Brésil 29 Azerbaïdjan Bahreïn 1 Burkina Faso 1 Burundi 1 Equateur 1 Haïti 1 Indonesie 1 Iran 1 Jordanie 1 Kenya 1 Liban 1 Mozambique 1 Myanmar 1 Népal 1 Pologne 1 Serbie 1 Afrique du Sud 1 Thaïlande 1 États-Unis d'Amérique 1 Tendances en matière de sécurité des journalistes

Figure 4-4: Nombre de journalistes tués par 28 tués en 2016. Cette tendance est largement pays, 2016 imputable au crime organisé, au trafic de drogue et à la corruption. Après une forte baisse jusqu’en Afghanistan 13 2014, les meurtres sont repartis brusquement Mexique 13 à la hausse dans l’ensemble de la région Asie et Yémen 11 Pacifique pour atteindre un pic de 27 tués en 2016. Iraq 9 Par comparaison, il y a eu en Afrique une très nette République arabe syrienne 8 diminution des meurtres de journalistes ces cinq Guatemala 7 dernières années, leur nombre étant passé de Brésil 5 26 en 2012 à sept en 2016. En Europe centrale et Inde 5 orientale, le nombre des meurtres a fluctué au cours Pakistan 4 de la même période, sans présenter de tendance Libye 3 claire, tout en restant relativement faible. Alors que Somalie 3 cette région présente en général un faible risque Turquie 3 de violence létale à l’encontre des journalistes, Bangladesh 2 l’Europe de l’Ouest et l’Amérique affichent au cours Finlande 2 des trois dernières années un nombre de meurtres Philippines 2 inhabituellement élevé, à cause essentiellement Burkina Faso 1 d’un attentat terroriste. République 1 démocratique du Congo Selon les données de l’UNESCO, la majorité des 1 El Salvador meurtres de journalistes perpétrés au cours de 1 Guinée la période 2012-2016, soit 56 % des meurtres de Honduras 1 journalistes, se sont produits dans des pays en Jordanie 1 proie à un conflit armé (voir la figure 4-5)3 . Myanmar 1 Pérou 1 Sur les 328 meurtres de journalistes recensés Serbie 1 au cours de la même période par le Comité pour Soudan du Sud 1 la protection des journalistes (CPJ) et dont il est Ukraine 1 confirmé qu’ils sont liés à leur travail en tant que États-Unis d'Amérique 1 journaliste, près de 50 % ont été assassinés, contre 36 % pris dans des tirs croisés et 14 % tués au cours d’une mission dangereuse4 . Selon cette ONG, les

sources la plus probables de cette violence meurtrière étaient les groupes politiques (36 %), suivis par les militaires (22 %), les 20 % restant étant de source inconnue. Le pourcentage de meurtres ciblés a atteint un sommet en 2015, à 70 %, avant de chuter à 38 % en 2016. Cette année-là, selon les données disponibles, 54 % des journalistes ont été tués après avoir été pris dans des échanges de tirs dans des situations de conflit armé, ce qui constitue le plus fort pourcentage enregistré pour la période5.

Dans la mesure où les entreprises médiatiques font de plus en plus appel aux journalistes freelances, ces derniers représentent aussi une proportion croissante des journalistes tués. Selon les constatations de l’UNESCO, au

3 Les pays étaient considérés comme en conflit armé s’ils figuraient dans les rapports annuels du Secrétaire général des Nations Unies sur la protection des civils dans les conflits armés. 4 Certains des meurtres enregistrés par CPJ se sont produits dans des pays en proie à un conflit armé. 5 Comité pour la protection des journalistes (CPJ) 2017.

142 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Figure 4-5 : Nombre de journalistes tués dans Figure 4-6 : Nombre de journalistes tués selon des pays impliqués dans des conflits armés, leur statut professionnel, 2012-2016 2012-2016

21% 44% Total Total 530 530 56% 79%

Indépendants Salariés Pas de conit armé Conit armé

Figure 4-7 : Nombre de journalistes tués par type de média, 2012-2016 Total 530 Télévision 166

Presse écrite 142

Radio 118

Presse en ligne 75

Multiplateforme 29

6 Directrice générale de l’UNESCO 2016.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 143 Tendances en matière de sécurité des journalistes

cours des cinq dernières années, 113 journalistes freelances Figure 4-8: Nombre de journalistes ont été tués, soit 21% des meurtres de journalistes. Les locaux et étrangers tués, 2012-2016 freelances sont particulièrement vulnérables car ils préparent souvent seuls leurs articles, dans des environnements dangereux et sans bénéficier du même degré d’assistance et de protection que les journalistes salariés6 . 8%

Au cours de la même période, selon les données de l’UNESCO, le nombre de journalistes pris pour cible qui soit travaillaient pour des publications en ligne, soit tenaient un Total blog personnel, a été très variable mais n’en représente pas moins globalement 14 % des journalistes tués. Ce sont les 530 journalistes et les équipes travaillant majoritairement pour la télévision qui ont été les plus touchés (166), suivis par ceux 92% qui travaillent majoritairement pour la presse écrite (142), la radio (118) et le Web (75) et ceux qui travaillent pour des plates-formes multiples (29).

La grande majorité des journalistes tués étaient des Journalistes étrangers Journalistes locaux

journalistes locaux (92 %), 8 % étant des correspondants étrangers (voir la figure 4-8). Cette tendance s’observe dans toutes les régions.

Impunité des crimes perpétrés contre des journalistes

La tendance dominante est à l’impunité des crimes perpétrés contre les journalistes, dont la grande majorité ne sont pas élucidés. L’impunité est considérée comme le principal obstacle pour assurer la sécurité des journalistes, mais elle exerce aussi un grave effet paralysant sur l’exercice de la liberté d’expression7 . Une culture de l’impunité a pour effet d’encourager les auteurs potentiels d’actes de violence contre les journalistes, qui savent que leurs crimes ne seront pas punis et, en favorisant l’autocensure au sein des médias eux-mêmes, de contribuer à réduire les journalistes au silence et à les dissuader d’enquêter sur les sujets sensibles, créant un cercle vicieux qui perpétue la violence8 . La cause première de cette tendance persistante à l’impunité est attribuée à l’absence de volonté politique d’effectuer des enquêtes, y compris par peur de représailles de la part des réseaux criminels, à laquelle s’ajoutent la faiblesse des cadres juridiques, de l’appareil judiciaire et des ressources allouées à l’application des lois, ainsi que la négligence et la corruption9 .

7 Lanza 2017. 8 La Rue 2012. 9 Ibid. 144 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Encadré 4-2 : Oscar Cantú Murguia : quand un directeur prend positionjournalists

e 23 mars 2017, Miroslava Breach, journaliste au quotidien national LLa Jornada et collaboratrice régulière du quotidien régional Norte, est abattue dans sa voiture sous les yeux d’un de ses enfants, qui s’en sort indemne. Le tireur a laissé derrière lui ces quelques mots d’explication : « Voilà ce qu’on fait aux grandes gueules ».’

Pour Oscar Cantú Murguia, le directeur de Norte, ce crime insupportable est le coup de grâce. Le 2 avril 2017, il rédige son dernier éditorial en ces termes : « Aujourd’hui, chers lecteurs, je vous écris pour vous dire que j’ai pris la décision de fermer le journal, la cause étant, entre autres, que nous n’avons ni les garanties ni la sécurité suffisantes pour exercer un journalisme critique et de contre- pouvoir ». Photo credit: Oscar Cantu Norte est fermé en signe de protestation contre le meurtre de « Tout dans la vie M. Breach, ce qui met fin à 27 années d’efforts pour éclairer les questions régionales. En produisant un journalisme critique et a un début et une d’investigation à Norte, Cantú a manifesté son dévouement à fin, un prix à payer. son État de naissance, à la justice sociale et à la transparence gouvernementale. Pour lui, le meurtre de Miroslava Breach sonne Mais si ce prix est comme un glas l’appelant à se dresser contre l’absence de sécurité la vie, je ne suis des journalistes et la culture dominante de l’impunité des crimes pas disposé à ce commis contre eux. qu’il soit payé par « Je me suis soudain rendu compte que je m’étais habitué aux aucun autre de mes annonces de meurtres de journalistes : c’était devenu une espèce de routine », déclare-t-il. « Mais quand ça a fini par frapper (...) collaborateurs, ni une personne qui m’était très proche, j’ai ouvert les yeux, j’ai pris par moi-même. » conscience. Et j’ai compris que je devais faire quelque chose, que - Oscar Cantú j’avais le devoir d’agir. »

Murguia, directeur de Le drame vécu par Cantú est celui de nombreux autres journalistes Norte, Mexique qui travaillent dans des situations dangereuses et qui, face à une hostilité ouverte, en viennent à se demander s’ils doivent ou non poursuivre leur travail. Interrogé par le Washington Post, Cantú a expliqué ce qui l’avait contraint à fermer son journal : « Une presse libre est pour moi un des piliers de la démocratie. Alors, si je ne peux plus exercer mon métier comme je l’entends, cela devient inacceptable. Trop, c’est trop ».

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 145 Tendances en matière de sécurité des journalistes

À la demande du Conseil intergouvernemental du Figure 4-9 : Statut des enquêtes judiciaires sur Programme international pour le développement de les assassinats de journalistes, 2006-2016 la communication (PIDC) de l’UNESCO, l’Organisation a élaboré un mécanisme de suivi de cette impunité persistante. Chaque année, la Directrice générale de l’UNESCO adresse des requêtes aux États membres leur demandant d’informer l’Organisation de l’état 10% des enquêtes en cours concernant les meurtres de journalistes que la Directrice générale a condamnés. L’UNESCO analyse les réponses reçues et les classe dans les catégories suivantes : « résolu »10 , « en cours/ Total non résolu »11 ou « aucune information à ce jour »12 . 33% 930 En février et mars 2017, UNESCO a écrit à 62 États membres pour leur demander des informations 57% concernant le statut des cas non résolus qui se sont produits entre 2006 et 2016.

D’après les réponses des États membres, le pourcentage de cas résolus est resté faible et relativement inchangé. Au total, depuis que Enquêtes Enquêtes Aucune l’UNESCO a commencé à demander des informations résolues en cours/ information sur le suivi judiciaire des meurtres de journalistes non résolues

condamnés par la Directrice générale, l’Organisation Source : UNESCO13 a reçu des informations de 63 États membres sur 75. Ces informations concernent 622 cas sur un total de 930 meurtres recensés par l’UNESCO entre 2006 et 2016 (67 %).

10 On considère qu’un cas de journaliste tué entre dans la catégorie « Résolu » si l’État membre a apporté à la demande de la Directrice générale concernant l’état de l’enquête l’une des réponses suivantes : (a) le ou les auteur(s) du crime a (ont) été traduit(s) en justice et condamné(s) par un tribunal ; (b) le ou les auteurs(s) présumé(s) du crime est (sont) décédé(s) avant que l’affaire ait pu être portée devant un tribunal ou jugée ; (c) la procédure judiciaire a révélé que la mort de la victime n’était pas liée à l’exercice de la profession de journaliste. La Directrice générale cesse de demander des informations actualisées au sujet de ces cas. 11 Un cas de meurtre d’un journaliste est classé dans la catégorie « En cours/non résolu » lorsque l’État membre a apporté l’une des réponses suivantes à la demande d’information de la Directrice générale concernant l’état de l’enquête : (a) le cas fait l’objet d’une enquête par les instances d’application de la loi ou par toute autre autorité compétente ; (b) le cas est entre les mains de la justice, mais aucun verdict final n’a encore été rendu et le ou les suspect(s) n’ont été ni inculpé(s) ni jugé(s) (entrent aussi dans cette catégorie les cas où un seul des assassins présumés a été inculpé et jugé) ; (c) le journaliste a été signalé par l’État membre comme ayant été tué par des auteurs étrangers en dehors de la juridiction nationale ; (d) un tribunal a acquitté le ou les auteur(s) présumé(s) du crime (éléments de preuve insuffisants ou falsifiés, par exemple) ; (e) un tribunal a classé l’affaire ou se trouve dans l’incapacité de la juger (pour cause de prescription, par exemple). Sont également classés dans cette catégorie les cas pour lesquels un procès a bien eu lieu, mais où personne n’ayant encore été tenu pour responsable selon les règles du droit, le cas n’est pas considéré comme résolu. La Directrice générale continue de demander des informations actualisées au sujet de tous les cas susmentionnés, à l’exception des cas où il est explicitement mentionné que le cas se trouve en dehors de la juridiction nationale ou qu’il a été classé par la justice. 12 La mention « Aucune information à ce jour » est portée lorsque l’État membre n’a pas fourni la moindre information à l’UNESCO sur l’état de l’enquête pendant l’année en cours ou les années précédentes. Comme indiqué plus haut, les cas sont classés dans la catégorie « accusé de réception » lorsque aucun élément n’est fourni par le pays concerné quant aux suites judiciaires données aux cas de meurtres de journalistes condamnés par la Directrice générale. La Directrice générale continue de demander chaque année des informations actualisées au sujet de ces cas. . 13 Il s’agit de l’état des enquêtes judiciaires à la date du 9 octobre 2017 concernant les meurtres ayant eu lieu entre 2006 et 2016.

