«Passez La frontière, entrez en Normandie-Maine...»

Réflexion sur le concept de "Monts et Marches" Synthèse de connaissances et lien avec les sites du Parc Bertrand Morvilliers/CPIE Vallée de l' 2012

Parc Normandie-Maine, étude CPIE Vallée de l'Orne. "Frontières" 2012 – - 1 -

Le Parc Normandie-Maine est un espace administratif situé aux confins sud de la Normandie. Sa situation et son nom marquent une position de frontière. Les limites sont ici historiques, géographiques, géologiques, légendaires et naturelles. La synthèse proposée vise à illustrer l'ensemble des limites de toutes natures qu'il a été possible de reconstituer sur l'espace du Parc. Dans un premier temps, les limites, frontières et Marches seront décrites de façon thématique. Dans un deuxième temps, on définira les sites les plus évocateurs et riches en terme d'interprétation vis-à-vis de cette notion de Marche ou de frontière. Ces sites seront croisés avec ceux déjà définis par le Parc pour servir de points d'accroche touristique.

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SOMMAIRE

1 - LIMITES FRONTIERES ET MARCHES ...... p. 5

1-1- Deux types de Marches en Normandie-Maine...... p. 7 1-2- Cartographie...... p. 8

2 - LIMITES NATURELLES ET FRONTIERES INTANGIBLES ...... p. 11

2-1- Limites géologiques ...... p. 11 2-2- Limites et structures géomorphologiques ...... p. 15 2-3- Lignes de partages des eaux ...... p. 19 2-4- Limites climatiques ...... p. 22

3 - MARCHES ET FRONTIERES HISTORIQUES ...... p. 24

3-1- Les traces et limites préhistoriques...... p. 24 3-2- La Forêt Frontière ...... p. 26 3-3- Les limites entre tribus gauloises...... p. 28 3-4- Les divisions administratives romaines ...... p. 31 3-5- Les évêchés et les archevêchés...... p. 32 3-6- La création de la Normandie ...... p. 35 3-7- La seigneurie de Bellême ...... p. 38

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3-8- Le comte puis le duché d'Alençon...... p. 42 3-9- La guerre de Cent Ans...... p. 44 3-10- Les généralités...... p. 46 3-11- Les «communes mixtes » ...... p. 49 3-12- Le Parc Normandie-Maine palimpseste historique ...... p. 52

4 - LES LIMITES DU RÊVES, LES FRONTIERES DU REEL...... p. 53

4-1- Le mythe arthurien dans le contexte Normandie-Maine ...... p. 53 4-2- Petit décryptage du mythe arthurien en Normandie-Maine...... p. 57 4-3- Trame du mythe en Normandie-Maine...... p. 59 4-4- Interprétation du mythe ...... p. 59 4-5- Les sites d'inspiration ...... p. 62

5 - INTERPRETATION DU CONCEPT «MONT ET MARCHES» LE LONG DU CHEMIN DE SAINT-MICHEL...... p. 66

6 - LES 26 SITES...... p. 70

7 - D'AUTRES SITES ?...... p. 90

8 - SYNTHÈSE ET ACTIONS ...... p. 93

BIBLIOGRAPHIE ...... p. 96

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1 - Limites, frontières et marches

Toutes les limites géographiques ne sont pas des lignes claires à la surface de la terre. Les limites climatiques ou botaniques présentent, par exemple, une zone de flou important, tant et si bien qu'on a jamais vraiment la possibilité de les tracer au sol (seuls quelques cols montagnards peuvent visualiser ces limites, les «montagnes» de Normandie-Maine ne sont pas assez marquées pour cela...).

Plus surprenant, il peut en être aussi de même pour des limites historiques. En effet, notre vision cartésienne et notre aménagement du territoire rationalisé est assez récent. Avant le XVIIIe siècle, des territoires pouvaient dépendre de plusieurs autorités et les limites d'intervention de ces autorités ne se recoupaient que rarement.

Par exemple la Seigneurie de Bellême (dont nous reparlerons ultérieurement) avait son siège à Bellême qui dépendait du roi de . Cependant, la plus grosse partie de son territoire était sous l'autorité (parfois théorique) du duc de Normandie et une autre était sous la férule (parfois tout aussi théorique) du comte du Maine. Parallèlement la Seigneurie se partageait sur les territoires de plusieurs autorités ecclésiastiques développés sur des espaces aussi différents. Ceci n'empêchait pas les seigneurs de Bellême d'exercer un pouvoir très réel sur un territoire apparemment éclaté sous des magistères différents voire antagonistes.

Ce territoire un peu flou, est ce que l'on peut appeler «une Marche», c'est-à-dire un territoire qui n'est plus tout à fait sous le contrôle direct d'une autorité centrale et qui glisse progressivement vers un autre centre d'attraction.

