Librairie Pinault -Famille Blaizot-

Catalogue n°2

Attention nous avons changé d’adresse, nous serons ravis de vous présenter notre toute nouvelle librairie ouverte au 184 faubourg Saint Honoré, 75008 Paris du lundi au samedi de 10h à 19h.

CATALOGUE N° 2

1. ACHARD (Pierre-Frédéric). Né à Lyon. 1808-1856. Comédien. L.A.S. « Achard » à un ami. Paris, 1er janvier 1856. 4 pages in-8. 70 €

ACHARD PRÉSENTE SES SOUHAITS DE BONNE ANNÉE, puis donne des nouvelles de sa famille, ...Léon (son fils) a joué le rôle d’Almaviva dans le Barbier, il a eu un succès complet ; les compositeurs Adam et autres ont été très contents... Il loue la prestation de son fils dans ...La revue le Royaume des Calembours (...). Je crois qu’il se fera une position... Achard vient de déménager rue du Temple... À part cela, ...Le Théâtre des variétés fait beaucoup d’argent... Il a joué de son influence pour faire engager Vernier par Cogniard...

2. ADAMOV (Arthur, de son vrai nom Adamian). Né à Kislovodsk (Caucase). 1908-1970. Auteur dramatique. L.A.S. « Adamov » à « Cher ami ». Paris, 28 octobre 1951. 1 page in-8. 180 €

BELLE LETTRE : ...Vos poèmes m'ont beaucoup touchés (sic). Il y a là une réelle tristesse sous la raillerie. Une tristesse ? Peut-être plutôt « l'inutilité théâtrale et sans joie de tout ». Ri bien sur la bien-aimée de chaque nouvelle barbe, et souvent encore. Mais le rire lui-même... Claude Dominique me dit que vous (vous) apprêtez à partir pour l'Allemagne. L'Europe est, de toutes manières, préférable à l'Asie... Écrivez, et si vous passez par Paris, venez nous voir, ça nous fera plaisir... De tout cœur...

3. ALAIN (Émile-Auguste Chartier). Né à Mortagne-au-Perche. 1868-1951. Philosophe, journaliste et essayiste. M.A.S. « Alain » intitulé « Propos d’un Normand ». S.l.n.d. 2 pages in-4. 450 €

Alain met au point à partir de 1906 le genre littéraire qui le caractérise, les « Propos », de courts articles que le philosophe publia quotidiennement dans la « Dépêche de Rouen ». Alain dénonce la corruption d’état et la gestion déplorable des deniers publics : ...Ceux qui sont en mesure d’analyser les causes de la révolution portugaise ont mis en lumière le pillage des deniers publics, et les escroqueries dont les auteurs touchaient de trop près le gouvernement. Cette monarchie chancelante est enfin tombée (...). Stendhal dit avec raison que les petits despotes italiens et les papes bien rentés ont plus fait pour les beaux-arts que ne fera jamais une République ; et il ne faut pas le regretter, car la justice est plus précieuse que toutes les fleurs du luxe... Lorsque les deniers publics sont détenus par les agents du pouvoir, il résulte ...Par un mécanisme inévitable... que ...les brasseurs d’affaires ont les mains libres ; les hautes places offrent mille profits, sans compter des appointements demesurés, qui sont le prix du silence. Il se groupe, enfin, une espèce d’élite autour du centre ; les grandes dépenses éblouissent le commerce (...). La gloire militaire tente les têtes chaudes (...). J’ai entendu, étant enfant, un bonapartiste qui vantait la vie facile du second empire, et ses fêtes somptueuses ; peut-être était-il sincère ; peut-être vivait-il sur cette idée que les dépenses des grands enrichissent le peuple. C’est de cette mémorable époque que nous avons gardé notre armée de directeurs, nos trésoriers, et les actrices officielles. En somme, si on arrivait à faire gérer les deniers publics par des délégués des pauvres (..), la puissance de l’or aurait un contre- poids dans la puissance politique (...). Nous en sommes encore loin (...). Nous en serions moins loin si les socialistes nous prêtaient la main, au lieu de demander la lune...

Les "Propos" d’Alain sont de courts articles, inspirés par l'actualité et les événements de la vie de tous les jours, au style concis et aux formules frappantes, qui couvrent presque tous les domaines. Cette forme fut très appréciée de ses lecteurs pendant de longues années. Alain s'inspirait de Platon, Descartes, Kant et Auguste Comte, mais il se réclama avant tout de Jules Lagneau, son maître et professeur de philosophie qu'il appelait « le seul Grand Homme que j'aie jamais connu ». Humaniste cartésien, Alain fut un « éveilleur d'esprit », passionné de liberté ; il n’aimait pas les systèmes et se méfiait des idées toutes faites.

4. ALAIN-FOURNIER (Henri-Alban Fournier, dit). Né à La Chapelle d’Angillon. 1886 - mort au combat le 22 septembre 1914. Écrivain, auteur du Grand Meaulnes. Carte-L.A.S. « H. Fournier ». Paris, 24 rue Dauphine, 7 janvier 1910. 1/2 page in-8. 3 200 €

RARE LETTRE DE L’ÉCRIVAIN MORT À L’ÂGE DE 27 ANS AU TOUT DÉBUT DE LA GRANDE GUERRE :

Fournier prévient Gustave Tronche (administrateur des éditions de la NRF) de sa visite pour le lendemain : ...Si vous ne deviez pas être chez vous dimanche matin entre 10 h 1/2 et 11 h 1/2, oui si cela vous dérangeait que je passe chez vous à cette heure, avec un ami qui désire voir La Grappe, voulez-vous être assez aimable pour m’avertir d’un mot...

Fils d’instituteurs, élève de la classe de son père, Henri vit une enfance berrichonne à La Chapelle d’Angillon. En 1898 on le retrouve pensionnaire à Paris au lycée Voltaire, puis à Brest où il prépare le concours d'entrée à l'École navale, mais il y renonce préférant poursuivre des études littéraires. En 1910, on le retrouve chroniqueur littéraire à Paris-Journal. Il commence à publier quelques poèmes, essais, ou contes, qui connaissent quelque succès. Il rencontre des peintres et écrivains de son temps : Maurice Denis, André Gide, Paul Claudel, André Suarès et Jacques Copeau, et se lie d'une grande amitié avec Charles Péguy. Présenté par ce dernier à Claude Casimir-Perier, le fils de l’ancien président de la République, il en devient son secrétaire. Mais il élabore lentement l'œuvre qui le rendra célèbre : Le Grand Meaulnes, paru en novembre 1913 chez Émile-Paul. Ce roman manquera de peu le prix Goncourt, mais sera salué presque unanimement par la critique de l'époque. Mobilisé en tant que lieutenant de réserve, Fournier fut tué dès les premiers combats. La légende d'un écrivain mort pour la France en pleine jeunesse, après n’avoir écrit qu’un seul roman, contribua à assurer sa fortune littéraire posthume. Son nom figure sur les murs du Panthéon de Paris dans la liste des écrivains morts au champ d'honneur pendant la guerre 1914-1918.

Jean-Gustave Tronche fut administrateur commercial de la NRF entre 1912 et 1922 puis éditeur indépendant. Il entretint des relations amicales avec les noms les plus prestigieux de la littérature moderne, Aragon, Gide, Copeau, Paulhan, Martin-du-Gard... Marcel Proust l’appréciait énormément, il fut en étroite collaboration avec lui ainsi qu’avec sa collaboratrice Mme Lemarié lors du projet éditorial de la Recherche du temps perdu.

5. AMANN (Paul). Né à Prague. 1884-1958. Écrivain et traducteur autrichien. Il enseigna à Vienne. Traducteur de Romain Rolland. Pendant la Seconde guerre, il émigre en France, puis aux États-Unis ; en 1915 il entretient une relation épistolaire avec Thomas Mann. L. dactylographiée S. « Paul Amann » au crayon, à l’éditeur Pierre Abraham. S.l.n.d. 1 page in-4. 80 €

TOUCHANTE LETTRE D’AMITIÉ D’UN ÉCRIVAIN EN EXIL : Amann remercie son correspondant pour l’envoi de ses « belles études » mais regrette de ne pas avoir assez de temps libre afin de ...trouver le recueillement pour vous lire et relire comme il faut. Mais la seule présence de vos fascicules sur mon bureau a vivifié les excellents souvenirs que m’ont laissés vos articles dans Europe [la revue Europe]... Il a fait parvenir à ...tous les éditeurs un gros volume (500 p !) de philosophie de l’histoire et aujourd’hui j’ai reçu la première lettre (polie, oh polie !) de refus. Pourvu qu’un seul se laisse prendre par cette beauté obèse ! Ne me parlez-pas, je vous en prie, d’amitié intermittente. Le temps existe-t-il pour la sympathie profonde, pour cette vie qui seule mérite d’être vécue ? Vous devez avoir senti que nous avons passé, ma femme et moi, chez vous et chez votre chère femme de ces heures qui soudent à jamais. Pour être toqués et incongrus de manières, nous le sommes, nous autres Allemands, qui avons deux idées en caboche. Il n’y a quand France qu’on sait être charmant comme vous, tout en se livrant aux études les plus sérieuses !...

Polytechnicien, Paul Amann fait la guerre de 1914-1918 comme officier aviateur. Après le conflit, il entre en contact avec les milieux littéraires, et débute comme critique dans les journaux et revues ; il collabore à la revue Europe dès sa fondation (il en assurera ensuite la direction de 1949 à 1974). Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il participe à la Résistance et à la libération de Nice dont il devient conseiller municipal de 1947 à 1959. Lieutenant-colonel de réserve de l'armée de l'air, il est nommé à la Libération secrétaire du Directoire interallié de l'air à Berlin.

6. AMROUCHE (Jean). Né à Ighil Ali (Algérie). 1906-1962. Écrivain, journaliste, homme de radio. Directeur de la revue L’Arche éditée à Alger, puis à Paris par Edmond Charlot. L.A.S. « Jean Amrouche » à « Monsieur » [Maurice Merleau-Ponty]. [Paris], 8 mars 1945. 1 page in-8. En-tête de la revue littéraire « L’Arche ». 120 €

Amrouche a lu dans la revue « Les Temps modernes » (revue fondée par Merleau-Ponty et Sartre) ...Votre article : « La guerre a eu lieu ». Je tiens à vous dire que j’y ai pris bien plus que du plaisir. Vous exposez, avec une clarté peu commune, ce qu’un grand nombre d’entre nous pensaient et sentaient assez confusément... Vous avez confié un texte à L’Arche, puis vous avez cru devoir le reprendre. Je le regrette vivement. Puis-je espérer que vous voudrez bien nous en donner un autre ?...

L’Arche est une revue littéraire française mensuelle créée à Alger en 1944, dans le climat de la Libération, par le poète et journaliste Jean Amrouche, avec Jacques Lassaigne, sous le patronage d'André Gide. La revue est éditée par l'éditeur Edmond Charlot, qui était le grand éditeur d'Alger. Fabriquée dans des conditions matérielles difficiles, en pleine pénurie de papier, L'Arche tente de préparer la Libération en littérature ; y collaborent les plumes les plus prestigieuses : André Gide, Pierre-Jean Jouve, Pierre Emmanuel, Henri Bosco, Marie-Jeanne Dury, Henri Paul, Pierre Jarry, Jacques Lassaigne, Jacques Meyer... Après la Libération, la revue se poursuit à Paris ; elle connaîtra 26 numéros parus de 1944 à 1947.

7. APOLLINAIRE (Wilhem Appolinaris de Kostrowitsky, dit Guillaume). Né à Rome. 1880-1918. Poète français. L.A.S. « Guillaume Apollinaire » à « Cher Monsieur » [Blaise Cendrars ?] S.l.n.d. 1 page in-12. 2 800 €

Apollinaire lui envoie ses poèmes, et précise ...Pour le Perceval il doit paraître, mais votre traduction sera je crois également bien accueillie, d’ailleurs nous avons été précédés par qq’un qui l’an dernier a publié un Perceval en vers...

La « Très plaisante et récréative hystoire du très preulx et vaillant chevalier Perceval le Galloys » par Blaise Cendrars et Guillaume Apollinaire a été publiée chez Payot en 1918. La « traduction » de l’ancien français a été réalisée par Blaise Cendrars à la demande d’Apollinaire. Ce livre fut le dernier publié par Apollinaire.

8. ARON (Raymond). Né à Paris. 1905-1983. Philosophe. Texte dactylographié sur papier pelure, 50 pages numérotées (1 page 49bis), avec quelques corrections autographes au stylo, accompagné d’une L. dactylographiée S. « Raymond Aron » à Maurice Merleau-Ponty. S.l., 6 décembre 1955. 3/4 de page in-8. 280 €

LE PRÉSENT TEXTE QUI EST INTITULÉ « Philosophie et politique – Aventures et mésaventures de la dialectique » CONSTITUE UNE ANALYSE CRITIQUE DU LIVRE DE MERLEAU-PONTY QUI VENAIT DE PARAÎTRE « Les Aventures de la dialectique ».

Dans la lettre liminaire, Aron précise ...Comme tu le verras, mon esprit de contradiction m’amène à être plus proche de Sartre que de toi dans la querelle d’interprétation qui vous oppose. D’autre part, je pense que ton livre marque une phase de transition dans ta pensée et je le critique ici et là... D'abord ami et condisciple de Jean-Paul Sartre et Paul Nizan à l'École normale supérieure, Raymond Aron devient, lors de la montée des totalitarismes, un ardent promoteur du libéralisme, à contre-courant d'un milieu intellectuel pacifiste et de gauche alors dominant. Il dénonce ainsi, dans son ouvrage L'Opium des intellectuels, l'aveuglement et la bienveillance des intellectuels à l'égard des régimes communistes. Pendant trente ans, il est éditorialiste au Figaro, puis à L'Express. En 1978, il fonde la revue intellectuelle Commentaire. Professeur à l'Institut d'études politiques de Paris et à l'École pratique des Hautes études, il devient titulaire de la chaire de « Sociologie de la civilisation moderne » au Collège de France en 1970. Il est un commentateur reconnu de Marx, Clausewitz, Kojève et Sartre.

9. ARTAUD (Antonin). Né à Marseille. 1896-1948. Écrivain, poète, essayiste. L.A.S. « Antonin Artaud » à « Chers amis » [Raymond et Janine Queneau]. S.l.n.d. [Paris, 22 mai 1937]. 1 page in-8 sur papier à carreaux. 3 200 €

…Le secret que je vous ai demandé concerne l’épée d’une part ; ma future femme de l’autre. Tout le reste peut être dit en dissimulant simplement l’existence de cette épée. Je pense comme vous. NATURELLEMENT qu’il n’y a pas de hasard et j’ai été d’autant plus heureux de vous avoir rencontrés aujourd’hui...

Artaud fait sans doute allusion en évoquant « l’épée » (sa symbolique) à ses deux derniers textes « Héliogabale » et « Les Nouvelles révélations de l’être », le second, paru en 1937 chez Denoël. Au moment même où se formait une première galaxie traditionnelle autour de la revue Le Voile d’Isis, ou bien autour des instigateurs du Grand Jeu (René Daumal, Roger Gilbert-Lecomte), la tradition devenait le porte-drapeau d’une révolte avant tout « existentielle » à laquelle participèrent entre autres RAYMOND QUENEAU mais surtout ANTONIN ARTAUD, grand ami de Daumal, sous l’influence discrète du philosophe René Guénon (avec lequel Artaud entretiendra une correspondance). L’œuvre ésotérique guénonienne nourrit les cheminements éclectiques d’écrivains en quête d’absolu comme le furent Antonin Artaud, Raymond Queneau, André Breton, ou encore Henri Bosco et François Bonjean… « NATURELLEMENT qu’il n’y a pas de hasard » : l’adverbe « naturellement » mis ici en majuscules par Artaud indique combien le penseur avait fait sienne la définition du hasard énoncée par Breton « la rencontre d’une causalité externe et d’une finalité interne » (Dictionnaires abrégé du Surréalisme et L’Amour fou) qu’Artaud, Leiris, Desnos ou Caillois, les « hétérodoxes du surréalisme » traduiront dans leurs diverses recherches anthropologiques (pour Artaud, dans Les Tarahumaras) par l’irruption du sacré dans le réel.

10. AUDIBERTI (Jacques). Né à Antibes. 1899-1965. Écrivain, poète, dramaturge. L.A.S. « Audiberti » à « Mon cher ami » [André Rolland de Renéville]. Paris, 18 rue d’Enghien, s.d. [Seconde guerre].1 page in-4. 400 €

Audiberti se confie : …Voici, n’est-ce-pas une époque très passionnante, où tant de choses se déroulent dans l’espace de notre tête. Je sens, je sens ce temps comme le mien. Je suis fâché de ne pouvoir encore utiliser votre papier que j’ai toujours. Il faut attendre encore. Que faites-vous ? Lisez-vous ? Je dois passer un conseil de récupération, mais, pour l’instant, on me laisse en paix (c’est le mot) et j’ai de bons amis à Paris que je vois souvent. Nous allons. Nous venons. Nous parlons. Nous rêvons. Qu’allons-nous faire de ce monde. Je passe par d’intéressantes expériences intérieures, dont nous nous entretiendrons peut-être quelque jour (...). Nous avons eu, cette nuit, à Paris, une alerte…

11. AUGIER (Émile). Né à Valence. 1820-1889. Poète et dramaturge. Élu à l’Académie française en 1857. L.A.S. « E. Augier » au directeur du Conservatoire de musique Ambroise THOMAS. [Paris], 14 mai 1878. 2 pages 1/3 in-8. 90 €

Émile Augier a pris le parti d’écrire directement à son confrère et ami Ambroise Thomas, sans passer par l’huissier du Conservatoire qui lui a montré …visage de bois… en déclarant que le directeur ne recevait personne ! Augier désire apporter son aide à une famille de musiciens, le fils ...âgé de 15 ans et demi, voudrait entrer au Conservatoire dans une classe de violon et une classe de solfège. Le frère assure qu’il est déjà assez bon violoniste. Il s’agit encore d’une dernière fille âgée de 8 ans 1/2 qu’on voudrait faire entrer dans une classe de piano, est-ce possible ? Quelle est la marche à suivre pour le jeune violoniste ?...

Petit-fils du romancier Guillaume PIGAULT-LEBRUN, Émile Augier débuta sa carrière avec la pièce La Cigüe qui rencontra un formidable succès au théâtre de l’Odéon à Paris. Suivirent d’autres pièces qui furent jouées sur des scènes européennes comme L’aventurière (1848), Gabrielle (1849), L’habit vert (1849) écrite en collaboration avec Alfred de MUSSET, Le gendre de Mr Poirier (1854) écrite avec Jules SANDEAU. Il collabora également à l’écriture de la pièce d’Eugène LABICHE Le prix Martin (1870).

12. AURIC (Georges). Né à Lodève. 1899-1983. Compositeur. Ami de Stravinsky et de Satie, membre du Groupe des Six. Il fut Président de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM). P.A.S. « Georges Auric ». S.l.n.d. [janvier 1971]. 1/2 page in-8 à son adresse. 800 €

DÉCLARATION SOLENNELLE EN FAVEUR DU VIOLONCELLISTE RUSSE MSTISLAV ROSTROPOVITCH, victime d’ostracisme de la part du régime communiste : …Notre stupeur, notre consternation, notre sentiment exact sur la « punition » que vient de recevoir notre admirable ami Rostropovitch sont indicibles. Un tel artiste ne saurait être « mis au coin » comme un élève récalcitrant de la Maternelle – et ceci, particulièrement de la création entre toute importante de deux compositeurs français [la Mélodie concertante d’Henri Sauguet et Tout un monde lointain d’Henri Dutilleux]. Je veux d’ailleurs me convaincre que mes amis russes musiciens auront été les premiers à mesurer la pénible erreur qui vient d’être commise…

Promoteur infatigable de l’art sans frontière, de la liberté d’expression et des valeurs démocratiques, Mstislav Rostropovitch n’était pas bien vu par le régime de Léonid Brejnev. Son amitié avec le dissident Alexandre Soljenitsyne [Prix Nobel de littérature en 1970], et son soutien aux opposants au régime en place, furent la cause d’une disgrâce officielle au début des années 1970. Interdit de radio et télévision ainsi que son épouse la cantatrice Galina Vichnevskaïa, puis déchu de sa fonction de directeur du Bolchoï, il se vit contraint de quitter l’Union soviétique pour les États-Unis.

13. BAILLY (Jean Sylvain). Né à Paris. 1736 - guillotiné en 1793. Mathématicien et astronome. Député de Paris, président du Tiers-État en 1789, puis de l’Assemblée nationale. PREMIER MAIRE DE PARIS. L.S. « Bailly » à « Mon bon et illustre ami » [Paolo Frisi, professeur émérite de mathématiques]. Paris, 7 mars 1784. 1 page 1/2 in-4 sur vergé filigrané. (Excellente conservation, petit manque à l’ouverture du cachet de cire n’affectant pas le texte). 1 200 €

GUERRE DE SUCCESSION À L’ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS.

IMPORTANTE LETTRE CONCERNANT L’ÉLECTION DE SON « ILLUSTRE AMI » POALO FRISI, un éminent professeur de mathématiques qui enseigna à Londres, Berlin et Milan. Bailly qui soutient sa candidature à l’Académie des sciences, tout comme La Rochefoucauld- Liancourt, émet un certain nombre de conjectures quant à ses chances de l’emporter.

Bailly lui envoie le discours qu’il a prononcé à l’Académie française lors de sa réception en février ...Je puis vous dire quil a assez bien réussi à la lecture publique et particuliere. On a été assez content de la simplicité du stile, et je serai très heureux s’il ne perd rien de ce faible mérite dans le païs étranger. J’ai reçu les 3 volumes de M. le Comte Carli que je dois à votre bonté (...). Je vais en faire traduire quelque chose et peut-être le tout si on le juge assez intéressant. Alors je pourrois y joindre quelques notes en réponse aux objections. Je vous dirai qu’on a fait la nommination aux deux places vacantes à l’Académie. L’une a été donnée à M. Priestlis [le chimiste anglais JOSEPH PRIESTLEY] qui, comme vous le savez, le mérite par la révolution qu’il a faite dans la chimie ; l’autre à M. Albert Euler [le mathématicien, JOHANN ALBERT EULER, fils de LEONHARD EULER]. Vous avez eu des voix et vous avez été nommé en second dans la présentation au Roi. Je ne puis approuver ce choix, le titre le plus réel d’Albert est d’être le fils de Léonard, mais ceci n’est point une affaire d’hérédité. On sait à n’en pas douter que les meilleurs ouvrages ont été faits par son père et en conséquence on ne devait point le nommer à une des premières places de l’Europe ; mais cela est fait, il faut en prendre notre parti. Etant nommé en second, il y a lieu de croire que vous serez nommé en premier lorsque l’occasion s’en présentera. J’ai parlé hier à M. de la Rochefoucault qui m’a assuré qu’il vous appuieroit de tout son crédit. (...) comme il n’y a point d’Anatomiste on pourroit bien leur donner leur tour. C’est particulierement dans le cas de la mort de Jean Bernoulli [1710-1790, mathématicien] que nous serions en droit et en forces pour vous y faire succéder. En attendant nous ferons toujours tout ce que nous pourrons à chaque occasion (…), soïez tranquille, reposez vous sur nous et sur notre amitié ; surtout ne vous fachez pas. On a toujours tort de se facher contre les Corps ; ils peuvent retarder la justice, mais ils finissent toujours par la rendre. Mandez moi que vous vous en remettez à nos soins (...), mandez moi (...), que vous m’aimez toujours, car je vous suis et vous serai toute ma vie fidellement et tendrement attaché…

Éminent astronome des Lumières, le découvreur des satellites de Jupiter, JEAN SYLVAIN BAILLY, se classe incontestablement parmi les plus grands scientifiques du XVIIIe siècle. Sa monumentale Histoire de l'astronomie lui ouvrit les portes de l’Académie française en novembre 1783. Membre de l'Académie Royale des Sciences depuis 1763, nommé par le Roi, choyé dans les salons de l'aristocratie et à la Cour, il fut autorisé à s’installer au Palais du Louvre, siège de l’Académie depuis sa création en 1666. À la Révolution, il choisit cependant d’être élu député du Tiers-État, puis accède à la mairie de Paris en remplacement de Jacques de Flesselle qui venait d’être assassiné ; il fut l’un des premiers présidents de l’Assemblée constituante (du 17 juin au 3 juillet 1789), avant de céder sa place au duc de La Rochefoucauld-Liancourt. On sait à quel point l’étude des correspondances entre les savants fut cruciale pour enrichir la connaissance de l’histoire des sciences tout au long du XVIIIe siècle. Dans cette lettre datée de mars 1784, soit quelques mois après son élection laborieuse à l’Académie française, Bailly semble avoir à cœur de soutenir l’élection de son confrère milanais. L’Académie Royale des Sciences abritait 70 membres nommés par le Roi et accueillait 85 correspondants étrangers, répartis en six disciplines distinctes. La nomination à une académie présentait parfois des difficultés inhérentes aux différents antagonismes des uns envers les autres. Bailly échoua ainsi trois fois à l’entrée de l’Académie française, résultat de l’inimitié de d’Alembert envers l’opiniâtreté du naturaliste Buffon qui soutenait Bailly. Élu en 1783, l’astronome prononçait son discours d’investiture en février 1784, un panégyrique de son prédécesseur Louis-E. de La Vergne de Tressan. Ami de Benjamin Franklin, Bailly, dont l’esprit s’accordait avec celui des Lumières, n’hésita pas à aborder le vieux Voltaire à qui il envoya le premier volume de son Histoire de l’Astronomie. Un échange épistolaire témoigna de la relation étroite qui s’établit entre les deux savants. La brillante carrière politique et intellectuelle de Bailly s’acheva tragiquement sur l’échafaud : il fut guillotiné en 1793 pour avoir pris la défense de la Reine Marie-Antoinette lors de son procès.

14. BALLANCHE (Pierre-Simon). Né à Lyon. 1776-1847. Philosophe mystique et métaphysicien. Membre de l’Académie française. Ami de Chateaubriand et de Mme Récamier. L.A.S. « Ballanche » à « Madame ». S.l., 19 septembre 1837. 1 page in-8. 90 €

Ballanche annonce : ...Je suis allé hier chez vous pour vous donner des nouvelles de Madame Récamier et pour lui rapporter des vôtres. Voilà deux santés qui ont bien de la peine à se remettre : Dieu aidant, il faut bien espérer qu’enfin viendront de meilleurs jours... Il lui demande une faveur : ...Madame Récamier désire vivement que vous ayez l’extrême bonté de faire venir l’empreinte du camée. C’est elle qui fera tous les frais, parce qu’elle a le projet d’en faire présent à M. Lenormand. Le camée est pour lui-même, et non pour la Bibliothèque... 15. BALZAC (Honoré de). Né à Tours. 1799-1850. Romancier. B.A.S. « M. de Balzac » (signé en tête à la 3ème personne) à l'éditeur-imprimeur Jean-Théodore Boulé. Suscription. Sans lieu ni date, Lundi 2 heures (Paris 1837). 1/2 page in-12. 2 000 €

Concerne l’impression de son célèbre roman « César Birotteau »

…M. de Balzac prie Monsieur Boulé de venir le voir demain matin ou ce soir à 4 heures s’il est possible…

L'Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau, parfumeur, chevalier de la Légion d'honneur, fut publié en décembre 1837, par Jean- Théodore Boulé, le successeur de Mme Veuve Bellemain, un éditeur-imprimeur et directeur de journaux qui venait d’obtenir son brevet d'imprimeur quelques mois plus tôt, en mars. Il avait été décidé que le nouveau roman de Balzac serait offert en prime aux lecteurs de L’Estafette et du Figaro, deux journaux qui appartenaient à l’éditeur et à son « Association de la librairie et de la presse quotidienne ». En date du 14 novembre 1837, un contrat « sur papier timbré » signé par Boulé, Balzac et par Victor Lecou qui agissait au nom d'un consortium de libraires, précisait que César Birotteau, payé la somme de vingt mille francs à Balzac, pour un tirage (élevé) de 5000 exemplaires, devait être impérativement livré à l’éditeur avant le 10 décembre 1837 ! Pour soulager Balzac dans sa tâche titanesque (le délai de livraison était extraordinairement court !), Boulé s'engagea à mettre « à la disposition de M. de Balzac des commissionnaires pour porter ses épreuves et ne pourra se refuser à aucun travail de nuit ». Balzac, en mercenaire au service de la littérature, retranché du monde, réussit cet incroyable gageure : le 20 décembre, il écrivait à madame Hanska : « Je viens de terminer en 22 jours comme je l'avais promis [...] César Birotteau. [...] C'est assez vous dire que je suis abattu, dans un état d'anéantissement inexprimable ». Dès le 17 décembre, le Figaro offrait César Birotteau, un « Balzac au format in-8 » imprimé par Jean-Théodore Boulé qui, gageant sur le succès de l’écrivain, avait négocié quelques temps plus tôt la reprise du fonds Balzac soldé par l’éditeur Werdet en faillite…

16. [BALZAC] ROYCE (William Hobart). Né à New-York. 1878-1963. Écrivain américain, passionné de BALZAC, il passa sa vie à étudier la Comédie humaine. Fondateur et président de la Balzac Society of America. L.A.S. « Colonel Philippe Bridau alias Royce » à l’essayiste français Pierre Abraham. New-York, 12 février 1931. 2 pages gr. in-8, papier à lettres. En anglais. 130 €

...Dear Brother Astaroth... Cher frère Astaroth [démon de l’Enfer], écrit Royce ...Si vous regardez encore ma photographie, avec un puissant microscope, ma liste des « Cent plus grands noms de la littérature » vous verrez que le nom de Corneille se trouve dans la première colonne, (...), que celui de Kippling apparaît dans la deuxième, bien visible... Quant à BALZAC, je le place en tête, car il dépasse tous les autres en qualité, en quantité et en toutes choses... Puisque rien n’échappe à l’acuité brillante de votre œil batracien, j’attends avec une joie fébrile la revue promise concernant ma Bibliographie de Balzac, dans la Nouvelle Revue Française...

William Hobart Royce est un écrivain, critique littéraire, bibliophile, bouquiniste, et poète américain totalement hanté par l'œuvre et le personnage de Balzac, il a passé sa vie à étudier la Comédie humaine, à la commenter, la classer. Un article paru dans le magazine Life du 24 février 1947 rapporte que :« À Brooklyn, un certain William Hobart Royce a passé la plus grande partie de sa vie à se faire le double du romancier français Honoré de Balzac, aussi bien mentalement que physiquement. Il mangeait les mêmes aliments, buvait les mêmes boissons, fumait le même tabac. Il avait même pris l'habitude de se promener en robe de moine un peu comme la robe de chambre de Balzac. Inutile de dire qu'il faisait autorité en matière d'études balzaciennes, car il ne faisait pas qu'imiter Balzac, il était aussi bibliophile et bouquiniste spécialisé dans les éditions rares. Il est l'auteur d'une bibliographie de référence des œuvres de La Comédie humaine »

William Hobart Royce est fondateur et président de la Balzac Society of America qui comptait une cinquantaine de membres, qui publiait le Balzac Bulletin et qui offrait chaque année un dîner où se retrouvaient entre autres les vice- présidents honoraires : André Maurois, George Arents, et Owen D. Young.

17. BANVILLE (Théodore de). Né à Moulins. 1823-1891. Poète et critique littéraire. L.A.S. (incomplète du début) « Th. de Banville » à Arsène Houssaye. S.l.n.d. 4 pages (sur 8) in-8, papier vélin. 160 €

BELLE LETTRE : Des …huit pages de barbouillées… par Banville à l’attention de son correspondant, il ne reste malheureusement que les quatre dernières, qui nous donnent néanmoins un bon aperçu de la qualité critique de Banville. Enchanté par les Œuvres poétiques d’Arsène Houssaye qu’il vient de recevoir, …la pensée coordonnée se lit et se clairement… il a tout relu …avec un charme extrême… Cependant …en ma qualité de pédant…, il émet quelques critiques : …Le poême des Paradis Perdus est maintenant excellent et resplendit dans son unité. Il est tout à fait malheureux que les deux morceaux intercalés, le Cantique des Cantiques et les Cinq Vertus de Ninon (ce poème paru dans Les Légendes de ma jeunesse) rompent le fil et suspendent le rythme. Toutes les fois qu’un rythme lyrique est adopté pour un récit, tout doit y rentrer et il ne doit s’interrompre sous aucun prétexte, même sublime… Banville reconnaît vouloir …toujours courber sous le joug de la règle le plus indépendant des génies modernes, le dernier fils et le seul légitime du malicieux La Fontaine (...). Avouez cependant qu’une fois l’inspiration librement éclose vous ne perdez rien à soumettre votre muse au cothurne étroit et que le poême des Paradis Perdus vaut mille fois mieux sans les suspensions et les coupures inutiles, pourtant je ne suis pas de ceux qui passent leur vie à chercher des taches au diamant. Quand je vous lis, et ç’a été tous les soirs depuis huit j(ours), je jouis de vos vers comme la première jeune fille venue. Quand je me fais critique, c’est toujours par un effort violent...

18. BANVILLE (Théodore de). Né à Moulins. 1823-1891. Poète. Ami de Victor Hugo, Charles Baudelaire et Théophile Gautier. Son recueil « Odes funambulesques » publié chez Poulet-Malassis, en 1857, peu de temps avant la parution des Fleurs du Mal de Baudelaire, chez le même éditeur, lui apporta une consécration. M.A.S. « Théodore de Banville » titré « À ma Mère » et daté « le 16 février 1869 ». 1 page grand in-folio. RARE. 950 €

TRÈS BEAU POÈME EMPREINT D’UNE GRANDE TENDRESSE FILIALE EN HOMMAGE À SA MÈRE ÉLISABETH-ZÉLIE DE BANVILLE :

...Ma mère, pour fêter sous les cieux rajeunis, / Le jour où tu naissais, je veux avec tendresse / Faire parler encore la lyre enchanteresse / Dans le triste silence où nos cœurs sont unis. / Voici venir le temps des lilas et des nids : / Déjà, comme une haleine errante et charmeresse, / La brise du printemps suave nous caresse, / Ma mère, et ce n’est pas moi seul qui te bénis ! / Car, du séjour lointain caché sous tant de voiles, / Sitôt qu’avec la nuit s’effacent les étoiles, / Ceux qui sont dans les cieux nous regardent pleurer...

Théodore de Banville qui vouait à sa mère une véritable adoration, lui rendit souvent hommage dans ses poésies. Le tout premier recueil de Banville, Les Cariatides, salué par Charles Baudelaire, s’ouvre sur un poème dédié à sa mère : « Oh ma mère, ce sont nos mères dont les sourires triomphants, bercent nos premières chimères, dans nos premiers berceaux d’enfants... ».

CE PRÉSENT POÈME SEMBLE INÉDIT.

19. BARBEY D'AUREVILLY (Jules). Né à Saint-Sauveur-le-Vicomte. 1808-1889. Écrivain et journaliste. L.A.S. « Jules Barbey d’Aurevilly ». Paris, 27 mars 1874. 1 page 1/2 in-8. En-tête gravé à sa devise « Never more ». 1 600 €

Barbey désire instamment que son correspondant use de son influence auprès d’un jury de peinture : …La liste des membres du Jury de peinture est publiée. Je n’en connais pas un seul, mais vous, vous devez les connaître tous ; et vous m’avez promis, avec cette grâce qui vous distingue, de mettre vos influences à ma disposition & à celle de M. G. Lefébure [Gabriel Lefebure, peintre de natures mortes, il exposa au Salon à partir de 1846]. Le numéro du portrait est 2677. Si vous pouviez le recommander assez pour qu’il eût une bonne place, vous rendriez M. Lefébure très heureux et moi, par ricochet. J’ai la fatuité de compter sur vous. Les femmes aimables font les hommes fats. Les hommes aussi. C’est votre faute si je le suis. Je ne le suis pas pour vous, en croyant qu’un mot de vous qui, en fait d’art êtes un Docteur en Sorbonne, peut être décisif…

20. BARBUSSE (Henri). Né à Asnières. 1873-1935. Écrivain. L.A.S. « Henri Barbusse » à une dame. Paris, 5 novembre 1895. 1 page in-12, papier vergé crème, filigrane « Paris-Louvre Supérieur ». 130 €

Barbusse répond à une dame (probablement la musicienne qui voulait mettre en musique une pièce de Pleureuses) qui lui a écrit une lettre …si charmante et si gentiment dite…

21. BARNAVE (Antoine). Né à Grenoble. 1761 - guillotiné 1793. Avocat au Parlement de Grenoble. LE PLUS GRAND ORATEUR DES ÉTATS-GÉNÉRAUX AVEC MIRABEAU. M.A. intitulé « De la marche des gouverneur(s) ». S.l.n.d. 1 page in- 4. 1 000 €

NOTES POLITIQUES SUR L’AMBITION ET LA RIVALITÉ : deux passions humaines qu’aucune philosophie, pas même celle des Lumières, ne put contenir. Ces notes pourraient dater de mai 1791, lorsque Barnave faisait controverse à Mirabeau au sujet de la guerre et de la paix.

En préambule, Barnave présente l’intitulé de futurs chapitres : …L’homme individu – famille, petite société – ambition – rivalié – guerres. Société s’agrandissant, apporte entre des pays plus éloignés, Sociétés toujours plus étendues, grands empires – états fedérés... Puis il livre sa thèse : …Si toute l’europe ne faisoit qu’un empire il se diviseroit et les mêmes accidents se renouvelleroient. L’alliance entre toutes les parties de l’europe n’est pas possible parce que toute alliance n’est fondée que sur un danger plus puissant que la rivalité ou alors le danger n’existant plus la rivalité détermineroit la conduite. De la paix universelle idem. – les lumières n’éteignent point les passions naturelles…

Élu député par le tiers état du Dauphiné aux États généraux, « le beau Barnave » (c’est ainsi que l’appelle Mirabeau), devient l’un des plus célèbres orateurs de l’Assemblée. Avec Adrien Duport et Alexandre de Lameth, le jeune avocat forme un triumvirat qui s’oppose à Mirabeau. En 1790, au sommet de sa gloire, il est élu Président de l’Assemblée nationale constituante. Mais la Révolution passée, à la mort de Mirabeau, les trois révolutionnaires reprennent les idées du grand rival : monarchie forte, mais encadrée par une assemblée, divorce du roi et de la société aristocratique, suffrage censitaire rassemblant la classe moyenne… L’épisode de Varennes (juin 1791) révèle la limite de ce dessein qui ne saura ni convaincre le couple royal, ni désarmer la puissance grandissante de Robespierre. Incarcéré quelques jours après le 10 août 1792, Barnave rédige pendant sa captivité un bilan de la Révolution, testament stoïque que n’auraient pas renié les héros antiques et les auteurs classiques dont s’était nourrie sa jeunesse. Il est guillotiné le 29 novembre 1793.

22. BARRAS (Paul). Né à Fox-Amphoux. 1755-1825. Révolutionnaire. Général. Élu au Directoire. Pièce en partie imprimée signée « Barras » « Le Président du Directoire exécutif », ainsi que « Milet de Mureau » (Ministre de la Guerre) et « Lagarde » (Secrétaire général du Directoire). Paris, 2 avril 1799. 1 page in-plano. Belle vignette gravée. 450 €

Le citoyen JOSEPH LAGRANGE (1763-1836, général de la Révolution et de l’Empire) est promu ...au rang de « Général de Brigade » pour en faire les fonctions sous l’autorité du Directoire exécutif, et sous les ordres du ministre ayant le départeman de la guerre, et prendre rang du « époque de sa nomination par le Général Bonaparte »...

23. BARRÈS (Maurice). Né à Charmes. 1862-1923. Écrivain et homme politique. Élu à l'Académie française en 1906. Carte de visite A.S. de ses initiales « M.B. » à Lucien Colleau. Neuilly-sur-Seine, S.d. 1 page in-18. Imprimé à ses nom qualité et adresse. Enveloppe. 60 €

...Voici les quinze pipes, avec mes souvenirs bien sympathiques pour tous...

Cette carte s'expliquerait difficilement sans une lettre précédente qui mentionne l'envoie de 44 pipes au musicien du 15ème régiment d'infanterie et avait prié Lucien Colleau de lui faire savoir s'il en manquait.

24. BARRÈS (Maurice). Né à Charmes. 1862-1923. Écrivain et homme politique. Député de Nancy. Membre de l’Académie française. Carte de visite A.S. de ses initiales « M.B. » au directeur de la Revue hebdomadaire. Paris, 21 mars 1899. 2 pages in-16 gravé à son nom. Papier de deuil. Enveloppe affranchie. 120 €

...La combinaison du journal n’est nullement abandonnée... Il précise : ...Fr Coppée accepte de faire partie d’un comité de patronage que fonde Vaugeois (...). Cela n’a pas de grand intéressement (?) s’il demeure entendu que nous sommes toujours d’accord pour faire notre journal. Mais encore faut-il que cela demeure entendu... J’ai la grippe, dites-moi quel jour (Jeudi ?) vous voudriez venir déjeuner 100 Maillot où je suis en garçon, ma femme absente. Cela serait bien utile... En p.s. : ...Les petits bleus ne viennent pas ici - Message téléphonique...

25. BARTHOLDI (Auguste). Né à Colmar. 1834-1904. Sculpteur. Concepteur de la Statue de la Liberté érigée à New- York. L.A.S. « Bartholdi » à « Monsieur ». Paris, 26 mars 1874. 2 pages 1/2 in-8. Joint : un manuscrit (non identifié) au verso d’une carte de l’Union franco-américaine à l’effigie de la Statue de la Liberté. 750 €

Bartholdi remercie son correspondant. Il verrait ...avec plaisir mes œuvres figurer dans l’intéressant ouvrage que vous préparez. J’étais absent de Paris quand votre lettre m’est parvenue ; sitôt que je fus de retour je me suis occupé de me procurer les photographies des monuments que j’ai faits... et s’empresse de les lui envoyer ...Je n’ai de ces diverses œuvres que de petites esquisses ; mais je vous enverrai ultérieurement les documents et renseignements qui pourront vous être utiles suivant vos indications. Excusez moi Monsieur d’avoir répondu si tardivement, j’attendais les épreuves, qu’on ne m’apportait pas et je pensais que c’était la meilleure manière de vous définir les monuments que j’ai faits. Je vais partir dans quelques jours pour l’Italie et je tiens à vous en informer pour le cas où vous m’écririez pendant mon absence...

Suit une liste numérotée de ses travaux terminés ou en cours : …N°1 Tombeau des Gardes nationaux. Exécuté posé et fini. N°2 Tombeau des victimes du siège de Brisach. En voie d’exécution pas encore posé. N°3 Lion de Belfort en préparation il n’y a encore rien de fait sur le terrain…

Le manuscrit joint, au crayon, relate le procédé de fabrication de la statue de la Liberté : ...Atelier Gaget Gauthier, rue Chazelles : cette statue de colossales dimensions (...) tient dans la main droite un flambeau, dessus les poignées de ce flambeau est située une terrasse circulaire sur laquelle peuvent tenir 12 personnes sans être gênées. Sa tête composée à l’exposition de 1878 a environ 4 m de diamètre. L’entrée est située sous le pied droit. Voici en quelques mots le procédé de fabrication : Une statue en plâtre à la réduction de 1/4 a été faite complètement ; des modèles des différents morceaux ont été ensuite confectionnés à l’aide de bois entrecroisés recouverts de plâtre, etc.,...

26. BATAILLE (Henry). Né à Nîmes. 1872-1922. Dramaturge et poète. 3 L.A.S. « Henry B. », « Henry », « Henry Bataille » [à Lucien Guitry]. S.l.n.d. [1909]. 9 pages in-4. 350 €

PASSIONNANTES LETTRES ADRESSÉES À LUCIEN GUITRY.

Henry Bataille travaille à la mise en scène de sa pièce Le Scandale, dans laquelle Lucien Guitry incarne l’un des personnages principaux « Maurice Férioul » aux côtés de Berthe Bady (la compagne de Bataille) et P. Magnier. La première devait avoir lieu le 30 mars 1909 au Théâtre de la Renaissance à Paris, théâtre que Guitry dirigeait. Lucien Guitry créa aussi le rôle du « Coq » dans la pièce d’Edmond Rostand « Chanteclerc ». Dans la troisième lettre, Bataille ironise en l’appelant « Cher Coq »... et termine par des « Cocorico... ! »...

1ère lettre : « Très cher » : Empêché par la grippe, Bataille ne peut se permettre ...une imprudence qui me coûterait cher (...). Mais ne perdons pas de temps cependant. Profitons même de ce repos et de ce que demain Bady est obligée de rester à la maison jusqu’à trois heures et envoyez-moi, s’il vous plait Magnier (...), nous verrons tous les trois ensemble les 2 scènes, en sorte qu’après nous n’aurons plus à nous occuper des « intentions » d’un auteur qui a les idées les plus précises, sur ses personnages... Le dramaturge donne à Guitry des indications de mise en scène sur les entrées et sorties des personnages ...À la fin de l’acte, la sortie de Jeannetier et de Charlotte se fait par la porte intérieure... Il est confiant quant à la bonne avancée des répétitions ...Je sens que tout va bien, cher ange... Sortez leur à tous tout le jus de leurs boyaux. Moi je pense déjà à « l’autre pièce » ...Ah ! la vie !... Et pendant ce temps Caran d’Ache... En somme, êtes-vous content ? Oui, n’est-ce pas ? Alors qu’empêche le reste des choses en ce monde ?...

2ème lettre : « Liebes Kind ! » : H. Bataille envoie le 2ème acte à Lucien Guitry ...avec mes coupures d’Artanezzo - 53 lignes – ce n’est pas mal. Il ne faut pas laisser non plus trop de trouble et d’indécision sur une figure déjà énigmatique... On nous le reprocherait. Il faut un dessin net et ferme... Il lui enjoint de sermonner le comédien Magnier ...Il faudra obtenir à tout prix qu’il parle et qu’il parle vite. Persuadez le lui, avec une sombre énergie qui rendra à ce garçon un service immense. (...) Cette fois il le faut !... Voici le rôle aussi de la petite môme Augé,- alias « Fifi-fenouillet » - Bigre qu’il est court !... Mais elle y fera un gros effet... Quant au troisième acte, Guitry le recevra demain soir en entier ! En son absence, les répétitions vont bon ...Si ça continue, on va aller avec une rapidité fulgurante, et jeudi quand j’arriverai, il y aura 2 actes en scènes, alors ?? Embrassez Rostand sur le rouston droit de ma part...

3ème lettre : « Cher Coq » : Bataille félicite d’abord son correspondant ...Mazette ! Quel cachet !... Depuis la première du Scandale jusqu’à la dernière de Chanteclerc que d’argent va tomber dans votre profonde !... Puis inquiet au sujet d’une affaire, il recommande à Guitry ...dites bien que cette nouvelle affaire ne peut en rien nuire au SCANDALE et sa carrière. Que nous n’ayons pas l’air étouffés et relégués au grenier des fins de saisons. Ce serait mauvais pour la pièce : on attendrait Chanteclerc !!!... Il lui demande d’être aussi vigilant sur le jeu des enfants : ...Pour la petite fille, quelques répliques ? (...) Quelques onomatopées, papa, maman – pas plus ! ...Je me méfie, et pour cause, des enfants au théâtre, si bons soient-ils ! Ils indisposent une bonne moitié de la salle ! D’avance le public ne veut pas qu’on la lui fasse à la sensiblerie (...) Ils sont nécessaires pourtant, au cours de ma pièce ; ils constituent l’atmosphère de maternité et de paternité... mais on ne doit les rencontrer que comme on rencontre les enfants dans les appartements, un peu en courant et à la va-vite... Je vous demanderai même de ne pas insister sur la scène de l’enfant au 1er acte ; elle est mauvaise d’abord (...) elle arrive à un moment où le public désire de l’action (...) escamotez cette scène ; il n’en faut retenir que votre semonce, pour que nous filions vite sans égarer le public... Il conclut sa lettre ...Je brûle d’avoir un peu tout ça dans la gueule !... et salue Guitry d’un ...Cocorico !...

27. BAUDELAIRE (Charles). Né à Paris. 1821-1867. Poète. L.A.S. « Charles » à sa mère [Mme Aupick, à Honfleur]. [Paris], 19 mars 1858. 1 page grand in-8. Adresse. Timbre et cachets postaux. 4 500 €

Baudelaire ...supplie... sa mère de ne pas lui écrire des lettres qu’il qualifie ...d’enfantines..., et lui rappelle qu’il est ...partout et avec tout le monde, particulièrement avec les personnes qui me rendent services ce que je dois être... Il poursuit sur ses affaires d’argent qui ...marchent très bien, sauf quelques chicanes... Par contre ses affaires ...(de travail) vont tout de travers. Je viens de perdre des épreuves. L’imprimeur attend depuis un mois. Mes dessins sont manqués. Je suis obligé pour réparer tout cela d’aller prendre quelques sols à M. Jaquotot, et de partir pour Corbeil où je travaillerai 2 jours à l’Imprimerie, jusqu’à ce que tout soit fini...

Après la mort du général Aupick (le beau-père de Baudelaire), l’année qui précède cette lettre [l’année 1857, celle de la publication retentissante des Fleurs du mal (qui lui vaudra le procès que l’on sait)], Baudelaire qui s’était fâché avec sa mère, se réconcilie peu à peu ; cette dernière l’invite à venir séjourner à Honfleur. Cependant, Baudelaire sursoit de jours en jours sa venue. Ses dettes le retiennent à Paris. Sa situation financière catastrophique avait obligé sa mère à de lourdes avances pécuniaires, après la mort du général. Mais, c’était sans compter avec un Baudelaire particulièrement dispendieux... À la veille de rejoindre la demeure maternelle, Baudelaire quémande encore une somme importante à Narcisse Ancelle (notaire de Mme Aupick et tuteur de Baudelaire) que celui-ci lui refuse. L’opposition d’Ancelle vaudra de terribles lettres querelleuses adressées à sa mère entre février et mars 1858. D’autre part, Baudelaire cherche à secouer le carcan de la tutelle qui l’étouffe. Il fait part dans une lettre de février 58, à l’avoué Antoine Jaquotot, de son impossibilité à supporter plus longtemps la « tyrannie vétilleuse d’Ancelle ». La crise se dénoue le 11 mars, soit quelques jours avant cette lettre, lors de la vente d’un titre de rente de 3000 francs par Ancelle qui permet à Baudelaire de solder ses dettes les plus pressantes. L’épilogue du séjour à Honfleur sans cesse reporté, s’écrit aux derniers jours de janvier 1859 : Baudelaire se rend enfin chez sa mère, dans la « maison-joujou » décrite par Mme Aupick où il ne demeurera finalement qu’un petit mois ; début mars 1859 il regagnait déjà Paris...

