Compte-rendu des échanges Eh ! Oh ! L’éolien : pour une approche globale de la transition énergétique

17/01/2019 Organisé par Plateau Débat Public (porté par Nature Environnement Bourgogne-Franche- Comté) et Nature Environnement; co-animé avec le Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement Bresse Du Jura

Le réseau environnement du Plateau Débat Public est soutenu par :

Sommaire

I. En bref ______4

II. 1ère criée publique ______5

III. Introduction ______7

IV. 2ème criée publique ______8

V. Loi et déclinaison en région ______8

VI. Les enjeux paysagers ______11

VII. Les enjeux écologiques ______14

VIII. La réalisation des projets ______16

IX. Modèle économique ______22

X. 3ème criée publique ______26

I. En bref

→ Jeudi 17 janvier 2019 à partir de 19h30 à Lons-le-Saunier → Environ 150 personnes étaient présentes → Durée de l’événement : 3 heures (interventions courtes et retours d’expériences entrecoupés de prises de parole et/ou questions du public)

Éléments de contexte :

Dans le cadre des changements climatiques actuels et de la loi sur la transition énergétique, la question du développement régional des énergies renouvelables en France se pose. La multitude d’acteurs aux intérêts parfois divergents rend le sujet particulièrement sensible et pourtant, il a tout intérêt à être discuté collectivement.

Intervenants :

 Sébastien Crombez (directeur de projets, chef de la mission régionale climat air énergie, Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement Bourgogne- Franche-Comté, DREAL BFC)  Blandine Aubert (directrice régionale, Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie Bourgogne-Franche-Comté, ADEME BFC)  Sophie Lheureux (paysagiste conseillère, Conseil d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement du Jura, CAUE Jura)  Alexandre Laubin (chargé de mission expertise et accompagnement, Ligue pour la Protection des Oiseaux Franche-Comté Agir pour la Biodiversité, LPO FC)  Fabrice Gourat (président de l'entreprise Intervent, représentant de France Énergie Éolienne)

Intervenants pour retours d’expériences:

 Gérard Charriere (vice-président à l'environnement du Pôle d'Équilibre Territorial et Rural (PETR) Lédonien en charge du Schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Pays Lédonien)  Pierre Grosset (vice-président en charge de l’environnement, des déchets, du plan climat et du conseil en énergie partagée, Espace Communautaire Lons Agglomération (ECLA) ;

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conseiller délégué à l’habitat, l’efficacité énergétique et à l’économie circulaire, région Bourgogne-Franche-Comté)  Jean-Louis Dufour (maire de )  Véronique Verbeeck (maire de )  Benoit Jaillet (habitant de Vevy et co-animateur du Collectif d'Alerte du Premier Plateau du Jura sur les Éoliennes, CAPPJE)

Nous remercions Isabel Claus de nous avoir permis de diffuser son court-métrage « Paysages de la transition énergétique/2015 ». Nous remercions également le CPIE1 de la Bresse du Jura pour leur implication dans le bon déroulement de cette soirée.

II. 1ère criée publique

La soirée a débuté par le recueil auprès du public par le CPIE Bresse du Jura des raisons de leur venue à cette soirée débat.

Floriane Karas et Lucile Caillaux2, crieuses publiques, ont ensuite lu pêle-mêle ces motifs :

 Je viens pour m’informer, je n’ai pas d’infos techniques. C’est la première réunion où je viens.  L’éolien est-ce vraiment écologique ?  Ce qui m’amène ? Oui à la transition énergétique, non à l’éolien industriel.  Même si j’ai un avis tranché, ça m’intéresse de voir les arguments des « pour » et des « contre ».  On se bagarre contre des projets éoliens sur le Premier Plateau. Je suis venue pour savoir ce qui se dit. Je n’en attends pas grand-chose.  Ce n’est pas démocratique, on nous l’impose. Et quand on est au courant, c’est trop tard.  Je viens car je suis contre. Et pour savoir quelles sont les positions de la ComCom sur ces projets éoliens.  Est-ce que l’éolien est vraiment accepté dans le Jura ?  Quelle organisation pour tout ça ?  Si les promoteurs viennent voir tout le monde, c’est la pagaille. Il faut s’organiser plus rationnellement. Il y a une nécessité de s’organiser et d’organiser aussi les retombées financières.  Depuis que le parc de Chamole est en production, combien d’énergie a-t-il produit ? Quel est vraiment le bilan financier de ce projet ?  Qui va payer le coût du démantèlement ?  Ce qui m’a amené ? Une voiture électrique !  Je viens chercher les attentes et les craintes des habitants face aux projets pour ensuite construire des projets plus sereinement.

1 Centre permanent d’initiatives pour l’environnement 2 CPIE Bresse du Jura 5

 Je suis découragée, les dés sont jetés, pipés. Les maires sont plus attachés à leur portefeuille qu’à l’avenir de notre village. Que peut-on attendre de ces gens-là ? Je suis conseillère municipale et je suis bien placée pour en parler.  Moi je ne connais pas l’éolien donc je viens apprendre.  Je suis surprise qu’une partie des écolos soient contre ces projets.  Je prends en fonction de ce qui va se dire.  Ce qui me questionne c’est la place du citoyen dans ces projets éoliens.

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III. Introduction

Vincent Dams: Grâce à l’animation précédente, on voit que les points de vue sont divers. Le sujet de l’éolien est compliqué. Il y a beaucoup d’événements qui ont déjà été organisés sur l’éolien et de nombreux documents ont été produits. Mais c’est la première fois que France Nature Environnement en région organise ce type d’événement sur ce sujet-là. On pourrait nous reprocher que cet événement arrive peut-être un peu tard. Dans le même temps, il n’est jamais trop tard pour débattre, mettre les gens autour d’une table ou dans une même salle pour parler d’un sujet commun.

L’objectif de France Nature Environnement Bourgogne-Franche- Comté (FNE BFC), de Jura Nature Environnement (JNE) et du Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement (CPIE) Bresse du Jura ce soir n’est pas de vous faire changer d’avis. Est-ce possible ? Est-ce d’ailleurs souhaitable ? Ce soir, nous nous positionnons en tant que médiateur. Pour s’enrichir mutuellement, partager des connaissances, des points de vue pour que chacun se fasse son avis en connaissance de cause. On n’a rien à y gagner, sauf permettre à des acteurs divers de s’informer et de pouvoir échanger ensemble.

Pourquoi le sujet de l’éolien ? On l’a vu, ce sujet pose question, il interpelle. Et aussi parce que l’enjeu même de la transition énergétique est loin de faire consensus, et on peut le regretter. Car réussir la transition énergétique des territoires et plus largement la nécessaire transition écologique de notre société n’est pas à prendre à la légère. Ses impératifs demandent l’effort de tous. Chacun doit prendre sa part de responsabilité. Si l’objectif est de parvenir à une société à faibles émissions de gaz à effet de serre, respectueuse des ressources et du patrimoine naturel, il y a aussi l’enjeu primordial de garantir une cohésion sociale sans quoi il sera difficile d’avancer. Cette cohésion sociale apparaît aujourd’hui ici fragilisée.

Alors que la production d’électricité à partir du vent est une formidable alternative à la production par les énergies fossiles et minières, personne ne peut le nier, la production éolienne interroge sur bien des aspects. Comment le produire ? Pour répondre à quels besoins énergétiques ? Où et comment l’installer ? Comment prendre en compte la population et les acteurs locaux ? Et la biodiversité ? Et le paysage ? Comment l’intégrer dans des stratégies d’aménagement du territoire, de planification territoriale ? Sur quel modèle économique asseoir ce développement ?

C’est un bel exercice de démocratie que nous vous proposons ce soir. Réunir une telle diversité de personnes et d’acteurs aux avis tranchés ou indécis, convergents ou en désaccord, demande à chacun de respecter l’autre. De respecter les règles de bienveillance que nous vous proposons.

À travers les interventions de ce soir, l’éolien sera traité de façon transversale. Chacun des intervenants l’abordera par des thématiques qui l’animent. Ces présentations feront l’objet d’échanges avec vous pour partager des points de vue, s’enrichir mutuellement, amener à se poser les bonnes questions.

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Puisse cet événement permettre d’échanger entre tous de façon constructive, de prendre conscience de la diversité des opinions, d’identifier les principaux points de questionnement sur le sujet et d’approfondir.