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Il existe comme cela, dans les géographies historiques, des confins militaires qui jouent le rôle d'un glacis défensif permettant de limiter la progression d'une armée offensive et laisser le temps à la puissance attaquée de se défendre. Il faut reconnaître que la notion de «Marche» est aujourd'hui assez savante et difficile à communiquer au grand public, l'interprétation autour des limites et des frontières serait plus percutante (sans pour autant abandonner le concept en soi).

L'idée en terme de communication pourrait être de garder la terminologie de «Monts et Marches» qui a déjà été popularisée depuis un certain temps et d'y associer en fonction des supports de la phrase : «Passez la frontière, vous entrez en Normandie-Maine...». Cette phrase, à portée promotionnelle, permet de comprendre sans l'expliciter la notion de Marche. Elle réserve au territoire une dimension de mystère et de franchissement pouvant être compris à plusieurs niveaux.

En clair, «Monts et Marches» est le concept, «Passez la frontière, entrez en Normandie-Maine», le slogan.

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1-1- Deux types de Marches en Normandie-Maine

Le territoire de Normandie-Maine est caractérisé par deux types de «frontières» historiques qui peuvent être analysées comme des «Marches». Il y a tout d'abord la partie est du territoire qui est marquée par une frontière assez claire, très ancienne et connue. À l'arrière de ce territoire, on peut encore lire la présence d'une Marche militaire qui avait pour rôle de défendre le cœur du duché de Normandie.

Cette situation est assez classique dans la géographie médiévale. Cette Marche militaire s'établissait au sud d'une ligne définie de à Sées, Courtemer, L'Aigle... selon l'expression de Lucien Musset, au nord commençait la «vraie Normandie», et au sud une «Normandie de deuxième zone». La présence de la Marche est perceptible dans la toponymie au travers des localités de Moulins-la-Marche et de par exemple.

Cette réalité historique était bien sûr associée à la présence du duché de Normandie (après 1204, le duché va être intégré au domaine royal).

Pour la partie ouest du territoire, on est confronté à un autre système : celui d'un territoire flou. Il existe en effet une zone de marche militaire similaire à celle que l'on trouve à l'est, mais il n'y a pas réellement de limites, mais un territoire entier qui est marqué historiquement par l'ambivalence. Il s'agit là d'une très grande originalité de l'espace Normandie-Maine.

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1-2- Cartographie

Pour travailler sur les limites, on imagine souvent que sont consignées, quelque part, les cartes des duchés, des évêchés ou des royaumes. En fait il n'en est rien, la cartographie précise des territoires est quelque chose de très récent (les cartes de Cassini n'apparaissent qu'à partir de la fin du XVIIe siècle). Avant les cartes de Cassini, les représentations des territoires sont souvent fantaisistes ou peu précises.

À titre d'exemple, on peut consulter la carte dite de Peutinger qui représente une cartographie romaine. Cette représentation cartographique était dans ses multiples reproductions au Moyen-Âge le «nec plus ultra» de la cartographie. Ce n'est qu'au cours de l'époque moderne que des représentations cartographiques précises apparaîtront.

En ce qui concerne notre étude, les cartes de Cassini et surtout les cartes des diocèses de France sont des sources très importantes et relativement claires qui permettent de retracer des limites à peu près exactes. La carte de Cassini, comme les cartes des diocèses, est consultable sur Internet: site de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales pour Cassini, et le site de la BNF pour les cartes des diocèses. Les versions proposées permettent de zoomer très précisément sur les territoires concernés.

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Carte dite de Peutinger où apparaît le territoire du Parc

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Trois types de limites ont été mis en évidence dans cette étude, sur le secteur du Parc Normandie-Maine :

- Les limites naturelles : «Limites naturelles et frontières intangibles». Elles donnent le cadre des territoires en dehors de l'intervention humaine.

- Les limites créées par les hommes. Elles se sont parfois calées sur les premières, mais pas toujours : «Marches et frontières historiques ».

- Enfin, la dernière limite du territoire est ce qui a été appelé : « Les limites du rêve, les frontières du réel » car le territoire du Parc est un haut-lieu de l'imaginaire territorial, un espace où les rêves et les légendes s'inscrivent dans la géographie.

Pour chaque type de limite et de frontières, il est proposé une interprétation, c'est-à-dire un moyen ou une piste qui permet de transmettre l'information, de faire parler les lieux.

Le cadre thématique qui unit les sites du Parc est défini par le concept de « Monts et Marches ». Cette étude se situe dans cette perspective et peut constituer le socle à partir duquel pourra se construire un plan d'interprétation.

À la fin, il est proposé un croisement entre les différentes réflexions menées au travers des trois types de frontières et les 26 sites majeurs du Parc Normandie-Maine.

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2 - Limites naturelles et frontières intangibles

2-1- Limites géologiques

La frontière la plus intangible dans le territoire du Parc est bien sûr la limite entre le Bassin Parisien et le Massif Armoricain.