Autre cause de ses difficultés : deux ouvrages sont en cours : le volume des Aventures d’Arthur Gordon Pym est à l’impression, puis ce seront les études sur le haschich et l’opium qui doivent être insérées dans la Revue contemporaine. Baudelaire appréciait d’être à portée des imprimeurs et, si nécessaire, le poète n’hésitait pas à se rendre jusqu’à Corbeil chez l’imprimeur Crété qui travaille pour l’éditeur Michel Lévy, ou à Alençon chez l’éditeur des Fleurs, Poulet-Malassis...

Les « dessins » dont parle Baudelaire dans cette lettre sont, d’après Crépet, les ébauches d’un portrait d’Edgar Poe. (cf : Corr. N° 356, Crépet, Conard, 1947).

28. BAZIN (René). Né à Angers. 1853-1932. Écrivain. Élu membre de l’Académie française en 1904. L.A.S. « René Bazin » à un ami. Angers, 16 juillet 1899. 2 pages in-8. 120 €

René Bazin remercie son ami pour sa lettre et précise …J’ai été absorbé par l’achèvement d’une nouvelle dont le manuscrit est là, sur la table que vous connaissez, par un article envoyé hier soir. Et je pars, dans une heure, pour un voyage, solitaire, de 3 semaines… Il espère le revoir en octobre …Je me distrairai de mes visites académiques en faisant visite à Mme et à M. Maurice Emmanuel. Le souvenir qui nous lie ne s’use pas. Et je compte sur votre amitié ; à jamais… Il ajoute …Dites moi bien si Doumic [le critique littéraire René Doumic] vous trouve un nouveau cours. N’hésitez pas à me demander si je connais des gens qui pourraient, éventuellement, vous être utiles... il conclut, plein d’entrain …Et long bonheur à vous deux ! Nous sommes bien encore des heureux, nous, vos anciens, après si longtemps !...

29. BECQUEREL (Edmond). Né à Paris. 1820-1891. Physicien. Membre de l’Académie des sciences et de la Royal Society. L.A.S. « Edmond Becquerel » à « Monsieur ». Paris, 9 décembre 1856. 1 page in-8. 200 €

Becquerel transmet un tableau à son correspondant ...resumant la discussion faite a Angers par M. A. Menière pendant le cours de l’année 1855. Voilà déjà quelque temps que je l’ai reçu, et j’avais omis de le faire parvenir à la Société meteorologique...

Alexandre Edmond Becquerel appartient à une famille de physiciens (son fils Henri Becquerel reçut le prix Nobel de physique en 1903). Edmond poursuivit quant à lui les recherches de son père, prenant sa suite au Museum national d’histoire naturelle et à la chaire du Conservatoire des Arts et Métiers.

30. BELIN (Marcel). L. dactylographiée S. « Marcel Belin » à l’éditeur Mourlot. Ambérieu, 23 août 1912. 1 page grand in-4. Très large en-tête coloré des écoles militaires et civiles de pilotage Deperdussin « LA NAVIGATION AÉRIENNE ». 180 €

...Veuillez nous faire adresser à dater du premier août dernier le Bulletin International du Bureau Central de Météorologie ainsi qu’à dater de ce jour les avis télégraphiques : direction et force probable du vent...

Armand Jean Auguste Deperdussin (Paris, 1864-1924), est l'un des plus célèbres constructeurs d’avions d'avant la Première Guerre mondiale.

31. BELLUS (Jean). Né à Toulouse. 1911-1967. Dessinateur humoristique de presse. Dessin original à l’encre de chine, signé à la plume « Jean Bellus ». Au verso tampon humide encre violette « Ici Paris 120, Champs-Elysées PARIS ». (25,5 cm x 28 cm). 250 €

Le dessin représente deux couples aux mines réjouies faisant une ronde autour d’un facteur au visage dépité, Bellus a écrit la légende suivante, sous le dessin, à la mine de plomb : « Il faut vous dire, facteur, ce n’est pas dans nos habitudes de recevoir des mandats... »

Jean Bellus collabora à de nombreux journaux et magazines dont Paris-Presse, Jour de France, Point de Vue. Il participa à la première bande dessinée verticale le « Crime ne paie pas » publiée à partir de 1950 dans le quotidien France Soir.

32. BENOIT (Pierre). Né à Albi. 1886-1962. Romancier. Il débuta par un recueil de poèmes « Diadumène » (1914) dédié à Barrès. Son premier roman « Koenigsmark » (1918) obtint un immense succès. L.A.S. « Pierre Benoit » à Gabriel d’Aubarède. Ciboure, 1er février 1958. 1 page 1/4 sur papier japon gravé à l’adresse de sa villa Allegria. 130 €

...J’aime bien charger les tiers, surtout quand ils sont aussi sympathiques, de mes commissions. C’est pourquoi je demande à Madame Gabriel d’Aubarède quel souvenir je garde de la journée du 5 août dernier [dans une lettre de juillet 57 le romancier avait invité le couple d’Aubarède à venir le voir à La Roche Posay en août]. Sans compter que ce qui en est résulté pour moi dans les Nouvelles littéraires est une des choses qui m’ont plu davantage, et m’ont rempli à votre égard d’une très affectueuse gratitude...

Gabriel d'Aubarède, né dans une famille lyonnaise, est un ami de jeunesse de Marcel Pagnol (avec lequel il fonde la revue, Fortunio). Il a publié une douzaine d'ouvrages et fut critique et journaliste littéraire, notamment aux Nouvelles littéraires.

33. BÉRANGER (Pierre Jean de). Né à Paris. 1780 - 1857. Chansonnier. L.A.S. « Béranger » à Monsieur Palaiseau. Passy, 23 avril 1845. 2 pages in-8. Adresse et cachets postaux. 250 €

BELLE LETTRE (CAUSTIQUE). Béranger livre une belle et franche analyse des manuscrits de poésie qu'il a reçus en lecture du poète Palaiseau : ...J’ai lu vos vers, Monsieur, et ne vous conseille pas d’en tenter l’impression, si honorable qu’en soient les sentimens, si douces que soient pour vous les images qu’ils retracent. Je ne parle ici que des poëmes, où j’ai remarqué de jolies vignettes de votre composition sans doute... Quant aux fables, Monsieur, je ne me vante pas de les avoir lues toutes. Il parait que vos 80 ans vous ont laissé jouir d’une vue excellente, pour moi qui ai 15 ans de moins que vous, je ne vous cache pas qu’il m’a été impossible de lire plus d’une 20ne de ces fables écrites d’un caractère à désespérer un compositeur d’imprimerie. Toutefois, je puis vous assurer qu’il y aurait imprudence à chercher un éditeur pour ces compositions, malgré ce que j’y ai remarqué de bon sens et d’intentions louables... Et puis, Monsieur, je ne puis m’empêcher de vous le dire ; quand on a eu le bonheur de vivre inconnu du public jusqu’à l’âge que vous avez, il n’y a pas sagesse à se jetter au milieu de la foule littéraire, qui n’accorde guère que des dédains à la vieillesse : on peut planter encore pour les autres, comme l’a dit Lafontaine, mais on ne doit plus rimer que pour soi...

34. BERG (Alban). Né à Vienne (Autriche). 1885-1935. Compositeur. Élève de Schönberg. Carte postale à son élève Gottfried Kassowitz (à Vienne). 27 juin [1919]. Adresse, timbres et marque postale. Estampée « Express ». En allemand (traduction de l’Institut Berg). 3 000 €

BELLE LETTRE. RARE. Berg, s’étant absenté de Vienne, transmet un message urgent à son élève : il lui indique que : Webern le presse d’expédier son quatuor à Feist. Webern a précisé qu’il faut envoyer la partition complète avec les parties de chaque instrument. Le compositeur demande à Kassowitz, de récupérer la partition chez lui, celle- ci devrait se trouver sur le piano (…). Tout cela s’avère fastidieux et compliqué, dit-il, mais il est urgent, répète Berg, de remettre la partition à Feist afin qu’il puisse la travailler pour la prochaine saison conjointement avec les partitions de Schönberg (en ré mineur), Webern, Stravinsky, Reger (avec piano), Ravel et Bartok…

35. BERGSON (Henri). Né à Paris. 1859-1941. Agrégé de philosophie en 1881. Professeur à l’École Normale supérieure, puis au Collège de France. L’un des plus célèbres philosophes français de la première moitié du XXe siècle. Ses deux premiers ouvrages publiés avant 1900, Essai sur les données immédiates de la conscience (1889) et Matière et Mémoire (1896) suffirent à le rendre célèbre. L.A.S. « H. Bergson » à « Cher Monsieur » [le mathématicien Emmanuel Rodocanachi]. Paris, 4 juillet 1922. 2 pages in-16. 600 €

Bergson vient de faire paraître « Durée et simultanéité, à propos de la théorie d’Einstein », un ouvrage capital qui l’opposa aux scientifiques. Il souhaite en discuter avec le mathématicien. Mais pour le moment, Bergson est pris dans ...un véritable tourbillon d’occupations. Il faudra que je trouve moyen, à mon retour, de parler durée et simultanéité avec l’ancien mathématicien que vous êtes...

Bergson venait de faire paraître chez Félix Alcan « Durée et Simultanéité, à propos de la théorie d’Einstein ». Le 6 avril 1922, Bergson rencontrait Einstein à la Société française de philosophie. Les âpres discussions avec les scientifiques n’empêchèrent pas le philosophe de réimprimer son livre, sans y introduire aucun changement, en 1931. Pour le philosophe, la durée, autrement dit notre perception du temps s’opposait au temps objectif des scientifiques. Cette opposition entre temps et durée se complétait par la distinction entre intelligence et intuition. On a souvent prétendu que Marcel Proust avait été influencé par les théories bergsoniennes sur le temps. En réalité, l’influence venait plutôt de Jean- Marie Guyau, un philosophe bien connu du professeur Darlu, son professeur de philosophie au Lycée Condorcet, dont les thèses servirent à Nietzsche comme à Bergson.

36. BERLIOZ (Hector). Né à la Côte-Saint-André (Isère). 1803-1869. Compositeur. L.A.S. « H. Berlioz » à « Mon cher Camille » (son beau-frère Camille Pal). Paris, 29 août 1852. 1 page in-8. Petits trous d'épingle. 2 200 €

Berlioz confirme qu'il a bien reçu ...le billet de cinq cents francs montant de mon prélèvement du mois de septembre. Je vous remercie de votre exactitude... ajoute- t-il. Il vient d'être ...gravement malade, mais me voilà de nouveau sur pieds...

Berlioz avait deux sœurs. L'ainé, Anne-Marguerite appelée aussi Nanci, épousa Camille Pal, un notaire grenoblois, en janvier 1832. Berlioz entretenait avec ses parents des rapports fidèles attestés jusqu'à la fin de sa vie par une ample correspondance. Il se montre courtois, notamment envers ses deux beaux- frères (Marc Suat, l'époux d'Adèle, notaire à Vienne, et Camille Pal, l'époux de Nanci). Ceux-ci avaient été chargés par Berlioz de gérer chacun une de ses propriétés dauphinoises. Berlioz donna pouvoir en 1853 à Camille Pal afin qu'il puisse récolter les arrérages d'une de ses fermes.

37. BERNSTEIN (Henri). Né à Paris. 1876-1953. Auteur dramatique. L. dactylographiée S. « Henri Bernstein » à Louis Ducreux. S.l., 31 décembre 1948. 1 page in-4. En-tête du Théâtre des Ambassadeurs, Henri Bernstein. 70 €

Pour le Nouvel An, Bernstein souhaite à son ami ...Toutes les choses heureuses, celle entre autres de faire représenter au printemps une belle pièce (...). Que vous avez de la chance de ne rien donner au mois de février prochain. Que pourrons-nous imaginer pour faire concurrence au grand drame de l'électricité anémique ? Cette menace et beaucoup d'autres mises à part, il me semble que ma fable pourrait d'aventure "plaire et toucher", aidée comme elle le sera par des interprètes auxquels vous ne résisterez pas...

38. BIBESCO (Marthe Lahovary, princesse). Née à Bucarest (Roumanie). 1890-1973. Femme de lettres française d’origine roumaine. L.A.S. « Marthe Bibesco » à un « Cher Monsieur ». Paris, 12 avril 1956. 2 pages in-8, papier vélin à en-tête. 140 €

Toujours heureuse de le lire, mais ici cette joie est …accompagnée (…) d’un vif mouvement de fierté !… Ce qui lui fait …souvenir que l’éloge vaut ce que vaut celui qui le fait…

La princesse Marthe Bibesco (dite Lucile Decaux), historienne et femme de lettres française de la première moitié du XXème siècle, née à Bucarest, décédée à Paris en 1973 était la troisième fille de Jean Lahovary, président du Sénat, ministre des Affaires étrangères et ambassadeur en Roumanie, et de Ema Mavrocordat, pianiste, descendante d’une famille grecque. Elle grandit dans le domaine de Balotesti (Roumanie) et Biarritz où elle passait ses vacances. Ses romans étaient en partie écrits en français, dont les plus célèbres et les plus vendus, « Katia » (immortalisée au cinéma par Danielle Darrieux et Romy Schneider) et « Le Perroquet Vert », paru en 1924. Rapidement suivis par toute une série d’œuvres littéraires, récits, contes, nouvelles, articles et essais, comme « La vie d’une amitié : ma correspondance avec l’abbé Mugnier 1911-1944 », paru en 1951 en trois volumes.

39. BLANC (Louis). Né à Madrid (Espagne). 1811-1882. Historien et homme politique. Membre du gouvernement provisoire de la Seconde République (1848). L.A.S. « Louis Blanc » [à Monsieur Escudier, éditeur à Paris]. Londres (Angleterre), 12 décembre 1848. 3 pages 1/2 in-8. Enveloppe affranchie. 750 €

AU TOUT DÉBUT DE L’EXIL DE LOUIS BLANC : CETTE LETTRE ENVOYÉE DE LONDRES EST DATÉE DE DÉCEMBRE 1848 : après les journées insurrectionnelles de juin 1848, Louis Blanc avait été contraint de quitter la France, pour la Belgique, puis l’Angleterre, qui deviendra sa terre d’exil… Pour l’heure, il tâche, à distance, de régler certains problèmes liés à l’édition d’une brochure : …il y a eü une première faute commise : l’édition à un franc. Ce qui est certain c’est que le chiffre à dix mille exemplaires est fort au-dessous de mon attente. Quoiqu’il en soit, et puisque vous désirez continuer cette publication, la proposition qui m’a été faite au nom de MMs Garnier restera comme non avenue. Je vous autorise à terminer avec Mr Parmentier l’affaire relative à l’Organisation du travail… Il s’étonne de ne point avoir reçu son dû... Certains éclaircissements lui paraissent nécessaires regardant le traité signé, notamment la clause d’exclusivité qui lui interdirait tout profit. Pour ce qui est de la brochure sur la « présidence », il précise vouloir l’offrir à une association d’ouvriers …Quel malheur que d’être ainsi obligé de traiter les affaires par correspondance ! Mais mon exil ne sera pas éternel, Dieu merci ! [Louis Blanc ne se doute pas que son exil durera vingt ans !]. Vous m’aviez demandé ma biographie. Je vous ai envoyé deux journaux anglais, le Spirit of the age et le Britannia : les avez-vous reçus ? Le Spirit of the age est le journal le plus Démocratique de ce pays-ci ; le Britannia est un journal tory [conservateur], ultra tory plutôt : ce sont les deux extrêmes…

Après la Révolution de février 1848, Louis Blanc devient membre du Gouvernement provisoire de la IIe République. Cependant, n'ayant pu obtenir un ministère du travail, il est chargé d'une commission pour les travailleurs, sans budget et sans pouvoir réel. Il tente de mettre en œuvre ses idées : associations, conciliations entre les patrons et les salariés, propositions de projets de loi. Mais après le succès des conservateurs en avril 1848, Blanc se trouve être écarté du gouvernement pour ses idées socialistes. Soupçonné d'avoir participé aux émeutes de juin 1848, il doit s'exiler en Angleterre jusqu'en 1870, date de la fin du Second Empire.

40. BLÉMONT (Léon Petitdidier, dit Émile). Né à Paris. Poète. 1839-1927. L.A.S. « Emile Blémont » et « E.B. » à Félix Jeantet. S.l., 20 novembre 1899. 1 page in-8 carré. En-tête gravé à son adresse. Enveloppe. 60 €

En adressant à Jeantet un nouveau volume intitulé : ...En mémoire d'un enfant... Émile Blémont lui précise qu'il y retrouvera quelques vers déjà parus dans "La Revue Hebdomadaire" que Jeantet dirigeait. 41. BLOY (Léon). Né à Périgueux. 1846-1917. Écrivain. L.A.S. « Léon Bloy » à René Martineau (le biographe et bibliographe de Bloy). Bourg-la-Reine, 25 juin 1913. 1 page in- 8. 600 €

Dans l’attente de la parution du « Désespéré » …Ma femme un peu souffrante me charge de remercier tout Versailles et particulièrement Élisabeth pour les affectueux souhaits à l’occasion de sa fête… Puis, il décrète …Nous partirons mardi. Jeanne [son épouse] et les enfants iront directement à St Piat pour tout préparer. Mon cher filleul Pierre qui viendra nous aider un ou deux jours, descendra avec moi à Versailles, à l’heure ordinaire et nous déjeunerons chez vous (...). Crès [son éditeur] m’ennuie. Il croit, m’écrit-il ! que le « Désespéré » paraîtra à la fin du mois, ce qui veut dire le milieu du mois prochain. Je ne peux donc faire aucune distribution et j’en suis très mortifié…

Il existe quatre éditions du Désespéré parues du vivant de Bloy. Chacune comprend des variantes : La première avait paru chez Soirat en 1886. Celle de l’éditeur Crès correspond à une troisième édition avec une préface de l'auteur et un frontispice gravé par P.-E. Vibert. Le frontispice, dont il existe de rares épreuves, fut refusé par Bloy sous le prétexte que Vibert l'avait fait ressemblant à - citons Bloy - " Paul de Kock ravagé par la colique "…

42. BONAPARTE (Louis-Napoléon). Né à Paris. 1856-1879. Fils unique de Napoléon III et d’Eugénie de Montijo. M.A. intitulé « Coriolan (suite) », avec quelques ratures et corrections. S.l.n.d. 1 page 1/2 in-4, numérotée « 5 ». Papier ligné (petite déchirure à un pli). 700 €

TRÈS RARE PAGE D’EXERCICE D’ÉCRITURE DU TOUT JEUNE PRINCE IMPÉRIAL : ...En portant les armes contre sa patrie Coriolan ne put résister aux paroles de sa mère et avec larmes de Volumnie et de toutes les femmes romaines, et il s’écria « O ma mère ! vous avez vaincu. Rome est sauvée, mais votre fils est perdu ». Le lendemain, il leva son camp et ramena son armée à Antium. Quelques temps après il perit, dit-on, dans une émeute, assassiné par les Volsques, qui ne pouvaient lui pardonner de les avoir empêchés de prendre et de détruire Rome...

Très jeune, le Prince impérial sera associé aux manifestations du Régime, cérémonies officielles, défilés militaires, etc. Il eut plusieurs précepteurs dont le général Frossard. Alors qu’il avait été incorporé aux troupes britanniques (la famille impériale vivra son exil en Angleterre), Louis-Napoléon est tué en Afrique du Sud lors d’une embuscade tendue par les Zoulous.

43. BONAPARTE (Marie). 1882-1962. Princesse de Grèce et de Danemark. Pionnière de la psychanalyse en France. L.A.S. « Marie » à George Soulié de Morant. Berlin, 12 septembre 1928. 4 pages in-8. Enveloppe jointe. 1 500 €

TRÈS BELLE LETTRE DANS LAQUELLE MARIE BONAPARTE ÉVOQUE SON ANALYSE EN COURS AVEC SIGMUND FREUD ET L’ESSOR QUE PRENDRA LA PSYCHANALYSE DANS LA SOCIÉTÉ MODERNE.

...Je crois aussi que la psychanalyse est appelée, du point de vue social, à avoir une importance incalculable, et qu’elle n’en est encore, de ce point de vue, qu’a ses tout premiers débuts. En ce qui regarde la propagande dans certaines revues et journaux, j’en écris au Dr Pochon (?), qui est notre secrétaire de revue. Je suis ici à Berlin pour quelques semaines, Freud s’y trouvant. Je poursuis mon analyse. C’est d’un intérêt passionnant et qui ne décroît pas... Je m’occupe de finir les traductions auxquelles je me suis consacrée et ensuite entreprendrai d’autres travaux. Et vous ? que faites-vous ? j’espère que votre activité vous donne toute satisfaction et que votre grand ouvrage, où il sera question aussi de la médecine chinoise, paraître bientôt...

Écrivaine et pionnière de la psychanalyse en France, Marie Bonaparte a contribué à la fondation de Société psychanalytique de Paris, et à la création de la Revue française de psychanalyse. Elle fut une proche de Sigmund Freud, dont elle traduisit l'œuvre en français et qu'elle aida à quitter Vienne en 1938.

Charles Georges Soulié dit George Soulié de Morant est un sinologue et mongoliste français (1878-1955), diplomate en Chine (de 1903 à 1909) et principal promoteur de l'acupuncture en France et en Occident à partir de 1929. Dans les années 1930, il devint un praticien acupuncteur réputé, recevant dans son cabinet à Neuilly-sur-Seine une clientèle de célébrités (Antonin Artaud, Jean Cocteau, Colette, Maurice Ravel, Vassily Kandinsky…).

44. BOUCHOR (Maurice). Né à Paris. 1855-1929. Écrivain. L.A.S. « Maurice Bouchor » à « Mon cher ami » [l'éditeur Charpentier]. S.l.n.d. 3 pages in-8. 150 €

Bien que malade, Bouchor, qui s’apprête à partir pour Munich, s'inquiète de son manuscrit : ...Mille pardons ; je n'avais pas vu Montégut hier, et je croyais mon manuscrit enfermé (?), ce qui m'aurait reculé beaucoup. Je vais demain le numéroter définitivement. Mais faut-il une autorisation de vous pour qu'on l'imprime, ou avez-vous prévenu ? (...). Je pars lundi soir pour Munich (...). Je ne pense pas que vous ayez de la place chez vous et je ne veux pas vous déranger ; pourriez-vous m'indiquer un hôtel pas trop cher ? J'ai été furieusement écorché à Dieppe. Je me rappelle y avoir fait un déjeuner de 35 fr, seul ! et une vieille dame avec qui j'étais (venant d'Ecosse) emporta de rage une immense bougie qu'on lui avait fait payer dans les 3 fr. (...). Buvez-vous du cidre ? Ah ! Vous ne l'aimez pas. Vous ai-je dit que j'allais à Munich pour entendre la 4logie (Tétralogie) de Wagner ? La musique me rend fou, il n'y a que ça et la cuisine qui me remuent... Je ruisselle de sueur. J'ai fini la préparation de mes Contes, cela n'est pas trop mal torché, mais je vous dois vraiment mieux que tout ça pour toutes les fadaises que vous avez eu la grâce de me publier ! je chercherai... Il ajoute en p.s. : ...J'ai vu Banville. Georges a fait un petit portrait de moi pour la Vie Moderne, très flatté mais très joli de dessin, assis sur un coin de table. J'ai avalé un hectolitre de médicaments depuis avant hier...

La signature de Bouchor apparaît pour la première fois dans La Renaissance littéraire et artistique en février 1873. Parmi ses fréquentations, celles de Germain Nouveau et de Paul Bourget. Il publie, au printemps 1874, chez Charpentier, grâce à l'appui de Coquelin Cadet, son premier volume de vers, Les Chansons joyeuses. Ce recueil est salué par la critique et en particulier par Edmond About dans les colonnes du XIXe siècle.

45. BOULANGER (Nadia). Née à Paris. 1887-1979. Pianiste, organiste, pédagogue, chef d'orchestre et compositrice. L.A.S. « Nadia Boulanger » à George Soulié de Morant. S.l.n.d. [Gargenville, 22 juillet 1932]. 1 page in-12 sur papier gravé à son adresse. 100 €

Cette lettre s’adresse à un ami sinologue, George Soulié de Morant, qui fut diplomate en Chine et contribua à l’introduction de l’acupuncture en France. Il soigna de nombreuses personnalités littéraires et artistiques dans sa clinique de Neuilly (Cocteau, Ravel, Colette, Kandinsky, etc.).

...Laissez-moi vous dire, à Madame Soulié de Morant et à vous, combien me touchent vos cordiales félicitations. Maman est très heureuse – et sa joie m’est d’une grande douceur. Espérant que nous vous verrons ici quelques jours...

46. BOURBON-CONDÉ (Louis V Joseph de Bourbon-Condé, 8e prince de Condé, prince du sang). Né à Paris. 1736-1818. Général en chef de l’Émigration. L.A.S. des initiales « L.J.B. » au baron d’Orb [officier d’État-major de l’Armée de Condé, détaché auprès du général autrichien Frœlich et de l’Archiduc Charles]. Wurtzarch (Allemagne), 31 Juillet 1796, à 10 h du matin. 2 pages in-4. RARE. 300 €

Le prince de Condé, cousin du roi Louis XVI, organisa en Allemagne une armée contre-révolutionnaire à partir de 1791. Passée sous commandement autrichien afin de contrer les républicains emmenés par les généraux Moreau, Hoche et Pichegru, le prince eut de surcroît maille à partir avec le général autrichien Frœlich qui méprisait Condé. Cette lettre illustre parfaitement les désaccords permanents qui coexistèrent entre le gouvernement autrichien et les émigrés, du fait de l’attitude diplomatique de l’Autriche et des vexations subies par Condé.

...Il est affreux qu’on me garde le Det.t [détachement] de Noinville, pour faire un service reglé avec les Autrichiens ; cela n’a jamais été ; je n’ai pas trop de troupes, pour me garder moi-même ; tardez de me le faire renvoyer... Il a d’autre part communiqué à Baudoin ce qu’il y a de vivres à retirer de Leutkirke. Mais plus important encore : ...Je n’entens pas le mystere sur l’endroit ou est l’Archiduc, je voudrois bien le savoir. J’aimerois mieux que le Gal me fît envoyer des ordres clairs ; et surtout un peu d’avance, que de boire a ma santé... dit-il sarcastique. Cependant il est satisfait des envois de chevaux ...que demandoit M. d’Ecquevilly ainsi il n’y a plus rien a faire là-dessus... Mais, totalement désorienté, Bourbon-Condé réclame ...Au nom de Dieu faites moi dire aujourd’huy, si je dois marcher demain, et où. Altorff etant a present trop loin de moi, je replie ce det.t sur Volffek [Wolfeck], d’où il s’eclairera sur Altorff, et je fais rentrer les Chrs [Chevaliers] de la Couronne (...) trop a charge au pays où vous savez qu’il faut menager les habitants ; d’ailleurs ce Det.t a poussé hier ses patrouilles fort loin, et dans tout ce pays, on n’a pas entendu parler d’ennemis ni de près, ni de loin...

47. BRASILLACH (Robert). Né à Perpignan. 1909 - fusillé en 1945. Écrivain et journaliste. L.A.S. « Robert Brasillach » à « Cher ami ». Sens, 11 juin 1944. 2 pages petit in-4. 450 €

BELLE LETTRE À UN AMI LYONNAIS CINQ JOURS APRÈS LE DÉBARQUEMENT EN NORMANDIE DES FORCES ALLIÉES : ...Jour J + 5,... écrit-il ...Quoi de plus historiques que les jours que nous vivons ? (...). J’ai naturellement suivi avec anxiété le bombardement de Lyon. (...), tout cela est abominable... Il s’est réfugié à Sens chez sa mère avec sa sœur et Maurice Bardèche, son beau-frère ...Devant les difficultés probables et renversantes de la vie à Paris, nous avions décidé, mon beau-frère ayant terminé ses cours à la faculté de Lille (naturellement à la fin, il y était bloqué) de venir à Sens. Nous avions pris nos places pour le 6 juin !! Il faudra que je garde les tickets en souvenir... Je ne ferai pas le stratège, ce n’est pas mon genre. Je plains tellement ces pauvres villes normandes, que je ne connaissais pas (sauf Rouen), qui étaient si belles, et que je risque de ne jamais voir. Il y a une après-guerre, je ne donnerai mon cœur qu’à un parti pacifiste... Il lui a envoyé un recueil d’articles littéraires « Les Quatre jeudis », ...Pour les Poèmes, j’attendais de pouvoir vous les faire adresser autrement que par la librairie (...). Mais j’ai manqué Mme Faure à son passage à Paris (à propos, je vous dois toujours les kilogrammes de vesces, dites-moi combien je vous dois). Je vais tâcher de trouver un moyen... Ici, afin de me « divertir » au sens pascalien, j’ai achevé un roman, qui paraîtra chez Plon si... si ... si... Et je travaille à un Jean Giraudoux et à une Anthologie de la Poésie grecque ancienne qui doit paraître chez Stock (toujours si... si... si...). Mais il faut toujours faire comme s’il y avait des imprimeurs, du gaz, de l’électricité, et pas de canons, pas d’avions, pas d’Américains, pas de Russes... et pas de Français. N’est-ce pas ? (...). Que dit l’a.f. [l’Action française] du débarquement ? (...). Au Moyen-Âge, en Allemagne et en Angleterre, on terminait souvent les lettres par les initiales D.V. (Deo Volente, si Dieu le veut). J’adopte cette coutume...

48. BRATIANU (Ion I.C). 1864-1927. Fils du célèbre homme d’État roumain Ion Bratianu, un des personnages les plus importants de la vie politique roumaine, chef de file du Parti Libéral. I.C. Ion fut plusieurs fois Premier Ministre. L.A.S. « Ion I.C. Bratiano » au docteur Lermoyer. [Paris], 24 juillet 1912. 2 pages in-8. BEL EN-TÊTE GRAVÉ de L’HÔTEL RÉGINA (statue de Jeanne d’Arc), rue de Rivoli. Enveloppe jointe (gravée au nom de l’Hôtel Régina) AVEC CACHET DE CIRE ROUGE AUX INITIALES « I.C. » DE BRATIANU. En français. 130 €

Bratianu a égaré l’ordonnance du docteur Lermoyer dans les …désordres des demenagements à l’hotel (…). Je vous serais d’autant plus reconnaissant si vous vouliez m’en faire parvenir une copie que je ne puis faire exécuter l’huile pour le vaporisateur…

49. BRETON (André). Né à Tinchebray. 1896-1966. Écrivain, le « Pape du Surréalisme ». L.A.S. « André Breton » [à Maurice Chapelan], à l'encre verte. Paris, 31 août 1939. 1 page grand in-4. Papier à l'en-tête de la Fédération Internationale de l'Art Révolutionnaire Indépendant (F.I.A.R.I.), incluant la liste des personnes constituant le comité national, dont Yves Allégret, Jean Giono, Pierre Mabille, André Masson, Maurice Wullens. Enveloppe jointe au nom de la F.I.A.R.I. 1 600 €

...Je songeais à votre aimable proposition lorsque la mobilisation est venue me surprendre. Il ne peut guère, en ce moment, être question pour moi de me livrer à des réflexions suivies sur un sujet qui me tient, cependant, particulièrement à cœur... constate Breton qui craint ...de ne pas être en mesure de le faire avant le 10 septembre. Mais peut-être serez- vous dans l'obligation de retarder votre numéro ? (...), je serais, du reste, heureux de vous connaître et d'apprendre de vous comment se présentent plus précisément les résultats de votre enquête...

Après sa rupture avec le parti communiste, Breton organise en 1938, la 1ère exposition internationale du Surréalisme à Paris. Fait déterminant dans sa volonté de défendre culture et société, sa rencontre au Mexique avec Léon Trotsky chez le peintre Diego Ribera. Ensemble, ils rédigent un Manifeste (cosigné par Breton et Ribera) qui débouchera sur la création de la FIARI. Le combat de la FIARI voulait se positionner en France sur deux fronts : dénoncer d'une part la vague de xénophobie ambiante et d'autre part l'internement de certains artistes dans des camps iniques (en particulier Hans Bellmer et Max Ernst). L'organe de la FIARI, "Clé" n'eut que deux numéros, en janvier et février 1939. Breton fut mobilisé en septembre 1939 comme médecin auxiliaire à Noisy près de Romainville.

50. CANROBERT (François Certain de). Né à Saint-Céré. 1809-1895. Maréchal de France. L.A.S. « gal Canrobert » à Desmarets. Bivouac sur la Tchevuaza, 31 mai 1855 ; 4 pages in-8. 280 €

Canrobert a résilié son commandement des forces armées en Crimée où il avait remplacé Saint-Arnaud et Desmarets s’est ému en apprenant cette décision. C’est cependant, répond le général, …une chose toute simple pour un honnête homme de mettre l’intérêt de son pays au dessus du sien propre ! ma situation vis-à-vis les anglais était devenue fausse d’un instant à l’autre la bonne harmonie que j’avais eu tant de peine à maintenir pouvait se briser : c’eut été gênant pour l’Empereur et la France j’ai donc du me retirer en m’appuyant du reste sur ma fatigue qui n’est que trop réelle !… Les preuves d’estime apportées par les chefs comme par les soldats l’ont amplement consolé de son déclassement …abdiquant le 1er rang je ne pouvais accepter le second ; peut-être aurait-on du le comprendre à Paris ? aussi me suis-je retranché dans le simple commandement de mon ancienne division. n’étant plus tête je serai bras et mon nom n’en sera pas amoindri !!… Pour finir, le général fait une brève mais claire mise au point, face aux doutes manifestés par Desmarets auquel de …bonnes âmes… ont raconté que Canrobert l’avait desservi auprès de l’Empereur et du Ministre : …je croyais être assez connu et apprécié de toi pour n’avoir pas à me défendre sur ce point ! aux bonnes âmes qui te l’ont raconté tu diras en mon nom qu’elles en ont menti !!…

51. CAPLET (André). Né au Havre. 1878-1925. Compositeur et chef d’orchestre. Carte A. à ses nom, adresse, téléphone. S.l.n.d. 2 pages in-12 oblong. 200 €

Brouillon d’article : Caplet note : ...Divertissements pour la harpe André Caplet : à la française – à l’espagnole. Tout en cherchant à atteindre un but musicalement décoratif, plein d’allègre fantaisie, l’auteur de ces « Divertissements » s’est appliqué à rechercher l’exacte adéquation de l’écriture convenant aux ressources très spéciales de l’instrument. Il a, de plus, inauguré le parti que l’on peut tirer du « décrochement de la pédale aussitôt après la mise en vibration de la corde » (exemple : le riche grincement de guitare par quoi débute le second Divertissement à l’espagnole), ainsi que le « jeu du plectre (sans plectre) appliqué à la harpe (note simple quadruplée par l’harmonie et les doubles harmonies)...

Prix de Rome en 1901 (devant Ravel), avec une cantate intitulée Myrrha, Caplet n’en fut pas moins un très grand ami de Ravel. Il composa des œuvres vocales et religieuses, telles que la Messe des petits de Saint-Eustache-la-Forêt (1919), Le Miroir de Jésus (1923), etc. En tant que chef d’orchestre, il créa le Martyre de Saint-Sébastien de Debussy en 1911. Il dirigea également à l'opéra de Boston de 1910 à 1914.

52. CARCO (Francis). Né à Nouméa. 1886-1958. Écrivain, poète et journaliste. L.A.S. « Francis Carco » à un directeur de revue. Paris, 8 novembre 1935. 1 page in-folio. En-tête gravé à son adresse. Papier de deuil. (petite déchirure en pied). 250 €

Francis Carco aurait été heureux de recevoir son correspondant, mais plusieurs conférences l’appellent en province. Peut-être en profitera-t-il pour ...prendre le soleil du midi. Autre ennui : ...Utrillo n’est pas à Paris actuellement mais à Angoulême avec sa femme. Vous pourriez toutefois écrire à Suzanne Valadon [la mère d’Utrillo], avenue Junot (j’ignore le n°) mais en indiquant en face du 14 votre lettre ne s’égarerait pas...

Francis Carco, désolé de ce contretemps, ne l’en remercie pas moins ...du service de (sa) belle revue...

53. CARCO (Francis). Né à Nouméa. 1886-1958. Écrivain, poète et journaliste. M.A.S. « Francis Carco de l’Académie Goncourt ». S.l.n.d. [Paris, 1945]. 9 pages 1/2 in-8, numérotées. Quelques biffures et corrections au crayon. 950 €

COMPTE-RENDU DU PROCÈS DE L’AMIRAL ESTEVA DEVANT LA HAUTE COUR DE JUSTICE EN MARS 1945 INTITULÉ « IMPRESSIONS D’AUDIENCE » :

Jean-Pierre Esteva (1880-1951), est un jeune officier pendant la Première guerre mondiale, affecté à la flotte en Méditerranée. Promu contre-amiral en 1929, il devient vice-amiral en 1935. Prend le commandement des Forces navales du Sud. Après l’Armistice de juin 1940, il rejoint le Maréchal Pétain dont il deviendra très proche. Il est envoyé par le gouvernement de Vichy en Tunisie où il met à la disposition des Allemands les bases aériennes françaises. Arrêté en septembre 1944, son procès s’ouvre le 15 mars 1945 devant la Haute Cour de Justice recréée par ordonnance du gouvernement provisoire en novembre 1944 afin de juger le Chef de l’État, le Chef du Gouvernement, les Ministres, les Gouverneurs généraux, les Hauts fonctionnaires, les Militaires, etc.

Ayant épousé après la guerre Eliane Négrin, une jeune femme d’origine juive, Francis Carco fut contraint à l’exil dès l’exécution des premiers décrets anti-juifs imposés par le gouvernement de Vichy. Le couple fuit la France et se réfugie en Suisse dans le Valais où les Carco feront la connaissance de Jean Graven, un professeur de droit de l’université de Genève qui sera chargé après la guerre par les Nations Unies de la poursuite et de l'extradition des auteurs de crimes de guerre et crimes contre l'humanité, terme dont on lui doit la paternité. Il sera le représentant officiel de la nation helvète lors des procès de Nuremberg. Est-ce sous son influence que Carco se rendit au procès Esteva ?...

Au premier jour du procès Esteva devant la Haute Cour de Justice, Carco évoque la Tunisie, le pays où l’amiral perpétra sa forfaiture ...Est-ce en souvenir de l’avenue de Carthage et de ses terrasses de café que les sièges qu’on nous destine sont constitués par une double rangée de chaises pliantes d’un vert pistache assez inattendu ? Ce serait pousser un peu loin le goût de la couleur locale. Toutefois, dans le cadre austère où va se dérouler le procès Esteva, ce vert mérite qu’on en savoure la note pimpante dont la présence nous aide à évoquer l’atmosphère de Tunis. Résident général, l’amiral Esteva (...) prend place avec un garde au banc d’où il devra répondre des faits retenus contre lui... Le regard de Carco se porte sur l’accusé qui arbore croix et médailles militaires ...très digne (...), chauve et barbu, sans sa casquette aux dorures rutilantes il a moins l’air d’un grand marin que d’un (brave homme) bourgeois (de la belle époque) cossu que sa bonne foi met à l’abri (des pires) de toute compromission... Le drame se noue entre le prévenu et le président de la Haute Cour ...Un drame qui passe et de beaucoup la personne de l’accusé pour prendre de plus vastes, de plus effarantes proportions. En effet ni les instructions qu’a reçues Esteva lors du débarquement des troupes de l’axe en Tunisie, ni son empressement à leur venir en aide contre les forces alliées, ne constituent aux yeux du Premier Président le fond même du procès (...). C’est de Vichy qu’il est question. De son gouvernement qui n’a pas su ou qui plutôt n’a pas voulu se dégager de l’étreinte mortelle du Reich. (Le reste ne compte guère. L’amiral a beau protesté) Et tout est là, (l’heure des comptes approche uniquement) pour cette première audience, alors l’abjecte trahison, (à Tunis), le crime (inexpiable) dont il faudra pourtant un jour payer le prix... Dans la seconde partie de sa narration, Carco reprend la question (cruciale) posée par le premier Président au Procureur général, une question éthique qui posa souvent débat à la Libération ...Victime ou complice ?... Les deux, répond dès le début de son réquisitoire le Procureur Mornet qui, après avoir réfuté l’un après l’autre les arguments de l’amiral, établit la culpabilité d’Esteva. Placé sous l’emprise de Pétain, l’amiral abdiqua toute sorte de dignité. La consigne d’obéissance jurée au maréchal, l’a perdu ...«Nous devons préparer les revanches futures», écrivait en 40 l’amiral. Or l’idée même de ces revanches a bien vite disparu. L’année suivante, exécutions massives d’otages, déclaration de la guerre par le Führer à la Russie, recrutement en masse d’ouvriers pour l’Allemagne. Est-ce qu’un français n’aurait enfin point où se ressaisir en présence de pareils faits ? Son devoir le lui commandait. Mais non ; Les ordres que reçoit Esteva de Vichy (n’éveillent) le trouvent toujours pris à les suivre ou à les faire exécuter. Voilà le crime. Car la pire trahison consiste dans l’avilissement. Et Esteva, sciemment, y a participé. «Messieurs, conclut l’avocat général, j’ai mis mes dernières forces au service de mon pays et ce n’est pas sans l’être longuement interrogé qu’en mon âme et conscience, je vous propose de refuser les circonstances atténuantes à un homme qui, pour se couvrir, vous dit qu’il a prêté serment au maréchal...». Et plus bas (sans plus) comme s’il s’adressait à lui-même : «Il n’est pas de serments qui tiennent devant une trahison!»...

L’amiral Esteva échappa à la peine de mort ; il fut condamné à la prison à vie. Gracié en août 1950, il décéda quelques mois plus tard.

54. CÉLINE (Louis-Ferdinand Destouches, dit Louis-Ferdinand). Né à Courbevoie. 1894-1961. Médecin et écrivain. L.A.S. de son paraphe à « Mon cher Vieux » [Jean-Gabriel Daragnès]. S.l.n.d. [décembre 1949 ou janvier 1950]. 2 pages in-folio. 2 700 €

Peu de temps avant l’audience de son procès qui devait se tenir le 21 février 1950, sous la présidence du juge Drappier, Céline tente de mobiliser ses soutiens : ...Je vois qu'il faut que tous les vrais amis écrivent maintenant en ma faveur tout de suite au président Drappier cour de Justice directement. C'est à dire toi, Paulhan, Debuffet (sic, pour Jean Dubuffet), Marcel [Marcel Aymé], tous ceux auxquels tu penseras. Veux-tu les alerter ? Naud [son avocat Albert Naud] est d'accord. Ce sera lu à l'Audience avec comme en-tête des lettres « Affaire Céline »... Comme je suis malade ! J'ai peine à écrire et je n'ai aucune aide ; tu parles, faire ronéotyper à Copenhague ! Mik [son avocat danois Th. Mikkelsen] s'en fout et ne fait rien. Heureusement Löchen le Pasteur est admirable, sans lui jamais les pieces ne seraient visées au Consulat ni meme tapées ! Il m'a embauché une dactylo la bas... Mik garde mes lettres huit jours sans les lire... Il ne s'intéresse pas !...

Lors de l’audience du procès de Céline mi-décembre 1949 devant la cour de Justice de la Seine, son avocat danois Thorvald Mikkelsen avait envoyé un télégramme qui annonçait « Destouches malade, impossible de se présenter...». Une procédure de jugement par contumace fut donc décidée avec ordre donné à Céline de se présenter à l’audience fixée au 21 février 1950. Le président Drappier allait juger l’écrivain. Tous les amis de Céline décidèrent alors de se mobiliser en sa faveur, Arletty, Marie Bell, Jean Paulhan, Marcel Aymé, Jouhandeau, Maulnier, jusqu’à Henri Miller, qui par l’intermédiaire de Maurice Nadeau avait rédigé une lettre en faveur de l’auteur du Voyage, et enfin beaucoup d’autres, dont le peintre Jean Dubuffet...

François Löchen était le chef de l’Église réformée de Copenhague. C’est à l’automne 1947 que le pasteur Löchen avait fait la connaissance de Céline au Danemark. Auparavant, il avait été aumônier militaire à Sartrouville, puis à Bezons en banlieue parisienne, là où le docteur Destouches avait lui- même exercé la médecine.

L'amitié du graveur Jean-Gabriel Daragnès (1886-1950) et de Céline ne fut pas immédiate. Pendant l'Occupation, Daragnès se méfie de la « bande à Gen Paul » mais Céline soigne sa mère " jusqu'à la dernière minute " (mars 1941) et Daragnès n'oubliera jamais son dévouement. C’est Daragnès qui met Céline en relation avec Paul Marteau et Jean Dubuffet, deux soutiens de l’écrivain lors de son procès. Il accueillera Mikkelsen, l’avocat danois de Céline à Montmartre et se rendra lui-même à Korsør en 1948, l’exil danois de Céline et de son épouse Lucette. Daragnès est à l'origine de la publication de Foudres et flèches et de À l'agité du bocal, et songe à illustrer Scandale aux Abysses qu'il veut imprimer lui-même. Il collecte des témoignages à décharge, et se présente au procès devant la Cour de Justice, comme témoin. On ne l'entendra pas, en l'absence de l'accusé. Le 25 juillet 1950, Daragnès meurt à la suite d'une banale opération. Céline perd un véritable ami, ainsi qu’un soutien financier actif, par son rôle de passeur de fonds vers le Danemark.

55. CENDRARS (Frédéric Sauser, dit Blaise). Né à La Chaux-de-Fonds (Suisse). 1887-1961. Écrivain et poète français d’origine suisse. Carte-lettre A.S. « Blaise Cendrars » à « J. P. Morphée c/o André Gillois – Radiodiffusion française ». Paris, 4 [février 1953]. 1 page in-8. Timbre et cachets postaux. 380 €

Cendrars fait parvenir à son correspondant une courte notice biographique dans laquelle il énumère ses ouvrages suivis de leur date de publication : …Né le 1er sept. 87 – Poète du Monde entier (1919) – Voyageur et reporter : Panorama de la Pègre (1931), Hollywood (1936), La Banlieue de Paris (1950), Le Brésil (1952). Romancier : L’Or (1924), Dan Yack (1929), Moravagine (1926), L’Homme foudroyé (1946), La Main…

56. CHABANEIX (Philippe). Né en mer. 1898-1982. Poète. L.A.S. « Philippe Chabaneix » à « Cher ami ». Paris, 16 octobre 1960. 1 page in-8 format oblong. 150 €

Lettre d’accompagnement à l’envoi de son recueil de poésies « Aux Sources de la nuit » (éditions Caractères, 1955) destiné à être remis à l’écrivain Maurice Genevoix, ainsi qu’un certain nombre de renseignements sur son œuvre. Il joint à son envoi la plaquette dédicacée d’Un étrange domaine (Rodez, éd. Subervie, 1959) ...Voici les renseignements demandés, quelques opinions sur mon œuvre et un exemplaire de mon recueil Aux Sources de la Nuit (avec une étude d’André Blanchard) que vous voudrez bien avoir la gentillesse de remettre à M. Maurice Genevoix. Vous trouverez également joint à cette lettre un exemplaire de ma plaquette : D’un Etrange Domaine à vous dédicacée…

57. CHAM (Amédée de Noé, dit). Né à Paris. 1818-1879. Dessinateur, caricaturiste, illustrateur. L.A.S. « Cham » à « Mon cher Pagnerre » (éditeur). S.l.n.d. 1 page in-4. Enveloppe affranchie. Joint une reconnaissance de dettes de Pagnerre (18 rue de Seine, Paris) : l’éditeur reconnaît devoir la somme de « cent quinze francs » pour « valeur reçu en travaux de dessin » à « Amédée Noë ». 600 €

Cham réclame ses illustrations sur bois pour les almanachs, ...Nous allons nous trouver furieusement en retard... Il indique à l’imprimeur : ...Que le Blanc soit bien posé sur les Bois. On m’a dit que Clément s’était retiré dans ce cas. Voyez à en trouver un autre. Mais je vous le répète le temps presse ! presses ! presse !... En bas de page, il ajoute : ...Chaud ! chaud ! les bois !...

Joint : deux dessins à l’encre (au pinceau), préparatoires à des bois : 1°). Représente un couple s’extasiant dans un salon de peinture (à la Daumier) avec cette légende « obligés de garder à l’exposition la pose qu’ils ont sur la photographie qui leur sert de carte d’entrée » (9 x 18 cm) ; 2°). Représente un couple (dont un jockey) : « Si tu vas au pesage, mon cher, crois moi, ôte tes mollets, tu vas te faire condamner pour faux poids » (6 x 16 cm).

58. CHAR (René). Né à L'Isle-sur-la-Sorgue. 1907-1988. Poète résistant français. L.A.S. « René Char » à Jacques Lafaye. L’Isle-sur-Sorgue, 7 janvier 1964. 1 page in-8 oblong. Enveloppe jointe affranchie. 480 €

JOLIE LETTRE À UN AMI.

René Char remercie l’ethnologue Jacques Lafaye pour ses vœux : ...Je vous remercie de votre pensée, de vos voeux. Ah ! Si la fatigue pouvait s’évaporer ; mais n’est-elle pas L’AIR même ? (...). Les Américanistes en vous faisant Secrétaire générale à la suite d’A. Métraux [l’ethnologue Alfred Métraux], ont montré qu’ils maniaient bien l’arc du discernement...