Pour prolonger, nous vous proposons la soirée de mardi prochain (22/01/19) à Villeneuve-sous- Pymont. Elle permettra de réfléchir ensemble par ateliers, par thématiques aux conditions de réussite de la transition énergétique sur le territoire du bassin de vie de Lons-le-Saunier

IV. 2ème criée publique

 C’est la moindre des choses d’être un peu au courant. Je suis allée à Chamole, j’ai vu les éoliennes, et j’ai trouvé ça bien. Si on est bien informé on a moins d’a priori.  On manque cruellement d’une vision globale de l’aménagement du territoire pour l’éolien. Ça part dans tous les sens.  J’ai cru comprendre qu’il y avait les « pros » et les « antis », je viens écouter les deux.  Il faudrait sortir de l’émotion et avoir une approche plus technique.  L’ADEME vient causer. Le coût de l’éolien est trop élevé et soutenu. Il n’y a pas cette baisse normale. C’était une promesse de l’ADEME il y a 15 ans.  Jusqu’où le Jura sera-t-il capable d’aller dans le participatif sur son territoire ?  Pourquoi privilégier l'éolien industriel de sociétés privées, alors que si l'on aidait de façon conséquente l'isolation thermique de nos bâtiments pour tendre vers les bâtiments à énergie positive, nous aurions besoin de moins d'énergie ? Et la voiture électrique, que fait l'État pour baisser les coûts ?  On m’a invitée. Perso, j’irais bien à ma soirée crêpes.

V. Loi et déclinaison en région

Sébastien Crombez : la première chose que fait l’État en matière d’énergie c’est de fixer des objectifs. Pourquoi parmi ces objectifs il y a l’installation d’éolien ? L’enjeu principal que l’on a c’est le climat et le réchauffement climatique et de respecter les termes de l’accord de Paris (limiter le réchauffement bien en deçà de 2° en poursuivant l’action menée pour le limiter à 1,5°, et d’atteindre un équilibre au niveau mondial entre les émissions et les absorptions de gaz à effet de serre).

L’objectif qu’on vise c’est la neutralité carbone d’ici 2050. Pour arriver à cela, il faut une énergie qui est 100% décarbonée. Ça signifie qu’on va avoir besoin d’énergie décarbonée mais également d’économies d’énergie. Mais malgré les économies d’énergie, il va falloir substituer des usages, notamment de fossiles, par des nouveaux usages électriques. On va aller vers une augmentation de la consommation d’électricité. On estime qu’en 2050, 50% de la consommation d’électricité correspondra à des usages qui n’existent pas aujourd’hui. Il s’agit de nouveaux usages de l’électricité.

Il faut des énergies renouvelables (EnR) électriques pour plusieurs choses :

 avoir un mix plus diversifié entre du renouvelable et du nucléaire,  pour ne plus avoir d’électricité produite à partir de fossiles,

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 pour couvrir cette augmentation de la consommation d’électricité.

Qu’est-ce que le renouvelable aujourd’hui en France ? Environ 50 gigawatts de capacité installée, plus de la moitié c’est de l’hydroélectricité, et l’éolien sur ces 50 gigawatts c’est 14 gigawatts de capacité installée.

Où veut-on aller dans les 10 prochaines années ? La nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) fixe un objectif de passer d’une puissance totale installée d’énergie renouvelable de 50 à 100 gigawatts. Il faut la doubler d’ici 2028. Et pour l’éolien on veut passer de 14 à 35 gigawatts. Nous avons 10 ans pour multiplier par 2,5.

Le bilan, si on résonne à l’échelle de la région, où en est-on ? Il y a environ 300 éoliennes installées en Bourgogne-Franche-Comté. Un peu plus de 670 mégawatts. Ce qui est installé correspond environ à la moitié de ce qui est autorisé. Le reste c’est des parcs qui sont autorisés et qui sont dans leur processus de contentieux administratif et qui attendent d’être construits. On a un stock qui est en instruction : 300 autres mâts, environ 900 mégawatts. Ceux-là sont en instruction, ils ne seront peut- être pas tous autorisés. Ce qui est déjà installé ne représente qu’une petite partie de ce qui est autorisé et de ce qui est aujourd’hui en cours d’instruction.

Blandine Aubert : l’ADEME est un organisme qui essaye d’apporter de l’expertise sur ces sujets-là. Depuis 2015, elle travaille sur des scénarios d’évolution de l’énergie dans le mix énergétique et en même temps dans les consommations d’énergie des Français. J’insiste sur le fait que ce que vient d’expliquer Sébastien Crombez en termes d’enjeux climatiques et d’évolution de l’énergie c’est vraiment un enjeu de changement de modèle de développement. Il ne s’agit pas juste de construire des éoliennes.

Comment aller vers un modèle plus sobre ? Les objectifs de réduction des consommations d’énergie sont très ambitieux. Aujourd’hui, nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire. Il faudrait redoubler les efforts pour encore réduire nos consommations d’énergie. Et puis en même temps il s’agit de valoriser les ressources locales dont on dispose plutôt que d’utiliser des ressources pétrolières, minières, gazières. Dans la région, on a beaucoup de ressources : bois, eau, vent, soleil.

Comment on change ce modèle? Comment localement on s’approprie cette énergie ? Comment devient-on acteur de son énergie pour développer une nouvelle société ?

Les scénarios sont en cohérence avec la programmation pluriannuelle de l’énergie. Les tous derniers scénarios prospectifs (sortis en décembre) consistaient à évaluer l’économie de différents scénarios de mix électrique sur les énergies électriques, et de voir ce que ça donne en termes de coûts pour le consommateur.

L’ADEME s’est projetée au-delà de 2030 (échéance PPE) pour intégrer le temps long des investissements. Elle est allée jusqu’en 2060. On a comparé différents scénarios du mix électrique. Ce qui ressort de ces travaux c’est un scénario où on prolonge la durée de vie des centrales nucléaires pour réduire progressivement et atteindre le 50% d’électricité nucléaire en 2030-35 qui est un optimum économique. C’est un taux d’énergie renouvelable qui est poussé jusqu’à 85% d’énergie renouvelable en 2050 qui coûte le moins cher pour le consommateur. Qui permet d’arriver à une électricité moins chère qu’aujourd’hui pour le consommateur. On arrive à un développement des énergies renouvelables sans système de soutien à partir de 2035 pour ce qui concerne l’éolien dans

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ses modélisations économiques. C’est un enjeu de climat mais aussi de développement économique et de société.

Public : j’aurais voulu avoir des précisions sur les énergies décarbonées sur l’ensemble de leur cycle de vie, en particulier l’éolien.

Sébastien Crombez : c’est une énergie qui est faiblement carbonée. Effectivement, il y a une partie d’émissions qui est liée au processus de fabrication. Aujourd’hui, l’éolien reste l’une des énergies qui émet le moins de CO2 par kilowattheure qui est produit. Quand on intègre la question du bilan énergétique, le coût énergétique lié à la fabrication de vie de l’éolien c’est moins d’un an de production d’une éolienne. C’est un des meilleurs ratios que l’on a aujourd’hui en matière d’énergie et c’est beaucoup moins que la moyenne qu’on a sur le parc énergétique français.

Blandine Aubert : c’est aussi l’énergie renouvelable qui a le plus de potentiel de développement au niveau français.

Public: je suis habitant du Sud-Revermont. Vous venez de citer les différentes richesses de nos territoires. Nous avons certes du bois et de l’eau. Je suis surpris de vous voir évoquer le vent. Sauf erreur de ma part, nous sommes sur la région de France la moins ventée. Comment pouvez-vous indiquer que nous avons beaucoup de vent ? Si les éoliennes sont plus grandes (jusqu’à 200 m), c’est pour aller chercher le vent en hauteur. Je m’interroge donc sur la pertinence de ces projets.

Blandine Aubert : je n’ai pas dit qu’il y avait beaucoup de vent dans la région, j’ai dit qu’il y avait beaucoup de ressources. Et j’ai cité le bois, l’eau, le vent, le soleil. Nous ne sommes pas non plus la région la plus ensoleillée. Pour autant, on ne peut pas se permettre d’exclure une énergie renouvelable. Même si on est moins venté que les régions de l’ouest, nous avons des technologies pour capter cette énergie et avoir des équipements qui soient rentables et productifs. Ça fait partie des ressources qui peuvent être valorisées au plan énergétique.

