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Le crabe honteux géant Calappa calappa (Linnaeus, 1758)

Citation de cette fiche : Noël P., 2017. Le crabe honteux géant Calappa calappa (Linnaeus, 1758). in Muséum national d'Histoire naturelle [Ed.], 3 janvier 2017. Inventaire national du Patrimoine naturel, pp. 1- 9, site web http://inpn.mnhn.fr Contact de l'auteur : Pierre Noël, UMS 2006 "Patrimoine naturel", Muséum national d'Histoire naturelle, 43 rue Buffon (CP 48), 75005 Paris ; e-mail [email protected]

Résumé La carapace du crabe honteux géant est convexe et une fois et demi plus large que longue ; elle peut atteindre 12 cm de large. Son bord postérieur est lisse, sans aucune dent. Les pinces sont plates, triangulaires et au repos repliées sur le corps dans l'exacte échancrure de la carapace. Les pattes sont petites et recouvertes par les ailes latérales de la carapace. La couleur est jaune orangée unie ; dans le Pacifique, il y a aussi des spécimens constellés de taches pourpres. Enfoui dans le sable le jour, ce crabe sort la nuit pour se nourrir. Avec ses énormes pinces, il entaille les coquilles de gastéropodes et de pagures dont il se nourrit. Les larves sont planctoniques. La croissance est assez rapide. Les phoques, les gros poissons et autres gros animaux marins sont ses prédateurs. Il vit dans les lagons des récifs coralliens de l'Océan Indien et de l'ouest Pacifique jusqu'à une centaine de mètres de profondeur. Il est parfois pêché mais n'a pas d’intérêt alimentaire. Son sang contient des substances anticancéreuses. Il peut être présenté en aquariologie marine et il figure sur des timbres-poste.

Figure 1. Calappa calappa, habitus d'un spécimen avec une Figure 2. Calappa calappa, spécimen à robe unie. robe à taches couleur grenat. Visayas, Philippines. Sulawesi, Indonésie. Photo © Sylvie Louisy / Photo Bio Photo ©Anthony Leydet / Photo Bio Sous-Marine / Peau-Bleue. Sous-Marine / Peau-Bleue.

Classification : Phylum Arthropoda Latreille, 1829 > Sub-phylum Crustacea Brünnich, 1772 > Super-classe Multicrustacea Regier, Shultz, Zwick, Hussey, Ball, Wetzer, Martin & Cunningham, 2010 > Classe Latreille, 1802 > Sous-classe Eumalacostraca Grobben, 1892 > Super- ordre Eucarida Calman, 1904 > Ordre Latreille, 1802 > Sous-ordre Pleocyemata Burkenroad, 1963 > Infra-ordre Brachyura Latreille, 1802 > Section Eubrachyura de Saint Laurent, 1980 > Sous-section Guinot, 1977 > Super-famille Calappoidea de Haan, 1833 > Famille Calappidae de Haan, 1833 > Genre Calappa Weber, 1795.

Synonymes (Ng & al. 2008 ; GBIF 2016 ; INPN 2016 ; ITIS Noms vernaculaires: 2016 ; WoRMS 2016): Le crabe honteux géant (Didierlaurent & Noël 2017). calappa Linnaeus, 1758 Caloppe, crabe ouvre-boîte (Didierlaurent & Noël 2017). Cancer cerratonis Curtiss, 1944 Principaux noms étrangers. Cancer fornicatus Fabricius, 1781 Cancer calappoides Rumphius, 1741 Anglais : broken coconut-shell (Rumphius 1741 fide Cancer flosculosus Seba,1759 Galil 1997) ; giant box crab (Pillai & al. 2013). Cancer heracleoticus Seba, 1759 smooth, red-spotted box crab (web). Calappa fornicata Weber, 1795 smooth box crab (web). Calappa (Camara) fornicata de Haan, 1837 Darth Vader Crab, Vader Crab (web). Camera calappa White, 1847 Allemand : Gepunktete Schamkrabbe (web). Calappa formicata Zimsen, 1964 Espagnol : Cangrejo (web). Italien : Granchio scatola (web). N° des bases de données : GBIF ID : 5178362; INPN Néerlandais : Schaamkrab (web). Cd_Nom : 594301; ITIS : 660468 ; WoRMS AphiaID : 209498.

