Les « Plumes » De L'édiacarien, Un Groupe Animal Disparu ?
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1/7 Les « plumes » de l'Édiacarien, un groupe animal disparu ? 19/09/2018 Auteur(s) : Cyril Langlois ENS Lyon - Préparation à l'agrégation SV-STU Publié par : Olivier Dequincey Résumé Stromatoveris et autres fossiles ”édiacariens” en frondes, en plumes ou en pneu : nouvelle phylogénie basée sur une idée ancienne et l'étude comparative de nombreux spécimens récemment exhumés. Table des matières Rappel : les fossiles de l'Édiacarien Stromatoveris, l'édiacarien du Cambrien Conclusion Bibliographie Les fossiles découverts dès 1946 dans les collines d'Édiacara, en Australie, mais aussi, entre autres, en Russie et en Namibie, et datés de la fin du Protérozoïque, intriguent les paléontologues depuis plusieurs décennies. Si certains des fossiles décrits ont pu être rattachés à des groupes d'organismes déjà connus ou encore existants, d'autres restent énigmatiques. Ces derniers présentent, pour la plupart, une morphologie caractéristique en « plume » ou en « fronde » subdivisée en rameaux et branches selon une structure fractale. Leur position phylogénétique comme leur mode de vie ont fait l'objet de diverses interprétations : groupe entièrement disparu ? Sous-ensemble de Cnidaires ? Osmotrophes ? Détritivores ? Récemment, des fossiles semblables ont été exhumés dans un site chinois plus récent, daté du Cambrien, preuve que ces organismes existaient encore au début du Phanérozoïque. Par un examen approfondi de ces fossiles et de leurs homologues protérozoïque, portant sur plus de 200 spécimens, une chercheuse britannique et son collègue chinois proposent une analyse phylogénétique qui regroupe l'ensemble de ces organismes dans un unique clade monophylétique, entièrement disparu, groupe-frère de tous les autres animaux (Hoyal Cuthill et Han, 2018 [3]). Rappel : les fossiles de l'Édiacarien Jusqu'aux années 1950, l'apparition d'organismes pluricellulaires macroscopiques dans le registre fossile était supposé remonter au début du Cambrien, vers 541 Ma. Commençait alors le Phanérozoïque, l'éon des « animaux visibles », qui suit le Protérozoïque, « d'avant les animaux ». Depuis lors, un nombre croissant de formations rocheuses datées de la fin du Protérozoïque ont livré des fossiles d'organismes macroscopiques, pour la plupart interprétés comme des animaux, Cnidaires (éponges…) ou Eumétazoaires, animaux « vrais ». L'apparition des pluricellulaires semble remonter ainsi non plus à 541 Ma, mais à 600 Ma au moins, à la sortie des trois grands épisodes glaciaires d'échelle mondiale (les « Terre boule de neige » ou “Snowball Earth” ») identifiés depuis les années 1990 (Kirschvink, 1992 [4]) (glaciations Sturtienne, de 715 à 680 Ma environ, Marinoenne, entre 650 et 635 Ma, et Gaskiers, plus brève et moins intense, vers 580 Ma). https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/Stromatoveris-Ediacara.xml - Version du 07/04/21 2/7 Ces fossiles sont maintenant rassemblés sous l'appellation de « faune » ou « biote » d'Édiacara, du nom de l'un des gisements majeurs où ils ont été décrits, dans les collines d'Ediacara, en Australie. Les fossiles décrits dans les différents sites connus aujourd'hui (Figure 1), d'âges différents, ont été regroupés en trois « assemblages » d'âge et d'écologie distincts (Waggoner, 2003 [8]) (Figure 2), déjà présentés dans un précédent article (cf. De Burgess à Franceville (Gabon) : les plus anciennes traces fossiles de pluricellulaires). Source - © 2018 Cyril Langlois Figure 1. Quelques sites majeurs ayant fourni des fossiles édiacariens. Les fossiles récoltés sur les sites datés de l'Édiacarien sont le plus souvent des moules ou des empreintes dans des grès ou des schistes. Parmi ces fossiles, certains ont été interprétés comme des représentants précoces de groupes connus (même si des discussions persistent). Ainsi Tribrachidium (Figure 2) pourrait-il être un échinoderme primitif, à symétrie 3 et non 5, et Kimberella un mollusque. D'autres au contraire, les plus caractéristiques de ce « biote » d'Édiacara, sont restés inclassables pendant des années. Ce sont ces derniers qui viennent de faire l'objet d'un ré-examen, à la lumière de nouveaux fossiles exhumés dans le gisement plus récent de Chengjiang, en Chine du Sud, d'âge cambrien (lui aussi déjà présenté dans l'article De Burgess à Franceville (Gabon) : les plus anciennes traces fossiles de pluricellulaires). Source - © 2009 Xiao et Laflamme [9] Figure 2. Distribution temporelle (barres) et enregistrement stratigraphique (disques) des genres caractéristiques de l'Édiacarien. Les fossiles représenteraient trois assemblages écologiques différents : Avalon[1], Mer Blanche[2], Nama[3]. Ces fossiles à multiples rameaux, caractéristiques des gisements édiacariens, ont évidemment fait l'objet de tentative de classification e t