Cette frontière marque une série de limites importantes, en architecture, paysages, traditions agricoles, formes d'habitat : d'un côté, les pays de plaine et de blé, les paysages ouverts et l'habitat groupé, de l'autre, les pays de bocage et d'agriculture de subsistance, les paysages enclos et l'habitat dispersé. Cette limite, entre deux grands ensembles géologiques connus de tous, est très sensible dans le paysage : couleurs, végétation, reliefs...

Dans la partie est (Bassin Parisien), le secteur de Perseigne se présente comme une fenêtre armoricaine : une petite île de roches variées et redressées dans un environnement beaucoup plus sage de plaine sédimentaire.

Communes à cheval sur les deux systèmes : Vrigny, Saint-Christophe-le-Jajolet, Sées, la Chapelle-près-Sées, Neauphle- sous-Essai, , Saint-Gervais-du-Perron, Vingt-Hanaps, Radon, Colombier, Cuissai, Pézé-le-Robert, Crissé, Saint- Remy-de-Sillé. Et autour du Massif de Perseigne : Ancinne, Saint-Rigomer-des-Bois, La Fresnaye-sur-Chédouet, Louzes, Aillières- Beauvoir, Villaines-la-Carelle, Saint-Rémy-du-Val, Livet-en-Saonnois.

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Pistes d'interprétation

Limites entre Bassin parisien et Massif Armoricain Sur toutes ces communes, on peut imaginer une signalétique «frontalière» intrigante entre le Bassin Parisien et le Massif Armoricain. L'idée est de transmettre comme message au visiteur, que celui-ci passe d'un monde à l'autre. Cette signalétique est à imaginer, soit de façon systématique, soit en fonction des lieux touristiques cibles du Parc (certains axes routiers stratégiques en matière de fréquentations touristiques, et sentiers de grande randonnée importants). Sur les sentiers pédestres, la signalétique «frontalière» peut être agrémentée d'une information plus précise : on peut imaginer de présenter au public le fait que les roches, rencontrées sur la partie sédimentaire, relient cet espace à des sites en Bourgogne ou dans le Berry, passée la «frontière» on est confronté à des structures qui nous rapprochent de la Vendée ou de la Bretagne. L'idéal serait de trouver aussi un site où le contact est visible physiquement, et pourquoi pas, si ce site n'existe pas, de le créer.

Limites au sein de l'ensemble armoricain. Le Massif Armoricain est marqué par des formations très variées, des bouleversements géologiques trahissant une histoire très longue (avec créations puis érosions de chaînes de montagnes, héritages climatiques et sédimentaires très touffus). Contrairement au Bassin Parisien qui ne présente qu'une série de dépôts sagement disposés de façon horizontale et n'ayant connu que peu de bouleversements, le Massif Armoricain présente un contexte faisant appel à des notions de géologie beaucoup plus poussées et abstraites. La médiation dans ce contexte géologique doit prendre en compte le fait que le public est très vite dépassé. En revanche, la variété et l'origine des différentes roches peuvent être très porteurs et accrocher l’intérêt du public. C'est ce que nous proposons de présenter sur le site de Saint-Léonard-des-Bois.

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Pistes d'interprétation

Balisage sur un site très riche et très diversifié (Saint-Léonard-des-Bois). Dans ce contexte de très grande variété géologique, il serait intéressant de marquer physiquement les passages très nombreux d'une formation géologique à une autre. Le principal problème, dans l'interprétation liée à la géologie, est que la plupart des reliefs ne sont pas en rapport avec l'histoire géologique. Tel relief est rarement un héritage d'un relief ancien, mais le fruit d'une érosion récente. La perception de la diversité des roches ressentie physiquement au cours d'une boucle de randonnée est déjà une première approche du contexte géologique.

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2-2 - Limites et structures géomorphologiques

La géomorphologie est le résultat de la géologie et des altérations. C'est-à-dire que la géomorphologie se voit et se vit dans le paysage.

En Normandie-Maine, la géomorphologie remarquable est commandée par l'action des rivières, la résistance des grès armoricains et la présence des massifs granitiques. Les rivières sont globalement dirigées vers le bassin de la Loire. Elles s'organisent autour de la Varenne, la Mayenne et la Sarthe. La plupart du temps, ces cours d'eau (et leurs affluents) «traversent» les ensembles géologiques, les structures et les roches sans se caler sur elles. Les reliefs et les barres de grès sont plutôt orientés d'est en ouest, les rivières plutôt du nord vers le sud. Les rivières ont constitué, dans cet espace, plutôt des frontières que des liens.

La structure qui domine incontestablement le paysage est la barre de grès armoricain. Ces barres, très bouleversées, sont vraiment l'épine dorsale des reliefs du secteur. Presque tous les «Monts» lui sont associés. La plupart des «Monts» sont en fait des tronçons de barre armoricaine sectionnés par des cours d'eau. Il est d'ailleurs notable, que la plupart des sites du réseau sont associés à cette formation. Celle-ci n'est présente que sur à peine 5% du territoire du Parc : Cluse de Mortain, Fosse-Arthour, Mont Brulé, Domfront, Bagnoles-de-l'Orne, Lande de Goult, Signal d'Ecouves, Butte Chaumont, Saint-Léonard des-Bois, Belvédère de Perseigne, Mont des Avaloirs, Corniche de Pail. Soit 11 sites sur 26. En ce sens, on peut vraiment dire que les paysages liés aux barres de grès armoricain sont vraiment le paysage identitaire du Parc Normandie-Maine ?

