LE SECTEUR FORTIFIÉ DE EN 1939-1940 DANS LE CONTEXTE DE LA LIGNE MAGINOT par M. Lucien HENRION, membre titulaire

I. Conception et réalisation de la ligne En 1918, l'empire austro-hongrois et l'Allemagne sont à genoux. La montée en puissance d'une idée de revanche outre-Rhin et d'un certain HITLER donnent à réfléchir. Ce dernier écrit, dès 1927, en son sinistre « Mein Kampf » que la guerre est inévitable pour reprendre la et l'Alsace. Dès lors fallait-il éviter qu'un réarmement allemand puisse à nou­ veau nous mettre au bord du gouffre comme en 1914? En vue de la parade, deux écoles : — la tranchée et la mitrailleuse, en somme Hotchkiss, — la cuirasse, donc Vauban. C'est Vauban qui l'emporte en y alliant Hotchkiss, avec abandon de l'idée de places fortes aux carrefours stratégiques. La dispose bien d'un système de défense de ses frontières avec les fortifications SERRE de RIVIÈRE, érigées après 1870, mais en vieille France, laissant ainsi nos départements à la merci de l'agres­ seur venant de l'Est. Les ministres de la Guerre successifs, Paul PAINLEVÉ et le Lorrain André MAGINOT, font adopter l'idée d'une fortification per­ manente et continue, s'appuyant sur des troupes de campagne et une infrastructure logistique. Entre Longuyon et le Rhin, ainsi que le long de ce fleuve jusqu'à la Suisse, sont prévus 4.500 ouvrages, de type divers. Coût : 5 milliards de francs de l'époque. A titre d'exemple, le gros ouvrage du Hackenberg coûte 171 millions. De à Saint-Avold, le tracé suit des lignes de crêtes pour épouser ensuite, en les chevauchant, les vallées de la , de l'Albe et de la Sarre, pour se poursuivre sur les hauteurs des Vosges du Nord vers l'Alsace. Se mettent en place des régions fortifiées avec mission d'arrêter l'envahisseur sur la frontière, de protéger notre mobilisation et de favo­ riser ainsi la conduite de la bataille. La devise est « On ne passe pas » et Dieu sait si on est passé. La ligne répond cependant au rôle qui lui incombait dans la défense du pays et, il est vrai que ses défenseurs ont combattu, nous le verrons, au-delà de leur mission.

171 LE SECTEUR FORTIFIÉ DE FAULQUEMONT EN 1939-1940

Dans son contexte, à la frontière même se trouvent des gardes mobiles, protégés par des maisons fortes aux fins de donner l'alerte, de freiner l'ennemi avec des armes légères et de procéder à des coupures de routes et de les barrer en baissant les barrières de fer préinstallées.

Légèrement en arrière, des blocs d'avant-poste doivent ralentir la progression de l'ennemi. Leurs garnisons, implantées sur les axes de pénétration, sont dotées de fusils-mitrailleurs (F.M.) et de canons légers de 65 et 45 mm, facilement tractables.

Plus en retrait et en fonction de la nature du terrain, la ligne princi­ pale de résistance, la ligne Maginot elle-même, s'alternent en gros et petits ouvrages, en casemates, blockhaus et abris, entourés de rails et de barbelés.

Cette ligne est le point fort de l'ensemble. Ses tirs préréglés, avec mise en place efficace sous trois minutes, un record pour l'époque, se recoupent judicieusement pour qu'aucun pouce de terrain ne soit battu par le feu. Les ouvrages se couvrent entre eux et se protègent donc mutuellement.

Toutefois, cette ligne principale pouvant être franchie - et elle l'est malheureusement - est prévue une seconde de recueil, dotée d'abris, de casemates d'artillerie de campagne et de troupes d'intervalle. Cette dernière doit aussi garantir les moyens logistiques (casernes de sûreté, stations électriques, dépôts de vivres et de munitions, etc.).

II. L'organisation militaire en temps de paix en Moselle Le département de la Moselle est divisé en deux régions militaires, la Vie et la XXe. C'est dire la densité militaire. La Vie région, commandée de , allait de l'ouvrage de Rochon- villers, limite ouest du S.F. de Thionville, à l'ouvrage de Téting, limite est du S.F. de Faulquemont, et englobait en profondeur les arrondisse­ ments de Metz, Thionville et Boulay. La XXe région, commandée à partir de Nancy, partait, au-delà de Téting, et englobait le secteur fortifié de la Sarre en se poursuivant jusqu'au secteur fortifié des Vosges. En profondeur, cette région recou­ vrait les arrondissements administratifs de , Château-Salins, et .

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III. Le dispositif de combat au 3 septembre 1939 Le théâtre d'opérations du Nord-Est est commandé par le général Joseph GEORGE.

A Villers-lès-Nancy, le général Gaston PRETELAT a sous sa coupe le groupe d'armées de l'Est № 2, coiffant la ligne Maginot de Longuyon à Sélestat avec trois armées.

La 3e, sous les ordres du général Charles Marie CONDÉ, au fort Jeanne-d'Arc, sur le plateau de , couvre de Longuyon jus­ qu'au secteur fortifié de Faulquemont compris.

La 4e, animée par le général Edouard REQUIN, à Vic-sur-Seille, barre la trouée de la Sarre de Téting à la Schwalb. La 5e, sous le commandement du général Victor BOURRET, avec poste de commandement au château de Wangenbourg, au sud de Sa- verne, prend en charge la portion est du département et au-delà.

