Francia­Recensio 2016/1 19.–20. Jahrhundert – Époque contemporaine

Bernd Reichelt, Fußball im deutsch­französischen Grenzraum Saarland/ 1900–1952. Eine transnationale Geschichte politischer Inszenierung und sportlicher Emanzipation, Stuttgart (Franz Steiner Verlag) 2014, 421 S., 7 s/w Abb. (Schriftenreihe des Deutsch­Französischen Historikerkomitees, 11), ISBN 978­3­515­10893­5, EUR 66,00. rezensiert von/compte rendu rédigé par Alfred Wahl,

Cette étude élaborée sous la direction de Dietmar Hüser s’inscrit sans conteste parmi les plus remarquables parues sur l’histoire du football, une discipline tard­venue dans l’historiographie française et allemande. Fort opportunément, Bernd Reichelt retrace les premiers pas de la discipline considérée à ses débuts comme illégitime par les historiens consacrés. Il insiste sur ses potentialités pour la connaissance de l’histoire contemporaine. L’auteur a pu bénéficier de la récente prise en compte par les archivistes des documents relatifs au football généralement très dispersés. Il insiste aussi sur l’importance de la presse sportive, liée dès l’origine à la pratique du jeu et donc une source primordiale.

Dans son introduction, Reichelt apporte d’emblée la preuve de sa maîtrise de la discipline, de ses thématiques, de ses problématiques et méthodologies. Comme l’organisation et la pratique du football dans l’espace choisi dépendent pour une grande part de la conjoncture politique, le choix du plan chronologique s’imposait. Au moment de l’apparition du football après 1885, la Sarre et la étaient alors des territoires du Reich allemand. La dernière, intégrée dans le Reichsland Elsass­ Lothringen disposant d’un statut particulier qui le faisait dépendre de l’ensemble des États du Reich. Les deux espaces sont à nouveau, politiquement et sportivement, séparés entre 1918 et 1940. Nouveau bouleversement dans l’organisation du football avec l’annexion de la Lorraine en 1940 au Reich et son intégration dans le Westmark du Gauleiter Josef Bürckel et donc dans le NSRL (Nationalsozialistischer Reichsbund für Leibesübungen). Les deux espaces du football sont à nouveau réunis. Suite à la nouvelle séparation après 1945, c’est dès lors le football sarrois qui polarise tout l’intérêt par ses tribulations politiques entre la France et l’Allemagne.

Vers la fin du XIXe siècle, l’on assiste, comme partout à la fondation d’un nombre considérable d’associations dont celles de gymnastique et de sport. L’auteur nous apprend plus encore sur la place de Walther Bensemann. Il résume aussi utilement le rôle de Konrad Koch qui voulait lier le football au Turnen alors qu’il s’agissait, comme on le sait, de deux mondes différents et idéologiquement antagonistes. L’étude décrit aussi les espaces sociaux privilégiés du football: les cafés et les déplacements en commun. L’auteur revient aussi sur les inquiétudes de l’Église catholique qui voit les jeunes joueurs fréquenter des associations non­confessionnelles ou interconfessionnelles, autre signe

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Au début du XXe siècle, les problèmes matériels arrivent au premier plan; le besoin de terrain de jeu introduit les communes dans le jeu. La rivalité avec le Turnen concerne seulement l’espace sarrois. Les gymnastes encore dominateurs reprochent au football d’être »unpatriotisch« et sous l’influence du matérialisme individualiste et d’une civilisation étrangère alors que le Turnen forge une Volksgemeinschaft. Une désaffection affecte alors le Turnen dont les pratiquants se tournent toujours davantage vers le football.

Le passage sur la fondation des clubs et la sociologie des joueurs, puis des dirigeants confirme les données déjà connues pour d’autres régions, y compris françaises. Les joueurs se recrutent dans le milieu des établissements scolaires post­primaires, c’est­à­dire dans les couches aisées. C’est du même milieu que sont issus les futurs dirigeants: commerçants et professions libérales du côté sarrois. En revanche, la Lorraine présente une originalité: les fondateurs sont d’abord de Vieux­ Allemands (Altdeutsche), souvent des enseignants. Dans l’ensemble, la croissance des associations marque un retard en Lorraine, toutefois en avance par rapport à la Lorraine française.