146 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Sur ces 622 cas, 93 cas ont été classés comme étant « résolus », ce qui représente 15 % des cas sur lesquels des informations ont été reçues et seulement 10 % de la totalité des cas, soit une amélioration de 2 points de pourcentage par rapport à 2016. Quant aux 529 cas restants au sujet desquels l’UNESCO a reçu des informations, soit ils font l’objet d’une enquête de police ou d’une enquête judiciaire en cours, soit l’affaire tombe en dehors de la juridiction nationale, soit elle a été classée ou considérée comme non résolue.

Au niveau régional, la plus forte incidence de cas résolus s’observe en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, avec 10 cas résolus sur 20 (50 %), suivie par l’Europe centrale et orientale, avec 16 cas sur 38 (42 %), l’Amérique latine et les Caraïbes, 31 cas sur 204 (15 %), l’Afrique, 14 cas sur 111 (13 %), l’Asie et le Pacifique, 17 cas sur 237 (7 %), et enfin, les États arabes avec 5 cas résolus sur 320 (2 %) (voir la figure 4-10)14 .

Figure 4-10 : Statut des enquêtes judiciaires sur les assassinats de journalistes par région, 2006-2016 % enquêtes résolues

Europe de l’Ouest et 10 10 50% Amérique du Nord

Amérique latine et 31 166 7 15% Caraïbes

Europe centrale et 16 22 42% orientale

Asie et Paci que 17 126 94 7%

États arabes 5 139 176 2%

Afrique 14 66 31 13%

Enquêtes résolues Enquêtes en cours/ non résolues Aucune information

Bien que l’impunité prévale, ces dernières années, les États membres ont répondu davantage aux demandes d’information de la Directrice générale. Suite aux lettres adressées à 62 États membres en février et mars 2017, 46 États membres ont envoyé des réponses (74 %), et 42 ont fourni des informations précises sur l’état des enquêtes judiciaires concernant les meurtres de journalistes condamnés par la Directrice générale, tandis que cinq ont accusé réception de la demande ou fourni des informations générales sur l’état de la sécurité des journalistes (voir la figure 4-11).

14 Huit des 10 cas non résolus de la région Europe de l’Ouest et Amérique du Nord sont concentrés dans un seul État membre. Une bonne part des meurtres commis dans les États arabes se sont produits dans des situations de conflit, qui ont pu faire obstacle à la clôture de la procédure judiciaire au cours de la période considérée.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 147 Tendances en matière de sécurité des journalistes

Figure 4-11 : Réponses des États membres à la demande d’information de l’UNESCO sur le statut des enquêtes judiciaires concernant les assassinats de journalistes, 2017

Afghanistan Kenya Angola Kirghizistan Barheïn Liban Bangladesh Libye Brésil Mali Bulgarie Mexique Burkina Faso Mozambique Burundi Myanmar Cambodge Népal Cameroun Nigéria République centrafricaine Pakistan Colombie Palestine République du Congo Paraguay République démocratique du Congo Pérou République Dominicaine Philippines Equateur Pologne Egypte Fédération de Russie El Salvador Rwanda Érythrée Serbie Finlande Somalie Georgie Soudan du Sud Grèce Sri Lanka Guatemala République arabe syrienne Guinée République-Unie de Tanzanie République de Guyane Thaïlande Haïti Turquie Honduras Ouganda Indie Ukraine Indonésie États-Unis d'Amérique Iraq République bolivarienne du Venezuela Jordanie Yémen

Demande reçue Demande prise en compte

Ces chiffres confirment l’augmentation régulière du niveau de reconnaissance du mécanisme de suivi et d’établissement de rapports de l’UNESCO de la part des États membres : en 2016, le taux de réponse a été de 68 %15 , contre 47 % en 2015, et 27 % seulement en 2014 (voir la figure 4-12).

15 L’UNESCO ayant reçu les réponses pour 2016 de trois autres États membres après la date limite de réception, ces trois réponses n’ont pas été incluses dans le Rapport de la Directrice générale sur la sécurité des journalistes et le danger de l’impunité de 2016, mais sont prises en compte ici.

148 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 En 2017, les États membres ont également été invités pour la première fois à fournir des informations sur les mesures positives prises pour promouvoir la sécurité des journalistes et combattre l’impunité, et elles ont été fournies par 10 États membres16 .

Figure 4-12 : Pourcentage des États membres ayant répondu à la demande d’information de l’UNESCO sur la sécurité des journalistes, 2013-2017

74% 68%

47%

30% 27%

2013 2014 2015 2016 2017

Ces cinq dernières années, des efforts notables ont été déployés pour améliorer la prise de conscience au niveau international sur la question de l’impunité. Reconnaissant l’effet de l’impunité à la fois sur la sécurité des journalistes et sur le plus large droit à la liberté d’expression, l’Assemblée générale des Nations Unies à sa 68e session, en 2013, a adopté la Résolution A/RES/68/163 qui proclame le 2 novembre Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes. Cette journée vise à promouvoir la compréhension des plus larges problèmes que pose l’impunité et à renforcer l’engagement de la communauté internationale à assurer aux journalistes un environnement sûr et propice. Depuis 2014, à l’occasion de la Journée internationale, l’UNESCO organise, en partenariat avec les cours régionales des droits de l’homme, la tenue d’un séminaire annuel réunissant des juges et d’autres parties prenantes clés de différentes régions. En facilitant le partage des bonnes pratiques, il vise à renforcer et élargir les cadres juridiques afin de protéger la liberté d’expression dans le monde, et d’œuvrer en particulier à la sécurité des journalistes et à la lutte contre l’impunité.

16 L’Afghanistan, les États-Unis d’Amérique, la Finlande, le Guatemala, l’Iraq, le Mexique, le Myanmar, les Philippines, la Pologne et la Somalie ont fourni des renseignements sur les mesures positives qu’ils ont prises pour promouvoir la sécurité des journalistes et combattre l’impunité.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 149 Tendances en matière de sécurité des journalistes

Le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité a également fourni un cadre utile pour lutter contre l’impunité et promouvoir la sécurité des journalistes. Le Plan a contribué à faciliter la mise en œuvre d’initiatives proactives telles que le renforcement des capacités judiciaires et l’élaboration de mécanismes de réponse d’urgence, ainsi que l’élaboration de nouvelles options en matière de prévention, qui ont été présentées lors d’une réunion de consultation multipartite organisée en juin 2017 à Genève. On en trouvera le détail plus loin17 .

Autres atteintes à la sécurité du journalisme

Si les meurtres représentent la forme la plus extrême de censure, comme le reconnaît l’indicateur 16.10.1 des ODD, d’autres types d’attaques contre les journalistes, comme le kidnapping, la disparition forcée, la détention arbitraire et la torture, restreignent également l’exercice des libertés fondamentales et l’accès à l’information.

Comme indiqué dans la première édition des Tendances mondiales, « l’emprisonnement de journalistes dans l’exercice légitime de leur métier provoque un phénomène d’autocensure et affecte le droit de la société d’obtenir des informations »18 . Selon les données recueillies par le CPJ, les cas d’emprisonnement de journalistes pour atteinte aux intérêts de l’État, calomnie, blasphème, représailles ou sans motif aucun, ont continué d’augmenter. En 2016, le CPJ a indiqué qu’à la date du 1er décembre 2016, 259 journalistes se trouvaient emprisonnés dans le monde pour des motifs variés, ce qui représente le plus grand nombre enregistré par cette ONG depuis le début de ses décomptes en 199019 . Comparativement, Reporters sans frontières (RSF) - qui assure le suivi des emprisonnements de citoyens-journalistes, d’internautes et de collaborateurs des médias, en même temps que de journalistes professionnels - a indiqué qu’à la date du 1er décembre 2016, 348 journalistes étaient détenus pour diverses raisons, soit une progression de 6 % par rapport aux chiffres de 201520 . De plus, selon les informations de 2016, la proportion de femmes journalistes détenues a plus que doublé, près de la moitié d’entre elles se trouvant dans la région Asie-Pacifique. C’est la région Europe de l’Ouest et Amérique du Nord qui, de loin, compte le nombre le plus élevé de journalistes emprisonnés, soit 34 % du total mondial, ce qui est dû pour l’essentiel à la situation dans un État en particulier21 .

Le nombre de signalements de journalistes kidnappés, disparus ou pris en otage est également en augmentation. Le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, a déclaré que « dans certaines zones de conflit, une véritable industrie des otages s’est développée », avec une hausse de 35 % en 2015 par rapport à l’année précédente du nombre des membres des médias pris en otage dans le monde22 . Des groupes rebelles ont kidnappé, torturé, soumis de façon répétée à de fausses exécutions et, dans les cas extrêmes, exécuté publiquement des journalistes, puis diffusé sur le Web des images vidéo de ces exécutions à des fins de propagande. En 2016, 52 journalistes ont été déclarés pris en otages dans le monde, tous étant détenus par des groupes rebelles dans trois pays de la région arabe en proie à un conflit violent. En 2016, la Rapporteure

17 UNESCO 2017c. 18 UNESCO 2014, 90. 19 Comité pour la protection des journalistes 2016. Certains gouvernements ont soutenu que l’emprisonnement dans certains cas n’était pas lié à l’exercice du journalisme, et les données de l’UNESCO n’opèrent pas cette distinction. 20 RSF 2016. Dans son suivi des cas d’emprisonnement, RSF recense les citoyens-journalistes, les internautes et les collaborateurs des médias, aboutissant à un chiffre supérieur à celui du CPJ. Comme dans le cas des chiffres du CPJ cités plus haut, les données dont dispose l’UNESCO ne précisent pas si l’emprisonnement est lié à l’exercice du journalisme ou à d’autres raisons. . 21 Comme indiqué dans le premier Rapport sur les Tendances mondiales, de nombreux gouvernements ont soutenu que les journalistes n’avaient pas été emprisonnés pour leur journalisme, mais pour d’autres raisons. L’UNESCO ne dispose pas d’informations suffisantes pour évaluer ce qui est arbitraire ou non. Comme l’indique le premier rapport, « l’incarcération pour un journalisme légitime est inutile et disproportionnée en termes de normes internationales ». 22 RSF, 2015.

150 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a signalé la disparition d’un journaliste dans la région Afrique, ce qui est le seul cas signalé dans le monde, en baisse par rapport aux huit disparitions signalées au niveau mondial en 201523 .

Bien qu’on ne dispose pas de données systématiques concernant l’incidence de la torture de journalistes, les comités des droits de l’homme, les organes d’information et les groupes de la société civile ont documenté un certain nombre de cas et demandé que les responsables soient traduits en justice. La Rapporteure spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information de la CADHP a appelé les États à enquêter et à punir les auteurs de meurtre, de kidnapping, de torture, de harcèlement et d’intimidation de journalistes, conformément à la Déclaration de principes sur la liberté d’expression en Afrique et à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples24 . S’agissant de la région Amérique latine et Caraïbes, le Rapporteur spécial de la Commission interaméricaine des droits de l’homme a fait état de cas de torture dans l’ensemble de la région25 . En outre, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a signalé des cas de torture de journalistes généralisés dans les régions Afrique, États arabes et Asie et Pacifique26 . Ces traitements peuvent leur être infligés par des gangs criminels et des groupes rebelles mais également, de façon occasionnelle, par des groupes armés soutenus par les gouvernements.

Les attaques, le harcèlement et les menaces d’intimidation restent monnaie courante partout dans le monde. Au sein de la région Afrique, l’Institut des médias d’Afrique du Sud a fait état de cas d’intimidation tels qu’incendie de véhicules, agressions physiques et menaces de mort27 . Dans certaines parties de la région arabe, des journalistes et des écrivains de renom, selon les informations recueillies, ont reçu des menaces de mort, été roués de coups et se sont vu imposer des restrictions en matière de déplacements28 . Dans la région Asie et Pacifique, selon l’Alliance de la presse sud-asiatique, l’insécurité physique serait telle dans certains contextes risqués que certains journalistes ont décidé de porter une arme29 .

Les menaces et les cas réels de violence et d’emprisonnement, ainsi que de harcèlement, contraindraient chaque année à l’exil un nombre important de journalistes locaux. Entre le 1er juin 2012 et le 31 mai 2015, selon les informations recueillies, au moins 272 journalistes ont pris le chemin de l’exil dans le monde à la suite de persécutions liées à leur profession30 . La majorité de ces cas proviennent de la région arabe et de la région Afrique.

