La nation du fleuve majestueux à Jemseg V olume 1 Témoignages impor La nation du fleuve majestueux à Jemseg

Volume 1 Témoignages importants et histoire orale

Publié sous la direction de

tants et histoire orale Karen Perley et Susan Blair

Manuscrits sur l’archéologie du Nouveau-Brunswick 34F Archaeological Services Services d'archéologie Heritage Branch Direction du patrimoine Culture and Sport Secretariat Secrétariat à la Culture et au Sport Wolastoqiyik Ajemseg

La nation du fleuve majestueux à Jemseg

Publié sous la direction de Karen Perley et Susan Blair

Volume 1 Témoignages importants et histoire orale Projet archéologique de Jemseg Crossing

La version finale de ce rapport a été compilée grâce à l’appui financier du Comité de gestion du projet Grand Lake Meadows.

Archaeological Services Services d'archéologie Heritage Branch Direction du patrimoine Culture and Sport Secretariat Secrétariat à la Culture et au Sport 1998 Cette série est préparée afin de faciliter la distribution des manuscrits ayant trait à l’archéologie du Nouveau-Brunswick. Elle a été publiée en nombre limité et sera généralment disponible sur demande spéciale seulement.

© Karen Perley et Susan Blair et province du Nouveau-Brunswick.

Manuscrits sur l’archéologie du Nouveau-Brunswick 34F, 2003 Rédacteurs: Karen Perley et Susan Blair.

Publiée par Les Services d’archéologie, Direction du patrimoine Secrétariat à la Culture et au Sport C.P. 6000 , N.-B. E3B 5H1,

ISBN 1-55396-146-3

Imprimé au Canada

CNB 2204 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1

Mawlukhotapun – Travailler ensemble Remerciements Le projet archéologique de Jemseg Crossing est uniquement devenu réalité grâce à l’application du principe « travailler ensemble ». Dans le monde des affaires, cette approche est souvent désignée sous le nom de « travail d’équipe ». Toutefois, le concept d’une « équipe » constitue une simplification de la façon dont le travail a effectivement été réalisé à Jemseg. Les « équipes » sont habituellement de véritables groupes de travail formels, créés dans une perspective de concurrence avec d’autres équipes. Notre façon de « travailler ensemble » était moins formelle. Nous étions unis par le désir de sauvegarder un site important avec tout le respect et le soin possible. Essentiellement, le projet n’a pu avancer que grâce au travail acharné et à la contribution de centaines de personnes. Nous vous remercions tous pour vos efforts, votre courage, votre temps, votre patience et votre intérêt. Ces contributions étaient souvent polyvalentes, et nombreux sont ceux qui nous ont fait profiter librement de leur savoir-faire et de leurs talents cachés d’une façon qu’ils n’avaient même pas prévue lorsqu’ils se sont présentés sur le site. Bien des membres du projet, comme John Keenan et Bazil Nash, ont travaillé sans relâche pour fournir de l’information au sujet du projet à leur collectivité, et ils ont également joué un rôle fondamental dans l’approche de groupe pour résoudre le problème de travail archéologique sur le terrain pendant la période d’hiver. Le travail sur le terrain a été rendu possible grâce à un groupe de chefs d’équipe de nature archéologique, notamment Colin Varley, Chris Blair, Katherine Patton, Sam Gallagher, Bazil Nash, Pamela Dickinson, John Keenan, Darcy Dignam, Vincent Bourgeois, Joel Calabrese, Jason Jeandron, Michael Saunders, Shianne MacDonald, Phillip Atwin, Paul McEachan, Mike Nicholas et grâce aux membres des équipes travaillant sur le terrain, notamment Viktoria Kramer, Frank Lewey, Jennifer Butler, Barbara Oldford, Clifton Sacobie, Elvis Sacobie, Mike Smith, Nathan Atwin, Donald Paul, Joe Brooks, feu Gerry

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Pickles, Philippe McKay, Alexandra Francis-Steward, Ian Steward, Wesley Atwin, Terry Smith, Carol Smith, Fred Masters, Doug Solomon, Ryan Francis, Frank Atwin et Dale Nash. Les équipes de « fin de semaine » nous ont remplacés les samedis et dimanches, et elles se composaient notamment de Patricia Looman, Daniel MacKenzie, Larry Orechia, Starr Perley, Chkwabun Nicholas Sappier, Wade Perley, Lisa Maher, David Wilson, Chris Nason, Melanie Doerig, Sonja Harding, Brad Lamey, Cory Lavender, Randy MacBeth, Amanda White, Shelly Perley, Forest Boudreau, Alphonsus Bourgeois, Jeff Dobson, Jeremy Farris, Brent Francis, Ryan Francis, Jamie Gullison, Hazel Haneveld, Mark Hiscock, Wendy Hogan, Ben Hood, Greg Houston, Gary Jonah, Janice Keenan, Sherry Morin, Mona Nicholas, Mike Niski, Brad Paul, Karri-Lynn Paul, Richard Paul, Scott Paul, Leslie Perley, Marie Perley, Robert Perley, Danny Sabattis, Bert Sacobie, Joseph Sacobie, Paul Tomer, Janet Wainwright et Kathy Weeks. La conservation, le travail de laboratoire et l’analyse ont été facilités par une équipe dévouée d’analystes, de catalogueurs, de techniciens et un conservateur, notamment Frances Stewart, Alexandra Sumner, Brent Suttie, Valery Monahan, Paula Paul, Ramona Nicholas, Erica Bear, Tanya Bourgeois, Janice Keenan, Bonnie Atwin, Margaret Stennitt, Diane Paul, Wendy Hogan, David Black et Stephen Monckton. Les problèmes méthodologiques ont été surmontés grâce à beaucoup de travail de remue-méninges réalisé par Tim MacAfee, Bazil Nash, Phil Atwin, Frank Atwin, Dale Nash, Chris Blair, Peter Jardine et Patrick Polchies. Au fur et à mesure que la composante éducative du projet a évolué sous la direction de Karen Perley, les membres du projet nous ont fait profiter de leurs compétences et de leur intérêt pour transmettre l’information au sujet de notre travail et de la communauté Wolastoqiyik du Nouveau-Brunswick au public et à un grand nombre de jeunes qui sont venus avec des groupes de leur école ou de la collectivité. Voici les membres : Ramona Nicholas, Valery Monahan, Cynthia Adams, Teana Pickles, Shelly Perley, Tim MacAfee, Pamela Dickenson, Chris Blair, Alice Paul et Erica Bear. Le site a été originellement découvert grâce à la diligence de Colin MacKinnon, qui avait récupéré des artefacts sur la plage dès le début des années 1990 et qui les a signalés aux Services d’archéologie. Certaines personnes sont venues sur le site pour offrir bénévolement leurs services, c’est-à-dire : Stella Nicholas, Rodney Bear, Tasha Moulton, Doreen Francis, Perry Perley Jr., Mike Moulton, Carl Perley Jr., Storm Perley, Baquahason Sappier et Heather Smith. La sécurité du site et le transport ont été organisés par un certain nombre de personnes, y compris Daryl Paul de la Première nation d’, Joe Paul, Donna Paul, les Gardiens de la paix, dont Tina Nicholas Bernard, Raymond Nicholas et Tina Nicholas Martin, et la GRC, qui a assuré un soutien additionnel pour la réalisation de ces efforts. Des conseils juridiques ont été fournis par Ron Gaffney. Le projet a été coordonné par une équipe composée de Susan Blair, directrice sur le

ii Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1 terrain, Karen Perley, coordonnatrice de l’éducation, Patrick Polchies, gestionnaire du projet, et Chris Turnbull, directeur des Services d’archéologie. De concert avec Patricia Allen, des Services d’archéologie, ce groupe a assuré la « liaison » entre le gouvernement provincial et les Autochtones. Pat Allen a également joué un rôle de soutien important sur le terrain et au bureau principal des Services d’archéologie. D’autres services d’administration de bureau ont été assurés par Amanda Howlett, Crystall Joscak et Ernest Merasty. Un projet de cette ampleur bénéficie de la contribution de nombreuses organisations et de nombreux bureaux gouvernementaux, et nous avons reçu beaucoup d’aide de la part du gouvernement provincial du Nouveau-Brunswick, particulièrement de la part de Louise Gillis, Jennifer Pollock, Marsha Hello, Shirley Phillips, Mike Randall, Sharon Pond, Wayne Burley, Denis Lachappelle, Dan Horseman, Mike Phillips, Brian McEwing, Doug Johnson, Bernard Richard (ministre des Affaires intergouvernementales et autochtones), Sheldon Lee (ministre des Transports) et Ann Breault (ministre des Municipalités, de la Culture et de l’Habitation), de même que de la part de la Maritime Road Development Corporation, particulièrement Bob Burdette et Bob Hodgins. Les conseils des Premières nations ont grandement contribué à ce projet, notamment Karen Kierstead et Roger Nason (Première nation d’Oromocto) et Daryl Paul (Première nation de Kingsclear), et spécialement ceux qui étaient chefs à ce moment-là, soit le chef Robert Atwin, feu le chef Rufford Sacobie, le chef Edwin Bernard, le chef Patrick Francis, le chef Arthur Bear, le chef John Wallace, le vice-chef Len Tomah, le chef Tom Green et le chef Floyd Bernard. Ce soutien se poursuit avec les chefs actuels dans la nomination des membres au Comité consultatif des Malécites sur l’archéologie, et ces chefs sont les suivants : le chef Jean-Guy Cimon, le chef Stewart Paul, le chef Jeff Tomah, le chef Robert Atwin, le chef Arthur Bear et le chef Roger Atwin. La participation au premier Comité consultatif des Malécites pour le projet de Jemseg Crossing a exigé beaucoup de temps et de soutien d’un certain nombre de personnes, notamment Irvin Polchies, feu Charlie Paul, David Perley, Karen Perley, Ned Bear, Dick Paul, Robert Bernard, Chris Turnbull, David Keenlyside, Brian McEwing et Mike Phillips. Bien des personnes ont continué d’offrir leur temps et leur soutien par l’entremise du second Comité consultatif des Malécites sur l’archéologie, notamment Charles (Diamond) Nicholas, Vincent Nicholas, Patty Paul, Mae Perley, Linda Paul, Marjorie Paul, Rocky Paul, Sharon Paul, Tim Nicholas, Phil Atwin, Ned Bear, Robert Bernard, Dianne Pelletier, Barb Nicholas, Amanda Howlett, Karen Perley et Patricia Allen. De nombreuses personnes se sont présentées elles-mêmes au site ou nous ont fait profiter de leur soutien, de leur intuition et de leur connaissance, notamment Wayne Nicholas, Marlene Shumate, Shirley Bear, Gwen Bear, Darrel Paul, Alice Paul et feue Christina Nash. Nous tenons également à remercier les Anciens suivants qui ont participé au projet

iii KCI AKONUTOMAKONAL – Témoignages importants et histoire orale d’histoire orale : Tina Brooks, Pat Laporte et Josephine Paul (Sitansisk / Première nation de St. Mary’s), Richard Polchies Junior (Sitansisk / Première nation de St. Mary’s), feue Theresa Sacobie (Pilick / Première nation de Kingsclear), Ronald Paul (Sitansisk / Première nation de St. Mary’s), Charles Solomon Sr. (Pilick / Première nation de Kingsclear), Rose Atwin (Pilick / Première nation de Kingsclear), Gina (Jeanna) Polchies (Première nation de Woodstock), Bob Nash (Gagetown), Noel Francis Junior avec Kathleen Francis (Première nation Malécites de Madawaska), Elizabeth Paul (Welmooktuk / Première nation d’Oromocto), Charlie Bear (Neqotkuk / Première nation de Tobique), Pat Sacobie (Welmooktuk / Première nation d’Oromocto), Pious et feue Harriet Perley (Neqotkuk / Première nation de Tobique), John Arnold Sacobie (Pilick / Kingsclear), feue Norman Sacobie et Jeanette Sacobie (Welmooktuk / Première nation d’Oromocto), Gloria Nash (Gagetown), Maurice et Rita Perley (Neqotkuk / Première nation de Tobique), Charles Polchies (Première nation de Woodstock), Maurice Sacobie (Neqotkuk / Première nation de Tobique), Royden Sabattis (Pilick / Première nation de Kingsclear), Fred Tomah (Houlton, ). Beaver Nash et Shirley Nash de Gagetown, qui nous ont fait part de leurs témoignages, même si en raison de la mauvaise qualité de leur enregistrement nous avons été incapables de les transcrire. Des remerciements spéciaux aux personnes suivantes qui nous ont aidés pour la traduction du Wolastoqiyik : feue Christina Saulis, Gwen Bear, Imelda Perley, Robert Leavitt et Barb Nicholas, et les autres personnes qui ont aidé à la transcription et à la correction initiale, Alice Paul, Amanda Howlett et Crystall Joscak. Des archéologues, des anthropologues et des géomorphologues professionnels sont également venus sur le site pour nous offrir leur soutien et de l’information, notamment David Sanger, Bruce Stewart, Alan Seaman, Jim Petersen, Robert Ferguson, Bruce Bourque, David Black, Steve Cox, Brent Murphy, Anna de Aguayo et particulièrement Chris Turnbull, David Keenlyside et Patricia Allen. Une fois le projet officiellement terminé, nous avons poursuivi l’analyse. Les Services d’archéologie ont trouvé de l’argent pour la recherche chaque fois que ce fut possible pour soutenir ce processus, mais beaucoup de temps et bien du travail ont été consacrés gratuitement à ce projet de la part de Jason Jeandron, Pam Dickinson, Cynthia Adams et Susan Blair, qui ont poursuivi cette recherche de façon indépendante chaque fois qu’ils le pouvaient. Une partie de cette recherche a bénéficié du soutien des universités et des établissements d’enseignement, et du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, et le programme de bourses du Nouveau-Brunswick pour les femmes qui poursuivent des études de doctorat a accordé une bourse d’étude à Susan Blair. De plus, un soutien personnel et professionnel a été assuré par l’université de Toronto, particulièrement par l’entremise de Ted Banning, Max Freisen et Michael Chazan. Des résidents locaux ont également accordé gratuitement de leur temps au projet en visitant le site et en partageant leurs réflexions et leurs souvenirs, notamment William

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Nash, Roy Dykeman, Sonny Thorne et Caroll Thorne, Cheryl Dykeman et Dawn Bremner. Victor Bear nous a prêté ses outils pour la confection de paniers, et Traditional Malécites Basket Limited nous a prêté des paniers finis pour le centre d’interprétation à Ajemseg. Nous tenons également à remercier un nombre incalculable de personnes qui sont venues sur le site pour nous parler du travail qui y était effectué. Enfin, le présent document a été rassemblé grâce au soutien financier du Comité de gestion du projet Grand Lake Meadows, et nous avons reçu une aide spéciale de la part de Todd Byers et Kevin Craig, tous deux du ministère des Ressources naturelles et de l’Énergie. Nous sommes reconnaissants au personnel professionnel de Communications Nouveau-Brunswick qui nous a aidés à l’étape de la rédaction finale et du formatage du présent rapport. Nous tenons à remercier les organisations, communautés et personnes suivantes qui ont fourni les illustrations qui accompagnent ce document : les Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, les Archives provinciales du Nouveau-Brunswick, le Musée du Nouveau-Brunswick, le Musée canadien de la civilisation, les Archives publiques du Canada, l’University of Pennsylvania, la Bande de Malécites de Houlton, Charles Solomon Sr., Kathleen Francis, Shirley Sacobie, Edith Paul, Patricia Allen et Karen Perley.

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vi Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1

Tables de matières

1. Introduction KAREN PERLEY (NEQOTKUK / PREMIÈRE NATION DE TOBIQUE, ET UNITÉ DES SERVICES ARCHÉOLOGIQUES, SECRÉTARIAT À LA CULTURE ET AU SPORT) ...... 1

2. Je me rappelle, il y longtemps… TINA BROOKS, PAT LAPORTE ET JOSEPHINE PAUL SITANSISK / PREMIÈRE NATION DE ST. MARY’S RICHARD POLCHIES JUNIOR SITANSISK / PREMIÈRE NATION DE ST. MARY’S ...... 19

3. L’argent des Indiens RICHARD POLCHIES JUNIOR SITANSISK / PREMIÈRE NATION DE ST. MARY’S ...... 39

4. Pommes tranchées sur un fil THERESA SACOBIE PILICK / PREMIÈRE NATION DE KINGSCLEAR...... 65

5. Nous vivions en bordure du fleuve… RONALD PAUL SITANSISK / PREMIÈRE NATION DE ST. MARY’S ...... 83

6. Conserver les semences pour l’année suivante CHARLES SOLOMON SR. PILICK / PREMIÈRE NATION DE KINGSCLEAR...... 111

7. Grosse prise ROSE ATWIN PILICK / PREMIÈRES NATIONS DE KINGSCLEAR ...... 141

vii KCI AKONUTOMAKONAL – Témoignages importants et histoire orale

8. Kincemossuwin (le temps des rois) GINA (JEANNA) POLCHIES PREMIÈRE NATION DE WOODSTOCK ...... 159

9. Commerce pendant l’hiver BOB NASH GAGETOWN ...... 173

10. Trous creusés dans les ruisseaux NOËL FRANCIS JUNIOR AVEC KATHLEEN FRANCIS PREMIÈRE NATION MALÉCITE DE MADAWASKA...... 187

11. Foutus camions de l’armée ELIZABETH PAUL WELMOOKTUK / PREMIÈRE NATION D’OROMOCTO ...... 197

12. L’agent des Indiens CHARLIE BEAR NEQOTKUK / PREMIÈRES NATIONS DE TOBIQUE ...... 213

13. Assez pour l’hiver PAT SACOBIE WELMOOKTUK / PREMIÈRE NATION D’OROMOCTO ...... 227

14. Musique des violoneux d’antan PIOUS ET HARRIET PERLEY NEQOTKUK / PREMIÈRE NATION DE TOBIQUE ...... 239

15. Cimsahna - allons chercher du bois de chauffage JOHN ARNOLD SACOBIE PILICK / KINGSCLEAR ...... 257

viii Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1

16. Confection de paniers à l’île Gilbert NORMAN ET JEANETTE SACOBIE WELMOOKTUK / PREMIÈRE NATION D’OROMOCTO ...... 273

17. Vivre de la terre GLORIA NASH GAGETOWN ...... 291

18. Il y avait des îles ici MAURICE / RITA PERLEY NEQOTKUK / PREMIÈRE NATION DE TOBIQUE ...... 293

19. Plein de monde CHARLES POLCHIES PREMIÈRE NATION DE WOODSTOCK ...... 299

20. Skicinuwey – Appartenance à un Indien MAURICE SACOBIE NEQOTKUK PREMIÈRE NATION DE TOBIQUE...... 309

21. Cet homme ROYDEN SABATTIS PILICK/PREMIÈRE NATION DE KINGSCLEAR...... 315

22. Les fabricants de raquettes FRED TOMAH HOULTON, MAINE ...... 331

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x Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1

Avant-propos : La route de Jemseg

CHRISTOPHER J. TURNBULL

La rivière Jemseg, située au coeur du quatre voies proposée entre Fredericton et Nouveau-Brunswick, assure la subsistance Moncton devait traverser la rivière Jemseg. de la nation Wolastoqiyik, tout comme elle Le projet archéologique de Jemseg a servi de voie de transport pour des Crossing comportait de nombreux aspects générations de ses ancêtres. Il est ironique différents. Il s’agissait certainement de de constater que c’est aujourd’hui la fouilles archéologiques pour sauvegarder nécessité d’une route à quatre voies de l’information au sujet du passé du sécuritaire et efficace qui compromet un Nouveau-Brunswick avant la construction ancien lieu situé le long de la même rivière. de la nouvelle route. Bien que les Mais le processus d’évaluation de l’impact évaluations d’impact sur le patrimoine pour environnemental du Nouveau-Brunswick a les projets environnementaux réglementés montré la nécessité d’apporter des mesures soient réalisées depuis comparativement correctrices pour équilibrer le désir de notre peu de temps au Nouveau-Brunswick, il société de se doter d’un système de s’agit de la première fois qu’elles menaient transport moderne avec la nécessité de cette à l’atténuation des impacts sur un site même société de respecter l’héritage des archéologique important. Le tracé de la Wolastoqiyik. C’est ainsi que nous avons nouvelle route avait été déterminé au entrepris des fouilles archéologiques en moment de la construction antérieure de 1996 et en 1997 à l’endroit où la route à tronçons de route dans la région de Jemseg,

xi KCI AKONUTOMAKONAL – Témoignages importants et histoire orale et par conséquent la sauvegarde de moins lent à reconnaître le rôle que les l’information provenant du site offrait la Wolastoqiyik d’aujourd’hui doivent jouer seule possibilité rentable d’éviter sa dans les fouilles au sujet de leur propre destruction totale. histoire. Plusieurs incidents au cours du Toutefois, les fouilles sur les sites quart de siècle précédent ont fait intervenir archéologiques autochtones affectent les une archéologie engagée dans une bataille dissensions continues entre le Canada (et le plus générale entre les sociétés indigènes et Nouveau-Brunswick) et les sociétés le Canada, ce qui a rendu la situation encore indigènes. Dans le cas du site de Jemseg plus complexe. Cette histoire récente est Crossing, les Wolastoqiyik (mieux connus devenue critique à Jemseg. sous le nom de « Malécites », d’origine Le tout a mené à une série de Mi’kmaq) sont des descendants d’intérêt protestations et de démonstrations à spécial. Bien que l’archéologie ne joue l’automne et à l’hiver de 1996 et 1997. Bien habituellement pas un rôle important dans que créée par l’histoire, cette situation a été ces luttes, les circonstances des fouilles ont alimentée par les médias. Toutefois, grâce à rapidement hissé ce site à ce niveau de des négociations, et avec l’appui total du réalité. responsable du projet de route entre La société canadienne contemporaine Fredericton et Moncton, le ministère des est divisée par l’histoire des relations entre Transports, un accord a été signé avec les la société indigène et la société non chefs de la majorité des communautés indigène. Ces relations sont teintées de Wolastoqiyik au Nouveau-Brunswick. préjudices et de bigoterie. Le Canada n’a Malgré quelques tentatives de consultation pas encore réussi à composer de façon avortées, cette entente appuyait la satisfaisante avec les résultats de poursuite des fouilles avec des dispositions l’immigration européenne. Dans les voulant que l’on mette fin à l’impact provinces maritimes, les biens-fonds n’ont environnemental si on trouvait des preuves pas encore été cédés par voie de traités, et de sépultures. Il était convenu dans cet aspect fondamental des relations l’entente que s’il s’agissait d’un site concernant les biens-fonds influe sur les funéraire, il faudrait refaire le tracé de la perspectives autochtones du Canada. Par route. conséquent, lorsqu’un site ancestral des L’essence même de l’archéologie est la Wolastoqiyik est menacé par des découverte de l’inconnu. Le fait de trouver perturbations, cela s’inscrit dans les des caractéristiques de nature funéraire au désaccords existants. milieu d’une ancienne colonie de Les personnes qui ont pratiqué peuplement était suffisant pour interrompre l’archéologie ne sont pas sans reproches. les fouilles et refaire le tracé de la route Nous sommes intervenus dans ces luttes pour éviter le site. Ce n’est qu’à ce moment- avec la vision étroite des universitaires. là qu’ont pu se nouer de nouvelles relations L’archéologue a été hésitant ou tout au entre la Première nation Wolastoqiyik et la

xii Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1 province du Nouveau-Brunswick. Il est des ressources du patrimoine par facile de faire une promesse, mais beaucoup l’entremise du Comité consultatif malécite plus difficile de l’honorer avec toutes les sur l’archéologie. Les deux groupes ont conséquences que cela entraîne. À son décidé de travailler ensemble pour élargir la crédit, et ce, de façon durable, la province a portée de ce comité historique au-delà d’un respecté sa parole au printemps de 1997. Le simple lieu de rencontre et de discussion coude qu’on a dû prévoir dans le pont de la afin d’établir une meilleure compréhension route à quatre voies traversant la rivière grâce à la mise en valeur culturelle. Le Jemseg a été un point tournant dans les Comité a préparé une importante relations entre la province et la exposition itinérante à partir de communauté Wolastoqiyik, au moins en ce photographies historiques des qui a trait à l’archéologie. Wolastoqiyik, de plusieurs affiches et a fait Le projet archéologique de Jemseg en sorte que Gabe Acquin, un chef du Crossing a apporté certains résultats XIXe siècle, soit reconnu comme personne notoires. Les fouilles étaient les plus importante sur le plan national dans importantes jusqu’à ce jour sur tout site l’histoire canadienne. La communauté autochtone dans les Maritimes. Le site était travaille actuellement à la préparation d’un celui d’une colonie Wolastoqiyik ancestrale site Web Wolastoqiyik en tant que lieu importante d’il y a 2000 à 3000 ans. On a permettant de rassembler et de divulguer même trouvé des indices d’une présence de l’information au sujet de la culture sur le site il y a plus de 6000 ans, avec une Wolastoqiyik, de façon à la sauvegarder continuité jusqu’au XXIe siècle. Dans le pour les générations futures et à s’assurer cadre du projet, bien des témoignages qu’elle devienne un actif tangible pour les importants et historiques provenant de la deux collectivités. communauté Wolastoqiyik ont été enregistrés. Ces volumes sont riches de l’histoire Le projet a également donné le ton à des Wolastoqiyik, tant récente qu’ancienne; des relations de plus en plus constructives ils témoignent du pouvoir de travailler entre la province du Nouveau-Brunswick et ensemble afin de trouver un meilleure façon la communauté Wolastoqiyik. Pour éviter à de vivre ensemble dans le respect. l’avenir ce genre de problème, les deux Chris Turnbull groupes ont accepté de se rencontrer Keswick Ridge, N.-B. régulièrement pour collaborer à la gestion Le 25 novembre 2002

xiii KCI AKONUTOMAKONAL – Témoignages importants et histoire orale

xiv Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1

1. Introduction

KAREN PERLEY (NEQOTKUK / PREMIÈRE NATION DE TOBIQUE, ET UNITÉ DES SERVICES ARCHÉOLOGIQUES, SECRÉTARIAT À LA CULTURE ET AU SPORT)

Dans le cadre du projet archéologique situation actuelle du contexte culturel dans de Jemseg Crossing, on a rassemblé, à la région de Jemseg. Ces témoignages font partir d’enregistrements, un ensemble de foi du lien serré entre la nation souvenirs de la nation Wolastoqiyik. Ces Wolastoqiyik et la vallée du fleuve Saint- témoignages devaient établir le lien entre Jean. les Premières nations et le site, en Cette initiative avait une envergure contrepartie des interprétations historique. Bien qu’un certain nombre de archéologiques. L’équipe de gestion, moi- projets d’histoire orale aient été entrepris même, Susan Blair (archéologue du projet), dans le cadre de divers projets Patrick Polchies (gestionnaire du projet) et communautaires des Premières nations, Christopher Turnbull (directeur de l’unité dans la plupart des cas l’information était des services archéologiques), avec l’appui spécifique à cette communauté. La portée du Comité consultatif des Malécites sur du projet d’histoire locale devait refléter l’archéologie, partagions la même idée l’échelle de l’initiative du Comité d’inclure les témoignages de la nation consultatif des Malécites sur l’archéologie, Wolastoqiyik dans le projet, de façon à et le résultat est cet ensemble de souvenirs pouvoir incorporer de nombreuses et d’expériences des Anciens venant de perspectives différentes sur un passé toutes les parties de , transcendant existant, sur un passé récent et sur la les limites des communautés et reliant

1 KCI AKONUTOMAKONAL – Témoignages importants et histoire orale ensemble tout un groupe culturel. commun mais inexact de « Malécites ». La composante de l’histoire orale de la Méthodologie nation Wolastoqiyik à Jemseg dans le cadre À partir de l’établissement des objectifs, du projet du Comité consultatif des jusqu’à l’élaboration de la méthodologie, la Malécites sur l’archéologie mettait composante de l’histoire orale de la nation principalement l’accent sur les expériences Wolastoqiyik à Jemseg réunie par le Comité vécues par les Anciens Malécites. Ils nous consultatif des Malécites sur l’archéologie a ont parlé de leur vie, à partir de leur été dirigée par l’équipe de gestion du enfance jusqu’à ce jour, et de la vie de leurs projet. Nous avons cherché à rendre ce parents et de leurs grands-parents. Dans processus productif, et surtout à nous certains cas, cela représente une période de assurer que les Anciens se sentent à l’aise et 130 ans. Ces témoignages font foi de la détendus. Dans la présente section du relation continue de la nation Wolastoqiyik rapport, je discuterai de ces méthodes, en avec le fleuve et ce territoire. Ils révèlent les consacrant une section aux préoccupations interactions culturelles, sociales et des Anciens relativement aux entrevues et à économiques entre les diverses la présentation du concept de « Weci communautés et avec des personnes ou des Apaciawik » ou « la mémoire reviendra ». collectivités non autochtones. Ils montrent Le processus des entrevues était en fait les contributions apportées par ces Anciens informel, mais il était néanmoins axé sur à la culture, à l’économie et aux activités l’objectif principal de la composante de Wolastoq’kew. Enfin, ils servent à l’histoire orale, soit d’interviewer autant documenter les changements apportés dans d’Anciens que le temps le permettrait. leur vie par le gouvernement de la colonie Alice Paul de Sitansisk / Sainte Mary’s, et leur résistance continue à ses influences. une « parlante de cette langue », a été Dans le présent ouvrage, on utilise les embauchée pour établir le contact initial termes Wolastoqiyik dans la mesure du avec les Anciens des six communautés possible. En effet, le fait d’utiliser les noms Wolastoqiyik, pour organiser les rendez- originels et naturels pour les lieux définit vous, de même que pour effectuer et leur raison d’être et leur contribution à la enregistrer les entrevues et transcrire les survie de cette nation. Par exemple, le enregistrements. fleuve Saint-Jean est Wolastoq. Ce terme Les membres de la communauté désigne, mais décrit également « le fleuve Wolastoqiyik qui devaient être interviewés majestueux ». Le nom Wolastoq décrit les ont été contactés par téléphone. Puis on a caractéristiques physiques du fleuve, son procédé à un suivi au moyen de visites à esprit, de même que les ressources qu’il domicile pour mieux décrire la raison d’être fournit aux gens qui vivent en bordure de et l’objectif du projet. On a ensuite vérifié si ce cours d’eau. On appelle les gens de la les Anciens étaient bien à l’aise en écoutant Wolastoq, Wolastoqiyik ou « nation du fleuve attentivement leur ton de voix pendant la majestueux », évitant ainsi le terme plus

2 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1 conversation. Si l’Ancien était hésitant, il y endroits spécifiques, les activités récréatives avait une visite de contrôle. ainsi que les médecines traditionnelles et Dans certains cas, on a fait plusieurs leur usage. visites à domicile afin de respecter les Vingt-trois Anciens ont été interviewés activités de l’Ancien, qui pouvait avoir et enregistrés, mais seulement vingt-et-un annulé en raison d’engagements familiaux enregistrements ont été transcrits. Les ou personnels imprévus. Dans la plupart enregistrements de trois entrevues étaient des cas, des rafraîchissements étaient offerts de très faible qualité audio, mais un seul et reçus avec joie. Ancien a été interviewé à nouveau. Mme Paul a commencé ses entrevues en Malheureusement, les deux autres étaient février 1997. C’est à cette époque qu’elle a de Gagetown, au Nouveau-Brunswick. commencé à rendre visite aux C’est en raison du manque de temps qu’on communautés des Premières nations n’a pu les enregistrer à nouveau. Wolastoqiyik. On encourageait les Anciens La langue Wolastoq’kew a été utilisée à à utiliser le langage qui leur convenait le l’occasion par les anciens dans la majorité mieux. Ils étaient âgés approximativement des enregistrements, mais il existe deux de 60 à 80 ans, et ils ont été choisis au enregistrement où cette langue a été utilisée hasard ou à la suggestion d’autres membres dans la plus grande partie de l’entrevue. de la communauté. Des entrevues ont eu Le choix de référence pour la traduction lieu avec les Anciens de chacune des et l’orthographe des mots était basé sur la communautés Wolastoq’kew. Bien que la disponibilité du matériel et sur un système plupart vivaient « sur la réserve » d’écriture de langue Wolastoq’kew. Les (terminologie du ministère des Affaires traductions ont été assurées en utilisant indiennes), nous avons également deux sources, soit le « Kolusuwakonal », interviewé des Anciens qui vivaient « en dictionnaire de Philip LeSourd, édité et dehors de la réserve ». révisé par Robert M. Levitt, Université du Mme Paul a demandé aux Anciens de Nouveau-Brunswick, et David A. Francis, et parler en général au sujet de leurs le « Passamaquoddy / Maliseet Reference expériences vécues, de leur lieu de Book », produit par le Passamaquoddy / naissance et de la profession de leurs Maliseet Bilingual Program. Certaines parents, de leur propre profession, de leur traductions étaient difficiles en raison du enfance et de leur éducation. Il n’y avait pas caractère unique de la langue et de certaines de questionnaire structuré, mais lorsque la variantes mineures entre chaque personne interviewée cessait de parler, on communauté Wolastoq’kew. lui posait des questions spécifiques afin de « Weci Apaciawik » ou « il y aura poursuivre le processus de l’entrevue. Ces une restitution » questions portaient sur le style de vie, la La plupart des Anciens chez les spiritualité et les cérémonies Autochtones ont été interviewés au moins (traditionnelles et chrétiennes), certains

3 KCI AKONUTOMAKONAL – Témoignages importants et histoire orale une fois dans leur vie par des universitaires Anciens en faisant en sorte d’empêcher ces ou des chercheurs (autochtones et non pratiques. autochtones), soit pour de petits projets Il est possible d’y arriver en mettant en communautaires ou encore de grands œuvre une politique « weci apaciawik » ou projets dépassant même le cadre des « il y aura une restitution » en vertu de institutions. C’est pourquoi un certain laquelle les Premières nations pourraient nombre d’Anciens Wolastoq’kew étaient élaborer des protocoles pour les chercheurs appréhensifs lorsqu’on leur a demandé autochtones et non autochtones qu’ils d’être interviewés dans la composante de devraient suivre avant d’approcher nos l’histoire orale du projet archéologique de Anciens et nos communautés. Cette Jemseg. Leurs préoccupations portaient sur politique accorderait une garantie qu’il y a l’utilisation escomptée de leur témoignage une « restitution » à la communauté pour dans le cadre du projet. Certains Anciens l’information reçue. ont refusé pour deux raisons. Eux-mêmes La politique pourrait comporter un ou d’autres membres de la communauté système de permis ou de licence précisant avaient déjà connu l’expérience d’être les procédures à suivre pour les activités interviewés dans le passé sans jamais savoir liées à la collecte de ressources culturelles. à quoi avait servi l’information fournie, L’une des exigences de la procédure sans compter les pratiques dans le passé en pourrait être la prestation d’avantages vertu desquelles l’information était directs pour la communauté. Cela pourrait devenue reconnue comme la propriété de comprendre un processus en vertu duquel l’universitaire ou du chercheur ou encore des propositions sont révisées par un petit de son institution. comité qui surveillerait et faciliterait le La recherche de connaissance projet. De plus, il serait possible de tenir des concernant les Premières nations se discussions avec l’universitaire ou le poursuivra sans doute dans l’avenir en chercheur afin de déterminer quel service raison de l’intérêt accru pour la ou produit serait raisonnable sous forme de compréhension du passé, de même qu’en « restitution » à la communauté. raison de la prise de conscience par les Comme la plupart des projets de universitaires et les chercheurs que la recherche sont parrainés par des connaissance des Premières nations et leur organismes de financement ou des interprétation est nécessaire pour servir de subventions, ce processus pourrait complément à l’étude de ce passé. représenter un fardeau financier pour la C’est pourquoi il faut établir des communauté des Premières nations ou le dispositifs de protection. La responsabilité chercheur. Dans ce cas, je suggère que les en incombe à la communauté des Premières coûts soient définis dans la phase de nations appuyée par d’autres paliers planification des projets lorsque des gouvernementaux, institutions et individus ou les institutions présentent une organismes afin d’éliminer la méfiance des demande de financement. La coopération

4 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1 des organismes de financement et des ils tissent une riche tapisserie culturelle. principaux intervenants sera nécessaire Je décrirai les communautés pour assurer le succès de ce concept. Wolastoq’kew modernes, en partie pour Toutefois, il y a eu des réussites dans la illustrer le fait qu’il existe encore un nation promotion de « weci apaciyawik » en dépit Wolastoqiyik, ou des Malécites, et qu’il du fait que le principe en soit à l’étape reste des communautés en amont et en aval d’« idée seulement ». Ce principe a été lancé le long de la Wolastoq. La nation pendant la réalisation du projet Wolastoqiyik n’appartient pas seulement au d’archéologie de Jemseg Crossing, mais il a passé, mais également au présent. Les débordé sur la période ultérieure en raison données de ces profils ont été recueillies en de l’engagement de divers individus, 1997 et comprendront les noms de chaque particulièrement des chercheurs comme communauté, de chaque emplacement, la l’archéologue Susan Blair et l’archéologue/ date de l’établissement, les affiliations administrateur Christopher Turnbull. politiques et la population. (Susan discute de ces contributions dans le Le Nouveau-Brunswick compte six Volume 2 et Chris dans l’« avant-propos » communautés de la Première nation des Volumes 1 et 2). Wolastoq’kew établies sous forme de On espère que d’autres suivront leur « réserves » par le gouvernement fédéral exemple afin qu’éventuellement « weci dans les années 1800. Il reste néanmoins des apaciyawik » devienne un processus établi milliers de sites le long de la vallée du permettant de rendre nos Anciens plus à fleuve Saint-Jean où les Ancêtres de la l’aise dans la divulgation de leurs nation Wolastoqiyik d’aujourd’hui ont vécu témoignages et que leurs expériences et sont morts. La vallée du fleuve Saint-Jean amélioreront la connaissance de n’est pas la seule région ou le seul territoire Wolastoq’kew. où la nation Wolastoqiyik a vécu, mais il Brefs profils des s’agira de la seule région qui sera discutée communautés Wolastoqiyik dans le présent rapport. Les six Premières nations Wolastoq’kew La nation Wolastoqiyik occupait sont les suivantes (du nord au sud le long anciennement les diverses parties de la de la Wolastoq) : la Première nation des Wolastoq, et l’on retrouvait diverses Malécites de Madawaska, Neqotkuk / communautés à divers points en aval et en Première nation de Tobique, la Première amont du fleuve. Toutes les communautés nation de Woodstock, Pilick / Première continuent d’entretenir un lien étroit avec nation de Kingsclear, Sitansisk / Première Jemseg, et cette connexion survit dans les nation de Sainte Mary’s et Welmooktuk / souvenirs des Anciens. Ces souvenirs Première nation d’Oromocto. D’autres illustrent non seulement les liens avec communautés Wolastoq’kew, comme les Jemseg, mais également avec tous les autres Malécites de Viger à Cacouna, sont situées points le long de la Wolastoq avec lesquels au Québec, et dans le Maine, à Houlton. On

5 KCI AKONUTOMAKONAL – Témoignages importants et histoire orale compte également une importante Wolastoqiyik et à son territoire. Il existe population Wolastoqiyik à Gagetown, dans néanmoins un comité mixte Wolastoqiyik et le sud du Nouveau-Brunswick, à proximité de la province du Nouveau-Brunswick qui de Jemseg. travaille à diverses questions Ces Premières nations sont membres archéologiques. Ce comité, soit le Comité d’un certain nombre d’organisations consultatif des Malécites sur l’archéologie, a politiques. Au niveau national, il y a été créé en relation directe avec le projet l’Assemblée des Premières nations, qui d’archéologie de Jemseg Crossing et sera regroupent les chefs de toutes les parties du évoqué après les profils. Canada. Au plan régional, l’Atlantic Policy La Première nation Malécite de Congress regroupe un ensemble de chefs Madawaska s’est établie avant 1867 et est des provinces de l’Atlantique. Sur le plan située dans le Nord du Nouveau-Brunswick provincial, l’Union des indiens du N.-B. à proximité de la province du Québec et de représente les Premières nations l’État du Maine. Cet endroit est situé à Wolastoqiyik et Mi’kmaq. Le Conseil tribal environ 1,6 km à l’est d’ sur la MAWIW regroupe les trois plus route 144 et est accessible à partir de la importantes Premières nations du Transcanadienne. La communauté est située Nouveau-Brunswick, et il comprend les à environ 300 km au nord de Fredericton. Premières nations Wolastoqiyik et Mi’kmaq. Les Malécites de Madawaska ont des Le Conseil tribal du fleuve Saint-Jean affiliations politiques avec l’Assemblée des représente également les Premières nations Premières nations, l’Union des Indiens du Wolastoqiyik et Mi’kmaq. Voici d’autres N.-B., l’Atlantic Policy Congress et le groupes dont peuvent faire partie les Conseil tribal de la vallée du fleuve Saint- Autochtones : le Conseil des femmes Jean. Un chef et deux conseillers assurent le autochtones du Nouveau-Brunswick, le leadership de cette communauté, qui Centre autochtone de l’amitié du N.-B., le compte une population totale de Conseil des peuples autochtones du N.-B. 213 personnes, dont 101 vivent « sur la Pour l’instant, il n’existe aucune réserve » et 112 « en dehors de la réserve ».1 organisation politique ou culturelle Neqotkuk / Première nation de moderne, exclusivement pour la nation Tobique est la plus importante Wolastoqiyik. Toutefois, trois réunions de communauté de la Première nation Malécite tous les chefs malécites ont été convoquées au Nouveau-Brunswick, comptant une pour discuter de questions spécifiques. Le population totale de 1 643 personnes, dont premier Congrès national des Wolastoqiyik 1 047 vivent « sur la réserve » et 396 « en ne s’est pas encore tenu pour régler toutes dehors de la réserve ».2 Un chef et les questions spécifiques à la nation 12 conseillers assurent le leadership dans

1, 2 Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, B. A. Cleveland, analyste des données et des systèmes.

6 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1 cette communauté située dans le Nord du population totale est de 714 personnes, dont Nouveau-Brunswick, à 27 km au sud de 521 vivent « sur la réserve » et 193 « en Grand-Sault, et à approximativement dehors de la réserve ».4 Un chef et six 200 km au nord de Fredericton, à 9,6 km de conseillers assurent le leadership de cette Perth-Andover et environ 18 km de la communauté. frontière du Maine. « Pilick » signifie « le village ». Neqotkuk / Tobique a été établie en Kingsclear a des affiliations politiques avec 1801. Elle est membre de l’Assemblée des l’Assemblée des Premières nations, Premières nations, du Conseil tribal l’Atlantic Policy Congress et l’Union des MAWIW et de l’Atlantic Policy Congress. indiens du N.-B. La Première nation de Woodstock a été Sitansisk / Première nation de établie en 1851. Elle est située à 5 km au sud St. Mary’s est située à proximité de la cité de la ville de Woodstock et compte une de Fredericton. Elle a été fondée par population totale de 696 personnes, dont Gabriel Acquin en 1867. La population 227 vivent « sur la réserve » et 469 « en totale est de 1 080 personnes, dont dehors de la réserve ».3 Les dirigeants 650 vivent « sur la réserve » et 430 « en politiques de Woodstock comptent un chef dehors de la réserve ».5 Un chef et onze et six conseillers, et la superficie totale du conseillers constituent l’autorité politique à territoire est de 92,4 hectares. C’est dans Sitansisk, qui est membre de l’Assemblée cette communauté des Premières nations des Premières nations, de l’Union des qu’est situé le bureau principal du Conseil indiens du N.-B. et de l’Atlantic Policy tribal de la vallée du fleuve Saint-Jean, qui Congress. dessert une Première nation Mi’kmaq et Welmooktuk / Première nation trois Premières nations malécites en ce qui a d’Oromocto est située dans les limites trait à l’administration locale indienne, aux municipales d’Oromocto, à 20 km au sud de services financiers, au développement Fredericton. C’est à Oromocto qu’est située économique, à l’aménagement la plus grande base de formation militaire communautaire et aux services techniques. dans le Commonwealth britannique, la Base Il s’agit des cinq services de base dispensés des Forces canadiennes de Gagetown. par les conseils tribaux, mais pas Welmooktuk compte un territoire de nécessairement les seuls (Eric Paul, 29,8 hectares pour une population totale de directeur, communication personnelle). 412 personnes, dont 172 résident « sur la Pilick / Première nation de Kingsclear réserve » et 240 « en dehors de la réserve ».6 est située à 14,4 km à l’ouest de Fredericton Welmooktuk a été établie en 1895. Un chef et a été établie en 1814. Cette communauté et quatre conseillers gèrent actuellement possède un territoire de 374,7 hectares et sa l’administration des programmes et

3, 4, 5, 6 Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, B. A. Cleveland, analyste des données et des systèmes.

7 KCI AKONUTOMAKONAL – Témoignages importants et histoire orale assurent un emploi à temps plein à quinze première réunion du Comité, il a été décidé personnes, et un emploi saisonnier à vingt de tenir les futures réunions dans les autres personnes. communautés des Premières nations afin de Les affiliations politiques de favoriser la circulation de l’information Welmooktuk sont l’Assemblée des parmi les membres de la communauté. Premières nations, l’Atlantic Policy Bien que soutenue par la plupart des Congress, l’Union des indiens du N.B. et le Malécites, la création d’un comité sans la Conseil tribal de la vallée du fleuve Saint- participation des chefs élus des Malécites a Jean. mené au démantèlement temporaire du Comité consultatif des Malécites premier groupe. Après une série de sur l’archéologie consultations et la présentation d’exposés aux chefs malécites, un nouveau comité a Le Comité consultatif des Malécites sur été mis sur pied. Ce nouveau comité a le projet de Jemseg, maintenant désigné obtenu le soutien de la majorité des chefs. sous le nom de Comité consultatif des Curieusement, les membres de ce nouveau Malécites sur l’archéologie, a été établi à comité étaient, à une seule exception près, l’été de 1996. Christopher Turnbull, alors les mêmes que ceux du groupe original! directeur des Services archéologiques du Sept ans après sa mise sur pied, ce ministère des Municipalités, de la Culture et groupe de travail est toujours actif. de l’Habitation, a proposé de faire Actuellement, le travail du Comité participer la communauté malécite à la consultatif des Malécites sur l’archéologie réalisation du projet archéologique de (CCMA) peut compter sur le soutien de Jemseg Crossing. Le comité devait servir de l’unité des Services archéologiques du forum pour la tenue de discussions Secrétariat à la Culture et au Sport du concernant le projet de Jemseg, orienter le Nouveau-Brunswick. Des représentants de processus de consultation, s’assurer que la cet organisme travaillent avec les communauté malécite était informée, représentants nommés par les chefs de encourager l’utilisation pédagogique du chacune des six communautés malécites. Le projet et participer au processus de prise de CCMA est au cœur de la poursuite du décisions dans le cas des principales fouilles dialogue entre les Services archéologiques archéologiques. et les communautés Wolastoqiyik. Le Le Comité consultatif initial des CCMA se réunit de façon régulière et Malécites sur le projet de Jemseg était discute de questions d’intérêt composé de représentants de chacune des archéologique. Par l’entremise du CCMA, six communautés malécites, de plusieurs projets fructueux faisant la représentants des ministères des Transports, promotion de la culture Wolastoqiyik ont de l’Éducation ainsi que des Municipalités, été réalisés. de la Culture et de l’Habitation du Nouveau-Brunswick et d’un représentant Pourquoi inclure des témoignages? du Musée canadien de la civilisation. À la Les témoignages sont importants pour 8 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1 de nombreuses raisons. L’information sur la de tels mots. Les pronoms sont intégrés à culture Wolastoq’kew est inscrite dans la tous les verbes et ne sont pas spécifiques au langue. Le processus traditionnel de la sexe. Pour désigner les deux sexes, on transmission de l’histoire est par voie orale. utilise des mots comme yat (elle/lui), not Les Anciens emmagasinent l’information (elle/lui), nekom (à elle/à lui) à tous les dans leur mémoire au lieu de la mettre par temps grammaticaux. Une personne écrit. C’est pourquoi les expériences vécues mentionnée dans une conversation est et les souvenirs des Anciens ne sont pas désignée par son nom et non pas par un documentés et qu’il existe très peu pronom « elle/lui ». Le motyat est utilisé d’information écrite sur la culture par une personne qui désigne un tiers, de Wolastoq’kew. L’information limitée qui a l’un ou l’autre sexe, qui est à portée de vue été écrite est bien souvent basée sur des de son interlocuteur. L’expression est une sources historiques, comme les journaux indication de niveau égal de valeur pour les des premiers explorateurs, de même que les deux sexes. comptes rendus des missionnaires et des C’est en écoutant l’un des érudits non autochtones. Ces écrits sont enregistrements que j’ai noté qu’une bien souvent truffés de faussetés culturelles Ancienne utilisait une méthode et de stéréotypes. systématique soit pour se rappeler de Shirley Bear, de Neqotkuk / Tobique est l’histoire, soit pour se servir de ce moyen l’un de mes professeurs. Elle m’a enseigné pour revivre l’événement à nouveau tout en que nous avons toujours possédé cette répétant l’histoire. connaissance. Elle parle de « mémoires Lorsque Elizabeth Paul, de anciennes » et mentionne que c’est par les Welmooktuk (Oromocto) a été interviewée mots, les chansons, les rêves et les la première fois, l’enregistrement audio était cérémonies que ces enseignements sont mauvais. Elle y parlait des expériences transmis. qu’elle a vécues lorsqu’elle a été déménagée Un autre point important à se rappeler de Welmooktuk (Oromocto) à Pilick pour les lecteurs est que certains mots en (Kingsclear), et comment on ramassait les Wolastoq’kew sont très difficiles à traduire. personnes dans les camions de l’armée. En effet, ils peuvent avoir une double L’interview a été enregistrée à nouveau, et signification. D’autres possèdent une elle a raconté la même histoire exactement signification ancienne et profonde que seul de la même façon en utilisant un discours quelqu’un qui parle la langue peut ritualisé ou encore un « système de comprendre. Par exemple, le mot leyu. Il mémorisation ». Il s’agit de mémoires orales signifie « c’est vrai » mais également « c’est (Sara Kennedy, Fédération des chorales du ou c’était comme ça ». Dans la langue N.-B., communication personnelle). On Wolastoq’kew, les deux significations ne peut comparer ce mécanisme au fait de sont pas distinctes. Un autre exemple est la chanter une chanson en variant la tonalité façon de désigner « elle / lui ». Il n’y a pas de bas à haut. Il semblerait que cette

9 KCI AKONUTOMAKONAL – Témoignages importants et histoire orale méthode est très efficace pour se rappeler du lieu en relation avec l’étendue d’eau ou d’expériences personnelles et retrouver la encore les besoins auxquels cet endroit « sensation » alors vécue. Dans son cas, répondait. Parfois, ces noms décrivent les c’était à la fois l’excitation et le choc qu’un « nombreuses conditions favorables à traitement aussi insouciant puisse l’établissement de camps… un bon endroit s’appliquer à des personnes. Je regrette qu’il pour le gibier, ou pour la pêche à l’anguille, s’agisse du seul exemple que je puisse la fin d’un portage, un platin propice à la donner, car son histoire est la seule qui a été culture, une bonne source… »7 Neqotkuk réenregistrée. (Tobique) peut se traduire par « courant Ce que nous révèlent les sous-marin causé par la force de deux cours témoignages – Les Anciens parlent d’eau qui se rencontrent », désignant ainsi le point de rencontre du fleuve Saint-Jean et Les histoires des Anciens constituent de la rivière Tobique. Jemseg ou Ajemseg leur témoignage des enseignements qu’ils veut dire « lieu de rassemblement », soit un ont reçus, de leurs expériences personnelles endroit où les gens pouvaient trouver du et de leurs réflexions sur les événements qui bois flotté, de la nourriture et des se sont produits pendant leur vie, et même médicaments, et où les gens se retrouvaient pour certains d’entre eux en ce qui a trait à pour faire du commerce et socialiser. la vie de leurs parents et de leurs grands- Eqpahak, situé à la limite supérieure de parents. Ces témoignages donneront une l’estuaire du fleuve Saint-Jean, veut dire meilleure image de ces personnes et de leur « fin de la marée ». Comme ces exemples le environnement, et sera à l’origine d’une montrent, les témoignages offrent une prise de conscience de la valeur de ces excellente possibilité de recherche en témoignages. Il s’agit ici de pièces du fournissant des données brutes au lecteur puzzle, qui nous permettent d’entrevoir et sous forme de noms de lieux, illustrant le de comprendre une partie très importante lien qui existe entre les gens et ces divers de l’histoire récente de la nation endroits. Wolastoqiyik d’une façon que l’on ne Les témoignages relatifs au projet de retrouve pas dans les documents écrits. Jemseg permettent au lecteur d’associer les L’information consignée à partir de ces événements qui jalonnent l’histoire des témoignages a renforcé et clarifié le lien Premières nations dans la vallée du fleuve entre la nation Wolastoqiyik et la vallée du Saint-Jean aux Anciens qui les ont vécus. fleuve Saint-Jean. Même les noms traditionnels donnés par nos ancêtres à Hommes du gouvernement certains lieux ou sites spécifiques renforcent et agents des Indiens et illustrent notre lien avec ces endroits. Les Les témoignages servent à documenter noms traditionnels décrivent l’emplacement les expériences vécues par les Anciens en ce

7 W. D. Hamilton and W. A. Spray, Source Materials Relating to NouveauBrunswick Indians, p. 4

10 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1 qui a trait au plan du gouvernement de de s’emparer du territoire de Welmooktuk centraliser la nation Wolastoqiyik en pour agrandir la base des forces armées de cherchant à déplacer les habitants de Gagetown : Welmooktuk (Oromocto) à Pilick … ils ont construit ces maisons, et si ces familles (Kingsclear). étaient restées là, si elles Je dois dire que lorsque avaient déménagé, nous nous avons déménagé de cet aurions perdu tout ce territoire, endroit, j’étais très jeune. Il y a car l’armée parlait de cette combien d’années que nous réserve et qu’elle allait s’en avons été transférés accaparer. Je dois dire qu’en ces d’Oromocto? Cela fait temps-là, il y avait le père de quarante-sept ans que nous Ben, John Brooks et avons été déménagés. Les John Sacobie, et eux ont efusér hommes du gouvernement à de déménager, mais si toutes Ottawa sont venus et ont menti ces familles avaient déménagé aux Indiens. Tout ce qu’on leur à Kingsclear, nous aurions tout avait promis ne s’est jamais perdu. Nous serions à produit après le déménagement Kingsclear aujourd’hui. Il n’y à Pilick. Je dois dire que leur avait rien qu’ils pouvaient faire, premier mensonge aux Indiens car ils ne pouvaient les forcer, était qu’au moment du et ces derniers ne voulaient pas déménagement à Pilick, les déménager; ils sont tout maisons seraient prêtes, que les simplement restés là. Le père travaux seraient terminés et de Ben a déménagé pendant qu’il y aurait une grosse ferme quelque temps mais il n’a pas au bas de la colline avec duré plus de deux semaines beaucoup de vaches et de avant de retourner chez lui. poulets, soit cinq cents têtes de bétail et cinq cents chèvres, et L’agent des Indiens était un que chaque famille recevrait représentant du gouvernement de la cinq cents poulets, alors qu’il colonie pour la gestion et le contrôle des n’y avait aucun poulet là-bas. Malécites. Sa malhonnêteté et son âpreté au (Royden Sabattis) gain ont entraîné la pauvreté dans la Elizabeth Paul de Welmooktuk / communauté. Oromocto se rappelle : M. Polchies : Whalen Je dois dire qu’ils nous ont déménagés à s’enrichissait aux dépens des Kingsclear en 1947 dans les foutus camions Indiens et il a fait beaucoup de l’armée. Ces derniers faisaient le tour de d’argent ainsi. Il était un ancien agent de la GRC et il s’est retiré la réserve et on nous disait : « Montez, vous millionnaire, car tous les biens déménagez… vous déménagez à et services qui étaient fournis Kingsclear. » aux Indiens le long du fleuve Et après leur déménagement à Pilick, Saint-Jean augmentaient ses gains personnels… (Richard elle mentionne ce qui aurait pu se produire Polchies) si le plan du gouvernement lui avait permis Une personne de

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Kingsclear : une pension de l’armée. Il C’était cet agent du nom gardait tout cet argent pour eux d’Edward Whalen, et il vivait ou lorsqu’un enfant recevait du juste ici sur la terre des Indiens. lait, on le donnait à l’agent Il avait une grosse maison là- pour l’enfant, mais l’agent ne le bas, pas loin d’ici. Là où nous donnait pas à l’enfant. Je ne sais vivons aujourd’hui, il y avait pas ce qu’il faisait avec le lait, un ancien chemin, en face de mais je crois qu’il le vendait. Je notre maison. L’agent vivait à sais que lorsqu’il a fait l’élevage proximité. Il dirigeait tout, et il des vaches, vingt têtes de possédait tout également. Il Jersey, toutes des Jersey, le père avait du bétail, des chevaux, de ma femme avait l’habitude des porcs, des vaches et des de travailler pour l’agent, et il poulets. Il devait distribuer ces trayait les vaches à la main tous biens aux Indiens, mais il s’en les matins, recueillant des gardait bien et c’est cet homme bidons à crème de lait. L’agent qui affamait les Indiens ici à est celui qui ramassait l’argent. Pilick… tout ce qu’il plantait au Tout ce qu’il vendait printemps, pommes de terre, appartenant aux Indiens, et il avoine, navet, et tout le reste, en mettait l’argent dans ses en plus du bois à pâte coupé poches. Il ne remettait pas un dans les bois, chaque soir il sou aux Indiens. chargeait le tout jusqu’à minuit Lorsqu’on lui a demandé s’il se le soir afin d’aller le vendre… rappelait de l’agent des Indiens, un Ancien nous étions les seuls engagés, et les Indiens avaient l’habitude a dit : de recevoir de la GRC de pleins Oui, à Kingsclear… le camions de vêtements et de démon. (Pat Sacobie) souliers, et nous transportions Même démon, avec un nom différent! le tout ici pour le mettre dans On a vécu des expériences semblables en les hangars à grain afin de lui amont à Tobique. permettre de faire le tri parmi les meilleurs vêtements, et tout Norval Hartt MacPhail était le ce qui restait, il le donnait aux surintendant de l’agence indienne de Indiens; et il allait vendre les Tobique, dont le bureau était situé à Perth, articles en bon état. Même les au N.-B. Il a été surintendant de 1928 à 1958 couvertures, les draps blancs, les taies d’oreiller et les articles (Une histoire des Malécites de la réserve en vraiment bon état, et les indienne Tobique sur le fleuve Saint-Jean – souliers, on l’accompagnait Allocution prononcée devant la Société dans les camps de bûcherons historique de Perth-Andover le 30 janvier pour vendre ce matériel, et il gardait l’argent pour lui- 1961). même. » (Royden Sabattis) Un Ancien a dit : Il poursuit en disant : MacPhail, Norval Il a trompé les Indiens, pas MacPhail. C’était un démon, cet juste un mais tous. Rappelez- homme. (Maurice Perley) vous lorsque certains ont reçu Un autre Ancien de Tobique abonde dans le même

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sens : une patte de cheval. Ce n’est …l’agent des Indiens en pas une personne, c’est le ville, et son nom était diable. Je crois que je vais aller Norval MacPhail. Il était chercher le prêtre. Lorsque le méchant. Il était difficile prêtre arriva, il vit l’étranger, il d’obtenir quelque chose de lui. prit de l’eau bénite et en Il vous laissait couper du bois, aspergea l’étranger. Et ce mais il ne vous donnait pas le dernier passa à travers le montant au complet. Il fallait plancher. Le prêtre leur dit : toujours l’échanger pour du Vous jouez trop de musique matériel, comme du câblage tous les soirs. Vous avez électrique ou de l’isolant ou des finalement invité le diable. fenêtres pour notre maison. Car Vous devez arrêter de jouer de il possédait une quincaillerie à la musique. (John Arnold ce moment-là. (Charles Bear) Sacobie) Des expériences semblables sont …et une autre nuit, ils jouaient; je crois, oui, qu’ils rapportées par Ida Paul, Lilly Laporte et jouaient aux cartes. Tout à Jaunita Perley de Tobique dans la coup, ils entendirent quelqu’un publication « Enough is Enough », où des qui glissait sur un toboggan, et femmes autochtones se confient à ce, pendant presque toute la nuit, à l’endroit appelé Janet Silman. Elomakqek. C’est ainsi Influence du christianisme qu’Elizabeth appelait cet endroit. Un esprit, et personne Les témoignages reflètent également ne le vit nulle part. Ils l’influence générale du christianisme sur les arrêtèrent donc de jouer aux histoires folkloriques et la relation avec la cartes et ça ne se reproduisit plus jamais. (John Arnold spiritualité. Bien des témoignages Sacobie) comportent le thème de l’impuissance des …Ils étaient d’accord de croyances traditionnelles devant le « mal »; tenir une danse, et chaque soir seul le pouvoir de l’Église et de sa doctrine il y avait une danse. Il y avait une salle au bas de la colline, peut surmonter le mal. un peu plus bas que l’église. Ils Un Ancien nous rapporte une histoire avaient commencé à jouer de la qu’on lui a racontée : musique, et encore une fois ...une nuit où l’on dansait, l’étranger entra et commença à entre tout à coup Sakomawi jouer lui aussi. Ils l’ont laissé Wehnoch [un étranger]. Il était si jouer. bien vêtu, et son violon était si Et encore une fois un luisant! Lorsqu’il commença à homme dit : Regardez les pieds jouer, on ne savait même pas ce de cet étranger. C’est un être qu’il jouait, car il était tellement différent. Ils ne pouvaient pas habile avec son violon. Mais il y vraiment décrire l’une de ses avait cette autre vieille femme jambes, car elle était toute disant : Molly, regarde ses recouverte de poil. Ils dirent pieds. L’une de ses jambes était qu’il faudrait que quelqu’un

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aille chercher un Motewolon. Ils rapporte une histoire que lui a raconté son allèrent donc chercher Wey, car père au sujet des gens qui allaient dans les il était un Motewolon à cet endroit. Mais son pouvoir bois et y restaient presque tout l’hiver. Il n’était pas assez fort. Ils dirent raconte : alors :Allons chercher un ...ils voulaient jouer au prêtre. Ils allèrent chercher un poker et l’un des Anciens leur prêtre. Le prêtre lui frotta dit : On ne devrait pas jouer quelque chose sur la gorge. Et aux cartes, il y a le tonnerre et tous entendirent des cloches. les éclairs, il faudrait arrêter. Et, comme je vous le dis, il Quelqu’un frappa à la porte du passa à travers la plancher. Le vieux camp, et un homme entra prêtre leur dit : Vous jouez trop vêtu comme un… il était aux cartes. (John Arnold inhabituel dans le fond des bois Sacobie) que tout à coup quelqu’un se Theresa Sacobie, de Pilick (Kingsclear) présente tout bien vêtu, avec un haut de forme… et l’histoire se raconte comment les gens aimaient danser poursuit ainsi… cet homme et comment le prêtre cherchait à les sophistiqué, l’un de ses pieds décourager : était un sabot et lorsqu’on vit Une fois, ils ne purent cela, on prit tout simplement entrer dans la salle, car le prêtre peur. avait verrouillé l’entrée au D’autres histoires semblables étaient moyen d’un cadenas, et ils répétées dans les communautés des demandèrent à un jeune de passer à travers une petite Premières nations et constituaient une ouverture. Cette personne tentative de la part de l’Église pour arriva toute bien vêtue dans un discréditer et décourager le lien des genre de smoking noir, et faisait Premières nations avec la spiritualité. « La le tour du groupe. Quelqu’un remarqua que l’un de ses pieds Loi sur les Indiens stipule que toutes les était en fait un sabot, et ils se écoles de jour des Indiens doivent être mirent tous à crier. Ce diable, dirigées sous la supervision de l’Église » ou peu importe ce que c’était, (MacPhail). est passé à travers le mur… et elle continue à raconter que Les prêtres avaient un contrôle total sur cela est arrivé parce qu’on nous l’éducation des enfants, ce qui leur donnait avait défendu de le faire. Selon la possibilité de les conditionner à un âge Theresa, ils avaient tellement très précoce. Ce fut sans aucun doute peur, et elle croit que son père n’a jamais touché à un violon à l’origine des « histoires du diable » visant à nouveau. faire peur aux gens en leur faisant croire en Bon nombre de ces témoignages la force du christianisme. illustrent des situations déplaisantes ou Technologie inattendues qui se sont produites lorsque En plus de l’influence du christianisme, les gens jouaient aux cartes : les témoignages des Anciens décrivent les Charles Polchies de Woodstock

14 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1 technologies des Premières nations et leur utiliser les outils d’une autre personne, car c’est considéré connaissance du matériel utilisé. J’en comme inacceptable; c’est la donnerai quelques exemples ci-dessous. méthode du paresseux de Fred Tomah de Houlton, au Maine, confectionner un panier. Mais parle de façon détaillée de la force ils m’ont montré, bien sûr, comment fabriquer mes appropriée des matériaux utilisés dans la propres outils. Et quel choix de fabrication de paniers, ce que lui ont appris bois utiliser, ainsi que les Jim et Aubrey Tomah : raisons pour lesquelles on … La raison pour laquelle l’utilise. ils m’expliquaient cela est à Il a également partagé avec nous sa cause de la nature des anses et connaissance concernant la fabrication des des rebords et du bois utilisé pour la fabrication du panier. raquettes : Pour la confection elle-même, il … le cerceau pour la faut choisir du bois à un niveau raquette. La technique est la de croissance différent pour même que pour l’anse d’un chaque panier. Par exemple, on panier ou pour le rebord. n’utilise pas du bois à grain fin Car lorsque la raquette pour tisser un gros panier. Ce devient froide pendant serait par contre un bon choix l’hiver… si c’est vraiment froid, de bois pour les rebords, car le comme sous zéro, le bout de peu de croissance d’un arbre cette raquette va craquer et vous permet de le courber même casser si elle n’est pas assez facilement sans le confectionnée de la bonne casser… un grain plus gros façon… peut être utilisé pour l’anse… Les raquettes modernes un grain fin ne pourrait tenir le sont fabriquées au moyen de coup. Ce bois peut être arqué matériel qui a été coupé, et de façon graduelle, mais pour soumis à la vapeur… Mais en une poignée, il ne résisterait procédant ainsi, la raquette pas et casserait. gèle. Et il y a aussi le bois Il y a également une différence dans la cassant, qu’on appelle frêne façon de tisser les raquettes entre la nation noir. Le frêne qui pousse à Wolastoqiyik et les Mi’kmaq : proximité des cèdres ou de Oui, c’est un autre élément n’importe quelle sorte de que nous étions reconnus pour résineux deviendra surtout fabriquer. Nous étions connus cassant… comme des fabricants de Pour ce qui est des outils de raquettes. Cette tribu, les confection, calibres, chevaux, et Malécites [Wolastoqiyik], était autres éléments du genre, en relation avec les autres. Et hache. Le choix de vos outils, il une autre tribu, les Micmacs faut soit les fabriquer vous- (Mi’kmaq), n’avait qu’à jeter un même ou les obtenir d’une coup d’œil sur la neige et savait façon quelconque. Vous ne qu’un Malécite était passé par pouvez tout simplement là, à cause du tissage. Un

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tissage très fin, c’était la vous frappait en plein visage. marque des Malécites. C’était Tout le monde devait se même un choix de matériel. La préparer et être prêt. C’était peau d’un orignal, soit la peau comme la température de mars. du ventre d’un jeune orignal, Le traîneau glisse sur la croûte était ce qu’il y avait de mieux. de neige. On fabriquait des (Fred Tomah) raquettes, le toboggan, puis on Theresa Sacobie, de Pilick / Kingsclear allait à la chasse à l’orignal ou au chevreuil. Le chevreuil est mentionne les différentes formes de tissage : en mauvais état à cette époque. …J’ai donc montré à tous Il s’enfonce à travers la croûte les étudiants les diverses et il s’écorche la peau, jusqu’au fantaisies, soit toutes les formes haut de la cuisse, et on voit de tissage… le motif à même apparaître l’os. Et trois chardons, la torsade, l’irrisation ou quatre fois, il saute et se et la boucle… blesse encore davantage et il Elle nomme ensuite les pays où ses reste figé. L’Indien s’approche paniers ont été vendus : alors et l’attrape, et il le frappe …J’ai reçu des gens qui sur la tête… c’est la peau qu’il venaient du Japon, de la Chine, veut. Il peut en fabriquer des de l’Iraq, de l’Iran, de raquettes, des chapeaux et des l’Australie, de presque tous les gants. Même chose pour pays européens. Aux États- l’orignal, soit les peaux Unis, en allant de la Californie d’orignal. Ils partent chasser jusqu’au Maine, au Canada, de l’orignal, la peau d’orignal, partout au pays… pour en faire des mocassins, de bons mocassins d’hiver qui Techniques de chasse et utilisation des sont lourds avec une garniture peaux d’animaux de fourrure. Il s’agit là de quelques exemples Ronald Paul de Sitansisk seulement de l’expérience de la nation (Sainte Mary’s) décrit les techniques de Wolastoqiyik. chasse et l’utilisation des peaux d’animaux : J’ai alors commencé à Pat Sacobie de Welmooktuk (Oromocto) piéger le castor, le rat musqué, discute de la salaison du poisson et des le renard, la loutre et le vison. méthodes de séchage des aliments. Mon père et mes grands- Charles Solomon Sr. de Pilick (Kingsclear) parents et le reste des Indiens, ils avaient l’habitude de explique les plantes médicinales et leur travailler toute la journée pour usage. se préparer en fonction de la Les contributions à l’économie par la saison de trappage. Nous nation Wolastoqiyik ressortent de la plupart avions du plaisir; ils coupaient de gros érables pour fabriquer des témoignages. Les crosses de fougère, les des toboggans. Les patins se baies, les raquettes, les paniers, les recourbent et on y fixait du fourrures et les manches de hache sont tout cuir. Il faut faire tout ça dans autant de produits qu’il faut ajouter à la une journée. Tout à coup, ça

16 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1 liste du marchand. La nation Wolastoqiyik formuler un programme pour assurait une main-d’œuvre qualifiée à la l’apprentissage de la langue, les population non autochtone dans le études sociales et les compétences domaine de l’agriculture, de la coupe du linguistiques, incorporant les histoires bois à pâte et d’autres métiers industriels. avec des systèmes déjà en place; Les Anciens révèlent beaucoup d’autres • de l’information appropriée pourrait être expériences et partagent d’autres activités tirée de ces témoignages et utilisée dans leurs témoignages. pour concevoir des livres d’histoires; • des artistes pourraient illustrer la vie de la Recommandations quant à l’utilisation de communauté en fonction de certaines la connaissance venant des témoignages dates ou événements qui ont eu lieu, Il est important que l’information tirée comme les années 1930, les années de ces témoignages soit utilisée, et pas 1940, une « ancienne fête de Noël », le seulement conservée, une fois qu’elle est piégeage et la danse; divulguée dans les communautés et les • les lots bâtis, les principaux cours d’eau et institutions ou qu’elle est entre les mains les ruisseaux ainsi que certains sites des chercheurs. Par exemple, voici quelques spéciaux pourraient être localisés ou suggestions d’utilisation des témoignages identifiés au moyen de la cartographie par les établissements d’enseignement : et d’autres recherches de documents • les histoires comme celles qui parlent des pertinents; « petites personnes » pourraient servir • on pourrait utiliser des images vidéo des à renforcer les compétences de la plantes médicinales pour enseigner tradition orale en constituant un l’importance de chacune et leur modèle pour apprendre à écouter et à influence sur la vie des gens; s’exprimer dans la langue • la recherche et les compétences traditionnelle; linguistiques pourraient être • les changements les plus récents dans les perfectionnées en réintroduisant les domaines comme l’emploi, le système technologies utilisées dans le passé, politique, le style de vie, le rôle des comme la construction de canots femmes, les modes de déplacement et d’écorce de bouleau, la fabrication des l’enfance pourraient être étudiés et raquettes, de même que les méthodes utilisés comme comparaison avec les de chasse et de pêche; ces processus modes de vie avant le contact et les pourraient être expliqués dans la modes de vie actuels de la nation langue; Wolastoqiyik; • les arts de la scène et le vocabulaire • des données brutes tirées des histoires pourraient s’enrichir en présentant de pourraient être fournies à un courtes pièces dans la langue spécialiste de l’élaboration de Wolastoq’kew. Est-il besoin de dire programmes d’études afin de que ces quelques suggestions ne se

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limitent pas aux maisons fournissent de l’information factuelle au d’enseignement, mais qu’elles moyen des expériences personnelles et s’étendent à tous les établissements servent de complément aux projets sous qui s’intéressent à l’histoire culturelle forme de connaissances fournies par des Wolastoq’kew. gens qui ont un véritable lien avec tous les Conclusion sites qui précèdent le contact. Il existe déjà Les témoignages révèlent la force du deux exemples au Nouveau-Brunswick où lien de la nation Wolastoqiyik avec Jemseg. des archéologues ont utilisé des Ils montrent un vaste éventail d’activités témoignages pour vérifier l’emplacement similaires un peu partout dans la vallée du de sites spécifiques : le site Bernard de la fleuve. Les témoignages donnent au lecteur Première nation Tobique (Keenlyside, un aperçu du mode de vie de la nation communication personnelle) et le mont Wolastoqiyik dans les domaines de la Augustin, situé sur le territoire de la subsistance, des activités, des événements Première nation de Red Bank (Turnbull et des croyances en ce qui a trait à leur vie, 1976). Toutefois, le Comité consultatif des et ils illustrent leur contribution à la Malécites sur l’archéologie a été le premier constitution de la province du Nouveau- à utiliser des témoignages transcrits pour Brunswick. Toutefois, ces activités n’offrent obtenir une perspective complémentaire qu’un aperçu de la riche tapisserie que aux fins d’interprétation archéologique. constitue la vie des membres de la nation Enfin, je suis très reconnaissante aux Wolastoqiyik. Ce projet n’a jamais eu pour Kci Wolastoqiyik d’avoir accepté de nous but de présenter les témoignages comme consacrer de leur temps, d’avoir fait preuve une illustration globale de l’ensemble de la de patience et d’avoir accepté de partager culture. Il faudrait poursuivre la recherche, leurs expériences personnelles. Cette et intégrer d’autres entrevues enregistrées composante constituée de témoignages vise antérieurement, que l’on peut actuellement à ce que cette histoire orale retrouve sa trouver dans les musées, les archives ou place dans nos communautés et les auprès de certains chercheurs. D’autres communautés non autochtones, qu’elle éléments, comme des preuves serve d’outil pédagogique pour bâtir et archéologiques additionnelles, sont mieux faire comprendre la nation également nécessaires pour compléter Wolastoqiyik, la nation du fleuve l’image que nous possédons actuellement. majestueux. En conclusion, il faut espérer que Je tiens à remercier : d’autres projets archéologiques feront appel Kci Nuhkomosik naka Kci Muhsumsik aux témoignages en guise de composante Arrières grands-mères et arrières essentielle et utile de leur réalisation. Ils grands-pères

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2. Je me rappelle, il y longtemps…

TINA BROOKS, PAT LAPORTE ET JOSEPHINE PAUL SITANSISK / PREMIÈRE NATION DE ST. MARY’S

« Je me rappelle, il y a longtemps. Molly, Anwall, toutes sortes de camps indiens le long de la rive, à l’endroit maintenant connu sous le nom de l’île Molly. » Tina

« Les soldats sont revenus et ils ont dû vivre dans des ateliers pendant environ dix jours. Chaque atelier était occupé par une famille ou un ancien combattant. » Pat

« …d’une visite du père Riley, qui nous donnait une demi-journée de congé. Mais il fallait connaître votre petit catéchisme. Il fallait apprendre certains mots, et il vous posait des questions. Cependant, il ne vous demandait pas les mots que vous aviez appris, mais d’autres mots que vous n’aviez pas appris. » Josephine

Alice : Est-ce qu’il y en a parmi vous portait sur Koluskap un jour où il était qui vous souvenez de Jemseg, ou de à Fredericton en amont sur le fleuve, quelqu’un qui vivait là? où il a laissé ses raquettes en Tina : Non [dit en malécite]. baptisant les îles Snowshoe, est-ce Alice : Étant donné que nous ne savons vrai? rien au sujet de Jemseg, parlons de St. Josephine : Je n’ai jamais entendu cette Mary’s et du mode vie dans ce histoire. temps-là. Quel genre de divertisse- Tina : Je suis allée à l’île Snowshoe, ments y avait-il pour les gens, à cette mais je ne sais pas d’où vient le nom. époque? Alice : Où est située l’île Snowshoe? Tina : Faut-il parler indien [dit en Tina : J’avais l’habitude d’y aller, malécite]? lorsqu’ils ont inondé... Où est situé Alice : Vous pouvez parler indien, cet endroit où nous allions cueillir des anglais ou combiner les deux car tout crosses de fougère? sera traduit de toute façon. Ce sera Pat : L’île Bear. utilisé, sans doute, dans les archives. Tina : L’île Bear, c’est là que c’était. Ça va, tout le monde? En fait, je lisais C’est toujours là, seulement ils l’ont un livre l’autre jour au sujet de inondée, mais on peut voir la forme Koluskap (Glooscap), une histoire de raquettes. Je suis allée sur l’île tirée des légendes, et le passage Bear. Êtes-vous déjà allée là?

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Josephine : Oui nous installer plus haut à cet endroit Alice : Très bien, parlons de St. Mary’s [la réserve St. Mary’s actuelle]. et du mode de vie à cet endroit. Je C’était en 1933, pendant la vais vous poser quelques questions et Dépression, et il y avait dix-huit vous laisser aller. maisons sur la réserve, douze de ce Tina : Vous êtes plus âgée que moi. côté [droite] et six de l’autre Josephine : Pat, vous êtes la plus âgée. [gauche]. Maintenant c’est (pause) Alice : Pat, auriez-vous objection à ce Josephine : Je ne sais même plus. qu’on commence par vous? Alice : Il doit y en avoir environ cent Parlez-nous un peu de l’histoire de St. trente et même davantage; [aux deux Mary’s. femmes] n’hésitez pas à prendre la Pat : Je ne me rappelle pas de grand parole en tout temps. chose. J’étais âgée de sept ans lorsque Josephine : Je dois réfléchir d’abord nous sommes déménagés de cette [rire]. J’étais âgée d’environ six ans vieille réserve [l’ancienne réserve St. au moment où nous vivions à cet Mary’s – située près de l’eau, pour endroit.

Planche 2.1 : Gabe Acquin, considéré comme le fondateur de la communauté des Premières nations de St. Mary’s (Archives provinciales du Nouveau-Brunswick, collection de l’ancienne Résidence du Gouverneur)

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Pat : Voyons donc, je suis plus vieille Tina : Là où passe maintenant la route, que vous? c’est là que je vivais [promenade Tina : Je devais avoir environ six ans, Malécite]. Ils l’ont détruite. car lorsque ma mère est morte, j’avais Josephine : Ils l’ont déménagée chez six ans, et c’est comme ça que je me Elsie [rue Paul]. souviens. Alice : Donc, qui confectionnait des Pat : C’était en 1933. paniers, à ce moment-là? Tina : C’est sûrement cette année-là, car Pat et Tina : Tout le monde. c’est en 1933 que les maisons ont été Tina : Le matin, en vous réveillant, prêtes. Je crois que c’est en 1935 que quelqu’un martelait le frêne. nous sommes déménagés, ou Josephine : Ah! C’était agréable; peut-être plus tard. Je ne sais pas, car quelqu’un qui faisait les préparatifs je me souviens en bas de la colline au moment du réveil. [ancienne réserve]. Vous vous Tina : Ils travaillaient tout le temps. rappelez de Cecilia? Alice : Ils confectionnaient des paniers Josephine : Qui vivait là? Johnny tout le temps à ce moment-là? Est-ce (pause) qu’ils les vendaient? Tina : Johnny Mike. Josephine et Tina : Oh, oui! Josephine : Leur maison a pris feu, Alice : Où les vendaient-ils? lorsque nous vivions là. Pat : Aux touristes. Tina : Oui, nous avons été les premiers. Josephine et Tina : Au marché, chez Mon père et ma mère, c’est là que Bowlen [le magasin Bowlen existe nous avons vécu, et Johnny Mike. Ils toujours sur la rue St. Mary’s]. ont bâti une maison ou quelque chose Pat : Les touristes venaient des États- du genre. Unis pour acheter des paniers. Josephine : Non, la maison de votre Josephine : Oui. grand-mère, là où était située la Tina : Et lorsque des gens allaient pour maison de Bobby Brooks. la cueillette [probablement pour les Tina : Oh, oui! [et Josephine] Dunstan pommes de terre]. et votre grand-père. Josephine : Je prenais deux manches de Tina : Oui. hache, je les apportais au magasin Pat : Il y avait seulement deux maisons, Bowlen et j’obtenais un paquet de là et du côté de chez Louise. tabac et de la mélasse. Josephine : Trois. Tina : De la mélasse, moi aussi. Pat : Quelle est l’autre? J’apportais un manche chez Bowlen Josephine : La maison Qumuci. et j’obtenais de la mélasse. On en Tina et Pat : Oh, oui! La vieille maison obtenait beaucoup. Qumuci. Josephine : Ah ha. Pat : Les maisons originales, il y en Pat : Pour de la bière d’abeilles. avait trois. Tina : Oui, [à Pat] dis-le en indien pour

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le plaisir [rire de toutes les trois]. Toutes les trois : Oui. Alice : Quoi d’autre fabriquaient-ils à ce Tina : Harriet était allée avec un moment-là, à part les paniers? Chinois. Quel était le nom de ce Josephine : Des paniers, des manches de restaurant? hache, des rames, des cerceaux, des Josephine : J’ai oublié. Au coin de la rue cerceaux de baril. York, il y avait un restaurant chinois à Alice : Où est-ce qu’ils... ah..? cet endroit. On y mangeait souvent. Pat : Une femme micmac (Mi’kmaq) – Tina : Oui. de la tapisserie. Quel est son nom? La Josephine : Des sandwiches au poulet mère Chummy. chaud, vingt-cinq cents. Tina : Harriet. Tina : On ne peut faire mieux que ça. Pat : Harriet; elle travaillait bien. Des Alice : Parmi les dix-huit maisons qui tapis. étaient là il y a longtemps, y avait-il Tina : Elle travaillait bien. plus de familles que de maisons? Josephine : Elle s’est mariée avec un Josephine : Oui. Chinois. Pat : Les soldats sont revenus et ils ont Alice : Et le nom de Chummy était dû vivre dans des ateliers pendant Donald Paul, n’est-ce pas? environ dix jours. Chaque atelier était

Planche 2.2 : Alexa Paul, de la Première nation St. Mary’s, qui cueille des crosses de fougère à l’île Savage, entre Fredericton et Kingsclear, Nouveau-Brunswick (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick 74-17389)

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occupé par une famille ou un ancien Pat : En bateau pour aller cueillir des combattant. crosses de fougère. Tina : Les maisons étaient en très Tina : Pour descendre en ville, car il mauvais état. Pas d’eau. fallait travailler pendant l’hiver, on Josephine : Oui, Louie Babe traversait sur la glace. [Louie Paul], Dickie, Paul Paul. Josephine : On montait derrière Charlie, Pat : Joe Dedham, Harry. derrière le cheval. Il essayait de nous Tina : J’ai vécu longtemps dans un en empêcher et de nous chasser. atelier. Lorsqu’il repartait, on sautait à Alice : J’aimerais en savoir davantage nouveau derrière lui… au sujet du fait que les Indiens Tina : Étiez-vous là lorsqu’on se n’avaient pas le droit d’acheter de moquait de Leo Haoui? [en l’alcool à ce moment-là, et comment s’adressant à Josephine] faisaient-ils pour en acquérir? Josephine : Oui. Josephine : Les chiens n’étaient pas Tina : Il était le seul policier, et il se permis non plus. promenait à pied. Tina : Si vous vouliez boire, vous Alice : Alors, y avait-il rien d’autre qui deviez vous adresser à un était fabriqué à part les paniers et les non-Autochtone pour l’obtenir pour manches de hache? vous. Tina : Seulement le travail saisonnier. Josephine : Les non-Autochtones ne La cueillette des crosses de fougère et pouvaient rester sur la réserve après des pommes de terre. six heures. Josephine : Nous étions sur l’île pendant Tina : Après neuf heures, s’ils étaient environ un mois, jusqu’à ce qu’il n’y invités. ait plus de crosses de fougère. Josephine : Uniquement jusqu’à six Alice : Parlez-nous donc de l’île Sav- heures. age. Quand avez-vous commencer à y Tina : Neuf heures, s’ils avaient aller? l’autorisation. Si le chef de la maison Pat : Beaucoup d’Indiens se rendaient à disait qu’ils pouvaient rester jusqu’à l’île Savage. neuf heures, mais après neuf heures, Tina : Je me rappelle, il y a longtemps. ils devaient partir. Molly, Anwall, toutes sortes de camps Pat : Si on parlait des non-Autochtones, indiens le long de la rive, un endroit de George Wiseman et des Nash. maintenant connu sous le nom de l’île Josephine : Lorsque Carrie venait, elle Molly. devait rester dans la cabine du Josephine : Toutes sortes de sentiers, si camion. vous vouliez visiter. Personne d’autre Alice : Parlez-nous un peu des voyages. que les Indiens ne vivait là [elles Quel moyen de transport parlent toutes trois en même temps, et utilisiez-vous à l’époque? c’est difficile de les suivre]… tout

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l’été. ici? [Elle parle du déplacement du Tina : Oui, tout l’été. poêle et de la nécessité de le remettre Tina : La période de la pêche à en place après la danse]. l’achigan, où il y a beaucoup de gens. Josephine : Parfois, il y avait trois Des hommes. Dès que les poissons se endroits où ils dansaient toute la nuit. mettent à sauter, les bateaux sont mis Chez Molly, chez Josephine et là où à l’eau. Rice [Kathleen] vivait [rue Paul]. Pat : C’était le bon temps. Tina : Ils invitaient John Casey Josephine : Ils les harponnaient. [John Paul] et Mynee. Ces deux-là Tina : Ils les harponnaient. pouvaient danser. Josephine : On ne sait pas le mot indien Josephine : Elle dit qu’elle pouvait pour harponner. diriger les danses. Elle était toujours Pat : Les Indiens avaient la belle vie à attentive à celui qui dirigeait les ce moment-là. Ils aimaient danser. danses. En leur absence, c’est elle qui Chaque soir, ils dansaient, en haut de dirigeait, mais aujourd’hui elle ne se la colline, que ce soit à la maison ou souvient plus. Ils n’ont pu lui (pause) apprendre la danse libre. Tina : Peu importe où on allait, ils vous Tina : Comment connaissaient-ils ces demandaient : Pouvons-nous danser

Planche 2.3 : De gauche à droite : Kathleen « Rice » Sappier, Peter L. Paul de oodstock,W Maliya Paul (Mme Solomon Polchies) de St. Mary’s, vers 1922; la maison des Rice était l’un des trois endroits où des danses étaient organisées (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, AC-10276-11)

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danses? Donnie et Dokie étaient à l’hôpital en Josephine : Je ne sais pas. même temps. Dokie a dit à Donnie Tina : Ils savaient comment danser, que l’agent n’aiderait pas, alors John Casey et Mynee. Kingsclear a aidé Tina et Dokie ce Pat : Oh, oui! John savait diriger. mois-là. Deux cents dollars pour la Tina : Lorsque la danse était terminée, nourriture chez Bowlen et pour le lait. les gars remettaient tout en place. Andrew Paul était chef à l’époque, et Vous pouvez demander à n’importe il est allé lui demander (pause) qui. Il n’y avait pas d’alcool, mais la Josephine : Il était déterminé. bière d’abeilles était quelque part en Tina : Seize dollars. Et il est allé avec train de se brasser. moi au magasin de Lean, de façon à Pat : Et le soulagement. ce que je n’obtienne pas de la Tina : Oh, oui! Le bien-être! pacotille. Je ne lui ai jamais rien Pat : Les Indiens recevaient juste un demandé à nouveau. J’étais heureuse certain montant, pas de sucre ni de de ce que j’ai reçu. Kerney mélasse. [Clarence Paul] avait un magasin à Tina : Je ne sais pas. l’époque. Moi et Josephine sommes Pat : On ne pouvait obtenir ce qu’on allées au magasin. Nous avons obtenu voulait. C’était la loi. notre bien-être, et nous sommes allées Tina : Les agents des Indiens nous faire des provisions, mais il n’y avait traitaient chichement. Whalen s’est rien là. Elle a donc demandé à établi à Pilick [Kingsclear]. Sa Josephine si elle voulait des Kleenex? maison était située au bas de la route, Ou..., Eh bien! Il nous faudra faire à cause de l’argent, j’imagine. bouillir des Kleenex demain. Nous Pat : Il vole. n’avons rien eu de toute la fin de Josephine : McKutchen. semaine, et nous avons dû aller chez Tina : McKutchen, sa maison était Bowlen. située là où est la banque aujourd’hui. Josephine : L’ancienne maison de Josephine : Deux mille et quelque chose Jimmy, juste au-delà de la clôture. pour une semaine. Les pommes de terre, du navet, il Tina : Oui. volait pendant la nuit de façon à ce Tina : Quand Whalen était là, au mo- que l’on puisse manger le lendemain. ment où j’ai eu six enfants, je n’ai Des pommes de terre et des navets, reçu aucune aide. Dokie une purée de navet. [Mark Brooks] était à l’hôpital; Tina : Mes fils aussi, lorsqu’il ne leur Louise et tous les autres m’ont aidée restait plus rien. (pause) Pat : Nous avions l’habitude de voler du Pat : Une période difficile. poulet, et nous avions du poulet Tina : Donnie Solomon était chef à chaque semaine. Pilick [Kingsclear] à l’époque. Tina : Harold et Frankie, ils allaient

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voler du poulet, ils leur coupaient le vivait là. Bateau ou pas. À partir de cou, et moi et Martina l’île Bear, juste un radeau et un [Martina Sappier] faisions la cuisson. panier. Lorsque les filles arrivaient ce soir-là, Alice : Donc, s’il y a un cimetière à cet elles voulaient savoir d’où venait le endroit, des gens vivaient là? poulet. Tina et Josephine : Oh oui! Pat : Oui, c’était la bonne époque. Alice : Continuellement? Tina : Oui, j’imagine. Tina et Josephine : Non pas toute Alice : Pour revenir à l’île Savage, avant l’année, pas l’hiver, mais seulement mon époque, j’imagine, depuis l’été et au printemps. Mais pendant combien de temps les gens l’hiver (pause) fréquentaient-ils cet endroit? Josephine : Il y avait, lorsque l’on Tina : Depuis très, très longtemps, pour ramassait des crosses de fougère, autant que je me rappelle. Dokie et vous [Tina], il y avait une Josephine : Moi aussi. tortue qui devait être âgée de plus de Pat : Moi aussi. cent ans. Des noms étaient gravés sur Tina : Jusqu’à ce que je sois assez âgée, sa carapace. Même Bobby Brooks, à l’âge de six ans. Puis, j’ai Jack Brooks, leurs noms y étaient. commencé à y aller avec Arthur. Alice : Sur la tortue? Alice : Qui était Arthur? Pat : Savez-vous pourquoi les Indiens Josephine : Le père de Paul vivent de ce côté-ci du fleuve? [Paul J. Paul]. Arthur Paul. Alice : Non. Alice : Donc, l’île Savage, était-elle Pat : Pas d’eau fraîche en ville; il y avait hantée? Ou y a-t-il un cimetière à cet un ruisseau qui traversait la réserve. endroit? Alice : Vraiment! Josephine : Un cimetière, au milieu de Pat : Oh, oui! Ils n’auraient pas (pause) cet endroit? l’eau du fleuve. Pat : Ce n’est pas hanté. Tina : Derrière cette maison, il y avait Tina : Eh bien! J’en ai vu un noir. un puits ou quelque chose là, de l’eau Josephine : David me disait un soir que de source. George Nash lui avait raconté ce qui Pat : Alors, lorsqu’ils se sont établis de lui était arrivé. Il a dit que pendant ce côté-ci, un puits, et l’eau venait du toute la nuit, il y avait eu des lac Killarney. fantômes. Tina : Oui. Pat : Qui était-ce? Pat : Vous vous rappelez cette vieille Josephine : George Nash. Il savait pompe à la vieille réserve? raconter des histoires. Alice : Oui, je m’en souviens. Pat : Oh, oui! Pat : On ne buvait pas l’eau de cette Josephine : Polons [Francis] rivière. Juste les Blancs; ils ne Tina : Ween [Bill], chaque année il connaissaient pas mieux. C’est un

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égout. Tina : Non, il y a une île entre Sheep et Josephine : Est-ce que ça fonctionne Savage. toujours [enregistreuse]? Alice : Oh! Y a-t-il une île? Alice : Oui. Josephine : L’île Molly, qu’ils Tina : Les Indiens, ils commencent à l’appellent. Molly avait l’habitude de chasser le rat musqué au début du vivre là. printemps, en s’éloignant, et lorsque Alice : Qu’en est-il de l’île Indian à la saison du rat musqué est terminée, Saint-Jean? Ou dans cette région-là. ils attendent le temps de la cueillette Est-ce que l’île St. Croix et l’île des crosses de fougère et de la pêche. Indian sont le même endroit ou deux Josephine : Lorsqu’on vivait sur l’île endroits différents? Jack. Mynee était là et, qui était-ce, Pat : Nous sommes restés une année sur Doc ou l’autre? l’île Indian, à Saint-Jean, pour Tina : Piyel Suseph (Peter Joseph). ramasser des billes de bois. Josephine : Oui, Piyel Suseph. Mon père Tina : Nous avons amené les enfants là venait à Fredericton et vendait des une fois. crosses de fougère et nous restions Josephine : J’y suis allée, mais jamais sur l’île. Mon père avait une corneille sur l’île. apprivoisée et ils lui donnaient de la Tina : Nous y sommes allés pendant bière d’abeilles [bière artisanale]. deux semaines. Mon père se fâchait. La corneille était Alice : Est-ce qu’il y a des gens qui ivre et ne pouvait se tenir droite. Mon habitaient là? père était tellement en colère. Tina : Sans doute, mais pas (pause) Alice : Vous avez dit l’île Jack? Pat : Elle appartient aux Indiens cette île Josephine : Oui, l’île Jack. (pause) Alice : Où est-ce situé? Alice : Et Ste Croix? Josephine : Il y a l’île Savage, où il n’y Pat : Je n’ai aucune idée. a presque pas d’arbres. Tina : Je suis allée à Ste Croix; nous y Alice : Est-ce celle que l’on appelle l’île allions à chaque été, du temps où Sheep? Maria vivait là. Elle vivait avec Tina : L’île Sheep, l’île Molly. Bill McDonald, et nous allions là Josephine : L’île Molly est juste en face. pendant l’été. Cette fois-là, l’oncle Tina : Il y a Hartt. Arthur bâtissait une cabane de bois Josephine : L’île Hartt est de l’autre rond, et même les enfants ont eu de la côté. bière d’abeilles – moi et Elsie – avant Tina : De l’autre côté, près du diver- qu’il commence à travailler. tissement (pause) Alice : Qu’en est-il de Brown’s Flat? Alice : Oui, le Bucket Club. Tina : Je n’en sais rien. Tina : Oui. Pat : C’est un endroit où les Indiens Alice : Il y a Savage, Sugar et Sheep? allaient pendant l’été pour

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confectionner des paniers. actuellement]. C’est tout ce que nous Alice : C’était donc un lieu de avions, cette parcelle sur la rive. rassemblement pour les gens pendant Alice : Il fut donc une époque où la l’été? vieille réserve était seulement la Tina : Oui, pendant l’été. réserve? Pat : Uniquement pour faire de l’argent Josephine : C’étaient tous des vergers pendant l’été. [où la réserve est située Tina : Il y avait sans doute quelque actuellement]. chose à cet endroit, comme des Pat : Tout cela appartenait à Leo Haoui, cerceaux. Gorley. Pat : Joe avait l’habitude d’aller en Tina : Oui, il y a eu une grosse carrière amont, jusqu’à Pokiok. de pierres à cet endroit entre Tina : Tout le monde trouvait un endroit l’ancienne demeure de Rita et celle où aller. d’Helen. C’est plein de rocs. Il y a un Alice : Alors ces endroits, comme lot avec une maison à cet endroit. Brown’s Flat, Ste Croix, l’île Indian, Josephine et mois avions l’habitude appartenaient-ils aux Indiens? d’y aller après l’école et en akomok Pat : Non, c’était uniquement des (raquettes), à chaque jour où nous endroits de camping. allions dans les bois. Tina : Juste le long du rivage. Josephine : À la recherche de pommes Alice : Ça n’appartient donc pas aux sèches. Indiens? Tina : Oui. Pat : Il fut une époque où tout le pays Josephine : Qui étaient tombées et nous appartenait. glacées. On en buvait le jus. Elles Josephine : Il n’y avait qu’un seul étaient brunes. membre de la GRC. Pat : C’est vrai, elles étaient juteuses. Pat : Les Indiens voulaient juste un Josephine : Ah ha! territoire le long du fleuve. Tina : C’était agréable à cette époque. Pat : Les Blancs ont commencé à poser On pouvait créer soi-même ses des jalons. Leo Haoui et... propres jeux en sortant lorsqu’il avait Tina : Gorley; oh oui! beaucoup neigé. Il n’y avait personne Pat : Leo Haoui s’est réservé un côté, et autour de la maison. Nous sortions, Gorley l’autre. C’est alors qu’ils ont kcihkuhsisok (petite région boisée). bâti ces maisons… Il a fait une for- On a eu des toboggans, lorsqu’on a tune, ce Gorley. Toutes ces terres commencé à avoir des jouets. appartenaient aux Indiens. Josephine : On allait glisser sur le Tina : Quand j’y pense, tout cela nous chemin Killarney. appartenait. Tina : Ou dans le champ où nous vivons Pat : Ils devaient acheter ces terrains de maintenant [promenade Malécite] ou Leo Haoui [où la réserve est située sur la route.

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Josephine : Vous pouviez glisser longtemps, tante Elizabeth jusqu’en bas de la route au-delà de la [grand-mère de Pat], elle avait une voie ferrée. maison à mi-chemin. C’était une Pat : Vous voyez, il n’y avait que deux petite femme âgée. voitures en haut ici (pause) et Josephine : Oui. John Casey. Elles ne se promenaient Tina : Elle préparait piouikomonyol pas beaucoup. On les voyait passer (potage de maïs). peut-être une fois par semaine. Josephine : Tout le monde. Tina : Ils n’utilisent même pas leur Tina : N’importe qui pouvait se (pause) John Casey essayait présenter là, même la nuit. Elle avait d’enseigner à Charlie au sujet de la un orgue. Même Bertha, elle jouait de voiture, de toute façon. Il lui dit de l’orgue [Red Wing]. Et on dansait. s’installer, et que quand viendrait le Josephine : Même Solomon, temps d’appuyer sur l’accélérateur, il l’accordéon. Doc ou Pete, le violon. faudrait qu’il appuie. Appuie [dit en Tina : Ned Landry venait jouer du malécite]. Nous nous sommes toutes violon, et on dansait. La vieille dame mises à rire. Il a gardé sa voiture avait du bon temps, même en se pendant très longtemps, car il n’allait contentant de regarder. nulle part. Josephine : On s’amusait. Et même le Josephine : Il n’allait nulle part; on Dr Wright jouait, et il mangeait du jouait dans la voiture lorsqu’il n’était maïs également. pas à la maison. FIN DE L’ENREGISTREMENT – Tina : Aujourd’hui, il serait possible de CÔTÉ UN la vendre et d’obtenir beaucoup ENREGISTREMENT - CÔTÉ DEUX d’argent en échange. Si quelqu’un en Tina : Les maisons étaient ouvertes et avait une. vous étiez les bienvenus. Peu importe Josephine : La voiture avait de petits où vous alliez. pneus. Pat : On était les bienvenus. Tina : Essex ou quelque chose... Alice : Revenons où nous étions rendus, Josephine : Oui. lorsque vous avez dit que vous étiez Pat : Nemo a dit à Pat qu’il lui fallu chanceuses. Qui vous a adoptées? deux jours pour se rendre à Fort [Rires]. Fairfield. [Sans doute une crevaison. Pat : Mon père ne pouvait nous faire De nombreux rires]. vivre, et ma mère est allée à Alice : Est-ce que tout le monde Saint-Jean. Lui était allé à Tobique. partageait à cette époque? On nous a abandonnés, Louie, Nick, Toutes trois : Oui. Mart, moi-même et Rena. À cette Tina : À n’importe quel endroit, sur le époque, elle [mère] touchait cent territoire des Autochtones, les portes trente-cinq dollars par mois, ce qui étaient toujours ouvertes. Il y a faisait beaucoup d’argent.

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Tina et Josephine : Oui, c’est beaucoup. Tina : On avait très froid. Pat : Les gens travaillaient toute la Pat : J’avais l’habitude de rentrer du journée, dix heures par jour. Le bois tous les jours. Si on avait une travail se payait un dollar par jour. Et bille de trop, on la faisait tirer, mais il fallait être chanceux pour trouver ça ne donnait pas beaucoup, deux un emploi. J’ai vu Nemo et mon frère dollars. Louie [du bruit en arrière-plan]. Ils Tina : Deux dollars. Dokie, toute la travaillaient de six heures le matin à semaine, il transportait du bois, de six heures le soir pour un dollar. Ils façon à pouvoir participer au tirage le travaillaient fort. dimanche. Tina : Jusqu’à mon mariage, Dokie Pat : Mets le courant; vous riez. travaillait en ville pour les Juifs. Cinq Josephine : Nous avons commencé à dollars par jour. obtenir du bois, et toute la cour était Pat : Combien d’enfants avez-vous eus, pleine. Des billes Presto, puis ces Tina? Six enfants? bouts de bois. Mon père avait pris Alice : On pouvait acheter beaucoup de l’habitude d’aller au marché le choses à cette époque avec l’argent samedi pour acheter du porc. ainsi gagné. Pat : Il n’y a pas si longtemps, l’aide Tina : Oui, on pouvait, mais (pause) était sous forme de coupons, mais Pat : Mais on réussissait juste à vivre un aujourd’hui vous obtenez de l’argent. jour à la fois. Il y avait une chanson à Tina : On allait au marché le dimanche ce sujet « Un jour à la fois ». C’est de pour acheter de la viande à un prix cette façon qu’il fallait vivre, raisonnable ou chez Brown’s. Cinq uniquement pour survivre. livres pour un dollar, de la viande Tina : Oui. Et on ne s’inquiétait pas du hachée. lendemain. Juste vivre au jour le jour. Josephine : Tuswey me demandait Alice : C’est comme ça qu’il faudrait d’aller au magasin pour lui. Chez faire également aujourd’hui. Watson pour acheter de la viande. Du Tina : Tout le monde avait du bon flanc. Je disais que je voulais une temps. livre de « planche ». De la planche, Pat : On a commencé à obtenir de disait-il; vous êtes au mauvais l’électricité il n’y a pas longtemps. endroit; vous devriez aller chez Tina : À ce moment-là, Dokie était à Devon Lumber Co. C’était du flanc, l’hôpital, et c’est la première fois que mais je disais planche. j’ai eu (pause) j’ai dû économiser Tina : On volait du bois à pâte dans les l’allocation de ma famille de façon à wagons. pouvoir installer une ampoule. Josephine : On transportait des billes. Josephine : Et moi aussi, une ampoule. Tina : Myrtle avait un toboggan. Pat : Au cours des dernières années, les Josephine : Pauvre elle; Percy et Jerry Indiens (pause) se contentaient de rester assis là.