Jacques Lafaye est un historien et ethnologue français né en 1930. Il s’intéressa principalement à l’Amérique du Sud. Son ouvrage « Quetzalcoatl et Guadalupe, La formation de la conscience nationale mexicaine » qui reçut une préface d’Octavio Paz, est devenu une référence importante pour la compréhension de la culture mexicaine.

Alfred Métraux (1902-1963) est un anthropologue spécialiste des peuples d'Amérique latine, d'Haïti et de l'île de Pâques.

59. CHARCOT (Jean-Baptiste). Né à Neuilly-sur-Seine. 1867-1936. Explorateur, officier de Marine, médecin, fils du célèbre neurologue Jean Martin Charcot. Membre de l’académie des Sciences, de l’académie de Médecine et de l’académie de Marine. L.A.S. « J.B. Charcot » à « Monsieur le Directeur ». S.l., 6 octobre 1932. 1 page in-4. Papier de deuil. (2 trous de classeur). 300 €

...Comme suite à votre lettre du 4 octobre reçue aujourd’hui j’ai l’honneur de vous adresser ci-joint un chèque barré de 30.000 (...) francs destiné à couvrir les frais de transport de la mission de Tamanrasset (...). Il reste bien entendu que cette somme (...) me sera restituée dès que le crédit complémentaire de l’Année Polaire vous aura été déléguée...

Cinquante ans après la première Année polaire de 1881, le projet d’organisation d’une nouvelle année polaire en 1932-1933 est formulé par le Comité météorologique international et approuvé par l’assemblée générale de l’Union géodésique et géophysique internationale tenue à Stockholm en 1930. Il s’agit de faire pendant une année, sur l’ensemble de la planète et plus particulièrement dans les régions polaires, des observations géophysiques et météorologiques approfondies en de nombreux endroits. Le programme de la participation française d'un budget de 4 millions de francs accordé par le Parlement, comprenait des missions dont celle d’un renforcement de stations météorologiques en Afrique.

60. CHATEAUBRIAND (François-René, vicomte de). Né à Saint-Malo. 1768-1848. Écrivain. Membre de l’Académie française. L.A.S. « Chateaubriand ». Paris, 3 octobre 1829. 3 pages petit in-4. 3 000 €

ÉLECTION DE LAMARTINE À L’ACADÉMIE FRANÇAISE : …J’ai été Monsieur extrêmement souffrant. Voilà mon excuse pour n’avoir pas répondu plutôt à la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire… commence Chateaubriand avant d’expliquer : …vous savez (…) combien je serois heureux d’avoir un collègue et un confrère tel que vous. Mais avant d’avoir reçu votre lettre, Mr. L’aîné étoit venu me demander ma voix pour M. de Lamartine. On dit aussi que M. Le Duc de Bassano se présente. Revenez nous, Monsieur, et tout pourra s’éclaircir et s’arranger…

Depuis 1824, date de sa première candidature, Alphonse de Lamartine avait été repoussé plusieurs fois par l’Académie française. C’est finalement le 5 novembre 1929, grâce à l’appui de Chateaubriand, qu’il sera le premier romantique élu dans cette assemblée, au fauteuil de Pierre Daru. Viennet, Pongerville et Salvandy s’étant retirés devant lui, Lamartine se trouva face à Philippe de Ségur, Azaïs et David. La lettre de Chateaubriand est sans doute adressée à l’un d’eux.

61. CLÉMENT-THOMAS (Jacques Léonard Clément, dit le général). Né à Libourne. 1809-1871. Militaire et homme politique. Commandant de la Garde nationale de la Seine pendant le siège de Paris. UN DES PREMIERS MORTS DE LA COMMUNE DE PARIS. L.A.S. « Clém. Thomas » à M. Morel. Diekirch [Gd Duché de Luxembourg], 15 novembre 1869. 4 pages in-8. 450 €

VIOLENTE DIATRIBE CONTRE LE RÉGIME FINISSANT DE NAPOLÉON III.

Clément Thomas le complimente pour son ouvrage : ...c'est par des œuvres de ce genre qu'on démolira 1'infâme... Il s'inquiète de ...l'effroyable gâchis qui règne à Paris (…). D'où partent donc ces ineptes et grossières injures qu'on jette publiquement à la face d'hommes qui peuvent errer quelques fois, mais que la démocratie a reconnus et choisis comme ses représentans (sic) et ses chefs ? Qui a donc pu compromettre L.R. [Ledru-Rollin] comme on l'a fait, et amoindrir une figure qui avait une si grande valeur ?... Qui a fait naître, qui entretient, qui surexcite ces divisions funestes, maladie endémique du parti, et qui semble toujours redoubler d’intensité au moment ou l’union serait le plus nécessaire ? Je n’y comprends rien, je l’avoue, et j’en suis à me demander si le despotisme dégradant qui pèse depuis vingt ans sur la génération qui nous suit, a tellement énervé les âmes, qu’il ne leur reste plus le ressort nécessaire pour reconquérir leur liberté… Clément Thomas se sent d'autant plus irréconciliable que ce qui le sépare de ...ces misérables..., c'est ...la conscience de la France avilie, c’est l’honneur (...). Cela vous fera comprendre avec quelle douleur je vois des scissions déplorables venir ajourner, au moment de l’atteindre, le châtiment mérité…

62. COCTEAU (Jean). Né à Maisons-Laffitte. 1889-1963. Écrivain, dramaturge, dessinateur, cinéaste. L.A.S. « Jean Cocteau » à « Cher Jacques Lemaire ». Milly, 12 septembre 1963. 1 page in-folio. Enveloppe jointe. 750 €

PRÉCIEUSE LETTRE ÉCRITE UN MOIS AVANT SA MORT (Cocteau mourra le 11 octobre, le même jour qu’Édith Piaf, sa grande amie) : ...Je suis bien malade, car les remèdes qui tuent la mort ne nous aident pas à revivre... Votre lettre m’apporte un vrai remède. Et je suis heureux de la réponse de Paulhan, mais je m’étonne de cet éternel obstacle des « Comités de lecture » : tout cela tourne mal comme notre pauvre terre... Il ajoute en P.S. : ...Ils veulent toujours « d’autres textes » alors que votre texte est « autre » ce qui fait son prix...

63. COLBERT (Jean-Baptiste). Né à Reims. 1619-1683. Ministre de Louis XIV. Pièce Signée « Colbert » à M. le comte de Broglie. Paris, 17 mai 1667. 1 page in-folio. 800 €

...Le Roy me commande de vous envoyer les Imprimez cy joints avec ordre de sa part de les faire passer et distribuer incessament non seulement dans les villes, bourgs et villages (...) dans tous les lieux ou vous pouvez avoir quelque habitude ou correspondance...

64. COLETTE (Sidonie-Gabrielle). Née à Saint-Sauveur-en-Puisaye 1873-1954. Romancière. Billet Autographe Signé « Colette ». S.l.n.d. 1 page in-8 oblong. 380 €

Amusant billet de Colette au libraire Pierre Bérès installé avenue de Friedland (Paris)

Belles vendanges dans le Friedland, ma foi ! (...). Je lève ma grappe à votre bonne santé...

65. COLETTE (Sidonie-Gabrielle). Née à Saint-Sauveur-en-Puisaye. 1873-1954. Romancière. Membre de l’Académie Goncourt. L.A.S. « Votre Colette » à « Madame Maurice Pouquet » [Mme feu Gaston Arman-de-Caillavet]. [Paris], s.d. [14 février 1951, de la main de Mme Pouquet ?]. 2 pages 3/4 in-4 sur papier bleu. Enveloppe affranchie. 1 200 €

SUPERBE LETTRE À UNE AMIE CHÈRE, MADAME FEU GASTON ARMAN-DE-CAILLAVET QUI DANS SA JEUNESSE AVAIT INSPIRÉ LE MODÈLE DE GILBERTE SWANN À MARCEL PROUST. Dans la maladie, Colette fait preuve d’un stoïcisme remarquable, et manie l’ironie face à ses maux : …Oh ! Certainement non, chère Jeanne, je ne veux pas vous dire adieu, je tiens bien trop à vous. De l’arthrite ? Mais naturellement. Vous êtes, vous aussi, un magnifique terrain à arthrite. En ce moment, ici, c’est infernal. Mes deux « médecines » (l’une d’elles est « la » professeur Gauthier-Villars, la propre nièce de Monsieur Willy) cherchent, n’y parviennent pas, mais ce sont de si chics types ! L’une d’elles va me donner du « décontractyl ». Jusqu’à Bernstein qui m’offre de l’Asconin sur sa provision personnelle. Vous voyez que je n’en suis pas encore au Cortisone (…). Ne perdez pas courage devant l’arthrite, surtout ! Elle n’attend que ça. Avez-vous une poussette dans laquelle votre Maurice puisse vous promener, ne fût-ce qu’un peu ? Je viens de rester 140 jours au moins sans franchir mon seuil. Je ne veux pas recommencer. Je veux sortir, si ça peut s’appeler sortir. Perdons toute pudeur, chère Jeanne ! J’accepte tous les biceps dévoués (…). Et pourquoi ne viendriez-vous pas à Paris ? J’ai un bon feu de bois dans ma ridicule petite chambre. Aimez-vous le lait caillé ? Combien d’heures de bavardages devant nous ! Mais non, mais non, n’ayez pas peur de ce qui doit arriver, ô ma cadette ! Nous serons bien défendues par nos chevaliers. Dites à Simone [la fille de Jeanne, Mme André Maurois] qu’elle vienne frapper à ma porte (…) Maurice est à vos pieds (le mien) [son mari Maurice Goudeket]. Envoyez-moi une petite photo du vôtre, une petite photo d’à présent ?... Elle ajoute en P.S. : …Nos écritures, la vôtre et la mienne, sont encore très bien ! On ne nous aura pas comme ça !...

66. CUI (César Antonovitch). Né à Vilnia (Vilnius). 1835-1918. Compositeur russe. Il a appartenu au Groupe des Cinq (5 compositeurs russes) dont le but était de promouvoir la musique russe. L.A.S. « C. Cui » à « Ma chère Isabelle ». S.l.n.d., 4 mai. 3 pages in-12. En français. 500 €

César Cui remercie sa correspondante pour un coussin qu’elle lui a brodé et qui fait ...l’admiration de tout le monde ! Mais ne vous avisez pas de m’en broder encore un : c’est un travail interminable et il me serait pénible de penser qu’à cause de moi vous fatiguez vos yeux, vos mains et perdez votre temps... Ceci étant dit, il en vient ...à la question des autographes..., Cui précise qu’il ne possède ...ni Wagner, ni les deux Rubinstein. Je n’ai presque pas connu Wagner, j’ai été une seule fois chez lui à Bayreuth. J’ai bien été en relation avec les Rubinstein, surtout avec le grand Antoine, en relation, mais pas en correspondance ; et s’il y avait, peut-être bien, quelques lettres, je ne les ai plus... En revanche, il lui fait parvenir des autographes de Massenet et Pugno (Raoul Pugno) et tient à sa disposition ceux de Bruneau, (...), Ziloti, (...), Battistini, Hofmann, Korsakov, Balakirev ...Faites votre choix (...). Dites-moi encore, que connaissez-vous de ma musique, et dans ce que vous connaissez quelles sont vos préférences ?...

67. DAUDET (Julia). Née Julia Allard. 1844-1940. Épouse d'Alphonse DAUDET. Femme de lettres, poétesse et journaliste. L.A.S. « J. A. Daudet » au Docteur René Dumesnil. 1 page in-8. Adresse. 220 €

Julia Daudet le félicite pour ses articles sur Flaubert ...tous mes meilleurs remerciements (...) à vous et à votre collaborateur, pour avoir pensé à m’envoyer vos intéressants articles dans la Presse ; tout ce qui touche à Flaubert, à ce cénacle où nous comptions des amis fidèles, m’intéresse et m’émeut par la grâce du souvenir, et je revis ainsi les jours disparus si précieux pour moi, que je désirerai savoir comment s’est faite la brouille avec Mr Laporte, comme l’intérêt est capital, des derniers jours, des dernières œuvres, de l’homme génial et fou que fut Gustave Flaubert...

René Dumesnil (1879-1967) est un médecin, rendu célèbre par ses études sur Flaubert dont il fut le spécialiste. Il publia plusieurs ouvrages sur Flaubert dont une biographie importante "Flaubert, l'homme et l'œuvre" (1932). Il recueillit également de nombreuses lettres de l'écrivain rouennais. Dumesnil recensa environ 200 lettres qui furent écrites par Flaubert à son grand ami Edmond Laporte (le « Bab » de ses lettres). Laporte voyagea avec Flaubert dans les années 1875 en Normandie afin d’effectuer des recherches pour la rédaction de Bouvard et Pécuchet. Il collabora au Dictionnaire des idées reçues (posthume). Ils se brouillèrent pour des raisons pécuniaires liées à la faillite des Commanville.

Toute jeune, Julia Daudet publia un recueil de poèmes, sous le nom de plume de Marguerite Tournay. En 1867 elle épouse l'écrivain Alphonse Daudet qui dira "Pas une page, qu'elle n'ait revue ou retouchée". Elle devint sa collaboratrice. Parallèlement, Julia Daudet donna des articles dans de nombreuses revues comme critique littéraire sous le pseudonyme de Karl Steen. Elle fera la rencontre de Marcel Proust, dont elle sera une des premières lectrices, par l'intermédiaire de son fils Lucien, grand ami de jeunesse de Proust. Membre du Prix Fémina. Chevalier de la Légion d'honneur en 1922

68. DAUDET (Léon). Né à Paris. 1867-1942. Fils d’Alphonse Daudet. Journaliste et écrivain. M.A.S. « Léon Daudet » intitulé « Un grand médecin ». S.l.n.d. 6 pages in-4. 500 €

Léon Daudet consacre son article au médecin Paul Sollier, de l’Institut des Hautes Études de Belgique qui a ...porté au Freudisme, et aux méthodes de psychanalyse, des coups dont celles-ci ne se sont pas relevées… Selon Freud, tout découle de l’obsession sexuelle, or …c’est la question de la mort et de la survie qui poursuit l’être pensant (…) j’en ai apporté des preuves nombreuses dans mon livre Le Rêve Éveillé… Il aborde ensuite les effets des drogues telles que cocaïne et morphine, …Ceux que la question intéresse trouveront dans les Mélanges de Baudelaire, de très belles et exactes traductions de Quincy, peintre immortel des rues populeuse de Londres, d’Oxford Street, marâtre au cœur de pierre et de la faim, prix de l’euphorie, de l’opium… La réponse de Sollier à la question du sevrage …une technique rapide, avec adjuvant de purgation et de sudorisation, qui est aujourd’hui universellement adoptée… les drogués …relèvent d’une tare mentale héréditaire propagée à travers deux et quelquefois trois générations… il faut …guérir la manie en elle- même… Daudet voudrait voir couronner le scientifique à la Faculté de Médecine, mais il sait combien chaque idée nouvelle soulève des « torrents d’imprécations », …La bataille de Laënnec et de Broussais, à propos de l’auscultation, est demeurée célèbre. Broussais prétendait que Laënnec inventait les bruits et frottements de la pneumonie et de la pleurésie, et il avait avec lui (…) une bonne partie de la science officielle… Quant à Vulpian …qui publia ses observations et considérations sur les nerfs vaso constricteur et vaso dilatateur (…) il eut contre lui une meute de confrères qui le taxaient d’absurdité et de gâtisme (…). On a cru, il y a une vingtaine d’années, que le laboratoire trancherait tout. Mais le laboratoire laisse le champ ouvert - (et pas seulement celui du microscope) - aux interprétations différentes, de sorte que la certitude est, comme disait l’autre, une agréable jeune personne difficile à rencontrer…

Paul SOLLIER [1861-1933] éminent neuropsychiatre, considéré comme l’élève le plus doué de J.-M. CHARCOT, publia, entre autres ouvrages sur des sujets fort divers, deux études majeures : Les troubles de la Mémoire en 1892 et Le Problème de la Mémoire en 1900. Il développa des thérapies cognitivo-comportementales qu’il appliqua à ses patients. Parmi eux Marcel Proust qui, psychologiquement épuisé, passa 6 semaines en 1905-1906 dans l’établissement que Sollier avait ouvert à Boulogne sur Seine.

69. DAUDET (Léon). Né à Paris. 1867-1942. Fils d’Alphonse Daudet. Écrivain, journaliste. Manuscrit A.S. « Léon Daudet », intitulé « De la popularité soudaine » [de Philip SNOWDEN (1864-1937), chancelier de l’Échiquier travailliste anglais.]. S.l.n.d. – 7 pages 1/3 in-4. Brouillon d’article, avec quelques ratures et corrections. 450 €

BEAU TEXTE POLITIQUE.

DAUDET S’INTERROGE SUR LA POPULARITÉ CHARISMATIQUE SOUDAINE DU DÉPUTÉ TRAVAILLISTE POPULISTE PHILIP SNOWDEN QUI GALVANISE LES FOULES AU ROYAUME-UNI : ...l’homme du Yorkshire..., celui qui a dit « non » et en qui toute la nation britannique s’est reconnue ...Pourquoi cela ? Parce que ce personnage, débile physiquement, mais d’âme trempée, a fait jouer un de ces réflexes nationaux par lesquels est ému et entraîné tout un peuple. Il a été la voix de tous. Il n’est pas un citoyen anglais qui ne se soit reconnu en lui... (...). D’immenses panneaux, d’autres plus petits, au coin des rues, contre les murs, le long des maisons, annonçaient l’événement en lettres noires grasses sur fond jaune, avec des formules brèves, incisives, quasi lapidaires, qu’affectionne la presse d’outre Manche : Fermes propos de Snowden.... Le refus net de Snowden.... (ceci rappelait «le grand refus», dans l’Enfer de Dante)... Il ne cédera pas.... Dramatique lettre... Insistance juste... Tous les journaux s’accordent pour relater le même événement, survenu à la conférence de la Haye ...devenue conférence de Snowden. Les visages rayonnaient de joie et de fierté ; un frisson de solidarité patriotique était dans l’air, à tel point que d’impériale à impériale (allez donc nier l’impérialisme !), les gens se faisaient des signes d’enthousiasme, en agitant les mains. Le mot, désormais historique, de Madame Snowden, « ils ne connaissent pas les gens du Yorkshire », volait de bouche en bouche. Le public anglais était heureux de savoir que le « coming man », l’homme de demain, jouissait du bonheur, en effet incomparable, d’une compagne digne de lui... Même en Ecosse, ...Cet extraordinaire courant de « favour of the people » courut ainsi avec nous, à travers la région des Trossachs, le pays des fées et de Macbeth, les Highlands, les stations enchanteresses des lacs Katrine, Lhomond et Ray (...). Il n’y en avait que pour lui ; et le récit d’un incendie de Conan Doyle, le célèbre romancier de Sherlock Holmes, en passait totalement inaperçu... Les marins d’Oban, à l’embouchure du canal calédonien, ...ignorant tout de la conférence de La Haye, du plan Young et du reste de la conférence, les veinards ! ils savaient pourtant que celui là, de leur race et de leur sang, avait dit « non » (...). La popularité, ou plus exactement la morphologie de la popularité, est le meilleur réactif de la psychologie des nations. La remarque n’est pas de moi. Elle est de l’historien et grammairien Auguste Brachet, l’homme du monde qui connaissait le mieux et avait le mieux étudié les grands réflexes populaires et les moyens de les faire jouer... Daudet cite deux cas comparables à celui de Snowden, en Allemagne, le cas Ferdinand Lassalle, et en France le général Boulanger ...Ce fut aussitôt, dans toute la France et chez les bourgeois les plus bourgeoisants comme dans le public ouvrier, une traînée de poudre. En quelques jours, la légende fut créée, puis cette mystique spéciale, fondée sur l’admiration et la confiance qui rendent un homme irrésistible. Sur sa tombe, dans le cimetière doux et grave d’Ixelles, je songeais naguère à cela, je revoyais ces foules délirantes des élections du 27 janvier, le café Durand, Boulanger à la fenêtre acclamé par les gardes républicains, les gardiens de la paix agitant leurs casquettes. Alas, Alas, poor Yorick ! (...). Il y a là une aimantation magnétique, dont on comprend bien l’irrésistibilité quand on a vu de grandes foules entraînées brusquement par une phrase, un geste, une intonation. L’être humain est d’eau et de feu, et il est aussi d’électrique. Il y a des moments où tout cela va ensemble, éclate ensemble, où toutes les composantes ne forment plus qu’une personne sensible et sentimentale géante, qu’une sorte de Briarée [« redoutable »] moral...... Certains hommes ont le don de persuasion, le « pithiatisme » [méthode qui vise à persuader] de Babinsky [le neurologue Joseph Babinsky]. D’autres ont celui de séduire et d’entraîner les imaginations et les cœurs. Nous touchons là à un des plus profonds mystères de la nature...

70. DEBUSSY (Claude). Né à Saint-Germain-en-Laye. 1862-1918. Compositeur. L.A.S. « Claude Debussy » à « Cher ami » [Ernest Chausson]. S.l.n.d. [8 janvier 1894]. 1 page in-folio. (collants au verso, déchirure réparée n'atteignant pas le texte). 6 500 €

DE TOUTE RARETÉ (AVANT 1900) : MAGNIFIQUE LETTRE DE DEBUSSY QUI SE CONFIE À SON AMI, AU JOUR DE L’AN.

Debussy cherchait une situation stable que Léon Jehin se proposait de lui offrir à Royan. Mais déçu, Debussy confie : ...Je sors de chez Jéhin ! et ça n’est pas très beau : il ne s’agit en somme que d’une pâle besogne d’accompagnateur, et dans toute son horreur ! et jamais moyen de faire jou-jou avec l’orchestre. Les appointements sont de 350 f. Cette somme ne rachète pas beaucoup les tracas que l’on doit avoir, et toute la journée est prise ainsi que la soirée. Ainsi il faudra donc votre présence à Royan pour passer sur toute cette médiocrité ! d’ailleurs Jehin avait déjà pris ces dispositions et ce n’est qu’au cas où cela ne réussirait pas qu’il me prendrait... J’ai en ce moment l’âme gris-fer, et de tristes chauves-souris, tournent au clocher de mes rêves ! Je n’ai plus d’espoir qu’en Pelléas et Mélisande et Dieu seul sait, si cet espoir n’est pas que de la fumée !... Au revoir, cher ami que j’aime tant, et faites mes vœux de bonne année à tout le monde, sans oublier le Roi Arthur...

En gestation depuis déjà dix longues années, Pelléas et Mélisande, est un mélange de poésie (sur un livret de Maeterlinck) et de musique. La réputation de Debussy s’étant entre-temps considérablement accrue, il put se permettre une grande première à l’Opéra-Comique de Paris le 30 avril 1902.

71. DELARUE-MARDRUS (Lucie). Née à Honfleur. 1874-1945. Poétesse. Poème A.S. de ses initiales « D.M. », « À la Nounette Mazloumée ». Paris, 31 mars 1927. 1 page in-folio. 480 €

POÈME COMPOSÉ DE 28 VERS RIMÉS ADRESSÉ À NATHALIE CLIFFORD-BARNEY (?) : REPROCHES À UNE AMANTE :

…Il y a déjà fort longtemps / Que j’appris à taire ma gueule, / Vous laissant parler toute seule / En disant « oui » de temps en temps (...) / Docilement je me suis tue / Par crainte de vous embêter. / Mais quelle idée, en vérité, / Ai-je de faire une statue ? / J’étais déjà littérateur, / Chose fort monotone et triste, / J’étais aussi violoniste, / Comble, évidemment, de l’horreur. / Maintenant, c’est Sainte Thérèse / Qui vous vole ce qu’on vous doit. / Certes, j’outrepasse mon droit / Rien, dans tout cela, qui vous plaise, / Aussi ferais-je désormais, / En sorte que mes faits et gestes, / Comme mes paroles, ces pestes, / Ne vous emmerdent plus jamais. / Aux côtés de madame Ovize, / Madame Delarue-Mardrus / Désormais aura pour devise : / Nihil, à la fois, et motus...

72. DORGELÈS (R. Lecavelé, dit Roland). Né à Amiens. 1886-1973. Romancier. Membre, puis Président de l’académie Goncourt. 1 L.A.S. et 1 Carte-lettre A.S. « Roland Dorgelès » à Robert Delahaut à Bruxelles. Paris, s.d. 2 pages in-4. En-tête de l’académie Goncourt et Paris, 2 décembre 1933. 1 page in-8. Adresse, marques postales. 180 €

1). ...Votre programme est trop noble... il ne cache pas sa sympathie pour « Terres latines »... Dans quelques mois, continue-t-il, ...paraîtra un choix de Courteline accompagné de la préface ci-jointe. Voulez-vous ces pages pour votre revue ? La première partie a été publiée dans une petite revue cinématographique lors de la présentation des « gaités de l’Escadron » mais la seconde partie est absolument inédite. Je serais heureux de contribuer à faire mieux connaître Courteline en Belgique...

2). ...J’aime vos « terres latines » comme vous le savez... Mais je ne veux plus faire de conférences. Cette année encore j’ai refusé à une grande amie Mme Brisson qui voulait me revoir aux Annales...

73. DORVAL (Marie). Née à Lorient (1798-1849). Célèbre actrice de l’époque romantique, liée intimement au poète ALFRED DE VIGNY, et amie de George Sand. L.A.S. « Marie Dorval » à un poète (?). S.l.n.d. [vers 1841]. 1 page in-8. Cachet estampé Papeterie Chavalier-Bath. 650 €

BELLE LETTRE D’AMITIÉ : …J’ai bien tardé de vous donner des nouvelles de ce qui vous interesse, Monsieur, mais c’est qu’il m’a été bien impossible de joindre MR ANTÉNOR JOLY. Son théâtre va fort mal et lui laisse bien peu le loisir de s’occuper d’autres choses que de ses embarras personnels… Elle serait charmée de le revoir pour lui dire de vive voix combien elle est …touchée et reconnaissante d’avoir laissé venir jusqu’à moi un peu de cette poésie dont je suis veuve depuis si longtemps !...

En 1839 MARIE DORVAL débutait à la salle Ventadour, nouvellement ouverte sous la direction d’ANTÉNOR JOLY, un ancien ouvrier typographe, journaliste et fondateur en 1835 du Théâtre de la Porte-Saint-Antoine, qui avait obtenu du pouvoir orléaniste le privilège de l’ouverture d’une nouvelle salle de théâtre. Un beau triomphe l'y attendait dans le Proscrit, un drame en cinq actes de Frédéric Soulié et Timothée Dehay. George Sand lui écrivit à cette occasion "Si j'étais le Grand turc, je vous enverrais une ile de l'archipel tout en fleurs pour vous témoigner ma joie et mon bonheur de la manière dont vous avez joué hier soir". Ce succès lui rouvre les portes du Théâtre-Français, avec la création de Cosima et la reprise du rôle de Kitty Bell dans Chatterton de Vigny. Le poète qui assista à la première confia dans une lettre à Pauline Duchambge à propos de Marie dont il était séparé depuis 1838 "Son beau et unique talent a grandi encore, par quelque chose de plus posé, de plus maître de soi dans quelques scènes, de plus fin et ingénieux dans d'autres." Faute de ressources La Renaissance devait fermer en mai 1841. Après diverses tentatives infructueuses pour rouvrir un théâtre, Anténor Joly meurt ruiné en 1853.

74. [DORVAL (Marie)]. Poème A. (anonyme) dédicacé à Mme Allan Dorval (Marie Dorval) au sujet de ses représentations au Théâtre des Arts de Rouen (août 1833). 145 €

...Dorval, à toi dont les accents / Si naturels, si vrais, électrisent les sens, / Oh que j'aime à te voir (...) / On dirait que pour toi, sortant de sa froideur / Au soleil de Provence il a chauffé son cœur. / Vois-tu combien de mains à l'envi t'applaudissent, (...) / Sois en fière, Dorval, tu les as mérités. / Abandonnant la routine vulgaire / Qui fait souvent de nos acteurs / de lourds et froids déclamateurs, / (...), Par ton simple et touchant langage / Tu fais si bien disparaître l'acteur / Que le public séduit croit voir le personnage / Poursuis, poursuis, Dorval, le cours de tes succès / Je t'attends en Avril au Théâtre français !...

75. DUBOIS (Théodore). Né à Rosnay. 1837-1924. Compositeur, organiste et pédagogue. Maître de chapelle à l’Église de La Madeleine où il succède à Saint-Saëns au Grand orgue. Directeur du Conservatoire de 1896 à 1905. L.A.S. « Th. Dubois » à « Cher Monsieur ». Paris, 23 décembre 1904. 2 pages 1/3 in-12. 120 €

...On me dit qu'on organise un concert pour les Russes pour le 26 janvier, au théâtre Sarah Bernardt... écrit Dubois qui recommande vivement Madame Panthès, professeur de piano au Conservatoire de Genève ...Elle est de nationalité Russe et désire beaucoup jouer à ce concert. Elle viendrait de Genève exprès... Dubois demande à son correspondant de faire son possible pour que cette demande soit agréée.

76. DUMAS (Alexandre, dit Dumas père). Né à Villers-Cotterêts. 1802-1870. Écrivain et romancier. B.A.S. « Al. Dumas » à « Cher Joseph » [Joseph Poniatowski, 1816-1873, musicien et artiste lyrique mais aussi diplomate et homme politique]. S.l.n.d. 2/3 page in-8. 450 €

Demande de loge : …Fais moi passer une loge pour demain… demande Dumas avant d’ajouter, en P.S., …Je suis malade voila pourquoi il n’y a pas d’andouilles…

77. DUMAS (Alexandre, dit Dumas père). Né à Villers-Cotterêts. 1802-1870. Écrivain et romancier. B.A.S. « Al. Dumas » à « Mon cher Joseph » [Joseph Poniatowski, 1816-1873, musicien et artiste lyrique mais aussi diplomate et homme politique]. [Paris], sans date. 1 page in-8. 600 €

Au sujet des droits de sa pièce « Paul le Corsaire » : …Tu as toujours le manuscrit du Corsaire n’est ce pas. Il a été, il y a six ans quand tu devais faire la musique, vendu aux Levy qui le reclament aujourd’hui ou 4000 f de Dommages et intérêts. Renvoie le moi afin que je leur fasse des offres réelles… En P.S., Dumas précise sa demande : …J’ai besoin que tu me dises dans une lettre qu’il n’y a pas de ma faute que le manuscrit t’a été livré mais que des circonstances indépendantes de ta volonté t’ont empeché de faire l’opéra…

C’est à l’occasion d’une visite à Lorient en compagnie de Mélanie Waldor, sa maîtresse, que Dumas eut l’idée de ce drame en 5 actes et en prose, Paul Jones ou Paul le Corsaire dans lequel il imagine l’enfance du héros de Fenimore Cooper. Il ne songea pas à le faire jouer, le jugeant encore perfectible. Mais le manuscrit fut donné en gages à Jean-Baptiste Porcher et, faute de pouvoir rembourser sa dette, Dumas s’en trouva dessaisi. Porcher confia le manuscrit à son gendre, Theodore Nezel qui dirigeait un théâtre en difficulté, Le Panthéon et la 1ère représentation eut lieu le 8 ou le 12 octobre 1838. Le drame fut repris en octobre 1841 avec plus de succès au Théâtre de la Porte Saint Martin, sous le titre de Paul le Corsaire. Nous n’avons trouvé aucune trace d’un projet d’opéra tiré de ce drame.

78. DUMAS (Alexandre, dit Dumas fils). Né à Paris. 1824-1895. Romancier et auteur dramatique. Auteur de la Dame aux Camélias (1848). L.A.S. « A. Dumas ». S.l.n.d. 2 pages 1/4 in-8 à son adresse. 370 €

AMUSANT BILLET DE DUMAS : ...Que vous me connaissez mal... ! s’exclame Dumas ...Je n’ai pas répondu publiquement à votre lettre parce que vous êtes dans une affirmation qui n’admet pas de controverse. Je crois que vous en reviendrez tout seul, par l’expérience même de la vie. Jusque-là, inutile d’entamer des discussions interminables et inutiles. Il faut discuter le moins possible : les opinions sont comme les clous, plus on tape dessus, plus on les enfonce... Il l’invite à dîner chez lui où il tient table ouverte tous les soirs et lui rappelle ...une bonne fois pour toutes, que de même que ma bonne foi est complète quand j’écris quelque chose, de même je crois à l’entière bonne foi de ceux qui écrivent le contraire...

79. DUNOYER DE SEGONZAC (André). Né à Boussy-saint-Antoine. 1884-1974. Peintre et graveur (initié à la gravure par J.E. Laboureur). Carte A.S. « A. Dunoyer de Segonzac » à la directrice de la galerie Alice Manteau. Paris, 1er janvier 1967. Au recto : reproduction d’une toile d’Hans Memling en couleurs. 120 €

Carte de vœux pour l’année 1967 : ...Sensible au fidèle souvenir de la Galerie Alice Manteau, son voisin André Dunoyer de Segonzac, lui adresse ses meilleurs vœux...

80. DURAS (Jacques-Henri de DURFORT, duc de). 1622-1704. Maréchal de France. Gouverneur de Franche-Comté. L.A.S. « Duras » au secrétaire du duc de Bouillon. Duras, 30 mars 1644. 3 pages in-folio. Adresse. Cachet de cire rouge brisé. Ex-collection Jules de Gères (cachet). 750 €

Le duc de Duras le remercie du soin apporté à lui envoyer des nouvelles de Paris, mais il aurait préféré que ces nouvelles lui arrivassent avant le départ du duc de Bouillon ...Cella aurest donne moyen que la neige heust esté fondue et hauret peu passer avec son carosse. J’apreande bien que cella naye fait mal à Me sa femme... Il lui renvoie ...deux lectres et une que Mr de Morin duct donné à Mr de Bergues (...). Je crois que sy vous les pourriés fere tenir, il en seret bien ayse et j’ay mendé à Mr de Bergues d’envoyé à Mr de Lenglade le mesmoire de ceux ches quy il faudret loger à Beaumont. Mr le duc d’Epernon sera ycy demain a dyné. Il est aujourd’huy à La Force...

81. EIFFEL (Alexandre Gustave Bonickhausen, dit Gustave). Né à Dijon. 1832-1923. Ingénieur centralien, concepteur de la Tour Eiffel. L.A.S. (brouillon) « E. G. » à Monsieur le Président de la Commission météorologique. Paris, 25 juillet 1888. 1 page in-folio. 1 200 €

Lorsque sa construction fut achevée en 1889, la tour Eiffel était, du haut de ses 300 mètres, l’édifice le plus élevé du monde. Érigée pour l’Exposition universelle, elle ne devait en réalité agrémenter le paysage urbain que durant 20 ans. Dès la fin de la construction de la tour Eiffel un laboratoire météorologique fut installé à son sommet, l'intérêt étant grand de savoir si les constatations faites au sol étaient conformes à celles prises à 300 mètres de hauteur. Les résultats furent sans surprise, mais intéressants car ils confirmaient les connaissances de l'époque.

Dans son ouvrage « la Tour de 300 mètres », Gustave Eiffel consacre deux chapitres sur les questions de météorologie et sur les phénomènes physiques observés en haut de la Tour.

EN 1910 EIFFEL DEVINT PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ MÉTÉOROLOGIQUE DE FRANCE.

…Le Conseil du Bureau central météorologique, dans sa séance du 7 juillet courant, a émis l’avis qu’il serait utile de préparer en vue de l’Exposition universelle de 1889, une notice explicative sur la composition, le fonctionnement et sur la nature des travaux des commissions météorologiques départementales. Je vous demanderai donc de m’adresser tous les renseignements sur la commission que vous présidez ; la date de sa création, sa composition, les subventions qu’elle reçoit du département, le nombre et la nature des stations qu’elle a organisées (…), ses publications, etc. Les commissions météorologiques seront comprises dans l’Exposition du Ministère de l’Instruction publique (enseignement supérieur). J’ai demandé que toute place leur soit réservée à côté du Bureau central. Si vous avez l’intention de faire une exposition particulière, je vous serais obligé de m’indiquer le plus tôt possible la nature des objets qui doivent y figurer et l’emplacement dont vous aurez besoin, comme surface verticale et comme surface horizontale…

82. EUGÉNIE de MONTIJO. Née à Grenade (Espagne). 1826-1920. Impératrice des Français (épouse de Napoléon III). L.A.S. « Eugénie » à « Ma chère nièce ». Farnborough (Angleterre), 9 février 1892. 4 pages in-8. Papier de deuil gravé à son adresse. 600 €

Elle la remercie de ses vœux ainsi que ceux d’Achille. Elle les reverrait avec plaisir en Angleterre, car ce n’est guère possible pour elle de se déplacer, ...le retour par mer (...) ne serait pas agréable et jamais je n’aurais le courage d’aller par le chemin de fer qui me fatigue horriblement (...). J’ignore si cela cadrerait avec le projet de Louis Napoléon, car s’il était aux manœuvres je manquerais, en partie mon but. Dans quelques jours j’irai dans le midi pour éviter le long hiver que nous avons ici, mais je retournerai ici vers la fin de mai...

Après la mort de Napoléon III en exil, et celle de son unique enfant, tué en Afrique du Sud, Eugénie s’installe dans le Hampshire sur le domaine de Farnborough. Depuis son enfance, partagée entre l’Espagne et la France, jusqu’à ses nombreux séjours en bord de mer à Biarritz, Eugénie eut toujours le goût des voyages. Elle s’éteindra à l’âge de 94 ans, à Madrid.

83. FAGUS (Georges Faillet, dit). Né à Bruxelles. 1872-1933. Poète. L.A.S. « Fagus » à un poète. Paris, 20 mai 1903. 2 pages in-8 oblong, gravé à sa devise. 180 €

Belle et rare lettre empreinte de préciosité décadente : ...Vos vers jusqu’en leurs attendrissements portent une fierté naturelle, une sorte de chevalerie que sa rareté en notre époque fait plus aimable encore. Vous n’avez point l’orgueil de vous, vous en avez le respect, et si vous édifiez un Temple à votre jeunesse, c’est pour perpétuer sous une forme cherchée la plus pure, ses seules nobles émotions. Il est remarquable que vos gestes, pour choisis, se gardent d’être recherchés ; vous cueillez une fleur du même geste dont on salue une dame, mais de par une pareille dévotion vers tout ce qui, pur et beau, nous embellit de nous purifier. C’est quand votre chemin traverse les carrefours publics et rencontre les foules, que vous mettez le gant, et qui prend tournure de gantelet. Et votre Livre nuptial par-dessus tout plaira aux esprits de qualité, pour le chastement passionné et presque religieux de son lyrique élan. Je suis heureux de vous avoir lu...

Georges Faillet fut anarchiste, avant de devenir catholique et monarchiste. Il prit le parti de Dreyfus et Zola en déposant chaque jour, durant le procès de l'auteur de J'accuse !, une lettre versifiée à son domicile. Il fit publier l'ensemble de ces lettres sous le titre Colloque sentimental entre Émile Zola et Fagus (Société libre d’Édition des Gens de Lettres, Paris, 1898). En poésie, il signa les livres Ixion, La Danse macabre, Frère Tranquille, La Guirlande à l'Épousée, Frère Tranquille à Elseneur... faisant partie d'un grand ensemble intitulé Stat Crux dum volvitur Orbis, qu'il ne put achever. Traducteur de la Chanson de Roland, il se décrivait lui-même comme « homme du Moyen Âge » et sa poésie était en effet dans la continuité de Villon et Rutebeuf, mais également de Baudelaire, Verlaine, Laforgue...

84. FALLA (Manuel de). Né à Cadix. 1876-1946. Compositeur espagnol. L.A.S. « Manuel de Falla » à Henri Monnet. Grenade, 13 janvier 1928. 4 page in-8. En français. 1 700 €

INTÉRESSANTE LETTRE MUSICALE AU SUJET DE LA DISTRIBUTION DES RÔLES DANS SON OPÉRA LE RETABLE DE MAÎTRE PIERRE : Après avoir donné son accord de principe à la soirée du 8 mars, il prie ...Madame Halphen d’être elle-même d’accord avec Robert Lyon et la direction de l’Opéra-Comique afin d’éviter dès maintenant toute complication... pour arrêter les dates des concerts et répétitions. Il enchaîne : ...Il s’agit, sans doute, d’une audition sans représentation du Retable n’est-ce pas ? Or il n’y a que compter sur les mêmes interprètes du Concert Pleyel, qui j’espère seront ceux aussi de l’Opéra-Comique (Dufranne et Salignac). Quant au rôle de l’enfant, j’ignore encore si (s’il) sera chanté par Vera (?). Je le souhaite... Il s’incline devant les désirs de Mme Halphen, et espère ...que la partie dont Monsieur Christian Zevors m’a parlé (concernant la jeune musique espagnole) sera honorablement réalisée...

Pianiste et violoniste, ami d'Igor Stravinsky, HENRI MONNET était membre du Conseil d'administration de la Salle Pleyel. Il fut l’un des fondateurs, avec Robert Lyon et Paul Robert, de l'Orchestre symphonique de Paris. L’épouse du compositeur Fernand Halphen tenait dans son hôtel particulier de la rue Dumont-d'Urville un salon de musique très courtisé.

85. FÉVRIER (Henry). Né à Paris. 1875-1957. Compositeur de musique de chambre, d’opéra-comique et de drames lyriques. Élève de Fauré et Messager. M. musical A.S. « Henry Février », daté « Juillet 1937 » et titré « Monna Vanna (1er acte) ». 1 page in-folio, encre violette. 550 €

Extrait du 1er acte de Monna Vanna, un drame lyrique d'Henry Février sur un livret de MAURICE MAETERLINCK, créé le 13 janvier 1909 à l'Opéra de Paris : …Voilà l’instant mon fils, où les mots sont cruels et puissants, Voilà l’instant, mon fils, où quelques paroles empruntent tout à coup la force du destin et choisissent leurs victimes !...

Le rôle de Monna avait d’abord été proposé à Sarah Bernhardt qui se brouilla avec l’auteur. Le rôle échut à Georgette Leblanc. On connaît le destin exceptionnel de Monna Vanna : le drame lyrique fit le tour de l’Europe, et fut même interprété à Boston en 1912.

86. FINI (Léonor). Née à Buenos-Aires. 1908-1996. Peintre surréaliste, illustrateur, décoratrice de théâtre, d’origine italienne. Épouse de Pieyre de Mandiargues. Liée à Dali, Georges Bataille, Éluard et Max Ernst. L.A.S. « Léonor F » à Pierre Besse. S.l.n.d. [1961]. 6 pages in-4 sur vélin crème. 680 €

BELLE ET RARE LETTRE DE LA PEINTRE LÉONOR FINI : ...Je reçois une lettre d’un type qui fait un livre sur les décors de théâtre et me demande des photos des maquettes ou des photos de scène, suis embarrassée – ici je n’ai rien. Allez s’il vous plaît chez moi, vous trouverez dans une boîte grise destinée pour des disques (objet classique) qui se trouve dans le chaos de la bibliothèque (peut-être par terre) une certaine quantité de photos des décors... Elle lui recommande de récupérer les photos du « Garçon d’honneur » (d’après Wilde) et s’il n’y parvenait pas, de téléphoner ...au photographe Pic. Au Pic vous demandez qu’il vous montre (il doit avoir dans ces dossiers) toutes les différentes photos de plusieurs spectacles dont le décor fait par moi (...) du Wilde... Il est assez urgent, précise-t-elle, que les photographies arrivent au Théâtre 7 rue Heder avant le 20 juin 1961, tout en lui prescrivant un certain nombre d’indications à reporter sur celles-ci : ...Derrière « garçon d’honneur » il faut écrire mai 1960. Le titre – de Wilde adapté par Blondin et Guimard – Mise en scène C. Barma. Théâtre Marigny Paris (...) Il faut aussi écrire que la propriétaire de la maquette est Mme Volterra et qu’elle peut la prêter pour photo couleur. Si c’est « la Mégère », il faut écrire : adaptateur Audiberti, metteur en scène Vitalis année novembre 1958 (...) Puisque Pic peut-être ne se souvient pas quels sont mes décors il faut rappeler les éventuels scpectacles photographiés par Pic où je suis l’auteur – Eté et Fumée (T. Williams) (Théâtre de l’œuvre - Volupté de l’honneur – A. Paulain) - (Pirandello – Mercure -Th St Georges) – Bérénice (Racine – Barma – Marigny) (...) Bonnes (Serrault – Odéon)... Les meilleures étant, d’après elle, les photographies du Garçon d’honneur [pièce qui fut adaptée de la nouvelle d’Oscar Wilde Le Crime de Lord Arthur Savile] et celles prises lors de la représentation des Bonnes de Jean Genet...

87. FLAUBERT (Gustave). 1821-1880. Écrivain. L.A.S. « G. Flaubert » à un confrère. S.l.n.d., Dimanche soir. 1 page in-8 sur papier bleu ardoise. 3 800 €

Flaubert a vu Crépet [homme de lettres né à Dieppe, bibliographe de Baudelaire] qui ...fait gd cas de votre talent et desire vous attacher à sa Revue. De cela je n’en doute pas. Quant à votre roman, il [Crépet] ne serait pas éditeur-redacteur- gouverneur d’un journal s’il n’avait la rage de vouloir corriger la copie des autres. Je l’ai fortement engagé à prendre la vôtre telle qu’elle est. Oh non, car il a ses idées. C’est un brave garçon mais entêté ; je vous exhorte donc à la patience... Il ajoute en P.S. ...Vous me trouverez à Paris dans les deux ou trois derniers jours de ce mois. Prevenez-moi par un mot, & venez le matin, de bonne heure pour etre sûr de me trouver...

LETTRE INÉDITE.

Eugène Crépet (1827-1892), collaborateur de plusieurs revues, dont La Revue moderne, et auteur d’une anthologie des poètes français, entretint une correspondance avec Gustave Flaubert et l’aida dans ses recherches pour Salammbô au sujet de la reproduction d’une mosaïque punique, ou de commentaires d’ouvrages de Hendrich sur Carthage (1860). Eugène Crepet est également à l’origine de l’édition des œuvres posthumes et de la correspondance de Baudelaire dans laquelle il donne une étude sur le poète. Flaubert honora Crépet d’une dédicace autographe signée sur un exemplaire de L’Éducation sentimentale (collection Dennery, 1984, II, n°85).

88. FOERSTER (Joseph Bohuslav). Né à Prague. 1859-1951. Compositeur et critique musical tchèque. Ami de Gustav Malher. Manuscrit Musical pour piano A.S. « Jos. B. Foerster », intitulé « Hudba večera » [Musique du soir]. S.l.n.d. 7 pages 1/3 in-folio sous couverture muette portant une dédicace autographe signée et datée (1947). En tchèque. 1 300 €

Cette pièce musicale, Hudba večera, compose l’opus 79 des pièces pour piano du compositeur et date de 1904. Son tempo est indiqué …Andante, ma col molta passione… La partition contient de nombreuses corrections au crayon : basses ajoutées, liaisons supprimées, doublement de certains accords. Il semble que le compositeur ait envisagé de modifier sensiblement quelques mesures de la fin, que l’on trouve à la suite, toujours au crayon.

Compositeur mais aussi professeur et écrivain, J.B. Foerster enseigna au conservatoire de Hambourg où il fit la connaissance de Gustav Mahler alors directeur de l’Opéra et avec lequel il noua de solides liens d’amitié.

89. FONTENELLE (Bernard Le Bouyer (ou Le Bovier) de). Né à Rouen. 1657-1757 : mort presque centenaire. Neveu de Corneille. Philosophe du Grand siècle. Académicien des Sciences et des Lettres, partisan des « Modernes ». L.A.S. « Fontenelle » à M. Harye. S.l., 11 mars, s.d. 1 page 3/4 sur papier vergé filigrané. Suscription. RARE. 1 500 €

Fontenelle prie son correspondant de prévenir l’abbé de La Rochefoucaut de la visite de Nicolas de Catinat, au sujet de l’attribution de la cure de Saint-Gratien : …Je me flate, Monsieur, que ma bonne fortune me fera trouver quelqu'un de ces jours en même maison que vous et alors vous vous apercevrés de ioye (joie) que j’ai de votre retour... Mais en attendant voici une petite affaire ou i’ai recours a vous. M. de Catinat Conseiller au Parlement ira parler a M. l’Abbé de la Rochefoucaut sur la cure de St Gratien, et comme il n’a pas l’honneur d’ètre connu de lui, il souhaite que M. l’abbé soit préparé a cette visite, et c’est ce que ie vous prie très humblement de faire. Je vous prie méme de vouloir bien appuyer la demande que fera M. de Catinat, a qui il importe fort que cette cure tombe a quelqu'un qui lui convienne. Adieu, mon cher Monsieur, ie suis tout à vous de tout mon cœur. Ie finis avec aussi peu de ceremonie que si nous ne nous étions quittés depuis dix ans…

Le philosophe Bernard de Fontenelle, neveu de Corneille, est par excellence l’homme de la transition entre le Grand Siècle et le siècle des Lumières. Poète de salon et auteur volontiers mondain, c’est aussi un savant féru de géométrie et confiant dans le progrès des sciences. Académicien consacré, il n’en est pas moins partisan des Modernes et n’hésite pas à critiquer les vérités reçues qui n’auraient pas été passées au crible du raisonnement. Pilier de l’administration de la censure royale, cet homme d’ordre mais non de rigueur montre dans son emploi une tolérance vis-à-vis des écrits indépendants qui annonce clairement les avancées des Lumières et la politique de compromis des monarchies éclairées.

Nicolas de Catinat de La Fauconnerie (1637-1712), maréchal de France, hérita de sa mère le territoire de Saint-Gratien. Disgracié en 1701, il se retira dans son château de Saint-Gratien où il recevait Bossuet, Fénelon, Vauban, Madame de Sévigné, Madame de Coulanges, etc.