Une étude réalisée en 2007 par le Conseil de l’Europe sur un échantillon de 940 journalistes de 47 États membres indique que, confrontés à la violence physique ou aux pressions, 15 % des journalistes renoncent à couvrir les sujets sensibles et polémiques, tandis que 31 % se sentent obligés d’édulcorer leurs articles et 23 % font de la rétention d’informations31 . Le caractère insidieux de l’autocensure peut avoir des implications dramatiques pour la liberté d’expression et la publication de sujets sensibles d’intérêt public.

23 RSF, ibid.; Tlakula 2016. 24 Tlakula 2016. 25 Lanza 2016a. 26 Mendez 2017. 27 MISA, 2016. 28 Gulf Center for Human Rights 2017; Zayadin 2017. 29 Lynn 2014. 30 Comité pour la protection des journalistes n.d. 31 Clark and Grech 2017.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 151 Tendances en matière de sécurité des journalistes

Les ramifications de la violence ont des conséquences non seulement physiques, mais aussi psychologiques. En fonction de leur spécialité et de leur ancienneté, les journalistes sont exposés à des scènes et des images de traumatismes qui peuvent avoir de graves répercussions sur leur santé psychologique. Les études font état notamment d’un abus prolongé de substances chez certains correspondants de guerre et journalistes travaillant avec des contenus produits par des usagers de drogue, qui se trouvent fréquemment confrontés à des images de violence graphique32 . Les journalistes couvrant des conflits liés à la drogue et les correspondants de guerre sont plus exposés que les autres au risque de développer un trouble de stress post-traumatique et autres symptômes psychiatriques directement causés par leur travail33 . La stigmatisation professionnelle, la crainte d’être jugé par leurs pairs et l’absence de prise de conscience empêchent souvent les journalistes - notamment ceux qui souffrent d’une précarité d’emploi ou travaillent dans des contextes à risque - de rechercher le soutien de leurs supérieurs ou des professionnels de santé34 . Il y a toutefois une reconnaissance grandissante de ce problème et de nouveaux programmes commencent à apparaître pour répondre aux besoins des professionnels de l’information chargés de couvrir les conflits et les traumatismes. La création par l’Université de Peshawar (Pakistan) en collaboration avec la DW Akademie, d’un centre de prise en charge des traumatismes (Competence and Trauma Centre for Journalists), où les journalistes travaillant dans la région peuvent bénéficier de conseils, en est un récent exemple. Sécurité numérique des journalistes

L’essor du numérique a ouvert des possibilités sans précédent pour la liberté d’expression et, plus généralement, la pratique du journalisme. Mais la sphère numérique évolue et les modes de surveillance, les capacités de stockage de données et les techniques d’attaque numérique deviennent de plus en plus sophistiqués, abordables et courants, si bien que les journalistes sont de plus en plus exposés aux attaques numériques d’acteurs aussi bien étatiques que non étatiques. Il est essentiel de former les journalistes aux mesures de sécurité numériques pour leur propre sécurité et pour sauvegarder la liberté d’expression.

Une tendance qui se poursuit au niveau de l’État est l’utilisation des moyens législatifs au nom de la sécurité nationale et des mesures anti-terrorisme, ce que certains voient comme un affaiblissement des protections de la liberté d’expression. Dans plusieurs États de diverses régions du monde, des actes législatifs rédigés en termes généraux sont perçus par certains comme œuvrant à faire taire la dissidence, à poursuivre les réprobateurs et à étendre la surveillance arbitraire aux plates-formes numériques multiples. Dans toutes les régions, on voit se renforcer cette tendance à accorder un pouvoir accru de surveillance et de poursuite aux forces de sécurité, ce qui pose la question du contrôle indépendant et des actions proportionnées en matière de surveillance des journalistes et de leurs sources.

Il est essentiel de former les journalistes aux mesures de sécurité numériques pour leur propre sécurité et pour sauvegarder la liberté d’expression.

32 Feinstein, Audet, and Waknine 2014; Feinstein, Owen, et Blair 2002; Morris 2015. 33 Smith, Newman, et Drevo 2015. 34 Khan 2016.

152 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Figure 4-13 : Types de menaces pesant sur la sécurité numérique du journalisme

La sécurité numérique est un impératif non seulement pour les journalistes eux-mêmes, mais aussi pour la protection de leurs sources et de leurs confrères et consœurs. Elle est particulièrement cruciale pour les citoyens-journalistes, les journalistes en détresse, les journalistes freelances et tout individu moins averti des menaces numériques qui pèsent sur la protection de sa vie privée et de ses sources. La période a vu se poursuivre la tendance à l’utilisation arbitraire de logiciels de surveillance malveillants pour traquer et espionner les journalistes et leurs sources. On a recensé dans l’ensemble des régions et dans toutes les sociétés, qu’elles soient démocratiques ou non, des cas d’utilisation de logiciels malveillants par des acteurs étatiques et non étatiques pour espionner des journalistes et des activistes35 . Cette tendance a été facilitée par l’essor des technologies de surveillance bon marché et qu’il est facile de se procurer aux acteurs tant étatiques et que non étatiques.

Cette violation du secret est devenue une forme d’intimidation et de dissuasion des journalistes, mais elle met aussi en péril leur confidentialité et celle de leurs sources. Dans une enquête réalisée par PEN America auprès de plus de 520 écrivains, la majorité se sont dits préoccupés par la surveillance gouvernementale, qui suscite chez eux une réticence à écrire, à enquêter ou à parler sur certains sujets36 . Près du quart des écrivains avaient délibérément évité s’aborder certains sujets dans des conversations téléphoniques et électroniques,

35 Marquis-Boire 2015. 36 Pen America 2013.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 153 Tendances en matière de sécurité des journalistes

16 % avaient évité d’écrire ou de parler sur un sujet en particulier et 11 autres pour-cent avaient sérieusement envisagé de le faire37 . Les écrivains étudiés ont également fait part de leur réticence à communiquer avec leurs sources, craignant que cela ne mette leur vie en danger.

Les journalistes dont la sécurité physique est menacée se sont révélés particulièrement vulnérables aux menaces numériques, car ils sont souvent incapables ou non désireux de prendre les mesures nécessaires pour limiter ces risques. Une enquête a révélé que chez les journalistes que leur travail expose à des menaces, 18 % seulement ont recours au cryptage des courriels et 41 % ont indiqué ignorer ce procédé38 . Les données indiquent aussi que même lorsque les journalistes sont conscients des risques menaçant leur sécurité numérique, ils ne prennent pas toujours les précautions nécessaires pour les limiter ou les supprimer. Cette tendance s’est confirmée dans la mesure où les outils de sécurité numérique sont souvent excessivement techniques, ce qui amène peu de journalistes à les utiliser correctement, lorsqu’ils le font39 . En outre, les moyens matériels, dont disposent notamment les freelances et les bloggeurs, sont souvent insuffisants pour leur permettre d’acheter les logiciels nécessaires ou les multiples appareils permettant de limiter les risques en matière de sécurité.

Un certain nombre de mesures peuvent être adoptées par les journalistes pour assurer leur sécurité numérique, et plusieurs organisations de la société civile ont commencé à se saisir de ce problème en examinant les outils actuellement utilisés par les journalistes et en leur fournissant des guides détaillés et des services de formation sur les moyens de renforcer leur sécurité numérique. Les organisations de la société civile ont augmenté leurs efforts de documentation des attaques contre les journalistes dans la sphère numérique. La formation des journalistes et des professionnels des médias aux principes de la sécurité numérique, tels que le chiffrement de bout en bout, les réseaux privés virtuels (VPN) ou la détection et l’évitement des logiciels malveillants, est devenue une priorité croissante pour la société civile et les professionnels des médias. Le nombre d’écoles de journalisme et de facultés formant aux métiers des médias qui incorporent la formation à la sécurité numérique dans leurs programmes d’études est aussi beaucoup plus grand.

Dans des cas récents, des journalistes ont vu leurs comptes de médias sociaux, comme Twitter, piratés et leurs messages privés exposés au public, ou bien ils ont été victimes de « doxxing », pratique consistant à rechercher et à révéler des informations sur l’identité et la vie privée d’un individu, généralement dans le but de lui nuire. Partout dans le monde, des journalistes ont indiqué avoir reçu, via le Web, des menaces de mort, d’attentat à la bombe, de violence à leur encontre et à celle des membres de leur famille, de viol et de sévices et des insultes. Dans la plupart des cas, ces agressions restent impunies. Dans un cas, où une journaliste avait fait appel aux forces de police locales après avoir reçu des menaces de mort graphiques via Twitter, on lui aurait demandé « qu’est-ce que Twitter ? » en réponse à sa déclaration40 .

Bien que l’on ne dispose pas de données globales concernant le harcèlement en ligne de journalistes, de nouvelles initiatives ont été lancée afin de mieux cerner ce phénomène qui va croissant. À la fin de 2016, l’International Press Institute a inauguré la base de données OnTheLine, projet visant à assurer un suivi systématique du cyberharcèlement dont les journalistes sont victimes du fait de leur activité. Dès juillet 2017, ce projet avait recueilli 1 065 occurrences de harcèlement en ligne dans les deux pays (la Turquie et l’Autriche) où il avait collecté des données. Au Pakistan, la Digital Rights Foundation a lancé le premier service national d’assistance téléphonique aux journalistes contre le cyberharcèlement, afin d’apporter aux

37 Ibid. 38 Blanchard 2017. 39 Henrichsen, Betz, et Lisosky 2015. 40 Hess 2014.

154 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 victimes une assistance juridique, une aide à la sécurité numérique, un soutien psychologique et un service d’orientation41. En mai 2017, six mois après son lancement en décembre 2016, l’assistance téléphonique avait déjà traité un total de 563 cas, 63 % des appels émanant de femmes et 37 % d’hommes42 . Égalité des sexes et sécurité des journalistes

Qu’elles exercent leur métier dans un contexte à risque, comme journaliste freelance ou au sein d’une salle de presse, les femmes journalistes sont exposées à des risques d’agression physique, de harcèlement sexuel, d’agression sexuelle et, dans les cas les plus extrêmes, de viol. Ces attaques peuvent provenir non seulement d’individus cherchant à les faire taire, mais aussi de leurs sources, de leurs confrères ou d’autres personnes43 . Une enquête mondiale réalisée auprès d’un millier de journalistes en 2014 par l’International News Safety Institute (INSI), en partenariat avec l’International Women’s Media Foundation (IWMF) et avec le soutien de l’UNESCO, indique que près des deux tiers des femmes ayant pris part à l’enquête avaient subi des intimidations, des menaces ou des violences sur leur lieu de travail . Mais l’un des principaux obstacles à la compréhension des attaques dont les femmes journalistes font l’objet est que de nombreux cas ne sont pas signalés, ce qui témoigne de la persistance de discriminations professionnelles, sociales ou culturelles. Les femmes jeunes ou en début de carrière sont particulièrement vulnérables et moins enclines à signaler un incident par peur des conséquences professionnelles. Dans les contextes de polarisation politique, les femmes journalistes spécialisées dans la couverture de vie politique sont encore plus exposées, au point que, dans un cas au moins, un employeur de premier plan a dû fournir un garde du corps à l’une de ses journalistes politiques.

Au cours de la période 2012-2016, la Directrice générale de l’UNESCO a dénoncé le meurtre de 38 femmes journalistes, ce qui équivaut à 7 % de tous les journalistes tués, une hausse de deux points de pourcentage par rapport à la période de cinq ans précédente (voir la figure 4-14). Si le nombre de journalistes de sexe masculin a beaucoup varié au cours de ces cinq années, le taux de femmes journalistes tuées a globalement augmenté, passant de cinq femmes en 2012 au chiffre élevé de 10 femmes tuées en 2016. Par région, la majorité des femmes journalistes tuées se trouvaient dans la région arabe, soit un peu moins du tiers (32 %), suivie par les régions Afrique (24 %), Asie et Pacifique (21 %), Amérique latine et Caraïbes (16 %) et Europe de l’Ouest et Amérique du Nord (8 %). Aucun meurtre de femme journaliste n’a été signalé en Europe centrale et orientale.