Sébastien Crombez : il n’y a pas de contradictions avec l’implantation d’éoliennes. Les données de production réelles des parcs permettent de calculer le facteur de charge des éoliennes. RTE3 publie tous les trimestres les données région par région. La BFC a des taux tout à fait identique aux grandes régions éoliennes. Sur les derniers chiffres, entre le 30/09/17 et le 30/09/18, la moyenne du facteur de charge en BFC était 22,3%. En Grand Est : 22,4%. Hauts-de-France : 22,6%. C’est tout à fait comparable. On est moins venté en sol. Mais on va chercher le vent en altitude. Il y a des effets locaux. On ne peut pas mettre n’importe quel éolien n’importe où en BFC. L’éolien développé intelligemment avec des études des vents a des rendements comparables aux autres régions de France.

3 Réseau de transport d’électricité 10

VI. Les enjeux paysagers

Sophie Lheureux: Je suis là pour vous parler des enjeux de l’implantation des éoliennes dans les paysages. Rappel de ce qu’est un paysage : c’est les relations entre un socle géologique (essentiellement naturel) et la manière dont l’Homme va venir habiter et modifier ces territoires.

L’Homme a toujours modifié les paysages qu’il habite. Installation de son habitat et culture du sol et de la terre. Au-delà de ce socle naturel et de l’occupation humaine, c’est également le regard que l’on porte dessus. Le paysage est un bien commun mais il va être perçu d’une manière différente en fonction des personnes.

Le paysage lié à la production de l’énergie a toujours fait un peu débat. On est parti d’une époque avec des moulins à vent (petites structures qu’on classe aujourd’hui comme patrimoniales), avec plus au XIXe siècle la construction des paysages par le biais de création de structures (exemple : terrils). Plus localement, le barrage de Vouglans qui à l’époque a été un grand changement mais qui aujourd’hui compose le paysage jurassien. Plus récemment, les centrales nucléaires. Cette manière de produire de l’énergie a eu un impact sur les paysages.

Depuis l’évolution de la production d’énergie, il y a une manière totalement différente de vivre et d’occuper le territoire. Il y a également eu une évolution de l’étalement urbain. Les choix de société et de modes de vie ont des influences sur le paysage. À chaque fois qu’on fait un choix, on structure et compose le paysage qu’on occupe. Les choix d’aujourd’hui vont construire le paysage de demain.

L’éolien pourrait être accepté car on est dans une démarche de développement durable et qu’on est face à une structure qui utilise de l’énergie renouvelable. Elle pourrait donc avoir une image perçue positivement. Le débat autour du paysage de l’éolien est notamment lié au fait qu’on a un objet qui a une image, une forme et un rapport qui l’occupe assez particulier. On est face à un objet nouveau qui a une connotation industrielle. Qui a une forme particulière avec cette hélice qui tourne: cet objet est le même partout en France. Il n’y a pas de spécialité locale. Un des enjeux lié à cette forme est la banalisation des paysages. Une des caractéristiques de l’éolienne est qu’elle a une taille et une échelle qui lui sont propres. Elle n’a pas d’équivalence. On ne peut pas intégrer l’éolienne comme on intègre des structures plus petites (ex : poste électrique). Nous n’avons pas de motif de paysage qui ont la même échelle pour venir camoufler. Comment composer avec une structure aussi grosse ?

Autre problème : on implante l’éolienne dans des territoires essentiellement en campagne, donc dans des territoires qui ont une connotation agricole/naturelle. Il y a une rupture de sens entre un objet de production énergétique qui est mis à distance de l’urbanisation et des lieux qu’il est censé alimenter.

Les effets que peuvent avoir les éoliennes par rapport aux paysages :

 problématiques liées à une rupture de sens (on ne comprend pas pourquoi ces éléments sont là, ils sont trop déconnectés de leur lieu de destination de la production énergétique);  sur certains territoires, il y a un mitage des paysages par l’éolien (des projets éoliens s’implantent de manière déconnectée les uns par rapport aux autres) ce qui engendre une banalisation (voire une saturation) de ces paysages.

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Il faut parvenir à se positionner sur la préservation des paysages mais aussi évaluer la capacité qu’ont les paysages à réagir par rapport à ces structures qui ont une connotation industrielle (capacité à évoluer et accepter).

Il y a deux échelles à prendre en compte dans les projets d’éolien : à la fois celle des sites remarquables, mais aussi l’échelle des territoires. De quelle manière on essaye de définir des secteurs d’implantation qui font qu’on peut garder l’identité des paysages? Sur les enjeux liés à l’implantation de l’éolienne, il s’agit surtout d’un enjeu de positionnement du territoire pour garder des paysages cohérents. Le paysage est le témoin des choix qu’on a fait sur notre mode de vie.

Public : question pour l’ADEME : est-ce qu’on peut nous indiquer l’impact du développement de l’énergie éolienne sur l’évolution de la production électrique d’origine carbonée entre 2016 et 2017 ?

Blandine Aubert : je ne pourrai pas répondre précisément à cette question. Ce que je peux vous dire c’est que l’éolien a permis de substituer une énergie fossile par de l’énergie renouvelable. Ça a essentiellement permis d’enlever du fuel et du gaz. On a une forte décarbonation du fait de l’installation des éoliennes.

Public : Je vais vous donner la réponse que je lis sur ma facture d’électricité. Tout à la fin, en tout petit, sur l’origine de l’électricité produite au cours de l’année. Entre 2016 et 2017, une production supplémentaire de 0,88% d’énergie renouvelable hors hydraulique s’est traduite par une augmentation de +1,56% de production par des énergies carbonées (essentiellement centrales thermiques à charbon, à gaz et à fuel). Je considère qu’il est faux de dire que la production électrique d’origine éolienne fait baisser la production d’énergie d’origine carbonée.

Sébastien Crombez : le chiffre est incontestable. Par contre le lien entre le développement de la production d’EnR et cette augmentation est un raisonnement qui n’appartient qu’à vous. Aujourd’hui, la production sur une année dépend de l’évolution des consommations. Malheureusement, la conjoncture économique repartant, on a des augmentations de consommation. Elle dépend de la production nucléaire et des aléas qui surviennent sur le parc nucléaire. Elle dépend de la production d’hydroélectricité. L’année que vous donnez a une particularité : la ressource en eau a été très faible, et donc la production d’’hydroélectricité a été basse. Sur une année, lier l’origine de l’électricité au développement des énergies renouvelables n’est pas forcément un argument. On sait qu’on arrive à intégrer des énergies non pilotables (ex : éolien, photovoltaïque) sans avoir recours à des moyens carbonés. Dans les scénarios qui ont été étudiés par RTE, la trajectoire française a été construite pour pouvoir à la fois caler un rythme de baisse du nucléaire, du développement des EnR et d’arrêt de l’électricité fossile sans émettre de carbone supplémentaire. Tout dépend de la vitesse à laquelle on a cette transition. Si on veut se débarrasser du fossile, sans émettre de CO2, il faut développer des EnR rapidement. Ce n’est pas contradictoire, bien au contraire.

Public : vous parlez d’éoliennes industrielles à axe horizontal. Je voulais entendre parler d’autres éoliennes : éoliennes individuelles et toutes celles déjà inventées ou en cours de développement à axe verticale et celles qui pourraient être installées dans les pylônes électriques.

Public : Quelle est la différence entre le petit photovoltaïque et le petit éolien ?

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Sébastien Crombez : sur le petit éolien, il y a une différence significative entre éolien et photovoltaïque. Le photovoltaïque : grand parc ou sur toiture. Les coûts de travaux ne sont certes pas les mêmes. Mais le rendement par m² d’une cellule photovoltaïque dans un grand parc ou dans un petit parc est le même. Sur l’éolien, l’énergie produite dépend du carré du rayon de la longueur de la pale et du cube de la vitesse du vent. Or le vent augmente avec l’altitude. Elle dépend aussi de la régularité du vent. Le vent est plus régulier en altitude que près du sol. Une petite éolienne produit peu car elle est près du sol où il y a énormément de turbulences (maisons, arbres, immeubles, etc.). Contrairement au photovoltaïque où l’on a un modèle qui va être axé sur le développement à la fois individuel et des grands parcs, on est sur un modèle éolien quasi-exclusivement basé sur des éoliennes qui sont importantes. Pour produire de l’éolien, il faut que ce soit haut et grand.

Vincent Dams : il y a quelques éoliennes domestiques sur les toits. À quels besoin ça va répondre ? Les grandes éoliennes visent à répondre à des besoins nationaux et régionaux.

