ATLASATLAS COMICSCOMICS LE TITAN AU SOUFFLE COURT TLAS COMICS LE TITAN AU SOUFFLE COURT

— Tristan Lapoussière —

Atlas / Seaboard Periodicals, ou plus commu- en 1939, Martin Goodman nément Atlas Comics en couverture de ses s'était retiré des affaires en 1971, après avoir publications, apparaît sous bien des aspects revendu ses parts de Marvel à Cadence In- comme l'éditeur le plus singulier des années dustries en 1968, laissant ainsi à son petit- 70. Entré sur le marché comme concurrent cousin, , les rênes de la compagnie. direct de Marvel et DC, il réussit à produire De source officieuse, la décision de fonder At- jusqu'à 72 comics et magazines durant sa las aurait été prise en représailles contre Mar- brève existence d'à peine un an dans les vel, qui avait engagé le fils de Martin Good- kiosques. Il fut le premier parmi les éditeurs man, Charles 'Chip' Goodman, pour lui succé- mainstream, peu avant Star* Reach ou Eclip- der comme éditeur en 1972 mais ne l'a vait se et bien avant Pacific, à accorder aux créa- pas reconduit dans ses fonctions. Atlas serait teurs la propriété de leurs personnages. Les donc en quel que sorte un cadeau fait par le créateurs en question, dont certains allaient père à son fils, le Marvel qu'il n'avait pu diri- devenir célèbres s'ils ne l'étaient déjà, prove- ger. naient d'ailleurs d'horizons assez divers. Atlas En 1974, le nombre d'éditeurs de comic- a déjà fait l'objet d'étu des sérieuses, aussi books s'était réduit à un point tel qu'on n'en bien en France qu'aux Etats-Unis,1 mais nous comptait plus que six : Marvel, DC, Archie, avons jugé utile de faire un petit retour sur Charlton, Gold Key et Harvey. Du côté des cet éditeur, ne serait-ce que pour satisfaire les magazines, Skywald était sur le point de lecteurs qui nous l'ont demandé et pour corri- s'éteindre, et seuls Warren et Marvel se par- ger quel ques erreurs qui continuent d'être re- tageaient le secteur. Sentant peut-être le mo- produites d'une bibliographie à l'autre. ment propice, Goodman entreprit de lancer sa nouvelle compagnie. A sa tête, il plaça son fils Chip, qui prit pour rédacteurs en chef Jeff Une affaire de famille Rovin et son propre cousin et petit frère de Stan Lee, Larry Lieber. Le choix du nom de la Atlas / Seaboard fut créé en juin 1974 par compagnie, quant à lui, renvoyait directement Martin Goodman. Editeur de pulps dès 1932 à l'une des phases de l'évolution de Marvel, la (il avait fondé Red Circle avec Louis Silberk- période Atlas des années 50, du nom de l'At- leit, futur pilier de Archie / MLJ), fondateur de las News Company fondée par Goodman pour assurer à la place de Kable News la distribu- 1 Francis Saint-Martin lui a consacré un ouvrage, tion de ses propres comics. Tous les comics Atlas (Ed. de l'Hydre, 1993), et un Après avoir décliné l'offre de travailler chez dossier est paru plus récemment dans Skywald en 1971, Jeff Rovin avait débuté Marketplace 77 (avril 2000). A titre plus anecdo- chez DC en 1972, où il était passé d'assistant- tique, des index ont également été publiés dans rédacteur à rédacteur-adjoint en 1974. Il Amazing Heroes 81 et SWOF 7 (mars 1992). avait ensuite brièvement officié comme scé- Rappelons également que deux séries Atlas ont Publicité interne d'Ernie Colon pour Seaboard / Atlas, qui n'hésite pas à s'arroger le titre de "Nouvelle Maison déjà fait l'objet d'articles dans Back-Up : Planet of nariste, rédacteur-adjoint et directeur du des Idées" en référence à Marvel. Après des débuts assez discrets, Atlas lance donc l'offensive. On reconnaît marketing sur les magazines Warren avant Vampires dans le 1 (article revu et réédité dans ce sur cette page les personnages de Morlock, Cpt. Galland, Devilina, Iron Jaw, Wulf, Kid Cody, Comanche Kid, numéro), et Iron Jaw dans le 4. d'être débauché par Atlas. Larry Lieber, pour et Phoenix. Une seconde illustration promotionnelle de Colon, présentée en ouverture de ce dossier, rassemble Grim Ghost, Sgt. Hawk, Tarentula, Destructor, John Targitt, Tiger-Man, Brute et Scorpion. parvint, en échange de salaires très attractifs Illustration de Howard Chaykin pour Gothic Romances, un et de la promesse de liberté créatrice, à réunir magazine de lecture pour femmes avec lequel Seaboard Periodicals fit son entrée dans l'édition. La couverture pein- une équipe d'artistes variée, composée aussi te (en insert) est apparemment de la main d'Ernie Colon. bien de vétérans que de petits jeunes. Si l'on y regarde de plus près, on peut les classer en cinq catégories : • Des artistes internationaux sud-américains et espagnols. Ces artistes, habitués à