Les Bornes De L'abbaye De Chelles Dans Le Gâtinais
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LES BORNES DE L’ABBAYE DE CHELLES DANS LE GÂTINAIS : UN RÉEXAMEN NOISY-SUR-ÉCOLE, TOUSSON, LE VAUDOUÉ,BOISSY-AUX-CAILLES (SEINE-ET-MARNE) MICHEL REY En 2012, Bernard Théret a découvert dans les 2006. Au cours d’une randonnée, les membres bois de Boissy-aux-Cailles une nouvelle borne des AFF découvrent deux bornes avec gravures portant la marque de l’Abbaye de Chelles. d’échelle au lieu-dit Poisereau (Noisy-sur- Celle-ci étant restée inédite, aucun inventaire École). complet de ces bornes n’était depuis lors disponible. Il nous a donc paru utile de pro- Les possessions des Abbesses sur les poser un bilan actualisé de nos connaissances territoires avoisinant Milly-la-Forêt sur la question. Grâce aux informations fournies par Jacques Lutrat, J. Poignant et P. Bernier ont eu confir- Rappel chronologique mation que les Abbesses de Chelles ont possé- 1971. Michel Brézillon effectue la fouille de la dé, dès le milieu du XIIIe siècle, des terres sépulture collective néolithique dite du Paradis dans le Gâtinais, sur les communes du Vau- à proximité du menhir de la Pierre aux Prêtres doué et de Noisy-sur-École (Marquis 1896, p. à Tousson. Sur ce dernier est alors remarquée 17-18). Ainsi, le Parlement ordonna en 1260 la présence d’une gravure scalariforme 1. l’exécution d’une sentence arbitrale prononcée 1975. Cette gravure fait l’objet d’une publica- par le bailli de Sens contre maître Philippe de tion (Girard et Gavet, 1975). Les auteurs de Milly en faveur des religieuses de Chelles 3. celle-ci observent que le menhir est en limite Deux cartulaires mentionnent les bornes dé- de commune, mais estiment ne pas être en limitant les différents fiefs de l’Abbaye 4 . Ils mesure de proposer d’explication sur la signifi- font état de nombreux litiges territoriaux entre cation de la gravure. les seigneurs de Milly et les Abbesses de 1976. Une autre pierre levée portant une Chelles. Les sentences prononcées confirment gravure semblable est observée sur la limite l’appartenance de territoires des seigneuries entre les communes de Noisy et d’Oncy, au de Noisy et du Vaudoué à l’Abbaye de Chelles. lieu-dit le Goulay (Belair et al. 1976). Les découvreurs de cette pierre font immédiate- ment le rapprochement avec la gravure de la Pierre aux Prêtres. 1977. Jean Poignant et Pierre Bernier exami- nent la pierre dressée du Goulay (Poignant Fig. 1 - Un arrêté du Parlement oblige les héritiers 1978, p. 41). Préalablement, l’hypothèse que de Louis de Graville à se désister de terres au profit la gravure de la Pierre aux Prêtres puisse être de l’Abbesse et du couvent de Chelles (Anonyme l’emblème des abbesses de l’Abbaye de Chelles 1547-1560, f. VIII ; vue 120 de la version a été lancée (GASM 1976, p. 140). numérisée). À une date non précisée antérieure à 1984, J. À partir d’un arrêt du Parlement de Paris de Poignant et P. Bernier ont connaissance de la 1518, et en dépit des difficultés inhérentes à présence de deux autres bornes gravées d’une ce type de documents 5, J. Poignant a essayé échelle dans la cour de l’école du Vaudoué. de reconstituer la carte des possessions de Renseignés par Robert Masson, ils établissent l’abbaye en s’appuyant sur le découpage com- que ces bornes avaient été repérées « vers munal de 1790, avec d’importantes incerti- 1975 ». Une troisième borne semblable a tudes pour ce qui concerne la partie nord (fig. disparu avant son transport vers la cour de 2). l’école (Poignant 1984, p. 255-257). 2002. Lucien Follet trouve à Chelles une borne 3 e gravée d’une échelle à cinq barreaux 2, dont la Actes du Parlement de Paris,I série (1254-1328), p. 46, acte 319. hauteur est évaluée à 1 m, d’une section de 40 4 Ces cartulaires sont conservés à la Médiathèque Luxem- x 40 cm. Cette borne se trouvait sur la limite bourg de Meaux (77 ; voir bibliographie). Il sont consulta- entre Chelles et Vaires-sur-Marne (cf. fig. 6). bles en ligne sur le site du Catalogue collectif de France de la BnF (http://ccfr.bnf.fr/portailccfr/jsp/public/index.jsp) et sur la Bibliothèque virtuelle des manuscrits médiévaux (http://bvmm.irht.cnrs.fr/). 