90. FOUCHÉ (Joseph, duc d'Otrante, comte Fouché). Né au Pellerin (près de Nantes). 1759-1820. Ministre de la Police sous le Directoire, le Consulat et l'Empire. Brouillon d’un M.A.S. de son paraphe, intitulé « Éclaircissements nécessaires pour l’histoire ». Linz, 21 avril 1819. 4 pages in-4. Nombreuses ratures et corrections. 2 000 €

BEAU PLAIDOYER ÉCRIT DE LA MAIN DE FOUCHÉ, (RÉDIGÉ AU NOM DE SON FILS), DANS LEQUEL FOUCHÉ ENTEND RÉTABLIR LA VÉRITÉ SUR SA DISGRÂCE PAR NAPOLÉON :

Depuis son exil (à Linz), Fouché répond aux attaques, notamment à celles formulées dans Mémoires pour servir à la vie d’un homme célèbre [Jean-Joseph Regnault-Warin, Paris, chez Plancher, 1819]. Dans cet ouvrage, l’auteur prétendait que Napoléon avait disgracié Fouché à la suite de faux rapports sur l’Angleterre. En préambule, ...Je suis très reconnaissant de la peine que vous avez prise de me faire connaître les calomnies que l’on débite contre mon père. Je vous envoie les réponses : on trouvera juste qu’elles reçoivent la même publicité (que les calomnies)... Les ennemis du duc d’Otrante ont un grand avantage sur ses amis c’est de pouvoir dire tout ce qui leur passe par la tête sûrs qu’on n’a pas toute liberté de leur répondre... Fouché explique : …Comment Napoléon qui récompensait tous ses courtisans, traite si mal le duc d’Otrante (Fouché) pour avoir cherché à le flatter (...). Quand on dit des choses aussi opposées à la nature du caractère de Napoléon on ne doit pas se borner à des accusations vagues. Il faut du positif. (...). Les souffrances que les prisonniers français éprouvèrent en Angleterre engagèrent plusieurs fois Napoléon à traiter d’un échange. Mais les ministres anglais ne voulurent jamais rien entendre. Il crut pouvoir mieux parvenir à son but en chargeant son frère Louis, alors roi de Hollande, de cette négociation. Ce prince envoya Labouchère à Londres, qui ne fut pas plus heureux. Lord Wellesley lui dit formellement qu’il n’y avait qu’un seul homme en France avec lequel il traiterait et il nomma le duc d’Otrante (Fouché). Le roi de Hollande fit connaître le propos au duc qui s’empressa d’envoyer le Sr Ouvrard en Angleterre avec les instructions pour le Cartel. Cet agent, d’un esprit supérieur et d’un caractère entreprenant (…) se hasarda à faire des propositions de paix. Elles furent favorablement accueillies. Ainsi donc deux négociations importantes se poursuivaient en même temps par la seule influence du duc d’Otrante : l’échange des prisonniers et le traité de paix… Napoléon apprit ces faits par son frère Louis, ...Cette nouvelle causa un dépit extrême à l’empereur. Il ne put se contenir à l’idée que le duc faisait plus qu’il n’avait pu faire lui-même (…). Au retour de Napoléon à Paris, son ministre supporta son emportement avec force et dignité. Cet emportement eût été bientôt calmé par la simple lecture du rapport où le duc d’Otrante lui rendait compte de cette affaire, s’il n’y eut une autre cause d’irritation. Napoléon pardonnait encore moins au duc d’Otrante d’avoir dit qu’il n’était pas un homme d’affaires et surtout de l’avoir prouvé en faisant lever, en son absence et sans son autorisation, la garde nationale pour repousser les anglais à Walkren (?)… Fouché aborde ensuite le sujet de la condamnation du Maréchal Ney et du Général Labedoyère [tous deux condamnés pour s’être ralliés à Napoléon pendant les Cent-Jours]. Il se défend de toute responsabilité : …Ces exils n’ont rien de commun avec les proscriptions de 1815. Le Gal Labedoyère et le Mal Ney n’en auraient pas été victimes s’ils eussent suivi les conseils du duc d’Otrante… Quant à ceux qui l’accusent d’avoir voulu sauver sa fortune avant de servir les intérêts du pays, Fouché répond : …S’il se fût occupé de sa fortune, il aurait servi la réaction au lieu de la combattre quand tout faisait entendre qu’elle allait envahir ses propriétés ; il aurait sacrifié les hommes qu’on voulait immoler au lieu de détourner de leurs idées la hache des bourreaux en l’appelant sur la sienne. Au lieu d’être en exil, il serait en faveur aujourd’hui… Enfin, rectifiant la biographie de Michaud à propos du Général Lechi [Teodoro Lechi, 1778-1866, militaire italien] et de sa mission à Livourne, il s’insurge …Il n’y a que des mensonges dans cet article. Le duc d’Otrante n’a eu aucun rapport ni avec le Gal Lechi, ni avec les anglais. Il n’a fait ni traité ni stipulation avec personne. Il n’a point été à Livourne. Il était en France lorsque l’arrangement pour l’occupation de cette ville fut fait par le Marquis de Luchesini [Girolamo Luchesini, 1751-1825, diplomate prussien,] ancien ministre de Prusse en France, au nom de la sœur de Napoléon (…). La preuve qu’il a fait son devoir, c’est que Napoléon à son débarquement de l’isle d’Elbe où il avait été porté à connaître les détails de la conduite du duc d’Otrante, lui a donné toute sa confiance en le chargeant du ministère de la police Gale. Il est évident que ce calomniateur n’a voulu que barbouiller du papier et dire des injures où il n’y a ni esprit, ni raison ni vérité… Il termine en demandant que soit insérés ces réponses dans la presse belge et celle de Savoie, ainsi : ...Vous ferez une chose juste et utile (...). Le Ciel et mon père vous en récompenseront...

Élu à la Convention en 1792, Joseph Fouché siégea aux côtés des Montagnards et vota la mort de Louis XVI. En 1799, BARRAS le nomme ministre de la Police. Il mit alors au service de Bonaparte un réseau d’espions et d’agents afin de préparer le coup d’État du 18 brumaire. Ses relations avec ce dernier furent complexes. Si Bonaparte n’hésitait pas à critiquer ouvertement son ministre, il le fit toutefois duc en 1809 et lui confia le ministère de l’Intérieur. Pendant les Cent-Jours, Fouché fut à nouveau ministre de la Police puis, après Waterloo, membre du gouvernement provisoire. Il contribua alors à préparer le retour des Bourbons. Atteint comme régicide par la loi de 1816, il fut contraint de s’exiler à Prague, puis à Linz, et mourut à Trieste.

91. FRANCK (Adolphe). Né à Liocourt. 1809-1893. Philosophe du Judaïsme et philosophe du droit. L.A.S. « Ad. Franck ». Paris, 27 mai 1868. 1 page in-8. 120 €

Franck répond à ses calomniateurs qu’il qualifie de "Grands inquisiteurs" : ...je serai tenté d'en remercier Léopold Giraud, l'auteur de la fameuse pétition, et son Eminence le Cardinal de Bonnechose, Grand Inquisiteur de France mais au lieu de me moquer de ces gens là je suis disposé à en avoir pitié. Quelle chute ! il faudra qu'ils se remettent à apprendre ce qu'ils savaient si bien autrefois, l'art de calomnier...

Agrégé de philosophie. En 1844 son ouvrage sur la kabbale est loué par Michelet de "chef d'œuvre de critique". Il devient membre de l'Académie des sciences morales et politiques. Professeur au Collège de France. Président de la Société des Études juives. Cofondateur de la Ligue de la paix et de la liberté ainsi que de la Ligue contre l'athéisme. Il créa la revue La Paix sociale.

92. FULLER (Mary Louise Fuller, dite Loïe). Née à Hinsdale (Illinois). 1869-1928. Danseuse américaine, pionnière de la danse moderne. B.A.S. « Loie Fuller » à « Chers Amis », en français. S.l.n.d. 1 page in-8 carré. 350 €

DE TOUTE RARETÉ : Elle donne son accord pour des rendez-vous : ...Venez au Figaro demain a 5 heures et demander pour moi. Je suis la - Entendu pour jeudi prochain, Gab nous emmene j'espère..

C’est en 1892 que Loïe Fuller débuta à Paris aux Folies Bergères où elle devait connaître un très grand succès pendant dix ans avant d’être éclipsée par Isadora Duncan qu’elle avait contribué à faire connaître en Europe. Dans ses chorégraphies, elle offre des représentations symboliques de la nature, enveloppée dans de longs voiles qu’elle agite au moyen de baguettes tout en tournoyant sur une dalle de verre rétroéclairée par des faisceaux lumineux de différentes couleurs, tandis que des miroirs fort habilement disposés reflètent son image à l’infini. Par sa créativité et son intelligence dans l’utilisation des progrès technologiques, elle fascina aussi bien des poètes symbolistes comme Mallarmé que des sculpteurs, des cinéastes ou des scientifiques, des peintres, Toulouse-Lautrec notamment. Brièvement mariée à William Hayes, accusé par la suite de bigamie, Loïe Fuller entretint une relation amoureuse avec Gabrielle Bloch, dite « Gab », une de ses admiratrices. Elles partageront leurs vies jusqu’au décès de la danseuse.

93. GAGNE (Étienne-Paulin). Né à Montoison. 1808-1876. Avocat, poète et écrivain. L.A.S. « Gagne » à « Monsieur Jules Simon, député » de la part du Comité Sauveur de la paix. S.l.n.d. (1870). 2 pages 1/2 in-8. 250 €

Paulin Gagne s'adresse à Jules Simon, plaide contre la guerre franco-allemande : ...Vous êtes un père parricide !!! J'ai plus que tout autre le droit et le devoir de faire tonner la voix du sens commun, puisque je suis fou, dit-on !... Vous avez justement condamné la guerre avant qu'elle ne fût déclarée ; il y a cent fois plus de motifs pour la condamner et la flétrir aujourd'hui puisqu'il est prouvé que nous n'étions pas prêts et que la France risque de tout perdre !... Cependant, quand il faudrait soudain forcer l'Empereur à demander la paix, c'est vous et tous les députés de la gauche qui poussez le plus à la guerre !!!!!... Permettez moi de vous dire respectueusement, qu'en agissant ainsi, vous faites un acte d'héroïque démence inconcevable : vous soutenez la dynastie que vous voulez renverser !! vous encouragez la barbarie de l'infernale guerre !!! Vous êtes traître à la patrie et à l'humanité !!! (...) J'ose dire que vous êtes un père parricide !!!... Il appelle son correspondant à se racheter : ...Pour l'honneur et le Salut de la patrie en danger, formez le Comité Sauveur de la paix ! osez avoir le courage sacré de l'humanité toute entière !! prenez garde si vous ne demandez pas la paix, le peuple souverain déclarera demain, que vous êtes plus coupable que ceux qui ont déclaré la guerre !!...

La carrière d'Étienne-Paulin Gagne oscilla entre le Barreau qu'il abandonna deux fois et l'écriture qui le mena à la direction de journaux (Le Journal de Montélimard, L'Espérance). Son œuvre en prose et en vers s'orienta vers un spiritisme qui donna à ses publications un ton souvent excentrique. Dans le même temps, il se fit remarquer par des proclamations électorales au ton vif et acerbe, souvent fantaisistes, où il se prétendait "candidat perpétuel recommandé par Dieu" ou encore "avocat des fous". Il fit le bonheur des caricaturistes de l'époque, Cham, Gill ou encor Bertall. Il mourut pauvre sans qu'on puisse savoir s'il était véritablement malade ou un simple mystificateur.

94. GAULLE (Charles de). Né à Lille. 1890-1970. Homme d’État. Général, Président de la République française de janvier 1959 à avril 1969. L.A.S. « C. de Gaulle » à « Mon cher ami » (son éditeur). Paris, 12 janvier 1934. 2 pages in-8, en tête de la Présidence du Conseil – Conseil Supérieur de la Défense Nationale. 3 500 €

De Gaulle indique que la Revue Militaire Française doit publier ...une étude de moi sur « La Mobilisation économique à l’étranger », Étude, purement et sérieusement (?) technique, d’ailleurs. Est-ce abuser que de vous demander de m’en faire tirer à part quelques brochures ? Une trentaine, est-ce excessif ? Si cela vous semble difficile, dites-le moi très simplement... L’article de de Gaulle fut bien publié le 1er janvier 1934 par la Revue Militaire Française, avec « Le Fil de l’épée » et autres écrits.

Charles de Gaulle était affecté en 1931 au Secrétariat général de la Défense nationale à Paris. Ce nouveau poste s’avéra capital, car il fut l'occasion pour de Gaulle de s'initier aux affaires de l'État, puisqu'il avait été chargé en particulier de travailler au projet de loi militaire. Le 25 décembre 1933, il était promu lieutenant-colonel. C'est durant ces années que Charles de Gaulle développe ses théories militaires : il publie La Discorde chez l'ennemi (1924), Le Fil de l'épée (1934), Vers l'armée de métier (1934) et enfin La France et son armée (1938).

95. GAULLE (Charles de). Né à Lille. 1890-1970. Homme d’État. Général, Président de la République française de janvier 1959 à avril 1969.

L.A.S. « C. de Gaulle » à « Mon cher Christian » [M. Christian de Martignac]. [Colombey-les-Deux-Eglises], 3 janvier [19]49. 1 page in-8 à son nom. Enveloppe affranchie. 1 700 €

…Merci pour vos vœux, mon cher Christian. Les miens et ceux de votre (…) tante sont profondément sincères pour ce qui vous concerne et pour le jeune ménage que vous allez fonder. Affectueusement…

96. GENEVOIX (Maurice). 1890-1980. Né à Décize. Écrivain. Prix Goncourt en 1925 pour « Raboliot ». Membre de l’Académie française. L.A.S. « Maurice Genevoix » à « Cher Monsieur et ami » [Raymond Cortat]. Paris, 6 février 1955. 1 page 1/2 in-8. 650 €

SUPERBE LETTRE À UN AMI SUITE À LA PARUTION DE SON DERNIER ROMAN FATOU CISSÉ :

...Un voyage de conférences dans le sud-est, qui vient de se prolonger un peu au-delà de mes prévisions, m’a privé jusqu’ici du plaisir de vous écrire ; je veux dire comme je souhaitais le faire, sauf de la trépidation qui accompagne cette sorte de « tournées ». Paris va prendre sa revanche et je tends déjà le dos. Mais me voici, ce soir, chez moi, sous les yeux votre lettre et l’Auvergnat de Paris. Je m’en sens rajeuni, pour des raisons que vous savez d’avance. À mesure que les années passent, la mémoire que l’on a encore nous devient providentielle ; et même celle que l’on a perdue, puisque cette perte même est un choix et que demeure, je crois, ce qui compte et ce qui vaut. Et voilà bien, n’est-il pas vrai, ce rajeunissement dont je parlais. Me revoici au temps de la Dernière Harde [deuxième opus de son triptyque commencé avec Raboliot, la Dernière Harde parut chez Flammarion en 1938] ; plus jeune encore, juché sur un tapis volant où je vous ai pour compagnon. La sorte d’assentiment que je vous dois, attentif, lucide et fidèle, rejoint tout droit ce souci majeur qui nous arme du courage nécessaire et qui nous justifie, quelquefois, quand nous avons eu de la chance. Vous savez comme moi ce qu’est cette chance ou en quoi elle consiste au fond : beaucoup de travail, bien sûr ; mais d’abord une conscience de soi qui se confond avec l’honnêteté. Voilà de bien grands mots, ou solennels, (...) ; mais ce n’est pas ma faute si les exhibitions et les trombones de l’éternelle « foire sur la place » présentent si aisément un crédo qui se trompe d’adresse. Merci pour ma Fatou Cissé. La baguette du sourcier vous a conduit, une fois de plus, aux points d’eau, puis au vif du courant. J’en suis touché...

Maurice Genevoix fut élève au lycée d’Orléans, puis au lycée Lakanal, avant d’entrer à l’École normale supérieure. Mobilisé en 1914, il dut rejoindre le front comme officier d’infanterie. Très grièvement blessé, il devait tirer de l’épreuve terrible que fut la guerre des tranchées la matière de cinq volumes, dont « Ceux de 14 ». La paix revenue, Genevoix renonce à sa carrière universitaire pour se retirer en Sologne et se consacrer à la littérature. Son œuvre abondante a souvent pour cadre la nature du Val-de-Loire dans laquelle évoluent en harmonie hommes et bêtes. On citera : Rémi des Rauches (1922), Raboliot, qui lui valut une précoce reconnaissance avec le prix Goncourt 1925. L’ensemble de l’œuvre de Maurice Genevoix témoigne des relations d’amitié entre les hommes, entre l’Homme et la Nature, mais aussi entre l'Homme et la Mort. Son écriture est servie par une mémoire vive, un souci d'exactitude, et un sens poétique.

Raymond Cortat (1901-1972). Auvergnat de naissance, Cortat a été instituteur à Aurillac, sa ville natale, puis nommé inspecteur des écoles primaires du département de la Seine. Poète et romancier, il reçut le prix Sully-Prudhomme en 1936.

97. GESSAIN (Robert GESSEN, dit Robert). 1907-1986. Médecin, anthropologue, psychanalyste. L.A.S. « Robert Gessen » à « Mon cher Général » [au général Louis Jamet]. Stornoway, Écosse, 17 juillet 1934. 1 page 1/3 grand in-4. 160 €

Robert Gessen écrit à bord du navire de l’explorateur polaire Jean-Baptiste Charcot, le « Pourquoi Pas ? ». Gessen devait hiverner dans la tribu groenlandaise d’Ammassalik avec Paul-Émile Victor :

...Le grand travail des derniers préparatifs et de l’embarquement de tout notre matériel ne m’a jamais laissé un instant de libre... commence-t-il, ...Nous avons déjà quitté St Malo depuis une dizaine de jours et nous faisons escale dans un très pittoresque petit port de pêcheurs du nord de l’Ecosse (...). Nous atteindrons les premières glaces et le Groenland dans environ 10 ou 11 jours et ce sera le début de cette rude et magnifique nature où nous sommes destinés à vivre une année...

98. GLEIZES (Albert). Né à Paris. 1881-1953. Peintre, dessinateur, graveur, théoricien du cubisme. L.A.S. « Albert Gleizes » à « Mon cher ami ». Toul, Caserne Ney, 167e SHR, sans date [1914]. 1 page in-folio. 580 €

RARE LETTRE DE JEUNESSE DU PEINTRE : C’est depuis la caserne Ney, à Toul, où Gleizes a été mobilisé dès le début de la guerre de 1914 qu’il envoie ...les coloris des tapis et deux idées pour ceux des maisons. J’en ferai peut-être d’autres mais j’aime aussi pour le moment faire quelques projets des projections et des indications . Pour peindre les verres il faut simplement une couleur spécialement préparée qu’on trouve facilement à Paris et nullement à Toul. En son heure je vous prierai de m’en faire parvenir... Il lui a été impossible de lui télégraphier ...J’en fût réduit à vous adresser aussitôt une carte postale. J’espère qu’elle est parvenue...

Albert Gleizes et Jean Metzinger ont écrit le premier traité majeur sur le cubisme, Du "Cubisme", en 1912. Gleizes était un membre fondateur de la Section d'Or. Il a également été membre de Der Sturm, et ses nombreux écrits théoriques ont été d’abord appréciés en Allemagne, en particulier au Bauhaus où ses idées ont été prises en considération. Gleizes a passé quatre années cruciales à New York, et a joué un rôle important dans l'évolution de l'art moderne en Amérique. Il a été membre de la Société des artistes indépendants, fondateur de l'Association Ernest Renan, l'un des fondateurs et participant à l'Abbaye de Créteil. Gleizes a exposé régulièrement chez Léonce Rosenberg à la Galerie de L'Effort Moderne (Paris). Il était également le fondateur, organisateur et directeur du mouvement Abstraction-Création.

99. GREGH (Fernand). Né à Paris. 1873-1960. Poète et critique littéraire. Membre de l'Académie française. L.A.S. « Fernand Gregh » à un poète. S.l., 4 juillet 1913. 1 page 1/4 petit in-8 sur papier de deuil. 120 €

...J'ai lu les poèmes que vous avez réunis sous le titre charmant le Vent sur la mer (...). Vous avez l'harmonie et l'image ; et vos vers sont faits, même en vers libres, par quelqu'un qui sait...

100. GRIMM (Friedrich Melchior). Né à Ratisbonne (Allemagne). 1723-1807. Diplomate et homme de lettres bavarois d’expression française. L.A. à la princesse de Galitzin ou Gallizin [Amélie von Schmettau, épouse du prince russe Dimitri Galitzine]. Paris, 11 décembre 1774. 3 pages 1/2 in-8. 1 400 €

Grimm tente de se faire pardonner un silence trop longtemps prolongé : …Que n’êtes vous pas en droit, Princesse, de penser d’un homme que vous avez comblée de bonté, qui vous en paru pénétré, et qui depuis près de deux mois qu’il vous a quittée n’a pas pu trouver le moment de vous parler de son respect, de son attachement, de sa reconnaissance ? J’avoue que toutes les apparences sont contre moi, mais mon cœur n’est pas coupable… Il attend avec impatience de recevoir de ses nouvelles par Mme de Galouvin, …mais j’aimerais mieux, Princesse, que ce fût vous qui m’en donnassiez sur la route de Delft à Rotterdam. Je n’oublierai pas sitôt cette journée, quoique notre philosophe vous en doive seul les sept huitièmes et demi de la reconnaissance. Reste un demi huitième à partager entre les Comités Romanowa et moi, c’est encore trop pour moi, car enfin il faut savoir se rendre justice. Malgré mes torts, je pense, Princesse, qu’il pourrait vous arriver dans l’occasion de m’honorer de vos ordres, et je vous envoie mon adresse à tout hazard. Convenez qu’il est bien noble à moi de ne vous avoir pas demandé ce Lucio Vero de Sacchini [opéra du compositeur italien Antonio Sacchini] que vous m’aviez si généreusement offert. Il m’aurait rappelé ces moments délicieux que vous avez passés à votre clavecin. Je me figure à quel point ce clavecin est négligé depuis notre départ. Vous l’abandonnez sans l’aimer moins, c’est comme le philosophe me traite depuis mon retour [Grimm s’était fâché avec Jean-Jacques Rousseau]. Je ne l’ai presque pas vu. Je ne sais s’il vous écrit plus souvent qu’il ne voit ses amis. En revanche, je parle souvent de vous avec M. le Baron d’Holbach [Paul-Henri Thiry, baron d’Holbach, 1723-1789, savant et philosophe allemand, d’expression française] et même avec son fils. Jugez, Princesse, quel besoin j’ai de parler de vous. Madame Geoffrin m’a fait sa cour en me demandant de vos nouvelles avec une extrême vivacité. Si malgré mes torts, vous avez des ordres à donner en ce pays ci. Je soutiendrai envers et contre tous, philosophe y compris, qu’il n’existe en ce siècle ni en ce monde, personne qui vous soit plus respectueusement, plus inviolablement, et j’allais me croire philosophe et ajouter, plus tendrement attaché que moi…

« De quoi s’avise donc ce bohémien, d’avoir plus d’esprit que nous » disait Voltaire au sujet de FRÉDÉRIC-MELCHIOR GRIMM, ce précepteur bavarois d’origine fort modeste, mais qui avait suivi les cours de l’université de Leipzig, introduit dans le monde littéraire français par le philosophe Jean-Jacques Rousseau. Bientôt, on le surprit à fréquenter les salons huppés, notamment celui de Louise d’Epinay dont il devient l’amant, après avoir été le galant de la cantatrice Marie Fel, situations qui seront pour beaucoup dans l’ascension sociale rapide d’un homme sans parchemins ni rentes. Devenu l’intime de Marmontel et de Rousseau (avant de se fâcher avec ce dernier), il faut reconnaître que le secrétaire et confident du Comte de Friesen avait l’étoffe d’un diplomate mondain et conseiller aulique. En fervent galant homme, il rechercha l’esprit raffiné de certaines femmes, dont la princesse Galitzine, née Amélie von Schmettau, fille d’un général prussien, épouse du prince russe Dimitri Galitzine, ambassadeur à La Haye, elle avait été élevée à la cour de la princesse Ferdinand de Prusse, belle-sœur de Frédéric II. Installée après son mariage dans la ville de Münster, elle y jouissait d’une grande considération parmi le monde savant. Son salon devint le rendez-vous de ce que l’Allemagne comptait de plus illustre, des hommes tels que Hemsterhuis, Jacobi, Goethe ou Fürstenberg le fréquentèrent. Adepte de Rousseau, elle appliqua à la lettre ses principes d’éducation.

À la date de cette lettre (1774), Grimm fut fait baron par la Reine Marie-Thérèse d’Autriche. À ce moment il semble avoir été à l’apogée de sa gloire littéraire et mondaine, qui reposa en grande partie, sur ses chroniques publiées sous le titre de « Correspondance littéraire », un fort habile tableau de la vie culturelle parisienne, qu’il brossa pendant une vingtaine d’années de 1753 à 1773 et qui assura sa notoriété dans toutes les cours d’Europe.

101. GRIMOD DE LA REYNIERE (Alexandre Balthazar). Né à Paris. 1758-1838. Avocat, journaliste et écrivain. Il est considéré, avec Brillat Savarin, comme un des fondateurs de la gastronomie moderne. B.A.S. de son paraphe, écrit à la 3ème personne, au dramaturge Edouard Mazères. Paris, 24 juin 1827. 1 page in-12. 450 €

Charmant billet de compliments à la suite de la première de la pièce de Mazères et Picard, les Trois Quartiers, qui fut un événement parisien. Grimod souhaitait voir M. Mazères afin de ...le remercier de l'indicible plaisir qu'il a bien voulu (...) lui procurer le 8 de ce mois en lui donnant les moyens d'entendre et d'applaudir l'une des meilleures et des plus piquantes comédies de mœurs dont l'âge actuel puisse s'honorer. Privé du plaisir de rencontrer l'aimable (...) auteur de tant d'ouvrages tout à la fois comique, sensible et moraux, il le prie d'agréer avec l'hommage de sa reconnaissance, celui de sa considération très distinguée...

102. GUTH (Paul). Né à Ossun. 1910-1997. Écrivain. B.A.S. « P. Guth ». S.l.n.d. 1/2 page in-4. 120 €

CHARMANTE RÉFLEXION CULINAIRE. Répondant à un questionnaire gastronomique, Paul Guth ajoute une note …La cuisine est un des fondements de la religion, de la civilisation, du mariage. La Cène, où Jésus mangeait avec ses apôtres, était un repas, d’où est né le sacrement de la communion. C’est à table, au XVIIIème siècle, dans de délicieux soupers, que grands seigneurs, grandes dames, écrivains réalisaient ces chefs d’œuvre d’urbanité où les mets succulents, les étincelles de l’esprit, le charme du décor, la grâce des femmes atteignaient la cime de l’art de vivre. C’est par la cuisine, prouvant et relayant l’amour, que les femmes retiennent leur mari dans le mariage. C’est par la cuisine que la France peut être par le monde une maîtresse de civilisation et de paix. Le jour où la cuisine sera remplacée par des boites de conserve ou des pilules, la vie n’aura plus grand intérêt…

Après avoir collaboré au Figaro littéraire et à la Gazette des lettres comme critique littéraire, Paul Guth publia son premier ouvrage, Autour des dames du Bois de Boulogne, en 1945. Il se fit connaître en 1953 grâce à la publication, aux éditions Albin Michel, des Mémoires d’un naïf. Dès lors, il se consacra à la littérature et présida l’Académie française à partir de 1987.

103. GUYOT. Apothicaire, distillateur du Roi (Louis XV). M.A. intitulé « Mémoire du Sr Guyot, fait d’après des pièces autantiques pour servir dans le besoin a sa famille ». 27 avril 1778. 15 pages 2/3 petit in-folio, soit 9 feuillets attachés par un petit cordon rouge (premier feuillet détaché). 380 €

AMPLE ET INTÉRESSANT MÉMOIRE D’UN APOTHICAIRE DE LOUIS XV, relatif à son invention d’une « eau préservative » et à celle d’une « eau pour les yeux » par le comte d’Osenbray. Cet exposé est destiné à sa famille, afin qu’elle puisse, si nécessaire, faire valoir ses droits. Dans ce but, le mémoire établit les faits qui se rapportent à ses inventions et récapitule les démarches entreprises par Guyot et ses protecteurs pour obtenir réparation des préjudices qu’il estime avoir subis. Guyot fait valoir tout d’abord que Louis-Léon Pajot, comte d’Onsenbray (Paris, 1678-1754), académicien honoraire, lui léguait par testament sa collection d’histoire naturelle constituant son cabinet, reconnaissant que l’eau conservatrice, dont il usait pour la conservation de celle-ci, était de l’invention de Guyot. Or le roi ayant désiré acquérir pour l’Académie des sciences le secret de cette eau, versa à Guyot une pension de 1 200 livres. Du fait de cet octroi, d’Osenbray transforma, par un codicille, le legs de son cabinet à Guyot, en faveur de l’Académie, ce qui représentait une perte de 20 000 livres. À l’appui de cet exposé Guyot recopie les lettres envoyées successivement par lui et le Mal de Mouchy (le comte de Noailles) aux membres de l’Académie. Pour finir, il procède au récit des ennuis qu’il a rencontrés à la suite de la distribution gratuite aux pauvres (distribution qui dure depuis 60 ans, dont 40 par lui-même) de l’eau pour les yeux conformément aux souhaits de son inventeur, le comte d’Onsenbray.

104. GYP (Sybille Riquetti de de Mirabeau). Né à Coetsal. 1850-1932. Femme de lettres. P.A.S. « Gyp ». 1 page in-8 oblong. 80 €

Aphorisme : ...Pourquoi la seule pensée d'écrire sur un album, rend-elle subitement idiot ?...

105. HUGO (Victor). Né à Besançon. 1802-1885. Poète, écrivain et homme politique. L.A.S. « Victor Hugo » adressée à M. de Montigny fils. Paris, 17 décembre, s.d. (1835 ?). Adresse et cachet postal. 2 200 €

...Pardon (...) de vous répondre si tard, j'ai les plus méchants yeux du monde, et l'on me défend d'écrire... Pourtant, ...avec ces méchants yeux (...) je serai toujours bien charmé de vous voir ainsi que Monsieur votre père. Vous êtes de cette nouvelle génération, si digne et si généreuse, à laquelle je suis fier d'appartenir encore par le petit bout de jeunesse qui me reste, génération que j'aime et que j'admire et dont je veux être aimé et estimé...

106. HUGO (Victor). Né à Besançon. 1802-1885. Poète, écrivain et homme politique. L.A.S. « Victor Hugo » à « Mon jeune et cher confrère », M. Albert Mérat. H.H. (Hauteville House), s.d., 8 juillet. 1 page in-12 sur papier bleu. 2 500 €

JOLIE LETTRE DE COMPLIMENTS : ...C'est une chose charmante que votre poème de la beauté, chaque sonnet est un pétale de la grande fleur Vénus. En vrai poète que vous êtes, vous faites semblant de chanter la chair, et en réalité vous chantez l'idéal. Ce qui se dégage de votre doux et précieux livre, c'est le profond charme de l'Ame. Volupté est le prétexte, Amour est le motif. Je vous remercie de votre cordial envoi, et je vous applaudis...

Albert Mérat (1840-1909) est un poète, écrivain et traducteur. Il appartient au mouvement des poètes Parnassiens, comme Théophile Gautier ou José- Maria de Hérédia. Pendant les années d'exil de Victor Hugo à Guernesey, Albert Mérat a publié trois recueils de poésies : Avril, Mai, Juin, sonnets (1863) ; Les Chimères, sonnets (1866) et L'Idole (1869).

107. HUMBOLDT (Alexandre de). Né à Berlin (Allemagne). 1769-1859. Astronome, naturaliste, géographe et explorateur allemand. Par la qualité des relevés effectués lors de ses expéditions, il a fondé les bases des explorations scientifiques. L.A.S. « Al Humboldt ». S.l.n.d. 1/2 page in-8. Belle lettre. RARE. 700 €

...Une personne recommandée par vous Monsieur, devoit fixer tout mon intérêt. J’ai toujours du temps de reste lorsqu’il s’agit d’être utile à un si excellent jeune homme, modeste, intelligent et laborieux. C’est le devoir d’un homme de lettres et je tiens à ce devoir et à ce titre qui seul m’a procuré quelque avantage dans le monde... J’aurai l’honneur de vous consulter sur une démarche que je voudrais faire moi même en nommant Mr Cuvier : je parlerais avec plus de chaleur que cet homme illustre qui a eu trop longtemps l’habitude de vivre avec des Conseillers d’Etat de Napoléon et les animaux à sang froid...

Georges Cuvier (1769-1832) est un anatomiste et paléontologue, membre de l’Académie française et de la Paierie.

108. INGHELBRECHT (Désiré-Émile). Né à Paris. 1880-1965. Chef d’orchestre et compositeur. Ami de Debussy. Fondateur de l’Orchestre national de la Radiodiffusion française (1934). L.A.S. « D.E. Inghelbrecht ». Paris, 19 mars 1914. 1 page 3/4 in-4. En-tête de l « Association Chorale Professionnelle de Paris ». 270 €

...Merci pour l’envoi de Boris (...). Mr de Polignac vous communiquera la lettre que j’ai reçue du Syndicat rémois, le Conseil fédéral de Paris la désapprouve d’ailleurs vigoureusement et refusera l’insertion demandée ; ces jeunes syndiqués auraient besoin d’être sérieusement semoncés par le Comité de la Sté Philarmonique, et ils fileraient tout doux, définitivement ; mais le Comité semoncera-t-il ces gens qui veulent se donner l’allure d’épouvantails ?...

109. JACOB (Max). Né à Quimper. 1876-1944 (camp de Drancy). Peintre et poète. L.A.S. « Max Jacob » à André Malraux. Sainte-Maxime, 8 avril 1920. 3 pages in-4. 1 800 €

SUPERBE LETTRE DE MAX JACOB AU JEUNE ANDRÉ MALRAUX (né en 1901) : ...Votre ami, Monsieur l’Hindou connait mal le français moderne : génie ne s’emploie plus dans le sens d’ingéniosité, c’était bon du temps du sanscrit. Le génie selon moi est une révélation de ce qu’on ne connait pas, un dédoublement de la personnalité, un voyage de l’âme dans le pays où le corps ne va point. Il faudrait pour que j’eusse montré du génie sur le sujet des sauterelles qu’au moins mon explication fût bonne. Or elle ne l’est point, dit le même monsieur l’Hindou qui m’accorde du génie. Ses raisons, il est vrai, sont mauvaises : il déplace la question. Que tout ascète soit nommé mangeur de sauterelles dans l’Inde, cela empêche-t-il que la sauterelle soit symbole « d’indépendance et de vie monastique » ? Bien au contraire, ce commentaire appuie ma thèse que les symboles de l’Evangile sont communs à toutes les religions et à toute l’antiquité (...). Restons-en là ! Ce n’est pas que ma modestie soit gênée, elle est telle que rien ne la peut démonter et qu’elle s’ignore même. Je me borne à rire un peu de Monsieur l’Hindou qui est allé chercher des renseignements géographiques dans le « Siège de Jérusalem » et du génie dans son auteur... Je connais la castration d’Origène et je pensais jadis à l’imiter. Je n’ai pas d’idées spéciales sur la persécution de Démétrios. Parlez-moi souvent de ce cher homme dans vos lettres... Pour en revenir à monsieur l’Hindou faites le moi connaître à mon retour je vous montrerai à tous deux un manuscrit trop hérétique pour être publié mais qui est plein de sauterelles... Oui, c’est Carco ! Ce n’est pas une relation saine pour un jeune homme de lettres. Tristan Derême ? je ne me rappelle pas son œuvre et ne connais pas sa personne. Le manuscrit etc... par André Salmon livre très ému, un peu nostalgique avec cette grâce spirituelle émanant de Salmon. À l’époque ou presque tout ce livre fut écrit : Apollinaire, Picasso, Salmon et moi nous n’avions qu’une âme. Ce livre est une époque, la mienne et celle de mes amis. Quoi d’étonnant que les uns paraissent souvent avoir copié les autres. Salmon me doit mais je dois plus à Salmon, je pense. Lors de nos débuts dans la poésie moderne, je n’avais qu’un désir ressembler à Salmon, c’est dans un tel but d’imitation que j’ai écrit des poèmes en prose... Il ajoute en p.s. : ...Je travaille beaucoup : deux gouaches en huit jours et d’innombrables pages des « Nuits d’Hôpital et l’Aurore »...

Les « amis » comme les nomme Max Jacob dans cette lettre, Apollinaire, Picasso Salmon, se sont connus dans les années 1905, sur la butte Montmartre, au temps du célèbre Bateau lavoir, (nom suggéré par Jacob). Dès la parution du « Cornet à dés », poème illustré d’une gravure cubiste en frontispice par Picasso, Max Jacob marquait sa génération du sceau de la nouveauté qui éloignait de la poésie mallarméenne... Quant à André Salmon, il fut, avec Maurice Raynal, un grand défenseur du Cubisme et de Guillaume Apollinaire.

Max Jacob fait allusion à la fin de sa lettre au « Manuscrit trouvé dans un chapeau », seul livre de Salmon illustré par Picasso. « Les hommes auront vécu un jour selon leur cœur » : cette phrase de Salmon, que l’auteur de l’Espoir reprendra à son compte, attira plusieurs jeunes auteurs qui refusaient de se soumettre à l’autorité d’un André Breton. Désormais, les combats d’avant-garde appartenaient au passé. La Négresse du Sacré-Cœur, roman à clé de Salmon dont les personnages ne sont autres que Picasso, Max Jacob, Max Orlan et Salmon lui-même évoquait avec nostalgie « le Montmartre de nos vingt ans »...

110. JAFFEUX (Charles). Né à Riom. 1902-1941. Peintre et graveur. Il est rattaché aux artistes de l’école de Murol. L.A.S. « Ch. Jaffeux » à Raymond Cortat. S.l., 2 et 3 mars 1936. 4 pages in-8. On joint une eau-forte intitulée "Le Massif du Sancy" de Charles Jaffeux. 180 €

BELLE LETTRE. Jaffeux annonce à Cortat différents envois et le prévient : …je compte vous remercier encore mieux lorsque vous viendrez. (…) Serez vous en Auvergne pour les vacances de Pâques ? Je compte bien aller peindre à Mandailles 3 ou 4 jours à ce moment là. J’espère qu’il y aura encore de la neige. Je voudrais tant voir les monts du Cantal tout blancs et ces forêts que j’ai vues si vertes couleur de rouille. Nous pensons, du reste retourner passer un mois dans le Cantal l’été prochain. Je vais vous envoyer qqs peintures et aquarelles. Vous aurez tout le temps d’ici l’été pour en liquider qqs unes - peut être - En tout cas merci encore une fois pour votre coup d’essai qui fut bien un « coup de maître ». Aujourd’hui j’ai fait mon envoi à la Ste Nationale des Bx Arts. Que de frais et de dérangements pour ces sortes d’expositions ! Mais il le faut, et, si je ne veux pas multiplier mes participations aux différents salons, j’envisage des envois beaucoup plus conséquents pour l’an prochain et les autres années. Cette année j’ai envoyé 3 œuvres à la section peinture et 3 à la section gravure… Il évoque ensuite le Dr Balme, une relation commune, et s’étonne : …Mais qu’il y a de zizanies même dans le milieu des hommes ! (…) Quand on parle de qq’un il faut être circonspect, diable ! Car il y a des foules de clans, tout comme du temps des Gaulois, bien entendu. (…) Vous aurez, si vous le voyez, l’occasion de parler avec lui de Pourrat. Vous ferez bien de lui faire comprendre, incidemment, le côté essentiel de la « Cité perdue ». Je sais que Balma n’a pas très goûté ce livre-là. Pourrat n’a sans doute pas été assez chaud partisan de la traditionnelle Gergovie et aux yeux de Balme il s’en est sans doute laissé bien compter tant au sujet des côtes de Clermont que des fameux gaulois (?) du père Bonabry (au nom prédestiné !). Ici la fièvre gauloise n’est pas tombée et à propos de la composition du Comité régional pour l’Exposition de 1937 la bataille fut digne de celle de Gergovie…

111. JAMES (Henry). Né à New-York. 1843-1916. Écrivain américain naturalisé anglais. L.A.S. « Henry James » [à l’acteur Coquelin aîné]. S.l.n.d. [vers 1890, Paris, ce dimanche]. 4 pages in-8, à son adresse à Londres. 1 900 €

BELLE LETTRE, à celui que James appelait le « Balzac des acteurs » : …Vous me comblez de bienfaits, mais croyez bien que je n’ai pas d’hésitations à les engloutir tous. Mille fois oui, décidément pour vos deux généreuses invitations. J’accepte avec la plus profonde reconnaissance le fauteuil pour vendredi (ce sera la 1ère 1ère que j’aurai vue, quelque part, de ma vie) et je prends bien note de Jeudi, 11h30 pour me présenter chez vous… Il a lu attentivement les deux articles sur Molière : …Ils me paraissent très-solides de pensée & d’une netteté d’expression & d’intention qui me rappelle ce qu’il y a de peu embrouillé dans votre jeu. Je suis tenté de vous remercier comme d’un service (ou d’une revanche) personnel du ton & de la vigueur de votre réponse à M. Brunetière, dont la sécheresse de goût & la maigreur d’imagination me font depuis longtemps regimber sous sa férule. Voilà bien la manière juste & bonne de parler de ce grand, ce large, ce bon Molière…

Le grand romancier américain admirait notre langue parlée et, lorsqu’il se trouvait à Paris, n’hésitait pas à se rendre dans les différents théâtres de la capitale. Son théâtre de prédilection était la Comédie-Française « la première scène du monde » disait-il, où se produisaient les meilleurs artistes, dont Constant Coquelin l’aîné (1841-1909) qui y fut sociétaire pendant une grande partie de sa carrière avant de prendre la direction du théâtre de la Porte- Saint-Martin où il créa avec brio le rôle de Cyrano de Bergerac d’Ed. Rostand. Note : la rue « De Vere Gardens » (Londres) se trouve dans le quartier de Kensingston Road, au sud de Hyde Park. Henry James y vécut de 1886 à 1896. 112. JANIN (Jules). Né à Saint-Étienne. 1804-1874. Écrivain et critique. Il fut élu à l'Académie française en 1870. Brouillon de L.A. à « Sire » (le Roi Louis-Philippe), à l’attention de Mlle Redouté (la fille du peintre Pierre-Joseph Redouté). S.d. (1840). 1 page in-4. 220 €

VIBRANT HOMMAGE AU PEINTRE SURNOMMÉ LE « RAPHAËL DES FLEURS », PIERRE-JOSEPH REDOUTÉ (qui venait de mourir) : ...Un grand artiste de ce temps-ci qui était le sujet de votre Majesté et que votre Majesté a traité avec cette rare bonté qui est le patrimoine des artistes, est mort il y a quelques mois, en laissant à sa veuve et à sa fille, pour tout héritage, qu’un nom illustre et respecté et deux tableaux de fleurs qui sont à la fois le chef d’œuvre et la dernière œuvre de Redouté... Sire, la veuve et la fille de Redouté encouragées par votre bonté royale, ont pensé que peut-être votre Majesté désirerait acheter ces deux tableaux d’un homme que sa Majesté la Reine des Belges, avait la coutume d’appeler son Maître, et qui est mort pour ainsi dire le pinceau à la main...

Janin met en copie à l’attention de la fille du peintre ce brouillon, et ajoute en pied, ...Bonjour, vous voyez que l’on pense à vous, mes respects à Madame votre mère, s.v.p.... signé « J.J ».

Pierre-Joseph Redouté (1759-1840) avait été surnommé le Raphaël des fleurs. Il était né à Liège, et son œuvre peint considérable fit de lui le peintre et le poète de la fleur universelle. Il ne se mêla jamais de politique et eut pour "élèves" des têtes couronnées, des princesses et les femmes les plus distinguées. C'est Jules Janin qui écrivit l'introduction à l'ouvrage qu'il dédia en 1836 à la Reine des Belges sous le titre : " Choix de soixante roses dédiées à la Reine des Belges". Sa dernière œuvre, c'est encore un choix de roses destiné à la famille de Louis-Philippe et qui parut après sa mort sous le titre de "Bouquet Royal".

113. JOU (Luis Felipe-Vicente Jou i Senabre, dit Louis). Né à Gracia (Espagne). 1882-1968. Peintre et graveur. Dessin original à la plume adressé à Madame Julienne, styliste chez Poiret. Paris, 16 février 1929. 1 page in-4, papier à ses monogramme et adresse. Dim. : 27,5 cm x 19,3 cm. 390 €

Amusante caricature dans laquelle Jou se représente, portant un chapeau mou et d’énormes lunettes rondes qui débordent de son visage. La femme, à ses côtés, vêtue d’une ample pelisse, porte une voilette. Le peintre a écrit ce commentaire sous le dessin : …Ça, c’est Jou tellement est désolé de (ne) pas vous voir…

114. JOUVE (Pierre Jean). Né à Arras. 1887-1976. Poète et romancier. M.A.S. « Pierre Jean Jouve », intitulé « À propos du XXe siècle ». S.l.n.d [vers 1950]. 10 pages in-folio sur papier vergé fort, encres bleue et rouge. 2 500 €

TRÈS BEAU TEXTE CRITIQUE SUR L’ART ET LA MUSIQUE DU XXE SIÈCLE : Jouve fait l’apologie de l’opéra Wozzeck d’Alban Berg (Jouve qui était un inconditionnel de Berg, avait écrit plusieurs articles sur le compositeur autrichien) :

…Au XIXe siècle, à Paris, Wagner, Baudelaire, Courbet, Mallarmé et Cézanne étaient hués par le Public, dévoué aux « poncifs »… Aujourd’hui l’art moderne devrait …toucher des collectivités vastes, répondre à l’évolution démocratique vers le nombre… Or, déplore-t-il, on n’a jamais connu …un plus grand isolement de l’art, une pareille adaptation de l’art aux qualités de la vie spirituelle restreinte, celles d’une élite dont le visage n’est pas connu… Il se félicite que l’exposition « L’Œuvre du XXe siècle », qui se déroulait à Paris en mai dernier, ait montré ce que la création contemporaine comporte de meilleur et …Sans paradoxe, on peut dire que « l’œuvre du XXe siècle », dans l’opéra, nous l’avons entendue : c’est Wozzeck. On ne peut sous-estimer l’importance de l’apparition, à Paris, du Wozzeck d’Alban Berg. L’impression profonde que cet ouvrage génial a faite sur tous les esprits (…), l’écrasant succès des deux représentations dirigées par Karl Böhm et phénoménalement incarnées dans les deux protagonistes Christl Golz et Joseph Hermann, affirment que quelque chose de vraiment nouveau s’est produit en France… Jouve annonce qu’il prépare …sur Wozzeck un travail critique très développé : je dis qu’il est impossible de concevoir une science de la forme la plus approfondie, plus poussée, plus totale, et que cette forme où toute note a une signification rigoureuse se met par prodige au service de l’invention jaillissante et de la vérité dramatique… Il interroge ensuite sur les raisons qui ont fait ignorer si longtemps du public français ce prodigieux opéra. Puis, revenant aux concerts proposés lors de l’exposition : …On peut dire que Le Sacre du printemps d’Igor Strawinsky n’a pas subi de vieillissement dans sa force brute de grand mythe obsessionnel, et que l’extraordinaire bloc de sonorité et de rythme possède toujours son mystère… Il estime que seul, le 2e concerto pour piano et orchestre de Belà Bartok, peut égaler le Sacre… et conclut …l’Art est une longue bataille (…) la novation à la fois la plus rigoureuse et la plus souveraine de la Musique moderne aura, d’une manière ou l’autre, une influence réelle… Jouve se propose d’offrir ce manuscrit à son ami THÉO LÉGER, …en souvenir de Sils, l’année dernière…

115. JOUVE (Pierre Jean). Né à Arras. 1887-1976. Poète et romancier. POÈME A. avec une dédicace Signée « Pierre Jean Jouve » à « Théo » (à son ami poète Théo Léger). S.l.n.d. 2 pages in-folio. 450 €

SUPERBE POÈME EN PROSE (DE DÉPIT) : ...Ainsi je vivrai, te supposant fidèle, comme un mari trompé ; la face de l'amour toujours pourra sembler amour, quoique altérée ; ses regards avec moi, et son cœur bien ailleurs. Car ne peut vivre aucune haine dans ses yeux, et là son changement je ne puis déceler. L'histoire d'un cœur faux, dans beaucoup de regards, est inscrite en humeurs, sourcils, traits étrangers. Mais le ciel te créant décida qu'en ta face le doux amour toujours habiterait ; quelque soit le travail de ton cœur en pensée, ton aspect ne devrait rien dire que douceur. Que pareille à la pomme d'Ève croît la beauté, si ta douce vertu ne répond à l'aspect... Toujours ces pierres vertes, ces choses minuscules, ces énormes coulées de roches et ces vagues bleutées et ces prés plateaux d'or à des ciels courroucés. La profonde tranquillité du voisinage de la neige. Quelque incertain retour éternel ramenant des vieilles images. Les amours mortes avec la colline rosée. Oh se détende l'arc de la mort qui chaque matin sévie sur la lumière. Renaisse le désir de la gloire et du corps. S'accomplisse l'indifférence heureuse de la pureté et sur le vieux monde de l'organe usé apparaisse le sourire jeune du Dieu sage...

Jouve se fâcha avec son ami Théo Léger lorsque que celui-ci voulut créer sa propre maison d'édition et refusa de publier un long poème de Jouve, par manque de moyens. Jouve, furieux, lui écrivit une lettre incendiaire et se brouilla avec lui. Ils se réconcilièrent ensuite, grâce à la psychanalyste Blanche Reverchon, l'épouse de Pierre Jean Jouve, auprès de laquelle Théo Léger suivait une analyse.