IV. Les composantes de la ligne en Moselle En Moselle, dans l'ordre, les secteurs fortifiés sont les suivants : — celui de Thionville, de au Billig, avec sept gros ouvra­ ges : Rochonvillers, Morlange, Soetrich, Kobenbusch, Galgenberg, à l'ouest de la Moselle, Métrich et Billig à l'est de cette coupure. S'y ajoutent quatre petits ouvrages, dix-sept casemates et dix-huit abris. Mission : barrer la brèche de la Moselle. — celui de Boulay du Hackenberg () au Mottenberg (Bouche- porn) avec les quatre gros ouvrages du Hackenberg (le plus impor­ tant de la ligne), du mont des Welsches, du Michelsberg et d'Anze- ling ; ceux-ci sont appuyés par onze petits ouvrages et dix-sept case­ mates. — celui de Faulquemont du Kerfent à Téting, s'appuyant sur la Nied. Nous y reviendrons. — celui de la Sarre, en vue de barrer la deuxième voie directe de péné­ tration pour une offensive allemande, en direction de Nancy. Ce secteur, dénommé d'abord secteur défensif de la Sarre, ou de la trouée de la Sarre, devient le secteur fortifié de la Sarre ; il se compose essentiellement de zones d'inondations et de plans d'eau formés de cours d'eau et d'étangs artificiels qui doivent se vider jus­ qu'à un certain niveau. L'ennemi doit s'enliser dans ces marécages. Les parties non inondables se transforment en fossés antichars.

173 LE SECTEUR FORTIFIÉ DE FAULQUEMONT EN 1939-1940

Le tout est consolidé par vingt-huit casemates et cinquante-trois blocs sur 35 kilomètres. Vers l'est, un premier ouvrage : le Haut-Poirier. A l'arrière, une ligne intermédiaire constituée de quinze petits ou­ vrages. — le secteur fortifié de Rohrbach-lès- à Bitche, avec deux gros ouvrages, le Simserhof et le Schiesseck, trois petits ouvrages et vingt casemates. — le secteur fortifié des Vosges jusqu'à Lembach, dans le Bas-Rhin, avec le gros ouvrage du Grand-Hohékirkel et un certain nombre de casemates et d'abris. Les gros ouvrages sont protégés par des plafonds de six mètres et s'enfoncent à au moins trente mètres dans le sol. Ils comprennent des galeries principales jusqu'à 2.250 mètres de long à Rochonvillers. De celles-ci se détachent des galeries secondaires menant aux blocs. Celles-ci atteignent 3.200 mètres au Hackenberg. Les gros ouvrages sont reliés à l'extérieur par voie de 60 à leurs dépôts de ravitaillement distants de plusieurs kilomètres. A l'intérieur, des ascenseurs et des monte-charges permettent l'alimentation des blocs. Chaque ouvrage a son puits pour l'eau potable et le refroidissement des armes. Se pose le problème de l'évacuation des ordures, surtout en cas de combat. L'électricité vient de l'extérieur, mais se reproduit, après mai 1940, de centrales installées dans les ouvrages alimentés par des groupes diesel, exigeant des réserves importantes de gazoil. En temps de paix, les régiments de forteresse sont cantonnés à proximité dans des camps de sûreté. Ainsi sur Boulay et Faulquemont, ceux de Bockange, Boulay, Ban Saint-Jean, , Téting, Lixing, etc. Vue d'avion, la ligne apparaît comme une poussière de blocs, édi­ fiés sur des milliers d'hectares sans lien apparent, puisque aussi bien galeries, véritables cordons ombilicaux d'alimentation, demeurent invi­ sibles. Les cloches qui émergent, sont le point faible, car elles dépassent du béton, au lieu de se fondre dans le paysage, et elles seront, en 1940, les cibles privilégiées des artilleurs allemands.

V. Les divers éléments de la ligne La ligne Maginot est donc avant tout du béton, des tonnes de béton.

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Ces éléments sont de types divers : les casemates d'intervalle, pour assurer, par armes d'infanterie, des tirs de flanquement. Ils sont de type CORF (Commission d'organisation des régions fortifiées) à deux étages, simples ou doubles. Ces casemates sont autonomes et donc dotées de tous moyens de vie (groupes électro­ gènes, puits, ventilations, etc.).

Le premier étage est réservé au combat, le second à la vie de la trentaine de combattants composant l'équipage.

Les abris d'intervalle, pour les corps francs, les unités de contre-at­ taque et les P.C. De la taille de deux sections, ils sont dotés de moyens de défense rapprochée et également à deux étages. Les observatoires situés sur les hauteurs, aussi à deux étages, doi­ vent assurer la surveillance des secteurs échappant aux vues des obser­ vatoires des ouvrages. Les ouvrages, à puissance de feu variable et avec possibilité d'une riposte tous azimuts. Ils sont répartis en cinq classes suivant leur importance : Classe 1 : gros ouvrages à armement mixte et un équipage de 600 hommes Classe 2 : ouvrage moyen à armement mixte et un équipage de 450 hommes Classe 3 : petit ouvrage à armement mixte et un équipage de 150 hommes Classe 4 : petit ouvrage d'infanterie et un équipage de 80 hommes Classe 5 : ouvrage monobloc essentiellement d'infanterie. Ces ouvrages se distinguent en ouvrages d'infanterie ou d'artillerie voire mixtes. Ainsi l'Einseling est un ouvrage d'infanterie. Les ouvrages dotés d'artillerie sont à deux entrées, l'une pour les hommes l'autre pour les munitions. Dans ces cas, il y a desserte intérieure par train électrique. Les ouvrages sont classés selon leur importance. Ainsi, pour ne se borner qu'aux secteurs fortifiés de Boulay (B) et de Faulquemont (F). Classe 1 : Hackenberg et (B) Classe 2 : Mont des Welsches et Michelsberg (B) Classe 3 : Bovenberg, annexe sud de (B), (F) Classe 4 : Holling, , village de Coume, Mottenberg (B), Kerfent, Bambesch et Téting (F) Classe 5 : Coucou, Behrenbach, annexe nord de Coume, Coume (B), Einseling (F).

