Le Livre 010101 (1971-2015), Marie Lebert
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1 LE LIVRE 010101 (1971-2015) MARIE LEBERT https://marielebert.wordpress.com Novembre 2015 Copyright © 2015 Marie Lebert Licence CC BY-NC-SA 4.0 http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/deed.fr [Résumé] Datée de novembre 2015, une grande saga du livre numérique de juillet 1971 à nos jours, basée sur le suivi de l'actualité au fil des ans et sur une centaine d’entretiens poursuivis pendant plusieurs années en Europe, en Afrique, en Asie et dans les Amériques. On y parle des auteurs, des éditeurs, des libraires, des bibliothèques, des catalogues, des dictionnaires, des encyclopédies, des formats de livre numérique, des logiciels de lecture et des appareils de lecture. On accorde autant d’importance au livre numérique non commercial (né en 1971) qu’au livre numérique commercial (né en 1998). On n’oublie pas que ce sont les auteurs qui font les livres – y compris numériques. De nombreux auteurs sont donc interviewés dans ces pages. Les projets collaboratifs existent depuis les débuts du web et leurs auteurs sont également interviewés ici. Ce livre est complété par une chronologie détaillée. Une version web <http://www.010101book.net/fr/> est également disponible. 2 TABLE Introduction Le Projet Gutenberg, un projet visionnaire Le web booste l’internet L’Unicode, système d’encodage universel Des répertoires de textes électroniques L’Online Books Page, liste de livres en accès libre Le format PDF, lancé par Adobe La presse imprimée se met en ligne Le livre numérique gratuit comme outil de marketing Les premières bibliothèques numériques L’internet dans les bibliothèques «en dur» Amazon, pionnier du cybercommerce D’autres librairies en ligne et «en dur» CyLibris, éditeur électronique Vers de nouvelles méthodes d’enseignement Le projet @folio, baladeur de textes «ouvert» Les éditions du Choucas sur la toile La convergence multimédia: contrats précaires et télétravail Gallica, bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France Gabriel, portail des bibliothèques nationales européennes L’Encyclopédie de Diderot et autres bases textuelles 00h00, premier éditeur commercial en ligne Un durcissement du copyright Une information plurilingue Du bibliothécaire au cyberthécaire Les auteurs tissent leur toile Fictions numériques et multimédias Des espaces d’écriture hypermédia Les aventures de Stephen King sur la toile D’autres auteurs de best-sellers suivent Encyclopédies et dictionnaires en ligne Dictionnaires de langues en ligne - première génération Dictionnaires de langues en ligne - deuxième génération Un format standard pour le livre numérique Le livre numérique et ses canaux de diffusion La librairie numérique Numilog Wikipédia, et autres encyclopédies collaboratives La licence Creative Commons Le livre numérique pour les personnes en situation de handicap La Public Library of Science, ou la science pour tous WorldCat, et autres catalogues collectifs pour bibliothèques De Google Print à Google Books L’Internet Archive lance une bibliothèque publique planétaire Comment voit-on les futurs appareils de lecture en l’an 2000? La lecture sur PDA et sur smartphone 3 La lecture sur tablette et sur liseuse Le papier électronique Conclusion Chronologie 4 INTRODUCTION Si le livre imprimé a plus de cinq siècles et demi, le livre numérique approche les quarante- cinq ans, soit l’âge de la maturité. Le premier livre numérique date de juillet 1971. Il s’agit de l’eText #1 du Projet Gutenberg, un projet visionnaire lancé par Michael Hart pour créer des versions électroniques gratuites d'œuvres littéraires et les diffuser dans le monde entier. Au 16e siècle, Gutenberg avait permis à chacun d'avoir quelques livres. Au 21e siècle, le Projet Gutenberg permettrait à chacun d'avoir une bibliothèque gratuite. L’arrivée de l’internet en 1974 puis du web en 1990 permet à ce projet de devenir réalité. Robert Beard, professeur de langues à l’Université Bucknell (Lewisburg, Pennsylvanie), écrit en septembre 1998: «Le web sera une encyclopédie du monde faite par le monde pour le monde. Il n'y aura plus d'informations ni de connaissances utiles qui ne soient pas disponibles, si bien que l'obstacle principal à la compréhension internationale et interpersonnelle et au développement personnel et institutionnel sera levé. Il faudrait une imagination plus débordante que la mienne pour prédire l'effet de ce développement sur l'humanité.» En novembre 2000, signe des temps peut-être, la British Library met en ligne sur son site la version numérisée de la Bible de Gutenberg originale, premier livre à avoir jamais été imprimé. Dans les années qui suivent, le web devient une gigantesque encyclopédie, une énorme bibliothèque, une immense librairie et un médium des plus complets. De statique dans les livres imprimés, l’information devient fluide, du moins pour les sujets scientifiques et techniques, avec possibilité d’actualisation constante. On lit des livres numériques sur ordinateur personnel, sur