Eglises Contemporaines Du Pas-De-Calais (1945-2000) Céline Frémaux
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Eglises contemporaines du Pas-de-Calais (1945-2000) Céline Frémaux To cite this version: Céline Frémaux. Eglises contemporaines du Pas-de-Calais (1945-2000). Revue du Nord [1910 - 2000], Université de Lille, 2001, pp.559-576. halshs-00408907 HAL Id: halshs-00408907 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00408907 Submitted on 4 Aug 2009 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Céline Frémaux version de l'auteur, pour la version publiée voir in « Eglises contemporaines du Pas-de-Calais (1945-2000) », Revue du Nord, Université de Lille 3, juillet-septembre 2001, n° 341, p. 559-576. article tiré du mémoire de DEA « Eglises contemporaines du Pas-de-Calais de 1945 à nos jours », réalisé par Céline Frémaux, sous la direction de François Robichon. Eglises contemporaines du Pas-de-Calais (1945-2000) Céline Frémaux La situation géographique et économique du Pas-de-Calais en a fait à partir de 1945 un grand chantier de reconstruction et de construction d’églises. D’abord, la région a beaucoup souffert des dommages de la Seconde Guerre mondiale. En particulier le Ternois et la côte d’Opale, le premier abritant les rampes de lancement de V1 et de V2 dirigés vers l’Angleterre, la seconde les bunkers de l’organisation Todt, ont été exposés aux bombardements anglais, intensifiés en 1944. Dans ces zones, de nombreux villages et villes et leur église ont été sinistrés. Ensuite, l’explosion démographique de l’après-guerre a engendré la croissance de villes moyennes, le développement de nombreuses zones périurbaines qu’il a fallu doter d’équipements religieux. L’inventaire complet des églises récentes du Pas-de-Calais n’avait jamais été réalisé. Elles représentent pourtant un patrimoine important du département puisque leur nombre s’élève à soixante-neuf. Du point de vue de l’architecture religieuse, le foyer d’expériences qu’a constitué le département est-il représentatif des tendances et mouvements d’architecture d’envergure nationale ? Enfin, que révèle l’étude de l’évolution de l’architecture religieuse dans ce département ? Quelles sont les relations entre chantiers d’églises et histoire, histoire de l’art, histoire sociale, histoire religieuse ou encore sociologie ? e Tous les questionnements, les bouleversements qui ont touché l’Eglise du XX siècle se reflètent dans les édifices religieux du seul département du Pas-de-Calais, et particulièrement de 1945 à nos jours. Trois périodes se distinguent dans cette étude. De 1945 au début des années soixante, l’architecture religieuse semble chercher sa voie. Plusieurs courants coexistent. Dans les années soixante et soixante-dix, après le concile Vatican II, domine la banalisation architecturale de l’église. Enfin, depuis le début des années quatre-vingts, l’architecture religieuse oscille entre la réaffirmation du symbole spirituel et l’économie de moyens. Architecture religieuse et conservatisme 1) La tentation du passéisme L’enjeu de la seconde reconstruction en France en matière d’architecture religieuse est considérable. Il s’agit, au moins pour une partie éclairée du clergé, d’en finir avec les pastiches, de ne pas rater la seconde reconstruction, « comme elle le fut après l’autre guerre »1. Au sein du diocèse d’Arras, certains encouragent une évolution de l’architecture religieuse et en tout premier lieu l’abbé Pentel président de la Commission Diocésaine d’Art Sacré. Celui-ci regrette les réalisations d’après la guerre 14-18 : « Hélas, après celle-ci, la reconstruction a été d’une rare platitude et trop souvent d’une qualité technique déplorable »2. Mais parmi tous les responsables de la reconstruction, beaucoup encore dans le Pas-de-Calais, comme dans l’ensemble du pays, n’étaient acquis au modernisme, ni de l’architecture, ni des arts plastiques. C’est souvent par souci d’économie que les architectes et les conseils municipaux ont été poussés à opter pour des solutions modernistes, adaptant les matériaux de l’époque à l’architecture religieuse. Mais certaines communes ont mis du temps avant de s’y résoudre. La municipalité de Hautecloque, néanmoins, n’a pas cédé. A Bonnières, la première réaction concernant le devenir de l’église en partie détruite a été de reconstruire à l’identique. A Wizernes, le conseil municipal décide en 1955 de faire reconstruire l’église Saint- Folquin sur les anciennes fondations restaurées. Il charge d’abord l’architecte de relever la 1 Régamey (P.), « Reconstruire les églises. L’esprit et les principes. L’église dans la cité », L’Art Sacré, cahier 1, 3e trimestre, p.2. 