Pierre Jean Jouve a eu « plusieurs vies ». Avant 1914, il est un des écrivains de l'unanimisme, ce mouvement créé par Jules Romains, puis un membre actif du mouvement pacifiste animé par Romain Rolland pendant la Première Guerre mondiale. À partir de 1921, une profonde rupture a lieu grâce à sa seconde épouse, la psychanalyste Blanche Reverchon, traductrice de Sigmund Freud (1923) et amie de Jacques Lacan. Elle fait de lui l'un des premiers écrivains à affronter la psychanalyse et à montrer l'importance de l'inconscient dans la création artistique, et cela dès le milieu des années 1920. On peut citer parmi les œuvres de cette époque ses recueils de poèmes : Les Noces (1925-1931), Sueur de Sang (1933-1935), etc. Il a été aussi, dès 1938 et pendant son exil en Suisse, un important acteur de la résistance intellectuelle contre le nazisme, avec ses poèmes apocalyptiques de Gloire et de La Vierge de Paris.

116. KISLING (Moïse). Né à Cracovie. 1891-1953. Peintre et dessinateur français d’origine juive . L.A.S. « Kiki » à ANDRÉ DAVID. Washington, 25 novembre 1943. 4 pages in-8. Papier gravé à « Brazilian Embassy, Washington ». Enveloppe contresignée avec adresse (André David, 239 S. Reeves Dr. Beverly Hills, California), timbre et cachets postaux. 1 400 €

BELLE LETTRE DANS LAQUELLE KISLING PREND LA DÉFENSE DU GÉNÉRAL DE GAULLE : LE PEINTRE S’ÉTAIT EXILÉ AUX ÉTATS-UNIS POUR FUIR LES PERSÉCUTIONS NAZIES CONTRE LES JUIFS : …j’ai une envie folle de partir vers vous pour respirer un peu d’air de cet air si calomnié de Hollywood... à Washington, il vit au milieu de diplomates qui se disent ...réalistes et Dieu seul sait ce que ce mot comporte comme abnégation de toute chose humaine… Il conte une étrange anecdote : s’imaginant manger à la table d’individus qui lui diraient : …″vous êtes partisan de de Gaulle et vous ne comprenez rien de la réalité″. Ils poussent la réalité à tel point qu’ils oublient même leurs morts qui ont été tués par les mêmes Messieurs qui ont donnés l’ordre de tirer dessus. Peut-être c’est bien d’oublier quand on est devant les nazis et de se dire avant tout gagnons la guerre et après nous verrons. (…) ça n’empêche pas de rager quand on voit comme on traite ici l’homme qui a sauvé l’honneur de la France !...

Moïse Kisling suit les cours de Josef Pankiewicz, son professeur aux Beaux-Arts, avant de décider sur ses conseils de venir à Paris en 1910. Il fait partie des artistes qui quittent leur pays avant la Première Guerre Mondiale, pour rejoindre ce qui s'appellera plus tard « l'École de Paris », dont il sera l'un des principaux représentants. Il vit et travaille à Montparnasse. Pendant la seconde guerre mondiale, Kisling, d’origine juive, se réfugie aux États-Unis.

117. KOYRÉ (Alexandre). Né en Russie. 1892-1964. Philosophe et épistémologue français, d’origine russe. L.A.S. « A. Koyré » au philosophe Merleau-Ponty. Marseille, 29 janvier [1940]. 2 pages grand in-8. Vignette gravée de la société des Télégrammes PLM Terminotel-Marseille. RARE. 480 €

TRÈS BELLE LETTRE.

...J’espérai vous voir apparaître un de ces jours pleins d’Entschlossenheit (de détermination) qui serait devenue pour vous Alltäglich (une banalité). Hélas, une suggestion pressante de M. Marx me fait quitter Paris pour un voyage en Orient. Encore une fois l’Égypte, la Syrie. J’y vais à titre civil, bien entendu... Il pense être de retour vers le mois de juin et espère que la situation ...n’aura pas changé au point de modifier nos projets concernant les Recherches. J’espère que vous pourrez, malgré l’étude de la signification militaire des termes philosophiques, faire un papier philosophique. Je crois, d’ailleurs, que, pour pouvoir en faire en ces temps-ci, il faut être militaire. Nous, pauvres civils, nous n’avons pas l’équanimité d’esprit que l’on devrait avoir. Coincé entre les sentiments d’impuissance et d’inutilité, on n’arrive pas à faire quelque chose. Et l’on a tout son temps pour méditer des sujets désagréables... Nos amis Weil et Kojève [Eric Weil et Alexandre Kojève, philosophes hégéliens] ont été « called to the arms» (mobilisés). Peut-être les verrez-vous un jour ; K. (Kojève) du moins qui a été affecté à votre Rgt (régiment)... Nous nous embarquons demain. C’est très pénible de quitter la France en ce moment ; et tous les raisonnements sur l’utilité, le devoir, les services, etc. n’y font rien. C’est très pénible...

Alexandre Koyré est un philosophe et historien des sciences. Ses travaux d’épistémologie et d’histoire des sciences portent sur Galilée ainsi que sur la cosmologie aux XVIe et XVIIe siècles. Alexandre Koyré partagea la direction de la revue Recherches philosophiques, avec Albert Spaïer.

Maurice Merleau-Ponty est une des plus grandes figures d’après-guerre de la phénoménologie, avec Husserl, Sartre et Heidegger.

Eric Weil est né en Allemagne (1904-1977). À l’accession d’Hitler au pouvoir en 1933, il quitte l’Allemagne. À Paris, il participe notamment aux Recherches Philosophiques, la revue d’Alexandre Koyré et au séminaire sur Hegel d’Alexandre Kojève. Il est naturalisé français en 1938. Prisonnier pendant la guerre de 1940 d’un stalag, à son retour de captivité Eric Weil participe avec Georges Bataille à la fondation et à la rédaction de Critique dans laquelle il écrit de nombreux articles. Dans les années qui suivent il publie son grand ouvrage de philosophie première, Logique de la Philosophie (1950), puis Philosophie politique (1956) et Philosophie morale (1961), ainsi que nombre d’essais. Il enseigna la philosophie à la Faculté des Lettres de Lille, puis, à celle de Nice.

118. KREUTZBERG (Harald). 1902-1965. Danseur allemand, L’UN DES REPRÉSENTANTS LES PLUS POPULAIRES DE LA DANSE EXPRESSIONNISTE ALLEMANDE. L.A.S. « Harald Kreutzberg ». En allemand. S.l. (Boll-Beru), 17 janvier 1964. 1 page in-4 gaufré à son nom. RARE. 210 €

Kreutzberg refuse d’enseigner la danse : après l’avoir remercié de sa lettre et lui avoir annoncé son retour prochain de Bern, ...Ich liebenwürdige Aufforderung hat mich sehr gefreutn aber ich muss Irhen sagen, dass ich ihr nidet Folge leisten kann. Ich habe mein Leben lang inh der ganzen Welt getantz, aber es hat mich wie geloctet, darüber zu reden. Ich glaube, dass ich am Vortragspult nicht dieselbe Kraft geben könnte , wie ich Sie auf der Bühne oder beim Unterricht (leçon) geben kann. Ich hoffe, Sie haben für meine Absage Verständniss …

…Votre aimable invitation m’a ravi, mais vous devez savoir quelle conséquence cela aura. Ma vie est depuis longtemps dans le monde de la danse, (...). Je crois que, même en vertu d’une chaire, je ne pourrais pas donner la même énergie dans des conférences que je le fais sur scène ou pendant les cours de danse. J’espère que vous aurez compris mon refus...

119. LABBÉ (Paul). Né à Arpajon. 1867-1943. Grâce à sa connaissance de la langue russe, Paul Labbé voyagea en Russie et en Asie Centrale. Il en rapporta des documents précieux qui servirent au Muséum d’Histoire naturelle, au Musée d’Ethnographie et au Musée Guimet. 20 pages in-4 imprimées (numérotées au crayon) avec de nombreuses corrections, ratures et ajouts autographes, intitulées « À travers la Serbie. Impressions de Voyage » signées « Paul Labbé » en tête. 280 €

INTÉRESSANTES PAGES D’UNE CONFÉRENCE RELATANT LE VOYAGE QUE L’EXPLORATEUR FIT EN SERBIE PENDANT L’ANNÉE 1909.

Labbé explique que grâce à la recommandation du général Dodds auprès du Roi de Serbie, il put voyager sans difficultés dans tout le royaume. ...Je suis parti de Belgrade. J’ai visité les régions agricoles, le Danube, la vallée du Timok. Enfin j’ai visité les mines de l’intérieur, les charbonnages et, dans le sud la merveilleuse vallée de l’Har et les grands monastères du pays. Jamais je n’ai trouvé un accueil plus charmant que dans ce pays de Serbie où l’hospitalité est si délicieusement offerte, où l’accueil fait à l’étranger, au Français est si simple et si cordial à la fois... Labbé expose certaines coutumes serbes qui mêlent liturgie chrétienne (orthodoxe) et anciennes traditions païennes, comme dans la cérémonie du « slava », fête de la famille, le pope ...asperge les habitants avec une branche de basilic trempée dans de l’eau bénite, et après avoir prié devant l’image du saint protecteur de la famille, il la parfume avec de l’encens (...). Pendant quelques jours le jeûne est prescrit, la veille de la fête on va prier sur les tombeaux des parents morts, et on allume une veilleuse devant l’icône qui occupe la place d’honneur dans la maison. Les femmes travaillent, elles préparent un gâteau fait de froment bouilli que les gourmets mélangent avec des noix et des amendes pilées. Enfin le jour de fête arrive (...). Un cierge est allumé et le pope vient dire une dernière prière, il coupe un pain bénit qu’il arrose avec du vin... La fête de Noël est de même, l’occasion d’exprimer différents rituels, ...En Serbie ce sont les jeunes gens qui vont couper la bûche. Avant de la couper, ils mettent leurs gants, car on ne doit pas toucher à l’arbre sans respect. À genoux autour ils demandent pardon à l’arbre de ce qu’ils vont faire. On porte ensuite la bûche dans la maison où elle doit entrer par le gros bout. Le père l’attend devant sa porte, un cierge à la main. La mère de famille jette dans la maison des céréales, du blé, du maïs, semblant dire ainsi que c’est avec la bûche, la joie et la prospérité qui vont entrer dans la maison. La bûche est mise devant le foyer, on y répand un peu de miel et, deux par deux ; comme nous sous le gui, on va s’embrasser au-dessus de la bûche… Le reste du texte est consacré aux ressources économiques du pays, notamment les ressources minières. Paul Labbé termine sa conférence en évoquant la situation politique du pays. ...J’avais appris que la Bosnie était devenue autrichienne. Je parcourus un pays tout à fait agité et quand j’arrivai à Belgrade, on parlait de mobilisation et chaque Serbe, jeune ou vieux allait se faire inscrire comme soldat. Les manifestations étaient calmes et impressionnantes. (...) Il y a en Europe quelque chose comme 10 millions de Serbes. Quand on a fait le royaume de Serbie on n’a pas voulu voir qu’on laissait en Hongrie un grand nombre de Serbes en Turquie. Or, les Serbes ont conservé pour leurs frères soumis au joug étranger une affection profonde, ils rêvent de voir constituer la grande Serbie et, avant les affaires de Bosnie, tous ceux qui me parlaient le faisaient avec émotion...

120. LALOU (René). Né à Boulogne-sur-Mer. 1889-1960. Critique littéraire. L.A.S. « René Lalou » à Pierre Abraham. S.l., 2 février 1936. 2 pages in-8, papier bleu. 280 €

BELLE LETTRE. Sollicité pour rédiger un article à la place de Pierre Abraham qui est empêché, Lalou n’hésite pas à demander quelques conseils :

...Comme je souhaite que ce mot soit inutile et que je vous trouve chez vous tout à l'heure !... J'avais déjà eu de la peine à établir un plan pour cette fin de semaine extrêmement chargée (...) quand Chamson m'a téléphoné vendredi à midi et m'a demandé de passer voir Martin-Chauffier vers cinq heures. Vous savez ce qui s'est dit dans ces conversations puisqu'à ma première question "est-ce en accord complet avec Pierre Abraham ?" on m'a répondu que l'entente était absolue... Il comptait le voir à la Mutualité, pour une ...longue conversation (...). Car je n'ai accepté, une fois amusé de votre consentement, qu'à la condition de faire quelque chose de différent de ce que vous faites et qui m'intéresse d'autant plus que ce n'est pas mon genre de critique. J'en suis à ce point convaincu que j'ai fait remarquer à Chamson et à Martin-Chauffier que nous pourrions fort bien parler des mêmes livres, et même dans le même numéro, sans que cela fasse double emploi. Mais pour le début, les lecteurs ne comprendraient pas et seraient déroutés. Or il faut que je fasse un article dans la matinée de demain lundi. Si je ne vous ai pas rencontré ce soir, j'essaie de prévoir ce qui vous dérangera le moins. Je pense donc à deux livres tout récents et que vous n'avez peut-être pas eu le temps de lire encore : Mes Apprentissages de Colette et Porcelaine de Limoges de Chardonne. Si vous avez parlé de l'un des deux, je vous demande de me téléphoner demain matin avant neuf heures et demie ; vous me direz les titres des volumes que vous avez choisis pour cette semaine et je pourrai encore m'arranger. Si je ne reçois rien de vous, je parlerai de ces deux là...

121. LAMARTINE (Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine dit, Alphonse de). Né à Mâcon. 1790-1869. Poète. Homme politique, orateur d’exception, défenseur de la IIe République. Grande figure du Romantisme français. L.A.S. « Lamartine » à « Mon cher Jaquelot » [Louis de Jacquelot de Boisrouvray]. S.l. [Paris, 82 rue de l’Université], s.d. [septembre 1842]. 3 pages in-8. 850 €

TRÈS BELLE LETTRE ADRESSÉE À UN AMI CHER APRÈS LA MORT DE SA SŒUR [Elisa de Jacquelot, décédée le 11 septembre 1842] : …Mon cœur partage vos douleurs et vous remercie de lui en donner sa part. Vous avez deux fois si bien partagé les miennes [Lamartine se souvient ici de ce que Jacquelot lui avait écrit après la mort de sa fille Julia]. Dieu seul peut vous inspirer ses consolations (…), Je ne puis donc vous en présenter que la sympathie de l’amitié. Je suis a Paris tentant peniblement de faire place a quelque idée nouvelle et droite dans la lice des Chambres. Accablé d’ennuis mais non sans courage et sans esperance. Envoyez moi du renfort et je vous promets que d’ici a deux ans nous aurons fait prendre une position meilleure aux honnetes gens en France. Ils se sont réduits a ce triste role d’homme de parti il faut les tirer de la malgré leurs imbéciles coleres et les refaire hommes de la nation…

D’après la Revue d’Histoire Littéraire de la France [N°1, 1987], seule une dizaine de lettres de Lamartine à Jacquelot ont subsisté DONT CELLE-CI, LA DERNIÈRE CONSERVÉE DES LETTRES DE LAMARTINE À SON CORRESPONDANT BRETON. DE TOUTE RARETÉ

Le nom de Jacquelot de Boisrouvray [1798-1881] n’apparaît guère dans les biographies générales de Lamartine, pourtant celui-ci n’est pas inconnu des spécialistes lamartiniens. Son nom reste associé aux Recueillements poétiques dans lesquels on trouve le fameux « Toast » rédigé par Lamartine en hommage à l’amitié inter-celtique : au faîte de sa gloire, Alphonse de Lamartine avait été sollicité pour se joindre à la délégation française en partance pour Abergavenny, près de Cardiff, le sachant proche de cette région anglaise depuis son mariage célébré en 1820 avec la britannique Mary-Ann Birch. Si la grande figure du romantisme français déclina l'invitation, un de ses amis, Louis de Jacquelot du Boisrouvray, présent parmi le groupe des sept Français qui firent le déplacement, était parvenu à le convaincre de rédiger une pièce en vers qu'il se chargerait de lire au cours du dîner de clôture. Lamartine s'exécuta et lui confia un Toast porté dans un banquet national des Gallois et des Bretons à Abergavenny dans le pays de Galles… Le manuscrit de Toast est conservé au château de Saint-Point [ancienne demeure de Lamartine], ainsi que quelques lettres de Jacquelot à Lamartine.

122. [LAMARTINE]. RATISBONNE (Louis). Né à Strasbourg. 1827-1900. Écrivain. L.A.S. « Louis Ratisbonne » à M. Lilbermann. S.l. 29 mars 1858 + poème A.S. « Louis Ratisbonne » intitulé « Misère Enfantine ». 3 pages in-8 + 1 page 1/4 in-8. Timbre sec. 200 €

...Lamartine me demande de m'occuper de sa souscription à Strasbourg. Et moi je m'adresse à vous, certain que vous pouvez, si vous le voulez (...) apporter mieux que personne une influence décisive dans cette affaire... explique Ratisbonne à son correspondant, ...Il y aurait à organiser un comité de souscription à Strasbourg, avec des succursales dans les différents arrondissements et s'il se peut dans tous les cantons du Bas-Rhin. En organisant le comité, il faudrait tâcher d'y introduire des hommes de toutes les opinions et ayant de l'influence. Les fonctionnaires même peuvent accepter sans crainte, d'en faire partie, puisque l'Empereur ouvre la marche... Ratisbonne espère donc une réponse satisfaisante de son correspondant, pour pouvoir ...la mettre sous les yeux de Lamartine qui n'aura pas compté en vain (...) sur les sympathies de l'Alsace... En 1858, Lamartine, dont la situation financière est catastrophique, a recours à une souscription nationale dans le but d'éponger ses dettes. Il rédige un « Appel à tous les Français » et le 27 mars le ministre de l'Intérieur autorise la souscription au nom de Napoléon III qui s'inscrit en tête de liste pour 10 000 francs.

Poème : ...Je vis un jour sur mon chemin / Une femme en haillons traînant une bambine / La pauvrette avait triste mine, / Et la femme tendait la main / Passant devant une boutique, / C’était un magasin de jouets éclatant(s), / La mère s’arrête un instant / Et dit à l’enfant famélique : / « Regarde un peu là, mon trésor ! / Vois ces jolis pantins... Et ces bêtes dans l’Arche, / Et là, cette montre qui marche / Et ce théâtre tout en or, » / (...) / L’Enfant dit en traînant la voix : / « Qu’est- ce qu’on fait avec ces choses ?... » (...) / La femme alors reprit son chemin de misère ; / La pâle enfant suivit de même... / Et son ange gardien derrière elle pleurait !...

Ratisbonne fit paraître plusieurs ouvrages composés pour les enfants qui eurent un grand succès. Le poème Misère enfantine, joint à cette lettre, est extrait de son recueil Petites femmes.

123. LAMENNAIS (Hugues-Félicité Robert de). Né à Saint-Malo. 1782-1854. Philosophe. Ordonné prêtre en 1816. Fonde avec Montalembert et Lacordaire le journal L’Avenir. Opposé au pape Grégoire XVI, il vit son journal condamné en 1832. L.A. [à Victor Schœlcher]. Paris, 25 mars 1853. 4 pages in-8. 2 200 €

MAGNIFIQUE LETTRE SUR LA SITUATION POLITIQUE EN FRANCE À L’ATTENTION DE SON AMI VICTOR SCHŒLCHER RÉFUGIÉ EN ANGLETERRE APRÈS LE COUP D’ÉTAT DE LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE :

...Il y a dans l’histoire des peuples des moments horribles dont le souvenir perce comme un stilet (sic). Encore cependant faut-il que les faits soient recueillis, car il en sort de grands enseignements, que le devoir des contemporains est de ne pas laisser perdre. Je ne peux donc qu’applaudir à votre travail, plein d’appréciations justes et de sentiments généreux, lesquels ajoute un nouveau prix aux documents que vous avez rassemblés, et qui prendront place dans l’enquête générale qui se fera lorsque la lumière cessera d’être étouffée et que sera venue l’heure de la justice... Le penseur ultramontain ne partage cependant pas la mansuétude de Schœlcher ...Je vous trouve, je l’avoue, trop indulgent envers le peuple. Il a trahi, et c’est trahi lui-même bêtement et lâchement, et le pis est qu’il a montré un vice nouveau chez lui, l’hypocrisie ; ce qui me faisoit le définir, le P. Roothan (sic) en blouse [Jean Philip Roothaan, un père jésuite néerlandais]... Lamennais explique que la corruption gangrène jusqu’aux associations qui de plus, s’avèrent être sous le contrôle de la police impériale. Il prône ...l’union de la bourgeoisie et du peuple : le salut est là. Unis, ils peuvent tout ; séparés, ils ne peuvent rien ; ensemble, ils forment la nation, et qu’est-ce qu’une nation scindée en deux, une moitié de nation ? D’attachement réel pour la tyrannie, il n’y en a nulle part, au contraire ; mais, selon les positions diverses, des têtes en grand nombre sont encore remplies, les unes d’illusions et d’espérances folles, les autres de folles craintes. Négation radicale du droit, qui est la vie même de la société, le Pouvoir tombera d’autant plus vite qu’il a plus étouffé cette vie. Il a contre lui toutes les forces spirituelles, les vraies forces, celles qui triomphent toujours. Il s’appuie sur trois choses, le prêtre, le soldat et le mouchard ; je ne parle pas de la magistrature, qui n’est qu’une branche de la police. Il sort de là une grande et importante leçon pour l’avenir. Puisse-t-elle n’être pas perdue, comme l’ont été tant d’autres leçons !... Le constat de Lamennais est simple : la bourgeoisie cherche à préserver ses intérêts, pendant que le peuple s’arme de patience ...le sentiment national n’est pas réveillé ; nous sommes, en vérité, descendus bien bas. L’orléanisme domine dans la classe moyenne, et en général parmi les hommes d’argent... Il en appelle au rétablissement de la République ...le seul gouvernement possible (...). Je ne pense pas que l’empire puisse, en finances, dépasser 1855, sans recourir à des mesures extrêmes, et prodigieusement dangereuses dès lors. Quant au progrès plus ou moins rapides des opinions hostiles, et quant aux événements du dehors, dont le contre coup pourroit être puissant, on ne saurait rien prévoir ; cela dépend de trop de causes, et de causes trop incertaines. Voilà, très en gros, quel est notre état, du moins tel qu’il m’apparaît. J’indique plus que je n’expose, et surtout plus que je n’explique ; c’est tout ce qu’on peut faire dans une lettre. À vous de cœur, mon ami : courage et foi. Grâce à Dieu nous ne manquons ni de l’un ni de l’autre...

On connaît l’engagement républicain de Victor Schœlcher, exilé après le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte en décembre 1851, comme Victor Hugo. Il vécut un exil de dix neufs ans en Angleterre. Abolitionniste de l’esclavage, opposé la peine de mort, Victor Schœlcher fut un grand visionnaire et le défenseur de toutes les causes justes et démocratiques.

Philosophe chrétien, Lamennais est considéré comme le précurseur du catholicisme libéral et social. Il plaida par l’intermédiaire de son journal l’Avenir pour la liberté de l’enseignement et la séparation de l’Église et de l’État. En 1848 il se fit élire député de l’Assemblée constituante, mais suite au coup d’État du 2 décembre 1851, il se retira dans sur ses terres en Bretagne.

124. LANDOWSKI (Paul). Né à Paris. 1875-1961. Sculpteur. Directeur de la Villa Médicis à Rome puis de l'École des Beaux-arts de Paris. C.A.S. « Paul Landowski ». S.l., 28 août 1930. 1 page in-12 à son adresse dans le Var. 250 €

Landowski le remercie ...pour la très aimable notice que (...) vous consacrez à ma statue de Soun-Yat-Sen. (...) Sur vos conseils j'avais parlé au Ministre de Chine de la manifestation franco-chinoise dont vous m'aviez parlé, à organiser avant le départ de la statue... Après pas mal d'atermoiements, …J’ai été avisé deux heures avant d’une visite des membres du Kuomintang d’Europe réunis en Congrès à Paris. C’était l'avant veille du départ de la statue... Aucune personnalité française n'a été présente et j'en ai été ennuyé. (...) Enfin tous ces Messieurs de Chine ont été très contents. Et maintenant le marbre vogue vers son sanctuaire... La statue de Sun-Yat-Sen, premier Président de la République de Chine, trône à Nankin dans son mausolée, fondé pour accueillir sa dépouille.

125. LAPAUZE (Charles Lapause, dit Henry). Né à Montauban. 1867-1925. 2 L.A.S. « Henry Lapauze » à « Chère grande amie » (la couturière Jeanne PAQUIN). S.l.n.d., 6 pages in-8 au total. 120 €

Deux charmantes lettres à Jeanne Paquin :

1). ...J'ai vu votre héliotrope. C'est charmant. Mais songez qu'ils rempliront trente vastes vitrines dans une galerie ensoleillée. L'héliotrope, vous le savez, est la fleur qui se tourne vers le soleil : celui-ci ne ferait qu'une bouchée de sa couleur... Alors, voici ce que je vous propose : je viendrai, rue de la Paix, aujourd'hui, à l'heure que vous aurez la bonté de m'indiquer. Je souhaite que ce soit l'heure où vous n'avez pas six cents parisiennes, trois mille fournisseurs, etc.,...

2). ...La journée qui commence finira sur un grand succès pour vous. Dès aujourd'hui votre nom est attaché à l'histoire du Petit Palais. Laissez-moi me réjouir d'y être un peu pour quelque chose et, au moment où s'achève cette collaboration, permettez-moi de vous dire toute la joie, très profonde, que j'y ai pris...

Jeanne Paquin, née Jeanne Beckers en 1869 et décédée en 1936 est une grande couturière française. Elle est l'une des premières à avoir acquis une renommée internationale, à la fin du XIXe siècle.

126. LARBAUD (Valery). Né à Vichy. 1881-1957. Écrivain, traducteur de Coleridge, Butler, premier traducteur en français du chef d’œuvre de James Joyce « Ulysses ». C.A.S. « V. Larbaud » au poète belge Franz Hellens. Valbois, 1er mars 1924. 2 pages in-12. 280 €

Larbaud le remercie de l’envoi de son ...petit livre, « Au repos de la santé », que je vais placer soigneusement près de ses aînés, dans un coin privilégié de ma bibliothèque (je la réorganise en ce moment, et c’est ce qui me retient ici)...

Atteint d’apathie en 1935, Valéry Larbaud se verra contraint de vendre en viager son immense bibliothèque composée de plus de 15000 volumes. Franz Hellens, de son vrai nom Frédéric Van Ermengem est romancier, poète, essayiste et critique d'art belge. L’ouvrage de Franz Hellens « Au repose de la santé » a été publié à Bruxelles aux éditions « Le Disque vert » en 1923.

127. LAVOISIER (Antoine Laurent de). Né à Paris. 1743 – guillotiné en 1794. Chimiste. Père de la chimie moderne. L.A.S. à la troisième personne, adressée au baron Dietrich. Paris, 1er juillet 1788. 1 page in-4. Joint : un portrait gravé de Lavoisier. 2 800 €

DE TOUTE RARETÉ.

...M. Lavoisier qui est de retour d’un petit voyage quil vient de faire a Cherbourg et lieux circumvoisins a l’honneur denvoyer a Monsieur le Baron Dietrich la suitte de la traduction de Kirwan qui est presqu’a sa fin. Il y a joint une copie des observations de M. de Morveau [le chimiste Louis Guyton de Morveau] qui doivent terminer louvrage. Il espere qu’avec ces materiaux il pourra commencer le rapport, limprimeur le demande avant de terminer limpression...

Il s’agit de l’Essai sur le phlogistique, et sur la constitution des acides de M. Kirwan, traduit de l'anglais, avec des notes de MM. de Morveau, Lavoisier, de La Place, Monge, Berthollet, & de Fourcroy.

En 1788, l’épouse du chimiste, Marie-Anne de Lavoisier, chimiste elle- même auprès de son mari, avait traduit l’ouvrage du scientifique irlandais Richard Kirwan (1733-1812). L’ouvrage intitulé Essai sur le phlogistique et la constitution des acides sera complété par des notes critiques rédigées par Lavoisier et certains de ses collaborateurs.

Père de la chimie moderne et découvreur de l'oxygène, Antoine-Laurent de Lavoisier témoigne par sa vie et son œuvre de la grandeur du XVIIIe siècle français, le « siècle des Lumières ». Ses recherches sont rassemblées dans un Traité élémentaire de chimie, publié en 1789. Elles tournent autour d'un principe que l'on résume par l'aphorisme : « Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme ». C'est aussi un fermier général (collecteur d'impôts), ce qui lui vaudra d'être guillotiné sous la Révolution. On prête au vice-président du tribunal, un certain Coffinhal, la formule : « La République n'a pas besoin de savants ! »...

128. LECOQ (Charles). Né à Paris. 1832-1918. Compositeur. Auteur de la Fille de Madame Angot. L.A.S. « Ch. Lecoq ». Paris, 14 juillet (s.d.) [1873]. 1 page 1/2 in-8. Papier de deuil. 250 €

Le compositeur remercie pour l’article élogieux de son correspondant au sujet de « La Fille de Mme Angot » opérette créée à Paris (après Bruxelles) en 1873, ...C’est une bonne fortune pour nous qu’un tel article, et une garantie pour la durée du succès de notre pièce. Auteurs et artistes vous en sont infiniment reconnaissants, et quant à moi, qui ai la plus grosse part dans vos éloges, je ne saurais trop vous remercier de la façon toute indulgente dont vous parlez de mon œuvre...

129. LÉGER (Fernand). Né à Argentan. 1881-1955. Peintre, décorateur et céramiste. Carte L.A.S. « F. Léger » à Christian Zervos, critique d'art, éditeur des Cahiers d’art. Paris, 27 novembre 1925. 1 page in 8 (petit manque dû l’ouverture de la carte lettre sans impact sur le texte). 1 700 €

...Malade depuis un mois je suis retiré du monde à Fontenay. Que devient ce fameux N° de votre revue où il était question que j’y parusse ! Est-il enfin sorti. Si oui envoyez-moi un exemplaire. Cela me distraira un peu... et ce conflit avec Baddo (Jean Baddovici). Cela s’est-il arrangé...

Originaire de Grèce, Christian Zervos (1889-1970) s’installe à Paris dans les années 1910 pour étudier la philosophie à la Sorbonne. Durant ses études, il se lie d’amitié avec Jean Badovici, futur architecte et éditeur du magazine L’Architecture vivante. En 1926, Zervos crée Cahiers d’art, revue mythique qu’il assumera quasiment seul, de la conception à la fabrication, de la rédaction à l’impression, pendant une trentaine d’années.

130. LESSEPS (Ferdinand Marie, vicomte de). Né à Versailles. 1805-1894. Diplomate et ingénieur. Promoteur du Canal de Suez. L.A.S. « Ferd. Lesseps » à Monsieur Colart. S.l.n.d. [Paris, vers 1833]. 1 page in-8, cachet sec. Joint : 2 photographies, l’une provenant du studio Mathieu-Deroche à Paris – l’autre datant de 1887, les deux représentant Ferdinand de Lesseps assis et en buste. 880 €

De Lesseps, dont le départ pour l’Égypte est imminent, décline une invitation : ...Je dois aller samedi à la campagne pour faire mes adieux à une partie de ma famille. Mon départ est fixé pour dimanche soir. Je vais offrir mes services en Égypte où je dois prendre la gestion au Consulat général...

Issu d’une longue lignée de diplomates, de Lesseps entame sa carrière dans la diplomatie au Consulat d’Alexandrie (en tant que vice- consul) en 1832, avant d’être nommé l’année suivante Consul au Caire. Il séjournera en Égypte jusqu’en 1837. C’est pendant ce premier voyage que naît, dans l’esprit du jeune diplomate, le projet du canal de Suez. Celui-ci ne se réalisera que vingt ans plus tard.

131. LEVI-STRAUSS (Claude). Né à Bruxelles. 1908-2009. Philosophe, Anthropologue et ethnologue. Il a exercé une influence majeure dans les sciences humaines dans la seconde moitié du XXe siècle. L. dactylographiée (quelques ajouts autographes au stylo) S. « Claude Levi-Strauss » à MAURICE MERLEAU-PONTY. Paris, 28 mai 1955. 1 page 1/2 in-folio. Enveloppe. Timbre. Marques postales. TRÈS RARE. 650 €

BELLE LETTRE. En réponse à Merleau-Ponty, un ami de longue date, l’anthropologue Claude Lévi-Strauss lui adresse une longue lettre qui propose quelques éléments de réflexions sur leur engagement marxiste réciproque. Il tient à souligner …deux importantes différences entre nos positions. La première est que vous n’avez pas renoncé à trouver un terrain d’accord avec d’autres hommes – peut-être même pas à l’action politique ; et vous êtes donc particulièrement sensible à la crainte, ou au risque, du malentendu. En second lieu (…) vous préférez penser en termes du dialogue occidental ou « atlantique ». Pour moi, je suis seulement soucieux de la continuité de ma pensée intime avec elle-même, sans désir ni espoir de lui trouver un écho … Il poursuit : …Je n’engage donc probablement pas autant de choses que vous en continuant à me déclarer marxiste ; car je le fais sans égard aux implications politiques éventuelles : je me sens marxiste comme d’autres peuvent se dire cartésiens ou kantiens ; simple adhésion à une façon de penser, à une manière de voir le monde, en dehors de toute préoccupation de légitimer telle ou telle conception. La vocation historique du prolétariat n’occupe donc pas plus de place dans ma pensée que la matière cannelée pour un philosophe d’aujourd’hui qui se situerait résolument dans la ligne de Descartes… Plus loin : …Au temps de Marx, la société n’était pas encore en prise directe sur l’univers physique et biologique ; sa réalité était encore l’économique, c’est-à-dire un compromis où l’objectif restait pétri de subjectif, l’infra-structure était un rapport entre l’Homme et les choses. C’est ce rapport qui se dissout depuis un siècle ; d’une part en raison du progrès de la science, de l’autre en fonction de l’accroissement démographique qui concourent à faire de l’homme un être de nécessité. La double gloire de Marx est d’avoir découvert l’infra-structure de la société moderne (…) et aussi le sens dans lequel cette infra-structure devait évoluer (de la pensée vers les choses), donc de nous permettre de mieux comprendre ce qui se passe… Selon lui, … entre le pré-marxisme auquel vous vous défendez de vouloir revenir et son « au-delà » dont vous ne craignez qu’on ne vous accuse, il y a place pour un hyper-marxisme (…). Cela dit, si vous m’objectez que les communistes me répudieront avec horreur je vous le concéderai volontiers ; mais ce n’est pas ma question puisque je resterai satisfait de les comprendre et de comprendre pourquoi ils ont raison de me répudier... Votre suggestion de recueillir mes articles méthodologiques en un volume de votre collection me touche d’autant plus que la plupart sont actuellement inaccessibles… tout en lui rappelant que le même projet conçu par Michel Leiris (en 1949) avait été écarté par la maison Gallimard …pour la raison - plus poliment exprimée - que ma pensée était confuse. D’autre part vous seriez sage avant de reprendre l’idée, d’attendre la publication en octobre, chez Plon, d’un nouveau livre [il s’agit de Tristes tropiques, ouvrage auquel il doit une célébrité internationale] qui, je le crains bien, confirmera ma réputation d’excentrique et l’étendra même auprès de beaucoup qui sont encore mes amis. (…) Je n’ai pas d’ambition vers la Sorbonne qui me ferait perdre tout le bénéfice de ma liberté dont je jouis à l’EPHE [École pratique des Hautes études]. Quant au Collège [de France], je l’ai trop désiré jadis et les circonstances de mon échec ont été par trop pénibles. Comme dit Mélisande, je n’ai plus de courage…

Nés tous deux en 1908, Claude Levi-Strauss et Maurice Merleau-Ponty se rencontrèrent à la veille de l’agrégation de philosophie au lycée Jeanson de Sailly (avec Simone de Beauvoir). Tandis que Levi-Strauss quittait la philosophie pour se consacrer à l’anthropologie, la psychanalyse (amitié avec Lacan), l'analyse marxiste, travaillant au Brésil chez les Caduveo, Bororo, Nambikwara et autres Tupi-Kawahib, avant de se faire connaître comme l'écrivain de Tristes tropiques (publié en 1955), il avait été élu au Collège de France à la chaire d'anthropologie sociale. De son côté Merleau-Ponty, fervent disciple de Husserl dans lequel il reconnaissait le caractère originaire de l’intentionnalité, de l’ouverture du moi sur le monde et sur les autres consciences, le philosophe s’en éloigna cependant dans le fait de son intentionnalité dite « charnelle », de ce qu’il nomma lui-même comme une « ouverture de notre chair aussitôt remplie par la chair universelle du monde ». La philosophie pontienne devenait donc celle d’un homme incarné, inséré dans sa temporalité, aux prises avec les autres consciences. Dans « Humanisme et Terreur », Ponty semble sympathiser avec Marx, ce phénoménologue de l’histoire qui a révélé au monde la violence dissimulée dans l’économie libérale capitaliste. Mais après un retour sur les procès de Moscou, la répression impitoyable de la révolte hongroise, la tyrannie stalinienne, Merleau-Ponty est amené au constat que le « communisme réel n’est pas égal à ses intentions ». Ce constat sera à l’origine de la célèbre brouille avec Sartre qui entraîna la démission de Ponty des Temps Modernes en 1955, année même où il publiait « Les Aventures de la dialectique », auquel Sartre répondra plus tard par sa « Critique de la raison dialectique » (1960).

132. L’HOSPITAL (Michel de). Né à Aigueperse. 1506-1573. Homme politique. Chancelier de France (1560). Pièce S. « M. de L’Ospital ». Bayonne, 1er juillet 1565. 1 page in-4 oblong sur vélin. 1 250 €

Quittance de 118 livres 15 sous tournois donnée à …Maître François de Vigny, receveur de la ville de Paris… à cause d’une rente …vendue et constituée par messieurs les prévost des marchans et eschevins de ladite ville de Paris tant sur le revenu des magasins et greniers à sel de Troyes, Beaufort et Villemort comme sur tout le doumayne et revenu patrimonial de ladite ville…

Du 24 janvier 1564 au 1er mai 1566, Charles IX et Catherine de Médicis effectuèrent un grand tour de France destiné à reprendre en main le Royaume. La suite royale, dont faisait partie le chancelier L’Hospital, séjourna à Bayonne en juin et juillet 1565. C’est dans cette ville que le Roi et sa mère rencontrèrent Élisabeth, reine d’Espagne et le duc d’Albe. Ils étudièrent ensemble les mesures à prendre contre les protestants, mesures assurément différentes de celles que préconisait Michel de L’Hospital dans sa politique de « tolérance ».

133. LIFAR (Serge). Né à Kiev. 1905-1986. Danseur et chorégraphe français d’origine russe. L. dactylographiée S. « Serge Lifar » à une amie (avec 4 mots autographes). Paris, 1er juin 1942. 1 page in-folio. En-tête dactylogr. « Serge Lifar, Théâtre national de l’Opéra ». Joint : UN CARTON D’EXPOSITION DE LA GALERIE STIÉBEL, portant une dédicace signée de Lifar, « À mon ami Slimans - La Dansomanie ». 350 €

Lifar envoie à sa correspondante une place pour ...le gala de danse que je donne salle Pleyel Mardi 16 juin au bénéfice des œuvres d’entraide russe. Comme c’est, depuis plusieurs années, l’unique manifestation artistique donnée au profit de ces œuvres, je vous prie de m’excuser de ne pouvoir vous envoyer qu’une place...

134. LOUIS XII. Né au château de Blois. 1462-1515. Roi de France de 1498 à 1515, surnommé le "Père du peuple". Pièce Signée "Loys" (signature autographe), contresignée par Robertet [Florimond Ier Robertet d’Alluye (1458-1527)]. Meleung (Melun), 26 août 1500. Parchemin in plano oblong. 2 500 €

Lettre concernant la tenue des Grands Jours dans la Sénéchaussée de Toulouse : ...pour refformer et corriger les faultes et abus qui se font et pevent faire par plusieurs personnes en divers lieux dont punicion n'a peu estre faicte le temps passé. Nous par l'advis de plusieurs seigneurs de nostre sang et gens de nostre conseil ayons deliberé de faire tenir les grans jours en aucune contrées de nostre Royaume ; Et soit ainsi que puisnagueres nous ait esté remonstré qu'il est grant besoing et necessité de les faire tenir en noz seneschaucées de Thoulouze, Carcassonne, Beaucaire, Rouergue, Quercy et Armaignac qui sont du ressort de nostre dite court de parlement de Thoulouze pour ce que entre nosdits subgectz il y a plusieurs plaiz et proces tant d'appel que autrement lesquelz de long temps ne prandroient fin se par le moyen diceulx grans jours ilz n'estoient abregés....

135. LOUIS XVI. Né à Versailles. 1754-1793. Roi de France. Pièce signée « Louis » (secrétaire), contresignée par De Vergennes. Versailles, 1er juillet 1779. 1 page in-folio en partie imprimée. 800 €

Passeport établi « De par le Roy » en faveur des …Srs (sieurs) Faber et Cozen allant de Paris à Londres par le port de Calais avec Domestiques sans leurs donner ni souffrir qu’il leur soit donné aucun empêchement ; le présent passeport valable pour trois semaines seulement. Car tel est notre plaisir...

Charles Gravier, comte de Vergennes (1719-1787) est un diplomate et ministre français. Il fut Secrétaire d'État des Affaires étrangères de Louis XVI du 21 juillet 1774 à sa mort.

136. LOUIS-PHILIPPE, duc d’ORLÉANS. Né à Paris. 1773-1850. Roi des Français de 1830 à 1848. L.A.S. de son paraphe à son intendant M. Pascalis. S.l., 5 février 1825.1 page in-8. 250 €

Louis Philippe aménage une de ses résidences : ...Voici deux Mémoires de deux petites caisses d’argenterie de voyage que j’ai faits faire pour mon usage. Elles sont déjà déposées à l’Argenterie. On doit y avoir ajouté deux couteaux & fourchettes à découper qui ne sont pas portés sur ces Mémoires que je prie Monsieur Pascalis de faire payer... Il ajoute en p.s. : ...Nous aurons de la glace, car il gèle de 3 1/2°, mais pilons ferme & lestement. C’est cela qui conserve & maintient le cubage...

137. LOUŸS (Pierre Félix Louis, dit). Né à Gand (Belgique). 1870-1925. Écrivain et poète. Condisciple de Gide à l’École alsacienne de Paris. Il publie son premier recueil de poésie « Astarté » en 1891. Fondateur de la revue La Conque. L.A.S. « Pierre » à Georges Louis [son demi-frère, diplomate au Quai d’Orsay]. [Paris], s.d. [15 janvier 1909]. 2 pages 1/4 in-8, encre violette. Enveloppe timbrée avec cachet postal. 950 €

BOULEVERSANTE LETTRE DE PIERRE LOUŸS SUR SA VIE

...Comment veux-tu que je désire vivre je ne dis pas cinquante ans de plus mais seulement vingt ans ? Pourquoi faire ! Pour assister à ma ruine, à la dispersion de mes livres et de mes souvenirs de famille ? Si je m’en vais avant eux tout sera bien. Je ne me plaindrai que si je leur survis. Que veux-tu que soit ma vie en 1930, L’hôtel meublé ? La pension de 600 f de la Société des Auteurs ? Quoi ? Je n’ai aucun capital, ni en aucune façon le genre de talent qu’il faut pour m’en constituer un. Quelque illusion que j’aie pu avoir à 25 ans, je sais ce que je puis et ce que je vaux (c’est-à-dire le peu que je vaux) depuis au moins 7 ans, depuis 1902. Il y a sept ans qu’au lieu de regarder mon avenir comme perdu et de me désintéresser de tout, j’aurais repris confiance, même en ma littérature, si j’avais eu un poste, une base, quelque chose d’assuré, de durable. Mais toi qui as fait personnellement pour moi beaucoup plus que pour personne, tu ne peux rien obtenir du gouvernement dès que tu prononces mon nom... Je suis brouillé avec les catholiques, à cause d’Aphrodite, avec les protestants à cause de Pausole, avec les juifs et les ministres à cause de 20 fr que j’ai donnés jadis à la pauvre Mme Henry, comme me l’a sévèrement rappelé Hervieu l’an dernier... C’est bien, je ne demande plus rien et même il ne me déplait pas d’être brouillé avec toutes les confessions. Je ne demande qu’une chose, c’est de ne faire aucun traitement pour me ménager dix ans de misère de plus, au-delà des années noires que je vois toutes prochaines...

À la mort de sa mère, Pierre Louÿs, âgé de neuf ans, fut confié à son demi-frère, Georges Louis, de vingt-trois ans son aîné, alors qu’il poursuivait une carrière de haut-fonctionnaire à Paris. Il devint un substitut paternel et le poète lui écrivit durant toute sa vie presque quotidiennement. Georges Louis conduisit une brillante carrière de diplomate jusqu’à ce qu’il soit chassé en 1913 par Poincaré de son poste d’ambassadeur en Russie. Brisé par cet échec, Georges Louis mourut en 1917. Ce fut pour Pierre Louÿs un immense drame qui précipita sa déchéance, déjà palpable dans cette lettre pathétique et prophétique car, comme Pierre Louÿs l’imagine, les dernières années de sa vie furent difficiles. Dès le début du XXe siècle, Louÿs est accablé de difficultés financières ; il a du mal à écrire et plus encore à se faire publier. À la toute fin de sa vie, ruiné, paralysé, atteint d’une partielle cécité, Louÿs terminera ses jours dans une grande solitude.

138. MAC ORLAN (Pierre Dumarchey, dit). Né à Péronne. 1882-1970. Romancier. L.A.S. « Pierre Mc Orlan » [à un directeur de revue belge]. S.l. 12 avril 1939. 1/2 page in-folio. Gravé à son adresse. 150 €

Pierre Mac Orlan est heureux ...que la reproduction de cette malheureuse conférence de Bruxelles ait eu plus de succès auprès de vous. Je vous envoie avec plaisir quelques pages nouvelles si cela peut contribuer à développer chez vos camarades le goût de la pensée française. En ce moment, tout est assez décourageant, tout au moins pour un écrivain de mon âge. Le passé n’a plus guère de valeur : il perd toute signification quand on tente de l’évoquer... Il lui envoie quelque chose avant la fin du mois... 139. MAGRITTE (René). Né à Lessines. 1898-1967. Peintre surréaliste belge. L.A.S. « René Magritte » à J.C. Monod, à Menton. S.l., 3 janvier 1966. 1 page in-8 sur papier à lettres. 2 800 €

Le peintre le remercie de l’intérêt témoigné, il lui serait agréable ...d’avoir quelques unes de mes œuvres dans votre galerie. Malheureusement, je ne dispose pas, personnellement, d’œuvres pour la vente : il conviendrait, pour en obtenir, de vous adresser à la Galerie Iolas, 196 Bd St Germain à paris VIIe...

Le galériste Alexandre Iolas (1907-1987) possédait des galeries d’art à New-York, Paris et Athènes, dans lesquelles il soutenait les artistes d'avant-garde comme Victor Brauner, Niki de Saint Phalle, encourageant les collectionneurs à acquérir leurs œuvres. Grand collectionneur d'art il a acheté très jeune les surréalistes puis les Nouveaux réalistes.

140. MALRAUX (André). Né à Paris. 1901-1976. Écrivain. Intellectuel engagé. Ministre de la Culture. L.A.S. « André Malraux ». S.l., 21 septembre, s.d.. 1 page 3/4 in-8. En-tête de la NRF. Joint : L.A.S. « J. Daujat » à « Cher ami ». 2 pages in-8 oblong, en-tête du Centre d’études religieuses à Paris (petite déchirure au pli central). 1 200 €

TRÈS BELLE LETTRE AU SUJET DE LA CONDITION HUMAINE : Malraux remercie son correspondant de l’étude, …une des plus attentives…, qui lui a été consacrée ...J’ai assez l’habitude de lire des articles qui ne s’attachent qu’à ce qui, dans mes livres, ne m’intéresse guère, pour être sensible à ceux qui vont à l’essentiel... Il relève un point sur la religion : ...Si vous voulez dire (et c’est évidemment ce que vous voulez dire) que le chrétien possède d’autre voix, j’en suis mille fois d’accord. Mais il y a dans la façon dont peut parler, à moins de cesser de vivre, artistiquement un personnage secondaire, quelque chose d’accidentel. Si j’écrivais un essai sur le christianisme, j’écrirais autrement sans doute, davantage à coup sûr. Romancier, je n’ai pas d’autre problème à poser que : acceptez- vous pour possible la réponse de mon personnage ? (...). Vous dites sur mes personnages mille choses justes ; mais pour moi, Tchen est impensable si l’on ne tient pas compte de Gisors. Ce sont deux pôles. Et il me semble très difficile de concevoir la pensée d’un artiste tragique comme une prédication, c’est-à-dire indépendamment de l’opposition du duel tragique qui la constitue... Le deuxième point concerne le Communisme : ...il y a ce que dit Commune, mais aussi ce que dit Boukharine, ce que disent les cinq cents écrivains du congrès de Moscou qui demandent un nouveau Shakespeare. Et notez que la Condition humaine va paraître à Moscou intégralement, que Meyerhold en tire une pièce et Eisenstein un film. Ceci pour l’information. Pour le fond, la valeur essentielle du communisme à mes yeux (disons exactement : de la civilisation soviétique) c’est de recréer, (de permettre de nouveau l’existence) le héros positif, comme celui du XIIIe siècle ou de Rome, alors que la civilisation bourgeoise implique le héros négatif. Cela demanderait pas mal d’explications... qu’il compte ne pas donner ici, mais promet de traiter cette question qui se résume ainsi, ...comment peut-on tenter de créer un humanisme réel... Ne voyez donc dans ces quelques lignes que le désir de vous remercier un peu longuement. Je vous suis reconnaissant de votre article...