d'interprétation. Plusieurs sous-ensembles en ont été proposés : les Rangeomorphes (Charnia, Fractosuchus, Rangea…), formes en « frondes » ou en « plumes » rapprochées du type Rangea, et les Erniettomorphes (Ernietta, Pteridinum, Swarpuntia…) ou Dickinsiniomorphes (si l'on y inclut le fossile Dickinsonia), en lames aplaties attachées à un sillon médian et subdivisées en bandes fines et serrées, leur donnant l'aspect d'un « pneu » (Figure 3). https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/Stromatoveris-Ediacara.xml - Version du 07/04/21 3/7 Source - © 2009 Droser et al. [2] Figure 3. Reconstitution des trois assemblages biologiques édiacariens proposés par Ben Waggoner en 2003. L'organisation singulière de ces fossiles a donné lieu à un grand nombre d'attributions phylogénétiques. Leur appartenance à un seul et même ensemble a également été mis en question. Plus gênant encore, dans la mesure où certaines « espèces » de morphologies différentes se retrouvent associées sur un même site et parfois une même strate, certains chercheurs ont rappelé que plusieurs interprétations restaient envisageables (Figure 4) : des espèces différentes, reliées phylogénétiquement ; des écomorphotypes différents, c'est-à-dire des variations morphologiques entre individus d'une même espèce, associées à des conditions de milieu distinctes ; des étapes d'un même cycle de développement (Brasier et Antcliffe, 2004 [1]). Source - © 2004 D'après Brasier et Antcliffe [1], modifié Figure 4. Les relations possibles entre certaines formes édiacariennes. Une majorité de chercheurs concluait cependant qu'il s'agissait d'organismes animaux, mais discutait de leur position par rapport aux Spongiaires, aux Cnidaires (coraux, méduses) et aux Eumétazoaires (animaux bilatériens, anciennement appelés triploblastiques). Stromatoveris, l'édiacarien du Cambrien En 2006, une équipe sino-anglo-japonaise publia la description de fossiles exhumés dans les couches du Cambrien inférieur de deux localités du célèbre lagerstätte de Chengjiang, en Chine (cette appellation correspond https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/Stromatoveris-Ediacara.xml - Version du 07/04/21 4/7 en réalité à un complexe de plusieurs fouilles proches) (Shu et al., 2006 [7]). Ces spécimens (Figure 6), attribués à la nouvelle espèce Stromatveris psygmoglena, présentent des ressemblances avec les formes édiacariennes. On y retrouverait une structure ancré sur le substrat par un « pied » d'où se ramifient des branches elles-mêmes subdivisées. Source - © 20?? Stephanie (sur Blogger), modifié - CC BY-SA 3.0 Figure 5. Beroe, un cténophore actuel sans tentacule, de 3 à 6 cm de long. Cependant, dans cet article, les auteurs ne parvenaient pas à rapprocher clairement ce fossile d'un groupe édiacarien précis. Les rameaux visibles sur Stromatoveris leur ont paru ciliés, ce qui les a amenés à rapprocher cet organisme des Cténophores (Figure 5 et Figure 9), animaux marins translucides, majoritairement planctoniques (certains secondairement benthiques), à deux feuillets tissulaires séparés par une mésoglée — animaux diploblastiques, comme les Cnidaires — à symétrie radiaire ou « biradiaire », portant de « longues rangées de cellules ciliées à rôle locomoteur, ressemblant à des peignes, d'où le nom du taxon (du grec ctenos, peigne »[4] (Lecointre et Le Guyader, 2017 [5]). Avec cette interprétation, les Rangeomorphes et Erniettomorphes édiacariens seraient donc polyphylétiques et ne formeraient pas un groupe naturel ; la morphologie de Stromatoveris résulterait d'une convergence. Source - © 2006 Shu et al. [7] Figure 6. Images de Stromatoveris publiées dans Science en 2006. Cette conclusion a été remise en question dès l'année suivante (Hoyal Cuthill et Han, 2018 [3]). L'article publié en ligne en août 2018 dans la revue Paleontology, et dont l'un des signataires de la description de 2006 est co-auteur, la réfute à nouveau. Comme souvent, ce revirement s'explique par l'obtention de nouveaux spécimens fossiles, permettant d'affiner les observations initiales : en l’occurrence, les huit exemplaires décrits en 2006 ont été rejoints par 206 nouveaux spécimens ! Avec ces nouveaux spécimens, Hoyal-Cutill et Han [3] proposent un modèle interprétatif tridimensionnel de tous ces organismes ramifiés, dont Stromatoveris psygmoglena (Figure 7). Dans ce modèle, un axe vertical porte des « pétales », étalés dans un ou plusieurs plans, assemblés au niveau de « coutures » (seam), et eux-mêmes subdivisés https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/Stromatoveris-Ediacara.xml - Version du 07/04/21 5/7 en rameaux, juxtaposés en quinconce et à leur tour divisés en tubes (Figure 7, encadré F). Source - © 2018 Hoyal Cuthill et Han [3] Figure 7. Modèle interprétatif des Petalonemae, sur la base de Stromatoveris. Car, en comparant attentivement — sur des caractères évidemment