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Tina : Oui! Tina : Whalen avait une maison à Pat : Elle travaillait fort, Myrtle. Je n’en Kingsclear. doute pas du tout; elle est aussi forte Pat : Esty Brooks et moi – il est mort qu’un homme. maintenant – nous étions en prison. Tina : On peut le voir uniquement à sa Whalen nous a donné trente jours, pas démarche. Chaque nuit, elle devait d’amende. Donc, nous étions là. Le aller voler. Charlie, après l’école, type, un administrateur, est entré en devait marcher jusqu’à l’hôtel Queen disant qu’un individu allait sortir le en traversant sur la glace. lendemain et qu’il n’avait pas de Pat : Lorsqu’elle rapportait le panier, on vêtements. Un Blanc; ce n’était pas ne lui donnait qu’un biscuit. Percy et un Indien. Et Whalen a préparé une tous les autres (pause) commande de vêtements pour cet Tina : Ils mangeaient tout. Puis quand le individu : des bottes, un pantalon, des temps était mauvais, elle devait quand sous-vêtements, une veste. Donc, même marcher jusqu’à l’école. On lorsque Isaac est venu, on nous a n’avait pas de jours de congé à permis un appel téléphonique, et j’ai l’école. donc dit à Isaac que Whalen avait Josephine : À moins d’une visite du donné à cet homme blanc nos père Riley, qui nous donnait une vêtements. Puis, lorsque nous demi-journée de congé. Mais il fallait sommes sortis, il y avait deux piles de connaître votre petit catéchisme. Il vêtements pour nous. Des vêtements fallait apprendre certains mots, et il tout neufs. vous posait des questions. Cependant, Alice : En rétrospective, aider les il ne vous demandait pas les mots que Blancs est la même chose qui se vous aviez appris, mais d’autres mots produit aujourd’hui. N’est-ce pas? que vous n’aviez pas appris. Pat : Rien n’a vraiment changé. Prenez Tina : Pas les mêmes mots. Whalen la réserve, par exemple, sans vouloir venait et amenait son fils avec lui. offenser qui que ce soit, il y a Josephine : Oui. beaucoup de Blancs. Je ne connais Tina : Bobby Whalen. même pas ma famille, même pas la Alice : Est-ce le Bobby Whalen qui se moitié de ma famille. Mais promenait autour d’ici? C’est son fils, éventuellement ce sont les Blancs qui et il était l’agent des Indiens. Son s’installeront. père? Josephine : Il y plus de Blancs que Toutes trois : Oui. d’Indiens. Tina : Il nous traitait chichement. Tina : J’ai dit à Nancy un jour, sans Aujourd’hui, ils doivent posséder vouloir offenser personne, qu’un jour beaucoup d’argent qui appartenait il n’y aura que des Blancs sur cette aux Indiens. colline. Josephine : Oui. Ils étaient bien nantis. Alice : Richard m’a dit la même chose

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Planche 2.4 : Enfants de St. Mary’s, photo prise vers 1890 (Archives provinciales du Nouveau-Brunswick, P5-81)

l’autre jour. Pat : Rappelez-vous; elle a gagné un Pat : Nancy est blanche également. procès en cour. Tina : Oui. Alice : Non, n’était-ce pas Alice : On nous élimine lentement. Sandra Lovelace ou quelque chose Pat : Mais ils continuent comme s’ils comme ça? étaient des Indiens. Ils essaient de Toutes trois : C’est Lovelace. prendre la place des Indiens. Pat : C’est elle qui a commencé. Tina : Ils achètent un terrain quelque Peut-être avait-elle un motif, mais je part, et tous les Indiens partent et ne sais pas. laissent les Blancs derrière, pour tout Alice : En ce temps-là, ils obtenaient un recommencer. statut, mais pas aujourd’hui. Josephine : Ils voulaient qu’on vive à Tina : Eh bien! Quoi qu’il en soit, les Kingsclear. Blancs sont en train de prendre toute Tina : C’est vrai (pause) la place. Pat : Vous connaissez les mariages Alice : Aucun Blanc ne devrait avoir interraciaux. Cette femme de son mot à dire sur la réserve. Nous Tobique, quel était son nom? La fille sommes supposés être plus forts de Nicholas? qu’eux. Tina : Andrea Nicholas, peut-être. Josephine : C’est supposé être comme

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ça. jouaient au poker, sans se soucier du Tina : C’est supposé être comme ça. temps qu’il faisait. À l’heure du dîner, Alice : La religion chez les Indiens. ils jouaient au poker. Parlons de la religion pendant Josephine : Même dehors sur le gazon, quelques minutes. Ou encore qui vous ils étendaient une couverture. Et ils a enseigné ou s’il y a quelqu’un qui a jouaient au poker à même le sol. enseigné la religion aux Indiens? Pat : On avait vu l’habitude de jouer aux Josephine : Il fallait fréquenter l’église billes. quand nous allions à l’école. Tina : Les jardins étaient ouverts, sans Tina : Nous allions pendant le Carême. clôture. Tante Elizabeth nous laissait Josephine : Quarante jours. prendre des concombres, les plus Tina : Quarante jours, tous les matins. petits. Josephine : Six heures, tous les matins. Pat : Personne n’avait besoin de voler. Tina : Peu importe le temps qu’il faisait, Tina : Il n’était pas nécessaire de voler. il fallait y aller. Si vous vouliez quelque chose, il Pat : Le prêtre avait l’habitude de nous suffisait de le demander. Si vous ne donner une demi-journée. vouliez rien, vous ne touchiez pas. Josephine : Le père Donahue. Pat : C’est vrai. Pat : Venu de la Côte Nord. Josephine : Les enfants ne sont pas Josephine : Dr Bailey; le père Bailey, je destructeurs. veux dire. Tina : Non. Tina : Le père Bailey. Josephine : On ne faisait que jouer des Pat : Le père Bailey avait l’habitude de tours. nous donner une demi-journée. Il Tina : Oui, c’était un jeu. Jusqu’à ce que venait le matin et nous accordait une quelqu’un se fâche. Mais le demi-journée de congé. lendemain, c’était oublié. Josephine : C’était le père Ryan, il Alice : Aujourd’hui, nous ne mangeons venait de Saint-Jean. pas la même nourriture que dans ce Pat : Il nous donnait une demi-journée temps-là. de congé. Pat : Pas du tout. Josephine : Oui. Tina : Je ne crois pas. Tina : Ça n’arrivait qu’une fois par Pat : Si vous pouviez avoir une tranche année. de pain venant des hommes blancs Josephine : Il venait seulement une fois une semaine, vous étiez chanceux. par année. C’était uniquement du pain indien. Pat : Il n’y avait pas beaucoup de Tina : Du pain fait à la maison. journées de congé. Josephine : Nous allions acheter le pain Tina : On en profitait, il y longtemps. chez Graham. Le pain en solde. Aujourd’hui, je n’ai même plus envie Tina : Le pain en solde. de sortir. Il y a longtemps, les Indiens Josephine : Huit cents.

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Tina : Un jour, j’ai envoyé Shawnee au Alice : Quel prix demandaient-ils pour magasin de John Casey, avec les les manches de hache? trente cents qui me restaient pour Tina : Cinquante cents, cinquante-cinq acheter du pain. Nous vivions dans cents ou un dollar. l’atelier à l’époque. Va m’acheter du Josephine : Ce que l’autre personne pain. Ça lui a pris beaucoup de temps. pouvait payer, je crois. Il faisait très Je suis allée à sa recherche. Elle était froid là où ils installaient leur assise sur le porche, mangeant des kiosque. bonbons. L’argent pour mon pain Tina : Là où est situé l’hôtel de ville venait de disparaître. Je n’avais même aujourd’hui, c’est là qu’était le pas de farine. Je suis restée prostrée. marché. On pouvait traverser sur la Le pain coûtait quinze cents à glace. l’époque. Pour aller chercher du pain. Josephine : Il y a longtemps, il y a eu un Pat : C’était comme ça à l’époque. incendie à (pause) Josephine : Il y a un certain temps, Rice Josephine : Willard Fruit, en bas de la vivait dans l’atelier chez Sylvia. Elle colline, a passé au feu. Il y avait apportait des altérations à mon beaucoup de pommes. Nous avons manteau. Mon père l’avait mangé des pommes tout l’hiver, ou embauchée et lui avait versé nous allions acheter (pause) vingt-cinq cents pour me Tina : Alexanders. confectionner un manteau d’hiver. Josephine : Alexanders. J’en prenais une Nous étions assis sur le divan et j’ai bouchée en cachette à l’école (pause) trouvé une pièce de vingt-cinq cents. Pat : À l’école, on nous servait Je suis donc allée la cacher, mais c’est habituellement du lait chaud. Ce elle qui l’avait perdue. Elle m’a n’était pas très bon. Ils ne prenaient dénoncée, et j’ai dû aller chercher le pas la peine de le refroidir. Il venait vingt-cinq cents que j’avais caché. de la vache et était livré directement à J’étais si heureuse de l’avoir trouvé. l’école. Le lait chaud était supposé Je me suis fait disputée lorsque Rice aider, et on vous servait une cuillerée l’a dit à mon père. à thé d’huile de foie de morue froide. Tina : Dokie et Charlie fabriquaient des Josephine : J’ai toujours été obligée de manches de hache et les vendaient prendre deux cuillerées à thé d’huile chez Hull, où vivaient les Noirs. Le de foie de morue. lendemain, cet homme arrive et Tina : Oui, vous étiez plus anémique demande à être remboursé parce que que le reste de nous autres. J’arrivais la hache est sortie du manche. Ils lui à peine à prendre une cuillerée. Le en ont fabriqué un autre, et je ne sais lait et l’huile de foie de morue froide pas comment ils ont fait, mais ce ne font vraiment pas un bon mélange. n’est vraiment pas agréable de Josephine : Non. remettre l’argent. Pat : Il fallait nous brosser nous-mêmes

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les dents avec ce qu’ils nous Alice : Qui était-elle? donnaient. Toutes trois : Une enseignante. Tina : De la poudre. Pat : Elle avait cet arbre, un oranger. Josephine : Oui. Charlie, qui était assis Tina et Josephine : Ah ha! juste ici, devait avoir la main levée, Pat : Elle l’a coupé. Elle a perdu son mais la maîtresse ne l’avait pas vu. Il emploi. a donc fait pipi dans ses culottes. Et Josephine : J’allais dîner. On marchait une fois encore à l’école, il était assis sur le dessus des pupitres. Quelqu’un en arrière, Becka en avant et Teddy et surveillait à travers la fenêtre pour Warren de chaque côté. Un pou. Il l’enseignante. jouait avec un pou vivant sur son Tina : Il était défendu de parler la bureau. La maîtresse était loin devant langue indienne. Si on se faisait avec sa baguette. Je lui ai dit que la prendre, on allait dans le coin. maîtresse venait vers lui et il l’a Alice : Donc, les sœurs vous ont ramassé pour le lancer, et je me suis enseigné également? mise à rire tout fort. Je ne sais pas qui Pat et Josephine : Non. était en avant, mais pas surprenant Tina : Elles m’ont enseigné à moi. qu’il ou elle ait eu des poux de tête. Alice : Donc vous étiez puni si vous Pat : Philip Nash. À son premier jour à parliez la langue indienne? l’école, on lui a demandé d’aller en Toutes trois : Oui. avant au tableau et de dessiner Alice : Quelle était la punition? quelque chose. Il a dessiné une vache Tina : Rester après l’école ou être frappé en train de faire ses besoins. avec la baguette. Tina : Vous rappelez-vous Mme Elliott? Pat : Frappé sur le dos du poignet. Elle n’avait qu’une seule robe. Josephine : On restait debout en ligne, Josephine : Juste une? on ne savait pas, puis la baguette. Il Tina : Tous les jours. fallait tendre la main, et si on la Pat : C’est vrai. retirait, on recevait deux fois plus de Josephine : Oui, d’un bleu gris. coups. Pat : Je me rappelle. Tina : Les sœurs, sur mes jointures, Tina : Pendant toutes ces années parce que je portais du vernis à ongle. d’enseignement. J’y pense encore aujourd’hui, tout le Josephine : Elle ne s’habillait jamais temps. Les jointures, la baguette, autrement. vous savez qu’il faut être de bonnes Tina : Le soir, elle lavait sa robe et la filles. Comment savez-vous que je repassait. suis bonne? Les bonnes filles ne se Pat : Une année, je me rappelle Mary promènent pas avec du vernis à O’s. ongle. Tina : Je ne me souviens pas d’elle. Alice : Essayaient-elles de faire les Josephine : Moi oui. choses à leur façon?

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Tina : Essentiellement oui, je crois. Les nouvelles robes. Elles étaient très règles des Blancs. traditionnelles, avec des plis. Pat : Il fallait apporter nos livres à la Pat : C’était en 1938. maison, mais je n’ai jamais étudié ou Tina : C’était en 1939. Elle avait l’air si quoi que ce soit. Le matin, il fallait jolie. C’est la Reine Mère essayer d’improviser. aujourd’hui. Josephine : Je suis allée à l’école pen- Josephine : Ah, ha! Elle était âgée de dant seulement quatre ans, car j’étais dix ans. C’était la Reine Elizabeth et malade quand j’étais jeune. J’étais non pas la Reine Mère. Car j’avais supposée étudier à la maison pendant dix ans. Nous avions le même âge. deux ans. J’avais des livres de Pat : Est-elle aussi âgée? sixième année, mais c’est tout. Josephine : Elle a soixante-douze ans, et Tina : J’ai sauté d’une classe à une je vais avoir soixante-douze. autre, en un jour. Je vais à l’école en Pat : Je l’ai vue en Corée. quatrième année, je reviens, puis je Tina : Ce n’était rien d’extraordinaire suis en sixième année. lorsqu’on y pense maintenant. Elle Alice : Pourquoi? faisait juste des salutations de la Tina : J’étais intelligente. Lorsque j’ai main. Nous étions occupés avec les eu treize ans, nous étions trop jeunes drapeaux. pour tout quitter, et on ne pouvait Josephine : Oui. aller à l’école secondaire. Il fallait Pat : Qui avait mis la bannière au-dessus attendre d’avoir quinze ans. On de la route disant « Bienvenue – enseignait le petit catéchisme aux Indiens de Devon »? enfants tous les matins. Je prenais le Josephine : Je ne sais pas. déjeuner des sœurs, je faisais bouillir Pat : Je ne sais pas, mais il aurait fallu deux œufs et je faisais cuire deux que le message dise « Bienvenue tranches de bacon. Mais on suivait Reine Elizabeth! » Les temps ont des cours de sciences domestiques. vraiment changé. Pat : En 1933, notre enseignante nous Tina : Je crois bien qu’ils ont changé, et disait que si cet homme prenait le pas pour le mieux. Lorsque j’y pense, pouvoir, il y aurait beaucoup de gens j’ai l’impression que j’aimerais mieux qui seraient tués. La guerre mondiale me retrouver dans le passé (pause) c’est lorsque Hitler a pris le qu’aujourd’hui. pouvoir. Alice : Connaissez-vous d’autres Tina : Vous rappelez-vous de la Reine endroits où allaient les Indiens à part Elizabeth lorsqu’elle est venue? Brown’s Flat, Ste Croix, l’île Indian? Josephine : C’est l’époque où j’avais Tina : Juste lorsque nous allions des problèmes avec mes yeux. ramasser des pommes de terre à Tina : Nous avions de nouveaux cos- l’automne. tumes. Tout le monde avait de Josephine : Des camions pleins. Il

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restait peut-être une ou deux familles sur la réserve; les autres ramassaient des pommes de terre. FIN DE L’ENREGISTREMENT

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3. L’argent des Indiens

RICHARD POLCHIES JUNIOR SITANSISK / PREMIÈRE NATION DE ST. MARY’S

…Whalen s’enrichissait aux dépens des Indiens, et il a fait beaucoup d’argent ici. Il était un ancien agent de la GRC, et il s’est retiré millionnaire. Tous les biens et services qui étaient fournis aux Indiens le long de fleuve Saint-Jean augmentaient ses gains personnels. Tous les produits de la ferme, les animaux, les fournitures agricoles, les approvisionnements en bois d’œuvre, le matériel de l’armée, de l’armée de l’air, de la marine, de la GRC, de même que les surplus qu’il recevait, il les donnait aux Indiens et se payait lui-même pour les services rendus. Les légumes, le bœuf, l’agneau, toutes ces choses, il se payait d’abord lui-même pour ses services.

Alice : Pourriez-vous me parler de ce pont surélevé, il y a un endroit qui Jemseg? Il y a des gens qui ont vécu était occupé par les Indiens à une là? certaine époque. Peut-être de façon Richard : Le Grand lac, car c’est là que saisonnière, pour la confection des se trouve Indian Point. paniers ou des activités du genre, Alice : Je ne parle pas du Grand lac. Je mais je ne suis pas certaine. parle de Jemseg. Juste à la sortie de Richard : Premièrement, si je remonte à

Planche 3.1 : Grand Lake, vue de l’ouest, au sud de Princess Park (photo de Karen Perley)

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la fin des années 1950, vers 1959 et ont remporté une victoire sur les 1960, il y avait au Grand lac un Blancs. Et bon nombre d’entre eux endroit nommé Cow Point, où se n’ont pas déménagé, ils sont restés trouvait un établissement d’Indiens, établis là, la plupart étant des depuis les années 1920 et 1930. Il y a chasseurs et des trappeurs et des deux cimetières à cet endroit, juste confectionneurs de paniers. Toute avant de remonter le long de la rive cette région leur appartenait, à partir du Grand lac. Puis vous arrivez aux principalement de Tobique, de lacs Quapit (lac Maquapit) et French. Woodstock et de Kingsclear, mais pas Il y avait une petite île entre les deux tellement de Kingsclear. Ils ne se sont ponts à Lakeville Corner. Cette île, établis à Kingsclear que plus tard. c’était une réserve, et il y a également C’était vers la fin des années 1930 et des cimetières à cet endroit. Puis, 1940, vous savez, comme beaucoup vous faites le tour de la pointe, située d’autres d’occupants. Car Kingsclear en bordure du Grand lac, et vous à cette époque n’était pas comme arrivez au fleuve Saint-Jean, ce qui Kingsclear aujourd’hui. C’était en vous mène le long de la Jemseg. Les amont du fleuve, où (pause) Indiens ont donc occupé toute la Alice : Alors, comment appelait-on cet région du lac, à partir d’Indian Point, endroit? jusqu’à Jemseg, et jusqu’au fleuve Richard : C’était Kingsclear, mais ce Saint-Jean. Puis, en remontant le que j’essaie de dire, c’est que fleuve juste avant d’arriver à l’endroit n’était pas situé ici, mais en Oromocto. Ils ont occupé toutes ces amont sur le fleuve, près de Kelly terres, et il y a sept tombes d’Indiens Creek. C’était près de l’endroit à cet endroit, connu sous le nom de inondé par l’eau du barrage, soit près Portabello. C’est là que se situe la de ce qui est maintenant le parc promenade Portabello, vous voyez. Et Wolastoq. C’est là qu’était situé il y a eu beaucoup de luttes entre les Kingsclear, de même que l’église, qui gens riches au sujet de cet endroit. s’y trouve toujours aujourd’hui. C’est Comme des personnes de Saint-Jean Ste. Anne. Louise Polchies et son qui amenaient des Américains. Il y a mari, Arthur Polchies, m’ont raconté eu les propriétaires de la raffinerie de beaucoup d’histoires au sujet de sucre qui se sont battus avec les Kingsclear. Selon la légende… Êtes- Indiens pour le droit d’utiliser la vous déjà allé près de la grosse roche rivière, tout comme le passage. Et les située dans le champ Taber? Indiens occupaient ce secteur de Alice : Non. façon tellement intense que les Richard : Très bien. Il y a là une roche Blancs ne pouvaient passer à cet et, Dieu m’en soit témoin, venez me endroit, et ils ont commencé à se chercher au printemps ou à l’été, et je battre. Mais les Indiens ont gagné, ils vous y amènerai. Il y a là une roche,

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aussi grosse que cette table, et il y a toujours sur cette terre? une empreinte de pied dessus, de Richard : Oui, c’est le cas. Mais rien n’a même que celle de l’extrémité d’un jamais poussé là et certaines fusil, comme lorsque vous le portez à personnes croient que cette terre est l’épaule. Et comme cet homme blanc hantée. J’ai entendu au moins cinq continuait de déplacer son marqueur, personnes dire qu’elle est hantée à cet tout le temps, pour indiquer la limite, endroit précis et qu’elles ont vu en déplaçant la ligne avec son (pause) marqueur, l’Indien s’est alors mis en Alice : Des Indiens? colère et a dit quelque chose comme : Richard : Oui. « C’est la dernière maudite fois que Alice : Pourquoi est-ce que les Indiens vous déplacez ce marqueur, et je seraient hantés si l’homme blanc place ma propre marque ici occupent cette terre? maintenant. » Et il a mis l’empreinte Richard : Eh bien! à cause des esprits. de son pied sur la roche, de même En fait, les esprits ne font aucune que frappé sur la roche avec le canon discrimination. de son fusil. Et la marque est toujours Alice : Je peux croire que non. là aujourd’hui. Et jusqu’à ce jour, il a Richard : Cela pourrait être un bon appelé la malédiction sur cette terre. esprit ou un mauvais esprit, je ne sais Aussi longtemps qu’elle appartiendra pas. On ne sait jamais. Il faut en faire à l’homme blanc, rien n’y poussera, l’expérience. Et si on retourne à et rien n’a poussé dans le passé, et il Jemseg, à cette époque les personnes en sera ainsi dans l’avenir. occupaient toute sorte d’endroits à Alice : Donc, l’homme blanc est partir de là. Mais pour ce qui est

Planche 3.2 : Grand Lake, vue de l’ouest, au sud de Princess Park (photo de Karen Perley)

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d’être propriétaires de la terre, aucune Et bien des gens transportaient tout ne leur appartenait dans cette région. cela sur leur dos. Je connais le vieux Tout le territoire a un jour appartenu Noël Moulton de Tobique, qui avait aux Indiens. Et les Indiens n’ont l’habitude de marcher de Tobique jamais cédé leur droit de propriété jusqu’à Woodstock. Il arrêtait chez concernant ce territoire, que ce soit au tous les agriculteurs avec ses paniers, Nouveau-Brunswick ou dans les États pour voir s’ils voulaient en acheter. Et de la Nouvelle-Angleterre. une fois rendu à destination, il avait Alice : En fait, ils n’étaient pas déjà une lourde charge variée sur le propriétaires des terres. Ils ne vivaient dos. Ce n’est pas tout le monde qui pas sur des terres de toute façon, ils pouvait le faire. Mon grand-père se utilisaient le bord des cours d’eau. rendait ainsi jusqu’à Woodstock. Il Richard : Pas vraiment, car ils chassait à partir de Woodstock, chassaient à l’intérieur des terres. jusqu’à Canterbury, Skiff Lake et de Alice : Mais je parle de la confection de retour jusqu’au sentier des Indiens à paniers, de la pêche. Ils campaient en Meductic. bordure de l’eau. Alice : Qui était votre grand-père? Quel Richard : Ils chassaient également, vous était son nom? savez. Et ils devaient aller jusqu’à la Richard : C’était John Paul. Il a fait cela source. Par exemple, le cerf, pendant près de quarante ans, et il l’orignal, le castor et tout animal connaissait la forêt comme le fond de sauvage vivant à l’intérieur des terres sa poche. à distance des cours d’eau. Pour le Alice : Très bien, mais si les Indiens ne castor, il y avait les barrages de possédaient pas tout ce territoire, ils castors. Quant au rat musqué, on ne le leur fallait chasser à l’intérieur des trouve pas uniquement près des terres? rivières. En effet, on ne sait jamais où Richard : Ils en étaient les propriétaires. on pourrait le trouver. Et pour ce qui Mais, voyez-vous, le malentendu a est du frêne pour les manches de toujours été que les Indiens auraient hache, et la confection de paniers. Il cédé les terres. Nous ne les avons fallait se rendre dans la forêt pour en jamais cédées; elles nous ont été trouver. Et, bien sûr, lorsqu’ils avaient enlevées. fait une bonne récolte de frêne Alice : Mais est-ce que les non-Indiens quelque part, ils y retournaient leur rendaient la vie difficile pour ce régulièrement tous les ans au qui est de la chasse à cette époque? printemps. Et il leur fallait se rendre à Richard : Non, pas vraiment. De toute Saint-Jean pour le commerce. Ils y ma vie, je ne peux me rappeler de vendaient leurs paniers et faisaient quelqu’un qui m’ait causé des des échanges pour différentes provi- difficultés. Non, ce que mon grand- sions, comme les légumes ou autres. père avait l’habitude de dire est que

42 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1 vous n’avez qu’à demander écrit des lettres à Ottawa. J’ai écrit l’autorisation. Et si la terre des lettres à Halifax, au bureau du appartenait à quelqu’un, comme à un directeur régional de MPO [ministère agriculteur, et qu’il y avait une tige de des Pêches et Océans], pour critiquer frêne sur cette terre et que vous les données et l’information vouliez cette tige de frêne, il acceptait scientifique qui étaient utilisées par le toujours de vous la donner. Il n’y biologiste concernant les rivières du avait jamais de problème. Mais quand Nouveau-Brunswick et le nombre de une personne rôdait dans l’intention saumons. Et j’ai demandé combien il de voler sur les terres des autres, c’est y avait de bateaux à ligne traînante en alors que les gens accusaient cette haute mer dans les divers océans qui personne de voler, peu importe qui étaient exploités par des Indiens, et elle était, et qu’ils voulaient la faire d’autres questions du genre, comme condamner. C’est ce qui a entraîné la les cages à homard. Mais je n’ai mauvaise réputation de bon nombre obtenu aucune réponse. Néanmoins, de personnes. Et il suffisait d’offrir de on vous dit à la télévision et à la simples explications, de simplement radio, et vous lisez dans les journaux, aller demander à la personne, soit que les Indiens épuisaient les celle à qui appartenait la terre, si on ressources de saumon dans nos pouvait aller couper du frêne. Et rivières. Vous savez, cette informa- habituellement, vous n’aviez aucun tion était non fondée, et il s’agissait problème, aucune difficulté. en fait d’une critique dirigée contre Spécialement si la personne en ques- nous tous un peu partout au pays, tion savait que votre subsistance en vous savez. La même chose se dépendait. Et il en était de même pour produit aujourd’hui dans les États de tout. Lorsque vous commencez à Washington et d’Oregon aux États- abuser de quelque chose (pause) Unis. Ils ressentent aujourd’hui les Disons comme aujourd’hui, dans la mêmes pressions. Et les compressions décision de la Cour Suprême, cette exercées par la Colombie-Britannique affaire Sparrow. Vous savez, même si et l’Alaska sur les ressources de ça ne s’est pas matérialisé et aussi saumons à ces endroits. Encore une longtemps que ça s’est poursuivi. Ce fois, ce ne sont pas les Autochtones, que je m’efforce de dire est que, vous savez. Ils ne prennent que… tu lorsque vous commencez à abuser de parles! Pour chaque million de quelque chose, comme lorsque vous poissons, leurs prises ne représentent tuez trop de cerfs ou trop d’orignaux, que dix pour cent. Et ça correspond à peu importe, vous commencez à peine au nombre de personnes. Ils épuiser cette ressource et il ne vous sont beaucoup plus nombreux que restera plus rien. Aujourd’hui, nous nous dans l’Ouest, que ce soit dans la avons été faussement accusés, et j’ai taille de leurs communautés ou le

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nombre de réserves. Par conséquent, Fredericton Junction et me retrouver si on prend cette allocation et qu’on à St. Stephen, et sans emprunter la divise, ils obtiennent moins que dix aucune route asphaltée, uniquement saumons par famille, ce qui n’est sur des chemins de terre. vraiment pas beaucoup. Puis les gens Alice : Retournons à Jemseg et à ces doivent payer cher pour leur permis, endroits, afin d’en parler. particulièrement pour les pêcheurs Richard : Eh bien! En partant du pont de commerciaux. Et ce n’est pas comme Jemseg jusqu’à Saint-Jean, il y avait c’était il y a de nombreuses années. beaucoup de familles Nash et Sacobis Encore une fois, si vous examinez la principalement qui occupaient les situation et que vous pointez du doigt, rives du fleuve à divers endroits, vous savez, il ne faudrait pas qu’il notamment le village de Gagetown et soit pointé directement vers nous. Upper Gagetown, situé je crois à près Nous nous sommes toujours efforcés de trois milles du pont de Jemseg en de préserver et de conserver. Nous ne direction du sud-ouest. Et en aval sur prenons que ce que nous pouvons le fleuve jusqu’à Brown’s Flat, Indian utiliser et nous laissons le reste pour Point et (pause) nos besoins futurs. Il faudrait presque Alice : Très bien, mais Brown’s Flat et se reporter aux années 1920 et 1930, Indian Point ne sont-ils pas le même lorsqu’il n’y avait pas d’électricité et endroit? de réfrigérateur. Les gens ne Richard : Non, il s’agit de deux endroits pouvaient mettre des réserves dans un différents. nouveau réfrigérateur ou un nouveau Alice : Mais ils sont situés au même congélateur, ils ne pouvaient que faire endroit? Sur la même île? sécher la viande. Ils la suspendaient Richard : Ils le sont, comme les deux et la faisaient cuire lorsqu’ils avaient pattes d’un chien, je suppose. Un est besoin. Ou pendant l’hiver, il était situé à gauche et l’autre à droite. Ici, possible d’enfouir la viande dans la il y a environ quinze ou seize ans, un neige en espérant que les animaux ne médecin et une infirmière se sont tués la trouvent pas, et c’était la façon de sur le lac, dans un écrasement se nourrir. Mais aujourd’hui, vous d’avion. Jeffrey était dans la région savez, il y a tellement de moyens avec le jeune fils de Melvin, Richard. différents. Il y a les véhicules à Ils ont appelé et ils avaient peur, car moteur, les VTT et tout le reste. Et ils avaient été témoins d’un tous ces chemins secondaires, qui écrasement d’avion, voyez-vous. n’étaient alors que de la forêt, ne sont Non, c’était bien avant, car nous visibles qu’en avion ou en vivions à Marysville. hélicoptère. Et aujourd’hui on peut se Alice : Mais Brown’s Flat, ce que rendre n’importe où l’on veut aller. j’essaie de dire, Brown’s Flat et Par exemple, je peux sortir de Public Landing – est-ce ce bien que

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j’ai dit? Alice : Et l’automne? Richard : Non, vous avez dit (pause) Richard : L’automne, ils retournaient Alice : Indian Point. chez eux pour l’hiver. Et ils Richard : Indian Point et Brown’s Flat. chassaient à leur retour, comme Alice : Oui. Brown’s Flat et Public l’orignal et le cerf, et même, plus tôt Landing, n’est-ce pas le même au tournant du siècle, il y avait le endroit? Ou encore deux endroits caribou. Mais le cerf a chassé le différents dans la même région? caribou, ainsi que l’orignal, voyez- Richard : Ce sont deux endroits situés à vous. Ils ont été chassés vers le proximité, mais à l’opposé. Québec. C’est pourquoi il y a Alice : Mais ce n’est pas le même maintenant du caribou au Québec et endroit? au Labrador, car ils ont tous traversés Richard : Ce sont deux endroits sur la glace. Mais ils ont tous été différents. chassés à partir de la Nouvelle- Alice : Brown’s flat et Public Landing, Écosse jusqu’au Québec. Au Québec les Indiens ont également occupé ces et au Labrador, c’est ce qui explique endroits. Qu’est-ce qu’ils y faisaient? qu’on en trouve en abondance. Richard : Ils confectionnaient des Alice : Et l’île Indian? paniers, car ils trouvaient tout le frêne Richard : L’île Indian? dont ils avaient besoin sur la côte, qui Alice : Y a-t-il une île Indian, quelque est maintenant la Base de Gagetown. part à Saint-Jean ou dans la région? C’étaient toutes des terres agricoles Richard : Oui, l’île Brother. dans la région, et il était possible de Alice : Y a-t-il une île Indian? partir d’Oromocto sur la vieille route Richard : Non, il y a les îles Brother. et de se rendre directement là à Elles sont situées juste en face de la Brown’s Flat. C’est juste après la marina, dans la cité de Saint-Jean. grosse colline. Alice : Est-ce que les Indiens occupaient Alice : Je n’en avais jamais entendu cet endroit également? parler avant de commencer ces Richard : Oh oui! Il y a même une mine entrevues. d’argent. C’est vrai, il y a une mine Richard : Oh oui! J’ai conduit sur cette d’argent à cet endroit, mais elle n’a route à plusieurs reprises, et on peut jamais été exploitée. Je ne devrais pas l’emprunter à l’automne pendant la dire qu’elle n’a jamais été exploitée, saison de chasse. Actuellement car elle l’a été. Mais c’était impossi- cependant, les chemins sont fermés, ble de l’exploiter car, si cela fait du car les militaires y font de la forma- sens, elle est entourée d’eau, en fait tion, entre autres. par deux cours d’eau. L’un vient de Alice : Donc, ils n’occupaient ce Sussex et l’autre est le fleuve Saint- territoire que pendant l’été? Jean. J’ai oublié le nom du cours Richard : Non, le printemps et l’été. d’eau, je pense que c’est

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Kennebecasis. De toute façon, leur allés là un soir d’hiver et ils ne confluence se situe juste ici aux îles savaient pas que ce policier surveillait Brother. En fait, si vous vous dirigez cet endroit. Mais justement, ce soir-là vers Saint-Jean, comme vers l’Est, au lui et son épouse étaient sortis, dans lieu de traverser le pont à péage, pour la période de Noël ou du Nouvel An, vous rendre à Saint-Jean, vous et quelqu’un est allé brûler le traversez le pont des chutes bâtiment. C’est pourquoi jamais réversibles. Puis vous descendez cette personne n’est retourné camper à cet rue, où est situé le musée, et vous endroit. Mais lorsque Harold y arrivez à une intersection qui forme amenait les enfants, ils avaient un « Y » et vous tournez à gauche. Et l’habitude de se baigner, même si c’est l’ancienne route pour aller à l’eau était froide. Et lorsqu’ils l’hôpital, le nouvel hôpital. C’est une sautaient à l’eau, ils pouvaient sentir façon de se rendre là. Si vous prenez quelque chose autour des pieds, et ils cette route, vous y trouverez un parc ont pris peur. C’était des phoques, en et, du côté gauche, un terrain de base- fait des bébés phoques. De toute ball. On avait l’habitude de jouer à la façon, ils ont visité l’île et ont trouvé balle rapide à cet endroit, comme ce puits. Ils ont donc demandé au dans une ligue senior. Et maintenant, propriétaire de la marina ce que cela je remonte jusqu’à la fin des années voulait dire, car c’était une 1960, et il y avait un… Harold avait découverte pour eux. Personne ne amené un groupe de jeunes à cet sait, et on ne retrouve aucune trace de endroit, et j’ai conduit l’autobus pour cette histoire. Et lorsque que Harold lui. Ce fut une voyage unique, et il est revenu, il m’a demandé avait amené la fourgonnette. J’étais d’examiner le registre des terres, afin supposé ramasser l’autobus cette fin de savoir si cet endroit était toujours de semaine-là, ce que j’ai fait. Mais enregistré en tant que réserve. Il retournons à notre histoire. Il devait l’était et il l’est toujours aujourd’hui. me montrer la route, car je n’étais Alice : Vraiment, l’île Brother? jamais allé là auparavant et je n’avais Richard : Et on y a déjà découvert de aucune idée où c’était. Mais après y l’argent. Mais il était impossible de être allé une fois… je pouvais l’exploiter, à cause de l’eau. Il n’y retrouver ma route sans difficulté. Et avait aucune façon de bloquer l’eau, la marina était ici, et juste en face il y et l’argent est situé profondément avait les îles. Eh bien! Harold a connu dans le puits de la mine. Je ne sais pas ce policier, qui était chef adjoint du quelle est la profondeur de ce puits, service de police de Saint-Jean, et il car je n’ai jamais (pause). Je suis allé surveillait le camp pour Harold. sur l’île une fois, au camp C’était le camp de la bande, voyez- uniquement, sans me promener aux vous. Mais des motoneigistes sont alentours. Et il y a une île de bonne

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superficie et deux plus petites, il y en Richard : Oui, à Vanceboro. Nous nous a donc trois. On les appelle les îles sommes rendus directement à l’école Brother. Et sur la carte, j’ai une carte à cet endroit. Il y avait là un con- quelque part et on y retrouve ce nom. cierge, et il se rappelait d’eux. En Mais pour les désigner, il faut les effet, il l’appela « blanc Pete ». Il appeler les îles Brother pour que les fallait que ce soit Peda. Et personnes de la région puissent vous Charlie Paul. Et le seul Charlie Paul indiquer où elles sont situées. Elles que je connaisse est celui de Tobique. sont juste en face de la marina. C’est Et il a dit que c’étaient les dernières un renseignement que beaucoup plus personnes à vivre sur ces deux de gens devraient connaître. La même réserves. Donc, lorsque nous avons chose que Ste. Croix et Canoose. obtenu cette information… et il nous Presque personne n’est au courant. Et a montré une pièce sur laquelle on nous avons fait une recherche à ce voyait une tête d’Indien. Il avait reçu sujet en 1974. nous étions six qui cette pièce de la part d’un jeune de nous sommes rendus là. Et la six ans, dans les années 1920. Il avait première fois où je suis allé à donc conservé cette pièce, et nous Ste. Croix, je ne pouvais croire que sommes allés prendre le café chez lui. j’avais vu un aussi bel endroit. J’ai oublié son nom, mais je sais où il Canoose, d’autre part, avait une vit, s’il est toujours vivant. Je doute apparence plutôt « dégoûtante ». On y qu’il vive encore aujourd’hui, car il retrouvait beaucoup d’aunes, aurait près de quatre-vingt-dix ans. beaucoup de vieux arbres morts. Pas Alice : Il y avait donc des réserves sur de camps; c’était recouvert de vieilles les îles Ste. Croix et Canoose. broussailles et autre végétation Richard : Oh oui! Ste. Croix a été semblable. déclarée « réserve » de façon non Alice : Canoose. Est-ce que l’île officielle. Je crois que c’était en 1947. appartient aux Indiens Et il y a eu une possibilité de Passamaquoddy? Jusqu’au-delà de récupérer cette propriété, si quelqu’un Pointe-Lepreau? voulait le faire. En fait, la seule façon Richard : Non, l’endroit appartenait aux de procéder aurait été de connaître les derniers résidents. À Ste. Croix et derniers résidents connus de cette Canoose, il y avait Elsie, Josephine, réserve et de déposer une Dan et Joe Sakpi, qui venaient d’ici. réclamation. Mais personne ne Et Peda [Peter Paul] de Woodstock et voulait le faire. un de ses fils. C’est ce que le vieil Alice : Pourquoi? homme nous a dit à St. Stephen. Quel Richard : Je ne sais pas; non, je ne sais est le nom de cet endroit en face de pas. Aujourd’hui, comme je le McAdam? mentionne, ces personnes étaient les Alice : Vanceboro, au Maine. seules sept personnes qui étaient

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Planche 3.3 : Scène de village à Brown’s Flat; la femme assise au centre de la photo confectionne des paniers et est entourée de paniers faits à la main et d’autres articles à vendre (University of Pennsylvania, 139042).

connues, vous savez. Et selon les porter propriétaires des deux rives de Affaires indiennes, il s’agissait de ce lac, et ils les ont déclarées lieux terres excédentaires, non occupées. Et historiques nationaux. Il y a lorsque la province a présenté une maintenant un parc de chacun des demande, dans ses lettres patentes, le deux côtés, américain et canadien. Ministère a donnée l’île à la province. Alice : Et c’est donc Ste. Croix? Et Mais personne n’a demandé un Canoose? « décret en conseil » ni donné à l’île Richard : En fait, Canoose est située un numéro de titre privé. C’est donc juste en aval sur la rivière. Mais pour toujours une réserve, et l’île continue se rendre sur cette terre, les autres de constituer un actif comme réserve. bandes devaient renoncer à leurs L’île a donc toujours un statut de intérêts, c’est-à-dire les terres qu’elles réserve. Le gouverneur du Maine et le possédaient, et cela n’arrivera pas. Ça premier ministre du Nouveau-Bruns- ne s’est pas produit au cours des vingt wick, juste avant Louis Robichaud, je dernières années, et ça n’arrivera crois que c’était VanWart qui était certainement pas au cours des deux alors premier ministre. De toute prochaines, vous pouvez en être façon, le gouverneur et le premier assurée. Je me rappelle qu’en 1966, ministre de l’époque ont décidé de se ils avaient dit qu’une route

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périphérique passerait par ici. Elle l’ont pas fait. C’est comme prendre existe maintenant en 1997, mais un livre et déchirer certaines pages. voyez-vous une route périphérique à Vous comprenez ce que je veux dire? cet endroit? C’est comme s’ils nous cachaient de Alice : Vont-ils la construire? l’information, et c’est illégal de Richard : J’en doute fort. procéder ainsi. Alice : N’ont-ils pas encore réglé cette Alice : Retournons donc à l’île Canoose. question? J’aimerais en connaître davantage à Richard : J’ai fait appel en raison des ce sujet. responsabilités fiduciaires du Richard : Eh bien! Il s’agit d’une gouvernement fédéral à l’égard des réserve qui avait essentiellement été Indiens. En fait, les Indiens ont été établie par les Indiens. Comme je avisés de ce que représentait cet viens de le dire, que leurs familles accord. Vous savez qu’on nous a sont les dernières connues. Je demandé de voter dans le cadre d’un remonte maintenant à la fin des référendum sur le sujet. Avez-vous années 1920 et 1930, lorsqu’ils conscience qu’il y avait plus de étaient là. Mais ce vieil homme avait quatorze pages annexées au des souvenirs remontant jusqu’en référendum sur les conditions de la 1910, lorsque son père et son grand- réserve? Et personne n’a rien père lui disaient que les Indiens mentionné au sujet du complexe de avaient toujours occupé ces terres. Je bingo à cet endroit. J’ai donc vous parle de ce type à Vanceboro, ce demandé des copies à Amherst, et je vieil homme. Et il avait mentionné les obtenues. Quand je les ai reçues, que des Indiens comme Elsie, j’ai fait appel, mais je n’ai jamais Josephine, Dan et Joe marchaient de obtenu de réponse. J’ai fait parvenir Ste. Croix sur la glace jusqu’à l’école. le tout directement au bureau du C’était tout un trajet. Et marcher sur ministre à Ottawa. Pour une question la glace était beaucoup plus court comme celle-là, ils se doivent de faire mais dangereux pour des enfants. Ils la recherche. Particulièrement lorsque devaient être jeunes en ce temps-là. vous les accusez en vertu de leur Et les routes qu’ils devaient responsabilité fiduciaire. Car ce n’est emprunter au printemps étaient très pas votre faute, ce n’est pas ma faute, boueuses. Je m’imagine à quel point ce n’est pas celle du chef ni des ces déplacements devaient être conseils. C’est la faute des Affaires difficiles pour des enfants, qui indiennes, car le ministère a la devaient marcher sur cette distance. responsabilité de vous aviser tout Je dirais que c’était un bon huit à dix comme moi en tant que membre de la milles aller-retour. C’est quelque bande, à savoir ce que comporte ce chose. Ils devaient marcher, car il n’y référendum dans sa totalité, et ils ne avait pas d’autobus scolaire à cette

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époque. L’hiver était deux fois plus un. Il l’a trouvé quelque part aux rigoureux. Mais c’est comme ça États-Unis et il l’a ramené chez-lui. qu’ils ont grandi et qu’ils ont survécu. Bien sûr, Louie a toujours eu un Uniquement avec ce que mère nature faible pour la mécanique, et il a leur offrait à partir de la terre. modifié l’appareil pour le faire Seulement les éléments essentiels. Et fonctionner. Toute la maison a vibré, il n’y avait absolument rien de trop, et et même le sol. Il a tenu les Indiens à pas d’aide sociale à l’époque. Quant à moitié réveillés toute la nuit, lorsque l’habitation, vous deviez vous organ- cette chose s’est mise à broyer et à iser vous-même, et ce n’était pas fonctionner. Mais je dois vous dire comme aujourd’hui. Vous ne pouviez que l’appareil a fait le travail et que rien obtenir ni rien espérer. Tout ce c’était impressionnant de le voir que vous aviez, vous le deviez à vos fonctionner. Je n’ai jamais cru qu’il propres efforts, en travaillant ou en pouvait le mettre en marche. Je dois faisant du troc. Et c’est de cette façon vous dire que Louie est assez passif, que les personnes survivaient, vous mais je crois que lorsqu’il a une idée savez, par les échanges. Ils en tête, rien ne peut l’arrêter. échangeaient leurs fourrures, leurs Alice : Parlez-nous un peu de paniers, leurs manches et leurs St. Mary’s, parlez-nous de l’ancienne manches de hache pour toutes sortes réserve. Est-ce qu’il s’agissait de de choses comme des légumes, des terres appartenant aux Indiens ou si vêtements et différents outils dont ils elles étaient occupées par des squat- avaient besoin. La plupart de leurs ters? outils étaient fabriqués à la main, et Richard : Oh, non! Il y avait des squat- c’est pourquoi vous voyez beaucoup ters qui vivaient là, mais il s’agit de d’outils indiens. La meilleure terres qui ont toujours appartenu aux sélection d’outils à main que j’aie Indiens. Il y a un malentendu au sujet jamais vue était celle de Louie Paul, de Sitansisk, soit St. Mary’s. Il fut une le frère de Joe, à Woodstock. Il époque où nous étions de l’autre côté possédait presque tous les outils du fleuve, où sont situés aujourd’hui concevables qu’un Indien ait jamais le Sheraton et les anciennes casernes eus. de la Police Montée. C’est là que les Alice : Oui, c’est vrai, je les ai vus. Indiens de St. Mary’s étaient situés à Richard : Et j’ai été surpris lorsque je l’origine. Nous remontons ici vers le suis allé là, il y a quelques années, de milieu des années 1800, jusqu’aux voir une telle sélection. Il les a années 1950. Il s’agit d’une période obtenus d’un peu partout aux États- de 100 ans. Les Indiens occupaient Unis. Il possède même un dispositif ces terres, connues sous le nom de la automatique de martelage du frêne. réserve des Indiens de Devon. Et C’est la première fois que j’en voyais c’est St. Mary’s. Il y a deux réserves

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et elles ont deux numéros différents. y croire, je veux dire les chiffres que Alice : Il s’agirait des numéros des j’avais sur un bout de papier. J’ai lotissements. donc présenté ces résultats au chef, Richard : Oui. Et celui-là, en 1953, la qui était Harold, et au Conseil, et ils cité de Fredericton (pause). Et c’est ont trouvé que c’était tiré par les spécial la façon dont les choses se cheveux. Ils étaient certains de ne sont déroulées. J’ai toujours mis tous pouvoir obtenir ce genre de les Anciens au défi d’expliquer com- règlement. Nous n’avons donc pas ment ces terres, ou une partie de ces tergiversé avec eux. Par conséquent, terres, sont entrées en possession de l’année où j’ai été élu chef, il y avait la cité de Fredericton, de même deux choses dans mon esprit. Celle-là qu’une partie de la rue Dedham. On en était certainement une, et l’autre m’a toujours demandé de me taire à était le terrain occupé par les anciens ce sujet. Et j’ai toujours été plutôt combattants qui avaient toujours choqué de constater de quelle façon soutenu qu’il leur appartenait. Feu les terres étaient transigées au moyen Dan Paul avait déclaré, à son retour des méthodes utilisées, par la tenue de la guerre, que tous les anciens des référendums ou autres. Les gens combattants qui avaient servi lors de semblaient satisfaits. Par exemple, la Deuxième Guerre mondiale avaient lorsque j’ai été élu chef en 1984, été assurés par le MAC qu’ils j’avais déjà participé à des devaient recevoir un minimum de négociations antérieurement avec la deux acres de terre pour obtenir province. Le gouvernement voulait l’assistance de l’OEAAC. Comme qu’un accès traverse la réserve avec pour la loi agraire. Et c’est ainsi que deux lignes hydroélectriques. De les maisons ont été établies sur la rue plus, il n’y avait aucune servitude Paul. Ces vieilles maisons comme pour les poteaux de téléphone sur la celle de tante Evangeline qui s’y réserve. Je suis allé compter le trouve. nombre de poteaux, j’ai fait arpenter Alice : Je crois que nous en avons à peu les terres et j’ai obtenu une estimation près quatre. La maison de Louie, ou approximative de la quantité de plutôt de Louise Paul. terrain que le gouvernement Richard : Non, ce n’était pas une maison utiliserait. J’ai donc pris dix maisons des anciens combattants mais plutôt et j’ai multiplié le coût annuel pour des Affaires indiennes. l’éclairage de ces maisons. J’en suis Alice : Qu’en est-il de la maison de venu à un chiffre d’un demi-cent le Qumuci? Non? Et celle de votre père kilowatt-heure. Un demi-cent. J’ai non plus? alors multiplié par le nombre de Richard : Cette vieille maison en faisait maisons sur la réserve. Et les chiffres partie. Mais de toute façon, on les étaient astronomiques. Je ne pouvais avait tous assurés qu’ils recevraient

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une maison, et ils en ont tous reçue partir de leur recherche, j’ai apporté une, que ce soit au moyen d’un cette information au bureau central ici certificat de possession accordé à ces à Fredericton où j’ai rencontré le anciens combattants, l’agent leur solliciteur et le vice-président, et avait assuré ce jour-là que… il finalement le président, M. Doucette. pointait dans cette direction en Ils ont tous cru que j’étais fou disant : Eh bien! C’est votre propriété furieux. Je leur ai dit : Si vous pensez et ceci est ma propriété. C’est de cette que je suis un fou furieux, façon que les choses se sont débarrassez la propriété de la réserve. déroulées. Chacun a tout simplement Je vous donne un avis de 48 heures, supposé que c’était sa propriété ainsi après quoi je ferai émettre une que celles des autres, et ainsi de suite. injonction. Le lendemain, j’ai donc Nous avons donc fait la lumière sur reçu un appel du président. Il voulait ça en 1984 ou 1985. C’était à s’asseoir avec moi pour parler. Le l’automne. Puis après qu’on ait mis la prix est donc passé d’un demi-million situation à jour, Tony et Gobby, si je de dollars à 750 mille dollars en une ne me trompe, mais je pourrais me seule journée. Il m’a dit : Le prix était tromper, ont cherché à ma demande d’un demi-million de dollars hier; des documents à Halifax dans les comment se fait-il qu’il ait fait un tel archives et également à Ottawa aux bond? J’ai répondu que plus les archives nationales. Nous voulions discussions duraient longtemps, plus vérifier si l’information que nous le coût allait augmenter. Il m’a alors avions obtenue du bureau régional répondu qu’il lui faudrait présenter la d’Amherst était exacte ou non. Et question (ils ont un comité comme le l’information était obsolète et avait cabinet du premier ministre et été manipulée. Je ne voudrais pas composé de tous les ministres) au commencer à nommer des noms, Comité intergouvernemental. Il m’a mais il y a eu beaucoup donc contacté avant la fin des d’irrégularités, un très grand nombre. 48 heures, le lendemain. Il m’a dit : Par exemple, certaines parties Très bien! Je crois qu’on accepte dactylographiées étaient rayées au d’augmenter le prix à 750 mille crayon et quelque chose d’autre était dollars. Je lui ai répondu : c’était hier. écrit à la place. C’est le genre de Oh, mon Dieu! a-t-il dit. Quel est le choses qu’on a constaté. Des chiffres prix aujourd’hui? Et je lui ai répondu avaient été changés. Par exemple, la qu’il y avait quatre parcelles de largeur de la zone en question avait terrain dont on discutait ici. Soit près été changée de deux cents pieds à de 400 acres. Et il m’a répondu qu’il quatre cents pieds, et ainsi de suite. préférait signer l’entente aujourd’hui. Donc, lorsque j’ai compilé toutes les Avant, a-t-il dit, que vous vouliez données que les gars ont fournies à reprendre possession de toute la

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province. Et c’est la pure vérité, Dieu de Woodstock et Louise Polchies de m’en soit témoin. Le prix est donc Kingsclear, me l’ont indiqué il y a passé de seulement… alors qu’ils longtemps. Et il en est de même du n’obtenaient que 200 dollars. Diable! père de Franklin. Mais son histoire Et pendant cinq ans, ils ont reçu un est sans doute légèrement différente montant insignifiant. Ils obtenaient de l’autre, je crois. Franklin m’a dit 200 dollars par année. C’est tout ce avant de mourir que sa mère, feue sa qu’ils recevaient. Et on remonte ici à mère, avait les papiers. Et pendant la période de 1957 à 1984. C’est tout que Joe était vivant, il les avait ce qu’ils recevaient annuellement. Et obtenus d’elle. Joe les a ensuite je ne pouvais le croire. Et vous vous confiés à Peda [Peter Paul]. Ce rappelez comment ils avaient dernier devait effectuer la recherche. l’habitude de se payer du bon temps à Jusqu’au moment de sa mort, Noël? Eh bien! C’est de là que venait Franklin avait demandé à Harold de l’argent. Vous voyez ce petit chemin chercher ces papiers et de les lui derrière le garage Irving. Ici à la apporter. Il devait me les remettre vieille (pause) afin de poursuivre le travail. Cette FIN DE L’ENREGISTREMENT – terre appartient maintenant à huit CÔTÉ UN personnes. Et il était l’une d’elles, de ENREGISTREMENT – CÔTÉ DEUX même que ses deux sœurs et son Alice : Je suis allée voir Norma un jour, frère. Et il y avait Carl, Annette, et elle m’a donné une carte datée de Sylvia, mon père, moi, Norma et c’est 1912. Elle m’a dit que St. Mary’s tout, qui étions propriétaires de ces avait probablement été établie vers terres. Car ces terres (pause) 1857, l’ancienne réserve. Et il y avait Alice : L’ancienne réserve? toutes sortes de noms sur la carte. Richard : Oui, à partir de Kapin, le Richard : C’est à cette époque que la terrain de Morrison. En fait, Morrison réserve a été établie. Mais elle l’a été était propriétaire du terrain allant de également en même temps de l’autre l’endroit où se situait le fossé, jusqu’à côté du fleuve près du Sheraton et de l’emplacement actuel de la Sullivans’ la caserne de la Police Montée, où Bostonian Pizza. Et George Hayes était située l’aire d’atterrissage prétend qu’il était propriétaire du d’hélicoptère. terrain situé à proximité de Alice : Mais la carte m’indiquait la l’emplacement actuel du magasin des réserve. alcools. On l’appelait (pause) Et toute Richard : Mais elle aurait également dû cette propriété appartenait aux montrer cet endroit, car c’était à la Indiens. Et les Hayes l’on obtenue de même époque. l’oncle de Homer, Mokin. Alice : Je n’ai pas vu ça. Alice : Et quel était son vrai nom? Richard : Peter et Louise, soit Peter Paul Richard : Mokin? C’était Frank Nash.

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Alice : Frank Nash? chassés. Vous voyez, et c’était le frère Richard : Il avait une sœur, dont je ne de Jim. Est-ce que Mokin est ou non connais pas le nom. Homer le sait le frère de Junior? peut-être. Jim m’a raconté toute Alice : Frank Nash? l’histoire au sujet de sa famille. Et Richard : Oui, c’était lui. Homer et longtemps avant sa mort, on parlait Junior étaient des cousins germains, tout le temps ensemble. Il me car le père de Jim et celui de Junior racontait des histoires, comme étaient des frères. lorsqu’il était jeune. De toute façon, Alice : Parce qu’il y avait Jim, Steven et je vous parlais de sa sœur, qui était Bobby. sourde. Elle n’avait pas toute sa Richard : Non ce sont ses fils. raison. Elle était lente. Et elle vivait Alice : Ce sont ses fils, à Steven Nash? avec Mokin dans ce champ, là-haut, Mais d’une autre mère? le verger. Vous êtes-vous déjà rendue Richard : Le père de Junior, et Marjorie. près du réservoir? Il y a de vieilles Comme la mère de Wendall Nash, fondations à cet endroit, comme des son père. C’étaient des frères. Il y roches. Vous savez, lorsque vous avait Tom et le vieux Steve, qui était suivez le chemin du réservoir. Il y a le père de Junior. Ils étaient ses frères, deux routes et un champ. Il y avait à Jim. Les frères de Jim, et la de- une maison à cet endroit. Bien avant scendance, de même que la descend- que tous ces arbres ne poussent, la ance de Burton, étaient tous les fils et vue portait jusqu’au fleuve Saint-Jean les filles de Jim. Il en avait treize. et aux alentours. Et même aussi loin Vous voyez, il a été marié deux fois. qu’à Keswick, en fait jusqu’à la Quatorze avec la femme de Chipman ferme expérimentale. Les frères et treize avec (pause). Il avait commis Hayes, il y en avait trois, voulaient la bigamie, et personne ne le savait. Il cette propriété. Ils ne pouvaient était marié à deux femmes en même l’obtenir, car on ne voulait pas la leur temps. Et cela a duré pendant de très vendre. Ils ont donc fait boire Mokin nombreuses années… et sa sœur. Et ils lui ont fait remplir Alice : De toute façon, si on retourne à des papiers, comme quoi, s’il mariait l’ancienne réserve, jusqu’en 1912, la sa sœur, il lui donnerait la propriété. carte que j’ai vue, c’était comme Donc après avoir bu, je ne sais pas Tom Brooks à cet endroit, quelle quantité d’alcool, il était Sam Brooks. Il y avait quelque chose certainement frappé d’incapacité, car comme vingt-sept ou vingt-huit il a changé d’idée et a renié sa maisons à cet endroit. promesse de marier cette fille, pour la Richard : Premièrement, la maison de propriété. Il a fini par obtenir la Tom était située à proximité de la propriété sans avoir à marier la fille. rivière, et la suivante était la maison Et après, il les a tous simplement de George Wiseman, c’était la plus

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grosse. l’eau. Et les Wiseman qui étaient Alice : D’où venaient les Wiseman? juste ici, et je me souviens de Saulis Richard : D’Allemagne. également. Robert Saulis ici, Alice : D’Allemagne? Et ils étaient Steve Nash là, en revenant de chez Indiens? Irving, sur ce chemin. Et Natolin était Richard : La femme à laquelle il était ici et la vieille école là. marié était indienne. Richard : Sammy vivait là, juste au Alice : Ils étaient donc des squatters? coin. Il y avait Sammy et Bessie et, Richard : Oui. ah! je connais tous les noms de ceux Alice : Les maisons dont je me souviens qui étaient là. Il me faudrait voir la étaient : celles de Steve Nash, de carte moi-même. Je peux me rappeler Robert Saulis, de Marjorie Sheppard, des familles Nash, Saulis, Sappier, de la famille Wiseman et de Sheppard... Natolin Jimmy. Ce sont les seuls dont Alice : Y avait-il un Acquin également à je me souvienne. Sur la carte de 1912 cet endroit? Je suis presque certaine que j’ai vue, il y avait d’autres d’avoir vu le nom Acquin sur la carte. personnes. Richard : Acquin vivait là avec son père, Richard : Oui, je me souviens. qui était… Premièrement, près de la rivière, il y Alice : Oui c’était le grand-père de ma avait Marjorie et sa mère, mais je me mère. souviens à peine de son père. L’année Richard : Je ne sais pas si c’était son où il est mort est la dernière où j’ai vu grand-père ou son père? son bateau. Il avait un bateau de Alice : Non, Charlie Meuse était son bonnes dimensions sur l’eau. C’était père. vers les années cinquante, cinquante Richard : Ben était son grand-père. et un. Et juste en face, il y avait C’est la mère biologique de Larry. Tom Brooks. Sa première femme était Alice : Est-ce que Virginia? Mabel, qui est décédée. Tom est Richard : Oui, ils vivaient avec Ben et déménagé en haut de la colline. Puis Mime. Et c’était juste ici, lorsqu’ils cette maison a été vacante pendant un ont pris cette maison. C’est là que grand nombre d’années. Elle était vivait Elsie. vacante, et était tout simplement là Alice : Ici même où est située inhabitée. Et un peu plus haut sur le aujourd’hui la promenade Maliseet? chemin, il y avait la maison de Cette maison était là? Marjorie. Tout près de la rivière, il y Richard : C’est celle que le professeur et avait la maison des Wiseman et celle Maggie avaient lorsqu’ils se sont de Sammy qui était juste à côté, du mariés. Ils ont déménagé de là pour même côté de la route. construire la promenade Maliseet; ils Alice : Je peux me rappeler que… ont obtenu cette nouvelle maison. comme Marjorie qui était ici près de C’est donc là qu’ils ont grandi avant

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de déménager en 1952. Et elle a inoccupée » en allant vers Minto? À marié ce type du Connecticut. Et un mi-chemin, du côté gauche. Melvin an après que Norma ait marié ce avait pris une photo. C’est une grande McLean, quelque part au Connecti- photo, soit une photo aérienne de cut, ils ont déménagé. Il y a eu les toute la région. Et c’était quasiment Sheppard, et les Nash, les Brooks, les comme un petit village ou une petite Wiseman, les Brook, Saulis, Nash, ville. C’est là qu’ils gardaient les Sappier et Punchin [Saul Polchies] prisonniers de guerre. Des Allemands. qui vivaient là aussi, avant qu’ils ne Et ils les ont envoyés là par chemin déménagent en haut de la colline. Ils de fer. Et c’est là qu’ils gardaient tous ont construit ces maisons. Les vieilles les prisonniers. Il n’y a pas beaucoup maisons, comme celles de ma grand- de gens qui savent ça. Et c’est de là mère, car cette réserve a été établie en que nous viennent principalement les 1937, celle-ci en haut de la colline. colons allemands et juifs qui se sont Mais ce ne fut pas déclaré établis à Fredericton, à Saint-Jean et à officiellement comme réserve dans Moncton. Ils venaient de ces familles les dossiers, jusqu’en 1948. qui étaient dans ce camp de Alice : Je crois que j’ai entendu ma prisonniers à cette époque. Ils ont été mère dire ça. Ils ne sont pas rescapés. Mais je ne remets pas en déménagés en haut de la colline avant question ce que Josephine, Elsie, Pat 1935 ou 1932 ou 33. Car j’ai un et votre mère ont pu dire. Je dis juste enregistrement de ma mère et de que, selon les dossiers que j’ai vus, Josephine, et de Pat. Et au retour de la cette réserve a été acquise à des fins guerre, c’était en 1933. Cette réserve de réserve en 1937. Et il y avait de comptait déjà de douze à dix-huit fortes objections à ce moment-là. maisons. J’ai oublié le nombre exact. Pour la période qui précède, que ce Richard : La première maison a été celle soit 1932 ou 1933, je n’exclus pas ce du père de Ron et de son frère. Il y qui a pu se produire à l’époque. Car avait seulement quatre maisons. en fait les gens qui sont supposés être Alice : Et Pat dit que lorsque les nos voisins s’opposaient fortement à hommes sont revenus d’outremer, on ce que cette région soit désignée leur a donné des ateliers dans lesquels comme réserve. Et tout ce qu’il y ils devaient vivre. avait, c’était du roc. Rien d’autre Richard : Il s’agissait en fait d’ateliers qu’une carrière de roc. M. Howe, derrière les vieilles maisons. Lorsque Dieu ait son âme car il est mort ici il le gouvernement a démantelé le y a trois ans, avait l’habitude de me campement de Burpee, qui est situé parler de cet endroit. Et c’était un sur le chemin Minto. Avez-vous déjà schiste pur, authentique et solide. vu ce ciment, cette très grande dalle Forbes et Sloat sont venus ici et ils ne de ciment dans un genre de « zone pouvaient dynamiter parce qu’ils

56 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1 risquaient de faire sauter les lotissement, ce n’était qu’un plan fondations des vieilles maisons. Car préliminaire et s’ils l’avaient finalisé, le roc, lorsque vous le dynamitez, personne, aucun entrepreneur ne vibre un peu partout. C’est comme un l’aurait accepté. tremblement de terre, et ça peut créer Alice : Nous sommes sortis de notre des failles ou comme des failles. sujet ici. C’est essentiellement ce que fait la Richard : Retournons à la vieille dynamite. Les vibrations se dirigent réserve. Lorsque le premier lot de vers le point le plus résistant, et c’est maisons ont été établies sur cette tout. Nous avons eu (pause), et ça réserve, il y avait quatre maisons. Et coûtait cent cinquante dollars l’heure. l’année suivante il y en avait huit. Et c’était dans les années mille neuf Alice : Comment étaient ces maisons? cent soixante. Aujourd’hui, on Étaient-elles solides? pourrait compter de trois à quatre Richard : Oui elles étaient solides, mais cents dollars l’heure. Nous avions une elles n’étaient pas isolées. Il n’y avait défonceuse. Je parlais avec pas de toilette intérieure. Il y avait de John McKinney, qui était notre la plomberie à l’intérieur, mais sans ingénieur. Il possédait une ingénierie toilette intérieure. Et il n’y avait pas au moment où l’arpentage a été d’isolation. effectué ici. Car nous avions Alice : Y avait-il de l’électricité? l’intention d’aller du côté de ce qui Richard : Oui, mais les fils étaient de est appelé l’allée Bear, et de revenir mauvaise qualité. Les rats les rejoindre l’endroit où est située votre rongeaient. Et si votre maison ne mère ou encore jusqu’où Betty Jean brûlait pas avant que le rat ne s’était construite. Nous allions établir s’électrocute, il vous restait deux ce lien afin d’aménager cent dix lots à choix. Le rat s’électrocutait et cet endroit. Lorsqu’ils ont arpenté empestait votre maison ou votre cette région et qu’ils ont procédé aux maison passait au feu. essais du sol (voyez-vous, ils ne Alice : Qu’en est-il au sujet de l’agent descendent pas comme ceci mais des Indiens, un dénommé Whalen, plutôt dans un certain angle de façon comment était-il? à couvrir plus de terrain, ils ont fait le Richard : C’était un trou du cul. Et son tour de ce réservoir, mais personne, prédécesseur était deux fois pire. absolument personne ne voulait Alice : Qui était Gorley? toucher à cet endroit au prix d’une Richard : C’est celui qui a remplacé assurance responsabilité civile d’un Whalen. Whalen s’enrichissait aux million de dollars. Comme les dépens des Indiens, et il a fait courtiers ou les sociétés d’assurance, beaucoup d’argent ici. Il était un personne ne voulait s’y aventurer. Et ancien agent de la GRC, et il s’est même si on a procédé à ce plan de retiré millionnaire. Tous les biens et

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services qui étaient fournis aux Richard : Oui, mais le premier chef dont Indiens le long de fleuve Saint-Jean je me souvienne, c’était un coup de augmentaient ses gains personnels. pile ou face, car j’ai demandé à bien Tous les produits de la ferme, les des gens au cours des ans comment il animaux, les fournitures agricoles, les se fait qu’ils organisaient une approvisionnements en bois d’œuvre, chaudrée de fruits de mer entre le matériel de l’armée, de l’armée de Andrew Brooks et le père de l’air, de la marine, de la GRC, de Paul Paul, Arthur Paul. Et l’été, il y même que les surplus qu’il recevait, il avait donc une chaudrée de palourdes. les donnait aux Indiens et se payait Chacun apportait son bol et sa lui-même pour les services rendus. cuillère et on servait une chaudrée de Les légumes, le bœuf, l’agneau, palourdes dans la cour. On se toutes ces choses, il se payait d’abord demandait ce que c’était. C’était lui-même pour ses services. quelqu’un mais on se savait pas qui. Alice : Il s’était bâti une maison à C’étaient les élections et, en ce Kingsclear. temps-là (pause) Une fois, Oromocto Richard : Il s’était bâti une maison et St. Mary’s ont eu le même chef. exactement là; la banque a Puis une autre fois, ce fut St. Mary’s éventuellement acheté la succession et Kingsclear. Et c’est ce qu’ils Lewis, où vivaient les parents de appelaient la coutume, ou des Lewis (pause) élections traditionnelles. Ils ont Alice : Et Gorley, il s’était construit une abandonné cette pratique et l’ont maison où est maintenant située la remplacée par des élections. Puis, banque, en bas de la colline? quand ils ont adopté l’élection des Richard : Non, il s’était bâti une maison chefs, c’était pour une période de à Skyline Acres. quatre ans. Les gens se sont plaints Alice : Skyline? Je croyais que ma mère que c’était une période trop longue. avait mentionné qu’il s’était construit Ils ne voulaient pas qu’il y ait une maison là où se situe quelqu’un à ce poste. C’était en actuellement la banque. bonne partie une charge beaucoup Richard : Non, c’était McKinnon. Son trop lourde pour un seul homme. bureau était situé au coin de Regent et Alice : Je lisais dans un de ces docu- George. ments que j’ai à la maison, un genre Alice : Combien d’argent les gens de feuillet de documentation ou recevaient-ils lorsque Whalen était quelque chose comme ça. On y là? mentionne que celui qui était chef, Richard : Ils ne recevaient rien. s’il ne voulait plus du poste, il Alice : N’y avait-il pas de l’aide sociale démissionnait et quelqu’un d’autre à cette époque? N’y avait-il pas un était élu. Et les conseillers aussi, si le chef indien ici? chef démissionnait, ils

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démissionnaient également. beaucoup plus d’Indiens âgés à cet Richard : C’était irréel, et ce fut comme endroit que chez nous. Et au cours ça pendant toute ma vie. Je les ai des ans, la situation s’est inversée. Il presque tous connus. Et j’ai toujours y avait un plus grand nombre dit que si je disposais de dix ans pour d’Indiens âgés ici que là. servir de chef, que ne pourrais-je faire Aujourd’hui, la situation est plus pour cette communauté en dix ans, équilibrée. Mais, vous savez, il y a parmi les choses que j’aimerais avoir tellement de témoignages, faites. Et la seule chose que j’avais d’anciennes histoires et de folklore. laissée sur mon programme était que Ce que je souligne toujours est ce qui je voulais établir une école. Si je fais a trait aux gens… ce que j’ai noté le une rétrospective de ma campagne en plus a trait à notre langue et à notre 1984, il faut trois choses dans une culture. La situation n’est pas telle communauté pour assurer la viabilité que j’aimerais la voir. Nous perdons de l’autonomie. Premièrement, il y a notre culture, et nous la perdons vite. l’éducation; deuxièmement, il y a le Chaque fois que quelqu’un meurt, il développement économique; et faut marquer un autre « x » à côté de troisièmement, il y a l’emploi. Avec son nom. Et on dit ensuite, qui sera le ces trois composantes, vous pouvez prochain à partir? Car chaque fois que survivre dans n’importe quelle quelqu’un meurt, la langue se perd communauté. Vous pouvez être (pause), je la maîtrise bien et je la autonome. Et ils y parviennent dans comprends bien, mais il n’y a d’autres parties du pays, un peu personne avec qui échanger. partout au Canada. Alice : C’est la même chose pour moi. Alice : Pendant votre jeunesse, est-ce Si vous parliez uniquement la langue que votre père vous racontait des indienne, je comprendrais tous les histoires? mots très bien. Ronald Paul parle la Richard : Oh oui! Il avait l’habitude de langue indienne dans son me raconter des histoires. Mais pas enregistrement et je l’ai traduit. Tout autant que chez Frank. C’est là que comme ma mère, même chose. Elle j’ai entendu ces histoires de l’époque me faisait rire. ancienne; puis, bien sûr, lorsque j’ai Richard : Ça dépend de la façon dont passé près d’une année et demie à c’est raconté, pour bon nombre Tobique où j’ai entendu beaucoup d’entre eux. Les histoires que d’autres histoires. Et chaque été, j’entends de Notlin et Punchin et ce pendant ma jeunesse, nous allions à dont Pete parle, il n’y a aucune inten- Woodstock. C’est là que vivaient mes tion d’être drôle. grands-parents. Et on entendait Alice : Parfois, c’est la façon de beaucoup d’histoires de différentes raconter. sources à cet endroit. Car il y avait Richard : Graydon Nicholas avait

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l’habitude de dire que, dans son façon, ils croyaient simplement que enfance à Tobique, ils se quelqu’un venait chercher une rassemblaient tous là et c’était à qui bouteille de vin ou une bouteille de raconterait la meilleure histoire. Et bière. Tom racontait cette histoire et chaque fois que j’ai écouté ces mentionne que quelqu’un a élevé la enregistrements ou que j’écoute ces voix et dit : Ckuwye ksaha (entrez). vieilles histoires, ça me rappelle ce Et quelqu’un entra, mais personne ne qu’ils disaient. C’est-à-dire comment savait qui c’était. Et Tom dit, je ne les gens avaient l’habitude de sais pas si c’était Kolel (Clara) ou communiquer et de socialiser. Il était Mary Guiggey, la mère de Franklin, socialement acceptable de raconter la et la mère de Melvin. Mais l’une plus grosse histoire. Je crois que c’est d’elles tenait ses cartes comme ceci et un peu pour ça que les gens vivaient. était sur le point de, disons qu’il y L’histoire la plus répandue était celle avait trois cartes d’une sorte et qu’elle d’un lapin. En effet, c’est quelqu’un était sur le point d’en jeter deux, et en qui est mort et qui a envoyé un conservant les cartes ici, une est messager, et ce dernier était un lapin. tombée sur le sol. Et lorsqu’elle s’est Et il est allé de Portabello au Grand penchée, elle vit ce type qui venait de lac et de retour en seulement deux ou s’asseoir là. Une jambe était une patte trois heures. C’était humainement de cheval. Ils jetèrent un regard vers impossible, mais la mission était lui et personne ne savait qui il était. Il accomplie. Et il y en a une autre que n’avait pas l’air d’un blanc. Ils ne Tom Brooks m’a racontée. savaient pas s’il était un Indien ou Tom Brooks et moi-même étions de non. Il avait sûrement compris très bons amis. Il disait qu’un jour, à lorsqu’ils avaient dit Ksaha (entrez). la vieille maison de Punchin [Saul], Et ils ont continué de jouer. c’était la maison de la mère et du père Quelqu’un lui a offert du thé, Goalie, tous jouaient aux cartes tard Kotuwapu ti (aimeriez-vous du thé)? un soir, au poker. Et Tom dit… (il Et semble-t-il qu’il a simplement avait perdu sa première femme Mabel hoché de la tête [oui]. Et dans son et il n’était pas encore marié à dos, quelqu’un a fait un geste comme Geraldine.) De toute façon, ils ça [pointant vers lui]. Et deux autres jouaient aux cartes ce soir-là et ont regardé dans cette direction. Ils se quelqu’un a frappé à la porte. Et sont levés et seraient apparemment Punchin [Saul]… il n’avait pas en- allés dans la chambre. Ils en sont core perdu la vue, car il jouait ressortis avec un crucifix et un également au poker. Et il dit : Entrez. rosaire, et cette personne s’est levée Il vendait toujours un peu de bière et et est partie. Une autre fois (pause), de vin. Il n’en buvait pas, il se avez-vous déjà entendu cette histoire contentait d’en vendre. De toute de ce cavalier sans tête? Eh bien!

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Carol-Ann l’a vu deux fois. Peter l’a Puis cette personne disparaît. vu une fois, juste ici dans ce coin. En Entretemps, Pete surveille son juin prochain, nous aurons été ici tisonnier qui devient rouge. Et dès depuis vingt ans. Et Carol-Ann faisait qu’il le retire, il se rend compte que le ses études secondaires. C’était sa tisonnier est rouge, dégageant une chambre juste ici [indiquant l’autre luminosité orange, très chaud, et on côté de la cuisine]. Et la porte était frappe à la fenêtre. Il jette un regard située de ce côté. Notre chambre était et c’est cet homme sans tête; il décide là et la chambre des garçons dans le d’aller le frapper avec son tisonnier. coin. Donc, elle se lève ce matin-là; Semble-t-il que les fantômes sont le sous-sol n’était pas fini à cette supposés avoir peur du feu, mais je ne époque, et elle se brossait les cheveux sais pas. Je ne comprends pas dans le salon; en se tournant de ce pourquoi c’est supposé être ainsi. Si côté, elle vit cet homme qui marchait Satan est le diable, et qu’il vit en près de la cour d’école. La maison de enfer, c’est supposé être un feu John-John, celle de Sonya et celle de d’éternité, pourquoi aurait-il peur du Christine; elles n’étaient pas là à cette feu? Mais apparemment c’est ce qu’il époque. Seulement Francis et Pauline. [Pete] pensait. J’ai posé une question Elle nous en a parlé, et lorsque une fois, à savoir pourquoi il portait Homer lui dit ce que c’était, elle a toujours cette chose autour de la pris peur. Je lui ai alors parlé du père main. En effet, il portait toujours cette de Melvin. Une nuit où il ne pouvait espèce de grosse boucle double en dormir, il s’était assis près de la cuivre sur sa main. Et sa femme Mary fenêtre, comme j’ai l’habitude de le m’a déjà dit : Sonny, s’il l’enlevait, tu faire ici moi-même, et de toute façon, pourrais voir l’empreinte d’une main. Pete regardait par la fenêtre. Il avait Elle l’appelait « go-go man ». C’était fait réchauffer le poêle, et il était une une femme blanche, et elle l’appelait ou deux heures du matin, pendant ainsi. Et c’est là que l’autre l’avait l’hiver. Et il vit cet homme sur un saisi; et il ne pouvait utiliser cette cheval. Il était tout noir, mais sans main. J’ai demandé un jour à Pete, en tête. Pete se mit donc en retrait indien, de me raconter l’histoire de ce comme ceci [en dehors du cadre de la que le diable lui avait fait. Et il m’a fenêtre], de façon à ce que cet homme raconté l’histoire que je viens juste de ou cette chose ne puisse le voir. Et il vous dire. Aujourd’hui, on n’entend se dit en lui-même : Si cette chose plus d’histoires comme ça. Même s’en prend à moi, je vais lui régler chose pour Faye [sa sœur]. Un jour, son compte. Il prit donc le tisonnier et on a cru qu’elle devenait folle. J’étais le plongea dans le poêle. Il se disait âgé de treize ans, et elle devait avoir en lui-même (pause)… il raconte environ – je crois qu’elle a 51 ou l’histoire comme si c’était pour vrai. 52 aujourd’hui – elle devait être âgée

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d’environ dix ou onze ans. Ce matin- les deux grosses roches; et la seule là, elle s’est réveillée tôt, vers les eau qui refait surface est à cet endroit quatre heures, et elle s’est mise à où Peter avait sa maison. C’est un crier : Maman! Maman! Comme ça. cours d’eau souterrain mais comme Elle lui dit (pause)… Notre maison de l’eau de surface qui sort à travers était – à la droite il y avait Robert et à les roches de cette vieille carrière, ma gauche il y avait Evangeline. À derrière le vieux chenil de M. Howes. côté de chez elle, il y avait Sam et Cette eau souterraine sort juste ici, et Bessie, puis votre mère et votre père, il n’y en a pas à cet autre endroit, et enfin Eugene et Elizabeth. Il n’y parce que c’est trop élevé. L’eau ne avait pas de promenade Maliseet à ce coule pas en aval, mais en amont. Eh moment-là, et il y avait les bois bien! Elle était assise là et elle a dit : derrière et les toilettes. Et Faye Je jurerais devant Dieu que quelqu’un regardait ces petits hommes. Ils était entre ces deux roches fumant prenaient les vêtements de ma mère et une cigarette. Parce qu’il y avait faisaient des tresses avec les beaucoup de fumée qui sortait de là. manches, sur la corde à linge. Et ma Et elle a dit, crois-tu qu’il y a des mère lui dit, en indien, d’aller se petites personnes à cet endroit? Je lui coucher et de ne pas parler de façon ai dit que ce ne serait pas la première aussi insensée. Elle pensait que Faye fois que j’entends une telle histoire. rêvait. Le lendemain matin, ma mère Elle avait vu les bouffées de fumée, et se leva, et elle est entrée en criant. c’est la première chose qui lui est Puis elle a commencé à rire, se disant venue à l’esprit. Car elle raconta que que Faye avait sans doute raison. sa grand-mère en parlait à Gagetown. Mon père lui demanda pourquoi? Elle Vous pourriez en parler à Faye, et elle lui dit de sortir dehors pour voir les vous dirait qu’elle s’en rappelle. Mais vêtements. Bien sûr, ils étaient gelés, Glen, Alan, Claudie et Betty ne s’en car c’était l’hiver. Mais les vêtements rappellent pas. Moi-même, je m’en étaient tous noués tellement serrés, rappelle, et je vous gagerais que mon qu’il a fallu les entrer dans la maison vieil homme s’en rappellerait et les dégeler pour les défaire. Mais également. Et il y a quelqu’un d’autre Faye avait vu ces petits hommes. qui les a vus un jour; étais-ce Norma Aussi un jour où elle était assise près ou Sylvia? de la fenêtre, dans ce lazy-boy Alice : C’est pourquoi j’aimerais voir [fauteuil] situé dans le coin, je ne sais votre père. Je suis certaine qu’il plus quand c’était. Lorsque je suis pourrait me raconter un grand nombre arrivé à la maison, elle m’a dit : Tu ne de bonnes histoires. devineras jamais ce que j’ai vu. Je lui Richard : Eh bien! Il y a beaucoup de ai répondu : Non, probablement pas. bonnes histoires et beaucoup Tu sais cet orme près du ruisseau, et d’histoires tristes également. Comme

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celle de Whalen et Gorley. raconté à Donnie, et il a obtenu de Dave Gorley était un nomme honnête l’aide de Kingsclear. Deux cents et sincère, mais le type qui travaillait dollars par mois, plus du lait. Je ne pour lui, George quelque chose, était pouvais le croire, car Andrew Paul un trou du cul. Quant à Gorley, s’il était chef à l’époque. Et ma mère dit pouvait vous aider, il le faisait. Pour qu’ils ne recevaient que seize dollars ce qui est de Whalen, le seul magasin environ. Et il devait aller avec elle où vous pouviez aller était celui de pour s’assurer qu’elle obtienne ce Bowlen. Et il était impossible qu’elle était supposé obtenir, au lieu d’obtenir du sucre, ni de mélasse ni d’acheter n’importe quoi. C’était de tablettes de levain. Si vous aviez triste. un chien, vous deviez vous en Richard : Prenez Harold, par exemple; débarrasser. Et si vous aviez un chat, beaucoup de gens le critiquaient, mais vous deviez également vous en pas moi. Je n’avais aucunement débarrasser. Si vous aviez une l’intention de me présenter contre lui. voiture, il fallait aussi vous en S’il s’était tout simplement arrêté débarrasser. Et la raison est que la pour écouter ce que les gens avaient à voiture coûtait de l’argent pour lui dire. Harold se dérangeait l’essence, et le chien mangeait des vraiment pour les autres. Personne restes ou le chat. Et le sucre, la n’avait de téléphone, et il y avait mélasse et le levain servaient à faire probablement quatre téléviseurs sur la de la bière de façon artisanale, et réserve. Il a appelé à Woodstock pour c’était interdit. Vous pouviez venir en aide à quelqu’un sur la seulement avoir du porc, des pommes réserve. Il a dû payer de sa poche. Il a de terre et de la farine. Et vous ne passé de quinze à vingt dollars à une pouviez, du moins j’ai vu que vous famille jusqu’à ce que le chèque pouviez avoir qu’une valeur de deux d’aide sociale arrive pour le dollars et trente-cinq cents. rembourser. Et je sais qu’il a dépensé Alice : Je me souviens que ma mère de fortes sommes d’argent en étant un disait cela lorsque je l’ai enregistrée, bon Samaritain. J’ai toujours dit que avec Josephine et Pat. Que c’était Harold aurait pu être chef jusqu’au Andrew Paul qui était chef à jour de sa mort s’il l’avait voulu. Je le l’époque. Et que mon père a été brûlé crois vraiment à cause de tout (pause) à Houlton à ce moment-là. Je me Il faisait du bon travail et il écoutait rappelle qu’il a été hospitalisé pen- toujours les gens. Un jour, Paul et dant près d’un an. Puis Donald, moi nous sommes chicanés, et j’en ai Donnie Solomon, était chef à ce parlé à Harold. Je lui ai dit que c’était moment-là à Kingsclear. Et mon père Paul qui partait ou moi. Il a passé un lui a dit qu’il ne recevait aucune aide savon à Paul, et lui a dit : Laisse de l’agent, car il avait six enfants à Sonny tranquille, il fait du bon tra- l’époque. C’est ce que mon père a 63 KCI AKONUTOMAKONAL – Témoignages importants et histoire orale

vail. Je suis le chef et tu n’as qu’à t’en prendre à moi. Il essayait de tout mener lorsqu’il était ivre, et il n’est jamais revenu après cela. Alice : De toute façon, c’est la fin de mon enregistrement ici, Sonny, pour l’instant. FIN DE L’ENREGISTREMENT

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4. Pommes tranchées sur un fil

THERESA SACOBIE PILICK / PREMIÈRE NATION DE KINGSCLEAR

…même si ça fait déjà très longtemps, je me rappelle que ma mère mentionnait qu’il y avait eu une épidémie de grippe. Elle était très meurtrière, et beaucoup de gens sont morts.

…mais je dois vous dire que les personnes de cette génération, à cette époque, se préoccupaient beaucoup de conservation, comme pour les baies et les pommes. Je me rappelle qu’on accrochait des pommes tranchées sur un fil et qu’on les laissait sécher. Et lorsqu’on voulait faire une sauce aux pommes ou une tarte, on les laissait tremper toute la nuit et elles redevenaient toutes fraîches. Et pour les baies, on disposait du papier à un endroit, afin de les faire sécher. Il fallait donc beaucoup d’ingéniosité à cette époque, car l’argent se faisait rare.

Theresa : L’une des premières choses Alice : Et qui était cet homme? que mes parents m’ont racontée est Theresa : Je ne pourrais même pas vous l’histoire de cette roche située en dire qui c’était. J’ai demandé à ma bordure de la route juste ici en mère, mais cela remonte à il y a très descendant la colline, après longtemps, à une époque où on l’ancien cimetière. Chaque fois que utilisait surtout des surnoms. Il faisait cet homme passait en traîneau ou partie de ces personnes qui en charrette, il se mettait presque possédaient beaucoup de pouvoirs, en colère. En ce temps-là, il se vous savez, comme des pouvoirs de promenait dans une charrette sorcier. Et c’est ce qu’il a fait. Donc, attelée à un cheval. Un jour, il se après qu’il ait lancé la pierre, c’est ce facha. Il dit à sa femme : Ne me qu’il a dit : Peu importe l’endroit où regarde pas, je vais me débarrasser elle tombera, la terre ne sera plus de cette roche. La femme tourna la prospère pour quiconque. Et il y a eu tête dans une autre direction, et il une maison à cet endroit, et un verger, s’est effectivement débarrassé de la et un agriculteur. Taber était le nom roche. Et lorsqu’il l’a lancée, c’est de la famille qui vivait dans cette là qu’elle est retombée. Il a alors maison, au moment où il a lancé la dit que là où cette roche roche à cet endroit. Et à coup sûr, rien retomberait, la propriété à cet n’a jamais poussé sur cette propriété. endroit ne pourrait plus prospérer. Et ses arbres n’ont jamais eu de

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Planche 4.1 : Theresa Sacobie (photo : gracieuseté d’Edith Paul)

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pommes, rien ne poussant jamais sur Je me rappelle lorsque mes parents ces arbres. Rien n’a prospéré tout avaient l’habitude d’acheter beaucoup simplement. Mais vous savez, cela de choses. Vous savez, comme un semble tellement étrange aujourd’hui. porc entier, ou la moitié d’un porc. Et Les Indiens, à cette époque, nous si un membre de notre famille en avons toujours cru qu’il fallait aider avait besoin, comme ses frères ou ses les autres. Les Indiens ont toujours sœurs, peu importe, la personne régulièrement partagé leur nourriture partageait cette nourriture avec eux. ou ce qu’ils possédaient en Ou encore du poisson, peu importe ce abondance. Comme lorsqu’un qui était en abondance. Mais on ne chasseur allait tuer un cerf ou un voit plus ça aujourd’hui. Voici une orignal, ils partageaient la viande en autre histoire que j’aimerais vous famille. Et c’est de cette façon que raconter. Ceci est arrivé lorsque nous nous avons été élevés. Vous savez, si vivions à Westfield. J’étais toute nous savions que quelqu’un avait petite à l’époque. Mes grands-parents besoin d’aide ou d’un service, c’était passaient leurs étés là à Westfield, un devoir d’y aller et d’aider cette juste en banlieue de Saint-Jean. Et il y personne d’une façon ou d’une autre. avait une famille qui était propriétaire

Planche 4.2 : Champ Taber (photo par Viktoria Kramer).

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de l’endroit où mes grands-parents simplement montrer un peu de bonté. avaient construit un petit abri. Vous Theresa : Et ce n’est pas parce que mes savez, pour les mois d’été. Et cette grands-parents l’ont maudit ou quoi personne haïssait les Indiens. Lorsque que ce soit. Cela prouve tout mes grands-parents ont quitté à simplement à certaines personnes l’automne pour revenir avant le début qu’on ne peut faire du mal à de l’école, cette personne a brûlé la quelqu’un d’autre. On en subit bâtisse et ne voulait plus que des toujours les conséquences. C’est une Indiens se rendent sur cette propriété. chose que j’ai entendue tellement de Alice : La propriété n’appartenait donc fois et que j’ai vue. C’est comme si pas aux Indiens à cette époque? j’en avais fait l’expérience d’une Theresa : Non. De toute façon, ce qui façon ou d’une autre. Peu importe la s’est produit avant l’année suivante, personne à qui vous essayez de faire lorsque mes grands-parents sont du mal, cette méchanceté retombe redéménagés à cet endroit, est qu’ils toujours sur vous ou un autre membre n’en savaient rien, je veux dire au de votre famille. sujet de cette petite baraque qui avait Alice : Ou c’est vous à qui le mal arrive été incendiée. Cet été-là, le fils du à la fin. Je crois également à cela. propriétaire, et il n’avait qu’un fils – Theresa : Voici donc une autre histoire je ne sais pas quel âge il avait – s’est qui m’a été racontée par ma grand- fait frapper par une voiture et il est mère, Grammy Tomah. Son nom était mort. Lorsque le propriétaire Catherine et le nom de son mari était ensemença, car il était également Frank Tomah. Il y a de nombreuses agriculteur, rien ne poussait, alors années, ils aidaient quelqu’un d’autre. qu’il y avait un autre agriculteur qui Comme si vous ou moi obteniez une vivait à proximité, comme juste de grosse commande de quelque chose, l’autre côté de l’entrée, et dont les on s’entraiderait. Ainsi, voyez-vous, semences ne cessaient de pousser. c’était leur politique il y a longtemps, Alice : Parce qu’il avait brûlé cette de s’entraider. Il y avait cet homme, bâtisse? donc, qui possédait des pouvoirs, car Theresa : Parce qu’il avait fait du mal à beaucoup d’entre eux croyaient quelqu’un d’autre, à un Indien. De vraiment dans la magie en ce temps- toute façon, par la suite, cet homme là. Et il s’est adressé à ma grand- ne cessait de s’occuper de mes mère, lui disant : Kate, est-ce que grands-parents. Il les amenait à vous accepteriez de venir m’aider à l’église tous les dimanches. finir le bout et le talon de la raquette? Alice : Est-ce que les choses ont changé Il lui dit qu’il avait une commande pour lui par la suite? urgente. Il lui demanda de l’aide. Theresa : Oui. Kate lui répondit qu’elle ne pouvait Alice : Je crois qu’il devait tout pas parce qu’elle avait elle-même une

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commande urgente de paniers à longtemps, alors qu’on vivait encore confectionner. Alors il lui dit, au en bas de la colline. C’est là que moment où elle partait pour retourner presque toute la réserve était située, chez elle, qu’elle ne finirait jamais sa sur cette petite surface, et tout cela commande non plus. Et ce fut ainsi… était très bien. Il y a donc cet homme Grammy Tomah nous raconta cette qui avait mal à la gorge. Dans son histoire. Lorsque je suis arrivée à la rêve cette nuit-là, Grammy a rêvé à maison, nous dit Grammy, j’ai cet homme qui la maudissait, et elle a commencé à perdre la vue et, dit-elle, dit qu’il lui semblait que je tombais je ne pouvais pas travailler et je n’ai d’une colline. Elle ajouta qu’il n’y pas pu confectionner mes paniers. avait pas d’arbre ou quoi que ce soit, Alice : En quelle année était-ce? seulement quelques broussailles. Et Theresa : C’est il y a déjà très lorsque je m’y accrochais, en

Planche 4.3 : Mme Kate Tomah. Kate était la grand-mère de Theresa. Elle était reconnue pour son hospitalité et pour son endurance lorsqu’elle faisait sa vente de paniers « de porte à porte » un peu partout dans la région à la fin de l’hiver (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 75- 1879).

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tombant, elles cassaient. Chaque fois esprits retournent dans la maison où que cela se produisait, m’a-t-elle dit, ils ont vécu, car nous en avons elle pouvait voir le visage de cet également fait l’expérience. homme qui se moquait de moi. J’ai Alice : Que voulez-vous dire par donc tout simplement lancé cette tige esprits? et elle est tombée sur son cou. Et Theresa : Eh bien! Toute personne qui c’est comme ça qu’il a eu un mal de mourait, vous savez, dans la famille. gorge. De toute façon, le lendemain il Un jour, ici, je crois que c’était l’été a envoyé sa femme pour demander à dernier, Fred et Liz étaient chez moi Grammy Tomah de le guérir. Elle a et on se parlait dans la cuisine avant répondu à cette femme qu’à une leur départ. J’avais mon divan de ce condition, elle irait le guérir s’il ne côté-là de la pièce et lorsque Liz est faisait plus de sorcellerie sur moi passée à côté du divan, elle a vu Bill également. Elle est allée lui de- qui était couché là. mander, et il a accepté. Grammy s’y Alice : Mais ce n’était pas un mauvais est donc rendue et elle lui donné un esprit toutefois? verre d’eau. Elle lui a dit de le boire Theresa : Non. Je pense moi-même et que ceci le guérirait. Mais elle l’a qu’ils reviennent pour voir si la prévenu de ne plus jamais me faire de famille a des difficultés ou autres. Je telles choses… pense qu’ils viennent vous prévenir. Alice : Ils possédaient donc tous les Alice : Lorsque je travaillais pour deux des pouvoirs? Gignoo après la mort de Joe, j’ai dû Theresa : Oui. travailler pendant la nuit. Je couchais Alice : Ils travaillaient l’un contre donc sur le divan pendant la nuit. l’autre? Dans mes rêves, je me retrouve là sur Theresa : Voyez-vous, c’est ce qu’il faut le divan et Joe est à mes côtés, Rich- faire. Les gens essaient de vous jeter ard assis à nos pieds. Mais c’était une un sort au sujet de quelque chose. sensation agréable. Il doit donc être Alice : Est-ce de la sorcellerie? Est-ce revenu pour s’assurer que tout allait que ça existe encore? bien. Nous étions tous ensemble, Theresa : Je crois que certains la vous savez, nous trois. J’en ai même pratiquent encore. Selon ce que j’ai parlé à ma mère. entendu dire, ils tiennent des séances. Theresa : Donc, Laurie et lui dormaient Et selon certains d’entre eux (pause) dans la chambre de Bill après sa mort, Alice : Ici même à Kingsclear? car Laurie restait ici. Juste avant la Theresa : Oui. mort de Bill, il avait demandé à Alice : Des membres de la bande? Laurie de revenir à la maison. Il lui Theresa : C’est la même méthode, en avait dit qu’il ne voulait pas que mon ayant recours aux esprits. J’ai encore petit-fils mène une vie difficile l’impression aujourd’hui que les ailleurs, et il lui avait demandé de

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revenir vivre ici. C’est donc ce qui pris dans ma gorge, et je sentais que s’est produit. Et après sa mort, Laurie mes yeux commençaient à tourner. a organisé la chambre pour lui [Hank] Puis j’ai entendu cette voix qui et elle-même. Donc une nuit, me dit- m’appelait, disant : Mon nom est elle, elle lisait une histoire pour lui et George, et je suis ici pour te dire que tout à coup le livre s’est envolé. Elle tu n’es pas prête à me rejoindre et que regarda derrière elle mais elle ne vit tu dois retourner. Et lorsqu’il a rien. Mais lui vit quelque chose, prononcé ces paroles, tout ce qui était disant : Regarde qui se tient là. Et il resté pris est sorti, et j’étais mieux par ajouta : N’aies pas peur, il n’est là la suite. que pour s’assurer que tout va bien. Alice : Vraiment! C’est vraiment Même chose pour Erica. Elle est quelque chose! montée en haut où sa chambre était Theresa : Oui. Vous savez, on pense voisine de celle de Karen. Une nuit souvent, du moins il m’arrive souvent elle se réveilla à deux heures du de penser, comment certaines matin et vit Bill qui se tenait là dans personnes peuvent savoir qu’elles la chambre. Elle n’a pas tardé à se vont mourir. Il arrive souvent qu’un retrouver dans ma chambre. Elle me membre de la famille vous dise : Je dit : Grand-papa était dans ma ne vivrai pas très longtemps. Et cette chambre, maman. Et je lui ai répondu personne doit également avoir ce de ne pas s’inquiéter, car il voulait genre d’expérience. seulement s’assurer que tout allait Alice : Sans doute. bien. Theresa : Je me rappelle d’une autre fois Alice : Je crois cela. où j’étais là. J’étais au troisième étage Theresa : Oui, j’y crois aussi. C’est la et, Dieu en soit témoin, je me suis même chose qui m’est arrivée lorsque réveillée à trois heures du matin. Je j’étais à l’hôpital. La première fois devais aller à la toilette et transporter que j’y suis allée, Bill était déjà à cette chose avec moi, cette l’hôpital et j’étais à seulement quatre intraveineuse. En sortant des toilettes, chambres de lui sur le même étage. Et je suis retournée dans mon lit. Et tout Sheila et Randy sont venus à l’hôpital à coup, j’entends cette voix qui me avec moi. Sheila m’a dit : Je vais dit : Comment te sens-tu maintenant? rester avec toi jusqu’à ce que tu J’ai regardé aux alentours, et il y avait arrives dans ta chambre, de façon à seulement cette femme à côté de moi savoir où tu es. De toute façon, avec qui dormait, même qu’elle ronflait. Et ce qu’ils m’ont donné, j’ai été j’ai d’abord pensé que l’infirmière malade. Mon estomac était tout était entrée dans la chambre. Parfois, bizarre. Et j’avais envie de vomir. vous savez comment vos rideaux sont Dès que j’ai été couchée sur le lit, tirés. J’ai donc tiré sur le rideau pour c’est ce qui m’est arrivé. Ça semblait regarder derrière, mais l’infirmière

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n’était pas là. À trois heures du matin, (pause) Savez-vous où est située c’était bien normal. Une autre nuit, la l’école? même chose s’est produite. Cette fois, Alice : Oui. il était près de 4 h 30 du matin. Je Theresa : Il y avait un petit sentier où suis retournée dans mon lit et Frank – son père était celui qui quelqu’un a dit : Comment va ta s’occupait de l’école, vous savez, broderie perlée? J’ai alors pensé : Qui pour l’entretien – et il avait l’habitude est au courant de ma broderie perlée de traverser ce ruisseau aller retour. Il sauf ma mère, et c’était la voix d’une a été le premier à les voir, et il l’a femme. mentionné à la famille, j’imagine. Alice : Oh! Vraiment! C’est comme ça que nous avons Theresa : Les deux fois. appris l’existence de ces petits Alice : Vous croyez donc que c’était hommes verts. Mais vous savez votre mère? comment sont les garçons quand ils Theresa : Oui. Elle vérifiait plus ou sont plus jeunes. Rodney, il n’avait moins comment j’allais. Et qu’environ sept ou huit ans lorsqu’il maintenant, chaque fois que je vais à se rendait au ruisseau pour aller l’hôpital, je crains ce genre de situa- pêcher, avec Sy et tout un groupe tion. d’amis. Alice : Vous craignez? Alice : Est-ce comme ce que voient Theresa : Oui. J’ai maintenant peur parfois les enfants et que les adultes d’aller à l’hôpital. La dernière fois où ne peuvent voir? j’y suis allée, je pense que c’était en Theresa : Eh bien! Il y a un peu de cela. juillet, notre groupe se préparait à C’est comme un animal; il peut sentir faire une visite à Sainte-Anne-de- les choses. De toute façon, ils ont une Beaupré. Le départ était prévu pour le drôle de façon de parler [les hommes onze, et je ne suis arrivée que le verts], selon ce que Rodney m’a douze. J’étais dans la même chambre, raconté. Il dit qu’ils jargonnent. Et il le même lit, pendant deux ou trois m’a dit : Ils se sont choqués contre nuits. Il n’y avait personne dans la nous parce que nous sommes venus chambre avec moi. C’était effrayant, trop près d’eux et que nous avons car je m’attendais à ce que, n’importe essayé de les attraper. Il a dit qu’ils quand, je voie quelque chose. ont tout simplement ramassé des Alice : Parlez-moi des « petites branches dans les broussailles à cet personnes ». endroit et qu’ils nous les ont lancées. Theresa : Eh bien! La seule chose est ce Je lui ai dit d’être prudent lorsque que j’entends dire par les autres. Je l’un d’eux essaye de vous frapper. sais que Rodney et Sy faisaient partie Car ils doivent jeter des sorts ou de ceux qui sont allés au ruisseau. quelque chose du genre pour vous Juste à peu près où est située l’école ensorceler de quelque façon. Et je lui

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ai dit de ne pas s’approcher d’eux. Theresa : Oui. J’avais l’habitude Alice : J’ai un peu entendu parler d’eux, d’écouter ma grand-mère, la mère de mais pas beaucoup. Je pensais mon père, et ils avaient des jumeaux. personnellement qu’ils s’occupaient Ils vivaient à Woodstock et Tobique (pause) et (pause) Quoi d’autres ont les Theresa : Et ils ne mesurent qu’environ jumeaux? Nous avions l’habitude de douze pouces de haut. Ils ne sont pas les regarder jouer. Et elle a mentionné très gros. Il a dit qu’ils étaient verts et qu’il y a de nombreuses années, les qu’ils les avaient vus manger des maisons n’étaient pas terminées. Il y feuilles. Je lui ai répondu que cela avait de petits trous à travers lesquels explique sans doute pourquoi ils s’infiltraient les rayons du soleil. Et étaient verts. elle disait que lorsqu’ils jouent, ils Alice : C’est étrange, chacun a sa propre accrochent de petits vêtements de interprétation au sujet de ces « petites poupée sur les fils créés par les personnes ». Je travaille sur un rayons de soleil. enregistrement actuellement, et je ne Alice : Eh bien! Je crois bien qu’ils font suis pas encore arrivée à cette partie, ça, les jumeaux, lorsque je m’arrête mais il mentionne qu’ils sont là. pour y penser. Même dans notre région. Theresa : Je me rappelle que lorsque les Theresa : Je ne sais pas, je n’en ai enfants de Cheryl étaient petits, ils jamais entendu parler. En fait, Cyril avaient des pouvoirs. Ils aimaient se rend souvent à cet endroit, car il va Conrad, mais ils ne se sont jamais toujours à la pêche. Et il a dit : trop occupés de Trevor. Ils Maman, je ne les ai pas vus l’été s’installaient près de l’escalier, et dernier. Je suis allé souvent au Trevor arrivait en déboulant les ruisseau, et je ne sais pas s’ils ont eu marches. Mais il ne se blessait pas. peur ou quoi, car je ne les ai pas vus Chaque fois qu’ils se tenaient près de depuis. Peut-être ont-ils seulement l’escalier, Trevor déboulait les disparu ou se sont-ils établis ailleurs, marches. Cheryl a donc dit un jour : je ne sais pas. Il semble étrange que Maman - je ne l’oublierai jamais. J’ai ceci arrive à une personne. Mais j’ai toujours eu peur de Kenny, même de toujours dit, il faut surveiller. Même nombreuses années plus tard, peu s’ils vous attaquent, cette petite tige importe ce que Kenny voulait. Un peut causer un peu de dommage. jour, elle dit que la petite Shawna Alice : Je ne crois pas que j’aimerais était dans le salon. Elle avait dit à voir des choses comme ça. Kenny de ne pas ruiner leur journée Theresa : Je vous dirais que ceux qui ont de Noël cette année-là. Et elle fit un le pouvoir, ce sont les jumeaux, car geste du revers de la main. Et il ne ils en possèdent beaucoup. pouvait plus bouger la tête, il ne Alice : Vraiment? pouvait plus parler, il ne pouvait

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bouger du tout. d’accord avec cela. Alice : C’était l’un des jumeaux? Theresa : À une autre période, Bill Theresa : Oui. buvait beaucoup. Un jour, il descendit Alice : Vraiment? au sous-sol. Il avait une bouteille, et il Theresa : Un jour, je lui avais rendu a vu marcher Don Solomon. visite. Cheryl me demandait toujours FIN DE L’ENREGISTREMENT UN – d’aller l’aider à faire du tricot ou CÔTÉ UN quelque autre ouvrage. Elle tricotait ENREGISTREMENT UN – CÔTÉ une paire de bas. De toute façon, elle DEUX me dit : Maman, pourquoi ne viens-tu Theresa : De toute façon, Bill remonta pas cet après-midi; tu pourrais l’escalier et dit : Vous savez, quelque apporter ton tricot. Il était environ chose de bizarre est arrivé. Je lui ai une heure de l’après-midi. Elle me demandé ce que c’était. Il a dit que demande si j’ai déjà mangé et je lui cette bouteille lui était tombée des réponds : Non, je n’ai pas faim. Et si mains. Et je venais juste de penser à je vous faisais un sandwich? Je lui ai cela, dans mon esprit. dit : Si tu as du beurre d’arachides, je Alice : C’est ça à quoi tu pensais? prendrai un sandwich avec toi. De Theresa : Je pensais : J’espère qu’il va toute façon, à Woodstock, je ne sais l’échapper. pas à qui étaient ces enfants, mais Bill Alice : Et c’est ce qui est arrivé? avait mentionné qu’il y avait cette Theresa : Oui, ce ne sont que quelques- porte qui ne cessait de s’ouvrir dès uns des pouvoirs de l’esprit que vous qu’il y avait un coup de vent. Et ils pouvez développer. demandaient toujours à l’un des Alice : Oui. Je pense que c’est notre jumeaux d’aller la fermer. Un jour, façon de penser. j’imagine que cette petite fille s’est Theresa : On peut développer ce fatiguée de courir jusqu’à la porte, car pouvoir. Parfois, je travaille dans la elle a dit : Si je la ferme maintenant, cuisine et lorsque je m’approche du elle ne s’ouvrira plus. Et c’est téléphone, il sonne. C’est tout exactement ce qui s’est produit; ils simplement une sensation que ça va ont dû défaire le cadre pour ouvrir arriver. À une occasion, je me suis cette porte à nouveau. C’est le genre réveillée vers 2 h 30 du matin. Bill se de pouvoir qu’ils ont. Mais je pense dépêchait de préparer du matériel que ce pouvoir se manifeste à travers pour moi, du frêne. Il me dit : Va l’esprit des jumeaux, et qu’il donc te reposer pendant quelque appartient vraiment à n’importe qui; temps, et je vais préparer du matériel et toute personne a cette capacité, elle pour toi; tu pourras alors le jauger. Je n’a qu’à la développer dans son lui répondis : OK, et je me suis esprit. couchée. Lorsque je me suis réveillée, Alice : Oui. Je pense que je suis mon Dieu, je me suis mise à pleurer.