Dans la lettre jointe, Jean Daujat informe son correspondant qu’il aimerait publier in-extenso la lettre de Malraux ...Tu sais que j’ai toujours beaucoup désiré engager dans « Orientations » des dialogues ou des conversations. Je pense que celui-ci en vaut la peine. Je suis donc d’avis de publier la lettre de Malraux et une réponse de toi (sur le même ton de libre et amicale conversation... Il le presse donc de rencontrer Malraux pour en convenir. En fin de lettre, Daujat lui rappelle qu’il attend l’article promis sur Duhamel, en particulier ...ses livres formant une histoire d’une famille genre Zola ou R. Martin du Gard ou J. Romains...

141. MARCEAU (Félicien, nom de plume de Louis Carette). Né à Cortenbergh (Belgique). 1913-2012. Romancier, auteur dramatique et essayiste. Membre de l'Académie française. L.A.S. « Félicien Marceau » à « Madame ». [Les Issambres], 21 (22 ?) août 1960. 1 page 1/2 grand in-4 sur papier de "La Résidence du Val d'Esquières". 150 €

Au sujet de la traduction d’une de ses pièces : ...Je viens seulement de recevoir votre lettre du 11, concernant les propositions pour les représentations de ma pièce l'Œuf en néerlandais et en Belgique. (...) Je suis maintenant d'accord pour que ces représentations aient lieu. (...). Reste la question de M. Teirlinck à qui, comme je vous l'ai dit, j'ai promis de donner la préférence. Il est évidemment possible que, depuis, il ait changé d'avis (...). Quant à M. de Ruyter, dont la proposition est certainement intéressante, je vous laisse juge de décider si vous préférez lui écrire tout de suite (...) ou si vous préférez attendre la réponse de M. Teirlinck. Il est d'ailleurs possible qu'en raison de la situation littéraire de M. Teirlinck, M. de Ruyter soit intéressé à ce que la traduction soit faite par lui...

142. MARIE LOUISE DE HABSBOURG LORRAINE. Née à Vienne. 1791-1847. IMPÉRATRICE DES FRANÇAIS, DEUXIÈME ÉPOUSE DE NAPOLÉON 1ER, archiduchesse d’Autriche. L.A.S. « Louise » à son « cher oncle ! » (l’archiduc Charles ?). Saint-Cloud, 30 novembre 1812. 3 pages 1/4 in-12. 2 500 €

BELLE LETTRE NOSTALGIQUE À SA FAMILLE : s’adressant probablement à l’archiduc Charles, qu’elle aimait tout particulièrement, et qui avait été le représentant de Napoléon lors de son mariage par procuration en Autriche, Marie- Louise commence par évoquer le souvenir des bonnes heures passées à Wüzbourg : …les six jours que j’y ai été se sont écoulés plus vite que des heures… elle fait le vœu d’y retourner bientôt, mais ...dans des circonstances plus gaies et ou je puisse être entierement au bonheur de vous voir ; au lieu que cette année j’aurai bien pû vous ennuyer par la tristesse que me causoit la séparation pénible que j’eprouve depuis si longtemps... Elle fait la commission donnée à l’Empereur ...J’ai très frequemment de ses nouvelles ; il etoit encore le 14 à Smolensk mais se plaignoit du froid qu’il faisoit en ce moment, car il était à 8 degrés. Sa santé est très bonne et c’est vraiment une grâce du ciel qu’il supporte ainsi sans la moindre incommodité les nombreuses fatigues auxquelles on est toujours exposé dans une guerre… Elle le remercie pour les deux Messes et désire en retour lui faire parvenir la Jérusalem délivrée de Persuis [chef de chant à l’Opéra]. L’impératrice s’enquiert de sa santé, et se moquant d’elle-même, ...je suis sûre que vous me plaindrez en apprenant que moi qui me suis toujours moquée des rhumatismes (...) et des personnes qui en sont affligés je souffre cruellement d’un rhumatisme dans la tête (...) (qui) me donne depuis deux mois par moment des douleurs affreuses… si bien qu’elle s’imagine déjà devoir aller …l’année prochaine aux eaux enveloppée dans de la flanelle et plus malade que la reine Hortense, je vous assure que cette idée me donne des momens de tristesses terribles... Son fils, le Roi de Rome se porte bien, il ...grandit bien..., souffre seulement des dents …ce qui le rend bien malingre et maigre j’espere qu’il les percera bientôt et qu’il recouvrera tout de suite son embonpoint et ses belles couleurs… Malgré une saison automnale épouvantable ...de la pluie, du froid des ouragans..., dit-elle, elle préfère encore la campagne à la ville, qu’elle doit cependant bientôt quitter, ce qui ne lui plaît guère ...vous savez que je n’ai jamais aimé le séjour à la ville..., d’autant que le temps se remet au beau et qu’il y fait ...aussi doux qu’au mois de Mai, j’ai fait aujourd’hui une belle promenade sur le cheval que vous avez bien voulu me donner et qui est charmant, je crois cependant que vous ne le monteriez pas aussi volontiers que moi car il est un peu gai… Elle termine sa lettre sur l’exposition du Salon de peinture, …il y a de très jolis tableaux et beaucoup de croûtes comme cela arrive toujours. Je suis sûre que vous n’irez pas le voir à moins d’y mettre deux ou trois redingottes car il y fait un tel froid qu’on est sûre d’attraper un rhume de cerveau quand on y fait une promenade. Je vois avec peine le moment qui s’approche ou la mauvaise saison m’obligera de le prendre très souvent pour but de promenade...

143. MARITAIN (Jacques). Né à Paris. 1882-1973. Philosophe néo-thomiste. L.A.S. « Jacques Maritain » à « Cher ami ». U.S.A., Princeton University, 28 février 1958. 1 page in-4. 180 €

Maritain relate un incident douloureux survenu lors d’une conférence sur le Père de Foucauld donnée par Louis Massignon à Princeton. Massignon ...a été agressé, souffleté, frappé d’un coup de poing sur l’œil droit, par des gens qui voulaient l’empêcher de parler, en hurlant « Massignon trahison ». La police a rétabli l’ordre au bout de 20 minutes, et il a pu parler…

Louis Massignon (1883-1962) est un islamologue réputé, directeur d’études à l’École pratiques des Hautes-Études, il tint également la chaire de sociologie musulmane au Collège de France.

144. MARMONTEL (Jean-François). Né à Bort-les-Orgues. 1723-1799. Poète, philosophe et auteur dramatique. L.A.S. « M » à Mme Le Roi. S.l., 30 prairial, s.d. 1 page in-8. 280 €

Curieuse lettre de nouvelles médicales : …Je ne veux point (…) manquer l’occasion de vous apprendre que Louis (son fils) a été purgé le 28 prairial, et que n’ayant pas besoin d’autre préparation, il a du être inoculé aujourd’hui… explique Marmontel à sa correspondante avant de la remercier de son intérêt, …Mme Michel a été saignée ce matin, elle va prendre des bouillons rafraîchissants… ajoute-t-il en post-scriptum.

145. MASSON (André). Né à Balagny-sur-Thérain. 1896-1987. Peintre, céramiste, décorateur de théâtre. Il adhéra au mouvement surréaliste dans les années 1920. L.A.S. « A. Masson » à « Mon cher ami ». S.l.n.d. [5 mai 1957]. Enveloppe jointe affranchie. 750 €

Masson philosophe : ...Avant-hier il me semble que j’étais bien confus en vous parlant de l’ironie et de la distance qu’elle produisait entre l’artiste et son œuvre. Je me souviens maintenant d’un aphorisme que j’avais essayé autrefois : Quand le jeu se mêle à la connaissance la plénitude est acquise... Ce n’est pas tout à fait la question mais l’oriente un peu. Autrement dit : le plus grand des Sages est aussi un enfant... Mais voilà que ça s’obscurcit encore !...

146. MAULNIER (Thierry). Né à Alès. 1909-1988. Essayiste, critique littéraire. L.A.S. « Thierry Maulnier ». Paris, sans date, 1er avril. 1 page in-4. Bel en-tête du journal Le Figaro. 120 €

Au sujet de la pièce Alexandre le Grand. En raison d'une forte affluence, il a été ...décidé de faire deux représentations supplémentaires, qui, n'ayant pas été annoncées avec les autres, sont, pour l'instant, ignorées du public. C’est pourquoi vous rendriez un grand service à Alexandre… en publiant un communiqué …dans le prochain numéro des Nouvelles Littéraires…

147. MAUPASSANT (Guy de). Né au Château de Miromesnil à Tourville-Sur-Arques. 1850-1893. Écrivain naturaliste. L.A.S. « Guy de Maupassant » à « Mon cher confrère et ami » [un chroniqueur de la revue La Vie Moderne]. S.l.n.d., 29 mai [1879]. 1 page 1/4 in-8. Vergé filigrané « Imperial Treasury De La Rue ». 3 200 €

Maupassant remercie son correspondant pour son article paru dans La Vie Moderne (probablement au sujet de la représentation de sa piécette « Histoire du vieux temps » à la Comédie-Française en février 1879) ...Je viens seulement de lire le compte rendu très aimable que vous avez fait de ma petite pièce dans la "Vie Moderne". Comme Charpentier ne m’envoie pas ce journal je ne le lis pas souvent ; voilà comment j’avais ignoré jusqu’ici votre gracieuseté...

La revue La Vie Moderne fondée par l’éditeur Georges Charpentier se voulait être un reflet des milieux artistiques et littéraires alors en pleine effervescence. La revue eut une courte durée puisqu’elle ne parut que de 1879 à 1883 sous la direction d’Émile Bergerat (le gendre de Gautier).

Avant le succès de « Boule de suif », Guy de Maupassant avait écrit quelques pièces de théâtre dans les années 1870. Histoire du vieux temps et Une répétition, pièces en un acte et en vers, racontent toutes deux une histoire d’amour un peu sentimentale. La première reçut un succès d’estime lors de sa création au « Troisième Théâtre Français », place du Château-d’Eau en février 1879 (la seconde ne fut jouée qu’après la mort de Maupassant). Comme nombre d’écrivains de l’époque, c’est par le théâtre et la poésie que devait débuter tout littérateur pour se faire un nom. Son premier recueil de poèmes Des Vers, que Maupassant chercha longtemps à faire publier, obtient enfin le sésame tant attendu, grâce à l’appui de Flaubert, auprès de l’éditeur Georges Charpentier, « l’éditeur des Naturalistes » notamment de Zola. Flaubert ne connut jamais le succès de Maupassant, qui arriva, non par la poésie ou le théâtre, mais par sa nouvelle « Boule de suif », publiée dans le recueil collectif des Soirées de Médan, paru chez Charpentier en avril 1880. Le contact de Maupassant avec l’éditeur Charpentier ne s’établit véritablement qu’à cette date.

Dans une lettre du 26 février 1879, Maupassant rendait compte à Flaubert des échos dans la presse d’Histoire du vieux temps : « Ma pièce a bien réussi : mieux même que je n’aurais espéré. Lapommeraye, Banville, Claretie ont été charmants ; le Petit Journal très bon, le Gaulois aimable (...). Zola et sa femme ont applaudi beaucoup et m’ont vivement félicité plus tard. D’autres journaux en ont parlé avec éloge. Je n’ai pu encore me les procurer... »

148. MAURIAC (François). Né à Bordeaux. 1885-1970. Prix Nobel de Littérature en 1952. L. dactylographiée S. « François Mauriac » à une dame. S.l., 27 octobre 1958. 1 page in-8. Une correction et un ajout autographes. 180 €

BELLE LETTRE : ...Il est bien difficile d'écrire l'histoire. J'ai pu passer le samedi 11 octobre une partie de la matinée à la Grotte sans que le recueillement ait été troublé. C'est seulement l'après-midi qu'au bout d'une demie heure, j'ai dû fuir devant les éclats de voix rauques de trois prédicateurs allemands. J'ai eu le plus grand tort de noter dans mon BLOC- NOTES ce mouvement d'humeur parce qu'il a affligé certains lecteurs allemands. Mais aucun n'a pu croire qu'il entrait dans cette "boutade" la moindre haine. Comment, vous, une chrétienne, qui déborde de foi et d'amour, et se peut-il qu'il n'ait provoqué en vous que ce jet de fiel ? Combien de grandes âmes ont été éloignées de l'Église par les réactions basses de ceux ou de celles qui l'incarnent aux yeux des incroyants, hélas !...

149. MAURIAC (François). Né à Bordeaux. 1885-1970. Prix Nobel de Littérature en 1952. L.A.S. « Votre F. M. » à « Cher Jacques » [le père dominicain Jacques Laval]. S.l., 1er février 1951. 2 pages grand in-8. 580 €

SUPERBE LETTRE AU PÈRE DOMINICAIN LAVAL AVEC LEQUEL MAURIAC ENTRETENAIT DES LIENS ÉTROITS D’AMITIÉ DEPUIS PLUS DE VINGT ANS :

...Je m’inquiétais de votre silence. Je vois que votre vie continue dans le tohu-bohu, le malentendu et l’absurde. Il ne sert à rien de se faire moine. J’y pensais l’autre jour en recevant la visite du père Maydieu aigri, désagréable, s’épuisant à pourchasser les abonnées de son assommante revue... une revue, dit-il, rédigée par des hommes qui n’ont aucun talent ...C’est très bien de ne pas enfouir le talent, mais encore faudrait-il en avoir !... …Ne viendrez-vous pas quelque jour ? Je suis las et trépidant (...). Je pense que Dieu doit me guetter à un tournant de la route. Ah ! Je ne me plais pas à moi-même, ni le personnage que je joue, ni cette apparence derrière laquelle il n’y a que ce pauvre cœur absurde que vous connaissez bien !... Il demande d’être confessé par lui, uniquement...... Le Christ vous aime. Et on le rencontre à Rome autant qu’ailleurs. La piété italienne ne m’a jamais scandalisé. J’aime ce peuple debout dans ces églises sans chaises. Ce pauvre peuple qui a le salon doré au bout de sa rue sordide : l’Agneau de Dieu et toute sa « cour » et sa mère ! « Béni soit Dieu dans ses anges et dans ses saints » ce pauvre bon peuple trop caressant... Il termine en donnant des nouvelles de sa famille et de sa pièce (Le Feu sur la terre, jouée aux Célestins à Lyon) qui a ...passé le cap de la centième (...). Je vais publier un récit...

150. MAURON (Marie, nom de naissance : Marie-Antoinette Roumanille). Née à Saint-Rémy-de-Provence. 1896- 1986. Écrivaine. Prix de l’Académie française. Grand Prix littéraire de Provence. Carte A.S. « Marie Mauron » à Hélène Abraham (?). Saint-Rémy-de-Provence, 10 juin 1965. 2 pages in-12. 160 €

BELLE ET RARE LETTRE DE MARIE MAURON AU SUJET DU LIVRE DE SA CORRESPONDANTE « Visage de femme » : ...C’est si beau, si réconfortant l’expression de cette pensée alerte, aiguë, percutante, et ces sentiments de femme tendre et virile, lucide et indulgente !... Elle se réjouit de la critique élogieuse parue dans Le Figaro ...un hommage très pertinent à une amie, disons à deux amies, vous et votre héroïne vraie. Merci encore, mais à quelle chance dois-je un si précieux envoi ? La vie a de ces mystères joyeux...

Surnommée « la grande Dame de Provence » ou encore « la Colette provençale », Marie Mauron est l’auteure de nombreux romans, notamment Mont Paon (1937), son premier livre, publié en anglais, qu’elle envoya à Virginia Woolf et E.M. Forster. En 1969, elle fut élue Majoral du Félibrige.

151. MENDÈS (Pierre Catulle). Né à Bordeaux. 1841-1909. Écrivain, en dehors des modes, directeur de journal et chroniqueur, poète, dramaturge, librettiste, romancier, il laisse une œuvre importante. Gendre de Théophile Gautier par son mariage avec Judith Gautier. L.A.S. « Catulle Mendès » [au directeur du « Réveil »]. S.l.n.d. [vers 1880 ?]. 4 pages in-8. 180 €

MENDÈS APPORTE UN FERME DÉMENTI AU SUJET DES FAUX BRUITS RÉPANDUS PAR LE RÉVEIL CONCERNANT SA CONTRIBUTION AU JOURNAL LA LANTERNE : ...Je démens en termes formels le bruit selon lequel je serais l’auteur de chroniques "signées d’une lanterne, publiées dans le journal de ce nom "... Il s’en explique : ...J’ai donné à la Lanterne les trois glorieuses, signées de mon nom, &, en l’absence de M. Duvand, qui m’avait demandé de " chroniquer " jusqu’à son retour - ceci à titre de service personnel, - j’ai publié quatre articles signés Jean Prouvaire, quatre articles, pas une ligne de plus !... et depuis ce temps, Mendès jure resté « absolument étranger » à ce qui se passait dans ce journal. Il ajoute, de plus, avoir ...depuis quatre ans l’autorisation de Victor Hugo, de ce pseudonyme de Jean Prouvaire [Jean Prouvaire est le nom d’un personnage des Misérables] ; que j’en ai signé mes Salons du Rappel et pendant dix huit mois la Semaine parisienne à la République des lettres que j’avais fondée. Donc aucune confusion n’est possible !... Mendès précise, par ailleurs, qu’aucune proposition ne lui a été faite ...d’écrire des chroniques signées d’une « lanterne ». Si cette "spéculation " m’avait été proposée, vous me ferez l’honneur de croire qu’elle eût été assez mal reçue (...). Votre irritation contre l’auteur des fausses "lanternes" s’est trompée ici de cible ; & vous m’avez désobligé, innocemment...

Le Rappel est un quotidien fondé en 1869 par Victor Hugo, Paul Meurice, Rochefort, Vacquerie et les deux fils Hugo.

152. MÉRY (Joseph). 1797-1865. Littérateur protéiforme, ami de Balzac, Nerval, Gautier et Dumas. Il est l'auteur de satires en collaboration avec Auguste Barthélemy et d'un grand nombre de romans et de nouvelles. Collaborateur de Nerval. Il fut également librettiste et écrivit pour le théâtre. L.A.S. « Méry » à Félicien David. S.l. [Paris], 27 novembre [1854]. 4 pages in-4. 280 €

L’opéra, Maître Wolfram, dont le libretto est de Joseph Méry (avec Théophile Gautier) qui devait se jouer à l'Opéra- Comique, semble compromis. Méry exprime son amertume.

...Après huit jours complets de silence et d’inaction, il m’est permis de vous dire que, Perrin [Pierre Perrin était directeur de l’Opéra-Comique, et du Théâtre-Comique, en 1854] & moi, nous avons pris au sérieux la longue audition du dimanche 19 novembre (...). Quelle cause secrète arrête une chose qui marche si bien, qui prenait avec un Directeur comme Perrin, un si bel avenir. On ne se paye pas de la raison d’un ténor insuffisant, car le directeur a promis de faire tout ce qu’il faudra faire pour vous & le triomphe. Vous ne m’avez donné à moi aucun signe de vie, & je suis très tourmenté, très harcelé. On me disait hier que lorsque Meyerbeer garde la partition du Prophète ou de l’Africaine dix ans ou toute sa vie en portefeuille, c’est que, grâce à une immense richesse que vous méritez & que vous n’avez pas, il a d’avance largement dédommagé les librettistes. Certainement, Mr Scribe malgré sa grande fortune qui lui permettrait d’attendre, n’attendrait pas dix ans, ni dix jours, voilà... Il ne peut nier que la musique avait été faite pour une scène de théâtre lyrique moins grande que celle de l’Opéra-Comique, cependant, il semble prêt à surmonter son ...aversion pour le grand-opéra de Garnier, un théâtre encombré de partitions, dépourvu d’artistes, d’enthousiasme et d’électricité... Maître Wolfram, opéra-comique en un acte, a été composé par Ernest Reyer, sur un livret de Méry et Théophile Gautier.

153. MESSAGER (André). Né à Montluçon. 1853-1929. Compositeur et chef d’orchestre. Il crée à l’Opéra-Comique en 1902 Pelléas et Mélisande de Claude Debussy. L.A.S. « Messager » à Monsieur Larré. Londres, 28 mars [1904]. 2 pages 3/4 in-8. En-tête du De Keyser’s Royal Hotel à Londres. 280 €

BELLE ET INTÉRESSANTE LETTRE : APRÈS L’ÉCHEC DU CHEVALIER D’HARMENTAL MESSAGER SE TROUVE À LONDRES DANS UN EXIL VOLONTAIRE :

Messager trouve enfin le temps de lui écrire : …Que ce repos forcé doit vous peser, mon pauvre ami ! et combien je voudrais vous savoir revenu à l’Opéra Comique, car je suis sûre que l’inactivité vous est plus pénible que tout le reste… Après ces quelques mots compatissants, Messager donne de ses nouvelles : …Je suis ici depuis déjà quinze jours, après en avoir d’abord passé autant à la campagne et je suis occupé à faire répéter les Petites Michus que Edwards monte au Daly’s Théâtre et pour lesquelles j’ai à écrire pas mal de musique nouvelle, la partition était courte et le public londonien ayant besoin d’une nourriture un peu substantielle. J’avoue que je suis bien heureux de trouver ce débouché ; Paris me paraissait peu l’endroit où je trouverai ma place. Il me semble que plus je vais moins les choses se présentent favorablement, ou l’on n’est pas joué ou bien on est étranglé. Entre les deux perspectives j’aime mieux la fuite et je la prends. Enfin tout ceci est peu intéressant…Conclut-il avant de lui demander …Dites-moi un peu où vous en êtes, ce que vous comptez faire, à quelle époque vous reviendrez à l’Opéra Comique, enfin tout…

Messager avait créé Le Chevalier d’Harmental, d’après Alexandre Dumas, à l’Opéra-Comique en mai 1896. Dans la revue " Musica " (septembre 1908), le compositeur avait fait part de son amertume : " Ce dernier ouvrage, auquel j’avais travaillé longuement, l’ayant commencé trois ans auparavant, tomba lamentablement, et sa chute me fut d’autant plus pénible que j’y attachais une grande importance et pensais avoir donné là toute la mesure de ce que je pouvais faire. J’étais tellement découragé par cet insuccès que je ne voulais plus écrire du tout et tentais de me retirer en Angleterre ". Messager se trouve donc à Londres où il reçoit fort à propos le livret P’tites Michu. Le sujet, dû à Albert Vanloo et Georges Duval, le séduit et il oublie vite sa récente déconvenue. Il se met au travail et en trois mois termine l’ouvrage. Il sera créé après Londres au théâtre des Bouffes- Parisiens, le 16 novembre 1897 où il recevra un énorme succès…

154. MEYERBEER (Giacomo, de son vrai nom Jakob Liebmann Meyer Beer). Né à Tasdorf (près de Berlin, Allemagne). 1791-1864. Compositeur allemand. L.A.S. « Meyerbeer » à « Mon cher et illustre Emil ! ». S.l.n.d. 1 page in-8. 550 €

TRÈS BELLE LETTRE. RARE.

Meyerbeer s’empresse de le prévenir que ...Monsieur Nourrit [le célèbre ténor dramatique Adolphe Nourrit] a demandé que nous remettions le rendez-vous à dimanche à onze heures parce que il part ce soir pour la campagne. J’aurais bien envie de faire une visite à Monsieur de Lamartine qui m’a honoré de ses suffrages par une lettre charmante. Je sais que vous le connaissez. Vous savez à votre tour comme je suis timide. Voulez-vous m’accompagner & quand ? Demain à midi croyez vous que cela lui convienne & à vous ? Comment se fait il qu’il n’y ait rien dans la mode dont vous m’avez parlé ?...

Compositeur d’opéras le plus célèbre (et le plus joué) au XIXe siècle avant même Mozart, Verdi ou Wagner, Meyerbeer rencontre un succès croissant en Italie en écrivant des opéras dans le style de Rossini qu’il considère comme son maître.

155. MIRÓ (Joan). Né à Barcelone (Espagne). 1893-1983. Peintre, sculpteur, graveur et céramiste espagnol. L.A.S. « Miró » à son ami Nelson Fuqua. Majorque, 10 juillet 1962. 1 page grand in-4 sur papier vélin crème imprimé à son adresse majorquaise, agrémenté d’un petit dessin au pastel (bleu et rouge) en haut à gauche. Enveloppe affranchie (timbre et cachets postaux) contresignée au dos « Miro » au crayon de couleur bleu à l’adresse de : « Mr Nelson Fuqua, 10 (ou 20) avenue Constant Coquelin, Paris, 7° ».

RARE ET BELLE LETTRE. 3 800 €

MIRÒ aimerait rencontrer le cinéaste américain ORSON WELLS :

...Cher ami, merci de votre gentille lettre qui m’a beaucoup touché. Hélas, le temps m’a manqué pour venir vous voir. J’espère que Dupin [le poète Jacques DUPIN, ami et bibliographe de MIRÒ] vous l’aura déjà téléphoné. Navré aussi de ne pas avoir vu les Casadesus [famille célèbre de musiciens catalans], faites-leur mes amitiés quand vous en aurez l’occasion. Dites aussi à Orson Wells toute mon admiration pour lui et comme je serai heureux de faire sa connaissance…

En 1962 s’était tenue une grande rétrospective de l’œuvre du peintre espagnol au Musée d’Art Moderne de Paris. La famille Casadesus, des émigrés catalans du début du XXe siècle, comprend de nombreux musiciens dont Robert Casadesus (1899- 1972), célèbre pianiste, un ami de Ravel. Le peintre avait choisi l’île de Majorque pour s’y réfugier pendant la guerre de 1940. D’un séjour transitoire, il en fit (à partir de 1956) son lieu de résidence permanent. Il demanda à son ami, le peintre et décorateur, Joseph Lluis Sert (qui avait été l’époux de Misia Natanson) de lui construire un vaste atelier où il se consacra principalement à la création de céramiques et d’estampes.

156. MOHRT (Michel). Né à Morlaix. 1914-2011. Écrivain, essayiste et aussi historien de la littérature. Membre de l'Académie française. L.A.S. « Michel Mohrt ». S.l.n.d. 1 page in-4. 80 €

Vifs remerciements à propos de l'intérêt porté à son œuvre ...Tout projet la concernant ne peut que me séduire. C'est un grand plaisir que vous me feriez en venant me voir. Je suis à votre disposition et espère votre visite…

Michel Mohrt est né à Morlaix, dans le Finistère. Après avoir servi comme chef de section d’éclaireurs-skieurs dans les Alpes, il devient avocat au barreau de Marseille de 1940 à 1942. Il se tourne alors vers la littérature française qu’il enseigne aux États-Unis et devient conférencier de l’Alliance française. Chargé de la littérature anglo-saxonne aux Éditions Gallimard, il collabore comme journaliste au Figaro et écrit des articles à la Nouvelle Revue française. Officier de la Légion d’honneur et Croix de guerre 1939-1945, il a reçu le Grand Prix de littérature de l’Académie française avant d’y être élu au fauteuil de Marcel Brion en 1985.

157. MOKADY (Moshe Brandstatter, dit Moshe) Né en Pologne. 1902-1975. Peintre et décorateur israélien. Il vécut à Paris entre 1927 et 1933. L.A.S. « Mokady » à « Cher Monsieur Cloots » (de la galerie Alice Manteaux, Paris). Tel Aviv (Israël), 9 septembre 1956. 1 page 1/4 in-4. Enveloppe (déchirée). 320 €

RARE LETTRE DU PEINTRE MOKADY INSTALLÉ EN ISRAËL, AU SUJET D’UNE FUTURE EXPOSITION À PARIS : ...Il y a longtemps que je (ne) vous (ai pas) écrit. Pendant ce temps je me suis préparé continuellement d’aller a Paris. Mais jusqu’à maintenant je ne pas (n’ai pas) pu exécuter mon plan (J’ai eu beaucoup de contre-temps et de malle-chance)... Il pense pouvoir venir afin d’arranger ...pour mai ou juin une exposition a Paris. Je vous prie donc (...) de bien vouloir guarder encore le quelques peintures que j’ai laissé chez vous (...). J’ai vu les peintures que Monsieur Stieglitz a acheté chez vous l’année dernière. Il y avait une surtout (deux enfants sur fond rouge) que j’ai voulu même acheter chez Monsieur Stieglitz, mais il ne voulait pas me la vendre... J’ai beaucoup travaillé ce temps dernier, et je me réjouis de pouvoir vous montrer bientôt mes travaux derniers...

En 1920 Mokady après avoir émigré en Palestine, s’installe à Tel Aviv. Il a co-dirigé une école de dessin à Jérusalem et il fut directeur du département des arts au ministère de la Culture ; il dirigea parallèlement l’Institut Avni de Tel Aviv. Une rétrospective de ses œuvres eut lieu après sa mort à Tel Aviv en 1999.

158. MONDOR (Henri). 1885-1962. Médecin et chirurgien. Historien de la littérature, spécialiste de Mallarmé. L.A.S. « H. Mondor » à « Mes Chers amis » [M. et Mme Raymond Cortat]. Paris, 28 juillet 1940. 2 pages in-4 sur papier gravé à ses nom et adresse. Enveloppe jointe affranchie. 350 €

BELLE LETTRE PATHÉTIQUE DATÉE DE JUILLET 1940 :

...Je reçois (non avant-hier) une longue lettre de Raymond et sans doute la 2e lettre (...). La 1ère n’arriva jamais... Chers amis ne vous tracassez surtout plus de la voiture et ne vous souciez pas de l’aller chercher. Pour vous ce serait odieux. D’ici et dans quelques temps ce sera peut-être très facile... Je lisais avec effroi ce voyage de Raymond. Les semaines qui viennent de finir m’ont valu beaucoup de récits dramatiques - mais peu aussi longuement motivés. La hargne des militaires qui fuient l’allemand et bousculent les civils, avec un courage revenu, est une des laideurs de cette débandade générale qui en a tant fait voir. Le goût casanier et quelques préférences pour le devoir m’ont immobilisé à Paris. On a failli la défendre sans faire sauter les ponts : ç’aurait été plus chaud. J’y ai connu pendant 8 jours, un silence, une solitude, j’allais dire affreusement une paix extraordinaire. Les bruits purs y étaient enfin perceptibles : le chant d’un coq de basse cour, le marteau du menuisier lointain, une cloche étourdie en quelque couvent abandonnée ! Et puis, peu à peu, revinrent ces Tartarins ceux qui étaient partis en lièvres. L’occupation est sans torture, sans disette, sans quolibet. Beaucoup de gens font voir, après la lâcheté, la bassesse. L’humiliation d’avoir vu son pays si niais, si peureux, maintenant si défait est, pour longtemps, sur nous. Pour me détourner de l’événement, le 14, jour de l’entrée de ces messieurs, j’ai commencé à écrire la vie de Mallarmé...

Chirurgien de premier ordre, Henri Mondor a donné son nom au grand hôpital de Créteil. N’ayant cependant jamais renoncé à sa vocation de jeunesse pour la littérature, Henri Mondor sut, en marge de ses activités de médecin, se montrer un éminent historien des lettres, consacrant en particulier à Mallarmé de nombreux ouvrages dont plusieurs importantes biographies. Grand prix de la critique de l’Académie française, membre de l’Académie de médecine en 1945, et de l’Académie des sciences en 1961, membre également de l’Académie de chirurgie, Henri Mondor fut élu à l’Académie française le 4 avril 1946.

159. MONOD (Théodore). Né à Rouen. 1902-2000. Scientifique naturaliste, explorateur, érudit et humaniste français. Spécialiste des déserts, notamment du Sahara. Directeur de l’Institut français d’Afrique noire et professeur au Muséum national d’histoire naturelle. L.A.S. « Th M » à « Cher vieux ». S.l., 14 septembre 1933. 1 page 1/2 in-4. 450 €

SUPERBE LETTRE À UN AMI DE LONGUE DATE, dans laquelle Monod cite en préambule un passage de Saint-Augustin : ...L’autre nuit, dans ma baignoire (parfaitement !), je suis tombé, dans les Soliloques de l’ami Augustinus sur un passage qui vous conviendra. Oyez plutôt : « Tout ce qui n’est donc pas bon ne tire point sa source du Verbe de Dieu. (...) le péché n’est pas un être réel, mais un pur néant ou plutôt une privation de la lumière et de la vie et de la sagesse divine, ainsi que l’aveuglement n’est qu’une privation de la lumière corporelle. Le mal du péché n’est donc rien, puisqu’il est fait dans la puissance du Verbe de Dieu... L’âme qui fait le mal n’est mauvaise que parce qu’elle se sépare et se prive de ce bien souverain. Disons encore que le péché n’étant rien et n’étant qu’un mal, Dieu n’en peut être l’auteur, puisqu’il n’est l’auteur que de l’être et de la bonté, le péché est un néant, etc., etc. ». Vous voyez qu’instinctivement vous vous êtes établi dans la bonne tradition orthodoxe, tandis que mon dualisme sent l’hérésie... Monod est seul à Paris où il s’essaye à la ...zoologie et l’arabe. Je serai obligé de passer un mois sur mer cet hiver ce qui ne m’enchante qu’à moitié, à cause de mes cours d’arabe... Il lui fait parvenir le dernier numéro d’Avant-garde dans lequel il pourra lire ...l’émouvant aveu du soldat confessant ses assassinats [ce qui] est assez inusité dans votre presse « religieuse » pour mériter l’attention. Ne désespérons pas de la chrétienté : elle a mis 19 siècles à s’apercevoir que l’esclavage était peut-être difficilement conciliable avec l’Évangile, quoi d’étonnant qu’il en faille 20 pour découvrir que le sermon sur la montagne interdit le meurtre sous toutes ses formes...

Au cours de son existence de scientifique, de saharien, de penseur, Th. Monod a été marqué par de nombreuses rencontres : Albert Schweitzer, Vercors, le saint François d’Assise soudanais Tierno Bokar, Amadou Hampâté Bâ, l’islamologue Louis Massignon, André Gide. Tous ses combats, que ce soit pour la protection de la nature, contre les essais nucléaires, pour l’objection de conscience, contre l’injustice, pour la liberté de conscience, la tolérance religieuse, le recul du fondamentalisme, sont des combats qui furent portés par Monod au nom d’une foi et de convictions profondément enracinées, toute sa vie.

160. MONTHERLANT (Henri de). Né à Paris. 1895-1972. Romancier, essayiste et auteur dramatique. L.A.S. « Montherlant » à M. J. R. Delehaut à Bruxelles. [Paris], 18 décembre 1968. 2 pages in-8. Enveloppe affranchie. 250 €

Montherlant le remercie pour ...la représentation excellente que vous avez donnée au Bestiaire céleste (...). Et d’autant plus que vous êtes le seul à lui avoir donné cette place : les Français sont moins généreux, en ce qui me concerne, que vous, qui me connaissez si peu. Vous recevrez en avril un nouveau roman de moi... indique-t-il... Il enchaîne, amusé : ...Votre « chapeau » sur ce petit livre est très pertinent. Les français se sont mis en tête d’ignorer mon humour, et n’en démordent et démordront pas...

161. NAPOLÉON III. Né à Paris. 1808-1873. Empereur des Français de 1852 à 1870. L.A.S. « Louis Napoléon Bonaparte » à « Madame ». Paris, s.d., le 3 décembre. 1 page 1/2 in-12. Papier vert gravé d’un médaillon à ses armoiries. 650 €

Amusante petite lettre : Napoléon remercie pour un envoi ...de fleurs et du superbe ananas (...), mais ils m’eussent été encore plus précieux si j’avais pu les recevoir moi-même... Il projette de lui rendre une visite cette semaine, ...à moins que l’univers ne conjure contre moi j’espère pouvoir m’absenter pour quelques heures...

162. NAVILLE (Pierre). Né à Paris. 1904-1993. Sociologue. Militant communiste, trotskiste. L.A.S. « P. Naville » à « Mon cher Merleau-Ponty ». S.l.n.d. [1945]. 1 page in-folio. En-tête de La Revue Internationale. 600 €

Longue lettre au sujet de l’action menée en faveur du militant communiste Tran Duc Thao (emprisonné à la prison de la Santé en octobre 1945, suite à son soutien actif en faveur du Viet Minh et du gouvernement d’Ho Chi Minh) :

...En ce qui concerne Thao, la publication du texte modifié dans Libertés est due à Rimbert..., malgré son interdiction formelle. Il explique : ...Si Thao est relâché bientôt, tant mieux, mais l’inculpation restera sans doute, et c’est pourquoi je pensais qu’il fallait ne pas nous borner à protester contre le simple fait de sa détention. Thao m’a aussi fait prévenir de modifier quelque peu l’article qu’il m’avait remis, ce qui sera fait. Il faut en tout état de cause continuer à recueillir des signatures, et pour éviter des malentendus, je préférerais vous voir au plus tôt (...) de préférence en fin d’après- midi, chez Gallimard (...). Pour le reste, je crois que c’est vous qui sondez abusivement mes intentions ! Je vous assure qu’en cette affaire je n’avais que le souci de voir mes amis sortir de prison, mais puisque je crois un peu à l’interdépendance des événements, à la causalité (voilà voilà !) et qu’en effet j’ai vu peu d’expérience politique, il me semblait que leur emprisonnement dépendait d’une situation plus générale que vous connaissez, tant en Indochine qu’en France. C’est très simple et bien banal. D’où mon texte qui d’ailleurs est très loin de ce que je pense moi-même sur la question mais me paraissait de nature à grouper un certain nombre de signatures significatives. Je n’avais aucune intention de vous reprocher de ne pas prendre de responsabilités en ce cas. Au nom de quoi ?... Ceci étant dit, il ne demande qu’à poursuivre la discussion ...Je comprends vos scrupules, vous n’êtes pas le seul à les avoir. Les miens sont d’un autre ordre, mais il serait profitable d’en parler de plus près. J’examine avec le maximum de sympathie ce que vous et vos amis dîtes et faites et je ne me suis jamais refusé à aucune discussion. Ne croyez-vous pas que c’est plutôt moi qui pourrais me plaindre d’être traité en suspect ? Et pourtant je suis l’un des plus libres qui soit dans ma recherche actuelle d’une politique révolutionnaire... Mais j’ai 20 ans d’expérience (...). Quant à ma camaraderie, ne la mettez pas en doute, je vous en prie...

163. NIMIER (Roger). Né à Paris. 1925-1962. Écrivain, journaliste et scénariste, considéré comme le chef de file du mouvement littéraire dit des « Hussards ». L. dactylographiée S. « Roger Nimier » à Michel Georges-Michel. Paris, 21 juillet 1951. 1 page in-8 sur papier à en-tête de l'hebdomadaire Opera. 100 €

Nimier souhaite arbitrer un différend : ...M. Guenaël Bolloré me transmet votre lettre. Je ne puis personnellement que la transmettre à mon tour à M. Lucien François. Cependant si vous vouliez bien m'indiquer les titres et les pages exacts de vos livres qui vous semblent avoir inspiré cet article, il serait tout à fait dans mon rôle d'arbitrer cette question...

La revue « Opéra » fut fondée dans la clandestinité (en 1943) par Jacques Chabannes avec pour slogan : "L'art n'a pas de patrie, mais les artistes en ont une". Son titre Opéra est à prendre dans son sens latin "œuvres". La revue s'attachera dès la Libération la plume de personnalités du monde des lettres et des arts tels François Mauriac, Marcel Pagnol, Colette, Léon Moussinac, etc. Roger Nimier en sera le rédacteur-en-chef jusqu’à la disparition de la revue en 1952.

164. NODIER (Charles). Né à Besançon. 1780-1844. Écrivain romantique, académicien. Bibliothécaire de l’Arsenal où il tenait un salon littéraire « Le Cénacle ». L.A.S. « Charles Nodier » [à Amédée Pichot, 1795-1877]. S.l.n.d. [fin août 1833]. 1 page in-4 oblong. 650 €

Intéressante lettre ayant trait aux Contes Satiriques « Hurlubleu » et « Léviathan, Archikan des Patagons ou La Perfectibilité » que publia la Revue de Paris d’Amédée Pichot :

...Je suis bien heureux, mon bon ami, s’il est vrai, comme on me le rapporte, que vous ayez été content de mon fatras d’Hurlubleu. Je l’avois un peu écrit dans votre intention. L’inconvénient de cette espèce de satyre (sic) est d’être essentiellement pédantesque, et je n’en excepte pas Micromégas, l’éternel modèle du genre. Il est défendu de se moquer des savants si moquables sans étaler du savoir. C’est un inconvénient auquel on ne peut pourvoir que par la forme, et je ne l’ai peut-être pas. Ce que j’ai vu de comique dans ma petite œuvre, c’est l’opposition d’un savoir imparfait à une crédulité niaise et douteuse qui, entre nous, représente le public. Mais l’histoire tournoit court, parce que la dimension du journal me gênoit. La contre-partie, c’est l’opposition du savoir expérimental avec la simple science des faits acquis, et de la théorie avec la réalité. En romanisant et surtout en actualisant le sujet, je me suis flatté de le rendre plus intelligible et plus vivant. Y ai-je réussi ?... Cette seconde partie est intitulée : Léviathan, Archikan des Patagons, ou la Perfectibilité, pour faire suite à Hurlubleu, histoire progressive. Ici après dix mille ans de sommeil, c’est le philosophe qui est un ignorant auprès d’un niais. Voilà toute la combinaison. Elle est heureuse sans doute, mais je crains de n’en avoir pas tiré grand parti. Cela ne sera pas jugé demain... ce second article étant rédigé, il réclame une avance, avant de porter dans l’heure le chapitre à Everat...

Charles Nodier proposa dans ses contes une anti-utopie sur le mode burlesque. Dans « Hurlubleu » (1833), Nodier ironise sur le mythe du progrès infini tant dans le domaine social que scientifique et technique, puis, il poursuivait sa raillerie avec l’aide de son héros Berniquet dans « Léviathan le Long » et « Zerothoctro Schah ».

NODIER PUBLIA PRESQUE TOUTE SON ŒUVRE DANS LA REVUE DE PARIS (À PARTIR DE 1829).

165. NODIER (Charles). Né à Besançon. 1780-1844. Écrivain romantique, académicien. Bibliothécaire de l’Arsenal où il tenait un salon littéraire « Le Cénacle ». M.A. intitulé « Le Château de Chaillot ». S.d. 3/4 page in-8 oblong. 280 €

…Tout le monde ne sait pas que Chaillot s’appeloit autrefois Nigeon ou Nijeon. Son nom actuel a probablement été formé de celui de son château, castellum ou Castelletum. Ce petit lieu rappelle de grandes renommées. Louis XI donna les terres et Seigneurie de Nigeon à notre célèbre historien, messire Philippe de Commines, Seigneur d’Argenton. C’est là qu’il composa une partie de ses immortels Mémoires, un des meilleurs livres du quinzième siècle, je dirais le meilleur, si l’Imitation de J.C. n’en étoit pas. Catherine de Médicis acheta plus tard ce vaste manoir, situé dans une des plus belles rues de la petite cité, mais elle l’occupa rarement. Bassompierre en devint propriétaire et y fit, selon son usage, des dépenses considérables. Henriette Marie de France, fille d’Henri IV, et veuve de Charles 1er… obtint le domaine par lettres patentes …du 19 janvier 1642, l’autorisation d’établir pour la paroisse de Chaillot, un couvent de religieuses de la Visitation… À ses illustrations du passé, Chaillot réunit une des illustrations du présent. Il a vu vieillir et mourir Barras qui, de gentilhomme devint tribun, de tribun souverain (…). Barras dont la jeunesse eût quelque chose de Catilina, et la vieillesse quelque chose de Lucullus ; Barras qui auroit pu nous révéler quelques uns des secrets d’une politique plus violente que celle de louis XI, mais qui n’a pas écrit ses mémoires…

Le 15 mars 1493, Louis de Beaumont, évêque de Paris, autorisa l'établissement d'un couvent sur la colline de Chaillot. Le couvent fut constitué de plusieurs donations dont celle de Jean de Morhier, chambellan de Charles VIII, qui donna la tour de Nigeon en stipulant qu'une église devait y être construite dans les deux ans. En 1496, l'église n'étant pas achevée, il reprit son don et le vendit à Pierre de Cerisy, contrôleur général d'Anne de Bretagne, qui devint la fondatrice du couvent. En mai 1499 Louis XII confirmera la donation. Il faut attendre le 13 juillet 1578 pour que l'église soit totalement achevée. Elle fut consacrée, en présence de Catherine de Médicis, sous le nom de « L'Annonciation de Notre-Dame de toute grâce ».

166. NORGE (Georges MOGIN, dit Géo). Né à Bruxelles. 1898-1989. Poète belge d’expression française. Fonde en 1931 le Journal des poètes et en 1937 Les Cahiers blancs où il publie un hommage à Segalen et à Milosz. L.A.S. « Norge » à son ami, le poète belge Robert Goffin. S.l. [Saint-Paul de Vence ?], 20 août 1954. 2 pages 1/2 in-4, papier vélin crème. 480 €

TRÈS BELLE LETTRE POÉTIQUE : Le poète remercie son ami pour l’envoi de son ouvrage « Les Filles de l’Onde » ...Partir de la méduse et de l’anodonte pour accéder à de telles grâces était un long itinéraire. Tes filles l’ont parcouru avec l’harmonie et la vitalité débordante qui sont les moindres de tes dons. Dieu ! Quel souffle. Il en fallait au créateur pour faire de glaise morte l’homme plein des tempêtes paternelles. Ah ! filles venues d’où, venues des mers, nous les montre l’excellent Delvaux [le peintre surréaliste belge Paul Delvaux]. Là-dessus - mille siècles de laminoirs avec les tendresses de l’orage et les morsures du temps... Faire musique de tout cela, tu l’as réussi magnifiquement, au point que l’art s’oublie (c’est le grand art) et il demeure une mémoire, une vision de tous ces cataclysmes floraux, de toutes ces mues passionnées (...) pour faire une petite fille, la sœur, la mer, l’enfant (...) le cœur du roseau pensant... Norge encense son ami jusqu’au bout : ...Il y a dans ta poésie un goût, une odeur, un bruit Goffin qui a lui tout seul porte ton message. Ton grand et mélodieux message pour lequel je te dis merci de tout cœur...

Attiré très tôt par la littérature et les courants modernistes, Robert Goffin fréquente le milieu dadaïste. Son premier ensemble poétique, d'un étonnant classicisme, parut en 1918, Le Rosaire des soirs, une plaquette très proche de l'esprit de Francis Jammes. L'année suivante, il fréquente Michaux, Odilon Jean Périer, Clément Pansaers. Et puis, c'est la découverte du jazz, qui bouleverse sa vie. La passion que cette musique éveille en lui le pousse à publier dans Le Disque vert de Franz Hellens le tout premier texte consacré à ce sujet et à écrire un recueil de poèmes, Jazz-band (1922). À Paris, il fait la connaissance de Max Jacob, de Chagall et de Blaise Cendrars. Après avoir créé un hebdomadaire contre le nazisme, Alerte, Robert Goffin se réfugie aux États-Unis en mai 1940. Rentré en 1945, il retourne à ses activités juridiques (il était avocat), devient président du Pen Club de Belgique. Il consacra, en marge de ses activités, des études à Verlaine, à Rimbaud et à Mallarmé et se lance dans la critique poétique, devient un intime de Cocteau et d'Aragon. Toujours passionné par le jazz, il y consacre plusieurs études dont une Histoire du jazz, et une biographie de Louis Armstrong.

167. PASDELOUP (Jules). Né à Paris. 1819-1887. Chef d’orchestre. Fondateur des Concerts Pasdeloup. L.A.S. « Pasdeloup » à un Préfet. [Paris], 8 octobre 1872. 1 page in-4. 70 €

...Vous m’informez que ma réclamation relative a la patente dont on veut imposer les concerts populaires a été repoussée et que j’ai dix jours pour réclamer contre cette décision... Il demande d’être présenté devant le conseil de Préfecture pour se défendre.

En 1861, Pasdeloup fondait la Société des concerts populaires (Concerts Pasdeloup), orchestre destiné à présenter le grand répertoire symphonique à un public qui n'avait pas le privilège de fréquenter les salles de concert. D'emblée, son pari est gagné : les salles sont remplies, chaque dimanche, au Cirque d'hiver avec Haydn, Mozart, Beethoven et les premiers romantiques.

168. PAULHAN (Jean). Né à Nîmes. 1884-1968. Écrivain, critique littéraire, élu à l’Académie française en 1963. Directeur de la NRF de 1925 à 1940. Fonde la revue Résistance pendant la guerre. Participe aux Temps Modernes de Sartre. Appelé à la direction de la nouvelle NRF en 1953, il devient un des piliers des éditions Gallimard. L.A.S. « Jean Paulhan ». S.l.n.d., lundi 21. 2 pages in-8. En-tête de la NRF. 150 €

…C’est en effet assez grave… annonce Paulhan, …Je crois que nous n’avions éprouvé aucune défiance à l’égard du texte « inédit » que nous apportait Guyon, « universitaire distingué », agrégé, à la veille de passer ses thèses sur Balzac. Si je n’avais pas été souffrant depuis un mois, j’aurais sûrement jeté plus qu’un coup d’œil distrait sur ces pages (…). Guyon rectifiera dans le numéro 2… de la revue Mesures… et Paulhan dans la NRF du 1er février…

169. PÉGUY (Charles). Né à Orléans. 1873-1914. Écrivain. M.A.S. « Péguy » (au crayon bleu de prote). S.l.n.d. 2 pages grand in-8. 390 €

Encart destiné à paraître dans les Cahiers de la Quinzaine afin de promouvoir la Revue philosophique …paraissant tous les mois (…) chaque numéro contient : 1° Plusieurs articles de fond ; 2° Des analyses et comptes rendus des nouveaux ouvrages philosophiques français et étrangers ; 3°. Un compte rendu aussi complet que possible des publications périodiques de l’étranger pour tout ce qui concerne la philosophie ; des notes, documents, observations pouvant servir de matériaux ou donner lieu à des vues nouvelles… Suivent les prix et conditions d’abonnement.