Le pourcentage de journalistes tués qui sont des femmes est très inférieur à leur représentation globale au sein des effectifs des médias. Cet écart important entre les sexes est sans doute partiellement dû à la sous-représentation persistante des femmes journalistes dans les zones de conflit ou d’insurrection ou sur des sujets comme la politique et la criminalité. Des recherches récentes suggèrent qu’en réalité, les femmes journalistes travaillant dans des zones de conflit ne risqueraient pas davantage de se faire tuer du fait de leur sexe, mais que ce sont les stéréotypes en vigueur qui poussent à restreindre le nombre de femmes journalistes envoyées comme correspondantes étrangères dans les contextes à haut risque45 . Plusieurs cas

41 Digital Rights Foundation n.d. 42 Digital Rights Foundation 2017. 43 Lanza 2017. 44 Barton et Storm 2014. 45 Harris, Mosdell, et Griffiths 2016.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 155 Tendances en matière de sécurité des journalistes

Figure 4-14 : Nombre de journalistes tués par sexe (2012-2016)

119 107

92 89 Hommes 85

10 Femmes 5 5 99

2012 2013 2014 2015 2016

très médiatisés de violence sexuelle contre des femmes journalistes lors des soulèvements qui ont eu lieu en 2011 dans la région arabe renforcent cette perception46 . De nombreuses femmes journalistes ont fait part de la crainte que ces cas puissent avoir une incidence négative sur leur carrière professionnelle, si bien qu’elles n’ont pas suffisamment dénoncé les violences sexuelles dont elles ont été victimes (ce qui rejaillit sur le nombre des signalements), les raisons invoquées par nombre d’entre elles étant la crainte d’être victime de discrimination dans les salles de presse et de la part de leurs supérieurs hiérarchiques47 .

Les rapports du Rapporteur spécial pour la liberté d’expression de la Commission interaméricaine des droits de l’homme indiquent que la violence à l’encontre des femmes journalistes s’est poursuivie avec la même intensité dans une bonne part de la région Amérique latine et Caraïbes48 . Le Rapport 2017 du Secrétaire général des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité, qui met l’accent sur la sécurité des femmes journalistes, souligne les dommages physiques, psychologiques et émotionnels de ces attaques et leur impact sur leur capacité à s’exprimer, ce qui aggrave encore la fracture numérique entre les hommes et les femmes49 .

Les cinq dernières années ont vu les organisations intergouvernementales et les groupes de la société civile prendre une part plus active au combat contre les stéréotypes qui sont source de discrimination à l’égard des femmes journalistes travaillant dans des situations explosives ou des zones de conflit. Ces groupes se sont

46 Simon 2016. 47 Ibid. 48 Lanza 2017. 49 Assemblée générale des Nations Unies 2017.

156 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 efforcés de mieux documenter la violence sexuelle et de mettre en place des stratégies d’atténuation pour en réduire le risque, tout en reconnaissant qu’il ne pourrait jamais être totalement éliminé. Le rapport présenté par le Secrétaire général des Nations Unies en septembre 2017, mentionné plus haut, propose plusieurs pistes pour renforcer la sécurité des femmes journalistes selon une approche tenant compte des disparités entre les sexes50 . En 2016, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté la recommandation CM/ Rec(2016)4 sur la protection du journalisme et la sécurité des journalistes et autres acteurs des médias, notant en particulier les dangers spécifiques liés à leur qualité de femme auxquels sont confrontées de nombreuses femmes journalistes et appelant à des réponses urgentes, résolues et structurelles51 .

Il y a eu également une volonté d’améliorer la compréhension et l’approche qu’ont les médias des problèmes de sécurité spécifiques que rencontrent les femmes journalistes dans l’exercice de leur métier, tout en leur fournissant d’importants mécanismes de soutien. En 2016, le CPJ a produit un rapport spécial sur le genre et la liberté de la presse dans le monde, et le Centre européen pour la liberté de la presse et des médias a encouragé les femmes journalistes à dénoncer les cas de violence à leur encontre en créant sur le Net un « point de signalement » (Women’s Reporting Point)52 . Ce service permet aux femmes d’obtenir de l’aide et des conseils en signalant les menaces de violence grâce à un service de messagerie chiffrée, qui procure aux femmes journalistes un soutien supplémentaire tout en améliorant la visibilité des attaques dont elles sont victimes. Les groupes de la société civile ont été également une source utile de renforcement des capacités et de mesures préventives, par exemple en fournissant une formation sexospécifique à la sécurité qui s’attaque activement aux risques spécifiques auxquels les femmes journalistes sont confrontées dans l’exercice de leur métier.

Outre l’UNESCO, plusieurs organismes intergouvernementaux et organisations de la société civile, des milieux académiques et des médias ont commencé à proposer des formations à la sécurité traitant spécifiquement des dangers qui guettent les femmes journalistes dans l’exercice de leur profession.

Harcèlement en ligne des femmes journalistes

Les médias sociaux et les technologies numériques sont devenus un outil indispensable pour de nombreux journalistes, leur permettant d’explorer de nouvelles pistes, de découvrir des sujets, de diffuser des informations et d’interagir directement avec le public, ce qui conduit beaucoup d’entre eux à entretenir une présence sur les médias sociaux à travers de multiples plates-formes. Mais ces possibilités nouvelles s’accompagnent aussi d’une augmentation des actes malveillants en ligne, notamment envers les femmes journalistes.

Selon les recherches du Pew Research Center, 73 % des internautes adultes aux États-Unis ont été témoins d’un acte de harcèlement en ligne et 40 % en ont été personnellement victime, les jeunes femmes étant particulièrement exposées aux agressions et au harcèlement à caractère sexuel53 . Bien qu’elle ne porte pas uniquement sur les journalistes, cette étude n’en donne pas moins une indication de la prévalence plus générale du cyberharcèlement. Les journalistes qui publient régulièrement en ligne - souvent sur des sujets politiques ou culturels sensibles - sont plus vulnérables au harcèlement et à la violence en ligne. Le

50 Ibid. 51 Conseil de l’Europe 2016. 52 Comité pour la protection des journalistes (CPJ) 2016; Centre européen pour la liberté des médias et de la presse n.d. 53 Duggan et al. 2014.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 157 Tendances en matière de sécurité des journalistes

harcèlement dont les femmes sont victimes en ligne est clairement sexospécifique, les commentaires abusifs faisant souvent référence à l’aspect physique de la femme journaliste, à son origine ethnique ou à la sexualité, ou se composant uniquement d’un discours de haine genré. Dans le cadre d’une enquête portant sur 100 journalistes de la région Afrique, 75 % des répondantes ont indiqué avoir été victime de cyberharcèlement sous diverses formes, une part importante ayant subi « des attaques doubles », c’est-à- dire qu’elles avaient été visées à la fois du fait du matériel publié et du fait de leur qualité de femme ou de leur origine ethnique54 .

Selon une analyse de plus de 2 millions de tweets effectuée par le think tank Demos, les femmes journalistes ont été la cible d’environ trois fois plus de commentaires abusifs sur Twitter que leurs confrères masculins, alors que c’est l’inverse qui s’observe pour les autres catégories étudiées (personnalités politiques, célébrités et musiciens)55 . The Guardian a passé au crible les 70 millions de commentaires postés sur son site Web entre 1999 et 2016 (seuls 22 000 ont été enregistrés avant 2006)56 . Environ 1,4 million d’entre eux (soit 2 % environ) ont été bloqués pour comportement injurieux ou perturbateur. Et on constate que sur les 10 journalistes salariés ayant reçu la plus grande quantité d’insultes et de « trolls dédaigneux », huit étaient des femmes et deux des hommes de couleur, les articles écrits par des femmes ayant reçu le plus fort pourcentage de commentaires bloqués.

Figure 4-15 : Harcèlement en ligne des femmes journalistes

54 ARTICLE 19 et Association of Media Women in Kenya 2016. 55 Demos 2014. 56 Gardiner et al. 2016.

158 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Comme l’indique The Guardian, les abus se poursuivent souvent au-delà du site Web où leurs articles ont été publiés à l’origine57 . Les « trolls » sur Internet sont devenus un risque professionnel majeur sur les sites de réseaux sociaux, et il est souvent difficile de filtrer ou de retirer des contenus abusifs sur ces plates-formes, si bien que les journalistes restent exposés à une véritable « avalanche d’abus » provenant de sources anonymes sur de multiples plates-formes58 . Tant en quantité qu’en intensité des abus en ligne, les femmes journalistes ont été ciblées de façon disproportionnée59 . Les femmes tendent à recevoir davantage de menaces ou de commentaires à caractère sexuel, à la fois de la part de lecteurs que parfois de leurs confrères au sein de l’industrie des médias60 . Les menaces de viol ou de violence envers les journalistes ou leurs familles semblent toucher davantage les femmes professionnelles des médias. Selon les enquêtes de l’INSI et de l’IWMF citées plus haut, plus de 25 % des « actes d’intimidation verbaux, écrits et/ou physiques, y compris les menaces à la famille et aux amis » se sont produits en ligne61 .

Les abus sont si nombreux qu’ils réduisent les femmes journalistes au silence, certaines allant jusqu’à se retirer complètement des médias sociaux pour se protéger psychologiquement de l’ampleur du harcèlement62 . Interrogée par la BBC, la présentatrice de la télévision suédoise Jenny Alversjö, qui a reçu des menaces de mort alors qu’elle travaillait pour la chaîne TV4 Suède, convient que quelque chose a changé dans la façon dont les gens communiquent avec les journalistes. « Cela fait près de vingt ans que je suis journaliste et j’ai toujours eu à affronter l’opinion des autres », dit-elle, « [mais] depuis quatre ou cinq ans, quelque chose a changé et le ton est devenu beaucoup plus agressif et menaçant. »63 Cela s’observe en particulier à l’égard des femmes chargées d’informer sur des sujets qui, traditionnellement, sont surtout couverts par des hommes, comme le sport, les jeux, le crime ou la politique. L’ampleur des abus ciblant des femmes journalistes dans la sphère numérique a de graves répercussions sur la liberté d’expression et l’égalité de représentation des sexes dans les médias. La violence numérique visant les femmes journalistes est souvent de nature psychologique, tendance observée également dans la région Europe de l’Ouest et Amérique du Nord, comme l’attestent les menaces successives d’attentat à la bombe proférées via Twitter contre plusieurs femmes journalistes de premier plan64 . Suite à ces incidents, Twitter a annoncé la création d’un bouton permettant de signaler les abus.

Il est particulièrement difficile de s’attaquer à cette cyberviolence, et rares sont les cadres législatifs et politiques au niveau international ou national qui protègent les journalistes du harcèlement numérique65. Plusieurs parties prenantes ont réfléchi aux moyens de lutter contre cette tendance croissante sans pour autant entraver la liberté d’expression. L’OSCE a mis ses États membres en garde contre la rédaction de nouvelles lois destinées à empêcher les discours abusifs sur Internet, qui pourraient avoir un effet paralysant sur la libre expression66 . De vrais investissements doivent par contre être faits pour promouvoir des mesures sociales, juridiques et pratiques destinées à la fois à soutenir les journalistes victimes d’abus en ligne, en mettant l’accent sur les menaces spécifiques pesant sur les femmes journalistes, et à promouvoir la sécurité du Net.

Quelques initiatives ont été prises pour apporter un soutien plus systématique aux femmes journalistes. La Fédération internationale des journalistes et le réseau South Asia Media Solidarity Network a lancé la campagne Byte Back afin d’attirer l’attention sur le cyberharcèlement des femmes journalistes dans la région

57 Ibid. 62 West 2017. 58 Mason 2016. 63 Bell 2016. 59 Vogt 2017. 64 Sreberby 2014. 60 Nazar 2017. 65 International Women’s Media Foundation 2016. 61 Barton and Storm 2014. 66 Mijatović 2016.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 159 Tendances en matière de Sécurité des journalistes

Asie et Pacifique et de le combattre67 . L’OSCE a de son côté organisé une réunion d’experts intitulée « Les nouveaux défis de la liberté d’expression : en finir avec les abus en ligne contre les femmes journalistes », qui a produit une publication portant le même titre, dans laquelle des journalistes et des chercheurs exposent la réalité des abus en ligne contre les femmes journalistes et les moyens de les combattre68 . Actions entreprises pour améliorer la sécurité des journalistes

Afin de faire le point sur les progrès accomplis au cours des cinq premières années de mise en œuvre du Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité, qui s’achèvent en 2017, l’UNESCO a organisé une consultation multipartite à Genève (Suisse) en juin 2017. Les participants ont passé en revue les actions menées dans le cadre de ce Plan par le système des Nations Unies, l’UNESCO, les États membres, les milieux académiques et la société civile et ont soumis à l’examen des États membres et d’autres acteurs concernés 30 options concernant les actions qu’il convient d’entreprendre à l’avenir69, 70 .

Il s’agit, en particulier, de trouver les moyens de traduire efficacement le cadre normatif du Plan d’action des Nations Unies en politiques et en pratiques nationales capables d’améliorer concrètement la sécurité des journalistes sur le terrain.