tra- vailler pour de nombreux marchés différents (en particulier l'Angleterre, mais aussi la Fran- ce, l'Allemagne et la Scandinavie), n'avaient bien souvent aucune atta che particulière aux Etats-Unis, et ne pouvaient crain dre de repré- sailles sous prétexte qu'ils travaillaient pour Atlas, même si certains d'entre eux tra- vaillaient ou avaient déjà travaillé pour War- ren et Skywald. Parmi les sud-Américains fi- gurent le Péruvien Boris Vallejo et l'Argentin Leopoldo Durañona. Nous n'avons aucun ren- seignement biographique sur Juez Xirinius et Pujolar, mais nous supposons qu'ils sont d'ori- gine sud-américaine. Au rang des Espagnols, représentés par l'agence barcelonaise Selec- ciones Illustradás de Josep Toutain, on trouve Ramon Torrents, Enric Badia Romero, Vilano- Larry Lieber, frère de Stan Lee et cousin par allian- va, et Suso (Jesús Manuel Peña Re go). On ce de Martin Goodman, le fondateur d'Atlas. Nommé rédacteur en chef par ce dernier, il allait trouve également Jordi Bernet, mais indirec- être le principal maître d'œuvre de la politique de tement, à travers la réédition dans Barbarians la compagnie et son porte-parole privilégié auprès des lecteurs. 1 des neuf premières planches de Andrax, bande réalisée en 1973 sur un scénario de Mi- sa part, était scénariste et dessinateur chez quel Cussó pour l'Allemand Rolf Kauka, par Marvel depuis le début des années 60, mais l'intermédiaire de l'agence hispano-britanni - on ne lui offrait plus assez de travail, au point que Bardon Art. qu'il avait dû proposer ses services chez DC Atlas réserva principalement les talents de ces qui, par méfiance, n'avait pas voulu de lui. Il artistes à sa ligne de magazines noir et blanc. accepta donc l'offre de Goodman de venir tra- Il n'était en effet pas dans l'intérêt de l'éditeur vailler pour Atlas par manque de travail chez de faire trop grand usage d'artistes espa- Marvel. Dans son interview par gnols, ce que l'on reprochait déjà à Warren et publiée dans Alter Ego 3 (automne 99), Lieber qui a pu entraîner en partie la perte de Sky- reste excessivement discret sur sa période At- wald. las, comme si toute l'affaire était encore un • Les artistes liés au studio Continuity Asso- sujet tabou dans la famille. Roy Thomas si- ciates de et . Ces gnale d'ailleurs dans la même interview qu'il artistes, soit qu'ils étaient totalement free- avait lui-même été contacté pour passer chez lance, soit qu'ils trouvaient par cet intermé- Atlas, mais qu'il avait préféré éviter les pro- diaire des travaux d'appoint (comme Jack blèmes… Abel ou Wallace Wood), n'avaient eux non plus guère de représailles à craindre, et leur Une écurie très variée statut d'artistes de studio en faisait pratique- ment des dessinateurs-mercenaires dont on Tout le monde n'eut pas les mêmes scrupules pouvait louer les talents. On trouve dans leurs que Roy Thomas. En dépit de son statut d'édi- rangs Neal Adams, Dick Giordano, Howard teur qui devait encore faire ses preu ves, Atlas Chaykin, Pat Bro derick, Jeff Jones, Berni Wright son, , Russ Heath, Larry coia, Jerry Grandenetti, John Severin, Pablo Hama, Klaus Janson, Ralph Reese, Alan Marcos, Mike Ploog, Mike Sekowsky, Frank Weiss, Al Milgrom, Ed Davis, Bob McLeod, Sal Springer, Tom Sutton, Frank Thorne, et Mike Amendola, Vicente Alcázar (qui pourrait aussi Vosburg. entrer dans la première catégorie), Terry Aus- De tous ces artistes, ceux travaillant pour tin, Paul Kirchner, Jack Abel, Greg Theakston, Marvel auraient pu craindre davantage d'être Walt Simonson, et Wallace Wood (sur ce der- mis sur liste noire. Pourtant, on constate que nier, cf. anecdote dans Back-Up 8, page 16). certains (Adkins, Ploog, Marcos, Sutton), loin L'utilisation du studio Continuity permit à At- d'être ostracisés, livrèrent des travaux pour las de disposer assez vite de renforts en nom - Marvel durant leur période Atlas ou y firent bre, et d'ajouter quelques grands noms à son carrière par la suite. Les choses auraient palmarès. Cela a pu décider d'autres artistes peut-être été différentes si Atlas avait duré à se joindre à l'aventure Atlas, d'autant que au-delà d'un an, mais il semble que le fait certains se virent d'emblée accorder leur d'être passé chez Atlas n'ait pas eu d'effet propre titre, comme sur Phoe- préjudiciable sur la carrière de ces artistes. Il nix ou Howard Chaykin sur The Scorpion. se peut même (ce n'est qu'une hypothèse • Des artistes recrutés chez des éditeurs qu'il faudrait pouvoir confirmer) que leur pas- autres que Marvel ou DC (surtout Charlton, sage chez Atlas ait servi aux plus jeunes de qui payait de maigres