1 À noter que Janine Wagneur, future membre du GERSAR, a 5 « Un grand nombre de lieux-dits ne figurent plus sur les participé à cette fouille. plans actuels, soit qu’ils aient disparu, soit que leur ortho- 2 http://www.lemarneux.fr/article-borne-de-l-abbaye-de- graphe ait évolué de telle sorte qu’elle nous soit devenue chelles-decouverte-il-y-a-10-ans-111040926.html. méconnaissable » (Poignant 1984, p. 255). Bulletin du GERSAR n° 72 (Juin 2018) 45 Les bornes de l’abbaye de Chelles dans le Gâtinais : un réexamen - Michel REY (fig. 2)sfsfsf sfsfsfs fsfsfsfsf s sfsfsf fsfsfsfs sfsfsf sfsfs sffs sfsfsf Fig. 2 – Carte du domaine des Abbesses de Chelles en Seine-et-Marne et emplacement des bornes à Description des gravures des bornes du l’échelle (connues et supposées). D’après Poignant et Gâtinais Bernier, 1996. André Clément, conservateur du musée Bono à D’autres incertitudes concernent le fief de Chelles confirma à J. Poignant que plusieurs Fourches qui, bien que situé sur le territoire du des bornes en grès qui délimitaient le territoire Vaudoué, appartenait au seigneur de Beauvais que possédaient les Abbesses étaient gravées et non aux religieuses. Ces dernières, toute- d’une échelle. Cette affirmation se trouve déjà fois, exerçaient le droit de justice sur ce fief. dans l’ouvrage de l’abbé Trochet : « Avant de Bulletin du GERSAR n° 72 (Juin 2018) 46 Les bornes de l’abbaye de Chelles dans le Gâtinais : un réexamen - Michel REY terminer la chronique de l’année 1755 nous devons encore signaler (…) la plantation des bornes sur les terres de la seigneurie. On en rencontre encore quelques unes dans les champs. Elles sont marquées d’une échelle incrustée dans la pierre. L’arpentage des pièces a été fait par Nicolas Mottey, "maître des petites écoles" » (Trochet 1889, t. II, p. 184-185). Fig. 3 – Gravure de la Pierre aux Prêtres (Tousson, 77). Relevé L. Fig. 4 – A : Borne gravée de l’abbaye de Chelles ; Girard et Ph. Gavet, 1975. musée de Chelles. Photo Francis Cahuzac (extraite du site internet de la Commission Française pour la L’échelle figurant sur les bornes du Protection du Patrimoine Historique et Rural, Gâtinais est surmontée d’un cram- rubrique Bornes anciennes, section Bornes de limite). pon (fig. 3). On peut se demander B : Borne découverte par L. Follet en 2002 à Chelles. Photo extraite du blog de l’association Riverains si cet élément n’est pas un simple bords de Marne Chelles 77500. crochet d’attache, mais l’échelle est toujours inclinée dans le sens hampe de la crosse fusionnée avec le montant opposé à l’ouverture du crochet droit de l’échelle (fig. 5-E) ; crosse en travers (sauf dans un cas, comme nous le de l’échelle (fig. 5-A et C), réduction de la verrons plus loin), ce qui n’est pas crosse à un simple trait oblique barrant adapté à un usage pratique. Il faut l’échelle (fig. 5-B et D). se rendre à Chelles pour trouver l’explication : une borne exposée dans le mu- Fig. 5 – Bornes de l’abbaye de Chelles, d’après G.- R. Delahaye. A à D : bornes conservées au musée sée de cette ville porte la gravure d’une crosse de Chelles, attribuées à l’abbatiat de Mme de épiscopale posée obliquement sur une échelle Clermont-Gessan (XVIIIe s). E : borne replantée droite (fig. 4-A). La borne découverte par L. dans le jardin Bossuet à Meaux. F : borne replantée Follet en 2002 possède un trait oblique en tra- devant la mairie de Coubron. G : borne de sépara- vers de l’échelle (fig. 4-B). tion entre les terres de l’abbaye et la forêt royale Il existe en fait une importante variabilité dans de Bondy-Livry (la face opposée est gravée d’une la reproduction des armoiries de l’abbaye, que fleur de lys). H : borne obtenue par réemploi d’une montrent bien les travaux de G.-R. Delahaye : base de colonne, trouvée en 1958 en limite des communes de Chelles et de Montfermeil, actuelle- armes complètes qui combinent deux échelles, ment intégrée à l’église des Coudreaux. I : borne deux fleurs de lys et la crosse ; fig. 5-F, G et de séparation entre les terres de l’abbaye et la forêt I), échelle dont le montant gauche est jouxté royale de Bondy-Livry, replantée devant la mairie par une crosse tournée à droite (fig. 5-H), de Coubron. hampe de la crosse fusionnée avec le montant droit de l’échelle (fig. X-a) ; crosse en travers de l’échelle (fig. X-a et b), réduction de la crosse à un simple trait oblique barrant l’échelle (fig. X-c et d)elle est en cela com- parable aux bornes armoriées de l’abbaye de Chelles telles que les a représentées G. R. Delahaye (fig. 5-A). D’autre part, il existe des portraits de Louise Adelaïde d’Orléans, abbesse de 1719 à 1734, sur lesquels celle-ci est repré- sentée avec sa crosse épiscopale (fig. 5). dqdqdq qdqdqdq qdqdqdq qddqq qdqdqq qdqdqdq qdq Fig. 6 – Bulletin du GERSAR n° 72 (Juin 2018) 47 Les bornes de l’abbaye de Chelles dans le Gâtinais : un réexamen - Michel REY scalariformes de Chelles et celles retrouvées en Gâtinais diffèrent quelque peu : Fig.