Les options examinées consistaient notamment :

• Pour le système des Nations Unies, à prendre les mesures nécessaires par l’intermédiaire de l’UNESCO, en coopération avec le Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies (HCDH) et le point focal sur la sécurité des journalistes désigné par le Secrétaire général des Nations Unies, pour contribuer à une meilleure coordination et mise en œuvre du Plan des Nations Unies par les acteurs onusiens ; • pour les États membres, à fournir des rapports sur la sécurité et l’impunité et à envisager des mécanismes de prévention, de protection, de suivi et de poursuite en ce qui concerne les attaques contre les journalistes ; • pour les acteurs des médias, à inculquer une culture de la sécurité des journalistes plus affirmée et à mutualiser les efforts par une coopération sectorielle ; • pour les intermédiaires de l’Internet, à développer une collaboration plus cohérente et plus solide avec les parties prenantes du Plan des Nations Unies ; • pour les milieux académiques, à promouvoir une collaboration plus étroite et des initiatives de recherche conjointes ; • pour l’ensemble des parties prenantes, à poursuivre et accentuer les efforts de sensibilisation au Plan des Nations Unies et à faire usage d’une communication innovante et créative.

67 International Federation of Journalists 2017. 68 Mijatović 2016. 69 UNESCO 2017c. 70 La section ci-dessous s’inspire du texte du rapport préparé par l’UNESCO en prévision de la Consultation multipartite sur le renforcement de la mise en œuvre du Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité, qui s’est tenue le 29 juin 2017 à Genève.

160 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Encadré 4-3 : Maria Ressa, ou le refus de se taire face au cyberharcèlement

aria Ressa a plus de trente ans d’expérience du journalisme. Elle a été Mcorrespondante de guerre, a enquêté sur les réseaux terroristes et dirigé les bureaux de CNN à Manille et à Djakarta, ainsi que le service des actualités d’ABS-CBN, premier groupe d’information des Philippines. En 2012, elle a lancé Rappler, une plate-forme d’information en ligne qui combine normes et éthique professionnelles du journalisme et formes innovantes de participation du public.

Mais sa longue expérience du journalisme ne l’avait nullement préparée à affronter l’avalanche d’actes de cyberharcèlement qu’elle a subie après avoir enquêté sur le système de trolling politique en ligne organisé lors de la dernière campagne électorale.

« Plus jeune, j’ai travaillé dans des zones de conflit, mais, curieusement, j’ai trouvé plus facile d’être correspondante de guerre que d’affronter [les Photo credit: Maria Ressa agressions en ligne] (...) car quand les menaces se mettent à pleuvoir sur vous de façon exponentielle, et que vous n’arrivez pas à distinguer le vrai du faux, « Le plus (...) vous pouvez finir par plier. Le but est de vous faire taire. Mais j’ai réagi et j’ai éprouvant, c’est décidé qu’il n’était pas question de se laisser intimider. » que vous ignorez Depuis les élections présidentielles de 2016, Rappler s’est employé totalement à proactivement à lutter contre la propagande, la désinformation et les faux comptes de médias sociaux, ainsi que les trolls financés à des fins politiques. quel moment les Ce rôle de plate-forme médiatique d’investigation indépendante a fait du menaces en ligne personnel de Rappler la cible d’attaques partisanes et d’abus en ligne : vont se changer « J’ai reçu jusqu’à 90 messages de haine à l’heure... Ils étaient si nombreux qu’au début je me suis dit, “bon sang, mais ils ont peut-être raison !”, et j’ai en menaces commencé à vérifier certaines allégations. Puis j’ai compris qu’en réalité, ils physiques. » ne cherchaient pas à démonter mes articles, mais bien à s’en prendre à moi : il s’agissait d’attaques personnelles ! Des attaques destinées à m’intimider, à - Maria Ressa, me faire douter de moi-même ! Il m’a fallu deux semaines pour reprendre mes journaliste et esprits et comprendre que ce qu’ils voulaient, c’était que je laisse tomber. Et là, fondatrice de je me suis dit : « Pas question de nous arrêter. Parce que c’est le signe que nous sommes sur la bonne voie ». Rappler, Philippines Maria Ressa n’est pas la seule à avoir vécu pareille expérience. Tout journaliste qui révèle une vérité dérangeante s’expose souvent à une vague de harcèlement coordonné. Les femmes journalistes, en particulier, sont souvent les premières victimes d’abus. Sous la houlette de Maria Ressa, Rappler a pris les devants et renforcé la sécurité de ses journalistes, leur apportant un soutien psychologique professionnel pour les aider à tenir tête à ces attaques croissantes.

Voir plus : Posetti. 2017b

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 161 Tendances en matière de Sécurité des journalistes

La nécessité d’apporter une réponse efficace aux menaces croissantes, notamment en matière de cyberharcèlement des femmes journalistes et de sécurité numérique, a également été soulignée.

Nations Unies d 2015 (/69/268 La sécurité des journalistes et leur rôle dans la promotion de sociétés inclusives et durables ont également été reconnus par le Programme de développement durable à l’horizon 2030, et en particulier l’ODD 16, qui vise à promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes à tous aux fins du développement durable, à assurer l’accès de tous à la justice et à mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces et ouvertes à tous. La cible 16.10 vise à garantir l’accès du public à l’information, ce que l’un des deux indicateurs correspondants, l’indicateur 16.10.1, mesure au nombre des actes de violence (meurtres, enlèvements, disparitions forcées, détentions arbitraires et actes de torture) dont ont été victimes des journalistes, des personnes travaillant dans les médias, des défenseurs des droits de l’homme et des syndicalistes au cours d’une période de 12 mois. L’UNESCO a joué, en collaboration avec le HCHR et le GMFD, un rôle crucial de plaidoyer pour l’inclusion de l’indicateur 16.10.1 et de mise au point de la méthodologie associée.

Au cours des cinq dernières années, l’Assemblée générale des Nations Unies, le Conseil de sécurité des Nations Unies, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (UNHCR) et l’UNESCO ont tous adopté des résolutions condamnant expressément les attaques et la violence à l’encontre les journalistes et l’impunité qui prévaut à cet égard. (voir Figure 4-16, 4-17)

En décembre 2015, la Résolution A/70/125 de l’Assemblée générale a reconnu que de graves menaces

71 Assemblée générale de l’ONU 2015a

162 163 Tendances en matière de sécurité des journalistes

pesaient sur la liberté d’expression dans le contexte de l’examen des progrès accomplis depuis le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) de 2005. La Résolution appelle à la protection des journalistes et des travailleurs des médias71 .

Outre les indicateurs des ODD, l’UNESCO continue de surveiller les assassinats de journalistes et l’état d’avancement des enquêtes par le biais du Rapport biennal du Directeur général sur la sécurité des journalistes et le danger d’impunité (Rapport DG) au Conseil intergouvernemental du PIDC. En novembre 2016, le rapport de la DG a fourni une analyse complète de l’assassinat de journalistes, de travailleurs des médias et de médias sociaux pendant la période de dix ans entre 2006 et 2015, ainsi que des assassinats de 2014 et 201572 .

En février 2017, le Secrétaire général des Nations Unies António Guterres a créé un canal de communication dédié à la sécurité des journalistes, qui assure aux groupes de la société civile une communication directe et permanente avec l’ONU sur cette question. Cette décision faisait suite aux demandes de RSF, du CPJ et du WAN-IFRA, via la campagne #ProtectJournalists, en faveur de la création d’un poste de représentant spécial du Secrétaire général sur la sécurité des journalistes. Le Secrétaire général des Nations Unies a également produit des rapports sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité en 2014 et en 2015 (A/69/268 et A/HRC/30/68 respectivement).

États membres

Action conjointe

Une des principales avancées de ces cinq dernières années a été la création, par les États membres, d’un « Groupe d’amis sur la sécurité des journalistes » à caractère informel au Siège des Nations Unis à New York, à l’Office des Nations Unies à Genève et au Siège de l’UNESCO à Paris73 . Le rôle de ces groupes d’amis est de réunir les États partageant le même engagement de renforcer le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité ainsi que sa mise en œuvre au niveau national.

Le niveau régional a été un espace non négligeable d’action conjointe des États. Des efforts importants ont été déployés dans le cadre de la coopération intergouvernementale au niveau européen pour promouvoir et garantir la sécurité des journalistes. En mai 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté des Orientations de l’UE relatives à la liberté d’expression en ligne et hors ligne, stipulant que l’UE « prendra toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection des journalistes, que ce soit par la prévention ou en insistant pour que de réelles enquêtes soient menées lorsque des violations sont commises » (p. 6).

Le Conseil de l’Europe a été particulièrement actif pour ce qui est de reconnaître l’importance de la sécurité

72 UNESCO Director-General 2016. 73 En juin 2017 : Le Groupe d’amis sur la sécurité des journalistes basé aux Nations Unies à New York comprenait les pays suivants : Argentine, Autriche, Brésil, Bulgarie, Chili, Costa Rica, États-Unis d’Amérique, France, Grèce, Jordanie, Lettonie, Liban, Lituanie, République de Corée, Suède, Tunisie et Uruguay.

Le Groupe d’amis basé au siège de l’UNESCO à Paris comprenait les pays suivants : Albanie, Argentine, Australie, Autriche, Brésil, Canada, Danemark, États-Unis d’Amérique, Finlande, France, Ghana, Grèce, Japon, Kenya, Koweït, Lettonie, Liban, Lituanie, Luxembourg, Maroc, Nigéria, Pakistan, Paraguay, Pays-Bas, Pologne, République de Corée, Sénégal, Slovénie, Suède et Tunisie.

La liste des pays membres du Groupe d’amis basé aux Nations Unies à Genève est en cours de finalisation.

164 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 des journalistes et de surveiller les violations au sein des États membres. En avril 2014, son Comité des ministres a adopté une résolution sur la protection du journalisme et la sécurité des journalistes et autres acteurs des médias, qui appelle à des efforts internationaux concertés et a conduit à la création d’une plate- forme de suivi en ligne des atteintes à la liberté d’expression. Puis, en 2016, une série de lignes directrices ont été adoptées, appelant instamment les États membres à réviser leur législation nationale en matière de liberté des médias et leur indiquant précisément les mesures à prendre pour prévenir les atteintes et protéger les journalistes74 . En 2015, le Conseil de l’Europe a lancé une plate-forme destinée à promouvoir la protection du journalisme et la sécurité des journalistes, qui surveille les menaces pesant sur la liberté des médias et la sécurité des journalistes et offre un mécanisme d’alerte précoce et de réponse rapide dans ce domaine dans les 47 États membres. En tant qu’outil de suivi de la liberté d’expression, cette plate-forme offre aussi un modèle pouvant être reproduit dans d’autres régions ou au niveau mondial.

L’Organisation des États américains (OEA) a joué un rôle proactif en matière de promotion de la sécurité des journalistes. En juin 2017, l’Assemblée générale de l’OEA a adopté la résolution R86/17, qui demande instamment aux États de « prendre toutes les mesures requises en matière de prévention, de protection, d’investigation et de sanction, et [de] mettre en œuvre des stratégies pour mettre fin à l’impunité des crimes perpétrés contre les journalistes et diffuser les bonnes pratiques 75» .

Le Représentant de l’OSCE pour la liberté des médias exerce une fonction d’alerte précoce et veille à réagir rapidement à toute violation concernant la liberté des médias et la liberté d’expression. Il entretient des contacts directs avec les autorités, les médias, les représentants de la société civile et autres parties prenantes, et présente deux fois par an ses observations et recommandations aux États membres de l’OSCE. Dans la même veine, le Rapporteur spécial pour la liberté d’expression de l’OEA et la Rapporteure spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique de l’ACHPR poursuivent d’importants travaux dans la ligne du Plan des Nations Unies.

On manque d’informations sur l’existence, dans la région arabe et la région Asie et Pacifique, d’organisations intergouvernementales capables d’aborder les questions de la sécurité et de l’impunité.

Le Secrétaire général du Commonwealth of Nations s’est engagé à soutenir le Plan d’action des Nations Unies, en s’employant à promouvoir la sécurité des journalistes ainsi que les mécanismes institutionnels de défense de la liberté d’expression au sein de ses États membres dans les différentes régions76 .

Action individuelle des États membres

Plusieurs États membres ont accompli individuellement des progrès significatifs en ce qui concerne la mise en place et le maintien d’un environnement plus sûr pour les journalistes. En réponse au Plan d’action des Nations Unies, certains États ont indiqué qu’ils mettaient en œuvre une nouvelle législation et des mécanismes institutionnels destinés à renforcer la sécurité des journalistes77 . D’autres États ont nommé des fonctionnaires chargés de collecter et de diffuser des informations sur les questions de sécurité et d’impunité, notamment dans le but de répondre à la demande annuelle d’information concernant le suivi judiciaire des meurtres de

74 Conseil de l’Europe 2016. 75 Assemblée générale de l’Organisation des États américains 2017, vol. AG/doc.5580/17. 76 UNESCO 2017a.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 165 Tendances en matière de sécurité des journalistes

journalistes de l’UNESCO78 . Les mécanismes nationaux de prévention, de protection et de poursuite pénale en ce qui concerne la sécurité des journalistes, dont l’exemple le plus connu est celui de la Colombie, peuvent être considérés comme une bonne pratique, potentiellement adaptable dans d’autres pays et contextes.