Public : j’ai l’impression de retourner 30 ou 40 ans en arrière. Du temps où on présentait exactement les mêmes arguments que pour les centrales nucléaires. Premièrement : vous avez dit que nous étions obligés d’installer des éoliennes industrielles car il y a une programmation de 50% d’augmentation d’énergie dans les 35 ans. C’est ce que disait EDF pour les centrales nucléaires avec le tout électrique. Deuxièmement : je prends le cas des paysages. Dans le jura, nous n’aurons droit qu’à des éolienne d’au moins 200m. Comme pour les centrales nucléaires, il fallait les placer près de telle rivière car on avait le débit. C’est le vent qui décidera d’où on met les éoliennes, pas les choix de paysages. Troisièmement : les déchets. Dans les contrats en cours de négociation, pour le démontage, on ne parle pas du câblage à enlever ni des blocs de béton. Ce sont des déchets qu’on va garder. Le parallélisme est simple : centralisation de l’énergétique, consommation obligatoire, et aucune réflexion sur la transition énergétique. A-t-on besoin de toujours plus d’énergie ?

Blandine Aubert : nous avons dit exactement le contraire. Nous devons réduire les consommations d’énergie. Tant les scénarios de l’ADEME que la programmation pluriannuelle de l’énergie donne des objectifs très ambitieux de réduction des consommations d’énergie. Sébastien Crombez a juste indiqué que parmi les différents vecteurs énergétiques que sont l’électricité, le gaz et la chaleur, celui de l’électricité allait proportionnellement prendre plus de place que les autres vecteurs énergétiques. On est tous devant un défi climatique, environnemental, économique et social de réduction drastique de nos consommations d’énergie. J’ai également expliqué que nous allions valoriser les ressources locales, ce qui me semble notoirement différent de ce qui a pu se passer lorsque vous étiez né sur le nucléaire.

Sébastien Crombez : l’objectif est de viser la neutralité carbone. La neutralité passe avant tout par la sobriété. L’axe premier de la stratégie française pour l’énergie et le climat est l’efficacité énergétique.

Public : depuis quelques temps le Premier Plateau est concerné par des projets d’éoliennes industrielles. Le paysage va être impacté, c’est violent. Parallèlement, depuis un certain nombre d’années, dans nos villages et autour de nous on enterre les réseaux aériens. Il y a des tranchées, des gros engins, et on enlève les réseaux aériens, les lignes électriques car ce n’est pas beau, ça nuit aux oiseaux. Parallèlement, on veut planter des mâts de 200m de haut. On nous prend pour des imbéciles.

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Sophie Lheureux : on est face à des éléments qui ont une échelle particulière. On n’est plus à 40m près. La question est : de quelle manière on les implante ? Comment s’organise-t-on collectivement pour composer le paysage qu’on voit avec ça ? S’il doit y avoir implantation, où est-ce qu’il est préférable qu’elles soient ?

VII. Les enjeux écologiques

Alexandre Laubin :

 Cadre et positionnement de la LPO FC: l’association est favorable au développement des énergies renouvelables, et donc des éoliennes, dans un cadre d’une transition énergétique avec un scénario type négawatt. Un développement des énergies éoliennes en accord avec l’objectif social de l’association qui vise à protéger les espèces et n’avoir aucune perte de biodiversité (loi 2016), voire un gain. Il faut avoir une démarche d’évitement, de réduction et de compensation (ERC) qui soit efficace.  Les enjeux en France : ils sont liés à la mortalité directe, au dérangement d’espèces, au morcellement ou perte des habitats. On parle plus récemment d’impact cumulé. Quel est l’impact de l’ensemble des éoliennes et des autres infrastructures anthropiques sur les populations d’oiseaux, d’amphibiens, etc.? On connaît par exemple des enjeux sur les espèces migratrices nocturnes et les oiseaux d’eau.  Les enjeux en Franche-Comté : on est dans un couloir de migration majeur. Parmi les espèces à enjeux, on a les espèces migratrices et les espèces locales (ex : rapaces, comme le milan royal).  Les limites : la limite des connaissances concernant les enjeux précédemment cités. On a peu de données protocolées en France sur les effets des éoliennes. Car le suivi de mortalité sur les parcs éoliens s’est fait plutôt de manière désorganisée dans un premier temps. Cependant, on a un protocole de suivi de la mortalité qui a été révisé début 2018 avec une standardisation des protocoles. On va pouvoir avoir une vision à court terme. Une autre limite est le développement de projets éoliens en zones forestières. On a des aspects de morcellement qui sont importants puisque les massifs forestiers sont des réservoirs de biodiversité. Cette notion d’impact cumulé se réfléchit avec les scientifiques. C’est en voie de développement. C’est la Société Française pour l’Étude et la Protection des Mammifères qui traite le volet « chiroptère » à l’échelle nationale. Cette dernière, avec la LPO et l’État, ont rédigé ce protocole de suivi environnemental des parcs.  Comment la LPO en Franche-Comté se positionne ? Notamment par le porté à connaissance. Chaque année on participe avec les développeurs de projets et les bureaux d’études à la mise à disposition des données naturalistes sur le territoire avec un porté à connaissance. À savoir, une pré-expertise pour que les développeurs et bureaux d’études aient une bonne vision des enjeux éoliens connus avant de mettre en place la démarche ERC. Et comment orienter les études d’impacts. L’idée est de travailler à une échelle régionale sur des outils d’aide au développement de l’éolien. Nous avons une plateforme qui s’appelle SIGOGNE4 en Franche-Comté qui permet de visualiser la biodiversité. Ça peut être une possibilité pour les citoyens d’avoir une prévisualisation de ces enjeux. On assure également une veille sur les

4 https://www.sigogne.org/ 14

projets et on s’assure que les démarches ERC sont bien mises en place et que les zonages naturalistes d’importance générale ne sont pas l’objet de développement éolien (ou autres structures).

Public : comment justifier les parcs éoliens dans les forêts alors que COP21 stipule qu’il faut protéger les forêts ?

Alexandre Laubin : je ne suis pas au développement des parcs éoliens. Je ne pense pas que la question me soit adressée. J’ai bien précisé que c’était un enjeu nouveau avec des espèces à enjeux à identifier. Ça pose notamment des questions sur les continuités écologiques, le morcellement et les cœurs de biodiversité dans nos régions, essentiellement forestiers.

Sébastien Crombez : c’est la DREAL qui prépare les décisions d’autorisation pour le préfet. Pourquoi propose-t-on des autorisations pour des parcs en forêt ? Parce qu’on applique la réglementation. On doit répondre à la question : le parc est-il conforme à la réglementation ? Les impacts décrits par Alexandre Laubin sont avérés. Les impacts existent, mais il y a des moyens pour les traiter. Il faut prendre plus de mesures et plus de précautions. Mais ce n’est pas pour ça qu’on doit aller jusqu’à l’interdiction, et que l’éolien est incompatible avec le milieu forestier. On refuse quand il y a des enjeux qui ne peuvent pas être traités correctement par la mise en place de mesure de réduction.

Alexandre Laubin: la démarche ERC5 permet par la réduction et l’évitement d’avoir des développements de parcs qui sont conciliables en fonction d’une démarche bien appliquée avec des enjeux de biodiversité.

Vincent Dams: la stratégie d’évitement fonctionne. Quand les enjeux écologiques, paysagers ou autres sont trop forts, il y a des projets ne se font pas.

Public : je vais faire une petite sortie hors du cadre de sécurité mais c’est pour rire. C’est une bonne nouvelle vu du Sud-Revermont et par les copains du Premier Plateau au sujet des grands rapaces: ils sont en recrudescence dans nos communes et ils arrivent avec des chéquiers bien fournis. C’est de l’ordre de 100 000 € pour les communes et là le citoyen il ferme son bec.

Public : on parle d’impacts pour les oiseaux et les chauves-souris. Connaît-on les impacts sur l’Homme ?

Vincent Dams : on va en parler plus tard. Vous nous devancez. Une synthèse rapide des quatre premières interventions : une loi sur la transition énergétique qui va guider sur les territoires à la fois la politique d’économie d’énergie, de sobriété énergétique, et à la fois la création de la production d’énergie renouvelable. Il y a des enjeux sur les territoires, l’aspect paysager, la biodiversité. La question qui se pose : comment sur des territoires où vivent des acteurs les projets se mettent en place ? Comment décline-t-on la transition énergétique sur le territoire ?

Sébastien Crombez : sur la PPE il sera encore temps de vous exprimer car elle sera soumise à consultation. On parle bien d’un projet.