salaires), ou qui ne tra- tremplin pour la suite, soit que Marvel ait prê- vaillaient pour les deux majors qu'occasion- té plus d'attention à leurs travaux, soit que nellement. En dehors des deux catégories DC les ait reconnus comme des artistes sus- pré cédentes, le premier artiste à avoir ainsi ceptibles de grossir ses rangs contre son prin- rejoint Atlas fut Ernie Colon (né à Porto Rico cipal concur rent. en 1931, de son vrai nom Ernesto Colon Sier- • Des artistes d'envergure qui, pour diverses ra de Cordobes y Lopez), qui travaillait depuis raisons, n'avaient rien à craindre de Marvel, 1964 chez Harvey et avait déjà fait quelques soit que leurs aspirations étaient alors bien incursions dans le style réaliste pour les ma- éloignées de ce que pouvaient leur offrir les gazines Warren et Skywald. Colon réalisa, majors (, Wallace Wood, Alex outre les titres qui lui étaient assignés, la plus Toth), soit que leur carrière était alors davan- grande partie du matériel promotionnel de la tage dans les strips que dans les comics (Al compagnie. On trouve également dans cette McWilliams, Doug Wildey). catégorie Frank McLaughlin, Pat Boyette, Jack • Enfin, des artistes qui n'avaient alors jamais Sparling, Dan Adkins, Ric Estrada, Frank Gia- ou pratiquement jamais travaillé pour les co-

Première planche de "Carrion of the Gods" par Pat Boyette (Weird Tales of the Macabre 2). Le soin manifes- te apporté par des artistes de la trempe de Boyette à leurs travaux pour les magazines Seaboard montre qu'ils plaçaient en cet éditeur de grands espoirs, notamment celui d'une plus grande liberté créatrice. Extrait de "Who Toys with Terror ?" par John Severin (Weird Tales of the Macabre 2) mics. On trouve dans cette dernière catégorie Atlas, un sous-Marvel ? le peintre de couvertures George Torjussen (artiste toujours actif dans les beaux-arts, Les auteurs des divers articles consacrés à membre de la guilde des artistes du Boca Ra- Seaboard / Atlas se sont attachés à démon- ton Museum of Art en Floride), le Canadien Jim trer que les personnages de la compagnie Craig (qui débuta chez Atlas et travailla ensui- n'étaient que de pâles copies ou des émana- te surtout pour Marvel), et l'illustrateur de tions de séries Marvel. Pourtant, si l'am bition science-fiction Leo Summers. Après une brè- d'Atlas était manifestement de con cur rencer ve carrière d'ani mateur chez Walter Lantz Marvel, on trouve dans sa production des for- entre 1937 et 1942, Leo Summers avait em- mules ou des concepts qui, lorsqu'ils ne sont brassé à la fin des années 40 une carrière pas originaux, s'approchent aussi bien de la d'illustrateur, en particulier pour les digests de production d'éditeurs tels que DC ou Warren. SF tels Amazing Stories, Analog, Fantastic ou Et contrairement à ceux de Marvel et DC, les If. Sa première incursion dans les comics fut personnages Atlas ne sont pas censés vivre en 1967 pour les deux premiers numéros de dans le même univers.2 Bomba (en France, dans la collection Pop Ma- Atlas n'aurait pu un instant espérer survivre gazine), suivie d'une seconde en 1974 pour en se contentant de calquer ses personnages qua tre histoires chez Warren, dans Creepy 61 sur d'autres. Plutôt que de plagiat, il faut da- à 64 (cette dernière écrite par Rovin, ce qui vantage parler d'archétypes ou de person- explique sans doute son passage chez Atlas). nages génériques. Morlock et The Bog Beast, A notre connaissance, les quelques histoires par exemple, se rattachent au type du mons- qu'il livra pour Atlas constituent sa dernière tre composé de matière végétale ou autre. En apparition comme dessinateur de comics. sont-ils pour autant des copies de Man-Thing En peu de temps, Atlas mit donc sur pied une et Swamp Thing ? Peut-être, mais il faudrait véritable armée de professionnels dont on ne alors considérer que ces derniers ne sont que pouvait attendre que de bonnes cho ses. des copies de The Heap, le personnage Hill- man des années 40. The Brute a été compa- ré à Hulk, mais leurs origines respectives sont très différentes. Et sous prétexte que Marvel a lancé Conan en comic-books, faut-il penser que tous les barbares qui lui ont succédé, no- tamment Wulf et Iron Jaw, ne sont que des imitations ? Le personnage n'est pas tout, il faut aussi prendre en compte son traitement et son environnement. Notre propos ici n'est pas de disséquer chaque série Atlas, et encore moins de les enterrer à coups de jugements de valeur hâtifs. Nous laissons à nos lecteurs le soin de les découvrir s'ils ne les connaissent déjà, et à chacun de les apprécier ou non selon ses goûts.