Plusieurs États membres prennent aussi de plus en plus conscience du rôle joué par la justice pour assurer la sécurité des journalistes. Les États membres de l’ensemble de l’Amérique latine ont travaillé en étroite coopération afin de former les juges et les personnels judiciaires sur la compréhension des principaux problèmes liés à la liberté d’expression, à la sécurité des journalistes et à la question de l’impunité, et plus de 5 500 fonctionnaires de justice ont été formés grâce à une série de cours en ligne ouverts à tous (MOOC) spécialement conçus par l’UNESCO. Au terme d’une analyse de la jurisprudence dans 10 États d’Amérique latine et des Caraïbes et d’Amérique du Nord, le Rapporteur spécial pour la liberté d’expression de la Commission interaméricaine des droits de l’homme a constaté que d’importants progrès ont été accomplis en matière réglementaire dans l’ensemble de la région. Les cours suprêmes de ces 10 États membres ont enrichi et élaboré une nouvelle jurisprudence en matière de liberté d’expression, comme préconisé par la Commission interaméricaine des droits de l’homme79 .

Forte des enseignements tirés en Amérique latine, l’UNESCO a lancé à l’automne 2017 en Afrique un programme de formation similaire sur la liberté d’expression et la sécurité des journalistes, en partenariat avec la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples et la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Ce projet, conduit par l’UNESCO et l’Université de Pretoria, associe des MOOC destinés aux juges et à d’autres professionnels du droit à une série de cours en présentiel conçus pour les juges des cours suprêmes de la région Afrique.

Dans plus d’une douzaine de pays situés dans les États arabes et les régions Afrique et Amérique latine, l’UNESCO et ses partenaires ont travaillé en collaboration avec les États membres pour former les forces de sécurité à contribuer à la protection des journalistes. Ces formations ont ouvert un dialogue entre les journalistes et les forces de sécurité, apaisé les tensions et conduit à une réduction des actes de violence à l’encontre les journalistes.

Milieux académiques, société civile et médias

Les milieux académiques restent un espace de collaboration et de recherche de pointe sur la question de la sécurité des journalistes. L’UNESCO s’est employé activement à encourager la collaboration et les échanges entre chercheurs en élaborant un programme de recherche sur la sécurité des journalistes. Lors d’une conférence qui s’est tenue en 2016 en Finlande, à l’occasion de la commémoration internationale de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le Centre pour la liberté des médias (CFOM) de l’Université de Sheffield, a lancé, avec le soutien de l’UNESCO, un Réseau de recherches sur la sécurité des journalistes (JSRN). Le JSRN contribue à faire progresser la coopération académique sur la sécurité des journalistes en renforçant les capacités de recherche, la collaboration et le partage de connaissances au sein de la communauté des chercheurs.

En 2014, l’Université Columbia a lancé le projet Columbia Global Freedom of Expression, qui réunit des experts et des activistes internationaux ainsi que les enseignants et les étudiants de l’université, en vue

77 Mendel 2016. 78 UNESCO 2017b. 79 Lanza 2016b.

166 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 d’« étudier, documenter et renforcer la libre expression ». Ce projet met notamment à disposition une base de données en matière de jurisprudence, également accessible en espagnol grâce à une collaboration avec le Bureau de l’UNESCO à Montevideo et à Dejusticia80 .

Les groupes de la société civile ont continué d’être aux avant-postes des efforts de surveillance, de documentation et de sensibilisation, et ont mené plusieurs campagnes qui ont accru la prise de conscience de l’importance de la sécurité des journalistes et plaidé en faveur d’une amélioration de la législation à cet égard. Les groupes de la société civile se sont servis du cadre offert par le Plan d’action des Nations Unies pour impliquer davantage le secteur des médias, renforcer la coordination et la collaboration dans leurs rangs et identifier les bonnes pratiques.

Les groupes de la société civile se sont aussi employés collectivement à rehausser l’importance accordée à la sécurité des journalistes dans plusieurs organismes des Nations Unies, du UNHCR au Conseil de sécurité. Un exemple en est le succès de la campagne #ProtectJournalists, évoqué plus haut. Les organisations de la société civile ont aussi participé activement au renforcement des capacités des parties prenantes, en ce qui concerne en particulier la question de la sécurité des journalistes. Certains groupes ont contribué à promouvoir la nécessité de disposer d’un curriculum de formation plus global, intégrant les dimensions numériques et psychologiques de la sécurité, et d’accroître également la prise de conscience, les connaissances et les ressources des journalistes sur la question de la sécurité numérique et sur les mesures à prendre pour renforcer leur propre sécurité.

En 2015, l’International Press Institute, l’Al Jazeera Media Network, le Geneva Global Media Centre et le Club suisse de la presse ont présenté un document intitulé « International Declaration and Best Practices on the Promotion of Journalists Safety » (Déclaration internationale et bonnes pratiques concernant la promotion de la sécurité des journalistes). Ce dernier vise à renforcer et promouvoir les obligations et mécanismes internationaux existants en matière de sécurité des journalistes et à contribuer à protéger leurs droits81 . La même année, les organisations des médias d’information se sont associées à plusieurs ONG engagées dans la défense de la liberté de la presse et des journalistes pour promouvoir une culture de la sécurité, à travers l’initiative A Culture of Safety (ACOS) Alliance. Ses Principes de sécurité pour le journalisme freelance, série de conseils destinés aux journalistes envoyés en mission dangereuse et à leurs employeurs, ont été approuvés par 90 organisations dans le monde. En outre, un réseau de responsables de la sécurité dans les entreprises médiatiques s’est développé après la réunion qui s’est tenue à l’UNESCO en février 2016 sur le thème : « Les médias se mobilisent pour la sécurité des journalistes ». .

80 Columbia Global Freedom of Expression n.d. 81 Institut international de la presse 2015.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 167 Tendances en matière de sécurité des journalistes

Figure 4-16 : Résolutions de l’ONU sur la sécurité des journalistes adoptées depuis 2012

Résolution de l'Assemblée générale des Résolution 33/2 du Conseil des droits de Nations Unies 70/162 sur la sécurité des 2016 l'homme des Nations Unies sur la Résolution 21/12 du Conseil des droits journalistes et la question de l'impunité sécurité des journalistes 2012 de l'Homme des Nations Unies sur la (A/RES/70/162) (A/HRC/RES/33/2) sécurité des journalistes Cette résolution appelle les États à mettre en œuvre plus Cette résolution appelle les États à veiller à ce que les (A/HRC/RES/21/12) e cacement le cadre juridique applicable à la protection mesures de lutte contre le terrorisme et de Cette résolution appelle les États à promouvoir un des journalistes et des professionnels des médias a†n de préservation de la sécurité nationale ou de l'ordre environnement sûr et favorable pour les lutter contre l'impunité qui prévaut dans les cas d'attaques public n'entravent pas arbitrairement ou indûment le journalistes et invite à poursuivre la coopération et de violences contre les journalistes. Elle souligne travail et la sécurité des journalistes. Elle appelle autour du Plan d'action des Nations Unies sur la également la nécessité d'améliorer la coopération et la également les États à protéger en droit et en pratique sécurité des journalistes et la question de coordination aux niveaux international et régional, la con†dentialité des sources des journalistes. La l'impunité élaboré par l'UNESCO et approuvé par le notamment par l'assistance technique et le renforcement Résolution souligne qu'à l'ère numérique, les outils Conseil des chefs de secrétariat des Nations Unies. des capacités, en vue de contribuer à améliorer la sécurité de cryptage et d'anonymat sont devenus La résolution invite en outre les États membres à des journalistes aux niveaux national et local. indispensables pour que de nombreux journalistes envisager un certain nombre d'actions, telles que exercent librement leur travail, et elle appelle les l'introduction de mesures législatives, le suivi et la Résolution 2222 du Conseil de sécurité des États à ne pas interférer dans l'utilisation de ces dénonciation de la violence à l'encontre des Nations Unies (S/Res/2222) technologies. journalistes et la condamnation publique de telles Cette résolution exhorte toutes les parties impliquées attaques. La résolution appelle également les États e 39e résolution de la Conférence dans un conƒit armé à respecter l'indépendance 201 session du Conseil exécutif de à garantir la responsabilisation en menant des professionnelle et les droits des journalistes et des l'UNESCO sur la sécurité des générale de l'UNESCO sur le enquêtes impartiales, rapides et e­caces et à 2017 professionnels des médias et à prendre les mesures renforcement du rôle de chef de ‡le de traduire les responsables en justice. journalistes et la question de l'impunité appropriées pour garantir la responsabilité des crimes (201 EX/SR.10) l'UNESCO dans la mise en œuvre du commis contre des journalistes travaillant dans ces Plan d'action des Nations Unies sur la Résolution de l'Assemblée générale des situations. La résolution a rme également que les Dans la présente décision, le Conseil exécutif de 2013 Nations Unies 68/163 sur la sécurité des opérations de maintien de la paix de l'ONU devraient l'UNESCO exprime son engagement en faveur de la sécurité des journalistes et la question journalistes et la question de l'impunité signaler les actes de violence spéci†ques commis contre sécurité des journalistes et des professionnels des de l'impunité (39 C/61) (A/RES/68/163) des journalistes en situation de conƒit armé. médias. Il reconnaît les risques spéci†ques auxquels Cette résolution se félicite des e”orts de l'UNESCO sont confrontées les femmes journalistes et en vue de la formalisation d'un système de Cette résolution condamne sans équivoque toutes 196e session du Conseil Exécutif de encourage les États membres à développer des coordonnateurs pour la sécurité des journalistes au les attaques et violences contre les journalistes. Elle l'UNESCO sur la sécurité des journalistes et initiatives nationales de prévention, de protection sein des entités compétentes des Nations Unies. exhorte les États membres à faire tout leur possible et de poursuites. Il demande instamment aux États Elle encourage également les États membres à pour prévenir la violence contre les journalistes et la question de l'impunité (196 EX/31) membres de continuer à fournir des réponses renforcer la mise en œuvre volontaire du Plan les professionnels des médias, à garantir la Cette décision encourage vivement les États membres à volontaires concernant les enquêtes judiciaires sur d'action des Nations Unies au niveau national et responsabilisation par la conduite d'enquêtes fournir activement à l'UNESCO, sur une base volontaire, l'assassinat de journalistes et d'élaborer des invite le Directeur général de l'UNESCO à renforcer impartiales, rapides et e­caces et à traduire en des informations liées aux enquêtes judiciaires sur les mécanismes de suivi e caces à cette †n. les actions visant à contrer les menaces à la sécurité des femmes journalistes en ligne et hors ligne justice les auteurs de tels crimes. La résolution assassinats de journalistes. Elle requiert également du e proclame également le 2 novembre comme Directeur général de l'UNESCO de faire un rapport sur la 202 session du Conseil exécutif de Journée internationale de la „n de l'impunité pour mise en œuvre du Plan d'action des Nations Unies sur la l'UNESCO sur le rapport intérimaire sur Résolution de l'Assemblée générale des les crimes contre les journalistes. sécurité des journalistes et la question de l'impunité. la sécurité des journalistes et la Nations Unies 75/175 sur la sécurité des Cela comprend le renforcement de la coopération et le question de l'impunité (202 EX/50) journalistes et la question de l'impunité Résolution 27/5 du Conseil des droits partage d'information avec les organisations 2014 de l'homme des Nations Unies sur la professionnelles, les groupes de la société civile et Cette décision prend note avec intérêt d'un rapport (A/RES/72/175 ) d'avancement du Secrétariat de l'UNESCO sur le sécurité des journalistes d'autres acteurs, en facilitant le renforcement des Cette résolution condamne sans équivoque toutes capacités dans les États membres et en développant les travail sur la sécurité des journalistes et la question les attaques et violences contre les journalistes et (A/HRC/RES/27/5) «indicateurs sensibles au genre pour les medias» et les de l'impunité et de la Consultation multipartite sur les professionnels des médias. Elle condamne Cette résolution s'appuie sur la résolution de 2012 «indicateurs de sécurité des journalistes». le renforcement de la mise en œuvre du Plan également les attaques spéci†ques contre des d'action des Nations Unies. Elle exige du Directeur femmes journalistes dans l'exercice de leur du Conseil des droits de l'homme et la renforce en Résolution 69/185 de l'Assemblée exhortant les États membres à traduire en justice général de poursuivre ses travaux en vue de la mise fonction, y compris la discrimination et la violence sexuelle et basée sur le genre, l'intimidation et le les auteurs de violences contre les journalistes, y 2015 générale des Nations Unies sur la sécurité en œuvre de l'objectif de développement durable 16.10 et du suivi des indicateurs 16.10.1 et 16.10.2. harcèlement, en ligne et hors ligne. La Résolution compris ceux qui ordonnent, conspirent à des journalistes et la question de appelle les États à mettre en œuvre plus commettre, aident et encouragent ces crimes, et à l'impunité (A/RES/69/185) La décision encourage les États membres à renforcer leurs e”orts pour assurer la mise en e cacement le cadre juridique applicable à la veiller à ce que les victimes et leurs familles aient protection des journalistes et des professionnels Cette résolution condamne sans équivoque toutes les œuvre volontaire du plan d'action des Nations accès aux recours appropriés. La résolution appelle des médias a†n de lutter contre l'impunité. Elle attaques et les violences contre les journalistes et les États à mettre en œuvre un certain nombre de unies au niveau national et exhorte les États reconnaît également la décision du Secrétaire stratégies pour lutter contre l'impunité, telles que la condamne fermement l'impunité qui prévaut pour de membres à fournir des informations sur les général de mobiliser un réseau de coordonnateurs création d'unités spéciales d'enquête ou de telles attaques. Elle exhorte les États à faire tout leur enquêtes judiciaires relatives aux assassinats de dans l'ensemble du système des Nations Unies pour commissions indépendantes, la nomination de possible pour prévenir la violence, les menaces et les journalistes. Elle demande également au Directeur intensi†er les e”orts visant à renforcer la sécurité procureurs spéciaux et l'adoption de protocoles et attaques contre les journalistes et les professionnels des général de renforcer les activités visant à lutter des journalistes et des professionnels des médias. de méthodes d'enquête spéci†ques. médias, à mener des enquêtes impartiales, rapides, contre les menaces spéci†ques à la sécurité des approfondies, indépendantes et e­caces sur toutes les femmes journalistes. violences présumées. La résolution appelle les Etats à créer et faire respecter dans le droit et en pratique un environnement favorable aux journalistes.