Associée au grès armoricain, on trouve une forme de relief caractéristique : la cluse. La cluse correspond au passage d'une rivière dans un matériau résistant, engendrant un passage étroit et tortueux.

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Dans le Parc Normandie-Maine, les cluses sont en quelque sorte, le «nec plus ultra» du paysage identitaire : Mortain, La Fosse-Arthour, Domfront, Bagnoles de l'Orne, les Gorges de Villiers, Goult, Saint-Léonard-des-Bois, sont des cluses dans une barre de grès armoricain. Pour la plupart de ces sites, la présence parallèle d'autres formations gréseuses plus ou moins résistantes, va renforcer l'aspect «défilé rocheux» et complexifier les formes (pour la plus grande joie des amoureux de «paysages pittoresques»). Ce paysage est aussi une limite et une frontière : la pente, le sol extrêmement fin l'a rendu peu propice aux cultures. Les crêtes de grès sont ainsi le domaine immémorial des landes et des bois. Aujourd'hui encore, tous les grands massifs forestiers du Parc sont adossés sur une crête grès armoricain : Perseigne, Andaines, Sillé, Ecouves, Pail... L'orientation générale de ces crêtes est d'est en ouest, ce qui correspond à l'orientation majeure des limites dans l'espace Normandie-Maine.

L'autre grand paysage est constitué des ensembles granitiques. Ces massifs granitiques sont un peu l'opposé du grès armoricain. Ils sont constitués de reliefs doux et vallonnés, les sols y sont profonds. Contrairement aux crêtes gréseuses, les massifs granitiques sont exempts de forêts. L'ancienne forêt du Passais, par exemple (la «Silve Drue»), a été complètement «mangée»s par la déforestation médiévale. Les secteurs granitiques sont les domaines de pleine expression du paysage bocager.

Les capacités architecturales du matériau granitique rendent le bâti de ces secteurs souvent original, robuste et pittoresque : Saint-Ceneri, l'abbaye de Lonlay, le site de la tour de Bonvouloir, Lassay-les-Chateaux, le Gué de Loré et le site d'Ambrières-les-Vallées sont parmi les sites phares du Parc ceux qui se trouvent en zone granitique. Le reste du territoire armoricain est d'abord constitué de reliefs issus des roches primaires qui accompagnent le grès armoricain. Les structures sont organisées, en bandes parallèles. Ces formations jouent souvent le rôle d'«écho» au relief lié au grès armoricain. Le site de Dompierre est associé à ces formations.

Puis, viennent les formations liées aux schistes brioveriens, principale formation géologique en terme de superficie dans le Parc Normandie-Maine.

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Les marges des massifs granitiques engendrent souvent la formation de cornéennes (schistes métamorphisés au contact du granite) qui durcissent un peu les reliefs souvent doux de cet espace, ils soulignent et annoncent le massif granitique. Le site de Carrouges se trouve dans ce contexte (aucun autre site paysager n'est associé à cette formation).

Enfin, à l'est du Parc, les formations planes liées au Bassin Parisien se déploient. Comparées aux formations armoricaines, leurs structures sont beaucoup plus simples et présentent un ensemble compact et homogène. Le matériau calcaire a permis de développer, dans un contexte d'opulence agricole, un bâti souvent de très grande qualité. En revanche, aucun site paysager du Parc n'est associé à cette formation (parmi les 26 sites retenus).

Pistes d'interprétation

En simplifiant l'information sur les matériaux aisés à identifier et des reliefs faciles à appréhender, on peut orienter le public sur la piste d'une compréhension du paysage.

La récurrence des sites sur grès armoricain peut être facilement balisée. De plus, cette formation assez étroite peut être évaluée de façon pédestre (en traversant une barre et en montrant son développement linéaire).

Il existe aussi dans le Parc, une confusion entre la présence de roches d'origine volcanique et des reliefs pris pour des volcans : la Butte-Chaumont en étant l'exemple le plus flagrant. Le seul Mont important qui n'est pas associé au grès armoricain est le mont Margantin, il pourrait être identifié pour cela (le Mont Margatin est dans les schistes brioveriens).

En bref, il serait heureux de polariser l'interprétation sur la géologie dans un site particulier (Saint- Léonard-des-Bois) et d'orienter l'interprétation sur le milieu physique à une géomorphologie «identitaire» ailleurs (grès armoricain, granite, rivières). La problématique «Monts» serait ainsi simple à classifier et à médiatiser

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2-3 - Lignes de partage des eaux

Les lignes de partage des eaux ont été des limites très célèbres dans la géographie scolaire de l'école Républicaine. Aujourd'hui, ce type de limite garde souvent un intérêt limité et anecdotique.

