Homo Naledi, La Nouvelle Star D'afrique Du Sud
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1/5 Homo naledi, la nouvelle star d'Afrique du Sud 09/06/2017 Auteur(s) : Cyril Langlois ENS Lyon - Préparation à l'agrégation SV-STU Publié par : Olivier Dequincey Résumé Un lot de nouvelles données sur cet hominine décrit en 2015 vient d'être publié, et notamment une datation. Mais ces nouvelles analyses posent plus de questions sur le genre Homo qu'elles n'en résolvent. En septembre 2015, l'équipe du paléoanthropologue Sud-africain Lee Berger publiait la découverte des restes de plusieurs squelettes d'un hominine jusque-là inconnu, attribué à une nouvelle espèce du genre Homo, baptisée Homo. naledi (en référence au nom du site en mangue locale [1]). Ce nouveau membre du genre humain présentait de nombreuses caractéristiques surprenantes, mais ne pouvait être précisément daté. En mai 2017, la même équipe publie, dans le même journal, un lot de résultats supplémentaires, comprenant la description d'autres restes et une proposition de datation. Ces données accentuent l'originalité de H. naledi, qui apparait simultanément assez archaïque dans sa morphologie et étonnamment récent. Source - © 2015 D'après Berger et al. [1] Figure 1. La présentation d'Homo naledi à la presse, en 2015. Un squelette reconstitué et une flopée d'os d'autres individus. En 2015, quatre-vingt-dix ans tout juste après la publication par le paléontologue australien Raymond Dart (1893- 1988), de la découverte en Afrique du Sud d'un fossile apparenté à l'Homme, Australopithecus africanus (« l'enfant https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/Homo-naledi.xml - Version du 07/04/21 2/5 de Taung »), les grottes karstiques de ce pays focalisent à nouveau l'attention des paléoanthropologues. Lee Berger, chercheur de l'université du Witwatersrand, présente aux médias un squelette étonnamment complet et de nombreux autres restes d'un nouvel hominine, que son équipe a baptisé Homo naledi (figure 1). À la place des seuls face et moulage endocrânien de l'« enfant » déterré par Dart, Berger annonce l'exhumation, depuis novembre 2013, de 1550 os appartenant à une quinzaine d'individus « au moins », et d'âges biologiques différents (jeunes et adultes) [1]. Par ailleurs, Berger et son équipe bouscule les habitudes par leurs méthodes de recherche et l'impact médiatique qu'ils donnent à leurs découvertes, ce qu'ils avaient déjà réussi pour un autre fossile, Australopithecus sediba, publié en 2010 dans la revue Science (cf. Australopithecus sediba, nouvel australopithèque d'Afrique du Sud). Cette fois, Lee Berger est allé encore plus loin [2] : Il finance l'exploration des réseaux karstiques du pays par des spéléologues chargés de signaler tout indice de fossile d'hominine ; pour accéder à la chambre où se trouvaient ceux-ci, il a engagé via internet de jeunes femmes paléontologues et spéléologues, suffisamment menues pour se glisser dans le boyau très étroit du système karstique qui permet d'y accéder (figure 3) ; le reste de l'équipe supervisait le dégagement des fossiles depuis l'extérieur, à l'aide de caméras ; il a également négocié une étroite collaboration avec le magazine National Geographic, qui finance les fouilles en échange d'un suivi exclusif de l'avancée des découverte ; enfin, l'équipe publie ses résultats dans une revue à comité de lecture mais en libre accès, apparue en 2012 et encore peu connue, eLife [3]. Bravade contre le système d'édition traditionnel ou refus des journaux les plus prestigieux de publier un fossile qui manque de l'information la plus cruciale, sa datation ? C'est en tout cas un choix que Berger et ses collaborateurs réitèrent en 2017. Source - © 2017 D'après Google Earh, modifié Figure 2. Localisation sur Google Earth du réseau de grottes Rising Star aux environs de Pretoria, où ont été trouvés les fossiles d'Homo naledi. En 2015, ce nouvel hominine souffre en effet d'un manque majeur : son âge est inconnu. Ses caractéristiques anatomiques, elles, étonnent, de même que le contexte du site : il s'agit d'individus un peu plus grands que des australopithèques de plus de 2 millions d'années, mais à la capacité crânienne assez voisine (513 cm3 en moyenne, pour les individus adultes, contre 450 à 550 cm3) ; le squelette post-crânien (le squelette à partir de la première vertèbre) rappelle les australopithèques alors que le crâne évoque celui d'un Homo erectus (fort bourrelet sus- orbitaire, prognathisme net), une espèce datée de moins de 2 Ma, dont la capacité crânienne moyenne tourne plutôt autour de 1000 cm3 (figure 4). Source - © 2015 D'après Dirks et al. [12], francisé Figure 3. Coupe du système de galerie de Rising Star montrant la voie d'accès aux fossiles publiés en 2015. Le « passage de Superman » n'est franchissable qu'en rampant dans le boyau, un bras tendu en avant, d'où son https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/Homo-naledi.xml - Version du 07/04/21 3/5 appellation. Par ailleurs, l'explication