Analyse d'un bref parcours

L'examen de la chronologie d'Atlas (cf. ta- bleau page suivante) permet de suivre la stra- tégie éditoriale de la compagnie et, à la lumiè- re de bruits de couloir rapportés à l'époque dans la presse spécialisée, de mieux saisir les raisons probables de son échec. Un exemple du travail de Leo Summers hors des co- mics. Illustration pour la nouvelle "Damnation Mor- 2 Un titre réunissant plusieurs personnages de la Planche 2 d'Iron Jaw 2 par Pablo Marcos. Le texte de la première bulle de la dernière case fut édulcoré par Jeff ning" de Fritz Leiber (Fantastic, août 1959 ; rééd. firme dans des aventures communes était néan- Rovin pour la publication (on voit encore la trace de la bulle définitive, décollée depuis par l'artiste). dans Great Science Fiction from Fantastic 4, 1966). moins en projet. Tableau synoptique de la 1974 1975 Total production Seaboard / Atlas Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Juil. Août Sep. Oct. Gothic Romances 1 1 Movie Monsters 1 2 3 4 4 Devilina 1 2 2 Weird Tales of the Macabre 1 2 2 Thrilling Adventure Stories 1 2 2

Grim Ghost 1 2 3 3 Iron Jaw 1 2 3 4 4 Phoenix 1 2 3 4 4 Brute 1 2 3 3 Destructor 1 2 3 4 4 Morlock 2001 1 2 3 3 Planet of Vampires 1 2 3 3 Police Action 1 2 3 3 Savage Combat Tales 1 2 3 3 Scorpion 1 2 3 3 Tales of Evil 1 2 3 3 Vicki 1 2 3 4 4 Weird Suspense 1 2 3 3 Western Action 1 1 Wulf the Barbarian 1 2 3 4 4 Targitt 1 2 3 3 Cougar 1 2 2 Tiger-Man 1 2 3 3 Barbarians 1 1 Fright / Son of Dracula 1 1 Hands of the Dragon 1 1 Blazing Battle Tales 1 1 Demon-Hunter 1 1

numéros dans le mois 2 5 14 5 13 3 10 13 3 3 1 72

L'incursion de Seaboard Periodicals dans les deux ans auparavant. Le second titre, un ma- kiosques commence discrètement fin 1974 gazine sur le cinéma, est quant à lui copié sur (décembre en couverture) avec deux maga- la formule de Famous Monsters of Filmland. zines noir et blanc, Gothic Romances et Movie Le mois suivant, Atlas fait sa première entrée Monsters. Le premier, sans doute la tentative dans la bande dessinée à proprement parler. la plus marginale de la compagnie, n'est pas L'éditeur lance deux magazines supplémen- un magazine de BD, mais de nouvelles senti- taires (Devilina et Weird Tales of the Maca - mentales à dominante gothique (dans la tra- bre), ainsi que ses trois premiers comics en Annonce d'Eric Estrada publiée dans Devilina 1. Le personnage évoque fortement celui de Satana chez Mar- dition de The Castle of Otranto par Walpole ou couleurs (Grim Ghost, Iron Jaw et Phoenix). vel, apparue pour la première fois dans Vampire Tales 2 d'octobre 1973. des romans d'Ann Radcliffe), illustrées par des Les magazines continueront d'être publiés non la fille de Satan), des histoires avec des des personnages récurrents, est ici bien ex- artistes tels que Howard Chaykin, Russ Heath, sous le nom de Seaboard Periodicals, tandis personnages féminins dans le rôle principal. ploitée et servie par de bons artistes. Weird Neal Adams, Ernie Colon ou Leo Summers. La que les comics inaugurent la bannière Atlas Cette approche, initiée surtout par Warren Tales of the Macabre propose quant à lui des rédactrice en chef du magazine est une cer- Comics. avec Vampirella3 mais réservée jusqu'alors à histoires de qualité qui n'auraient pas déparé taine Sybil St. John, peut-être un pseudony- Devilina, dont le titre prévu au départ était les magazines Warren ou Marvel. me. La démarche évoque fortement les his- Tales of the Sorceress, offre en plus de son 3 Pour les magazines noir et blanc s'entend, car l'on pourrait remonter notamment aux jungle girls Aucun des trois premiers comics Atlas n'est toires de gothic romance publiés par DC dans personnage éponyme (proche de Satana chez et autres filles de papier chez Fiction House ou Fox, un titre de super-héros, même si Phoenix le comic-book Dark Mansion of Forbidden Love Marvel, à la différence qu'elle était la sœur et et à Lois Lane