Concernant le Parc Normandie-Maine, cette limite peut pourtant susciter quelques éléments d'interprétation intéressants. D'abord, il s'agit d'une grande limite dans l'organisation de la gestion des eaux en France. Au nord et à l'ouest, il s'agit de la grande région «Seine-Normandie », au sud, la grande région «Loire-Bretagne» gérées chacune par deux agences de bassin différentes. La configuration des réseaux fluviatiles des deux côtés de la ligne de partage des eaux a des conséquences importantes sur les faunes et flores de ces bassins. Les réseaux du sud sont connectés à un chevelu extrêmement vaste de cours d'eau structuré par la Loire. La conséquence de cette connexion favorise la remontée potentielle des invasives affectant ce bassin, et ce, jusqu'aux têtes de réseau.

De la même façon, dans l'hypothèse d'un réchauffement climatique, la colonisation par des faunes plus méridionales peut se faire, grâce aux connexions avec ce réseau très étendu. En revanche, au nord et à l'ouest, les cours d'eau sont connectés à des bassins extrêmement petits (bassin de l'Orne, bassins de la Sée et de la Sélune), ces bassins s'apparentant à des bassins de fleuves côtiers. La connexion y est faible voire inexistante, ce qui peut favoriser des endémismes, un rempart contre les invasives. Par contre, les écosystèmes y sont plus fragiles et en cas de réchauffement climatique, la recomposition des flores et des faunes ne pourra pas se faire spontanément.

Il est à noter qu'à quelques kilomètres au nord-est du Parc, sur les monts d'Amain (commune de la Ferrière-la-Verrerie), on trouve un point qui sépare les bassins de la Loire (un des plus au nord pour ce fleuve), la Seine et l'Orne.

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Pistes d'interprétation

La ligne de partage des eaux est une frontière simple à définir, elle peut être mis en scène sur un site fort (comme le signal d'Ecouves), un bornage, et éventuellement une installation type Land-Art pourrait la matérialiser dans le paysage. Les enjeux naturalistes des deux types de bassins concernés peuvent aussi être mis en scène.

Enfin, cette limite naturelle étant aussi une limite administrative dans la gestion de l'eau, la présence des deux logos (Loire- Bretagne et Seine-Normandie) sur une borne frontière pourrait être mis en scène et des enjeux de gestion pourraient aussi être abordés.

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2-4 - Limites climatiques

Les limites climatiques sont par définition les limites les plus floues. En ce qui concerne le Parc Normandie-Maine, on passe progressivement, d'ouest en est du climat normand le plus humide au climat normand pratiquement le plus sec. Les alentours de Mortain représentent, en effet, le pôle de la pluviosité normande avec plus de 1100 mm de précipitations annuelle, les alentours les plus secs autour d'Alençon sont en dessous de 700 mm par an.

Le secteur du Parc est donc concerné par un dégradé de précipitations extrêmement contrasté. Naturellement, tous les monts et éminences présentent des précipitations plus marquées.

Une limite thermique affecte aussi le Parc : globalement le climat est plus frais (en moyenne annuelle) au nord des reliefs du Parc (côté Normand) et plus chaud au sud. Cette limite est moins marquée à l'est où les plaines communiquent entre elles avec un dégradé thermique vers le nord plus fondu.

Le Parc (hors plaines) apparaît un peu comme une Marche climatique. Il présente un climat plus rude et humide dans la partie haute qui fait la «frontière» entre un climat normand doux, humide et peu contrasté et un climat ligérien au sud, plus sec, plus contrasté et plus chaud. Dans le cadre du réchauffement climatique et de ses conséquences, la zone du parc (plaines exceptées) se présente donc comme une barrière. On a déjà observé que les hêtraies du sud de la forêt d'Ecouves étaient plus stressées par les changements en cours.

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Le changement climatique actuel aura, en effet, comme conséquences d'affecter plutôt les espèces associées au climat doux et humide. Le hêtre est un peu l'emblème de ces espèces ciblées par les changements à venir dans nos régions. Les secteurs hauts seront dans ce contexte des lieux-refuges pour les espèces les plus atlantiques.

En revanche, les secteurs de plaine, à l'est, sont déjà des lieux de passage et de remontée des espèces «méridionales». Les cartes de remontée et de colonisation des espèces du sud en direction du nord utilisent le «couloir des plaines». Les observations de remontées de la mante religieuse ou de diverses espèces de papillons sont assez probantes.

Pistes d'interprétation

Il y aurait un véritable intérêt à étudier les impacts du réchauffement climatique dans un ensemble aussi contrasté au niveau climatique que le Parc. Le site le plus favorable pour développer cette thématique serait le Signal d'Ecouves. Le Signal d'Ecouves est le site qui représente le plus la «frontière climatique» (proximité des plaines, passage entre le nord et le sud, aspect de col...). Il est associé à la ligne de partage des eaux et se trouve en contexte forestier (les forêts sont un élément très parlant dans le cadre de la problématique du réchauffement climatique).