168 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Résolution de l'Assemblée générale des Résolution 33/2 du Conseil des droits de Nations Unies 70/162 sur la sécurité des 2016 l'homme des Nations Unies sur la Résolution 21/12 du Conseil des droits journalistes et la question de l'impunité sécurité des journalistes 2012 de l'Homme des Nations Unies sur la (A/RES/70/162) (A/HRC/RES/33/2) sécurité des journalistes Cette résolution appelle les États à mettre en œuvre plus Cette résolution appelle les États à veiller à ce que les (A/HRC/RES/21/12) e cacement le cadre juridique applicable à la protection mesures de lutte contre le terrorisme et de Cette résolution appelle les États à promouvoir un des journalistes et des professionnels des médias a†n de préservation de la sécurité nationale ou de l'ordre environnement sûr et favorable pour les lutter contre l'impunité qui prévaut dans les cas d'attaques public n'entravent pas arbitrairement ou indûment le journalistes et invite à poursuivre la coopération et de violences contre les journalistes. Elle souligne travail et la sécurité des journalistes. Elle appelle autour du Plan d'action des Nations Unies sur la également la nécessité d'améliorer la coopération et la également les États à protéger en droit et en pratique sécurité des journalistes et la question de coordination aux niveaux international et régional, la con†dentialité des sources des journalistes. La l'impunité élaboré par l'UNESCO et approuvé par le notamment par l'assistance technique et le renforcement Résolution souligne qu'à l'ère numérique, les outils Conseil des chefs de secrétariat des Nations Unies. des capacités, en vue de contribuer à améliorer la sécurité de cryptage et d'anonymat sont devenus La résolution invite en outre les États membres à des journalistes aux niveaux national et local. indispensables pour que de nombreux journalistes envisager un certain nombre d'actions, telles que exercent librement leur travail, et elle appelle les l'introduction de mesures législatives, le suivi et la Résolution 2222 du Conseil de sécurité des États à ne pas interférer dans l'utilisation de ces dénonciation de la violence à l'encontre des Nations Unies (S/Res/2222) technologies. journalistes et la condamnation publique de telles Cette résolution exhorte toutes les parties impliquées attaques. La résolution appelle également les États e 39e résolution de la Conférence dans un conƒit armé à respecter l'indépendance 201 session du Conseil exécutif de à garantir la responsabilisation en menant des professionnelle et les droits des journalistes et des l'UNESCO sur la sécurité des générale de l'UNESCO sur le enquêtes impartiales, rapides et e­caces et à 2017 professionnels des médias et à prendre les mesures renforcement du rôle de chef de ‡le de traduire les responsables en justice. journalistes et la question de l'impunité appropriées pour garantir la responsabilité des crimes (201 EX/SR.10) l'UNESCO dans la mise en œuvre du commis contre des journalistes travaillant dans ces Plan d'action des Nations Unies sur la Résolution de l'Assemblée générale des situations. La résolution a rme également que les Dans la présente décision, le Conseil exécutif de 2013 Nations Unies 68/163 sur la sécurité des opérations de maintien de la paix de l'ONU devraient l'UNESCO exprime son engagement en faveur de la sécurité des journalistes et la question journalistes et la question de l'impunité signaler les actes de violence spéci†ques commis contre sécurité des journalistes et des professionnels des de l'impunité (39 C/61) (A/RES/68/163) des journalistes en situation de conƒit armé. médias. Il reconnaît les risques spéci†ques auxquels Cette résolution se félicite des e”orts de l'UNESCO sont confrontées les femmes journalistes et en vue de la formalisation d'un système de Cette résolution condamne sans équivoque toutes 196e session du Conseil Exécutif de encourage les États membres à développer des coordonnateurs pour la sécurité des journalistes au les attaques et violences contre les journalistes. Elle l'UNESCO sur la sécurité des journalistes et initiatives nationales de prévention, de protection sein des entités compétentes des Nations Unies. exhorte les États membres à faire tout leur possible et de poursuites. Il demande instamment aux États Elle encourage également les États membres à pour prévenir la violence contre les journalistes et la question de l'impunité (196 EX/31) membres de continuer à fournir des réponses renforcer la mise en œuvre volontaire du Plan les professionnels des médias, à garantir la Cette décision encourage vivement les États membres à volontaires concernant les enquêtes judiciaires sur d'action des Nations Unies au niveau national et responsabilisation par la conduite d'enquêtes fournir activement à l'UNESCO, sur une base volontaire, l'assassinat de journalistes et d'élaborer des invite le Directeur général de l'UNESCO à renforcer impartiales, rapides et e­caces et à traduire en des informations liées aux enquêtes judiciaires sur les mécanismes de suivi e caces à cette †n. les actions visant à contrer les menaces à la sécurité des femmes journalistes en ligne et hors ligne justice les auteurs de tels crimes. La résolution assassinats de journalistes. Elle requiert également du e proclame également le 2 novembre comme Directeur général de l'UNESCO de faire un rapport sur la 202 session du Conseil exécutif de Journée internationale de la „n de l'impunité pour mise en œuvre du Plan d'action des Nations Unies sur la l'UNESCO sur le rapport intérimaire sur Résolution de l'Assemblée générale des les crimes contre les journalistes. sécurité des journalistes et la question de l'impunité. la sécurité des journalistes et la Nations Unies 75/175 sur la sécurité des Cela comprend le renforcement de la coopération et le question de l'impunité (202 EX/50) journalistes et la question de l'impunité Résolution 27/5 du Conseil des droits partage d'information avec les organisations 2014 de l'homme des Nations Unies sur la professionnelles, les groupes de la société civile et Cette décision prend note avec intérêt d'un rapport (A/RES/72/175 ) d'avancement du Secrétariat de l'UNESCO sur le sécurité des journalistes d'autres acteurs, en facilitant le renforcement des Cette résolution condamne sans équivoque toutes capacités dans les États membres et en développant les travail sur la sécurité des journalistes et la question les attaques et violences contre les journalistes et (A/HRC/RES/27/5) «indicateurs sensibles au genre pour les medias» et les de l'impunité et de la Consultation multipartite sur les professionnels des médias. Elle condamne Cette résolution s'appuie sur la résolution de 2012 «indicateurs de sécurité des journalistes». le renforcement de la mise en œuvre du Plan également les attaques spéci†ques contre des d'action des Nations Unies. Elle exige du Directeur femmes journalistes dans l'exercice de leur du Conseil des droits de l'homme et la renforce en Résolution 69/185 de l'Assemblée exhortant les États membres à traduire en justice général de poursuivre ses travaux en vue de la mise fonction, y compris la discrimination et la violence sexuelle et basée sur le genre, l'intimidation et le les auteurs de violences contre les journalistes, y 2015 générale des Nations Unies sur la sécurité en œuvre de l'objectif de développement durable 16.10 et du suivi des indicateurs 16.10.1 et 16.10.2. harcèlement, en ligne et hors ligne. La Résolution compris ceux qui ordonnent, conspirent à des journalistes et la question de appelle les États à mettre en œuvre plus commettre, aident et encouragent ces crimes, et à l'impunité (A/RES/69/185) La décision encourage les États membres à renforcer leurs e”orts pour assurer la mise en e cacement le cadre juridique applicable à la veiller à ce que les victimes et leurs familles aient protection des journalistes et des professionnels Cette résolution condamne sans équivoque toutes les œuvre volontaire du plan d'action des Nations accès aux recours appropriés. La résolution appelle des médias a†n de lutter contre l'impunité. Elle attaques et les violences contre les journalistes et les États à mettre en œuvre un certain nombre de unies au niveau national et exhorte les États reconnaît également la décision du Secrétaire stratégies pour lutter contre l'impunité, telles que la condamne fermement l'impunité qui prévaut pour de membres à fournir des informations sur les général de mobiliser un réseau de coordonnateurs création d'unités spéciales d'enquête ou de telles attaques. Elle exhorte les États à faire tout leur enquêtes judiciaires relatives aux assassinats de dans l'ensemble du système des Nations Unies pour commissions indépendantes, la nomination de possible pour prévenir la violence, les menaces et les journalistes. Elle demande également au Directeur intensi†er les e”orts visant à renforcer la sécurité procureurs spéciaux et l'adoption de protocoles et attaques contre les journalistes et les professionnels des général de renforcer les activités visant à lutter des journalistes et des professionnels des médias. de méthodes d'enquête spéci†ques. médias, à mener des enquêtes impartiales, rapides, contre les menaces spéci†ques à la sécurité des approfondies, indépendantes et e­caces sur toutes les femmes journalistes. violences présumées. La résolution appelle les Etats à créer et faire respecter dans le droit et en pratique un environnement favorable aux journalistes.

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 169 Tendances en matière de sécurité des journalistes

Figure 4-17 : États membres parrainant les résolutions de l’ONU sur la sécurité des journalistes depuis 2012 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2012 2013 2014 2015 2016 2017 CDH AGNU CDH AGNU UNESCO UNSC AGNU CDH UNESCO UNESCOAGNU UNHRC UNGA UNHRC UNGA UNESCO UNSC UNGA UNHRC UNESCO UNESCO UNGA 12345 67891011 123 4567891011 Albanie Lesotho Algérie Libéria Andorre Libye Angola Liechtenstein Antigua et Barbuda Lituanie Argentine Luxembourg Arménie Malawi Australie Malaisie Autriche Maldives Azerbaïdjan Mali Belgique Malte Belize Mexique Bénin Monaco Bosnie Herzégovine Mongolie Botswana Monténégro Brésil Maroc Bulgarie Pays-Bas Burkina Faso Nouvelle-Zélande Canada Niger Cap Vert Nigeria République centrafricaine Norvège Chili Palau Colombie Palestine Costa Rica Panama Côte d'Ivoire Paraguay Croatie Pérou Chypre Pologne République tchèque Portugal Danemark Qatar République dominicaine République de Corée Egypte République de Moldavie El Salvador Roumanie Estonie Saint-Christophe-et-Niévès Finlande Saint-Marin France Sénégal Géorgie Serbie Allemagne Slovaquie Ghana Slovénie Grèce Somalie Guatemala Espagne Guinée Sri Lanka Guinée-Bissau Suède Haïti Suisse Honduras Ex-République Hongrie yougoslave de Macédonie Islande Tchad Irlande Timor-Leste Israël Trinité-et-Tobago Italie Tunisie Japon Turquie Jordanie Ukraine Kenya Royaume-Uni de Grande-Bretagne et Kiribati d’Irlande du Nord Lettonie États-Unis d'Amérique Liban Uruguay Vanuatu Yémen