chez DC. pourrait répondre à cette appellation au sens ge Combat Tales), horreur (Brute, Tales of une date erronée, a com- Evil, Weird Suspense), et super-héros (Des- mandé une histoire en tructor, The Scorpion). Atlas se lance même bouche-trou dans laquelle dans l'humour pour ados avec Vicki, qui ré- le personnage original pas- édite des histoires auparavant publiées dans se à la trappe sans au tre Tippy Teen chez Tower. forme de procès et laisse Cette avalanche de titres dut déconcerter plus place à un super-héros bien d'un lecteur. Si certains étaient de bonne, voi- fade… A l'examen de la re de très bonne qualité (Wulf, Planet of Vam- chro nologie d'Atlas, il sem- pires, Scorpion, Destructor, Police Action …), blerait que ce numéro 3 au- la stratégie consistant à inonder le marché rait dû paraître un mois n'était pas la plus appropriée pour un éditeur plus tard (le numéro 2 avait qui devait encore faire ses preu ves et gagner déjà été décalé, peut-être un lectorat fidèle. parce que Chaykin avait Le mois suivant, outre la suite des titres lan- demandé une périodicité cés en janvier (excepté Devilina dont le se- plus espacée). Sal Amen- cond numéro ne parut que deux mois plus dola, créateur de Phoenix, tard), Atlas lance encore un comic-book de s'en va parce que malgrè bonne tenue, Targitt. On peut regretter ici toutes ses protestations, qu'Atlas n'ait pas mieux réparti ses efforts et Atlas s'est obstiné à dé- attendu au moins un mois de plus pour lancer tourner son concept origi- certains des titres publiés le mois précédent. nel pour faire de son per- Cette disproportion dans la production d'un sonnage un super-héros de plus. Larry Hama, créateur Un peu d'humour chez l'éditeur de The Brute… mois à l'autre, les titres étant théoriquement de Wulf, quitte Atlas après Planche extraite d'une histoire de Dan DeCarlo pa- bimestriels, a pu porter préjudice à l'éditeur. rue dans Tippy Teen 19 (juin 1968), un titre Tower En avril 75, Atlas continue les titres lancés en que sa couverture pour le dont Atlas réédita quelques histoires dans Vicki. De février, sauf Thrilling Adventure Stories dont le numéro 3 a été refusée, chez Tower, Atlas avait également pour projet de ré- alors que le croquis prélimi- éditer des histoires de T.H.U.N.D.E.R. Agents. second numéro ne paraîtra que quatre mois plus tard, The Scorpion 2 mis sur la touche naire avait été avalisé par Atlas et qu'on ne lui avait large. Il semble que la première stratégie de pour un mois de plus, et Western Action qui Couverture inédite de Frank Thorne pour Son of Dracula dans Fright 2. l'éditeur n'ait pas été de concurrencer Marvel s'arrête après un seul numéro. L'éditeur lance donné que 48 heu res pour et DC sur leur terrain de prédilection, mais de encore deux comics, Tiger-Man et Cougar. Ces réaliser la couverture. Le Les titres qui n'ont pu être publiés pour juin proposer une troisième voie en privilégiant la derniers reflètent l'orientation de plus en plus scénariste Mike Fleisher, créateur de The Brute, sont reportés à juillet. C'est le cas de Brute, diversité des genres. L'accent est alors mis prononcée de l'éditeur vers le genre super-hé- Grim Ghost, Iron Jaw, Morlock 2001 et Taran- Morlock 2001, Planet of Vampires, Savage sur le surnaturel, la science-fiction et l'heroic- ros. En mai, c'est un nouveau creux de la tula, intente un procès à Atlas pour avoir dé- Combat Tales, Tales of Evil, Weird Suspense fantasy. Ces genres étaient bien sûr exploités vague, avec seulement trois parutions. tourné et s'être approprié ses créations. Mike et Wulf. Les deux seuls parus à temps ce chez Marvel ou DC, mais ne constituaient pas A peu près à la même époque (si l'on tient Ploog, à qui l'on avait promis qu'il pourrait lan- mois-là sont Iron Jaw et Scorpion (mais ce l'essentiel de leur production. compte des quelques mois qui séparent la cer d'autres personnages, tourne les talons dernier apparemment en avance