5 ERC : Éviter, Réduire, Compenser. Démarche de traitement des impacts écologiques de projets d’aménagement consistant à étudier en premier lieu les moins d’éviter l’impact, puis, si ce n’est pas possible, de réduire l’impact, et, en tout dernier recours, de compenser l’impact en améliorant la biodiversité sur une autre parcelle. 15

De gauche à droite: Alexandre Laubin, Sébastien Crombez, Blandine Aubert, Sophie Lheureux

VIII. La réalisation des projets

Vincent Dams: J’invite les autres acteurs que nous n’avons pas entendus : les élus, les développeurs et les citoyens. L’enjeu est de donner la parole aussi aux collectivités. Comment un élu peut s’approprier ces enjeux-là à l’échelle intercommunale et communale ? Avant le développement des zones d’activités économiques se faisait à l’échelle de la commune. Désormais, les réflexions et la planification se font à l’échelle intercommunale pour donner de la cohérence à tout ça.

Gérard Charriere : je suis là pour écouter, entendre, avoir des arguments. Le SCOT est en cours de révision. Le SCOT est un document prospectif. L’enjeu est de mettre en cohérence un certain nombre de thématiques : logement, emploi, déplacements, commerce, services, tourisme, environnement, biodiversité. Il a pour rôle de trouver le meilleur équilibre entre toutes ces thématiques. Le mix énergétique c’est un des volets du SCOT. On a travaillé dans de nombreuses commissions (photovoltaïque, méthanisation, hydraulique, éolien, filière bois). Si vous avez des questions sur le SCOT, la façon dont on travaille pour élaborer un SCOT, la façon dont on le réalise, je suis disposé à répondre à vos questions.

Vincent Dams : Le SCOT est un outil à échelle intercommunale.

Public : à propos du SCOT du pays Lédonien. Vous avez la possibilité (comme pour les Plan Local d’Urbanisme (PLU)), dans le cadre d’une révision, de suspendre toute opération qui vous permettrait éventuellement d’être en contradiction avec les futures orientations de SCOT. C’est une possibilité que l’assemblée des élus en charge du SCOT peut avoir. Pourriez-vous ne pas délivrer un certain

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nombre d’autorisations pour éviter l’installation ou un forcing actuel par un certain nombre d’opérateurs divers et variés ? Même si cela entrait en contradiction avec les orientations qui sont à l’étude dans le cadre du SCOT.

Vincent Dams : comment un SCOT peut intégrer dans ses réflexions dans un souci de cohérence la planification de développement d’énergies renouvelables, notamment de l’éolien ?

Gérard Charriere : je ne sais pas répondre à votre question. Le SCOT ne peut pas s’opposer à un projet. Le SCOT a un pouvoir d’information. On a écrit un certain nombre de choses dans le Plan d’Aménagement et de Développement Durable (PADD), on en a informé les communautés de communes et les communes. En ce moment, nous écrivons de Document d’Orientations et d’Objectifs (DOO). Nous mettons en musique ce que nous avons travaillé avec les commissions et les élus au niveau du PADD.

Public : vous avez la possibilité de regarder dans le cadre de votre PADD et de voter éventuellement sur un projet qui ne conviendrait pas aux orientations du PADD.

Gérard Charriere : on s’oppose aux documents d’urbanisme. Mais je vous laisse à votre affirmation. C’est votre responsabilité devant cette assemblée, moi je ne la prends pas. Je n’en suis pas du tout sûr.

Vincent Dams: il y a l’échelle des SCOT. Il y a aussi deux autres échelles. J’aimerais donner la parole à trois autres élus, et à trois élus municipaux. Comment une commune peut se positionner sur ce sujet- là avec cette vision intercommunale?

Pierre Grosset : au niveau d’ECLA, vis-à-vis de l’éolien on ne s’est pas positionné. Mais on l’a fait sur la transition énergétique. Notre premier objectif est la transition énergétique. On veut faire de notre territoire un territoire à énergie positive. Cela signifie réfléchir collectivement sur comment on peut utiliser moins d’énergie. Dans ce sens-là, nous avons mis en place de deux ateliers de travail :

 Écologique (sous ma responsabilité et celle de Pierre Chavon) et énergie (sous la responsabilité de Jacques Lançon et Claude Borcard). Comment peut-on diminuer consommation d’énergie ? Quelles sont les énergies renouvelables les plus adaptées à notre territoire ? Le seul combat intéressant : lutter pour le climat et la transition écologique. Mais comment met-on en place cette énergie à travers tous les dispositifs d’ECLA ?

Le but de ces deux ateliers est de faire des propositions au conseil communautaire pour pouvoir travailler à la fois sur les énergies renouvelables et sur les économies d’énergies.

Jean-Louis Dufour: pendant 10 ans, nous avons travaillé sur ce projet éolien. Nous avons vécu une aventure humaine extraordinaire. On ne s’est pas enrichi, ni personnellement, ni collectivement. Pourquoi s’est-on engagé dans cette démarche ? On s’était posé la question quand on a rénové les bâtiments communaux. Comment les chauffer ? On s’est orienté vers une chaufferie bois. En 2003, on a installé une chaufferie au bois déchiqueté. C’était une première réalisation. Puis on a appris que notre territoire (une toute petite commune) avait un potentiel de production d’énergie électrique à

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partir du vent. On a décidé d’y réfléchir, et de faire un projet collectif de territoire à disposition des citoyens d’un ensemble beaucoup plus large. Pas seulement Chamole. On a voulu élargir ce projet. Comment fait-on pour que les habitants et citoyens puissent participer, modestement, à ce projet ? (durant les études et financièrement). Nous avons signé le 19 décembre 2018, l’acquisition d’une société propriétaire d’une éolienne. Une éolienne appartient aux citoyens et collectivités. On ne peut pas encore tirer de bilan de la production. On ira dans la transparence et la production sera affichée sur le site avec une explication. Vous aurez le chiffre d’affaire de l’entreprise mais pas son résultat.

Vincent Dams: voilà l’exemple d’une commune qui est partie de 0. Un autre positionnement pour la commune de Bonnefontaine.

Véronique Verbeeck: commune d’un peu plus de 100 habitants. Je suis d’accord avec le maire de Chamole, ce n’est pas la commune qui va récolter le plus d’argent. J’ai été contactée par une société d’éoliennes suite au projet dans le village d’à côté. On m’a proposé d’étendre le site sur notre commune. On a eu des débats avec le conseil municipal. Je me suis rendue compte que tout le monde n’était pas d’accord. Pour être juste avec les habitants, j’ai décidé, en accord avec la société, de faire un sondage auprès de toute la population. Tout le monde a participé, même ceux en résidence secondaire. À ma grande surprise, plus de 75% de la population était défavorable. Que fallait-il faire ? J’ai voulu avertir le préfet, et on a pris une délibération en conseil municipal. J’ai demandé aux conseillers s’ils suivaient l’avis de la population qui est contre l’implantation d’éoliennes dans notre village et aux alentours. Et là, alors que nous n’étions pas tous d’accord au départ, j’ai eu l’unanimité pour annuler tout projet, pour refuser tout projet sur notre commune et aux alentours. J’ai voulu respecter l’avis de la population. Je ne sais pas si j’ai pris la bonne décision. Mais ça a recréé du lien entre les habitants autour de l’éolien. Je sais aussi que sur le territoire du Premier Plateau, ça sème la discorde et je le comprends aussi. Certains de mes administrés m’ont dit qu’ils préféraient payer plus d’impôts plutôt que d’avoir des éoliennes.

Vincent Dams: L'autre positionnement de la commune est de savoir comment le village peut produire autrement, consommer moins ?

Véronique Verbeeck: dans les territoires ruraux, les gens sont très sensibles à la protection de l’environnement. Quelques fois par nécessité ils consomment moins d’énergie, produisent moins de déchets, recyclent, covoiturent. J’avais essayé de voir pour un projet de toits photovoltaïques ou thermiques sur l’ensemble de territoire. Lorsqu’on n’est pas dans un projet éolien, on est obligé de se débrouiller seul. Il faut créer une société d’économie mixte. C’est beaucoup plus difficile. Pour l’éolien c’est produit clefs en main. Je trouve que c’est plus facile.

Vincent Dams : on a l’exemple d’une commune qui a été sollicitée, on a l’exemple d’une commune qui a initié dès le départ. Si une commune refuse ce genre de projet, comment rebondir ? Comment cette commune, ce territoire, peut participer à la sobriété énergétique et produire de l’électricité d’une autre manière?