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 RÉSOLUTION 21/12 DU RÉSOLUTION 68/163 DE RÉSOLUTION 27/5 DU RÉSOLUTION 69/185 DE DÉCISION 196 EX/31 DU RÉSOLUTION 2222 DU RÉSOLUTION 70/162 DE RÉSOLUTION 33/2 DU DÉCISION 201 EX/SR.10 DU DÉCISION 202 EX/50 DU RÉSOLUTION 72/175 DE CONSEIL DES DROITS DE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES CONSEIL DES DROITS DE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES CONSEIL EXÉCUTIF DE CONSEIL DE SÉCURITÉ DES L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES CONSEIL DES DROITS DE CONSEIL EXÉCUTIF DE CONSEIL EXÉCUTIF DE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES L'HOMME DES NATIONS NATIONS UNIES SUR LA L'HOMME DES NATIONS NATIONS UNIES SUR LA L'UNESCO SUR LA SÉCURITÉ NATIONS UNIES NATIONS UNIES SUR LA L'HOMME DES NATIONS L'UNESCO SUR LA SÉCURITÉ L'UNESCO SUR LE RAPPORT NATIONS UNIES SUR LA UNIES SUR LA SÉCURITÉ DES SÉCURITÉ DES JOURNALISTES UNIES SUR LA SÉCURITÉ DES SÉCURITÉ DES JOURNALISTES DES JOURNALISTES ET LA SÉCURITÉ DES JOURNALISTES UNIES SUR LA SÉCURITÉ DES DES JOURNALISTES ET LA INTÉRIMAIRE SUR LA SÉCURITÉ DES JOURNALISTES JOURNALISTES ET LA QUESTION DE JOURNALISTES ET LA QUESTION DE QUESTION DE L'IMPUNITÉ ET LA QUESTION DE JOURNALISTES QUESTION DE L'IMPUNITÉ SÉCURITÉ DES JOURNALISTES ET LA QUESTION DE L'IMPUNITÉ L'IMPUNITÉ L'IMPUNITÉ ET LA QUESTION DE L'IMPUNITÉ L'IMPUNITÉ

170 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2012 2013 2014 2015 2016 2017 CDH AGNU CDH AGNU UNESCO UNSC AGNU CDH UNESCO UNESCOAGNU UNHRC UNGA UNHRC UNGA UNESCO UNSC UNGA UNHRC UNESCO UNESCO UNGA 12345 67891011 123 4567891011 Albanie Lesotho Algérie Libéria Andorre Libye Angola Liechtenstein Antigua et Barbuda Lituanie Argentine Luxembourg Arménie Malawi Australie Malaisie Autriche Maldives Azerbaïdjan Mali Belgique Malte Belize Mexique Bénin Monaco Bosnie Herzégovine Mongolie Botswana Monténégro Brésil Maroc Bulgarie Pays-Bas Burkina Faso Nouvelle-Zélande Canada Niger Cap Vert Nigeria République centrafricaine Norvège Chili Palau Colombie Palestine Costa Rica Panama Côte d'Ivoire Paraguay Croatie Pérou Chypre Pologne République tchèque Portugal Danemark Qatar République dominicaine République de Corée Egypte République de Moldavie El Salvador Roumanie Estonie Saint-Christophe-et-Niévès Finlande Saint-Marin France Sénégal Géorgie Serbie Allemagne Slovaquie Ghana Slovénie Grèce Somalie Guatemala Espagne Guinée Sri Lanka Guinée-Bissau Suède Haïti Suisse Honduras Ex-République Hongrie yougoslave de Macédonie Islande Tchad Irlande Timor-Leste Israël Trinité-et-Tobago Italie Tunisie Japon Turquie Jordanie Ukraine Kenya Royaume-Uni de Grande-Bretagne et Kiribati d’Irlande du Nord Lettonie États-Unis d'Amérique Liban Uruguay Vanuatu Yémen

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 RÉSOLUTION 21/12 DU RÉSOLUTION 68/163 DE RÉSOLUTION 27/5 DU RÉSOLUTION 69/185 DE DÉCISION 196 EX/31 DU RÉSOLUTION 2222 DU RÉSOLUTION 70/162 DE RÉSOLUTION 33/2 DU DÉCISION 201 EX/SR.10 DU DÉCISION 202 EX/50 DU RÉSOLUTION 72/175 DE CONSEIL DES DROITS DE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES CONSEIL DES DROITS DE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES CONSEIL EXÉCUTIF DE CONSEIL DE SÉCURITÉ DES L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES CONSEIL DES DROITS DE CONSEIL EXÉCUTIF DE CONSEIL EXÉCUTIF DE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES L'HOMME DES NATIONS NATIONS UNIES SUR LA L'HOMME DES NATIONS NATIONS UNIES SUR LA L'UNESCO SUR LA SÉCURITÉ NATIONS UNIES NATIONS UNIES SUR LA L'HOMME DES NATIONS L'UNESCO SUR LA SÉCURITÉ L'UNESCO SUR LE RAPPORT NATIONS UNIES SUR LA UNIES SUR LA SÉCURITÉ DES SÉCURITÉ DES JOURNALISTES UNIES SUR LA SÉCURITÉ DES SÉCURITÉ DES JOURNALISTES DES JOURNALISTES ET LA SÉCURITÉ DES JOURNALISTES UNIES SUR LA SÉCURITÉ DES DES JOURNALISTES ET LA INTÉRIMAIRE SUR LA SÉCURITÉ DES JOURNALISTES JOURNALISTES ET LA QUESTION DE JOURNALISTES ET LA QUESTION DE QUESTION DE L'IMPUNITÉ ET LA QUESTION DE JOURNALISTES QUESTION DE L'IMPUNITÉ SÉCURITÉ DES JOURNALISTES ET LA QUESTION DE L'IMPUNITÉ L'IMPUNITÉ L'IMPUNITÉ ET LA QUESTION DE L'IMPUNITÉ L'IMPUNITÉ

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 171 Tendances en matière de sécurité des journalistes

Conclusion

La sécurité des journalistes demeure une préoccupation urgente dans l’ensemble des régions. Les chiffres de l’UNESCO montrent que le nombre de journalistes tués a fortement augmenté ces cinq dernières années : 216 journalistes ont été tués entre 2007 et 2011, et 530 entre 2012 et 2016. Dans le même temps, les tendances concernant les autres formes de violence physique, comme les détentions arbitraires, les enlèvements ou la torture, semblent en augmentation dans certaines régions. La sécurité numérique des journalistes reste compromise du fait de la surveillance et des intrusions exercées par les acteurs étatiques et non étatiques.

Les tendances présentées dans le présent chapitre constituent un formidable défi pour la liberté d’expression et la sécurité des journalistes. La réponse apportée à ces défis par les parties prenantes aura une influence cruciale sur les tendances des prochaines années.

Il n’en demeure pas moins que, dans le cadre du Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité, des progrès ont été réalisés, grâce à l’action collective des organisations intergouvernementales, des médias, des milieux académiques et des groupes de la société civile. On peut espérer qu’un jour, ces avancées finissent par renverser la tendance actuelle et contrecarrer les menaces grandissantes qui pèsent sur les journalistes

172 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 173 Appendices Appendices

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Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 195 Appendices

Groupements régionaux

Groupe I. Europe de l’Ouest et Amérique du Nord (27)

Allemagne Grèce Royaume-Uni de Grande- Andorre Irlande Bretagne et d’Irlande du Nord Autriche Islande Saint-Marin Belgique Israël Suède Canada Italie Suisse Chypre Luxembourg Turquie Danemark Malte Espagne Monaco États-Unis d’Amérique Norvège Finlande Pays-Bas France Portugal

Groupe II. Europe centrale et orientale (25)

Albanie Géorgie Slovaquie Arménie Hongrie Slovénie Azerbaïdjan Lettonie Tadjikistan Bélarus Lituanie Ukraine Bosnie Herzégovine Monténégro Bulgarie Ouzbékistan Croatie Pologne Estonie République de Moldavie ex-République yugoslave de République tchèque Macédonie Roumanie Fédération de Russie Serbie

196 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Groupe III. Amérique latine et Caraïbes (33)

Antigua-et-Barbuda El Salvador Pérou Argentine Equateur République dominicaine Bahamas Grenade Saint-Christophe-et-Niévès Barbade Guatemala Sainte-Lucie Belize Guyane Saint-Vincent-et-les-Grenadines Bolivie (État plurinational de) Haïti Suriname Brésil Honduras Trinité-et-Tobago Chili Jamaïque Uruguay Colombie Mexique Venezuela (République Costa Rica Nicaragua bolivarienne du) Cuba Panama Dominique Paraguay

Groupe IV. Asie et Pacifique(44)

Afghanistan Kiribati République populaire Australie Malaisie démocratique de Corée Bangladesh Maldives Samoa Bhoutan Micronésie (États fédérés de) Singapour Brunei Darussalam Mongolie Sri Lanka Cambodge Myanmar Thaïlande Chine Nauru Timor-Leste Fidji Népal Tonga Îles Cook Nioué Turkménistan Iles Marshall Nouvelle-Zélande Tuvalu Îles Salomon Pakistan Vanuatu Inde Palau Viet Nam Indonésie Papouasie Nouvelle Guinée Iran (République islamique d ‘) Philippines Japon République de Corée Kazakhstan République démocratique Kirghizistan populaire lao

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 197 Appendices

Groupe V. Afrique(47)

Afrique du Sud Ghana République centrafricaine Angola Guinée République démocratique du Bénin Guinée Équatoriale Congo Botswana Guinée-Bissau République-Unie de Tanzanie Burkina Faso Kenya Rwanda Burundi Lesotho Sao Tomé-et-Principe Cabo Verde Libéria Sénégal Cameroun Madagascar Seychelles Comores Malawi Sierra Leone Congo Mali Somalie Côte d’Ivoire Maurice Soudan du Sud Djibouti Mozambique Swaziland Érythrée Namibie Tchad Ethiopie Niger Togo Gabon Nigéria Zambie Gambie Ouganda Zimbabwe

Groupe VI. Région arabe (19)

Algérie Koweit Qatar Arabie Saoudite Liban République arabe syrienne Bahreïn Libye Soudan Egypte Maroc Tunisie Emirats arabes unis Mauritanie Yémen Iraq Oman Jordanie Palestine

198 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 Acronymes et abréviations

AP Associated Press ASBU Union de radiodiffusion des États arabes (Arab States Broadcasting Union) ASEAN Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Association of Southeast Asian Nations) AWM Alliance for Women in Media BBC British Broadcasting Corporation CADHP Commission africaine des droits de l’homme et des peuples CNN Cable News Network CPJ Comité pour la protection des journalistes DOAM Internet est fondé sur les Droits humains, Ouvert, Accessible à tous, alimenté par la participation de Multiples acteurs. ECOWAS Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Economic Community of West African States) EIGE Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (European Institute for Gender Equality) EMI Education aux médias et à l’information FEJ Fédération européenne des journalistes FIJ Fédération internationale des journalistes GAMAG Alliance mondiale genre et médias (Global Alliance for Media and Gender) GAPMIL Alliance mondiale des partenaires de l’éducation aux médias et à l’information (Global Alliance for Partnerships on Media and Information Literacy) GMMP Projet mondial de monitorage des médias (Global Media Monitoring Project) GNI Global Network Initiative GSMI Indicateurs d’égalité des genres dans les médias (Gender Sensitive Indicators for the Media) HCDH Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme ICANN Société pour l’attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) IGF Forum sur la gouvernance de l’Internet (Internet Governance Forum) INSI International News Safety Institute IWMF Fondation internationale des femmes dans les médias (International Women’s Media Foundation) LGBT Lesbiennes, gays, bisexuels et trans MISA Institut des médias d’Afrique australe (Media Institute of Southern Africa) MOOC Cours en ligne ouvert à tous (Massive Open Online Courses)

Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018 199 Appendices

OCDE Organisation de coopération et de développement économiques OEA Organisation des États américains OGP Partenariat pour un gouvernement ouvert (Open Government Partnership) ONO Organization of News Ombudsmen OONI Open Observatory of Network Interference OSCE Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe PIDC Programme international pour le développement de la communication PIDCP Pacte international relatif aux droits civils et politiques RSF Reporters Sans Frontières SAARC Association de l’Asie du Sud pour la coopération régionale (South Asian Association for Regional Cooperation) SADC Communauté de développement d’Afrique australe (Southern African Development Community) SEAPA Southeast Asian Press Alliance SMSI Sommet mondial sur la société de l’information UE Union européenne UIT Union internationale des télécommunications UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture UNHRC Human Rights Council UNODC Office des Nations Unies contre la drogue et le crime WAN-IFRA Association mondiale des journaux et des éditeurs de médias d’information (World Association of Newspapers and News Editors)

200 Tendances mondiales en matière de Liberté d’expression et de Développement des médias Rapport Mondial 2017/2018