175 LE SECTEUR FORTIFIÉ DE FAULQUEMONT EN 1939-1940

VI. Les hommes En raison de la complexité de ses matériels et du fait de sa voca­ tion, la ligne nécessite un nombre important de spécialistes, d'où la création de régiments de forteresse comprenant des fantassins, des artil­ leurs et des sapeurs notamment. En temps de paix, un régiment couvre l'ensemble d'un secteur forti­ fié. A la mobilisation, cette unité donne naissance à deux autres régi­ ments, prenant en compte chacun un sous-secteur. Chaque régiment d'infanterie de forteresse (R.I.F.) se compose de trois bataillons, comprenant chacun quinze sections de mitrailleuses, mortiers et de canons antichars, contre cinq seulement de fusilliers-vol- tigeurs. En somme une inversion quasi totale de la contexture d'un régi­ ment normal d'infanterie." Les éléments de feu, vous le constatez, prédominent sur les élé­ ments de manœuvre. Ces unités ne sont aptes qu'à défendre la ligne. Elles sont statiques. Un régiment d'infanterie de forteresse compte en moyenne 3.500 combattants sans ceux de l'artillerie et des autres armes et services, dont le génie, les transmissions, le train, l'intendance et la santé, qui l'accompagnent et atteignent un effectif de mille hommes. Le 82e R.I.F. du sous-secteur d', en exemple, a un effectif de 3.600 hommes. Le noyau actif est, en gros, du quart, le complément provenant pour un autre quart de réservistes frontaliers et pour le reste d'autres régions, essentiellement du Nord et de Paris.

Les équipages effectuent le 3/8, un poste de veille dans la chambre de tir, un poste d'alerte avec liberté de circuler dans l'ouvrage et un poste de repos dans les chambres des blocs.

Il y a dualité de commandement : forteresse et troupes de couver­ ture d'où problèmes de compétence, parfois difficilement conciliables. Pendant la « drôle de guerre », les militaires en ligne s'occupent. Ils s'instruisent, construisent et se divertissent.

Dans ce cadre se rédigent des journaux. Le 156e R.I.F. du Kerfent et du Bambesch font paraître « Le Bauzen 39 », avec la devise « Où le père a passé, passera bien l'enfant ». Paraissent aussi « Le Coup du Bambi » et le « Zimboum ». Ce dernier ayant décroché une annonce d'une firme de Roquefort, invite ses lecteurs à devenir plus forts en mangeant du roquefort pour vaincre l'ennemi. Le 146e R.I.F. à Téting sort le « Cambronne » qui affirme qu'un blockhaus est une taupinière,

176 DANS LE CONTEXTE DE LA LIGNE MAGINOT abritant une tribu spéciale de termites, qu'un corps franc est une asso­ ciation de volontaires qui use de tous les moyens pour faire des prison­ niers et qu'un compte rendu permet à tout inférieur de dégager sa res­ ponsabilité vis-à-vis de ses supérieurs. Paraît encore sur Boulay « Le Chic à Nied ».

VIL Le secteur fortifié de Faulquemont

Il comprend dans l'ordre de la gauche vers la droite : Les petits ouvrages du Kerfent et du Bambesch, les deux casemates de nord et sud, le petit ouvrage de l'Einseling, les deux casemates de l'Einseling nord et sud, les deux casemates de Quatre Vents nord et sud, l'ouvrage de Laudrefang, les deux casemates du bois de Laudrefang nord et sud, le petit ouvrage de Téting et au-delà, des casemates dans la vallée de la Nied jusqu'à et au-delà.

Ce secteur est défendu par 3.000 hommes de la Ille Armée, aux ordres du général BAUDOIN, puis à partir du 14 avril 1940 du général MENDRAS et, à compter du 28 avril, du général DE GIRVAL. Le chef d'état-major est le chef de bataillon VERGOZ ; le commandant de l'infanterie divisionnaire, le colonel VOGEL ; le commandant de l'artillerie divisionnaire, le Colonel CARBONNIER ; le commandant du génie, successivement : le lieutenant-colonel COLLIER et le commandant BURDEYRON. Ce secteur borde la frontière allemande de Falck à Merlebach. Les positions avancées se trouvent à , Carling, L'Hôpital et Merlebach.

Le poste de commandement est au château de Helfedange, puis à , après le 10 mai 1940. S'y trouvent, dérivant du 146e R.I.F. : à gauche: dans le sous-secteur de Narbefontaine, le 160e R.I.F., sous les ordres du lieutenant-colonel BOUET, au milieu: dans le sous-secteur Bois des Chênes, le 156e R.I.F., sous les ordres du lieutenant-colonel MILON, à droite : dans le sous-secteur du Steinbesch, le 146e R.I.F., sous les ordres du lieutenant-colonel PRAT.

Les ouvrages et casemates du secteur sont occupés par le 156e R.I.F. sauf l'ouvrage de Téting qui dépend du 146e R.I.F. Au-delà, vers la vallée de la Nied, sont implantés les 69e et 82e R.I.F.