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Véronique Verbeeck: à titre personnel pour la commune, j’ai mis en place des baux environnementaux avec les agriculteurs pour préserver l’environnement.

Jean-Louis Dufour: l’éolien n’est pas une solution clef en main. Notre projet a pris beaucoup de temps.

Sébastien Crombez : ce n’est pas une question de technologie qui a été comparée. C’est deux modèles qui sont différents. Vous comparez un modèle où vous aviez un portage privé pour de l’éolien (rôle de la collectivité limité) à un projet photovoltaïque de centrale villageoise qui était porté par la collectivité. Effectivement, porter un projet avec du participatif, quelle que soit l’énergie, c’est un investissement pour avoir plus de participation, plus de retombées locales. Un projet avec un portage totalement privé est plus simple. Mais les retombées et les bénéfices ne sont pas répartis de la même façon car ils reviennent à ceux qui fournissent les efforts et prennent les risques, et donc à la société privée.

Vincent Dams : Comment s’implantent ces projets là en région avec cohérence ?

Fabrice Gourat : France Énergie Éolienne est une association qui date de 1996. On représente environ 330 sociétés dont des développeurs, mais également des industriels des constructeurs, etc. Toute la filière autour de l’éolien. Pour la planification, j’ai entendu qu’il y avait des inquiétudes. Le fait d’avoir des acteurs privés ou publics qui planifient chacun de leur côté des projets, ça manque de lisibilité pour le grand public. Je remarque que les SCOT émettent des recommandations. Ça permet de donner des orientations. À l’échelle du Jura, sans contraintes aériennes (réseaux basses altitudes, militaire, etc.), on a 38% du territoire qui s’en va. Une grosse partie du territoire ne peux être équipée. Contrainte technique : pour produire de l’électricité, il faut pouvoir la transporter vers les consommateurs (privés mais également industrie, métro, TGV, etc.). On a 160 mégawatts actuellement dans le Jura de production électrique qui provient des énergies renouvelables. On a compris qu’il va y avoir une substitution de certaines énergies qu’on utilisait par de l’électrique. On pourra compter une petite dizaine de parcs comme à Chamole. On ne parle pas de milliers de projets éoliens sur le territoire.

On a des éoliennes qui produisent de plus en plus d’énergie même sur des territoires faiblement ventés. La production d’énergie doit être répartie. On doit répartir l’effort. Ex : dans le Pas-de-Calais, avec toutes les contraintes, le nombre de sites est limité. Il existe un facteur de compensation entre les différentes régions. Dans tous les schémas qui sont donnés, on a des directives au niveau européen dans lesquelles il y a des objectifs. Par exemple, avoir une interconnexion entre les pays de 20% de capacité pour échanger, pour pouvoir pallier cette intermittence des énergies renouvelables.

J’ai consulté un site : electricitymap6. Il y a environ trois quart d’heure, la France importait 480 mégawatts d’Allemagne. L’Allemagne produisait 41% de son énergie à partir d’éolien, et 10% à partir d’autres sources (surtout hydraulique et biomasse). On était à plus de 50% d’énergie d’un pays qui

6 https://www.electricitymap.org 19

est fortement industrialisé avec des trains, des métros, etc. de 80 millions d’habitants qui est capable de produire à partir d’énergies renouvelables le soir de l’énergie pour tout un pays. C’était utopique de croire il y a 20 ans que l’Allemagne aurait 50% de son électricité à partir d’énergies renouvelables. En Allemagne, on était à 4-5% il y a 20 ans. En France, on n’avait malheureusement que 19% d’énergies renouvelables. Et l’éolien était particulièrement marginal ce soir en France (3 ou 4%). Tout le reste c’était du nucléaire. La production d’électricité à partir d’énergies renouvelables n’est pas utopique, c’est réel. Les prospectives de l’ADEME le montrent clairement. On a une obligation de préserver notre environnement. Comment veut-on faire cela ? La préservation de l’environnement passe par cette remise en question. Les champs photovoltaïques font aussi débat. Les centrales hydrauliques aussi.

L’association et ses différents membres essayent d’ordonner un peu tout ça pour donner un peu plus de clarté. Beaucoup de choses se mettent en place. Il y a maintenant la concertation préalable pour faire participer le public beaucoup plus tôt, que de le faire participer au moment de l’enquête publique lorsque le projet est déjà ficelé. De nouveaux outils et manières de communiquer se mettent en place (ex : avoir accès à des documents en ligne).

Pour conclure : réunissions-nous et essayons de discuter. Les porteurs de projets, mais également les associations, téléphonez-nous et téléphonez aux acteurs locaux pour avoir des réponses et des informations. On a des chartes de bonne conduite, de transmission d’information. Tous les documents sont aux enquêtes publiques. Mais on peut les transmettre avant. Toute cette démarche de concertation préalable qui est en train de se mettre en place progressivement permet de donner de l’information, et de faire participer et réfléchir, en dézoomant et en essayant de se projeter dans le futur.

Vincent Dams: comment on peut avoir une vision de la stratégie globale ? Voir des projets débouler peut faire peur. Comment organiser la concertation préalable globalement et pas projet par projet ?

Fabrice Gourat : il y a une multitude d’acteurs privés. La planification n’est pas simple à expliquer. C’est pour ça que j’ai commencé par vous donner un chiffre global en vous disant que s’il y a une dizaine de projets comme celui de Chamole en 2050 dans le Jura ça sera à peu près le maximum. Car après on arrive à un facteur technique. Le deuxième outil qui existe, c’est qu’il y a eu des réflexions : schémas régionaux éoliens pour orienter les choses qui ont été traités différemment selon les régions (ex : la région Centre qui avait défini 3 ou 4 secteurs, et la Bourgogne qui avait défini presque 80% du territoire). Des outils de réflexion ont été mis en place, et il y a des recommandations. C’est une succession de couches d’informations qui en plus évoluent en fonction de la connaissance. Il y a 20 ans, il y avait très peu d’études sur les chiroptères car on n’avait pas de matériel. Les techniques et les connaissances évoluent. Sur l’impact cumulé, le premier projet se traite lui-même par rapport aux infrastructures qu’il peut y avoir. Puis les autres projets s’ajoutent à ceux qu’il y a déjà.

Public : votre présentation est incomplète. Vous parlez de consommation d’électricité renouvelable autour de 18h, et vous parlez de pourcentage de la consommation électrique, c’est bien ça ?

Fabrice Gourat : le site electricitymap donne la production brute d’énergie, et le pourcentage de chaque filière qui alimente ce volume global sur le pays en électricité.

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Public : vous sous-entendez que l’Allemagne est vertueuse puisque c’est 50% d’énergies renouvelables. Or c’est un des plus gros pollueurs en termes d’énergie carbone : charbon et pétrole. Ce que je voulais dire sur la vision globale, c’est que nous entrons dans l’ère de l’anthropocène, il y a une remise en question de la civilisation moderne à très court terme. Comment réduire notre consommation d’énergie globale de 75% ? Limiter la question aux énergies renouvelables et surtout à l’éolien ça ne va rien résoudre. Je vous rappelle qu’en France, la consommation d’énergie fossile représente environ deux tiers de l’énergie globale.

Fabrice Gourat : je suis 100% d’accord avec vous.

Public : Monsieur vend des éoliennes, c’est son business, c’est normal. On est dans le commerce et le marché. Electricitymap : on a besoin de comprendre les choses. Tout à l’heure, quelqu’un a dit que les énergies renouvelables contribuaient à la diminution massive des gaz à effet de serre. Sur ce site, on voit effectivement la part des énergies renouvelables de chaque pays et en même temps on regarde la production de gaz à effet de serre. C’est important de comprendre les articulations.

Fabrice Gourat : vous avez 100% raison. Pour le taux de CO2 et gaz à effet de serre, la France est exemplaire car il y a très peu d’énergie fossile, et 80% de notre énergie ce soir était nucléaire.

Public : les marchands d’éolien vendent un truc qui est fumeux. Ce n’est pas à des marchands d’éoliennes de nous informer. On a besoin de réponses de gens qui ne sont pas impliqués financièrement dans ce marché.

Sébastien Crombez : on entend parfois que l’énergie éolienne va se substituer au nucléaire. Donc au final on n’agit pas sur le carbone. Quand je parlais de nouveaux usages de l’électricité ou de substitution, c’était aussi pour essayer de montrer que demain l’augmentation de la consommation électrique, car on aura substitué des énergies fossiles fortement émettrice de CO2 par de l’électricité qu’on pourra produire par des énergies décarbonées. On n’est pas uniquement dans débat quel est le mix entre du nucléaire ou de l’éolien à production équivalente. On est comme le disait l’ADEME sur un changement de modèle et d’usage et de répartition entre la façon dont l’énergie est utilisée et une redistribution complète de modes de production d’énergie.