d'un mois, La véritable offensive Atlas commence le mois date de parution effective et la date de cou- lorsqu'il voit qu'il n'en est rien. Et Bill DuBay, d'où le recours à un "bouche-trou"). Cou gar et suivant, avec les titres datés de février 75 en verture), le magazine Inside Comics fait état qui devait lancer un nouveau titre appelé Won- Grim Ghost paraissent également, avec un re- couverture. Atlas lance un cinquième et der- de graves dissensions au sein d'Atlas (Inside derworld, décide finalement de se retirer de tard de un, voire deux mois. Atlas lance enco- nier magazine noir et blanc, Thrilling Adven- Comics n°4, hiver 1974-75). On apprend que l'affaire pour rester chez Warren. Le futur d'At- re un nouveau titre, Blazing Battle Tales. ture Stories. La qualité est encore au rendez- les artistes qui, quelques mois plus tôt, las, avec une telle publicité, semble hélas bien La manne s'arrête alors aussi soudainement vous, et il est dommage que l'éditeur ne se s'étaient joints avec enthousiasme à l'aventu- compromis. qu'elle avait commencé. Durant les trois der- soit pas attaché davantage à développer sa re Atlas, sont maintenant en train de quitter Avec les titres datés de juin 75, la production niers mois, Atlas ne publie plus que sept co- ligne de magazines plutôt que se lancer à le navire parce qu'ils ne disposent pas de tou- Atlas commence à se clairsemer. De ceux parus mics en tout et pour tout, dont le premier nu- corps perdu dans les comics. Ce ne sont en te la liberté créatrice qu'ils auraient souhaitée, deux mois plus tôt, seuls Destructor, Police Ac- méro d'un nouveau titre, Demon-Hunter. Cet- effet pas moins de douze nouveaux titres qui et se heurtent en particulier à Jeff Rovin, que tion, Vicki et Tiger-Man paraissent à temps. te volonté de lancer toujours de nouveaux sont lancés ce mois-là, avec encore une gran- certains ne manquent pas de taxer d'incom- Deux autres titres, Phoenix et Targitt, rattra- titres sans assurer la régularité de ceux qui de diversité des genres : science-fiction (Pla- pétence. pent un retard d'un mois. Enfin, l'éditeur se existent déjà est hélas symptomatique. Les net of Vampires, Morlock 2001), heroic-fanta- Howard Chaykin, créateur et propriétaire de risque encore à lancer trois nouveaux comics, raisons habituellement invoquées pour expli- sy (Wulf the Barbarian), western (Western The Scorpion, claque la porte parce que Jeff qui ne connaîtront qu'un seul nu méro chacun : quer la chute d'Atlas (de mauvaises ventes, Action), policier (Police Action), guerre (Sava- Rovin, pour respecter un délai qu'il avait fixé à Barbarians, Fright, et Hands of the Dragon. ajoutées à une surabondance de titres et, nous l'avons vu, à un calendrier de parution trop chaotique pour fidéliser les lecteurs à une époque où n'existaient pas les boutiques spé- cialisées) ont sans doute pesé pour beaucoup dans la balance, mais la fuite des talents évo- quée plus haut n'en a pas été moins décisive, d'autant plus qu'elle a pu avoir un effet boule de neige. Incapable de remplacer les artistes et scénaristes qui étaient partis, Atlas ne pou- vait assurer la continuité de ses titres. Ce qui surprend, pourtant, c'est la soudaineté avec laquelle Atlas suspendit ses activités, alors que l'éditeur aurait probablement pu continuer de publier ses titres les plus por- teurs. La décision d'arrêter fut-elle été aussi passionnée que celle de commencer ? Peut- être, mais nous ne le saurons jamais. Atlas, ti- tan auto-proclamé, avait donné son dernier souffle. Martin Goodman se retira des affai - res ; Seaboard Perio dicals continua d'exister avec Chip Goodman à sa tête et reprit notam- ment le magazine de charme Swank, mais ne s'essaya plus jamais à publier des comics. The Scorpion par Howard Chaykin (détail de la planche 2 du n°1). Le personnage Y a-t-il une vie après Atlas ? servit de prototype à celui de Dominic Fortune chez Marvel (voir page suivante).