177 LE SECTEUR FORTIFIÉ DE FAULQUEMONT EN 1939-1940

L'artillerie du secteur se décompose comme suit : — 163e Régiment d'artillerie de position (R.A.P.) à Lixing et au Bois des Chênes, sous les commandements successifs des lieutenant-co­ lonels GUIBERT et HANOTEAU. — 39e Régiment d'artillerie de Région Fortifié (R.A.R.F.), sous le commandement du Colonel BRIGUET, avec emplacement au Stein- besch (Créhange). Cette artillerie comprend deux groupes de 75 mm et un de 155 mm du 39e R.A.R.F. et 18 batteries de 75, 155 court, 155 long, du 163e R.A.R.F. Dans ce secteur se succèdent de nombreuses unités d'intervalles. Celles-ci, en relation avec les troupes de forteresse, œuvrent au départ dans la forêt du Warndt, en territoire allemand, pour se replier sur la frontière, après 1939 (octobre). VIII. Fiches des ouvrages Elles portent sur l'ensemble du secteur en y comprenant le petit ouvrage du Mottenberg, dernier du secteur fortifié de Boulay et voisin du Kerfent, premier du secteur fortifié de Faulquemont. Mottenberg : petit ouvrage de classe 4. Son effectif : 3 officiers et 145 hommes du 160e R.I.F., sous le commandement du capitaine CLOAREC. Se compose de trois blocs : B 1 : entrée avec deux créneaux à jumelage de mitrailleuses dont un mixte à canon antichar de 47 mm. S'y ajoutent deux cloches, l'une de guet avec fusil-mitrailleur et l'autre d'observation. B 2 : deux cloches mitrailleuses et une cloche de guet avec fusil-mi­ trailleur. B 3 : une tourelle mitrailleuse et une cloche de guet avec fusil-mi­ trailleur. Kerfent : petit ouvrage de classe 4. Sous le commandement du capitaine BROCHE : 2 officiers et 161 hommes du 156e R.I.F. constituent l'équipage. Ses organes : B 1 : une tourelle mitrailleuse et une cloche de guet avec fiisil-mi- trailleur,

178 DANS LE CONTEXTE DE LA LIGNE MAGINOT

B 2 : un créneau de jumelage mitrailleuse et un canon antichar de 47 mm, un créneau de jumelage mitrailleuse, deux cloches de guet avec fusil-mitrailleur ainsi qu'une cloche lance-grenades. B 3 : deux créneaux de jumelage mitrailleuse dont un avec canon antichar de 47 mm et deux cloches de guet avec fusil-mitrailleur.

Bambesch : petit ouvrage de classe 4.

S'y trouvent deux officiers et 121 hommes du 156e R.I.F., sous le commandement du lieutenant PASTRE. Il comprend : B 1 : une tourelle mitrailleuse et une cloche de guet avec fusil-mi­ trailleur, B 2 : deux créneaux de jumelage mitrailleuse dont un avec un ca­ non antichar de 47 mm. Deux cloches, dont une de guet avec fusil-mi­ trailleur et l'autre avec lance-grenades. B 3 : deux créneaux de jumelage dont un avec un canon antichar de 47 mm ainsi que deux cloches de guet fusil-mitrailleur. Einseling : petit ouvrage de classe 5. Un officier et 68 hommes du 156e R.I.F. sous les ordres du lieute­ nant VAILLANT. Il s'agit d'un ouvrage monobloc, composé d'un bloc initial auquel a été ajouté un autre par la suite. Les galeries pour relier l'ouvrage à deux casemates collatérales CORF ont été amorcées, mais sont restées inachevées. Armement : une tourelle mitrailleuse, un créneau de jumelage mi­ trailleuse avec canon antichar de 47 mm, deux cloches de guet avec fusil-mitrailleur et deux cloches mitrailleuses. Laudrefang : ouvrage de classe 3. Commandant : le capitaine CATTIAUX. Effectif : 8 officiers et 267 hommes, dépendant du 156e R.I.F. et du 163e R.A.P. Organes : B 1 : deux créneaux de jumelage mitrailleuse dont un avec canon antichar de 47 mm, deux cloches de guet avec fusil-mitrailleur, deux tubes de mortiers de 81 mm, en sous-sol.

179 LE SECTEUR FORTIFIÉ DE FAULQUEMONT EN 1939-1940

B 2 : une tourelle mitrailleuse et une cloche de guet avec fusil-mi­ trailleur. B 3 : (non relié). Une tourelle mitrailleuse, deux cloches de guet avec fusil-mitrailleur, deux créneaux jumelage mitrailleuse dont lin avec canon antichar de 47 mm et deux tubes de mortiers de 81 mm en sous- sol. B 4 : deux cloches de guet avec fusil-mitrailleur et une cloche lance- ' grenades. B 5 : une cloche de guet avec fusil-mitrailleur et une cloche d'obser­ vation. Cet ouvrage, armé de deux tourelles de mitrailleuses et de 4 mor­ tiers de 81 mm, est la clé de voûte du secteur. Bombardé avec intensité pendant quatre jours, l'ouvrage aura une action déterminante pendant l'attaque allemande, brisant les assauts contre l'Einseling et Téting, grâce aux mortiers. Téting : petit ouvrage de classe 4. Les deux officiers et les 125 hommes du 146e R.I.F. sont sous le commandement du lieutenant MARCHELLI. Les blocs de combat : B 1 : (non relié). Une cloche de guet avec fusil-mitrailleur et deux cloches mitrailleuses. B 2 : une tourelle mitrailleuse, une cloche de guet avec fusil-mitrail­ leur, une cloche lance-grenades. B 3 : deux créneaux jumelage mitrailleuse, dont un avec un canon antichar de 47 mm et deux cloches de guet de fusil-mitrailleur. Dernier ouvrage avant la trouée de la Sarre, Téting fut en butte aux attaques allemandes, sa tourelle étant une gêne constante pour l'en­ nemi. Bien que bombardé sans arrêt depuis le 19 juin, l'ouvrage brise l'attaque du 21, avec l'aide des mortiers de Laudrefang et termine les hostilités invaincu.

IX. L'armement Il échet de constater l'absence de toute artillerie en dehors des mor­ tiers de 81 mm implantés au P.O. de Laudrefang. Cette arme, contraire­ ment à celle de campagne, est un tube lisse à chargement par culasse avec portée limitée à 3.000 mètres.

180 DANS LE CONTEXTE DE LA LIGNE MAGINOT

Sa mission : battre les défilés aux abords des ouvrages. Son poids : 2.000 kilos. — le refroidissement s'assure par eau. — Son projectile : de type divers de 400 grammes agit à l'impact sur 10 mètres. L'artillerie lourde était fournie par celle d'intervalle, mais qui est défaillante lors de la bataille.