Pierre Grosset: la position du conseil régional et de sa présidente Marie-Guite Dufay est que la priorité est la transition écologique. Le conseil régional est chef de file de la transition énergétique. Je suis délégué à l’efficacité énergétique. Il faut réduire la consommation d’énergie et promouvoir toutes les énergies renouvelables. Je ne suis pas favorable au nucléaire. Il faut réduire et réfléchir à quel type d’énergie renouvelable on veut adapter. Le conseil régional propose une concertation et de promouvoir ce qui a été fait (ex : Chamole, financement participatif). Le conseil régional est membre de la SEM7 Énergies Renouvelables Citoyennes qui a acquis l’éolienne de Chamole. Les SEM sont des moyens pour se réapproprier l’énergie, de savoir quel type d’énergie on a, et comment on finance certaines installations. La région accompagne cette démarche participative. Il y a une nécessité de concertation, d’information positive, de mettre tout le monde autour d’une même table : qu’est-ce qu’on fait ensemble pour demain pour avoir des énergies renouvelables ? Nous avons une responsabilité collective. Il faut réfléchir collectivement pour construire.

7 Société d’économie mixte 21

IX. Modèle économique

Blandine Aubert : on voit la nécessité de l’accompagnement. On vient d’un modèle énergétique où tout se passe loin d’ici. Il suffit d’avoir un abonnement et de payer sa facture d’énergie. Il n’y a pas d’impact, c’est simple et facile. L’énergie est produite loin d’ici : pas d’impact sur les paysages ni de retombées économiques. Un modèle énergétique très centralisé ne peut pas durer. Une éolienne peut -être un facteur de rupture de sens. Mais ça peut également rendre du sens et de retrouver le sens de l’énergie qu’on veut sur un territoire. Ces éoliennes nous amènent à nous questionner sur l’énergie et la consommation d’énergie qu’on veut sur le territoire. On voit un besoin d’information, d’échanges et de dialogue. C’est des sujets compliqués. C’est pourquoi il faut accompagner les collectivités et les citoyens : il faut des compétences techniques, juridiques, financières, administratives pour monter des projets ; il y a des acteurs publics et privés ; il y a des règlements, des lois, des business plans. On met collectivement en place des outils pour accompagner les collectivités et les citoyens pour qu’ils définissent l’énergie qu’ils veulent. Définir le projet de territoire dans lequel on vit. Les paysages vont changer mais ils ont toujours changé.

Pascal Blain : je salue le grand intérêt pour le débat de ce soir. Il faut une concertation la plus large possible. La vraie question est celle de la gouvernance, de comment on décide de la politique énergétique en France. Pour le nucléaire, il n’y a pas eu de consultation du public. Il y a une absence de transparence dans les choix énergétiques. L’urgence est de remettre du débat dans toutes les questions énergétiques. Les élus ne doivent pas seulement être dans l’accompagnement. Ils doivent être moteurs.

Public : question pour madame le maire de Bonnefontaine qui a refusé le projet éolien. Éteignez- vous les lumières la nuit dans votre commune ? Deuxième question : au niveau national, si on éteignait toutes les lumières la nuit dans toutes les communes qui peuvent le faire, comment cela impacterait le parc nucléaire qui ne peut pas s’arrêter ?

Véronique Verbeeck: en 2014 nous avons changé tout notre système électrique. J’ai voulu réduire les illuminations et le temps d’éclairage. Malheureusement, le coût est important. Il faudrait rechanger tout l’ensemble de notre système électrique. La personne qui les entretient m’a répondu que ce n’était pas possible pour l’instant puisque lorsqu’on demande une extinction de 6 heures, il y avait énormément de problèmes pour que ça se remette en route. Nous avons voulu le faire il y a trois mois exactement. Nous avons abandonné à cause des coûts.

Pierre Grosset : 60% des communes d’ECLA éteignent leurs lumières la nuit.

Sébastien Crombez : Il y a deux enjeux : réduire les consommations d’énergie (éteindre la nuit y contribue) et trouver des moyens d’adapter l’activité et les besoins d’énergie à la production.

Public : est-ce que sur le site electricitymap on peut afficher le cumul des productions électriques par pays ? Des sites existent où l’on trouve les cumuls des productions électriques. L’Allemagne produit en cumul une grande part d’énergie électrique grâce aux énergies renouvelables, mais pour parer à leur intermittence, il faut produire de l’électricité avec du charbon en grande quantité et du gaz (très peu de fuel). C’est le plus gros pollueur européen. Tout ça parce qu’elle s’est séparée du nucléaire.

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Fabrice Gourat : on était à un moment donné lorsque j’ai cité electricitymap. Je voulais montrer que 40% d’électricité d’un pays pouvait être produit par l’éolien. Ce n’est pas ces 40% d’électricité qui produise du gaz carbonique. C’est les centrales au charbon. L’Allemagne a éteint toutes les centrales nucléaires. C’est la preuve que les énergies renouvelables c’est possible et compétitif. Comment on diminue notre consommation ? Comment on interconnecte les pays pour pallier les intermittences de certaines énergies ? Pour stocker ? Isoler les bâtiments ? C’est parfaitement possible. Cf rapport ADEME : 100% renouvelable en 2050.

Public : L’ADEME nous présente quelque chose qui est en corrélation avec le gouvernement. Êtes- vous capable d’aller habiter à 500m d’une éolienne de 200m de haut ?

Blandine Aubert : le but des scénarios ADEME est de se projeter sur des horizons lointains et tester pour voir ce qui est faisable ou pas. Quand l’ADEME a sorti un scénario 100% ENR électrique, et qui a montré que c’était faisable, ce n’était pas une commande du gouvernement. Quand en décembre 2018, l’ADEME sort les études dont j’ai parlé tout à l’heure qui montrent que la construction de nouveaux EPR n’est pas compétitive et coûte plus cher qu’un scénario où on serait à 85% d’énergie renouvelable électrique en 2050 et où on est à 50% du parc nucléaire en 2035, ce n’est pas un scénario qui illustre une commande politique.

Public : les EPR8 ne fonctionnent pas en France. C’est dommage de se dire qu’on va laisser tomber le nucléaire. L’argent qui va dans l’éolien et dans les énergies renouvelables ne va pas nous servir à sécuriser le nucléaire et ne va pas nous servir à retraiter les déchets. On va les enfouir. Alors que les experts s’accordent à dire que tous les déchets nucléaires qu’on possède aujourd’hui ont une durée de vie de 10 000 ans. Ils pourraient nous permettre de produire de l’électricité pendant 1000 ans. On pourrait ramener la durée de vie des déchets nucléaires à 300 ans.

Gérard Magnin : président de Jurascic (société coopérative d’intérêt collectif). Deux questions ont été posées au début de cette soirée. Quelle est la place du citoyen dans l’éolien ? Il y a au travers de ce premier projet de Chamole, mais aussi dans un autre projet solaire non loin d’ici, plus de 600 citoyens qui se sont engagés financièrement. Il y a une vraie appétence et les gens sont fiers d’avoir participé. Ils sont également fiers de se réunir sur leur parc éolien. Ils sont organisés autour d’une quarantaine de clubs d’investissements dans lesquels il y a un gérant, un trésorier, etc. Ça veut dire qu’il y a 80 personnes avec des responsabilités sur le territoire. C’est ça la place du citoyen. Jusqu’où peut aller le participatif dans le Jura ? Ça peut aller jusqu’où vous êtes prêts à aller. On a créé des structures (SEM Énergies Renouvelables Citoyennes et Jurascic) pour être les vecteurs du financement citoyen, pour répondre aux demandes des communes et des citoyens qui ne savent pas comment faire du financement citoyen.

Public : je soutiens ce développement citoyen local. Il y a une tendance à faire des appels d’offres à partir de six éoliennes. Ils parlent de faire des appels d’offres dès 5 éoliennes dans le but d’étendre les appels d’offres. Or une société locale ne peut à mon avis pas concurrencer une multinationale sur un appel d’offre. Donc, actuellement l’État ne favorise pas du tout cette appropriation. Il faudrait contrer la cour des comptes qui a une vision purement comptable.