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Et je ne savais pas pourquoi je ma mère, c’étaient les lilas. Et je pleurais. Lorsque je suis allée à la pouvais presque dire qui était pour cuisine, il m’a dit : Qu’est-ce qui t’est mourir. arrivé. Je lui répondis : Je ne sais pas, Alice : C’est bizarre, lorsque j’ai parlé à Bill; je me suis tout simplement Charles Solomon, il me disait que réveillée en pleurant, et quelque lorsqu’il sentait les roses ou l’encens, chose va se produire aujourd’hui. Je il y avait une présence à cet endroit, lui ai dit que quelque chose allait se et que c’était Dieu. C’est ce qu’il m’a briser. Quelque chose qui allait me dit. Est-ce vrai? faire pleurer, quelque chose qui allait Theresa : Oui. Je pense que chaque se produire. Et assurément, lorsque personne a sa propre intuition; il qu’il les enfants sont revenus de l’école, faut vraiment être à l’écoute. parce que les enfants d’Anita vivaient Alice : Intuition, croyance, peu importe alors avec nous, il y avait Sy, Krista le nom qu’on lui donne. Y a-t-il et Rodney qui jouaient près de d’autres histoires que vous l’escalier. Et j’avais une étagère là, connaissiez? sur laquelle étaient disposées toutes Theresa : La seule histoire que je mes pièces de céramique. De toute connaisse, c’est quelque chose qui façon, ce grand cygne, que j’avais est arrivé il y a déjà de nombreuses acheté de cette dame où j’apprenais la années. Voyez-vous, mon père jouait céramique, il s’est cassé en mille du violon, et ils avaient l’habitude miettes. Et j’étais là, pleurant, d’organiser des danses en bas de la ramassant les morceaux. Une autre colline. Il y avait une salle à cet pièce a également été brisée, et je l’ai endroit. tout simplement jetée. C’est donc ce Alice : Quel genre de danses? qui m’arrive avant qu’un malheur ne Theresa : Eh bien! Je suppose n’importe se présente. Par exemple, avant quelle sorte de danses. l’accident de Glen, je n’arrivais pas à Alice : Des danses carrées? dormir. Je savais qu’un malheur se Theresa : Oui, des danses carrées. préparait, j’avais ce pressentiment. Ce Alice : Ce n’étaient pas des danses n’était qu’un avertissement, c’est indiennes, n’est-ce pas? tout. Par contre, lorsque quelqu’un Theresa : Eh bien! Il pouvait également était sur le point de mourir, je pouvais y avoir des danses indiennes. Car ils toujours deviner si c’était du côté de avaient l’habitude de danser souvent la famille de mon père ou du côté de ce genre de danses en temps-là. Une la famille de ma mère. Lorsque c’était fois, ils ne purent entrer dans la salle, du côté de la famille de mon père, je car le prêtre avait barré l’entrée au sentais l’odeur des roses. Et c’était si moyen d’un cadenas. Et Amos était fort qu’on pouvait sentir ce parfum. un des jumeaux, l’autre étant mort à Mais si c’était du côté de la famille de la naissance. Il ne pesait qu’une livre

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et demie. Ils ont dû remplir une boîte violon. de souliers avec du coton ouaté, car Alice : Il doit avoir eu vraiment peur! ils n’ont jamais eu à aller à l’hôpital. Theresa : Je suppose que oui. De toute façon, comme ils ne Alice : Parlez-moi de Kingsclear. Est-ce pouvaient entrer, et qu’il était tout qu’à cette époque Kingsclear était petit, ils ont dit à Amos : On ne située ici ou à un autre endroit? parvient pas à ouvrir ce cadenas avec Theresa : Non. Comme je l’ai déjà cette règle. Il ne fit que pousser avec mentionné, tous les Indiens vivaient sa main et le cadenas s’ouvrit. Ils sont un peu plus bas de l’autre côté de donc entrés et ont tenu leur danse. l’ancien cimetière. Henry Solomon en est un autre qui Alice : Où était situé cet ancien était très talentueux. Il était un cimetière? Est-ce un peu plus bas sur magnifique chanteur, et il chantait le fleuve? exactement comme Vaughn Monroe. Theresa : Vous savez là où Henry pouvait jouer de n’importe Reggie Solomon vit? C’est entre quel instrument à cordes, l’orgue ou l’église et la maison de Reggie. C’est le piano; il était simplement là qu’est situé le cimetière. talentueux. Il faisait partie de ce Alice : Est-ce que les gens de groupe dont je ne me rappelle plus du Kingsclear occupaient la région de nom. Pendant la danse, cette personne Wolastoq et est-ce qu’ils ont est arrivée toute bien vêtue dans un déménagé ici plus tard? genre de smoking noir, et elle faisait Theresa : C’est possible, mais je n’en ai le tour du groupe. Quelqu’un jamais entendu parler. Il y a un vieux remarqua que l’un de ses pieds était cimetière près de chez Nelson. en fait un sabot, et ils se mirent tous à Alice : Devant chez Nelson, là où il est crier que c’était le diable ou quelque situé maintenant? chose du genre, car ce genre d’esprit Theresa : Vous savez, lorsque vous peut prendre diverses formes. Et descendez la colline, là où est situé lorsqu’il est passé à travers ce mur, il l’édifice pour les alcools et les a laissé un grand trou dans le mur. médicaments? Eh bien! Il y a une Alice : Pourquoi une telle chose serait- colline à cet endroit, et c’est là que elle arrivée s’ils ne faisaient que l’ancien cimetière est situé. Et les danser? gens ont toujours mentionné de ne Theresa : Eh bien! Je crois que c’est jamais faire d’excavation à cet parce qu’on le leur avait défendu. Et endroit. ils ont tout arrêté là, car ils avaient Alice : Mais n’en ont-ils pas fait? vraiment peur. Et je ne pense pas que Theresa : Non. mon père ait jamais joué du violon Alice : Non? par la suite. Dans mon enfance, je Theresa : Même si ça fait déjà très n’ai jamais revu mon père jouer du longtemps, je me rappelle que ma

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mère mentionnait qu’il y avait eu une Theresa : Non. Je ne suis pas au courant. épidémie de grippe. Elle était très Alice : Quelqu’un avait mentionné cela meurtrière, et beaucoup de gens sont ou encore peut-être était-ce St. morts. Mary’s et Oromocto? De toute façon, Alice : Étais-ce juste ici ou partout? l’une de ces réserves aurait eu le Theresa : Je pense que c’était surtout sur même chef qu’une autre pendant un cette réserve que l’épidémie s’est certain temps. produite. Theresa : Si j’avais su que vous veniez, Alice : Car un des hommes à qui j’ai j’aurais vérifié dans mon album de parlé, Ronald Paul, a mentionné une photos. Car j’ai tous les prêtres qui épidémie. Il l’appelle la peste noire, ont été ici, et tous les professeurs la variole. Et elle a décimé beaucoup d’école à partir de 1800. Lorsque je d’Indiens. Pas seulement à St. trouverai cet album, il faudra que je Mary’s, mais à Gagetown, vous le montre, car ils sont tous dans Kingsclear, Woodstock. l’album. Je garde tout. Theresa : Eh bien! Vraiment, toutes ces Alice : Avez-vous de vieilles photos? personnes vivaient ici sur cette petite Viviez-vous près de St. Mary’s dans superficie, près de l’endroit où se votre jeunesse? situait l’ancienne réserve. Et Theresa : Non. beaucoup de maisons étaient situées Alice : Vous viviez ici? juste ici derrière l’endroit où se Theresa : Comme je vous l’ai dit, nous trouve cette clôture, là où vous voyez n’avions pas le droit de sortir de la ces édifices. Et bon nombre d’entre réserve. eux ont déménagé parce qu’ils ne Alice : Était-ce à cause des parents? trouvaient pas de travail et c’est Theresa : C’était seulement les parents, pourquoi ils se sont établis ailleurs. je pense, qui étaient stricts. Et ils Beaucoup ont déménagé à Tobique, nous disaient toujours que si jamais Woodstock, St. Mary’s et Oromocto. nous allions au-delà de la colline, C’est ainsi que vous avez maintenant quelqu’un nous ramasserait. toutes ces différentes réserves dans la Alice : C’était plus protecteur qu’autre région. chose? Alice : Comme ça, tout le monde s’est Theresa : Presque personne n’avait de établi ailleurs à cause du manque de voiture à cette époque. Jusqu’à travail? l’époque de mon oncle Ben, qui a Theresa : Dans ce temps-là, ils n’avaient marié Madeline Solomon. Voyez- pas le droit de travailler en dehors de vous, l’oncle Ben s’est marié deux la réserve. fois. Il s’est marié à la fille de Alice : Est-ce que Kingsclear et St. Lizzy Nash; Florence était son nom. Mary’s ont déjà eu le même chef? C’est sa photo ici [au mur], dans cette Êtes-vous au courant de cela? robe noire. Voyez-vous, ceci est une

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photo de ma mère, à cette extrémité. de l’oncle Willy et celle de Puis, la seconde est la sœur de Leo Tomah. La maison de ma grand- Frank Sappier. La troisième, avec la mère, située juste à côté de celle de robe noire, était Florence, la première Leo, était passée au feu. Et la maison épouse de Ben Tomah. Ce fut la mère suivante était celle de Sarah Solomon de Connie, mariée à Joe. Et c’est la ainsi que de la mère de John Solomon sœur de ma mère, Sarah, qui est et d’Henry Solomon, qui étaient les morte lorsqu’elle avait (pause) tout le enfants de Sarah. Ils vivaient dans monde me dit que je ressemble à ma cette maison voisine de celle ma mère. C’était vraiment triste de voir grand-mère et de Molly Polonsis comment les Indiens devaient (Francis), et leur maison a brûlé. Les survivre. Vous ne pourriez vraiment deux autres maisons qui n’ont pas pas le croire en entendant ces très brûlé dans la région sont celles de vieilles histoires. Je ne peux me Frank Sappier et de Leo Solomon. souvenir que de mon enfance, lorsque Car tout ce qu’ils avaient à l’époque mon père a bâti une maison ici. était une pompe à incendie, et qu’ils C’était la seule maison ici, et on pompaient l’eau. Finalement, ils ont n’avait même pas le droit de manqué d’eau. On pouvait même voir descendre la colline. des chats et des chiens qui avaient Alice : Pourquoi? pris feu. Theresa : Je ne sais pas. De toute façon, Alice : Est-ce que des gens sont morts? lorsque ce gros incendie s’est produit Theresa : Non. Mais ils ont tout perdu. ici, ce devait être dans les années Ils ne possédaient pas beaucoup de 1930, car je me souviens d’avoir choses. descendu la colline avec ma mère et Alice : J’imagine que vous devez avoir d’avoir vu toutes ces maisons en feu, confectionné beaucoup de paniers il restait environ seulement cinq pour vivre? maisons, les autres avaient toutes Theresa : Vous savez, dans chaque brûlé. maison où vous alliez, ils faisaient Alice : Comment ont-elles brûlée? toujours de l’artisanat. Que ce soit Theresa : Je ne sais vraiment pas. Je ne des paniers, des raquettes ou des sais pas si quelqu’un avait échappé manches de hache. Sans compter la une lampe. Rappelez-vous qu’ils broderie perlée, car on en faisait à avaient l’habitude d’utiliser des l’époque. On peut le constater sur lampes au kérosène. Je pense que beaucoup de vêtements dans ces c’est vraiment la façon dont vieilles photos que vous avez sans l’incendie s’est déclaré. doute vues. Ils faisaient beaucoup de Alice : Mais cinq maisons? broderie perlée. Si jamais vous allez à Theresa : C’est à peu près tout ce qu’il Saint-Jean, au musée, vous pourrez restait. Il y avait seulement la maison voir beaucoup de ces costumes, avec

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des broderies faites de poil d’orignal d’aller vendre ses paniers. Elle et sous forme de tissage. Je sais que préparait son traîneau et le tirait sur la Grammy Polchies avait l’habitude de rivière, et elle allait vendre ses fabriquer de petits paniers en tissage. paniers. Il arrivait souvent à cette Alice : Il y a donc beaucoup d’articles à époque que les blancs aient à peine cet endroit? plus d’argent. Mais ils donnaient des Theresa : Il devrait y en avoir. Je n’y choses à ma grand-mère, sous forme suis pas allée depuis très longtemps. de troc, soit des légumes, du poulet, Kim a apporté des articles à cet des fruits, et c’est vraiment comme ça endroit, et moi aussi, et je pense que qu’ils survivaient. Mais je dois vous Veronica en a apporté également. dire que les personnes de cette Alice : Donc, tous les paniers que vous génération, à cette époque, faisaient avez confectionnés, et je sais que beaucoup de conservation, comme vous en avez confectionné beaucoup, pour les baies, et les pommes. Je me où sont-ils? En avez-vous gardé? rappelle qu’on accrochait des Theresa : Eh bien! Je n’ai rien gardé. pommes tranchées sur un fil et qu’on Tout comme pour beaucoup d’autres les laissait sécher. Et lorsque l’on artisans, tout se vendait rapidement. voulait faire une sauce aux pommes Alice : Quand avez-vous confectionné ou une tarte, on les laissait tremper votre premier panier? En quelle toute la nuit et elles redevenaient année? toutes fraîches. Et pour les baies, on Theresa : C’était en 1939. Nous pas- disposait du papier à un endroit, afin sions l’été ici à Westfield. Et j’avais de les faire sécher. Il fallait donc l’habitude de fabriquer de petits beaucoup d’ingéniosité à cette bracelets, puis de petits paniers et des époque, car l’argent était rare. paniers de Pâques. Comme ceux que Alice : Mais ce n’était pas nécessaire, vous voyez aujourd’hui; vous savez, n’est-ce pas? ces petits paniers, de forme ronde. Theresa : Non, j’imagine que non. Mais J’avais l’habitude d’en confectionner aujourd’hui, ils supplient pour avoir et ils se vendaient, et je faisais de des paniers. l’argent. J’économisais tout l’argent, Alice : Il n’y a presque plus personne jusqu’à ce que je veuille aller au qui confectionne des paniers village pour le dépenser. Je n’ai aujourd’hui. jamais fait d’économies, d’aucune Theresa : Eh bien! La plupart des gens façon, car je voulais profiter de ce qui en confectionnaient sont morts. que j’avais. Alice : Je me rappelle Evangeline, Alice : Oui, c’est à cela que ça sert. Louie, Dickie. Mike Sacobie, qui en Theresa : Donc, je confectionnais des confectionnent encore à l’occasion. paniers comme ma grand-mère Theresa : Mais vous savez, il est triste maternelle, qui avait l’habitude de constater que tout cet artisanat se

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Planche 4.4 : Katherine Tomah et Frank Tomah de Kingsclear; l’enfant est Winston Solomon (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 6-20)

perd. J’aimerais bien l’enseigner, si je Philadelphie et jusqu’en Louisiane, à pouvais. Mais je ne peux plus Toronto et ici à Mactaquac. Puis, j’ai aujourd’hui, car je deviens allergique vendu beaucoup d’articles dans les à beaucoup de choses qui ne me boutiques d’artisanat à Fredericton. Je dérangeaient pas auparavant, et ça ne ne sais pas si c’était l’Union [Union prend pas grande chose. des Indiens du Nouveau-Brunswick], Alice : Mais vous avez fabriqué mais ils tenaient ces boutiques beaucoup de choses vous-mêmes! d’artisanat à cet endroit, et j’y ai Theresa : J’ai travaillé au musée de vendu beaucoup d’articles.

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Alice : On retrouve donc vos paniers un crois pas qu’il existe encore personne peu partout! qui fasse du travail artistique, des Theresa : Partout. Vous savez, il y a paniers de fantaisie. quelques années, il y a environ une Alice : Je ne crois pas. dizaine d’années, un homme est venu Theresa : Je vous dirais que l’une des ici et a commandé trois gros paniers à personnes qui est habile pour la ouvrage, et il m’a demandé d’utiliser confection des paniers est votre frère beaucoup de foin odorant, ce que j’ai Shack. fait. Lorsqu’il les a ramassés, il m’a Alice : Shack confectionne des paniers? demandé si j’aimerais savoir pour Theresa : Oui, il faisait partie du groupe quel endroit ces paniers étaient que Richard avait chez Norma. destinés. Je lui ai exprimé mon Alice : C’est vrai. intérêt, et il m’a dit qu’ils étaient Theresa : Il est tombé malade un jour, et destinés à la Russie. Oui, j’ai des je l’ai remplacé pendant deux articles qui se retrouvent un peu semaines. J’ai donc montré à tous ses partout dans le monde. étudiants le travail de fantaisie, toutes Alice : Est-ce que vous marquez vos les différentes formes de tissage. Il articles? faisait de merveilleux paniers à Theresa : Oui, j’avais l’habitude de ouvrage. C’était vraiment bien. mettre une petite étampe au fond. J’ai Alice : J’ai confectionné un panier un reçu des gens qui venaient du Japon, jour; il s’agissait d’un panier de de la Chine, de l’Iraq, de l’Iran, de pêche, et c’est le seul panier que j’aie l’Australie, d’un peu tous les pays jamais confectionné. d’Europe. Aux États-Unis, en allant Theresa : Ce qu’ils confectionnaient de la Californie jusqu’au Maine, au principalement étaient de petits Canada, de partout au pays. J’en ai eu paniers en forme de cœur. Ils en trois ou quatre qui sont venus ici confectionnaient lorsque j’étais là. Et acheter des articles d’artisanat. Ils je leur ai montré comment m’ont dit d’où ils venaient. confectionner un berceau, puis des Alice : Je pense que je vous ai adressé paniers de fantaisie, et les différentes quelques personnes concernant les formes de tissage : le motif à paniers. Il est difficile de trouver chardons, le motif de nattes, l’arc-en- quelqu’un qui en confectionne ciel et la boucle. Je n’ai pas aujourd’hui. Votre nom me vient à d’exemples ici. Les filles ont chacune l’esprit lorsque je pense aux paniers; un panier de magasinage que je leur je ne sais pas si Charles [Whimpy] en ai donné. Beaucoup de célébrités sont fabrique encore? venues me visiter ici. Il y avait une Theresa : Eh bien! Il fait du travail brut, star italienne qui est venue ici; il ne comme les gros paniers, c’est ce que parlait pas l’anglais, et il avait un j’appelle du travail brut. Mais je ne interprète avec lui. L’autre groupe qui

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est venu ici une fois était, vous savez ce groupe qui chante, qui vient de l’Ontario. Je me ne rappelle pas la chanson. Eh bien! Ils sont venus ici dans des fourgonnettes. Ils étaient en tournée, et ils sont arrêtés ici. Et ils se sont même mis en ligne dans ma cour, et ils ont commencé à chanter. FIN DE L’ENREGISTREMENT

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5. Nous vivions en bordure du fleuve…

RONALD PAUL SITANSISK / PREMIÈRE NATION DE ST. MARY’S

…Pendant la période où nous avons habité à Gagetown, nous avons vécu dix ans à cet endroit sur un bateau. Mes grands-parents vivaient un peu plus haut sur la rive, et nous sur le fleuve, dans un bateau-maison. Nous étions encore tout jeunes, jouant dans l’eau glacée, pieds nus. Nous pêchions l’éperlan. Au printemps, grand-mère nous apportait de grandes cuves et tout ce qui pouvait contenir du poisson. Nous allions sur les glaces flottantes. Lorsque vous tournez les glaces flottantes, les poissons montent au-dessus des canots. Nous n’avions qu’à les ramasser avec les cuves par milliers, et ils avaient huit ou neuf pouces de longueur. L’eau ne nous dérangeait pas. Le soir, grand-mère les grillait et nous pouvions tous en manger. Elle s’asseyait là et chantait des chants indiens… Ces chants racontent une histoire en langue malécite, mais c’est une tradition qui se perd. On n’entend plus ces histoires aujourd’hui, mais votre mère les chantait, ainsi que mon père…

…Ils ont trompé les Indiens il y a longtemps, mais ils ne s’en tireront pas comme ça. Ils ne pourront avoir tout ce que nous avons laissé. Comme la médecine. L’homme blanc peut prendre n’importe quoi qui appartient à un Indien afin de faire de l’argent. Ils nous ont tout enlevé; pourquoi voudriez- vous leur donner ça. Ils ne peuvent trouver de remède contre le cancer ni contre le rhume… les Indiens l’ont, mais pas l’homme blanc. C’est ce qu’ils disent également, les gens de Tobique, qu’il ne faut pas être un fou et leur laisser tout avoir. Ils ont tout obtenu de nous pour rien, en nous trompant. Il ne faut pas leur laisser avoir notre médecine…

Ronald : Indian Point, mes grands- maison de Natolin [Matilda] avait été parents avaient l’habitude d’y aller, et transformée en hôpital, cette grosse ils observaient les Indiens la nuit le maison qu’elle possédait. Elle est long des rives, car on voyait les feux devenue un hôpital de façon de camp. Ils dansaient. Pourquoi temporaire. Car les gens y arrivaient dansaient-ils? C’est qu’ils étaient et ils ont mis toute la réserve en malades, ils étaient mourants. C’était quarantaine. Ils ont alors posté des cette maladie mortelle de l’homme soldats pour empêcher quiconque d’y blanc, la peste. entrer ou d’en sortir. Il fallait trans- Alice : Est-ce que c’était à Jemseg, porter l’épicerie et tout le reste Ron? jusqu’à la clôture, et ils devaient Ronald : Oui. Ça s’est répandu comme l’entrer eux-mêmes. Ils mouraient le feu, à Gagetown, Oromocto, dans comme des mouches. Presque tous les l’ancienne réserve [St. Mary’s]. La Indiens ont été éliminés, et seulement

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une poignée ont survécu. C’était retrouverons jamais, quant à leur terrible! L’épidémie a éliminé presque façon de fabriquer des canots tous les Indiens jusqu’au Grand lac et d’écorce de bouleau en ce temps-là. à Jemseg et dans toute cette région. Jim Paul disait qu’ils sont venus nous Alice : Que faisaient-ils donc à Jemseg? tromper [dit en malécite]. Nous À l’endroit que vous appelez Indian fabriquerons un canot, un canot Point? d’écorce de bouleau [Masqewuloq], Ronald : Ils [les Indiens] voyageaient car l’homme blanc veut l’acheter. aller retour, en remontant et en de- Cent cinquante dollars pour un canot scendant le fleuve. Indian Point était d’écorce de bouleau. Vous savez qui comme cette vieille réserve, où ils l’a acheté? sont arrivés et où ils se sont arrêtés Alice : Qui? pour y passer peut-être un été. Ronald : Mary Chestnut, de la Chestnut Comme un terrain de camping. Canoe Company. Fabriquez-moi le Alice : Ils confectionnaient des paniers? meilleur canot, avait-elle dit. Et ils lui Ronald : Oui, toutes sortes de choses. Ils ont fabriqué un canot d’écorce de allaient d’ici jusqu’à Public Landing, bouleau, qu’elle a payé cent Brown Flat comme ils l’appelaient, et cinquante dollars à cette époque. ils s’arrêtaient là. Dieu sait qu’ils en Alice : En quelle année était-ce? fabriquaient des paniers, des arcs et Ronald : En 1927. Ils ont fabriqué un des flèches, toutes sortes d’articles canot. C’est alors que Jim Paul a dit pour les Blancs, des chaises. qu’ils étaient venus nous tromper. Ils Alice : Est-ce que quelqu’un fabriquait ont vendu les canots à Mary Chestnut des canots d’écorce de bouleau? et à son mari. Ces derniers se sont Ronald : Oui, ils fabriquaient ce genre accaparés de l’atelier de fabrication, de canots. J’ai des photos. En fait, ils et ils ont tout démantelé, car ils en fabriquaient juste ici [ancienne voulaient voir comment c’était fait. réserve de St. Mary’s]. Puis, ils ont tout mesuré, et ils ont par Alice : Qui les fabriquait? la suite demandé aux leurs de bâtir un Ronald : Je ne sais pas, mais j’ai des moule. Et c’est devenu Chestnut photos. Mon oncle est l’un de ceux Canoes, et ils sont devenus que l’on voit sur la photo, Ed Paul. Ils millionnaires. Mais au lieu de mettre avaient planté des piquets dans le sol. de l’écorce, ils utilisaient de la toile. On pouvait voir les morceaux Alice : Est-ce que quelqu’un en fabrique d’écorce. Et ils devaient utiliser des aujourd’hui? perches pour le retenir pendant qu’ils Ronald : Ils voulaient me payer dix mouillaient l’écorce, de façon à mille dollars pour en fabriquer deux pouvoir monter le canot. J’avais la ou trois. J’ai totalement refusé. Je ne photo et tout, et je les regardais le ferai jamais. Ils ont trompé les travailler. C’est un métier que nous ne Indiens il y a longtemps, mais ils ne

84 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1 s’en tireront pas comme ça. Ils ne Lorsque vous tournez les glaces pourront avoir tout ce que nous avons flottantes, les poissons montent au- laissé. Comme la médecine. dessus des canots. Nous n’avions L’homme blanc peut prendre qu’à les ramasser avec les cuves par n’importe quoi qui appartient à un milliers, et ils avaient huit ou neuf Indien afin de faire de l’argent. Ils pouces de longueur. L’eau ne nous nous ont tout enlevé; pourquoi dérangeait pas. Le soir, grand-mère voudriez-vous leur donner ça? Ils ne les grillait et nous pouvions tous en peuvent trouver de remède contre le manger. Elle s’asseyait là et chantait cancer ni contre le rhume. Mais ça me des chants indiens… Ces chants fait rire lorsque arrive le printemps. racontent une histoire en langue C’est drôle, vous savez, car l’homme malécite, mais c’est une tradition qui blanc travaille fort pour trouver un se perd. On n’entend plus ces remède contre le cancer. Et tout histoires aujourd’hui, mais votre mère autour de vous, c’est là. Un simple les chantait, ainsi que mon père et je rhume, et vous éternuez. Les Indiens les chantais à mes enfants, lorsqu’ils l’ont, mais pas l’homme blanc. C’est étaient petits, pour les endormir. Des ce qu’ils disent également, les gens chansons indiennes. de Tobique, qu’il ne faut pas être un Alice : Comme quelle sorte de fou et leur laisser tout avoir. Ils ont chansons, Ron? tout obtenu de nous pour rien, en Ronald : Au sujet des lapins, au sujet du nous trompant. Il ne faut pas leur ciel et même de la mort. Lorsque laisser avoir notre médecine. Ils l’ont vous êtes marié, lorsque vous êtes dit, vous savez et je le sais. Il faut heureux, lorsque vous voyagez en garder le secret au prix de notre vie. canot. L’autre jour, j’ai dit à Julie : Bien sûr, il y a toutes sortes de Peux-tu encore chanter cette remèdes qui existent. Il y en a trop chanson? Elle m’a dit qu’elle qui sont bavards. Pendant la période essaierait, mais elle en a été incapa- où nous avons habité à Gagetown, ble. J’avais l’habitude d’aller à la nous avons vécu dix ans à cet endroit maison d’Anna. Les petits-enfants sur un bateau. Mes grands-parents d’Anna entraient et je les faisais vivaient un peu plus haut sur la rive, sauter sur mes genoux [il chante une et nous sur le fleuve, dans un bateau- chanson]. Ils commençaient tous à maison. Nous étions encore tout rire, et ils voulaient savoir quelle était jeunes, jouant dans l’eau glacée, cette chanson. C’était la façon des pieds nus. Nous pêchions l’éperlan. anciens Indiens. Ça se passait comme Au printemps, grand-mère nous ceci. Nous étions à Public Landing, apportait de grandes cuves et tout ce Brown’s Flat, un été. Votre mère qui pouvait contenir du poisson. Nous [évoquant Tina Brooks], le père de allions sur les glaces flottantes. votre mère [Charlie Meuse], c’est

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votre grand-père, ainsi que mon père plus, qu’il était trop lourd, que ce et mes oncles. C’était pendant l’été, n’était plus comme avant. Danser, au moment où venaient les touristes. c’est quelque chose d’autre. On ne Ils voulaient que les Indiens leur danse pas comme les Blancs, c’est fassent un spectacle. C’était une vraie comme si on bondissait sur le sol. On risée. s’amuse beaucoup comme ça au Alice : Qu’avez –vous fait? camp. Les enfants de Bridgie – Ronald : Ce que nous avons fait! Ils se lorsque vous pelez l’aulne pendant sont tous saoulés. Ils ont mis des l’été, ce qui se retrouve sur le sol est vêtements d’Indiens et se sont chauffé par le soleil et devient costumés en véritables Indiens et se croustillant comme des flocons de sont peinturés. Ils se sentaient bien. maïs lorsque vous les écrasez en Ça ne leur faisait rien. Les touristes marchant pieds nus – il est âgé étaient là, et il y a ce type qui dit : d’environ cinq ans. Regarde grand- Pouvez-vous donner l’impression que père, et il est en train de faire la danse c’est vrai. Ils avaient des haches, des indienne. Il aime entendre ce son hachettes et des couteaux, et sans croustillant. L’aulne était utilisé pour aucun avertissement ou quoi que ce fabriquer des chaises. L’érable, le soit, car ce n’était pas planifié, ils se saule, et l’écorce de bouleau, c’est sont avancés, ont attrapé une femme beaucoup plus facile à manipuler blanche et l’ont fait sortir de la foule. lorsque le bois est vert. Et les paniers, Elle criait à gorge déployée. Ils l’ont les fonds de chaise et les dos de amenée à un poteau, et ils l’ont chaise. Vous savez, le frêne noir, on attachée. Ils voulaient la réalité. Et ils peut l’utiliser pour à peu près ont commencé à danser autour d’elle. n’importe quoi. Je veux vraiment dire Cette pauvre femme criait, apeurée. n’importe quoi. C’est comme de la Ils ont dansé en chantant en indien, et ficelle; vous pouvez vous en servir au bout d’un certain temps, c’était pour attacher des articles, fabriquer terminé et ils l’ont détachée. Ça des paniers, monter des chaises et faisait partie du spectacle. Votre tenir n’importe quoi; ça sert de grand-père a dit : Ed, nous avons fait soutien. tout un spectacle. Il n’y en a pas Alice : Pourquoi utilisent-ils des beaucoup qui peuvent danser comme cerceaux? ça maintenant. J’ai presque oublié Ronald : Les gens sont de plus en plus moi-même comment faire. J’ai paresseux aujourd’hui. J’avais demandé à John s’il savait comment l’habitude d’observer les femmes plus danser? Il m’a dit qu’il en était inca- âgées, qui coupaient de longues pable. J’ai également demandé à lanières minces, à peu près de la taille Walter Brooks s’il pouvait encore d’un lacet. En les fixant au point de danser. Il m’a dit qu’il ne pouvait départ et en se servant d’un cerceau

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de panier, elles les laçaient tout seulement des scies artisanales. Il autour. Le panier ne contenait jamais fallait abattre l’arbre, l’écimer et le aucun clou. Y avait-il des clous il y a couper en deux. Puis il fallait le trois cents ans? fendre et le corder, et mon travail était Alice : C’est pourquoi je demandais : accompli. Les beurriers ne valaient quand ont-ils commencé à utiliser les pas grand chose à l’époque. Mais cerceaux? cinq dollars, c’était cinq dollars. Ronald : Voyez-vous, elles l’enroulaient Aujourd’hui, les mêmes beurriers tout autour. Elles utilisaient deux dont je parle peuvent coûter de bâtons qu’elles joignaient ensemble et soixante-quinze à quatre-vingts enroulaient tout autour. Elles dollars. prenaient ensuite l’anse, qu’elles Alice : Lorsqu’ils fabriquaient des plaçaient sur le panier et le laçaient paniers à l’époque, à quel endroit aller retour. Et elles faisaient le tour à allaient-ils? À qui les vendaient-ils? nouveau. Les paniers plus profonds Ronald : Ils n’allaient nulle part. Mes avaient toujours un double fond, afin grands-parents travaillaient toute la de résister à l’usure. Ils sont ainsi plus semaine, car nous devions aller résistants. Il y avait des paniers pour chercher et marteler du frêne pour tout. Il y avait des paniers de la taille eux. Il fallait le trouver. Les de cette table, de trois ou quatre pieds personnes âgées, les femmes âgées se de largeur avec de grosses poignées et rassemblaient, et elles préparaient les des courroies sous le panier afin de éclisses. Elles confectionnaient de pouvoir les glisser sous les paniers petits paniers, des paniers de pour les fruits et les légumes. C’était fantaisie. Les hommes fabriquaient comme les barils d’aujourd’hui. Puis les gros paniers, des paniers de por- il y avait les paniers melon pour les tage, des paniers de pêche et des concombres, les tomates et tout le paniers de pommes de terre, des reste. Ils ont la forme d’un melon paniers à linge. Ils étaient destinés d’eau. aux agriculteurs une fois terminés. Ils Alice : Il n’y en a plus aujourd’hui? travaillaient toute la semaine. Ils les Ronald : Non. Mais ce que je détestais, mettaient sur un bateau et se les beaux après-midis d’été, est qu’on rendaient jusqu’à Jemseg, puis au voulait aller se baigner. Et on nous Grand lac, puis tout le long du Grand répondait d’y aller après le souper. Il lac. À chaque ferme ou magasin, ils fallait qu’on aille tout de suite couper s’arrêtaient. Ils ne vendaient pas les un peuplier, et le débiter. Nous allions paniers, car ils faisaient uniquement à la recherche d’un peuplier, d’un de l’échange. C’était au début des diamètre de dix à douze pouces et années 1930, à l’époque de la d’une hauteur d’environ huit pieds. Il Dépression. Au moment où la vie n’y avait pas de scie mécanique, était plus difficile. Il n’y avait pas

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beaucoup d’argent ni d’essence, car la gros ponceau. Les Allemands! Les Dépression a été l’époque la plus Allemands! Tout le monde se cachait. dure. Les gens avaient faim. Je les Je me suis longtemps demandé de accompagnais, et ils échangeaient des quoi ils parlaient : les Allemands, la biens. S’ils ne pouvaient leur donner guerre. Pendant presque toute ma vie, un peu d’essence ou de carburant il n’y a eu que des rats musqués. pour le moteur, ce n’était pas un Toutes les façons d’attraper les rats problème; ils leur donnaient une musqués. Ils valaient cinq dollars couple de gallons, des pommes de chacun. Et ils ne les piégeaient même terre et de la farine de viande. Car les pas. Ils les tiraient au fusil. Certains agriculteurs avaient de bonnes revenaient avec un plein canot. Et les réserves, comme du beurre, du lait, de femmes, les filles, n’importe qui la farine de crêpe. Alors ils faisaient capable de les écorcher, ils les leur des échanges. Parfois, les magasins apportaient, les laissaient là et vous donnaient peut-être un peu de repartaient. Tout le monde le long du change, de l’argent. Et tous ces fleuve Saint-Jean, n’importe qui vêtements, c’étaient des échanges; il pouvait chasser. Les Indiens y avait très peu d’argent qui circulait. ramenaient plein de rats musqués. Ils C’est comme ça qu’ils ont survécu et faisaient beaucoup d’argent. Ils n’ont c’est comme ça qu’ils s’organisaient pas eu de pièges jusqu’à tout entre eux. Les Indiens ne recevaient récemment, lorsqu’ils ont commencé jamais d’argent des Blancs, seulement à se calmer et à arrêter de tirer sur les des marchandises échangées. animaux. J’ai alors commencé à Alice : Avez-vous déjà eu des problèmes piéger le castor, le rat musqué, le avec les Blancs? renard, la loutre et le vison. Mon père Ronald : Non. Ils venaient nous visiter et mes grands-parents et le reste des dans une carriole tirée par un cheval. Indiens, ils avaient l’habitude de De temps en temps, on pouvait voir travailler toute la journée pour se une voiture. Personne n’avait de préparer en fonction de la saison de l’argent pour s’acheter une voiture à trappage. Nous avions beaucoup de cette époque. Je me rappelle qu’après plaisir; ils coupaient de gros érables le début de la guerre, les gens avaient pour fabriquer des toboggans. Les tellement peur de la voiture. La patins sont recourbés et on y fixait du guerre et les Allemands. Nous étions cuir. Il faut faire tout ça dans une à Brown’s Flat et nous journée. Tout à coup, ça vous frappait confectionnions des paniers. On de plein fouet. Tout le monde devait jouait dans la cour, dans les tentes, et se préparer et être prêt. C’était ces avions se sont posés sur le lac. comme la température de mars. Le Tout le monde criait. Ils nous ont traîneau glisse sur la croûte de neige. attrapés, et ils nous ont mis dans le On fabriquait des raquettes, le tobog-

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gan, puis on allait à la chasse à Levi Sabattis d’Oromocto, leur a dit : l’orignal ou au chevreuil. Le Je vais rester ici, Ed, ça va? Mon père chevreuil est en mauvais état à cette était assis là, l’attendant avec un fusil. époque. Il s’enfonce à travers la Lui [Levi] était assis à cet endroit et croûte et il s’écorche la peau, n’a rien entendu. [Ron imite l’appel jusqu’au haut de la cuisse, et on voit de l’orignal]. Il y avait un orignal même apparaître l’os. Et trois ou juste au-dessus de lui qui l’observait. quatre fois, il saute et se blesse encore Levi s’écria : Peskalikewon (tue-le). davantage et il reste figé. L’Indien Il [le père de Ron] tira et le frappa en s’approche alors et l’attrape, et il le pleine poitrine, et l’orignal s’est frappe sur la tête, puis il lui tranche le écroulé. Il dit à Levi de prendre une cou. Bien souvent, il le laissait là et hache et de lui couper le gambit. Ce poursuivait sa route. Il pouvait en dernier lui a répondu d’aller au prendre cinq ou six, car ce n’est pas diable. Nous avions l’habitude la viande, mais bien la peau qu’il d’avoir du plaisir. Lorsqu’on voyait veut. Il peut en fabriquer des un orignal couché dans le marais, on raquettes, des chapeaux et des gants. lui faisait la chasse au clair de lune. À Même chose pour l’orignal, soit les l’époque, ils se saoulaient et partaient peaux d’orignal. Ils partent chasser à la chasse. Même chose pour les l’orignal, la peau d’orignal, pour en ours. Ils n’ont jamais tiré sur un ours, faire des mocassins, de bons et en fait ils n’ont presque jamais tiré mocassins d’hiver qui sont lourds sur des animaux. Ils avaient plus de avec une garniture de fourrure. Le plaisir. Vous frappez l’animal avec nez de l’orignal a la forme d’un pied. une hachette ou une hache, jusqu’à ce Alice : Qui confectionnait tous ces qu’il meure. Un jour, il y avait cet articles? ours. Mon grand-père Isaac et le Ronald : Mon père et mon oncle. vieux John Brooks, le frère de Alice : Votre père Ed Paul ainsi que Sam Brooks, (John Brooks était un Tom Nash? gros homme fort, le vieux John, Ronald : Oui. Et le nez [de l’orignal] a comme ils l’appelaient) tendaient des la forme d’un pied. Avez-vous déjà vu collets pour le lièvre. Ils étaient là un un orignal? jour, et il y avait un ours à cet endroit. Alice : Je dois dire que c’est un animal Il était impossible d’en faire le tour, très laid. car il fallait passer par le sentier. S’ils Ronald : Ils étaient là, attendant un grimpaient dans un arbre, l’ours les orignal. Mon père était assis derrière poursuivrait. Il a pris une petite hache une souche, Tom lui dit : Vas de ce ou une hachette, et il a coupé un côté, Ed, et nous allons l’encercler. arbre. Et il dit à John : Tu vois cet Mon père est allé d’un côté et Tom de arbre; je vais le lui lancer dans le l’autre et ils l’ont encerclé. Le vieux visage et tu le frapperas. L’ours se

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Planche 5.1 : Ronald Paul, membre de la Première nation de St. Mary's, dépouille le castor de sa peau en utilisant un couteau à deux manches (photo de Ronald Paul)

leva sur ses deux pattes arrière, les bureau des terres de la Couronne, et bras grand ouverts. Normalement, si ils faisaient l’exploitation des castors. on lance un arbre à la face d’un ours, Ils nous ont demandé si nous serions il l’attrape et le retient. John, lui, a prêts à les aider. Nous avons accepté, frappé l’ours et l’a renversé sur le et ils nous ont demandé d’écorcher dos. les castors. Cette année-là, nous FIN DE L’ENREGISTREMENT – avons travaillé pour eux. Il y avait CÔTÉ UN une période limite pour les castors. SUITE DE L’ENREGISTREMENT – Ce ne sont pas des Indiens qui les CÔTÉ DEUX avaient piégés, seulement des Blancs. Ronald : Par la suite, nous avons Ils n’avaient le droit de piéger que déménagé à Fredericton. Après la huit castors chacun. Par la suite, mon mort de ma mère, nous nous sommes père a travaillé pour eux à l’occasion. installés ici. Mes grands-parents Puis, après la guerre en 1946, les étaient d’ici, et c’est pourquoi nous salaires ont augmenté, et il n’y avait sommes venus nous y établir. Nous plus de période limite. Ils ont alors n’avons pas fait grand chose après ça. commencé un véritable carnage. Les Nous avons trouvé un petit coin où Blancs, pas les Indiens. Il n’y avait vivre. Un jour, nous sommes allés au que quelques Indiens qui faisaient du

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Planche 5.2 : Ronald Paul, membre de la Première nation de St. Mary's, enlevant le gras sur une peau de castor avec un couteau à deux manches (photo de Ronald Paul)

piégeage. l’autre côté du fleuve, lui et Alice : Vous avez vous-même fait Louie Babe [Louis Paul]. De ce côté- beaucoup de piégeage n’est-ce pas? ci, c’était moi avec Benedict. Warren, Le piégeage du rat musqué? Maurice et Amos restaient à Keswick Ronald : Oui, Oromocto faisait du Ridge, où George Nash, Ween piégeage. John Atwin, Pat Sacobie, [William Nash] et Levi Brooks Charlie Sark, Clarence Tomah, s’étaient établis, soit à Keswick. Tout Clarence Atwin, Willard Paul, ils le monde faisait du piégeage. Du bon avaient l’habitude d’aller faire du argent, et beaucoup d’entre eux s’en piégeage sur l’île Oromocto. Mon servaient pour se saouler. Mais père se rendait à Lincoln, et ils lorsque la saison du castor arrivait à avaient un tracé à partir de là, sur le l’automne, je m’y mettais vraiment. pourtour des limites de la cité de Les gens étaient pauvres à cette Fredericton. C’est là qu’ils tendaient époque, et c’était une période leurs pièges. Moi et les autres, nous difficile. Vous rappelez-vous? La partions d’ici, près du Save Easy, moitié de la réserve, je me suis jusqu’au manoir York, et à l’île Sugar. occupé de la moitié de la réserve Nous avions un tracé des deux côtés pendant cette période difficile. Il n’y du fleuve. John Casey s’occupait de avait pas une famille sur la réserve

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qui ne mangeait pas de castor. que je n’ai pas mangé de rat musqué. Alice : J’ai déjà mangé du castor, et ça Ronald : Lorsque nous allons au camp à goûtait le poulet; j’ai aimé ça. chaque printemps, moi et John, au Ronald : Pas seulement vous, mais tout moment de commencer le piégeage, le monde sur la réserve. Lorsqu’on le plus frais qu’on attrape, un beau rat prend un castor frais, je me prépare blanc et gras, je dis toujours à John toujours pour un vrai bon repas, et que les deux premiers, je les nettoie j’ai toujours le premier repas. Et par pour toi John et je lui demande de la suite, je n’en mangeais plus, car préparer la poêle à frire. Il me mes parents disaient toujours de répond : OK. Vous prenez de la prendre le premier pour vous-même graisse de bacon ou du porc, vous y avant d’entreprendre la saison, et déposez le rat musqué avec du pain d’éviter ainsi de vous inquiéter. indien. Dieu que c’est bon! Lorsqu’on mange quelque chose en Alice : Je me rappelle que ma mère premier, disaient-ils, on peut ensuite avait l’habitude d’en faire une se mettre au travail. C’est ainsi que je fricassée ou de le faire cuire. choisissais toujours un bon castor Ronald : Mes grands-parents se blanc et bien gras. moquaient beaucoup des Blancs, car Alice : J’ai mieux aimé le rat musqué. c’était monnaie courante à cette Ronald : C’est très bien également, époque. Je vais vous dire qui en a lorsque commence la saison des rats poussé une bonne : George Nash et musqués et des castors. Je devais en Levi, qui étaient à Keswick, à préparer des caisses pour Oromocto. l’ancien terrain de camping qu’ils On m’appelait de Kingsclear, et je ne avaient là, et où ils faisaient le pouvais satisfaire à la demande de piégeage du rat musqué. C’était le castors et de rats musqués. C’est dimanche de Pâques, et ils en avaient comme au printemps, lorsque s’ouvre pris une grande quantité avant de la saison du rat musqué; tout le rentrer à la maison. Ils ont décidé monde voulait du rat musqué. J’avais d’en préparer quelques-uns pour l’habitude de m’occuper des gens de souper. Ils en ont fait cuire trois. Tom Brooks ici, en ce qui a trait aux Voyez-vous, lorsque vous faites cuire rats musqués. Ce sont de gros rats de un rat musqué, vous l’écorchez et rivière. On en mettait cinquante ou vous le nettoyez. Puis vous le coupez soixante dans un congélateur, et peut- en deux, sans enlever les pattes ou être que j’avais cinq ou six castors quoi que ce soit. Vous le mettez dans pour l’hiver également. Du rôti de la poêle, avec des pommes de terre, porc et du steak, du foie. Le foie est un peu de farine pour la sauce. Avant excellent; c’est comme du foie de que la cuisson ne soit terminée, il y a veau. Il suffit de le faire frire. ces femmes qui arrivent et qui Alice : Ça fait déjà presque vingt ans s’informent au sujet des paniers. Que

92 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1 faites-vous cuire? Ils répondent : Pour le pot. Il était arrivé souvent que les souper, nous avons de la fricassée. Blancs viennent sur l’île uniquement Oh, non! répondent les femmes; faites pour voir comment vivaient les votre souper, nous allons attendre tout Indiens. Ils nous demandaient de leur simplement et choisir nos paniers. montrer comment les Indiens Donc, une fois la fricassée prête, ils travaillaient. Au lieu de leur montrer, l’apportent sur la table et préparent on leur enseignait plutôt comment les assiettes. Elles disent : Vous faire. n’avez pas de couteaux et de Alice : Les paniers, comment est-ce que fourchettes? Les hommes répondent : vous en commenciez la confection, Non, nous sommes des Indiens. L’un Ron? des hommes enlève le couvercle et Ronald : Lorsque j’ai grandi avec mes plonge sa main dans le chaudron. grands-parents, ils m’ont donné six Puis il sert les assiettes avec sa main. morceaux de frêne et j’ai dû les Les femmes blanches regardent assembler. C’est ce qu’on appelle la bouche-bée. Elles ont mangé et c’était clé. On avait seulement six tiges de bon. Elles auront sans doute raconté frêne, et c’est ce que je devais faire; cette histoire en retournant à la et si vous ne réussissez pas, vous êtes maison, au sujet des Indiens qui un incapable. Lorsque les Blancs vivent comme des chiens. J’ai raconté viennent, bien souvent, et les Indiens cette histoire à Andrea, et elle a dit aussi, je leur dis que je vais leur que la même chose était vraiment montrer comment j’ai appris il y a arrivée à l’île Sugar, à Keswick. Eh longtemps. Donc, ils essaient, et ce bien! Où les Indiens trouvaient-ils n’est rien de bien difficile, seulement leurs couteaux et leurs fourchettes, si six petites tiges. OK, vous voyez, on remonte dans le temps? Peut-être avez-vous compris comment je les des cuillères en bois, mais ils assemble? Oui. Eh bien! Défaite-les n’avaient pas de fourchettes. Utilisez et essayez vous-mêmes. Ils ne vos mains, c’est à cela qu’elles réussissaient pas. Alors je m’assoyais servent. Jim Paul et Atwin, qui juste là, pour leur montrer à nouveau faisaient le piégeage de la loutre, ont comment faire. Ils essayaient encore dit : Allons manger sur l’île. Et ils et encore, et chaque fois j’assemblais avaient seulement un peu de thé et de les morceaux et je les défaisais. Et au lait. Atwin dit à Jim : Lorsque tu bout de trois heures, les Blancs ne prépares du thé, une fois que l’eau a réussissaient pas. Ne voyez-vous pas bouilli, tu prends le thé et tu le jettes que ce n’est pas si difficile d’y dans le pot. Plus tu le lances fort, et parvenir; et c’est pour ça que vous plus le thé est fort. Ce dernier pensez que c’est facile. Il s’agit de six répondit : Oui. Il lança alors le thé petits éléments. Je leur disais : C’est aussi fort qu’il le put, mais il manqua si simple, mais vous ne réussissez

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pas; pourquoi? Je vous dirai un dix. Les manches de hache, quatre secret, qu’une fois que vous avez dollars et cinquante la douzaine, et appris c’est beaucoup plus gratifiant. c’était dans les années 1940. Ils Et j’ajoutais : Venez ici; mettez ces avaient l’habitude de les apporter à la deux-là ensemble, puis les deux quincaillerie HS Neil et chez EM autres [en expliquant comment c’est Young Ltd., et il y avait des échanges fait, puis en les faisant essayer à contre des pommes sur la rue Regent. nouveau.]. L’un d’eux s’écria : Les Indiens d’Oromocto et de Regardez! J’ai réussi; je les ai mis Kingsclear, d’Andover, de ensemble. Je leur répondais que s’ils Fredericton fabriquaient des manches ne trouvaient pas la clé, ils seraient de hache, des paniers de pommes, des incapables de confectionner un paniers de pommes de terre, à la panier. Il y a différentes sortes de douzaine. Dix ou quinze paniers à la fonds de paniers qui ne se fois. J’ai dit à mon père : Eh bien! ressemblent pas. C’est comme tisser Nous sommes seulement deux; alors des raquettes. Il y a de cela très tu fabriques les manches de hache et longtemps, vous rappelez-vous du je confectionne les paniers. C’était la boucher Lean Brother? Eh bien! période la plus désolante, car com- Polons [Frank Sacobie], moi-même, ment mes frères ont-ils pu être aussi Dick et d’autres Indiens, Sammy, stupides? Mon père et moi Levi Brooks, Ween [William Nash], travaillions tellement fort, et ils se Artie. Chaque samedi matin, contentaient de s’asseoir là pour nous Tom Brooks, la famille de Frank, regarder travailler. Ils n’ont jamais Ben Brooks, et tous les vieux Indiens, cherché à apprendre, et ils n’ont ils sont tous morts, nous nous jamais essayé de faire quoique ce rendions là pour vendre des paniers à soit. Mon père fabriquait cinq linge. Deux dollars cinquante chacun. douzaines de manches de hache pour Après avoir travaillé fort toute la vingt-cinq dollars, et dix-huit dollars semaine, nous avions confectionné pour dix-huit paniers. Je ne sais pas des paniers de pommes et des paniers combien faisaient ces personnes, mais de pommes de terre, des paniers à celles qui fournissaient ces linge et des paniers de pêche. Les compagnies recevaient sept dollars paniers de pêche se vendaient quatre- cinquante le panier. Nous, on obtenait vingt-dix cents, les paniers de seulement un dollar chacun. Mais un pommes soixante-quinze cents. peu plus tard, lorsque ce marché a Lorsqu’un panier avait une anse cessé de fonctionner, je me suis mobile, il valait un dollar. Les paniers surpris moi-même. Un homme de pommes de terre, les petits et les m’avait demandé de lui fabriquer un gros, devaient avoir un double fond gros panier, un panier pour le jardin. pour en obtenir un dollar, ou un dollar J’ai accepté de lui fabriquer un gros

94 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1 panier pour les navets, en lui J’ai fabriqué beaucoup de paniers, et demandant combien il en voulait. Il trois berceaux de bébé, avant la mort m’a répondu : Une couple, si vous de Bertha. J’ai confectionné ce pouvez. Et j’ai accepté. Il voulait berceau pour soixante-cinq dollars, et également un panier de pommes de j’ai coloré des éclisses. Lorsque cette terre. Je lui ai demandé s’il voulait un femme l’a regardé, c’est celui-là panier d’un demi-boisseau, d’un qu’elle voulait, pour cent vingt-cinq boisseau ou de trois quarts de dollars. boisseau. Je les ai fabriqués en deux Alice : Evangeline avait l’habitude de semaines et j’ai rencontré cet homme confectionner des berceaux. à l’ancienne place du marché. J’ai été Ronald : Quelqu’un m’a déjà demandé surpris. Lorsque je lui ai dit que je si je fabriquais des fauteuils berçants. voulais quarante-cinq dollars chacun, J’ai répondu « oui », mais que ça et vingt-cinq dollars pour le panier de prenait beaucoup de temps. On m’a pommes de terre, il m’a payé alors demandé combien je pouvais en immédiatement. Pas d’hésitations, fabriquer et j’ai dit que ça dépendait. rien. J’ai dit à cet homme que ces On m’a alors demandé d’en fabriquer paniers feraient toute la différence. Il cinq en une semaine, et j’ai dit oui. a répondu : Oui! Ces paniers me J’ai alors demandé quelle forme de dureront dix ans. Je lui ai répondu fauteuils berçants la personne voulait, que l’on m’avait appris, il y a car je pouvais les fabriquer de longtemps, que si je confectionnais diverses façons : avec des planches des paniers pour les Blancs, il ou encore les tisser. Je pouvais aussi faudrait m’assurer qu’ils ne durent utiliser divers matériaux pour le dos que pour un mois, de façon à ce qu’ils et le fond du fauteuil. La personne reviennent en acheter un autre. Il m’a m’a demandé ce qui serait le mieux. dit : Vous vous rappelez cela? Et j’ai J’ai répondu : Pour la vie? J’ai alors dit : Oui, mais je vous dirais une proposé de les tisser. L’homme a chose; nous ne confectionnons pas de accepté que je fabrique des fauteuils paniers en cèdre. Nous ne sommes berçants tissés pour quarante-cinq pas des Micmacs (Mi’kmaq). J’ai dit dollars. Puis, l’homme n’a rien ajouté à cet homme que les Micmacs d’autre. Vous rappelez-vous du vieux (Mi’kmaq) confectionnaient des Pete, et Doc? Lorsque nous avions paniers en cèdre qui se défaisaient en tous les trois l’habitude de travailler morceaux. Pourquoi faites-vous cela, toute la semaine? m’a-t-il demandé? Parce que nous Alice : Connaissez-vous des endroits nous assurons qu’ils reviennent en comme Indian Point, Ste. Croix, et ce acheter d’autres. Le cèdre est vert et il genre d’endroits? plus facile à manier. Lorsqu’il sèche, Ronald : Oui. comme une écaille d’œuf, il s’effrite. Alice : Il n’y a pas beaucoup de gens

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Planche 5.3 : Walter Joseph Paul Sr. de St. Mary’s cueillant des crosses de fougère à l’île Savage (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 74-17388)

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qui parlent de ces endroits. petit trou. L’homme qui parlait Ronald : Non, ils vont peut-être là indien! Il avait les yeux bleus, et un uniquement pour travailler. Le père visage blanc. C’est pour ça qu’on de Roger [Arthur Paul] avait l’appelle « White Pete ». l’habitude de se rendre à Ste. Croix. Alice : Avez-vous déjà entendu parler Alice : L’île Indian n’est pas le même d’Oromocto Pete? Qui était-il? endroit? Ronald : Je ne sais pas. Ronald : Menahqesk (Saint-Jean), l’île Alice : Quelqu’un m’a dit qu’il était Indian n’est que du roc. Êtes-vous court et qu’il allait toujours à déjà allée là? Oromocto, pourquoi? Alice : Non, jamais. Mon père et ma Ronald : Je ne m’en souviens pas. Mais mère y sont allés une fois, pour c’est seulement un nom indien. Ils amener les enfants au camp d’été. n’ont jamais rien dit au sujet de Pete. Ronald : Le camp d’été est différent. Piyel Kansuhs, c’est ainsi qu’on le Mon oncle vivait là, sur cette île. Il nommait. Il n’était pas plus gros que avait l’air d’un homme blanc. Je me Juniorsis [Fred] et Tuahdie [Fred Sr.]. moquais de lui lorsque j’allais le Il avait à peu près la même taille. visiter. Mon père et ma mère disaient Mae était sa fille, et ils étaient tous que j’allais voir l’oncle Pete. Je courts. Ils vivaient le long du rivage, n’avais pas d’objections. J’étais âgé sans aucun endroit réservé. C’était un d’environ sept ans, et il était assis là, lieu d’accostage où les gens faisaient cet homme blanc, enduisant son un arrêt. Oromocto, ce que vous en bateau de goudron. Je demandais à voyez aujourd’hui, n’était pas situé à mon père pourquoi il appliquait ce cet endroit. Nos lieux d’accostage produit noir sur le bateau? Je pensais étaient situés le long du rivage, à qu’il n’avait qu’à en fabriquer un environ vingt ou trente pieds de l’eau. autre, et qu’il n’aurait pas à répéter Ils construisaient de petites baraques cette application chaque année. Il n’a avec du papier goudronné. C’est là jamais rien dit; il continuait qu’ils vivaient. Nous avions seulement de travailler. Puis il a dit : l’habitude d’arrêter là et de passer Ma femme va être partie pendant environ une semaine sur le rivage à quelque temps. Il parlait donc anglais. cet endroit. Grand-père et mes oncles Nous avons soupé avant d’y se rendaient à cet endroit. Grand- retourner. On travaillait sur son mère Bear, elle, avait 109 ans. bateau. Mon père parlait avec eux de FIN DE L’ENREGISTREMENT – ce qui s’était passé pendant la journée RUBAN UN, CÔTÉ DEUX et de ce qu’ils faisaient. Puis, il s’est RUBAN DEUX CÔTÉ UN assis et m’a regardé. Il s’est alors mis Ronald : Les anciens Indiens à à rire en disant quelque chose en Oromocto ne parlaient pas l’anglais. indien. J’aurais pu me cacher dans un Ils comprenaient à peine cette langue.

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Si vous ne parlez pas indien, ils ne propre famille y allait, il y a très vous parlent pas, car ils s’expriment longtemps. On allait là et on uniquement dans leur propre langue. s’assoyait. On vous donnait de gros Mes grands-parents et mes arrières gâteaux à la mélasse et ces anciens grands-parents étaient indiens à cent contenants de couleur dorée, remplis pour cent. Mon arrière grand-mère, de thé. On me servait à manger, mais de la famille Bear, grandma Bear, on refusait d’en donner à mes frères. était comme un ours. Elle n’était Alice : Pourquoi? trapue. La femme de Piyel Kansuhs, Ronald : La différence était – je n’ai pu c’est ainsi qu’on l’appelle. On ne le comprendre que lorsque j’ai été un l’appelait pas Pete, mais plutôt par peu plus âgé – que je travaillais fort. son nom Piyel. Du côté de ma grand- J’avais mes parents. Je pouvais mère, c’était Kahsuhswicik [famille produire des choses que les Indiens Kansuhs]. Vous voyez ce lard salé. fabriquaient… La seule occasion est Lorsqu’elles le font frire, elles lorsqu’ils allaient faire la cueillette utilisent ces deux poêles à frire et des crosses de fougère. Ils cette graisse – C’était un samedi soir. ramassaient des crosses de fougère Les femmes indiennes faisaient cuire toute la semaine et ne travaillaient le lard salé et les fèves, avec de la pas. À Fredericton, Oromocto et mélasse. Pendant ce temps, les Gagetown, les gens travaillaient, et ils hommes étaient sur le rivage, buvant cueillaient des crosses de fougère. Il cette bière de fabrication artisanale n’y avait pas de vente de crosses de [bière d’abeilles]. Je ne sais pas ce fougère ici. Ils ne les vendaient pas qui est arrivé, mais ils ont tous ici. Le samedi matin, tout le monde, commencé à se battre… les Blancs ne en fait tous les canots des Indiens viennent pas sur la réserve pour rien. partaient pour la cueillette des crosses Ils viennent ici dans un but précis. de fougère. Ils se rendaient au milieu C’est probablement pourquoi ils ont du fleuve et attendaient le chaland qui fait ça. Ils avaient une autre idée en chargeait les fruits de leur cueillette à tête. John [Coon] Sacobie a dit que bord pour aller vendre le tout à Saint- les Indiens sont toujours nu-pieds, Jean. Ils arrêtaient également à l’été et l’hiver. Et c’est vrai; nu-pieds Oromocto, chargeaient les crosses de l’été et l’hiver. Ils développent une fougère à bord et se rendaient à forme de corne sous les pieds et au Gagetown. Je suis déjà allé avec eux talon, comme les bottes d’armée ou sur ce gros bateau. Quarante-cinq les semelles de chaussures… C’était sacs de crosses de fougère. J’y une femme micmac (Mi’kmaq) de la ajoutais mes propres petits sacs de région de Newcastle. La mère de crosses de fougère, environ quatre- Charlie. Mon arrière grand-mère vingt-cinq livres. Je travaillais fort, et allait là pour visiter cette famille. Ma je n’ai jamais oublié, même

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aujourd’hui. Le capitaine Belding m’y promener. Je suis arrêté à m’a demandé si j’avais mes crosses Eastport, dans les magasins de de fougère. Et je lui ai répondu : Oui, l’homme blanc à cet endroit, et j’ai juste ici. Mon père est descendu avec acheté de la crème glacée et une les crosses de fougère et est revenu, et boisson gazeuse. Le gérant m’a tout ce j’ai eu a été une tablette de demandé si je venais de la région. J’ai chocolat. J’avais travaillé fort toute la dit : Non, je viens du Canada. semaine pour une tablette de Apportez-vous des crosses de chocolat. Je ne l’ai jamais oublié. Je fougère? J’ai répondu : Non, ne sais toujours pas aujourd’hui ce pourquoi? J’aimerais en avoir cinq qu’il avait reçu lui-même. Mais je sacs, si tu pouvais en apporter. Je suis gage qu’environ cinquante ou arrêté à la station service pour faire le soixante tonnes de crosses de fougère plein d’essence et la femme m’a dit étaient transportées jusqu’à Saint- qu’elle aimerait avoir 150 livres de Jean, sur la place du marché. On les crosses de fougère. En arrivant à la vendait partout au Canada, et dans frontière canadienne, ils n’ont pas toute la province. Et c’est encore le demandé ce qu’on apportait. Ils m’ont cas aujourd’hui. Mais j’obtiens plus simplement demandé si j’avais des qu’une simple tablette de chocolat crosses de fougère? Et ils m’ont prié aujourd’hui. de leur en apporter. Je leur ai répondu Alice : Oui que je revenais à la maison, mais que Ronald : Mais en ce temps-là, je ne si je pouvais trouver des crosses de comprenais pas ce qui arrivait. Une fougère – voir mon frère – je ferais en tablette de chocolat pour avoir sorte qu’ils en obtiennent. J’ai dit à travaillé fort toute la semaine. Les John : Oh mon Dieu! C’est fou ce que crosses de fougère constituaient un les gens vendent des crosses de commerce important à cette époque fougère autour d’ici. Mais ils ne pour les Indiens, avant que l’homme pensent pas aux autres magasins tout blanc ne s’en mêle. Ils achètent autour, à McAdam, le supermarché de encore des crosses de fougère, mais McAdam, Harvey Station, tous ces personne ne les cueille. Ils les magasins, sans compter tous les achètent aux États-Unis. Les États- magasins en périphérie, à Fredericton Unis veulent les crosses de fougère. Junction, à Geary et tous les autres. Mais les Indiens vont aux États-Unis Personne ne fournit ces magasins, et les rapportent ici. Pourquoi ne les comme à Minto, Chipman et toute vendent-ils pas là? cette région, Boisetown, Millville, qui Alice : Ils obtiendraient plus d’argent à nous demandaient de penser à eux de cet endroit. temps en temps. « Nous vivons ici Ronald : Je suis arrêté à la frontière, en également. Nous aimons acheter de revenant à la maison, après être allé l’artisanat indien, des paniers et des

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manches de hache. Venez nous en Alice : C’est ainsi que la plupart d’entre vendre à nous aussi. Nous en avons eux sont. besoin autant que Fredericton, mais Ronald : Aujourd’hui, ils utilisent la personne ne vient jusqu’ici. » J’ai réserve comme une béquille, comme cessé d’essayer de convaincre les s’ils en avaient besoin pour survivre. Indiens et de leur montrer à J’ai vécu des périodes difficiles, et confectionner des paniers. voici où j’en suis aujourd’hui. Je sais Tom Brooks vivait à cette époque. comment va la vie. Je suis incapable Walter. J’avais une commande de de rester assis à rien faire. Ce n’est New York. Un homme est venu et pas l’argent; pas du tout. C’est une voulait nous acheter des paniers. Je question de tradition, et c’est impor- lui ai demandé « combien? » Et il m’a tant. C’est une question quotidienne. dit qu’il en voulait autant que nous Suivre les saisons, une après l’autre, pouvions en confectionner. Il m’a car tout change avec les saisons, mais demandé d’aller en informer les ils ne comprennent pas cela. Ils Indiens un peu partout. Je suis allé à pensent que tout est pareil, mais ce Oromocto et ici [St. Mary’s], et je n’est pas le cas. Il faut connaître les suis allé à Woodstock, et puis à animaux, les oiseaux, connaître les Tobique et à Kingsclear. Et j’ai dit à arbres et le matériel que vous utilisez Tom Brooks et aux autres Indiens ici pour travailler. Il est impossible de de me fabriquer des paniers, s’improviser et d’obtenir des résultats n’importe quelle sorte de paniers, immédiatement. Les arbres, à une autant qu’ils le pouvaient. Combien certaine époque de l’année, perdent en voulez-vous? Je leur ai dit de leur écorce. Vous pouvez alors 1 500 à 2 000, et j’aimerais les avoir l’utiliser. Il est possible de couper dans trois ou quatre mois. Je vous l’arbre et d’enlever l’écorce. Même accorderai tout ce temps-là. Ils n’ont en utilisant seulement l’écorce, on jamais dit oui et n’ont jamais dit non. peut confectionner des paniers de Personne n’a confectionné de paniers. différentes couleurs. L’écorce de Alors, comment voulez-vous les l’arbre est comme du cuir. On en aider? J’ai décidé que, dorénavant, je faisait des ceintures. On fabriquait ne ferais plus rien pour eux. Si je des courroies d’épaule, de même que voulais faire quelque chose, je toutes sortes de paniers, comme des penserais à moi-même et je laisserais paniers à couture. Étant donné que les autres se débrouiller. Ils ne l’écorce est verte, il est facile de la veulent pas apprendre, ils veulent manipuler. Lorsqu’elle sèche, elle juste rester assis sur leur derrière et devient dure et vous pouvez y avoir tout cuit dans le bec, appliquer une couche de vernis. gratuitement. Et c’est ainsi qu’ils L’écorce se solidifie. C’est la même sont. chose pour le frêne. Après le frêne, il

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y a les crosses de fougère. Puis les et une largeur d’environ trois pieds, rats musqués, car les rats musqués une fois que la peau a été enlevée. Et viennent en premier; au haut de la une fois la peau écorchée et étirée, liste : il y a les rats musqués et le elle a à peu près neuf pieds de gaspareau. Lorsque le gaspareau longueur. La peau est sale et grasse, arrive, c’est également le temps des et c’est comme du shortening, ça pue. crosses de fougère. Puis, la période J’ai écorché neuf ours polaires et suivante est celle des chaises cinquante phoques. Les ours polaires rustiques et des paniers. Et on passe mesurent neuf pieds de longueur et ainsi à travers tout l’été. En juillet, il pèsent 1 500 livres chacun. C’est un est temps de passer à la confection de véritable tapis, qui peut couvrir le paniers de pommes et de paniers de salon; c’est imposant. Lorsque vous pommes de terre. En août, c’est la préservez la bile, elle vaut cent saison des bleuets. Vous voyez, voilà cinquante dollars l’once, juste assez votre saison des pommes de terre, une pour remplir une cuillère à soupe. durée de six semaines. Et à la fin Cette petite bile à elle seule, environ d’octobre, votre saison de piégeage une demi-tasse, vaut de 1 000 à recommence, et votre saison de 1 500 dollars. En la coupant, vous chasse. Et c’est là que tout le monde l’attachez avec une corde de façon à commence à songer au dur hiver ne pas en perdre le contenu. Puis vous froid. Il faut fabriquer les raquettes, la laissez sécher et, une fois sèche, les skis, les traîneaux, les harnais, les vous l’emballez. Ils la mettent dans paniers à dos. Puis vous faites du une bouteille et l’envoient au Japon. piégeage. Les animaux sont en grande Ils en font des médicaments. J’obtiens abondance. dix dollars chacune pour ces petites Alice : Où faites-vous du piégeage? choses. C’est dix dollars pour chaque Ronald : Partout où on peut aller. En sac, et l’homme blanc en obtient cinq empruntant la rivière lorsqu’on peut cents dollars pièce. Et au Japon, cela ramer. En marchant sur la glace, vaut de cinq à six mille dollars. lorsque la rivière est gelée. On piège L’Indien se retrouve toujours au le renard. Dans les bois, il n’y a que mauvais bout du bâton. C’est la les chats sauvages, les martres. Mais même chose que pour le rat musqué. de l’autre côté de la rivière, il y a la Ils ont besoin de fourrures, comme le loutre, le vison, le rat musqué, la vison. Aujourd’hui, vous vendez un belette et bien d’autres. Le phoque, vison que vous avez pris dans un beuh! Le phoque pue, de même que le piège. Un beau gros vison, de vingt- loup de mer. Ça ne me fait rien de les sept à trente pouces de longueur, de attraper et de les dépouiller de leur quatre à cinq pouces de largeur, que peau, mais pas aujourd’hui. Ils ont vous préparez et que vous faites une longueur d’environ quatre pieds sécher, puis que vous vendez. On ne

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Planche 5.4 : Edward Isaac Paul de St. Mary’s, le père de Ron, travaillant sur les fourrures (Musée canadien de la civilisation, 23222)

vous paie que cinq à huit dollars. manteau pour lequel il obtient Lorsque l’homme la revend, il obtient 25 000 dollars. C’est un processus qui cinquante-deux dollars pour chaque ne se termine jamais, et nous avons le peau. Lorsqu’il vend le tout dans un mauvais bout du bâton. La belette et encan à l’intention du monde de la la mouffette. La belette est facile à fourrure, la peau vaut de cent vingt- capturer. Il suffit d’utiliser un de ces cinq à cent vingt-sept dollars, au petits pièges à souris, de tordre le moins. C’est un marché pourri. Puis, ressort et de l’installer. Une belette le fourreur en confectionne un vaut cinq dollars pièce. Mais combien

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d’Indiens ici s’en donnent la peine? là où est située la maison de Connie, La mouffette est également facile à un jour nous étions tous assis sur l’île attraper; il s’agit de la frapper sur la Savage et les hommes du tête avec un marteau et de l’écorcher. gouvernement sont venus nous parler Vous obtenez le plus magnifique d’un marché qu’ils voulaient conclure manteau de fantaisie avec ses lignes avec les Indiens. Une bonne affaire; noires et blanches. La peau de la je voulais que tous les Indiens mouffette vaut cinq dollars, mais ils travaillent ensemble. Il n’arrive que la revendent cinquante-cinq dollars. de bonnes choses lorsqu’il y a de Le manteau est comme de la soie. Les l’argent à faire. Il y avait cinq chapeaux sont magnifiques. Ils les hommes blancs en face de nous, tout confectionnent avec les rayures, ce comme ici maintenant. Les Indiens qui en fait une décoration. Le vison, il étaient derrière ici, écoutant l’homme en faut mille unités pour blanc parler. George Wiseman et un confectionner un manteau. Chaque autre type ont dit : Ce que vous dites partie est différente, chaque couleur. est intéressant, mais nous les Indiens En fait, chaque partie du vison, même n’avons aucune chance lorsque vous les pattes. Les queues de renard, c’est commencez à marchander. Et les la même chose. Ils achètent même Indiens se sont mis à rire. Je me des chiens maintenant et des chats demande bien pourquoi ils disaient domestiques. Lorsque vous visitez les nous, les Indiens… George Wiseman magasins, vous voyez des couleurs vient de l’Illinois, Frederick Bourgoin multicolores; ce sont des chats. [Tuahdiesis] Alice : Qui établit les prix? Alice : Où a-t-il obtenu le nom de Paul? Ronald : Les encanteurs. J’ai tous leurs Ronald : Son nom est Bourgoin, et il noms dans mon atelier. vient de la région de Geary, près de Alice : Est-ce qu’ils viennent tous vous Fredericton Junction. D’où venait le voir pour l’écorchage, Ron? nom de Bourgoin? Mon père a grandi Ronald : Oui. J’ai ma propre clientèle. sur la réserve; c’est pourquoi. Alice : N’est-ce pas vous qui fixez les Lorsque j’ai marié ma femme, elle prix, quant au montant que vous avait quatre enfants; même chose. voulez recevoir? Lorsqu’ils sont allés à l’école ici, je Ronald : Ce sont mes prix. Je fixe le leur ai dit de prendre leur propre nom, prix moi-même, et c’est moi qui Meadows. décide combien ils vont me payer. FIN DE L’ENREGISTREMENT DEUX S’ils ne me paient pas, ils doivent – CÔTÉ UN aller ailleurs. De toute façon, ils ne ENREGISTREMENT DEUX – CÔTÉ peuvent aller ailleurs, car personne DEUX d’autre ne fait ce travail. Lorsque mes Ronald : C’était au printemps. Il y avait filles vivaient dans la vieille maison, des gens qui venaient de Bangor, les

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Indiens de Old Town, Saint-Jean, qui a la forme d’une raquette? L’île Indian Point. Ils venaient tous à Gilbert? Oromocto à partir de Fort Fairfield, Ronald : C’étaient les îles Snowshoe, Andover, Woodstock, Kingsclear, et mais vous ne pouvez plus les voir même des Blancs des États-Unis. Au maintenant. Elles sont situées bien moment de la floraison des au-delà de Kingsclear, à Islandview, pommiers, les Indiens venaient pour entre Islandview et Woodstock, où il participer à la pêche. Environ quatre y avait cinq îles. Elles sont cents canots. Les Indiens se maintenant inondées. Il y avait regroupaient sur le rivage à l’île Jack, également une chute à cet endroit, la à l’île Sheep, à l’île Savage; c’était chute Pokiok et les rapides Stone. Je plein de tentes et de feux de camp. me souviens, car je passais par là. J’y Alice : En quelle année était-ce? suis allé lors de régates d’été une Ronald : En 1938, soit de 1938 à 1943. année, pour une course de canots. Il y avait beaucoup de Blancs qui C’était la plus longue course, et il y venaient juste pour voir les Indiens. avait cent cinquante-cinq canots. Personne, mais tout simplement Alice : Y avait-il uniquement des personne ne se rendait là pour rien. Indiens? C’était le grand partage. Pouvez-vous Ronald : Non, des Blancs aussi. J’ai été vous imaginer tous les Indiens à cet champion pendant onze ans dans les endroit? En les rassemblant tous courses de canots. Tout le monde ensemble, on pouvait compter de voulait mon titre. C’était moi le deux à trois mille Indiens. Et au début numéro un. J’avais une rame en bois de la soirée, vers les sept heures ou dur, de six pieds et demi de longueur, sept heures trente, lorsque le poisson avec des lames de douze pouces. Et commence à s’agiter, tout le monde un ensemble supplémentaire de rames était là. Pauvre vieille Molly et son en cèdre. C’était une course de mari, Peter. Cette femme, on pouvait soixante-trois milles : de Woodstock, l’entendre jusqu’à l’extrémité du en passant par Island Park, jusqu’à fleuve Saint-Jean. Mon oncle avait Fredericton. Vingt mille personnes, l’habitude de dire que c’est pourquoi tout le long du fleuve. J’ai eu on nous appelait Paul. Lorsqu’elle beaucoup de plaisir! Je sortais à peine criait pour Pete, je pouvais l’entendre des bois. J’avais été là d’avril à août. de Woodstock à Oromocto, jusqu’ici! J’étais dans ma première jeunesse, Elle pouvait appeler Pete sans avoir tout musclé. J’arrive là et Birch, besoin d’une corne de bœuf. Elle George Birch, de la Chestnut Canoe avait une voix très forte, et c’était une Company, me dit qu’il a quelques vieille femme dont la voix portait très canots à inscrire dans la course, qu’il loin. mettra deux Blancs dans l’un des Alice : Quelle est cette île à cet endroit deux, et moi et mon oncle dans

104 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1 l’autre. Je lui demande combien ça passés entre les deux. Nous étions coûte. Cent cinquante dollars chacun, côte à côte et ils allaient vite, et je pour la publicité. Je dis : OK. Nous suis passé juste à côté d’eux pour me arrivons là. Il faut apporter soi-même diriger directement sur la réserve. son eau et sa nourriture. Le dimanche Ah Ron! a-t-il dit, pourquoi veux-tu matin, il y a des gens des États-Unis faire ça? Ils sont allés manger et ils ne et de toute la région, jusqu’à Island sont pas revenus. Nous sommes Park, c’était plein de monde. Nous revenus par les rapides, plus étions le centre d’attraction, et on lentement. Harold Sappier, Georgie, faisait tout pour nous; on n’avait cinq canots d’Indiens se sont même pas à lever le petit doigt. On aventurés dans les rapides et se sont nous dit de mettre nos numéros. On retrouvés dans l’eau. Notre canot a les ajuste, on s’installe sur la ligne du frappé les rapides, a sauté dans les rivage et il y a une lignée à partir de airs et il s’est à moitié rempli d’eau. là. Seulement à quelques pas de l’eau. J’ai dit à John de vider l’eau. Il l’a Sur vos marques! Le courant est écopé et écopé sans arrêt. J’ai été mauvais. L’homme tenait le fusil et numéro un tout le long. J’ai fait une lorsque le coup est parti, mon canot a erreur lorsque j’ai changé de place fait un bond d’à peu près dix pieds et avec mon partenaire. Comment a démarré. Les rames propulsaient pouvais-je savoir qu’il ne savait pas vraiment ce canot. Harold Sappier diriger? Nous avons fait le tour de était l’un d’eux, George, l’autre île au lieu de poursuivre avec Jack Waterbury, Harold et William le courant. Il a continué son chemin. [Ween] Nash. Charles Solomon, puis Pendant ce temps, ils étaient passés un type de Tobique et sa femme. J’ai loin devant nous. Je lui ai dit : Mon fait le comique. J’ai fait rire les gens, Dieu, on ne pourra pas les rattraper. comme si j’étais un clown sur le Je lui ai dit de travailler! Et c’était là fleuve. Je courrais après les autres. à Pokiok, à vingt-sept milles de J’ai couru après Charles, et les canots Fredericton. Je lui ai dit qu’il fallait se sont frappés. Il s’est retourné et changer de place. Pour les rattraper, m’a dit : Ne fais pas cela; si tu veux nous devions changer de place. J’ai passer, passe, et ne fais pas le fou. ajouté : Tu vois cette roche là-bas Une fois à Woodstock, et Woodstock devant, au milieu de la rivière. Oui! était à partir d’ici [sa maison] Je lui ai dit de sauter sur cette roche jusqu’au Save Easy de Devon Park et de façon à ce que l’on puisse changer la réserve, vous pouviez voir les de place. Le canot n’a pas arrêté, Indiens sur le rivage encourageant nous avons changé de place et nous leur candidat. « White Pete », avons continué. Il avait l’air d’une Peter Paul de Woodstock et son fils, loutre lorsqu’il a sauté dans le bateau. et Gregory et l’autre, et nous sommes Nous avons travaillé fort, mais notre

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canot a gagné. La Chestnut Canoe ne voudrais pas devenir de la chair à Company, les gens qui nous crocodile. Vous partez de l’Illinois et représentaient, sont arrivés en jusqu’à Bâton Rouge. Oui, et je serais première place. Nous les avons un happât pour les crocodiles. J’ai dit rattrapés à la toute fin et sommes non. Je connais ces eaux, et elles sont arrivés en deuxième place. Mais j’ai dangereuses. Non, pas avec un canot, dû me battre pendant vingt-sept peut-être avec une autre embarcation, milles pour les rattraper et me mais pas avec un canot. Je veux vivre retrouver en deuxième place. Il n’y a un peu plus longtemps. Une bourse que trois canots qui ont fini la course de quinze mille dollars! La bourse ne de soixante-trois milles, et tous les m’intéressait pas, c’était de lutter autres avaient abandonné. Nous contre le courant. Il y a ce bois mort avons eu notre prix. Nous avons reçu sur l’eau qui renverse votre canot et une coupe d’argent, nous avons vous oblige à nager pour sauver votre touché de l’argent, un sac de farine et vie. Et ces crocs; vous leur servez de des oreillers couleur argent. De gros repas. Lorsque j’étais jeune et que coussins de fantaisie. Et ils nous ont j’allais à l’école, je suis arrivé à la dit qu’on avait gagné des prix. Excel- maison un soir après souper. J’entre lent! Nous nous sommes étendus sur dans la maison de mon père, et sur le le quai, là où ils nous interviewaient. sol il y a soixante-dix-huit carcasses Il me dit : Ron. Et je réponds : Oui! Il de ratons laveurs. Au sous-sol, nous me demande s’il peut me poser une avions cent vingt-deux carcasses de question. Et je lui demande laquelle. castors, dix-sept de renards roux. Il Pour le double de l’argent, est-ce que était tout seul. Et je lui ai dit que je tu recommencerais? J’ai dit : voulais apprendre. Il me regarda et Sûrement pas. Descendre, c’est facile me dit : Tu veux apprendre? Et j’ai mais tu ne m’obligeras pas à ramer en répondu : Oui, j’aimerais apprendre remontant jusque là. D’aucune façon. afin de t’aider. Pendant ma jeunesse Neuf heures et dix-huit minutes, c’est et mon apprentissage, il m’est long. Je lui ai dit que ramer contre le souvent arrivé de regretter ces mots. courant, c’est autre chose, et qu’il Car j’ai souvent senti le cuir cru sur faudrait sans doute deux jours. C’est mon dos lorsque je faisais une erreur. le plus difficile. Mais cette même Mais j’ai assez bien appris. semaine-là, ils nous ont appelés en Alice : Est-ce que cela a valu la peine? ville et ils avaient des billets, en fait Ronald : Oui, mais une fois que j’ai eu de billets d’avion, pour participer aux maîtrisé la technique, je suis devenu plus longues régates au monde, le meilleur, le numéro un. Et il se 450 milles : le lac Mississippi, avec contentait de m’aider. L’argent entrait une bourse de quinze mille dollars. comme de l’eau. Savez-vous combien J’ai dit : Il n’en n’est pas question. Je il faut de temps pour accumuler mille

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dollars? pas stupide. Que veux-tu dire, m’a-t- Alice : Non. il demandé? Pourquoi est-ce que je Ronald : Deux jours. Et combien de me débats autant? J’ai donc réfléchi. temps il faut pour accumuler dix Et il a ajouté : Qu’est-ce que tu vas mille dollars? Presque qu’un mois. Et faire? Je lui ai répondu que j’allais tout devient facile après cela. me rendre au bureau des terres de la Alice : C’est ainsi que vous vous êtes Couronne. Que j’allais appeler le donc intéressé au monde de la garde-chasse en chef et lui dire ce que fourrure? j’allais faire. Je l’ai donc appelé et je Ronald : Je travaille dans le monde la lui ai fixé un rendez-vous. Il m’a fourrure depuis que je suis âgé de donc rencontré. Il m’a dit : Voilà un seize ans. Ça remonte à il y a camion; ces deux gars-là vont t’aider. cinquante ans. Et au cours de ces Je suis monté chercher mes cadres, cinquante ans. je suis devenu le tous mes cadres pour étirer les peaux meilleur au Nouveau-Brunswick. Je de renard, de loutre, de vison, de rat me suis bâti une réputation et une musqué et de castor, et mes outils. Je légende. Ma réputation s’est répandue les ai apportés et j’ai lancé mon partout. Et j’ai rencontré beaucoup de entreprise dans le domaine de la gens, dans le secteur des pêches, des fourrure. J’ai repris l’entreprise de la gardes-chasse un peu partout, et fourrure que j’avais avec mon père. même la GRC. J’ai dû arrêter pendant J’ai dit aux gardes-chasse que j’avais un an, car j’occupais un emploi lancé ma propre entreprise. À partir stable. En fait, j’ai travaillé et je n’ai de ce jour-là, je leur ai demandé pas fait de castors pendant cinq ans. d’annoncer que j’étais ouvert pour C’est lorsque je me suis marié avec affaires. Ils devaient le dire aux Phyllis et que les enfants sont nés. trappeurs. Et c’est ce qu’ils ont fait. Lorsque les enfants ont atteint l’âge Nous étions submergés, et nous de dix ou douze ans, la vie était avions plus de cinquante ou soixante encore difficile. On arrivait à peine à clients. Les castors entraient comme manger d’une journée à l’autre. On ne de l’eau. C’est à ce moment-là que savait pas d’où viendrait le repas nous avons commencé à alimenter les suivant. Un jour, nous avons dû – réserves indiennes, un peu partout. pendant l’été – ramer d’une île à J’ai commencé à nourrir tout le l’autre pour pêcher afin de manger. monde, et tout le monde venait me Nous allions cueillir des framboises voir. Benedict arrivait avec son gros et préparions des tartes. Puis les traîneau. Donne-m’en cinq, Ron, pommes à l’automne. Je craignais disait-il. Je lui répondais de les pren- l’hiver, les hivers rigoureux. L’année dre lui-même. Dick en ramassait deux suivante, j’ai demandé à mon père ce ou trois. Tina avait faim et elle en qui n’allait pas avec moi? Je ne suis voulait davantage. Roger et Rita,

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c’est Roger qui venait. Artie, son Walter Brooks. Mon père en a cuit père, venait également. Puis le père quelques-uns; en fait, il en a cuit trois de Tony Gabriel, qui en prenait deux. pour nous. Et j’ai dit par la suite : Donne-lui-en une couple de petits. Jamais je ne me moquerai de la Les ratons laveurs sont bons à man- viande de raton laveur à l’avenir. ger, mais je n’ai pas vu d’Indiens les Alice : Je crois que chacun a sa prendre. Walter Brooks et préférence pour ce qui est de la Tom Brooks, de même que Paul et viande. Frank, Pete et Robert, Clarence, le Ronald : Oui, de quelque façon que ce père d’Hubert, ils voulaient des ratons soit. Mais je vous dirai une autre laveurs, du castor et du rat musqué. chose que les gens ici ne savent pas. J’ai dit à Walter : Lorsque tu feras Ou encore que les Blancs ne savent cuire ce raton laveur, apporte-m’en un pas, pas seulement les Indiens. J’ai morceau. Je veux voir comment ça reçu des Noirs, mais je vous dirai goûte. Certainement, Shawnee. autre chose. Des Chinois sont venus Lorsque le raton laveur est cuit, vous me voir. En fait ils étaient cinq. L’un enlevez le gras, vous enlevez la peau, d’eux m’a dit : Ronald, j’ai entendu et ce qui vous reste, c’est la viande. dire que tu donnais de la viande. Des C’est cent fois meilleur que le poulet gens qui sont dans le besoin, qui et c’est croustillant. connaissent vraiment des difficultés. Alice : En avez-vous mangé Je me fais payer pour cette carcasse à récemment? la livre. J’ai répondu que le gras et Ronald : Oui. tout le reste, j’étais prêt à le vendre. Alice : Laissez-le-moi savoir lorsque J’ai dit que je vendais des carcasses, vous en aurez à nouveau, car qu’elles servaient de fertilisant ou j’aimerais y goûter. encore à la fabrication de détergent, Ronald : Mon oncle Frank disait que je de savon et de talc. J’ai demandé manquais quelque chose. Je lui ai pourquoi il voulait les carcasses et il répondu qu’il avait raison, car m’a dit qu’il voulait m’acheter les personne ne me l’avait déjà chats sauvages. Je lui ai répondu que mentionné. C’est une viande qui a je ne savais pas combien j’en avais. très bon goût. Oui, c’est un peu Je les ai sortis, ils étaient tous gelés, comme du poulet. Un peu plus et nous les avons empilés à cet croustillant, pas de goût particulier, endroit. Les chats sauvages sont de pas d’odeur, c’est croustillant. Et il cette longueur, tout comme les m’avait dit que tout le monde jette chiens, sans gras et c’est de la viande cette viande sans aucune raison. Et blanche. Il m’a offert cinq dollars que personne n’essaie de la faire pièce. Il les a payés et il les a mis là. cuire. Il mentionnait que c’était très J’ai dit : Les gens viennent ici pour la bon. Ils en ont pris cinq chez viande qu’ils peuvent manger. Il m’a

108 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1 répondu que c’était la même chose par la suite. Les gens du parc pour lui. Je lui ai demandé ce qu’il Wolastoq viennent également me allait en faire? Il m’a regardé et s’est voir. Et aussi les grands éleveurs de mis à rire. Du chow mein. J’ai Saint-Jean, de même que ceux répondu : Oh! Mon Dieu! Les sept d’Halifax, de Truro, de Sackville et mers, ces restaurants chinois. Du de Moncton. Vous ne savez donc pas chop suey et tout le reste. Il m’a ce que vous mangez lorsque vous répondu que ce que les gens ne allez à ces endroits. Et ils disent que savaient pas ne pouvait leur faire du les Indiens mangent mal. Il y a bien mal. Il m’a dit qu’il me garantissait plus que seulement du pain indien. que lorsqu’ils utilisent cette viande, FIN DU DEUXIÈME les gens ne font pas la différence. Et ENREGISTREMENT ils sont revenus à plusieurs reprises

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6. Conserver les semences pour l’année suivante

CHARLES SOLOMON SR. PILICK / PREMIÈRE NATION DE KINGSCLEAR

« Ce qui était bien, en ce qui a trait à la médecine, c’est qu’elle essayait toutes sortes de choses. Elle avait l’habitude de m’amener avec elle, car je l’aidais toujours pour toutes sortes de médicaments. Elle m’expliquait alors ce à quoi chaque médicament servait, et à quel moment le prendre. Par exemple, la racine de calame, il faut la cueillir à l’automne, juste avant que le sol ne gèle. Et c’est très important, car un autre élément qu’il ne faut pas oublier est d’apporter un couteau lorsque l’on creuse pour extraire la racine de calame. Cette racine pousse toujours à ras le sol. Il faut se servir du couteau de chaque côté et enlever la Terre mère puis, à genoux, vous prenez votre couteau et vous coupez toutes les petites racines. La raison d’être de cette façon de procéder est que vous laissez les semences pour l’année suivante, et vous ne tuez pas la plante de cette façon. Vous savez, vous prenez la racine... »

Planche 6.1 :Kiwhosuwasq ou racine de calame (photo de Viktoria Kramer)

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Alice : Pour commencer, j’aimerais en s’établissaient à cet endroit? savoir davantage au sujet de Jemseg. Charles : À cet endroit et le long de la Charles : Pour ce qui est de Jemseg, il vallée du fleuve Saint-Jean et, que je faut dire que beaucoup de nos me souvienne, plus bas vers ancêtres vivaient le long du fleuve Gagetown. Et beaucoup d’Indiens Saint-Jean. À l’endroit où le pont sont encore là, du moins un certain devait être érigé, j’ai constaté que nombre. Et en amont, nous avons beaucoup de fouilles avaient été Oromocto. Ce qui nous mène un peu effectuées, mais qu’on n’avait pas plus haut sur le fleuve Saint-Jean, découvert d’ossements. C’est l’une comme à St. Mary’s. J’avais des choses que je leur avais dit l’habitude d’aller à l’ancienne lorsque je suis allé là, soit de tout réserve, celle qui était située près du arrêter s’ils trouvaient des ossements. fleuve. Les Indiens ont toujours aimé Alice : Oui. s’établir près du fleuve. Et c’est de là Charles : C’était acceptable. C’est l’une qu’ils tiraient leur nourriture. Ils des choses que je disais à Pat, qu’il avaient toujours des canots, car ils était correct d’effectuer des fouilles, voyageaient en canot. Et il y a jusqu’à ce qu’ils trouvent des toujours eu beaucoup de gens à ossements. St. Mary’s. L’été, ils avaient Alice : Comment appelaient-ils cet l’habitude de se rendre à endroit, où ils effectuaient les Brown’s Flat, Westfield, Grand Bay, à fouilles? Étais-ce Indian Point? tous ces endroits, particulièrement à Charles : Oui, c’est bien ça! Un autre l’arrivée de la saison touristique. point à souligner est qu’il y a Pendant l’été, ils allaient là et ils beaucoup de colons qui se sont établis vendaient leurs paniers ou les articles à cet endroit, des Blancs. C’est d’artisanat qu’ils avaient fabriqués. pourquoi il est possible qu’une bonne Alice : Est-ce qu’ils faisaient de l’argent partie des choses qu’ils trouvent ne à cette époque? nous appartiennent pas vraiment. Ce Charles : L’argent n’était pas si impor- sont vraiment des colons blancs qui tant et il n’y en avait pas vraiment se sont établis à cet endroit. beaucoup. Vous voyez, ce que vous Alice : Mais ils trouvent beaucoup de pouviez acheter pour un dollar à choses comme des perles et des l’époque, c’est à peu près ce que vous pointes de flèche. pouvez acheter pour deux cents Charles : C’est sans doute, je crois, que dollars aujourd’hui. ça illustre à quel point nous avons Alice : Oui. toujours aimé nous joindre à nos Charles : Vous pouvez acheter du pain, frères, les Blancs. Nous les des œufs. Et je peux me rappeler de accueillons comme nos frères. mon père et de ma mère – vous savez, Alice : Est-ce que les Indiens lorsqu’ils confectionnaient des

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paniers - ici pendant les mois d’hiver. même une piste. C’était l’une de leurs activités pen- Alice : Sur l’île? dant les mois d’hiver. En fait, ils Charles : Oui, sur l’île Savage. Ils se confectionnaient des paniers tout rassemblaient là assez souvent. C’est l’hiver. Puis, ils les vendaient pour là qu’ils tenaient leurs courses, sur obtenir des provisions. Ils avaient une une piste. C’est là qu’ils tenaient très grosse boîte dans laquelle ils leurs compétitions. Beaucoup mettaient les paniers de fantaisie. Il d’Indiens étaient très rapides. Je me s’agit de ceux qu’ils apportaient souviens de mon père et de mon pendant les mois d’été, parce que oncle, et de beaucoup d’autres qui se mon père et ma mère avaient rendaient là pour des compétitions. Et l’habitude de descendre à Brown’s ils s’établissaient là par la suite. Flat, de ce côté-ci de Westfield. Ils Alice : Y a-t-il un cimetière sur cette semblaient vraiment s’installer par île? sections. Ma tante, mon grand-père et Charles : Oui, il y en avait beaucoup à ma grand-mère avaient l’habitude de l’époque. Ils avaient l’habitude, vers se rendre à Westfield, où ils vendaient mai ou juin, de s’y rendre pour la leurs paniers et tout le reste. Ils pêche. Ils utilisaient des harpons. avaient beaucoup de frêne, vraiment, C’était fascinant également de voir le et ils fabriquaient des paniers sur poisson remonter le courant. En effet, place. C’est une autre chose que le courant est plutôt fort à cet endroit. faisaient les gens à l’époque. C’est Le poisson remontait en roulant sur lorsque vous confectionnez un panier les vagues de courant. C’est à ce que les Blancs aiment en acheter moment-là qu’ils les harponnaient. Ils d’autres. Parfois ils attendent jusqu’à utilisaient un harpon d’à peu près ce que le panier soit terminé, et ils cette longueur, en métal, muni d’un veulent l’acheter immédiatement. petit crochet. Et en touchant le C’est parce qu’ils voient comment il a poisson, le mécanisme s’ouvre et été confectionné, quand il a été c’est comme… c’est pointu. De cette terminé. Et c’est une chose qu’ils… façon, le poisson ne peut se libérer. Alice : C’est sans doute un processus Leur chair était ferme et bonne à d’apprentissage pour eux. manger. Je me rappelle, quand j’étais Charles : Oui. Et à cet endroit, Eqpahak jeune, que mon père en attrapait et – c’est à dire Springhill – beaucoup que c’était bon, très bon. d’Indiens avaient l’habitude d’y Alice : En quelle année était-ce? vivre. C’est là qu’il y a le champ de Charles : Eh bien! Quelle année? Je tir. Et sur l’île, vous savez. L’île devais être âgé de cinq ou six ans, et Savage est un autre endroit où les j’ai aujourd’hui soixante-seize ans, Indiens avaient l’habitude de se c’est donc il y a soixante-dix ans rassembler fréquemment. Il y avait [vers 1927-1928]. Je me rappelle que

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Planche 6.2 : La pêche au saumon à la lumière d’une torche, au Nouveau-Brunswick, dans une scène semblable à celle qui est décrite par M. Solomon (Archives publiques du Canada, C-30873).

mon père apportait du poisson à la jour : Eh bien, mon frère! C’est à maison. Je me rappelle également mon tour d’attraper le saumon ce soir. qu’ils avaient l’habitude de harponner Très bien! Ils descendaient dans le le saumon. Ils faisaient ça la nuit. Et sens du courant et mon père a vu une c’était toujours ici près de la barre, un grosse éclaboussure. Il lui dit de se bon endroit [Kingsclear] pour le préparer, car il y avait un gros poisson saumon. Et mon père en attrapait qui s’en venait. Lorsque le saumon se toujours deux, car il y en avait présenta à côté du canot, le vieil toujours deux qui se tenaient ensem- homme le toucha. Comme de raison, ble. Les Indiens partaient dans un il lâcha la tige et elle se retrouva sous canot, et ils installaient une autre le canot. Il est donc tombé à l’eau à grosse tige à l’avant à laquelle ils dix ou douze pieds du canot. Mon avaient enroulé de l’écorce de père a dû le ramasser. Il ne faut bouleau qu’ils avaient enflammée. Ils jamais perdre le saumon, car le descendaient le courant, et la lumière harpon que vous utilisez est semblait attirer le poisson, et le simplement comme (pause). J’en ai poisson en question c’était du un petit ici que j’utilise lorsque je fais saumon. Frank Francis, le copain de une tournée des écoles. Et c’est le mon père à ce moment-là, car ils même principe que le harpon pour le étaient toujours ensemble, lui dit un saumon, tout comme une griffe. Ils

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Planche 6.3 : Paqlous ou Angelica (photo de Viktoria Kramer)

avaient l’habitude d’utiliser un os reconnaissant de ce que vous aviez pour tuer le saumon. Puis ils ont reçu. Et c’est une autre raison pour utilisé une longue tige d’environ dix laquelle nous utilisons du tabac. pieds. Puis ils ont utilisé du cuir vert, Lorsque la chasse ou la pêche est car il s’étire. Dès que vous touchez le fructueuse, comme lorsque nous saumon, tout comme des mâchoires, prenons du poisson, nous jetons du le mécanisme semble s’ouvrir et tabac dans l’eau. Nous remercions lorsque le saumon est touché, il ainsi le Grand Esprit pour la semble se refermer. Et vous êtes sûr nourriture que nous avons reçue. Et de tenir votre saumon lorsque vous le nous devons donner en retour. Cette touchez. Il y a une chose qu’ils n’ont tradition vient de – en fait, le tabac jamais fait, soit de prendre plus de que nous utilisons est un tabac saumon qu’ils ne voulaient en man- d’écorce de saule rouge. C’est ce ger. Sans doute deux saumons chaque tabac que j’utilise maintenant, et j’en soir. Et s’il y en avait d’autres qui prépare beaucoup. Puis, j’en ai sur n’avaient pas autant de succès dans moi tout le temps. Bien souvent, c’est leurs prises de saumon, mon père et comme aller chercher des son copain allaient en attraper médicaments. La médecine des quelques-uns de plus. Puis ils les Indiens est (pause) c’est ainsi que j’ai donnaient aux autres. Dans le passé, appris de ma grand-mère. Je suis un « tout ce que vous receviez de l’eau ou guérisseur » et ma grand-mère était de la Terre mère, vous étiez toujours une « guérisseuse ». Elle était très 115 KCI AKONUTOMAKONAL – Témoignages importants et histoire orale

bonne. C’est elle qui accouchait sur la au centre de la tige et vous réserve. Et les femmes n’avaient pas l’accrochez pour le faire sécher besoin d’aller à l’hôpital. Ma tante pendant l’hiver. Cette racine de était également une véritable sage- calame agit tout comme la pénicilline, femme. Et je sais que ma grand-mère car elle sert à guérir toutes sortes de et ma tante ont à leur deux aidé à maladies. Et ce n’est là qu’un accoucher tous les bébés qui sont nés exemple (pause) Il y a tellement sur la réserve. Ce qui était bien, en ce d’autres racines que nous faisons qui a trait à la médecine, c’est qu’elle ainsi sécher. C’est comme essayait toutes sortes de choses. Elle l’Eupatorium perfoliatum, connue avait l’habitude de m’amener avec sous le nom de Bone-Set, qui est une elle, car je l’aidais toujours pour plante très, très importante pour notre toutes sortes de médicaments. Elle système. En fait, le Bone-Set permet m’expliquait alors ce à quoi chaque de durcir les os dans le corps. Et c’est médicament servait, et à quel moment vraiment très efficace pour le rhume. le prendre. Par exemple, la racine de Mais si vous avez le rhume, le calame, il faut la cueillir à l’automne, meilleur médicament est la juste avant que le sol ne gèle. Et c’est salsepareille. Vous la mélangez avec très important, car un autre élément la racine de calame. En fait, la qu’il ne faut pas oublier est salsepareille vous fait transpirer. d’apporter un couteau lorsque l’on C’est ainsi que pour transpirer creuse pour extraire la racine de lorsque vous avez un rhume ou la calame. Cette racine pousse toujours grippe, vous les prenez ensemble, à ras le sol. Il faut se servir du puis vous vous recouvrez bien au couteau de chaque côté et enlever la chaud. Vous prenez ces remèdes avant Terre mère puis, à genoux, vous de vous coucher le soir, et vous suez prenez votre couteau et vous coupez tellement que le lendemain vous vous toutes les petites racines. La raison sentez mieux à nouveau. Je disais au d’être de cette façon de procéder est médecin, et c’est ce qu’elle disait que vous laissez les semences pour également : Vous savez, vous n’avez l’année suivante, et vous ne tuez pas plus à venir me voir. Et j’ai ajouté la plante de cette façon. Vous savez, que maintenant j’étais également un vous prenez la racine. Une fois que médecin. Et c’est ce que j’ai dit vous avez cueilli la racine, vous depuis que ma grand-mère m’a l’apportez chez vous, vous la nettoyez enseigné la médecine. Elle était très et vous en enlevez la saleté. Et après heureuse et elle disait : Tu sais, je sais l’avoir nettoyée, vous la coupez en que ta médecine est puissante. Elle sections de deux à trois pouces de est pure à 100 pour 100. Leur longueur. Vous préparez une aiguille médecine, c’est une médecine diluée, avec une corde, vous enfilez le tout et elle n’est pas pure. Dans leur cas,

116 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1 c’est à l’argent qu’ils pensent. Mais l’une des choses auxquelles je pense. nous, vous savez, nous ne pensons Beaucoup de jeunes aujourd’hui jamais à l’argent. Lorsqu’une pourraient apprendre à confectionner personne donne des médicaments à des paniers. Comme au cours de l’été, une autre, elle vous donne du tabac en au cours des dernières années, ils échange de ces médicaments. Et les avaient l’habitude de se rassembler au paniers, ils étaient très importants, parc Mactaquac. Et ils allaient là, vous savez. C’est de cette façon que parfois toute la journée, car il y avait mon père et ma mère mettaient du des personnes qui y campaient. Ces pain sur la table. Pendant l’hiver, par personnes venaient ici le matin afin exemple, il y avait beaucoup d’apprendre comment nous d’agriculteurs ici, sur l’autre rive. Et confectionnions les paniers, et elles en confectionnant des paniers, apprenaient à les confectionner elles- parfois, nous ne faisions pas d’argent. mêmes. Mais il faut se nourrir. C’est ce que Alice : Vraiment? Étaient-ce de jeunes disait mon père, c’est qu’il faut Blancs? mettre de la nourriture sur la table. Et Charles : Non, nos enfants. mon frère et moi avions l’habitude de Alice : Nos enfants? traverser le fleuve avec tout un lot de Charles : Et c’est important, car nous paniers afin de les offrir aux commençons juste à transmettre la agriculteurs. Ils avaient l’habitude connaissance à notre peuple. d’avoir beaucoup de porc, des têtes Alice : Ce n’est pas un genre de situa- de porc, et ça ne coûtait rien. On allait tion que l’on voit souvent n’est-ce les chercher et ma mère les aimait pas? bien, car elle faisait de la tête Charles : Eh bien! C’est une de mes fromagée. C’était l’une des façons de activités. mettre de la nourriture sur la table. Alice : Je veux dire qu’ici, c’est bien. Dans ce temps-là, il n’y avait pas de Mais ailleurs, dans d’autres bien-être social ici. Donc tout ce qu’il réserves… y avait sur la table, vous l’aviez Charles : Non, il n’y a plus beaucoup de gagné vous-même. Tout le monde gens maintenant. apprenait à confectionner des paniers Alice : Non. lorsque nous étions jeunes. J’avais Charles : Seulement une ou deux l’habitude de confectionner les fonds, personnes de St. Mary’s, qui prennent principalement pour les poignées vraiment le temps de s’asseoir et de avec une anse. Je tissais le fond et je confectionner un panier. le mettais de côté, et quelqu’un Richard Polchies, il est à peu près le d’autre le prenait et lui donnait une seul. forme et confectionnait le reste du Alice : Je pense que Mike Sacobie en panier. C’était important. Et c’est confectionne aussi. Je l’ai rencontré

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au magasin l’autre soir et il fabriquait de situation, et je leur ai répondu qu’il des paniers dans son sous-sol. fallait tout simplement me rendre Charles : Oui, c’est une chose qu’il faut mon pays. J’ai ajouté que je ne transmettre à notre descendance. voudrais plus l’avoir aujourd’hui, car Alice : Oui, nous risquons de perdre l’homme blanc a abîmé notre pays. Et cette connaissance. il n’y a aucun moyen de le ramener à Charles : Et c’est vraiment important. son état d’origine. Il faudrait en effet Nous avions l’habitude de traverser le éliminer les usines et tout ce genre de fleuve pour vendre les paniers, et choses, comme la pollution dans l’air. nous rapportions à la maison, bien Prenez le fleuve Saint-Jean; mon souvent Joe et moi avions l’habitude grand-père me disait, lorsque j’étais d’y aller, tout ce que nous pouvions tout jeune, qu’ils avaient l’habitude transporter : des pommes de terre, des de remonter le fleuve jusqu’ici, d’y carottes, du navet et des œufs, du puiser de l’eau et de faire du thé. Il poulet, des betteraves et du porc. me disait qu’un jour nous ne serions Nommez-le, nous avions tout, que plus capables d’utiliser cette eau, ce nous obtenions en échange de nos qui est le cas maintenant. Je ne paniers. Et mon oncle, en fait chacun voudrais pas boire cette eau. Toutes d’eux sur la réserve confectionnait ces villes en amont du fleuve, toutes des paniers en ce temps-là. Par ces usines, toute cette saleté qui est exemple, à cette époque de l’année, déversée dans le fleuve Saint-Jean. vous savez, et encore une fois, on Comment pourriez-vous purifier tout n’entend plus personne marteler le cela? Pour ce faire, il faudrait frêne. C’est vraiment dommage, car éliminer tous les égouts qui se jettent nous perdons cette connaissance. Non dans le fleuve Saint-Jean. C’est ce seulement cela, mais en ce qui que me disait mon grand-père. Et la concerne le frêne, il y a tellement de même chose pour le poisson, comme pluies acides qui tuent le frêne, le saumon. Dans quelques années, le aujourd’hui. Et cela vaut également saumon que l’on voit ici, on ne pourra pour les érables. L’agriculteur situé de plus le consommer en raison de la l’autre côté du fleuve entaillait ses pollution du fleuve. Et ceci aura des arbres à chaque printemps. Il répercussions pour tout le monde. recueillait la sève pour fabriquer des Donc, si nous examinons la pollution bonbons, du sucre et d’autres sortes que les Blancs ont apportée, il y a lieu de produits. Et il disait : Ça fait mal de s’interroger. Car il y a environ au coeur, car les arbres ont bel trois ans, à Fredericton, on m’a apparence, mais ils sèchent, ils demandé si je pouvais participer à un meurent, et ce n’est pas bon. effort de purification de l’eau dans le Beaucoup de gens m’ont demandé ce fleuve Saint-Jean. Je leur ai répondu qu’il fallait faire pour éviter ce genre que j’en serais incapable. Ils m’ont

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demandé pourquoi? Je leur ai dit que CÔTÉ UN les Autochtones devraient participer à ENREGISTREMENT DEUX – CÔTÉ cet effort. Je leur ai dit que les DEUX Autochtones les regarderaient en Alice : Que faisiez-vous ici pour vous pensant qu’ils sont fous d’essayer de divertir et autres activités du genre, purifier l’eau. Vous vous y imaginez en ce temps-là? tout ce qu’il faudrait faire pour Charles : Quoi? éliminer les égouts qui ont été Alice : À quoi occupiez-vous vos déversés dans le fleuve Saint-Jean? loisirs? Comment peut-on purifier l’eau? Charles : Nous avions toutes sortes de C’est la raison pour laquelle je ne loisirs, comme jouer au hockey, ce voudrais pas y participer. Ils ont qui était un exercice très rigoureux, répondu qu’ils étaient déconcertés, et mais uniquement pour le plaisir. je leur ai dit que je l’étais également. Notre façon de jouer, ce n’était pas le C’est pourquoi je crois que je ne nombre de buts qui se comptaient de voudrais pas participer, en ce qui me chaque côté, mais plutôt l’exercice concerne. Regardez l’air, c’est la que nous pouvions en tirer. On ne même chose. Je pensais à toutes ces cherchait jamais à dominer capsules qu’ils envoient dans l’adversaire, car c’est un jeu. C’était l’espace. J’observe ce genre de uniquement pour le plaisir. Même choses (pause) depuis le début. chose pour le jeu des osselets. Vous Chaque fois qu’une capsule est lancée savez, ce jeu que l’on joue pendant dans l’espace, l’ozone s’ouvre dans l’été avec des pierres. Vous jouez et l’Arctique et l’Antarctique, et chaque vous les lancer, puis vous commencez fois, combien de pression pensez- à les ramasser une par une. Et vous vous est exercée sur la terre? Notre recommencez. Le jeu de cache-cache planète terre est malade aujourd’hui. en était un autre. Il y avait comme un Le cancer était une maladie à peine but qu’il fallait toucher, et le dernier connue avant qu’ils entreprennent ce qui était attrapé devrait rester là genre d’activités, et aujourd’hui tout pendant quelque temps. Prêt ou non, le monde a le cancer. L’air que nous j’arrive. C’était très amusant. La lutte respirons est malsain. Encore une indienne. En fait, la lutte indienne fois, j’observe la situation et je me dis consiste uniquement à déséquilibrer que chaque fois qu’ils envoient des l’adversaire. Vous étendez la main capsules dans l’espace, il y a de la comme ceci et vous tirez votre pollution sur la planète terre, de adversaire vers vous. Dès que vous le même que des éruptions volcaniques, sortez de la ligne, vous gagnez. des tremblements de terre, de graves Vraiment, c’est une question tempêtes et des tornades. d’ingéniosité et de rapidité. Puis il y FIN DE L’ENREGISTREMENT UN – avait les petits bâtonnets. On avait

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l’habitude de couper de petits carrés, fabriqués en bois, et qui bâtonnets, qui ressemblaient à un étaient marqués. Et comme c’était fusil ou à petit rouleau à pâtisserie. tous de bons sculpteurs de toute Ou lorsqu’ils les tenaient dans la façon, tous les petits blocs étaient main, comme ceci [à la verticale], ils sculptés. Vous auriez dû voir leurs ouvraient la main en les laissant sculptures. Mon oncle était l’un tomber sur la table et alors un simple d’eux, et il a une rame qui est bâtonnet était l’équivalent d’un sous, exposée au bureau de poste, à l’étage puis un petit fusil cinq sous. Et un supérieur. Le travail de sculpture sur double fusil, comme ils l’appelaient, cette rame est inoubliable. C’est le un double fusil valait dix, comme dix genre d’activités auxquelles ils points. Et lorsque vous réussissiez à s’adonnaient. Je me rappelle que ramasser tous les bâtonnets, c’était Dave faisait beaucoup de sculptures. très agréable. Il fallait alors utiliser Il faisait des petites têtes d’indiens, à une éclisse, fabriquer un petit crochet, peu près de cette hauteur. Ils s’en et c’est pourquoi tous ces bâtonnets servaient comme arrêts de porte. Et sont comme ça. Et dès que la pile ils faisaient en sorte qu’on voit toutes bouge, vous devez arrêter et vous les plumes et le visage (pause). Ve- recommencez. ronica s’occupait de les peinturer. Alice : C’est comme ces jeux de tiges Dave les sculptait. Joe et moi avions qu’ils vendent maintenant dans les l’habitude d’aller chercher du cèdre magasins et qu’il faut ramasser. pour Dave, de façon à ce qu’il puisse Charles : Puis après que tout est travailler. Cela mettait du pain sur la terminé, vous calculez combien vous table. Vous voyez, c’était du travail en avez. Et celui qui en a le plus d’équipe. Aujourd’hui, tout a changé, grand nombre est le gagnant. C’était c’est comme la souque-à-la-corde. vraiment amusant. Un autre jeu était C’était amusant dans le temps. celui des osselets [Altestakon]. On Alice : Est-ce que vous organisiez des utilisait une petite assiette en bois, danses? que l’on peinturait en rouge sur le Charles : Mon père était vraiment bon, dessus et en blanc de l’autre côté. On ainsi que mon oncle. Jack Solomon mettait une couverture sur le banc et les réunissait et organisait des danses on faisait tourner l’assiette (pause), indiennes. Mon père était doué pour c’était tout un jeu. Encore une fois, chanter, et mon oncle également. on utilisait des bâtonnets, et celui qui C’était vraiment agréable tous ensem- en avait le plus grand nombre était le ble le soir. Et une autre activité qui gagnant. C’était un jeu qui pouvait était fréquente, lorsque quelqu’un durer très longtemps. Je me souviens bâtissait une maison, c’est qu’il des échecs, car on fabriquait nos n’avait pas à la construire tout seul. propres pièces. C’était de petits Tous les hommes se réunissaient et

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Planche 6.4 : Jack Solomon, oncle de Charles Solomon, ramant dans un canot (Musée canadien de la civilisation, 16448)

fournissaient leur aide. Tout le monde journée. Tout le monde se rendait là allait l’aider à construire sa maison. pour apporter ses vêtements. Et vous Quant aux femmes, elles se étendiez vos vêtements sur les réunissaient et cuisinaient ensemble, arbustes ou sur une tige ou à peu près et tout le monde mangeait ensemble. n’importe où. Et elles étendaient une Oh! c’était vraiment agréable de voir corde à linge, et elles étaient là toute tous ces gens travailler ensemble la journée. Une fois les vêtements comme ça. Un autre souvenir est que lavés et séchés, elles les pliaient et les nous n’avions pas l’eau courante. Les remettaient dans leur panier. En se femmes se rendaient au ruisseau. rassemblant comme ça, elles Elles apportaient une cuve et apportaient leur nourriture de façon à préparaient un feu, et elles lavaient pouvoir la préparer sur place et les vêtements. Elles étaient là toute la (pause)

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Alice : Ce n’est plus comme ça personne âgée de rentrer à l’intérieur aujourd’hui. et que vous allez entrer les sacs pour Charles : Non, il n’y a plus d’entraide. elle. Il s’agit de petites choses que les C’est une honte lorsqu’on voit com- jeunes ne font plus aujourd’hui. Vous ment on pourrait s’entraider. C’est savez, on ne s’entraide pas une chose qui me manque, car si vous suffisamment. C’est vraiment n’avez pas ceci [indiquant l’argent], déplorable. Car selon moi, le simple personne ne s’intéresse à vous. C’est fait d’aider une personne à traverser vraiment déplorable. Dans le cas des la rue représente beaucoup pour elle. personnes âgées, elles souffrent Même aujourd’hui, lorsque quelqu’un beaucoup. Prenez les jeunes, par veut m’aider à marcher sur une route exemple, qui se moquent d’elles glacée, je suis heureux. Si vous lorsqu’elles ramènent de l’épicerie à tombez, vous pouvez vous fracturer la maison. Vous savez, au lieu d’aller une hanche. Cela arrive si facilement. les aider à ramasser les paquets. Je Et les jeunes, je ne sais pas à quoi ils me rappelle lorsque je vivais à Old pensent. On dirait qu’ils ne pensent Town, il y avait toujours quelqu’un qu’à obtenir de la boisson et à fumer. pour aider les personnes âgées. C’est la réalité. Et nous continuons Lorsque vous voyez quelqu’un qui d’essayer d’atteindre nos jeunes à ce arrive en voiture ou parfois en taxi, et sujet. Vous dites à une personne que que cette personne a environ de dix à ça va lui faire du tort, et elle n’arrête douze sacs. Mon petit-fils allait pas. Le médecin vous dit que si vous toujours aider; vous dites à la continuez de boire vous allez mourir,

Planche 6.5 : Kingsclear, célébration du jour de la Fête-Dieu, vers 1887 (Archives provinciales du Nouveau-Brunswick, P5-170)

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et personne n’écoute. C’est comme [de sobriété]. ma nièce récemment; je lui ai dit il y Alice : J’en arrive à ma vingt-quatrième a trois ans que si elle continuait, elle année [de sobriété]. allait se tuer à force de boire. C’est Charles : Il existe des choses exactement ce qui lui arrive. Elle est importantes. Je n’ai eu qu’à me actuellement à Saint-Jean, en pleine rendre à une rencontre pour voir dépression. Vous savez, c’est l’alcool, comment on allait m’aider. Maynard et c’est vraiment néfaste. C’est est mon parrain et j’avais l’habitude vraiment déplorable, car je ne sais pas de le ramasser lorsque j’étais au pourquoi, mais beaucoup d’entre Connecticut. Il était si lent. nous ne semblons pas être capables Alice : Maynard de Houlton. de nous réveiller. Charles : Non, de Tobique. Et depuis Alice : Je ne sais pas. J’ai des enfants, qu’il s’est joint aux AA, il a aidé j’en ai trois, et ils prennent de la vraiment beaucoup de gens. Il a aidé boisson et de la drogue. Je ne peux mon frère, car Dave et lui rien leur dire, car ils ont toutes les travaillaient ensemble à Niagara réponses. Comment était-ce pour Falls, New York. Maynard a insisté vous? Quant à moi, j’ai bu pendant sans arrêt. Finalement (pause) Dave, près de sept ans, et quelqu’un est même au travail, vous savez. Il a venu m’aider. même appelé un taxi pour lui apporter Charles : Quant à moi, j’ai trente-six ans une bouteille de whiskey à la maison.