Reste l'armement défensif qui se compose :

— du brave fusil-mitrailleur 24 modifié 29, utilisé dans les cloches GMF, les portes blindées et les blockhaus. Il se monte dans ces cas sur créneaux, rotules ou colliers — calibre : 7,5 mm — portée pratique 600 mètres avec cadence de tir de 500 coups par minute ; — de la mitrailleuse MAC 31, montée sur jumelage Reibel (du nom d'un général qui le mit au point). Egalement de calibre 7,5 mm, avec portée à 1.200 mètres — cadence de tir : 750 coups par minute. Le tir s'opère par alternance de tubes, afin de permettre le refroidis­ sement également par eau. Pour ces deux armes collectives existent des balles lourdes, légères, perforantes et traceuses ; — une mitrailleuse mixte, la vieille Hotchkiss (antipersonnel et an­ tichar), de calibre 13,2 mm avec plus longue portée. Ces armes à tirs tendus sont complétées par diverses autres pour couvrir les défilements proches et lointains : goulottes et mortiers. Les goulottes, montées dans les chambres de tir permettent d'expé­ dier des grenades dans les fossés diamant et sur la face arrière des case­ mates. Il s'agit de tubes qui reçoivent des grenades F 1, qui s'éjectent par un système à ressort. S'y ajoute l'armement individuel. A ne pas négliger l'armement passif : — un double réseau de barbelés fixés sur piquets appelés queue de cochon parce qu'en forme de tire-bouchon. — des réseaux de rails antichars, — les embrasures de tir bénéficient de la protection d'un fossé, dénommé fossé diamant, en raison de sa forme anguleuse et dont la mission est double : - recevoir les éboulements éventuels, - interdire l'accès aux créneaux.

181 LE SECTEUR FORTIFIÉ DE FAULQUEMONT EN 1939-1940

S'y ajoutent : — les canons antichars de 47 et de 37 mm avec des pouvoirs de perforation jusqu'à 60 mm — portée 1.000 mètres, — des projecteurs en niche blindée avec portée à 100 mètres. Ils sont télécommandés de l'intérieur. Les observatoires sont équipés de périscopes. X. La bataille L'Allemand attaque, le 11 mai 1940, la ligne Maginot par le Luxembourg, sur la partie ouest du front de la Ille Armée, alors que le restant du front de Moselle n'est pas harcelé. Continuent à s'y déve­ lopper des coups de main. Au fur et à mesure que l'ennemi déborde à l'ouest de Thionville, nos avant-postes se replient sur la ligne principale. Les troupes d'en face se bornent, dans notre secteur, à suivre et à occuper le terrain volontairement cédé. Aussi sont-elles, le 23 mai, à , Ham, , et Carling. Elles progressent aussi, pour occuper le no man's land dans le sec­ teur fortifié de la Sarre entre Roselle et , mais elles restent contenues. Dès le 15 mai, le haut commandement de la Wehrmacht décide de percer la ligne entre Téting et , soit sur l'ensemble de la trouée de la Sarre. L'exécution est fixée au 15 juin. Le 28 mai, le général GEORGES retire la IVe Armée pour former le groupement de la Sarre. Sur 35 kilomètres, dans la région de Puttelange-aux-Lacs, quatre régiments aux ordres du colonel DAGNAN, épaulés vers l'ouest par quatre autres, les 156e, 146e, 69e et 82e R.I.F., aux ordres du général DE GIRVAL, commandant le secteur fortifié de Faulquemont. S'y ajoute la Ire Division polonaise du général DUCH, à . Pendant ce temps, le général VON WITZLEBEN met en place trois corps d'armée. Il se fait menaçant et progresse lentement pour être prêt au jour J du 15 juin. Il occupe, malgré notre résistance et au prix de lourdes pertes, Biding, , , Cappel. Le 3 et 4 juin, après de durs combats, est prise la ville de Saint- Avold. Nous y reviendrons pour relater l'affaire du Wenheck.

182 DANS LE CONTEXTE DE LA LIGNE MAGINOT

La retraite est décidée le 12 juin par notre haut commandement, en raison du développement de la bataille en son ensemble et de la menace de débordement par l'ouest. Se trouvent encore en ligne entre et Bitche 150.000 hommes.

Dans ce contexte, les troupes de couverture, les divisions de campa­ gne et parties de régiments de forteresse doivent se replier dans la nuit du 13 au 14 juin. Cela concerne le secteur fortifié de Faulquemont pour les 146e et 156e R.I.F., alors que l'aile droite, avec le 69e et le 82e R.I.F. et les autres régiments du groupement fortifié de la Sarre doivent rester en place jusqu'à la nuit suivante du 14. Dans ce secteur, ne devait se maintenir qu'une section par bataillon, avec mission de ne pas ménager les cartouches pour faire croire que la ligne était tou­ jours défendue. Cette croûte doit partir, le moment voulu, de même que les équipages des ouvrages après avoir détruit armement et muni­ tions.