la plus simple à la présence de squelettes de primates dans une cavité karstique Sud- africaine est celle d'un apport depuis l'extérieur, soit par des prédateurs, soit par une crue. Mais dans cette chambre-ci, les éléments squelettiques retrouvés semblaient tous parallèles les uns aux autres, ne portent pas de trace de charognage et ne sont pas associés à des ossements provenant d'autres animaux [2]. D'où la proposition d'une disposition intentionnelle des squelettes, donc d'une forme d'inhumation de ces quinze individus par leurs congénères. Que la cavité soit très difficile d'accès (figure 3), même pour des individus de petite taille, rend encore plus énigmatique cette accumulation de squelettes : elle nécessiterait un transport très compliqué, qui plus est dans l'obscurité la plus complète. On peut soupçonner que la grotte possédait autrefois une autre ouverture, plus large et plus accessible. Source - © 2008 D'après Robson & Wood [13], modifié Figure 4. Gammes de volume cérébral des espèces fossiles d'hominines (en cm3) sur lequel on a ajouté les valeurs publiées pour les espèces Homo naledi et Homo floresiensis (sans traitement statistique). En mai 2017, Lee Berger et ses associés publient trois nouveaux articles, toujours dans eLife. L'un d'eux décrit de nouveaux éléments squelettiques découverts dans une seconde chambre du réseau karstique et attribués à la même espèce [4]. Ils comprennent un squelette partiel, un crâne fragmentaire auquel manque une partie de la face, mais dont le volume a pu être reconstitué (610 cm3), et sa mandibule. Un deuxième article [5] propose une longue réponse (59 pages !) à la question cruciale de l'âge de ces fossiles. L'équipe a croisé les résultats de plusieurs techniques de datation sophistiquées, développées notamment en Australie pour dater justement les sites archéologiques dans des environnements calcaires et désertiques. Certaines, comme la luminescence stimulée optiquement (Optically Stimulated Luminescence, OSL) et la datation uranium-thorium (déséquilibre des chaines radioactives de l'uranium) ont été appliquées aux placages calcitiques (flowstones) de la grotte ; d'autres ont pu être utilisées directement sur quelques dents des spécimens (datation par résonance de spin électronique, Electronic Spin Resonance [6]). Les résultats obtenus ajoutent à la confusion : ces fossiles auraient entre 236 000 et 335 000 ans ! C'est-à-dire qu'ils dateraient de la fin du Pléistocène moyen (781 000 à 126 000 ans) et seraient contemporains des néandertaliens d'Eurasie et des dénisoviens d'Asie. Cette découverte d'individus à « petite tête » et pourtant récents rappelle évidemment le cas des « petits Hommes » de Florès (Homo floresiensis), dont des résultats récents ont réévalué l'âge entre 50 000 et 190 000 ans [7] (au lieu des 18 000 ans attribués au principal squelette lors de sa publication en 2003 et des 12 000 à 95 000 ans avancés pour l'ensemble des pièces). Dans ce dernier cas, les erreurs de datation provenaient en partie d'une corrélation erronée entre les restes fossiles et les couches sédimentaires (certaines pièces du squelette fragmenté se trouvaient inclus dans des couches plus récentes). Dans le cas d'Homo naledi, la concordance des datations effectuées sur les sédiments et sur les dents elles-mêmes semble exclure ce type d'erreur. Qu'en conclure, pour l'instant ? Les dates récentes de ce nouvel hominine étonnent parce que son anatomie faisait attendre a priori une date beaucoup plus ancienne, supérieure à 1 million d'années, qui l'aurait rapproché d'hominines au cerveau un peu supérieur, comme Homo erectus ou Homo ergaster, ou des espèces encore plus anciennes, comme Homo habilis ou les derniers Australopithèques (figure 4). Cela n'aurait pas contredit la tendance à l'augmentation du volume cérébral observé dans le genre Homo depuis 1,8 Ma avec Homo erectus et qui parait s'accentuer à partir de 800 000 ans (figure 4). https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/Homo-naledi.xml - Version du 07/04/21 4/5 Si l'attribution de ces fossiles au genre Homo est confirmée, il faut en conclure que ce genre a été plus diversifié encore qu'on ne le pensait jusqu'à présent, avec plusieurs branches dont certaines seulement auraient développé un grand cerveau. Cela invaliderait au passage l'une des hypothèses explicatives à cette tendance évolutive, celle du lien entre acquisition de la bipédie et développement cérébral. Cela donne par contre un relief supplémentaire à une publication récente de paléogénétique co-signée par le désormais célèbre paléogénéticien suédois Svaante Pääbo, qui montre qu'une mutation génétique propre à l'Homme, et dont l'apparition remonterait à Homo erectus, aurait permis ce développement cérébral particulier. Dans un gène humain lui-même issu de la duplication d'un autre gène préexistant, une mutation unique (une transversion C → G) induit la coupure d'une petite séquence de l'ARN messager produit par transcription de ce gène.