Lorsqu'un éditeur de comics cessait ses activi- tés, il était autrefois courant que ses per- sonnages et leurs droits d'exploitation soient rachetés par un autre éditeur. C'est ce qu'il ad- vint notamment de Fawcett (Captain Marvel, Hopalong Cassidy) et Quality (Blackhawk, Plastic Man), et plus tard Charlton (Peacema- ker, E-Man et bien d'autres), sans compter tous les fonds d'éditeur repris par Irving Wald- man dans les années 50. Mais dans le cas d'At- las, aucun des personnages n'a semble-t-il été racheté. Il se peut que, vu le fiasco associé à ces personnages, aucun éditeur ne se soit montré très intéressé. Mais il se peut aussi que, Seaboard Periodicals continuant de pu- blier des magazines, Chip Goodman ait sou- haité garder les droits des séries Atlas pour les négocier à l'étranger, ce qui expliquerait que l'on trouve du matériel Atlas jusqu'en 1981 en Fran ce. Il se peut, enfin, qu'un certain nombre de ces personnages soient restés la propriété de leurs créateurs et que ceux-ci les aient remportés dans leurs cartons. C'est en tout cas ce qui s'est passé avec deux d'entre eux, Même les nymphes aux formes graciles de Frank Thorne ne purent empêcher la disparition d'Atlas… The Scorpion et Demon-Hunter, l'un ayant ser- Extrait de la planche 1 de "Vendetta" (Devilina 2). vi de prototype à d'autres personnages du Dominic Fortune, personnage d'Howard Chaykin pour Marvel (en fond, extrait de Marvel Premiere 56, encrage de ).

même artiste, l'autre ayant été repris quasi- une race de démons renaissante. Le person- ment tel quel à deux reprises. nage servira de prototype à celui de Devil- The Scorpion, créé par Howard Chaykin, lui Slayer chez Marvel. Celui-ci apparaît pour la a indubitablement servi de prototype pour le première fois dans l'histoire de Deathlok parue personnage de Dominic Fortune chez Marvel. dans Marvel Spotlight 33 d'avril 1977, toujours Ce dernier est apparu sous le crayon de Chay- par Rich Buckler et David Anthony Kraft. De kin dans Marvel Preview 2 en 1975 et Marvel son vrai nom Eric Simon Payne, il s'est lui aus- Super Action 1 en 1976 (ces deux histoires ont si retourné contre la secte qui lui a conféré ses été rééditées dans Marvel Preview 20), puis pouvoirs, et lutte lui aussi pour empêcher la Hulk Magazine 21 à 24 et Marvel Premiere 56. xénogenèse. Il réapparaîtra notamment dans Les deux personnages ont en commun d'être Defenders 58 à 60 écrits par Kraft, puis fera un des d'aventuriers mercenaires habillés à peu moment partie du groupe (Defenders 97-101, près de la même façon, et dont les aventures 101, 103-104, 110). Une suite d'histoires lui a à l'at mos phère nettement pulps se déroulent également été consacrée dans Mar vel Comics dans les années 30, période pour laquelle Presents (37, 46-49, 143, 146). Le premier Chaykin a plusieurs fois montré son affection, personnage de Demon-Hunter n'a vait ce- notamment en donnant ses versions de The pendant pas fini de servir, puisqu'on le re- Shadow et Blackhawk chez DC. trouve sous le nom de Bloodwing dans Le cas de Demon-Hunter est un peu plus l'unique numéro du magazine Galaxia, pu- complexe. Créé pour Atlas par Rich Buckler et blié par Rich Buckler chez Astral Comics en servi par un scénario de David Anthony Kraft, juin 1981. En dépit du changement de nom le personnage de Gideon Cross est un télépa- et de quelques différences dans le passé du the doué de super-pouvoirs dont il se sert personnage, son costume est identique à dans sa lutte pour endiguer la xénogenèse, celui de Demon-Hunter et son nom civil est Première planche de l'histoire de Bloodwing dans Galaxia 1, publié par Rich Buckler en 1981. Le personnage provoquée par la secte dont il faisait autrefois encore Gideon Cross. L'histoire ne va cepen- est une réincarnation de Demon-Hunter. partie et qui prévoit l'invasion de la terre par dant pas assez loin pour juger du reste. Le terdire à Arédit de traduire du matériel DC noir et blanc (Thrilling Adventure Stories 2, De- dans les mêmes publications que celles conte- vilina 1, Weird Tales of the Macabre 1 & 2), et nant ses bandes ait pu voir d'un bon œil un tel à l'initiative de Fershid Bharucha qui publia ces panachage de la part de l'édi teur lyonnais. En histoires dans L'Echo des Savanes Spécial USA avril 1976, Lug con sa cre également un album (11 et 12, puis le 21 en 1981). Certaines de ces grand format à Iron Jaw, prise de risque —et histoires consti tuent sans doute ce qu'il a pu pa- marque de confiance— non négligeable si l'on raître de meilleur en France venant d'Atlas. considère le prix proportionnellement élevé de Il faut noter que les parutions françaises des ces albums à l'époque. Un deuxième