Ces derniers ont mission de rejoindre alors leurs camarades sur le canal de la Marne au Rhin. Le 14 juin, les Allemands se mettent en œuvre entre Barst et Sarralbe. Les Français résistent héroïquement et tiennent l'ennemi en échec malgré les vagues d'attaques renouvelées. Une bataille sauvage, souvent au corps à corps, se déroule. Sur ordre, les Français abandon­ nent la trouée de la Sarre dans la nuit du 14 au 15 juin. L'offensive allemande ne reprend que le 15 juin, alors que Pétain sollicite l'armistice. Une nouvelle confrontation met les deux antagonis­ tes aux prises sur le canal à la Marne au Rhin, le 18 juin, en même temps que Metz tombe sous la svastika. Les troupes en retraite commencent à se rendre, les dernières, le 24 juin. Pendant ce temps, la ligne, avec ses faibles moyens, livrée à elle- même, se cabre en un ultime sursaut. Le commandement de la croûte restant dans les cinq ouvrages du secteur fortifié de Faulquemont, est confié au chef de bataillon Adolphe DENOIX. Il s'installe à l'ouvrage de Laudrefang. Il fait saboter les casemates et les blockhaus d'intervalles, malgré l'avis insistant contraire des officiers de Laudrefang, qui objectent que ces abris sont solidaires des ouvrages. Ils font d'ailleurs réoccuper certains par leurs propres moyens, malgré les destructions opérées. Les équipages d'ouvrages ont pour mission de couvrir le repli et de suivre ensuite, mais l'avance rapide ennemie les bloquent sur place avec nouvelle mission de tenir jusqu'à épuisement des munitions, avec sabordage en ultime phase.

183 LE SECTEUR FORTIFIÉ DE FAULQUEMONT EN 1939-1940

Pour le secteur fortifié de Faulquemont ne restent que 757 hom­ mes, un petit bataillon en cinq ouvrages face à la marée allemande. Ils s'installent. Ils veulent en découdre. Les Allemands qui progressent par la trouée de la Sarre se décalent à partir du 14 vers Téting, qui se signale par ses tirs meurtriers.

Le 17 au soir, ils occupent le bois de Téting, contre lequel est adossé le P.O. de Téting ainsi que la ferme de Brandstuden, située à huit cents mètres du P.O. de Laudrefang. Le Kerfent et le Bambesch ripostent également aux premiers coups. Se dessine d'emblée la même détermination française sur toute la ligne, d'où l'ordre allemand d'encercler par l'arrière. Le patron du corps d'armée d'attaque, le général von GREIFF, déplace à cette fin son P.C. de Sarrebruck à Saint-Avold pour se retrou­ ver, le 20, au château de.Landonvillers. La 167e I.D. bavaroise du général VOGL, avec le I.R. 331 de l'Oberst LECHNER, en avant-garde, se trouvent le 19 vers 15 heures sur les arrières de Laudrefang, dont les mitrailleuses encadrent les parle­ mentaires ennemis, qui n'insistent pas. Le général von GREIFF, en accord avec le général von WITZLEBEN, en P.C. à Dieuze, décide de frapper un grand coup, de Téting au Kerfent, et au delà. Toutes les tentatives de reddition et d'intimidation restent vaines. Du 18 au 22, le P.O. de Laudrefang est bombardé par l'artillerie allemande, agissant à revers. La cadence atteint jusqu'à un coup toutes les dix secondes. Les cloches reçoivent 3.500 projectiles. Les armes de l'ouvrage interdisent toute approche. Le bloc 3 est particulièrement visé, en raison de ses mortiers de 81, seule artillerie, fort modeste, disponible, mais combien efficace. Le 20, toute la journée, le Kerfent est bombarbé par une batterie de 88 installée dans le bois, derrière des blockhaus évacués et non dé­ truits. Dans la soirée, le bloc 3 est endommagé ; un canon de 47 et des munitions sautent. Dans la nuit du 20 au 21, le P.O. déclenche un feu d'enfer pour repousser l'infanterie qui s'infiltre, avec l'appui des feux du Mottenberg. Une infiltration est arrêtée à 3 h. Pendant ce temps, au Bambesch, le lieutenant André PASTRE commence à regretter son inertie. Il a omis d'augmenter ses défenses, d'incendier ou miner la proche forêt et de réoccuper les casemates éva­ cuées. Le P.O. est bombardé le 20, à partir de 4 h. A midi, un canon

184 DANS LE CONTEXTE DE LA LIGNE MAGINOT de 88 du 339e I.R. que le lieutenant VAILLANT d'Einseling ne peut neutraliser avec ses seules mitrailleuses à plus de deux kilomètres, atta­ que le bloc sud dont le béton se désagrège, avec mise à mal de la ventila­ tion. Vers 19 heures, ce bloc est percé, le bloc tourelle ne tirant plus, le bloc nord étant attaqué par l'artillerie, puis par les fantassins, à partir du bois. Pendant ce temps, VAILLANT lance, en vain, une patrouille pour repérer l'emplacement des canons ennemis. Mais l'air intérieur se vicie dans l'ensemble de l'ouvrage de Bam- besch. La panique règne, les officiers connaissent la fin par asphyxie de l'ouvrage de la Ferté. PASTRE réunit ses officiers, les lieutenants TRUNKENWALD, RÉGIS et BAUDON, le médecin, en conseil. La reddition, hâtive semble-t-il, est décidée, alors que l'ennemi ne faisait que reconnaître les meilleurs cheminements, les obstacles et les pièges. Le Hauptmann ACKERMANN a traversé le bois du Bambesch, sans rencontrer de mines, s'arrêtant au bloc sud silencieux, mais es­ suyant des pertes au bloc nord.

A 19 heures, un sous-officier trouve un passage aménagé dans les barbelés, se colle au bloc nord et lance un fumigène à l'intérieur. Il hurle, il menace et exige la reddition. L'ouvrage se rend aussitôt. La garnison est moralement effondrée, selon l'Oberstleutnant HAAS. Le I.R. 3 récupère tout : gazoil, armement, munitions, vivres. Rien n'a été saboté. Triste fin, sans combat réel. Pertes ennemies : neuf blessés, dont deux sérieusement atteints. Tard dans la soirée, Radio Stuttgart annonce que les ouvrages de la ligne se rendent les uns après les autres. Cette chute modifie les plans allemands ; au lieu de s'en prendre à Téting, à Laudrefang et à l'Einseling, effort est fait sur le Kerfent, aussi vulnérable que le Bambesch. Le major GOLLE du I.R. 339 se met en place à Zimming, derrière le Kerfent ; il y met au point son ordre de bataille. Dans un premier temps : bombardement de l'ouvrage par deux batteries de 105 et de 150, puis du Bambesch deux pièces de 88, des Flak et des Pak tirent à vue sur le bloc 3, pendant que des lisières du bois, 16 canons et des mitrailleuses lourdes harcèlent le Mottenberg, dont les feux de flanquement sont à craindre et le bloc d'entrée.