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3 - Marches et frontières historiques

3-1 - Les traces et limites préhistoriques

Les temps préhistoriques sont particulièrement longs, ils s'analysent et se comprennent sur des logiques différentes que les temps historiques (la mesure du temps y est millénaire). De très nombreuses populations ont dû se succéder sur le territoire du Parc. En terme de médiation, il est assez difficile de faire passer les notions de chronologie des périodes préhistoriques. Les principaux sites préhistoriques du Parc sont le camp de Goult qui est situé à la toute fin de la préhistoire (certainement lié à ce que l'on appelait autrefois « l'âge du bronze ») et le site de Saint-Brice-sous-Rânes (situé en dehors du Parc, mais concerné par la démarche « Monts et Marches »).

Le site de Saint-Brice-sous-Rânes est lui un site de la préhistoire « lointaine » datant du Paléolithique Moyen (Moustérien). Il s'agit d'un site rarissime, un atelier de taille de silex lié à l'homme de Néandertal. Les sites néandertaliens sont particulièrement discrets et n'offrent pas d'éléments de mise en scène très spectaculaire. La médiation de ce type de site nécessite donc une interprétation construite permettant de resituer le contexte chronologique, le contexte climatique et le contexte anthropologique (l'homme de Néandertal est un homme différent de nous, pas un ancêtre mal dégrossi). Le site de Saint-Brice se situe à la limite du Bassin-Parisien et de Massif-Armoricain, et cette situation a certainement un rôle en rapport avec les activités qui s'y pratiquaient.

La datation du site tournerait autour de deux périodes d'occupations : vers -100 000 ans et vers -50 000 ans. Cette distance de temps nous place en effet dans une autre perspective que celle de la continuité chronologique comme on peut l'appréhender pour les périodes historiques.

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Pistes d'interprétation

Le musée de Rânes aborde cette thématique de la préhistoire, le contexte de Saint-Brice y trouve donc tout naturellement sa place. Sur le site, on peut tout à fait imaginer d'interpréter les lieux (chronologie, climat, anthropologie). La situation frontalière au niveau géologique peut être mise en évidence dans l'idée des « frontières naturelles et intangibles ». Il serait peut-être intéressant de relier le site de Saint-Brice avec d'autres sites néandertaliens en France comme Payzac-le- Moustier (24) ou la Chapelle-aux-Saints (19) qui dispose d'un musée consacré à Néandertal. La question des climats est au centre de la compréhension de l'environnement des hommes de Néandertal (passages d'inter- glaciaires à périodes glaciaires) et parallèlement la question des faunes disparues et adaptés aux différents climats (mammouth, rennes, tigres à dents de sabre...). Perspectives et liens à trouver avec le site du Mont Dol (faunes disparues).

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3-2- La forêt frontière

Le mot latin qui a donné «forêt» est le mot «foris», littéralement «ce qui est en dehors».

Dans la vision romaine du territoire, il existe des cercles concentriques qui vont de l'«urbs», l'espace urbanisé, puis l'«ager», l'espace des cultures, le «saltus», l'espace des troupeaux et enfin, la «silva», l'espace des bois, de l’extérieur. La région frontalière Normandie-Maine est un espace qui, pendant l'Antiquité, était recouverte par un vaste arc forestier qui s'étendait de la région de Chartres à la Bretagne actuelle. Autour de Chartres s'étendait la fameuse forêt des , puis la Silva Pertica (qui donnera son nom au Perche) continuée par les massifs forestiers armoricains dont il reste des traces entre Ecouves et Andaines, puis la Silve Drue (ancienne forêt disparue du Passais), la Lande Pourrie et les massifs forestiers descendant vers la Bretagne et la région rennaise.

Sur cet immense massif forestier, s'adossait une douzaine de peuples Gaulois : Bajocasses, Viducasses, , , Unelli, Abrincatii, Eburovives, , Durocasses, Carnutes, , , .

Dans son ouvrage sur la seigneurie de Bellême, Gérard Louise parle de «forêt frontière». Contrairement à l'idée communément admise, les peuples gaulois étaient des peuples d'agriculteurs exploitant de façon dense leur territoire. Le grand massif forestier, qui s'étendait grosso modo de Chartres à Rennes, n'était donc pas un espace habituel en Gaule, mais original, et en opposition avec des zones agricoles exploitées aux alentours. Dans la «Guerre de Gaules», il est précisé que cette forêt remplissait aussi un rôle religieux important, notamment dans sa partie est (réunion annuelle des druides dans la forêt des Carnutes).