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Etymologie. Calappa : nom indien de la noix de coco (calapp [Indes], dans Cayeux et Komorn), donné d'abord à un crabe de la mer des Indes, à cause de sa ressemblance avec une demi-noix de coco, repris ensuite comme nom spécifique par Linné, puis comme nom générique par Fabricius (Perrier 1929 ; Coudre & al. 2009 ; Didierlaurent & Noël 2017).

Description. La carapace est très convexe et environ 1,6 à 1,7 fois plus large que longue. Ses régions ne sont pas distinctes. Sa surface est finement squameuse, antérieurement avec des tubercules aplatis à peine distincts et à l'arrière avec des lignes transversales finement perlées dont la longueur s'accroit sur les côtés, la ligne la plus longue étant parallèle à la marge postérieure. Les yeux sont très proches l'un de l'autre. Le front est avancé et présente deux dents triangulaires séparées par une profonde échanrure en "V". La marge antérieure de l'article antennaire basal présente deux protubérances, le pédoncule émergeant de l'angle distal. Le canal branchial afférent se termine sous l'orbite en un processus granuleux arrondi. Le septum de l'endostome est visible lorsque les premiers maxillipèdes sont au repos. La marge antérieure du premier maxillipède est droite. La marge antérolatérale est carènée, festonnée. Le processus en forme de bouclier est très développé. La marge postérolatérale est entière, lisse. La marge postérieure est lisse. Le mérus du chélipède présente une carène distale lamelleuse bien développée et sa marge est poilue. La surface externe du chélipède possède des lignes transverses finement perlées dont la longueur s'accroît vers le bas et avec des granules intercalés. La crète de la grosse pince a six dents, la dent proximale est la plus faible. La rangée perlée externe sur la marge inférieure court sur toute la longueur de la pince tandis que la rangée interne court seulement sur la moitié distale. Dans le bas de la face interne de la pince granuleuse il y a une rangée perlée parallèle à la marge inférieure. Au repos, les chélipèdes se replient sur le corps lui-même, dans l'exacte échancrure de la carapace. Les pattes dépassent très peu de la protection aliforme latérales de la carapace. Le premier pléopode du mâle est fort, presque droit, spinulé à son extrémité ; le second pléopode est plus fin, droit, denticulé latéralement dans sa partie distale et digité à l'extrémité. Les spécimens à livrée unie ne diffèrent pas morphologiquement des spécimens à livrée tachetées (Galil 1997).

Chez le genre Calappa, il y a une hétérochélie fonctionnelle très marquée. La pince coupante sert à entamer les coquilles de gastéropodes et l'autre possède des doigts fins préhensiles. La pince coupante est presque toujours la droite car elle fonctionne mieux de ce côté pour ouvrir les coquilles enroulées qui sont pour la plupart dextres [avec l'ouverture à droite lorsqu'on regarde la coquille de face l'apex en haut] (Richer de Forges & Ng 2006).

Biométrie. La carapace qui est beaucoup plus large que longue peut atteindre 12 cm de large. C'est l'espèce du genre Calappa la plus grande dans l'Indo-Pacifique (Galil 1997 ; Ng & al. 2002 ; Pillai & al. 2013).

Couleur. Calappa calappa présente un polychromatisme important. Il y a deux principaux types de livrées pigmentaires chez cette espèce, une avec robe unie et l'autre avec des points rouges grenat (Tinker 1965 ; Galil 1997 ; Ng & al. 2001 ; Legall & Poupin 2016). Chez les spécimens à robe unie, la seule présente dans l'Océan Indien (Ng & al. 2002) la couleur est uniformément blanchâtre, beige, jaune pâle, voire orangée (Ng & al. 2002 ; Pillai & al. 2013 ; Legall & Poupin 2016). Chaque carène ou bourrelet est alors légèrement plus clair. Dans le second cas, le crabe est tacheté de multiples taches sombres (rouges, pourpres ou presque noires) assez uniformément réparties sur la carapace et les chélipèdes. Ces taches peuvent être minuscules, moyennes ou grandes selon les cas. Elles se manifestent très tôt chez les juvéniles car elles sont déjà visibles à 8 jours après la métamorphose sur des crabes d'environ 8 mm de largeur de carapace (Brié & Santos 2008). Il existe à l'extrême des spécimens à robe "léopard" présentant des plages irrégulières couleur chocolat (Matsuzawa 1977). Des spécimens à robe unie et à robe à taches peuvent se rencontrer au même endroit dans le Pacifique (Sakai 1976). Des photos représentent même un gros crabe (mâle?) tenant entre ses pattes un petit spécimen (femelle?) dans une posture rappelant une promenade prénuptiale fréquente chez les brachyoures, avec un des crabes à robe unie et l'autre avec une robe à points (Poppe images 2017 ; Didierlaurent & Noël 2017). Ceci semble en faveur de variations phénotypiques d'une même espèce pour les deux formes pigmentaires et non d'espèces distinctes comme cela a pu être envisagé (Ng & al. 2001, p. 10).