185 LE SECTEUR FORTIFIÉ DE FAULQUEMONT EN 1939-1940

Le 22, GOLLE donne ses ordres à ses deux compagnies renforcées notamment de lance-flammes. Ces hommes profitent de l'obscurité pour occuper les boyaux français qui communiquent avec l'ouvrage et ou­ vrent une trace à la cisaille dans les barbelés.

Pas plus que PASTRE, le capitaine BROCHE n'a songé à rendre infranchissable les bois auxquels son ouvrage est adossé.

A 3 heures 30, tout est en place. A 5 heures 55, la Flak se met en branle du Bambesch et l'artillerie à 6 heures. Le Kerfent réagit à la mitrailleuse et au 37. Le capitaine CLOAREC du Mottenberg riposte efficacement avec sa tourelle et ses jumelages de la casemate sud. A 6 heures 30, l'Oberst von LICHTENSTERN, commandant le régiment, meurt, une balle dans la tête ; mais GOLLE poursuit jusqu'à la lisière à 80 mètres du bloc d'entrée, alors que le bloc 3 souffre, les armes brisées dans la chambre de tir. Ne restent en place dans ce bloc que trois braves Lorrains, WEYRICH, BRUNNER et WALLRAF, tenant l'ennemi en respect, jusqu'à 7 heures 30. Les Allemands consomment 27.000 cartouches, aveuglant les créneaux et empêchant la riposte fran­ çaise, avant l'entrée enjeu de Flak 88 en tir direct, à 150 mètres, mettant à mal le bloc 2, qui continue à cracher ses feux avec ceux du Motten­ berg.

Chez GOLLE, flottement, un temps d'arrêt et même un reflux, alors que quelques hommes atteignent cependant l'ouvrage. Le chef réagit, en ordonnant la reprise des tirs de Flak et de Pak ; l'attaque repart, mais piétine, et le repli est envisagé, au moment où apparaît le linge blanc de la reddition au créneau de la cloche du bloc 2. Le Kerfent se rend, suite à un conseil de guerre qui estime que tenir comportait trop de risques pour l'équipage, alors que l'honneur est sauf.

Existait également la hantise de la Ferté. Cette précipitation permet de tout récupérer intact. Du côté français : 2 blessés, mais 4 officiers et 130 hommes captu­ rés. Côté allemand : 3 tués dont le colonel et 31 blessés. Les officiers, amenés au château de Helfedange, refusent d'aller à l'ouvrage de Laudrefang pour conseiller la reddition. Ils déclinent également l'offre de parler à Radio Stuttgart. Deux sous-officiers, restés au Kerfent pour l'entretien, s'évadent le 6 juillet après avoir saboté les moteurs.

186 DANS LE CONTEXTE DE LA LIGNE MAGINOT

De nuit, des tirs automatiques tiennent l'ennemi à distance. Le 21, le guetteur du bloc 2 est tué. Le créneau nord de la cloche d'artillerie du bloc saute sous un ouragan d'obus. Un déluge de feu et de fer ; les hommes en raison de la chaleur s'affairent torse nu.

Aux casemates de Quatre-Vents, réoccupées, les faibles garnisons résistent jusqu'au dernier jour, sans ventilation, sans lumière et sans porte. Les attaques du 21 échouent également. Un officier et cinq hom­ mes y sont tués et 55 hommes blessés, dans le camp ennemi. A l'aube du 21 juin, à Laudrefang, le souci est de réaliser des solutions de secours en cas de dérèglement des issues de dégagement des gaz des moteurs, mais se sent aussi une détermination. Pour se donner de l'air, ont été réoccupées les casemates abandonnées des Qua­ tre Vents. L'ennemi s'intéresse, en même temps qu'au Kerfent, à l'Einseling, qui a l'avantage cependant d'être à contre-pente par rapport à la direc­ tion d'arrivée de l'ennemi. Le patron, le lieutenant VAILLANT et son adjoint, le sous-lieutenant VION, sont assurés aussi par l'aide que peut leur apporter Laudrefang par ses feux et ses observatoires. Il est aussi protégé de nuit par des petites équipes occupant les casemates voisines préalablement abandonnées. Celles-ci, prises pour l'ouvrage principal, sont bombardées intensément dès 7 heures 30, ce 21 juin ; puis le batail­ lon d'attaque du I.R. 339 progresse jusqu'à hauteur du réseau de barbe­ lés. C'est alors qu'interviennent les tirs directs des Quatre-Vents et de l'Einseling, mais surtout les tirs courbés des mortiers de 81 de Laudre­ fang. C'est l'arrêt net et un repli précipité ; pas de major GOLLE pour relancer l'assaut. Résultat : 4 tués et 26 blessés en une heure, laissés sur place. En riposte, les Allemands s'acharnent en artillerie sur le bloc 1 de Laudrefang, origine repéré des tirs de mortiers. Téting subit également depuis le 19 juin, mais, malgré les dégâts, le lieutenant MARCHELLI poursuit le combat. Le bloc 3 est avarié et la tourelle inutilisable. Le 21 juin, à partir de 7 heures, une avalanche s'abat sur l'ouvrage. Dans la matinée, une patrouille allemande est anéantie, chef tué. Un groupe d'assaut du 339e I.R. est stoppé. En quelques heures, 6 tués et 40 blessés, du côté allemand. Le 22, l'ennemi reprend ses tirs, mais les 81 de Laudrefang obligent une batterie de 105 à quitter précipitam­ ment sa position. Soixante obus avaient pénétré dans une chambre de tir, heureusement évacuée. Au P.O. de Laudrefang, le commandant du bloc 1 brise plusieurs attaques et détruit une batterie.