Sauf au début, après 1918 où l’interdiction de rencontrer des clubs allemands avait été signifiée aux clubs lorrains, les rencontres transfrontalières ont repris, mais pour une courte durée. La construction de la ligne Maginot et l’avènement des nazis ont tout changé. L’intégration du football lorrain dans la Fédération française du football (FFF) s’est faite avec peine, en raison notamment de la question de la langue allemande qui domine à l’Est de la Lorraine. Cependant les autorités politiques et sportives ont su favoriser la francisation et la républicanisation par leur présence lors des inaugurations de stade ou autres moments commémoratifs.

Bernd Reichelt retrace aussi la confrontation des deux régions face au professionnalisme. Alors que le football est moins développé en Lorraine, où les spectateurs sont moins nombreux, le FC Metz se lance dans l’aventure. Les promoteurs sarrois n’ont pas hésité, après 1939, à se livrer à un antisémitisme grossier afin de convaincre les nazis à les suivre. Ainsi, ils accusent les juifs d’avoir été la cause de l’amateurisme marron. Orientés deutschnational, ils ont aussi salué positivement le nouveau régime avant de multiplier les rencontres avec des clubs allemands afin de promouvoir le retour dans le Reich en 1935.

En 1940, les cadres du football sarrois ont pris en main le football de l’ancien département de la Moselle afin de le nazifier, à la grande satisfaction d’Erich Menzel, le célèbre journaliste sportif sarrois. De fait, les rencontres avec les clubs sarrois débutent dès juillet 1940, comme ce fut le cas en Alsace. De grands joueurs comme Veinante, l’international du RC Paris, revenus au pays, réintègrent des clubs lorrains. Mais le président Herlory du FC Metz ne rentre pas. Le FV Metz atteint les 8e de finale du Tschammer Pokal (coupe d’Allemagne) en 1941.

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Bernd Reichelt considère que la réintégration du football mosellan dans la Ligue Lorraine de football a été plus aisée après 1945 en raison de la vie commune des vingt années précédant la guerre. Il insiste donc davantage sur les grandes difficultés du football sarrois dont les dirigeants ont été dénazifiés et placés devant le projet de Gilbert Grandval de le rapprocher du football français, dans un but politique évident. L’auteur expose avec précision ses démarches auprès de Maurice de Vienne, le président de la Ligue Lorraine de football et auprès de Jules Rimet, le président de la Fédération française de football (FFF), afin d’organiser des rencontres entre la Sarre et la France.

L’auteur accorde une place très importante à la tentative avortée de raccrocher le football sarrois à la FFF. Il complète ainsi des travaux antérieurs rédigés par des historiens intéressés par le problème des rapports du football avec la politique. C’est au moment où Jules Rimet, le président de la FFF répond à la demande du gouvernement français d’intégrer le 1. FC Saarbrücken dans le championnat de France de seconde division qu’une véritable crise secoue la FFF. Excellent exemple de l’interférence entre politique et football qui atteste par ailleurs que le football est, déjà au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, bien un fait social de première importance.

Parmi les sujets à débat, l’affirmation de l’auteur qui indique que les bonnes relations entre Yvo Schricker, le secrétaire général de la FIFA, et Peco Bauwens, président du DFB, ont aidé au retour de l’Allemagne au sein du concert mondial du football. En réalité, durant la guerre, le premier s’était opposé avec toute la détermination possible aux actes du second visant à placer la FIFA sous la domination des nazis. En 1945, Schricker a encore informé sèchement Bauwens de son exclusion du comité directeur de la FIFA en raison de ses agissements en faveur des nazis.

Dans l’ensemble, cet ouvrage confère à son auteur le statut d’un chercheur éminent de l’histoire du football, en même temps qu’il ajoute à la légitimité de cette discipline bien installée désormais en Allemagne et en France. Sachons gré aussi à Dietmar Hüser d’avoir encouragé l’initiative.

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