Planche 6.6 : Première nation de Kingsclear, le jour de la Fête-Dieu, vers 1887 (Archives provinciales du Nouveau-Brunswick, P5-379)

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Et la fin de semaine, à son retour à la Alice : Quand tout cela a-t-il commencé maison, il avait acheté deux bouteilles à changer? de whiskey. Il en avait terminé une et Charles : Je ne sais pas. Le père avait entamé la deuxième lorsqu’il a Coghlan a sans doute été le dernier décidé de se rendre au Merritt ici. Parkway. Il allait dépasser cette Alice : Le père Hogan? voiture lorsque cette dernière a décidé Charles : Coghlan. C’était il y a déjà de dépasser celle qui était devant elle. longtemps; j’étais assez âgé à Il a dû prendre l’allée du centre et, l’époque. Et c’est ainsi que les choses comme il le disait lui-même, s’il y se passent, vous savez, et ça fait avait eu des arbres à cet endroit, il réfléchir. Donc, les jeunes aurait pu se tuer. Et lorsqu’il s’est d’aujourd’hui, je ne sais pas. Je crois arrêté, il a vu un endroit où garer sa que le fait de s’éloigner de l’Église a voiture. Il a enjambé le parapet et il a des répercussions sur leur attitude. Et fait éclater sa bouteille. Il a dit qu’il on se le demande vraiment, car le s’était presque tué avant de se temps va arriver, et ce n’est plus très réveiller. C’est une chose que je peux loin. Prenez par exemple lorsqu’ils voir, mais que beaucoup d’autres ne ont vu la Sainte Mère à Halifax et voient pas avant d’avoir fait un pas de qu’elle pleurait. C’est comme je plus vers la tombe. C’est aussi une disais à Natalie, samedi dernier. J’ai chose vraiment bizarre, car je peux vu le Seigneur, vous savez, je l’ai vu me rappeler de mes grands-parents. apparaître dans le feu. Et c’est là un Mes parents, mon oncle, aucun d’eux signe, car j’ai un don de vision. Et n’avait l’habitude de danser, vous c’est ce que j’essaie de transmettre savez. Et vous prenez le jour de la aux gens, cette vision que j’ai. C’est Fête-Dieu, il y avait tellement de gens très important. Peut-être que certains ici. il y avait des tentes où nous de nos jeunes pourraient écouter. vivions, vous saviez, car ils montaient Alice : Il y a beaucoup de destruction et des tentes. Et à l’époque, vraiment, le de pollution autour de nous. culte était vraiment différent de ce Charles : C’est pourquoi je dis qu’il y a qu’il est aujourd’hui. On ne voit plus tellement de choses qui se passent. de célébration de la Fête-Dieu, et Alice : Et ce n’est pas pour faire le bien maintenant de la fête de Sainte-Anne. non plus. Ce n’est plus la façon dont nous Charles : Non, pas du tout. On se célébrions cette fête. Les célébrations demande ce qui nous arrivera, à cause se poursuivent, mais plus de la même des signes que l’on reçoit. C’est façon. Nous partions de la route et comme lorsque je vivais à Old Town, nous nous rendions jusqu’en bas. où nous avions l’habitude de réciter le Nous avions l’habitude de chanter et rosaire tous les soirs. L’été, nous de prier, et de réciter le rosaire. étions environ dix-huit à le réciter.

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Nous formions un grand cercle suis donc arrivé au magasin avant la comme ceci. Nous avions la fermeture. Vous savez, il y avait un Sainte Mère, une statue que j’avais, morceau de viande pour lequel je au centre et chacun avait un petit n’avais pas payé lorsque nous étions chapelet dans les mains. Et pendant passé à la caisse. J’avais donc retiré que nous étions occupés à parler, j’ai l’étiquette pour la rapporter au mo- vu le petit chapelet bouger de l’avant ment où j’allais acheter le pain. J’ai vers l’arrière, vous savez. Et j’ai dit dit à ce jeune homme que j’étais venu que j’avais compris le message, et ici quinze minutes plus tôt et que je que la Sainte Mère voulait que l’on n’avais pas payé pour cet article. Il prie. Et c’est alors qu’Ernestine a m’a répondu que j’étais très honnête mentionné qu’elle se demandait si et que très peu de gens feraient une nos prières étaient entendues. Et j’ai chose comme ça. Une fois que j’ai eu répondu : Oui, et ce n’est pas à moi payé pour le pain et pour la viande, de le prouver! Au moment où elle j’ai roulé sur l’avenue Stillwater. s’assoyait, juste en face de moi, la Juste sur le coin, il y avait cet homme Sainte Mère est apparue. Elle tenait le debout, qui semblait avoir froid, et il chapelet et elle souriait. Et après, y avait de la neige sur le sol. Je me nous avons récité le rosaire et j’ai suis arrêté, et comme il montait dans partagé cette expérience avec tout le la voiture, le plafonnier ne s’est pas monde. Je leur ai dit que j’avais reçu allumé. J’ai tout simplement pensé le message, et c’est alors que nous qu’il était gelé. En montant, il m’a dit avons commencé. Nos prières sont que ça faisait longtemps qu’il vraiment entendues. Elle a alors m’attendait. Je ne savais pas com- demandé si le Seigneur était sur terre, ment réagir. C’est la première phrase et je lui ai dit que oui. qu’il m’a dit en montant, qu’il Alice : Les gens se posent des questions. m’attendait depuis longtemps et qu’il Pourquoi ne peut-on le voir, où est-il? avait froid. Je pensais qu’en arrivant à Charles : Comme ce soir, ce serait Old Town, je pourrais lui acheter un comme la veille du jour de l’An. café. Au bout de deux cents pieds, il Gerri et moi étions allés au magasin m’a dit qu’il voulait descendre. J’ai à pour acheter l’épicerie, et le magasin nouveau trouvé bizarre, vous savez, devait fermer ses portes vers 21 h ou qu’en ayant aussi froid il ait pu 21 h30. En arrivant à la maison avec marcher aussi loin. Et au moment où l’épicerie, Gerri dit que nous avions il allait partir, je lui ai tendu la main oublié le plus important, le pain. pour lui souhaiter une bonne et Donc, je me dépêche pour retourner heureuse année. Il m’a répondu : au magasin. Theresa ou Chugger Dieu vous bénisse! J’ai reçu tout un avaient toujours l’habitude de me choc dans la main. C’était comme si courir après, mais pas ce soir-là. Je je ne touchais rien. Donc, quand il est

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sorti de la voiture, mon plafonnier n’a à Augusta. Il m’a demandé d’être là à pas fonctionné encore une fois, puis il 16 h après la messe. Et c’est à ce a fermé la porte et lorsque j’ai moment-là que nous sommes partis. regardé, il était parti. C’est alors que J’ai répondu que c’était parfait! Et je me suis dit : Notre Seigneur est sur comme Gerri avait dit que je terre! En arrivant à la maison, Gerri reviendrais seul, je suis allé demandé m’a demandé ce qui était arrivé. à Alberta. Et c’est justement ce J’avais les yeux tout bizarres. Elle a qu’Alberta voulait, avoir une chance pensé que j’avais frappé quelqu’un ou de se rendre là-bas. Je lui ai dit que je que quelqu’un m’avait frappé, et je serais de retour dans quelques min- lui ai raconté ce qui s’était passé. Je utes. Je suis allé chercher notre sais que c’est notre Seigneur. J’ai compagnon pendant qu’elle se raconté l’histoire au prêtre, et il m’a préparait, et nous sommes partis. Cet répondu de ne pas garder cela pour après-midi-là, après la messe, nous moi mais de le partager avec les nous sommes mis en route. Au mo- autres. Il m’a dit que bien des gens ne ment de la communion, nous avions me croiraient pas, mais que ça valait chanté « Je suis le pain de la vie » et la peine de le partager. Et je me tout le monde chantait. En revenant, il sentais tellement bien. Par la suite, à y avait toutes ces voitures devant quelques reprises, j’ai rencontré le nous. Nous étions rendus près de Seigneur. À une autre occasion, Pittsfield lorsque j’ai vu cet homme Alberta et moi – ils avaient une qui marchait. Il faisait de l’autostop mission près de Waterville. Je n’avais tout en avançant dans la direction où pas d’argent et je voulais m’y rendre. il s’en allait et en pointant comme Après la messe, la messe de huit ceci. J’ai dit à Alberta que j’allais le heures le matin, je suis allé dans faire monter. Il ne nous voyait pas l’autre partie de la maison, à l’avant. venir, et lorsque nous sommes arrivés On a frappé à la porte et un de nos à sa hauteur, je suis arrêté. Il a dit hommes qui jouent de la guitare est qu’il venait du ciel. Alberta l’a vu venu à la porte. Il m’a demandé si d’une façon différente de moi. Elle j’aimerais me rendre à une réunion à m’a dit qu’il avait comme une valise Waterville? Il m’a dit qu’il allait et que ça ressemblait à une petite payer la moitié de l’essence, et c’est boîte à outils. Lorsque je me suis tout ce que je voulais vous savez. J’ai arrêté, il avait l’air fatigué. Il nous a dit : Très bien! Gerri a dit qu’elle ne demandé si allions à Bangor, car il se sentait pas très bien, et que j’allais voulait se rendre jusque là. Je lui ai revenir seule. Je lui ai répondu que je répondu dans l’affirmative et il est ne voyage jamais seul et que je prie monté, mais il semblait très fatigué. toujours. Et cet homme m’a répondu J’avais ma bible sur le tableau de que sa femme amenait quelques filles bord, et c’est à ce moment qu’il est

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monté et que ses yeux se sont proximité. Lorsque nous sommes illuminés. Nous avons démarré et je arrivés là et que nous nous sommes lui ai demandé où il voulait aller. Il arrêtés, je lui ai serré la main. J’ai voulait se rendre au YMCA ou à remarqué qu’il portait des gants, qu’il l’Armée du Salut. Et j’ai demandé à s’était fabriqués lui-même, vous Alberta, puis je lui ai dit que nous savez. Et c’est ce qu’il a dit à passions par là, et bien avant d’être nouveau : Dieu vous bénisse! J’ai à rendus, nous nous sommes mis à nouveau reçu un choc. Il n’a jamais parler en langue malécite. Il a ouvert serré la main à Alberta, mais juste à les yeux, écoutant attentivement, et il moi. Lorsqu’il est sorti de la voiture, semblait être très pâle. Il regardait et Alberta s’est retournée et il était parti. écoutait, vous savez. Et Alberta a dit : Il avait disparu. Ce sont des choses Vous savez que celui que nous avons qui sont importantes, le simple fait de ici est une personne spéciale. Car elle dire aux gens que, vous savez, le pouvait sentir les roses. Seigneur est ici sur terre. Et c’est Alice : Oh! vraiment! tellement important pour beaucoup Charles : Lorsque le Seigneur est à d’entre nous. Ça représente beaucoup proximité, vous prouvez sentir les pour moi, car j’aimerais que nos roses ou l’encens. Et c’est alors que jeunes reviennent. Vous allez à j’ai commencé à chanter « Je suis le l’église et que voyez-vous? Rien pain de la vie ». Il a ouvert les yeux d’autre que de vieilles personnes. avec un sourire. Et j’ai demandé à Qu’arrivera-t-il dans les prochaines Alberta où était situé l’Armée du années? Une autre chose dans nos Salut. C’est alors qu’elle m’a dit que croyances est que j’ai eu la chance de l’Armée du Salut ramasse toujours les parler à différentes dénominations qui gens qui voyagent, même si elles sont venues d’outremer jusqu’ici. n’ont pas d’argent. Ses vêtements Monseigneur du Vatican, et l’évêque ressemblaient à des sacs en toile. d’Angleterre, et beaucoup d’autres. C’est le genre de vêtements qu’il J’ai eu la chance de leur parler de portait, et il avait une barbe, vous notre peuple. L’une des choses qu’ils savez. m’ont demandées a trait au sujet du FIN DE L’ENREGISTREMENT UN – genre de religion que pratiquaient les CÔTÉ DEUX Indiens avant l’arrivée des Jésuites. Je ENREGISTREMENT DEUX – CÔTÉ leur ai dit qu’ils avaient une religion UN très forte. Leur croyance consistait à Charles : Juste avant d’arriver à Bangor, parler à un arbre. Vous prenez un cependant, je lui ai demandé où était homme qui a l’impression d’avoir située l’Armée du Salut. Elle m’a dit commis un péché. Il se rend dans les que c’était la sortie 48, Broadway. bois tout seul et s’approche d’un L’Armée du Salut était située à bouleau blanc. Il sort son couteau et

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entaille l’écorce, et il parle à cet cela, que c’est si puissant. C’est arbre. C’est comme aller se confesser comme les arbres; il disait : Nous à un prêtre. Et une fois qu’il a regardons les arbres et ils ne veulent terminé, il referme l’écorce et il se rien dire pour nous. Pour un Indien, sent mieux. C’est la raison pour cela veut tout dire. Je leur ai même laquelle je dis que notre religion est si raconté que les entreprises forte, car nous utilisons la mère d’exploitation du bois viennent nature, ce qui nous aide beaucoup. maintenant couper tous les arbres. Ils Bien souvent, nous allons près du ne s’arrêtent pas pour prendre con- ruisseau. Ce n’est pas pour prier, mais science de ce qu’ils nous font. Un plutôt pour méditer et penser au sujet arbre d’une bonne taille produit du Grand Esprit, ce qui représente suffisamment d’oxygène pour quatre vraiment beaucoup pour nous. Ce personnes. Je leur ai dit que s’ils monseigneur du Vatican disait même coupent tous les arbres, où qu’il trouvait cela formidable. C’est trouverons-nous notre oxygène? Et une chose dont il faut tenir compte. regardez aujourd’hui la condition de Quelque chose en quoi les Indiens l’air. Les arbres nous purifient, vous croient, et c’est si puissant. Et c’est le savez. Et j’ai ajouté que lorsque nous genre de choses que je leur racontais. parlons d’être purifiés, nous utilisons Nous avons parlé du Grand Esprit, de du foin d’odeur, du tabac, du cèdre et cette première pensée le matin quand du sauge. C’est quelque chose qui vous vous éveillez. Nous remercions nous vient de la Terre mère. C’est le Grand Esprit d’avoir pu ouvrir les ainsi que nous commençons yeux, de bouger les mains et d’être habituellement nos programmes. capables de parler à nos frères et à Nous nous purifions ainsi, et c’est si nos sœurs. Et nous parlons à la terre puissant que ça nous aide. À toutes mère, car elle représente tellement les réunions auxquelles nous pour nous. C’est de la Terre mère que participons, il y a toujours quelqu’un nous vient tout ce que nous qui s’occupe de la purification. Et ce possédons, même les animaux, qui doit être ainsi, car c’est si important nous servent de nourriture. Nous pour nous. remercions le Grand Esprit lorsque Alice : Mais ce n’est pas une pratique nous tuons un cerf. C’est pour cela répandue, comme lorsque vous allez à que je parlais auparavant du tabac. des réunions à l’extérieur où il n’y a C’est une façon de rendre à la Terre pas de purification. mère quelque chose en remerciement Charles : Non. de ce que vous avez reçu comme Alice : Pas aux réunions où je suis allée nourriture. Ce Jésuite disait même – de toute façon. c’est-à-dire ce monseigneur – que Charles : Imelda et moi sommes allés c’est vraiment important de penser à dans l’Ouest, où nous étions les

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invités d’honneur. C’était l’an dernier. la raison pour laquelle tellement de Il y avait des conteurs d’un peu réunions ne sont pas fructueuses, car partout au Canada. Eh bien! Nous cet élément est absent. Elles ne avons commencé la réunion en nous fonctionnent pas en ce qui a trait à la purifiant. Je parlais en langue réalisation des plans. C’est une pra- malécite et Imelda priait en anglais. tique qui fait vraiment partie de nous, Ils étaient tellement heureux lorsque qui représente tellement pour nous et nous avons terminé. Ils disaient que qui nous fait nous sentir tellement c’était la première fois qu’ils allaient bien. à une réunion qui commençait par Alice : Eh bien! Lorsque je me suis une prière. C’est si formidable, vous rendue sur le site à Jemseg, il y a savez, et tellement significatif. Imelda quelques semaines, Karen a fait une a alors pu expliquer la signification purification. Elle a fait le tour de tout de cette purification. Et nous avons le monde, et on s’est senti bien. remercié le Grand Esprit d’être Charles : L’automne dernier, lorsque j’y rassemblés ainsi avec nos frères et suis allé, c’est ce que j’ai fait. Nous nos sœurs, au milieu de ce cercle. En avons remercié. Et c’est la raison fait, ce cercle représente l’unité, la pour laquelle je demande que s’il y a proximité avec nos frères et nos des ossements, on cesse les fouilles. sœurs. Cette remarque leur a Alice : J’ai commencé à me rendre à cet également ouvert les yeux. Ils endroit il y a un mois et ils m’ont dit disaient que c’était la première la même chose, que s’ils trouvent des réunion à laquelle ils allaient et qui ossements humains, il faut tout était aussi significative. Car pour les arrêter. autres réunions, ce ne sont que des Charles : Eh bien! C’est ainsi. Les réunions. C’est ce que je pense Indiens avaient l’habitude de rester également. près du fleuve. Ce n’est pas là où ils Alice : Eh bien! C’est également ce que effectuent des fouilles, et c’est la j’ai trouvé lorsque je suis allée à raison pour laquelle je dis – Eh bien, Calgary en mai l’an dernier pour tout comme à Meductic et notre l’intervention, lors de la crise. Et peuple qui est submergé à cet endroit, parmi les Indiens, je n’ai vu aucune c’est mauvais. C’est la raison pour purification. Pourtant, ils venaient laquelle mon père disait – tout d’un peu partout au Canada. La seule comme Koluskap (Glooscap) a des fois où j’ai vu ce genre d’activité, raquettes. Et il disait même que celui c’est à la fin. Les Anciens disaient la qui toucherait à ses raquettes aurait le prière, mais je n’ai vu aucune purifi- mauvais sort. C’est ce qui arrive cation. chaque année, depuis qu’ils ont Charles : Encore une fois, c’est construit le barrage. Regardez toute tellement significatif pour nous. C’est cette destruction, à Woodstock et à

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Hartland, et à tous ces endroits. Alice : Est-ce vrai qu’ils s’occupent des Alice : Il n’y a jamais eu d’inondations Indiens? avant le barrage? Charles : Oui. Et ils avaient l’habitude Charles : Non, et c’est ce que disait mon de traverser le fleuve, et on pouvait père, que même les « petits hommes » les entendre chanter, un chant joyeux. avaient l’habitude de vivre dans C’était comme un mariage ou la kiwolatomuhsisihkuk (là où vivent les naissance d’un enfant. Mais lorsque petites personnes). C’est le nom d’un le chant était triste, c’est que ruisseau, juste en amont quelqu’un allait mourir. Et également, d’Elmucktahqek [Mactaquac] et c’est il y a de nombreuses années, on avait là que nous avions l’habitude de l’habitude de voir beaucoup de vivre. Ils ont inondé cet endroit. Et, wesqotewik (boules de feu). Elles bien sûr, cela leur apporte la arrivaient juste à l’opposé d’ici et malchance. Encore une fois, ces petits éclataient. On savait alors que hommes vivaient à cet endroit. La quelqu’un le long du fleuve allait raison pour laquelle ils y étaient est mourir. C’est de cette façon qu’ils qu’il y a beaucoup d’argile à cet transmettaient leurs messages. Et en endroit. Et c’est ce qu’ils utilisent amont, que ce soit à Tobique ou à pour fabriquer toutes sortes de Woodstock, le lendemain on entendait choses, comme des tables, de petites dire que quelqu’un était décédé. On chaises, de petits tonneaux. Mon père ne les a pas vus depuis très avait quelques-unes de ces tables et longtemps. de ces chaises en forme de petits Alice : Qu’en est-il au sujet de Pokiok? tonneaux. Duplisea avait l’habitude Charles : Pokiok, . d’acheter les objets antiques, et c’est Alice : Très bien! Nackawic. lui qui les a tous achetés. Mon père Charles : C’est là qu’est située la scierie. les a laissé aller. Et c’est un endroit où ils avaient Alice : Quel est donc cette histoire au également l’habitude de se sujet des « petits hommes »? rassembler. Mon père appelait cet Charles : Eh bien! Les « petits endroit Nelkwawekek; c’est hommes »… tout comme mon père, Nackawic, comme votre « aisselle ». qui en a gardé un pendant quelque Pokiok, c’est là qu’ils avaient temps, et qui est resté avec lui. l’habitude d’attraper beaucoup de Alice : Lui a-t-il apporté la chance? poisson. Et en pénétrant dans les bois, S’occupait-il de lui? c’est là qu’ils avaient l’habitude de Charles : Oh oui! Il se tenait occupé. chasser. Il semblerait que c’est Mais il ne parlait pas, pas avec mon l’endroit où l’on trouvait de l’orignal. père. Les « petits hommes » parlent Je me rappelle que mon oncle leur propre langue, c’est comme un amenait des guides avec lui et que pépiement. c’est lui qui les guidait à cet endroit.

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Il racontait à ce garde-chasse : « Je et l’orignal est sorti. Brian l’a tiré, vais apporter ceci avec moi ». C’était juste comme ça. une corne d’orignal. Et il lui disait : Alice : Qu’en est-il au sujet des canots « Je vais appeler l’orignal et il va en écorce de bouleau? venir jusqu’à toi ». L’autre ne le Charles : Je me rappelle que mon père croyait pas et se moquait de lui. Mon avait deux canots, et qu’ils étaient de oncle avait un fusil et ce sportif bonne taille. Il faut être habile, car également. Il lui a demandé de venir autrement, il serait impossible d’avoir le rejoindre sur une roche. L’autre lui un canot en écorce de bouleau. C’est a répondu qu’il était bien là où il comme une plume, car il flotte sur était. Puis l’orignal est arrivé, car l’eau. La façon dont on les fabriquait, mon oncle l’avait appelé. Il l’avait c’est en utilisant du cèdre, avec du entendu venir et lorsque l’orignal est frêne pour les plats-bords. Ils se sorti dans l’éclaircie, ses oreilles servaient d’éclisses pour réunir les étaient toutes droites comme ceci et diverses composantes, et le canot était les poils dressés sur son dos. Il est tout en écorce. Puis, ils rapiéçaient le venu directement vers eux. Et mon rebord au moyen de résine d’épinette. oncle – heureusement qu’il avait un C’était très important, en ce qui a trait fusil – lorsqu’il a tiré l’orignal, il aux canots. En effet, ils utilisaient des n’était pas plus loin que d’ici au sol canots partout où ils allaient. Assez [qui n’était pas une grande distance]. curieusement également, lorsqu’ils Lorsque l’orignal est tombé, l’homme allaient d’un endroit à un autre, ils qui se tenait là ne faisait que trembler n’apportaient à peu près rien, sauf et était incapable de soulever son une poêle à frire. À l’arrivée de la fusil. C’est un endroit souvent nuit, il suffisait d’aménager un abri en fréquenté par l’orignal. Lorsque vous appentis, et on pouvait y entrer en faites un appel, même sur l’eau, sur rampant. Ils utilisaient un harpon un lac, il vient vers vous. Et c’est ce pour attraper le poisson. C’est qu’ils avaient l’habitude d’utiliser, étonnant, car la nourriture était des hachettes. Ils utilisaient vraiment abondante. Il y avait également des arcs et des flèches. beaucoup de poisson et beaucoup de C’est ce qui est important, car une gibier. Prenez l’automne par exemple, fois qu’il est dans l’eau, l’orignal ne lorsqu’ils vont à la chasse au peut plus se sauver. Il se rend chevreuil. Parfois, ils attendent qu’il directement à l’endroit d’où provient y ait beaucoup de neige, et ils y vont l’appel. C’est ainsi qu’il y a quelques toujours par groupes de deux années, je suis allé là tôt le matin chasseurs. avec Brian. Je lui ai dit que Alice : Ronnie Paul me disait que j’apporterais cela avec moi et que lorsqu’ils chassaient l’orignal ou le j’appellerais un orignal. Un seul appel chevreuil, l’un ou l’autre, ils allaient

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Planche 6.7 : Raquettes (photo par Viktoria Kramer)

parfois dans la neige. L’animal ne n’avait pas d’argent, mais plutôt pouvait pas se déplacer rapidement, et quelque chose qui était important le chevreuil s’écorchait la peau des pour moi. Elle a alors commencé à pattes. me raconter l’histoire de ces Charles : Oui, c’était bien souvent le raquettes. Elles lui avaient été cas. Et les raquettes, c’est une autre transmises. Lorsque je les ai reçues, chose qui était importante pour nous. j’ai été surpris de voir la qualité et la J’ai ici une paire de raquettes qui ont finesse de ces raquettes. C’étaient des été fabriquées en 1828. Elles ont été raquettes de femme. En fait, les fabriquées ici même. femmes utilisaient de la laine pour Alice : Qui les a fabriquées? tisser le cordage, ce qui fait qu’elles Charles : Le mari de mon arrière grand- étaient différentes de celles des mère, Andrew Paul. Je les ai obtenues hommes. Les raquettes des hommes de Ruth Mills, qui demeurait près sont entrelacées de façon assez large, d’ici. Je me rappelle qu’elle vivait à car les hommes sont plus lourds. Island View. Elle disait même – en Mais les raquettes pour les femmes fait, elle m’a demandé si je pouvais sont tissées de façon plus fine, car les fabriquer une ceinture pour son petit- femmes sont plus légères. C’est la fils, une ceinture de motocyclette. Je différence entre les raquettes pour les lui en ai fabriqué une magnifique et hommes et pour les femmes. Et j’ai large, avec beaucoup de fantaisie et reçu deux paires, celle pour les de métal. Lorsque j’ai terminé, je lui hommes également. Un rat s’est sans ai apportée et elle m’a dit qu’elle doute introduit, car j’ai un gros trou 132 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1

dans l’une des raquettes. Je n’ai pas échanger avec les agriculteurs pour essayé de la réparer, et je l’ai gardée de la nourriture, et c’était très pra- telle quelle. J’apporte ces raquettes tique. La route était mauvaise. Au avec moi tout le temps lorsque je fais printemps, elle était boueuse, et les la visite des écoles. roues s’enfonçaient assez Alice : Oui! Pour les montrer et raconter profondément. Il était même difficile aux jeunes? d’avancer à certains endroits. Charles : Uniquement pour expliquer ce Imaginez-vous, aller patiner à qu’utilisent les Indiens pendant Fredericton… c’était beaucoup de l’hiver lorsqu’ils vont à la recherche plaisir! On pouvait voir tout le monde de gibier pour se nourrir. là-bas. Je me rappelle que mon père Alice : Ils fabriquaient également des avait ce que l’on appelait ces longues traîneaux. pinces d’à peu près cette longueur Charles : Oui, c’est une autre [indiquant environ un pied]. La partie caractéristique, car les membres de supérieure était en bois avec une vis à notre peuple étaient de bons l’arrière. C’est celle que vous vissez marcheurs. Je me souviens d’avoir sur votre botte, en attachant une accompagné mon père, l’hiver par courroie à l’avant. Une fois rendu en exemple, à travers bois, pour me ville, vous la détachez. Et ça donne rendre à Fredericton. Et en revenant, des patins tubulaires. Même là, ce il y avait de nombreuses équipes qui n’était pas vraiment tubulaire, car traînaient du bois, des commandes c’était comme un patin ouvert qui d’épicerie, des pommes de terre et était vissé sur les bottes. Et c’est le autres. Ce qui était transporté était genre de patins que nous avions. pour la vente. Au retour, les traîneaux Alice : Est-ce que quelqu’un en aurait étaient vides. On pouvait donc y encore une photo? monter et revenir avec eux. Puis il y Charles : Vraiment, je ne crois pas. Ça avait un train, à cette époque. faisait trop pitié. Il n’y a pas si Beaucoup de gens voyageaient par longtemps, j’avais encore cette vieille train. Il n’y avait pas de route, même sorte de patins [indiquant comme ils cette route-ci. Je me souviens d’un étaient portés]. Il y avait même une chemin de gravier. Et c’était comme petite clé que vous pouviez accrocher un serpent, car la route était tellement sur vos bottes, à l’intérieur de la sinueuse ici. Et, à y penser, il y botte. Il me reste une paire de ces avait… Eh bien! mon père a eu un pinces de style ancien. Et c’est une cheval plus tard, et il pouvait se chose dont il faudrait prendre la rendre jusqu’au centre-ville pour aller photo, car ce serait important chercher l’épicerie. Ça prenait toute aujourd’hui. la journée. Il y apportait des paniers Alice : Peut-être que je pourrais le qu’il vendait au marché, qu’il pouvait mentionner à Karen. Nous avons

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également un photographe qui enfants à leur naissance. Lorsqu’on pourrait venir prendre des photos de me l’a remis, il était légèrement ce que vous avez. endommagé. Et j’ai décidé que Charles : Oui, j’ai des raquettes, une personne ne l’emprunterait à corne d’orignal et des paniers. J’ai nouveau, et je ne l’ai plus prêté. Je ne d’anciens paniers que nous avons l’utilise que pour mes vêtements. confectionnés il y a déjà très Charles : Même chose pour moi; j’en ai longtemps. confectionné un à Old Town. J’ai Alice : Donc, vous seriez d’accord? confectionné un panier à linge ou un Charles : Oui, et ce sont des choses que berceau, avec un capot. nous avons conservées (pause) et de Alice : Oh vraiment! J’ai vu ce genre de voir ces choses aujourd’hui, vous panier. savez. Tout comme ma sœur, elle a Charles : J’ai ajouté des berces et un confectionné beaucoup de paniers. Il homme lui a offert cinq cents dollars. ne m’en reste plus beaucoup, peut- Et il a refusé cette offre. être deux ou trois de ceux qu’elle a Alice : Evangeline avait l’habitude de confectionnés. Mais Bob Atwin a confectionner de petits berceaux. Il y toutes sortes de paniers que Veronica avait le capot ainsi que les berces. a confectionnés. Elle confectionnait de magnifiques Alice : Il faudrait sans doute vérifier paniers pour les poupées. auprès de lui également. On ne voit Charles : J’ai confectionné un panier presque plus ces choses aujourd’hui. pour une fille ici. J’ai même ajouté un Charles : Non. capot. Mais je devrais en fabriquer un Alice : J’ai un panier chez moi que (pause) George Nash a confectionné un jour. Alice : Vous devriez en avoir un pour Eh bien! Joey est âgé de vingt-quatre vous-même. ans et il aura bientôt vingt-cinq ans, Charles : Oui. ce qui veut dire que nous avons ce FIN DE L’ENREGISTREMENT panier depuis tout ce temps. Il reste DEUX - CÔTÉ UN de la couleur et je l’ai encore. ENREGISTREMENT DEUX - CÔTÉ Charles : J’ai un panier qui a été DEUX confectionné par Noel Francis. Ça fait Charles : Ma mère et mon père savaient vraiment longtemps. J’en ai même raconter des histoires à propos de réparé une partie. Je l’ai à l’atelier toutes sortes d’endroits. Ils parlaient [derrière sa maison]. Je le garde souvent de Springhill. Ils ont vécu à comme souvenir. Meductic, puis à partir de là ils se Alice : Quelqu’un voulait mon panier. sont établis à Eqpahak. C’est le nom Et je l’ai prêté à ma sœur une fois, qu’ils donnaient à Springhill. C’est là lorsqu’elle a eu son bébé. Car je l’ai qu’ils vivaient. Ils sont déménagés de utilisé moi-même pour mes trois là jusqu’ici. Je ne sais pas ce que

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Veronica a écrit depuis que cette scoutisme, au sujet de tout ce qui réserve a été établie, mais je l’ai peut- venait de nous. C’est comme ça que être quelque part sur papier. nous vivions, et il l’a mis par écrit Alice : Quand cette réserve a-t-elle été pour le transmettre aux scouts. Tout établie? ce qu’ils font, jusqu’à ce jour, vous Charles : Eh bien! c’est une chose savez. Et je lui ai fait voir un certain que… ce doit être vers 1611. nombre de choses différemment, Alice : Vraiment? comme s’il ne savait rien. Charles : Oui, car je me rappelle que les Premièrement, nous devions aider les Jésuites en ont parlé. Je crois que garçons à fabriquer leur propre c’est le père Baird qui est resté avec traîneau. Ils étaient cinq, et ils les Indiens. Les Jésuites voulaient devaient rester en plein air pendant la savoir quel était leur mode de vie partie la plus froide de l’hiver. C’était pendant l’hiver, et c’est ainsi qu’ils à Québec, je veux dire au Connecti- ont pu (pause) Ils ont dû vivre avec cut, et il neigeait. Je disais aux les Indiens afin de survivre pendant garçons comment monter une tente. les mois d’hiver. C’est ce qu’ils font, Je leur expliquais l’importance de et c’est important, car les Indiens créer un amoncellement de neige savent toujours ce qu’il faut autour de la tente de façon à couper le surveiller. J’ai ri pendant que j’étais à vent. Et je leur ai dit qu’ils seraient Willimantic [Connecticut], lorsque bien au chaud, car ils avaient des sacs Billy et Butch étaient chez les scouts. de couchage. J’ai également Il y avait Tony, mon demi-frère, lui et mentionné qu’il leur fallait ramasser un autre garçon. Il y avait cinq jeunes du bois et le mettre à l’intérieur. J’ai Indiens qui étaient chez les scouts. Il ajouté que parfois, pendant la nuit, il y avait ce médecin qui vivait là et qui neige et le bois devient humide. Il est avait toujours essayé de me donc difficile de faire un feu le matin. comprendre, en ce que les scouts J’ai aussi mentionné l’écorce de étaient concernés. Je lui avais même bouleau, l’importance de trouver dit que j’en savais plus qu’il n’en beaucoup d’écorce de bouleau et de saurait jamais. Je lui avais raconté tiges sèches, comme du sapin et de que le scoutisme venait de nous. Je l’épinette. Mais il faut que ce soit lui avais dit : Comment pouvez-vous bien sec pour amorcer le feu. Une fois essayer de m’apprendre quelque ces éléments préparés, vous coupez chose (pause), vous savez. Et j’ai votre bois et vous êtes prêt. Donc, ce ajouté que Powell était celui qui avait médecin (pause) nous avons dû les écrit au sujet du scoutisme. Il était aider à fabriquer leur propre traîneau, suffisamment brillant lorsqu’il restait et le nôtre ne s’est pas brisé, mais avec les Indiens. Et à son retour en l’autre oui. Et le médecin a Angleterre, il a pu écrire au sujet du mentionné que parce que leur père

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était un menuisier, il en savait Charles : Oui. Lorsqu’il me l’ont beaucoup au sujet des traîneaux. À demandé, je leur ai répondu que une autre occasion, ils écoutaient un c’était mon père et mon grand-père, film sur la sécurité. Encore une fois, qu’ils racontaient toujours toutes je leur avais damé le pion en ce qui a sortes de choses. trait à la sécurité. Dans le film, le Alice : De génération en génération? garde-chasse arrive sur le rivage, et il Charles : Eh bien! Oui. Nous vivions laisse sa rame à l’intérieur du canot dans les bois, vous savez. Et même avant de se mettre à marcher sur la lorsqu’ils fabriquaient leur maison rive. À la fin du film, ils posent une avec des billes de bois, comme des question à ce sujet : Avez-vous vu un cabanes de rondins. Comme ils geste peu sécuritaire que cet homme a n’avaient pas de matériaux pour pu poser? Personne n’avait rien vu, travailler, ils utilisaient toutes sortes tout était parfait. J’ai levé la main et d’éléments naturels, comme de la je leur ai dit que j’avais vu quelque mousse, entre les rondins. Ils chose qui était peu sécuritaire. colmataient ainsi les ouvertures entre Lorsqu’ils m’ont demandé ce que les rondins, ce qui empêchait le vent c’était, je leur ai mentionné qu’ils de s’infiltrer. Ce sont des choses qui auraient dû noter que lorsque le étaient importantes. Puis, ils vivaient garde-chasse est arrivé sur le rivage, directement à partir de la Terre mère. il a mis sa rame à l’intérieur du canot. Ils faisaient leur lit et tout, sur la J’ai ajouté qu’en ce qui nous Terre mère. C’était la même chose concerne, nous nous servons de notre pour le premier abri qu’ils rame pour nous aider à marcher construisaient, avec de l’écorce, jusqu’au rivage de façon à ne pas qu’on appelait les wigwams. Encore tomber dans l’eau. Ils ont donc fait une fois, c’était sur la Terre mère. tourner le film à nouveau. Il y avait Mais au centre, ils creusaient à même près de quatre cents scouts, et le sol, mettaient des pierres au fond et personne n’avait fait cette observa- tout autour. C’est là qu’ils faisaient tion, vous savez. Et lorsqu’ils ont leur feu. Et c’est pourquoi il y avait visionné le film à nouveau, ils ont vu toujours une ouverture au sommet, de cet homme, le garde-chasse, et il façon à laisser s’échapper la fumée, mettait sa rame dans le canot. C’est tout en conservant la chaleur. une chose qu’ils n’avaient pas vue. Et Alice : Y a-t-il un mot indien pour un autre chef a dit qu’il fallait un plafond? Indien pour savoir ces choses, pour Charles : Ewepikan (plafond), c’est ainsi voir les erreurs, en ce qui concerne le qu’on peut l’appeler. canot. Alice : Et pour plancher? Alice : Vous ont-il déjà demandé qui Charles : Pemsokhasik (plancher), et vous avait enseigné tout cela? c’est le mot utilisé. Ce sont donc des

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choses importantes, car c’était le lien Vous devez vous tenir à distance, et avec la Terre mère. Lorsqu’ils vous avez froid dans le dos pendant faisaient leur lit, ils utilisaient de que vous cuisez en avant. Ça les longues tiges et fabriquaient des lits passionne beaucoup vous savez. Ce superposés, suffisants pour deux sont donc des choses que notre peuple personnes, aussi larges que ceci utilise beaucoup, car ça fait partie de [environ la largeur d’une table]. La la nature, vous savez. On fait atten- raison pour laquelle il y avait de la tion à tous les détails. place pour deux, c’était pour profiter Alice : Est-ce qu’ils préparaient des de la chaleur du corps et se garder au feux comme ceci [avec des tiges], chaud l’un contre l’autre. Il faut se sans allumettes? rappeler qu’à cette époque, il n’y Charles : Oui. Nous en avons allumé un, avait pas de couverture. Ils utilisaient car il fallait donner le feu aux scouts. des peaux de daim, d’orignal et de Nous avons utilisé une tige, une très chevreuil, vous savez. Et ils les longue tige. Et tout le monde avait tannaient. Après les avoir tannées, une corde. Certains l’enroulaient comme un vêtement, ils en mettaient comme ceci [autour de la tige]. Puis il une au fond (pause) Puis une autre y avait comme un hexagone et à un chose… pour leurs tiges, ils certain point, on plaçait la tige sur un utilisaient du cèdre et ils se morceau de cèdre. Et sur ce bout de construisaient comme un matelas. Ils bois, vous mettez de l’écorce et des mettaient une peau en-dessous, puis brindilles. Et en faisant de la friction, ils se couvraient. Ils avaient toujours vous allumez le feu. Ce que j’ai un feu qui brûlait. Même lorsque le l’intention de faire est d’utiliser un feu s’éteignait, les pierres que vous arc et de faire la même chose. Je vais mettez à l’entour restent chaudes. en fabriquer un, de façon à ce que Mais il y avait toujours quelqu’un qui vous puissiez le montrer. C’est se réveillait pour mettre d’autre bois quelque chose que quelqu’un voulait dans le feu. savoir, c.-à-d. si nous étions capables Alice : Ainsi il ne s’éteint jamais? d’allumer un feu. Charles : Non. Ils alimentaient Alice : Eh bien! En surveillant la télé, je continuellement le feu. Et c’est ce crois qu’on peut voir la tige et les qu’ils me demandaient au sujet du scouts qui essaient d’allumer un feu. feu, et je leur ai répondu que Charles : Oui. Ce qu’il faut faire, c’est lorsqu’un Indien allume un feu, c’est d’utiliser une pièce de bois et d’y juste un petit feu. Et j’ai ajouté que faire un trou. Vous prenez donc le vous pouvez passer juste au-dessus morceau de cèdre et vous enlevez le du feu et vous réchauffer centre. Vous prenez un bol que vous complètement. Les blancs font des fixez sur la tige verticale, et au feux aussi gros que ceci [immense]. sommet, vous en faites un appui pour

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l’épaule. Vous voyez, au départ, c’est sujet de cet endroit? Vous savez, comme un arc, comme celui qu’ils parce que c’est écrit dans leurs livres utilisent pour tirer. Vous utilisez une d’histoire, au sujet de Kineo; ils corde que vous attachez ici comme s’interrogent à ce sujet. Mais Noel, il ça. Vous la mettez de ce côté-ci et avait grandi à cet endroit et il avait vous créez un mouvement comme ça, agi à titre de guide. C’est son père qui et le feu s’allume. Je vais en fabriquer était le principal guide sur ce lac. un de façon à pouvoir montrer aux Tout s’agençait donc, comme un gens cet été. C’est bon à savoir. livre, et il a parlé de l’époque où il Alice : Oui, je m’étais souvent demandé était guide. Il était encore jeune, comment on faisait! douze ou quatorze ans, lorsqu’il a Charles : C’est une chose qu’ils avaient commencé à servir de guide. Et la l’habitude de faire. Et une fois qu’ils tradition s’est transmise. avaient allumé le feu, ils Alice : Oui. l’entretenaient. Pour ce qui est du Charles : C’est la raison pour laquelle silex, ils allaient en chercher à nous transmettons tout ce que nous Moosehead Lake, Rockwood, Mount savons à nos enfants. Et cette femme Kineo. C’est là qu’ils trouvaient le était surprise, car ils savent que je silex, et ils le rapportaient ici. viens du Canada. Ils se demandaient Alice : À quelle distance était-ce? ce que je pouvais connaître au sujet Charles : Eh bien! Vous savez, à de cet endroit? C’est parce que Greenville, au Maine. Moosehead j’écoutais la mère de Gerri, qui avait Lake, c’est là que Gerri vivait. Et été élevée là elle aussi. Elle nous c’est de là que venaient les roches parlait de Moosehead Lake. Elle et qu’ils utilisaient. J’en ai qui viennent les autres, le père et la mère de Gerri, de là. Nous sommes allés y donner avaient l’habitude d’y pêcher chaque une conférence il y a trois ans. Et jour. Ils se nourrissaient de poisson. même le frère de Gerri, Noel, était C’est la raison pour laquelle je dis encore vivant. Il jouait vraiment bien que c’est notre façon de faire les du violon, de la musique à bouche, choses, en tant qu’Indiens, et c’est même s’il était âgé. Nous avons pourquoi nous ne sommes jamais pris grimpé très haut, mais pas jusqu’au au dépourvu. Vous racontez tout cela sommet; seulement jusqu’à l’endroit aux Blancs, et ils pensent que vous où se rendaient les camions. Et nous parlez à travers votre chapeau, mais avons donné une conférence à cet ce sont des faits. Ça me faisait rire endroit [Mount Kineo]. Nous avons lorsque je travaillais au chemin de fer. organisé une danse, et bon nombre Il y avait ce jeune homme de d’entre nous étions là. Ce fut l’université du Maine qui posait vraiment agréable de participer à toutes sortes de questions. Je lui ai cette activité. Et même là, une femme répondu que si on nous envoyait dans nous a demandé ce qu’on savait au la forêt, il mourrait de faim parce 138 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1

qu’il n’aurait pas son livre. En ce me toujours du thé sur le poêle. Il y avait qui concerne, par contre, je pourrais y toujours du pain fait à la maison et vivre et y construire mon foyer. Je lui ma mère gardait toujours beaucoup ai dit que j’avais été élevé à la dure. de conserves. L’homme a répondu Ce sont les choses que nous que c’était parfait : du beurre, et du apprenons à faire. Et ses yeux étaient pain fait à la maison. Une fois qu’il grand comme ça; il ne savait quoi eut terminé, il a dit à ma mère qu’elle penser. Il m’a répondu que c’était ne manquerait plus jamais de rien. bien vrai. Ce que mes grands-parents Nous étions douze dans la famille. Un m’avaient dit (pause) Ma grand- jour, elle a regardé dans l’armoire, car mère, elle aussi avait travaillé fort, nous n’avions pas de réfrigérateur, et comme nous tous. Dans une grande il ne restait rien. Mon père est allé famille, tout le monde s’entraide. dans les bois, et il est revenu à l’heure Notre famille était étroitement liée. du repas. Et ma mère a regardé dans Les frères et les sœurs plus âgés l’armoire, juste avant le repas, et elle aidaient les plus jeunes. a trouvé un rôti de cette grosseur-là. Alice : Ce n’est plus comme ça Elle se demandait d’où cela pouvait aujourd’hui. venir. Elle l’a préparé, l’a mis au four Charles : C’est comme ça quand vous avec des pommes de terre, des n’avez pas d’argent. Aujourd’hui, les carottes et tout le reste. Et une fois le gens ne pensent qu’à l’argent. Mais repas prêt, mon père est arrivé. Il notre famille est étroitement liée. commençait toujours par dire la Alice : Lorsque vous essayez d’aider prière. Il lui a demandé où elle avait quelqu’un, il ne faut rien attendre en trouvé cette viande? Ma mère a retour. répondu qu’elle pensait que c’était lui Charles : Oui, c’est comme ça. Ma mère qu’il l’avait trouvée. Non. Et vous aidait toujours ceux qui étaient de savez, ma mère a pensé à cet homme passage. Elle disait même qu’on ne qui lui avait dit qu’on ne manquerait sait jamais quand on va nourrir le plus jamais de nourriture. Un gros Seigneur. Et c’est ce qui est arrivé rôti juteux. Et à partir de ce moment- lorsque le chemin de fer est arrivé au là, mon père a continué de fabriquer bas de la côte. Il y avait ce vieil toutes sortes de paniers et il homme qui venait à la maison, il avait réussissait à les vendre, ce qui même un bâton [une canne]. permettait d’apporter beaucoup de Quelqu’un a frappé à la porte et une nourriture à la maison. Il y a de de mes sœurs, Mary Madeline, est nombreuses années, tout était si rare, allée ouvrir. Elle a dit à ma mère qu’il même la nourriture. Et tout ce que y avait un homme qui voulait manger. l’on fait est si important. Comme Joe Ma mère l’a fait entrer en lui et moi-même. Je me souviens du jour expliquant que nous n’avions pas où on travaillait pour un agriculteur grand chose à manger. On avait de l’autre côté du fleuve, pour 139 KCI AKONUTOMAKONAL – Témoignages importants et histoire orale

seulement vingt-cinq cents par jour, étaient plein de sang. Il a alors pris du matin jusqu’au soir. C’était peur. Par la suite, il est retourné à l’époque des foins. Il nous donnait de l’église. Tout était là pour lui donner la nourriture, et mon père était si un signe. Cela vous fait réfléchir, car content, car il pouvait mettre de la en ce qui concerne notre religion, elle nourriture sur la table. Et c’est est si puissante! Bien souvent, on pourquoi il disait qu’il n’est pas récite une prière, et notre Seigneur ne nécessaire d’avoir de l’argent, car le nous entend pas. Seigneur s’occupe de nous. Il était un Alice : Mais ce n’est pas le cas. bon catholique. Et de ce côté-là, il Charles : Bien souvent, le Seigneur vous était très strict en ce qui concerne la donne le temps. religion. Alice : On ne peut tout simplement pas Alice : Est-ce que tout le monde était tout recevoir comme ça, pour la catholique, tous les Indiens? simple raison qu’on le demande. Charles : Oui. Charles : C’est bien vrai! Alice : Certains changent de religion? Alice : Cela arrive plus tard, mais pas Charles : Je ne sais pas, je ne comprends instantanément. Je ne vois pas com- pas ce qui arrive, et c’est ce qui me ment cela pourrait arriver ainsi. préoccupe. Je pensais justement à Charles : Eh bien! encore une fois, Nelson, lorsqu’il vivait ici. C’est au lorsque je travaillais sur le chemin de moment où les Baha’is ont fer, juste après avoir quitté l’armée, commencé à venir ici et à chercher au moment où j’étais âgé de vingt- par tous les moyens à faire en sorte cinq ans, j’ai perdu l’équilibre à cause que les nôtres se joignent à eux. de mon oreille. J’étais totalement Nelson était sur le point de nous sourd de l’oreille droite. Cela ne m’a tourner le dos, mais il est venu ici et il jamais dérangé, jusqu’à l’âge de vingt nous a parlé, à Gerri et à moi. Gerri ans; et par la suite, lorsque je lui a demandé comment il pourrait travaillais, j’avais de la difficulté à faire mieux dans une autre religion garder l’équilibre. [ruban s’il est incapable de bien faire dans la insuffisamment long pour terminer nôtre. Et j’ai dit à Nelson qu’il verrait l’histoire]. un signe. Deux jours plus tard, il était assis en train de lire la bible, et un serpent s’est approché. Il était très laid. Sa tête était grosse, comme celle du nez d’un cochon, et il avait des ailes comme celles d’une chauve- souris. Sa langue était comme ceci, et il avait trois doigts sur chaque main. Quant à ses ongles, il les léchait, et ils

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7. Grosse prise

ROSE ATWIN PILICK / PREMIÈRES NATIONS DE KINGSCLEAR

Lorsqu’ils prenaient du gros gibier ou obtenaient une grosse prise, ils célébraient. Comme le jour où ils ont commencé à attraper du saumon, ce printemps-là. C’est alors que les gens venaient.

Lorsque mon grand-père est déménagé du Québec, toute sa famille l’a suivi sur des traîneaux tirés par des chiens. Sa mère a même accouché en route, et il a dû aider à l’accouchement. On dit qu’il a dû mettre la tête sous les couvertures pour aider ma grand-mère. Ils sont venus du Québec en faisant toute la route à pied. Et lorsqu’ils sont arrivés ici, certains sont restés et d’autres ont poursuivi leur route. À tout bout de champ, ils se croisaient par hasard. Ils vivaient un peu partout.

Alice : Êtes-vous née à Kingsclear? colline. Rose : Je suis née et j’ai grandi à Alice : Qu’est-ce qu’ils y faisaient? Oromocto. Rose : C’est là que les Indiens vivaient, Alice : Connaissez-vous Jemseg? tout en haut. Rose : Oui. Alice : Où est-ce situé? Alice : Pourriez-vous m’en parler? Rose : Pemotonek, c’est de ce côté-ci de Rose : Beaucoup de gens faisaient du Saint-Jean. Un autre endroit serait camping le long du fleuve entre ici et . Les Indiens avaient Saint-Jean, et jusqu’à Blissfield, l’habitude de s’y rendre également, il Chipman, Jemseg et au Grand lac. Je y a longtemps. Mes grands-parents me rappelle qu’il y en a beaucoup qui disaient que c’est là que beaucoup de campaient sur les rives. gens étaient établis, et ils allaient Alice : Connaissez-vous les noms aussi loin que Saint-Jean. indiens de certains de ces endroits? Y Alice : Qui est votre grand-père? a-t-il une place nommé Indian Point? Rose : Solomon Paul. Rose : Il y a certains endroits, mais je ne Alice : Était-il également d’Oromocto? sais pas. Rose : Non, il était d’ici. En fait, il Alice : Brown’s Flat? venait de plus haut sur le fleuve, il Rose : Pemotonek (versant d’une venait du Québec. La mère de mon colline). C’est le nom qu’ils lui grand-père était une indienne et son donnent, car il s’agit du versant d’une père était à moitié français. Donc

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l’endroit d’où ils viennent au Québec Alice : Est-ce que votre père ou votre – même Paul disait à ma mère de ne grand-père vous a déjà parlé de l’ocre pas lui demander d’essayer de rouge et de son usage? retrouver nos racines. Il disait que Rose : C’était utilisé pour les nous pourrions nous retrouver hors de cérémonies. la réserve très rapidement. Alice : Quel genre de cérémonies? Les Alice : Que savez-vous au sujet de la funérailles? région de Jemseg? Était-ce juste un Rose : Oui, et lorsqu’il y avait des endroit où les Indiens allaient pour mariages, c’est ce qu’ils utilisaient. confectionner des paniers? Alice : Comment l’utilisaient-ils? Rose : Oh oui! il y avait beaucoup Rose : Je ne sais pas, mais j’en ai d’Indiens à cet endroit. Les gens entendu parler. Je n’ai jamais venaient de Gagetown, uniquement beaucoup parlé de ces choses-là, car pour voir les Indiens travailler à cet mon père n’a pas vécu très endroit, et il y en avait jusque sur le longtemps. Il est mort pendant que rivage. C’est là qu’ils campaient tout nous étions jeunes. Il y avait le temps. Je me rappelle lorsque nous beaucoup d’Indiens à cet endroit étions à Sheffield, juste un peu avant cependant. La plupart venaient de l’endroit où était situé le magasin Gagetown, Oromocto et Devon. Pas Wasson. Mon père travaillait là, de beaucoup venaient d’ici. même que mon oncle Suwahsin. Ils Alice : En quelle année était-ce? faisaient les foins, fabriquaient des Rose : Lorsque j’ai quitté Oromocto, cerceaux et des paniers. Je me j’étais âgée de dix-huit ou dix-neuf rappelle de Molly Louise, ma sœur, ans. qui était plus âgée que moi. Pendant Alice : Ça fait longtemps. qu’ils travaillaient, nous allions nous Rose : Oui. Ça fait quarante-huit ans. promener. Il y avait quelque chose Alice : Est-ce qu’ils cueillaient des qui ressemblait à des sables crosses de fougère à cet endroit mouvants, mais c’était de la sciure de également? bois. Ça donnait une apparence de Rose : Ils en cueillaient partout. Il est caoutchouc. Mon père nous disait incroyable de voir comment les gens d’éviter cet endroit car nous pouvions vivent aujourd’hui, par rapport à ce nous enfoncer à cet endroit [dit en temps-là. L’argent est si facile Malécite]. Louise et moi avions aujourd’hui. Où était-il pendant tout marché jusque là et elle me dit : Nous ce temps? La période de la sommes perdues. Nous sommes à Dépression a été vraiment spéciale. Kingsclear, il ne faut pas avoir peur. Aujourd’hui, vous regardez la télé et C’est comme dans un rêve lorsque j’y vous voyez ce qui se passe dans le pense, et c’était il y a environ monde entier. Ça me rappelle lorsque soixante ans. nous étions des enfants. La vie était

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tellement difficile qu’une fois de après quoi personne ne touchait à un temps en temps, si nous étions assez linge à vaisselle pour essuyer une chanceux, l’agent des Indiens nous tasse ou à un balai pour essuyer le apportait quelque chose à manger. plancher. C’étaient les règles à suivre Des aliments ou des vêtements ou lorsque j’étais petite. quoi que ce soit. Alice : Vous rappelez-vous des peaux Alice : Est-ce qu’ils n’échangeaient pas d’orignal? Est-ce qu’ils s’en leurs paniers pour de la nourriture? servaient? Rose : Ils étaient obligés, oui. La pêche Rose : Oui, mais pour les vendre. et la chasse. Il était difficile de Alice : Ils ne s’en servaient pas pour trouver de l’argent, mais ils monter les canots? Comme lorsqu’ils réussissaient à obtenir de la nourriture préparaient de l’écorce de bouleau en échange de leur travail. afin de la coudre ou quelque chose du Alice : Qu’en est-il au sujet de la fabri- genre? cation des canots? Est-ce quelqu’un Rose : Oui, ils faisaient ça. en fabriquait à cette époque? En Alice : L’épinette ou le sapin, l’écorce écorce de bouleau? ou la résine, lorsqu’ils fabriquaient Rose : Oui. ces canots, est-ce qu’ils utilisaient Alice : Qui en fabriquait? cette résine pour le rapiéçage, avant Rose : Quelques-uns des plus âgés en de coudre le tout avec des lanières fabriquaient, notamment à Gagetown. d’orignal (pause) Jim Nash savait comment en Rose : Oui, j’ai vu ça à Montréal fabriquer, je crois. Mon grand-père, également, à Kanahwake, lorsque c’était l’un d’eux, savait fabriquer des j’étais en visite là-bas. Il y a un canots. Mais il s’intéressait surtout à endroit où ils fabriquaient des canots la confection de paniers, sans compter exactement de la même façon qu’à les manches de hache et toutes sortes Oromocto. Il n’y avait pas de clous d’autres choses. Et il était tellement sur les canots, lorsqu’ils les habile… il confectionnait fabriquaient, et même chose pour les régulièrement des paniers. Chaque raquettes. On faisait de l’argent avec jour, sauf le dimanche. Il travaillait ces peaux, en fabriquant des une demi-journée le samedi et prenait mocassins. Vous savez, la façon dont congé le dimanche. les enfants étaient habillés en temps- Alice : J’ai déjà entendu parler de cela là… on n’habillerait pas des enfants auparavant, que les gens travaillaient comme ça aujourd’hui, mais ils toute la semaine, mais que le étaient bien au chaud. Je vous dirais dimanche, personne ne faisait rien. que la situation aujourd’hui est si Rose : Le matin, ils commençaient à (pause). J’ai entendu une histoire il y travailler vers neuf heures, et ils a longtemps. Lorsque j’étais à l’école, continuaient jusqu’à cinq heures, l’institutrice avait dit qu’un jour un

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Planche 7.1 : Everette Atwin (mari de Rosie Polchies, de Kingsclear), Louise Atwin, et le frère d’Everette, John; Everette a appris à jouer du violon de Joe Paul d’Oromocto (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 75-1905).

avion amènerait un homme sur la comme un rêve, comme un plan. On lune. Et nous lui avions demandé planifiait tout pour l’avenir, mais il dans combien de temps cela se faut attendre avant de le voir se produirait. Elle avait répondu : Dans réaliser. C’est ainsi, tout changeait les années 80. Je ne pensais pas que tout le temps. je vivrais 80 ans. Et je pensais que Alice : Comment était-ce de vivre à l’homme allait atterrir sur la lune Gagetown, Oromocto ou à tout autre beaucoup plus tôt. Mais elle devait endroit dans cette région pour vous? vouloir dire dans les années 1980, et Est-ce que votre jeunesse a été non pas dans quatre-vingts ans. De difficile? toutes les choses que j’ai entendu dire Rose : Je ne trouvais pas la vie difficile lorsque j’étais jeune, un si grand pendant que je vivais avec mon nombre se sont produites. C’était grand-père. À la mort de ma mère et

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de mon père, je suis restée avec mes Rose : Une fois, lors du festival des grands-parents par la suite. J’allais à crosses de fougère. l’école, mais il y avait beaucoup de Alice : Ils avaient un excellent festival à travail, vraiment beaucoup. Nous cet endroit. devions l’aider à nettoyer les Rose : C’est la seule fois où j’y suis poissons, à préparer l’endroit où il allée. tendait son filet, en plus d’aider ma Alice : Et qu’en est-il de l’île Snow- grand-mère. Et chacun avait le temps shoe; je sais qu’elle est immergée d’avoir du plaisir, mais personne ne maintenant, mais à cette époque? buvait alors comme aujourd’hui. Il Rose : Je me rappelle qu’on cueillait des n’y avait pas de drogue, et rien du crosses de fougère comme par le genre. Lorsque je me suis mariée, les passé. C’est dommage, aujourd’hui, festivités ont duré de trois à quatre pour les crosses de fougère. La jours. Et Everett, il a joué du violon cueillette nous permettait de faire au mariage. Je dansais et il jouait. beaucoup d’argent. Les Blancs me Alice : Et vous vous êtes donc mariés? font rire avec leurs crosses de Rose : Oui. fougère, car ils sont envieux [dit en Alice : Est-ce que les Indiens Malécite]. Chez Sobeys, ça coûte s’entendaient tous bien? trois dollars et plus, et au Superstore Rose : Oui, très bien. de Fredericton, ça coûte un dollar et Alice : Ils étaient heureux? quarante-neuf cents. Rose : Oui. Lorsqu’ils prenaient du gros Alice : À certains endroits, c’est plus gibier ou obtenaient une grosse prise, cher qu’à d’autres. Que savez-vous ils célébraient. Comme le jour où ils d’Oromocto Pete? ont commencé à attraper du saumon, Rose : C’était mon oncle. ce printemps-là. C’est alors que les Alice : Pourriez-vous m’en parler? gens venaient. Rose : Lui et mon père ramassaient des Alice : Comment est-ce qu’ils crosses de fougère et confectionnaient attrapaient le saumon? des paniers. Tout ce que vous Rose : Mon grand-père utilisait un filet. entendiez quand ils confectionnaient Alice : Vous souvenez-vous de des paniers, c’est leurs crachats, car quelqu’un qui harponnait le poisson? ils chiquaient du tabac. Rose : Pas que je sache. Peut-être Alice : Pourquoi l’appelaient-ils ailleurs, mais je me souviens Oromocto Pete? seulement de ce que faisait mon Rose : Parce qu’il y avait deux Pete, grand-père. Il pêchait, mais avec un Oromocto Pete et White Pete. filet. Alice : White Pete serait celui de Alice : Êtes-vous déjà allé à l’île Savage Woodstock? Venait-il d’Oromocto ou lorsque vous étiez jeune? Avez-vous de Kingsclear? mis les pieds sur cette île? Rose : D’Oromocto.

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Alice : Oromocto Pete. lorsque j’étais à Oromocto. Et je lui ai Rose : Oui. Le père de Billy, demandé s’il serait prêt à parler avec Joe Polchies, mon oncle et la mère de moi. Et je pensais que je pourrais Frank Atwin, Mae, la mère de obtenir des histoires de lui, mais il a John Coon, Sadie Sacobie, ils étaient dit non, car ça lui rappelait trop de tous frères et sœurs. Et j’ai une petite souvenirs. cousine, qui est plus grande que moi. Rose : Eh bien! La vie a été dure pour Elle est ma cousine au second degré, lui. Je me souviens, car sa mère et son Stephanie, de Woodstock. Je lui disais père ont eu la vie dure pendant son il n’y a pas si longtemps : Savez-vous enfance. Ils se battaient beaucoup à quoi, Stephanie, lui dis-je, êtes-vous Oromocto. Rien d’autre que de gros consciente que vous êtes ma cousine ennuis tout le temps. Je ne sais pas au second degré? Elle m’a répondu : pourquoi ils se battaient De quelle façon? Je lui ai dit que son constamment. Les gens travaillaient grand-père et mon père étaient des fort lorsqu’ils s’entraidaient, et ils frères. Elle m’a demandé son nom. s’entendaient bien. Ce n’est pas J’ai dit Mitchell Polchies. Et je lui ai seulement lorsque l’alcool s’en mêle dit que l’oncle Pete était son grand- qu’ils commencent à se battre. père, n’est-ce pas! Elle a répondu oui. Lorsque Everett et moi nous nous Alice : L’oncle Pete (pause) sommes mariés, il piégeait le rat Rose : C’était notre oncle. musqué et le vison. Il aidait Alice : Oromocto Pete? également son père. Rose : Oui, Oromocto Pete. C’était le Alice : Qui était son père? frère de mon père. Et ils travaillaient Rose : Peter Atwin. C’est également le ensemble et ils fabriquaient de la père de Clarence. Everett et Clarence bière d’abeille. [Timer] sont deux frères. Ils Alice : Je me souviens. chassaient et trappaient ensemble, Rose : Presque tout le monde faisait cela cueillaient des crosses de fougère, à Oromocto. Mais personne n’était pêchaient, et la première chose que jamais ivre ou à moitié prêt à tuer j’ai sue est qu’ils se retrouvaient dans quelqu’un. une bagarre et qu’Everett revenait à la Alice : Donc, les gens d’Oromocto, maison. Everett est entré dans s’adonnaient-ils à des activités l’armée. Il est allé deux fois, pour la comme la chasse et la pêche, comme Seconde Guerre mondiale et pour la c’est le cas aujourd’hui? guerre de Corée. Rose : Il y en a peut-être aujourd’hui qui Alice : Lorsque vous êtes déménagés ici le font, mais pas trop souvent. Ils à Kingsclear à partir d’Oromocto, avaient l’habitude de parler de tout comment était-ce? Y avait-il de la cela. chasse, de la pêche, est-ce qu’on Alice : J’ai parlé à Timer un jour, cueillait des crosses de fougère, et

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est-ce qu’on fabriquait des paniers? m’a montré ce que je devais utiliser, Rose : Il y avait beaucoup d’activités quelles couleurs. Il y avait toute la lorsque nous sommes arrivés ici, mais gamme des couleurs qu’elle voulait il ne reste presque plus rien que j’utilise pour les paniers, et toutes aujourd’hui. les grandeurs de paniers. Elle m’a Alice : Nous perdons notre culture et alors dit de fabriquer des paniers, notre langue. Et c’est honteux qu’il sous n’importe quelle forme et avec en soit ainsi. n’importe quelle couleur. Rose : À l’époque où ma mère est Alice : D’où venaient les couleurs? morte, la mère de Debbie de Qu’utilisiez-vous pour la couleur? Kanahwake voulait des paniers. Ma Rose : Eh bien! À l’époque elle mère me dit : Rosie, je vais être l’achetait au magasin. Mais il y a de obligée d’arrêter de confectionner des nombreuses années, quand les Indiens paniers. Et elle m’a demandé de confectionnaient des paniers, ils terminer la confection de ses paniers. utilisaient des baies pour la couleur. Je lui ai répondu : Pourquoi maman? Alice : Ont-ils déjà utilisé des peaux Elle a ajouté qu’elle en avait assez d’oignon pour la couleur jaune? fait. Elle m’a dit de les terminer et Rose : Je ne sais pas, peut-être. Mais je qu’elle me montrerait. Je lui ai sais qu’ils utilisaient l’aulne rouge demandé comment je pourrais être pour sa couleur orange. Et l’aulne a capable. Elle m’a répondu : Tu vas le également des propriétés médicinales. faire. Sous ma supervision, a-t-elle Alice : Que savez-vous au sujet de la dit, tu vas les terminer. Elle m’a médecine? demandé d’aller avec elle dans sa Rose : Par exemple, vous le laissez chambre, car elle devait se coucher. tremper [aune rouge] comme du thé, Elle avait préparé du foin d’odeur et vous le laisser bouillir pendant qu’elle avait nettoyé et trié. L’odeur quelque temps. C’est bon pour la en était si forte que ça le rendait tout diarrhée. Puis, il y a les racines de étourdie. Je ne sais pas ce qu’il y calame, que vous pouvez utiliser pour avait dans les émanations, mais cela à peu près n’importe quoi. C’est l’a sûrement rendue malade. Ma mère comme de l’aspirine. Le calame m’a dit qu’il faudrait que Nelson et possède des propriétés qui peuvent Clarence viennent chercher leur foin servir pour à peu près n’importe quel d’odeur, car elle était incapable de problème. Mais il y a de nombreuses supporter cette odeur. Je lui ai années, les Indiens utilisaient même répondu qu’elle devrait arrêter du tabac pour guérir n’importe quelle immédiatement. Elle m’a promis de coupure. Ils chiquaient du tabac. Ils tout arrêter. Nous sommes donc allées nettoyaient la blessure avec le jus du dans la chambre, et elle m’a montré la tabac et ceci gardait la coupure sorte de paniers. Les éclisses. Elle propre, et il n’y avait aucune infec-

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tion. Ils avaient l’habitude de traiter pourrait faire cent dollars par jour si les gens qui avaient de fortes fièvres. elle le voulait. Et il lui a répondu : Où Ils disaient que lorsque l’on met du ma tante? Elle lui a répondu : Juste ici poisson cru sous les pieds, cela dans ta cour. Là où vivaient Willard et élimine toute la fièvre du corps. Et Cecilia, il y avait des broussailles lorsque l’on cuit le poisson, vous autour de la maison. Et ma mère leur vous sentez mieux. dit de l’observer, car elle attendait Alice : Je n’ai jamais entendu cela quelqu’un de Fredericton. Elle devait auparavant. ramasser quelque chose pour lui, qu’il Rose : Je le jure! Ma mère, qui était à allait nommer ces choses et dire ce Oromocto à l’époque, lorsqu’elle était que c’est. Elle a obtenu cent dollars chez Willard, lui dit un jour qu’elle seulement en ramassant des herbes,

Planche 7.2 : La mère de Rose, Margaret Polchies, et la fille de Rose, Darlene Atwin, en 1970; Margaret a été interviewée par Lazlo Szabo et Vincent Erickson (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 74-17380)

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toute la journée, à même le sol. de Woodstock, car il y en avait Willard a regardé ma mère et dit : Ma beaucoup. J’entendais parler tante, je ne savais pas que je vivais d’Oak Point, de Brown’s Flat et de entouré d’argent. tous ces autres endroits. J’en Alice : Qui était cette personne venue de entendais parler par mon grand-père, Fredericton? qui s’y rendait pour confectionner des Rose : Le professeur Szabo. C’est celui paniers. Les Indiens pouvaient qui voulait en connaître davantage au monter une tente n’importe où. sujet de la médecine indienne. Ma FIN DE L’ENREGISTREMENT – mère lui a également raconté des CÔTÉ UN histoires. ENREGISTREMENT – CÔTÉ DEUX Alice : Quel genre d’histoires? Rose : Ils pouvaient aller n’importe où. Rose : Un peut de tout, toutes les Lorsqu’ils cueillaient des crosses de histoires indiennes, les légendes. fougère ou coupaient du frêne, ils Alice : Connaissez-vous des légendes? restaient tout simplement là, en Rose : Lorsque mon grand-père est faisant du camping. En fait, ils déménagé du Québec, toute sa famille campaient tout l’été et, à certains l’a suivi sur des traîneaux tirés par endroits, ils vivaient également des chiens. Sa mère a même accouché l’hiver. en route, et il a dû aider à Alice : À quel endroit par exemple? l’accouchement. On dit qu’il a dû Rose : À l’île Bear. Mon grand-père et mettre la tête sous les couvertures ma grand-mère, dit-on, ont été invités pour aider ma grand-mère. Ils sont là-bas à Noël une fois. Je ne sais pas venus du Québec en faisant toute la qui vivait là, mais ils sont allés pour route à pied. Et lorsqu’ils sont arrivés Noël. Les enfants étaient tout habillés ici, certains sont restés et d’autres ont de fourrure, de la fourrure de daim. Et poursuivi leur route. À tout bout de ils vivaient dans une tente. Ma grand- champ, ils se croisaient par hasard. Ils mère m’a dit qu’une femme faisait la vivaient un peu partout. Ma famille cuisson, et qu’elle utilisait une pelle. vivait à McAdam, où ma mère est Ils faisaient frire du poisson ou de la née. viande, directement sur le feu. On me Alice : Connaissez-vous Ste. Croix et dit qu’ils sont allés là à de Canoose? nombreuses reprises. Ma grand-mère Rose : Non. était vraiment jeune lorsqu’elle s’est Alice : Connaissez-vous l’île Brother à mariée, et elle a beaucoup appris de Saint-Jean? mon grand-père. Quant à lui, il l’a Rose : Non. tout simplement surveillée jusqu’à ce Alice : Brown’s Flat? qu’elle soit assez âgée, puis elle a eu Rose : Je sais qu’ils ont vécu à Brown’s un bébé. Ils se sont mariés alors Flat. Beaucoup d’Indiens, même ceux qu’elle était encore très jeune.

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Alice : Lorsque les gens se mariaient, à Alice : De Jack? l’époque, est-ce que c’était arrangé? Rose : Oui. Rose : Pas pour moi, mais ce fut le cas Alice : C’est après qu’elle l’ait marié? pour Molly-dell. Rose : Oui. Et c’était quelque chose, Alice : Pourriez-vous m’en parler? lorsqu’elle s’est mariée, Molly-dell, Rose : Molly-dell, ça fait très car elle ne s’est jamais plainte au longtemps. Lorsque la femme de Jack sujet de rien. Elle était tellement est morte, ils avaient quatre enfants, pauvre, mais également si heureuse. Jack et Nastas, sa première femme. Il y avait des femmes qui venaient lui En effet, lorsqu’elle est morte, il y demander pourquoi elle était toujours avait Royden, Annie, Molly et si heureuse, alors qu’elle était si Ambrose. Jack est allé demander à pauvre. Elles lui disaient qu’elles mon grand-père s’il pouvait marier aussi aimeraient être heureuses l’une de ses petites filles. Mon grand- comme elle. Elles mangeaient bien, père lui a répondu de s’adresser plutôt tandis que Molly-dell était obligée de au père. Jack est allé voir le prêtre. demander pour avoir de la nourriture. Mais mon grand-père voulait dire Elle leur a donc dit : Si vous avez d’aller voir le père de Molly-dell, pas autant de nourriture, apportez-la-moi le prêtre. Il est venu voir mon père et je vous montrerai comment man- également et celui-ci lui a répondu ger. Les femmes étaient jalouses, car qu’il devrait en parler à deux ou trois elle avait de si nombreux enfants. Il y personnes avant de la laisser se avait Ambrose et Annie, ou plutôt marier, car elle n’était pas assez âgée. Royden et Annie, qui étaient les deux Molly-dell n’avait que seize ou dix- seuls qui restaient du premier lit de sept ans lorsqu’elle s’est mariée, et Jack, car deux étaient morts. Les elle devait bientôt avoir un bébé. enfants de Molly-dell, sont toujours Alice : Quel âge avait Jack? en vie. Pour ma part, j’ai dû supplier Rose : Il avait dans la vingtaine ou la ma mère pour me marier. J’imagine trentaine. Il avait déjà eue une femme que j’étais trop jeune pour le savoir, et quatre enfants. Et pour Molly-dell, mais je pensais à quelque chose que le prêtre est venu parler à ma mère, je cherchais à obtenir. Je voulais me lui disant : Margaret, tu devrais marier et avoir beaucoup d’enfants. Je laisser Mary marier John, car elle pensais que j’allais faire la même serait certainement une bonne mère chose que ma sœur, mais j’ai été pour ses enfants. Je pense qu’elle a chanceuse d’avoir deux enfants. été une bonne mère, bébé après bébé, Qu’est-ce que j’aurais fait avec une des jumeaux. douzaine? Je pense que pour l’avenir, Alice : Combien d’enfants au total? je vais vivre une vie solitaire. Je suis Rose : Ma sœur a eu – trois sont morts – seule depuis 1964, et même avant ça. elle eu environ huit ou neuf enfants. En 1956 ou 1957, j’étais toute seule

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et nous étions séparés depuis six ans Alice : Ont-ils fait des promesses aux lorsque Everett est mort. Indiens? Alice : Y avait-il déjà une réserve ici Rose : Ils ont fait toutes sortes de lorsque vous êtes déménagée? promesses. Rose : C’était une petite réserve, mais Alice : Quel genre de promesses? juste un peu plus haut, près de Rose : À chacun d’entre nous. Everett et l’église. moi avions notre propre endroit. Alice : Combien y avait-il de familles? Beaucoup de gens avaient des Rose : Environ sept ou huit familles. maisons. Il n’y avait pas d’électricité, Lorsque nous sommes arrivés pas de plomberie. Ce n’était pas d’Oromocto, beaucoup d’entre eux mieux que cet autre endroit, lorsque étaient de ce côté-là, l’ancienne partie nous sommes déménagés ici. En fait, de la réserve. nos habitations étaient mieux à Alice : Où est Eqpahak? Oromocto que celles que nous eues Rose : Je ne sais pas. ici. Les gens vivaient dans des Alice : Savez-vous ce que ça veut dire? maisons qui ont été construites avec Rose : C’est une inondation, et ça me du vieux bois, qu’ils avaient obtenu semble familier. de l’ancien camp de l’armée à Rip- Alice : Est-ce dans la région de ples. Ils ont démoli ces vieux camps Springhill ou est-ce un terrain où les de l’armée, et ils ont apporté le bois Indiens avaient l’habitude de ici pour construire des maisons. Les s’établir? fenêtres étaient grandes et les Rose : Ça me semble familier. Lorsque maisons étaient pleines de punaises Jack travaillait à Portabello, j’en de lits. Et Whalen avait dit que tout le entendais parler. Molly-dell voyageait monde aurait des vaches, des beaucoup avec Jack, surtout lorsqu’ils moutons, des cochons et des poules. travaillaient dans le Maine pour la Alice : Est-ce que les gens ont obtenu ce cueillette des pommes de terre. Et genre d’animaux? lorsqu’ils travaillaient à Burton ou Rose : Peut-être une chèvre. Gagetown. Ou encore lorsqu’ils Alice : Et d’où venait l’aide sociale? Ou campaient à tous ces endroits, combien obteniez-vous lorsque vous jusqu’en 1948, lorsque beaucoup de avez commencé à recevoir de l’aide gens sont déménagés d’Oromocto. sociale? Alice : Ont-ils été forcés de déménagés Rose : Lorsque nous vivions à ici? Oromocto, mon père et ma mère Rose : On nous avait dit qu’il y avait un n’ont jamais reçu beaucoup d’aide bel endroit pour nous ici, mieux ce sociale. Peut-être quinze ou vingt que nous avions à Oromocto. dollars par mois. Alice : Qui disait ça? Alice : Combien d’enfants fallait-il Rose : L’agent des Indiens. nourrir?

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Rose : Nous étions quatre ou cinq. avions l’habitude de fêter « Noël à Après le mariage de Molly-dell, il y l’ancienne ». Tous les rois, avec leur avait moi, Neil, Pat, Ritchie ainsi que suite imposante. Il fallait choisir le roi ma mère et mon père. Lorsque mon et la reine au moyen d’un gâteau. Il père est mort, nous avons dû fallait leur préparer un gâteau. Ils déménager, car nous ne recevions pas fabriquaient les couronnes et tout ce suffisamment d’aide. C’est une bonne qu’il fallait pour se préparer, et ils chose que ma mère ait pu aider son aménageaient un endroit. C’était grand-père à confectionner des plein de monde et il y avait fête, paniers, à faire du tricot ou de la pendant deux ou trois jours. Il y avait couture. Ils confectionnaient des des joueurs de violon, de guitare. costumes d’Indiens. Et lorsqu’il y Joe Shaker, et mon oncle Joseph, avait un défilé ou une activité Levi Sabattis. Joe Shaker jouait de la quelconque, ils devaient porter leur guitare et, je vous jure devant Dieu, costume. ils avaient leur propre orchestre sur la Alice : Cela devait être joli. réserve. Je n’ai jamais vu un tel Rose : Oui, comme lorsque la Reine est rassemblement. venue à Fredericton, l’année où Pat Alice : Vous rappelez-vous lorsqu’ils est né, en 1939. Ils ont même montré organisaient des danses carrées dans les photos à la télé, et ils les ont les maisons? apportées au bingo un soir. Ils avaient Rose : Oui. À Oromocto, lorsque nous de vieilles photos de 1939, prises à vivions à cet autre endroit, nous Fredericton. Mon grand-père et ma organisions une danse pour les grand-mère y étaient, ma mère et ma mariages. Comme Stella et sœur. Mais je n’ai pu tenir la photo John Coon, lorsqu’ils se sont mariés. dans mes mains très longtemps; c’est Moi et Annie, j’étais âgée d’environ Edie qui les montrait. Je voulais voir dix ou onze ans, nous gardions la photo à nouveau, mais je ne l’ai Jimmy Sark et Jerry, lorsqu’ils ont eu plus jamais revue. J’en ai parlé à une grosse danse à Oromocto. Molly Fred, en lui demandant s’il s’agissait et Annabell et Babe… elle en faisait de Molly-dell et Neil. En fait, Neil toujours partie. Babe commençait à était âgé de seulement douze ou treize organiser une activité pour faire ans, et ils étaient tous habillés en participer tout le monde, préparant Indiens. Mon grand-père, il était alors des coiffures, fabriquant des chef, l’oncle Lawrence, l’oncle couronnes et confectionnant des Joseph, Jack, le frère de Jack, Andy. robes. Les femmes en ce temps-là Ils étaient tous habillés dans leur savaient tout faire. Personne n’avait costume. C’était une coutume que de machine à coudre. Et ma mère nous avions à Oromocto, comme le avait l’habitude de nous fabriquer des 6 janvier, pour l’Épiphanie. Nous vêtements également. Elle en faisait

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Planche 7.3 : Theresa Gabriel (à gauche) avec Rosi Atwin (à droite) (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 75-1903)

pour tout le monde aux alentours. chauds et c’était de bons vêtements. Lorsque quelqu’un voulait une robe Comme la flanelle et le coton, et on ou un gilet, elle faisait du tricot et fabriquait des robes avec du tissu faisait de la couture, et elle fabriquait imprimé. également des mocassins. Alice : Est-ce que parmi les femmes qui Alice : Les vêtements que vous aviez en vivaient à Oromocto, il y a en avait ce temps-là lorsqu’on vous les qui travaillaient en dehors de la confectionnait et ceux que vous réserve? Comme faire le ménage? portez aujourd’hui, ils sont bien Rose : Oh oui! C’est là que ma mère a différents, n’est-ce pas? pris froid dans le genou. Elle Rose : En ce temps-là, c’était travaillait wenuhcikwamihkuk entièrement coton et laine. Rien de (maisons des Blancs) à Oromocto. Et fantaisie. Les vêtements, ils étaient elle a attrapé l’arthrite dans son

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Planche 7.4 : La visite royale du Roi George et de la Reine Mary à Fredericton en 1939 (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 6-16)

genou, qui s’est arqué, sans jamais Alice : Pourquoi? plus se redresser jusqu’en 1964. Elle Rose : C’est tout plein de bois a travaillé pendant toutes ces années, maintenant. J’avais l’habitude de car elle était âgée de douze ou treize cueillir des fraises près de l’ancienne ans lorsqu’elle a commencé à voie ferrée, juste après Oromocto. J’y travailler à l’extérieur. ramassais des fraises, puis j’allais Alice : Pour qui travaillait-elle à m’étendre sur une colline. Et tout à l’époque? coup, j’ai vu cette forme enroulée : Rose : Partout à Oromocto. Tout comme c’était un serpent qui me regardait. Je moi; j’avais l’habitude de faire toutes suis tombée sur le dos, et je n’y suis les maisons. Particulièrement avant jamais retournée. Noël, j’essayais de faire un peu Alice : Le tissu pour vos vêtements, d’argent afin d’acheter ceci ou cela. d’où venait-il? Était-il acheté? Ou au printemps, nous allions Rose : Oui. travailler à Maugerville, en arrachant Alice : Était-ce bon marché? les mauvaises herbes et en faisant de Rose : C’était un peu meilleur marché. l’éclaircie. Nous ramassions des Lorsque ma mère nous confectionnait légumes, des baies. Savez-vous que des robes et qu’elle faisait également l’endroit où nous ramassions des des vêtements pour les garçons, on lui baies, je ne voudrais pas aller là donnait des vêtements de l’armée ou aujourd’hui. des vêtements de la police montée, et

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ce que l’agent des Indiens apportait à Rose : Eh bien! il n’en restait plus à ce la réserve. Il y avait des pantalons moment-là. Il n’y avait aucune pour les hommes, qu’elle arrangeait fantaisie; si vous pouviez faire vos pour en faire de beaux pantalons de tartes et vos gâteaux, c’était bien. Car toilette. Et lorsque les garçons avaient en ce temps-là (pause) besoin de pantalons, elle s’en servait Alice : Qu’en est-il au sujet du pain des et les coupait. Elle a confectionné un Indiens ou du lakuci [pommes de habit pour Neil, pour sa confirmation. terre tranchées, bouillies dans l’eau Et lorsque j’ai été confirmée, ma avec du porc salé]? mère a confectionné ma robe. Je m’en Rose : Les Indiens faisaient tout cela. rappelle. Du maïs, des fèves. Et ils avaient des Alice : Qu’en est-il de la nourriture? poules, des cochons, des chevaux. Je Que mangiez-vous à cette époque? sais que mon grand-père paternel Rose : Il n’y avait pas beaucoup de avait une ferme. Juste ici où se trouve fantaisie, et on n’entendait jamais la maison de Sapet [Elizabeth Paul] à parler de biscuits. On n’a jamais Oromocto. C’est presque le même acheté de tartes ou autre genre de endroit où Freddy vit maintenant, car pâtisseries. Des boîtes de conserve. c’est là qu’était située notre maison. Comme ce qu’on cultive dans un Mes grands-parents y avaient une jardin, des légumes, toutes les sortes ferme. Il y avait beaucoup de de légumes comme vous pouvez pommiers à cet endroit. Lorsque nous penser. Et la viande, on n’avait pas avons quitté Oromocto, il restait besoin d’en acheter. Le lait et les encore des pommiers. Il y avait œufs. Parfois quelqu’un avait des tellement de baies, que chaque fois poules sur la réserve. que j’allais dans les champs, je Alice : Et à cette époque, vous n’aviez revenais avec des bols pleins de pas de réfrigérateur, n’est-ce pas? baies. Des bleuets, des framboises, Rose : Non. des fraises. Alice : Comment faisiez-vous pour Alice : Utilisaient-ils les bleuets pour conserver les aliments? Comment faire de la teinture? étaient-ils conservés? Rose : Oui, des bleuets, des fraises et Rose : Ils étaient séchés ou marinés. des framboises. Tout comme le poisson. Alice : Qu’en est-il des cerises? Les Alice : La viande de chevreuil ou utilisiez-vous également? d’orignal? Rose : Ils les utilisaient. Ils faisaient de Rose : Oui. la gelée. Alice : Pendant combien de temps Alice : Est-ce qu’ils s’en servaient pour pouviez-vous conserver la viande? la teinture? Rose : Pendant tout l’hiver. Rose : Oui. Alice : Et au printemps? Alice : Des cerises?

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Rose : Oui, des canneberges. Il y avait était arrivé à maman. Elle a dit beaucoup de baies qu’ils utilisaient qu’elle s’était causée une entorse en pour la teinture. sortant de l’église. Elle faisait pitié, Alice : C’est incroyable, y en a-t-il qui car sa cheville était toute enflée, et les utilisent encore aujourd’hui? qu’elle devait rester couchée. Ils l’ont Rose : Tout comme le crayon pourpre amenée à l’hôpital, où on lui a donné qu’ils utilisaient. Un genre de crayon quelque chose pour la douleur, mais à mine qui, lorsqu’il est humide, sa cheville lui faisait toujours mal. devient pourpre. Lorsque ma mère et Elle était tellement enflée. J’ai pris du ma grand-mère confectionnaient des gruau que j’ai fait cuire, en le faisant paniers, mon grand-père apportait de bouillir, et que j’ai mis dans un la teinture et il y avait une bouteille morceau de tissu que j’ai appliqué sur d’ocre rouge qu’il utilisait. Et ma son pied. Au bout d’une dizaine de grand-mère disait qu’elle ne pouvait minutes, ma mère affichait un sourire utiliser cela avec les paniers. Va serrer sur son visage. Elle m’a dit : ça, disait-elle. Je veux tout ktowsihpilahs kil, tus (tu es une bonne simplement teindre mon frêne. Et il guérisseuse, ma fille). Et elle m’a faisait une teinture pourpre. Elle appris que j’avais déjà cette aptitude mélangeait les couleurs avec tout. dans mon esprit. En lui disant Elle fabriquait ses propres couleurs, « Oui », j’ai soulevé sa jambe. Et le et ce pourpre, ma mère l’a toujours lendemain elle marchait, et elle n’a vu, ce crayon de mine pourpre. Les plus jamais eu de problème. Elle oranges, les pelures, ils les utilisaient disait : Rosie, tu as des talents. Je fais pour la couleur également. Je vous parfois des choses sans en avoir dis que c’est incroyable d’où vraiment conscience. Un autre jour, pouvaient provenir les couleurs. Et j’étais à Tobique et les enfants sont toutes les herbes et les médicaments, venus jouer dans la cour des Rex. nous avions l’habitude d’aller dans L’un des jeunes, il est prêtre les bois et de creuser pour trouver des aujourd’hui, Curtis, était venu avec racines jaunes, le sceau d’or, un Darlene, Victor et Leon, le fils de médicament qui est bon pour les Rex. Il avait des maux d’oreilles et bébés lorsqu’ils ont des maux dans la Darlene m’a demandé si je pouvais bouche. Un jour ma mère me dit : l’aider [Curtis]. Je lui ai répondu que Rosie, je vais te montrer comment j’allais l’aider, et je l’ai mis sur le aider les gens lorsqu’ils sont malades. divan. Je lui ai dit de s’asseoir là et Je lui ai répondu que je pouvais déjà que j’allais faire fondre du beurre. l’aider. Elle s’était fait une entorse à J’ai mis quelques gouttes dans son la cheville en allant à l’église. Je ne oreille, puis j’ai pris de la ouate coton l’ai su qu’à son retour, car ils ont dû que j’ai badigeonnée avec le beurre. la transporter. Et j’ai demandé ce qui J’ai mis ça dans son oreille et je lui ai

156 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1 dit de prendre quelques aspirines, de se couvrir et de dormir, puis qu’il se sentirait mieux. Près d’une demi- heure plus tard, ils faisaient beaucoup de bruit en jouant. Rex a demandé : kikaha (tu es guéri), Curtis? Je le lui ai même mentionné lorsqu’il est venu l’été dernier. Il a dit qu’il se rappelait de moi de quelque façon. Et je lui ai répondu : Oui, il y a très longtemps chez Rex.

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8. Kincemossuwin (le temps des rois)

GINA (JEANNA) POLCHIES PREMIÈRE NATION DE WOODSTOCK

Je me souviens. Je ne sais pas comment ils appelaient cette fête, mais je crois que c’était Kincemossuwin (le temps des rois). Ils faisaient cuire un gâteau et mettaient deux grains de maïs à l’intérieur. Les personnes qui se retrouvaient avec un grain de maïs étaient consacrées roi et reine de la journée. Par la suite, il y avait une danse qui durait toute la soirée. Je m’en rappelle. D’autre part, je me rappelle un homme malade, en fait une famille touchée par la maladie. Cet homme était incapable d’aller chercher du bois et de l’eau pour sa femme. Donc, toutes ces personnes étaient arrivées avec de la nourriture qui venait de tout le voisinage, soit la part que chacun pouvait donner. Le tout avait été mis dans ce grand panier et apporté à la maison de cet homme. Tout le monde se mettait à chanter une chanson dont je ne réussis jamais à me rappeler. C’était quelque chose comme : Npeciptun, Nitap (je vous apporte, mon ami). Ils agitaient des genres de hochets (une corne de vache avec de petites roches à l’intérieur), et ils dansaient en cercle. Ils mettaient ce panier au milieu sur le sol, et ils dansaient tout autour en sortant graduellement du cercle.

