René Mayer. Études, Témoignages, Documents
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RENÉ MAYER Etudes, témoignages, documents RÉUNIS ET PRÉSENTÉS PAR DENISE MAYER puf RENÉ MAYER Etudes, témoignages, documents RENÉ MAYER Etudes, témoignages, documents RÉUNIS ET PRÉSENTÉS PAR DENISE MAYER PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE ISBN 2 13 037907 9 Dépôt légal — 1 édition : 1983, février @ Presses Universitaires de France, 1983 108, boulevard Saint-Germain, 75006 Paris AVANT-PROPOS René Mayer, au soir de sa vie, souhaitait, sinon écrire ses mémoires ou rédiger ses souvenirs, du moins indiquer pour lui-même, ou peut- être pour la postérité, les grandes lignes d'une carrière vouée principa- lement au service de l'Etat ou de grands organismes d'intérêt public. Pour ce faire, il avait eu recours à ses agendas, conservés précieusement depuis l'année 1912. Simples carnets de rendez-vous, longtemps grif- fonnés au crayon, et souvent en abrégé, la lecture en est difficile. Déjà très souffrant lorsqu'il avait entrepris ce travail, il sentait peu à peu ses forces décliner et il dut bientôt renoncer à un déchiffrage épuisant. Ses « Notes biographiques », commencées en 1919, se trouvent ainsi arrêtées à l'automne de 1939. Elles nous ont guidée et nous les avons citées textuellement lorsqu'elles dépassaient la simple indication chronologique. Pour les années suivantes, nous avons dû reprendre la suite des agendas, nous aidant parfois de notes éparses laissées par lui et, pour les deux seules années de 1944-1945 et de 1957, du« Journal » qu'il s'était alors imposé de tenir 1. Carnets et « Journal » sont aujourd'hui déposés aux Archives nationales. Dans le plan qu'en avait dressé René Mayer, son autobiographie devait comprendre quatre parties : 1919-1939, 1939-1946, 1946-1955, 1955-1958, étant groupées sous un seul titre : 40 ans de travail, 1919- 1959, une dernière partie n'en devant être que l'épilogue. La première partie : 1919-1939, avait été également divisée par lui en deux chapitres : 1° le Conseil d'Etat ; 2° les Chemins de fer. Nous les avons conservés tels quels et, pour la suite, nous avons repris les grandes divisions qu'il avait indiquées : La deuxième partie : 1939-1946, qui est la période de guerre, comportera cinq chapitres : 1° La Mission française du ministère de l'Armement à Londres (1939- 1940) ; 2° Le régime de Vichy (1940-1942) ; 3° Le Comité d'Alger (1943-1944) ; 4° Le Gouvernement provisoire avec le ministère des Travaux publics, des Transports et de la Marine marchande (1944-1945); 5° Le Commissariat général aux Affaires allemandes et autrichiennes (1945-1946). La troisième partie : 1946-1955, dépeindra : — le député de Constantine ; — le membre du Gouvernement, successivement : ministre des Finances, garde des Sceaux, ministre des Finances et des Affaires économiques, Président du Conseil. La quatrième partie : 1955-1958, le montrera président de la Haute Autorité de la Communauté européenne du Charbon et de l'Acier. La cinquième partie (1958-1972) indiquera brièvement comment, revenu au calme de la vie privée et sa situation matérielle et morale assurée par la place éminente qui lui avait été faite dans le monde des affaires, René Mayer a pu consacrer une large part de son temps à des activités bénévoles à caractère d'intérêt général. Ces grandes lignes d'une existence pour exceptionnelle qu'elle ait pu être n'auraient été qu'une froide énumération de faits et de dates sans les contributions des contemporains de René Mayer au Conseil d'Etat, aux Chemins de fer, au Parlement, à la CECA, montrant ainsi leur attache- ment admiratif et leur affectueuse fidélité à l'ami disparu ; ils ont permis la rédaction d'un ouvrage qui, privé de leur généreuse collaboration, n'aurait pas sa raison d'être : que tous veuillent bien accepter l'expression de notre profonde reconnaissance. Grâce à eux, ceux qui ont connu René Mayer et qui ont travaillé avec lui pourront retrouver dans ces pages un peu de l'atmosphère de chaleureuse collaboration et de l'esprit d'équipe qu'il avait su créer. Ceux qui ne l'ont pas connu apercevront, peut-être, que René Mayer, d'une certaine manière, a marqué l'histoire économique de son pays durant les dix années qui ont précédé la guerre et les dix années qui l'ont suivie. Placé exactement à la charnière de deux époques, homme d'action et réalisateur impatient, ce « conservateur libéral » était de ceux qui prêtent le flanc aux critiques immédiates, mais auxquels la postérité rend parfois plus de justice. Il voyait la « montée des périls » totalitaires avec anxiété, car il avait conserve les idéaux du libéralisme du siècle précédent et il aurait volontiers écrit, avec Tocqueville : « Que voulez-vous, nous sommes de vieux entêtés qui avons donné dans la liberté humaine... et qui ne saurions du tout en revenir » René Mayer