album séries Atlas sont postérieures à la cessation était annoncé mais ne put se faire, toujours des activités de l'éditeur, ce qui semble indi- faute de matériel, ce qui sem ble indiquer que quer que la gestion des droits de reproduction Lug n'é tait pas encore au courant du fiasco à l'étranger continuait d'ê tre assurée. Cela si- d'Atlas au premier trimestre 1976. D'une façon gnifie également que les séries non traduites plus anecdotique, il serait intéressant de pou- auraient très bien pu l'être, en dépit de leur voir identifier l'inspiration du titre Titans. durée de vie éphémère, et l'on peut regretter S'agit-il vraiment d'une référence au titan At- peut-être que les éditeurs français ne se soient las, ou le titre était-il calqué sur celui de l'heb- lancés dans l'aventure avec plus d'entrain. domadaire Marvel UK qui paraissait alors ? Toujours en 1976, c'est Sagédition qui se lance — T.L. Ci-dessus, Demon-Hunter (1975) ; ci-contre, Blood - wing (1981). Les deux personnages s'appellent tous à son tour dans l'exploitation du matériel Atlas, deux Gideon Cross dans le civil et sont affublés du avec la parution en juillet d'un même costume. trimestriel, Scorpion. La sélection est cette fois plus éclectique, personnage est bien con fronté à des dé- posait pas d'un département des ventes à mais la publication plus désor - mons, mais ils sont semble-t-il plus inté- l'étranger très performant. donnée que chez Lug. Sur les rieurs que réels (en dépit des affirmations En 1975, le fanzine Les Hordes de Phobos, trois numéros que connut Scor- de Rich Buckler dans son éditorial), et il dirigé par Claude Soulard et Paul-Michel Do- pion, on trouve The Scorpion et n'est plus question de xénogenèse. léan, consacre trois pages de son numéro 2 à Police Action (Luke Malone et Ce sont là les seules manifestations appa- l'apparition d'Atlas. Le court texte, rétrospecti- Sam Lomax) aux 1 et 2, Targitt rentes de la postérité qu'ont pu connaître les vement, ne nous apprend rien, mais les illus- aux 1 et 3, Grim Ghost aux 2 et personnages Atlas. Dans son article sur At- trations s'avèrent très intéressantes, puisque 3, et Morlock 2001 au numéro 3. las pour Amazing Heroes 81 (octobre 1985), certaines d'entre elles sont les maquettes de Le numéro 3 ne parut d'ailleurs Ken Jones signale une histoire de Conan par couvertures de titres qui ne virent finalement que très tardivement (un an Pablo Marcos, "The Curse of the Cat-God- pas le jour (Planet of Vampires 4 et Savage après le premier) et présente un dess", parue dans Savage Sword of Conan 9 Combat Tales 4). Cet article constitue la trace dos piqué alors que les deux pre- de décem bre 1975, dans laquelle Conan la plus ancienne de matériel Atlas dans un miers numéros ont un dos carré. ressemble tellement à un Iron Jaw retouché support français, qui plus est composée de Il existe une reliure des trois nu- que c'est à se demander s'il ne s'agirait pas matériel promotionnel directement fourni par méros qui reprend la couverture d'une histoire réalisée pour Atlas que Roy l'éditeur. du n°3, mais avec un fond oran- Thomas aurait intégrée au cycle de Conan. Parmi les maisons d'édition françaises, c'est ge. Apparemment victime de C'est une hypothèse difficile à vérifier (nous tout d'abord Lug qui choisit de placer sa con- mévente (une première reliure, tenterons de contacter les deux intéressés fiance en l'éditeur américain pour lancer en constituée uniquement des deux sur ce point), mais il se peut tout simple- mars 1976 son bimestriel Titans , troisième premiers numéros, aurait été ment que le style de Pablo Marcos ait été titre de sa collection Super Héros. On y trouve mise en vente avant le numéro encore influencé par son passage sur Iron Wulf, Phoenix, Planet of Vampires et The Des- 3), le titre disparut sans autre Jaw. tructor dans les trois premiers numéros, puis forme de procès. Non sans nous seulement Wulf et The Destructor au numéro avoir livré, tout de même, une L'héritage Atlas en France 4, qui panache ces séries avec les séries Mar- œuvre fondatrice dans la carrière vel qui allaient prendre la relève faute de ma- de Howard Chaykin. L'arrêt d'Atlas était d'autant plus dommage tériel supplémentaire chez Atlas. Nous igno- Il faut ensuite attendre 1979 que l'éditeur avait réussi, dans sa brève exis- rons les termes du contrat alors en vigueur pour trouver à nouveau du ma- tence, à exporter sa production au moins en entre Lug et Marvel, mais il semble impen- tériel Atlas en France, en prove- France, à une époque où mê me Marvel ne dis- sable que la compagnie qui allait plus tard in- nance cette fois de magazines La page de sommaire de Titans période Seaboard / Atlas.