Alice : Êtes-vous née ici à Woodstock? faisaient frire la viande et salaient le Gina : Non, je suis née à Oromocto. poisson, et ils le faisaient fumer. Alice : Qui étaient votre mère et votre C’était comme ça, et, bien sûr, il y père? avait les pommes de terre. C’était la Gina : Gabe Sacobie et Margaret, qu’ils même chose pour le travail; il y avait appelaient Moliahkat en indien. une scierie à cet endroit, et ils y C’était Margaret Sacobie. On pouvait travaillaient. À l’époque, très peu l’appeler Maggie ou Moliahkat ou d’Indiens étaient embauchés pour un encore Ole Gab. emploi quelconque. On les Alice : Pourriez-vous me raconter embauchait pour arracher les comment était la vie à cette époque à mauvaises herbes dans le jardin ou Oromocto, pendant votre jeunesse? pour sarcler ou encore pour travailler Gina : Je dois dire que ce n’était pas au moulin à l’empilage du bois. C’est tellement facile. C’est ainsi que ce que je me souviens qu’ils faisaient. c’était, et je ne pourrais le décrire La plupart d’entre eux chassaient. autrement. Il n’y avait pas de bien- Comme l’été, à la fin des classes, ils être social à cette époque. Les gens se rendaient tous à Maugerville, où ensemençaient leur jardin, ils étaient situées les fermes. C’est là pêchaient et chassaient. Puis, ils qu’ils arrachaient des mauvaises

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herbes et sarclaient, et faisaient toutes pouvaient vendre. À cette époque, il sortes d’autres travaux. Ils n’y avait pas d’argent échangé; le ramassaient également des airelles paiement se faisait sous forme de des marécages, et ils les vendaient, nourriture, de pain, de pommes de avec toutes les autres choses qu’ils terre. Et les agriculteurs fumaient

Planche 8.1, de gauche à droite : John Sacobie et Gabe Sacobie; Gabe était le père de Gina (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 74-17370)

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eux-mêmes leur porc, le salaient, de Ils allumaient une chandelle qu’ils même que leur jambon, et ainsi de tenaient dans leurs mains, et ils suite. C’est ce que vous obteniez sous chantaient cette prière indienne forme de paiement et des œufs, entre (j’imagine, car j’étais trop jeune autres. C’était comme ça d’après ce alors) jusqu’à ce que cette personne dont je me souviens, vous savez. meure. Et ils chantaient cette hymne Alice : Quel genre d’activités y avait-il? ou autre. Tout se faisait en indien et il Gina : Il y avait (pause) Je me souviens n’y avait aucun mot d’anglais, et que les hommes jouaient souvent c’était ainsi. Une autre chose, c’est avec des billes et des sous. Ils qu’après le décès de cette personne, jouaient également à la balle, et le ils avaient l’habitude de prier le soir, champ de balle était situé sur la je dirais vers 21 h 30. Il y avait aussi réserve. Bien sûr, il y avait des cet homme, qu’on appelait Raccoon, courses de canots et ils fabriquaient Andy de son vrai nom, qui montait leurs propres, non pas des canots, sur une colline et qui criait quelque mais des esquifs. Voyez-vous, ils chose comme Imiyan (l’heure de la voyageaient beaucoup sur l’eau. prière). Puis, il allait jusqu’à un autre Comme lorsqu’ils voulaient aller à endroit et criait la même chose. Il y Fredericton, ils montaient dans un avait de l’écho, et chaque fois le son bateau et ramaient. durait plus longtemps et était plus Alice : Oh, vraiment! fort. Et de l’autre côté de la colline, Gina : Oh, oui! Ou même jusqu’à tout près du fleuve, il s’y rendait en Gagetown. Et quelques-uns avaient empruntant la voie ferrée. En effet, il des hors-bord, et parfois vous pouviez y avait une voie ferrée à cet endroit. monter pour vous rendre à Et c’est là qu’il criait à nouveau, puis Fredericton. tout le monde se rassemblait et priait, Alice : Qu’en était-il au sujet des Imiyan (l’heure de la prière). cérémonies? Alice : À quel endroit se rassemblaient- Gina : Les cérémonies, il y en a ils? quelques-unes dont je me souvienne Gina : Eh bien! À l’endroit où le corps et dont je vous parlais l’autre jour. Par de cette personne était exposé. Voyez- exemple, lorsqu’une personne vous, il n’y avait pas de salon mourait. Il y avait ce vieil homme, funéraire à l’époque. Et c’est ainsi qu’on appelait Ole John, et dont je ne que cela se passait. Ils se me rappelle pas le nom de famille. Je rassemblaient et préparaient un repas, pense que c’était Sabattis. Et il y avait chacun apportant ce qu’il avait. une couple de garçons Sabattis, Alice : Quel genre de nourriture? Ahtuwen (Anthony) et Andy. Ils Gina : Eh bien! Ils avaient des fèves et, venaient et kahsahtuwenon, c’est s’il y avait de l’orignal, ils comme ça qu’ils disaient en indien. préparaient un ragoût à l’orignal ainsi

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que du riz et des raisins. C’était le ainsi que chez Sapiye (Xavier). J’ai plat principal (pause) Vous savez, habité chez ma tante Tuswey, et je lorsqu’une personne meurt, vous vous suis restée chez Julia, vous vous en attendez à du pouding au riz et aux rappelez? Et je ne peux me souvenir raisins. Et du pain indien bien sûr, le de son nom, mais je suis restée chez genre de pain qui se cuit au four. Nash, le frère de John Casey. Je pense C’est à peu près tout; le repas était qu’il s’appelait Pihel (Peter) Paul. De simple. toute façon, c’était le frère de Alice : Pendant combien de temps avez- John Casey. vous vécu à Oromocto? Alice : Je l’ai peut-être déjà vu. Gina : Jusqu’à l’âge de huit ou neuf ans. Gina : J’ai demeuré avec eux pendant Alice : Où êtes-vous allée par la suite? quelque temps, puis je suis restée Gina : Je suis allée à St. Mary’s qu’ils chez Tuahti et tante Clara. appelaient alors Sitansisk. J’ai habité Alice : Alliez-vous à l’école à l’époque? chez les personnes qui voulaient bien Gina : Je ne suis jamais vraiment allée à me garder. J’ai demeuré avec Molye l’école. J’ai très peu fréquenté (Maria). Je suis restée chez Louise l’école, seulement ici et là. J’ai quitté

Planche 8.2 : La mère de Gina, Margaret (Moliahkat), fille de Mike Paul (Kingsclear), femme de Gabe (ole Gabe) Sacobie d’Oromocto; avec la sœur de Gina, Ruth (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 75-1900)

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l’école en quatrième année. Alice : Qui était le médecin? Alice : Que faisiez-vous à St. Mary’s à Gina : Docteur Sterling. Avant qu’il cette époque? n’arrive, le bébé avait déjà perdu tout Gina : J’imagine que je fréquentais les son sang. personnes qui voulaient me garder ou Alice : Qu’est-il arrivé à la mère, s’en me nourrir. Lorsque vous êtes laissée est-elle tirée? seule, que la famille se disperse et Gina : Oui, elle était bien. La raison que les parents meurent (pause) Il y pour laquelle le bébé est mort serait avait tellement d’alcoolisme à cet un problème d’ombilic, car ils endroit, et j’errais tout simplement n’auraient pas bien attaché le cordon par çi par là. ombilical. C’est de là que venait Alice : Pendant combien de temps êtes- l’hémorragie. C’est un souvenir dont vous restée à St. Mary’s? je ne tiens pas à me rappeler. Gina : Jusqu’à ce que ma sœur Alice : C’est très bien. Vous rappelez- rencontre un gars à cet endroit, vous de quelqu’un qui confectionnait Oliver, et nous avons habité ensem- des paniers à cet endroit? ble. Gina : Oh, oui! C’était leur seule Alice : Marie était votre sœur, est-ce que activité, la fabrication de paniers et de vous parlez d’elle? manches de hache. Il y avait Gina : Oh, non! C’est Louisa. L’autre, beaucoup de choses qu’ils devaient c’est Annette, Annette Poole, sa mère. faire, car il n’y avait pas de bien-être Et Ronnie et Theodore, ce sont ses social. Wenuhchikuwamkan, qui veut fils. Elle est morte en 1943, je crois, dire « va vendre des articles pour des pendant que son mari était outremer; pommes de terre, des navets, de la elle est morte d’hépatite. À cette viande et tout cela ». Mais je n’ai époque, on ne savait pas ce qu’était jamais compris pourquoi ils l’hépatite, Wisawiye (devenir jaune). n’obtenaient jamais d’argent pour On pouvait à peine compter sur les tous leurs articles, comme les paniers. médecins à cette époque. Je me Ils faisaient des échanges, et c’était la rappelle lorsque j’étais à la maison, manière indienne. peu après la mort de ma mère. Je suis Alice : C’était sans doute plus important restée là avec mon frère pendant d’obtenir de la nourriture que de quelque temps, avec sa femme, l’argent. Pokan. Ils ont eu un bébé. Je ne sais Gina : Ils ont toujours fait des échanges, pas ce qui est vraiment arrivé, car peu importe ce que c’était, pour j’étais très jeune. Mais je sais que le toutes sortes de choses. bébé est mort d’une hémorragie, car Alice : Pendant combien de temps avez- le médecin est venu de Fredericton à vous vécu à St. Mary’s? Oromocto, et c’était l’hiver; ça lui a Gina : Environ trois ou quatre ans. donc pris beaucoup de temps. Alice : Comment aimiez-vous vivre à

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cet endroit? Ils faisaient cuire un gâteau et Gina : Comme j’ai dit, j’étais très jeune, mettaient deux grains de maïs à et c’est Louisa qui m’a gardée le plus l’intérieur. Les personnes qui se longtemps. Elle était comme une retrouvaient avec un grain de maïs seconde mère pour moi. Ils vivaient étaient consacrées roi et reine de la juste à côté de ma sœur, et c’est journée. Par la suite, il y avait une comme ça que j’ai fini par vivre là. danse qui durait toute la soirée. Je Lorsque ma tante est partie, elle leur a m’en rappelle. D’autre part, je me demandé si je pouvais rester chez rappelle un homme malade, en fait elle. J’y suis restée pendant environ une famille touchée par la maladie. trois semaines, après le départ de ma Cet homme était incapable d’aller tante pour l’hôpital à Saint-Jean. chercher du bois et de l’eau pour sa Alice : Que savez-vous au sujet de femme. Donc, toutes ces personnes Jemseg et de ces autres endroits? étaient arrivées avec de la nourriture Gina : Nous avions l’habitude d’y qui venait de tout le voisinage, soit la établir un camp, mais j’étais trop part que chacun pouvait donner. Le jeune pour m’en rappeler. Je sais tout avait été mis dans ce grand simplement que les Indiens avaient panier et apporté à la maison de cet l’habitude d’y camper pendant l’été. homme. Tout le monde se mettait à Il n’y avait presque personne au chanter une chanson dont je ne village. Ils prenaient leurs canots, réussis jamais à me rappeler. C’était leurs tentes et ils partaient, établissant quelque chose comme : Npeciptun, leur camp ici et là le long du fleuve. Nitap (je vous apporte, mon ami). Ils Alice : Êtes-vous déjà allée à l’île agitaient des genres de hochets (une Savage et à ces autres îles pendant corne de vache avec de petites roches que vous viviez à St. Mary’s? à l’intérieur), et ils dansaient en Gina : Non, jamais. Après que je me cercle. Ils mettaient ce panier au sois établie à St. Mary’s, j’ai arrêté de milieu sur le sol, et ils dansaient tout faire du bateau. Je suis rarement autour en sortant graduellement du sortie, mais du temps où j’étais à la cercle. Et le lendemain, quelques maison, nous étions très actifs, et hommes venaient couper du bois pour nous nous rendions en ville avec des cet homme et apporter de l’eau pour patins. sa femme, jusqu’à ce que l’homme se Alice : Vous rappelez-vous d’avoir porte mieux. Ils avaient l’habitude de célébré l’Épiphanie? C’était « Noël à s’entraider beaucoup, mais ce n’est l’ancienne » à cet endroit. plus le cas aujourd’hui. Et ils étaient Gina : Je me souviens. Je ne sais pas amicaux, tout le monde l’était. Je sais comment ils appelaient cette fête, qu’ils avaient leurs conflits d’opinion, mais je crois que c’était mais rien de grave. Kincemossuwin (le temps des rois). Alice : Vous devez donc avoir beaucoup

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Planche 8.3 : Un hochet sous forme de corne de vache (photo de Viktoria Kramer)

de parenté? Gina : Je ne les connais pas du tout. Ce Gina : Je n’en connais pas beaucoup. ne sont pas des membres de ma Alice : Oui, vous aviez de la parenté à famille. St. Mary’s, et vous en avez toujours. Alice : Ils doivent l’être, car ils ont tous Gina : Mes tantes, mes oncles et mes un lien de parenté avec Sandy. cousins. Gina : Eh bien! C’est par les liens du Alice : Pourriez-vous en nommer mariage. Pokan, je crois, leur demi- quelques-uns? sœur. En effet, il s’est marié à deux Gina : Je ne sais même plus, car j’ai reprises. Isaac s’est marié deux fois. quitté St. Mary’s lorsque j’étais Ce John Casy, Josephine, Pokan et encore jeune. l’autre, Pihel. Ce sont des enfants du Alice : Vous avez dit que Sandy Sacobie premier lit. était l’un d’eux. Alice : Très bien. Je vois! Gina : Sandy, oui. Gina : Et les enfants du second lit Alice : Il y avait Sandy, et aussi étaient Ruby, Percy ainsi que Dolly et Raymond. Rita. Gina : Je n’ai même pas vu Raymond. Alice : Donc, après St. Mary’s, où êtes- La raison pour laquelle je connais vous allée? Sandy, est qu’il est venu à la porte. Ils Gina : À Woodstock. avaient une partie de balle ici, et il est Alice : Avez-vous déjà vécu à venu. C’est comme ça que j’ai connu Kingsclear? Sandy. Gina : Non. Alice : Il y a Percy, Rita, Dolly. Alice : Vous vous êtes mariée en quelle

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année? (grand-père). Et s’ils vous disaient Gina : En 1937. quelque chose, comme Nipuwamon Alice : Comment vous êtes-vous not ntus (marie-le, ma fille), il te retrouvée ici? donnera un bon foyer et il sera bon Gina : Ma sœur a rencontré pour toi, ou encore Koleyaq oc (il Oliver Polchies. Et elle ne voulait pas sera bon pour toi), étant donné que tu me laisser là-bas, et moi je ne voulais n’as pas de parents. C’est comme ça pas venir ici. Elle m’a donc dit que si que ça fonctionnait. C’était tout je ne venais pas avec elle, elle ne comme un mariage arrangé. Comme viendrait pas. C’est alors qu’Oliver si vous étiez jeune et que vous m’a convaincue de venir ici, et je suis rencontriez quelqu’un et qu’on vous venue. Et encore une fois, j’ai vécu demandait en mariage, si vous ici et là. racontiez à l’Ancien que vous aviez Alice : Dans vos déplacements, lorsque reçu une proposition, il vous disait de vous étiez jeune, avez-vous déjà le marier, qu’il serait bon pour vous. entendu parler de mariages arrangés Et c’est comme ça que ça se pour les Indiens? déroulait. Gina : Eh bien! Je crois que le mien Alice : Gina a eu cinq enfants de son était arrangé. Oui, il l’était. En fait, premier mariage, dont elle ne veut on m’a menacée, si je ne mariais pas pas se rappeler. Elle n’a eu aucun cet homme. J’ai marié un vieil enfant de son deuxième mariage. homme, et si je refusais, on me Gina : Vivre ici à Woodstock n’a pas été rejetait de la réserve. si désagréable, car j’aime vivre seule Alice : Quel âge avait ce vieil homme? de toute façon. Je ne me mêle pas Gina : Il était dans la trentaine, et j’étais beaucoup aux autres. Je suis amicale une adolescente. Il était veuf à ce avec tout le monde ici. Je n’ai aucun moment-là, et il devait avoir trente- grief contre personne. quatre ou trente-cinq ans. Alice : Vous avez mentionné que vous Alice : Vous rappelez-vous s’il y avait alliez souvent visiter Peta beaucoup d’autres mariages arrangés? (Dr Peter Paul). Gina : Pour la plupart. En ce temps-là, Gina : Oui, car je voulais trouver ma on respectait les Anciens et ce qu’ils grand-mère. Mais les plus vieux sont disaient, car on pensait que c’était la partis et chez moi, il ne reste plus bonne chose à faire. Presque tout le personne. Ma sœur Ruth a fait des monde était votre grand-mère, car recherches et, bien sûr, moi aussi. J’ai c’est comme ça qu’on les appelait, eu de la difficulté à trouver mon Nuhkum (grand-mère). Peu importe certificat de naissance. Dans ce qui c’était, que vous ayez des liens de temps-là, on avait un prêtre itinérant. parenté ou non, on les appelait Et c’était selon un système de rota- Nuhkum (grand-mère) ou Muhsumi tion. Un prêtre venait à peu près une

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fois par mois à Oromocto. Et c’est abandonnaient parfois un nouveau-né. pourquoi il n’y avait pas de certificat Comme cet homme qui pouvait avoir de naissance, parfois juste un extrait quatre ou six enfants, et qui ne de baptême. Je suis née en décembre, pouvait les nourrir. Donc, s’il y avait mais je n’ai été baptisée qu’en février, un nouveau-né, ils déménageaient à et je pense que c’est ce qui explique un autre camp et ils laissaient le pourquoi il en fut ainsi. Je me nouveau-né à quelqu’un d’autre. Et je rappelle que le nom du prêtre, c’était ne savais pas cela. C’est ce qu’il a dit le père Allen, et c’est il y a très et qu’à cette époque, les Blancs longtemps. avaient l’habitude de faire ça, qu’ils Alice : Quelle paroisse? les donnaient. Gina : Saint-Vincent-de-Paul, église Alice : Parlez-moi du costume d’Oromocto. traditionnel. Alice : L’église conservait des registres Gina : Oh! Disons qu’il y avait ce qu’ils à cette époque? appelaient un bonnet, comme un Gina : Non. Lorsque j’ai essayé de chapeau hollandais et un vêtement trouver les registres pour ma pension qui avait l’air d’une bavette. Il y avait de vieillesse, je suis allée au aussi un manteau de longueur trois presbytère. On m’a dit que les quart. Et il y avait des motifs perlés. registres avaient brûlé au Palais de Je ne l’ai vu qu’en photo. Puis il y justice de Burton. Voyez-vous, tous avait un genre de jupon et les les registres étaient là. Mais il y avait souliers, soit les mocassins, qui un vieux livre à cet endroit pour la montaient presque jusqu’aux genoux. confirmation et c’est ainsi que j’ai pu Sur les photos qu’il m’a montrées, il savoir. C’était un très vieux registre, n’y avait pas de plumes. Même chose et il m’a dit que c’est tout ce qu’il pour les hommes, sauf que lors d’une avait. cérémonie, ils portaient une plume. Il Alice : Pouvez-vous me dire ce que Peta y en avait certains, j’imagine, comme vous a dit au sujet des traditions vous avez dit, qui organisaient ces indiennes? cérémonies indiennes. Ils avaient Gina : Eh bien! Vous savez qu’il m’a l’habitude d’utiliser, je ne sais com- raconté tellement de choses. On avait ment ils les appellent, mais je crois l’habitude de parler des Indiens, de qu’ils disaient Altestakonol (hochets). leurs nombreuses familles. Je ne Comme je l’ai déjà dit, ils avaient ces savais pas qu’ils abandonnaient leurs cornes, des cornes de vache, remplies enfants parfois, lorsqu’il y en avait de pierres ou de petites roches. Et trop et qu’ils ne pouvaient les nourrir. c’est ce qu’ils faisaient, ils chantaient; Alice : Je n’ai jamais entendu parler de ça. c’est ce dont je me souviens. Ils Gina : Moi non plus, jusqu’à ce que tenaient ces danses dans des maisons, Peta me le raconte. Il m’a dit qu’ils la maison de quelqu’un, comme votre

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maison. Et on ne buvait pas soir et il y avait beaucoup de gens, beaucoup. Juste un peu. Des boissons des Anciens, qui s’assoyaient dehors qu’ils confectionnaient eux-mêmes. et écoutaient. C’est tellement Tout le monde avait une chope. Je différent aujourd’hui. C’est vraiment pense que toute personne qui a une dommage que cette tradition se soit descendance indienne se souvient de perdue. Lorsque je suis venue la bière d’abeilles. C’est comme ça m’établir ici, Minnie vivait sur qu’ils l’appelaient. Je me rappelle que l’ancienne réserve. Et lorsqu’elle lorsqu’il y avait des danses, les jeunes mettait les enfants au lit, elle se s’asseyaient autour pour regarder les berçait près de la fenêtre. Elle plus vieux danser. Mais comme j’ai chantait fort, et personne ne riait dit, on ne buvait pas beaucoup. Et on d’elle, car elle berçait son bébé. ne pouvait pas acheter de boissons Alice : Ronnie Paul a mentionné la alcoolisées à cette époque de toute même chose, avec ses enfants, et qu’il façon. composait ses propres chansons Alice : Est-ce que selon vous, lorsque indiennes. vous avez grandi à Oromocto, à St. Gina : Parfois, j’ai des bribes de souve- Mary’s, à Woodstock, les hommes à nirs, mais je pense que j’oublie la l’époque avaient du talent? Qu’ils langue indienne. Et une fois de temps pouvaient jouer du violon? en temps, ça me revient, mais lorsque Gina : Oh! Je crois que oui! Lorsque je veux le raconter à quelqu’un, ça j’étais chez moi, toute petite, ils se m’échappe à nouveau. C’est un rassemblaient chaque soir. Il y avait langage dont les mots sont difficiles à Levi Brooks, qui jouait de la épeler. guimbarde ou des cuillères. Et Alice : Vous n’avez qu’à l’écrire comme Charlie Sark jouait de l’accordéon, ou vous pensez. de la musique à bouche. Et les Gina : Nous parlons différemment, garçons Sabattis qui jouaient du comme l’indien d’Oromocto. Lorsque violon. Vous devez avoir entendu je suis venue à St. Mary’s, certains parler de Noel By. Son nom était mots étaient différents. Et lorsque je Noel Paul et, pendant qu’un autre suis venue m’établir ici, c’était encore jouait du violon, il frappait sur le différent. revers du manche du violon. Cela FIN DE L’ENREGISTREMENT – donnait un son de violoncelle, c’est CÔTÉ UN vraiment le son que ça donnait. Ils ENREGISTREMENT UN – CÔTÉ organisaient un concert improvisé DEUX chaque soir, et ils chantaient. C’était Gina : C’est également le cas pour la même chose à St. Mary’s. Il y avait Pilick [Kingsclear]. Lorsque nous toujours deux ou trois gars avec une amenions Jenny pour une promenade, guitare. Ils se rassemblaient chaque elle parlait en indien. Et la fois

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suivante où nous sommes allés, trois en indien, juste en indien. J’ai dit le ou quatre ans plus tard, elle ne peu dont je me souvenais. comprenait plus un mot. C’est la Alice : Joe et moi sommes allés à vitesse à laquelle la langue se perd. Princeton, non pas Princeton mais Alice : J’aime parler la langue indienne, sipayik, une année. En fait nous et ma mère également. sommes tous deux membres des AA, Gina : Je ne peux parler couramment. et il y avait là des réunions de AA le Neqotkukyik (les gens de Tobique) le samedi. Je pense que c’est Dianne qui peuvent. Ma sœur Theresa aussi. nous disait qu’ils ne parlaient que Alice : Je suis allée voir Royden, et il ne Passamaquoddy, pendant les parlait que la langue indienne. Je réunions. comprends tout ce qu’il dit. Gina : Ce devrait également être ainsi Gina : Et ils ont différentes pour nous. Mais il y a trop de femmes prononciations. blanches, et personne ne veut parler Alice : Oui. Il m’a dit qu’il n’y avait pas indien. de jurons en indien. Alice : Même les Indiens ici ne veulent Gina : Non. pas parler indien. Mais moi j’aime Alice : Il n’est pas supposé y en avoir bien parler cette langue, vous savez. du tout, m’a-t-il dit. J’imagine qu’au Gina : Moi aussi. Ça me revient cours des ans, ils ont réussi à en maintenant. Mais je ne pourrais tenir inventer. Je lui ai demandé ce que toute une conversation en indien. voulait dire lahkihikon (houe de J’aimerais pouvoir le parler jardinage) veut dire, et il m’a répondu couramment. C’est étrange, je ne qu’à cause du mot, nous supposons pouvais parler un seul mot d’anglais tout de suite que c’est une prostituée. lorsque je suis arrivée ici. Je pouvais Mais il m’a dit que ce n’était pas vrai, dire « oui » ou « je ne sais pas » et que lahkihikon est une houe, pour c’est tout. Et aujourd’hui, j’ai oublié travailler dans le jardin. Je lui ai la langue indienne. Je pouvais répondu : Oui! Et c’est vrai, lorsque nommer tous les arbres, tous les j’y pense, car ma mère m’avait déjà animaux, les cours d’eau. Mes prières raconté qu’il n’y a pas de juron en étaient en langue indienne, le Notre indien. père, le Je vous salue Marie, c’était Gina : Eh bien! sqehsomuhs wi wasis. en langue indienne, et maintenant je Chienne est sqehsomuhs ou ne me rappelle de rien. Je crois que je pokutnunse [bâtard]. Mais ce n’est ne pourrais même pas faire ma pas un juron. Bâtard est dans le bénédiction en indien. À Skiff Lake, dictionnaire, et ce n’est pas vraiment ils disent la prière indienne en un juron. On ne réussit pas à dire des malécite. L’an dernier, ils ont dit la mots vraiment grossiers. Quelqu’un prière dans d’autres langues, comme disait qu’on devrait se réunir et parler en hollandais et en français.

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Alice : Est-ce que beaucoup de nos gens Puis le dimanche de Pâques et le vont là, à Skiff Lake? Vendredi saint, toute la journée de Gina : Oui! Un bon nombre. Il y a tout Vendredi saint, il fallait garder si- un pique-nique qui s’organise à cet lence. Et il fallait éviter de verser le endroit. C’est dans la deuxième sang. Ils avaient l’habitude de vérifier semaine du mois d’août. C’est ouvert dans les cheveux pour voir s’il y avait à tout le monde, et il y a deux ou trois des lentes et des poux, tous les jours, prêtres qui y participent. C’est un mais pas ce jour-là, car ils ne gros rassemblement. voulaient pas verser le sang en faisant Alice : Comment était la religion chez éclater les lentes [dit en malécite]. les Indiens à cette époque? Oui, c’est la vérité, c’est comme ça Gina : Ils étaient très religieux. La qu’ils étaient. Les Indiens étaient religion, je pense que cela ferait honte vraiment très religieux. Ils à tous ces catholiques modernes, soit respectaient le Vendredi saint, de la façon dont les Indiens pratiquaient sorte que (pause) leur religion, car ils étaient tellement Alice : Ce dont je me souviens, c’est croyants. Je me rappelle de Kci que nous devions aller à l’église tous Skehewahtoq (Vendredi saint). Et je les dimanches. Et il fallait se me rappelle qu’on se levait à trois confesser. On ne pouvait pas manger heures du matin. Je ne sais si vous de viande le vendredi. Il fallait porter vous vous rappelez de ce petit un chapeau à l’église. Et tout le ruisseau, ici à Oromocto, et du petit monde était comme ça, tout le monde pont. C’est là que les Indiens allait à l’église à cette époque. d’Oromocto allaient puiser leur eau, Aujourd’hui, je crois que c’est dans ce petit ruisseau. Il y avait un uniquement par chance que quelqu’un trou à cet endroit. Ils nous sortaient s’y rend. du lit, les personnes chez qui on Gina : Mais à l’époque, les Indiens habitait, et ils nous levaient et nous étaient très religieux. Quant au prêtre, amenaient prier près de ce petit vous auriez pu croire que c’était Dieu ruisseau. Et peu importe s’il faisait lui-même à cause de la façon dont ils froid ou s’il y avait orage, il fallait l’adoraient et le respectaient. C’est sortir du lit et aller prier près de ce triste que la tradition ait été oubliée petit ruisseau. Puis, il fallait boire de au sujet de la mort et de l’appel, cette eau et dire les bénédictions. lorsque venait le temps de prier. Bien Alice : Comme si c’était de l’eau sûr, nous avons des salons funéraires bénite? aujourd’hui et nous n’avons plus Gina : C’est l’usage qu’ils en font, besoin de garder les morts à la comme de l’eau bénite. Vous en maison. ramassiez une bouteille et c’est à quoi Alice : Certain le font encore elle servait, à se bénir et pour la boire. aujourd’hui.

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Gina : Eh bien! je pense que c’est sage vivait dans la vieille maison, à ce de les garder dans un salon funéraire, moment-là. Mon premier mari était car c’est triste de voir quelqu’un à la parti au sanatorium. Sa tante avait maison. confectionné ce genre de médicament Alice : Oui! J’ai trouvé ça triste lorsque pour les reins à l’intention de mon Joe est mort. Car il était chez moi, et mari, et il est parti avant d’avoir fini. c’était triste, mais il voulait être dans Il y avait deux bouteilles; en ce son foyer lorsqu’il est mort. temps-là, nous avions des chaudières Gina : Je peux comprendre, car son pour l’eau. J’avais un petit hangar et foyer est là. J’ai toujours pensé que un petit support pour l’eau. Il y avait lorsque vous êtes marié, c’est votre deux de ces bouteilles de vin derrière foyer. Je sais que j’aime être chez la chaudière d’eau, et Eugene est moi, car c’est mon foyer. venu un jour, car je voulais sortir ma Alice : Eh bien! il voulait revenir à la cuisinière du hangar. Eugene m’a maison, et c’est ce que j’ai fait, et demandé ce qui était derrière la c’est là qu’il est mort. C’était triste, chaudière. Je lui ai dit que c’était de car sa mère était décédée deux mois la bière artisanale. Il m’a dit qu’il avant lui, mais peu importe. Que sortirait ma cuisinière du hangar si je savez-vous au sujet de la médecine lui donnais cette bouteille. Je lui ai dit indienne? que j’étais d’accord. Il a obtenu l’aide Gina : Kiwhosuwos [racine de calame] d’un autre gars, et ils ont sorti la et Kakskutkwesik [cèdre]. Je cuisinière, qu’ils ont bien installée n’essaierais pas cette médecine pour moi. Et ils ont pris les deux aujourd’hui, car je me rappelle qu’ils bouteilles, qu’ils ont glissées dans mélangeaient le cèdre et un genre leur pantalon, autour de la taille, et ils d’écorce. Ils en faisaient un sont partis vers le cimetière. Lorsqu’il médicament pour la toux. Je m’en est revenu, il m’a dit qu’ils avaient rappelle, mais je ne l’ai jamais tout bu mais qu’ils n’avaient rien essayé, car je n’étais pas sûre. Je ne ressenti. C’était ce médicament; sais pas. Et ils lui donnaient le nom j’aurais pu les empoisonner tous les de Labradors, Pahsi Pokaskil. Je ne deux. Je ne savais pas qu’ils sais pas pourquoi ils l’appelaient pensaient que c’était du vin. C’était ainsi. C’est doux à l’extérieur et dans des bouteilles vertes et le liquide comme du velours au fond, et ils avait une couleur brune. Et Eugene utilisent ça pour les reins. Comme j’ai était vraiment mécontent; il m’a dit dit, je n’ai jamais essayé ce genre de que ma bière n’était pas bonne. médicament. Je les ai vu faire, mais je Eugene avait l’habitude de venir chez ne sais pas quels autres ingrédients ils moi assez souvent, et Dickie et Gabe y intégraient. Je me souviens me rendaient visite à l’occasion. d’Eugene. Il est venu s’établir ici et il FIN DE L’ENREGISTREMENT

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9. Commerce pendant l’hiver

BOB NASH GAGETOWN

Ils faisaient du commerce, l’hiver notamment. Mon père se servait d’un attelage de chevaux pour se rendre à Jemseg. Ça lui prenait une journée entière, car il s’y rendait avec tout un assortiment de paniers, des paniers à linge, ainsi que des manches de hache. Je suis allé avec lui une fois. Ce fut une longue journée pour moi, mais nous avions beaucoup d’articles d’épicerie lorsque nous sommes revenus : du porc salé, du bœuf, toutes sortes de choses, du jambon, ce que les gens aimaient.

Planche 9.1 : Maison flottante de la famille Nash. À gauche, Jim Nash (photo de William Nash)

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Alice : Bob, êtes-vous né et avez-vous On y trouvait tout, même des lits vécu votre enfance ici à Gagetown? superposés. Et il y avait également de Bob : Oui, je suis né le 5 mars 1930, à tels lits dans le remorqueur de mon Gagetown, près de Dingy Shore. À père. Avec mon père et ma mère, nous partir de ce moment-là, mon père a eu vivions dans le bateau-maison. À deux chalands. l’occasion, Henry se joignait à nous. Alice : Qui étaient votre mère et votre Jenny Lee Dan et Tom venaient père? également nous rejoindre. Ils restaient Bob : Jim et Lena. habituellement dans le remorqueur Alice : Jim et Lena Nash? jusqu’au moment des repas, puis ils Bob : Eh bien! Elle était une Sabattis quittaient cette embarcation, d’Oromocto. montaient dans les bateaux à rame et Alice : D’où était votre père? allaient prendre leur repas. Le bateau Bob : Nous ne savons pas. Il ne nous l’a n’arrêtait jamais jusqu’au moment où jamais dit. Ses frères étaient de nous nous rendions à Fredericton le Fredericton, et je les connais tous. matin. Lorsque nous arrivions à Alice : Aviez-vous des liens de parenté Fredericton, c’était le lendemain et il avec tout le monde près d’ici? fallait plusieurs jours pour décharger Bob : Oui, avec tout le monde, sauf pour le bateau. Puis nous retournions à ce qui est de nos voisins immédiats, nouveau. les Donovan; nous n’avions aucun Alice : Qu’est-ce que vous déchargiez? lien de parenté avec eux. Mais avec Bob : Du bois. Nous achetions du bois tous les Nash autour d’ici. au magasin de Reid. Puis il était Alice : Pourriez-vous parler de votre chargé sur les bateaux et envoyé en enfance? aval sur le fleuve Saint-Jean et Bob : Lorsque nous étions à Gagetown, outremer, j’imagine. Oui, et mon père mon père travaillait pour les Reid. Il avait une petite ferme ici, près du remorquait des chalands de rivage. C’est là que nous avons vécu, Fredericton à Gagetown, et il je crois, jusqu’en 1949. Puis ils ont transférait la cargaison sur les déménagé à Gagetown, et transporté goélettes qu’il y avait là. Je peux à leur maison un peu plus bas. peine m’en rappeler, car c’était en Alice : Est-ce que votre père vous a 1938 et j’étais âgé d’environ huit ans. montré tout ce que vous savez au Puis il faisait le transport aller retour. sujet de la cueillette des crosses de Nous utilisions des remorqueurs et fougère, du piégeage et de la chasse? des chalands avec notre Bob : Le trappage oui, il me l’a bateau-maison. enseigné. J’y allais davantage avec Alice : Pourriez-vous nous parler de ce mes frères. Mon père, Dan, Tom et bateau-maison? moi-même allions faire du piégeage Bob : C’était tout comme une maison. avec eux, mais j’étais si jeune. Lui et

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Planche 9.2 : pére de Bob, Joe Sabattis (Kansas) et sa mére. Lena Mame Jim Nash) de Gagetown, Nouveau-Brunswick (archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 75-12124)

Tom avaient une petite cabane à cet beaucoup de nourriture, du rat endroit. Ils utilisaient la cabane de musqué. J’avais l’habitude d’obtenir Reid. Et il y avait beaucoup de rats, trois cents pour chaque souris. C’est peu après le printemps, avant le ce que le vieil homme Dingy avait mouvement des glaces. Il faut rester l’habitude de me payer à sa ferme de là à peu près jusqu’à ce que les glaces renards. se libèrent. Car il y a de nombreuses Alice : Quel était le nom de ce vieil années, la glace pouvait s’empiler homme? jusqu’à huit à dix pieds de hauteur. Il Bob : George Dingy. n’y avait pas de barrage ou quoi que Alice : Combien de frères aviez-vous? ce soit d’autre, et les glaces venaient Bob : J’avais sept frères. de très loin en amont, et il fallait Alice : Et combien de sœurs? rester là. Bien sûr, nous avions Bob : J’en avais six.

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Alice : Vous aviez une grosse famille. haut, avant qu’ils ne construisent Bob : Nous étions treize, ce qui est Mactaquac [le barrage], car nous beaucoup, je crois. avions l’habitude d’aller jusqu’à Alice : Êtes-vous nés à Fredericton, à Prince William, là où Sam m’avait l’hôpital? montré un endroit, il y a de cela de Bob : Non. Ils sont tous nés dans la nombreuses années. ferme de mon père. Je suis né là Alice : Est-ce que Bessie est votre également. Je ne me souviens de sœur? personne qui soit né chez le médecin Bob : Oui. à cet endroit. Alice : Je vivais à côté de chez Bessie. Alice : Est-ce que votre tante ou votre Combien de gens vivaient à cet mère était une sage-femme endroit, vous rappelez-vous? s’occupant de la mise au monde des Bob : Tom Brooks vivait à côté du nouveau-nés? fleuve. Puis il y avait le frère de mon Bob : Ma mère a déjà fait ce travail et père, Tom, Tom Nash. Et plus haut, Mme Louie Paul, qui vivait à Upper vers la route, je crois que c’était la Gagetown, avait l’habitude de venir fille de Steve. Et Steve vivait à côté aider ma mère. de cette petite femme qui était Alice : Le piégeage, est-ce que vous en maîtresse d’école – il y avait une faisiez tous les ans? école ici, eh eh! Et il y avait une Bob : Oui. grosse maison blanche, et c’était celle Alice : Est-ce tout ce que vous faisiez? de Sam Brooks, et le père de Mike Pas de cueillette de crosses de vivait ici. Polons (Frank Sacobie) fougère? vivait là, puis les Wiseman, qui vivait Bob : Eh bien! Il y a de nombreuses à peu près au milieu. Je suis allé à années, j’avais l’habitude d’aller l’école à cet endroit pendant que je aider Sam. Il m’a montré tous ces restais chez ma sœur. Et j’ai dû endroits et, lorsqu’il a arrêté de déménager ici et faire les foins avec cueillir des crosses de fougère, il m’a les Dingy, afin de les aider. C’est il y demandé de prendre la relève, ce que a très longtemps. j’ai fait. Molly, ma sœur, m’aidait, Alice : C’était en quelle année? avec Norma et quelques autres Bob : C’était vers 1942-1943, pendant personnes, mais je ne me souviens la guerre. Nous sommes déménagés plus de leurs noms. ici, et on n’avait pas le droit d’entrer Alice : Que savez-vous de la région de dans les établissements des Blancs, Jemseg? notamment ici à l’école. J’ai réussi à Bob : Je n’ai jamais cueilli de crosses de me faufiler et j’ai donc été le premier fougère à cet endroit. Nous avions à fréquenter l’école de Gagetown. l’habitude d’aller jusqu’à l’île Sugar J’avais l’habitude d’aller y jouer à la et du côté de Durham . Et même plus balle avec les jeunes, et ils m’ont fait

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entrer à l’école dans la classe de soeurs. 12e année. Au bout d’un certain Alice : Que savez-vous au sujet de la temps, le professeur s’est rendu région de Jemseg? compte que je ne faisais pas partie du Bob : Comme quoi? groupe et que je n’étais pas supposé Alice : À l’endroit où ils font des être là. fouilles. Alice : Avez-vous obtenu votre Bob : Il y a déjà bon nombre d’années, diplôme? lorsque Jack Waterberry est Bob : Non. J’y suis allé quelques années déménagé de Saint-Jean avec sa plus tard. Le shérif ici, femme, la mère d’Alma, et je pense George Brown, et d’autres personnes qu’elle est encore très petite, nous ont dit à mon père que j’avais souvent avions pris l’habitude d’aller à Porto- joué à la balle à l’école. Et qu’ils bello, pendant environ un mois ou aimeraient que je fréquente l’école et peut-être six semaines. De toute que je commence en première année. façon, on y passait tout l’été et on Alice : Quel âge aviez-vous? nous montrait tous ces endroits Bob : J’avais treize ou quatorze ans. connus des Indiens, comme Indian Alice : Et vous n’étiez jamais allé à Point, jusqu’au lac Maquapit et au lac l’école auparavant? French, de l’autre côté de Douglas Bob : Eh bien! J’avais fréquenté l’école Harbour. Indian Point, c’est un à Fredericton, pendant environ une mauvais endroit où je ne voudrais pas année. Et je suis allé ici pendant vivre. quatre ans. Mes sœurs Molly et Viola Alice : Pourquoi? Qu’est-ce qui est si y sont allées. Quand elles ont appris mauvais à cet endroit? que j’allais à l’école, elles sont ven- Bob : Nous avons passé une nuit là, et ues avec moi. Je pense que Molly j’étais heureux de partir le lendemain. était âgée de dix-neuf ou vingt ans, et Alice : Un endroit hanté? Viola (pause) lorsqu’elles ont Bob : Oh oui! On pouvait entendre des commencé. Je pense que Molly est voix humaines pendant la nuit. Et restée un peu plus longtemps, papa m’a dit de ne pas y prêter atten- jusqu’en neuvième année. Je pense tion, et que si on ne voulait pas les qu’elle était âgée de vingt-sept ans. entendre, on ne les entendait pas. Alice : Molly est décédée? Mais il avait également dit que plus Bob : Oui. on les écoute, plus on veut les Alice : Viola est toujours vivante? entendre. Bob : Oui. Alice : En quelle langue parlaient-ils? Alice : Où vit-elle? Bob : En indien, mais dans une langue Bob : Au Cap-Breton. indienne différente de la nôtre. Alice : Bill est toujours vivant? Alice : Vraiment? Bob : Oui. Il me reste un frère et deux Bob : Oui.

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Alice : Je crois que quelqu’un d’autre noix? m’a raconté la même chose. Je ne me Bob : Mais oui. souviens plus qui c’était, mais cette Alice : C’est étrange! personne avait entendu des voix Bob : En ce temps-là, il était difficile de s’exprimant dans différentes langues trouver de telles noix. Il y a de sur l’une de ces îles. nombreuses années, plus bas, il y Bob : Nous sommes donc arrivés de ce avait un pont qui donnait à cet côté, et nous nous sommes rendus à endroit. Mon père et ma mère disaient l’embouchure du Grand lac. Et sur qu’il n’y a pas de problème pour nous cette pointe, c’est là que nous avions à partir du pont jusqu’ici. Mais plus l’habitude de camper, et nous nous bas, c’était différent, et nous n’avions rendions à cet endroit où il y a du pas l’habitude d’aller camper là. C’est noyer cendré. En septembre, nous tout ce que je sais au sujet de ces avions l’habitude de nous rendre à cet cours d’eau et de Jemseg. endroit, sur les terres de l’homme Alice : Est-ce que vous connaissez blanc, et ce dernier pouvait nous voir Brown’s Flat? de sa maison. On se faufilait, et il Bob : Non. nous chassait de là. Un jour, il était Alice : Et Sheffield? caché derrière un arbre jusqu’où on Bob : Non plus. Nous ne sommes jamais s’était rendu, et il s’est montré tout à allés de ce côté. Il y a seulement un coup. Il nous a demandé pourquoi on endroit dont mon père avait ne restait pas sur nos terres, et il nous l’habitude de me parler, soit juste a dit de ne pas venir déranger ses avant d’arriver à l’endroit connu sous noyers cendrés. Nous sommes donc le nom de « Country Pumpkin » allés le dire à notre père, et nous ne (magasin de légumes), près du pont sommes jamais retournés depuis ce de Burton. Il nous disait que le temps-là. territoire des Indiens va du fleuve Alice : Qui était cet homme? Saint-Jean, en amont à partir de Bob : Je crois que son nom était Gunter, l’anse, en passant en deçà de Burtt’s il était âgé, un vieil agriculteur. Par la Corner, près de la voie ferrée, et que suite, Jim, papa et Jack se sont là, il y a une bande de terre qui contentés de fabriquer des paniers et appartient aux Indiens. L’individu qui des manches de hache, et d’aller le s’est noyé, et qui avait l’habitude de visiter. Ils n’obtenaient pas d’argent, faire du piégeage à cet endroit, mais faisaient seulement des Buck Nash, vivait à cet endroit à une échanges pour des légumes et autres époque. C’est là que nous nous produits du genre. arrêtions. Lorsque mon père s’y Alice : C’était acceptable pour eux de rendait avec un bateau vide, pour faire des échanges, mais ça ne l’était aller y chercher un chargement de pas pour vous d’aller cueillir des chaland, il montait jusqu’en haut de

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la colline où il y avait un bungalow. sur le rivage. Le lendemain, j’ai dit Alice : L’endroit où vous vivez aux jeunes de prendre le bateau et aujourd’hui, toute la famille des Nash d’aller voir. Ils y sont allés et il n’y dans cette région, est-ce un territoire avait rien là où on avait vu le feu, pas indien? même des cendres. Bob : Non. J’ai acheté ces terres en Alice : Qu’est-ce que c’était? 1973, lorsque je travaillais pour Bob : Ça se déroulait il y a environ trois Cooper. J’ai acheté toute cette ans. superficie jusqu’à la colline. J’ai Alice : Et rien de tel ne s’est produit acheté des terres et je les ai vendues depuis? pour la construction d’habitations. Bob : Eh bien! Avant cela, je ne sais pas Juste en face, je possède 38 acres, et si Beaver vous l’a déjà mentionné ou 104 acres à partir du coin de la ligne non, mais je crois qu’ils étaient là, de démarcation de l’armée. J’ai sans moi. Et ils ont cru voir des acheté un autre lot ici, juste avant canots au clair de lune. d’arriver chez Bill de l’autre côté du Alice : Oui, je crois qu’il l’a mentionné. chemin. Et il y a un autre endroit, Bob : Et bien! je crois qu’ils restent mais je ne sais pas si vous allez me surtout de l’autre côté. croire ou non. Si vous demandez aux Alice : Ils ne vous dérangent pas du jeunes ici dans la région, comme ce tout? jeune qui vient tout juste de nous Bob : Non. Mais s’il y a un territoire qui quitter. Nous étions ici un soir, et appartient aux Indiens, c’est du côté nous avons l’habitude de monter un de la rive où est établi le camp des feu de camp et de passer presque tous filles. nos étés sur le rivage. De l’autre côté Alice : Qu’est-ce que cela veut dire pour de la plage, il y a ce camp de guides vous? Est-ce pour protéger le pour les filles, à cet endroit, et je suis territoire? presque certain que les Indiens ont Bob : J’en suis presque certain. Je l’ai vécu là auparavant. C’est hanté. Nous mentionné à Beaver une fois, et je l’ai étions assis là un soir et les jeunes mentionné à ma sœur aînée. Ils m’ont avaient ces pétards qu’ils s’amusaient répondu que mon père n’avait jamais à faire éclater. Il devait être rien mentionné de tel. Mais c’est il y vingt-trois heures, le temps était a de nombreuses années. C’est le côté calme et agréable, et tout à coup de le plus élevé, ce côté-ci étant le côté l’autre côté du fleuve, il y a eu un le moins élevé, et il y a beaucoup de grand feu de camp. On pouvait bois sur ce territoire. Ils doivent donc entendre les gens crier à ceux qui y avoir vécu et chassé il y a de étaient de ce côté-ci, et les jeunes leur nombreuses années. criaient à leur tour. Nous pensions Alice : Connaissez-vous des lieux de que c’étaient des gens qui campaient sépulture?

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Bob : Non. sur la plage. Alice : Que savez-vous au sujet de Alice : Est-ce que votre père vous a déjà l’ocre rouge? parlé des « petites personnes »? Bob : Je n’en sais rien. Bob : Oui. Mon père et ma mère nous Alice : Et les canots, les canots d’écorce ont même amené à cet endroit qu’on de bouleau? appelle Mound House, une très grosse Bob : Pas davantage. maison à cet endroit, toute en briques. Alice : Votre père confectionnait donc Oui, ils les ont vus à cet endroit. Ils des paniers? nous y ont amenés, mais nous ne les Bob : Oui. avons jamais vus, bien sûr, car nous Alice : Votre mère également? étions trop jeunes. Bob : Ils faisaient du commerce, l’hiver Alice : Qu’est-ce qu’ils faisaient? Vous notamment. Mon père se servait d’un l’ont-ils déjà dit? attelage de chevaux pour se rendre à Bob : Eh bien! ma mère m’a dit que les Jemseg. Ça lui prenait une journée « petites personnes » vivaient dans ce entière, car il s’y rendait avec tout un vieil édifice, qu’elles étaient petites, assortiment de paniers, des paniers à et qu’on ne pouvait les voir que sous linge, ainsi que des manches de les rayons de la lune, et jamais hache. Je suis allé avec lui une fois. autrement. Ce fut une longue journée pour moi, Alice : Peuvent-elles vous causer du mais nous avions beaucoup d’articles mal? d’épicerie lorsque nous sommes Bob : Je ne crois pas, car mon père et revenus : du porc salé, du bœuf, ma mère disaient qu’il s’agissait de toutes sortes de choses, du jambon, ce simples personnes. Il a déjà été possi- que les gens aimaient. ble d’y amarrer un gros bateau, et il y Alice : Mangiez-vous beaucoup de pain avait une magnifique maison à cet indien? endroit; mais aujourd’hui tout tombe Bob : Oh oui, beaucoup. en ruines. J’y suis allé avec des gens Alice : En mangez-vous encore des États-Unis, l’été dernier, car c’est beaucoup aujourd’hui? moi qui les y ai conduits. Ils voulaient Bob : Je fabrique mon propre pain à la voir l’intérieur. Il y avait trois foyers plage. Sharon vient nous retrouver. – je ne crois pas qu’il y avait de poêle Les Blancs adorent cela. dans ce temps-là – et ils ont Alice : Beaucoup de gens aiment ça. l’apparence d’une fournaise avec de Bob : Chaque fois, nous organisons un grosses roches plates, probablement gros feu de camp. pour la cuisson. Ça vaut vraiment la Alice : Est-ce que vous faites souvent peine d’être vu, avant que la maison un feu? ne s’effondre. Vous devriez aller la Bob : Presque chaque soir, et presque filmer, tout comme les gens des États- chaque jour nous faisons la cuisson Unis l’ont fait. Ils en avaient entendu

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parler, même s’ils venaient d’au-delà John Cassey vivait juste en face. À de Boston. côté de chez lui, il y avait cette fille Alice : Et les « petites personnes »? qui a brûlé. Andy et Louise; de l’autre Bob : Oui, les « petites personnes » et la côté d’Isaac, il y avait Andrew Paul. maison. Et Josephine et Elsie, puis Dedam, Alice : Elles vivaient là, les « petites Joe Dedam et Gabe ainsi que Freddie personnes »? et Claire... Bob : Selon ce que mon père a dit, elles FIN DE L’ENREGISTREMENT – vivaient là il y a de nombreuses CÔTÉ UN années. Mais comment auraient-elles ENREGISTREMENT UN – CÔTÉ pu construire un édifice aussi DEUX énorme? C’est il y a très longtemps. Bob : Qumuci, et il n’y avait pas Alice : Est-ce que vous fréquentiez des d’autres maisons au-delà de cet gens de St. Mary’s? endroit. Après la guerre, Paul Paul, ils Bob : Oui, lorsque je vivais avec ma ont commencé à construire d’autres sœur. Comme le vieux garçon, Estey, maisons dans cette direction. Puis qui jouait du violon. J’allais lui l’école, et vers l’arrière. Finalement, rendre visite régulièrement. C’est jusque chez Sam, à côté de chez votre comme ça que j’ai appris à jouer du père et de Meme. violon. Car j’ai déjà joué. Alice : Vous habitiez entre les deux. Je Alice : Les gens avec qui j’ai parlé, et me souviens d’eux. que j’ai interviewés, mentionnent Bob : Et je me rappelle de Roger Paul, souvent que beaucoup d’Indiens juste en face de chez nous, puis il y savent jouer du violon, de la musique avait Tom Brooks et Geraldine. Et à bouche, de la guitare. Ils étaient après il y avait Becca Bear et Eddie. talentueux à l’époque. Il n’y avait qu’une seule rue au haut Bob : Oui, ils l’étaient. Eddie Paul de la colline avant a guerre. Là où vit vivait juste au-dessus de chez-lui George aujourd’hui, il y avait ce [Estey]. Eddie Paul, Isaac. bâtiment en briques abritant le puits. Alice : Isaac Paul, qui était son épouse? Nous avions l’habitude de nous Vous rappelez-vous Ruby? rassembler près de ce gros bâtiment Bob : Oui. en béton, au pied de la colline. Il y Alice : Était-ce sa sœur? avait beaucoup de roches à cet Bob : Johnny Paul a marié la sœur de endroit. C’était juste en bordure du ma mère. Ils vivaient à Kingsclear. chemin. Et près de là, il y avait un C’est ma sœur Julie qui a marié champ de balle. Puis le chemin tourne Eddie Paul. comme ceci et traverse la voie ferrée. Alice : Eddie était le père de En effet, il y avait cette ancienne voie Ronnie Paul, n’est-ce pas? ferrée à l’endroit où de nouveaux Bob : Oui. Isaac, c’est le fils d’Eddie. Et résidents viennent d’emménager.

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Juste avant la voie ferrée, c’était tout pas été inclus? Car à ce moment-là, boisé. Je m’en rappelle encore vous viviez sur l’ancienne réserve, aujourd’hui. n’est-ce pas? Alice : En quelle année était-ce, Bob : Non, nous n’avons jamais lorsqu’il y avait ce champ de balle? demeuré là. Une fois, lorsque Isaac Bob : En 1959. était chef et Paul Paul, ils ont presque Alice : La façon de vivre aujourd’hui et failli nous convaincre de nous y la façon de vivre en ce temps-là, établir. Beaucoup de gens veulent que quelle serait votre préférence, nous nous établissions sur la réserve, aujourd’hui ou en ce temps-là? comme Tom Nash. Steve Nash vivait Bob : Je préférerais me retrouver dans au bas de la colline, et c’est pourquoi ce temps-là. mon père voulait un terrain à cet Alice : Vous savez, beaucoup d’autres, endroit, quelque part, mais ils nous comme ma mère, disent qu’ils ont opposé un refus, pour la simple aimeraient se retrouver à cette raison que mon père faisait trop époque. d’activités commerciales, car il avait Bob : La vie était plus agréable. ses propres remorqueurs et ses Aujourd’hui, le rythme est trop rapide propres maisons de ferme. et on ne parvient pas à suivre. Tout a Alice : Pourquoi cela faisait-il une changé pour le pire, même la loi. différence? Aujourd’hui, ils peuvent même venir Bob : Et bien! il semble qu’ils étaient vous forcer à tondre la pelouse, si elle jaloux, car mon père possédait tout ce atteint six ou sept pieds de hauteur. qu’ils voulaient. Il avait appris par En ce temps-là, il n’y avait rien de tel. lui-même à s’organiser, puis il a Alice : Melvin Nash, ce serait votre réussi. Chaque fois que nous avons neveu, n’est-ce pas? Est-ce qu’ils essayé de retourner sur la réserve, ils essaient de créer une espèce de ont refusé de nous accepter. Et même réserve indienne à cet endroit? aujourd’hui, ils ne veulent pas de Bob : Pas que je sache. nous sur la réserve à Oromocto. Alice : J’ai entendu quelqu’un dire ça, Alice : Pourtant, Junior Nash et les mais je ne sais pas si c’est vraiment autres membres de sa famille font vrai. Avez-vous été réadmis Bob? maintenant partie de notre bande. Bob : Pourquoi? Bob : Oui, mais a-t-il déjà vécu sur la Alice : Le statut d’Indien, avez-vous un réserve? statut d’Indien? Alice : Non, pas que je sache. Bob : Oui, d’Oromocto. Bob : Tout comme nous, ils nous Alice : Beaucoup d’entre eux ont été soutirent notre argent. Chaque famille réadmis, je crois. Comment se fait-il obtient trente-deux mille dollars par que nous ayons retrouvé les numéros année. Lorsque nous nous sommes de notre bande, et que vous n’ayez battus sur ce sujet l’été dernier, ils ont

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perdu beaucoup d’argent, car ils ont continue de faire du piégeage. J’aime fait faillite. Ce type d’Ottawa nous a tout simplement sortir et me dit qu’il y a beaucoup d’argent là. promener en bateau. Les oiseaux vous Alice : Je crois qu’il devait y avoir inspirent, de même que les oies et les beaucoup de maisons construites pour canards, pendant que vous ramez. le projet de loi C-31 et l’autre Alice : Parfois on ne voit pas ce qui également. Est-ce que vous seriez nous entoure, à quel point tout est intéressé à vivre là aujourd’hui? beau et magnifique. Bob : Non. C’est trop encombré. J’aime Bob : J’étais encore jeune et je vivre dans un milieu ouvert, la liberté. m’occupais du service aux pompes à Et vous n’êtes pas propriétaire de la essence. Je discutais avec lui et il m’a maison. Ici, tout ce qui est ici dit qu’il commençait maintenant à m’appartient. Beaucoup d’argent pour pêcher. Il a ajouté qu’il n’avait jamais les taxes, près de douze cents dollars pêché auparavant, et qu’il aimait pour l’endroit où j’habite, mais il faut beaucoup cette activité. Il rattrapait continuer de payer. C’est si tranquille. donc le temps perdu, des choses qu’il La seule chose que j’utilise ici est ce aurait dû faire lorsqu’il était jeune. poêle à bois. Je n’ai pas de plinthes Sam et moi avions l’habitude d’aller électriques, rien. J’ai bâti ma maison faire la cueillette des crosses de sur une dalle de béton. Je n’ai jamais fougère à Boisetown. On restait là perdu de fleurs. C’est bien isolé, car pour une semaine et on revenait à la j’ai environ un pied d’isolant en haut maison. et tout autour. Lorsque Boy Nash l’a Alice : Vous avez mentionné l’île Sugar. construite pour moi, il a bien isolé la Êtes-vous déjà allé à l’île Savage? maison. Bob : Oui, Warren y avait un camp, et il Alice : Est-ce que Boy Nash vient vous y avait quelqu’un d’autre. voir à l’occasion? Alice : Il y avait Warren et Evangeline Bob : Il avait l’habitude de le faire, mais et Louie. Je me souviens d’eux. Ma pas dernièrement, depuis que sa mère et mon père [Dokie et Tina] et femme a subi une opération. l’oncle Dick [Richard Brooks]. L’automne dernier, je crois. [Discus- Bob : Sam et moi avions l’habitude de sion au sujet des jeunes sur la ramer jusqu’au pont situé près du réserve.] traversier McKinnley. On se rendait Alice : Avez-vous déjà confectionné des jusque là et on ramassait des crosses paniers? de fougère pendant tout le trajet. On Bob : Dans le passé, oui. Je fabriquais arrêtait leur rendre visite pendant des manches de hache lorsque je ne quelque temps, et on buvait de la travaillais pas; c’était un passe-temps. bière d’abeilles. Aujourd’hui, je n’en fabrique que Alice : C’était sans doute la chose à pour mon usage personnel. Et je faire à l’époque, amuwesey [bière

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d’abeilles]. [Joan] à St. Mary’s. Un petit garçon Bob : C’est vrai. Tout le monde en avait. brillant qui s’est installé chez moi en Alice : Je ne crois pas que personne 1988. Il allait à l’école ici, et il est n’en est encore aujourd’hui. allé à Oromocto. Bien sûr, je l’ai Bob : Non, c’est rare. J’en ai produit bousculé. Je lui ai dit qu’il fallait beaucoup. C’est ma faute si je l’ai qu’il aille à l’école. Et lorsqu’il serait laissé fermenter trop longtemps, car grand, il pourrait conduire et que je elle est devenue trop forte. Elle lui donnerais une voiture. C’est ce commençait à être vraiment bonne, que j’ai fait. Il a persévéré, et il mais je l’ai laissée à l’extérieur et elle poursuit encore ses études. Il est prêt a gelé. à faire n’importe quoi, et il fait Alice : Je croyais qu’il fallait la garder beaucoup d’efforts. Il m’a dit qu’il ne au chaud. quitterait pas l’école avant d’obtenir Bob : J’ai oublié, car j’étais parti à la son diplôme, qu’il pourrait même chasse. [Discussion au sujet de la aller au collège, mais peut-être pas. Je bière artisanale.] lui ai demandé pourquoi il irait au Alice : Est-ce que la vie était agréable collège s’il n’y a pas d’emplois. Il pour vous dans votre enfance? veut entrer dans l’armée ou se joindre Bob : Oui. J’ai commencé à travailler à à la GRC. L’armée, ce n’est pas si l’âge de quatorze ans. mal, mais la GRC, c’est trop Alice : Que faisiez-vous? dangereux. Je lui ai dit que s’il y avait Bob : Je conduisais un camion. une guerre, nous n’allions pas Alice : Quelle sorte de camion? survivre de toute façon. Mon autre Bob : Un camion de gravier. petit-fils, Pete, voulait devenir Alice : Et avez-vous fait cela pendant mécanicien, et c’est ce qu’il fait longtemps? aujourd’hui. Bob : Jusqu’à l’âge de soixante-cinq Alice : Vous faites beaucoup de choses ans, il y a deux ans. J’ai acheté mon autour de la maison, car je vous ai vu propre camion en 1974, et j’ai même avec les animaux, dans votre atelier. possédé deux camions à une époque. Bob : J’aime la mécanique, tout comme Alice : Combien d’enfants avez-vous? Pete. Lui et moi travaillons ensemble. Bob : Deux enfants et un garçon adopté, Ce qu’il ne sait pas, il vient me le qui était âgé de six mois lorsqu’on l’a demander. Et l’automne prochain, eu. lorsqu’il retournera à l’école, c’est Alice : Quel âge a-t-il aujourd’hui? dans ce domaine qu’il se dirigera. Bob : Quarante-trois ans. Il est dans J’aimerais qu’il ait une profession, l’Ouest, en Ontario. plutôt que de travailler dans la forêt. Alice : Les autres enfants, sont-ils ici? Alice : C’est ce que j’ai fait; j’avais Bob : Oui, et nos petits-enfants, sauf trente et un an et je suis retournée à James. Il reste chez sa grand-mère l’école. J’ai dit que je ne voulais pas

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Planche 9.3 : Feue Christina Nash (photo de Karen Perley)

rester assise et dépendre du bien-être toutes sortes de choses. social pendant le reste de ma vie. Je Bob : Voyez-vous, on ne parle pas ne suis pas intéressée, et j’aime suffisamment en indien aux enfants. mieux faire autre chose. J’aime parler la langue indienne. Actuellement, je fais ce travail et il Andy, quelqu’un lui apprenait à parler me convient très bien. Aller voir les indien à Oromocto. Il est venu ici en vieilles personnes, parler du passé, de prononçant des noms. Je lui ai dit : la vie dans ce temps-là. Et cette Non, ce n’est pas comme ça qu’il faut expérience me permet d’apprendre dire. Donc, cette jeune personne à cet

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endroit, qui ne connaît à peu près rien Alice : George Nash, celui qui était à de la langue, mais à qui l’on confie Fredericton? cette responsabilité de (pause) Bob : Non, mon frère. C’était le mari de Alice : Qui est-ce? Christina. Il était le spécialiste du rat Bob : Il dit qu’il est une de nos rela- musqué, pas un chasseur. Comme tions. Je ne sais pas qui c’est, car il y Bill, il a travaillé sur la ferme toute sa a tellement de personnes à cet vie. endroit. Moi-même, j’aime parler Alice : Bill n’a jamais fait de piégeage indien. Royden venait souvent ici, et n’est jamais allé à la chasse? lorsqu’il demeurait à Kingsclear. Bob : Pas avant la mort de Dingy. Puis il Mike. On pouvait rester assis pendant est déménagé à cet endroit, et c’est à une demi-journée à parler en langue ce moment qu’il a commencé à faire indienne. Et je ne veux rien oublier, le du piégeage. Il devait être âgé de peu que j’ai gardé. quarante ou cinquante ans lorsqu’il a Alice : Eh bien! Si nous ne l’utilisons commencé le piégeage. pas, nous pourrions perdre cette Alice : Il avait domestiqué une langue. corneille, n’est-ce pas? Bob : Oui. Bob : Oui, et elle parlait mal. Alice : Ma mère, lorsque je vais la voir, Alice : Ma sœur et moi sommes allées là c’est tout ce qu’elle fait, parler en un jour, car elle m’avait parlé de cette langue indienne. Et j’essaie corneille et qu’elle pouvait parler, moi-même de parler cette langue. mais je ne la croyais pas. Un Bob : Pat Sacobie venait souvent ici dimanche où je n’avais rien à faire, je avant la mort de sa femme, qui suis allée la chercher et je lui ai dit s’appelait Grace. Maintenant, il ne que l’on devrait aller voir Bill et vient presque jamais. Jim Sark Mildred. Je voulais voir cette l’amenait souvent. corneille qui parle. Lorsque je suis Alice : Comment dites-vous canard en arrivée dans l’entrée, je pouvais déjà indien? l’entendre… et elle a commencé à Bob : Motehehsim. La plus jeune fille de jurer lorsque je suis entrée dans la Donna essaie également d’apprendre maison. Son nom était Charlie, et je la langue. Mais je lui dis toujours que ne pouvais le croire. je vais lui apprendre un mot à la fois. Bob : Ils avaient l’habitude de garder Il y a de nombreuses années, l’oiseau dans le sous-sol. C’est un Bill Nash ne faisait que travailler sur corbeau. la ferme. Lui et George. George était FIN DE L’ENREGISTREMENT vraiment le spécialiste du rat musqué, lorsque venait cette période de l’année.

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10. Trous creusés dans les ruisseaux

NOËL FRANCIS JUNIOR AVEC KATHLEEN FRANCIS PREMIÈRE NATION MALÉCITE DE MADAWASKA

Mon père était un pêcheur à la mouche. Il y a une histoire qu’il nous a racontée. Quand il était jeune, âgé de dix ou douze ans, son père l’amenait avec lui, particulièrement à l’automne, afin de ramasser du bois pour l’hiver. Et ils remontaient la rivière avec leur arc et, s’ils voyaient un caribou… car dans ce temps-là, je pense qu’il n’y avait pas beaucoup de chevreuil. Je crois que les chevreuils sont venus plus tard, car c’était principalement du caribou. Ils prenaient la viande et, là où il y avait des ruisseaux, ils creusaient des trous dans les ruisseaux et y mettaient la viande, afin de la garder au frais. Et en redescendant la rivière, ils ramassaient toute la viande et la rapportaient pour l’hiver. C’est ce qu’ils faisaient à l’automne. Mon père se rappelait de cette histoire et il nous racontait comment faisait son père.

Planche 10.1 : Le père et la mère de Noël, Noël Francis Sr. et Kate Francis, Première nation Malécite de Madawaska, (photo : gracieuseté de Kathleen Francis).

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Alice : Noël, pourriez-vous me membres. présenter un bref historique de Saint- Alice : En 1955, lorsque tout ce qui se Basile? déroulait ici relevait de Tobique, Noël : Dans la mesure où je peux m’en quelle était la population? rappeler, la réserve de Saint-Basile a Noël : Je dirais environ cinquante ou été établie en 1867, au moment de la cinquante-cinq. Confédération. Et pendant de Alice : Vous rappelez-vous des vieux nombreuses années, il n’y a pas eu de Indiens qui étaient ici? chef à cet endroit. Le chef était celui Noël : Le plus vieux dont je me de Tobique, qui était responsable de souvienne est Joe Wallace et aussi notre réserve. En 1955, on a eu une Noël Bernard. Et il y avait, comme élection pour un chef sur la réserve de ma tante, plus précisément deux de Saint-Basile et, à partir de ce mo- mes tantes, tante Alice et tante Carrie. ment-là, nous avons élu un Conseil Alice : Quel était le nom de votre père? tous les deux ans. Au moment où la Noël : Noël. réserve a été établie, elle s’étendait Alice : Noël Francis, le même nom que sur une bonne partie de la cité vous. Était-il Indien? actuelle d’Edmundston. Et au cours Noël : Oui. des ans, la taille a été réduite jusqu’à Alice : Parlait-il la langue? ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Noël : Un peu, quelques mots, mais Lorsqu’elle englobait une partie de la c’était très limité. cité d’Edmundston, il s’agissait à ce Alice : Est-ce que quelqu’un moment-là du village, qui était confectionne des paniers ici essentiellement le centre aujourd’hui? d’Edmundston. Le cimetière étai situé Noël : Aujourd’hui, personne ne en face de la cathédrale. On nous a dit confectionne de paniers, que je sache. qu’il y a des dossiers qui ont été J’avais l’habitude d’en confectionner brûlés. Selon l’information que nous un peu. Dans le groupe de ma pouvons obtenir, c’est ce qui est génération, il y en a probablement eu arrivé. Aujourd’hui, nous avons sept juste quelques-uns. Il y en avait plus cents et même un peu plus de sept au temps de la génération de mon cents acres. Mais à cette époque, père. Par exemple, deux des sœurs de c’était plus de deux mille acres, mais mon père confectionnaient des la superficie a été réduite. paniers. Et Joe Wallace confectionnait Alice : Quelle est la population ici des paniers, tout comme aujourd’hui? Noël Bernard. Noël : Aujourd’hui, il y a une centaine Alice : Deux de vos tantes, Alice et de personnes vivant sur la réserve et Carrie, venaient-elles de Tobique? une centaine à l’extérieur de la Noël : Elles étaient d’ici. réserve. Un total de deux cents Alice : Elles étaient d’ici et

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Planche 10.2 : La tante de Noël, Carrie Francis, de la Première nation Malécite de Madawaska, (photo : gracieuseté de Kathleen Francis).

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confectionnaient des paniers, quelle chevreuil. Je crois que les chevreuils sorte de paniers? sont venus plus tard, car c’était Noël : Des paniers pour les pommes de principalement du caribou. Ils terre et des paniers de fantaisie. prenaient la viande et, là où il y avait Alice : J’entends beaucoup parler des des ruisseaux, ils creusaient des trous paniers de fantaisie. J’en ai vu dans les ruisseaux et y mettaient la quelques-uns en photo, et ils sont très viande, afin de la garder au frais. Et jolis. Qu’en est-il au sujet de la en redescendant la rivière, ils chasse et de la pêche, est-ce que ramassaient toute la viande et la quelqu’un chasse et pêche ici? rapportaient pour l’hiver. C’est ce Noël : En ce temps-là, la génération de qu’ils faisaient à l’automne. Mon père mon père, nous étions limités et ne se rappelait de cette histoire et il nous pouvions chasser et pêcher que sur la racontait comment faisait son père. réserve. À l’extérieur de la réserve, il Alice : Votre père vous a-t-il déjà fallait acheter des permis. mentionné la pêche au harpon pour le Mais depuis quelques années, ces lois saumon? ont changé. C’est tout simplement Noël : Non, pas à nous. que nous ne savions pas que nous Alice : Et au sujet des filets? avions le droit de pêcher et de chasser Noël : S’il en a parlé, je ne me souviens n’importe où, n’importe quand. Mais pas. Car parfois, on vous raconte des maintenant nous chassons et nous histoires, mais lorsque vous êtes pêchons. Je dirais que parmi les jeune vous les oubliez. familles, il y a plus de 75 % (pause) Alice : Et qu’en est-il de la cueillette des qui le font, car même les femmes crosses de fougère? Est-ce que les chassent et pêchent. Anciens cueillaient les crosses de Alice : Dans la génération de votre père, fougère dans la région? à cette époque-là, lorsqu’ils pêchaient Noël : Oui. ou chassaient, votre père vous a-t-il Alice : Où les trouvaient-ils? déjà raconté quelles étaient leurs Noël : Le long du fleuve Saint-Jean. On méthodes de pêche? en avait de toutes les sortes. À chaque Noël : Mon père était un pêcheur à la printemps, je dirais que c’était une mouche. Il y a une histoire qu’il nous grosse fête, et nous cueillons a racontée. Quand il était jeune, âgé effectivement des crosses de fougère. de dix ou douze ans, son père Alice : Tous les ans? l’amenait avec lui, particulièrement à Noël : Tous les ans. l’automne, afin de ramasser du bois Alice : Y a-t-il des îles ici? pour l’hiver. Et ils remontaient la Noël : Il y a une île entre la réserve et rivière avec leur arc et, s’ils voyaient les États-Unis, Madawaska. Je pense un caribou… car dans ce temps-là, je que c’est l’île Madawaska. Encore pense qu’il n’y avait pas beaucoup de une fois, on nous a dit que l’île ne

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faisait pas partie de la réserve. Elle Noël : [Demandant à sa mère] Qui est la avait été cédée à un type du nom de sœur de mon père qui vit à Eastport, Martin un jour, mais c’est une ques- au Maine? tion sur laquelle il reste à faire des Kathleen : Je ne me souviens pas de son recherches. Je sais que nous avons nom. fait des recherches sur la réserve, Noël : Qui était Madeline? mais arrive un point où l’argent vient Kathleen : Je ne pourrais dire. Je ne me à manquer. Et lorsque que l’on fouille souviens pas de son nom. Je sais et que l’on continue de fouiller, il ne qu’ils avaient une sœur là-bas, mais reste plus de fonds disponibles. C’est je ne la connais pas. Elle est morte un gros problème. avant que j’arrive dans la famille et je Alice : Revenons-en à votre père. À n’ai jamais posé de questions. cette époque, se rendait-il dans Alice : Combien étiez-vous? d’autres réserves pour la cueillette Noël : Vous voulez dire? des crosses de fougère et pour la Alice : Vous aviez des sœurs et des chasse, et pour rencontrer d’autres frères? Indiens? Noël : J’ai eu deux sœurs et quatre Noël : Je sais que nous avions frères. l’habitude de descendre à Tobique. Alice : Sont-ils tous ici à Saint-Basile, Nous avions de la parenté à Tobique sur la réserve? et, presque chaque année, mon père Noël : J’ai un frère qui est décédé s’y rendait et ma tante (pause) pour l’hiver dernier. J’ai un frère ici à un festival là-bas, on organisait une Saint-Basile. J’ai un autre frère à fête. Je crois que c’est la célébration Bouctouche, qui a pris sa retraite de Sainte-Anne, chaque année. l’hiver dernier. Il travaillait pour le Alice : Oui, la fête de Sainte-Anne, CNR. J’ai une sœur qui vit sur la chaque année à Tobique. réserve. Ma sœur la plus âgée vit à Noël : Je me rappelle que mon père s’y Edmundston, et elle est également à rendait avec tante Alice et tante la retraite. Carrie. Alice : Ce n’est pas une grosse réserve Alice : Est-ce l’endroit le plus loin où ils n’est-ce pas? Mais elle se développe. se soient rendus? Noël : C’est l’une des plus petites Noël : Je dois dire qu’ils étaient limités réserves. pour ce qui est des déplacements. Alice : C’est sûrement la plus petite. Alice : Oui. Noël : Il y a Fort Folly. Noël : Ainsi, mon père avait une sœur à Alice : Fort Folly est sûrement la plus Eastport, au Maine. Il y a une réserve petite. Est-ce que votre père vous a là-bas. Je ne me rappelle pas l’avoir déjà parlé de médecine indienne? vue. Noël : Non. Alice serait la personne la Alice : Connaissez-vous son nom? plus connaissante au sujet de la

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Planche10.3 : Les grands-parents de Noël, Madeline Desrosier et Gabriel Francis, (photo : gracieuseté de Kathleen Francis).

médecine, de la médecine indienne. qui aurait été transmis. De même Elle était reconnue pour guérir toutes qu’au sujet de la confection de sortes de maladies, de nombreuses paniers et de tout ce que nous sortes, en fait. Même qu’elle a sauvé fabriquons. la main d’un homme. Le médecin Noël : Le peu que je sache au sujet de la était prêt à la couper, en disant qu’il confection de paniers est que j’ai vu n’y avait pas d’autre choix. Mais avec ma tante, en fait mes deux tantes, sa médecine, elle a sauvé cet homme. Carrie et Alice, lorsqu’elles en C’était un non-Indien, et il était confectionnaient. Et ce n’est qu’un agriculteur, et elle a sauvé la main de souvenir. cet homme. Mais personne ne savait Alice : Vous rappelez-vous si elles comment l’écrire à ce moment-là, et utilisaient de la couleur sur le bois ou on n’a pas de dossier à ce sujet. Je si elles n’en utilisaient pas. crois que les Indiens, leur façon de se Noël : Certains paniers avaient de la rappeler quoi que ce soit était de le couleur. transmettre d’une génération à une Alice : Est-ce qu’elles faisaient leurs autre de façon orale. Et presque rien propres teintures ou si elles les n’était conservé. achetaient? Alice : Je ne crois pas que rien ait été Noël : Je crois que l’une des couleurs écrit. Seulement que les non- qu’elles utilisaient étaient l’écorce Autochtones écrivent selon leurs d’aulne. perceptions. Je n’ai jamais rien vu par Alice : Lorsque les Indiens avaient des écrit, de ce qui a été transmis de enfants à cette époque, est-ce que les génération en génération, mais femmes allaient à l’hôpital ou y avait- j’entends beaucoup parler, quand je il des sages-femmes? voyage, au sujet de la chasse et de la Noël : Il y avait des sages-femmes, ma pêche, comme étant quelque chose génération est née avec des sages-

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femmes. La seule dans la famille qui pour les manches de hache? soit allée à l’hôpital avec ma mère Kathleen : Les femmes venaient de était sa toute dernière, et nous l’avons Tobique avec des paniers de fantaisie perdue. Elle était jeune, encore un et les vendaient ici. bébé. C’est l’époque où les gens Alice : Quel genre d’outils utilisaient-ils mouraient à gauche et à droite, c’était pour les manches de hache? une grosse maladie. Kathleen : Des manches de hache. Alice : Était-ce la peste? Noël : Un couteau croche. Noël : C’était ce genre de chose. Kathleen : Un couteau à deux manches. [Demandant à sa mère] Quelle était Billy Ellis en fabriquait. cette maladie dont ta dernière fille est Noël : Billy Ellis, c’était un vieil morte à l’hôpital, le dernier enfant homme. que tu as eue? Kathleen : Je me souviens qu’il en Kathleen : Elle est morte de diarrhée. fabriquait. Elle était âgée de seulement cinq Alice : Est-ce que quelqu’un a déjà mois. C’est l’année où les bébés utilisé du verre? mouraient à droite et à gauche de Noël : Oui, pour lisser la surface. Je diarrhée. m’en rappelle. Noël : Et c’est la seule avec laquelle tu Alice : Pouvez-vous m’en parler un peu sois allée à l’hôpital? et me dire qui utilisait cette tech- Kathleen : Oui. nique? Alice : Qui a accouché vos enfants? Noël : Billy Ellis l’utilisait, et Kathleen : C’est la mère de mon mari Noël Bernard fabriquait des manches qui a fait les accouchements. de hache. [Demandant à sa mère] Te Alice : Quel était son nom? souviens-tu de Mark Bernard? Kathleen : Madeline Dorosca, elle Kathleen : Mark fabriquait des rouleaux venait de Drummond. à pâtisserie et des palettes pour Alice : Les mariages sur cette réserve, à retourner les beignes. J’en ai encore. cette époque, vous souvenez-vous de Alice : Depuis longtemps? quelqu’un qui ait mentionné Kathleen : Quarante-cinq ou quarante- l’arrangement d’un mariage? six ans. Noël : Non, je ne m’en souviens pas. Noël : Eh bien! J’ai soixante et un an. Alice : Que savez-vous au sujet des Kathleen : Et moi, j’en ai quatre-vingt- canots d’écorce de bouleau? Vous un. rappelez-vous de quelqu’un qui en Alice : Ces instruments doivent être fabriquait ou qui parlait des canots? bien vieux. Kathleen : Non. Lorsque je suis venue Kathleen : Alice, la sœur de mon mari, ici, certains confectionnaient des c’est elle qui m’a donné le rouleau à paniers, des manches de hache. pâtisserie. Alice : Quel genre d’outils utilisaient-ils Alice : Est-ce qu’ils faisaient des

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cerceaux? existé pendant un bon bout de temps? Kathleen : Il fabriquait des bancs, de Kathleen : Ils ont eu un pique-nique à magnifiques bancs pour s’asseoir. Il cette école, et ils en avaient des avait un petit atelier à l’arrière, et il photos. Je regarde de vieilles photos pouvait travailler le bois [son mari de cette époque. J’en avais que Carrie Noël]. a laissées lorsqu’elle est décédée. Je Alice : Est-ce que la vie était difficile les garde toujours. Je voulais les ici, sur la réserve, pendant votre montrer à Ruth et à O’neal pour voir enfance? s’ils se souviennent des personnes sur Noël : Ça dépend ce que vous voulez ces photos. Mais chaque fois qu’ils dire par difficile. viennent, j’oublie de les leur montrer. Alice : Comme la nourriture, y en avait- Noël : Vous voyez, c’est une chose au il suffisamment? sujet de l’école, nous n’avons aucun Noël : On n’avait pas beaucoup à man- dossier. J’en entendu dire qu’il y a eu ger, on n’avait pas de grosses un gros incendie une fois et que tous quantités, comme au souper. On les dossiers ont été brûlés, comme n’avait pas l’eau courante ou ceux de la réserve. J’ai demandé à l’électricité, mais c’était comme ça l’agent des Indiens un jour pour presque partout. Je me rappelle quand obtenir de l’information sur cette j’avais six ou sept ans, l’ancien réserve. Quand elle a été établie et dépotoir de la ville était sur la ainsi de suite. Et j’ai reçu une lettre réserve, et le groupe de jeunes dont je de lui disant que la réserve a été faisais partie, nous étions toujours établie en 1867, mais qu’il n’y avait rendus au dépotoir. La génération de aucun dossier. mon père a eu la vie dure. Ce fut plus Alice : Avez-vous votre propre église facile pour nous. Et les membres de sur cette réserve? notre génération, si seulement ils Noël : Non. tiraient profit de ce qui est à leur Alice : C’est vrai, les églises conservent disposition, ils pourraient profiter de habituellement des dossiers sur les la vie. Indiens. Alice : Personne ne parle la langue Noël : J’ai en fait obtenu de vieux malécite? dossiers de la paroisse de Saint- Noël : Personne, et c’est une vraie Basile. Le prêtre qui était là… J’ai honte. Il y avait une école ici sur la obtenu une photocopie des dossiers réserve, et mon père est allé à l’école. que l’église avait conservés depuis Alice : En quelle année était-ce? aussi longtemps qu’il y a eu une Noël : Ce serait dans les années 40, je population, des gens, comme les crois. Papa est né en 1907, et il serait dossiers que le prêtre m’a montrés à allé à l’école en 1915. ce moment-là. Et il m’a dit : « Il y Alice : Cette école doit donc avoir avait un nombre x d’Indiens telle

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année, et un nombre x l’année l’église où nous allions. Mais je ne suivante. Je ne sais pas en quelle me rappelle pas vraiment la date année l’église de Saint-Basile a été exacte, sauf qu’une autre paroisse a établie. été formée, la paroisse du Sacré- Alice : C’est sûrement il y a très Cœur. Je crois que c’est au début des longtemps si on y conserve des années 50, à peu près, mais cette dossiers sur les Indiens. Qu’en était-il église a fermé. Maintenant nous de la religion ici, est-ce que les gens avons recommencé à aller à la étaient très religieux? cathédrale. Et l’église a aussi des Noël : Principalement catholiques. problèmes. Alice : Étaient-ils de bons croyants? FIN DE L’ENREGISTREMENT Noël : Assez, oui. Pour ma génération, je me souviens que la cathédrale est

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11. Foutus camions de l’armée

ELIZABETH PAUL WELMOOKTUK / PREMIÈRE NATION D’OROMOCTO

N’importe quelle sorte de verre que vous voyez ici dans les fenêtres. Ils devaient le façonner pour rendre le manche de hache ou le manche de marteau ou encore de pioche plus lisse. Ils devaient d’abord rendre le verre plus lisse, puis le bois. J’aimais bien les regarder travailler. Particulièrement lorsqu’ils m’invitaient à m’approcher et à apporter une grosse tasse avec un manche (suhpin.). Il faut verser de l’eau sur la pierre, puis faire tourner la roue. Lorsqu’ils fabriquent un couteau à deux manches ou un couteau de poche, ils doivent l’aiguiser, et il faut alors verser de l’eau sur la pierre. Puis, utiliser la manivelle et démarrer très lentement, jusqu’à ce que la pierre soit toute mouillée. Et alors, il faut aiguiser le couteau à deux manches, le couteau à lame incurvée ou le couteau de poche.

…Je dois dire qu’ils nous ont déménagés à Kingsclear en 1947 dans les foutus camions de l’armée. Ces derniers faisaient le tour de la réserve et on nous disait : « Montez, vous déménagez… vous déménagez à Kingsclear.

Alice : Elizabeth, vous êtes connue après la mort de mon grand-père, ma comme étant Sapet, n’est-ce pas? grand-mère est retournée quelque part Elizabeth : Oui. au Maine. Alice : Où êtes-vous née? Alice : Qui étaient votre grand-mère et Elizabeth : Je suis née à St. Mary’s en votre grand-père? 1930. Elizabeth : Stephen Meuse et Lolly, son Alice : Qui étaient votre mère et votre prénom étant quelque chose comme père? Sarah? Elizabeth : Bessie Meuse et Alice : Je crois que c’était bien Sarah. Sylvester Sabattis. Elizabeth : Je ne sais pas quel était son Alice : D’où venaient-ils? nom véritable. Elizabeth : Un d’Oromocto et l’autre Alice : Je me souviens d’elle; elle vivait des États-Unis. dans l’ancienne maison de Becca, il y Alice : Votre père est né aux États-Unis? a très longtemps. Elizabeth : Non, à Oromocto. Elizabeth : Et je ne sais pas pendant Alice : Et votre mère? combien de temps nous sommes Elizabeth : Je ne sais pas vraiment. Mais demeurés à St. Mary’s. Je me rappelle

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Planche 11.1 : La grand-mère et le grand-père d’Elizabeth, Mornie Lolly Paul (assise) et Steve Meuse (debout) (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 3-5)

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à peine du moment où nous sommes confectionnaient des paniers? déménagés de St. Mary’s à Elizabeth : Les seules dont je me Gagetown. souvienne sont les grands-parents de Alice : Pendant combien de temps avez- Ben. vous vécu à Gagetown? Alice : Ben est votre mari? Elizabeth : Pendant très longtemps. Je Elizabeth : Solomon Paul et Sarah Paul me souviens lorsque nous sommes étaient ses grands-parents. déménagés de Gagetown. Je pense Alice : Qui étaient ses parents? que c’est là que vivaient mes grands- Elizabeth : À qui? parents, à Gagetown. Je me rappelle Alice : À Ben. que lorsque nous sommes déménagés Elizabeth : Les parents de Ben sont à Gagetown, ma grand-mère y vivait John Paul [Suwahsin] et sa mère déjà. Puis nous sommes revenus ici Mary Augdon. lorsque j’étais âgée de six ou sept ans. Alice : D’où venaient-ils? Alice : Ici à Oromocto? Elizabeth : Mary Augdon, je crois Elizabeth : Oui, à Oromocto. qu’elle était de Norton. Alice : Comment était la vie dans votre Alice : Et votre père? enfance? Elizabeth : Je ne pourrais vous dire. Elizabeth : C’était très bien. La raison Nous avons essayé de savoir. La pour laquelle nous sommes famille de Ben est venue nous voir il déménagés de Gagetown, c’est que y a quelques semaines. J’ai des docu- mon père travaillait à la scierie et ments avec des noms, mais nous qu’il est tombé en bas d’une pile de n’avons encore rien trouvé. Nous planches. Puis il s’est blessé au bras avons reçu une invitation pour et au coude. rencontrer ces gens le 4 août. Alice : Que faisait-il à la scierie? Quelques-uns vivaient dans le Maine. Elizabeth : Il empilait du bois. Ils sont venus il y a deux ou trois Alice : Que faisait votre mère? semaines. Elizabeth : Elle restait à la maison avec Alice : Combien d’enfants avez-vous nous. eus? Alice : Combien étiez-vous dans la Elizabeth : J’en ai douze. famille? Alice : Les gens de la réserve Elizabeth : Il y avait moi, Steve et d’Oromocto, là où vous avez grandi, Robert. Nous étions trois. Puis que faisaient-ils pour se divertir? lorsque nous sommes déménagés ici, Elizabeth : Un grand nombre il y a eu Pete et Jessie. Je pense que confectionnaient des paniers, comme deux d’entre eux sont nés ici à du côté de la famille de Ben. Mais Oromocto et deux à Gagetown. dans ma famille, mon père travaillait Alice : Dans votre enfance, vous sur une ferme de l’autre côté du rappelez-vous de personnes qui fleuve. Je me rappelle, c’est là qu’il

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Planche 11.2 : La grand-mère de Ben, Sarah « Selapic » Sacobie, 1894. (Archives de l’Université du NouveauBrunswick, 74-17358)

travaillait. Et les parents de Ben, ils père, en bas de la colline. Puis ces fabriquaient des paniers, des manches hommes – cette grosse maison, ici, où de hache, des manches de marteau. Et vit maintenant Gloria [sa fille], il y quelques-uns de ces hommes – avait une grosse maison à cet endroit. lorsque Margaret Polchies est partie, C’était la maison de tante Margaret. sa maison a été condamnée. Elle est C’est là qu’ils coupaient du bois à donc retournée chez sa mère et son pâte.

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Planche 11.3 : De gauche à droite, Benjamin Paul, mari d’Elizabeth Paul, Alfred Neil Polchies; au milieu, de gauche à droite, Richard Gilbert (Robert) Polchies, Beatrice Paul (femme de John Sabattis), fille de Johnny Paul, et Leona Paul; en avant, Imalda Paul, vers 1940 (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 75-1906)

Alice : Beaucoup de gens qui vivaient Elizabeth : C’était l’époque où l’on ici auparavant sont retournés s’établir cueillait des crosses de fougère au à Kingsclear? printemps. Et l’ensemble du groupe, Elizabeth : Oui. Je me souviens de cette après la cueillette, nous allions tous époque. plus loin en aval, vers Maugerville. Alice : Pourriez-vous m’en parler. Nous restions là tout l’été, et nos

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maris travaillaient dans les fermes. Et faisions à chaque printemps. en septembre, nous revenions sur la Beaucoup de gens avaient l’habitude réserve. C’était très agréable. de faire ça. Après les crosses de Alice : Que savez-vous de ces îles? fougère, tout le monde descendait Elizabeth : C’est là que nous avions plus bas sur le fleuve. l’habitude de vivre. Alice : Tout comme chez moi, nous Alice : Sur quelle île étiez-vous? avions l’habitude d’aller à l’île Sav- Elizabeth : L’île Gilbert. age. Êtes-vous déjà allée là? Alice : Il y a Indian Point et l’île Elizabeth : Non. Grimross. Alice : Combien de familles sont Elizabeth : Je ne connais pas ces déménagées d’ici? Les personnes de endroits. Je ne sais même pas où ils Kingsclear? sont situés. Elizabeth : Il n’y avait pas beaucoup de Alice : Que savez-vous au sujet de monde en 1947. Ceux qui n’ont pas Jemseg? déménagé sont John Brooks, le Elizabeth : Nous n’avons entendu parler grand-père de Maude, puis de Jemseg qu’au moment où ils ont John Sacobie, qui est allé s’y établir commencé à travailler là. Le seul pendant quelque temps et qui est souvenir qui me vienne en mémoire revenu parce qu’il n’aimait pas est que nous avions l’habitude de l’endroit, puis Frank Atwin, qui est nous rendre là en 1947 et 1948. Nous resté. Le père de Ben est déménagé allions camper sur l’île Gilbert et près là, puis il est revenu. Il n’y avait que de la jetée Burpee. Je ne me souviens trois familles en 1947, et tout le de rien d’autre. monde est revenu. Il y avait le père de Alice : Que savez-vous au sujet de Ben, John Brooks et John Sacobie. Il Brown’s Flat? n’y avait que trois familles à cet Elizabeth : Je n’en sais rien. La seule endroit. fois dont je me souvienne, il y avait Alice : Ici, sur cette réserve? environ six familles qui allaient y Elizabeth : Juste ici, sur cette réserve. cueillir des crosses de fougère. Il y Puis en 1948-1949, tout le monde est avait Levi Sabattis, Nonel Paul, revenu. Charlie Sark et nous. Je crois qu’il Alice : De Kingsclear? n’y avait que quatre familles. Nous Elizabeth : Oui, de Kingsclear. allions là jusqu’en septembre. Alice : Mais beaucoup sont restés. J’ai Alice : Est-ce que vous restiez là tout parlé à des gens de Kingsclear qui ont l’été? dit être originaires d’Oromocto. Elizabeth : Tout l’été. Elizabeth : Nous y avons vécu, et ce Alice : Vous alliez là pour passer l’été? n’était pas de grandes maisons. Les Elizabeth : Les maris travaillaient dans planchers n’étaient pas finis, et ça les fermes. Oui. C’est ce que nous prenait une demi-journée pour les

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nettoyer. Il n’y avait pas de couvre- célébrer cette fête. Monique, la mère plancher, non seulement dans la de Maudie, et Margaret faisaient des cuisine et dans l’entrée mais gâteaux. Monique en faisait un, et également à l’étage supérieur. Margaret également, un gâteau à la Alice : Après vous être mariée avec mélasse et un gâteau blanc. Elles Ben, que faisiez-vous, par exemple, mettaient des fèves et des boutons dans la soirée? dans chaque gâteau. Ainsi, le gâteau Elizabeth : Nous avions l’habitude de blanc permettait de trouver la reine et jouer aux cartes. C’est tout ce que le gâteau à la mélasse de trouver le nous faisions, jouer aux cartes. L’été, roi. Puis on les couronnait; c’était très à chaque dimanche, nous jouions aux agréable. cartes. L’hiver, les samedis et les Alice : Qu’arrivait-il par la suite? dimanches, nous jouions aux cartes. Elizabeth : Le roi et la reine faisaient Et pendant le Carême, nous jouions leur choix d’activités pour le reste de seulement les dimanches soirs, car l’été et jusqu’au mois de janvier. bien des gens disaient que le Alice : Quel genre d’activités? dimanche n’est pas carême. Elizabeth : Ils disaient par exemple Alice : Est-ce que les Indiens étaient qu’ils allaient faire ceci ou cela religieux à cette époque? pendant le reste de la semaine. Pen- Elizabeth : Oui. Parfois, les hommes dant douze mois. Comme des danses, jouaient à la balle avec les Blancs. Ce dans la salle de la bande et une danse qui nous amenait à voyager pendant toutes les deux semaines. C’était ainsi l’été, car nos maris étaient choisis toutes les deux semaines. Jusqu’à la pour jouer à la balle ou au hockey fin de l’année. avec les Blancs. Alice : Qui confectionnait les costumes? Alice : Aviez-vous des danses? Chez Elizabeth : Ils les faisaient eux-mêmes. quelqu’un? Il n’y avait pas de costume, il y avait Elizabeth : Les seules danses qui étaient seulement des chapeaux et la façon de organisées avaient lieu vers le six les décorer. janvier. Vous savez où est située Alice : Qui les confectionnait? maintenant cette ancienne salle de la Elizabeth : Monique et Margaret. Il n’y bande; c’est l’endroit qu’ils utilisaient avait pas de costume à cette époque. jusqu’à ce que les enfants aillent tous Puis, nous organisions un repas à la à l’école des Blancs. vieille salle de la bande. Alice : Très bien, le six janvier, c’était le Alice : Ainsi, le roi et la reine décidaient « Noël à l’ancienne » n’est-ce pas? quel genre d’activités seraient Elizabeth : Oui, c’était ainsi. organisées au cours de l’année? Puis Alice : De quelle façon les célébrations on choisissait quelqu’un d’autre? étaient-elles organisées? Elizabeth : Ils les couronnaient et on Elizabeth : Nous avions l’habitude de jouait également de la musique

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indienne. Tom Nash est celui qui ne travaillent pas. Bon nombre jouait du violon. Et Ceclawew, ou d’entre eux donnaient quand même ce plutôt son frère Ahtuwen. Son nom qu’ils pouvaient mettre de côté. était Anthony. Ils jouaient de la Alice : Et qu’en est-il lorsque les gens musique; pas de bagarres, tout était étaient malades et qu’ils ne pouvaient harmonieux. se débrouiller eux-mêmes? Alice : Est-ce que Charlie Sark jouait de Elizabeth : Oh! C’était facile. Ils la musique? pouvaient amener n’importe qui en Elizabeth : Charlie n’était même pas né ville, puis les ramener en voiture. à cette époque. Alice : Non. Je veux plutôt dire que si la Alice : Le vieux Charlie Sark? personne était à la maison, malade, Elizabeth : Il avait l’habitude de venir à comment les gens aidaient-ils cette la salle de la bande. Puis, lorsque la famille? réserve est devenue plus grosse, ils ne Elizabeth : Eh bien! Ils devaient tout voulaient plus faire ce genre simplement se priver. d’activités. Alice : Personne ne les aidait en leur Alice : Qu’arrivait-il lorsqu’une apportant de la nourriture? personne mourait sur la réserve, quel Elizabeth : Non, pas que je me genre de cérémonie organisait-on? Où souvienne. y en avait-il une? Alice : Et la famille de Ben, son père et Elizabeth : Ils veillaient simplement, et sa mère, vous rappelez-vous si c’est tout ce qu’ils font ici. quelqu’un a déjà fabriqué des canots Alice : Comment aidaient-ils la famille? en écorce de bouleau ici? Elizabeth : Ils faisaient habituellement Elizabeth : Pas que je me souvienne. En circuler deux paniers, de maison en ce temps-là, beaucoup d’hommes maison. Et c’est comme ça qu’ils les travaillaient dans la forêt. Ils aidaient. coupaient du bois à pâte et des billes, Alice : Je sais qu’ils ramassaient de la et c’est ainsi qu’ils faisaient leur nourriture, et certains le font encore argent. aujourd’hui. Alice : Est-ce que c’étaient vos grands- Elizabeth : C’est une pratique qui parents qui confectionnaient des n’existerait presque plus. paniers ou ceux de Ben? Alice : Oui, ils vont plutôt au salon Elizabeth : Non, les grands-parents de funéraire maintenant. Mais je crois Ben. qu’à cette époque, ils ramassaient Alice : Qu’utilisaient-ils comme outils plutôt de la nourriture pour aider la pour la confection des paniers? famille. Elizabeth : Ils utilisaient seulement un Elizabeth : Et ce n’est pas tout le monde couteau à lame incurvée. C’est tout ce qui peut se permettre d’aider, dont je me souvienne. vraiment, car il y en a beaucoup qui Particulièrement lorsque le grand-

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père de Ben faisait la pêche au couteau à deux manches, le couteau à saumon, à l’alose et au gaspareau, lame incurvée ou le couteau de près de la rive ici. La pêche était poche. bonne ici, près du rivage. Alice : Et le frêne, où le trouvaient-ils? Alice : Vous rappelez-vous s’ils Elizabeth : Je ne sais pas, mais ils utilisaient un outil quelconque pour utilisaient le bateau et descendaient façonner les manches de hache? Est- sur le fleuve ou traversaient de l’autre ce qu’ils utilisaient du verre ou côté. Ils savaient exactement où aller (pause) chercher le frêne dont ils avaient Elizabeth : Du verre et un couteau à besoin. deux manches. Et ils avaient ce petit Alice : Et qui martelait le frêne? chevalet, où ils mettaient le manche Elizabeth : Les plus vieux. Celui qui de hache sur le côté. Puis ils confectionnait les paniers, c’est lui utilisaient le couteau à deux manches qui martelait le frêne. Ça prenait toute et, avec une pierre, ils aiguisaient leur une journée. Ils utilisaient cette couteau à lame incurvée, leur couteau grande baignoire, galvanisée. Ils de poche et leur verre. étaient deux ou trois et ils y faisaient Alice : Quel genre de verre utilisaient- tremper le frêne. Puis la vieille grand- ils? mère utilisait ces petits chaudrons, Elizabeth : N’importe quelle sorte de qui avaient la forme d’un bol à verre que vous voyez ici dans les mélanger, mais qui étaient galvanisés. fenêtres. Ils devaient le façonner pour Elle mettait quatre petits chaudrons rendre le manche de hache ou le semblables sur le poêle et y versait de manche de marteau ou encore de la teinture. Puis, lorsque la teinture pioche plus lisse. Ils devaient d’abord était prête (pause) rendre le verre plus lisse, puis le bois. Alice : Où trouvaient-ils la teinture, et J’aimais bien les regarder travailler. de quel genre de teinture s’agissait-il? Particulièrement lorsqu’ils Elizabeth : Je ne sais pas quel genre de m’invitaient à m’approcher et à teinture, mais je sais qu’ils avaient apporter une grosse tasse avec un l’habitude de teindre le frêne. manche (suhpin.). Il faut verser de Alice : En utilisant quelles couleurs? l’eau sur la pierre, puis faire tourner Elizabeth : Rose, bleu, jaune et rouge. la roue. Lorsqu’ils fabriquent un Vous auriez dû les voir lorsqu’ils couteau à deux manches ou un confectionnaient des paniers de couteau de poche, ils doivent fantaisie pour la période de Noël. Car l’aiguiser, et il faut alors verser de ils avaient l’habitude de l’eau sur la pierre. Puis, utiliser la confectionner toute une série de manivelle et démarrer très lentement, paniers, puis des manches de hache et jusqu’à ce que la pierre soit toute des manches de marteau. mouillée. Et alors, il faut aiguiser le Alice : Que faisaient-ils avec les

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paniers? (au moment où je me suis mariée), il Elizabeth : Ils allaient les vendre. Quant suffisait de le dire au prêtre et aux aux parents de Ben, ils allaient les parents. On disait simplement au vendre à Saint-Jean. Et ils en faisaient prêtre qu’on allait se marier. À cette tout un commerce à Saint-Jean. À époque, on marchait jusqu’à l’église, cette époque, kahus yot pomyehpun située un peu plus haut que le passage (le train passait ici) tout le temps. Ils à niveau yat toke ehtutek (là où le prenaient donc le train et allaient passage est maintenant situé). À la vendre leurs paniers en ville. hauteur du passage, où se trouve Alice : Y avait-il beaucoup d’échanges maintenant le centre commercial, pour de la nourriture? c’est là qu’il y avait un grand sentier Elizabeth : Oui, c’était le cas ici. C’était large menant jusqu’à l’église. Ce agréable, car on pouvait les n’est pas tout le monde qui accompagner afin de les aider à y empruntait la route, car beaucoup apporter des paniers. Ils utilisaient ce raccourci pour se rendre confectionnaient des paniers, comme à l’église. À partir de là, vous montez à cette époque de l’année, et ils les droit devant. En ce temps-là, on ne gardaient pour l’automne. Et après manquait pas la messe. Puis, après la avoir fini de les vendre, Lekew mort de mes parents, je suis allée (pauvres gens), tout le monde vivre avec les grands-parents de Ben, économisait de l’argent. Rien n’était et on ne manquait jamais la messe. cher à cette époque, pas comme Tous les dimanches, nous nous maintenant. Puis grand-mère et rendions à l’église à pied et, en juillet, grand-père continuaient de nous allions à Kingsclear, dans la confectionner des paniers jusqu’à paroisse Sainte-Anne. Pour autant Noël, et ils les apportaient à que je me rappelle, j’y allais tout le Fredericton, au marché, quelque part temps. Même après mon mariage, à cet endroit. cette vieille femme me disait de venir Alice : Qui confectionnait des paniers également dans la paroisse de Sainte- de fantaisie? Anne. Elizabeth : Grand-mère et tante Makolit Alice : C’est bien à cet endroit. (Margaret); les trois travaillaient Elizabeth : Oui, mais à cette époque, ce ensemble et vendaient des paniers. n’était pas aussi bien qu’aujourd’hui. Alice : Lorsque vous vous êtes mariée, Tout a changé et tout le monde a pihce (il y a longtemps), vous changé. Mais le pire, c’est lorsqu’ils rappelez-vous si les mariages étaient nous ont déménagés à Kingsclear. Ils arrangés? nous donnaient ces maisons, Elizabeth : Non. tehpineswewopnul (où il y avait des Alice : Non? punaises de lits). Nous n’avons Elizabeth : Non, neket nil kisi nipwion jamais eu de punaises chez nous.