Risques de confusion, espèces voisines, variations infra-spécifiques. Dans le genre Calappa, il existe environ 41 espèces au niveau mondial (Ng & al. 2008 ; GBIF 2016 ; WoRMS 2016) dont 18 sont présentes dans les zones marines sous juridiction française (INPN 2016). Dans l'Atlantique tropical ouest, Calappa ocellata porte une carapace avec des ocelles clairs sur fond bleu-violet (Didierlaurent & Noël 2017). Dans l'Indo-Pacifique, on rencontre Calappa hepatica (Linnaeus, 1758) et Calappa flammea (Herbst,1794) qui présentent des taches pourpres allongées. Ces deux espèces étaient répertoriées sous le nom de C. flammea avant 1958. Enfin, Calappa gallus, le crabe honteux rugueux, présente des aspérités marqués, de couleur crème. (Didierlaurent & Noël 2017).

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Biologie. Comportement. Pendant la journée, Calappa calappa est enfoui dans le sable et ne laisse dépasser que les yeux et le front. Pendant la nuit, il peut se déplacer sur de courtes distances, ses pattes courtes ne lui assurant qu’un déplacement sur le côté qui peut cependant être assez rapide ; au moindre danger, il est capable de s'enfouir dans le sable en moins de 3 secondes (vidéos sur la toile http://roaring.earth/giant-box-crab/). Il est assez difficile à observer en plongée (Didierlaurent & Noël 2017). Reproduction. Comme la plupart des crustacés décapodes, le crabe honteux géant est gonochorique et les sexes sont séparés. En début d'incubation, la ponte est de couleur orangée ; elle devient brune en fin d'incubation (photos sur le web). Le développement larvaire des Calappidae a fait l'objet de très peu d'études, en particulier en milieu tropial. La phase larvaire de Calappa calappa comporte sans doute plusieurs stades zoé ; ensuite il y a une mégalope et un premier stade crabe. << Le stade 'premier juvénile' chez Calappa calappa est atteint après huit jours comme il l’est aussi décrit pour Calappa tortugae. Les individus possèdent à ce stade de nombreux critères similaires à l’adulte tel que la forme des chélipèdes ou de la carapace. De plus, le comportement de l’ est déjà similaire à celui de l’adulte adoptant une position défensive caractéristique avec les pinces protégeant la partie ventrale >> (Brié & Santos 2008). Le recrutement (arrivée des post-larves) se fait en mars en Polynésie (Santos & al. 2012). La longévité de l’espèce ne semble pas connue avec précision ; il est possible qu’elle soit de plusieurs années. Il ne semble pas y avoir de données précises sur l'alimentation de l'espèce. Calappa calappa pourrait rechercher ses proies en fouillant le sédiment sous-lui à l'aide de ses pattes locomotrices ; lorsqu'il a détecté une coquille de gastéropode occupée, il la maintien en position verticale entre ses pattes et utilise ses pinces volumineuses pour découper les coquilles de gastéropodes en particulier, y compris celles contenant des pagures qui constituent sa nourriture principale (Didierlaurent & Noël 2017). Les larves sont les proies des différentes espèces tropicales planctonophages. Les principaux prédateurs des adultes sont des phoques (Iverson & al. 2011), les tortues marines, les poissons de fond et les requins comme ceux du genre Mustelus par exemple (Kamura & Hashimoto 2004) ; les grands crustacés et les céphalopodes sont d'autres prédateurs potentels de l'espèce. Les parasites et d’éventuelles pathologies sont mal connues.