PDA, sur smartphone, sur tablette et sur liseuse. Mais, contrairement aux pronostics un peu rapides de quelques spécialistes enthousiastes, le papier n’est pas mort pour autant et les adeptes du «zéro papier» restent peu nombreux. Beaucoup d’entre nous sont toujours amoureux du livre imprimé, à la fois pour son côté pratique et pour le plaisir de l’objet, tout en reconnaissant les nombreuses qualités du livre numérique. Malgré les années qui passent, la terminologie du sujet reste encore fluctuante. Doit-on parler de livre électronique ou de livre numérique? La question qu’on se posait en 1995 semble toujours d’actualité vingt ans plus tard. Selon Jean-Gabriel Ganascia, qui était directeur du GIS (Groupement d’intérêt scientifique) Sciences de la cognition en 1995, le terme «livre électronique» est «à la fois restrictif et inopportun». Ce terme est restrictif parce que le livre désigne «un support particulier de l’écrit qui est advenu à un moment donné dans l’histoire» alors que le document électronique comporte à la fois de l’écrit, de l’image et du son. Ce terme est également inopportun parce qu’on ne peut guère juxtaposer au terme «livre» le terme «électronique», «un nouvel objet immatériel défini par un ensemble de procédures d’accès et une structuration logique». De plus, qu’il s’agisse de sa forme exacte ou de sa fonction exacte, le statut même de ce qu’on appelle «livre électronique» n'est pas encore déterminé. C’est aussi l’avis de Pierre Schweitzer, concepteur du projet @folio, tablette numérique de lecture nomade, qui écrit en juillet 2002: «J’ai toujours trouvé l’expression "livre électronique" très trompeuse, piégeuse même. Car quand on dit "livre", on voit un objet 5 trivial en papier, tellement courant qu’il est devenu anodin et invisible... alors qu’il s’agit en fait d’un summum technologique à l’échelle d’une civilisation. Donc le terme "livre" renvoie sans s’en rendre compte à la dimension éditoriale - le contenu -, puisque "l’objet technique", génial, n’est pas vraiment vu, réalisé... Et de ce point de vue, cette dimension-là du livre, comme objet technique permettant la mise en page, le feuilletage, la conservation, la distribution, la commercialisation, la diffusion, l’échange, etc., des œuvres et des savoirs, est absolument indépassable. Quand on lui colle "électronique" ou "numérique" derrière, cela renvoie à tout autre chose: il ne s’agit pas de la dimension indépassable du codex, mais de l’exploit inouï du flux qui permet de transmettre à distance, de recharger une mémoire, etc., et tout ça n’a rien à voir avec le génie originel du codex! C’est autre chose, autour d’internet, de l’histoire du télégraphe, du téléphone, des réseaux...» Le présent livre – qui privilégie le terme «livre numérique» - tente de dresser un panorama de ce vaste sujet, mais ne prend malheureusement pas en compte - ou si peu - les domaines que sont les manuels d’enseignement et les livres pour enfants. On ne parle donc ni du cartable électronique ni de Harry Potter, excepté pour son édition en braille. Les 234 pages du livre ne peuvent couvrir les multiples facettes d’un sujet qui évolue sans arrêt. Tenter de faire le tour de la question ne signifie pas prétendre à l’exhaustivité. Concilier analyse et synthèse pour un tel sujet est loin d’être évident, et coller à l’actualité tout en gardant le recul nécessaire est souvent une gageure. Comment l’aventure du livre numérique a-t-elle débuté? Quelles sont les évolutions au fil du temps? Quelles sont les perspectives? Tel est le voyage virtuel présenté dans ces pages, un voyage sans frontières qui pourrait tout aussi bien s'intituler «Du Projet Gutenberg à l'iPad», en passant par 00h00, @folio, ActuaLitté, Adobe, Amazon, Apple, l’ASCII, Athena, Bookeen, Bookshare, Le Choucas, Citizendium, le copyleft, Creative Commons, le Cybook, CyLibris, DAISY, l’eBookMan, E Ink, l’Encyclopedia of Life, l’EPUB, l’Ethnologue, Eurodicautom, Europeana, Facebook, Franklin, Gabriel, Gallica, Gemstar, Google, la GPL, le Gyricon, Indiscripts, l'Internet Archive, l’iPhone, l’ISOC, le Kindle, Livre-rare-book, Microsoft, Mobipocket, le Nook, Numilog, l’Online Books Page, l’OpenCourseWare, Palm, le PDF, Plastic Logic, PLOS, le Pocket PC, Psion, le Rocket eBook, le SoftBook Reader, le Sony Reader, Twitter, Ulysse, Unicode, le W3C, Wikipédia, WordReference.com, yourDictionary.com, Zazieweb et bien d'autres. Autre originalité de ce livre, la quasi-totalité des informations émane de l’internet. Les premiers sites sont «épluchés» directement sur le web dès ses débuts. Le travail se poursuit au fil des ans, en suivant d’une part l’évolution de ces sites et d’autre part l’actualité du sujet. Les entretiens sont conduits via l’internet après avoir trouvé quelques courriels sur les sites. Les échanges se poursuivent d’année en année, à distance et en personne. Les entretiens, enquêtes et analyses sont publiés au fur et à mesure sous la forme de pages web sur le Net des études françaises (NEF) avant d’être convertis en livres numériques dans le Projet Gutenberg.