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Mais beaucoup de gens en ont parlé. Blancs se servaient de la salle de la Des punaises de lits. C’était Whalen bande. J’ai une photo ici quelque part ole kehte smotwhit (essayant de faire au sujet de cette salle et de tout un le malin). Il avait trouvé du bois, mais groupe d’enfants indiens également. le moins cher possible. Et je ne sais Il faudra que je fasse une recherche pas de quelle façon ils ont construit un jour et que je vous la montre. ces maisons. Je ne réussis pas à m’en FIN DE L’ENREGISTREMENT UN – souvenir. En ce temps-là, lorsque CÔTÉ UN nous avons obtenu ces maisons, il ENREGISTREMENT UN – CÔTÉ fallait aller chercher notre eau à près DEUX d’un demi-mille plus loin. À partir de Alice : Pourquoi louaient-ils la salle de la vieille réserve jusqu’à la réserve la bande? située de l’autre côté. À partir d’ici Elizabeth : Les Blancs la louaient pour jusqu’à ce magasin là-bas, ce qui est l’utiliser comme école. difficile l’hiver. Alice : Pourquoi? Alice : En quelle année avez-vous Elizabeth : Pour les enfants. obtenu l’électricité? Alice : Pour leurs enfants? Elizabeth : Nous nous sommes mariés Elizabeth : Pour les enfants des Blancs. en quarante-sept. Je me suis mariée Alice : Pendant combien de temps est-ce en quarante-six, quarante-sept ou que ce fut ainsi? quarante-huit. Je crois que nous Elizabeth : Mon Dieu! Sans doute étions les seuls à avoir l’électricité pendant environ trois ans. Trois ou ici. Je crois que c’est en 1952, lorsque quatre ans, assurément. Et pour j’ai eu Mary, oui 1952. Mais nous couronner le tout, par la suite, pen- avions déjà le téléphone. C’était dant quelques années – juste après différent pour le téléphone. Je me notre déménagement. Eh bien! nous rappelle lorsque nous sommes sommes déménagés ici en 1956, vers déménagés ici en 1956, 1957, 1958; 1957 ou 1958. Ben m’a dit un jour, c’est à ce moment-là que nous avons ehtutlekwhapitek (il faisait si chaud). eu le téléphone. Pas d’électricité ni Il m’a dit d’aller chercher de l’eau rien. Et nous avions des puits sur la fraîche chez John Coon, qui vivait ici, réserve. Nous en avions trois à la car il y avait ces puits à proximité de salle de la bande, dans la mesure où trois maisons. Il y avait un, deux, je peux m’en souvenir, et c’est le seul trois puits, parce que nous les endroit. Ils avaient l’électricité dans partagions tous. De toute façon, je cette salle. Car les Blancs avaient suis allée chercher de l’eau et, lorsque l’habitude de louer la salle pour leurs je suis revenue, Ben m’a dit : lihth enfants, avant qu’ils aient ces toke ti wolsonwik ehta (prépare du thé quelques écoles à Oromocto, juste maintenant, et fais-le bon et fort). Je avant l’arrivée de l’armée. Car les lui ai préparé du thé. Au bout d’un

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certain temps, il était dans la salle de Alice : Oui. séjour et il m’a dit : kisahlta kisahciw Elizabeth : Et aujourd’hui ils essaient de ti (le thé doit être prêt maintenant). Et régler le problème sur la Base [Base je lui ai répondu que oui. Eh bien! de Gagetown]. Il y a cette fuite de cikah ‘suknimwin (verse m’en une pétrole quelque part, et nombreux tasse), une grande tasse. Je regardais sont ceux qui n’utilisent pas l’eau du le thé en le versant. Après avoir robinet. Nous l’utilisons nous-mêmes, préparé le thé, il avait une apparence mais pas beaucoup. Nous obtenons de graisse, et j’y ai mis du lait et du notre eau de Ridgewood. sucre. Et j’ai dit à Ben : mimpeqit yot Alice : Dans votre enfance, vous ti (ce thé a de la graisse dedans). Il rappelez-vous de quelqu’un qui aurait m’a répondu : knutmin kil ehpit (tu es utilisé des peaux d’orignal ou des folle, ma femme), donne-moi mon peaux de chevreuil? thé. Je lui ai donc donné sa tasse, il Elizabeth : Non, mata wen kotunkew l’a bue et nit yahqow pemiputuwet (il (personne n’en chassait) en ce temps- l’a immédiatement recrachée). Je lui là. ai demandé ce qu’il avait. Il m’a dit Alice : Non? qu’il y avait quelque chose dans le Elizabeth : Non, ils n’ont recommencé à thé, et il m’a demandé d’y goûter. Je chasser qu’à la génération suivante. lui ai dit que le thé avait un goût de La seule chose qu’ils chassaient était pétrole. Il m’a dit que c’était ma le canard et le rat musqué. Et au bout chaudière et il m’a demandé de la d’un certain temps, j’étais dégoûtée nettoyer. Je lui ai répondu que je du rat musqué [dit en malécite], car il nettoyais cette chaudière tous les y en a tellement dans l’eau. Mes deux jours. Il m’a répondu de la petits-enfants [dit en malécite], nettoyer et d’aller chercher d’autre lorsque je les gardais ou qu’ils eau. J’ai donc nettoyé la chaudière à venaient chez moi, et que j’avais un nouveau et je suis retournée chez rat musqué dans la cuvette à vaisselle, John pour aller chercher de l’eau. J’ai prêt à nettoyer ou prêt à cuire, ils se dit à John et à Stella que l’eau avait moquaient. Ils regardaient le rat un goût affreux. Personne ne me musqué et demandaient s’il s’agissait croyait. d’une sorte de rat. C’est cela en fait, Alice : Qu’est-il arrivé au pétrole dans mais je ne répondais pas [dit en l’eau? malécite]. Je n’en mangeais pas, mais Elizabeth : Finalement, tout est revenu à quelques-uns d’entre eux aimaient ça. la normale, et personne n’a jamais Alice : Vous ne mangez pas de rat fait quoi que ce soit. Ils ont musqué [dit en malécite]? simplement condamné ces puits. J’ai Elizabeth : J’en ai déjà mangé, mais dit à Ben que si je n’y avais pas goûté plus maintenant [dit en malécite]. plus tôt, cette eau nous aurait tués. Alice : J’aime le goût, mais il y a

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longtemps que j’en ai mangé. Elizabeth : Oui, il était méchant. Elizabeth : Charlie Paul m’en a donné Alice : Christina est la sœur quelques-uns, quatre. Je ne sais pas d’Annie Saulis? où il les a trouvés. Je crois qu’ils Elizabeth : D’Annie Saulis, de Clarence viennent de Gagetown [dit en et de Viola. malécite]. Mes petits-enfants me Alice : Oui. disaient qu’il s’agit d’un genre de rat. Elizabeth : Il n’en reste que deux Je ne voulais pas en manger, car vous aujourd’hui, Viola et Clarence. L’eau savez que les rats mangent n’importe dont je parlais, personne n’en savait quoi. Et ils me disaient que le rat rien, et ils se préoccupent de cette d’eau est pareil. Je suis certaine qu’ils question aujourd’hui sur la Base. La mangent n’importe quoi, tout ce fuite de pétrole vient de là quelque qu’ils trouvent le long de la rive. J’ai part. L’automne dernier, si je me été dégoûtée et j’ai arrêté d’en man- souviens bien, ou au début du ger. Parfois, j’en fait cuire, très printemps, il y a eu cette importante lentement, et à partir de très tôt dans vérification dans chacune des la journée, de façon à ce qu’il ait maisons. À partir de chez vraiment le temps de cuire. Doreen Green jusqu’à la salle de la Alice : Vous avez vécu ici presque toute bande. Puis ils ont fait tout le tour de votre vie. Vous devez connaître tous la réserve, pour vérifier l’eau. Je ne les chefs. sais pas quels ont été les résultats, car Elizabeth : Oui. on n’en a pas entendu parler, mais Alice : John Atwin? l’étude se poursuit. Ils disaient que Elizabeth : John Atwin a déjà été chef. les trois maisons situées là, il faudrait Je ne sais pas comment il a réussi à peut-être les déménager ailleurs. Je ne obtenir cette viande, ce qu’on appelle sais pas où ils ont l’intention de les de la viande de bison. Avez-vous déjà déménager. goûté à de la viande de bison? Je ne Alice : Est-ce que John Coon en sais pas où il la obtenue, mais il la connaissait beaucoup au sujet de la donnait [dit en malécite]. Je crois que médecine indienne? c’est Whalen qui l’avait achetée. Et il Elizabeth : Oui, John Coon connaissait disait que tout le monde devait goûter bien le sujet. à cette viande. Il était possible d’en Alice : Que savez-vous au sujet de cette obtenir davantage, et beaucoup médecine? d’entre eux en ont obtenu et Elizabeth : Je n’en sais rien. nombreux sont ceux qui l’on jetée. Alice : Pas du tout? Puis, il faisait le tour pour voir si Elizabeth : Il communiquait avec Ben, vous l’aviez aimée. car ce dernier y croyait. Il se soignait Alice : Whalen était méchant [dit en avec cette médecine. malécite]? Alice : Qu’est-ce qu’il envoyait à Ben?

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Elizabeth : Je ne sais pas du tout ce que d’entre eux vivent à Geary; il y a trois c’était. ou quatre familles qui vivent à cet Alice : À quoi cela servait-il? endroit. Les Nash, de ce côté-ci, tous Elizabeth : Pour le rhume, mais je sais les Nash. Ma tante vivait avec un que c’était un genre d’écorce. Nash. Alice : Oui, je crois que c’était Alice : Qui était votre tante? Kiwhosuwasq ou des racines de Elizabeth : Son nom était Lena Sabattis, calame. et c’était la sœur de mon père. Elizabeth : Et mon fils Donald y croyait Alice : Elle devait être mariée avec également. En effet, il croyait que les Jim Nash. Ils seraient donc les par- feuilles vertes qui sont sur le sol… ents de Bobby Nash et de Bill Nash, Elles sont très coupantes, elles sont de Viola et d’Evelyn. grandes et belles, et je ne sais pas leur Elizabeth : Vous connaissez Evelyn? nom. Il croyait que la racine de Alice : Je l’ai rencontrée une fois, mais calame et une sorte d’écorce… il je ne la connais pas vraiment. avait l’habitude de faire tremper le Elizabeth : Tom Nash, ses enfants, ses tout. Un jour, nous vivions encore à filles et ses fils vivent à Burton. C’est cet endroit, à côté d’ici, après la mort là que Tom Nash vivait, et certains de de Ben, et j’ai attrapé un rhume ce ses fils et de ses filles vivent à Geary. jour-là, juste avant Noël. Oh! Que Alice : Est-ce qu’il y a des Nash qui j’étais malade! Mon fils Donald m’a vivent ici sur la réserve? apporté de la médecine indienne. Je Elizabeth : Non. Oui, Warren. Sa mère ne pouvais rien avaler, même ce que vivait sur la réserve également. Car j’aimais. Lorsque Jack est venu, à la Christina a marié le fils de Lena. fin de l’après-midi, vers 18 h 30 ou George Nash, c’était le fils de Lena et 19 h, il a apporté une grosse bouteille. de Jim Nash. Christina vivait là, et Il m’a dit que si j’avais envie de boire elle a même vécu à l’extérieur de la du thé ou que si je voulais boire de réserve pendant un certain temps. Et l’eau, je devrais plutôt boire ce il y a peu de temps, elle vivait au haut liquide. Donc, le lendemain matin, de la colline, là où il y a l’allée l’un de mes petits-fils est venu, et Mocassin, comme ils l’appellent j’avais vraiment soif. J’ai donc bu la maintenant. La première maison, médecine indienne. Mais mon cette maison de rondins, lorsque vous système rejetait tout, et il n’y avait allez sur ce chemin. rien à faire. Alice : La réserve s’est beaucoup Alice : J’ai essayé une fois, et j’ai été développée, n’est-ce pas? incapable de boire ce liquide. Elizabeth : Je crois que oui, pour autant Elizabeth : …Je fais partie de la famille que je m’en souvienne. Nous vivions des Nash. Chacun d’entre eux jusqu’à au bas de la colline, de l’autre côté de Burton, près de Geary. Beaucoup la voie ferrée, et il y avait le père de

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Ben, et les grands-parents de Ben. père de Ben est déménagé pendant Charlie Sark et Vincent Sacobie et quelque temps. Au bout de deux John Sacobie. Il n’y avait que cinq semaines, il est retourné. maisons à cet endroit. Personne ne vit Alice : J’ai parlé à quelques personnes à là aujourd’hui, car ces terres nous Kingsclear et elles ont dit Kiwaceh appartiennent toujours de l’autre côté (elles s’ennuyaient de cet endroit). de la voie ferrée. Elizabeth : Nous sommes déménagés ici Alice : La réserve s’est vraiment juste avant que j’accouche de mon – agrandie depuis 1947 ou 1946. combien d’enfants est-ce que j’avais Elizabeth : 1946, 47 et 48, à l’époque où avant qu’on déménage ici? Il y avait nous sommes déménagés à Donald, Gloria et Terrance. Terrance Kingsclear. est né en 1950, car ce sont les deux Alice : En quelle année la première seuls garçons que j’ai eus. Gloria et famille s’est-elle établie à Oromocto? Donald, car Donald a vécu un certain Elizabeth : Je dois dire qu’ils nous ont temps chez ses grands-parents. Il déménagés à Kingsclear en 1947 dans vient me voir de temps en temps. les foutus camions de l’armée. Ces Chaque deux semaines, il venait nous derniers faisaient le tour de la réserve visiter. Puis, j’ai eu Mary, juste avant et on nous disait : « Montez, vous que l’on retourne. Après la naissance déménagez… vous déménagez à de Mary, le père de Timer est mort. Il Kingsclear. » s’est noyé, et c’est à ce moment-là Alice : Vous n’avez jamais eu votre mot que nous sommes retournés. à dire? Alice : Quel est votre degré de parenté Elizabeth : Non. Ils ont construit toutes avec ma mère? ces maisons à cet endroit. Puis, les Elizabeth : Tina, son père et ma mère familles sont restées ici. Si elles sont frère et sœurs. Charlie et ma avaient déménagé, nous aurions mère sont frère et sœur. perdu toutes ces terres. Car l’armée Alice : Où se situe le vieux Ben Brooks parlait de cette réserve, et elle avait dans tout cela? l’intention de s’en accaparer. Voyez- Elizabeth : Je ne me souviens pas vous, à cette époque, il y avait le père vraiment de Ben Brooks. de Ben, John Brooks et John Sacobie. Alice : Ben et Myna? Ce sont ceux qui n’ont pas déménagé. Elizabeth : Je ne sais pas. Je ne les Mais si toutes les familles avaient connais pas. Quel est le degré de déménagé à Kingsclear, nous aurions parenté de votre mère avec Benwa? tout perdu. Nous serions à Kingsclear Alice : Son grand-père, je crois, mais je aujourd’hui. Il n’y a rien qu’ils ne suis pas certaine. Il faudrait que pouvaient faire. Ils ne pouvaient les j’en parle à ma mère. forcer. Ils ne voulaient pas Elizabeth : Lorsque je suis déménagée à déménager, et ils sont restés là. Le St. Mary’s, après la mort de mon

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père, je pense qu’il vivait encore à mariés. Son mari était dans l’armée et cette époque. Car lorsque je suis elle a divorcé, puis Charlie et déménagée, je ne suis pas restée très Annie Bear se sont mariés. longtemps. Je ne suis même pas Michael Joe Paul [Joe Shaker] était restée un an à cet endroit, et je son premier mari. Je ne sais pas si voulais déjà revenir. Je suis donc leurs fils sont retournés en Angleterre. revenue car, je crois, je voulais Nous avions l’habitude de vivre au revenir, et j’avais onze ans lorsque même endroit qu’eux. Ils vivaient à Ben m’a dit que nous allions nous proximité de la réserve, mais en marier. Il m’a dit que lorsque je serais dehors de la réserve, dans une grande plus âgée, je pourrais faire tout ce que maison. Vous connaissez Elsie et je voudrais, et il avait raison. Voyez- Berna; quel est leur nom, le nom de vous, lorsque je suis revenue, nous ne leur père? restions pas ensemble. Jusqu’à ce que Alice : Tuedis. j’aie quatorze ans. Puis, je me suis Elizabeth : C’est ça; Tuedis est le frère mariée à l’âge de quinze ans. Lui et de Joe Shaker et Minnie de Charlie Sark avaient l’habitude de Kingsclear. discuter… Charlie souffrait de FIN DE L’ENREGISTREMENT l’asthme. Lui et Annie Bear se sont

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12. L’agent des Indiens

CHARLIE BEAR NEQOTKUK / PREMIÈRES NATIONS DE TOBIQUE

…nous n’avions pas de bureau ici, mais uniquement l’agent des Indiens en ville, et son nom était Norval McPhail… Il était méchant. Il était difficile d’obtenir quelque chose de lui. Il vous laissait couper du bois, mais il ne vous donnait pas le montant au complet. Il fallait toujours l’échanger pour du matériel, comme du câblage électrique ou de l’isolant ou des fenêtres pour notre maison. Car il possédait une quincaillerie à ce moment-là.

Alice : Charlie, vous êtes mieux connu Alice : Que faisaient votre mère et votre sous le nom de Pokan sur la réserve. père? Charlie : Oui. Charlie : Eh bien! C’était surtout des Alice : Beaucoup de gens vous paniers, pendant toutes les années connaissent sous ce nom. Vous dont je me souvienne. Et nous avons pouvez parler indien si vous voulez. fait les récoltes de pommes de terre. Êtes-vous né et avez-vous été élevé C’est à peu près tout ce qu’ils ont fait. ici à Tobique? Alice : Quel genre de paniers Charlie : Je ne suis pas né ici, mais j’ai fabriquaient-ils? été élevé ici. Je suis né à Westfield, au Charlie : Ils en confectionnaient de Maine. toutes sortes, mais j’étais trop jeune Alice : Qui étaient votre mère et votre pour en connaître les différents types. père? Pour autant que je me souvienne, il y Charlie : Son nom de fille était avait des paniers de pommes de terre Annie Saulis, de Kingsclear, et le pour les agriculteurs locaux. Nous nom de mon père était Henry Bear, avions l’habitude de nous déplacer, d’ici, de la réserve Tobique. comme à Mars Hill, Westfield, Easton Alice : Votre mère était Annie Saulis; et à tous ces endroits, d’un bout à pas celle qui vient juste de mourir l’autre. récemment n’est-ce pas? Alice : Quel âge aviez-vous lorsque Charlie : Non. Elle est morte en 1976. vous êtes déménagé à Tobique?

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Charlie : Probablement un an ou deux. l’habitude de venir avec un gros Alice : Avez-vous habité ici depuis ce camion. Et ils achetaient de mon père, temps-là? Kunuhsi (Peter Perley), de Spike Charlie : Oui. [Donald Moulton] et de toutes ces Alice : Pourriez-vous me parler de votre autres personnes qui confectionnaient enfance sur la réserve Tobique? des paniers ici également. Comment était la vie? Alice : Combien étiez-vous dans la Charlie : Dans quel sens? famille? Alice : Eh bien! La réserve devait être Charlie : Quatorze. différente en ce temps-là. Alice : De ces quatorze, combien vivent Charlie : Je ne sais pas vraiment. Je ne encore aujourd’hui? sais pas où commencer ou quoi Charlie : Aujourd’hui, je pense qu’il y expliquer. en a six. Alice : Vous pourriez commencer au Alice : Est-ce que vous et John [Bear] moment de votre enfance ou parler de étiez les seuls à confectionner des ce que votre mère et votre père vous paniers? ont appris au sujet de la confection Charlie : Fred [Bear] en confectionnait des paniers ou lorsque John en aussi, mais il a pris sa retraite il y a confectionnait. quelques années. Il travaillait pour Charlie : Ils n’ont pas vraiment transmis Tobique Works. Je pense qu’il s’était cette connaissance. J’aidais ma mère, économisé suffisamment d’argent en tissant un peu, et c’est comme ça jusqu’au moment de sa retraite l’an que j’ai appris. Plus tard, en 1974, je prochain. Il ne veut plus travailler me suis mis à en confectionner par maintenant [dit en malécite]. Il était moi-même. Mais la vie était difficile habile pour le martelage, et il à cette époque, car il n’y avait pas confectionnait toutes sortes de d’eau courante dans la maison. Pas de paniers. Surtout du travail de toilettes, seulement des toilettes fantaisie. Il m’a aidé un peu, de extérieures. Il fallait obtenir du bien- même que John. Il avait l’habitude de être social, et on survivait marteler du frêne pour nous, de principalement en confectionnant des fabriquer des fonds, et des clous. paniers de pommes de terre. Alice : Ça ne semble pas difficile de Alice : Est-ce qu’ils les vendaient ou confectionner un panier? s’ils les échangeaient? Charlie : Pas vraiment. Vous pourriez Charlie : Bien souvent, je pense qu’ils sans doute apprendre en une seule les échangeaient, avant qu’il y ait des journée, afin d’obtenir une bonne idée acheteurs locaux de Perth-Andover, de la façon de faire. comme Charlie Johnston. Je ne sais Alice : Il y a de nombreuses années, pas quel était le nom de Mockler à lorsque je suis venue dans cette cette époque, mais ils avaient région, Roy, votre frère,

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Planche 12.1 : Charlie et John confectionnant des paniers (photo de David Keenlyside, Musée canadien de la civilisation)

confectionnait des paniers, des quatre dans cette courbe, et deux paniers de pommes de terre. avant l’église. Mais je ne sais pas Charlie : Je travaillais pour lui à combien il y en avait au total sur la l’époque. Mais comme je dis, 25 ans, réserve à cette époque. Lorsque vous c’est une longue période. Je êtes venue ici, c’est il y a 25 ans. travaillais pour lui et, avec le temps, Alice : Avant de commencer à c’est lui qui a fini par travailler pour confectionner des paniers, pendant moi. Lorsque j’ai commencé, il que vous viviez avec votre mère et buvait beaucoup. Il travaillait pour votre père, est-ce que la vie était une couple de bouteilles de vin ou difficile? d’alcool à friction… tout ce qu’il Charlie : Oh oui! Il buvait beaucoup [dit pouvait trouver. Il offrait même sa en malécite]. Lorsqu’il vendait des nourriture pour obtenir de l’alcool. paniers, il prenait l’argent pour boire. Alice : Combien y avait-il de maisons Ou il le perdait en faisant la fête ici dans votre enfance? Je me rappelle quelque part. Lorsqu’il revenait, il qu’il y avait des maisons près de n’y avait pas de nourriture [dit en l’eau. malécite]. Un jour, nous sommes Charlie : Voulez-vous dire sur cette rue- déménagés à River de Chute. Nous là? Il y en avait huit près du fleuve et nous sommes établis là au début du

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Planche 12.2 : Charlie et John confectionnant des paniers (photo de David Keenlyside, Musée canadien de la civilisation)

printemps; le ruisseau a débordé et l’argent. Il a acheté un peu de tous nos biens ont été inondés [dit en nourriture, et du vin. malécite]. Nous avons dû traverser Alice : Cela a dû être difficile pour votre sur la bille qu’il y avait là, et le mère et votre père de nourrir quatorze courant était si fort [dit en malécite]. enfants? Nous avons alors recommencé à zéro, Charlie : Il n’y en avait pas autant à ce et nous étions vraiment pauvres. Il ne moment-là. La plupart de mes sœurs nous restait que de la mélasse et du étaient déjà mariées, et Roy s’est gruau pendant une semaine, jusqu’à marié dans les années 1960. John ce qu’il recommence à confectionner s’est également marié. Fred est le seul des paniers et qu’il obtienne de de la famille qui ne se soit jamais

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Planche 12.3 : Charlie et John confectionnant des paniers (photo de David Keenlyside, Musée canadien de la civilisation)

marié. Je crois qu’il préférait rester à des personnes qui confectionnaient la maison. Puis, après la mort de ma des paniers. William Saulis fabriquait mère, il a commencé à fréquenter son propre bateau, mais ce n’était pas l’église. Je crois qu’il a essayé d’être en écorce de bouleau; il utilisait du bon après toutes ces années [dit en bois dur. Je ne sais pas ce qui s’est malécite]. produit par la suite. Je pense que Alice : Vous rappelez-vous que Dale Saulis a tout cela à Fredericton. quelqu’un ait fabriqué des canots Cette époque, il avait son propre d’écorce de bouleau sur la réserve? atelier. Je pense qu’il possédait Charlie : Non. Je ne me souviens que presque tous les outils nécessaires.

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Alice : Est-ce que vous avez vous-même arrêté, je crois qu’aucun d’eux n’est des outils? intéressé. Leur seule préoccupation Charlie : Oui. J’ai un couteau à deux est la quantité d’argent que l’on peut manches, un couteau à lame incurvée, faire. Je me souviens lorsque j’ai une scie et c’est à peu près tout, je commencé à confectionner des crois. paniers; ils se vendaient seulement Alice : À quoi sert le couteau à deux trois dollars chacun. Mais c’était manches? beaucoup d’argent à l’époque, car Charlie : C’est un couteau qui sert à l’argent valait beaucoup plus découper les rebords intérieur et qu’aujourd’hui. extérieur des anses pour les paniers. Alice : À quel prix se vendent les Alice : À quoi sert le couteau à lame paniers aujourd’hui? incurvée? Charlie : Actuellement, nous obtenons Charlie : C’est pour fendre le bois et le vingt dollars. couper en quatre. Vous obtenez ainsi Alice : Combien de paniers pouvez- quatre morceaux à partir d’une même vous confectionner dans une journée? pièce de bois, deux pour l’extérieur et Charlie : En une journée, j’en ai déjà deux pour l’intérieur. Les anses ont terminé douze, ce qui veut dire quarante pouces de longueur, et les couper le matériel, fabriquer les normes sont de dimensions fonds, les tisser et faire le fini. Ceci moyennes. Les tiges sont plus comprend les anses, les bordures longues, allant jusqu’à sept pieds. La intérieure et extérieure et la fixation scie manuelle ne sert qu’à marquer avec des clous. J’aime bien ce genre les anses. Le calibre utilisé sert pour de travail, particulièrement lorsque le travail de fantaisie. Il y a le quart l’on travaille seul, car on peut en faire de pouce, le demi-pouce et le trois beaucoup plus. quarts de pouce. Après ça, c’est à Alice : Êtes-vous le seul à confectionner main libre. Bien souvent, vous des paniers sur la réserve? essayez de deviner la largeur, et vous Charlie : Non, il y a Spike Moulton, tombez juste. Molly et Magoo [Melinda Moulton], Alice : Avez-vous déjà montré à Gladys [Paul] et Christine Gagnon quelqu’un comment confectionner ainsi que beaucoup d’autres femmes. des paniers? En effet, elles sont environ cinq ou Charlie : Non. J’en avais l’intention, six à confectionner des paniers de mais lorsque j’ai travaillé pour la fantaisie. Elles ont suivi des cours ici bande, ils ne voulaient pas établir un dans les deux ou trois dernières programme ici. Quant à la plupart de années. John Bear et Johnny LaPorte mes enfants, j’ai encore demandé à ont montré la technique à quelques l’un d’eux hier s’il était intéressé. femmes, notamment Une fois que John aura lui-même Monique Nicholas et

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Debbie Moulton, et je ne sais pas si la Charlie : Au lac. femme de Dick-a-Doo Alice : Il y a de nombreuses années, [Richard Moulton] y était, mais il y lorsqu’ils pêchaient ici, pendant votre avait deux femmes blanches là. enfance, est-ce que vous avez déjà Alice : Avez-vous déjà cueilli des fait de la pêche au harpon? crosses de fougère? Charlie : Je ne crois pas. C’était surtout Charlie : J’ai essayé une fois à Plaster la pêche à la mouche. Je pense qu’ils Rock, mais la saison était trop avaient des filets, mais uniquement avancée. Nous avons quand même du genre que l’on tient dans la main. fait la cueillette jusqu’à la toute fin, Ce n’est qu’il y a environ quinze ans moi-même et mon oncle qu’ils ont commencé à se servir de Edmond Saulis; son nom était Poiah. filets maillants, ou peu importe le Il avait marié une femme de nom qu’on leur donne. Kingsclear, Elizabeth Paul, je crois. Alice : Et la chasse? Alice : Je me souviens d’eux. Charlie : J’avais l’habitude de faire Charlie : La cueillette annuelle n’était beaucoup de chasse ici également. pas très bonne. Juste assez pour notre Mais on ne voit presque jamais consommation personnelle. Je ne fais personne chasser avec un arc. C’est pas de réserves. C’est comme pour le toujours avec un fusil. saumon; j’aime le goût, mais rien Alice : Personne ne chasse avec un arc? d’autre. Je déteste le nettoyer et le Charlie : Non. Il y en a peut-être garder au réfrigérateur avec le reste quelques-uns aujourd’hui. Mais ils de ma viande. trichent, car ils utilisent une arbalète. Alice : Vous ne pêchez donc pas non Alice : Ne sont-elles pas illégales? plus? Charlie : Oui. Mais ils le font en Charlie : Non, pas du tout. J’ai déjà cachette. pêché la truite. Mais au cours des six Alice : Est-ce que vous receviez ou sept dernières années, j’ai perdu beaucoup de bien-être social? tout intérêt. Charlie : Pas vraiment. Pour une famille Alice : À quel endroit cueillez-vous des de six, au moment où je vivais avec crosses de fougère près d’ici? ma mère, je pense que nous recevions Charlie : Nous allons habituellement vingt-trois dollars toutes les deux jusqu’au ruisseau Tilley, de l’autre semaines. Ou c’était peut-être tous les côté du fleuve, là où vit Sam Goose mois. Ce montant durait assez [Abner Paul}. Et parfois jusqu’à longtemps, après la mort de mon Westfied, à Mars Hill. Et bien père. Je me rappelle qu’on allait souvent, nous nous rendons à Plaster chercher notre nourriture chez Rock, Riley Brook ou Arthurette. Mildred [Paul] [dit en malécite]. Et à Alice : À quel endroit se fait la pêche la fin, elle avait l’habitude de nous ici? accorder du crédit jusqu’à l’arrivée

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du chèque de bien-être social. manche. L’argent arrivait de Fredericton, car Alice : Qu’en est-il des cerceaux de nous n’avions pas de bureau ici, mais baril, est-ce qu’ils les fabriquaient? uniquement l’agent des Indiens en Charlie : Les cerceaux de baril? Oui. ville, et son nom était Les seuls dont je me souvienne sont Norval McPhail. Roy Bear et Baboo [Peter Sappier]. Alice : Comment était-il? Tarzen [Loomis Sappier] était le Charlie : Il était méchant. Il était patron de Roy à cette époque. Ils difficile d’obtenir quelque chose de tlikonikahwul (le processus de fendre lui. Il vous laissait couper du bois, le frêne pour obtenir les cerceaux). mais il ne vous donnait pas le Roy tlakqostun (le processus d’ajuster montant au complet. Il fallait toujours le cerceau autour de l’extrémité l’échanger pour du matériel, comme intérieure d’un panier). Ils en du câblage électrique ou de l’isolant fabriquaient beaucoup, peut-être six ou des fenêtres pour notre maison. ou sept cents par semaine. Car il possédait une quincaillerie à ce Alice : Quel était le prix à cette époque? moment-là. Charlie : Je pense qu’ils valaient vingt- Alice : En plus de confectionner des cinq cents chacun. paniers, est-ce que vous fabriquiez Alice : Quel prix se vendraient-ils des manches de hache? aujourd’hui? Charlie : Non, pas moi. Ils sont plus Charlie : Aujourd’hui, si je les faciles à acheter qu’à fabriquer. Car si fabriquais avec du frêne, ce serait la vous en cassez un aujourd’hui et que même chose. Comme pour les paniers vous en fabriquez un autre de pommes de terre, vous devez aujourd’hui, il vous faudra attendre multiplier les prix par quatre bien sûr. environ quatre jours pour le laisser Il n’y a pas de perte aujourd’hui. sécher. Mon père en fabriquait il y a Comme si quelqu’un fabriquait des de nombreuses années, de même que cerceaux de baril, je pense qu’il les William Sappier, Albert Paul et vendrait pour un dollar cinquante à quelques autres. deux dollars chacun. Alice : Quel genre d’outils utilisaient-ils Alice : Avez-vous déjà utilisé des pour les manches de hache? couleurs pour vos paniers? Charlie : Je pense que c’était du frêne Charlie : Non. Mais John en a blanc ou de l’érable à sucre. confectionné quelques-uns il y a Alice : Qu’utilisaient-ils pour adoucir le quelques années. Il avait l’habitude manche? de teindre le frêne. Charlie : Ils utilisaient parfois du verre. Alice : Quel genre de teinture utilisait- Alice : Quel genre de verre? il? Charlie : Par exemple, ils cassaient une Charlie : Je ne sais pas. Leslie Perley bouteille et s’en servait pour gratter le s’occupait du bâtiment des arts et de

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l’artisanat ici, car il travaillait pour Alice : Quel genre d’outils utilisez-vous l’Union, je crois. Il a lancé un pro- pour marteler le frêne? gramme, et il avait l’habitude de leur Charlie : La seule chose que j’utilise est fournir de la teinture. Il fallait faire un couteau à deux manches. De l’eau bouillir l’eau et il y versait la teinture. et des cendres pour marquer le frêne, Elle se présentait sous forme de afin de savoir où vous avez déjà poudre. Il y avait du rouge, du bleu et martelé le frêne. De façon à ne pas du jaune, soit les couleurs les plus perdre votre (pause) populaires. Alice : Pendant combien de temps faut- Alice : Lorsqu’ils confectionnaient des il marteler une tige? paniers de fantaisie, quelles sortes Charlie : Ça dépend de la personne, si produisaient-ils? elle ne s’essouffle pas; il faut de Charlie : Eh bien! Ils confectionnaient 45 minutes à deux heures. Dans mon des paniers de peignes, des paniers de cas, c’est un peu plus long, car j’ai le pêche, des paniers de boutons et souffle court. Et vous utilisez une quelques autres. Et ils utilisaient hache pour le martelage, une hache parfois du foin d’odeur, comme dont le dos est plat et large et qui autour du couvert et de la bordure. Ils n’est pas nécessairement coupante. Et les reliaient à la main, car ils vous utilisez un couteau à deux n’utilisaient aucun clou et rien manches, car si l’écorce reste collée, d’autre. il faut l’enlever. Puis, vous martelez, Alice : Est-ce la meilleure façon de en enlevant un pouce à chaque fois, confectionner un panier? De les lorsque vous retirez des lanières du relier? frêne. Charlie : Pour eux, je suppose. Plutôt Alice : Faut-il continuer cette opération, que de demander à quelqu’un de les c’est-à-dire le martelage du frêne, serrer, vous n’avez qu’à utiliser deux jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien? bandes de frêne solide. Charlie : Oh, oui! Ça dépend de la Alice : Ce type en bas qui martèle le qualité du frêne. S’il est trop épais, il frêne, qui est-il? ne peut servir à rien. Certaines Charlie : Son nom est Maynard LaPorte. personnes réussissent quand même, Il est né à Caribou. Je pense qu’il mais pour nous, si c’est trop épais, s’est établi ici au cours des quinze nous le mettons de côté. Parfois, je le dernières années. Il doit être âgé fends une autre fois de toute façon d’environ cinquante ans, mais il a pour fabriquer les fonds de paniers de vécu son enfance à Caribou, Wood- pommes de terre, mais les tisserands land, New Sweden, à tous ces n’aiment pas quand il est trop épais. endroits dans la région de Caribou. Et En effet, les paniers n’auraient plus ses parents confectionnaient une belle forme. également des paniers. Alice : Lorsque vous confectionnez et

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vendez des paniers, obtenez-vous un également. Mais la plupart sont des bon prix? paniers de plumes et de fantaisie. Charlie : Actuellement, pas vraiment. Il Alice : Quel genre d’activités ne reste que quelques agriculteurs qui intéressaient les gens autour d’ici? Y en ont besoin pour la récolte annuelle avait-il des danses? des pommes de terre. Nous avons Charlie : À une époque, il y avait des neuf personnes actuellement et, après danses chaque semaine, dans la septembre, elles ne vendront plus rien mesure où je me souvienne. Je ne sais jusqu’à l’an prochain. Lorsque nous pas à quel moment il y a eu avons commencé en 1974, John et l’ancienne salle ici, car je me rappelle moi avions l’habitude d’en à peine d’y avoir été. Soit qu’elle ait confectionner pendant toute l’année. passé au feu ou qu’elle ait été Je pense que nous en avons fabriqué démolie pour construire la nouvelle un total de quatre mille neuf cents salle qui existe aujourd’hui. Pour ce une année. qui est de l’école, je crois que j’y suis Alice : C’est beaucoup. allé dans les années 1950. Oui, je Charlie : Je sais. Mais Donald Saulis en pense que la dernière fois où je suis a acheté beaucoup. Il avait obtenu un allé à l’école, c’était en 1957, avant prêt de la banque, et je pense qu’il en d’être transféré à Perth pour mes avait acheté trois mille. études secondaires. Alice : Qu’en a-t-il fait? Alice : Quel genre de danses Charlie : Il les a entreposés, et il les a organisaient-ils? tous vendus pendant l’été. Mais après Charlie : Comme toutes les autres cela, nous avons dû continuer de activités de danse, mais ils avaient travailler et de faire la vente de porte également des pow-wows. Ils avaient à porte. Avec nos paniers, nous nous l’habitude de célébrer la fête de sommes rendus jusqu’à Houlton, où Sainte-Anne. Il y avait aussi une Jewel Brothers et Mars Hill, journée sportive et une fête du travail, Hershal Smith, de même que Brennan à un autre moment. Il y avait des gens en ont acheté beaucoup. Et quand qui venaient de Old Town ou de nous avons eu terminé de ce côté, Princeton ou même d’Eastport. c’était à nouveau la période pour les Alice : Est-ce qu’ils organisaient des agriculteurs locaux de commencer à danses carrées, comme pour les les acheter autour d’ici. La demande personnes plus âgées? était forte à ce moment-là. Il n’y avait Charlie : Eh bien! Tout était mélangé à pas que nous, mais bien trois ou l’époque, comme un peu de rock and quatre autres familles qui roll, des valses et des danses carrées. confectionnaient alors des paniers. Mais aujourd’hui tout le monde Aujourd’hui, je pense que Spike préfère ce qu’il y a à la télé. [Donald Moulton] en confectionne Alice : Vous rappelez-vous des Indiens

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plus âgés qui jouaient des instruments Charlie : Moi, je sais lire. de musique? Alice : Je veux dire la musique. Charlie : Oh, oui! Il y avait Charlie : Lorsque j’y pense, c’est plus George Perley, qui jouait du saxo- facile. Le son de la musique… ce que phone. Pious [Perley] jouait de vous entendez. C’est beaucoup plus l’orgue, Peter Perley jouait du violon, facile pour moi d’apprendre sur un et on l’appelait le Perley Band à orgue. Tout comme la guitare. C’est l’époque, car c’étaient tous des frères. comme ça que moi et Boy Tout comme moi aujourd’hui, il y a [Anthony Bear] avons appris. On moi, Boy [Anthony Bear] Fred, John empruntait la guitare de John Bear et et Roy. Nous jouons tous des instru- le violon de Fred en cachette, et c’est ments. Sally [Bear] jouait un peu et comme ça que nous avons appris. Et notre sœur, mais elle a perdu cette au bout d’un certain temps, environ habileté en vieillissant. Je ne sais pas un an, nous nous sommes améliorés. s’il y avait un batteur indien à Puis, on jouait pour eux lorsqu’ils l’époque… je ne me souviens pas buvaient. Ensuite, nous nous sommes vraiment, mais le seul qui reste est joints à un groupe. Nous avons joué Pious. George et Freddie. Freddie est dans un groupe pendant environ mort; c’était celui qui vivait à 15 ans pour Percy Ennis. Le nom du Houlton, sur la réserve de Houlton. groupe était Night Hawks, et on Alice : Je me demande qui a montré à jouait dans les danses. Nous sommes ces gens, il y a de nombreuses allés à la télé et à la radio. Nous années, à jouer du violon ou du avons fait une tournée d’environ saxophone. Ils doivent l’avoir appris quatre mois. Nous avons commencé à par eux-mêmes? Grand-Sault, avant de nous rendre à Charlie : Je crois que Kunuhsi Restigouche, Tracadie et à tous ces [Peter Perley] jouait en lisant les endroits dans la région. Nous sommes notes. Kunuhsi, il jouait en si bémol. revenus par Woodstock, et nous avons Et c’était tout en bémol lorsqu’ils fait toute la côte ici. C’était agréable. jouaient à l’église également. Mais Alice : Y a-t-il des légendes ou des pour Pious, je pense qu’il jouait histoires concernant Tobique elle- principalement à l’oreille. Ou même? quelqu’un achetait un livre au Charlie : Il y en a sûrement, mais je ne magasin sur la technique à utiliser par me souviens pas. exemple pour accorder un instrument Alice : Il faudrait que je parle à de façon manuelle. J’ai essayé une quelqu’un de plus ancien? fois, mais j’ai été incapable Charlie : Sans doute, Sam Goose d’apprendre par moi-même. [Abner Paul] ou Pat Paul ou Spike Alice : Certaines personnes ne savent [Donald Moulton] et Molly pas lire. [Mary Moulton].

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Alice : Pendant encore combien de Alice : Devez-vous payer pour traverser temps pensez-vous que vous allez la frontière? confectionner des paniers? Charlie : Non. Habituellement, ils nous Charlie : J’espère en fabriquer aussi demandent quelle en est la valeur. Et longtemps que les paniers de pommes on leur dit qu’il n’y a pas de valeur. de terre seront en demande, encore Car nous ne savons pas la valeur du plusieurs années. frêne. Il faudrait l’utiliser. Car lorsque Alice : Où trouvez-vous le frêne autour nous allons le chercher, nous ne d’ici? savons pas quelle quantité sera utile. Charlie : Actuellement, nous nous Ils veulent seulement savoir si nous approvisionnons à Fort Fairfield. On l’avons acheté. Mais nous l’obtient de ce cultivateur de pommes l’échangeons habituellement pour un de terre pour lequel on avait panier de pommes de terre ou parfois l’habitude de travailler, Jim Cohnen. un panier tout usage qui peut être Nous avons coupé du frêne à cet utilisé dans le jardin. endroit au cours des trois dernières Alice : À l’époque, vous souvenez-vous années. Comme cet été, nous coupons s’il y avait des mariages arrangés, je sans doute environ soixante-quinze veux dire (pause) arbres chaque année pour Charlie : Traditionnels? confectionner nos paniers de pommes Alice : Non, pas traditionnels. Est-ce de terre. quelqu’un a été choisi pour vous, Alice : Trouvez-vous également du pendant votre enfance, et avez-vous frêne dans la région immédiate? dû marier une certaine fille en Charlie : Non, il n’y en a pas ici. particulier? Habituellement, la cime est sèche et Charlie : Non, pas même lorsqu’une quelqu’un les a déjà vérifiés pour le fille devenait enceinte. Si une fille fil du bois. Comme, quelqu’un les a portait votre enfant, personne ne grattés. Habituellement, ils sèchent et disait que vous deviez la marier. Dans pourrissent de toute façon. Mais là- ma jeunesse, chacun décidait lui- bas, il y a tout un choix. Pat Bear et même pour son mariage. Je n’ai Fred [Bear] avaient l’habitude d’en jamais vu de mariage arrangé. fabriquer. Pat Bear, c’était Patricksis, Certains avaient l’habitude de dire et mon frère avaient l’habitude de qu’il fallait se rendre en calèche couper du frêne à cet endroit, et ils jusqu’à Grand-Sault. Il y avait un confectionnaient des paniers il y a chemin le long du fleuve, j’imagine, environ quinze ans ou peut-être un il y a longtemps, et c’est comme ça peu plus. Et c’est là que nous coupons qu’ils voyageaient. Et certains se du bois aujourd’hui. Nous en coupons mariaient à Grand-Sault. également derrière l’école secondaire Alice : Lorsqu’une femme accouchait, de Fort Fairfield. est-ce qu’on l’amenait à l’hôpital ou

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est-ce que l’enfant naissait chez elle Marjorie Perley. Juanita est celle qui ou encore y avait-il des sages-femmes s’occupe des cérémonies pour s’occuper de cet événement. actuellement. Ils les amènent à Charlie : Eh bien! Ma mère était une l’église, puis à cet endroit pour les sage-femme. Je me souviens qu’elle derniers rituels. ait accouché deux enfants, Alice : Est-ce seulement pour les Carmel Ennis et Carol Scott, à Indiens? l’époque. Et c’est elle qui m’a ouvert Charlie : La seule fois où un Blanc se cet univers. Mais nous avions un rend là, c’est pour apporter des hôpital à cette époque, et ce sont les approvisionnement ou des sœurs [religieuses] qui le géraient. fournitures, comme une cuisinière. Alice : Ce n’était pas sur la réserve, Alice : Il y a donc beaucoup de n’est-ce pas? personnes qui respectent les traditions Charlie : Oui. sur la réserve Tobique? Alice : C’était en quelle année? Charlie : Je crois, si vous parlez à Charlie : C’était sans doute au début des beaucoup d’entre elles. Mais moi- années 1940 ou 1930. Ils viennent même, je n’y crois pas. Je n’ai rien vu tout juste de démolir cet édifice l’an de tout cela. Je ne crois pas dans leur dernier. C’était le gros édifice blanc médecine, à ce bâton d’orateur ou à la qui était situé là. Clifford Solomon plume. Je ne comprends vraiment pas vivait là; c’était notre hôpital à comment cela pourrait guérir l’époque. Mais je ne me souviens pas quelqu’un. Je suppose que si vous y qui était le médecin à ce moment-là. croyez, vous pouvez guérir. C’est Ils faisaient habituellement venir un comme si on me donnait un médecin de Perth. médicament pour mon dos, l’arthrite, Alice : Il doit y avoir eu beaucoup mais je n’ai pas confiance. Je pourrais d’enfants qui sont nés là? Lorsque citnahqew (me redresser). quelqu’un mourait, y avait-il des Alice : Ceci met fin à notre entrevue et cérémonies traditionnelles? je vous remercie. Charlie : Non. Sauf tout récemment à la Charlie : Je suis né en 1944, mais je ne maison de la nation, comme ils me rappelle pas de mes cinq ou six disent. Ils ont réservé tout cet endroit, premières années. C’est après que et il y en a trois qui ont été enterrés là mon père soit mort en 1953, car il jusqu’à maintenant. Il y a Roy et s’est noyé près de la réserve Juanita ainsi que Kroontie principale à cet endroit. Et par la [Tony Bear]. suite, nous avons commencé à vivre Alice : Roy est votre frère? assez bien, à l’époque. Au moins, Charlie : Oui. nous avions l’eau courante, la Alice : Juanita Perley? télévision, le réfrigérateur. Personne Charlie : Pas Juanita, mais ne buvait tout l’argent, et nous avons

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pu survivre par la suite. Alice : Votre père et votre mère, pendant votre enfance, lorsqu’ils avaient de la nourriture, car je sais qu’il n’y avait pas de réfrigérateur, comment conservaient-ils la viande et le poisson? Charlie : Eh bien! Je ne sais pas. Ils devaient le suspendre quelque part, là où c’était froid. Je ne me souviens pas comment ça s’appelait. Je ne sais plus comment prononcer ce mot. FIN DE L’ENREGISTREMENT

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13. Assez pour l’hiver

PAT SACOBIE WELMOOKTUK / PREMIÈRE NATION D’OROMOCTO

Ils mélangeaient de l’eau et du sel. Puis ils frottaient tout le morceau de viande avec ce mélange. Ainsi, ils éloignaient les insectes, qui n’aimaient pas cette odeur. Et s’il y avait une cave au sous-sol, c’est là qu’on suspendait la viande. C’était la même chose pour le maïs, qu’on achetait en grande quantité à l’automne. Puis, on les épluchait tous et on les attachait à l’extrémité. On pouvait les accrocher en haut, les laisser sécher et on en avait assez pour l’hiver.

Alice : Pat, êtes-vous né ici à Oromocto Alice : Souvent? et y avez-vous passé votre enfance? Pat : Toutes les semaines, mais pas tous Pat : Eh bien! Je suis né le 30 janvier les jours. 1923. Alice : Quel genre de paniers Alice : Qui étaient votre mère et votre confectionnaient-ils? père? Pat : Des paniers de pommes et des Pat : Sadie et Andrew Sacobie. paniers de pommes de terre, et c’est à Alice : Pouvez-vous me parler de votre peu près tout, de même que des enfance? Et au sujet d’Oromocto et manches de hache. de ce que vous vous rappelez? Alice : Quel genre d’outils utilisaient-ils Pat : Peut-être à partir de la fin de mes pour confectionner des paniers? études, car je n’ai pas beaucoup porté Pat : Ils utilisaient un couteau à deux attention à cette période où j’ai manches pour le cerceau autour des fréquenté l’école. Ça ne vaudrait pas paniers, et pour les anses. Ils vraiment la peine de raconter com- utilisaient habituellement de l’érable. ment je retournais à la maison ou Alice : Utilisaient-ils autre chose qu’un d’autres histoires du genre. couteau à deux manches? Alice : Est-ce que votre mère et votre Pat : Un couteau à lame incurvée. père confectionnaient des paniers? Alice : Comment le couteau à lame Pat : Oh oui! incurvée était-il fabriqué à l’époque?

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Pat : Ils avaient des limes d’environ Pat : C’était un dollar cinquante par 12 pouces de longueur, et ils semaine. maintenaient le manche sur la lime. Alice : De bien-être social? Ils fabriquaient leurs propres manches Pat : L’agent des Indiens. en bois, et ils ajustaient le tout. Alice : Qui était-il? Alice : Qu’utilisaient-ils d’autres? Est- Pat : Il y a un M. Griffith, il y a très très ce qu’ils utilisaient du verre? longtemps. Et c’était un vieil homme Pat : Eh bien! Un couteau à deux malicieux. manches pour façonner tous ces Alice : Vous rappelez-vous de Whalen? manches et tout ce qu’il fallait pour Pat : Oui, à Kingsclear. Wahant les manches de hache. (démon). Alice : Pour adoucir le manche de Alice : Était-il méchant? hache, quel genre de verre utilisaient- Pat : Mociku (méchant), il nous ils? mouchardait. Pat : Si vous cassez un verre ou si vous Alice : De quelle façon? allez en chercher ailleurs. Le verre Pat : … Il [l’agent] se mettait à utilisé pour les fenêtres est ce qu’ils chercher, et avant, nous avions un utilisaient. agent de police ici. Alice : Utilisaient-ils d’autre genre de Alice : Qui était-ce? verre, comme le verre des bouteilles? Pat : Gabe Sacobie, le frère de mon Pat : Non, le verre des bouteilles n’était père. Il arrivait tôt le matin et disait pas bon, car j’en ai essayé toutes qu’il faisait la visite de toutes les sortes. maisons sur la réserve afin de trouver Alice : Que faisaient-ils avec les des cruches. Il disait aux policiers de paniers? chercher dans chaque maison. Pat : Ils allaient les vendre aux Alice :Vous rappelez-vous de quelqu’un agriculteurs. qui fabriquait des canots en écorce de Alice : Combien obtenaient-ils pour des bouleau? paniers? Pat : Il n’y en a qu’un seul que je sache, Pat : Je ne sais pas. Ils les échangeaient et il venait de Devon. principalement pour des légumes, et Alice : Qui était-ce? ils n’avaient pas besoin d’argent. Ils Pat : Cehci Piyel Nihkul, c’est le nom les échangeaient tout simplement. qu’on lui donnait. Il venait de Devon; Alice : Est-ce que vous touchiez du les canots étaient fabriqués juste ici, bien-être social à l’époque? avec le vieux Simon Paul. Voyez- Pat : Non. vous, les Anciens étaient capables de Alice : Quand avez-vous commencer à travailler ensemble. obtenir du bien-être social? Alice : Qui était Simon Paul? Pat : Qui, les personnes âgées? Pat : Vous avez peut-être connu le vieux Alice : Eh bien! À l’époque. Lawrence Paul de Kingsclear, qui a

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Planche 13.1 : Alice Polchies et le frère de Pat, John Sacobie, le fils de Sadie et Andrew (Raccoon) Sacobie. (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 75-1898)

marié ma sœur Mary. Alice : Avez-vous déjà vécu sur un Alice : Avez-vous déjà cueilli des bateau-maison? crosses de fougère? Pat : Non, nous utilisions des canots. Pat : Assez souvent. Une bonne façon de Alice : Vous deviez voyager en canot faire quelques dollars. pour tous vos déplacements? Alice : À quel endroit alliez-vous pour Pat : Oui, car il n’y avait pas de hors- les cueillir? bord. Et c’est comme ça que les Pat : L’île Cat, l’île Oromocto et l’île jeunes sont paresseux aujourd’hui, Middle. Nous avions l’habitude de car ils ont des hors-bord et ils ne camper lorsque nous allions plus loin. rament plus. L’île Ox, l’île Gilbert et même au- Alice : Êtes-vous allé de ce côté, à delà. St. Mary’s?

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Pat : Sur ces îles? n’en connais qu’une seule sorte. Alice : Oui. Alice : De quoi s’agit-il? Pat : J’ai eu la chance d’y aller. Pat : La pruche, l’écorce de pruche. Alice : Vous devez connaître pas mal de Alice : À quoi cela servait-il? gens à Devon? Pat : On la coupe en petits morceaux, on Pat : Oh, oui! Je ne sais pas pour la fait bouillir et on la mélange à autre Dan Paul et Joe Paul. Je ne sais pas chose, mais je ne sais pas quoi. s’ils cueillaient des crosses de Alice : Est-ce la même chose que fougère ou non. Je sais cependant Kiwhosuwasq? pour Frank Paul et son frère Pete. Et Pat : Non, c’est un genre différent. Frank Sacobie, sur la vieille réserve, Alice : Qu’est-ce que le Kiwhosuwasq? celui qu’ils appellent Polons. Pat : La racine de calame. Alice : Lorsqu’ils confectionnaient des Alice : Lorsqu’ils fabriquaient les paniers, est-ce qu’ils utilisaient de la canots d’écorce de bouleau, comment teinture? faisaient-ils pour obtenir l’écorce de Pat : Solomon Paul et sa femme bouleau? achetaient de la teinture, de toutes Pat : Habituellement, ils vont chercher sortes de couleurs. l’écorce pendant l’hiver. Ils se Alice : Personne n’a jamais préparé de rendent jusqu’à Portabello, où vous la teinture avec des baies (pause) voyez tous ces bouleaux aussi gros Pat : Non, ils en étaient incapables. Ils qu’un baril. devaient l’acheter en sachets. Alice : Comment est-ce qu’ils enlèvent Alice : Connaissez-vous Indian Point? l’écorce de bouleau et qu’est-ce qu’ils Pat : Non, car je n’y suis jamais allé. font avec ces arbres? Alice : Et Jemseg? Pat : Parfois, ils doivent les couper. Pat : Warren Nash nous a amenés là; Alice : Devaient-ils les couper en deux? nous avons examiné l’endroit où les Pat : Oh non! Il s’agit de choisir un gens travaillaient, mais nous n’avons arbre, selon la taille nécessaire pour aucune idée de ce qu’ils cherchaient. l’écorce de bouleau, et de retirer Alice : Êtes-vous allé là lorsque vous l’écorce sur plusieurs pieds. Peut-être étiez jeune? quatre pieds ou plus, on ne sait pas. Pat : À Jemseg, non. Le plus loin que je Alice : Quel genre de bois utilisaient-ils sois allé est à l’île Oromocto, l’île pour les côtes? Middle. Pat : Du cèdre, que vous faites tremper Alice : John Sacobie était votre frère? dans de l’eau chaude ou bouillante. Pat : Oui. Puis, vous pouvez le plier comme Alice : Vous a-t-il déjà parlé de la vous voulez. médecine indienne, et que pourriez- Alice : Comment est-ce qu’ils vous me dire à ce sujet-là? réussissent à faire tenir l’écorce de Pat : Eh bien! Il y a toutes sortes de bouleau? médicaments qu’il utilisait, mais je Pat : Ils utilisaient ce qu’on appelle de la 230 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1

résine, qu’ils achetaient au magasin. Alice : Combien d’enfants avez-vous Alice : Comment appelez-vous ça? eus? Pat : De la résine. J’avais l’habitude Pat : Environ 11 ou 12, car j’ai eu d’en préparer. Je l’utilisais lorsque quelques aventures. j’allais cueillir des crosses de fougère, Alice : À quel endroit trouviez-vous du quand l’embarcation prenait l’eau. frêne? J’allais au magasin pour en acheter Pat : À l’île Oromocto. Il fallait le quelques livres. Il suffit d’en mettre traîner sur de longues distances. On le dans un contenant, et d’y ajouter un transportait sur l’épaule. On prenait peu d’huile ou quelque chose du un repos de temps en temps et on genre pour l’améliorer. repartait. On le chargeait sur notre Alice : Est-ce qu’il y en a qui bateau ou notre canot. confectionnaient des paniers de Alice : Est-ce que vous pouvez encore fantaisie? aller chercher du frêne sur l’île Pat : Oui. Oromocto? Alice : Qui? Pat : Oh oui! C’est possible. Mais Pat : Simon Paul et sa femme. personne ne sait comment l’utiliser. Alice : Quel était le nom de sa femme? Ma fille sait comment confectionner Pat : Sarah Paul. Les paniers étaient des paniers. Je n’ai jamais pu magnifiques! Ils les traînaient à partir apprendre… de la maison en utilisant un traîneau Alice : …J’ai vu beaucoup de gens qui tiré à la main jusqu’à l’ancienne gare. confectionnaient des paniers sur ma Et lorsque le train partait le matin de réserve dans mon enfance, et je ne Fredericton, ils les chargeaient à ce sais pas non plus comment les moment-là. confectionner. Alice : Combien fallait-il payer pour Pat : J’essaie d’apprendre [dit en monter sur le train? malécite]. J’essaie. J’aimerais Pat : Environ cinquante cents. travailler dans la salle de la bande [dit Alice : Pour aller jusqu’à Fredericton? en malécite]. Andrew va y marteler Pat : Oui. du frêne [dit en malécite]. Alice : Combien de frères et de sœurs Alice : Quel outil utilisaient-ils pour aviez-vous? marteler le frêne? Pat : J’en avais plusieurs, mais j’ai Pat : Une hache. N’importe quelle sorte toujours (pause) mes sœurs sont de hache, que soit de trois livres, plus toutes mortes. lourde ou plus légère. Une hache plus Alice : Avez-vous d’autres frères encore légère n’est pas pratique, car vous vivant? devez travailler plus fort et frapper Pat : Non, pas de frère. avec plus d’énergie. Avec une bonne Alice : Vous êtes donc le seul survivant? hache plus lourde, vous n’avez pas à Pat : Seulement mes fils maintenant, et frapper aussi fort. mes filles. Alice : Combien de temps faut-il pour 231 KCI AKONUTOMAKONAL – Témoignages importants et histoire orale

marteler une tige? Comme une tige Pat : À l’époque, elles cueillaient des d’une bonne taille. baies, des bleuets, des framboises, Pat : Une demi-journée. tout ce qui pouvait se manger. Je Alice : Et les plus petites? connais beaucoup de personnes âgées Pat : Peut-être une heure ou une heure et qui venaient chez moi, comme Tuedie demie. [Fred]. Alice : Personne ne confectionne de Alice : Et sa femme Clara? paniers ici maintenant? Pat : Et leurs deux filles. Elles se sont Pat : Non. mariées avec les garçons Paul, Alice : Vraiment personne? Joe Segby [dit en malécite]. Pat : Vous devez même en acheter pour Alice : Et Dan? les crosses de fougère. J’en ai acheté Pat : Dan, Oui. un ici, et il est en bas dans le sous-sol. Alice : Ils ont marié Berna et Alexa. Alice : Où l’avez-vous acheté? Pat : Je les connais tous et Junior leur Pat : Je l’ai acheté auprès des jeunes fils [Fred Paul Junior]. Je me rends autour d’ici. rarement en ville maintenant. Je suis Alice : Où les obtiennent-ils? trop vieux [dit en malécite]. Pat : Je ne sais pas. Alice : Est-ce que vous allez à Alice : Que faisaient les personnes plus Gagetown? âgées pour se divertir au moment de Pat : Oh! De temps en temps, lorsque votre enfance? j’en ai l’occasion. Quelqu’un Pat : Nous allions à des danses [dit en m’amène parfois. malécite]. Je me rendais très loin Alice : Qui allez-vous voir [dit en d’ici. Même jusqu’à Rusagonis, avec malécite]? mes copains. Pat : Bobby Nash et Joanie. Alice : Et sur la réserve, d’où venait la Alice : Est-ce que vous avez fait de la musique? Qui jouait? chasse? Pat : Il y avait mon beau-frère, Joe Paul, Pat : Oui, j’ai beaucoup chassé. qui jouait bien du violon, et il y avait Alice : Quel genre d’animal? de l’accordéon. Pat : Eh bien! J’établissais mes propres Alice : Qui jouait de l’accordéon? pièges. Le rat musqué, ou n’importe Pat : Charlie Sark. quel autre animal, comme le vison ou Alice : Qui jouait du violon? la belette. Pat : Joe Paul. Alice : Qu’est-ce que vous en faisiez? Alice : Et Joe Shaker, quel instrument Pat : Je les écorchais, et je fabriquais jouait-il? des dispositifs pour tendre les peaux. Pat : Il jouait de la guitare. C’était avant Alice : Comment faisiez-vous pour les d’entrer dans l’armée, vers 1938, écorcher, et quel outil utilisiez-vous? 1939. C’est il y a très longtemps. Pat : Avec un canif, un gros canif bien Alice : Que faisaient les femmes ici coupant, et le travail était vite fait. Il dans ce temps-là? y en a tellement et ça sent mauvais 232 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1

[dit en malécite]. Ma femme me et je devais monter me coucher. demandait si j’avais terminé et je lui Alice : La vie était difficile? disais « oui ». Je les mettais dans une Pat : Oh, oui! boîte. Elle me demandait de les sortir Alice : Vous rappelez-vous des « petites dehors car ça sentait mauvais [dit en personnes »? malécite]. Je les mettais tous dans une Pat : J’en ai entendu parler. Elles ont été boîte et je les laissais à l’extérieur. vues dans la région. Les petites Alice : Après les avoir écorchés, vous personnes, oui [dit en malécite]. Je ne vendiez la fourrure? sais pas où elles sont allées par la Pat : Oui, à Fredericton. suite. Elles ont disparu. Alice : Pour quel montant? Alice : Pouvez-vous me dire quel Pat : Ce n’était pas beaucoup, deux endroit vous fréquentiez dans votre dollars la peau. adolescence? Alice : Il en fallait beaucoup pour faire Pat : Eh bien! Je ne voudrais pas parler un peu d’argent? de ça [dit en malécite]. J’allais Pat : Pour faire de l’argent, il faut en toujours à l’école à cette époque. économiser chaque semaine. Il faut se J’étais âgé d’environ douze ou treize contenter de dépenser peu et garder le ans. Fred et Clara sont venus à une reste. danse chez moi [dit en malécite]. Alice : Ça vous servait à acheter de C’est à ce moment-là qu’il y a eu ces l’épicerie? deux filles et le jeune garçon, Junior. Pat : Oui. Je les connais. Est-ce que ces filles Alice : Est-ce que vous les avez déjà vivent encore? échangés pour de la nourriture? Alice : L’une d’elle, Alexa. Berna est Pat : Non. Cela se pratiquait ici, chez morte. Dan aussi. M. MacRoy, qui avait un gros Pat : Joe Segby, est-il mort également magasin. Il les échangeait pour des [dit en malécite]? articles d’épicerie. On a eu une Alice : Oui. période difficile ici, et même tout le Pat : Il avait l’habitude de travailler monde, je crois. avec Andy ici au camp Seven Works. Alice : Y avait-il beaucoup de gens qui Je n’ai jamais travaillé avec ces gens- vivaient ici à l’époque? là… Je conduisais des camions de Pat : Oui. gravier entre ici et Fredericton Junc- Alice : Combien de gens? tion, Maryland Hill. Cette grosse Pat : Les personnes âgées, il devait y en colline, c’est là que je transportais du avoir environ une vingtaine. gravier à partir de Fredericton Junc- Alice : Vous rappelez-vous de leur façon tion jusque là. de fêter le « Noël ancien »? Alice : Le salaire était-il intéressant? Pat : Non, car j’étais trop jeune pour Pat : Dix dollars par jour. Lorsque la qu’on me laisse sortir. Après souper, mécanique faisait défaut, je devais il fallait rentrer le bois dans la maison réparer le camion moi-même. Parfois 233 KCI AKONUTOMAKONAL – Témoignages importants et histoire orale

c’était le système de freinage, et il mélange. Ainsi, ils éloignaient les fallait que je le répare. Il fallait que je insectes, qui n’aimaient pas cette trouve une place pour stationner. Il y odeur. Et s’il y avait une cave au a longtemps, à Maryland Hill, je sous-sol, c’est là qu’on suspendait la montais la colline pour traverser le viande. C’était la même chose pour le pont, et je ne pouvais plus m’arrêter. maïs, qu’on achetait en grande Les freins ne fonctionnaient plus. Le quantité à l’automne. Puis, on les camion s’est mis à glisser sur la épluchait tous et on les attachait à largeur du pont, et des voitures s’en l’extrémité. On pouvait les accrocher venaient en sens inverse. J’avais une en haut, les laisser sécher et on en charge de gravier. J’ai finalement avait assez pour l’hiver. réussi à désembrayer. Alice : Et les aliments se conservaient Alice : Que savez-vous des peaux de cette façon? d’orignal? Pat : Oui. Pat : Rien, mais je peux vous parler des Alice : Quel genre d’aliments est-ce peaux de chevreuil. Ils écorchaient le qu’on mangeait à l’époque? chevreuil et accrochaient la peau au Pat : Tout ce qu’on pouvait se payer. mur du hangar. Ils l’étiraient et ils la Pour acheter quoi que ce soit au séchaient. Puis ils la nettoyaient. On magasin, il fallait continuer de vendre pouvait s’étendre sur ces peaux, toutes sortes de choses de l’autre côté c’était agréable et chaud. du fleuve à Maugerville, comme des Alice : Et la pêche? paniers ou n’importe quoi d’autre que Pat : Oh, oui! J’ai beaucoup pêché. Je vous pouviez vendre pour nourrir les pêchais pour mon père, et j’y allais enfants qui allaient à l’école chaque tout seul. J’y allais avant l’école; jour. Ils devaient manger. Au j’utilisais de grands baquets à lessive printemps, une pratique que j’ai vue que j’apportais sur le bateau avec souvent, c’est l’utilisation de gros moi. barils élevés dans lequel on salait le Alice : Comment faisiez-vous pour poisson. J’étais celui qui préparait les conserver la nourriture, comme le poissons. Je les coupais, je les chevreuil, l’orignal, le poisson? À nettoyais et je les jetais dans l’eau. Je cette époque, il n’y avait pas de m’en souviens comme si c’était réfrigérateur. aujourd’hui. Pat : Connaissez-vous l’ancienne Alice : On n’oublie pas ses racines. méthode indienne? Ils suspendaient Pat : Non, c’est impossible. les aliments à l’extérieur pour les FIN DE L’ENREGISTREMENT UN – faire sécher. Voici comment ils CÔTÉ UN procédaient. Ils utilisaient une espèce SUITE DE L’ENREGISTREMENT – de grand bassin. Ils mélangeaient de CÔTÉ DEUX l’eau et du sel. Puis ils frottaient tout Pat : Alice Polchies s’est mariée avec le morceau de viande avec ce Jack Sabattis de Kingsclear. À 234 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1

l’époque, ils vivaient ici. Ils m’ont Alice : Les Anciens, comment demandé de venir m’installer chez voyageaient-ils? Pendant votre eux un jour. Je leur ai dit que je ne enfance, par exemple. savais pas, car je devais demander à Pat : Eh bien! Ils devaient faire la même mes parents. J’étais prêt à y aller s’ils chose. Mais bien souvent les Anciens, acceptaient; sinon, j’allais rester à la lorsqu’ils cueillaient des crosses de maison. Je suis donc allé parler à fougère au printemps, ils les mère et, si elle était d’accord, je chargeaient dans un canot et se pourrais y aller. Il y a longtemps, rendaient jusqu’à Fredericton à la Noel Paul vivait à Kingsclear. Je rame. Aujourd’hui, personne ne rame pense que c’est là qu’il est mort, de jusqu’aux îles, car les gens sont trop même que Molly-sus. Lorsque mon paresseux. Il faut un hors-bord pour oncle venait, il allait lui rendre visite. se rendre quelque part. Noel By, qui est mort aujourd’hui, Alice : Est-ce que quelqu’un fabriquait avait dit qu’il était trop tard. J’avais des raquettes ici? répondu que j’aurais pu venir plus tôt, Pat : Non. mais que chaque fois j’arrivais en Alice : Est-ce que John a déjà retard, trop tard pour prendre un confectionné des paniers? verre. Il ne voulait rien garder pour Pat : John savait comment fabriquer des moi. Je lui ai dis que j’avais appris paniers et des manches de hache. Je ma leçon. J’ai même emprunté un m’assoyais à côté de lui pour dollar à mon père pour leur acheter bavarder. mahqanhikin (sucre d’érable). Mon Alice : De quoi parliez-vous? père demandait toujours : Où vas-tu? Pat : De n’importe quoi, sauf des choses Je disais que j’allais au magasin. positives. De ce que nous allions faire Alice : Pendant l’hiver, à cette époque- la semaine suivante, de nos vieux là, comment faisiez-vous pour vous jours. J’ai tout simplement arrêté de déplacer si vous n’aviez pas de le fréquenter. J’avais besoin de voiture? connaître quelqu’un de plus jeune. Pat : Même lorsqu’il faisait froid, si Alice : Est-ce que les gens s’entendaient vous deviez aller chercher quelque vraiment bien à cette époque? chose, il fallait faire de l’auto-stop. Pat : Eh bien! Nos gens oui, mais les On s’installait à l’extrémité du pont. autres, quelques-uns des autres… ils Parfois on vous ramassait, et parfois étaient vraiment méchants. Ils s’en pas. prenaient à tout le monde, et la nuit, Alice : Avez-vous déjà marché jusqu’à ils utilisaient des bâtons. Ils nous Fredericton? laissaient tranquille cependant, car on Pat : Oh oui! Pendant l’été. Lorsque j’ai se défendait. été assez âgé, je me suis mis à Alice : Beaucoup de gens qui ont déjà marcher jusque là, et même, parfois, vécu ici auparavant, pas tous, mais je continuais jusqu’à Oromocto. quelques-uns de ceux qui sont établis 235 KCI AKONUTOMAKONAL – Témoignages importants et histoire orale

à Kingsclear aujourd’hui avaient une couple de gorgés de ma cruche. l’habitude de vivre ici, n’est-ce pas? Un autre soir peut-être. Très bien, Pat : Oui. Nous avions l’habitude de m’a-t-il répondu; je vais te donner un protéger les personnes plus âgées. dollar pour aller voir le spectacle en J’avais quatorze ou quinze ans à cette ville. Comment pouvais-je me rendre époque… au spectacle? Je suis arrivé juste à Alice : Lorsqu’ils étaient vivants, est-ce temps pour prendre l’autobus qui que Dolly et Levi confectionnaient partait pour Oromocto, j’y suis monté des paniers? et je me suis rendu à Oromocto. Le Pat : Non. lendemain, vers deux ou trois heures Alice : Qu’en est-il de Charlie Sark et dans l’après-midi, je les vois arriver. Annabelle? Qumuci et Nonwly demandent où je Pat : Ils en ont déjà confectionné. Mais suis? Et on leur répond que je suis en en vieillissant, ils se sont haut. Qumuci est venu me demander désintéressés. pourquoi j’avais fais ça? Je lui ai Alice : Est-ce qu’ils en répondu que parfois je m’ennuyais de confectionnaient? mon père et de ma mère. Il a Pat : Pendant la période où nous avons mentionné que j’aurais dû le lui dire travaillé dans l’ancienne salle de et qu’il serait venu me reconduire. bande. Nous avons alors fait J’ai répondu que je ne voulais pas les beaucoup de travail. déranger et que je croyais avoir Alice : Est-ce que Timer a déjà suffisamment cordé de bois pour eux. confectionné des paniers? Alice : Est-ce qu’ils vous manquent Pat : Non. Les jeunes se sont toujours toujours? contentés de transporter du bois pour Pat : Maintenant, ils me manquent nos gens. Beaucoup de bois qu’ils lorsque je me promène à Fredericton, apportaient dans un traîneau tiré à la car je sais qu’ils sont partis. Com- main. J’ai déjà fait ça à Devon. J’ai ment est Evangeline? déjà transporté du bois pour Nonwly Alice : Elle est morte aussi, de même [Nonel Polchies], Qumuci. Je suis que Louise. Elle a déjà confectionné resté là tout un hiver. Un jour, des paniers, et je me rappelle qu’elle Nonwly m’a demandé où j’allais. Je faisait de petits berceaux, qui étaient lui ai répondu que je n’allais nulle magnifiques. Elle appliquait part. Il a ajouté que j’avais sûrement également de la teinture sur le frêne. l’intention d’aller quelque part Je pense qu’il y en a beaucoup qui puisque je cherchais mes gants. confectionnaient des paniers à cet C’était l’hiver. Il m’a demandé si je endroit, mais je ne connais plus voulais aller en ville, et je lui ai personne qui en fait aujourd’hui. répondu qu’il faisait trop froid. Lui Mike Sacobie fabrique des paniers de aussi avait une cruche, et il voulait temps en temps, des paniers de

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Planche 13.2 : Lawrence Paul et sa femme, Mary Sacobie; la sœur de Pat et son beau-frère (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 75-1904)

pommes de terre ou des paniers de pourrait les ramasser n’importe crosses de fougère. quand. Pat : Il s’agit de Mike, le fils de Polons Alice : Comment trouvez-vous la vie (Frank’s). Savez-vous ce qui est aujourd’hui? arrivé l’autre jour? Un jeune s’est Pat : C’est beaucoup mieux que dans présenté ici, cherchant je ne sais quoi. mon enfance, car je n’ai plus besoin Je lui ai proposé de lui vendre de travailler aussi fort. Je devrais quelque chose et il s’est montré même dire que je ne travaille plus du intéressé. Lorsqu’il m’a demandé de tout. J’ai mal aux jambes et aux quoi il s’agissait, je lui ai dit que je hanches. J’ai de la difficulté à lui ferais un très bon prix. Il n’a pas marcher ou encore je dois me servir esquissé de sourire, car il me croyait, d’une canne pour me tenir debout. et je gardais un visage impassible. Sans elle, je serais obligé de ramper. Puis, je lui ai dit que j’avais des Alice : Je vous remercie beaucoup de moustiques à vendre. Je lui ai même m’avoir accordé cette entrevue. offert de lui vendre à crédit et qu’il FIN DE L’ENREGISTREMENT

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14. Musique des violoneux d’antan

PIOUS ET HARRIET PERLEY NEQOTKUK / PREMIÈRE NATION DE TOBIQUE

…il avait un orchestre, et il jouait. Mon père jouait du violon, et ma sœur aînée joue du piano. L’un de mes frères joue du saxophone et mon autre frère, du trombone. Un autre frère jouait de la batterie. Puis mon oncle, mon père lui avait montré à jouer du violon. Et ils jouaient en harmonie. Ils pouvaient jouer toutes les anciennes pièces pour le violon, car mon père lisait la musique. Il avait reçu une formation de musique classique, et il jouait également du cornet dans l’orchestre du 69e Régiment. C’est là que nous avons appris toute cette musique. - Pious Perley

Il y longtemps, nous n’avions pas de barrage, et il y avait toutes sortes d’îles. Même du côté de Tobique et sur le fleuve Saint-Jean. - Harriet Perley

Alice : Pious et Harriet, avez-vous vécu quelqu’un qui vient de St. Mary’s ou à Tobique pendant toute votre vie? quelqu’un de Tobique. Dans les Pious : Je suis né ici en 1925, et nous différentes régions, ils ne viennent sommes déménagés en 1931-1932, ou pas de la même réserve. Que faisaient à peu près, lorsque mon père s’est votre mère et votre père? Est-ce qu’ils établi à Fort Fairfield. confectionnaient des paniers? Alice : Quel était le nom de votre père? Pious : Oui. Ils connaissaient tous deux Pious : Joseph Perley. l’artisanat indien, sous toutes ses Alice : Et celui de votre mère? facettes. Ma mère confectionnait des Pious : Annie Perley; son nom de fille paniers de fantaisie de toutes sortes, était Annie Moulton. et elle mettait même du cuir sur Alice : Qui est votre mère, Harriet? akomok (raquettes). Elle avait Harriet : Florence Deveau. l’habitude de tisser tout cela à Alice : Et votre père? l’intérieur de la raquette. Harriet : Thomas Paul de Pilick Alice : …Lorsqu’ils confectionnaient (Kingsclear). des paniers, est-ce qu’ils faisaient Alice : C’est surprenant, lorsque je fais également des paniers de pommes de le tour des réserves, car il y a terre, en plus des paniers de fantaisie?

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Pious : Oui. Mon père avait une forme père et peut-être deux de mes frères. qu’il s’était fabriquée. C’est pourquoi Ils martelaient le frêne, sur place, près tous ses paniers étaient uniformes. du cours d’eau. En effet, on trouve Quatre paniers pour un baril. C’est habituellement le frêne près d’un comme ça qu’il les fabriquait. Je les cours d’eau, d’un ruisseau, car il a regardais confectionner des paniers. besoin de beaucoup d’humidité. J’ai Et je l’accompagnais partout où il pu voir comment ils détachaient les allait en voiture. Lorsque j’étais âgé lanières et les traitaient. Puis ils les de quatre ou cinq ans – le moment où coupaient, en adoucissant la surface. on commence à peine à avoir des Ils les coupaient exactement de la souvenirs – je me souviens que je les bonne taille et ils commençaient le accompagnais lorsqu’ils allaient tissage. Ils fabriquaient d’abord le chercher du frêne. J’y allais avec mon fond en laissant dépasser toutes ces

Planche 14.1 : Raquettes (photo de Viktoria Kramer)

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tiges, que nous appelons éclisses. chose exerçait un pression sur le frêne Puis mon frère utilisait ce fond avec pour le retenir. Il utilisait alors son ces bouts de tiges et le clouait à la couteau à deux manches et il forme, avec une couple de clous à commençait. Ça me faisait rire, car je planche, un sur le dessus et un sur le trouvais ça drôle. Aujourd’hui, je dessous de façon à le tenir en place. constate que mon père travaillait Puis il recourbait les tiges et rapidement. Particulièrement lorsqu’il commençait le tissage, dans un était pressé par le temps. Il mouvement circulaire. Ils utilisaient confectionnait un magnifique cette forme, ils en avaient une comme cerceau, et il utilisait le couteau à un « X » venant d’une voiture, et deux manches si rapidement qu’il c’était dans un baril, comme ceci. Ce fendait la tige en deux. Ce qu’il disait «X» allait au sommet du baril, d’un à ce moment-là, on pouvait se de- côté du baril en pointant vers le bas mander si c’étaient des jurons ou une dans un angle d’environ 45 degrés. prière. Il n’était pas un genre de Puis il y avait là un endroit où il personne à proférer des jurons. Mais pouvait tourner, et où il tournait à l’occasion, il ne s’en privait pas. effectivement. De cette façon, tout en Alice : Quels autres outils utilisaient- tissant, cette forme tournait. C’était ils? Il y avait le couteau à deux facile et rapide une fois que vous manches, mais n’y avait-il pas un vous étiez fait la main. C’était mieux couteau à lame incurvée? que de tenir le tout sur vos genoux, Pious : Oui, un couteau à lame incurvée. car vous pouviez vous tenir debout. Ce qu’il faisait, pour fabriquer ce Puis, il restait à couper, et c’est ainsi genre de couteau, c’est qu’il utilisait qu’on confectionnait les paniers de différentes sortes de formes. Il aimait pommes de terre. Papa fabriquait les embellir tout ce qu’il faisait. Il anses ainsi que les rebords pour les utilisait des bâtons et un couteau de paniers. poche, car c’était comme un genre de Alice : Lorsque vous les observiez en passe-temps. train de confectionner des paniers, Alice : Il devait être habile dans le quel genre d’outils utilisaient-ils? travail du bois? Pious : Eh bien! L’un des éléments que Pious : Oui, c’est exactement cela. Il n’y l’on appelle le « cheval », car c’est ce avait rien qu’il ne pouvait fabriquer. que nous utilisions et c’est difficile à Dans la mesure où il savait avant de décrire. commencer quelle devait être Alice : Je sais ce que vous voulez dire, l’apparence du résultat, il pouvait le car j’en ai vu. reproduire exactement comme il était. Pious : De toute façon, il en avait un Alice : Cela devait être spécial! magnifique, et il le manipulait avec Pious : Il était habile dans le travail du ses pieds. Il appuyait du pied, et cette cèdre, particulièrement. Il créait une

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forme. Comme deux côtés, deux la teinture eux-mêmes? J’ai parlé à bâtons qui viennent de ce côté-ci, une femme (pause) puis les éléments en croisé, puis le Pious : Je pense que ma mère, peut-être! fond. Et alors il confectionnait Alice : J’ai parlé à une femme de comme la moitié d’un panier, avec du Kingsclear qui m’a dit qu’elle utilisait frêne. Et il tissait le tout et le plaçait à des baies, des cerises et ce genre de cet endroit, et c’était le manche. choses. Alice : Personne ne les fabrique plus Pious : Ce que ma mère utilisait était de comme cela? la teinture. Avant de commencer la Pious : Non, et il avait l’habitude de confection du panier, elle prenait tous confectionner ces carrés. Tout était ces morceaux de frêne, les éclisses uniforme, car il était comme ça. pour le tissage, et elle disposait tous Alice : Je suis allée à Houlton, il y a les morceaux déjà coupés de toutes environ un mois, où j’ai parlé avec sortes de façons et elle les plaçait sur Fred Tomah. Il utilise des moules une rangée [Harriet explique quelque pour la fabrication des paniers. Et je chose ici, mais je ne comprends pas]. crois qu’il se spécialise dans les Une fois le bois traité et que le frêne paniers en tête de chat. C’était est tout démantelé, il est très mince. magnifique, et il m’a montré des Alice : Quel outil est-ce qu’ils photos de paniers de fantaisie de utilisaient? Princeton, Passamoquoddy, Old Pious : Ça servait à séparer les lanières. Town. Les paniers de fantaisie sont plus Pious : Mon père était très habile pour petits, et il faut que les morceaux ce genre de paniers, des paniers à soient coupés de façon plus égale. peigne. Harriet : Ce qu’ils utilisaient, c’était Harriet : Jim en confectionnait comme un instrument de mesure. également. Alice : Oui. Pious : Il pouvait aussi leur donner une Pious : Ils l’utilisaient pour couper les forme de cône ou de boîte aux lettres. divers éléments. Alice : J’ai vu une photo de… vous Alice : Comment appelez-vous cela? Je savez cette forme d’épi de blé d’Inde. les ai vu, comme différents (pause) Comment l’appelez-vous? De toute Harriet : Je sais. Quel était le nom de cet façon, c’est comme un épi de maïs outil? Car il y a un nom. coloré. Il s’ajuste très bien à ce panier Pious : C’est sans doute quelque chose et c’est si joli. Lorsqu’ils dont je n’ai jamais entendu parler confectionnaient des paniers, est-ce (pause) qu’ils y ajoutaient de la couleur? Alice : J’en ai vue différentes sortes, Pious : Oui, bien sûr! Ils achetaient des comme d’un demi-pouce. sachets de teinture à Old Town. Pious : Différentes tailles? Alice : Est-ce qu’ils confectionnaient de Alice : Oui, différentes tailles.

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Harriet : Je ne peux pas me rappeler non expérience bizarre, car lorsque vous plus comment ils appelaient cela. en avez tellement mangé, vous ne Pious : Même pour faire la forme de voulez plus rien savoir. Peut-être de départ, c’est toute une réalisation. temps en temps, une sucette ou Harriet : Ils ne savent pas chez Molly quelque chose d’autre. Lorsque vous [Mary Moulton] le nom qu’ils avez une assez grande abondance de utilisent ou chez Spike quelque chose, vous n’en voulez plus, [Donald Moulton]. car vous n’en avez plus le goût. Alice : Je n’ai pas encore parlé à Spike. Alice : Il n’y avait pas autant de familles Je vais le voir demain. à cette époque, dans cette région-ci. Harriet : Car ils confectionnent des Pious : Ici? paniers. Alice : Oui, en ce temps-là. Alice : Je suis allée le voir hier, et il Pious : Oui, il y avait beaucoup de était assis en train de confectionner familles. un panier. Il y avait deux femmes là Harriet : Pas autant que maintenant. qui faisaient de la broderie perlée. Alice : Non. Je me rappelle de Harriet : Ils fabriquent toutes sortes de l’ancienne partie de la réserve. choses dans cet atelier. Harriet : La dernière maison était celle Alice : Oui. de Rena [Rena Sappier]. Harriet : De la broderie perlée, des Pauline Saulis [Nicholas] vivait là, et paniers et bien d’autres choses. c’était la dernière maison il y a Alice : Comment était la vie pour vous longtemps. durant votre enfance ici? Vous dites Pious : Et de ce côté-ci de chez Spikes que vous avez déménagé pendant un [Donald Moulton], juste un peu plus certain temps. loin au-delà de la courbe. Pious : Eh bien! je me rappelle qu’à Harriet : Et de ce côté, là où vit Leo l’automne, on allait ramasser des [Francis]. pommes de terre. Et au printemps, on Pious : C’est la troisième année où nous faisait de la plantation et de la coupe vivons dans cette maison. d’ensemencement. Nous avons Harriet : Oui, dans cette maison. déménagé à deux reprises. Mais mon Alice : Il y a donc trois ans que vous père a également exploité un magasin vivez ici? ici. Il avait un petit magasin avec une Harriet et Pious : Oui. table de billard. Nous avons été les Pious : Il n’y avait que du bois. premiers à avoir un téléphone ici. Il Harriet : Nous avons été ici pendant fallait commander divers produits, car près de cinq ans, après avoir c’était un magasin général. Comme redéménagé. des aliments en conserve ou des Pious : Vous savez où ils installent cette bonbons. Je me rappelle d’une nuit où petite cantine? nous en avons mangé. C’est une Alice : Oui.

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Pious : C’est la première maison où avait montré à jouer du violon. Et ils nous avons vécu. Puis nous avons jouaient en harmonie. Ils pouvaient vécu dans la maison de Barbara jouer toutes les anciennes pièces pour [Barbara Perley], juste en face, de le violon, car mon père lisait la façon diagonale, vers le fleuve. musique. Il avait reçu une formation Alice : Lorsque vos parents vivaient, à de musique classique, et il jouait quel genre d’activités s’adonnaient- également du cornet dans l’orchestre ils, comme les personnes plus âgées à du 69e Régiment. C’est là que nous l’époque? avons appris toute cette musique. Pious : Eh bien! Les gens jouaient Alice : Personne ne vous a enseigné? beaucoup aux cartes. Ils organisaient Vous avez appris par vous-même? des tirages, et ils jouaient pour des Pious : Non. Dès le départ, j’ai joué noisettes, du bonbon. avec lui, lorsque j’étais encore tout Harriet : C’était dans les années 1945. jeune. Pious : Chelimine (jeux de cartes). Dans Alice : À quelle fréquence organisait-on les années 1945. Ils organisaient des des danses, comme des danses soirées dans les maisons, des fêtes carrées? d’anniversaire, et ce genre d’activités. Pious : Il y avait la fête de Sainte-Anne, Alice : Est-ce qu’ils organisaient des lorsque le prêtre voulait ramasser des danses, comme des danses carrées? fonds. Est-ce qu’ils se réunissaient chez Harriet : Lorsqu’ils organisaient des quelqu’un? Pouvez-vous m’en parler? collectes de fonds, ils organisaient ces Pious : Nous avions une salle ici, une ventes de gâteaux. salle communautaire, là où se trouve Pious : Ce que l’on appelait la fête des maintenant la vieille maison. La paniers. façade était cependant de l’autre côté, Harriet : La fête des paniers, oui. Et la vers l’est-ouest. Actuellement, elle est personne qui achetait votre gâteau, il nord-sud. C’était une vieille bâtisse, fallait aller le manger avec elle. vous savez, mais c’était encore une Alice : Vraiment? bonne construction avec pas grand Pious : C’était votre rendez-vous; puis il chose en dessous. Nous en parlions y avait également les mariages, vous justement ce matin. Nous avions savez. l’habitude de nous y rendre (pause) Harriet : Mariage ou (pause) pour voir mon père, car il avait un Alice : Parlant de mariage, y a-t-il déjà orchestre, et il jouait. Mon père jouait eu des mariages qui étaient arrangés? du violon, et ma sœur aînée joue du Pious : Oui. Les Anciens avant nous. piano. L’un de mes frères joue du Harriet : Seulement mon arrière-grand- saxophone et mon autre frère, du mère. trombone. Un autre frère jouait de la Alice : Il y avait quelqu’un de choisi batterie. Puis mon oncle, mon père lui pour eux déjà?

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Planche 14.2 : Scène le long de la Tobique (Archives provinciales du Nouveau-Brunswick, P5-333)

Pious : Oui. me rappelle que lorsque quelqu’un Alice : Est-ce vrai? mourait, on voyait beaucoup de gens Pious : Mais ça n’a pas duré longtemps. dehors qui venaient rendre un dernier Alice : Aucun de ces mariages n’a duré hommage. Et tout le monde longtemps. démontrait beaucoup de sensibilité, Harriet : Eh bien! Il est mort. Le mari de car les gens étaient très prêts les uns Kci Mum mais la grand-mère de ma des autres en ce temps-là. Cette mère est restée avec lui jusqu’à sa sensibilité n’était pas non plus incitée mort. Elle le haïssait, mais elle avait par l’alcool ou par la drogue, car dû le marier. La grand-mère de ma c’étaient des sentiments sincères. mère. Alice : Je peux me rappeler de mon Pious : C’était une Perley n’est-ce pas? enfance à St. Mary’s, lorsque j’étais Harriet : Oui. toute jeune; personne ne verrouillait Alice : Je n’ai même pas demandé votre sa porte. Il n’y avait pas de téléphone nom de famille. à cette époque. On n’avait qu’à entrer, Pious : Perley, bien sûr. à s’asseoir, et à se servir quelque Alice : Qu’arrivait-il lorsque quelqu’un chose à manger et à boire. mourait, quel genre de cérémonie Aujourd’hui, tout est si différent. Il organisaient-ils? faut verrouiller sa porte, et appeler Pious : Il y a de nombreuses années, je avant d’aller voir quelqu’un. Et qu’en

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est-il au sujet des crosses de fougère? qui fabriquait des canots en écorce de Pious : Rien n’a changé. bouleau? Je sais que nous remontons Alice : Où en faites-vous la cueillette? très loin dans le passé. Pious et Harriet : Tout le long du fleuve, Harriet : Oui. jusqu’à Tobique, sur les îles. Pious : Non, pas ici. Personne n’en Harriet : Il y longtemps, il n’y avait pas fabrique sur la réserve, car ils de barrage, et c’est pourquoi il y avait s’installent habituellement dans les toutes ces îles. Même du côté de bois, près de l’endroit où se trouve le Tobique et sur le fleuve Saint-Jean. matériel. Pious : En amont de Plaster Rock, il y Alice : J’ai vu une photo. en a beaucoup. Harriet : Là où l’on trouve tout le Alice : Est-ce qu’il y a des gens qui matériel. s’installent sur ces îles pour Alice : Il y avait cinq hommes. confectionner des paniers et y rester Frank Paul, peut-être une couple pendant l’été ou toute une saison? d’autres de St. Mary’s ou de Pious : C’était avant notre temps. Kingsclear ou d’Oromocto. Ils Alice : Oui. fabriquaient un canot en écorce de Pious : Pas à notre époque. bouleau, mais c’était il y a très très Harriet : Mais on a vu des photos longtemps. illustrant ce genre d’activités avant Pious : Oui. notre époque. Harriet : Je pense que quelqu’un est Alice : Et la pêche, quel genre de pêche venu essayer de leur montrer com- y avait-il? Est-ce qu’ils harponnaient ment les fabriquer. le poisson? Pious : Mon père en parlait, de la façon Harriet : C’était avant notre époque, car dont ils étaient fabriqués. Il savait, pour autant que je me souvienne, le mais à cette époque, je n’en avais père de Pious agissait comme guide. jamais pris conscience. Pious : Oui, mon père était guide. Alice : Je pense qu’il y a beaucoup de Harriet : Simon Paul, Atole [Andrew] et choses dont on perd conscience avec tous les membres du groupe le temps. Car je parle avec des gens agissaient comme guides. qui me disent qu’ils auraient dû Pious : Il y a des gens qui venaient écouter. Ou encore qu’ils auraient dû même de New York jusqu’ici pour apprendre en grandissant. Et il y a pêcher. ceux qui ne se rappellent de rien. Alice : Est-ce à cela que sert ce chalet Pious : Je les ai observés tellement de que l’on voit ici? fois quand j’étais jeune, en train de Harriet : Oui. marteler le frêne, et toutes les Alice : Pour les pêcheurs sportifs? différentes opérations. Je connais tout Pious : Oui. le processus et comment chaque étape Alice : Vous rappelez-vous de quelqu’un est réalisée. Mais, savez-vous, je ne

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l’ai jamais fait. Ce n’était pas une partie de la viande au magasin. nécessaire. On me fournissait tout, et Nous avions un hache viande et tout on ne m’a jamais demandé de faire ce ce qu’il fallait. travail. La seule chose que je faisais Alice : Que faisait-il avec la fourrure et était de poser des clous sur les paniers avec tout le reste? par l’intérieur, tout autour du cerceau. Pious : Ils s’en servaient pour fabriquer Il y avait une petite languette, à peu des raquettes. Ils faisaient d’autres près de cette longueur, et c’est de (pause) même pour les chaises, cette façon que je fixais les clous. beaucoup de choses, ou des raquettes C’était mon travail. de tennis et supeksisik [des Alice : Était-ce la façon habituelle de chaussures]. Vous seriez surprise de confectionner des paniers, en utilisant tout ce que le cuir peut servir à des clous? N’étaient-ils pas collés? confectionner. Mon père essayait Pious : Non, non. Les paniers de toutes sortes de choses; s’il voyait pommes de terre étaient (pause) quelque chose ou qu’il pensait à Alice : Il fallait utiliser des clous quelque chose, il faisait un essai. (pause) Alice : Vous avez donc eu la vie facile Pious : Pour améliorer la production. vous-même? Harriet : Eh bien! peut-être avant qu’il Pious : Oui. J’ai eu une très belle vie. n’existe des clous. Alice : Certains n’ont pas été aussi Pious : Ils devaient les coller. fortunés que vous. Alice : J’ai vu des paniers où il n’y a Pious : Mon père était un bon aucun clou. pourvoyeur. Il est devenu alcoolique, Harriet : Oui. comme moi, mais il assurait tous nos Alice : Et ils sont si beaux. Mais qu’en besoins. est-il de la chasse? Est-ce que votre Alice : Oui. Concernant la religion, les père chassait? Est-ce que vous Indiens étaient très religieux à une chassiez avec lui? époque, n’est-ce pas? Pious : Non, j’étais trop jeune à Pious : Oui. Le catholicisme. Vous l’époque. Mais il était également connaissez Mike Ranco? rusé. Le dimanche matin, Alice : Non. habituellement après la messe, Pious : Il venait de Old Town, et il était beaucoup de gens allaient à la chasse. l’un de mes directeurs. La Wabanaki Ils montaient de ce côté-ci et partaient Corporation est une entreprise pour dans cette direction. Mon père savait laquelle j’ai travaillé. Il s’agissait ce qu’ils allaient faire, et il descendait d’un consortium de toutes les tribus donc de l’autre côté. Et de cette indiennes, des tribus reconnues et façon, il profitait du fait qu’ils inscrites dans l’État du Maine. Elles rabattaient le chevreuil de son côté. Il se sont réunies et ont créé cette n’avait qu’à les abattre, et il vendait Wabanaki Corporation. Drogues et

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alcool. Il m’a dit un jour qu’il y aurait utilisaient les jeunes Indiens et un atelier, et il me parlait des Indiens essayaient de les empêcher de parler en général. Il m’a dit que c’est la pire leur propre langue et de vivre leur chose qui pouvait arriver aux Indiens, mode de vie. Ils n’avaient même pas lorsqu’ils ont été initiés au le droit de parler en indien entre eux, catholicisme. Il a indiqué que jusqu’à car ils se faisaient battre. Et tout le ce moment-là, les Indiens n’avaient reste, comme les abus sexuels et ainsi aucune peur. Il n’y avait rien à de suite. Comment quelqu’un faisant craindre. Et lorsque qu’est arrivé le partie du clergé pouvait-il faire catholicisme, ils ont appris aux quelque chose comme ça? Ils nous Indiens à avoir peur. S’ils ne font pas traitaient comme des animaux. Cela ceci ou s’ils ne font pas cela, ils iront m’a tout simplement fait sortir de mes en enfer. À partir de ce jour-là, tout gonds, et j’ai quasiment dit : Le s’est enchaîné. Jusqu’à ce jour, je diable l’emporte. Sans compter que comprends son raisonnement. Je les catholiques étaient de mèche avec pouvais envisager et comprendre le le gouvernement. problème. Vous savez, lorsque vous y Alice : Pious, lorsque vous parlez du réfléchissez, il y a de nombreuses mode de vie des Indiens, que voulez- années, prenez comme les Mi’kmaq vous dire au juste, car je ne (Micmac) et certains de nos gens ici comprends pas? qui sont allés dans ces pensionnats. Pious : Le mode de vie des Indiens est Rappelez-vous la façon dont ils une attitude. Il faut penser en indien.

Planche 14.3 : Tobique, église de Sainte-Anne, avant qu’elle ne passe au feu entre 1922 et 1925 (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 75-1872)

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Il y a deux façons, en supposant que devenue sobre. Je pense que tout vous étiez un Blanc, de nous prend un sens au bout d’un certain percevoir. Vous pensez comme un temps. Blanc. Eh bien! Considérez ce que les Pious : Vous vous rappelez qu’ils Blancs nous ont fait. Ils nous ont fait avaient l’habitude de dire qu’il faut changer notre attitude, notre façon neuf mois à un an avant de vraiment d’interagir avec les gens à l’extérieur retrouver vos esprits. Mais ce que de la réserve, avec différentes cela veut vraiment dire, c’est qu’il nationalités, surtout avec les Blancs. faut de neuf mois à un an pour com- Ils nous ont humiliés pendant si mencer à acquérir une maturité, car longtemps que nous avons perdu un alcoolique est une personne très notre estime de soi et tout le reste. Et immature. le complexe d’infériorité est une Alice : Très immature. attitude qui est si répandue Pious : On ne se développe jamais. aujourd’hui parmi les Indiens; et il Voyez-vous, à partir du moment où ils s’agit là de l’un des principaux boivent, ils ne se développent jamais, facteurs expliquant l’alcoolisme. Ils tout simplement jamais. Ils restent nous ont fait nous sentir inférieurs, et stationnaires. ils continuent d’agir ainsi. Alice : La religion était importante pour Alice : Êtes-vous un ancien alcoolique? les Indiens il y a longtemps. Dans Pious : Oui. mon enfance, j’avais l’habitude de me Alice : Moi également. confesser. Je devais aller à l’église à Pious : Quarante ans, en mars dernier. tous les dimanches, je ne pouvais Alice : En ce qui me concerne, vingt- manger de viande le vendredi, tout quatre ans le premier août. comme le Vendredi saint. Pious : N’est-ce pas un nouveau mode Harriet : C’est vrai. de vie? Pious : Il y avait un couvre-feu ici sur la Alice : L’aspect religieux? réserve. Pious : Vous m’avez posé une question Alice : Un couvre-feu? générale sur ce qu’est un Indien, mais Pious et Harriet : Un couvre-feu. je vous présente la situation comme je Alice : Vraiment? la perçois. Après avoir abandonné Pious : Ils faisaient la tournée avec une l’alcool, j’ai une meilleure perception cravache... de la vie qu’auparavant. En effet, je Harriet : À neuf heures le soir. n’étais pas vraiment conscient de ce Pious : Une cravache. qui se produisait avant d’être sobre Pious et Harriet : Le prêtre et l’agent de pendant un certain temps. J’ai comme police. évolué, et tout le reste a pris un sens. Alice : De qui s’agissait-il à l’époque? Alice : Eh bien! Je crois que je pourrais Pious : George Bernard et le père dire la même chose, après être Alexie.

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Harriet : Au bout d’un certain temps, ce temps, les jeunes ont commencé à fut le père Raymond. dire à leurs parents ce qui leur arrivait Pious : Le père Raymond, il était à l’école. Comme le fait qu’ils étaient énorme. punis au moyen d’une grosse lanière Harriet : Un gros prêtre, très gras. de cuir épaisse [dit en malécite]. Et Alice : Y avait-il des religieuses ici? Je les parents ont commencé à réagir. me rappelle de cet édifice qu’ils Pious : Ils ont fait ça à mon frère, celui viennent de démolir. qui était le plus proche de moi, Fred Pious : Elles avaient une situation de [Perley]. Lorsque mon père a dominance. Elles avaient l’autorité découvert la vérité, il est allé voir le sur tout le monde. C’était ainsi. prêtre. Il lui a dit que si jamais il Voyez-vous, il y avait la peur. Vous touchait à nouveau à son fils, il le comprenez maintenant ce que je veux tuerait. dire par la peur; il faut obéir, sinon. Alice : Ma mère m’a également dit Alice : Pourquoi les Indiens ont-ils qu’un jour les sœurs lui enseignaient, laissé ces gens faire ça? Il y a eu une et que l’une d’elle l’a frappée parce époque, comme vous dites, où ils ne qu’elle portait du vernis à ongle. Elle craignaient rien ni personne. dit qu’elle s’en rappelle encore Pious : C’est que tout le schéma de aujourd’hui. pensée était différent à l’époque. Et la Pious : Oui. race dominante est arrivée. Harriet : Moi aussi, j’ai commencé à Harriet : Parce qu’ils avaient affaire à réagir. Je n’allais pas me laisser punir des enfants. Au bout d’un certain pour quelque chose que je n’avais pas

Planche 14.4 : Tobique, le jour de la Fête-Dieu; la célébration « Pamohseimiyan » (marcher en priant), le 7 juin 1917 ou 1918 (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, AC- 10276-7)

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fait. Et je savais que j’avais raison, Alice : Je me rappelle à la mort de mon mais elle pensait également qu’elle père, l’un des hommes de St. Mary’s avait raison. a fait la tournée des maisons pour Pious : Voyez-vous, ces personnes ramasser de la nourriture et d’autres étaient dominantes; elles avaient choses. Vous devez connaître mon l’autorité. C’étaient des Blancs. C’est père, Dokie. incrusté dans votre esprit. Pious : Oh oui! Alice : Mais n’avons-nous pas des Harriet : Dokie était votre père? Il était personnes dominantes également mon cousin. chez les Indiens? Comme Alice : Vraiment? Je ne le savais pas. De aujourd’hui? quelle façon étiez-vous sa cousine? Harriet : Oui, nous en avons. Harriet : Par ma mère; non, par mon Pious : Lorsque nous parlons au sujet père. Mon père, comme je disais, d’aujourd’hui, tout le monde est vient de Kingsclear. Tom Paul. éduqué. C’est comme la différence Alice : Je dois donc avoir de la parenté entre le jour et la nuit. Nous avons ici? des avocats, des infirmières Harriet et Pious : Oh oui, vous en avez. immatriculées, des médecins. Alice : Je n’ai aucune idée qui ce Alice : Les gens s’entendaient bien il y a pourrait être, que ce soit dans le passé longtemps. ou aujourd’hui. Harriet : Oh oui! Harriet : Il y a Valerie, ce sont les en- Pious : Il y en avait quelques-uns, vous fants de ma sœur, Valerie Francis, savez, particulièrement lorsqu’ils puis Kathy, qui vit à Kingsclear. Vous buvaient. L’un d’eux était mon oncle, avez beaucoup de parenté ici, et les l’un des fils Sappier et ils (pause) enfants de tante Malone. Harriet : Frankie. Alice : Voyez-vous, je ne savais pas cela Pious : Oui, Frankie Sappier. Ils se non plus. Je pensais bien connaître battaient et luttaient, et l’atmosphère Kingsclear. devenait très tendue au bout d’un Harriet : Connie, Mavis. certain temps. Alice : Vraiment? Alice : Mais en général, tout le monde Harriet : Oui. s’entendait bien? Pious : Voici une autre chose. Nous Harriet : Oh oui! Ils s’entraidaient, ils avons parlé avec les membres de cette partageaient et ils s’occupaient les classe du GED, moi et Spike, et je uns des autres. leur disais que ma mère était une Pious : Si quelqu’un avait une période Moulton. Et il y avait là les enfants de difficile, tout le monde contribuait et Sonny Moulton [Arthur Moulton], sa aidait. fille, dans cette classe. Et ils ne Harriet : Ils faisaient une tournée pour savaient même pas que nous étions ramasser des articles d’épicerie. parents. Et ce Sonny ne leur a jamais

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dit que ma mère était la nièce de Alice : Je ne parviens pas encore à dire Sonny. ce mot. Harriet : Non, Sonny était son neveu. Pious : Kiwolatomuhsisok (les petites Pious : Il n’a jamais dit à ses enfants personnes). que nous étions parents. Alice : Parlez-moi d’elles [dit en Alice : J’aimerais savoir avec qui j’ai malécite]. des liens de parenté. Comme vous Harriet : Eh bien! Voici ce que j’ai dites, j’ai probablement beaucoup de entendu dire il y a longtemps, car ma parents ici, mais je ne sais même pas mère nous en parlait [dit en malécite]. qui c’est. Comme du côté de mon Comme le disait Pious, elles ont père et même du côté de ma mère, je manifesté leur présence il y a très ne sais même pas. Comme certains longtemps. Elles avaient l’habitude, Meuses, je crois. Comme Alice et lorsqu’on a commencé à voir des Pat Meuse qui étaient ici. J’ai des voitures ici, à sauter sur les voitures. liens de parenté avec eux. Je ne sais En effet, elles sautaient sur le pas au sujet des Laporte. marchepied, et elles faisaient Pious : Maynard [Laporte] et son frère, seulement une courte distance. Les ils ont une sœur. gens les ont vues, comme Cecicwicik Harriet : Martina est leur sœur. (la famille Cecic) et le frère de ma Alice : Martina, il y a Pat, Gregory, mère, l’oncle John. Comme il avait Harry, Sonny et celle qu’ils appellent une voiture, elles sautaient sur le leur sœur, je pense qu’elle est à Saint- marchepied, mais seulement sur une Jean. J’ai justement rencontré ce courte distance, soit jusqu’à l’endroit Maynard l’autre jour. Je l’ai regardé où Lana [lennon] vit, et c’est là et je trouvais que son visage m’était qu’elles sautaient. Elles se sauvaient familier. Il ressemblait à Pat [Laporte] dans les bois, à travers les Harriet : Ce sont les fils d’Atolesis broussailles, et disparaissaient. Et [Andrew Laporte]. personne ne les a revues. Comme je Alice : Ils ont la même mère, mais pas disais, ma mère nous en parlait. le même père, n’est-ce pas? Lorsque Ramo [Raymond Sappier] Harriet : Oui. est mort, Barbara [Perley] m’a en Alice : Je vais tourner ce ruban Harriett, parlé et, lorsqu’on était assis là, elle et je veux que vous me parliez des m’a dit qu’elle les avait également « petites personnes ». vues. Un petit garçon et une petite FIN DE L’ENREGISTREMENT UN – fille marchaient ensemble sur la CÔTÉ UN route, à proximité de la maison de ENREGISTREMENT UN – CÔTÉ Louie Nicholas. Vous savez où est DEUX située la maison? Alice : Eh bien! parlons d’elles. Alice : Oui. Harriet : Qui [dit en malécite]? Harriet : Et en marchant, ils sont passés

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près de chez Barbara. Ils étaient si Pious : Pat Paul. bien habillés, à l’ancienne. Leurs Harriet : Pat Paul. souliers étaient ces souliers hauts, Alice : Je pensais que si vous les aviez tout lacés, comme ceux que l’on et qu’elles viennent des « petites voyait il y a très longtemps. Barbara a personnes » (pause) dit que la petite fille avait un très Pious et Harriet : Oui. beau manteau et que le petit garçon Alice : Je pensais que si vous les aviez, avait un pantalon noir jusqu’aux nous pourrions venir les genoux. Barbara m’a raconté tous les photographier. détails. Harriet : Il faudrait que je demande à Alice : Est-ce que les petites personnes Pat s’il les a toujours. Il les avait à apportent la chance ou (pause)? l’école. Harriet : Parfois, pour certaines Pious : Pour faire des démonstrations. personnes, mais pour d’autres elles Harriet : Mon aiguille était encore sur apportent de mauvaises nouvelles. Et l’une des perles. J’étais en train de si vous ne croyez pas en elles et que confectionner un genre de petit brace- vous luttez contre cette idée, elles ne let. peuvent vous aider. Alice : Y en avait-il beaucoup? Alice : J’en ai tellement entendu parler Harriet : Un bon nombre. Lorsque nous par toutes les personnes que j’ai les avons obtenues à Princeton, c’est interviewées que je commence à une fille du nom de Dolly, j’ai oublié croire qu’elles existent. son nom de famille, qui les a Pious : Trop de gens les ont vues. envoyées. Il y a un endroit à Harriet et Pious : Oui. Princeton où vivent les « petites Pious : Mais ça remonte à il y a très personnes ». Elles voulaient ouvrir un longtemps. magasin, un grand magasin, comme Alice : Oui, je crois bien. un supermarché. L’édifice a été Harriet : À il y a très longtemps. construit et il a pris feu, mais Alice : J’y crois. J’en entends parler sur personne ne sait comment l’incendie toutes les réserves où je suis allée. s’est déclaré. Et à la deuxième tenta- Harriet : Oh oui! Elles sont sur toutes tive de construction au même endroit, les réserves. À Princeton également, la même chose s’est produite à là où j’ai obtenu ces perles. nouveau. L’édifice a pris feu, mais Pious : Elles ressemblent à de petits personne ne sait comment, et c’est ce pneus. que Dolly m’a appris. Harriet : Elles sont toutes de formes Alice : À Eastport également, beaucoup différentes. de gens les ont vues. Alice : Est-ce que vous les avez encore? Harriet : C’est ça, Eastport et non Harriet : Non. C’est Pat qui les a. Princeton. Dolly et Coozy vivaient Alice : Pat? tout près de l’endroit où ce

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supermarché devait être construit. roche en disant à cet homme que rien Mais ça n’a pas fonctionné. Et ne pourrait prospérer sur cette terre. quelqu’un a essayé de construire un Et rien n’a poussé là pendant des garage, mais quelque chose s’est années et des années. Il peut vous produit et ils n’ont pu le terminer. raconter des histoires, tout comme Finalement, ils ont abandonné. Royden Sabattis. Quelqu’un leur a dit qu’il y avait des Pious : Les îles en forme de raquettes, signes qu’il ne fallait rien construire de ce côté-ci de Kingsclear, sont-elles sur ce lot. sous l’eau actuellement? Alice : C’est comme à Kingsclear; il y a Alice : Oui, tout comme l’île Bear. une grosse roche marquée par une Pious : Nous les avons vues il y a de empreinte de pieds. Elle est située à nombreuses années. Ma sœur aînée un endroit qui s’appelle le terrain de vivait à Kingsclear. Elle était mariée à Taber. Rien ne pousse à cet endroit. Frank Sappier, le vieux Frank. Nous Nous sommes allés photographier avions l’habitude d’aller les voir il y a cette roche la semaine dernière. Il y a de cela de nombreuses années. C’était deux empreintes de pieds, une dans dans les années 1930, et on pouvait ce sens et l’une dans l’autre. Et il y a voir les îles Snowshoe. une histoire rattachée à cette roche. Alice : Ma mère me les a mentionnées. En avez-vous entendu parler? Je ne pense pas qu’elle les ait jamais Harriet : Je ne me rappelle pas de vues, ou peut-être qu’elle les a vues. l’histoire, mais je crois en avoir Eh bien! ma mère est âgée de entendu parler. soixante-sept ans. En fait, elle Alice : Trois ou quatre personnes me pourrait les avoir vues, car je crois l’ont déjà racontée. qu’elle m’a parlé de l’île Bear où elle Harriet : Est-ce l’endroit où ils est déjà allée. organisaient des danses? Harriet : À l’époque où Barbara vivait Alice : Je ne sais pas. chez Louis, les Kiwolatomuhsisok Harriet : Là où les danses avaient lieu? (petites personnes), elle les a vues Alice : Cette roche est située en bordure derrière sa maison. Elle est donc allée du chemin Chapel, à environ un mille à la porte arrière de sa maison pour vers l’intérieur. Et elle est juste en leur ouvrir et leur parler. En ouvrant bordure du chemin. Quant au champ la porte, elles n’étaient pas là. Elle les Taber, rien n’y pousse. L’homme a vues qui marchaient en direction du blanc a essayé de s’accaparer d’une chemin. plus grande superficie de terrain qu’il Pious : Quelle est cette histoire selon n’aurait dû. Et cet Indien portait des laquelle elles volent de l’argenterie? mocassins – c’est ce que Whimpy Harriet : C’est Mary qui me l’a [Charles Solomon Sr.] m’a dit en tout racontée, Mary Solomon lorsqu’elle cas – et il a mis son pied sur cette vivait à l’ancien couvent.