170. PÉTAIN (Philippe). Né à Cauchy-à-la-Tour. 1856-1951. Militaire, diplomate et homme d’État. L.A.S. « Pétain » à Léon Briens. S.l., 8 novembre 1917. 2 pages 1/2 in-8 sur papier à en-tête. 450 €

Au sortir de la bataille de la Malmaison qui voit la reprise du Chemin des Dames aux Allemands par les troupes françaises, Philippe Pétain tient à faire une mise au point : …Ce n’est pas moi qui ai fait décerner à Dunkerque le témoignage de reconnaissance publique que constitue sa citation à l’Ordre de l’Armée. C’est le Ministre de la Guerre qui l’a cité sans que j’aie été consulté. Le gouvernement prononcera les citations qu’il jugera opportunes : j’ai l’intention de ne pas intervenir dans cette question. Arras est digne de notre admiration mais ce sont toutes nos malheureuses villes martyres du front qu’il faudrait citer ! Je vous remets ci-joint le compte-rendu qui m’est fait au sujet du s/lieutt Campion...

171. PIAF (Édith). Née à Paris. 1915-1963. Chanteuse de renommée internationale. L.A.S. « Edith » à « Mon petit chéri » [son époux Jacques Pills]. U.S.A., Hollywood, 11 juillet 1955. 2 pages in-4. 2 600 €

TRÈS BELLE ET RARE LETTRE D’ÉDITH PIAF, AU CHANTEUR JACQUES PILLS QU’ELLE AVAIT ÉPOUSÉ EN 1952.

…Je reçois ta lettre où tu me dis être jaloux de Gelin et Brando [Marlon Brando], rassures toi, d’abord Gelin est avec sa femme, qui est charmante et dont il est amoureux fou et Brando est avec une superbe mexicaine et n’a pas l’air de se soucier beaucoup des autres femmes, donc, dors sur tes deux oreilles ! Mercredi je vais chez le docteur, mais j’ai un peu la trouille, je me demande maintenant si ton calme n’est pas la meilleure façon de vivre, je prends tout au tragique et je me rend malade pour rien, on se rend compte qu’au fond rien n’a d’importance et que tout ce qui vous paraissait impossible à surmonter n’était pas si terrible et que tout se passe et l’oublie (sic) vient tout doucement, ce n’est peut-être pas exactement de l’oublie mais on s’habitue et rien n’est tragique, seulement l’importance est de l’idée que l’on s’en fait (…). Mon tout petit chéri, ta douceur me manque, tes yeux plein de mélancolie et tes mains qui savent en se posant sur mon front me calmer, quand retrouverai je tout ça ? Travailles bien mon amour, là est la véritable récompense de tous les tourments ! …

C’est en Amérique qu’Édith Piaf rencontra son futur mari Jacques Pills (de son vrai nom René Ducos, 1906- 1970). Chanteur à succès d’après-guerre, il fit une carrière internationale. Il écrivit pour Piaf « Je t’ai dans la peau ». Édith en retour lui fit enregistrer la chanson intitulée « ça gueule ça madame » sur une musique de Gilbert Bécaud qui était le pianiste attitré de Pills à cette époque. Les deux vedettes se produisirent souvent sur les mêmes scènes ; ils furent tous deux à l’affiche de l’Olympia à Paris en 1955. Ils divorcèrent l’année suivante. Pills dirigea ensuite le cours de music-hall de l’Olympia créé par Bruno Coquatrix jusqu’à sa mort en 1970.

172. PIERRE-QUINT (Léon, de son vrai nom Léon Steindecker). Né à Paris. 1895-1958. Éditeur et critique littéraire. Directeur des Éditions du Sagittaire. L. dactylographiée S. « L. Pierre-Quint » à Pierre Abraham (Le Chesnay). Paris, 17 Août 1930. 2 pages 1/4 in-4. 120 €

Pierre-Quint autorise bien volontiers Abraham à reproduire sa Bibliographie proustienne, sous réserve de l’assentiment de son éditeur ...Je ne pense pas qu’il fasse d’objections, bien qu’il ait l’intention de re-publier prochainement ce livre, qui n’a été tiré qu’à 1000 exemplaires, dans une édition à tirage illimité. Écrivez donc à René Laporte : 18 rue Lafayette à Toulouse, en lui faisant part de mon accord... Il indique qu’il a rencontré Céleste Albaret [la Françoise de la Recherche] lorsqu’elle habitait ...à Levallois-Perret rue Deguingand 16. Mais il y a deux ans environ que je n’ai plus eu de ses nouvelles... Le Querschnitt a publié des photographies de la famille Proust (les deux frères de Marcel, Albert et André), et J. Benoist-Méchin, un de ses amis ...possède une photographie de son père sur un mail-coach allant aux courses avec Swann (ou tout du moins avec le personnage principal qui a servi à créer Swann)... Pierre-Quint suppose que Reynaldo Hahn possède de nombreux documents sur Proust : ...c’est lui qui détient cette enveloppe si émouvante, salie par des taches dues à des médicaments renversés, et sur laquelle l’auteur griffonna les derniers mots qu’il écrivit relativement à son roman... Enfin, il confie être pour le moment totalement éloigné de ses travaux proustiens, tout occupé à sa future publication qui concerne la correspondance de René Blum...

Pierre-Quint avait publié en 1925 « Marcel Proust, suivi de Le Comique et le Mystère chez Proust », puis l’année suivante « Comment travaillait Proust » (Bibliographie) aux Cahiers Libres. Céleste Albaret qui vit mourir Marcel Proust en 1922, est décédée en 1984.

173. PIRON (Alexis). Né à Dijon. 1689-1773. Auteur dramatique et poète, connu pour son esprit joyeux et mordant. MANUSCRIT AUTOGRAPHE DE DEUX POÈMES. 4 pages in-4. 2 200 €

Il s’agit de l'Epître à Mademoiselle Txxx mise dans le pot de chambre d'une chaize percée qu'on luy envoyoit en étrennes, 1746, et d’une seconde épître intitulée : A Mademoiselle xxx en luy envoyant des jarretières.

La première est adressée à Claudine-Alexandrine Guérin, marquise de Tencin (1681-1749), qui sut réunir autour d'elle un véritable salon, sans précédent à Paris, où figurèrent notamment Fontenelle, Montesquieu, Marivaux, Bernis, Helvétius, La Popelinière. Cet aréopage se rassemblait deux fois par semaine pour un dîner, comme le précise Piron dans une note marginale : "Il y avoit chez cette dame, un dîné de Beaux Esprits, tous les mercredis et les vendredis." On pense que Piron rédigea cette épître, vraisemblablement sous la forme d'une chanson, pour remercier mademoiselle de Tencin de l'avoir reçu dans son salon. Cette dernière, "assize en souveraine, sur ce siège des plus décens" que le poète lui offre, jugeait "sans appel, les vers de messieurs tels et tels"... et gardait les ...bons, Et pour ceux dont vous direz : Fy ! Laissez les, en quittant le siège, Où vous avez trouvé ceux cy..."

La destinataire de la seconde épître est inconnue. Alexis Piron la surnomme "Iris" et lui conte un récit original et badin, qui met en scène Vénus, "sur le sommet du Mont Ida", se faisant dérober ses jarretières par le dieu Amour.

Extrait du début de la première épître : ...Femme au dessus de bien des hommes, / Du siècle héroïque où nous sommes ! / Femme digne tout d’une voix / Qu’on la célèbre d’âge en âge, / Comme ayant eu tout à la fois / Esprit, beauté, grâces, courage, / Goût et sentiment délicat, / Femme forte que rien n’étonne, / Ny n’enorgueillit ny n’abat, / Femme, au besoin, homme d’Etat, S’il le falloit même, Amazone. (...), Je voudrois bien, en vérité, / Ne vous pas ofrir moins qu'un thrône / De vous mile fois mérité ; / Mais on en sçait la rareté (...). /Donc, au lieu d'un siège éminent / Qui branle ou craque, à tout moment, / Je vous en offre un bas, mais stable, / Plus nécessaire assurément, / Plus utile et plus agréable ; / Où vous aurez ceci de doux, / Qu'à la barbe, au nez des jaloux, / Vous y serez en paix profonde ; / Et que si le tonnerre gronde, / Ce ne sera que dessous vous. / Autre diférence infinie. / Cet autre posté vis à vis, / Le grand monde et la calomnie, / Guindé sur la cérémonie, / Environné des noirs soucis, / Adossé contre l'insomnie, / Altère la santé souvent ; / Celui cy calme, salutaire, / Loin de l'altérer, au contraire, / L'entretient sans cesse, ou la rend. / Du reste, assize en souveraine, / Sur ce siège des plus décens, / Donnez vous un plaisir de reine, / Etendez y votre domaine / Sur ce peuple affamé d'encens, / Que désaltère l'hypocrène; / Que messieurs les Beaux Esprits-nés, / Soient ou flétris ou couronnés, / A ce tribunal redoutable ; / Auquel ils seront adjournés / Comme ils le sont à votre table. en marge : ...Il y avoit chez A l'aise et d'un œil équitable, cette dame, un dîné de Là, vous jugerez, sans appel, Beaux Esprits, tous les Les vers de messieurs tels et tels ; mercredis et les vendredis...) Gardez les bons, par privilège ; Et pour ceux dont vous direz : Fy ! Laissez les, en quittant le siège, Où vous avez trouvé ceux cy. en marge : ...Ceux cy étoient comme j'ay dit dans le Bassin avec la Reine de Navarre, pièce de Voltaire qu'on venoit de jouer à la Cour...

Deuxième épître : A Mademoiselle xxx en luy envoyant des jarretières.

Sur le sommet du Mont Ida, Quand, sous les yeux d'un beau jeune homme, Vénus, pour obtenir la pomme, De ses vêtemens, ne garda Que cette fameuse ceinture Où l'on prétend que résida Tout le charme de la nature Je gage, Iris, que ses appas Qui l'emportèrent sur tant d'autres, Tout considéré, n'alloient pas A la jarretière des vôtres ; Quoyqu'il en soit, Iris, voilà Les deux siennes, que déroba L'un des plus grands fripons du monde, Quand de dessus la belle Blonde, Cotte et , tout tomba. Et quel étoit ce fripon là ? Pour vous la chose est peu douteuse ; Qui mieux en effet le sçaura, Que sa plus grande receleuse ? C'étoit l'Amour, à qui vos yeux, Et jour et nuit, donnent retraite ; Un logement si précieux Est digne que, cher, on l'achette ; Aussy, pour avouer la dette, Et commencer à s'acquiter, Le petit brigand de Cythère, Vous prie humblement d'accepter Ces jarretières de sa mère.

Fils d'un apothicaire dijonnais, Alexis Piron composa vers l’âge de vingt ans, une Ode à Priape, dont l’immoralité fut fameuse et qui annonçait un vrai talent. Piron resta en Bourgogne jusque vers 1719, criblant d’épigrammes les habitants de Dijon et, surtout, ceux de sa rivale, Beaune. Il les baptisait les « ânes de Beaune ». C'est vers l'âge de trente ans qu'il vint à Paris. Pour subsister, il accepta une place de copiste puis rencontra Voltaire, avec qui il se brouilla aussitôt, et se lia avec Mlle Quenaudon, dite de Bar, qu’il épousa en 1741. Il commença à percer en écrivant des opéras-comiques. La pièce, Arlequin Deucalion (1722), en trois actes, eut un énorme succès. Dès lors, Piron, seul ou en collaboration avec Alain-René Lesage, produisit jusqu’en 1732 vingt-et-une pièces foraines, souvent des parodies de tragédies ou de grands opéras.

174. POMPIDOU (Georges). Né à Montboudif. 1911-1974. Agrégé de lettres. Homme d’État. Président de la République française de 1969 à 1974. L.A.S. « G. Pompidou » à « Monsieur » [Maurice Merleau-Ponty]. S.l., 10 juin 1944.

1 200 €

Georges Pompidou se hâte de répondre, ...car les renseignements qu’on vous a donnés sont inexacts. Je n’ai pas de copie n° 5607. Je regrette de ne pouvoir vous être agréable... il ajoute : ...Vous n’aviez en tous cas nullement besoin de la recommandation de l’abbé Dimanche. La camaraderie normalienne, et le nom de M. Jolibois auquel je garde un respectueux attachement et qui retrouvera bientôt son Lycée Henri IV j’en suis sûr pour notre plus grande joie à tous, auraient plus que suffi. En tous cas j’ai en effet connu Dimanche (...), et nos relations étaient cordiales mais je suis incapable de porter un jugement sur lui. On m’avait dit depuis qu’il avait « jeté le froc aux orties » et s’était marié. Je n’ai en tous cas rien de précis... J’espère que nos relations pourront un jour dépasser le cadre du bachot...

175. POULENC (Francis). Né à Paris. 1899-1963. Compositeur et pianiste. Membre du « Groupe des Six ». L.A.S. « Fr. » à « Vieux Stéphane » [Stéphane Audel]. Bagnols-en-Forêt (Var). 5 décembre 1959. 2 pages grand in-8. Enveloppe timbrée avec cachets postaux. 1 300 €

INTÉRESSANTE LETTRE AMICALE QUI RENSEIGNE SUR SA VIE ET SES TRAVAUX.

Poulenc passe la fin de l’année dans le Var : ...Que tu as bien fait de m’écrire !... se réjouit-t-il avant d’enchaîner en lui prodiguant quelques conseils habiles pour réussir une interview : ...Il ne faut surtout pas avoir l’air d’interviewer le directeur de la radio mais le successeur de Roussel qui se croit Barraud-Ibert se croit Ravel-Jolivet-Beethoven (...). Parle lui de son œuvre Massacre des Innocents [du musicien baroque Charpentier] cantate pour chœur et orchestre, romance, opéra, diverses symphonies. Indique en entendre une par radio du Festival de Strasbourg. Voilà pour guider ta lanterne... Nous vivons ici dans l’horreur, pas pour Bagnols bien sûr, mais pour Fréjus qui est un paysage lunaire [allusion à la catastrophe du barrage de Malplaquet]. Bien entendu mon piano a donné trop d’angoisse pour les voisins mais j’en ai profité pour recopier mon Chabrier [son étude sur Emmanuel Chabrier publiée en 1961] et rédiger trois articulets pour une encyclopédie italienne. Je pars mardi pour Milan où je passerai deux jours (Tebaldi) [la soprano Renata Tebaldi]. Tout va bien ici où nous vivons bien calmement avec un peu d’amour... conjugal ce qui est mieux. Je rentrerai le 28 à Paris...

Né à Paris dans une famille d’industriels aisés, Francis Poulenc suit très tôt des cours de piano avec le virtuose Ricardo Vinès qui lui fera rencontrer Albeniz, Debussy et Ravel. De 1921 à 1925, Poulenc étudie la composition avec Charles Koechlin, un élève de Fauré. Il reste néanmoins une sorte d’autodidacte : « Mon canon, c’est l’instinct », dit-il un jour. La première de son ballet Les Biches, donné par les Ballets russes de Serge de Diaghilev, dans des décors et des costumes de Marie Laurencin, a lieu en janvier 1924. Quelques années plus tôt, il avait été introduit (en 1920) dans le célèbre GROUPE DES SIX sous l’impulsion de Cocteau et d’, Erik Satie.

Ami intime de Francis Poulenc, Stéphane Audel (1901-1984) fut reçu fréquemment par le compositeur dans sa propriété de Noizay en Touraine. Il écrivit un livre d’entretiens « Francis Poulenc, moi et mes amis, Confidences recueillies par Stéphane Audel » en 1963.

176. PROUST (Marcel). Né à Paris. 1871-1922. Écrivain. Auteur d’À la Recherche du temps perdu (édité de 1913 à 1926). Prix Goncourt pour Les Jeunes filles en fleurs. L.A.S. « Marcel Proust » à « Cher Monsieur » [l’historien et critique d’art Auguste Marguillier]. S.l.n.d. [juin 1906]. 5 pages in-8. Papier de deuil (la mère de Marcel Proust était décédée en septembre 1905). 12 000 €

ANCIENNE COLLECTION HENRI MONDOR. RARE.

TRÈS BELLE ET INTÉRESSANTE LETTRE DANS LAQUELLE MARCEL PROUST ÉVOQUE LE PEINTRE VÉNITIEN VITTORE CARPACCIO [pour Proust, le symbole même de Venise, dont il se servira dans Albertine disparue] ET LES « MORNINGS IN FLORENCE » DE RUSKIN, publiés par Laurens (en 1908) :

…Si plus tard votre collaborateur vous rend le Carpaccio italien (que je ne connais pas) je serai très heureux de le lire, vous pouvez me le prêter. Quant au français je vais écrire à Venise où on me dit qu’il a été édité. Carpaccio est un artiste si charmant qu’on voudrait pouvoir être toujours plus renseigné sur son œuvre et sur sa vie. Si vous n’aviez déjà disposé du cpte rendu, je me serais mis à votre disposition pour le faire. Si M. Laurens publie les Mornings in Florence vous devriez lui conseiller ceci. La magnifique édition de Ruskin (Library Edition) qui paraît chez Alen… Proust précise que les Mornings contiennent un …inédit « The visible church », très intéressant. M. Laurens n’aurait pas le droit de le publier, car il n’y a pas assez de temps qu’il a paru. Mais par voie d’appendice ou de note en disant franchement où il le prend, il pourrait en donner de longs extraits. Du reste les Mornings in Florence sont bien courts pour constituer un volume, il devrait y ajouter Val d’Arno qui est d’ailleurs infiniment supérieur aux Mornings in Florence lesquels sont le plus mauvais ouvrage de Ruskin, franchement médiocre...

En grand admirateur du critique d’art anglais John Ruskin (dont il fut l’un des premiers traducteurs avec l’aide de sa mère Jeanne Proust), Marcel Proust, après la publication de La Bible d’Amiens (The Bible of Amiens, by John Ruskin, 1885) au Mercure de France en 1904, avait été proclamé et jugé, expert en études ruskiniennes. En novembre 1905, Proust fut approché par Auguste Marguillier, le directeur de La Chronique des arts, un ancien secrétaire de Charles Ephrussi (autre ami de Proust) à la Gazette des Beaux-Arts, pour un compte-rendu de Pierres de Venise (de Ruskin), nouvellement traduites par Mathilde Crémieux, la cousine de Proust, et paru chez l’éditeur des « Matins de Florence » Henri Laurens. En janvier 1906, Proust adressait à Marguillier une notice sur Gainsborough de Gabrielo Mourey qui paraîtra dans La Chronique de Marguillier, puis chez Laurens, dans les «Villes d’art», une collection très prisée par l’auteur de La Recherche ; Proust y loue, le bel ouvrage de Marguillier sur Dürer, qui scella la réputation du critique d’art. Toujours dans la même collection, Proust découvrit le Carpaccio de G. et L. Rosenthal (paru en 1906), auquel il fait allusion dans cette lettre. Il semble que Proust eût le désir de vouloir continuer à suivre étroitement les traductions en français de Ruskin, et d’engranger toute information susceptible d’être réinterprétée plus tard, poétiquement dans La Recherche ; mais c’était sans compter avec les impératifs d’un directeur de revue (flanqué d’un éditeur, toujours le même, HENRI LAURENS, qui tenait boutique au 6 de la rue de Tournon). Marcel Proust, semble dans cette présente lettre, regretté à demi-mots d’avoir été exclu de l’aventure éditoriale des Mornings.

Introduit dans La Recherche, par le biais des robes du couturier Fortuny offertes à Albertine par le Narrateur, le peintre vénitien Carpaccio (1460-1526) fut longuement étudié par Proust lors de ses séjours à Venise à travers les ouvrages de Ruskin (on rapporte que c’est « le livre à la main » que Proust avait visité Venise lors de son premier séjour en 1900 (Tadié, I, p. 787).

177. QUENEAU (Raymond). Né au Havre. 1903-1976. Diplômé en philosophie. Publie son premier livre « Le Chiendent » en 1933. Il entre aux Éditions Gallimard en 1938. 3 L.A.S. « Queneau » à Mathilde Camhi (une traductrice). [Paris], 18 mai, 6 juin et 26 juillet 1955. 1 page 3/4 in- 8 au total. En-tête de la NRF. 2 enveloppes jointes. 380 €

TROIS LETTRES RELATIVES AU PROJET ÉDITORIAL CONCERNANT LA TRADUCTION D’UN OUVRAGE DE L’AUTEUR NORVÉGIEN TRYGVE LIE.

1°). Queneau signale que le contrat pour le livre de Trygve Lie est signé et lui propose les conditions suivantes ...une somme forfaitaire de 200 000 frs. Délai : six mois... Si elles vous agréent je vous ferai établir un contrat... 2°). ...A propos de cette traduction de Trygve Lie, vous serait-il possible de passer rue Séb. Blottin (siège des éditions Gallimard)... 3°). Dans la lettre de juillet, Queneau lui fixe un rendez-vous...

178. RAVEL (Maurice). Né à Ciboure. 1875-1937. Compositeur. Carte-L.A.S. « Maurice Ravel ». [Montfort L’Amaury], 9 mai 1922. 1 page in-8 gravé à son adresse et initiales. Papier toilé. Timbre et cachets postaux. 1 200 €

Cette lettre s’adresse à un ami sinologue, qui fut diplomate en Chine, GEORGE SOULIÉ DE MORANT. Il contribua à l’introduction de l’acupuncture en France et Ravel entretint une correspondance avec cet érudit à partir des années 1920. Soulié de Morant devint un praticien acupuncteur réputé, recevant dans son cabinet à Neuilly-sur-Seine une clientèle de célébrités (Antonin Artaud, Jean Cocteau, Colette, Vassily Kandinsky, bien entendu Ravel, et la psychanalyste Marie Bonaparte, une amie commune) :

…La princesse George [Marie Bonaparte] me dit que fort aimablement vous voudriez bien me ramener Jeudi à Montfort. Je préfèrerais, si cela ne vous dérange pas davantage, que vous vinssiez me prendre ici. Pour le retour, vous n’auriez qu’à me déposer à un point quelconque de Paris, ou même de Neuilly. Je prendrais le train à 7 h. C’est si compliqué d’aller de Montfort à St Cloud ! Dites-moi si cela est possible. Merci d’avance et bien cordialement à vous…

179. RÉJANE (Gabrielle Réju, dite). Née à Paris. 1856-1920. Actrice. L.A.S. « Réjane » à « Madame ». S.l. [Paris] s.d. 2 pages in-8. Papier à son adresse « 12 rue de Berri ». 160 €

L’actrice qui rentre de voyage est sur le point de conclure ...une autre affaire la nôtre ne se fait pas et je viens vous prier de nous voir demain vendredi à 5 h au théâtre 15 rue Blanche...

180. RENAN (Ernest). Né à Tréguier. 1823-1892. Écrivain, philosophe et historien. L.A.S. « E. Renan ». Paris, 23 décembre 1863. (Petites déchirures au bord du feuillet et coin supérieur). 350 €

Renan ne valide en aucun cas la traduction anglaise de son ouvrage la Vie de Jésus : ...On me communique une annonce de l’Athenaeum, où la traduction de ma Vie de Jésus est donnée comme revue par l’auteur. Ceci, vous le savez, est tout à fait erroné. Deux ou trois feuilles m’ont été communiquées en épreuve. Je ne les ai pas lues, n’ayant pas un sentiment assez direct de l’anglais, pour être bon juge en pareille matière ; j’ai pu corriger ça et là quelques fautes d’impression qui m’arrêtaient les yeux ; mais je me rappelle expressément avoir écrit en tête des dites épreuves que je n’avais pas entendu les corriger ni en prendre la responsabilité. Je vous prie donc de faire disparaître la formule revised by the Author du titre et des annonces... dans le cas contraire il menace d’en faire part à la presse, car ...Le sujet en est fort délicat... dit-il, ...un mot mal rendu peut altérer toute ma pensée...

La Vie de Jésus fit connaître au grand public le nom d’Ernest Renan. Le livre, qui constitue le premier tome de L'histoire des origines du Christianisme, eut un immense retentissement. Renan y présentait la figure de Jésus comme celle de n’importe quel autre homme.

LA PREMIÈRE TRADUCTION DU LIVRE EN ANGLAIS FAITE PAR CHARLES E. WILBOUR, EST CONTEMPORAINE DE L’ANNÉE DE PARUTION DE L’ÉDITION ORIGINALE (1863).

181. RENARD (Jules). Né à Chalons-du-Maine. 1864-1910. Écrivain, membre de l’Académie Goncourt. Carte A.S. « Jules Renard » à un monsieur. Paris, le 6 avril 1896. 1 page in-16 oblong. 280 €

…Vous avez raison de croire, dans votre article de L’Événement, que je n’ai pas oublié les chroniques de Mr Émile Portal… avoue Jules Renard. Peiné d’apprendre que ce dernier est souffrant, il demande à son correspondant de bien vouloir lui communiquer son adresse …ainsi j’aurais plaisir à lui envoyer mon dernier livre comme une marque de gratitude et de sympathie…

Mr Émile Portal devait être un chroniqueur d’une revue littéraire qui avait sans doute publié un article élogieux sur Jules Renard puisque celui-ci désire lui envoyer son dernier livre, probablement La Maîtresse.

182. RESTIF DE LA BRETONNE (Nicolas Edme Restif, dit). Né à Sacy. 1734-1806. M.A., probablement pour son ouvrage LE PORNOGRAPHE (publié à Londres en 1769). 1 page in-4 sur vergé verdâtre filigrané. Cachet de collection. PIÈCE TRÈS RARE. 2 500 €

Extraits : ...qui entrait voyait écrit sur la porte de chaque cellule : princesse Lambale, duchesse Mazarin, Mad. R***, Mad. T***, Maillard, Clotilde, Gardel, Mezerai, Mars, Contat, Emilie, Hopkins, Pauline, Carline, Caroline (...), Adeline, Colombe, Duté, Dubarri, Mlle Martin, Mlle Roland, Mlle Gauthier (...), observant que les noms suivaient sur les portes par ordre alphabétique... Dans la circonstance qui avait lieu en cet instant, Paris était rempli de Députés de toutes les Provinces. La fortune des deux sœurs fut rapide. Toutes les Filles du Palais-Egalité furent délaissées. La Siphilis disparut, les charlatans n’eurent plus rien à faire. Grâces en soient rendues au Castriot célèbre, dont la réputation attira les deux cousines à Paris. Mais cet établissement durera-t-il ? On en doute. Les médecins (...), sont furieux contre les deux Parhténiénnes... À 32 ans, Rebecca, presque millionnaire, vient d’épouser M. Amant de Castres, qu’elle a rendu très malheureux. Quant à Thomas Caroline, elle a pris le parti du théâtre, à cause de la beauté de sa voix... Dans une seconde partie, Restif a rédigé des notes au sujet de la « pornographie », c’est-à-dire dire l’étude de la prostitution : ...La prostitution fait comme une population à part, dans le local célèbre, qui fait le sujet de cet article. Les Magnats en sont les Abbesses de cette population femelle & stérile. Les maquerophoros en sont les fléaux ; les vieilles- Filles en sont les Agentes, & la vermine ; les Enfants qu’elles prostituent, en sont les victimes et les Élèves. J’ai proposé au Gouvernement de mettre de l’ordre, dans cet horrible caos (sic) du désordre...

Fidèle témoin de son temps, Restif de la Bretonne s’efforça de décrire tous types de sujets, comme la place de la femme dans la société avec Le Gynographe ou le théâtre (Le Mimographe). Dans Le Pornographe, terme qu'il inventa, Restif, sous le couvert d'un échange de lettres entre ses personnages, entame ce travail d'écrivain penseur et nous livre ses réflexions sur la prostitution, sujet de préoccupations éternelles. Refusant toute proscription de cette pratique qui est selon lui un mal nécessaire, l'auteur propose de la réglementer, et étudie tous les aspects du problème pour mieux en exposer les solutions. Mais Le Pornographe, c’est aussi pour ce libertin aux ambitions d'homme de lettres, une tentative réussie de concilier morale et pratiques voluptueuses.

183. ROBBE-GRILLET (Alain). Né à Brest (1922-2008). Romancier, chef de file avec Nathalie Sarraute du Nouveau roman. Texte dactylographié Signé « Alain Robbe-Grillet, 30 rue Gassendi (14e) ». Sans date. 1 page in-folio. 250 €

Ce texte intitulé « L’Ange gardien » a été publié dans Obliques, n°16-17, Paris, Borderie, en 1978.

....Il trouva la petite fille qui l’attendait, assise au soleil dans l’herbe haute (...). Elle ne l’avait pas entendu venir ; elle souriait à sa poupée en lui parlant tout bas, des mots à elle probablement, des mots d’enfant qu’elle avait conservés. Il dit à mi-voix pour ne pas lui faire peur (...). Tu es seule à la maison ? De la tête elle fit que oui. Il s’approcha et s’allongea près d’elle dans l’herbe (...). Il dit : - Ce soir je partirai (...). Elle se serra contre sa poitrine. De sa main droite libre, l’homme retira le stylet de sa poche ; il en posa la pointe sur l’étoffe mince de la robe (...). - Ne crie pas petite, je vais te faire un peu mal, ne crie pas, ça ne sera pas long (...). Le corps de la fillette se tendit et, brusquement, il la sentit devenir toute molle entre ses bras. Il resta encore un instant étendu à regarder (...), puis, sans la lâcher, il se releva, ferma ses yeux du bout des lèvres, et la déposa, toujours souriante, au milieu d’un parterre de narcisses...

Homicide, torture, sadisme, pédophilie, cannibalisme, etc. : tout au long de sa carrière, Robbe-Grillet a exploré toutes sortes de perversions. Dès ses premières œuvres, ses représentations sexuelles pour le moins audacieuses ont choqué les critiques. Après avoir lu Le Voyeur, en 1955, Émile Henriot proposa d’enfermer le romancier dans un hôpital psychiatrique... Pour Alain Robbe-Grillet, tous les thèmes générateurs qui reviennent obsessionnellement dans ses œuvres sont les thèmes principaux de la tragédie grecque.

184. ROLAND GARROS. Né à Saint-Denis de La Réunion. 1888 - mort dans un combat aérien en 1918. Pionnier et héros de l’aviation, le premier à avoir réussi la traversée de la Méditerranée (1913). L.A.S. « Garros ». S.l. [Saint- Raphaël], 2 janvier 1914. 3 pages in-4. En-tête de l’Hôtel Beau-Rivage, Saint-Raphaël. 850 €

RARE LETTRE DE CE HÉROS DE L’AVIATION QUI FUT UN REDOUTABLE COMBATTANT AÉRIEN PENDANT LA GRANDE GUERRE, GRÂCE À SON INVENTION DU TIR AÉRIEN (À TRAVERS L’HÉLICE). Garros s’insurge contre les changements de missions : …J’ai été un peu surpris du télégramme – confirmé par votre lettre du 31 décembre dans lequel vous m’avisez que « je peux disposer » du dimanche 4 janvier « selon mon désir » (...), vous auriez pu, au moins me demander mon avis, au lieu de me présenter la chose, non seulement comme un fait accompli, mais comme si vous m’accordiez une faveur. Je ne m’exagère d’ailleurs pas l’importance de ce malentendu. Je note que je dois voler le 11 Janv. à Barcelone. J’accepte volontiers, en cette circonstance, de dépasser la frontière. Je vous conseille de prendre des renseignements et des dispositions pour éviter les difficultés et les retards de douane, pour lesquels, naturellement, je décline toute responsabilité. Je serai heureux d’avoir de vos nouvelles fraîches…

Roland Garros fut un sportif accompli, notamment du cyclisme, avant de devenir un as de l’aviation française. À bord de son « Blériot XI » il est le premier à traverser la baie de Rio de Janeiro au Brésil et à survoler la forêt tropicale. Il s’illustre également en Argentine. De retour en France, enchaînant les succès, il devient le conseiller technique de l’avionneur Raymond Saulnier. Le 23 septembre 1913, le nom de Roland Garros passe à la postérité grâce à son exploit : la traversée de la Méditerranée en 7 heures et 53 minutes. Cocteau lui dédie un long poème « Le Cap de Bonne espérance ». Engagé pendant la Grande guerre, le pilote émérite participe à la mise au point du tir à travers l’hélice qui permit les premières victoires aériennes des alliés contre les Allemands. Il meurt au combat la veille de ses trente ans. Son nom prestigieux est associé au célèbre tournoi de tennis à la demande de son ami l’athlète Émile Lesieur qui insista pour qu’un stade portât son nom.

185. ROMAINS (Jules). Né à Saint-Julien-Chapteuil. 1885-1972. Écrivain. Élu à l’Académie française en 1946. L.A.S. « Jules Romains » à un confrère. Tolède [Espagne], 14 janvier 1920. 2 pages in-4. En-tête du Grand Hotel Imperial de Tolède. 250 €

Divergences au sein de la Coopérative des auteurs dramatiques dirigée par Rodolphe Darzens (1865-1935), au sujet de la représentation de sa pièce « Cromedeyre-le-Viel » : …Il ne m’est pas possible, à mon grand regret, de laisser ma pièce à la Coopérative. Il est essentiel pour moi, et pour des éditeurs avec qui j’ai des engagements précis et anciens, que Cromedeyre soit joué cet hiver. Mieux vaudrait qu’il ne le fût point du tout, que de demeurer à la merci des hasards et des changements de programme. Tant que, sur la foi des décisions adoptées, j’ai cru que la pièce passerait au début de cette année, je n’ai point songé à la reprendre. Mais l’arbitraire, au moins apparent, qui semble présider à la succession de mes spectacles m’a donné des inquiétudes. Si je m’étais formé dès le début une idée plus exacte de la façon dont serait conduite l’entreprise, des moyens matériels dont elle disposait, de l’esprit qui l’anime, j’aurais certes eu le même plaisir à en faire partie, mais j’aurais réservé à la Coopérative une autre pièce que Cromedeyre. Voilà tout. Ce n’est pas très grave, comme vous voyez, et M. Darzens a tort de s’émouvoir de ce que j’ai dit le concernant... Mais ne croyez point que j’aie mis la moindre amertume dans cette constatation. Je ne suis pas assez sot pour cela. Je vis tous les jours au milieu de gens qui n’attachent aucune importance à des choses beaucoup plus considérables, et je ne suis plus assez jeune pour prendre ça au tragique…

186. ROSNY Ainé (Joseph Henri). Né à Bruxelles. 1856-1940. Fondateur de la science-fiction moderne. M.A.S. « J.H. Rosny » de 17 pages in-4, préparatoire à l'impression, intitulé « Les Nihilistes à Paris ». Texte politique sur les Socialises russes exilés à Paris. (Nombreuses rousseurs éparses). 350 €

Extrait : ...C’est dans les quartiers de Montrouge, la Glacière, etc. qu’habitent la masse des nihilistes. Ce sont, en général, des gens assez pauvres, quoique plusieurs appartiennent à des familles aristocratiques et riches. Mais, en outre, ils sont fréquemment en froid avec leurs proches, à cause de leurs opinions, il ne leur est pas facile de recevoir des secours : si la police russe peut découvrir un père, une mère, un frère, une sœur qui ont envoyé de l’argent à un exilé, immédiatement leurs biens sont mis sous séquestre (...). On leur doit des travaux remarquables, tels que la Russie politique et sociale de Tikhomiroff, qui est un beau livre, la Russie souterraine de Tepniek qui est une œuvre frappante, des traductions de Tolstoï, de Dostoïevsky, de Chtchédrine, etc. C’est en somme une petite ruche intellectuelle, laborieuse autant que pauvre... Rosny décrit ensuite dans le détail plusieurs habitations d’exilés russes à Paris... dont la demeure de Tikhomiroff, l’auteur du manifeste à Alexandre III.

187. SAINTE-BEUVE (Charles-Augustin). Né à Boulogne-sur-Mer. 1804-1869. Écrivain, critique littéraire. L.A.S. « Sainte-Beuve » à « Mon cher ami ». S.l., 30 décembre 1860. 1 page in-8. 250 €

BELLE LETTRE.

Remerciements appuyés de Sainte-Beuve pour un article …Vous avez tiré des deux volumes le point de vue du professeur qui y était à l’origine, mais qui avait un peu disparu depuis dans les additions ; vous l’avez dégagé et mis en relief pour les lecteurs du Ministère de l’Instruction publique. Les petites légèretés excessives, vous les avez sauvées, vous avez jeté dessus un voile indulgent (…). Vous rappelez une date déjà bien ancienne ; elle compte pour nous deux, et vous n’avez cessé de la renouveler et de la rafraîchir pour moi par toutes sortes de bons offices et de procédés d’une amitié littéraire inaltérable…

188. SAKHAROFF (Clotilde von der Planitz, dite Clotilde von Derp). Née à Berlin (Allemagne). 1892-1974. Danseuse expressionniste allemande, admirée de Rainer Maria Rilke. Elle fut membre du Blaue Reiter. Épouse du danseur et chorégraphe ALEXANDRE SAKHAROFF. 2 cartes postales A.S. « Clotilde Sakharoff » et « Clotilde » avec sur la seconde carte, la signature autographe d’Alexandre Sakharoff, les deux adressées au compositeur Émile Vuillermoz. Paris, 11 septembre 1927 et Rio de Janeiro, 6 novembre 1935. 2 pages in-8. Au recto de la première carte est représenté un portrait de la danseuse. 300 €

1). ...Sur le point de partir pour nos tournées d’hiver, je vous dois un aveu. J’ai fait une danse sur votre musique- la vocalise, qui par une étrange coïncidence de choses est venue vers moi à Toulon, il y a un an et que je vais créer à Genève dans quelques jours... Elle aurait aimé la lui présenter et ...savoir par vous-même, si je n’ai pas trop défiguré votre idée...

2). En tournée au Brésil : ...Nous avons donné 15 représentations en Argentine avec un succès complet. J’ai eu la grande joie de danser beaucoup « Hymne au soir » qui est un des favoris du public. Nous restons deux semaines ici au Brésil. Quel pays extraordinaire !...

Le couple Sakharoff développa une forme très personnelle de danse moderne. Après leurs débuts à Londres en 1922, leur renommée s'étendra au-delà de l'Europe. On les considère comme l'un des couples les plus célèbres de l'histoire de la danse.

189. SALACROU (Armand). Né à Rouen. 1899-1989. Auteur dramatique. L’un des rares à avoir été joué à la Comédie- Française de son vivant. Carte A.S. « Armand Salacrou » à André Reybaz (à Rennes). Le Havre [13 juillet 1979]. 2 pages in-12 oblong. Enveloppe timbrée et cachet postal. En-tête gravé de la Société des Auteurs et Compositeurs dramatiques – Le Président d’honneur. 80 €

...L’argent, toujours l’argent, mais c’est un cri que j’entends depuis plus de cinquante ans, - d’abord poussé par Lugné- Poe [à l’origine du renouveau théâtral par la fondation du Théâtre de l’Œuvre] - et repris , sans un moment de répit, par Dullin [Salacrou avait obtenu un triomphe avec La terre est ronde dans une mise en scène de Charles Dullin]. Enfin, une subvention peut nous tomber sur la tête... espère-t-il, optimiste...

190. SALMON (André). Né à Paris. 18881-1969. Poète, journaliste, critique d’art, ami de Picasso, Max Jacob, Apollinaire. Poème A.S. « André Salmon » dédicacé à Karl-Heinz Frisch, intitulé « Cette vocalise inédite PARIS LA NUIT ». S.l.n.d., 1964. 1 page in-12. 180 €

...Nuit ! Les becs de fer du Stymphale / Renaissent de la Tour Eiffel / Où danse sa mort Eriphyle / Qu'excite un orchestre de folles / Contre l'Esprit qui la refoule...

191. SAMAIN (Albert). Né à Lille. 1858-1900. Poète symboliste. Poème Autographe. S.l.n.d. 1 page 1/4 in-8. Manuscrit de travail comportant de très nombreuses ratures et corrections. 750 €

TRÈS BEAU POÈME SYMBOLISTE :

Lente et pensive au long de l’automne encore Comme tu reprends le rêve inachevé Mélancolique et qui se fane mélancoliquement Et nos pensées encore qui suivent en solitaire Le rêve inachevé qui nous enchante

(...) Le soleil pourpre expire au fond de l’avenue Flotte une douce mort, une mort de poison Sur une note au loin en dolente continue (soutenue) Et voici que l’heure de mourir est venue Et vous que la suprême heure est advenue O toi, ma sœur encor, demain mon inconnue, O Toi, qu’emporte une insensible trahison Vois tu notre cœur (...) Ce soleil rouge qui sombre, cœur de pourpre au fond de l’avenue Pendant que ce dernier rayon dore le bois Chacun de nous refait son rêve d’autrefois Et berce dans son cœur ta peine solitaire Des lueurs d’autrefois par moments remontent dans nos yeux Et s’éteignent le soir retombe silencieux... O tristesse infinie, et, les choses de la Terre ! O cette pauvreté Solennisée dans le crépuscule anxieux

Sur la mousse odorante et dans la forêt nue Tes yeux a des douceurs d’amère saison lente L’air triste a des saveurs de l’année (?) Au long des étangs d’or Pendant qu’il neige sans bruit des feuilles Chacun de nous refait son rêve Et referme son cœur jaloux sur son mystère...

192. SAND (Aurore Lucile Dupin, baronne Dudevant, dite George). Née à Paris. 1804-1876. Romancière et femme de lettres. L.A.S. « G. Sand » à Félix Duquesnel [directeur du théâtre de l’Odéon]. Nohant, 28 juin 1872. 4 pages in-8 à son chiffre. 2 200 €

TRÈS BELLE LETTRE DANS LAQUELLE GEORGE SAND (AVEC L’APPUI DE SARAH BERNHARDT) DEMANDE UNE FAVEUR POUR « REY ». ELLE ÉVOQUE ENSUITE LA MORT DE L’ANCIEN DIRECTEUR DE L’ODÉON CHARLES DE CHILLY (décédé tragiquement quelques jours avant cette lettre, le 11 juin) :

...Je reçois ce matin une lettre du ministre qui m’attribue, pure galanterie, le succès de votre campagne (...). Tâchez de sauver de la misère ce pauvre Rey, qui croit avoir été chassé de l’Odéon par Sarah [Bernhardt]. Je lui ai dit que c’était impossible, que Sarah, eût-il eu des torts graves envers elle, est trop bonne, réellement bonne, pour se venger d’un pauvre diable comme lui... Elle a écrit au ministre auprès duquel Rey a «pétitionné» un poste de professeur au Conservatoire ...C’est à Sarah aussi, dites-le lui que je demande de faire à l’occasion son possible pour lui. Je compte sur son cœur que je n’ai jamais trouvé en défaut... Elle l’attend à Nohant fin juillet ...plus tôt si vous voulez, car j’ai beaucoup travaillé déjà, et la lumière se fait, grâce aux changements convenus. Le pauvre Chilly ne sera plus là. Je l’aimais beaucoup malgré ses moments d’injustice. Le fond était bon, et il avait des clartés d’intelligence bien réelles. Je ne puis vous dire que ce que je lui disais : si ma pièce ne vous va pas absolument, ne craignez pas de me fâcher. Je ne tiens pas à être jouée sans qu’on m’ait rendue tout à fait contente de moi...

Félix Duquesnel a laissé des Souvenirs littéraires où George Sand tient une grande place et dans lesquels il évoque à côté de Sand ses «Figures intimes» : Dumas, Augier, Sainte-Beuve, Jules Sandeau, Adolphe d'Ennery, Xavier de Montépin. Nommé directeur du théâtre de l’Odéon avec Chilly, il prendra ensuite la tête du théâtre de la Porte Saint-Martin. Il meurt à Paris en 1915.

Charles de Chilly fut d’abord directeur à l'Ambigu avant d’être nommé à l’Odéon en 1867, associé à la direction du théâtre. En 1872, il monte Ruy Blas de Victor Hugo avec Sarah Bernhardt où elle triomphe dans le rôle de la Reine, ce qui la fait surnommer la «Voix d'or» par Hugo. Pour fêter sa pièce, Victor Hugo donne chez Brébant une fête pour les artistes, Chilly, déjà malade, meurt tragiquement à l’issue du banquet dans la consternation de tous.

193. SARTRE (Jean-Paul). Né à Paris. 1905-1980. Écrivain, dramaturge et philosophe. Personnalité majeure de la vie intellectuelle française dans les années 1960. L.A.S. « J.-P. Sartre » à « Mon amour » [Wanda Kosakiewicz]. S.l., [Morsbronn, Alsace], 11 janvier [1940]. 2 pages 1/2 in-4 sur papier à carreaux (encre céruléenne). 2 800 €

SUPERBE ET TRÈS RARE LETTRE D’AMOUR À WANDA KOSAKIEWICZ PENDANT LA DRÔLE DE GUERRE :

Extraits :

« …Ainsi tu es restée deux jours sans m’écrire, mauvaise petite teigne. Mais ce n’est pas de ça que je t’en veux (...). C’est d’avoir passé un sombre petit Dimanche et de n’avoir pas songé tout aussitôt à me l’écrire. Rappelle-toi, c’était dans nos conventions. Aussitôt que tu avais le moindre ennui tu devais m’en faire part. Eh, je sais bien que c’était au fond des choses qui ne se disent guère : par exemple que Paris fait sinistre le Dimanche. Mais même ça, ma douce petite lumière, il faut me l’écrire, sinon comment veux-tu que je sois ta sécurité. Est ce que je ne parle pas comme il faut ?... »

« ...Je pense comme toi que la femme lunaire [Marie Ville] est une drôle de personne dans le genre du héros du Voyage au bout de la nuit [de Louis-Ferdinand Céline], qui a toujours envie de s’agiter et d’aller au bout de quelque chose, tu m’as fait rire l’autre jour en me disant qu’elle voulait être une lionne d’après guerre, mais je pense qu’elle ne sera rien du tout – et ça vaut mieux parce que finalement c’est terriblement « social » une lionne d’après-guerre, rien du tout qu’elle-même, ce drôle de gros personnage plein de veulerie et d’énergie, de charme et de vulgarité, de bêtise sentencieuse et d’une espèce d’intelligence… »

« ...C’est la première fois que je sens d’une façon concrète que tu penses à moi en dehors des moments où tu m’écris. Ne prends surtout pas ça comme un reproche, mon amour, c’est ma faute et non la tienne, c’est parce que je suis un inquiet... »

« ...Tu m’écris de charmantes petites lettres et je suis au mieux avec toi. Et puis je vais bientôt te voir, je n’ai plus cette accablante impression de distance que j’avais en décembre et qui fut à l’origine de ma crise de passionnel. Et puis peut être je vais aller ensuite à l’arrière du front, en Avril ou en Mai (mais ça n’est pas sûr) et alors je te ferai venir tout un grand mois près de moi ou plus ou tout autant que tu pourras supporter d’être loin de Paris. Je t’aime tant, mon amour... »

« ...J’écris les histoires pour l’oncle Jules. Ça sera finalement un traité de littérature, j’ai peur que tu n’aimes pas ça du tout. Tu me donneras ton avis quand je viendrai en permission et si ça ne te plait pas bien je cesserai peut-être, tu verras... »

« ...Aujourd’hui il fait moins quinze et nous n’avons plus de charbon. En ce moment le poêle est éteint mais il reste encore un peu de chaleur, mais demain qu’allons nous faire. Ça m’amuse plutôt de voir ce qui va se passer, comment nous endurrons (sic) ça, ainsi pris au pied du mur... »

194. SARTRE (Jean-Paul). Né à Paris. 1905-1980. Écrivain, dramaturge et philosophe. Personnalité majeure de la vie intellectuelle française dans les années 1960. L.A.S. « J.P. Sartre » à « Mon cher Merleau ». S.l., 17 décembre [1953]. 1/2 page in-folio, papier quadrillé. 700 €

Vibrant témoignage d’amitié de la part de Jean-Paul Sartre à Maurice Merleau-Ponty, malgré leur brouille (Merleau-Ponty avait claqué la porte des Temps modernes quelques mois auparavant), suite au décès de la mère de Merleau-Ponty :

...Je sais que tu as un immense chagrin ; il n’y a certainement pas de mots ni de témoignages d’affection qui puissent t’aider aujourd’hui. Je voudrais simplement que tu crois à ma profonde amitié. On sent qu’on tient aux gens quand on supporte mal qu’ils souffrent et j’ai senti tous ces jours-ci combien je tenais à toi. Je souhaite bien vivement que nous nous retrouvions comme autrefois, quand cela te sera possible et que tu puisses penser à moi comme à ton ami...

Le père de Merleau-Ponty étant décédé pendant la Grande guerre, Merleau-Ponty fut élevé, avec sa sœur, par leur mère Louise, à laquelle il vouait une tendre et profonde affection.

Mêmes maîtres, même formation, entre idéalisme et spiritualisme, dans les années trente, Sartre et Merleau-Ponty, condisciples à l’École Normale de la rue d’Ulm, rencontrent la phénoménologie husserlienne. Ils fondent ensemble après la guerre la revue Les temps modernes, mais se brouillent l’été 1953, entraînant la démission fracassante de Merleau-Ponty, mettant un terme à huit années de direction éditoriale et de collaboration intense au travail politique de la revue.

195. SCHMITT (Florent). Né à Blâmont. 1870-1958. Compositeur. Élève de Massenet et Fauré. Grand Prix de Rome pour sa cantate Sémiramis. Membre de l’Académie des Beaux-Arts en 1936. L.A.S. « Florent Schmitt » à « Cher Monsieur ». S.l.n.d. (18 décembre). 1 page 1/2 in-8. 550 €

...Dommage que vous m’ayez écrit à st Cloud plutôt qu’à Paris... En janvier il y reprendra les concerts : ...Les chansons à 4 voix sont des chansons, sans plus, deux d’après Alfred de Musset, deux d’après des poésies arabes. Écrites à Londres en 1903 et instrumentées en 1920 sur les instances de l’éditeur. Elles sont toutes en forme de valses et dénuées d’artifice...

