Le Château De La Rochepot : De La Forteresse Gothique Au Château Néo-Gothique
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Le château de La Rochepot : de la forteresse gothique au château néo-gothique LAURENT SACCARO* *Le château de La Rochepot, situé ménager l’exactitude historique et à 15 km au sud-ouest de Beaune, est l’habitabilité des lieux. Cet intérêt en une figure emblématique de la soi du château restauré avait déjà été Bourgogne. Ses toits de tuiles pressenti par Françoise Bercé, qui vernissées font depuis un siècle le voyait en La Rochepot une « savante bonheur des guides et des albums reconstruction [...] Mais peut-être touristiques, qui répètent à l’envie s’agit-il là moins d’une création néo- comment le fils du président de la gothique que d’une restitution archéo- République Sadi Carnot, au début du logique réussie... »3. XXe siècle, a reconstruit à grands frais Le château mérite donc les ruines du château bâti par la famille aujourd’hui d’être étudié d’une part Pot au XVe siècle. Cette restauration a comme bâtiment médiéval, dont les souvent été décriée par de nombreux vestiges sont très visibles et bien auteurs comme un sommet de identifiables en sous-œuvre, d’autre l’architecture troubadour, qui aurait part comme édifice néo-gothique, fait table rase des vestiges médiévaux : puisqu’il s’agit d’un édifice tout à fait de ce point de vue, le Guide du exemplaire pour ce type d’architecture Routard1 et des auteurs scientifiques en Bourgogne. comme Jean Mesqui2 sont au diapason! Pourtant, une étude plus précise Le château, du Moyen Âge à la des archives de Sadi Carnot d’une part, Révolution et des vestiges d’autre part, montrent que Charles Suisse, l’architecte de la Un premier château reconstruction, a rebâti le château à partir de travaux archéologiques tout à Sur le haut de la colline du fait sérieux, et avec le double souci de Châtelot, qui porte le château actuel (fig. 1, L), s’élèvent encore les vestiges * Cette étude est issue d’un mémoire de Master d’un premier édifice fortifié. soutenu à l’université de Bourgogne sous la Différentes hypothèses furent direction de Daniel Russo. L’auteur poursuit évoquées par les historiens successifs du actuellement son étude de l’architecture château, à commencer par le troubadour dans un travail de thèse. commanditaire de la restauration, Sadi 1 « Jolie carte postale […] cette forteresse Carnot, sur les origines de l’occupation médiévale perchée sur son piton rocheux semble sortie d’un conte de fées bourguignon de ce site. Cette hauteur naturelle a pu revu façon Disney…» (Le Guide du Routard ainsi être occupée depuis l’âge du Bourgogne Franche-Comté, Paris : Hachette, bronze, de par sa proximité avec la 2008). « voie de l’étain », puis à l’époque 2 Le château de La Roche Pot lui apparaît romaine. La découverte de monnaies comme « une folie du XIXe siècle », mais encore comme un « beau cas d’école de restauration ». (Jean MESQUI, Châteaux-forts et fortifications 3 Jean-Pierre BABELON (dir), Le château en en France, Paris : Flammarion, 1997). France, Paris : Berger-Levrault, 1988. 117 LAURENT SACCARO du IIe siècle, à l’emplacement de la chapelle au château de La Roche6. « chapelle du XIIIe siècle4 » irait dans ce Depuis les restaurations de Charles sens. L’absence de rapports de fouilles Suisse et les recherches historiques de et de matériel archéologique connu, ne Sadi Carnot, les historiens successifs du permet malheureusement pas à château, tels que A. Veau et J. Dé- l’archéologie moderne d’être plus lissey7, ont pris l’habitude d’identifier précise sur ces points. cette chapelle romane avec l’édifice qui commande la porte d’entrée du château et qui repose sur une fondation en opus spicatum (fig. 2, n° 6). Les fouilles menées en 1899-1900 avaient mis au jour, outre cette fondation, les éléments d’un portail mouluré en plein cintre et un pro- longement de la maçonnerie ancienne dans les lices nord. Charles Suisse avait ainsi reconstitué l’évolution du bâti- ment : la chapelle primitive romane (XIIe-XIIIe siècles) avait été transformée en cellier au XVe siècle et dotée à l’occasion de deux nefs voûtées d’ogives et d’un étage. Fig. 1. Plan d’ensemble du domaine ; Cette hypothèse est actuellement état actuel mise en doute par l’archéologie médiévale. En effet, à part la fondation La figure 1 montre le plan de ce en opus spicatum, indice vraisem- château primitif. Il consiste en une cour blablement trompeur, rien n’indique C entourée de murailles élevées sur la que ce bâtiment soit du XIIe siècle, et falaise, comportant au moins deux rien dans son plan ne ressemble à une bâtiments et défendue au nord par un chapelle. Il est donc raisonnable de fossé B. Bien que restaurées vers 1910, penser que la chapelle du XIIe siècle se ces dispositions