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Pious : Nekol [William Nicholas] et marches et vous pouvez vous asseoir Louie ont dit la même chose. sur ce fauteuil. Oui. Cet endroit Harriet : Oui, Louie. [Auskamotisk] où nous avions Pious : Les petites personnes les l’habitude d’aller nager. descendaient au sous-sol. Pious : Oui, cet escalier se trouve près Harriet : Elles prenaient l’argenterie et de cette saillie. la descendaient au sous-sol. Alice : Je pense que je devrais mettre fin Pious : Qu’en faisaient-elles et com- à notre entrevue. Je fais des entrevues ment? d’une heure mais (pause) Harriet : Elles la nettoyaient. Harriet : Lorsque Philip [Sappier] était Pious : Que faisaient-elles des mourrant, elles sont venues le voir. Il Piyekotluknul (les restes de copeaux était assis là et il a entendu quelqu’un de frêne)? qui entrait. Il n’a même pas regardé, Harriet : Eh bien! Louie avait pris car il croyait que c’était le petit Gary l’habitude de travailler au sous-sol [Sappier Jr.], le fils de Gary. Lorsqu’il lorsqu’il confectionnait des paniers. s’est retourné, il les a vues. Même Et il avait laissé l’endroit tel quel, chose lorsque Tommy [Sappier] est sans le nettoyer. Il n’avait pas pris la mort; elles ont vraiment fait peur au peine de nettoyer, car il devait y petit fils de Tina [Tina Branch]. Quel retourner et continuer de travailler. était son nom? Pas Tommy, mais Lorsqu’il est descendu, tout avait été l’autre. nettoyé [dit en malécite]. Elles Pious : Eh bien! Raconte-lui ce qui est avaient nettoyé la cave. Il était bien arrivé. d’accord et il a laissé faire. Il a Harriet : Lorsque le petit garçon se continué de travailler. La même chose rendait à la salle de bain, il est entré s’est produite à nouveau; la fois pour utiliser la toilette, et il y avait ce suivante où il est revenu, tout avait petit homme debout à cet endroit. encore été nettoyé. Il se posait des Juste à côté du bain. Le petit garçon questions. C’est à l’époque où le fils est sorti en courant. Et Norma de Barbara s’est noyé; je pense que [Deveau] a dit qu’il nous avait tous son nom était Dean, et il s’est noyé en fait peur, et qu’on se demandait ce bas de la colline. qu’il avait. Il a dit : Maman, il y a un Alice : Rena [Sappier] me disait qu’elle petit homme dans la salle de bain, un les avait vues également. Elle était un vieil homme dans la salle de bain. J’ai jour avec un de ses fils près du fleuve peur du petit homme. Il est resté à cet endroit. À proximité de l’endroit debout, peu importe l’heure, jusqu’à où il y a maintenant le barrage. Ils ont ce qu’ils aient fini de jouer. Norma a trouvé un fauteuil creusé à même le mentionné qu’elle ne voulait pas le roc. Ça ressemblait à un escalier. laisser seul juste au cas où il se Harriet : C’est comme de petites réveillerait pendant qu’elle serait

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absente. Alice : Certaines histoires que l’on entend à leur sujet sont bien acceptables. Mais d’autres, comme celles que vous venez de raconter, me font dresser les cheveux sur la tête. Pious : L’inconnu. Harriet : Si vous n’avez pas peur d’elles, il n’y a rien à craindre. Pious : C’est vrai. FIN DE L’ENREGISTREMENT

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15. Cimsahna - allons chercher du bois de chauffage

JOHN ARNOLD SACOBIE PILICK / KINGSCLEAR

Le matin, mon grand-père me dit : Cimsahna [allons chercher du bois de chauffage]. Et je lui réponds : Il fait trop chaud. Il ajoute : Grand-mère vient aussi. Je continue donc en disant : Allons-y alors!

Nous avons utilisé une petite embarcation et avons ramé en direction d’Oromocto. Nous avons ramassé du bois flotté. Il était en bon état et nous a permis d’acheter beaucoup de nourriture. Nous sommes arrivés là vers dix-sept heures. Mon grand-père avait mal aux jambes, et j’ai dû transporter le bois sur presque toute la distance. J’ai donc fait deux voyages, et une fois arrivés, j’ai dû couper le bois. J’ai demandé à quoi servirait tout ce bois, car il faisait si chaud. J’ai dit : Vous avez tellement de bois ici. Il m’a répondu : Il vaut mieux prévoir pour le jour où il fera plus froid.

Alice : Tout le monde vous connaît sous souviens pas. Il est mort lorsque le nom de Johnny Arnold. Est-ce j’avais sept ans. Je ne l’ai jamais vu, votre nom véritable? et je ne le connais pas. C’est donc John : John Sacobie. Maggie qui m’a élevé, et nous étions Alice : Êtes-vous né et avez-vous été très pauvres à ce moment-là. Lorsque élevé à Oromocto? mon père est mort, ma mère a John : Oui, je suis né à Oromocto. commencé à travailler, jusqu’à ce Alice : Qui étaient votre mère et votre qu’elle rencontre un autre homme. Il père? s’appelait Walter Saulis, de Tobique. John : Ma mère est Annie Saulis, et mon Moi, Stevie et Clifford lui lancions père est Richard Sacobie. des pierres lorsqu’elle sortait avec lui. Alice : Vous ont-il transmis des On ne voulait pas qu’elle se marie à connaissances? Par exemple, pendant nouveau. Il revenait, et revenait votre adolescence, vous ont-ils appris toujours, et ils se sont finalement à confectionner des paniers? mariés. Ma mère recevait de l’argent John : Eh bien! ma mère n’a presque pas de l’armée au nom de mon père. confectionné de paniers. Lorsque Lorsqu’elle s’est mariée, elle a cessé nous vivions à Oromocto, elle d’en recevoir. Nous ne manquions de travaillait en ville, pour les Blancs. rien, et nous n’étions jamais affamés. Quant à mon père, je ne m’en Nous avions des vêtements et de la

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nourriture, mais lorsqu’ils se sont bon. On a manqué d’appâts et j’ai mariés, tout s’est arrêté. J’ai donc dit : Trouvons des vers ou des commencé à travailler, et je n’étais grenouilles. Nous les déchirions en qu’un enfant écorçant le bois à pâte. deux, les grenouilles. Nous avons Alice : En quelle année était-ce? apporté les anguilles à Suwahsin, John : C’était en 1946-1947. Nous parce qu’il en mangeait. Quand je avons commencé à écorcer du bois à suis retourné à la maison, ma mère pâte pour Suwahsin; son nom m’a demandé où j’étais. Je lui ai donc véritable était John Paul. Il nous dit que nous étions allé pêcher. Elle payait en nous donnant un paquet de m’a répondu de ne pas apporter tabac par semaine. Il y avait moi et d’anguilles à la maison. Je suis monté son fils Willard, c’était son nom. On chez ma grand-mère, Louise et Pete; utilisait un cheval pendant l’été et on c’est Peter Atwin [Pihyel Missel], passait la nuit dans les bois. On faisait mon grand-père. Il m’a demandé si un feu, et c’était vraiment chaud. Il j’avais mangé et je lui ai répondu que prenait de la nourriture indienne et non, pas encore. Il m’a donc dit de faisait du pain là où nous étions dans manger, ce que nous avons fait. Il m’a la forêt. On faisait bouillir des dit de rester chez lui. Ils m’ont bien pommes de terre et du poisson. On traité. Le matin, mon grand-père me mangeait assez bien. Le vendredi, on dit : Cimsahna [allons chercher du était payés en tabac et en allumettes. bois de chauffage]. Et je lui réponds : C’est tout ce que je voulais, dans la Il fait trop chaud. Il ajoute : Grand- mesure où je pouvais manger. Ma mère vient aussi. Je continue donc en mère lui a demandé où je trouvais du disant : Allons-y alors! Nous avons tabac… elle m’a dit que je ne devrais utilisé une petite embarcation et pas fumer, car j’étais trop jeune… avons ramé en direction d’Oromocto. Alice : Quel genre de travail faisiez- Nous avons ramassé du bois flotté. Il vous pour lui? était en bon état et nous a permis John : Qui, Suwahsin? d’acheter beaucoup de nourriture. Alice : Écorcer du bois à pâte? Nous sommes arrivé là vers dix-sept John : …J’allais voir Pat, Pat Polchies. heures. Mon grand-père avait mal aux Ils l’appelaient Smiley. Il m’a jambes, et j’ai dû transporter le bois demandé ce que je faisais, et je lui ai sur presque toute la distance. J’ai répondu : Rien. Il m’a dit : Allons à la donc fait deux voyages, et une fois pêche. Nous avons confectionné nos arrivés, j’ai dû couper le bois. J’ai propres cannes à pêche, avec de la demandé à quoi servirait tout ce bois, ficelle, et nous sommes allés pêcher car il faisait si chaud. J’ai dit : Vous au quai avec Royden. Nous pêchions avez tellement de bois ici. Il m’a l’éperlan et l’anguille. Je ne mange répondu : Il vaut mieux prévoir pour pas d’anguille, mais l’éperlan est très le jour où il fera plus froid. Il voulait

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que je sorte le matin, et je lui ai Solomon Paul, il avait aménagé un demandé pourquoi. Il avait besoin de jardin, et il cultivait des concombres, bois pour fabriquer des manches de des pommes de terre, des carottes, des hache. Nous avons abattu environ navets. Ce n’était qu’un petit jardin. trois arbres, et il a fabriqué des On le nettoyait pour lui le soir, et manches de hache. Il ne personne ne lui volait rien. Il l’avait confectionnait pas beaucoup de entouré d’une clôture, et il avait une paniers. Je ne sais pas le prix qu’il bonne vue sur son jardin, et c’est obtenait, mais dans la mesure où pourquoi personne ne venait voler quelqu’un peut assurer sa subsistance. chez lui. Et il y avait également le Nous n’avons jamais été affamés… et chien. Suwahsin [John Paul], tendait Alice : Ces familles, et vous y compris, toujours un filet pour pêcher le confectionnaient-elles des paniers? saumon. Et selon le saumon qu’il John : Ce n’est pas tout le monde qui obtenait, il le faisait fumer. Il avait confectionnait des paniers. Ma mère l’habitude d’aller avec Ritchie ou par exemple n’en confectionnait que Lawrence et son fils. Debson ne de temps en temps. Solomon Paul et connaissait pas grand chose à la John Coon Sacobie sont les pêche. Quant à Solomon Paul, principales personnes qui en lorsqu’il prenait du saumon, il le confectionnaient. Et Mitchell aussi. donnait aux Indiens. Il ne l’a jamais Quant à Johnny Mike, je ne crois pas vendu. À quoi cela aurait-il servi de qu’il savait comment faire. le leur vendre? Personne n’aurait eu à Minnie Mike faisait des manger. courtepointes. La grosse Minnie. Alice : Combien de familles y avait-il, Alice : Quel âge aviez-vous lorsque lorsque vous viviez là? vous avez quitté Oromocto? John : Je dirais environ vingt familles. John : J’étais âgé de sept ans. Alice : Est-ce que cela vous inclus? Alice : Au moment où vous êtes parti, John : Oui. vous rappelez-vous la région de Alice : Combien s’y sont rétablis? Jemseg? Ou quelques-unes des îles à John : Lawrence Paul, Levi Sabattis et cet endroit? ma grand-mère s’y sont rétablis. John : Acimsek (Jemseg)? Lorsque Tom Atwin également, mais il est j’étais jeune, je ne suis jamais allé à reparti. Et Benjamin. Lawrence Paul cet endroit. s’y est rétabli, puis il s’est installé ici. Alice : Et qu’en est-il de Brown’s Flat? Et lorsque sa femme est morte, il est John : Je ne m’en souviens pas retourné à Welmooktuk (Oromocto). tellement. Nous passions beaucoup de Ils doivent avoir déménagé environ temps en aval sur le fleuve. Selon quatre fois, car ils n’aimaient pas mes souvenirs, mon grand-père se l’endroit ici. Pour ce qui est de rendait surtout à l’île Oromocto.

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Alice : Est-ce que l’île Oromocto est dans des tentes. Nous n’avons jamais hantée? reçu quoi que ce soit qui avait été John : Oui. promis. Nous avons donc fait la Alice : Avez-vous déjà vécu des tournée des gens, moi, Pat et William. expériences sur cette île? Frank, allons chercher de l’eau, il y a John : Je ne suis jamais resté là pendant une source à cet endroit. Les filles la nuit. Lorsque nous sommes voulaient nous battre, et nous ne déménagés ici, Whalen et Bakum – savions même pas qui elles étaient. Bakum était le chef. Whalen était un J’ai donc dit à Mike Tomah que je ne tricheur; vous le connaissez voulais pas aller là, car ces filles également. Suwahsin était alors le voulaient se battre. Et ce garçon était chef, et ils ont eu une rencontre. si petit. Je lui ai dit que, lorsque je Whalen a dit qu’ils n’auraient besoin reviendrais, j’apporterais un lance- de rien, et ils sont déménagés à pierre. J’ai dit à ma mère que nous Kingsclear. En effet, si on avions mis fin à la visite, parce qu’on déménageait là, on obtiendrait des voulait nous battre. poules, des cochons et des vaches, et Alice : Vous ne connaissiez personne? on aurait une ferme. Ma mère est John : Je ne connaissais personne. Et déménagée à Kingsclear, et je ne sais nous ne nous sommes pas faits pas où exactement. Il a vraiment d’amis. Molly Jack a essayé de se profité de nous, cet agent des Indiens. faufiler pour aller chercher de l’eau, Il avait dit que nous aurions une et elles voulaient la battre; et elles lui ferme. On nous avait dit que les ont arraché la chaudière des mains. maisons seraient confortables, et on Nous avons marché sur la route et s’est laissé berner. Nous sommes nous avons vu une rangée de déménagés au printemps. J’ai maisons. Ils avaient des maisons, et demandé à ma mère où étaient les nous avions de tentes. Noel Francis et maisons. Et aujourd’hui, là où se le père de ma femme, Joe Solomon, trouve la salle de la bande, il y avait Gabe Solomon, Pihyel Tomah, un champ. Il y avait une rangée de Bakum et Wey. Wey Solomon vivait tentes de l’armée, et nous avons dû en bas de la colline, et vivre là. On nous avait trompés. Nous Elizabeth Polchies. Il y avait un avions trois tentes, maman, Clifford chemin à cet endroit. L’endroit et Stevie. Vous vous imaginez dans semblait ennuyant, et nous nous quoi nous habitions! Au moins, à sommes donc rendus jusqu’au rivage Oromocto, nous avions une maison. Il du fleuve. J’ai dit : Regarde toutes ces n’y avait pas de toilettes. Pat est roches. À Oromocto, le rivage est déménagé quelques jours plus tard. plein de saletés, mais ici ce ne sont Johnny Mike et Mitchell, et Noel By, que des pierres. J’ai mentionné : c’est là qu’ils ont dû vivre également, Allons voir où vit l’agent des Indiens.

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Lorsque nous sommes arrivés là nous passions la nuit à cet endroit. (pause) l’endroit où je vis maintenant, Puis il a commencé à neiger, et je ne il y avait une étable et un pommier où mens pas. Il a fallu rester dans les nous allions voler des pommes. Il tentes pendant qu’il neigeait; et il y refusait de nous donner des pommes. avait ce petit abri que j’avais En partant de là, j’ai demandé à Pat aménagé pour que ma mère puisse où nous allions vivre? Pat a répondu faire la cuisson. Elle a dit : Très bien, qu’il ne savait pas. Et lorsque le nous allons essayer de déménager printemps est venu, nous sommes dans notre maison. Je lui ai répondu allés ramasser des pommes de terre. qu’on devrait rester ici pendant un Ma mère a indiqué qu’à notre retour certain temps. Lorsque nous avons notre maison serait prête. Avant emménagé, et je ne mens pas, d’avoir terminé la cueillette des Mitchell, Tom Atwin, Bakum, pommes de terre, nous avons vu des Johnny Mike installaient du papier camions. Je me suis exclamé : goudronné là où il devait y avoir des Qu’est-ce que c’est? De simples fenêtres et sur la porte. Il n’y avait maisons qui sont transportées, et non pas de toilettes extérieures, et il pas montées. Lorsque nous sommes faisait vraiment froid au moment du arrivés ici, elles n’avaient pas encore réveil. Pas d’eau; il fallait transporter été assemblées. Les maisons venaient l’eau à partir du sommet de la colline de Ripples, des maisons de l’armée. jusqu’à l’endroit où nous étions. Il a Ils en ont transporté dix qui n’étaient fallu beaucoup de temps avant pas assemblées. Elles étaient très d’avoir des fenêtres. simples et, une fois assemblées, il n’y Alice : Après vous être établis ici, après avait pas de fenêtres ni de portes. J’ai être revenus, avez-vous confectionné demandé à ma mère laquelle était des paniers? notre maison? Elle en a choisi une et John : Mon beau-père m’a montré à a dit : C’est celle-là, le numéro neuf; confectionner des paniers et ma mère, ce sera notre maison. Je lui ai Maggie, m’a enseigné quelques trucs. répondu : Une maison? Je J’ai commencé à en confectionner, n’appellerais pas ça une maison. Elle mais j’étais incapable de fabriquer a simplement ajouté que nous allions des paniers de fantaisie. cueillir des pommes de terre le Alice : Est-ce qu’ils utilisaient de la lendemain. L’agriculteur devait venir couleur? Quelle sorte? nous chercher. Et ce fut le cas. Après John : Oui, il y avait le rouge, le bleu, le la récolte, nous avons acheté des rose et le jaune. Ils utilisaient de la vêtements. À notre retour, nous avons teinture qu’ils obtenaient à dû nous installer dans la tente, la Fredericton. même, et il faisait si froid. J’ai dit à Alice : La couleur n’était pas une ma mère que nous allions geler si préparation artisanale?

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John : Non, ils l’achetaient. de subsister. Et comme rien ne coûtait Alice : Est-ce que vous avez connu des cher. Comme je le mentionnais plus personnes qui fabriquaient des canots tôt, ma mère avait une carte de d’écorce de bouleau? rationnement, car les aliments étaient John : Autour d’ici, non. Il y avait rationnés pendant la Dépression. Noel Francis qui fabriquait de petites Comme pour le beurre et le sucre, il embarcations de seulement quatre fallait un coupon. On obtenait du pieds de longueur. crédit au magasin… et chaque fois Alice : Qu’est-ce qu’il en faisait? que ma mère recevait sa pension, il John : Il les vendait. Connaissez-vous fallait aller payer le compte. Nous White Pete [Peter L. Paul] de n’avons jamais été affamés, comme Woodstock? Noel avait l’habitude de d’autres l’ont été. À notre arrivée ici, lui vendre tout ce qu’il fabriquait. Je je dois vous parler de Whalen. Ce ne sais pas ce que White Pete en printemps-là il a dit : Je vous apporte faisait… et à Oromocto, ils des chèvres. Et les Indiens ont dû se n’utilisaient aucune teinture. Leurs mettre ensemble, car on a reçu deux paniers étaient bien simples. chèvres et six dindes. J’ai dit à ma Solomon Paul confectionnait un mère : Très bien, ceci est notre ferme. vieux style de paniers, mais pas de Il faudra traire les chèvres chaque paniers de pommes de terre. matin et boire du lait de chèvre. Je Alice : Et les manches de hache? n’avais pas envie de boire ce lait. Elle John : Mon grand-père fabriquait des m’a dit qu’il n’y aurait pas de manches de hache, de même que mon problème. Qu’il fallait d’abord le oncle Tom Kiwow. Ils en obtenaient filtrer ou quoi que ce soit, et cinquante cents la pièce. l’apporter à l’intérieur, car il n’y avait Alice : Quel genre d’outils utilisaient-ils pas de réfrigérateur. Il faut le boire pour les fabriquer? plus tard. Lorsque Whalen est venu John : Ils utilisaient un couteau à deux chercher les poules, une fois à manches et un couteau à lame maturité, il a dit de garder les incurvée. chèvres. Il n’y avait pas de vaches ni Alice : Et c’est tout? rien de ce qu’il avait promis. En John : Et ils utilisaient du verre pour 1953, Wimpy [Charles Solomon Sr.] l’adoucir. est devenu chef, et on pouvait aller Alice : Quelle sorte de verre? couper du bois à pâte. C’est tout ce John : Du verre de bouteille; ou parfois qu’il y avait ici comme travail. Il y ils cassaient une fenêtre afin de avait également une Sakwakon pouvoir utiliser le verre. Ça se [scierie], mais seul Whalen vendait rapidement. J’imagine que embauchait certaines personnes. Puis lorsque quelqu’un fabrique quatre l’automne arrivait, et il était impossi- manches de hache par jour, ça permet ble de trouver de la nourriture où que

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ce soit. Whalen vous donnait une ils en recevaient tous s’ils en commande. Une commande d’une voulaient. Je crois qu’ils n’en valeur de cinq à dix dollars, et il voulaient pas. Clifford [Sacobie] a dit fallait le rembourser. La commande que Whalen vendait les meilleurs venait de chez Lewises ou Goodines. vêtements à Hartland. Les Un jour, j’étais assis quelque part couvertures que l’on recevait étaient chez ma mère, et quelqu’un est venu vraiment dures et rugueuses, et frapper à la porte. C’était Wimpy, et il vraiment usées. Un soir, nous nous traînait la moitié d’une chèvre. Il a dit sommes habillés, moi, Pat et Bill. que nous n’allions pas mourir de faim Nous avons mis des culottes, des à cause de ce lait en poudre et de ces bottes, enfilé des manteaux rouges et biscuits de mer. Il s’agissait de bis- mis des chapeaux. Nous sommes allés cuits de l’armée, et c’était comme de arrêter des voitures, puis nous avons la nourriture pour les chiens! Il fallait arrêté une police montée. Il n’y avait les saucer dans l’eau avant de les aucun moyen pour qu’il nous rattrape manger. La chair de chèvre est sur le chemin Chapel. Whalen a appétissante. On avait le choix entre déclaré que s’il trouvait qui était la manger ou avoir faim, et tout le habillé comme une police montée, il monde l’a mangée. Quant au chef et à bannirait ces personnes à jamais. À Whalen, ils mangeaient bien mieux. partir de ce jour-là, je ne sais pas ce Les vêtements que nous portions qu’ils ont fait avec ces vêtements. Je étaient des vêtements de la police pense qu’ils sont allés les vendre. Ce montée [GRC], et nous en recevions type du nom de Joe les a vendus à St. tous les six mois. Whalen gardait les Mary’s quelque part. bons vêtements, les souliers, les Alice : Sur le chemin Chapel, il y a une pantalons, les couvertures et les gants empreinte sur un rocher. Connaissez- ainsi que les chapeaux de la police vous cette histoire? montée, et il allait les vendre. Il fallait John : Oui. Le champ Taber. C’est choisir parmi le reste. Bien souvent, Molly Frenchman qui m’a raconté nous étions bien habillés. Et des gens cette histoire. Elle a dit qu’un Kci croyaient que nous étions des polices Motewolon (personne possédant des montées, avec ces longues bottes et pouvoirs) vivait à cet endroit. Un ces gros manteaux de fourrure. Je me homme blanc avait construit une rappelle que moi, Pat et (pause) clôture, mais en dépassant la limite de Alice : Ces vêtements, tout le monde en la propriété. Il n’était pas supposé obtenait? Tous les Indiens sur la empiéter sur la propriété des Indiens. réserve? Et chaque fois que Motewolon allait John : Tout le monde. À Woodstock, là, la clôture avait été déplacée. Alors Neqotkuk (Tobique), Sitansisk (St. le Motewolon l’enlevait, mais le Mary’s) et Welmooktuk (Oromocto), lendemain matin, l’homme blanc

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l’avait à nouveau déplacée. Le John : Il ne veut pas que quelqu’un Motewolon s’est fâché et il a donc change quoi que ce soit à cet endroit. pris la pierre et l’a lancée à cinquante Alice : Est-ce quelqu’un a déjà pris des pieds de distance, puis il est monté photos à cet endroit? sur la roche. Il a déclaré : Je vous le John : Pas que je sache. Ce ne serait dis maintenant, il n’y a personne sur peut-être pas une bonne chose. cette terre qui pourra déplacer cette L’appareil-photo pourrait briser. Il roche, rien ne pourra jamais pousser faudrait que quelqu’un essaie. J’y suis sur cette colline et personne ne pourra allé un jour. Je ne mens pas; c’était jamais y vivre. Et il a laissé une pendant le jour et, venant vers moi, il marque avec le bout de son fusil. y avait ktopeqisol (de l’eau de source) C’est pourquoi on peut encore voir là aussi. Je me suis approché pour aujourd’hui sur la roche l’empreinte boire, mais quelqu’un m’a lancé des de pieds et la marque du fusil. J’y pierres. J’ai jeté un coup d’œil; il n’y suis allé il y a deux ans avec une avait personne. Dès que je suis arrivé femme blanche qui voulait la voir. au tournant, je me suis dit en moi- Quelqu’un semble avoir essayé de la même que je n’allais pas rester là plus couper avec une foreuse, mais sans longtemps. En arrivant à la maison, réussir. La roche est toujours là dans j’ai dit à ma femme que quelqu’un le champ, et n’importe qui peut la m’avait lancé des pierres. Un autre voir. jour, un groupe de chasseurs a aperçu Alice : Nous allons la voir demain. quelqu’un qui courait à travers le John : Parfois pendant le jour, l’endroit champ. C’est un endroit épeurant. est hanté, et le soir, il y a un démon Une fois, Pat et moi sommes allés là qui vit là. N’importe qui vous dira pour faire du camping un soir. Je lui que lorsque les gens vont à la chasse ai dit qu’on pouvait se coucher à cet ou couper du bois à pâte, chaque fois endroit… on n’a pu tenir le coup. que quelqu’un se rend là, il semble y Parfois, le vent se levait et lorsqu’on avoir quelqu’un sur le sentier, sortait de la tente, il n’y avait rien. quelqu’un qui les suit jusqu’au bout Nous sommes partis et j’ai dit que cet du champ. Parfois, on peut voir une endroit était hanté. Même chose pour ombre, et cette présence est comme Stevie [Sacobie]; il est allé camper quelqu’un de grand qui ne parle pas. dans le verger. Il était dans sa voiture. Un jour, Debson coupait du bois à Alice : C’est il y a combien de temps? pâte et j’ai vu un Mochant [un être John : Il y a environ deux ou trois ans. Il méchant] venant vers moi. J’ai arrêté a dit que quelqu’un avait saisi la de marcher, et je l’ai vu recommencer voiture et l’avait fait bouger. En fait à marcher à l’extrémité du champ. la voiture a presque renversée. Stevie Alice : Pourquoi? Qu’est-ce qui le fait a dit qu’il ne savait pas comment la agir ainsi? voiture avait pu tourner. Un soir,

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Clifford et Douglas Atwin sont allés malchance. Elles avaient l’habitude là pour boire. Clifford a dit qu’ils de prendre leurs ébats au barrage. On commençaient à être ivres lorsque appelait l’endroit Frankisisk. Car quelqu’un a commencé à faire bouger Joe Solomon a dit qu’on pouvait voir la voiture. Il s’est réveillé et a dit à des traces de leur présence. On Douglas de regarder, car il y avait une pouvait voir leurs petits châteaux. personne qui se tenait là. Selon Mais personne ne peut les voir, m’a-t- Clifford, l’homme mesurait près de il dit; l’endroit qu’elles ont quitté était dix pieds. Il dit qu’ils se sont vite très bien aménagé. On dit qu’elles dégrisés… Il a ajouté qu’il ne sont poilues. Je ne pense pas que retournerait jamais là pour boire. personne les voit aujourd’hui. Alice : Est-ce que quelqu’un fréquente Alice : Qu’en est-il au sujet des peaux encore cet endroit? d’orignal ou de chevreuil? À quoi John : De temps en temps, quelqu’un se servaient-elles; le savez-vous? rend jusque là. John : La personne qui les utilisait était Alice : Est-ce qu’il y a en qui racontent Bakum. Il se servait de la peau et il la des choses au sujet de cet endroit? nettoyait pour fabriquer des raquettes John : Peut-être seulement certaines ou des bâtons de crosse. Je pense personnes. Il y a des jeunes qui vont qu’il était le seul à nettoyer la peau. là, mais la chose semble ne pas Je ne crois pas que personne d’autre vouloir déranger les jeunes. Peut-être savait comment faire. Tout comme les uniquement les adultes. Blancs aujourd’hui. Il étirait la peau Alice : Que savez-vous au sujet des et la laissait ainsi pendant un mois. « petites personnes »? Alice : Vous rappelez-vous si quelqu’un John : Je ne les ai jamais vues. Mais on arrangeait des mariages pour d’autres m’a raconté des histoires à leur sujet. personnes? Tom Atwin m’a dit que, lorsqu’il John : Non. Comme quelqu’un travaillait à l’école, il prenait un choisissant une personne pour se raccourci. Un matin où il passait par marier? Non. Ma mère a essayé de là, il a entendu quelque chose près du choisir une femme pour moi. Je lui ai ruisseau. Il les a surveillées à dit : Maman, je vais, choisir ma l’improviste dans leurs ébats. Il y en femme moi-même, et non pas toi. Car avait sept. Lorsqu’elles l’ont vu, elles je suis celui qui va la marier. ont disparu comme des moustiques. Alice : Pendant combien de temps avez- La semaine suivante, il a entendu les vous été marié? mêmes bruits, mais lorsqu’il s’est John : Trente-deux ans. Nous n’avons rendu à l’endroit où elles étaient, il eu qu’un seul enfant, car ma femme n’y avait plus rien ni personne. Il n’a n’en voulait pas davantage. Je lui vécu qu’une autre année; on dit que avais dit : Pourquoi aurions-nous lorsque vous les voyez, c’est de la besoin de beaucoup d’enfants? Si je

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suis incapable de les nourrir, ça suffit. elles? Alice : Lorsque vous étiez jeune, quel John : À Oromocto, la plupart du temps, genre de divertissements avaient les c’étaient des danses. Ils dansaient personnes plus âgées? Que faisaient- tous les soirs, c’est tout.

Planche 15.1 : À Kingclear, la conteuse Mary « Mali » « Policaman » Francis (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 75-1883)

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Alice : Qui jouait de la musique? Qui qu’Elizabeth appelait cet endroit. Un jouait quoi? esprit, et personne ne le vit nulle part. John : Il y avait Ahtuwensis et ils arrêtèrent donc de jouer aux cartes, Ceclawew et Lawrence Paul. Ils et ça ne se reproduisit plus jamais. dansaient. Ma grand-mère, la mère de Lorsque nous avons déménagé ici, Maggie, Molly était son nom. Elle Molly Frenchman était aveugle, et elle jouait du piano. [Mme Frank Francis] me disait que ces Je me rappelle; elle m’appelait très vieilles femmes et ces hommes Mikmahsis. Elle disait qu’un soir où avaient l’habitude de jouer aux cartes nous étions tous en train de danser, toute la nuit. Une fois de temps en est entré Sakomawi Wehnoch temps, ils allaient jouer dans la [étranger]. Il était bien habillé, et son maison d’un tel, puis dans la maison violon brillait. Lorsqu’il a commencé d’un autre, jusqu’à ce qu’ils aient fait à jouer, ça ne paraissait même pas le tour. Ils avaient convenu qu’il y qu’il jouait tellement il était habile aurait une danse, et chaque soir ils avec le violon. Mais il y avait cette organisaient une danse. Il y avait une autre femme âgée qui a dit : Molly, salle au bas de la colline, un peu plus regarde ses pieds. L’une de ses bas que l’église. Ils avaient jambes était une patte de cheval. Ce commencé à jouer de la musique. n’est pas une personne, c’est le Cette fois également un étranger entra diable. Je crois que je vais aller et commença à jouer lui aussi. Ils chercher le prêtre. Lorsque le prêtre l’ont laissé jouer. Et encore une fois arriva, il vit l’étranger, il prit de l’eau un homme dit : Regardez les pieds de bénite et en aspergea l’étranger. Et ce cet étranger. C’est un être différent. dernier passa à travers le plancher. Le Ils ne pouvaient pas vraiment décrire prêtre leur dit : Vous jouez trop de l’une de ses jambes, car elle était musique tous les soirs. Vous avez toute recouverte de poils. Ils dirent finalement invité le diable. Vous qu’il faudrait que quelqu’un aille devez arrêter de jouer de la musique. chercher un Motewolon. Ils allèrent Alice : Comment est-ce possible? donc chercher Wey, car il était John : C’est vrai; ils disent que c’est Motewolon à cet endroit. Mais son vraiment vrai. pouvoir n’était pas assez fort. Ils Alice : C’était le seul divertissement? dirent alors : Allons chercher un Est-ce qu’ils jouaient aux cartes? prêtre. Ils allèrent chercher un prêtre. John : Pas beaucoup. Un autre soir, je Le prêtre lui frotta quelque chose sur crois, qu’ils jouaient aux cartes. Tout la gorge. Et tous entendirent des à coup, ils entendirent quelqu’un cloches. Et, comme je vous le dis, il glissant sur un toboggan, et ce, pen- passa à travers la plancher. Le prêtre dant presque toute la nuit, à l’endroit leur dit : Vous jouez trop aux cartes. appelé Elomakqek. C’est ainsi Molly Frenchman

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Planche 15.2 : À Kingsclear, de gauche à droite : Mme Noel John Sappier, Mme Frank Francis (celle qui raconte l’histoire), Mme Peter Sappier, et debout, Oliver Fallis, vers 1923 (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 74-17367)

[Mme Frank Francis] a dit que les que nous sortons, je me frappe la hommes sont partis ensemble pour cheville. Et tu ne fais pas beaucoup aller chercher du bois afin de réparer mieux non plus. Je lui ai répondu : le plancher de la salle de danse, mais Comment pourrais-tu soulever cette qu’ils n’ont pas réussi. Ils ont roche, Weasel? Tu es si petit, et c’est finalement dû démolir la salle. C’est une grosse roche. Il répondit qu’il Molly Frenchman allait lui montrer un jour. [Mme Frank Francis] qui m’a raconté Effectivement, un jour ils sortirent. Et cette histoire. Son mari, dont le nom lui déclara : Aujourd’hui, je pense était Weasel [Frank Francis] lui dit un que je suis prêt à lancer cette roche. jour : Molly, je suis fatigué de cette Tu dois te retourner et ne pas roche ici. Noel Francis a mentionné m’observer. Elle lui demanda qu’il se rappelait de la roche qui était pourquoi elle devait se retourner. Il là. Il [Weasel] dit : Un jour, je vais lui répondit qu’il lui demandait lancer cette pierre, car chaque fois simplement de se retourner. Donc,

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Molly se retourna et dit qu’elle poker. Et pendant le Carême, ils pouvait entendre son mari accumuler jouaient au parchési. Mais avec le de la force. Et lorsqu’elle se retourna temps, toutes les activités ont cessé. à nouveau, elle vit du feu dans ses La génération des Indiens a yeux. Tout à coup, il a lancé la roche commencé à disparaître. à environ dix pieds de là. Puis il lui Alice : Est-ce qu’il vous arrivait de mentionna : Je t’avais dit que je cueillir des crosses de fougère? lancerais cette roche. Elle lui répondit John : On allait toujours en cueillir à qu’il devait avoir des pouvoirs. Et lui l’île Savage. Et parfois à Mirimachi d’ajouter qu’il ne pouvait pas lui dire ou même en amont près du ruisseau à quel point il était fort. Pourquoi Rossy, avant la construction du crois-tu qu’on m’appelle Weasel? Ce barrage. sont également de bons chanteurs. Alice : Vous rappelez-vous d’activités Alice : Comment était la vie ici, après qui auraient pu avoir lieu à l’île votre arrivée? Savage il y a longtemps? John : Ce n’était pas formidable, avant John : Je me rappelle du festival des que je m’habitue. On me demandait si crosses de fougère organisé à cet je redéménagerais à Welmooktuk endroit par les gens de St. Mary’s. (Oromocto) si j’en avais la chance? Alice : Oui, il y avait un mariage J’avais dit non, pourquoi devrais-je traditionnel qui était organisé à cet redéménager là? Je vis ici maintenant, endroit. Il y avait un homme, c’est ici que j’ai grandi. Lorsque je Ian Tyson, à cet endroit. suis déménagé ici, j’étais âgé de John : Tout comme à Oromocto, il y a seulement sept ans. Quel bien cela longtemps; ils y organisaient un m’aurait-il apporté? pique-nique du pompier. L’activité Alice : Comment étaient les gens ici au durait toute une semaine. Sur le site moment de votre adolescence? Est-ce de l’ancien village, il y avait un petit qu’ils dansaient, ou est-ce qu’ils champ, et c’est là que se déroulait jouaient des instruments de musique? cette activité. Il y avait des danses, et John : Eh bien! Ils avaient l’habitude de Ned Landry accompagnait ces danses danser beaucoup ici, car ils invitaient tous les soirs. Il y avait des bingos, un Blanc qui leur enseignait à mais il y avait également des com- l’ancienne école. Eugene Paul de bats. Les Autochtones et les Blancs, Devon venait ici se joindre aux les buveurs. Il y avait un pique-nique danses. C’étaient principalement des à Oromocto en juin. Ils l’appelaient le danses carrées. C’était vraiment pique-nique d’Oromocto, mais il n’y agréable, et après on jouait aux cartes a plus d’activités à cet endroit. Ici, dans la soirée. Ou les dimanches nous organisons la fête de Sainte- soirs, on faisait des tirages pendant Anne le 27, chaque année. presque toute la nuit. On jouait au Alice : Et la pêche, est-ce quelqu’un

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pratiquait la pêche au harpon? utilisent? John : Non, pas dans ma jeunesse. Mais John : Ma mère les a utilisées pour les plus vieux, comme Joe Solomon, Labell, Freda et Caroline [Saulis] Wimpy, ils ne faisaient que pêcher. lorsqu’elles étaient plus jeunes. On Wimpy me disait, il y a quelques avait l’habitude d’en cueillir pour semaines, qu’à compter du mois elle. Il faut les cueillir tôt, et c’est ce d’août, ils partaient d’ici et allaient qu’on utilise lorsqu’une personne a jusqu’à Saint-Jean. Ils se déplaçaient des maux de bouche. Elle n’utilisait en canot, cueillaient du foin d’odeur jamais la verge d’or, seulement le et s’adonnaient à la pêche au harpon. sceau d’or. Ils allaient jusqu’à Saint-Jean et Alice : Est-ce qu’il y en a qui utilisent la revenaient à la rame. Ça leur prenait médecine indienne de nos jours? beaucoup de temps, mais ils avaient John : Non, seulement la racine de du plaisir. Aujourd’hui, je ne vois calame. J’utilise également des plus personne qui fait ce genre branches de cèdre, que je fais bouillir, d’activité. lorsque j’ai le rhume. Je commence FIN DE L’ENREGISTREMENT UN – par les faire bouillir, puis je les laisse CÔTÉ UN mijoter dans l’eau. Et vous pouvez ENREGISTREMENT UN – CÔTÉ également y ajouter des racines de DEUX calame, car c’est très bon. Il m’arrive Alice : Et la médecine des Indiens, est- souvent de dire à des Blancs en ville ce que quelqu’un vous en a déjà de les utiliser. Mais ils pensent sans parlé? doute que cet Indien ne sait pas de John : La seule personne qui m’ait parlé quoi il parle. Ce n’est pas bon de la médecine indienne est ma d’utiliser la médecine des Blancs, car grand-mère. Les racines de calame ils essaient de nous tuer. pour le rhume, et certaines sortes de Alice : C’est également ce que dit fleurs. Je ne crois pas que personne Wimpy. sache. Peut-être que David Solomon John : Wimpy connaît la médecine en connaît un peu sur la question. indienne, mais il dit qu’il en connaît Alice : Qu’est-ce que ceci? peu. Il y a longtemps, il m’a amené à John : Des fleurs, pour la médecine. Presque Isle pour ramasser des Alice : J’ai entendu parler de la verge racines de calame. Il m’a dit de ne d’or. Je pense que c’est cette plante pas les cueillir, mais de mettre les qu’on utilise lorsqu’un bébé a des mains dans l’eau. Il y a un endroit ici maux de bouche. dans un étang, mais je ne sais pas à John : C’est la même chose que le sceau quel endroit. Il y avait cette fille, d’or, connu également sous le nom de Melvina, qui en cueillait ici avec son racine jaune. frère. Il faut prendre une partie de la Alice : Est-ce qu’il y en a qui les racine, et l’accrocher pour la laisser

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sécher avant qu’elle ne soit utilisable. année? Reggie Paul de Woodstock me disait John : Vers les 1940. Ce n’est pas la qu’il ne faut pas faire bouillir la voiture de Suwahsin’s, mais peut-être racine de calame, mais l’utiliser celle de John Sabattis. Car à immédiatement et la garder dans la Welmooktuk (Oromocto), la seule bouche. C’est vraiment fort quand personne qui possédait une voiture vous l’utilisez comme ça. était John Sabattis et Ahtuwen [frère Alice : Vous voyez cette photo. Je l’ai de John]. C’est tout. obtenue d’une fille d’Oromocto. Ils Alice : À cette époque, est-ce qu’ils se ont cinq ou six maisons à cet endroit. déplaçaient en canot? J’ai une photocopie et je me John : En canot et en train. demandais si vous pouviez Alice : Combien cela coûtait-il? simplement (pause) John : D’Oromocto à Fredericton par John : Je peux vous dire qui vit à quel train, c’était vingt-cinq cents. Ou endroit et les noms. Suwahsin pour aller à Menahqesk [Saint-Jean], [John Paul], Kalel [Clara], sa femme; ils prenaient le train. Il n’y avait pas Willard Paul. Ils sont tous morts. d’autobus à cette époque. Ma mère a John Coon [John Sacobie] et Stella, eu une voiture, une Ford 1937. Une sa femme; Ceclawew année, elle nous a amenés à [John F. Sabattis] et sa femme Menahqesk [Saint-Jean]. Elle-même, Molly Dell, leurs enfants [Royden, Maggie, Clifford et Steve. Et ma Ambrose], Solomon A. Paul et sa mère n’avait pas de permis de femme, Sarah Paul. conduire. Je ne sais pas comment elle Alice : Il y a quatre maisons. Je pense s’est rendue à Saint-Jean. Je pense que c’est tout. C’est situé près de qu’elle a dû payer vingt-cinq dollars. l’eau, je crois, à Oromocto? Alice : Ce fut sûrement une lourde John : Oui, et ici, il y a une autre perte, la mort de votre mère? Je suis maison. John Coon vit près de allée la voir ce jeudi-là, afin de l’endroit où vivait Missel, et ce n’est vérifier si elle se portait bien. J’étais pas sur cette photo. Il y avait un dans la maison en train de lui parler, champ où cette route se rend jusqu’à car je voulais apprendre à mieux la la route principale. Il y avait connaître et lui demander si je également une voir ferrée à cet pourrais l’enregistrer. Peu de temps endroit. après, je reçois un appel de Karen, ma Alice : C’était en 1953? patronne au travail, qui me dit que John : C’était en 1945. Je suis allé votre mère est morte. Mon Dieu! Je passer la nuit chez Solomon Paul, et pouvais à peine y croire. j’ai passé la nuit chez Ceclawew’s une John : Elle a eu une vie difficile… fois. FIN DE L’ENREGISTREMENT Alice : C’est une voiture de quelle

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16. Confection de paniers à l’île Gilbert

NORMAN ET JEANETTE SACOBIE WELMOOKTUK / PREMIÈRE NATION D’OROMOCTO

Je sais que certains avaient l’habitude de se rendre à l’île Middle et à l’île Gilbert pour confectionner des paniers…

Suwahsin Paul et John Sacobie lui-même avaient l’habitude de couper du bois. Je suis allé avec eux à quelques reprises, lorsqu’ils allaient chercher du bois pour la confection des paniers. - Norman Sacobie

J’ai fabriqué des paniers depuis l’âge de quatre ans avec ma mère lorsqu’on demeurait en bas de la colline. J’ai fabriqué mon premier panier, ma mère me disait (pause) – Jeanette Sacobie

Alice : Norman, êtes-vous originaire Norman : Oui. d’Oromocto? Alice : Lorsque vous avez grandi ici à Norman : Oui. Je suis né ici, et toute ma Oromocto, comment était la vie? famille a déménagé à Kingsclear, Norman : Je n’ai pas vraiment vécu ici mais nous restons encore membres de très longtemps; jusqu’à l’âge de la bande ici. J’étais à l’hôpital quatorze ans. Quatorze ou quinze ans. lorsqu’ils ont fait le transfert. Les Ce n’était pas une vie très excitante, Affaires indiennes avaient l’habitude et je suis donc parti vers les États- de faire des transferts sans qu’on le Unis. Je suis resté là pendant quelque sache. Lorsque je suis finalement temps, et je suis revenu sans le sou. revenu, je me suis rendu compte que Alice : Qui étaient votre père et votre je ne savais pas que j’étais membre mère? de la bande de Kingsclear. Norman : Annie Saulis et Alice : Vous ne le saviez pas? Richard Sacobie. Elle est décédée Norman : Non. récemment. Alice : Combien parmi vous vivez ici? Alice : Je m’excuse. Je parlais avec elle Norman : Ma famille? récemment, un jeudi. Je parlais avec Alice : Oui, votre famille. elle parce que je voulais l’enregistrer. Norman : Seulement moi et mon frère Et peu après, j’ai appris qu’elle était à Rufford. l’hôpital, et j’ai trouvé la situation Alice : Rufford est le chef ici? triste.

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Planche 16.1 : Norman Sacobie (photo : gracieuseté de Shirley Sacobie)

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Norman : Je n’ai pu aller la voir pendant Alice : Et ils disparaissent rapidement. qu’elle était à l’hôpital. Qu’en est-il de la pêche? \* MERGEFORMATINET \d Norman : La pêche, que voulez-vous Alice : Vous avez donc continué de dire? Avec une canne à pêche? vivre ici, après votre retour des États- Alice : Non. Comment est-ce qu’ils Unis. Avez-vous fait de la chasse et pêchaient à cette époque? de la pêche? Qu’utilisaient-ils? Norman : Oh, oui! Norman : Ils utilisaient des alosiers ou Alice : Pourriez-vous m’en parler? des filets maillants pour l’alose ou les Norman : Je dois dire que nous n’avions plus petits poissons, pour le pas de fusil, pas de véhicule, rien. Et gaspareau. il était plutôt difficile de trouver de la Alice : Lorsque vous alliez à la pêche, nourriture parfois. Souvent, nous vous rappelez-vous si quelqu’un mangions du gruau trois fois par jour. utilisait un harpon pour le saumon? Donc John, le père de ma femme, qui Norman : Non, je n’étais pas là à cette avait un vieux fusil au-dessus de la époque. porte, ne voulait pas que quiconque Alice : Non. Et la cueillette des crosses l’utilise. J’ai donc, à force de de fougère? flatteries, réussi à convaincre Stella, Norman : Oh, oui! Moi et John en avons un jour, et elle m’a laissé prendre le beaucoup cueilli. fusil. On pouvait acheter des muni- Alice : Où alliez-vous? tions à l’unité en ce temps-là, et je Norman : Tout simplement sur les îles suis donc allé acheter une couple de situées près d’ici. N’importe où à une cartouches. Et j’ai tué une couple de distance raisonnable en canot. Il avait lièvres cet après-midi-là. Tout le un assez gros canot dans ce temps-là monde a pu participer à un petit et (pause) festin. Et peu après, il s’est mis à me Alice : Vous avez beaucoup d’îles dans prêter le fusil tout le temps; jusqu’à la région. ce je sois capable d’acheter ma propre Norman : Je n’ai jamais su combien carabine. avant de commencer à travailler dans Alice : Donc, John Sacobie était votre le domaine des pêches. Et Alex Coy beau-père? m’a montré toutes les îles que l’on Norman : Oui. peut trouver entre ici et Saint-Jean. Alice : Je n’ai pas eu la chance de parler Alice : Y a-t-il des noms pour les îles? à John, car il était également décédé. Norman : Il y avait un nom pour chaque Norman : Pauvre John! île. Alice : Et il est plutôt difficile de Alice : Pourriez-vous m’en nommer trouver des Anciens, car leur santé se quelques-unes? détériore lentement. Norman : Oui, j’imagine. Norman : Oui, leur santé se détériore. Alice : Il y avait l’île Gilbert.

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Norman : L’île Gilbert, l’île Middle, Middle et à l’île Gilbert pour l’île Ox, l’île Ram, Griswald. confectionner des paniers. Alice : Grimross Alice : Comme qui? Norman : Puis il y avait l’île Gagetown, Norman : Suwahsin Paul et l’île Long, l’île Upper et Lower John Sacobie lui-même avaient Musquash, l’île Never, l’île Spoone et l’habitude de couper du bois. Je suis quelques autres (pause) allé avec eux à quelques reprises, Alice : Êtes-vous déjà allé faire la lorsqu’ils allaient chercher du bois cueillette des crosses de fougère à la pour la confection de paniers. pointe Indian? Alice : Avez-vous déjà martelé du frêne Norman : Moi, jamais. pour eux? Alice : Non? Norman : Oh, oui! Norman : Non, mais j’ai fait la cueillette Alice : Comment faisiez-vous? Que des crosses de fougère à Jemseg, à deviez-vous utiliser? Lower Cambridge. Norman : Il faut prendre une vieille Alice : Jemseg, que savez-vous au sujet hache à l’extrémité émoussée, avec de cette région? L’endroit où ils ont un manche droit. Vous écorcez fait des fouilles, étais-ce une halte ou l’arbre. Vous mêlez quelques cendres. vous souvenez-vous de quelque chose Vous utilisez une vieille marmite afin du genre? d’y mélanger les cendres avec de Norman : Je ne me souviens de rien, l’eau. Vous utilisez un vieux bâton mais d’après ce que je peux voir entouré d’une guenille pour tracer aujourd’hui (pause) en fait, ce site une ligne de repère. Et vous martelez était bien connu avant qu’on en parle le long des raies noircies, jusqu’à ce dans les médias. Beaucoup de gens que vous ayez martelé toute la tige. fréquentaient cet endroit, y trouvaient Alice : Y avait-il beaucoup de gens qui des artefacts qu’ils apportaient chez confectionnaient des paniers à cet eux et dont ils refusent de se départir. endroit? Ce n’est qu’au moment où ils ont Norman : Non. appris qu’une route allait passer par là Alice : Combien y en avait-il? qu’ils ont décidé de le faire savoir Norman : Il y avait le père et la mère de aux Indiens. Mais certains Indiens le ma femme, et le père de Stella. savaient déjà et à partir de là (pause) Alice : Qui était le père de Stella? Alice : Est-ce que quelqu’un vous a Norman : C’était Suwahsin Paul. jamais dit que les Indiens avaient Alice : Quel était son vrai nom? l’habitude d’arrêter là pour Norman : John. Et il y en avait quelques confectionner des paniers? autres, comme la sœur de John, Norman : Non, pas à cet endroit en Annabelle. Puis il y avait particulier. Je sais que certains Lawrence Paul, mais il n’y en avait avaient l’habitude d’aller à l’île pas beaucoup. Donc, ma femme et

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moi avons entrepris la confection de Norman : Surtout le dimanche, les gens paniers, et elle vient tout juste se rassemblaient et organisaient des d’arrêter il y a deux ans, à cause du tirages pour des tartes et des gâteaux problème avec ses mains. et ce genre de choses. Et une fois de Alice : Quel genre de paniers? temps en temps, pendant la soirée, ils Norman : À peu près n’importe quel jouaient aux cartes. genre de paniers. Alice : Est-ce qu’ils organisaient des Alice : Des paniers de fantaisie, des danses? paniers de pommes de terre? Norman : Pas que je me souvienne. Norman : Des paniers de fantaisie, de Alice : Je me rappelle moi-même qu’à pommes de terre, de crosses de St. Mary’s, ils sont allés danser une fougère. J’aime vraiment fabriquer fois à la maison de quelqu’un. Ils des paniers de poisson, ce qu’ils avaient déplacé le vieux poêle avec appellent des paniers de pêche. Et il y des tuyaux, avaient tout enlevé au a eu un temps où j’en avais au moins centre de la pièce, et ils avaient fait deux douzaines accrochés au mur. des danses carrées au son du violon, Les gens entraient et les achetaient si je me souviens bien. directement tels quels. Norman : Non, je n’ai jamais rien vu de Alice : Vous reste-t-il de ces paniers? tel. Est-ce que les deux qui sont là sont Alice : Parlons des mariages dans ce des paniers que vous avez temps-là. Y avait-il des mariages confectionnés? arrangés? Norman : Oh, oui! J’ai confectionné Norman : Pas que je sache. celui-là, celui-là, et il y en a Alice : Et Jeanette, aurait-elle eu une quelques-uns en bas. connaissance de ce genre de choses, Alice : Pensez-vous qu’il serait possible probablement pas! de photographier vos paniers? Norman : Probablement pas. Je n’en Norman : Certainement. sais rien. Alice : Ce ne sera pas aujourd’hui, Alice : Est-ce que des traditions vous cependant, mais peut-être, je vais ont été transmises par une personne fixer une date et (pause) plus âgée? Norman : J’aurai probablement Norman : La confection de paniers, la commencé à travailler d’ici là, mais fabrication de manches de hache. Jeanette pourra s’occuper de vous. Alice : Quel genre d’outils utilisaient-ils Alice : Donc, lorsque vous êtes revenu pour les manches de haches? Ou des États-Unis, vous étiez âgé de même la confection de paniers? quinze ou seize ans. Quelles étaient Norman : Pour les fabriquer? les activités ici à ce moment-là, Alice : Oui. comme le divertissement pour les Norman : Ils utilisaient des couteaux à personnes âgées? deux manches, certains utilisaient des

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couteaux à lame incurvée qu’ils ses haches qu’il a fabriquées, et il fabriquaient eux-mêmes. Je me suis était très habile. Même s’il n’avait intéressé à ce genre d’outils; j’ai pas une bonne vue, il surprenait commencé à en fabriquer et j’en ai vraiment les gens par ce qu’il pouvait vendu une bonne quantité. faire. Alice : Vous rappelez-vous si on utilisait Alice : Qu’est-ce qu’il faisait? également du verre? Norman : Il a entrepris des travaux de Norman : Oh, oui! menuiserie et d’ébénisterie quelques Alice : Quel genre de verre? années avant sa mort. Norman : N’importe quel genre d’éclats Alice : J’ai rencontré Arthur Atwin, qui de verre qu’ils pouvaient trouver. fait lui-même de la menuiserie et de Alice : Était-il nécessaire de les l’ébénisterie. J’ai parlé avec George, façonner pour les utiliser? et c’est le genre de travail qu’il fait, et Norman : Non, ils utilisaient il a son propre atelier ici. simplement la partie la plus coupante Norman : Jack, recevait sa pension de sur la bordure et ils s’en servaient vieillesse et, à un moment donné, il pour gratter le manche. travaillait sur la base (BFC). Il a dit Alice : Quel genre de verre? qu’il n’avait pas besoin de cette Norman : À peu près n’importe quelle pension. Il a tout simplement décidé sorte de verre, comme des vitres par lui-même de faire de la ordinaires qui avaient été cassées. menuiserie, et il a apporté ses propres Alice : Le verre était vraiment mince à outils et il a construit sa propre petite cette époque. Je me rappelle des maison. Et à partir de là, il a fenêtres de la maison de ma mère. Je commencé à fabriquer des meubles. n’ai jamais vu personne utiliser du Alice : Aucune formation quelle qu’elle verre, mais nous sommes en train de soit? découvrir que les gens utilisaient le Norman : Aucune formation. Son verre pour façonner les manches de grand-père Suwahsin Paul vivait avec hache afin de les adoucir. lui. Et c’est ainsi qu’il a beaucoup Norman : Oui, c’est vrai. Il y a un autre appris le travail du bois. individu, Donald Paul. Il est mort Alice : C’est ainsi que ça fonctionne maintenant; il s’est tué dans un acci- aujourd’hui. Les plus âgés essaient de dent de bateau. transmettre à leurs fils tout ce qu’ils Alice : Vous parlez du fils d’Elizabeth? ont appris il y a longtemps. Certains Norman : Je l’ai vu fabriquer des apprennent, et d’autres pas. Lorsque manches de hache, sans les raboter ou John, votre beau-père, confectionnait que ce soit. Il était très habile dans la des paniers, quel genre d’outils fabrication des manches de hache. Il utilisait-il? n’avait pas à les raboter ou même à Norman : Il n’utilisait qu’un couteau à les sabler. Je possède encore une de lame, un couteau à deux manches,

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Planche 16.2 : Lawrence Paul et sa conjointe, Margaret Sacobie; Lawrence faisait du trappage avec Norman Sacobie (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 75-1904)

une autre hache et du verre pour l’hiver ici. Il y avait un type qui adoucir. Et lorsqu’il le pouvait, il passait par ici en revenant de l’Î.-P.-É. s’achetait du papier à sabler. en direction du Maine. Il faisait Alice : Et c’est tout? Il n’avait pas moins 30 degrés, et il est arrivé avec d’autres outils? un sac de frêne venant du Maine et je Norman : Non, sauf pour le banc d’âne. l’ai acheté de lui. Nous sommes allés Alice : Je me rappelle. au village. Buddy a fait couper et Norman : J’en ai encore un, que j’ai écorcer les tiges, et nous n’avons pas prêté à Wilfred ou à quelqu’un eu à les préparer, mais seulement à d’autre. Je l’ai fabriqué il y a de confectionner les paniers. nombreuses années. Et il y a un autre Alice : Où obteniez-vous votre frêne? instrument là, pour amincir les Norman : Ici même sur les îles ou éclisses. Je pense que cet outil est encore là où vivent les Hollandais à chez Alfred. Je l’utilise chaque année. Maugerville. Mais maintenant ils sont En fait, une année nous avons (pause) confectionné des paniers pendant tout Alice : Le frêne se fait plus rare?

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Norman : Pas seulement ça, les gens ne continué pendant quelques années. nous laissent pas pénétrer sur leurs Alice : Où faisiez-vous du trappage? terres. Il y a des clôtures et du fil Norman : Ici même, un peu plus haut barbelé, ou autre, pour nous vers la rivière Oromocto. On se empêcher d’entrer. rendait en canot jusqu’à l’île Middle, Alice : Que faisiez-vous avec vos et les vagues atteignaient parfois trois paniers après les avoir confectionnés? ou quatre pieds de hauteur. Norman : Nous faisions notre propre Alice : Est-ce que chacun avait son commerce afin de pouvoir les vendre. propre territoire pour le trappage? Alice : Est-ce que vous les échangiez Norman : Oui, plus ou moins. pour de la nourriture ou des Alice : Était-il marqué? marchandises? Norman : Nous avions l’habitude de le Norman : Moi, jamais; mais on m’a dit marquer, John et moi. Il connaissait que le vieux Solomon Paul et d’autres beaucoup de gens plus bas le long du personnes se rendaient à Geary. Cet fleuve, et ils n’avaient pas d’objection endroit n’existait pas à l’époque; je ne si John y installait quelques pièges. Je pense pas que ça s’appelait Geary. me rappelle d’un individu, Mokson, Mais ils partaient pour deux ou trois qui faisait du trappage chaque année. jours pour échanger leurs paniers John tendait un piège à environ vingt contre de la nourriture. pieds de celui de Ralph Mokson, et Alice : Y avait-il beaucoup de gens ici une fois de temps en temps John qui travaillaient sur les fermes? prenait le rat musqué de Ralph, Norman : Quelques-uns, oui. pensant que c’était le sien. Et je Alice : Mais pas beaucoup? devais lui répéter que ce n’était pas Norman : Certains faisaient ce travail notre piège. Oh, oui! Un jour nous pour amasser un peu d’argent de avons rencontré Ralph qui enlevait un poche. Ils aidaient à la récolte. Ils ne piège ou qui ramassait un rat musqué participaient pas vraiment à la dans ce piège particulier. Et nous semaison ou à ce genre de travail. Pas nous sommes mis à discuter, John que je sache en tout cas. disant à Ralph qu’il ne croyait pas Alice : Est-ce que beaucoup d’entre eux que c’était son piège. Ralph lui faisaient la cueillette des crosses de répondit que s’il l’enlevait, c’est fougère? parce qu’il n’avait rien pris à cet Norman : Oui, presque tout le monde. endroit. Et John se mit à rire en lui Alice : Et qu’en est-il du trappage du rat disant : « Ce n’est pas surprenant, musqué? j’en ai ramassé sept à cet endroit Norman : Oui, John et moi et déjà. » Et il lui a remis ses prises. Lawrence Paul faisions du trappage, Alice : Vous preniez les rats musqués et jusqu’à ce Lawrence ne puisse plus il pensait qu’il n’en attrapait pas? en faire. Et John et moi avons Norman : John était bon en ce sens;

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nous lui avons remis les sept rats déjà quelque temps. Il est sous le musqués. C’est le seul piège que porche actuellement. Il faudrait le Ralph avait à cet endroit. C’est qu’il réparer. avait un moteur hors-bord et qu’il Alice : Quel genre de canot avez-vous? pouvait se déplacer facilement. John Norman : En bois de châtaignier, dans le et moi étions obligés de pagayer, style ancien. Je ne pouvais me pagayer, pagayer. Je n’avais pas permettre d’acheter de la toile, et j’ai d’objection. donc utilisé de la fibre de verre. Et Alice : En fait, c’est un bon exercice. maintenant la fibre de verre, je ne sais J’ai remonté le fleuve, il y a quelques pas si c’est parce que le bois était semaines, et nous sommes allés huileux, ne veut pas coller sur ce jusqu’en amont de l’île Sugar. Et bois. J’ai donc acheté du ruban l’an nous avons pagayé jusqu’à dernier, et lorsque je vais Fredericton. C’était même ma recommencer à travailler, je vais première expérience en canot. Je l’apporter chez Alec Oisfeather, qui pensais que j’aurais peur, mais construit des bateaux et des canots. l’expérience s’est vraiment bien Alice : Connaissez-vous quelqu’un qui a déroulée. déjà fabriqué un canot en écorce de Norman : Je possède un canot depuis bouleau?

Planche 16.3 : Trois personnes qui construisent un canot d’écorce de bouleau (Musée du Nouveau-Brunswick, 00026#52)

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Norman : J’ai rencontré un individu aux Alice : Il y a Bangor, il y a Old Town État-Unis. J’ai oublié son nom. Il dans cette direction et il y a ressemblait plus à un Blanc qu’à un Princeton. Indien, mais il parlait la langue Norman : Je crois que c’était Princeton. indienne mieux que moi. Il avait deux Alice : Eastport, Sipayick et puis il y a canots en écorce de bouleau, Dana Peter Point. fabriqués à la main. Norman : C’était soit Eastport ou Alice : Connaissez-vous quelqu’un de Princeton. Jeanette saurait sans doute. Kingsclear ou de St. Mary’s qui en a Cet individu était très brillant, et il fabriqué un? nous a enseigné à fabriquer des Norman : Non, je ne connais personne. pointes de flèches, à faire un feu sans Alice : J’ai vu une vieille photo un jour. allumettes, toutes sortes de choses Je ne sais pas si c’était sur l’ancienne comme ça. réserve de St. Mary’s. Il y avait Alice : Comment peut-on faire un feu environ cinq ou six hommes; ils sans allumettes? fabriquaient un canot en écorce de Norman : D’abord, il faut utiliser de bouleau. l’écorce de bouleau ou de l’écorce de Norman : J’avais l’intention d’essayer cèdre, mais la partie intérieure. Une moi-même un jour, car j’avais trouvé fois l’écorce bien sèche, on dirait des ce grand bouleau sur la rue de cheveux, et on pourrait quasiment l’Église à Maugerville, mais je ne s’en servir pour faire une corde. On savais pas comment procéder. Alfred ramasse quelques petits copeaux, on et moi avions l’intention d’essayer, entasse des morceaux de bois au par simple goût de l’expérience. fond, du pin et on utilise un bâton de Alice : Je crois qu’ils sont plutôt rares, bois dur d’environ un pied ou les canots d’écorce de bouleau? seize pouces. Puis on fabrique un Norman : J’ai quelques photos de John genre de petit arc avec une corde, que qui a la main posée sur un canot d’à l’on fixe autour du morceau de bois peu près cette longueur. Il avait été dur, comme si on allait jouer du fabriqué par des individus des États- violon ou quelque chose du genre. On Unis; comment appelle-t-on cet tient un bloc de bois dur dans la main endroit? supérieure et lorsque la fumée com- Alice : Passamaquoddy? mence, il s’agit d’utiliser un petit Norman : Oui, ils en avaient un gros à couteau et de couper le feu. Puis on le cet endroit. Nous avons effectivement met dans (pause) déjà essayé ce canot. Alice : Avez-vous déjà essayé? Alice : Il était en écorce de bouleau? Norman : Oui. Dans quelle partie du Maine? Alice : Ça fonctionne? Norman : L’une des réserves à cet Norman : Ça fonctionne très bien. endroit. Alice : Êtes-vous déjà allé faire du

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camping? Est-ce que vous utilisiez fourrure, et on la vendait. cette technique à ce moment-là? Alice : Quel montant obteniez-vous? Norman : Non, j’apportais Norman : Vingt dollars et plus; quarante habituellement de la paille d’acier et dollars était considéré comme un j’y mettais simplement le feu. Et c’est excellent montant. Deux ou trois par encore mieux que l’écorce de jour parfois (pause) bouleau, car le feu s’allume Alice : De quelle année parlez-vous immédiatement. lorsque vous dites que John et vous Alice : Qu’en est-il de la médecine alliez à la pêche et à la chasse? indienne, que savez-vous à ce sujet? Norman : Dans les années 1970. Norman : Je ne sais pas vraiment. Je Alice : Mais John a chassé et pêché regardais John qui s’en préparait, pendant très longtemps. principalement à partir de la racine Norman : Oh, oui. Il a commencé que le rat musqué mange beaucoup. Il longtemps avant moi. Je n’étais pas faisait tremper tout simplement le souvent sur la réserve. J’étais à produit, comme lorsque vous avez un l’hôpital, puis ils m’ont envoyé dans mal de gorge; ou encore je trouve que cette « maison de fou » là-bas, ça fonctionne pour la grippe. Shubbie [Shubenacadie] pendant Alice : Ce doit être le Kiwhosuwasq? quatre ans. J’en suis sorti, et je ne Norman : Et il utilisait alors la savoyane savais rien. que l’on trouve sous les pins. C’est Alice : Et vous n’avez jamais vécu à pratique lorsque les bébés ont des Kingsclear? affections de la bouche. Norman : Pendant deux ou trois Alice : J’ai aussi entendu ma mère dire semaines. ça une fois. Et la racine de calame Alice : C’est tout? également? Norman : J’ai vécu là pendant un été Norman : La racine de calame est la avec Frank Sappier. Le vieux Frank. même chose que le Kiwhosuwasq. Alice : Comment avez-vous aimé vivre Alice : Et qu’en est-il de la peau là, puis vous établir ici par la suite? d’orignal? À quoi est-ce que ça Norman : Il n’y avait pas beaucoup de servait? différences. La principale différence Norman : Le seul usage que je est que c’était davantage une vie connaisse était de vendre la peau pour urbaine ici, tandis qu’à Kingsclear faire un peu d’argent. c’était une vie plus sauvage. Alice : Est-ce que quelqu’un faisait le Alice : Je ne peux pas dire que notre trappage du castor dans la région? réserve soit isolée, car nous sommes Norman : Oh, oui! Moi-même, avec juste ici. Lorsqu’ils confectionnaient John. des paniers, qu’utilisaient-ils comme Alice : Qu’en faisiez-vous? teinture pour colorer le frêne? Norman : On dépouillait l’animal de sa Norman : En fait, nous n’utilisions

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aucune couleur pour les paniers avant Norman : Ils la faisaient bouillir pour de rencontrer une dame de Tobique, améliorer son efficacité. une dame Saulis. Elle a lancé un Alice : J’ai un panier à la maison; je projet qui portait sur le travail du cuir, pense qu’il y a du rouge et du bleu ou la confection de paniers et elle nous a du rose et du bleu. Mais la teinture est montré la teinture achetée au toute décolorée maintenant. C’est magasin. C’est la seule sorte de George Nash qui l’a confectionné il y teinture que nous ayons jamais a longtemps. Mon fils est âgé de utilisée. vingt-cinq ans cette année, et le Alice : J’ai parlé à une femme à panier date donc d’il y a vingt-six ou Kingsclear, et elle se rappelait avoir vingt-sept ans. C’est comme un utilisé une teinture confectionnée panier à linge, et je l’ai utilisé pour avec des baies. tous les enfants, d’abord sous forme Norman : Oui j’ai entendu parler des de berceau, et c’est là qu’ils baies et des racines. dormaient. Alice : Je lui ai demandé si elle se Norman : John disait toujours que nous rappelait de quelqu’un qui créait une savons confectionner les paniers, couleur jaune au moyen de pelures mais que nous n’utilisons pas nos d’oignon. Une fois à Pâques, je propres paniers à linge fabriqués par n’avais pas de couleur pour les en- les Indiens. Nous en achetons en fants. Et je me rappelais que plastique, et nous vendons ceux que quelqu’un avait parlé des pelures nous fabriquons. d’oignon. J’ai donc fait bouillir des Alice : Je ne connais pas de personnes pelures, et j’ai obtenu une couleur qui fabriquent des paniers pour jaune. Et j’ai laissé les enfants elles-mêmes. tremper leurs œufs dans le liquide et Norman : J’ai conservé celui-là. Je ils sont devenus jaunes. préparais une démonstration pour Norman : Y avait-il une odeur? l’école d’artisanat, et c’était supposé Alice : Non. Elle disait qu’il y avait des être un panier pour le poisson. fraises, des framboises, des bleuets, Chacun ajoutait sa touche, à tour de des mûres, des cerises parmi les baies rôle, et le résultat a été un petit panier qu’ils utilisaient. Peut-être pas tout le pour le transport. monde, car on peut acheter de la Alice : Il est joli également, et il n’y a teinture au magasin. pas de clous dedans. Celui-là a un Norman : Avec un petit paquet, vous clou dedans. Lorsque je suis allée à pouviez teindre des centaines Houlton, j’ai parlé à Fred Tomah. Il d’éclisses. est parent avec Jim Tomah, Aubrey, Alice : Il fallait que la teinture soit de Leo Tomah. qualité pour ne pas se décolorer Norman : Je connais ce Sappier qui est n’est-ce pas? décédé, Tom Sappier. Nous sommes

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restés chez lui lors d’une randonnée vous fabriquez? pédestre sur la route. Norman : Eh bien! J’ai fabriqué ceci. Alice : Je voulais dire qu’il confectionne C’est en argent sterling, et c’est des paniers et qu’il n’y a pas un seul supposé être un ouvre-lettres. Je n’en clou dans son panier. C’est ce que ai pas beaucoup actuellement, car je disait Ronnie Paul également. vends tout aussi vite que possible. Lorsqu’on confectionnait des paniers Alice : Vous utilisez beaucoup de il y a de nombreuses années, il n’y pierres également? Quel genre de avait pas de clous. On ne voyait pierres utilisez-vous? jamais de clous dans les paniers. Norman : Oui, je taille mes propres Norman : Lorsque je les fabrique pierres. J’ai quelques personnes qui maintenant, j’utilise – je les fabrique m’en apportent des États-Unis. moi-même – ce ne sont pas des clous Tommy, Joe, sa fille Shirley, ils m’ont mais des chevilles. Puis, je les apporté de très belles pierres de peinture à l’arrière. J’ai aussi fabriqué Montréal. Et je les taille, je les polis, ceci; j’ai suivi des cours de joaillerie je leur donne une forme, je les sertis et ce genre de choses, et j’ai fabriqué dans le métal et je les vends. des bijoux en bas et bien d’autres Alice : Et vous faites ça depuis combien choses. d’années? Alice : Oui, vous fabriquez des bijoux. Norman : Depuis 1993. Pouvez-vous m’en parler et comment Alice : Je trouve que beaucoup vous avez commencé? d’Indiens vont à cette école Norman : Je travaillais au bureau de la d’artisanat, pas pour la fabrication de bande, et j’en avais assez de me faire bijoux, mais pour la photographie ou injurier tout le temps. J’ai donc l’art. demandé au directeur de la bande où Norman : Lorsque j’ai commencé à je pourrais apprendre à travailler l’école, je ne savais pas qu’il fallait l’argent et comment je pourrais faire que je suive des cours d’art, de de l’orfèvrerie. Il y a une école dessin, de peinture et de d’artisanat ici à Fredericton, qui photographie. Je leur ai dit que je ne existe depuis trente ou quarante ans. venais pas ici pour ça. J’en ai donc Je n’en savais rien. J’ai donc dit que parlé avec l’instructrice en métaux. j’étais intéressé et que si j’étais Elle m’a dit de retourner chez moi et accepté, j’allais quitter mon poste de revenir une semaine après le Jour immédiatement. Personne ne croyait de l’An et qu’elle m’inscrirait dans que j’allais partir, mais quand une classe de métaux, et uniquement septembre est arrivé, je leur ai dit pour les métaux. Je lui ai répondu que « Au revoir! ». Je suis allé là et j’ai j’étais d’accord. C’était la première suivi des cours pendant quatre ans. année, et trois autres années ont suivi Alice : Quel genre de bijoux est-ce que par la suite. J’y allais chaque jour que

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je voulais. sommes montés derrière ce vieux Alice : Vous deviez être là tous les camion d’une demi-tonne. Nous jours? avons presque gelé à mort, et on Norman : Non, pas vraiment. J’étais un luttait ensemble pour se garder au étudiant à temps partiel. chaud. Il nous a amenés au bas de la Alice : Avez-vous rencontré beaucoup colline, mais je ne me souviens pas d’Indiens à l’école? vraiment du paysage. Je sais que Norman : Un bon nombre. c’étaient de vieilles bâtisses ici et là. Alice : Quel genre de cours Ça semblait terrible. Mais j’ai vu suivaient-ils? deux gars qui coupaient du bois. Ils Norman : La plupart faisaient des études sont entrés et ont parlé pendant indiennes, et Gwen Orechia [Bear] quelque temps. On ne pouvait entrer était leur instructrice. Quelques gars ni rien, et on a dû rester dans le de St. Mary’s, un couple de camion et continuer de geler. Ça ne Kingsclear, beaucoup de Micmacs me faisait rien, c’était juste une venant de la Miramichi. Je pense journée à ne rien faire. qu’il y en avait un ou deux de la Alice : Vous êtes-vous déjà associés à Nouvelle-Écosse. Peu suivaient des des personnes de Kingsclear? cours de joaillerie, et la plupart Norman : Oh, oui! J’avais l’habitude de suivaient des cours de photographie, me promener d’une maison à l’autre, de dessin et de peinture. pour discuter, prendre le thé, manger Alice : Donc, à l’âge de quinze ans, une bouchée. lorsque vous êtes déménagé ici, Alice : C’était l’un des aspects positifs à c’était en quelle année? l’époque, de pouvoir ainsi entrer chez Norman : C’était dans les années 1960. n’importe qui, et on vous invitait à Alice : J’ai vu une vieille photo de l’une manger ou à prendre un café ou un des filles qui vivaient ici. C’était en thé. À cette époque, personne ne 1953, mai 1953, sur la réserve, verrouillait sa porte et vous étiez le lorsqu’elle était située là. bienvenu. C’était davantage notre Norman : Je suis venu ici une fois, en mode de vie, je crois, mais sortant de l’hôpital, et je suis allé à aujourd’hui c’est si différent. Vous Kingsclear. Je suis resté chez devez verrouiller vos portes Jim Atwin. Sa conjointe et lui étaient maintenant. Il faut appeler pour habiles dans la confection des savoir si quelqu’un est à la maison et paniers. Veronie et moi avons si on est prêt à vous recevoir. beaucoup appris auprès d’eux. Il m’a Norman : On ne peut rien laisser à alors demandé si j’aimerais aller voir l’extérieur, il faut tout verrouiller. des membres de ma parenté à Une année, j’ai acheté un magnifique Oromocto. J’ai répondu : Oui! bien bateau avec un moteur hors-bord. Je sûr! Moi et Winston Solomon l’ai laissé près de la rive, avec mon

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Planche 16.4 : Jeanette Sacobie (photo de Shirley Sacobie)

réservoir à essence. Personne n’y a Alice : Quel genre de couleurs touché. Mais dernièrement, au cours utilisiez-vous? des dix dernières années, on ne peut Jeanette : Oh! de la couleur… Veronica même pas laisser une hache dehors. m’en a donné. Quelqu’un la prendra. Il faut tout Alice : Où l’obtenait-elle? verrouiller. Jeanette : Aux États-Unis. Il m’en reste Alice : Jeanette, parlez-moi de l’époque encore un peu qui vient de là. En bas. où vous et Norman confectionniez Alice : Vous n’avez donc jamais préparé des paniers avec votre mère et votre vos propres couleurs pour vos père, John et Stella? paniers? Jeanette : On coupait les éclisses, on Jeanette : Oh, oui! préparait tout, puis on commençait à Alice : Qu’est-ce vous utilisiez? confectionner des paniers avec mon Jeanette : La même chose qu’elle me père. Ma mère, elle, avait l’habitude donnait. Je fabriquais des paniers de de mettre de la couleur sur ses fleurs. Cette photo que vous voyez, ce éclisses. Lorsque je suis déménagée sont des fleurs que j’ai ici, je mettais un peu de couleur confectionnées et que j’ai disposées moi-même. là. Il a pris cette photo derrière,

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lorsque nous sommes déménagés ici. Alice : Est-ce que votre sœur en a déjà Norman : Des paniers à linge. fabriqué également? Alice : Pendant combien de temps Jeanette : Mildred, et mon autre soeur. avez-vous confectionné des paniers? Norman : Il suffisait d’en confectionner, Jeanette : À peu près… j’avais quatre de les tisser à peu près à tous les ans lorsque j’ai commencé avec ma pouces, et de partager l’argent mère en bas de la colline. Lorsque j’ai lorsqu’on allait les vendre. confectionné mon premier panier, ma Jeanette : Je suis la seule qui a mère m’a dit (pause) confectionné des paniers, vous savez, Alice : Quelles sortes? après la mort de ma mère. Mais Jeanette : Des paniers de fleurs. personne d’autre ne portait attention. Alice : Est-ce que vous confectionniez Personne d’autre ne confectionne des vraiment des paniers de fantaisie? paniers autour d’ici. Jeanette : Non, c’était ma mère. Je ne Norman : Ils ne veulent rien faire. J’ai faisais que des paniers à linge et des essayé d’enseigner la bijouterie, les paniers de choux, des paniers de couteaux, la fabrication de couteaux. pommes de terre. Je n’en ai pas Jeanette : J’ai enseigné sur l’avenue confectionné tant que ça. Hubbard; j’ai fait des colliers de Norman : Ceux qui s’occupaient des perles et toutes sortes de choses. outils étaient Charlie, Jim Atwin, Alice : Personne n’est intéressé à ce Veronica et son père. Des couteaux et genre de travail aujourd’hui. ce genre de petites choses, pour Jeanette : Les plus jeunes s’y couper les éclisses. intéressaient. Alice : Je ne sais même pas comment Norman : Certaines personnes vous les appelez, mais je les ai vus. Je fabriquent des colliers aujourd’hui, et sais ce qu’ils sont, et vous avez un elles l’ont appris d’elles-mêmes. Elles couteau à lame incurvée, puis vous ont un talent pour ça. avez un couteau à deux manches. Jeanette : Oh, oui! Les plus jeunes Jeanette : Il a fabriqué un couteau à autour d’ici, ils fabriquent des trous- lame incurvée; mais mon fils l’a seaux de clés et toutes sortes de acheté, parce qu’il voulait quelque choses. chose qu’il avait fabriqué. Où est ce Alice : Theresa Sacobie, elle en fabrique couteau que Shirley t’a donné? Celui encore. Je suis allé la voir à quelques que Tom t’a donné? reprises, et elle est toujours en train Norman : En bas. de fabriquer quelque chose avec des Alice : Avez-vous déjà gardé certains perles. des paniers que vous avez Norman : C’est dur pour les yeux. confectionnés? Alice : Et elle s’occupe vraiment des Jeanette : Seulement celui-ci; j’ai acheté détails. ça au marché. Jeanette : Elle fabrique des paniers.

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Personne ne martèle le frêne pour Jeanette : Joey sait s’exprimer. vous. Alice : J’ai essayé de le rejoindre la Alice : Elle avait l’habitude d’en semaine dernière. Je suis allé chez lui. confectionner. Je ne pense pas que Son camion était là, mais il n’y avait personne ne martèle le frêne de nos aucune réponse à la porte. Peut-être jours. est-ce difficile de le rejoindre? Norman : Joe Green a une tige chez lui. Jeanette : Il stationne habituellement sa Je vais confectionner un panier pour voiture derrière la maison. eux cette semaine. Alice : Non, c’était juste devant. Alice : J’aimerais aller parler à Jeanette : Sa femme enseigne à l’école Joey Green. J’ai parlé à Tommy la ici. semaine dernière lorsque je suis allé Alice : Eh bien! Je voudrais parler à voir Charlie. Et Tommy a dit que Joey. grand-père a transmis beaucoup de Alice : Je vous remercie pour choses à Joey. l’entrevue, et peut-être qu’on se Norman : Sa médecine. Joey en avait reparlera plus tard, peut-être! préparé un portfolio, et il avait pris FIN DE L’ENREGISTREMENT note des échantillons. Mais je ne sais pas ce que (pause)

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17. Vivre de la terre

GLORIA NASH GAGETOWN

Je dois dire que, lorsque je suis arrivée, Mildred et Bill – Mildred était encore vivante alors – confectionnaient des paniers, fabriquaient des canots et vivaient de la pêche et du trappage. Ils vivaient de la terre, car ils avaient un jardin. Il était très rare qu’ils se rendent en ville, car ils avaient presque tout. Ils avaient du bétail, élevaient leurs propres animaux. Ils confectionnaient des paniers, et ils recueillaient pas mal d’argent de la confection de leurs paniers.

Planche 17.1 : Bill Nash (photo par Patricia Allen).

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Alice : Pendant combien de temps avez- Alice : La famille Nash n’a pas été vous été mariée à Beaver Nash? reconnue avant 1951? Gloria : Vingt-cinq ans. Gloria : Oui, c’est à peu près ça (pause) Alice : Étiez-vous ici avant de vous Alice : Est-ce qu’ils ont tous obtenu leur marier à Beaver? statut? Gloria : Non. Gloria : Beaucoup d’entre eux ne l’ont Alice : Connaissez-vous la famille pas encore. Beaucoup d’entre eux Nash? continuent de lutter pour faire Gloria : Je connais beaucoup cette reconnaître leur appartenance. L’un famille. des plus vieux que j’ai rencontré, il Alice : Très bien, pouvez-vous nous en aurait été le neveu de Jim Nash. Je parler? l’ai rencontré il y a quelques années, Gloria : Je dois dire que, lorsque je suis George Nash. Il vient du Maine et est arrivée, Mildred et Bill – Mildred venu au Nouveau-Brunswick. était encore vivante alors – Alice : Est-ce que quelques-uns des confectionnaient des paniers, membres de la famille Nash viennent fabriquaient des canots et vivaient de d’Oromocto ou viennent-ils tous de la pêche et du trappage. Ils vivaient St. Mary’s? de la terre, car ils avaient un jardin. Il Gloria : La famille de Jim vient était très rare qu’ils se rendent en d’Oromocto. La famille de Bill vient ville, car ils avaient presque tout. Ils d’Oromocto. Le reste vient de St. avaient du bétail, élevaient leurs Mary’s. C’est toute une famille propres animaux. Ils confectionnaient lorsque vient le temps d’échanger; ils des paniers, et ils recueillaient pas font tout ce qu’ils peuvent pour mal d’argent de la confection de leurs s’entraider. C’est vraiment différent, paniers. vous savez, lorsque l’on parle de Alice : Où vendaient-ils leurs paniers? familles ayant des liens étroits. Gloria : La plupart du temps lorsqu’ils Lorsque les plus vieux étaient encore se rendaient en ville, au marché ou là, il n’en reste pas beaucoup encore ils recevaient des commandes. aujourd’hui, ils étaient plus (pause) Alice : Ont-ils déjà fait des échanges Alice : Combien y a-t-il de membres avec leurs paniers? dans la famille Nash? Gloria : Oh oui! Sa mère avait Gloria : Il y a en beaucoup, je dirais une l’habitude d’en fabriquer. Ils les centaine. échangeaient pour autre chose dont Alice : [s’informant au sujet des chiffres ils avaient besoin. fournis par la bande]. Alice : Comme quoi? Gloria : Ce que j’ai entendu dire, je Gloria : Principalement des légumes, et crois qu’ils les appellent (pause) ce genre de choses, pour continuer de [Le reste de l’enregistrement est de nourrir la famille. De la farine. mauvaise qualité sonore.]

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18. Il y avait des îles ici

MAURICE / RITA PERLEY NEQOTKUK / PREMIÈRE NATION DE TOBIQUE

Il y avait des îles ici, des îles vraiment fertiles avant la construction du barrage. Tout s’est détérioré, la pêche, les crosses de fougère…

Planche 18.1 : Le père de Maurice, Gabe « Mehkow » Perley (assis) et Patrick Paul (debout) Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, AC-10276-26).

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Alice : Maurice, vous avez vécu à qui confectionnaient des paniers? Tobique toute votre vie? [73 ans]. Maurice : Oui. Maurice : Oui! Alice : Pourriez-vous m’en nommer Alice : Qui étaient votre mère et votre quelques-unes? père? Maurice : Il y a avait Noël Bear, Pat Maurice : Gabe Perley et Maria Perley. Meuse. Alice : Étaient-ils également de Alice : Vous rappelez-vous de quelqu’un Tobique? qui fabriquait des canots d’écorce de Maurice : Oui! bouleau? Alice : Confectionnaient-ils des paniers? Maurice : Pas vraiment, je ne connais Maurice : Oh non! personne. Alice : Que faisaient-ils donc pour Alice : Comment avez-vous vécu vos (pause) années de jeunesse? Était-ce une Maurice : Nous avions l’habitude de époque difficile? travailler sur les fermes, ou dans les Maurice : Oui, c’était l’époque de la bois. Dépression, et c’est à ce moment-là Rita : Mais votre mère savait comment que j’ai commencé à faire toutes confectionner des paniers. sortes de travaux. Je devais aider mes Maurice : Ma mère pouvait, mais elle parents. Ce fut une époque difficile, n’était pas intéressée. Travailler sur la car nous étions si nombreux. Nous ferme (pause) étions treize dans la famille, et je suis Alice : Vous pouvez parler la langue l’aîné. malécite si vous voulez. Alice : Tout le monde devait avoir de Maurice : Très bien. Que m’avez-vous grosses familles en ce temps-là? demandé? Non, pas mon père, mais Maurice : Oui, et j’au dû quitter l’école. ma mère en a confectionné beaucoup. Alice : En quelle année étiez-vous Alice : Quel genre de paniers lorsque vous avez quitté l’école? confectionnait-elle? Maurice : En quatrième année. Je Maurice : Surtout des paniers de n’étais pas intéressé par l’école, je pommes de terre, c’était le seul genre préférais travailler. en ce temps-là, je crois. Alice : Dans vos années de jeunesse, y Alice : Donc, votre enfance et votre avait-il beaucoup de maisons ici? adolescence, c’est ici que vous les Maurice : Pas beaucoup, presque pas. avez vécus? Mais après la guerre, ils ont Maurice : Oui. commencé à construire des maisons, Alice : Avez-vous confectionné des pour les anciens combattants. On ne paniers? pouvait pas compter sur l’agent des Maurice : Non, je cherchais du frêne Indiens; il était radin, et il a à peine pour d’autres personnes. aidé les Indiens. Alice : Y avait-il beaucoup de personnes Alice : Vous voulez sans doute parler de

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Whalen? ou la pêche? Maurice : Non, McPhail, Maurice : Moi, non. Norval McPhail. C’était le démon, cet Alice : Est-ce que vous ramassiez des homme. crosses de fougère? Alice : Incroyable! Ils parlent également Maurice : Oui. de Whalen de cette façon, chez moi. Alice : Où alliez-vous pour les cueillir? Maurice : Je n’ai jamais vu cet homme. Maurice : Il y avait des îles ici, des îles Rita : Qui est Whalen? vraiment fertiles avant la construction Alice : C’était également un agent des du barrage. Tout s’est détérioré, la Indiens. pêche, les crosses de fougère. Maurice : Sur le fleuve Saint-Jean? Alice : Comment vous déplaciez-vous à Alice : Sur le fleuve Saint-Jean; cette époque? Est-ce qu’il y avait des supposément que (pause) automobiles? Maurice : Je ne me souviens pas de lui. Maurice : Oui, il y avait quelques auto- Et toi? mobiles, surtout des taxis, si Rita : Non. quelqu’un voulait aller faire des Maurice : J’ai dû quitter l’école à cette achats en ville ou aller à Fort époque. Fairfield. Il n’y avait pas beaucoup Alice : Quel genre de travail d’automobiles. faisiez-vous? Alice : Vous rappelez-vous s’il y a eu Maurice : J’ai travaillé dans les bois, sur des mariages arrangés pour les la ferme, dans la construction, mais Indiens? surtout dans bois. Maurice : Des mariages? Alice : Est-ce que vous faites la chasse Alice : Étaient-ils arrangés?

Planche 18.2 : Camp au détroit de Tobique, avant le barrage (Archives provinciales du Nouveau-Brunswick, P5-248).

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Planche 18.3 : À Tobique, les beaux-parents de Maurice et les parents de Rita, Simon Paul et son épouse Elizabeth; le petit garçon est Alexander « Sandy » Paul, et la petite fille est Rita (Paul) Perley (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 3-41).

Maurice : Oh, oui! Maurice : Non. Rita : Non, c’était la personne qui Alice : Qu’en est-il au sujet de la décidait si elle voulait se marier ou médecine des Indiens, que savez-vous non. à ce sujet? Alice : Vos parents ne vous ont donc Maurice : Non, je ne connais aucune jamais dit que, par exemple, cette médecine indienne, mais il y a dame était pour vous. Comme lorsque longtemps, je me souviens que mon vous seriez plus vieux, vous devriez grand-père parlait de médecine. la marier, rien de tel? Alice : Qui était votre grand-père?

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Planche 18.4 : À Tobique (de gauche à droite) - Maurice Perley, Francis Francis, Bill Laporte et Raymond Nicholas (photo : gracieuseté de Karen Perley).

Maurice : William Laporte, du côté de quelqu’un pour ça? ma mère. Maurice : Nous avions une salle ici Rita : Vous devriez enregistrer Loretta avant qu’ils ne construisent celle-là. [Perley] pour la médecine indienne. La seule célébration était celle de Maurice : Le père de ma mère. Sainte-Anne, la fête de Sainte-Anne. Alice : Vous vous rappelez donc de vos Nous avions des jeux, une sorte de grands-parents? jeux. Un manège et une grande tente Maurice : Seulement celui-là. Je ne me pour un pique-nique. Ils avaient souviens pas de ma grand-mère également du base-ball. C’est la seule maternelle; elle était sans doute morte chose dont je me souvienne. à l’époque. Même chose du côté de Alice : Est-ce que les hommes, à mon père, je ne me souviens pas l’époque, jouaient des instruments de d’eux. musique? Alice : Lorsque votre mère et votre père Maurice : Oui, Pious [Perley], Kunuhsi étaient encore vivants, quelles étaient [Peter Perley]. Le violon et le piano. leurs activités, pour se divertir par Et les fils et les filles de Joe Perley, exemple? ils avaient un genre d’orchestre. Une Maurice : Pas grand chose. Il y avait des batterie, un piano, un violon, des danses, des danses carrées. guitares et un be-be kwad (un cor). Alice : Est-ce que vous alliez chez George Perley avait un genre 297 KCI AKONUTOMAKONAL – Témoignages importants et histoire orale

d’orchestre, et les femmes de au sujet de Tobique et de son Kingsclear, Madeline, qui jouait du développement. Il n’y avait pas piano. Ce sont les seuls dont je me beaucoup de maisons ici à l’époque, souvienne, quand ils avaient une n’est-ce pas? danse. Maurice : Non, pas avant la guerre, Alice : Est-ce que les gens faisaient lorsqu’ils ont commencé à construire. beaucoup de pêche à l’époque? D’abord, des maisons pour les an- Maurice : La pêche était bonne il y a ciens combattants, puis il y a eu une longtemps. vague de construction. Le Alice : Quel genre de poissons? Et de gouvernement. Même ici, il n’y avait quelle façon se faisait la pêche? que quelques maisons, et aujourd’hui Maurice : Le saumon, ils utilisaient des il y en a tellement. cannes à pêche il y a longtemps, mais Alice : Est-ce que les gens ont encore la ils utilisent des filets maintenant. Tout vie dure aujourd’hui? ça, c’était à l’époque de la Maurice : Je dois dire que c’est Dépression. beaucoup mieux maintenant Alice : Donc vous-même, en lorsqu’ils travaillent. Mais lorsqu’ils vieillissant, vous vous êtes marié. reçoivent de l’aide sociale, ils ont Pendant combien de temps avez-vous juste assez d’argent pour payer leur été marié? épicerie, je crois bien. Maurice : Quarante-sept ans. Alice : Et l’aide sociale ne donne pas Alice : Combien d’enfants? beaucoup d’argent aujourd’hui non Maurice : Quinze. plus, n’est-ce pas? Alice : Est-ce que ce fut une époque Maurice : Je dois dire qu’aujourd’hui la difficile? plupart vont à l’école, les jeunes. Maurice : Nous avons réussi à survivre. Alice : Que savez-vous des « petites Nous n’étions pas riches, mais nous personnes »? avons survécu. Un peu d’argent Maurice : Rien. Seulement ce que j’ai gagné au travail, un peu d’aide entendu dire. sociale; à cette époque on ne recevait Alice : Beaucoup de gens en parlent, pas beaucoup. Lorsque vous vouliez n’est-ce pas? Et certains les voient? de l’aide sociale, il fallait en faire la Maurice : Il y a longtemps, mais ce doit demande à cet homme, être il y a très longtemps, mais je ne Norval McPhail. Ce fut vraiment une les ai jamais vues. période difficile, mais nous avons Alice : Y a-t-il des légendes ici ou des survécu, en travaillant. marques qui ont été laissées? Alice : Est-ce que votre famille vous a Maurice : Je ne crois pas. également aidé? Alice : Je crois que nous allons terminer Maurice : Lorsqu’ils sont devenus plus ici. Merci, Maurice! grands, oui. FIN DE L’ENREGISTREMENT Alice : J’aimerais en savoir davantage 298 Wolastoqiyik Ajemseg, Vol. 1

19. Plein de monde

CHARLES POLCHIES PREMIÈRE NATION DE WOODSTOCK

Je vous le dis, il y avait plein de monde. Parfois, en arrivant dans un ruisseau, il y avait déjà trois autres canots. Il y avait beaucoup de crosses de fougère pour tout le monde. On en ramassait deux ou trois sacs, parfois jusqu’à quatre sacs. On les apportait au marché. Moi et Dick et votre père, on restait là ou parfois il venait nous rejoindre. Quelqu’un restait toujours pour la cueillette, et deux du groupe allaient les vendre au marché. On achetait des provisions. On aimait la mélasse et on avait l’habitude de se faire des provisions de mélasse et de retourner aux îles.

Alice : Charles, êtes-vous né et avez- était également Peter Polchies. Il était vous vécu votre jeunesse ici à de Woodstock, pour autant que je Woodstock? sache. En ce temps-là, les gens Charles : Oui. n’accordaient pas beaucoup Alice : Qui était votre père? d’importance à l’endroit d’où ils Charles : Peter Noel Polchies. venaient ou à l’endroit où ils Alice : Et votre mère? restaient, vous comprenez ce que je Charles : Agnus Deveau. veux dire. Notre principal objectif Alice : D’où venait-elle? était uniquement la survie, de profiter Charles : Elle avait été adoptée, des au mieux de ce que nous avions. gens de passage avec un cheval et un Nous ne nous sommes jamais chariot. Vous comprenez ce que je inquiétés de l’endroit d’où nous veux dire? L’enfant était sans doute venions, de qui était notre père, qui née un peu plus haut sur la route. Et était notre cousin ou toute autre une fois rendus à la réserve, ils ont question semblable. cru qu’elle était trop jeune pour Alice : Combien y avait-il de familles à continuer le voyage. Alors une dame l’époque de votre jeunesse? l’a adoptée, comme sa fille. Charles : Environ quinze familles. Alice : Savez-vous qui l’a élevée? Qui Alice : Combien de familles ici était le père de votre père? aujourd’hui? Charles : Le père de mon père, son nom Charles : Nous avons environ trente-

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deux familles ici. barrage de Mactaquac. Vous voyez, le Alice : En quelle année est-ce que vous remous a inondé notre réserve, et viviez un peu plus loin en bas de la c’est pourquoi ils ont acheté ce colline? Pendant combien de temps la nouvel endroit ici. Ils l’ont acheté de réserve a-t-elle été située là avant que Wetmores et (pause) vous déménagiez ici? Alice : Pourriez-vous me parler de votre Charles : Je n’ai pas un bon souvenir père et de ce qu’il faisait? des dates. Ils étaient encore là après la Charles : Mon père, comme je l’ai dit, guerre. Ils étaient encore là, je pense, nous avions l’habitude de ramasser en 1945; ce doit être après 1945. Je des pommes de terre, et il fabriquait ne sais pas en quelle année, mais c’est des manches de hache et d’autres après 1945 qu’ils ont déménagé ici. choses du genre. C’est l’année où ils les ont fait Alice : Est-ce qu’il confectionnait des déménager ici qu’ils ont construit le paniers?

Planche 19.1 : La famille de Peter Polchies de Woodstock. En avant à partir de la gauche : Charles Polchies, Oliver Polchies; assis : Anne Polchies, Peter Polchies, Agnes (sa femme), Nancy Polchies; debout : Leo, Patrick, George, Frank Polchies. Les enfants absents de la photo sont Mike et sa sœur Mary Jo, qui a probablement pris la photo, vers 1940 (Archives de l’Université du Nouveau- Brunswick, AC-10276-14).