est né à Paris, le 4 mai 1895. Il y est mort le 13 décem- bre 1972. Si l'on en excepte les deux périodes de guerre, 1914-1918 et 1939-1945, il est demeuré toute sa vie un Parisien de Paris, sans attache avec l'une quelconque des provinces françaises, si ce n'est la lointaine origine de son grand-père paternel en Lorraine « annexée », dans le village de Dieuze, et celle de ses arrière-grands-parents mater- 1. A. de TOCQUEVILLE, lettre à Gobineau. nels, Alsaciens de Saverne. Ses propres parents étaient Parisiens. Néanmoins il tenait à se réclamer de ses ancêtres des « Marches de l'Est », tout comme il conservait, sans être à proprement parler prati- quant, certaines traditions religieuses des familles israélites dont il était issu et desquelles il avait hérité un profond sentiment d'appar- tenance à la race du « peuple élu ». Son grand-père, Michel Mayer, rabbin à Paris, officiait à la syna- gogue de la rue des Tournelles. Il avait eu plusieurs enfants. Son second fils, Justin Mayer, le père de René, devait mourir prématurément, en 1897, laissant une jeune veuve avec un garçonnet de deux ans et une petite fille à naître quelques mois plus tard. Elevé par sa mère et sa grand-mère maternelle, René Mayer avait fait, au lycée Carnot, d'excellentes études secondaires. En 1913, il achevait sa licence ès lettres (philosophie) et sa licence de droit, tout en suivant les cours de l'Ecole libre des Sciences politiques. La guerre de 1914-1918 le mobilise avec la classe 15, en décem- bre 1914, et il fera toute la guerre au front, comme sous-lieutenant d'artillerie. Blessé au printemps de 1918 et cité deux fois, il termine la guerre comme officier instructeur. Après l'armistice, mais toujours sous les drapeaux, il se fera détacher au cabinet du ministre du Com- merce, Clémentel, auprès d'Henri Hauser, professeur d'histoire à la Sorbonne et ami de sa famille, ce qui lui permettra, pendant les heures de loisir, de préparer le concours d'entrée au Conseil d'Etat. PREMIÈRE PARTIE 1919-1939 CHAPITRE PREMIER Le Conseil d'Etat 1919-1928 L'ENTRÉE AU CONSEIL D'ETAT Démobilisé en septembre 1919 comme lieutenant de réserve, René Mayer a deux mois pour préparer le concours du Conseil d'Etat qui a lieu en décembre. Reçu second de sa promotion et nommé auditeur de deuxième classe, il est affecté à la section du contentieux. La qualité de ses « rapports », son ardeur au travail et la maturité de son jugement vont le mettre très vite en tête du peloton des jeunes auditeurs. Voici l'impression qu'avait laissée le nouveau venu à l'un de ses « anciens », l'ambassadeur Léon Noël, alors maître des requêtes : A l'époque où René Mayer a été reçu au Conseil d'Etat, j'étais commis- saire adjoint du Gouvernement à la section spéciale chargée du contentieux fiscal et du contentieux électoral. En cette qualité, j'ai eu entre les mains les tout premiers dossiers étudiés par lui, avec les projets de décisions qu'il avait rédigés, cela quelques semaines seulement après son succès au concours. Je n'ai jamais oublié mon impression : ainsi que l'annonçait, d'ailleurs, cette petite écriture ferme et nette, si caractéristique de sa personnalité et qui devait être toujours la sienne, ses rédactions dénotaient une intelligence, une précision, une sûreté de jugement, en un mot une maturité d'esprit tout à fait exceptionnelle et que, d'ordinaire, les hommes les mieux doués ne parviennent à acquérir qu'avec les années et l'expérience. J'eus tout de suite la conviction que René Mayer était destiné à une grande carrière Très rapidement, il passera de l'auditorat de deuxième classe à celui de première classe et, dès 1923, il sera nommé commissaire adjoint, puis commissaire du Gouvernement auprès du Conseil d'Etat statuant au contentieux. A l'extérieur, il sera bientôt désigné comme repré- sentant de l'Etat chargé du rapport général dans différentes commis- sions « créées pour régler des problèmes particuliers nés des conséquences de la guerre » Les conclusions du commissaire adjoint, devenu l'année suivante commissaire du Gouvernement, ont porté sur quelques points d'impor- tance et ont même donné lieu à jurisprudence. M. Jacques Marchegay, président du Comité central des Armateurs de France, avait assisté à une séance d'assemblée générale, entendu conclure le jeune commissaire du Gouvernement et noté : Camarade de promotion de René Mayer à l'Ecole des Sciences politiques, j'ai eu en deux circonstances l'occasion de voir confirmer ce qui m'avait frappé dès nos premiers contacts rue Saint-Guillaume. Je veux parler de la très grande supériorité de son intelligence qui approfondissait avec une rapidité exceptionnelle les questions qui lui étaient soumises et en tirait non moins rapidement des conclusions que tout autre aurait dû longuement méditer. Quelques années après notre sortie de l'Ecole, il était entré au Conseil d'Etat.