2 Pentel (F.), « Un programme diocésain », Structures art chrétien, n° 41, juin 1966, p. 18. « projection au sol » de l’ancien édifice, avant de se décider en faveur d’une nouvelle construction. Les raisons financières ont imposé, plus que les raisons esthétiques, l’utilisation de matériaux modernes tels que le béton armé ou l’acier. Mais dans plusieurs exemples de reconstruction d’églises du Pas-de-Calais, leur emploi a fait ressurgir la problématique du début du siècle inhérente à la récente découverte de ces matériaux : doit-on les employer pour la structure et les dissimuler derrière divers parements ou doit-on mettre en valeur leurs qualités propres ? Une tendance conservatrice, qui existe encore dans le Pas-de-Calais après le milieu du e XX siècle, privilégie des silhouettes d’églises de type traditionnel tout en employant les nouveaux matériaux. Ces exemples ne sont pas les plus nombreux mais correspondent tous au même schéma : clocher formant porche au centre de la façade, composition symétrique, toit à deux pans, conservation du plan traditionnel en longueur. On remarque la permanence de ce schéma dans de petites communes agricoles à forte pratique religieuse, Coquelles et Moringhem. A Moringhem, l’architecte de la commune, Gilbert Platiau a su utiliser le béton de manière a faire l’unanimité parmi les habitants du village. Le plan traditionnel est conservé. Le clocher surplombe le porche et la nef est couverte par un toit à deux pans. Les hautes ouvertures rectangulaires évoquent les lancettes gothiques, le béton enduit rappelle les pierres blanches. Ce conservatisme a été apprécié et voulu par le conseil municipal. Un article datant de 1956, alors que le projet et la maquette venaient d’être présentés au public, souligne que « l’ensemble respecte, notamment dans le clocher, la silhouette des églises campagnardes de la Morinie...ce qui est assez heureux »3. Eglise de Moringhem. Photo de l’auteur. 3 « Mgr Evrard a consacré l’église reconstruite de Moringhem », La Voix du Nord, 19 octobre 1958. 2) Béton et tradition Un parti couramment rencontré parmi les églises de la seconde reconstruction est l’association de plans et formes traditionnels et du béton, utilisé comme matériau visible. Ce courant d’architecture religieuse s’inscrit dans la lignée de la construction des frères Perret en 1922 : Notre-Dame du Raincy. Un cabinet d’architecture particulièrement actif dans le Pas-de-Calais et désigné à plusieurs reprises pour des reconstructions d’églises dans le diocèse d’Arras se situe dans la lignée de Perret. Son premier membre, Jean-Frédéric Battut, s’est formé de 1932 à 1939 à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Paris, et précisément dans les ateliers Bigot et Perret. En 1946, il obtient du Ministère de la Reconstruction l’agrément d’architecte-reconstructeur. En 1950, il est adjoint de Georges Bovet, architecte en chef pour la zone sud du Pas-de-Calais, à Saint-Pol-sur-Ternoise. En 1957, il installe sa société d’architecture en association avec Robert Warnesson, à Arras. Leur cabinet est d’abord spécialisé dans l’aménagement des villes et la reconstruction du patrimoine immobilier des communes autour de Frévent, Saint-Pol-sur- Termoise et Fruges, puis dans le domaine de la construction scolaire dans les années soixante. Les deux architectes réalisent également plusieurs plans d’urbanisme et des ensembles d’habitations autour d’Arras. Leur premier chantier d’église est celui de l’église Saint-Germain de Siracourt, village sinistré à 100%. L’église est reconstruite au centre du village en 1951. Les matériaux utilisés pour sa construction sont exactement les mêmes que pour les habitations : l’ossature est en béton armé, les murs en parpaings enduits de ciment et peints en blanc, la couverture en ardoises Fibrociment. Le clocher est une projection de béton sur une armature de métal déployée. Toutes les parties apparentes en béton armé sont brutes de décoffrage et bouchardées. Comme Perret l’avait inauguré à Raincy, l’éclairage provient de claustras en béton laissant passer la lumière à travers des verres colorés en jaune et vert. Eglise de Siracourt. Photo de l’auteur. A Frévent, Battut et Warnesson ont réussi à imposer, malgré plusieurs entraves à leur projet, une église de style moderniste qui respecte pourtant encore la tradition de l’architecture religieuse. A Saint-Pol-sur-Ternoise, les architectes ont été chargés de la reconstruction de l’ensemble du centre ville. Cela leur a permis de dégager une perspective mettant l’église en valeur et constituant un ensemble religieux avec la chapelle des sœurs noires, épargnée par les bombardements. L’édifice conserve la silhouette d’une église traditionnelle avec son toit à deux versants, sa longue nef rectangulaire, sa maçonnerie de brique. Néanmoins, des matériaux nouveaux ont été introduits par les architectes : la couverture en cuivre, le béton laissé visible au niveau du clocher et de la longue colonnade longeant la nef côté place et assurant habilement la liaison avec la chapelle préexistante.