Au Moyen-Âge, cette forêt va résister plus que d'autres aux défrichements. Il s'y développera la notion de «désert», c'est-à- dire un espace vraiment sauvage, non exploité par l'agriculture comme l'étaient la plupart des forêts médiévales (élevage de

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petits animaux, charbon de bois, glandée...). Ces «déserts» apparemment devenus rares, vont attirer de très loin des ermites en quête d'isolement absolu. Ce qui est particulier dans la région, est le fait que deux vagues d'érémitisme vont la toucher : une première autour du VIe siècle, et une deuxième au Xe et XIe siècle. C'est dans la région du Passais (apparemment l'isolat forestier le plus dense au cours du début Moyen-Âge) que vont s'implanter le plus d'ermites. Les conditions d'isolement et de «sauvagerie» semblaient les plus caractérisées (étymologiquement, «sauvage» et «silva» sont de même origine).

Pistes d'interprétation

Les forêts sont un élément majeur dans l'identité du Parc (dont le symbole est un cerf, animal forestier). L'interprétation du phénomène forestier dans le Parc pourrait être de le replacer dans son contexte historique : la forêt disparue, la reconquête forestière depuis le XIXe siècle, les limites au sein des massifs (feuillus résineux, taillis, futaies... ), la forêt et le climat qui changent, quelle place pour le hêtre, landes et bois...? Il serait intéressant de pouvoir présenter à un endroit du Parc (Ecouves) un site d'interprétation forestier qui résume les enjeux de ce milieu. La porte d'entrée, faisant appel à la notion de limites (historiques, écotones, lisière, limites écologiques...), permettrait de rester en résonance avec la notion de Marche.

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3-3- Les limites entre tribus gauloises

On sait aujourd'hui que les différents territoires des tribus gauloises ont continué d'exister au travers des divisions territoriales ultérieures (divisions territoriales romaines, divisions ecclésiastiques, pagii francs...). Pour le territoire du Parc, on se retrouve dans un ensemble frontalier commun à de très nombreux peuples gaulois : Abrincates à l'ouest (regroupés autour d'Avranches), Viducasses au nord-ouest (dépendants de Vieux), Sagiens au nord (dépendant de Sées), Cenomans au sud-est (dépendant du Mans) et Diablintes (dépendants de Jublains).

Les délimitations entre les différentes cités antiques ont donné lieu à de très nombreuses controverses au cours du XIXe siècle, à une période où l’on redécouvrait l'archéologie gauloise en France. Aujourd'hui, les universitaires tentent de redessiner de façon assez précise (au travers de l'archéologie et de la toponymie notamment) les limites de ces territoires.

Concernant les Diablintes (cité de Jublains), un travail très important a été fourni par le Service Départemental d'Archéologie de la Mayenne, pour délimiter leurs frontières (voir bibliographie). Concernant les cités de l'actuelle Normandie, un Projet Commun de Recherche sur l'Antiquité est mené conjointement par l'INRAP et le Service Archéologique du Conseil Général du Calvados pour réaliser une carte précise des différentes cités (Viducasses, Abrincates, Bajocasses...). Ce travail en cours en 2012 devrait s'achever d'ici la fin de l'année. Dans le cas d'une exploitation thématique par le Parc des frontières entre cités, il serait utile de prendre connaissance de cette représentation pointue des territoires antiques. Pour l'instant il est possible néanmoins de réaliser un balisage global de ces différents territoires. Les deux populations gauloises les mieux représentées sur le territoire du Parc sont les Diablintes : présents dans le Passais et sur les parties mayennaises du Parc et les Sagiens (ou Esuviens) occupant le reste de la partie ornaise.

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Les autres populations sont plus périphériques : les Cénomans dans la partie Sarthoise, les Abrincates dans le secteur de Mortain. La rivière «Egrenne» faisant certainement office de frontière (le nom «Egrenne» signifiant «frontière des eaux » en langue gauloise). Tout au nord, les Viducasses frôlent le territoire des Diablintes. Il est à noter que ces deux dernières cités (Diablintes et Viducasses) ont connu une éclipse fatale à la fin de la période antique. Ces deux cités n'ont pas engendré d'évêchés comme Sées, Avranches ou Le Mans. Elles n'ont pas, non plus, engendré de noyaux urbains. Cette décadence a certainement eu des conséquences «administratives», Le flou territorial persistant au niveau du territoire du Passais prend peut-être là, son origine.

Pistes d'interprétation

Imaginer que nous traversons des frontières antiques peut être très intéressant et ludique, surtout si celles-ci sont nombreuses et si elles annoncent des limites qui existent encore aujourd'hui.

En fonction des sites et en rapport avec les certitudes scientifiques qui peuvent exister à ce sujet, il serait intéressant de baliser un certain nombre de passages frontaliers : Diablintes/Cénomans (Sillé-le-Guillaume), Diablintes/Sagiens (Lignières-Orgères), Diablintes/Abrincates (à Saint-Mars d'Egrenne), Diablintes/ Viducasses (à Saint-Bomer-des-Forges), Diablintes/Cénomans/Sagiens (à Saint-Ceneri-le-Gerei), Diablintes/ Abrincates/ Viducasses ( à Lonlay-l'Abbaye).