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Charles : Non, il n’a pas confectionné Cependant, il y avait du travail pour beaucoup de paniers. Il fabriquait ceux qui voulaient travailler. Du plutôt des manches de hache. Et nous travail comme bûcheron dans la forêt. avions quelques confectionneurs de À cette époque, il n’y avait pas paniers autour d’ici. d’essence ni autre commodités du Alice : Qui était-ce? Vous souvenez- genre. Il y avait peut-être des vous de ces personnes? cuisinières électriques, je ne sais pas, Charles : Gabriel Polchies, il avait mais tout le monde utilisait le bois. l’habitude de confectionner quelques On coupait des bûches de seize paniers. Mon frère était un pouces pour le poêle, et des bûches de commerçant, et il achetait tous les deux pieds pour la fournaise. Et les paniers de ceux qui en personnes qui ne pouvaient se confectionnaient sur la réserve. permettre les bûches de deux pieds ou Alice : De quel frère parlez-vous? de seize pouces avaient l’habitude de Charles : Oliver, il avait l’habitude de les couper à une longueur de quatre tout acheter. Tout ce que faisaient les pieds. Elles cordaient le bois et elles Indiens, il l’achetait et il le revendait. devaient les scier en fonction du Les affaires étaient bonnes à fourneau. Et c’est à peu près ce qu’il l’automne, car il avait toujours y avait comme travail. Et au beaucoup de paniers de pomme de printemps (pause) à l’automne, nous terre, vous savez, en réserve. Et il ramassions des pommes de terre. Tout n’avait aucune difficulté à les vendre. le monde avait hâte à l’automne. Alice : Combien de frères et de sœurs Lorsqu’ils obtenaient leur premier aviez-vous? chèque de paye, ils achetaient une Charles : J’en avais quinze, dix frères et veste ou un vêtement quelconque cinq soeurs. pour l’hiver. Et des chemises Alice : Combien en restent-ils encore chaudes, des sous-vêtements, vous aujourd’hui? savez, pour se préparer. Car les hivers Charles : Il n’en reste que trois étaient durs. Nous n’avions pas de aujourd’hui. Mon frère aîné fournaises dans nos maisons, mais Patrick Polchies, le suivant, seulement des poêles, et on les faisait Oliver Polchies, et moi, bien sûr, le chauffer continuellement. Mais il ne cadet de la famille. Je suis âgé de semble pas que nous ayons eu soixante-quatorze ans. Les autres sont tellement de maladie. Je crois qu’on tous partis. devient immunisé au froid. On n’avait Alice : Donc, lorsque vous avez grandi pas souvent la grippe. Quand tu vis dans l’ancienne partie de la réserve. dans une maison chaude, et que le À cette époque, comment était la vie? lendemain tu sors dehors, deux jours Charles : La vie était très simple; il n’y plus tard tu attrapes la pneumonie ou avait pas beaucoup d’activités. quelque chose d’autre. La maladie

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n’était pas très répandue. Je pense soir-là. Je crois qu’ils avaient un peu que c’était peut-être un avantage, bu et qu’ils avaient tous envie d’un mais la vie en général était assez peu d’action. Tout le monde était bien ennuyante. Ils jouaient un peu aux d’accord pour une partie, et ils ont cartes ici ou là. Ils avaient beaucoup commencé à jouer aux cartes. Un des de tirages. Certaines personnes Anciens leur a dit : On ne devrait pas préparaient de la soupe indienne, du jouer aux cartes, il y a le tonnerre et maïs indien. Et le dimanche, ils les éclairs, il faudrait arrêter. Et l’un organisaient un tirage, et tout le des membres du groupe de répondre : monde se rassemblait. Même si le diable passait à travers Alice : Ce genre d’activité devait avoir cette porte, je lui dirais « Viens jouer lieu sur toutes les réserves? aux cartes avec nous ». Au bout d’un Charles : C’était le style de vie à certain temps, soudain, Dieu tout l’époque. puissant!, quelqu’un frappa à la porte Alice : Je me rappelle que ma mère du vieux camp. Tout le monde se disait que mon père partait pour regarda. Entrez! cria l’un du groupe. couper du bois. Et il en coupait Et un homme entra vêtu comme un… suffisamment pour le vendre, ce qui il était inhabituel dans le fond des lui permettait de participer au tirage bois que tout à coup quelqu’un se le dimanche pour le maïs ou autre présente tout bien vêtu, avec un haut chose du genre. Pourriez-vous me de forme. Il demanda : « Puis-je me parler de votre père? joindre à vous? » Sûrement, assoyez- Charles : Mon père était un grand vous ici, votre argent est tout aussi conteur. Il avait l’habitude – il avait le bon que le nôtre. Ainsi ils s’assirent, don de nous raconter ce qui se passait la partie se poursuivit et elle dura dans les camps de bûcherons. pendant un certain temps. L’un des Lorsqu’il était jeune, il a dû y joueurs, qui brassait les cartes, en travailler. Il a dû fabriquer autre échappa une sous la table. Alors, il se chose que des manches de hache. Il pencha pour ramasser la carte sur le avait l’habitude de me parler de plancher, lorsqu’il vit que cet homme, l’époque où il travaillait dans les bois, cet homme sophistiqué, l’un de ses à trente-cinq milles dans les bois. Il y pieds était un sabot de cheval. A cette passait presque tout l’hiver, jusqu’au vue, il fut terrassé par la peur. Il printemps. Ils coupaient du bois, en tomba sur le dos, inconscient. Peu billes. Je crois qu’il avait du talent après, l’homme en question avait pour raconter des histoires de disparu et tout le monde se regarda. fantômes. Par exemple, il me raconta Vous savez comment les cheveux qu’une fois, vers le printemps, ils ont peuvent vous dresser sur la tête? eu un gros orage électrique, mais C’était épeurant, et je pense que je qu’ils voulaient jouer au poker ce serais encore là sous la table si c’est à

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moi que l’histoire était arrivée. petites querelles. Car il n’y avait pas Alice : Rien de tel vous est-il jamais beaucoup à manger, une tranche de arrivé? pain, un talon de pain était très – s’il Charles : Non, de petites choses. Mais je y avait une tranche de pain et que crois avoir vécu bien des expériences quatre personnes la voulaient, on où – comme la fois où j’étais au pouvait s’attendre à une certaine Connecticut au moment du décès de commotion. l’un de mes frères. Je savais que je Ma sœur Mary Jane est morte il y a n’étais pas la personne la plus brave quelque temps. Elle vivait à Grand sur terre, surtout à la suite de toutes Bay. Et elle savait que son frère était les histoires de fantômes que mon une poule mouillée et que nous étions père m’avait racontées. J’avais peur ici à Woodstock, et elle au sud à de monter me coucher, il m’avait Saint-Jean. Elle était à l’hôpital, et je rendu tellement peureux. Mais je lui ai rendu visite à de nombreuses crois savoir que mon petit frère avait reprises. toujours été une poule mouillée ou Et le moment exact où elle est morte, quelque chose du genre, et je suppose j’étais couché dans l’autre chambre. qu’il voulait me laisser savoir qu’il se J’ai dû m’endormir en regardant la mourait. Je me suis levé pour aller à télévision. Mes mains étaient devant la toilette. Lorsque je suis revenu, moi, et tout à coup, au moment même j’étais à côté de mon lit, le bout des où elle est morte, quelqu’un est entré pieds sous le lit. Vous savez, lorsque et a touché le bout de mon doigt. Et vous vous tenez près du lit pour j’ai sursauté. J’ai dit à Rita, je suis replacer les couvertures. Quelqu’un certain que Mary Jane est morte. Je m’a touché les orteils, du bout des suis entré, et elle était couchée dans doigts. Au même moment, la cette chambre. En entrant, j’ai dit que première personne à qui j’ai pensé est j’avais eu la plus étrange expérience. mon frère qui était malade. Et quinze Le téléphone a sonné et on m’a dit ou vingt minutes plus tard, le que ma sœur était morte cinq minutes téléphone sonnait pour m’apprendre plus tôt. Cela vous fait réfléchir; mais que mon frère venait juste de mourir. en dehors de ça je n’ai jamais (pause) J’ai vécu le même genre d’expérience Alice : Parlez-moi de vos voyages à la mort de ma sœur, Mary Jane. lorsque vous étiez plus jeune et que Alice : Étiez-vous tous très liés? vous visitiez les différentes réserves. Charles : J’étais étroitement lié à Que faisiez-vous là? Mary Jane. Cela date d’il y a très Charles : Oromocto? Qui sait, peut-être longtemps. J’ai été parti pendant qu’un jeune homme est à la recherche environ cinquante ans. Dans notre de – de quoi un jeune homme est-il à jeunesse, nous étions très liés, ce qui la recherche? Difficile à dire, ce ne nous empêchaient pas d’avoir nos pourrait être plusieurs choses, peut-

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être qu’un gars est à la recherche fougère ensemble, au sud de la d’une femme. réserve. Alice : Avez-vous travaillé à cet Alice : À quel endroit est-ce que vous endroit? ramassiez des crosses de fougère? Charles : Non, je ne pense pas que trop Charles : À l’île Savage, à l’île Hartt et de gens travaillaient. Je suis resté là à deux ou trois autres îles dans la avec ces gens, et lorsqu’il y avait du région. travail à faire, j’apportais mon aide. Alice : Est-ce que c’était l’île Bear, l’île Je payais une pension. Tout comme à Sheep? cet endroit, j’avais l’habitude de Charles : Nous nous sommes rendus à l’aider, Simon Paul. Peu importe ce toutes ces îles de toute façon. Je me qu’il faisait, retirer ses filets ou les souviens que j’étais avec (pause). réparer, je réussissais toujours à Mais vous savez, le plupart des gens l’aider d’une certaine façon. Je suis se retrouvent sur l’île Savage. Je ne resté là et, à chaque repas, je me sais pas pourquoi, s’il y a plus de joignais à eux. C’étaient de bonnes ruisseaux là-bas ou quelque chose. personnes; ils avaient deux garçons. Alice : Probablement la plus grosse île Je ne me souviens pas de leurs noms. dans la région de toute façon? Alice : Vous devez vous souvenir Charles : Je vous le dis, il y avait plein d’Annabelle, de Levi Sabattis et de de monde. Parfois, en arrivant dans toutes ces personnes? un ruisseau, il y avait déjà trois autres Charles : Je me rappelle toutes ces canots. Il y avait beaucoup de crosses personnes. John Coon. de fougère pour tout le monde. On en Alice : Il vient tout juste de mourir ici ramassait deux ou trois sacs, parfois récemment. Ç’aurait été une bonne jusqu’à quatre sacs. On les apportait personne à qui parler. J’ai entendu au marché. Moi et Dick et votre père, dire qu’il connaissait beaucoup de on restait là ou parfois il venait nous choses. rejoindre. Quelqu’un restait toujours Charles : Il a marié une fille, dont j’ai pour la cueillette, et deux du groupe oublié le nom. Je pense que c’était allaient les vendre au marché. On Stella Paul. Je les connaissais. achetait des provisions. On aimait la Alice : Et St. Mary’s, qu’avez-vous fait mélasse et on avait l’habitude de se là-bas? Avec qui vous teniez-vous? faire des provisions de mélasse et de Charles : Je me tenais avec votre père, retourner aux îles. et la plupart du temps nous étions Alice : La plupart des gens que tous les trois ensemble. j’interroge mentionnent toujours la Alice : C’était sans doute mon père et bière d’abeille. mon oncle Dick. Charles : C’était bon, et c’était moins Charles : Oui Dick et Dokie. Nous cher que le reste. Une fois de temps avons fait la cueillette de crosses de en temps, vous pouviez aller acheter

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un demi-gallon de vin. Mais c’était Ronnie Paul de St. Mary’s? un bon produit. Vous savez, pour Charles : J’ai entendu le nom, mais je ne beaucoup de gens, c’était un excellent me rappelle pas cette personne. produit. Je crois que c’est meilleur Alice : Il s’occupe de castors et de rats que la bière. C’était supposé être musqués. Il est taxidermiste. Amuwesey (bière d’abeille). C’était Charles : La personne que je connaissais excellent! le plus à Kingsclear, je veux dire Alice : À l’île Savage, y avait-il St. Mary’s, est Dickie Polchies. Lui et beaucoup de gens de St. Mary’s, moi sommes allés dans l’armée uniquement de St. Mary’s? ensemble. Charles : Non, ils étaient tous ou Alice : Êtes-vous parent avec lui? presque tous de Kingsclear. C’était Charles : Je pense qu’on était sans doute plus facile pour les gens de sixième cousin ou quelque chose Kingsclear. Il y avait très peu de gens comme ça, des cousins éloignés. de Woodstock. Alice : Et avez-vous de la parenté à St. Alice : Et de Tobique? Mary’s? Charles : Non, pas de Tobique. Ils se Charles : Non. rendaient probablement à leur propre Alice : Oromocto? endroit, sans doute en direction de Charles : Je ne crois pas. Restigouche. Mais de Kingsclear, ils Alice : Kingsclear? sautaient dans leur canot et en très Charles : Je ne pense pas. Il y a peu de temps ils arrivaient dans l’une Dickie Polchies qui est mon sixième des îles. Tout le monde avait un cousin, c’est ce qu’ils avaient endroit où s’établir. Quelques-uns l’habitude de dire. avaient des tentes, d’autres des abris Alice : Je pense que Dickie est votre de fortune. Quelques-uns restaient Ancien le plus âgé. Ou plutôt non, je dans les petites maisons qui étaient pense que c’est Elsie Paul, Josephine, sur l’île. Je ne sais pas à quoi elles Dickie. servaient mais (pause) Charles : C’est la première dame que Alice : Y avait-il des maisons sur l’île? j’ai connue, Elsie Paul. Lorsque je Charles : Plutôt comme de petites suis arrivé à Fredericton, nous granges. Vous savez, le genre sommes allés dans la salle de la d’endroit où les gens laissent leur bande, près de la voie de chemin de bétail. Il y avait peut-être un peu fer. Je pense qu’elle travaillait là. Elle d’espace pour l’entreposage – et les m’a reconnu dès que je suis entré. gens restaient là. Comme ils n’étaient Alice : Incroyable! Les réserves ont jamais là à l’époque de la cueillette tellement changé. des crosses de fougère, certaines Charles : Oui, tout comme ici. Les gens personnes les arrangeaient et (pause) ne se mêlent plus les uns aux autres, Alice : Vous rappelez-vous de ils sont jaloux les uns des autres.

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Avant, tout le monde était égal. médecin m’a dit : Pourquoi n’arrêtes- Alice : Oh! tu pas de fumer? J’avais l’habitude Charles : Il ne vous mordra pas, un si d’en fumer quelques paquets par jour. petit moustique. Vous pensiez que Je lui ai répondu que j’avais c’était un « démon Injun » qui venait l’intention de vivre un peu plus de sauter sur vous? C’est seulement longtemps et que j’allais essayer. En un moustique! deux semaines, j’ai arrêté, juste Alice : Je trouve qu’il y a beaucoup de comme ça. Ce n’est pas tout le monde différences. Lorsque j’étais petite, ma qui peut y arriver. mère et mon père nous amenaient à Alice : Quel âge aviez-vous lorsque l’île Savage presque tout l’été et à vous êtes parti d’ici? Lorsque vous chaque printemps. On y restait avez quitté Woodstock pour aller au presque jusqu’à la fin de l’été parfois. Connecticut ou à quelque autre C’était agréable de ramasser des endroit? crosses de fougère, car tout le monde Charles : Je suis maintenant âgé de était là. Aujourd’hui, on ne voit pas soixante-quatorze ans, et je dois être ce genre de chose. Mes frères resté là-bas pendant une cinquantaine cueillent encore des crosses de d’années. J’étais un jeune homme fougère. Frankie, Willie, Shack, lorsque je suis parti d’ici, dans mes Barnie, Richard [Brooks]; ils font jeunes années. J’ai trouvé un emploi tous la cueillette des crosses de là-bas. Pendant tout le temps où je fougère et ils y vont chaque année. suis resté là-bas, je crois que j’ai eu Charles : Vous devez avoir une grosse deux emplois. J’ai conduit un camion famille également? et, au cours des dernières années, Alice : Bien sûr, nous étions treize. lorsque je ne pouvais plus conduire Charles : Vous n’êtes pas la treizième de camion, j’ai travaillé pour une n’est-ce pas? autre entreprise. Je travaillais pour Alice : Non, je suis la cinquième. Les Borden Dairy, où je m’occupais d’une deux seules qui manquent dans ma machine d’embouteillage. famille sont mon père et mon oncle. Alice : Combien d’enfants vous et votre Ma mère est encore vivante. épouse avez-vous eus? Charles : Est-ce que votre père est mort Charles : Nous avons eu cinq filles, d’une crise cardiaque? mais aucun garçon. Toutes mes filles Alice : Il est mort d’une insuffisance sont au Connecticut, et elles viennent cardiaque. Il devait arrêter de fumer, chaque année. mais il a toujours continué. Alice : Viennent-elles souvent? Charles : C’est difficile d’abandonner Charles : Elles viennent tous les ans. comme ça. J’ai moi-même dû arrêter Nous nous rendons là-bas chaque de fumer lorsque j’ai eu ma crise année également. Mais avec l’âge – cardiaque dans les années 1980. Le on avait l’habitude de faire le trajet en

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dix à douze heures – aujourd’hui il photo a paru dans le journal. Elles ont nous faut deux jours pour nous rendre fait les manchettes : « Des jumelles là. Nous avons un groupe de jumelles, avec un problème ». Elles étaient nées en 1956. Et à leur naissance, leur jumelles, mais nées deux jours

Planche 19.2 : Gabe Solomon, Frank Francis (l’homme avec l’aviron); le Dr Peter Polchies, Sarah Solomon, Jack Solomon (assis); Kingsclear, le jour de la Fête-Dieu, vers 1887 (Archives provinciales du Nouveau-Brunswick, P5-259)

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différents. Une était née avant minuit, exemple, il plaçait une aiguille sur et l’autre six minutes après minuit. son bras et fermait le bras comme ça Alice : Elles n’ont donc jamais été et l’aiguille (pause)… et ils disent élevées ici? qu’il travaillait dans un cirque. Il était Charles : Non, aucune d’elles. Mais tireur d’élite et pouvait marcher sur j’oublie Sheila, qui est née ici. une corde raide. Et il pouvait tirer Alice : Avez-vous déjà entendu parler de avec une carabine au-dessus de sa tête Jemseg? en utilisant des miroirs et atteindre Charles : Oui, j’en ai entendu parler. une pomme sur la tête de quelqu’un Alice : Y êtes-vous déjà allé? d’autre. Charles : Je suis passé par là. C’est Alice : Était-il d’ici? également un bon endroit pour les Charles : Il vivait ici, il a vécu ici pen- crosses de fougère, et beaucoup de dant longtemps. Vous voyez, si vous gens y vont pour pêcher. Mais c’est parlez des gens qui habitaient ici à tout ce que j’en sais. Et tout l’époque – comme si vous récemment, lorsqu’ils parlent d’un interviewez « quel est son nom? » lieu de sépulture à cet endroit; mais près d’ici, elle se rappelle sans doute autrement, je n’en ai jamais entendu de lui. Mais ce sont d’autres parler. personnes qui m’ont parlé de ce qu’il Alice : Avez-vous déjà entendu parler de faisait. Comme me disait mon père… l’ocre rouge? il savait tirer. N’importe qui capable Charles : Non, la première fois, ce fut en de marcher sur une corde raide et de lisant les journaux. tirer en mettant une carabine sur sa Alice : Que savez-vous de la peau tête pour atteindre une pomme sur la d’orignal? tête de quelqu’un d’autre devait être Charles : La seule chose que j’en sais, bon. Dans mon cas, je ferais sauter la c’est qu’elle vient d’un orignal. Il y a tête de l’autre personne. des personnes, de temps en temps – il Alice : Je ne crois pas qu’il nous reste y avait un type ici il y a de beaucoup de ruban pour enregistrer, nombreuses années - qui avait et je vais donc terminer ici. Merci de l’habitude de teindre ce genre de m’avoir permis de vous interviewer. peaux. Un type du nom de Je vais transcrire cet enregistrement Dr Peter Polchies, c’est le nom qu’ils et vous en fournir une copie. lui donnaient. Ce Peter Polchies était FIN DE L’ENREGISTREMENT ce genre d’individu qui se produisait dans un cirque. Je ne sais pas s’il avait des liens avec mon père ou non, mais il faisait toutes sortes de choses. Je ne l’ai jamais vu faire rien de tel, mais tout le monde en parlait. Par

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20. Skicinuwey – Appartenance à un Indien

MAURICE SACOBIE NEQOTKUK PREMIÈRE NATION DE TOBIQUE

Mais sur une île, l’île Gilbert, qui est située de ce côté-ci de la crique Lotus. On l’appelle Skicinuwey (appartenance à un Indien). Mais de toute façon, c’est l’endroit dont mon père avait l’habitude de dire que c’est une île magnifique. Peut-être d’ici jusqu’au sommet de la colline, tout est vert. Des raisins verts sur une longue distance, peut-être aussi large que jusque de l’autre côté de ces maisons. Vraiment magnifique.

Alice : Vous veniez d’Oromocto, nous, on n’entendait pas parler n’est-ce pas? Vous étiez originaire beaucoup de Jemseg à cette époque. d’Oromocto, mais vous avez vécu à Mon père avait l’habitude de nous St. Mary’s pendant longtemps. parler des Indiens qui vivaient sur la Faisons un retour à Oromocto, et réserve. Leur genre de travail, surtout dites-moi comment c’était il y a très leur travail pendant l’été. longtemps. Alice : Que faisaient-ils? Maurice : J’ai vécu à cet endroit, à vingt Maurice : Ils travaillaient, ou vingt-cinq milles d’Oromocto, à la confectionnaient des paniers, campagne. travaillaient sur la ferme, faisaient du Alice : Que savez-vous au sujet de commerce. Ils confectionnaient des Jemseg? paniers pour faire des échanges. Maurice : J’y ai beaucoup voyagé quand Alice : Ils les échangeaient pour quoi? j’étais jeune. Avec mon père, pour Maurice : Des légumes, de la viande, ce cueillir des crosses de fougère, et on que les agriculteurs avaient à leur se promenait en canot dans la région. offrir. Je me souviens que mon père À cette époque, il y avait beaucoup faisait ça. d’Indiens sur les îles. Ils venaient de Alice : Fabriquaient-ils des manches de différentes réserves, Kingsclear, hache également? Tobique, Woodstock, St. Mary’s, ils Maurice : À cette époque, oui; c’était ce venaient faire du camping. Mais qui m’excitait le plus à cette époque,

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Planche 20.1 : L’île Gilbert, faisant face au sud-est à partir de Sheffield, vue de l’extrémité ouest (photo de Karen Perley)

pendant ma jeunesse, lorsque j’étais Maurice : Eh bien! Dans cette région, ils âgé de six, sept, huit ans. Chaque avaient l’habitude de commencer vers année, j’avais hâte que le printemps Gagetown, en faisant du camping. Ils arrive. Les Indiens venaient ici tous faisaient des allées et retour, en canot, les printemps, au moment de la et ils vivaient le long du fleuve. Ils cueillette des crosses de fougère. Des fabriquaient diverses choses, qu’ils gens sur l’île, là où nous vivions, le échangeaient avec les gens. long du fleuve. Environ cinq ou six Alice : Êtes-vous allé à un autre site? tentes, et peut-être à quelques milles Brown’s Flat? plus loin sur la route, deux ou trois. Maurice : Brown’s Flat; non jamais Les gens d’Oromocto, peut-être vraiment (pause) ailleurs, les gens de Tobique, de Alice : L’île Indian? l’autre côté, Pilickewiyik [gens de Maurice : Non. Pilick / Kingsclear], toutes ces Alice : Ste Croix. anciennes personnes, la plupart sont Maurice : Ste Croix, j’y suis allé, mais maintenant décédées. je ne connais pas tellement cette Alice : Mais ce n’est pas le seul endroit région. Tout ce que je sais, c’est que où ils allaient? les Indiens avaient l’habitude de faire

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Planche 20.2 : L’île Gilbert, faisant face au sud à partir de McGowans Coroner, vue de l’extrémité est (photo de Karen Perley)

le trajet en canot, d’ici jusqu’à Alice : Je pense que j’ai été effrayée un Eastport. Ils passaient souvent par Ste soir sur l’île Savage. Croix à cette époque. Vingt, quinze, Maurice : Je ne l’ai jamais été nulle un si grand nombre d’Indiens. J’avais part. Même dans la vieille maison hâte qu’arrive le soir, d’entendre leurs après la mort de mes parents. Je m’y nombreuses conversations au sujet du rendais tous les deux mois, tout seul. passé. Miltaqot (toutes des histoires Elle était hantée, mais mon père avait différentes). J’aurais dû mieux l’habitude de dire que les endroits où écouter, car je me serais mieux vivaient les Indiens, il y a de souvenu. Mais chacun avait une nombreuses années, étaient hantés. Il version différente de ce qui s’était y a des lieux de camping où ils disent passé. Notre peuple, tout le reste – qu’ils sont hantés. Mais je crois que comment il y a des endroits hantés le c’était leurs croyances ou leur imagi- long du fleuve Saint-Jean, certains nation. Mais sur une île, l’île Gilbert, points. J’ai fait un peu de camping à qui est située de ce côté-ci de la ces endroits à quelques reprises, crique Lotus. On l’appelle pendant que j’élevais mes fils, mais je Skicinuwey (appartenance à un n’ai jamais rien entendu. Indien). Mais de toute façon, c’est

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l’endroit dont mon père avait avaient fabriqué, des paniers ou des l’habitude de dire que c’est une île manches de hache. Ils fabriquaient magnifique. Peut-être d’ici jusqu’au tous des paniers. Puis, je faisais le sommet de la colline, tout est vert. tour et je volais un peu de bière Des raisins verts sur une longue d’abeille; et comme j’étais jeune, distance, peut-être aussi large que j’aimais la mousse sur le dessus. jusque de l’autre côté de ces maisons. Alice : Nous parlions de ce sujet ce Vraiment magnifique. matin, moi et Ronnie, au sujet de la Mon père disait qu’il y avait quelque bière d’abeille. chose à cet endroit. Tous les ans, il y Maurice : Phite (mousse). Nous avions avait une dépression dans le sol et il rarement des boissons gazeuses. voulait creuser là, mais il ne l’a Peut-être une fois par mois, ma mère jamais fait. Finalement, il est mort. Il allait en ville et elle rapportait une avait l’habitude d’y aller au bouteille de boisson gazeuse ou autre printemps. Il entendait des voix, de chose. Au printemps, j’avais quelque petites voix, des nains ou de « petites chose de spécial peut-être deux fois personnes ». Quelque chose, mais il par semaine. On se rendait en canot les entendait. jusqu’au magasin; je surveillais les Alice : Est-ce vrai, au sujet des « petites Indiens. Je demandais à mon père personnes »? d’aller à tel endroit. Il disait non. Il Maurice : Oui, c’est ce qu’il disait. Il était trop pressé. Mais on finissait par m’en a parlé souvent. entrer, pour parler pendant quelque Alice : J’ai entendu dire la même chose temps, prendre une tasse de thé. à Eastport. Mais j’étais fasciné par leur façon de Maurice : Il me disait, pendant que je le confectionner des paniers et leur suivais, que je ne verrais personne. Il façon de vivre, leur apparence. disait qu’une fois il y avait un gros Certaines personnes âgées, pas arbre à cet endroit. Il avait vu comme nous ou habillées comme quelqu’un caché derrière l’arbre, à nous, des choses comme (pause) deux ou trois reprises. Mais ils sont Alice : Où faisaient-ils le commerce de trop vite, car ils ont disparu dans un leurs paniers? éclair. Maurice : Avec les Blancs, les Alice : Est-ce vrai qu’ils s’occupaient agriculteurs. des Indiens? Alice : N’importe où? Maurice : C’est ce qu’on dit, qu’ils nous Maurice : Oui, ils se promenaient en guident, qu’ils nous surveillent. Je ne canot sur le fleuve ou campaient sais pas ce que c’est. Il y a tellement peut-être en aval. Ils connaissaient les d’histoires différentes. C’est ce que Blancs. Ils fabriquaient quelques j’aimais; tous les printemps, paniers, se rendaient là et changeaient j’attendais leur arrivée. Et ce qu’ils peut-être un quart de boisseau de

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pommes de terre, des fèves ou de l’essence et des bateaux. Je me souviens d’un bateau; j’étais tout jeune lorsque j’ai vu flotter des bateaux. Ils se rendaient jusqu’à Westfield, et de là, ils remontaient jusqu’ici. Les Indiens montaient à bord. Ils se rendaient jusqu’à Westfield, travaillaient dans les bois. Ils arrêtaient à tous les gros quais, ces bateaux. Les Indiens s’y rendaient avec des paniers, car quelqu’un les achetait (pause) [Arrêt soudain de l’enregistrement].

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21. Cet homme

ROYDEN SABATTIS PILICK/PREMIÈRE NATION DE KINGSCLEAR

C’était cet agent du nom d’Edward Whalen, et il vivait juste ici sur la terre des Indiens. Il avait une grosse maison là-bas, pas loin d’ici. Là où nous vivons aujourd’hui, il y avait un ancien chemin, en face de notre maison. L’agent vivait à proximité. Il dirigeait tout, et il possédait tout également. Il avait du bétail, des chevaux, des porcs, des vaches et des poules. Il devait distribuer ces biens aux Indiens, mais il s’en gardait bien et c’est cet homme qui affamait les Indiens ici à Pilick…

Alice : Êtes-vous originaire de une grosse ferme en bas de la colline Kingsclear? avec beaucoup de vaches et de Royden : Non, je suis originaire poules. Il devait y avoir cinq cents d’Oromocto. têtes de bétail, de même que cinq Alice : Pourriez-vous me parler un peu cents chèvres. Et chaque famille de la période où vous avez vécu là? devait recevoir cinq cents poules, Royden : Eh bien! Lorsque nous avons mais il n’y avait aucune poule à cet quitté cet endroit, j’étais très jeune. Il endroit. y a combien d’années que nous Alice : Qui sont votre mère et votre sommes déménagés d’Oromocto? père? Nous sommes déménagés il y a Royden : Ils appelaient mon père quarante-sept ans. Les hommes du Ceclawew, John Sabattis, et ma mère gouvernement venant d’Ottawa ont Nastas, Daisy Sacobie. C’était cet menti aux Indiens. Ce qu’on leur agent du nom d’Edward Whalen, et il avait dit ne s’est jamais produit, au vivait juste ici sur la terre des Indiens. moment de leur déménagement à Il avait une grosse maison là-bas, pas Pilick [Kingsclear]. Premièrement, ils loin d’ici. Là où nous vivons avaient dit aux Indiens que lorsqu’ils aujourd’hui, il y avait un ancien déménageraient à Pilick, les maisons chemin, en face de notre maison. seraient prêtes. Qu’elles seraient L’agent vivait à proximité. Il dirigeait complètement finies et qu’il y aurait tout, et il possédait tout également. Il

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avait du bétail, des chevaux, des ailleurs, je n’aurais pas pu manger. porcs, des vaches et des poules. Il On crevait de faim. À cette époque, devait distribuer ces biens aux les Indiens n’avaient pas Indiens, mais il s’en gardait bien et suffisamment d’éducation pour se c’est cet homme qui affamait les débattre contre l’agent. C’est Indiens ici à Pilick… après que lui- pourquoi ils ne recevaient pas de même et les hommes du bien-être social, car à l’époque cet gouvernement aient menti aux argent était disponible pour les Indiens pour qu’ils viennent s’établir Indiens, mais cet agent refusait de ici. Tout ce qu’il plantait au leur en donner! printemps, pommes de terre, avoine, Alice : Était-il cupide? navet, et tout le reste, en plus du bois Royden : Oh oui! Il gérait tout. à pâte coupé dans les bois, chaque Alice : Revenons-en à la question que je soir il chargeait le tout jusqu’à minuit vous ai posée à savoir qui étaient afin d’aller le vendre. À l’époque, votre mère et votre père. moi-même, Clifford et Jim Nash Royden : Jack et Nastas. avions l’habitude de travailler pour Alice : Jack et Nastas, c’était lui. Nous étions les seuls engagés, et Daisy Sacobie n’est-ce pas, et était- les Indiens avaient l’habitude de elle d’Oromocto? recevoir de la police montée [GRC] Royden : Oui, et mon père également de pleins camions de vêtements et de était d’Oromocto. souliers. Nous transportions le tout ici Alice : Donc, lorsque vous viviez à pour le mettre dans les hangars à Oromocto pendant votre enfance, grain afin de lui permettre de faire le quel genre d’activités les gens tri parmi les meilleurs vêtements, et avaient-ils à cet endroit? tout ce qui restait, il le donnait aux Royden : Aucune. Indiens; et il allait vendre les articles Alice : Aucune? Est-ce qu’ils cueillaient en bon état. Même les couvertures, des crosses de fougère? les draps blancs, les taies d’oreiller et Royden : Oh oui! Ils y allaient au les articles en vraiment bon état, et les printemps, et quelques-uns souliers, on l’accompagnait dans les travaillaient de l’autre côté du fleuve, camps de bûcherons pour vendre ce dans les fermes. matériel, et il gardait l’argent pour Alice : Et le piégeage? lui-même. Royden : Au printemps, ils faisaient du Alice : Qu’est-ce qui restait aux piégeage. Ils se rendaient jusqu’au Indiens? Rien? bas du fleuve et ils vivaient à cet Royden : Ils n’ont jamais rien eu; ils endroit. étaient affamés, et il n’y avait pas de Alice : Et la chasse? bien-être social. Si je n’avais pas Royden : Lorsqu’ils chassaient à réussi à me ramasser un peu d’argent l’automne, ils s’en allaient dans cette

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direction. Alice : Est-ce que les Indiens Alice : Que savez-vous au sujet de la confectionnaient des paniers à cet région de Jemseg? endroit? Royden : Pas grand chose. Mais lorsque Royden : Non, pas à l’endroit où se font mon père travaillait, nous vivions à les fouilles (pause) Vous savez où est cet endroit. Il travaillait pour un située la partie la plus élevée du pont? individu du nom d’Arnold Dykeman. Sous cet endroit, il y avait une Ce dernier possédait un salon ancienne route. C’est là qu’ils avaient funéraire, et mon père y travaillait. Et l’habitude de confectionner des chaque hiver, ils allaient couper du paniers, sur la pointe. Et ils vivaient bois sur les îles et ils le transportaient également un peu plus haut de ce jusqu’à Jemseg en utilisant les chev- côté-ci du pont. aux. Et parfois un seul cheval Alice : Quel était le nom de cet endroit? transportait un cercueil. À l’époque, Royden : Rev. Channelik. on transportait un cercueil dans la Alice : Que savez-vous de Portabello, soirée. Même mon père dit que le de Grand lac et de toute cette région? cheval, qui avançait normalement, Royden : Les Indiens vivaient à s’est mis à accélérer. Mon père avait Portabello chaque année. Ils allaient oublié d’enlever un tournevis dans le chasser là, le rat musqué. cercueil, et ce dernier roulait de Alice : Indian Point, à quel endroit est- gauche à droite. Mon père dit que le ce situé? cheval a dû penser que c’était le Royden : Savez-vous comment vous diable. Puis il s’est mis à aller rendre à Scotchtown, Princess Park? vraiment vite, et sa queue était Vous tournez sur cet autre chemin à redressée. Mon père a dit qu’il ne droite lorsque vous arrivez à Princess pouvait le contrôler et que ses yeux Park, puis il y a une autre route avec étaient presque entrés dans leurs un panneau indiquant Scotchtown. orbites. Mais vous continuez jusqu’au bout, Alice : Qu’en est-il de l’endroit où ils jusqu’au cul-de-sac, et c’est Indian ont entrepris des fouilles au cours de Point. Les Indiens y vivaient. Vous la dernière année? Que savez-vous de suivez la rive de ce côté-ci, où il y a cet endroit? Savez-vous comment cet une prairie, et c’est là qu’ils endroit s’appelait? dressaient leur camp il y a longtemps. Royden : L’endroit où ils ont entrepris Alice : Est-ce que cet endroit est hanté? leurs fouilles est exactement l’endroit Royden : Oh oui! Avant d’arriver à la où les agriculteurs avaient l’habitude pointe, il y a un chemin qui mène d’enterrer leurs vaches. Parfois, jusqu’en bas de la colline. Il y a là lorsqu’une vache mourait, ils une petite jetée, de même qu’une île. l’apportaient à cet endroit pour On dit que personne n’a jamais passé l’enterrer. une nuit entière à Indian Point. Austin

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me disait que le mari de la fille de avait une belle clairière, et la nuit est mon oncle John, son nom était – tombée rapidement. En retournant c’était un type de Terre-Neuve. Ils ont vers la voiture, Malcolm et moi- amené leurs enfants là avec une tente même – il faisait noir – nous avons vu roulotte, et ils se sont installés vers devant nous une femme qui criait. les vingt heures. Ils ont allumé un feu Nous pensions que c’était un animal; à l’extérieur. Vers une heure du matin, la femme criait vers nous, et elle était ils ont senti la fatigue et sont allés se vraiment très près de nous. Les coucher dans la tente-roulotte. Puis garçons ont eu si peur qu’ils se sont quelqu’un ou quelque chose a tous deux accrochés à moi. Je suis commencé à secouer la tente-roulotte, presque tombé. Malcolm m’a même au point où elle s’est renversée. La griffé. Nous nous sommes finalement tente était sur le côté. Le nom du mari rendus jusqu’à la voiture, et elle criait de Rose était Roy. Ils ont dû quitter dans notre direction. J’aurais dû être l’endroit cette nuit-là, vers deux plus avisé, car je savais déjà que heures du matin. Ils ne pouvaient l’endroit était hanté, mais j’y suis allé dormir, car le démon ne voulait pas quand même. J’avais tout simplement les laisser tranquille. oublié, car j’allais là pour la chasse. Alice : C’est ce que disait Bobby Nash Nous sommes finalement partis et lorsque je lui ai parlé. Indian Point, nous nous sommes rendus à Indian c’est un mauvais endroit. Qui, Point. J’ai dit aux garçons que nous pensez-vous, pourrait hanter cet pourrions nous arrêter pour faire du endroit? thé – il était environ une heure de la Royden : Je pense que ce sont de vieux nuit. À l’endroit où j’ai garé la Indiens. Tout comme nous, lorsque voiture poussaient des bouleaux… nous allions à la chasse… à qui formaient comme un Kci Big Cove, non pas l’endroit des Lakwakon (bâton utilisé pour retenir Mi’kmaq (Micmac), mais celui qui se la bouilloire). Nous sommes allés situe près de Cambridge Narrows. chercher de l’eau et nous l’avons fait Lorsque vous arrivez là, il y a une bouillir pour le thé. Je me tenais près petite ville, et vous tournez de ce du feu. Puis, au bout d’un certain côté, vers Norton. Vous continuez temps, j’ai dit aux garçons que j’allais tout droit jusqu’à Big Cove. Puis il y chercher de la nourriture dans la a Hatfield Point, Belle Isle, tous ces voiture, de façon à pouvoir manger à endroits. Hatfield Point, près de Big la lumière du feu. Je me suis rendu à Cove, est l’endroit qui est hanté. la voiture et… ils m’ont presque C’est un bel endroit en pente, et il y a renversé, et les deux essayaient un cours d’eau juste au milieu, un d’entrer par la même portière. Ils gros ruisseau. Lorsque nous sommes m’ont dit que quelque chose se allés à la chasse, au camp Irving, il y dirigeait vers le feu. J’ai regardé et

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j’ai vu quelqu’un de vraiment grand un feu de camp à cet endroit, mais ils qui venait vers nous. Il semblait ne n’ont même pas trouvé de cendres. pas avoir de tête, il était habillé tout Royden : L’île Gilbert est également de noir, son manteau en forme de hantée. Particulièrement la partie «V», avec des bottes noires, une supérieure, que les Indiens appellent chemise blanche. Il venait droit vers Pahtuhk. L’île Gilbert en indien se dit nous. Je suis entré dans la voiture. Piyakawek. Cela veut également dire Les deux voulaient s’asseoir à l’avant hantée. C’est Tom Nash qui m’a et ils se collaient sur moi. Cette raconté cette histoire. Mon frère est personne venait toujours vers nous, et également resté à cet endroit, et j’ai essayé de faire démarrer la chaque nuit quelqu’un venait les voiture, mais sans succès. La lumière déranger. C’est comme mon père me des phares s’est mise à baisser. le disait un jour. Ils vont à la chasse à C’était une voiture presque toute chaque automne près d’une grosse neuve, avec une nouvelle batterie. ville, soit près de Big Cove, ou à Mais elle est morte complètement, et proximité. Quoi qu’il en soit, ils la voiture ne voulait pas démarrer. avaient une tente, une tente de Lorsque l’étranger disparut, le moteur soldats, grande et ronde. On pouvait y s’est mis en marche. Nous avons loger soixante-quinze hommes, et quitté Indian Point en faisant crier les environ de quinze à vingt hommes pneus, et il était près de trois heures allaient à la chasse et restaient sous la et demie lorsque nous sommes arrivés tente. Un jour Buck Nash, le fils de ici. Je crois que c’est un endroit Frank Nash, et Buck avait tellement hanté. peur du diable qu’il faisait son lit Alice : Il y a un endroit dans cette juste au milieu de l’endroit où région où Bob Nash se rend pour un dormaient les autres. Il avait dit que barbecue. Il se rend là chaque soir, et personne ne pourrait le déranger. Vers ils ont un feu de camp. Il y a une île les deux heures du matin, Tom, le juste en face. père de ma femme, était là avec son Royden : Oh! Ce doit être juste en aval père. Il m’ont dit tous deux qu’il [le de Burpee, juste en face de l’île diable] avait ramassé Buck à l’endroit Gilbert, là où ils vont. même où il se trouvait au milieu de la Alice : Il dit qu’il y a un autre endroit, tente et qu’il l’avait battu. Buck avait un camp, un camp de filles. Et il dit des marques sur la jambe, là où le qu’un soir il y avait un feu de camp à diable l’avait attrapé, et également cet endroit avec beaucoup de cris. Et près de la gorge. Il s’était fait les jeunes, de l’autre côté où Bob et bousculer, mais il n’avait vu les siens étaient situés, leur crièrent à personne. Buck a demandé aux gars leur tour. Le lendemain, il a envoyé de l’aider, mais ils n’ont rien vu; c’est les garçons pour voir s’il y avait eu le diable qui se battait contre lui.

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Planche 21.1 : À partir de la gauche : Alice Polchies (Woodstock), la fille d « Oromocto Pete » Polchies; John Sacobie (Oromocto), le fils de Sadie et Andrew (Raccoon) Sacobie, frère d « Oromocto Pete » et oncle de Royden Sabattis (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 75-1898)

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Buck l’a vu, mais personne d’autre. était Racoon, Andy Sacobie. Je ne croyais pas les gars, mais j’ai Alice : Et votre grand-mère? demandé à Buck lui-même. J’ai dit à Royden : Sadie Sacobie. Mon oncle Buck que j’avais quelque chose à lui John Coon, le connaissiez-vous? demander. Il ne voulait rien savoir. Il C’était sa mère et celle de mon oncle vivait à Ferris Lake, de l’autre côté de Pat, c’était leur mère. l’endroit où se situe Jemseg, de ce Alice : Est-ce que vos parents et vos côté-ci. Les Indiens vivaient à cet grands-parents confectionnaient des endroit. Connaissez-vous paniers? McGowan’s Corner, à environ quatre Royden : Ils avaient l’habitude de les à cinq milles un peu plus loin sur la vendre ou de les échanger. Car à route? Là où ils vivaient, il y avait un l’époque, les agriculteurs n’avaient petit pont. Mais lorsque le pas assez d’argent, et c’est pourquoi gouvernement a construit la route, il a ils échangeaient du porc, des pommes couvert le pont et n’a jamais pris la de terre et de la farine de sarrasin, peine d’en aménager un autre. C’est entre autres, pour des manches de là que vivait Buck. Un peu plus bas hache et des paniers. Les Indiens est situé l’endroit qu’ils appelaient transportaient leurs marchandises là Apahtek. Ferris Lake, à l’extrémité, où étaient les agriculteurs, et les est l’endroit où vivait Buck. Il vivait échanges se faisaient. Ils n’obtenaient là pendant l’hiver, dans une cabane pas d’argent. Parfois, ils pouvaient recouverte de papier goudronné qui obtenir un peu d’argent pour acheter n’était pas isolée, une espèce de camp du tabac à chiquer ou du tabac à pipe. de fortune. Il n’y avait pas Alice : Est-ce qu’ils utilisaient de la d’isolation, seulement du bois teinture pour leurs paniers? recouvert de papier goudronné. Il Royden : Oui. Solomon Paul et avait une femme et un fils. Il Sarah Paul – anciennement Sacobie. travaillait pour les agriculteurs, Jim et Alice : Quelles couleurs utilisaient-ils? tous les autres. Je lui ai demandé ce Royden : Vert, rouge ou jaune. jour-là de me montrer la blessure que Alice : Où obtenaient-ils la teinture? lui avait faite le diable en l’attrapant. Royden : Ils la fabriquaient eux-mêmes. C’était une marque ronde recouverte Alice : Comment faisaient-ils? de peau d’une couleur rouge. Les Royden : Je me le suis souvent marques étaient restées imprimées sur demandé. C’est Solomon Paul qui la ses bras. Il m’a tout montré. Il m’a dit fabriquait. Il utilisait un mélange et qu’il me montrerait toutes les cica- remplissait le contenant jusqu’ici. Il trices si je ne le croyais pas, et c’est faisait bouillir le tout, nouait les tiges alors qu’il me les a montrées. de frêne ensemble et les mettait dans Alice : Qui était votre grand-père? le contenant. Il utilisait de deux à Royden : Le nom de mon grand-père trois contenants, pour les différentes

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Planche 21.2 : Sarah « Selapic » Sacobie en 1894, fille d’Andrew Sacobie et tante de Royden Sabattis, Sarah confectionnait des paniers (Archives de l’Université du Nouveau- Brunswick, 74-17358)

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couleurs. Quand il le retirait, le frêne dans votre maison? était coloré. Royden : Nous vivions tous dans la Alice : Est-ce qu’ils utilisaient des baies même chambre, et en vieillissant, pour la teinture? nous en avons ajouté une autre. Royden : J’imagine que oui. J’étais Alice : Y a-t-il beaucoup de gens ici à jeune lorsque nous vivions à Kingsclear qui sont venus Oromocto, au moment où Solomon originellement d’Oromocto? confectionnait des paniers. Mais la Royden : Il y en avait beaucoup qui maison était coquette, une belle venaient d’Oromocto, comme Cora, maison, car il pêchait le saumon tout Theresa, Yvonne, Molly-Sus, l’été. Et à proximité, ils John Arnold et sa femme, et Babe confectionnaient des paniers, afin [Annie Sacobie], Clifford, Stevie [les d’avoir une vue sur la route. Il avait deux Sacobies]. Tous étaient un permis à l’époque et il pouvait d’Oromocto. Nous et les parents de pêcher le saumon. Mais aujourd’hui, ma femme, Tom, Marjorie, tous un Indien ne peut obtenir de permis, vivaient à Oromocto. Missel, car ils refusent d’en donner aux Freddy Sabattis là-haut, venait Indiens. Ils vous disent qu’un permis d’Oromocto. doit être transmis de génération en Alice : Était-il votre frère ou un membre génération, du moins c’est ce qu’ils de la famille? prétendent. Ils pensent qu’ils peuvent Royden : Non, mon frère était Apoluwes rouler les Indiens. (Ambrose), et il y avait Frankie et Alice : Est-ce que votre enfance à Johnny. Le frère de Freddy est Oromocto a été difficile? Charlie Bear et Suseph Royden : Je pense que oui; notre maison (Arthur Sabattis). Et Freddy, son père était délabrée, et nous étions pauvres. était Noir. Il disait qu’il était un Noir Nous vivions en fait dans une cabane et non pas un Indien. Il aimait répéter recouverte de papier goudronné à ça. Oromocto. Et les fenêtres, je n’ai pas Alice : Pourquoi? peur de le dire, nous n’en avions pas. Royden : Il disait : Missel n’est pas mon L’hiver, mon père couvrait les père, c’est pourquoi je suis le mouton ouvertures au moyen d’un paletot, noir de la famille. retenu avec deux clous. Nous FIN DE L’ENREGISTREMENT UN – n’avions pas de couvre-plancher, et CÔTÉ UN nous marchions directement sur le ENREGISTREMENT UN – CÔTÉ sol. De plus, c’était un petit camp. DEUX Alice : Est-ce que vous aviez Royden : Rosie également est de l’électricité? Welmooktuk (Oromocto), et Debson, Royden : Non. qui est de Welmooktuk, de même que Alice : Combien y avait-il de chambres Stanley et Myrtle.

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Alice : Debson, quel est son vrai nom? pouces du sol. Le goût était Royden : David Paul. Il y a longtemps à exceptionnel. Oromocto, la femme de John Casey, Alice : Est-ce que John Coon vous a Frances, car Debson était marié à la déjà raconté des histoires? sœur de Frances, son nom était Royden : Pas vraiment, car j’étais plutôt Molly Louise. Je ne sais pas si elle est jeune lorsque je suis parti de là. toujours vivante ou si elle est morte. Alice : Quel âge aviez-vous? Je me souviens lorsqu’elle a quitté Royden : Environ treize ans. Oromocto. Debson lui a donné de Alice : De quelle année parlons-nous? l’argent pour s’acheter des souliers et Royden : Je suis né en 1933. C’était des vêtements, et on ne l’a plus revue. donc vers 1947. Il y avait la guerre en C’était il y a longtemps. 1945, juste après mon départ. Je suis Alice : Vous rappelez-vous, lorsque allé à Cambridge Narrows à cette vous viviez à Oromocto, quelles époque. J’avais quatorze ans lorsque étaient les activités des adultes, je suis retourné à Oromocto. comme des danses et (pause) Alice : Combien étiez-vous dans votre Royden : Oh oui! Je me souviens qu’il y famille? avait une danse, et qu’il y avait un Royden : Il y a (pause) les garçons sont lieu pour danser. L’ancienne école ou Maynard, Petro, Apoluwes parfois dans la maison de quelqu’un. (Ambrose). Environ sept frères en C’était plaisant, car il n’y avait pas de tout. Les sœurs : Rose, Mary, Loretta, batailles; ils ne faisaient que danser et Jean, Cora, Joanie, Molly et Annie. boire. Environ huit filles en tout. Alice : Est-ce que les gens buvaient Alice : Vous rappelez-vous de quelqu’un beaucoup? qui aurait pu construire des canots en Royden : Oui, mais ils n’achetaient pas écorce de bouleau? de boisson. Ils avaient de la bière Royden : Non. d’abeilles, et une personne pouvait en Alice : Et que savez-vous des peaux boire quatre ou cinq chopes. Pour la d’orignal? fabriquer, ils utilisent de la mélasse, Royden : Rien du tout. du sucre blanc et du sucre brun ainsi Alice : Il doit y avoir quelqu’un quelque que de l’eau tiède. Elle était prête en part qui en sait davantage à ce sujet. dix minutes. Un jour, votre mère et Royden : J’ai vu quelques canots en votre père, avant votre naissance, écorce de bouleau à Oromocto, mais avaient pris quatre chopes. Nous je ne sais pas qui les fabriquait. Je me avions un genre de boisson très forte. souviens d’un type qui en a fabriqué Il s’agissait d’en boire une tasse et un. vous aviez l’impression que votre Alice : Qui était-ce? estomac était en feu. Puis, vous aviez Royden : Mon grand-père, Racoon, l’impression de flotter à plusieurs Andy Sacobie. Je me rappelle qu’il en

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a fabriqué un. Je lui ai posé toutes déménagés, il n’y avait pas une seule sortes de questions à savoir comment maison. Ils savaient comment nous l’écorce de bouleau serait assez tromper. grande pour couvrir toute la carcasse. Alice : Whalen? Il m’avait répondu qu’il faut que Royden : Oui. Je suis certain qu’à sa l’arbre soit assez gros, comme celui- mort il est allé droit en enfer. là tout près, juste de la bonne taille. Alice : Ma mère m’a dit qu’il s’était Car l’arbre est déjà courbé et que sa enrichi aux dépens des Indiens. forme vous permet de glisser l’écorce Royden : Oh oui! Il est devenu dessous et de la fixer au sommet des millionnaire. Lorsqu’il a pris sa côtes. Une fois l’écorce fixée, il faut retraite, il a acheté une maison au utiliser un produit adhérant qu’il faut sommet de cette colline, et il n’a pas faire réchauffer. Une fois l’eau très vécu là bien longtemps avant de chaude, il faut glisser l’écorce de mourir. cette façon. Alice : Il devait être très âgé? Alice : Connaissez-vous des cimetières Royden : Soixante-quinze ans. Il était à cet endroit? vraiment gras et grand. Royden : À Oromocto? Pour les Alice : Beaucoup de gens parlent Autochtones? Non. beaucoup de lui, et il n’était pas un Alice : Connaissez-vous Brown’s Flat? très bon agent pour les Indiens Royden : Non. d’après ce que je peux comprendre. Il Alice : Sheffield? promettait, comme tout ce que vous Royden : Non. Je ne connais pas avez mentionné, des animaux et vraiment ces endroits ni les toutes sortes d’autres choses. Et ils ne cimetières. recevaient jamais rien, ou peut-être Alice : Vous êtes donc déménagé ici en que quelques personnes pouvaient 1947. Comment était l’environnement recevoir certaines choses, mais sans lorsque vous êtes arrivé ici? doute pas en grandes quantités. Royden : À mon arrivée, il n’y avait Royden : Il a trompé les Indiens, pas rien, pas de maisons, rien. Nous juste un mais tous. Rappelez-vous vivions de l’autre côté du chemin ici. lorsque certains ont reçu une pension Il n’y avait pas de route de l’armée. Il gardait tout cet argent transcanadienne à l’époque, et nous pour eux ou lorsqu’un enfant recevait vivions donc de l’autre côté du du lait, on le donnait à l’agent pour chemin, en bas de la colline, près du l’enfant, mais l’agent ne le donnait ruisseau, dans des tentes. Il n’y avait pas à l’enfant. Je ne sais pas ce qu’il pas de maison. Ils avaient menti aux faisait avec le lait, mais je crois qu’il Indiens. Ils avaient dit qu’en arrivant, le vendait. Je sais que lorsqu’il a fait on n’aurait qu’à entrer dans nos l’élevage des vaches, vingt têtes de maisons. Lorsque nous sommes Jersey, toutes des Jersey, le père de

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ma femme avait l’habitude de des années. Louis et sa femme Ahnis travailler pour l’agent, et il trayait les [Annie?], je ne sais pas son nom vaches à la main tous les matins, anglais. recueillant de bidons à crème de lait. Alice : Et les mariages dans ce temps- L’agent est celui qui ramassait là? Au temps de votre jeunesse, est-ce l’argent. Tout ce qu’il vendait qu’il y avait des mariages arrangés appartenant aux Indiens, et il en pour les Indiens, pour certains mettait l’argent dans ses poches. Il ne Indiens? remettait pas un sou aux Indiens. Royden : Oh oui! Alice : Vous rappelez-vous, lorsque Alice : Comme cela se passait-il? quelqu’un mourait, s’il y avait une Royden : Eh bien! il y a longtemps, à cérémonie indienne? Oromocto (pause). Connaissez-vous Royden : Non, ils n’ont jamais eu ce l’église St. Vincent, là où les gens genre de cérémonie ici. Je me avaient l’habitude de se marier? Sauf souviens seulement des danses que les Indiens étaient vêtus dans des indiennes, il y a longtemps, que nous vêtements si pauvres. Parfois une faisions lors de longues tournées. Il y cravate, parfois ils portaient un bas ou avait une ancienne salle à autre. Lake George, et il y avait tellement Alice : Non, je veux dire est-ce que de colons qui venaient nous voir quelqu’un, je veux dire un Ancien, danser. Vous rappelez-vous donnait le OK? Vous êtes ma fille et il Joe Shaker? Il s’occupait de l’argent, y a une autre famille avec un garçon. avec Andrew Paul de Devon. Je pense Est-ce que quelqu’un a déjà dit que qu’ils ont trompé les Indiens. Lorsque cette personne devrait marier telle ou nous organisions un spectacle, il y telle autre personne? avait tellement d’argent que les Royden : Non. Blancs mettaient sur la table, alors Alice : Est-ce que les Indiens étaient que nous n’avons jamais rien reçu. très religieux à cette époque? C’était un beau spectacle à voir, Royden : Oui, ils étaient très religieux, lorsque les Indiens dansaient. il y a longtemps. En fait, ils étaient Alice : Avez-vous déjà fréquenté les plus religieux à cette époque Nash à Gagetown? qu’aujourd’hui. Nous ne voyons plus Royden : Oui, il y longtemps. J’allais là d’Indiens dans les églises. lorsque Evelyn, Bobbie, Jim Nash et Alice : Seulement lorsque quelqu’un Lena et Louis Paul… Ils vivaient à meurt, se marie, un baptême, c’est à Upper Gagetown Ferry, de ce côté du peu près la seule fois. fleuve, le long du rivage. Royden : Comme il y a longtemps, je Alice : Ils vivaient dans un bateau- parle de la région indienne à maison, n’est-ce pas? Oromocto, il y avait ce prêtre du nom Royden : Oui, ils ont vécu là pendant de père Moore. Un Indien se mourait,

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du nom de Sahk Suseph. Il était à vous mettent dans une boîte. Ils l’article de la mort et quelqu’un est confectionnaient une boîte, un simple allé chercher le prêtre afin de préparer cercueil avec un couvercle de bois. Ils les derniers rites pour Sahk Suseph. le descendaient en terre et ils Le prêtre a lu quelques prières. Et l’enterraient. Ils préparaient le corps à vous connaissez ce contenant dans la maison. lequel se trouve l’eau bénite. Il y a Alice : Vous rappelez-vous d’Indiens une poignée de plomb qui est fixée au traditionnels? Par exemple, les An- manche. Quelqu’un l’avait utilisé à ciens à l’époque. l’église, l’un des servants. Le prêtre Royden : Pas vraiment. s’en est servi pour asperger le Alice : Que savez-vous de l’ocre rouge? mourant. L’Autochtone était allongé Royden : Je n’en sais rien. Avez-vous sur le lit qui était fait de paille, ou déjà entendu l’histoire que feu quelque chose du genre. Au moment Joe Sagaby racontait au sujet de Noé? où le prêtre l’aspergeait, la poignée Il m’avait prêté l’enregistrement qu’il s’est détachée et le contenant a frappé avait fait. Il était si drôle avec sa voix le mourant sur la tête. Ce dernier a dit nasillarde. Il voulait donner au prêtre : Espèce de bâtard, tu m’as l’impression qu’il parlait en malécite. presque tué. Tout le monde a éclaté C’est l’histoire de quelqu’un qui lui de rire… mais l’Autochtone a vécu dit d’amener à bord tous les animaux longtemps par la suite. Mon oncle dans tulokuk (le grand bateau). John a par la suite dit à Sahk Suseph J’aurais dû garder cet enregistrement. qu’il ne fallait jamais proférer de Je l’ai eu ici pendant quelque temps, jurons à l’endroit d’un prêtre. Ce mais il voulait que je le lui remette, et dernier lui a répondu : Je me fous de je le lui ai rapporté. ce que les autres pensent. Les Alice : Que savez-vous de la médecine contenants pour l’eau bénite étaient indienne? alors faits en plomb et étaient très Royden : Seulement Kiwhosuwasq lourds. Il y a longtemps, on (racine de calame). Mon oncle John n’exposait personne dans un salon connaît ce genre de médecine pour funéraire ou nute utsasohkew (la guérir les gens. Un jour, Phillip, le présentation du corps). Ce qu’ils frère de ma femme a eu une épine faisaient était de vous déposer sur un dans la main. On lui a fait des rayons banc et de vous couvrir d’un drap x, mais sans rien trouver, car l’épine blanc, pas comme aujourd’hui. n’apparaissait pas sur les rayons x. Il Alice : Que leur faisaient-ils d’autre? est revenu à la maison, et il avait Lorsqu’ils les recouvraient d’un drap toujours cette douleur, au moment où blanc, est-ce qu’ils mettaient quelque il vivait à Welmooktuk (Oromocto). chose sur ces personnes? L’oncle John lui a alors préparé un Royden : Lorsque vous êtes enterré, ils cataplasme. Il a utilisé une sorte

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d’écorce, qu’il a fait bouillir et qu’il a qu’elle avait de grosses pattes, il broyée, en utilisant du peuplier. Ça savait qu’il y aurait beaucoup de ressemblait à une pommade, mais il neige. Une personne qui observe peut l’étendit sur un bandage qu’il apprendre beaucoup de choses. appliqua sur la partie blessée. Il lui dit Alice : Comment était la vie pour vous d’enlever le bandage le lendemain lorsque vous êtes déménagé ici? matin et qu’il serait guéri. Et Royden : Eh bien! Les gens étaient assurément, le lendemain, lorsque pauvres. Mais pour moi, j’ai Tom s’est réveillé, il a enlevé le commencé à travailler bandage et il y avait cette épine dans immédiatement, pour Simm’s Roof- le bandage. La pommade l’avait fait ing Company. J’ai travaillé pour eux sortir. Mon oncle John en connaissait pendant près de vingt-neuf ans. Si j’ai beaucoup sur la médecine. Il m’a arrêté, c’est qu’ils sont tous morts. enseigné des choses, mais j’ai tout C’est la seule raison pour laquelle j’ai oublié. cessé de travailler. Je suis donc allé Alice : Vous a-t-il déjà raconté des travailler pour une autre compagnie histoires? pendant dix-neuf ans dans le parc Royden : Oui, mais je les ai toutes industriel. Et il y avait deux autres oubliées. Je restais souvent assis là à compagnies, Porter Roofing Com- l’écouter. pany et Tasco. Nous avons compté les Alice : C’est une personne avec laquelle années, et nous sommes arrivés à un il aurait été utile de parler, s’il avait total de quarante-trois ans. L’hiver et été encore vivant. Il connaissait l’été, je n’ai jamais été licencié une tellement de choses. seule fois pendant toutes ces années. Royden : Oh oui! Il savait tout. Je ne J’ai vu beaucoup de Blancs qui crois pas qu’il y ait aucun aspect de la étaient licenciés pendant la période de vie des Autochtones qu’il ne Noël, mais moi et quelques autres connaissait pas. Il pouvait prédire le Blancs, nous sommes restés. Je ne temps, sans jamais se tromper. Il sais pas pourquoi. Je pensais qu’ils utilisait les entrailles d’un cochon, et devraient me renvoyer parce qu’il il pouvait savoir à partir des plis neigeait tellement. Mais ils disaient : comment serait l’hiver. Lorsqu’ils À lundi Royden. Pendant toutes ces abattaient les cochons, il les années où j’ai travaillé, je me suis examinait pour prédire le genre finalement fatigué et j’ai pensé à d’hiver que l’on aurait. Il comptait les trouver un travail plus facile. Je me plis. Il ne se trompait jamais. Il suis donc trouvé un emploi ici à pouvait dire s’il y aurait beaucoup de l’école. Et pendant six ans, j’ai neige pendant l’hiver en observant les travaillé à l’ancienne école, puis à la nids d’abeilles. Si une perdrix avait nouvelle. beaucoup de plumes près des pattes et Alice : Quelqu’un vous a-t-il déjà parlé

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des « petites personnes »? côté d’Oromocto, Macfetchnik Royden : Il y a longtemps, on pouvait [endroit appartenant à MacFadzen] du les voir – le père de ma femme – près nom qu’on donnait à cet endroit. En du ruisseau. Il y a une ouverture sous début de soirée, nous marchions à cet la saillie rocheuse, et il y avait un endroit. Mon père m’a dit de regarder tunnel à cet endroit. C’est là qu’ils près de la flèche de la grue, qu’il y vivaient et le long du ruisseau. Ils avait de « petites personnes » à cet étaient tous petits et ils nageaient; endroit. Il m’a dit que lorsque nous l’un d’eux a plongé. Mais je crois serions plus près, elles sauteraient qu’ils avaient de grosses têtes. dans la rivière. Je ne l’ai jamais cru Lorsqu’ils voyaient venir les gens, ils avant de le voir moi-même. C’est se jetaient à l’eau, et on ne les a plus mon père qui me l’avait raconté. jamais revus. Mon père et moi allions Alice : Je pense que nous sommes à la à la chasse de ce côté-ci de fin de l’enregistrement, Roy, et je vais Gagetown. Il y avait une grue qui arrêter ici. De toute façon, ma bande appartenait à Irving, près de la est finie. fabrique de pâte de bois le long du FIN DE L’ENREGISTREMENT fleuve. Non, c’était plutôt de l’autre

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22. Les fabricants de raquettes

FRED TOMAH HOULTON, MAINE

Oui, c’est un autre objet que nous étions reconnus pour fabriquer. Nous étions connus comme des fabricants de raquettes. Cette tribu, les Malécites [Wolastoqiyik], était en relation avec les autres. Et une autre tribu, les Micmacs (Mi’kmaq), n’avait qu’à jeter un coup d’œil sur la neige et savait qu’un Malécite était passé par là, à cause du tissage. Un tissage très fin, c’était la marque des Malécites. C’était même un choix de matériel. La peau d’un orignal, soit la peau du ventre d’un jeune orignal, était ce qu’il y avait de mieux.

Alice : Jim et Aubrey Tomah, étaient fantaisie. Quant à Jim, c’est elle qui originellement de Kingsclear, n’est-ce lui avait appris à être difficile. pas? Alice : En quelle année sont-ils venus Fred : Oui, leur père et leur mère s’établir ici, le savez-vous? vivaient là lorsque Jim et Aubrey sont Fred : Ce doit être dans leur adoles- nés. C’est également là qu’ils ont cence. Leo travaillait pour Bangor- fréquenté l’école, la petite école. Aroostook Railroad; leur père a été Mais c’est il y a très longtemps. Leo a menuisier pendant de nombreuses vécu là pendant presque toute sa vie, années. Il travaillait encore pour cette tout comme Jim et Aubrey. Ils sont compagnie lorsqu’il a pris sa retraite. tout simplement nés là. Les garçons vivaient dans la région, Alice : Qui était leur mère? près de Houlton. Les Indiens étaient Fred : Mary, peut-être, car elle est morte établis à divers endroits, que ce soit avant ma naissance. Peu après, ils ont ici sur le chemin Foxcroft ou de déménagé dans la région de Houlton l’autre côté sur la colline Hungary, où pour travailler, confectionner des ils vivaient dans les appartements. paniers et d’autres articles du genre, C’est le dernier endroit où ils ont même s’ils confectionnaient déjà des vécu avant de s’établir ici. C’est dans paniers à Kingsclear. Leur mère était les appartements que l’atelier de très habile dans la confection de confection de Jim était situé. Ils paniers, surtout des paniers de étaient déménagés là vers la fin des

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Planche 22.1 : Aubrey Tomah de Houlton, Maine, utilise un maillet en bois et un coin de bois pour fendre une bille de frêne qui sera utilisée dans la confection de paniers. (Photo : Gracieuseté de la bande de Malécites de Houlton)

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années 1940. Car à l’époque, il y des paniers, qui faisaient la cueillette avait un moulin à cet endroit. et qui chassaient. Ils utilisaient la Beaucoup de Blancs sont déménagés rivière ici à Metaqtihkek (extrémité là, dans les maisons qui ont été des broussailles), ce qui veut dire construites pour les travailleurs du qu’il s’agit d’un affluent vers le Nord. moulin. Lorsque le moulin a connu Et ils se rassemblaient et chassaient des difficultés et a fermé ses portes, dans cette région. les Indiens ont commencé à y Alice : Si on en revient à Aubrey et Jim, déménager parce qu’ils vivaient à qui étaient originellement de proximité de toute façon. Kingsclear; est-ce qu’ils ont déjà Alice : Savez-vous en quelle année vécu là? c’était? Fred : Dans leur enfance, ils y ont Fred : C’était au moins vers 1945, ou à fréquenté l’école. L’école était cette époque, car il y avait une financée par la province. maison à appartements que nous Alice : Dites-moi donc comment vous appelions la maison Sewell. Elle n’est vous êtes intéressé à la confection de plus là, mais parmi celles qui sont paniers. Je sais que vous m’avez dit encore debout, il y en a une située que Jim et Aubrey vous ont enseigné dans la principale section tout ce que vous savez. d’appartements. Et juste en face, il y Fred : Jim, Aubrey ainsi que Leo et avait la maison Sewell, la seule Charlie Tomah. maison à l’époque qui avait une Alice : Pourriez-vous m’en parler? fondation. Elle avait été construite en Fred : C’est il y a longtemps. Le tout a 1941, et c’est peu après que les effectivement commencé avant même Indiens ont commencé à déménager que je puisse m’en rappeler, car dans les autres maisons qui Aubrey m’amenait dans les bois ressemblaient davantage à des lorsqu’ils allaient chercher du frêne. cabanes. J’étais tout petit, avant même l’âge Alice : D’où venait les Indiens qui scolaire. Ils m’amenaient dans les vivent ici maintenant? bois, car ils n’avaient pas d’autres Fred : La bande de Houlton, et divers enfants à l’époque. Il n’y avait que groupes apparentés venant de Sue, sa sœur aînée, qui était née à diverses tribus, à Tobique, Woodstock Noël 1953 ou 1954. Aubrey est celui et Kingsclear. Ils ont vécu ici même qui m’amenait dans les bois lorsqu’il avant la fondation de Houlton; ce sont allait chercher du frêne. Et je pleurais, ces familles. car je voulais monter dans le camion Alice : En quelle année Houlton a-t-elle et retourner à la maison. J’étais âgé fondée? de quatorze ou quinze ans lorsque j’ai Fred : Sans doute vers 1860. Il y avait commencé à en ramasser moi-même. des Indiens ici, qui confectionnaient En raison de la nature du matériel, de

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la nature du bois et des outils, je lui-même. C’est très facile à n’aurais pu commencer plus jeune. comprendre, mais il faut fabriquer Les outils sont beaucoup trop vos outils. Ils sont de nature dangereux et coupants. C’est donc à artisanale, et ils ne vous laissaient pas cette époque, vers les années 1960, utiliser leurs outils. 1965 ou 1966. Je m’en rappelle, car Alice : Y a-t-il des noms pour ces Jim a acheté une nouvelle voiture, outils? une Buick GS 1967, un Fred : Pour ce qui est des outils de démonstrateur. Il l’a conservée pen- confection, calibres, chevaux, et dant près d’un an, et c’est un an ou autres objets du genre, hache. Le deux avant mon apprentissage. Quant choix de vos outils, il faut soit les au processus, il m’a fallu plusieurs fabriquer vous-même ou les obtenir années pour l’apprendre et le d’une façon quelconque. Vous ne maîtriser. Jim et Aubrey pouvez tout simplement utiliser les confectionnaient des paniers et ils outils d’une autre personne, car c’est imitaient le travail des autres; mais considéré comme inacceptable; c’est pour créer vous-même vos modèles, la méthode du paresseux de vous devez être vraiment bon. Il faut confectionner un panier. Mais ils vraiment apprendre ce qu’on essaie m’ont montré, bien sûr, comment de vous enseigner. Il faut se préparer fabriquer mes propres outils. Et quel en conséquence. À la base de la choix de bois utiliser, ainsi que les confection des paniers, il y a la raisons pour lesquelles on l’utilise. découverte du bois; il faut trouver la Alice : Quelle sorte de bois vous bonne sorte de bois et d’arbre pour disaient-ils d’utiliser pour fabriquer effectuer un travail quelconque. vos outils? N’importe qui pourrait confectionner Fred : Des pommiers. Ça peut sembler des paniers, mais pour certains types bizarre, mais le bois du pommier est de paniers, il faut utiliser certains très dur et a une forme bizarre; les types de bois. C’est donc ce qu’ils branches par exemple. Ceci peut vous vous enseignent dès le début. Et ils simplifier la tâche, car vous avez confectionnaient différentes tailles de moins de travail à faire si vous paniers : des paniers industriels trouvez une partie de l’arbre qui utilisés pour l’agriculture, jusqu’aux présente la courbe nécessaire. Sans paniers domestiques qui servent à y compter l’épaisseur et d’autres conserver des objets précieux. La caractéristiques. Puis, il s’agit de le forme varie, selon le type de bois faire chauffer et de le laisser sécher utilisé, et tout cela est très important. naturellement. On utilise ensuite ce Alice : Il vous a donc fallu un certain morceau de bois pour le sculpter en nombre d’années pour apprendre? fonction de la forme de votre main. Fred : Oui, même le concept de panier C’est pourquoi vous ne laissez

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personne utiliser vos outils, car ils Fred : Oui, j’ai utilisé les leurs. Il existe sont conçus sur mesure pour vous- également un principe universel, et même. certains des Anciens l’utilisent. Alice : Avez-vous déjà conçus vos Alice : Est-ce que le genre de pommier propres outils? est important? Fred : Il n’existe pas de concept pour la Fred : Non, pas du tout. fabrication des outils. Chacun est Alice : C’est la première fois que fabriqué pour s’ajuster à votre main, j’entends parler de cela. pour que vous vous sentiez à l’aise. Fred : C’était leur choix, que ce soit la Alice : Avez-vous déjà utilisé les outils vérité ou non. Mais la date, même de Jim et Aubrey? leur père leur a donné cette date.

Planche 22.2 : Jim Tomah (photo : gracieuseté de la bande de Malécites de Houlton)

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Alice : Comment appelez-vous l’une de tendance à courber les poignées dans ces choses? le cas d’un confectionneur de paniers. Fred : C’est une plane. Il s’agit d’une plane qu’ils appelaient Alice : Ce n’est pas conçu pour s’ajuster une plane à rayon. L’usage est le à votre main ni à la main de même, mais on s’en servait pour la quiconque. fabrication des roues à rayons pour Fred : Mais c’est recourbé. Ce n’est pas les plus vieux. Et ceci est une plane une plane, c’est votre plane ordinaire, les manches étant courbés commerciale. Quand on choisit une vers le bas en relation avec la lame, plane, c’est en fonction du contact de au choix des travailleurs et de chaque l’acier, et les plus anciennes sont les confectionneur de panier en un sens. meilleures. Les plus vieux disaient C’est une plane qui sert davantage que plus l’acier contient de carbone, pour les paniers de construction que plus il est efficace. La lame est pour les paniers de fantaisie. Quant coupante pendant plus longtemps une aux paniers de fantaisie, vous utilisez fois aiguisée; c’est très important. un anneau qui exige l’utilisation de ce Mais les manches sont également genre d’outil. Tandis que pour les recourbés en fonction de l’orientation autres types de paniers, vous avez de la lame, et c’est pourquoi on a besoin d’une plane pour amincir.

Planche 22.3 : Outils pour la confection de paniers (photo de Viktoria Kramer).

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Planche 22.4 : (photo de Viktoria Kramer)

Puis, il y a le couteau à lame du manche doit s’ajuster à votre main incurvée. Je n’en ai pas ici. J’ai lorsque la lame est tournée vers vous. trouvé une façon plus facile de Et la façon dont la lame était conçue procéder, plutôt que d’utiliser un dans le manche de façon à s’ajuster à couteau à lame incurvée. Jim et la paume de votre main. L’extrémité Aubrey utilisaient des couteaux à du manche était recourbée vers lame incurvée. l’extérieur, en s’éloignant de vous. Alice : Je pense que beaucoup d’Indiens C’est là que reposait votre pouce. On plus âgés utilisent des couteaux à s’en servait pour couper les lame incurvée. extrémités, et en le retournant, on Fred : Ce genre de couteau a deux pouvait racler le bois. usages, premièrement pour tailler Alice : Avez-vous trouvé frustrant l’extrémité du bois, mais également d’apprendre votre (pause) pour racler la surface. Il fallait obtenir Fred : Si j’ai trouvé ça frustrant? la sensation la plus douce possible. Il Alice : Pouvez-vous nous en parler? fallait la meilleure qualité de métal. Fred : Mon premier panier, je l’ai La lame était incurvée et le manche fabriqué tout seul. Puis je suis allé le était conçu en conséquence. L’arc est montrer à Jim et Aubrey. Je l’ai plus recourbé que tout autre couteau montré à Jim d’abord. Il a tellement que vous pouvez utiliser afin de critiqué mon panier avant de me dire pouvoir bien le tenir dans la main, de le démanteler. J’ai donc dû le notamment avec le pouce. Le revers démanteler avant de le montrer à

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Aubrey. Aubrey n’a pas vu tous les jamais à la base de l’arbre. C’est détails que Jim avait observés, mais trompeur, si vous entaillez l’arbre au néanmoins il m’a dit de le démanteler moyen d’une hache, car cela et de le refaire. Bien sûr, je l’ai fait. détermine la croissance de l’arbre. J’ai refait ce panier au moins trois Alice : Procédez-vous ainsi pour fois avant qu’il soit bien fait, y n’importe quelle sorte de bois que compris la confection d’une poignée vous voulez utiliser? Je ne veux pas différente. Finalement, mon panier dire le frêne, mais un arbre, n’importe devenait acceptable pour une quel arbre? personne qui était considérée comme Fred : Eh bien! vous voulez dire pour un débutant. Ils s’assoyaient là, mais d’autres usages, comme des raquettes ils me critiquaient ouvertement. Ils ou des arcs ou ce genre de choses? (pause)… vous disaient comment Non, pas nécessairement. La raison faire et si vous ne saisissiez pas, vous pour laquelle ils m’expliquaient cela leur faisiez perdre leur temps. Et ils est à cause de la nature des anses et n’appréciaient pas. Ils disaient que des rebords et du bois utilisé pour la peu importe leurs commentaires, je fabrication du panier. Pour la confec- n’écoutais pas. Pour apprendre, il tion elle-même, il faut choisir du bois fallait le faire à leur manière, les à un niveau de croissance différent détails et tout. Puis, en un sens, ils pour chaque panier. Par exemple, on vous réexpliquaient tout. Au fur et à n’utilise pas du bois à grain fin pour mesure que vous confectionniez des tisser un gros panier. Ce serait par paniers, même avec eux, ils contre un bon choix de bois pour les insistaient à nouveau sur l’importance rebords, car le peu de croissance d’un de racler le bois afin de le rendre plus arbre vous permet de le courber assez présentable que pour une utilisation facilement sans le casser. Et plus gros domestique, et sur la sélection du est le grain, plus on peut l’utiliser bois. Au début, ils m’enseignaient pour l’anse ou les poignées. Pour tout à partir du début. Et ils se l’anse du panier, il faut une courbure servaient de moi comme d’un mulet, prononcée. En effet, elle forme un arc m’amenant dans la forêt et m’utilisant sur le dessus, presque à angle droit. Il pour transporter le matériel. Puis ils faut un grain plus épais, beaucoup m’expliquaient l’endroit où nous plus épais pour cela. À cause de cette étions, pourquoi ce genre de bois courbure critique à ce point sur cet pousse à cet endroit, et ainsi de suite, arbre, un grain fin ne pourrait tenir le comme les différents anneaux de coup. Ce bois peut être arqué de croissance de l’arbre en relation avec façon graduelle, mais pour une l’utilisation que vous escomptiez en poignée, il ne résisterait pas et faire. Puis, ils faisaient toujours une casserait. Et il y a aussi le bois entaille au sommet de l’arbre, et cassant, qu’on appelle frêne noir. Le

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frêne qui pousse à proximité des tion des fonds et dans le tissage. Il cèdres ou de n’importe quelle sorte de n’était pas ce qu’on peut appeler un résineux deviendra surtout cassant. Il fabricant d’anses ou de rebords. sera plus cassant que tout autre arbre. Alice : Et Jim? Lorsque vous allez dans la forêt afin Fred : Jim était excellent pour les anses de trouver du bois pour la confection et les rebords. En fait, nous avions de paniers, une fois que vous avez l’habitude de faire des concours, à trouvé un endroit idéal, toute autre savoir qui pourrait travailler le plus essence de bois aux alentours sera vite. On travaillait à toute vitesse en également bonne pour les anses et les essayant de produire le plus grand rebords. Mais ceci ne vaut pas nombre de paniers. Ça se passait il y nécessairement pour le bois servant a de nombreuses années. On pour les poignées. Si vous cherchez s’assoyait là, et on confectionnait du bois pour les rebords, vous ne trois douzaines de paniers par pouvez pas utiliser n’importe quelle semaine. Avant même d’y penser, on essence d’arbre. Vous devez plutôt avait rempli un camion. retourner là où vous pouvez trouver Alice : Aviez-vous du bon temps avec du bon frêne pour la confection de Jim? paniers. C’est comme ce manche-ci; Fred : Oh oui! On confectionnait des vous voyez à quel point les anneaux paniers dans la cabane où son père sont épais? L’anneau avec les couches avait vécu. Et mon grand-père en beaucoup plus rapprochées, vous avait fabriqué dans mon atelier, et voyez ce que je veux dire? C’est ça la aussi là où Jim et Aubrey étaient raison. Lorsque je confectionnais un installés. Moi et Aubrey avons été les panier, j’apportais souvent une anse derniers à confectionner des paniers ou deux, car c’est le choix de votre ensemble. bois. C’était critique pour une raison, Alice : Aubrey? Quand Jim a-t-il arrêté car il faut comprendre la base pour d’en confectionner? commencer. Dans ce temps-là, ils ne Fred : Jim n’a jamais arrêté; il est mort vendaient pas leurs paniers à un lors d’un atelier de confection de acheteur s’ils avaient été fabriqués paniers. Jim a confectionné des par quelqu’un d’autre. En vieillissant, paniers toute sa vie. Aubrey a ils ont changé. Il était important de confectionné des paniers presque maintenir la norme qu’ils avaient toute sa vie. Mais Aubrey n’était pas établie. aussi habile pour la confection des Alice : Et vous respectiez leurs normes. anses et des rebords, et il avait besoin Fred : En fait, je les excédais. Aubrey d’aide pour la finition. n’était pas reconnu comme un Alice : En fait, vous aviez besoin l’un fabriquant d’anses ou de rebords, de l’autre à cette époque! mais il était excellent dans la confec- Fred : Oui, d’une certaine façon.

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Jusqu’à ce que je sois assez habile mon père. Mon père est né en 1925, pour travailler de façon autonome, ce une différence de trois ans. qui fut le cas. Mais de temps en Alice : Jim vous a-t-il déjà parlé de temps, on travaillait encore ensemble, membres de sa parenté vivant à surtout pour remplir de grosses Kingsclear? commandes. Comme une commande Fred : Nous avions l’habitude de nous y de mille paniers; on travaillait ensem- rendre assez souvent. J’ai rencontré la ble pour y arriver. Et parfois, ce tante de Jim avant sa mort. C’est à n’était que pour se tenir compagnie. l’époque où Noreen vivait là, et Mike Mais au fur et à mesure, je suis et Daphne étaient encore tout petits. devenu totalement autonome. Ils fréquentaient encore l’école, mais Souvent Aubrey venait me voir pour ils se visitaient souvent, parce que me demander s’il pouvait Noreen était là. Après la mort de confectionner des paniers avec moi, Noreen, ils n’y sont plus allés aussi et on travaillait à nouveau ensemble souvent. Le bingo était une grosse (pause) Aubrey était incapable de attraction pour Jim, et ils allaient au confectionner des paniers tout seul, bingo. En ce temps-là, l’argent en raison de son manque d’habileté canadien valait plus que l’argent pour les anses et les rebords. américain, et c’était un incitatif pour Alice : Quand a-t-il arrêté d’en y aller. En fait, ils s’y rendaient deux confectionner? fois par semaine, et parfois trois fois. Fred : Aubrey a confectionné des Alice : Je suis allée voir Jim assez paniers jusqu’au moment de sa mort. souvent à St. Mary’s, à l’ancienne Tout comme Jim. Aubrey était un salle de la bande. ouvrier sableur, un tailleur de pierres, Fred : Combien de membres de votre et il fabriquait des pierres tombales. Il parenté vivent là? Il ne me reste en a fabriqué beaucoup, mais c’était presque plus de parenté à cet endroit. un travail saisonnier. Lorsqu’ils ne Il ne reste plus vraiment de membres pouvaient trouver de marché pour les de la famille Tomah. paniers, ils fabriquaient autre chose. Alice : Non, pas vraiment. Jim était menuisier de son métier; Fred : Bien que Mike fasse partie de la mais au début, il y a très longtemps, famille Tomah, mais il porte le nom Jim était cordonnier, et nous en avons de Solomon à cause de son père. discuté quelque peu, de même que C’est le seul membre de la famille d’autres sujets comme les femmes, le que je connaisse à cet endroit. folklore et autre. C’est avant qu’il ne Alice : Mike serait également de votre joigne les forces armées, pendant son âge. adolescence. Je ne sais pas en quelle Fred : Mike est plus jeune que moi, car année Jim est né, peut-être en 1922. Il j’ai quarante-six ans. avait quelques années de plus que Alice : Je suis née en 1951, et Mike doit

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avoir à peu près votre âge. CÔTÉ UN Fred : Peut-être trente-cinq ans. ENREGISTREMENT UN – CÔTÉ Alice : Non, il est sûrement plus âgé que DEUX cela. Fred : Non. De temps en temps, ils Fred : Je serais donc âgé de dix ans de parlaient du Motewolon (personne plus que lui? Sans doute que non. possédant des pouvoirs). Il y avait un Trente-cinq. Mike venait ici pour Indien qui disait être le septième fils confectionner des paniers. Il est d’un septième fils. Ils me racontaient gaucher. C’est un autre aspect au toujours que d’une certaine façon, ce sujet des outils; si vous êtes gaucher, Motewolon… mais en fait un vous ne pouvez les utiliser. Motewolon n’est pas ce qu’ils Alice : Il est bizarre que vous disiez essayaient de me dire. qu’il est gaucher, car je suis Alice : Qu’est-ce qu’ils essayaient de également gauchère. Bien que je sois vous dire? aussi droitière, car je suis ambidextre. Fred : Que le Motewolon est une Fred : La sœur de Jim, Debbie, est personne que vous cherchez à éviter gauchère. Je me rappelle qu’un jour ou que vous voulez éviter. C’est une nous étions à la cabane en train de personne qui serait méchante, confectionner des paniers, et ils les diabolique. ont tissés à la façon des gauchers, on Alice : Comment peut-on savoir si c’est pouvait le voir. En fait, une fois le une personne diabolique? panier terminé, il n’est pas facile de Fred : Parce qu’un mauvais sort ou un voir s’il a été tissé de la main gauche. événement quelconque se produirait Mais pour ce qui est de la finition, si cette personne était dans les envi- c’est différent si c’est un droitier ou rons. Ce serait un signe précurseur, ou un gaucher. Jim et Aubrey avaient quelque chose comme ça. Mais en parfois de la difficulté lorsque venait fait, un Motewolon est différent, et le temps de finir les paniers c’est exactement l’opposé de ce qu’ils confectionnés de la main gauche. essayaient de m’expliquer. Le Alice : Quels genres d’histoires ces Motewolon est une personne douée, deux hommes vous racontaient-ils? une personne qui se démarque dès Fred : Des histoires? quel genre son enfance. Plus que tout, un d’histoires? Motewolon est un don que possède Alice : Eh bien! Je ne parle pas ici du une personne. C’est une personne sujet des femmes. Mais vous ont-ils spéciale, comme si elle devait exercer déjà raconté des légendes et des un rôle très important dans un groupe, histoires? Vous ont-ils déjà parlé des à titre de porteur de la bonne petites personnes? J’en entends parler nouvelle, de guérisseur, de personne beaucoup. qui peut améliorer la situation. C’est FIN DE L’ENREGISTREMENT UN – ce que représente techniquement un

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Motewolon. Alice : Mais je pensais qu’un Alice : Je n’ai jamais entendu parler Motewolon et un guérisseur c’était d’un Motewolon de cette façon. différent? Fred : Oui, c’est une personne qui était Fred : Ils le sont d’une certaine façon, considérée comme étant - du moins mais c’est le plus près que l’on puisse c’était le cas une génération ou deux approcher de la définition. avant Jim. C’est de cette façon que le Aujourd’hui un Motewolon est terme était utilisé. Cette signification interprété comme étant le mal ou a été reconnue à partir de plusieurs diabolique, ce genre de chose. On ne sources. Nous avons effectué une fait pas de bruit autour d’eux. Vous ne recherche historique sur les dates des voulez pas incommoder cette tribus, bien avant que l’homme blanc personne. Mais on l’utilise encore ne vienne s’établir ici. Et c’est ainsi aujourd’hui de cette façon. qu’on a trouvé pourquoi une tribu Alice : Si quelqu’un fait quelque chose était une tribu, un chef un chef, le de mal ou de répréhensible, on concept du rôle de leadership au sein l’appelle en indien un Motewolon. d’un groupe d’Indiens, Fred : J’ai parlé à White Pete à ce sujet essentiellement à l’intérieur de notre il y quelque années. Leo Tomah vivait groupe, les Malécites. À quelques à l’époque, vers 1970. Il me rappelle reprises, le Motewolon a été évoqué, que nous étions assis à un table de et on aurait pu en déduire qu’il bingo et que White Pete me disait : voulait dire Sakom [chef]. En fait, ce Voulez-vous voir votre grand-père n’est pas un Sakom. Un Motewolon lorsqu’il était petit garçon? Je lui ai est légèrement différent. C’est cela demandé s’il avait des photos datant mais plus encore. En fait, c’est la de cette époque, et il m’a répondu personne qui est différente. dans l’affirmative. Il possédait de Alice : Eh bien! Cette personne, le vraies vieilles photos. Il en avait de Motewolon, est puissante. Mais je Frank. Ce type collectionnait tout, et croyais comprendre qu’un il ne jetait jamais rien. Motewolon, c’est comme un démon Alice : Oui je sais. Je suis allée voir sa ou quelque chose comme vous dites fille, Carol. Je lui ai parlé vendredi. qui est un signe précurseur. Elle m’a dit qu’elle avait beaucoup de Fred : Le dernier Motewolon dans la photos. Elle m’a donné des docu- région aurait sans doute été ments où l’on parlait de son père, ou Fred Tomah, qui est mort il y a White Pete. Mais je lui ai dit qu’un longtemps. Non pas mon père, mais jour je reviendrais peut-être pour voir un autre Fred Tomah. les photos. Elle m’a répondu que je Alice : Comment était-il? pourrais les emprunter ou les faire Fred : C’était un guérisseur, à reproduire. Passamaquoddy. Fred : Selon les Anciens, White Pete

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aurait été trouvé sur le seuil de la le seuil de la porte d’un Indien, et il a porte d’un Indien dans son berceau. été élevé comme un membre de la C’est pourquoi ils l’appellent famille. White Pete. Alice : Est-ce bien vrai? Est-ce qu’il Alice : Il n’est pas Indien? vous l’a raconté? Fred : Non, il n’est pas Indien. Fred : Non, c’est Leo qui me l’a dit. Je Alice : Mais il pouvait parler indien? l’ai confronté à ce sujet. En fait, je Fred : Oh oui! Voyez-vous, lorsqu’il suis allé chez lui. Tout d’abord, était bébé, juste après sa naissance j’avais été invité chez lui après la (pause) partie de bingo, et nous examinions Alice : Eh bien! qui l’a élevé? toutes ces photos et autres. Je lui ai Fred : Les Indiens, sur la réserve de donc demandé si c’était vrai qu’il Woodstock. Il avait été abandonné sur avait été élevé par des Indiens ici? Il

Planche 22.5 : Photo prise chez Frank Tomah à Houlton, Maine; de gauche à droite : Philip Tomah, Louise Tomah (plus tard épouse de feu Arthur Polchies de Kingsclear), Elizabeth Tomah, Benny Tomah, Sarah Atwin, Simon Atwin, Tom Bear (Tobique), Frank Tomah (originaire de Kingsclear), Tom Forlis, Sappier Sappier (Tobique, plus tard St. Mary’s), Frank (« Weasel ») Francis (ancien chef de Tobique?), Gary Francis, Agnes (Francis) Forlis, Mary (Paul) Francis, mère de 14 enfants, Mme Frank W. Francis (Mary Poligiman), son père était Noel Paul, sa mère était une francophone; Mme Sappier, mère de 11 enfants, Leo Tomah, Peter Tomah (Archives de l’Université du Nouveau-Brunswick, 74-17378)

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m’a dit que c’était vrai. Il ne pour laquelle ils l’appellent connaissait pas sa mère et son père White Pete. véritables. En ce qui le concerne, ce Alice : Je sais que j’étais (pause) avant sont les personnes qui l’ont élevé qui de commencer ce travail… étaient son père et sa mère. Karen Perley m’a demandé de trouver Alice : Qui l’a élevé? plus d’information au sujet de Fred : Je ne suis pas certain. Je pense White Pete et d’Oromocto Pete. Qui que c’est la famille Paul. Un autre est Oromocto Pete? J’ai finalement aspect de cette histoire est qu’il m’a trouvé qui il était, et qui était dit qu’il ne parlait pas anglais jusqu’à White Pete. ce qu’il soit âgé de trente ans. c’était Fred : Ce Pete, était-ce un Polchies? dans les années 1930. C’est alors Alice : Oromocto Pete? qu’il a commencé à apprendre Fred : Oui. l’anglais. C’est avant qu’ils aient Alice : Non, je pense qu’il était (pause) l’électricité sur la réserve, il y a bien oui, Polchies, quand j’y pense. longtemps. Il avait en fait été Fred : Je suis un peu mêlé, car il y a un abandonné sur le seuil de la porte et il médecin à Woodstock du nom de avait été élevé comme un Indien. Et Fred Clarke. Avez-vous déjà entendu dans sa génération, il avait été parler de lui? accueilli comme un Indien. Il a même Alice : Oui, j’en ai entendu parler. été chef de la réserve à cet endroit. Fred : Il était dentiste, un collectionneur Alice : Il l’était. Ou plutôt non, il n’a de pointes de flèches, entre autres. Il jamais été chef. C’est ce que m’a dit aimait se rendre chez les gens et Carol, lorsque je lui parlais vendredi, chercher d’anciens articles indiens. Il qu’il n’a jamais été chef de cette a écrit un livre intitulé « Someone réserve. On a simplement prétendu Before Us » (Ceux qui ont vécu avant qu’il l’avait déjà été. Elle me l’a dit nous). J’ai obtenu ce livre, qui m’a elle-même, qu’il n’avait jamais été été donné par Leo ou quelqu’un chef. Je ne sais pas pourquoi ils disent d’autre - et je l’ai lu. On y parle au cela ou pourquoi c’est écrit, mais il sujet du Dr Peter Polchies. Et d’après n’a jamais été chef à cet endroit. ce que j’ai pu comprendre, il s’agit de Fred : J’aurais pu jurer qu’il a été chef il White Pete. Il parle de conversations y a longtemps. Mais c’était avant ma qu’ils ont eu autour de la table. Il naissance. C’est aussi avant la conversait souvent avec le naissance de Carol, car elle doit avoir Dr Peter Polchies. C’est ainsi qu’il a mon âge. découvert la signification de Alice : Je pense que Carol est âgée Meductic. Car en faisant ses fouilles, d’environ cinquante-cinq ans, ou à il ne trouvait rien au-delà de peu près. Meductic. Fred : De toute façon, c’est la raison Alice : Que veut dire Meductic?

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Fred : Le bout de la piste. Et selon le lorsque je parle à des gens de livre, d’après le Dr Peter Paul, le Princeton ou Eastport, Bangor, dans Dr Polchies l’aurait mentionné cette région, dans la réserve qui s’y lorsqu’il était à table. Il réfléchissait à trouve, je me rends compte que leurs voix haute. Lors de ses fouilles, le mots sont différents. Presque la même Dr Paul n’a rien trouvé au-delà de ce signification que nous, mais pas tout point particulier. Et il se demandait à fait. pourquoi le mot Meductic? Pourquoi Fred : Même leurs jurons, il n’y a aucun ne puis-je trouver rien d’autre au-delà moyen de dire ces mots en indien. de ce point? Et c’est là que D’une façon oui et d’une façon non. White Pete lui dit ce que voulait dire Alice : C’est comme cet homme de Meductic. Il a finalement pris con- Kingsclear à qui je parlais la semaine science que Meductic est le point que, dernière. Il m’a parlé d’une situation apparemment dans le processus des qui s’est produite, de cette femme qui eaux tributaires, les Indiens n’ont les traitait de tous les noms, comme jamais franchi. Et c’est le carrefour de houe de jardinage, soit Lahkihikon que ne franchissaient jamais les (dans notre langue). Finalement, la Indiens il y a de cela de nombreuses semaine dernière, j’ai appris que ça années. Et pour M. Clarke, cela voulait dire une putain. Or, il n’y a faisait beaucoup de sens. aucun mot dans notre langue pour une Alice : Un jour, lorsque je travaillais putain, et une houe est une houe de pour l’Union des Indiens du N.-B., il jardinage. Je lui ai demandé pour le y avait un dénommé Herman Saulis et mot chienne, et il m’a répondu que sa femme. Je pense qu’elle connaît c’était le mot Sqehsomuhs (femelle Pokiok, Meductic, et tous ces endroits du chien) et lorsque l’on parle de le long du fleuve Saint-Jean, chienne, les gens pensent que vous jusqu’ici. Elle connaît la signification parlez d’un chien, tout simplement. de ces noms, et je dois lui parler Fred : C’est comme une bourse de bientôt. femme à Passamaquoddy qui est Fred : White Pete aurait dû écrire tout désignée par un mot, et en malécite cela. Car il parlait de la différence de c’est un mot différent. la langue chez les jeunes générations, Alice : Ma mère m’en a parlé, me disant qui ont perdu une partie de la signifi- que Moneynuht est un livre de poche, cation des mots. Il disait qu’il avait mais que (pause) noté que la langue utilisée par les Fred : Je jouais au pinochle à Pleasant jeunes comporte des mots qui ont un Point, où je fréquentais une jeune sens différent. Il ne réussissait pas à fille. Nous étions dans un parc, en comprendre ce phénomène, et ça route pour aller chez quelqu’un et le l’importunait. sujet a été abordé. Cette fille Alice : C’est comme aujourd’hui, demandait à l’autre de lui passer cela;

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j’ai commencé à rire et je leur ai rat musqué. Ronnie Paul, sur notre expliqué. Elles m’on demandé si je réserve, fait encore du piégeage. parlais indien? J’ai dit que non, pas Fred : Ici, c’est réglementé; l’homme vraiment, mais que je pouvais blanc a établi des lois. On ne peut comprendre certains mots. faire du piégeage sans une loi du Alice : Oui, j’ai entendu mon père dire Parlement, mais on espère que tout cela également. cela sera changé dans un proche Fred : Jim et Aubrey parlaient souvent avenir. Et son mari, Fred Perley, vient indien lorsqu’ils étaient ensemble. En de Tobique. Il (pause) ce temps-là, tout le monde Alice : Il faisait quoi? confectionnait des paniers. On Fred : Un excellent fond de panier, car il fabriquait tous des paniers pour les est rapide. Il était coiffeur de son agriculteurs, et d’autres genre métier. Lorsqu’on avait besoin d’une d’articles. En un rien de temps, coupe de cheveux, il suffisait de Eleanor, la sœur de Jim, s’est mise à s’asseoir, il allait chercher ses ciseaux confectionner des fonds, coupant et et il nous faisait une coupe. Ça ne raclant le bois, à un rythme de pro- coûtait rien pour une coupe de duction élevé. cheveux lorsque Fred était aux Alice : Où est Eleanor maintenant, dans alentours. On ne s’inquiétait jamais quel foyer de soins? pour réparer quelque chose, car Jim et Fred : Sur le chemin de Calais; il y a un Leo étaient des menuisiers. foyer de soins à l’extérieur de la Alice : C’est bizarre, quand on observe municipalité. Je ne l’ai pas vue depuis les Indiens, comme lorsque j’y pense de nombreuses années. Je devrais actuellement, c’est comme s’ils ne aller lui rendre visite également. possédaient pas de métier à cette Alice : Quel âge a-t-elle? époque, ce qui n’était pas le cas. Fred : Je pense qu’elle a plus de Comme lorsque vous dites que Jim soixante ans. Jim était âgé de plus de était un menuisier, Aubrey un tailleur soixante-dix ans lorsqu’il est mort, et de pierre, ce n’est pas quelque chose elle serait donc dans la soixantaine. dont on entend beaucoup parler, soit Elle était bonne cuisinière, et quand les métiers pratiqués par les Indiens. ils apportaient du rat musqué, elle le On les a toujours considérés comme faisait cuire. simplement des Indiens. Et qu’ils Alice : Est-ce que vous mangez du rat pouvaient confectionner des paniers. musqué? Et c’est tout. Fred : Oui, lorsque je peux en trouver. Fred : Lorsque j’étais jeune, ils avaient Alice : Moi aussi. Ma mère avait l’habitude de fabriquer des raquettes l’habitude d’en faire un ragoût ou elle ici. Leo et Charlie m’ont parlé de ce le cuisait au four. C’était bon. Il y a qu’ils pourraient m’apprendre. Pour longtemps que je n’ai pas mangé de les remplir, il faut se préparer. Mais

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Jimmy m’a quand même expliqué ce de raquettes. Cette tribu, les qu’il faut faire, quoi utiliser et Malécites [Wolastoqiyik], était en certaines similitudes avec la confec- relation avec les autres. Et une autre tion des paniers. tribu, les Micmacs (Mi’kmaq), Alice : Les raquettes? n’avait qu’à jeter un coup d’œil sur la Fred : Oui, particulièrement pour ce qui neige et savait qu’un Malécite était est de la fabrication du cerceau pour passé par là, à cause du tissage. Un la raquette. La technique est la même tissage très fin, c’était la marque des que pour l’anse d’un panier ou pour Malécites. C’était même un choix de le rebord, car l’extérieur de l’arbre matériel. La peau d’un orignal, soit la n’a jamais été perturbé. C’est ce peau du ventre d’un jeune orignal, qu’on veut éviter de faire, soit de était ce qu’il y avait de mieux. Et il perturber l’extérieur de l’arbre, le fallait également préparer des repères, dernier anneau de croissance. Mais si comme ceux qu’on utilisait pour vous le faites, il faut enlever le couper ce matériel. Il fallait le couper dernier anneau pour vous servir du de la même façon. Une fois que la suivant. Neuf fois sur dix, vous ne le peau a été grattée, préparée et ferez pas, car c’est important, et mesurée en fonction de sa taille, il même très important pour ça. Car faut l’étirer. Ils utilisaient alors des lorsque la raquette devient froide supports, comme ceci, rien d’autre pendant l’hiver, si cet arbre - bien sûr, que des roulettes pour étirer la peau. ce serait moins froid car c’est à Il fallait l’étirer très fort d’un côté, la l’extérieur. Mais si c’est vraiment laisser reposer pendant un certain froid, comme sous zéro, le bout de temps, et recommencer à l’étirer. Il cette raquette va craquer et même fallait l’étirer, et le reste était enroulé casser si elle n’est pas confectionnée autour de l’autre roulette. Ils avaient de la bonne façon. Et en ne perturbant ces grattoirs qu’ils utilisaient. Je me pas l’anneau extérieur de l’arbre, la souviens, lorsque j’étais tout petit; ils raquette ne cassera pas. En installaient la peau dehors, la comprenez-vous la raison d’être? Les laissaient geler, et la rentraient pour la hommes modernes ont coupé du gratter. C’était la façon la plus facile matériel, ils l’ont soumis à la vapeur de procéder afin de la gratter jusqu’à et toute sortes de techniques. Ils ont la bonne épaisseur. Le grattoir était procédé de la même façon que pour le concave et il avait cette forme-ci, rebord. Mais en procédant ainsi, la avec un manche, pour gratter. Une raquette gèle. fois la peau bien grattée, il fallait Alice : Vous parlez de la raquette? commencer à une extrémité et Fred : Oui, c’est un autre objet que nous continuer selon une méthode de étions reconnus pour fabriquer. Nous tissage continu. Il fallait couper cette étions connus comme des fabricants longue pièce jusqu’à ce qu’elle soit

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toute terminée. J’étais capable de du nom de James Wherry a préparé. préparer la peau ainsi, mais je ne L’Association des Indiens savais pas comment la tisser, même si d’Aroostook, il y a de cela bien j’étais habile pour le tissage. Bien que longtemps; on y explique beaucoup je pourrais sans doute aller en de choses, notamment la structure chercher une dans la cabane, ici. En d’une tribu indienne dans l’ancien fait, je vais en apporter une ici et temps. On y parle du conseil, et de sa l’étudier. raison d’être. Je trouve que c’est très Alice : Qui a fabriqué celles qui sont intéressant, même aujourd’hui en dans la cabane? comparaison avec le gouvernement Fred : Dieu seul le sait. Je vais de l’homme blanc (pause) le chef est simplement deviner, et je crois que ce un chef, il peut dire et faire n’importe panier-ci en sera un à tête de chat. quoi, et tous l’acceptent. Mais en fait, Alice : Qui a confectionné le petit ce n’est pas vrai, et c’est expliqué panier qu’on voit un peu plus loin? dans le livre. Fred : Un Micmac (Mi’kmaq); c’est un Alice : Un chef n’est qu’un membre du panier de ma sœur, et les enfants ont conseil, et c’est tout; il n’a que le cassé l’anse. Je vais essayer de le titre. C’est tout comme chez nous. réparer et d’y ajouter une anse. Mais Vous pouvez le renverser n’importe je crois que ce sera difficile, car c’est quand vous le désirez. un panier de melon. Je n’en ai jamais Fred : Ici, le gouvernement actuel ne fabriqué moi-même. reconnaît pas cela. Et nous avons Alice : Vous allez me trouver une copie essayé de le faire ici, mais cela a du livre vert, de façon à ce que je causé toutes sortes de bisbilles, et puisse connaître l’arbre généalogique c’est ainsi qu’il a eu gain de cause. de votre famille? Mais nous allons changer cela très Fred : Nous avons cela quelque part, bientôt. mais pas nécessairement dans le livre [L’enregistrement s’arrête subitement] vert. C’est dans un rapport qu’un type

348 La nation du fleuve majestueux à Jemseg V olume 1 Témoignages impor La nation du fleuve majestueux à Jemseg

Volume 1 Témoignages importants et histoire orale

Publié sous la direction de

tants et histoire orale Karen Perley et Susan Blair

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