Ecologie. Calappa calappa est typiquement associé aux récifs coralliens. Il vit près des côtes, dans les lagons, sur les fonds de sable fin ou de gravier entre les blocs de coraux (Ng & al. 2002 ; Didierlaurent & Noël 2017). Il se rencontre habituellement dans l'étage infralittoral entre 0 et -50 m (Galil 1997) et il a été signalé jusqu'à - 80 m (Legall & Poupin 2016).

Figure 3. Carte de distribution dans les zones marines sous juridiction française. © INPN-MNHN 2016.

Distribution. Ce crabe est présent dans l'Indo-Pacifique tropical, depuis le secteur asiatique au nord jusqu'aux côtes africaines à l'ouest, aux îles polynésiennes et à Hawaï à l'est (Legall & Poupin 2016 ; Didierlaurent & Noël 2017). Il a été signalé de Madagascar (Milne Edwards 1868 ; Hoffmann 1874 ; Galil 1997 ; Legall & Poupin 2016), Mayotte (Legall & Poupin 2016), La Réunion [limite sud de distribution] (Hoffmann 1874 ; Legall & Poupin 2016), Maurice (Bouvier 1915 ; Ward 1942 ; Michel 1964 ; Legall & Poupin 2016), Seychelles (Galil 1997 ; Legall & Poupin 2016), Kenya (Galil 1997), Inde (Alcock 1896 ; Cohen & al. 2014), Thaïlande (Naiyanetr 1998 ; Ng & Davie 2002 ; Ng & al. 2002), Malaisie (Miers 1880), Indonésie (Galil 1997) [Linnaeus 1758, 1764, 1767 ; Ambon = locus typicus], Papouasie - Nouvelle Guinée (Galil 1997), "Indochine" (Serène 1937 ; Dawydoff 1952), Philippines (Galil 1997), Taiwan (Ng & al. 2001), Chine (Chen 1993 ; Galil 1997), sud du Japon [limite 4 nord de distribution] (de Haan 1833-1850 ; Herklots 1861 ; Sakai 1934, 1976 ; Utinomi 1956 ; Matsuzawa 1977 ; Takeda 1982 ; Miyake 1983 ; Nomura & al. 1988 ; Takeda & Shikatani 1990 ; Galil 1997 ; Legall & Poupin 2016), Australie (Galil 1997), Nouvelle Calédonie (Milne Edwards 1874 ; Galil 1997 ; Richer de Forges & Ng 2006 ; Legall & Poupin 2016), Wallis et Futuna (Juncker 2004 ; Poupin & Juncker 2008), Polynésie (Monteforte 1984 ; Guinot 1985 ; Poupin 1996 ; Galil 1997, 2001 ; Ng & al. 2011 ; Salvat & Bacchet 2011 ; Santos & al. 2012), Marquises (Galil 2001), Hawaii (Rathbun 1906 ; Tinker 1965 ; Galil 1997 ; Legall & Poupin 2016).

Figure 4. Distribution mondiale de Calappa calappa. Carte © GBIF 2016

Interactions avec les activités humaines - Menaces et mesures de conservation. Le crabe Calappa calappa est parfois capturé au casier à langouste (Moffitt & al. 2006) ou lors d'opérations de pêche en Inde mais il y constitue une capture accessoire sans grande valeur marchande (Pillai & al. 2014 ; Didierlaurent & Noël 2017). Il n’a pas réellement d’intérêt alimentaire. Il est parfois présenté en aquariophilie marine (Aquabase 2016). Son hémolymphe contient des substances anticancéreuses (Priya & Ravichandran 2015). Il ne semble pas particulièrement menacé et n'est ni protégé, ni réglementé.

Liste rouge Mondiale Législation - réglementation - directives Non évalué Aucune disposition réglementaire spécifique

Figure 5. Le crabe honteux géant, Calappa calappa, d'après un timbre néocalédonien de 1982.

Remerciements. Nous remercions bien sincèrement Anthony Leydet et Sylvie Louisy pour l'autorisation d'utiliser les photos des figures 1 et 2 qui illustrent cette fiche.

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