187 LE SECTEUR FORTIFIÉ DE FAULQUEMONT EN 1939-1940

Des tractations d'armistice en cours, le général VOGL fait arrêter les attaques, mais poursuit le bombardement. Le 25, à 6 heures, le commandant DENOIX se rend au Brandstu- den pour connaître le sort des équipages. Il rencontre, à Landonvillers, le général von GREIFF. Il revient à 19 h pour apprendre à ses hommes qu'ils doivent rester pour rendre les ouvrages en bon état avant d'être emmenés en captivité, malgré les protestations de DENOIX et des au­ tres officiers responsables des secteurs voisins, faisant ressortir qu'ils n'avaient pas été vaincus et, que de toute matière, ils ne rendraient leurs ouvrages que sur ordre du haut commandement français. En attendant, il est convenu que les Français ne franchiraient pas les réseaux de barbelés, les Allemands s'obligeant à se tenir à distance. A Téting, le 339e demande la restitution d'une arme d'un officier tué. A l'Einseling, les Allemands enlèvent leurs morts, restés dans les barbelés. Le 26, le colonel COCHINARD, commandant le secteur fortifié de Boulay, en sa qualité de plus ancien des commandants des secteurs fortifiés entre Moselle et Nied, informe les différents ouvrages du résul­ tat de ses pourparlers et de son insistance pour le renvoi des équipages en zone libre puisque, invaincus, avec puissance de feu conservée. Mé­ fiants, certains frontaliers ne voulant pas subir, s'échappent, en accord avec leurs supérieurs.

Dans l'attente d'une issue trop prévisible, les documents sont brû­ lés, alors qu'à l'extérieur, les équipages obligent même au Hackenberg des soldats allemands à saluer le drapeau français, continuant à flotter. A l'Einseling, le lieutenant VAILLANT le maintient jusqu'au soir du 1er juillet, alors que la Wehrmacht défile à Bayonne.

Pendant ce temps, des pourparlers se poursuivent au plus haut niveau entre les plénipotentiaires des deux parties, le général HUNTZINGER du côté français et le général von STULPNAGEL, du côté allemand, notamment sur le sort des troupes invaincues. Ce dernier estime que celles-ci,t encerclées, n'ont plus leur liberté de manœu­ vre et doivent se résigner à la captivité, tout en admettant de laisser leurs armes aux officiers eu égard à leur conduite courageuse.

Le 30 juin, à 10 heures, le colonel MARIÓN, de la commission d'armistice, est étonné qu'à cette date, 18 ouvrages de Moselle à la Nied résistent encore et ne comprend pas l'attitude des responsables exigeant le renvoi de leurs troupes en zone libre. La cause est malheureusement entendue.

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Le 2 juillet, les équipages du secteur fortifié de Faulquemont se rassemblent à pied sur la route de Faulquemont sous la conduite du capitaine CATTIAUX, commandant le P.O. de Laudrefang, des lieute­ nants VAILLANT de FEinseling et MARCHELLI de Téting, pour être conduits au camp de prisonniers de Saint-Avold ; quelques éléments restent sur place pour l'entretien. Le, commandant DENOIX part, le 12, pour Mayence, emportant son sabre, son pistolet et son fusil de chasse, qui lui seront très rapide­ ment enlevés.

XI. Conclusion Elle est empruntée à la préface du général d'armée VAILLANT, ancien commandant de FEinseling, de l'ouvrage de Jean-Yves MARY sur la ligne Maginot. La ligne MAGINOT était une dissuasion contre l'attaque par sur­ prise mais la dissuasion n'est pas un parapluie. En fait, la ligne, c'était 500.000 hommes, mais 30.000 seulement dans les ouvrages égrenés tous les- deux ou trois kilomètres sur un front de plus de 300 kilomètres de Longuyon à Bâle. Quand le combat commence pour les équipages, le 18 juin, Paris était pris et Lyon tombait. Toutes les troupes d'intervalles étaient re­ pliées depuis le 14 juin, laissant les ouvrages en ilôts de résistance isolés, alors que le maréchal PÉTAIN répétait qu'il fallait cesser le combat. Il n'y avait plus de liaison avec aucun commandement et la mission même des ouvrages de protéger la retraite de leurs camarades des inter­ valles était achevée depuis le 17 au soir. C'est ce soir là que l'ennemi propose la reddition aux équipages qui refusent tous sans hésiter. Ils ont une grande confiance en eux-mê­ mes, grâce à la perfection de leur ligne et en fonction ils ont tenu et ont infligé de lourdes pertes à l'ennemi en le fixant. C'est la fierté des hommes de Laudrefang, de Téting et de FEinse­ ling d'avoir contribué à cette victoire sur l'adversaire, en se battant même en dehors du béton, possibilité non exploitée par le Kerfent et le Bambesch, repliés, il est vrai, sur eux-mêmes, sans appui efficace ; adossés malheureusement à un bois touffu, à infiltration idéale.

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Ainsi, en refusant de se rendre, en combattant sans ordres et sans mission formelle, le général d'armée VAILLANT a raison d'affirmer qu'ils furent les PREMIERS RÉSISTANTS. Ces hommes méritent une grande considération. XII. Éléments de bibliographie : Henri HIEGEL : «Ils disent «Drôle de guerre», ceux qui n'y étaient pas», 1983 et 1984, 2 vol. Roger BRUGE : «Faites sauter la ligne Maginot» 1973. «On a livré la ligne Maginot» 1975. «Les combattants du 18 juin» 1982. Jean-Yves MARY : «La ligne Maginot» 1980.

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