196. SCHWEITZER (Albert). Né à Kaysenberg (Haut-Rhin). 1875-1965. Théologien et philosophe alsacien. Médecin, il vécut longtemps au Gabon. PRIX NOBEL DE LA PAIX EN 1952. L.A.S. « Albert » à la doctoresse MARGRIETA VAN DER KREEK. Allemagne, « Auf Autobahn Frankfurt-Kassel » [sur l’autoroute reliant Frankfort à Cassel], 24 septembre 1959. 2 pages grand in-4, au crayon (papier pelure). En allemand. 780 €

BELLE LETTRE À MARGRIETA VAN DER KREEK, MÉDECIN À L’HÔPITAL DE LAMBARÉNÉ, QUE SCHWEITZER ET SON ÉPOUSE AVAIENT FONDÉ AU GABON DANS LES ANNÉES 1920 :

Schweizer lui envoie ses vœux d’anniversaire dans la voiture d’Erika, qui file à plus de 100 km heure..., dit-il. Il serait heureux de se trouver près d’elle en ce jour, à Lambaréné, pour l’honorer d’un petit discours et d’une petite fête, la félicite de la voie prise sur le chemin de la piété et de l’introspection, auquel il a lui-même participé. Dans trois jours, il doit recevoir à Copenhague le prix de l’Université. Il aimerait se rendre ensuite à Malmö pour revoir Berg Andreas, ainsi que d’autres amis suédois, à Münster (Westphalie) où le professeur Mai devrait le présenter à la faculté, à Dortmund et au sud pour visiter des universités, dont celle de Tübingen, où se trouve un parent théologien. Il poursuit le détail de son itinéraire : vers le 12 octobre, il devrait se trouver à Gunsbach et Strasbourg, en novembre, puis Paris et Bruxelles..., raconte des souvenirs plus intimes, et évoquant le temps où jeune étudiant, lors de ses incessants allers-et-retours Strasbourg-Paris, il avait pris l’habitude d’écrire dans les trains [le jeune Schweitzer avait étudié la théologie à Strasbourg et l’orgue à Paris, chez Charles-Marie Widor]...

Reçu docteur en médecine en 1913, Schweitzer partit pour Lambaréné (actuel Gabon) où il fonde avec son épouse le premier hôpital de terrain de la mission évangélique de Paris. Il y restera jusqu’en 1965. Son œuvre comprend une trentaine d’ouvrages. Sa philosophie, qui s’articulait autour du principe du respect de la vie, le rapproche des penseurs bouddhistes et humanistes. La cousine d’Albert Schweitzer est la mère du philosophe Jean-Paul Sartre.

197. SCRIBE (Eugène). Né à Paris. 1791-1861. Auteur dramatique. L.A.S. « Eugène Scribe de l'acad. Fse » à Monsieur Croissan, avocat général près la cour impériale. Paris, 27 avril 1853. 3 pages 1/3 grand in-4. Enveloppe avec adresse et cachet de cire rouge. 350 €

Importante et cocasse lettre (dans le déroulé des événements de la vie de Francis Scribe, son neveu) éclairant un pan méconnu de la famille d'Eugène Scribe : ...mon frère ainé est mort insolvable à Bruxelles où il vivait d'une petite pension que je lui faisais et plus tard, à leur majorité, ses enfants ont du renoncer à sa succession. Il en avait deux, un garçon et une fille (...) qu'il m'avait confiés... si l'établissement de sa nièce, ne lui causa aucun souci, il en fut autrement du neveu : ...Quoique ne manquant ni de moyen ni d'aptitude, mon pauvre neveu manquait déjà de suite dans ses idées et de persévérance dans son travail ; son esprit ne pouvait s'appliquer longtemps, ni se fixer à rien... une place de professeur de chimie l'attendait mais il lui fut impossible d’en assumer la charge ...Il tenta alors d'écrire pour les journaux des articles scientifiques ; au bout de quelques essais, il renonce encore à cette carrière... malgré les interventions de Scribe, les échecs s’enchaînent, ...Il avait des rêves d'ambition, il lui fallait à tout prix une grande fortune et le désordre de ses idées, amenant le désordre de la conduite, il dépensait sans compter et je payai plusieurs fois des dettes considérables... jusqu’au jour où il s’embarqua pour la Californie ...il emportait avec lui une somme assez forte et était recommandé par moi à M. Chauvileau banquier à San Francisco. Au bout de quelques mois, il avait tout perdu, étant ruiné, endetté de plus de quinze mille francs... À son retour, atteint de folie paranoïaque, Scribe dut le faire interner à Bicêtre... Il met à sa disposition ...un journal et des lettres de lui où, au milieu des pages les plus sensées, surgissent des extravagances et des hallucinations absurdes ; c'est le plus pénible et le plus douloureux spectacle que celui de la raison qui lutte encore, contre la folie qui l'envahit...

198. SECOND-WEBER (Caroline Eugénie). Née à Paris. 1867-1945. Actrice. L.A.S. « Second-Weber » à « Monsieur le recteur ». Paris, 13 novembre 1921. 1 page in-4. Papier de deuil. 100 €

L’actrice informe qu’elle a bien reçu ...l’ode à la France de Kipling. Je serai heureuse de la lire devant l’Université... Elle demande ...Votre programme me permettra-t-il d’être libre à cinq heures moins un quart pour paraître à cinq heures à la Matinée Poétique de la Comédie-Française, je suis affichée à présent et il me serait bien difficile de me libérer de cette représentation...

199. [SÉNÉGAL]. 2 Documents M. Signés. St Louis (Sénégal), le 12 Juin 1829. Cachets apposés « Contrôle Sénégal ». 5 pages in folio au total. 230 €

Il s’agit d’états récapitulatifs des dépenses faites en faveur des rois indigènes ...après les signatures des préliminaires de paix du 25 mars 1929 expédié par monsieur le Gouverneur pour aller chercher le roi afin de venir à St Louis pour ratifier la paix... et ...dépenses faites dans la mission que M. le gouverneur du Sénégal et Dépendances m’avait chargé d’aller en rivière chercher le roi des Trarzas, l’amener à St Louis pour traiter la paix …arrivé à l’Escale des Darmancours le 1er mars.... Les deux états dressent un inventaire détaillé des victuailles présentées aux rois indigènes lors de leur déplacement à St Louis ainsi que des dépenses afférentes ...À l’arrivée du Roi – 1 bœuf une pièce de dix coudées – pendant le séjour du Roi des maures et des nègres du pays de Vallo à l’escale des Darmancours – 1/2 barrique de mil pris à bord de la chaloupe à Michelle Blondin qui ont été donnés aux gens de Walo pour leurs vivres… La France établit son premier comptoir sénégalais dans la ville de Saint Louis située à l’embouchure du fleuve Sénégal.

200. SIGNAC (Paul). Né à Paris. 1863-1935. Peintre pointilliste. Cofondateur avec Seurat de la Société des artistes indépendants. C.A.S. « Paul Signac » à « Cher Monsieur ». Saint-Tropez, 6 novembre 1919. 2 pages in-12 oblong. En- tête de la Société des « Artistes Indépendants, Paul Signac Président ». RARE. 950 €

Le peintre se moque du Salon d’Automne pour mieux promouvoir le Salon des Indépendants...

...Veuillez demander, en vous présentant de ma part, à notre Secrétaire, Mr Schrecher, au siège social, 18 rue Mazarine, communication de nos catalogues. Il vous sera facile d’y suivre la marche de notre Société, et d’y constater, mais vous le savez déjà, que tout ce qui illustre l’art français a débuté chez nous. Le Salon d’automne n’a rien présenté de neuf ; il a simplement accueilli nos arrivés. Il a mis nos jeunes possibles dans leurs meubles, mais semble devenir un salon de Vieilles cocottes !... Je sais que vous rendrez justice aux Indépendants et me tiens à votre disposition pour les renseignements dont vous pourriez avoir besoin...

Le Salon des Indépendants fut créé en 1884 à Paris par des artistes souhaitant pouvoir exposer librement leurs œuvres et se libérer de l'influence de tout jury. Une quarantaine d'artistes se réunirent sous la bannière d'Odilon Redon. Parmi les membres fondateurs, se trouvaient Georges Seurat, Paul Signac, Henri-Edmond Cross, Albert Dubois-Pillet et Charles Angrand. Créé en 1903 au Petit Palais à Paris, par quelques amis en réaction à l’académisme ambiant, le Salon d’Automne s’imposa comme un acteur de l’émergence des plus importants mouvements artistiques du 20e siècle.

201. SIGNORET (Simone, de son vrai nom Simone Kaminker). Née à Wiesbaden (Allemagne). 1921-1985. Comédienne. Carte A.S. « S. Signoret » à Jean Colleau. Pacy-sur-Eure, 12 août 1982. 1 page in-12. 180 €

JOLIE CARTE DE SIMONE SIGNORET : ...Après quatre mois d’absence, dans une montagne de courrier parfaitement inutile, je suis tombée sur ta lettre, comme on tombe sur une pépite si on est chercheur d’or. J’ai essayé le 828…machin-machin, mais après tout tu as le droit d’être en vacances sans prévenir, après 42 ans d’absence. Je serais à Paris mi-septembre...

202. SOUDAY (Paul). Né au Havre. 1869-1929. Critique littéraire. M.A.S. « Paul Souday », intitulé L’Impôt sur les pseudonymes. S.l. [1928]. 1 page in-8. Ratures et corrections. 320 €

Cet article, publié dans les Annales politiques et littéraires du 15 janvier 1928, critique le projet de loi qui vise à mettre un impôt sur les pseudonymes : ...Que n’imposera-t-on point ? Où s’arrêtera l’audace des taxateurs ? La fureur du fisc est pire que celle des flots. Cette taxe eût couté cher à quelques illustres écrivains, car Villon s’appelait Montcorbier, Voltaire s’appelait Arouet, Stendhal s’appelait Beyle ; George Sand était née Aurore Dupin et devenue la baronne Dudevant ; Mme de Staël continua de porter ce nom, qui lui avait légalement appartenue lorsqu’elle fut Mme Della Rocca par un second mariage ; et à l’état-civil Anatole France se nommait Thibaut... Mais il y a mieux, sait-on que, …Molière, prétendu pseudonyme de Poquelin, l’était, en réalité, de Corneille d’après Pierre Louÿs, et Shakespeare, de Bacon, ou de Lord Rutland, ou du sixième comte de Derby, selon divers biographes. Le Trésor prélèvera-t-il un tant pour cent sur les représentations ou les réimpressions des œuvres de ces grands auteurs ?... C’est par euphonie, sentimentalisme ou tradition que l’on prend un pseudonyme, remarque Souday, mais aussi ...pour ne pas déshonorer sa famille lorsque la profession de comédien était décriée et même excommuniée ; ou par hommage à l’éternel masculin, tant que le public s’est méfié de la littérature féminine (...) ou par snobisme (...) ou par poésie, parce que Mimosa ou Fleur-des-Près fait mieux qu’Euphrasie Pitanchard... Il confesse que lui-même a déjà utilisé un pseudonyme, celui de Mosca, et conclut ...Tout cela (...) ne mérite point l’amende (...), je me permets de suggérer un autre impôt, qui serait infiniment plus productif : qu’on en mette donc un sur les fautes de français...

203. SPONTINI (Gaspare). Né à Maiolati (Italie). Compositeur d’opéras. L.A.S. « Spontini » à « Millions de grâces, mon très cher ami ! » [un éditeur de musique]. S.l.n.d., ce lundi 2 octobre. 1 page grand in-8. En français. 560 €

LE COMPOSITEUR INVITE SON CORRESPONDANT À ENTENDRE EN CONCERT LE PIANISTE TCHÈQUE IGNAZ MOSCHELES CHEZ LES ÉRARD.

En préambule, Spontini l’informe qu’une ...cinquantaine d’exemplaires m’auraient suffi : mais si le prix n’en deviendrait pas moindre à proportion, faites comme si vous fesiez (sic) pour vous même, pour le nombre et pour le prix ! Cent, si vous le préférez... Mercredi 4 du courant, a une heure et demi, Moscheles se fera entendre dans le grand salon de Mr Erard ! De nouvelles compositions !! S’il pouvait vous être agréable d’y assister avec Madame, et Mr votre beau-frère, nous en serions charmés, ma femme et moi, et Mr et Mme Erard, s’ils étaient de retour pour ce jour mercredi 4. Oh, si Mr le Prince de la Moskova, et Mad la Princesse de Kraon (?) étaient aussi de retour !... Vous pouvez conduire tous ceux et celles qu’il vous plairait d’y conduire...

Après sa formation et des premiers succès dans son pays natal, c’est dans le Paris de Napoléon Ier que Gaspare Spontini trouva la gloire avec le succès de La Vestale, et qui valut à son auteur de devenir Directeur de la Musique de l’Impératrice Joséphine. Devenu directeur de l’Opéra Italien au Théâtre de l’Odéon, Spontini réussit à conserver son prestige sous la Restauration mais se laissa enrôler par Frédéric-Guillaume III à Berlin. Largement reconnu et honoré de son vivant, adulé par Berlioz, il termina ses jours dans son pays natal, en idole.

Spontini avait épousé la fille du célèbre facteur de pianos JEAN-BAPTISTE ERARD ; le couple vécut dans la propriété de la famille Érard au château de la Muette.

204. STENDHAL (Henri Beyle, dit). Né à Grenoble. 1783–1842. L.A. à sa SŒUR PAULINE (1786-1857). S.l., 13 septembre [1807]. 3 pages in-8. Suscription, reste de cachet de cire rouge. Tampon à l’encre « N° 51 Grande Armée ». 14 000 €

À l’époque où se situe cette lettre, le jeune Beyle, qui s’est engagé dans l’armée sous les ordres de son cousin Pierre Daru, voyage en Allemagne, dans le sillage de Napoléon 1er, à qui il voue une profonde admiration. La route de Berlin à Hanovre passait par « Stendal ». Onze ans plus tard le nom lui reviendra en mémoire pour inventer son masque de prédilection. En juillet 1807, Beyle avait été confirmé dans ses fonctions, et titularisé.

Sitôt qu’à dix-sept ans Stendhal eût quitté Grenoble et son père haï, il découvrit toute la force de l’affection qui le liait à sa sœur Pauline (l’aînée de ses deux sœurs, née en 1786 ; il détestait sa seconde sœur Zénaïde, la préférée du père). Henri fait de Pauline sa confidente et commence à entretenir avec elle une étroite correspondance, qui constitue un véritable trésor épistolaire :

...Tu m’écris donc enfin, je te trouve charmante, prends encore patience jusqu’à ce que j’aille à Grenoble, je te promets de te tirer d’ennui. Jure-moi de prendre patience encore quelque tems.... Stendhal poursuit en décrivant son périple : ...Je suis arrivé de Halberstadt à 1h du matin, et je repars demain à 6. Me Alexandrine [l’épouse de Pierre Daru] qui est à Berlin est passée par ici, elle m’a montré beaucoup d’amitié. J’arrivais d’Hanovre, jolie ville, charmant voyage, je te rendrai compte de tout ça, je ne veux aujourd’huy que te donner signe de vie...... V. [Victorine Mounier] a beaucoup plus d’expérience que toi, tiens-toi assez son amie pour lui parler à cœur ouvert sur tes projets [En 1802 Beyle s’était pris à Paris d’une vive passion pour Victorine Mounier. La jeune femme, étant revenue à Grenoble pour se marier, Stendhal pria sa sœur de se rapprocher d’elle afin de l’espionner]... Puis il charge Pauline de plusieurs commissions : la première : ...Prie mon papa de m’expédier courrier par courrier l’extrait de baptême qui prouve que je suis né le 22 Janvier 1782, remarque l’année, le ministre le demande pour l’expédition de mon Brevet... 1782 et non 1783 ..., la seconde : ...Prie mon grand papa d’écrire à Mr D. [Pierre Daru, cousin de Stendhal] le plus courtement possible. Me Alex. [Alexandrine Daru] à Berlin et me voulant du bien, fera bien réussir la lettre. Prie-le de ne pas parler de Me Al. - Autrement on verrait qu’il écrit parce que je l’en prie. Chose qu’il faut surtout éviter.... Il ajoute affectueux : ...Je t’aime toujours plus. Adieu ma chère amie, écris-moi, les lettres que tu veux bruler sont toujours les meilleures. J’étais sur le point de te croire, amoureuse et m’oubliant, écris souvent... En P.S. : ...Mille et mille choses à notre bonne tante... Sa troisième requête concerne l’envoi ...d’une bonne empreinte du cachet de mon père...

Stendhal est bien né le 23 janvier 1783 et non le 22 janvier 1782 comme il le prétend dans cette lettre. Ses parents avaient perdu presque jour pour jour, un an auparavant, un premier enfant prénommé Marie-Henri, né le 16 janvier 1782. Stendhal se servira de cet autre lui- même.

Stendhal, né à Grenoble, grandit en détestant son existence dans cette ville, et rêve d’aventures parisiennes. À son arrivée dans la capitale en novembre de 1799, au lendemain du jour où Napoléon a saisi le pouvoir par le coup d'état de Brumaire (le 9 novembre), le jeune Henri Beyle est rempli de tous les espoirs. Mais, incapable de poursuivre ses études, dans la solitude de sa petite chambre près des Invalides, il déchante. Beyle n’a nulle envie d’entrer à l’École Polytechnique et Paris le dégoûte de plus en plus, à s’en rendre malade : « La boue de Paris, l’absence de montagnes, la vue de tant de gens occupés passant rapidement dans de belles voitures à côté de moi connu de personne et n’ayant rien à faire me donnaient un chagrin profond ». Il trouve refuge chez ses cousins les Daru dans leur hôtel particulier de la rue de Lille. Noël Daru le presse de rentrer dans l’armée sous les ordres de son fils Pierre, futur intendant général de la Grande Armée (1806), un affidé de Napoléon. Les Daru seront les bienfaiteurs de Stendhal durant la période napoléonienne de sa vie.

205. TAILLEFERRE (Germaine). Née à Saint-Maur-des-Fossés. 1892-1983. Compositrice. Membre du Groupe des Six. L.A.S. « Germaine Tailleferre » à « Cher Monsieur ». S.l.n.d. 1 pages 3/4 in-4. 250 €

Elle le prie d’excuser ...ce mot écrit au crayon, mais je suis terriblement bousculée. Voici l’analyse simplifiée. Rajoutez ce que vous voulez s’il vous semble que c’est insuffisant. Le Concerto en ré construit dans une forme classique en trois parties. Le 1° mouvt C allegro avec deux thèmes un à l’orchestre l’autre au piano se développent simultanément. Le 2eme mouvt Adagio a 34 (n’a aucune particularité) ainsi que le 3eme allegro non troppo. Je vous envoie la notice en anglais...

206. TALLEYRAND (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, dit). Né à Paris. 1754-1838. Homme d’État et diplomate. L.A.S. « Ch. Mau Talleyrand pce de Benevent » au baron de Guyeau. Varsovie, 4 mai [1807]. 1 page in-4. 1 000 €

...Comme je quitte Varsovie, Monsieur le baron, et que mes lettres ou paquets qui y sont adressés vont avoir un long détour à faire, je vous prie d’engager Mr Fabricius, qui doit se rendre au quartier général de se charger des différents objets paquets ou dépêches qui pourraient lui être remis pour moi. – Je vous demande pardon (…) de cette petite importunité…

Talleyrand séjourna à Varsovie de décembre 1806 à mai 1807, avant de rejoindre Napoléon à Tilsit pour la signature du traité avec la Russie et la Prusse.

207. TASTU (Sabine Casimire Amable Voïrat, dite Mme). Née à Metz. 1798-1885. Poétesse et écrivaine. L.A.S. « Amable Tastu » à « Mon bon Monsieur ». S.l.n.d. 2 pages in-8. 120 €

...Notre vieux propriétaire (...) m'a dit que son notaire avait dû vous envoyer notre acte, ou bail... afin que la signature ait lieu le lendemain ...Pardon de vous donner ainsi l'embarras de ma petite affaire par dessus tout grande, mais il faut bien que vous portiez la charge de l'amitié, puisque vous nous avez si bien persuadés de la vôtre...

Sabine Voïrat épouse l’éditeur Joseph Tastu qui publiera son principal livre, « Poésies », en 1826. Joseph Tastu fera faillite quelques temps après. Elle publiera ses livres sous le prénom masculin d’Amable afin d'être publiée plus facilement (comme George Sand). Sainte-Beuve considérait Amable Tastu comme une des grandes poétesses, au même titre que Marceline Desbordes-Valmore et Louise Labé. Amable Tastu est également auteur de librettos pour des musiciens comme Saint-Saëns.

208. TAYLOR (Isidore Justin Séverin, baron). Né à Bruxelles. 1789-1879. Écrivain d'art, administrateur et philanthrope français. L.A.S. « Bon Taylor ». S.l.n.d. 1 page petit in-8. 150 €

Taylor prie son correspondant (l'architecte Blouet ?) de donner au porteur de la lettre les renseignements dont il a besoin concernant l'Arc de Triomphe de l'Etoile.

L'architecte Blouet fut chargé de l'achèvement de l'arc de Triomphe en 1832. Né à Bruxelles en 1790, Isidore Taylor est issu d’une famille irlandaise venue s’établir en France sous la Révolution. Artiste, savant, administrateur de grandes institutions culturelles, le baron Taylor a consacré toute sa vie à l’art et à la défense de ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui le patrimoine artistique.

209. THIERS (Adolphe). Né à Marseille. 1797-1877. Avocat, journaliste, historien et homme d'État. Président de la République française. M.A. - S.l.n.d. 4 pages de différents formats (in-folio, in-4 et in-8), numérotées. Ratures et corrections. 500 €

Manuscrit de travail concernant la refonte du traité commercial de libre-échange franco-britannique Cobden-Chevalier qui avait été signé en 1860. Pour Thiers, ce traité, ...près d’expirer, qui a fait beaucoup de mal, et qui, sauf quelques libres échangistes, est odieux à toutes les industries. Or réduire toute cette négociation à une prolongation du traité de 1860, n’est pas une chose acceptable. Il faut donc ou un nouveau paragraphe à l’article 11, ou un article nouveau qui stipule à partir d’aujourd’hui les facultés de dénonciation partielle... Thiers signale au rédacteur du nouveau traité certains points à reconsidérer : ...il y a dans votre rédaction de l’article 11 une contradiction embarrassante. Vous dites dans le deuxième paragraphe que le tarif résultant des dispositions toutes fiscales sera perdu (...) ce qui signifie que le tarif fiscal, sera appliqué en Angleterre, quelle que soit la résolution que prendront les autres puissances commerciales... Thiers soulève le fait que ...notre liberté étant recouvrée avec toutes les puissances, nous leur imposerons le tarif aujourd’hui accepté par l’Angleterre et elle sera replacée dans la situation de la nation la plus favorisée... Il approuve les propositions de son correspondant jusqu’au 5eme paragraphe. Au-delà il faudra stipuler qu’il demeure entendu ...que les tarifs inscrits dans le traité et Convention de 1860, exceptés ceux qui sont actuellement modifiés dans des vues fiscales, resteront en vigueur jusqu’au 15 mars 1873. Alors il n’y aurait pas de contradiction, et la clause, si nous la comprenons bien, n’aurait d’autre but que de soustraire le tarif de 1860 à la dénonciation partielle jusqu’au 15 mars 1873. Ainsi entendu nous admettrons le paragraphe. Quant à la commission mixte veillez à ce qu’elle n’ait pas des attributions incompatibles avec les prérogatives du pouvoir législatif. Du reste il faudrait que Ld Granville fut pourvu d’une suffisante faculté de modifier la rédaction anglaise et qu’il restat (sic) deux ou trois jours de plus à Londres. Nous pourrions alors examiner moins à la hâte un traité aussi vaste et aussi confus. Il nous faudrait avoir le texte tout entier sans longueur avec vous présent ici, pour savoir ce que nous ferons... Il attend une réponse immédiate...

Le Traité de 1860 fut au cœur d'un débat entre partisans du libre-échange et tenants du protectionnisme, que ce soit en son temps où il fut très vivement dénoncé par les industriels français et défendu par les milieux portuaires et lyonnais ; en ce qui concerne le commerce, la France tira du Traité plus d'avantages que le Royaume-Uni, ce qui amena ce pays à refuser de renouveler le Traité en 1881.

210. TOUSSAINT LOUVERTURE (François-Dominique Toussaint, dit). Né près du Cap-Haïtien. 1743-1803. Ancien esclave, affranchi à l’âge de 33 ans, guide de la Révolution haïtienne. Figure d’importance dans le mouvement d’émancipation des Noirs en Amérique. Apostille Signée « Le Général en Chef Toussaint Louverture » sur une lettre signée de Descourtils [Des Courtils] au Citoyen Adjudant-général d’Hébécourt. Cap, [Haïti], 8 floréal an VIII [28 avril 1800]. 1 page 1/2 in-8. Suscription. 1 300 €

Demande de passeport pour l’adjudant-général Christophe Huin (un agent double) refusée par Toussaint Louverture :

Descourtil écrit : ...Notre ami Huin plus occupé de l’intérêt général que du sien en particulier, m’a rappelé en me quittant qu’il avait oublié de vous recommander l’obtention d’un passeport pour aller chercher des animaux à la partie Espagnole. Il est lié d’intérest et de société avec un de ses oncles à qui il a laissé le soin de renforcer le produit de sa hatte * du grand Islet. C’est donc pour le même parent et les hommes nécessaires à ce voyage que je sers d’interprète pour en réclamer un de vos bonnes dispositions... Toussaint Louverture répond : ...Le Passeport demandé par le Pétitionnaire ne peut être accordé en ce moment...

Par le Traité d’Aranjuez en 1777 l’île de Saint-Domingue avait été divisée en deux parties inégales : espagnole (couvrant les trois-quarts de l’île) et française. Le traité de Bâle signé en juillet 1795 et qui mettait fin à l’hostilité guerrière de l’Espagne contre la France révolutionnaire permit l’attribution à la France de la partie espagnole de l’île haïtienne. Mais ce n’était qu’une cession théorique. Il fallut attendre janvier 1801 pour que l’île soit enfin réunie sous la seule bannière française et l’autorité de Toussaint Louverture.

La production du Saint-Domingue espagnol reposait principalement sur les hattes d’élevage (domaines d’élevage) tandis que la partie française avait choisi d’intensifier les cultures agricoles des plantations.

211. TROUHANOWA (Natacha). Chorégraphe et danseuse russe. Arrivée à Paris en 1907, elle se produisit avec les Ballets russes de Diaghilev. L.A.S. « N. Trouhanowa ». S.l.n.d. 2 pages in-8. 180 €

...Je reçois une lettre bien compliquée de Mme Félicia Mallet dans laquelle est mise celle qu’elle vous écrit me priant de la lire et de vous l’expédier ce que je fais exactement (...). Ce mal entendre en général m’est désagréable, mais personnellement je ne renonce à rien et me tient à votre disposition...

212. TZARA (Tristan, de son vrai nom Samuel ROSENSTOCK). Né à Moinesti (Roumanie). 1896-1963. Écrivain, poète, essayiste, fondateur du mouvement Dada. L.A.S. « Tristan Tzara » à « Cher Monsieur ». Paris, 21 mars 1947. 1 page petit in-4 (petit manque en bas à droite). 1 600 €

BELLE LETTRE POLITIQUE : Après avoir remercié son correspondant pour sa lettre, il l’informe que ...le tract sur l’Indochine est édité par les Surréalistes. Il reproche au Parti communiste de ne pas défendre l’indépendance de votre pays. Le démenti de ces allégations a été donné à la Chambre, et combien brillamment !... Le prière d’insérer de mes Morceaux choisis, je ne l’ai pas non plus. Mon éditeur Bordas (...), pourra peut-être vous le donner...

L'engagement politique, qui quelques années auparavant était considéré par Tzara comme de la « bassesse », devient plus de plus prégnant dans les années 1930, même si les textes de Tzara récusent l'idée d’une poésie de circonstance. Cependant, on voit ses textes se doubler d'un engagement personnel contre le fascisme, contre l'art bourgeois conçu comme une fin en soi, le colonialisme, le franquisme, etc. Il constate que si la révolution sociale est nécessaire à la poésie dont il veut voir le règne, en revanche "la révolution n'a pas besoin de la poésie" : il s’oppose par là aux Surréalistes avec lesquels il rompt dans une lettre ouverte en 1935. Pendant la seconde guerre, devenu résistant, il organisera clandestinement le Comité national des écrivains dans le Sud-Ouest.

213. VADÉ (Jean-Joseph). Né à Ham. 1719-1757. Vaudevilliste, il composa aussi des fables, des chansons, des poésies galantes. P.A.S. « Vadé ». Paris, 5 octobre 1754. 2/3 page in-4. 450 €

Cession de droits : ...Je reconnois avoir cédé et abandonné pour toujours et sans aucune réserve de ma part, à M. Duchesne Librairie à Paris, mon opéra comique, intitulé, la Nouvelle Bastienne, etc. pour qu'il en jouisse comme chose à lui appartenant, en ayant reçu le montant convenu entre nous...

Vadé publia une série de fables qui, sans atteindre la hauteur de La Fontaine, disent sous une forme aimable de gracieuses et charmantes poésies galantes. Il ne tarda pas à devenir célèbre, se lia avec Voltaire avant de se fâcher : il avait eu la malencontreuse idée de se lier à Fréron, ce que Voltaire ne lui pardonna pas et le philosophe ne manquait jamais une occasion de le railler et d’accabler « ce polisson de Vadé », comme il le nommait dans une lettre adressée le 7 septembre 1774 à Marie Du Deffand.

214. VAN BREDA (Herman Léo). Né à Lierre (Belgique). 1911-1974. Philosophe, moine franciscain, fondateur des Archives Husserl à Louvain, il dirigea l'institution jusqu'à sa mort. L. dactylographié S. « H.L. Van Breda » au PHILOSOPHE MAURICE MERLEAU-PONTY. Louvain, le 1er décembre 1945. 2 pages 1/2 in-folio avec quelques corrections autographes à l'encre. RARE. 750 €

TRÈS INTÉRESSANTE LETTRE DE VAN BREDA, AU LENDEMAIN DE LA LIBÉRATION, SUR SES DÉBOIRES AU SUJET DES MANUSCRITS DE HUSSERL DISPERSÉS PENDANT LA GUERRE, SUR LE PHILOSOPHE TRAN-DUC-THAO (emprisonné pour avoir dénoncé le colonialisme) ; en fin de lettre il donne son avis sur les philosophies sartrienne et pontienne :

Van Breda le remercie de l’envoi de la « Phénoménologie de la perception », avant d’évoquer les difficultés rencontrées à la Libération ...J'ai passé par une période extrêmement dure. Il y avait d'abord le regroupement de toutes les pièces des Archives Husserl [fondées en 1938 à Louvain] ; ensuite j'ai dû régulariser la situation juridique de Madame Husserl et de mes collaborateurs actuels aux Archives ; il m'a fallu trouver l'argent nécessaire à l'élaboration des manuscrits et à la préparation des éditions ; enfin, la reprise des relations avec Landgrebe et Fink [ses assistants aux Archives Husserl] en Allemagne, et avec le groupe Farber en Amérique m'a donné beaucoup de travail... Aussi a-t-il négligé ...ses relations avec les phénoménologues de Paris et de France, je crois à présent pouvoir reprendre aussi cette branche de mes activités... Il évoque ensuite la situation du philosophe Tran-Duc-Thao emprisonné, à qui Breda avait confié un travail de transcriptions de Husserl, il y a deux ans, qu’il aimerait récupérer par l’intermédiaire de Ponty... estimant que ...le moment est venu de recommencer sur de nouvelles bases les pourparlers interrompus par la dernière phase de la guerre et qui avaient pour but de mettre à la disposition des milieux intéressés de Paris, un exemplaire des transcriptions de Louvain... Il demande à son correspondant de lui indiquer ...si l'on désire toujours à Paris la réalisation de ce projet, de sonder les personnes qui s'y intéressent... assurant qu’à Louvain, tous sont disposés ...à reprendre les entretiens (...), le temps a sans doute apaisé les sentiments des personnes (...) un peu froissées par la rigidité dont nous avons fait preuve nous-mêmes lors des discussions de 1944, et qui se montrait peut-être encore davantage dans l’attitude de Thao. J’ai la conviction que tout s’arrangera facilement (...). Je crois qu’il serait souhaitable d’y intéresser directement MM. Emile Bréhier et Jean Nabert (...). Je préfère que M. R. Le Senne ne fasse pas partie du groupe, et jusqu’à plus amples informations je désire qu’il en soit de même pour M. Jean-Paul Sartre (...). Je serais heureux que MM. A. Koyré, Gaston Berger, Jean Hering et Jean Hyppolite étaient informés de tout ce qui se passe... De même pour le père J.-B. Geiger... Ignorant de ce qui se trame à Paris, il l’invite à lui communiquer toutes suggestions qu’il jugera utiles. Par ailleurs, il lui recommande d'envoyer au groupe de Farber (fondé par le philosophe américain Marvin Farber, 1901- 1980) toutes ses publications et les publications phénoménologiques parues en France depuis 1940. En outre, il l'avertit ...que dans le dernier numéro de la Revue de Farber, il y a une opposition très nette au courant de philosophie existentielle (...). Je vous dis tout franchement que les publications de Sartre lui-même ne me paraissent pas satisfaisantes au point de vue philosophique quoique je n'appartienne pas au groupe de ceux qui en déconseillent la lecture "dans les maisons d'éducation"... Ma formation philosophique est assez large pour me permettre d'apprécier la profondeur indiscutable de certaines analyses de Sartre et la grandeur de ses vues philosophiques... Mais il blâme ...les principes dont il s'inspire et les idées qu'il énonce... Mon opposition n'est pas d'ordre religieux mais philosophique. J’ai en effet la conviction profonde que Sartre trahit en même temps l’inspiration authentique du courant phénoménologique et celle du courant existentiel. Je trouve sa position existentielle intenable et injustifiable... Je viens de lire votre beau livre sur la Phénoménologie de la perception... dont il désire faire un compte-rendu approfondi ...Je ne puis que vous féliciter de votre travail bien que je ne sois pas d'accord avec votre interprétation de Husserl... qu’il juge trop influencée par les textes de Fink... Et d'ajouter ...Il me semble que ces écrits ne sont pas du tout aptes à servir d'introduction à la pensée de Husserl (...), je suis convaincu que vous vous trompez sous plusieurs rapports. Vous savez que je suis nullement un orthodoxe, mais je suis peut-être bien placé pour juger de l'exactitude de ce que l'on attribue à Husserl lui-même... Il espère avoir bientôt l’occasion d’en discuter avec lui de vive voix...

215. VAN DONGEN (Kees). Né à Delfshaven (Pays-Bas). 1877-1968. Peintre néerlandais naturalisé français. B.A.S. « Van Dongen » S.l.n.d. (Mardi matin). 1/2 page in-folio. 580 €

...Entendu cher ami je serai chez moi mercredi vers 5 heures 1/2 mais venez plutôt un autre soir car nous irons aux Ballets russes et ne dînons pas à la maison...

216. VERLAINE (Paul). Né à Metz. 1844-1896. Poète. Carte A.S. à « Cher Heinemann » (éditeur à Londres). Paris, lundi 18 Mars 1895. 1 800 €

...J’ai ces derniers jours reçu la revue où est « Oxford » et une revue qui contient des vers de moi « Le bruit de ton aiguille et celui de ma plume »... Ces derniers mêmes ont été très gracieusement payés (£ 1) dès avant envoyés. Je ne doute pas que ce ne soit vous qui ayez pris tout le soin et je vous remercie. Pardon de vous laisser ainsi embarrassé de vers... implacables ! Quelques jours vous en enverrai de mieux j’espère. Mon adresse actuelle est Mr Paul Verlaine, 16 rue St Victor, aux soins de Mlle Krantz... Il ajoute : ...Très souffrant, abcès sous le pied Quel ennui ! Your affectionately...

217. VERLAINE (Paul). Né à Metz. 1844-1896. Poète. Billet Signé doublement « P. Verlaine » à son éditeur Léon VANIER. 600 €

...Vendu à Vanier 2. 15 Jours en hollande à 250 Cinq francs... 8 déc. 93...

Entré à l'âge de quinze ans chez le libraire parisien Gosset, Léon Vanier ouvre sa propre boutique vers 1872 au 6 rue Hautefeuille. En 1878, il déménage au 19 quai Saint-Michel, adresse qui restera celle de sa maison d'édition jusqu'à la fin. À sa mort en 1896, sa veuve reprend le flambeau, puis revend le fonds et le local fin 1902 à Albert Messein, qui forme en janvier 1903 la raison sociale Librairie Léon Vanier, Messein Succr. Le fonds Vanier se trouvait en vente jusque dans les années 1950.

La Librairie Léon Vanier fut célèbre pour avoir édité les poètes symbolistes de la Bohème et les « Modernes » comme Verlaine, Rimbaud, Jules Laforgue, Jean Moréas, Gustave Kahn, Laurent Tailhade, Stéphane Mallarmé, Tristan Corbière, René Ghil, etc. Dès 1884, il commence à publier les œuvres complètes de Verlaine, assurant à celui-ci des moyens de subsistance. Il sera l’éditeur exclusif de Paul Verlaine (à une exception près).

218. [VERLAINE]. KRANTZ (Eugénie). Billet Signé « Eugénie Krantz ». Paris, 7 février 1894. 1 page in-8 oblong. 180 € En lieu et place de Verlaine, Mlle Krantz reconnaît avoir reçu ...de Mr Vanier éditeur la somme de Cinq francs pour droit de publier et vendre droit exclusif une pièce de vers « Fountain Court » dans un volume de moi intitulé « Varia » - ainsi que le portrait lithographié de Madame Verlaine mère demandée par lettre ci-contre...

Le poème « Fountain Court » sera dédié à l’écrivain Arthur Symons (1865-1945), qui reçut Verlaine à son arrivée à Londres et l’hébergea dans son appartement situé à Fountain Court. Verlaine avait rencontré Eugénie Krantz, ancienne artiste du Bal Bullier, en mai 1891. « Nini Mouton », tel était son surnom, inspira au poète 25 poèmes de son recueil Chansons pour elle. C’est à son domicile au 39 rue Descartes que le poète s’éteignit le 7 janvier 1896. 219. VIDOCQ (Eugène François). Né à Arras. 1775-1857. Chef de la Sûreté de Police sous le Premier empire. L.S. « Vidocq » à Joseph Lefebre à Anvers. Paris, 9 septembre 1844. 2 pages in-folio, en-tête du « Bureau des renseignements Universels, Passage Vivienne n° 13 ». Suscription avec marques postales. 850 €

Vidocq avait quitté la Sûreté en 1833, pour fonder son « Bureau de renseignements », autrement dit une agence de détectives privés. En charge d’une enquête, il réclame avant toute action une avance pécuniaire. Il y met les formes : ...Les renseignements que vous me demandez sur le sieur Germain (?) sont fort étendus, ils embrassent le présent et le passé, cependant il ne me paraît pas impossible de vous les procurer, la persévérance et le zèle sont deux puissants auxiliaires. Toutefois, avant de rien entreprendre, j’ai cru qu’il était de mon devoir de vous prévenir qu’on ne pouvait espérer arriver au résultat que vous espérez qu’à l’aide d’investigations nombreuses qui occasionneront des dépenses assez considérables puisqu’elles devront vraisemblablement s’étendre jusqu’en Algérie... ce qui justifie sa demande ...c’est une règle générale que j’ai adoptée avec tous mes cliens (sic) et qui par cela même ne peut vous formaliser ; avec le nombre d’affaires dont je me trouve chargé, il m’aurait fallu constamment en caisse des sommes considérables si je n’avais pas pris cette mesure... Il exige donc une avance de vingt francs et ...tous les détails propres à me mettre sur ses traces...

Élevé au niveau du mythe littéraire, moins pour la publication de ses Mémoires que pour les personnages de Vautrin et de Valjean qu'il aurait inspirés à Balzac et à Hugo, Vidocq appartient surtout à l'histoire de la police. Du bagne de Brest, il va passer au service de la police sous l’empire, contre une amnistie. Il fonde sa propre police privée après 1830. Ayant obtenu un certain succès avec ses Mémoire, il publie plus tard Les Voleurs, puis Les Vrais mystères de Paris. Son prestige est à son comble dans les années 1840, il inspire Balzac, Hugo, Lamartine, Dumas et Sue.

220. VIGNY (Alfred, comte de). Né à Loches. 1797-1863. Poète, dramaturge et romancier. L.A.S. à la 3ème personne à M. Urbain Canel, libraire. [Paris], 25 novembre 1831. 1 page in-8. Suscription et cachet postal. 450 €

Vigny souhaite apporter des corrections à un poème : ...M. de Vigny prie Monsieur Urbain Canel de se souvenir de lui envoyer les épreuves du poëme qu'il lui a donné ; il a plusieurs changemens à y faire et ne peut le laisser paraître et le signer sans l'avoir corrigé...

Urbain Canel, libraire-éditeur rue du Bac à Paris, est surtout connu pour ses faillites à répétition. La plus connue est aussi la première. Elle toucha le tout jeune Balzac qui s'associa à un de ses projets. Il ne lui en garda cependant pas rancune.

221. WEIL (André). Né à Paris. 1906-1998. Né à Paris. 1906-1998. Mathématicien, il fut l'un des membres fondateurs du groupe Bourbaki. FRÈRE DE LA PHILOSOPHE SIMONE WEIL (1909-1943). L. dactylographiée S. « A. Weil » à « Cher ami » [Maurice Merleau-Ponty]. Chicago (USA), 4 juillet 1953. 2 pages in-folio (papier pelure) avec quelques corrections autographes au stylo. 980 €

LETTRE PASSIONNANTE DANS LAQUELLE ANDRÉ WEIL SE CONFIE ET EXPRIME SES INQUIÉTUDES SUR L’HÉRITAGE MORAL ET LITTÉRAIRE DE SA SŒUR.

Il demande à Merleau-Ponty sa coopération, ...dans une question regardant des publications récentes d’écrits de ma sœur. Mais d’abord il faut que je t’explique la nature des rapports entre mes parents et moi. La mort de ma sœur a été un coup extrêmement dur pour eux ; ils m’en ont voulu d’être le survivant ; d’autre part ils m’en avaient toujours voulu de mon mariage, sans autre raison bien entendu que le conflit bien connu entre belle-mère et belle-fille. Cela m’a valu, dans les années d’après guerre, des relations avec eux souvent pénibles (…). Mais le drame est venu l’an dernier, quand je me suis aperçu que, d’après le code civil, j’ai droit à une part de moitié dans l’héritage de ma sœur (…). Or ma mère se regarde comme grande prêtresse du culte de Simone Weil, culte dont je suis excommunié pour indignité majeure. Quand j’ai émis la prétention d’avoir mon mot à dire sur les questions de publication d’écrits de ma sœur, j’ai été reçu de telle manière que j’ai dû avoir recours à un homme de loi. J’ai d’abord été très loin d’envisager la possibilité d’un procès (...). Je viens de passer un an à cela, et je ne suis pas plus avancé qu’au début… Weil estime que les publications récentes trahissent la pensée de sa sœur et se fait un devoir d’intervenir. D’autant que les talas (il cite P. Perrin et G. Thibon) qui ont publié « Simone Weill telle que nous l’avons connue » s’appuient sur des confidences de la philosophe plutôt que sur ses écrits. Or, « Lettre à un religieux » et « Connaissance surnaturelle » éclairent sans ambiguïté la position de sa sœur à l’égard du catholicisme. Il explique que ses parents ...étant déjà complètement brouillés avec le P. Perrin (en quoi je ne saurais leur donner raison, car c’est personnellement un très brave type, tout en participant à la malhonnêteté intellectuelle à laquelle ces gens-là n’échappent guère), il n’y a aucun risque qu’ils prêtent les mains à une falsification de la pensée de ma sœur dans ce sens-là... André Weil soulève ensuite un autre problème : ...Mes parents ont depuis longtemps une très grande confiance dans le nommé Boris Souvarine, autrefois très ami de ma sœur (…), antibolchevik professionnel, et l’un des esprits les plus faux que je connaisse… à qui les parents d’André Weil ont confié un manuscrit de Simone que Souvarine a fait paraître dans « PREUVES » sans autorisation. Malgré les récriminations d’A. Weil, Souvarine a récidivé en republiant plusieurs articles de S. Weil, toujours dans la revue « Preuves » ...qui, son correspondant le sait certainement, est un périodique de propagande anticommuniste, subventionné par des fonds d’origine américaine..., assortis de commentaires anonymes (en fait, de Souvarine lui-même), qui invitent le lecteur à ...penser à l’URSS en lisant l’article… Or, …ma sœur n’avait pas la moindre sympathie pour le communisme stalinien et s’était même progressivement dégoûtée de pratiquement tous les mouvements dits « d’extrême-gauche ». J’estime (…) que la publication de textes d’elle qui ont pour sujet l’Allemagne hitlérienne, dans ce contexte et avec de tels commentaires, constitue une falsification… À l’avenir, il entend interdire de semblables publications ; il prie Merleau-Ponti de faire paraître un article dans ce sens, où il mettrait en garde les lecteurs …contre les deux genres de falsification auxquelles (…) se trouve exposée la pensée de ma sœur…

Simone Adolphine Weil est une philosophe humaniste. Elle fit de la philosophie une manière de vivre. Dès 1931, elle s'intéresse aux courants marxistes anti-staliniens. Elle est l'une des seules philosophes à avoir vécu dans sa chair « la condition ouvrière ». Successivement militante syndicale, proche des groupes révolutionnaires trotskystes et anarchistes mais sans jamais adhérer à aucun parti politique, écrivant notamment dans les revues La Révolution prolétarienne et La Critique sociale, puis engagée dans la Résistance au sein des milieux gaullistes de Londres, Simone Weil n’a cessé de vivre dans une quête exigeante de justice et de charité.

222. WEINGARTNER (Félix). Né à Zadar (Croatie). 1863-1942. Chef d’orchestre et compositeur autrichien. L.A.S. « Weingartner » à « cher Collègue ». Montana-Vesmala, près Sierre, 24 juillet 1930. 1 page in-folio. 270 €

...Nos concerts du dimanche sont l’après-midi a 3 heures, n’est-ce pas ? En ce cas je pourrais atteindre Bâle le lundi matin vers 6 hres. Déjà a 9 hres 15 commencent mes répétitions. En ce cas je pourrais diriger a Paris le 7 et 8 mars, mais pas plus tard.... Il demande que réponse lui soit faite promptement... Je propose (sic, pour suppose) que vous desirez un programme classique, peut-être avec une œuvre de Berlioz (Symphonie fantastique ?) ou p.s : Haydn Symph en Ré (la 2nde). Mozart (Symph en) bMi. Beethoven (Symph.) 7 ième...

Felix Weingartner étudie en Autriche, en Allemagne à Leipzig, puis à Weimar avec Franz Liszt. Il est également l'élève de Carl Reinecke. Il partage son travail entre la direction d'orchestre et l'administration artistique. Parallèlement, il est compositeur et écrivain. En 1908, il est appelé par Gustav Mahler pour diriger l'Opéra de Vienne. Bien que Weingartner ait abondamment composé (des opéras, des symphonies, des lieder, et de la musique de chambre), ses œuvres sont aujourd'hui rarement jouées. En tant que chef d'orchestre, il a influencé des générations de musiciens par sa technique élégante et claire

223. WILLETTE (Adolphe Léon). Né à Chalons-sur-Marne. 1857-1926. Peintre, affichiste, caricaturiste, illustrateur montmartrois. Carte A.S. « A. Willette » à un ami. S.l.n.d. 2 pages in-16, agrémentées d’un joli dessin à la plume et aquarelle représentant deux enfants. On joint une lithographie de Jean-François Raffaëlli tirée de la Revue illustrée, représentant Willette à son chevalet. 350 €

Le peintre fait appel à son « obligeance » ...pour ramasser mes œuvres de l’exposition de la Rue de la Boétie. J’écris à la Maison Devambez qui édite mon Album d’envoyer prendre chez vous les petites aquarelles qui doivent en faire partie... Je suis venu, ici, un peu anéanti mais je recommence à dessiner malgré un froid hors saison. La censure m’a refusé deux dessins !... Elle me payera ça plus tard... Il ajoute sous le dessin : ...Les vis du lit vont bien et comme nous, vous embrassent...

Adolphe Léon Willette est l'élève d'Alexandre Cabanel à l'École des Beaux-arts de Paris. Il y fait la connaissance d'Antonio de La Gandara, dès 1875, et débute au Salon de 1881. Il s'installe à Montmartre en 1882. Il y fonde le « Cabaret du Chat Noir » avec Rodolphe Salis, où il rencontre Henri Rivière, Maurice Donnay, Steinlen, Maurice Rollinat, Toulouse-Lautrec, Signac, Pissarro, Vincent van Gogh, Louis Anquetin ou Georges Seurat.

224. ZOLA (Émile). Né à Paris. 1840-1902. Écrivain et journaliste, considéré comme le chef de fil du Naturalisme. L.A.S. « Emile Zola » à « Cher Monsieur ». Paris, 1er décembre 1893. 1 p. in-8. 2 200 €

Zola oppose un refus à la demande de son correspondant, sans doute directeur de journal : ...Je ne puis autoriser la publication de "Lourdes" dans aucun journal, avant que le roman ait été reproduit dans "la Revue Hebdomadaire", avec laquelle j'ai un traité ; ce qui repousse toute reproduction très loin...

C'est en 1891, au cours d'un voyage avec sa famille dans les Pyrénées, que Zola découvre la ville de Lourdes où ont eu lieu, une trentaine d'année auparavant, les apparitions de la Vierge à Bernadette Soubirous. La découverte de cette ville et des malades et nécessiteux qui s'y pressent le bouleversent. Il conçoit donc le projet d'une trilogie des "Trois Villes", Lourdes, Rome et Paris, avec pour héros un prêtre, l'abbé Pierre Froment. Après sa publication en feuilleton dans le Gil Blas, le roman paraîtra le 25 juillet 1894.

Abréviations : L.A.S. : Lettre Autographe Signée ou P.A.S. : Pièce Autographe Signée L.S. ou P.S. : Lettre Signée ou Pièce Signée L.A. ou P.A. ou M.A. : Lettre ou Pièce ou Manuscrit Autographe M.A.S. : Manuscrit Autographe Signé – M.S. : Manuscrit Signé S.l. Sans lieu – S.d. Sans date – S.l.n.d. Sans lieu ni date.

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N°70 Claude DEBUSSY