apparaissent toujours trouvait bien dans le château supérieur, nettement, et l’analyse des appareils, vraisemblablement dans l’angle sud- faite en 2005 par MM. Laborier et ouest, où a été recrée une baie géminée Mouillebouche, indique que les plein-cintre, couverte d’un arc clavé. e maçonneries pourraient dater des XII - XIIIe siècles. Cela est confirmé par le matériel archéologique (vestiges de poteries de la même époque) découvert 6 ADCO, G 964 (chapitre de Saint-Lazarre 5 dans un puits en 1909 , ainsi que par d’Autun) : 1112-1140 : « notificamus castrum une charte de la première moitié du de Rocha situm esse in parrochia Balbiniacensi XIIe siècle qui fait mention d’une […] est enim quedam capella in supradicto castro constructa quae quasdam consuetudines a Balbi- niacensi ecclesia querit et habet ». 7 Armand VEAU, Notes et documents sur Auxey- Duresses, la baronnie de Meursault, la baronnie 4 Voir ci-après. de Saint-Romain et le comté de La Rochepot, 5 Lieutenant-colonel DERVIEU, Poteries du Beaune : imprimerie beaunoise, 1932 ; Moyen Âge découvertes à La Roche Pot ; Joseph DÉLISSEY, Le château de la Roche Pot, Beaune : imprimerie beaunoise, 1909. Ouges : Union typographique, 1965. 118 Le château de La Rochepot Le premier château fut proba- blement abandonné suite à un manque d’eau persistant, attesté lors de la réutilisation du puits au début du XXe siècle. À la suite de quoi la forteresse aurait été transportée à l’emplacement actuel, sans doute dans les premières années du XIIIe siècle : c’est du moins l’opinion de Sadi Carnot et de Charles Suisse, qui datait de cette époque la tour nord-ouest, dite tour Marlot, et la courtine ouest (fig. 2, n° 25)8, opinion qu’il est difficile de corroborer ou d’infirmer dans la mesure où les témoins archéologiques et textuels sont lacunaires. L’analyse archéologique de e la « chapelle du XIII siècle » montre que ce bâtiment à deux nefs, dont les Fig. 2. Restitution du plan du château à la voûtes quadripartites reposent sur deux fin du XVIIIe siècle. Cette restitution piliers centraux, a toutes les carac- repose principalement sur un plan de téristiques d’un cellier. Les nervures Charles Suisse montrant l’avancement du prismatiques reposant sur des consoles chantier en juillet 1900. Les parties en gris clair montrent d’ailleurs les murs qui ne en cône renversé pourraient évoquer subsistaient plus alors qu’à l’état de une construction, là encore, du début e fondation. La distribution intérieure du XIII e du siècle. château à la toute fin du XVIII siècle est accessible par les visites faites en 1746 et Constitution du château gothique 1767, et surtout par les inventaires de 1759, 1771, 1794 et 1798. Certains Le nouveau château de la Roche- éléments de détail sont cependant Nolay9, à l’instar du précédent, épouse purement hypothétiques, mais liés à des la forme naturelle de son site. Il adopte mentions textuelles (four et escalier de la donc un plan approximativement cuisine ; cloisons) triangulaire, qui correspond à deux falaises abruptes, tandis qu’il fut coupé de la montagne par un profond fossé taillé dans le roc. 8 « Au point de vue date, la tour Marlot plus vieille que les autres correspond à la construction de la courtine ouest : c’est un reste du vieux château qui a été conservé. » Lettre de Charles Suisse à Sadi Carnot du 9 juillet 1902, à propos du mâchicoulis couronnant depuis le XVe siècle la tour Marlot. Archives au château. 9 Selon les notes de Sadi Carnot, le nom actuel de La Rochepot n’apparaît dans les sources qu’en 1531. 119 LAURENT SACCARO Une partie de l’enceinte, le cellier (n° 2)12, laquelle, selon Charles Suisse, (n° 6) et une tour (n° 25), situés au ne fut jamais achevée. nord-ouest, dateraient donc du XIIIe La mise en œuvre des nouvelles siècle. Mais la majeure partie du exigences de la résidence se manifesta château provient certainement de la par la construction d’un nouveau corps reconstruction du XVe siècle. de logis, où le rez-de-chaussée est En 1403, la seigneurie de La réservé aux fonctions utilitaires (n° 7 à Roche-Nolay fut acquise par Régnier 23), à l’exception d’une grande salle Pot, chambellan du roi Charles VI et (n° 13 et 14), tandis que le premier conseiller du duc de Bourgogne10. Il étage abrite les appartements seigneu- entreprit alors une série d’importants riaux et une chapelle haute. travaux, complétant et renouvelant Cette configuration des bâtiments l’aspect du château, tout en lui donnant n’évolua que fort peu. Au XVIIe siècle, sa physionomie actuelle11. de nombreuses réparations furent Son fils Jacques et surtout son effectuées, suite à la tempête de 1645 : petit-fils Philippe poursuivirent même 40 000 tuiles, 5 000 ardoises et 20 000 carrière et même politique archi- clous sont alors nécessaires pour tecturale.