8 Réacteur pressurisé européen 23

Sébastien Crombez : sur les appels d’offres, c’est le seul mécanisme, contrairement au tarif de rachat, qui permet d’intégrer des bonifications de tarif quand on a des structures participatives. Ce sont des choses prévues dans les appels d’offres de différencier et d’accorder ce bonus. Il faut l’encourager. Ce qui est le cas des appels d’offres photovoltaïques et éoliens.

Nous n’avons pas parlé de l’impact sur la santé humaine. Le sujet a été abordé dans un rapport de l’Anses9 en 2017 qui a été commandé par le ministère qui se posait notamment la question du bruit et des infrasons. Le rapport examine deux choses : des effets sanitaires qui peuvent être liés au bruit et aux infrasons. Il conclut qu’il n’y a pas de données qui permettent de mettre en évidence un tel effet, notamment car les syndromes qui sont répertoriés ne correspondent pas à ce qu’on attendrait du type de lésions qui sont dues à des infrasons. Il traite également le « syndrome éolien » et reconnaît qu’il peut exister un stress lié à la présence d’éoliennes. On rejoint la participation. Le fait de ne pas maîtriser, de ne pas comprendre pourquoi on a des éoliennes, de ne pas avoir d’informations contribue à un stress et un mal-être de la population. Sur ces effets-là, le fait d’avoir de l’information et de la concertation est un moyen de réduire les tensions et le stress lié aux éoliennes. En ce qui concerne le bruit, la réglementation qui s’applique c’est la même chose que les ICPE10. Le principe est de réglementer l’émergence. C'est-à-dire la différence entre le bruit de fond normal et le bruit supplémentaire avec des seuils qui sont définis pour le jour et la nuit. C’est vérifié et normé. C’est la même réglementation qui s’applique que pour n’importe quelle installation ICPE qui réglemente les émergences sonores.

500 m est la distance minimale. Ça n’a rien à voir avec les nuisances. Il y a des pays où l’on a des distances beaucoup plus importantes (on parle de 10 fois la hauteur du mât). En Suisse, il n’y a aucune distance minimale d’éloignement. En France, on a un seuil de 500 m, plus effectivement des normes en matière de nuisances et notamment le bruit.

Fabrice Gourat : sur les questions de bruit et de distance, il est faux d’affirmer qu’en Allemagne les distances sont supérieures ou qu’il y a moins de densité. C’est un pays extrêmement dense. Il y a des endroits où il y a des éoliennes très proches des habitations. Le problème que vont avoir les exploitants de parcs éoliens, c’est que si vous êtes trop proches des habitations il y a des émergences sonores. Si vous êtes trop proches d’une habitation, vous allez être obligé, pour pouvoir respecter la réglementation, de l’empêcher de fonctionner. Il y a un moment où la rentabilité n’y est plus. S’il y a une éolienne à 500 m d’une habitation et que vous l’empêchez de fonctionner la moitié du temps, c’est un problème concret. Ex : dans la Nièvre, il y a un parc en construction. Il y a 17% de perte de production à cause du bridage acoustique. Les éoliennes sont à minimum 800 m des habitations. En fonction des configurations, des terrains et de cette notion d’émergence, il y a une obligation de respecter cette loi qui impose un minimum de distance. Près d’une autoroute ou d’un endroit bruyant, on pourrait avoir des éoliennes à 500 ou 600 m d’une maison car les réglementations de distance et sonores seraient respectées. Mais à la campagne la distance s’impose de vous car la nuit les éoliennes ne tourneraient pas.

9 Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail 10 Installation classée pour la protection de l'environnement 24

Benoit Jaillet : on parle au nom des collectifs et associations qui se sont constitués pour informer sur l’éolien industriel et s’opposer à la multiplication des projets. Nous sommes perplexes et sceptiques sur la façon de poser ce débat. Sur l’indépendance qu’il faudrait pour aborder utilement et à tous les niveaux le sujet complexe de la transition énergétique.

L’affiche même révèle cette contradiction. On pose l’éolien industriel avant de réfléchir à la transition énergétique globale. Ce cadre est mal posé. Nous sommes pour la transition énergétique mais nous ne pouvons pas la réfléchir en étant enfermés sur un mode de production qu’est l’énergie industrielle. Comme on ne peut pas laisser la seule information se faire par les opérateurs de l’éolien industriel. Les territoires et les citoyens ont besoin de réfléchir de façon plus vaste. Imaginerait-on un débat sur la mobilité en plaçant au centre la voiture individuelle ? Il faut élargir le sujet.

Notre collectif a posé c’est deux éléments contradictoires. Peut-être qu’on se plante sur tout. Mais au moins, on veut discuter. Il y a un grand besoin d’information et de transparence. Notre groupe travaille depuis un an sur l’éolien industriel, car premièrement on le subit. Deuxièmement, après la lecture de nombreux éléments, nous n’en voulons pas.

Il y a des questions qu’il faut éclaircir avant de faire des choix. De quoi parle-t-on quand on parle d’éolien industriel ? Veut-on diminuer les gaz à effet de serre ou le nucléaire ? Peut-on faire les deux en même temps ? Quelles sont les conséquences ? Nous sommes capables de faire des choix quand on a de l’information. Il faut avoir une idée complète du système financier qui est lié à l’éolien industriel. Il faut connaître le circuit des subventions. À qui profite l’éolien industriel ? Connaître tous ces détails demande du temps.

Mettre l’éolien industriel au centre est un mauvais départ pour réfléchir globalement. Nous voulons une transition qui profite aux habitants. Mais décryptons le système de ce qu’on appelle globalement « participation citoyenne ». À quel système économique vous participez ? On est jamais très loin d’être en accord avec tout le monde. Un vrai projet citoyen est celui qui économise la facture. Les élus doivent prendre un temps réel d’information. La majorité des gens n’ont pas l’information pour commencer à se faire un avis.

Pour finir, ce qu’il se passe sur le Premier Plateau c’est la fracture sociale qui est en train d’apparaître. Je me suis découvert voisin de Chamole car je vois les éoliennes. Chamole a pris des décisions mais la commune d’à côté est contre. On va continuer à vivre sur ce territoire-là. Donc l’éolien industriel est très clivant et crée des fractures sociales dont on n’a pas besoin.

Vincent Dams : toutes les parties auront eu un temps de parole ce soir. On parle de transition énergétique, de réappropriation par les citoyens de projets de territoires, c’est là tout l’enjeu de mardi prochain à Villeneuve-sous-Pymont.

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X. 3ème criée publique

Les crieuses publiques :

 Un conseil de ressource: un livre très accessible et complet sur le sujet énergie et éoliennes industrielles pour encore plus s’informer. Marc Halévy. Énergie et écologie, remettre les idées dans le bon sens, 2018  Un écolo ne peut être favorable aux éoliennes industrielles  Choix du paysage !!! On nous impose un paysage industriel, on ne le choisit pas  Chacun de nous est-il prêt à réduire ses consommations ?  On parle souvent des impacts potentiellement négatifs de l’éolien sur les oiseaux et les chauves-souris. Pourquoi ne pas reconnaître que l’éolien a permis des avancées notables dans la compréhension de ces animaux ?  L’éolien en soit ne pose pas problème, l’enjeu c’est quel modèle et quelle participation citoyenne?  Que la décision d’un parc éolien se prenne à l’échelon communal me questionne beaucoup au regard de la complexité du sujet qui englobe une politique énergétique nationale et impacte un territoire bien plus large que la commune.  Le CAUE parle d’une rupture de sens. Depuis des milliers d’années les paysages ont évolué, il y a donc eu des ruptures de sens de tout temps ? Est-ce qu’un jour les éoliennes feront partie des paysages de nos campagnes comme tous les autres éléments? Je pense que oui.  Pourquoi y-a-t-il une telle pression de l’éolien sur les communes alors qu’elle est inexistante en matière de photovoltaïque et thermique?  L’éolien est moins dangereux que le nucléaire. Le béton des centrales nucléaires est dangereux, pas celui des éoliennes.  Jura = traditions coopératives. Continuons, meilleures garanties d’intégration d’un territoire  Bravo pour avoir eu le courage d’organiser cette réflexion. Il faut changer de modèle, de sens.  Il est urgent de s’entourer de personnes compétentes et d’études fiables pour limiter les dégâts et laisser un peu d’espoir à nos enfants.  La Bourgogne-Franche-Comté produit une fine part de l’énergie qu’elle consomme. Est-ce une raison supplémentaire pour mettre des éoliennes ? Pour moi tant mieux.

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