La présence de deux centres d'interprétation, en rapport avec deux cités gallo-romaines (Vieux-la-Romaine et Jublains) concernant le territoire du Parc, peut permettre aussi des collaborations pédagogiques et scientifiques très fructueuses avec ces derniers.

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3-4- Les divisions administratives romaines

L’Empire romain a été divisé en grandes provinces administratives (Lyonnaise, Aquitaine, Belgique...). Ces grandes unités territoriales ont été subdivisées progressivement au cours des temps. Le secteur du Parc a d'abord fait partie de la «Lyonnaise», province dépendant de Lyon (Lugudunum).

Sous le règne de Dioclécien, l'ensemble des cités de la future Normandie va être disjoint de cet ensemble pour créer la deuxième Lyonnaise, administrée depuis Rouen (Rotomagus). On assiste, donc là, à une «préfiguration» de la Normandie et d'une première apparition d'une frontière dans cet espace.

Plus tard, une troisième Lyonnaise sera créée au sud dépendant de Tours.

Pistes d'interprétation

Comme pour les cités gauloises et les divisions ultérieures, ce sont les récurrences frontalières qui sont intéressantes. Dans le cas des divisions administratives romaines, elles annoncent les territoires religieux (Diocèses) et des frontières politiques du Moyen-Âge.

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3-5- Les évêchés et les archevêchés

Les limites des diocèses sont souvent très anciennes et reprennent la plupart du temps les limites des anciens pagii.

Dans le parc Normandie-Maine, trois diocèses se partageaient le territoire : le diocèse du Mans, de Sées et d'Avranches. On retrouve dans les limites, des similitudes très fortes avec les cités de Abrincates, des Sagiens et des Cénomans.

Il est à noter que les limites diocésaines ne se recoupent pas forcément avec les limites politiques, l'évêché de Sées débordait sur le Perche (donc en dehors de la Normandie historique), celui du Mans sur le Passais.

La rectification des limites viendra avec la Révolution et le Concordat (en 1801). A chaque département correspondra un évêché : Sées pour l'Orne, Coutances pour la Manche (signant ainsi la disparition d'Avranches), Le Mans pour la Sarthe et Laval (nouveau siège épiscopal) pour la Mayenne. Les limites des évêchés sont consultables sur le site de la BNF(Bibliothèque Nationale de France). Le soin porté à ces cartes, réalisées de la fin du XVIIe siècle à la fin du XVIIIe siècle peuvent en faire des bases graphiques très riches pour mettre en scène la thématique des frontières.

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Pistes d'interprétation

Comme pour toutes les autres limites et frontières (surtout si elles se recoupent), l'interprétation pourrait se faire sur des sites marqués par leur aspect frontalier comme Saint-Ceneri. Il est également imaginable de le signifier sur le chemin de Saint Michel au niveau de La Pallu (de Chartres vers le Mont Saint-Michel) et au niveau de Lonlay-l'Abbaye dans l'autre sens : «Vous entrez dans le Passais, territoire conquis en 1054 par Guillaume le Conquérant, maintenu dans l'évêché du Mans jusqu'au Concordat en 1801». En clair, l'idée est de redonner du corps à cette petite région du Passais en la nommant. La particularité ecclésiastique est celle qui a donné une réalité administrative à ce territoire, mais ça n'est pas la seule. Il serait possible, si le support d'information est plus dense, de décliner les nombreux particularismes du Passais. Cet intérêt spécifique pour le Passais n'est pas fortuit, ce territoire est en effet au cœur de l'identité du Parc.

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3-6- La création de la Normandie

La Normandie est une région «récente», créée à partir de 911. Le territoire concédé à Rollon était délimité par les rivières de la Bresle, de l'Epte, de l'Avre, de la Charentonne et de la Risle. Territoires correspondants, approximativement, aux diocèses d'Evreux et de Rouen (le Vexin ayant été coupé en deux à cette occasion). Ce territoire ne restera pas longtemps dans ces limites, les normands prendront possession des diocèses de Lisieux, Bayeux, Sées en 924 puis ceux de Coutances et Avranches en 933. À partir de cette date, on constate qu'ils ont reconstitué en fait la 2ème Lyonnaise antique (moins le Vexin Français). Si les limites avec l'Ile-de-France, la Picardie et la Bretagne sont assez nettes, la frontière avec le Maine est elle plus floue. Elle demeure très nette entre Le Mêle-sur-Sarthe, Saint-Ceneri et la vallée du Sarthon. Après la Motte-Fouquet, les limites sont plus approximatives et les correspondances entre pouvoirs religieux et politiques ne se recoupent plus.

Autour de 1049, Guillaume le Bâtard va entreprendre d'agrandir son duché vers le sud. Cette opération va se traduire par la conquête du Passais. Il est probable que le projet ducal était de descendre plus au sud (jusque sur la Loire probablement), mais la résistance de la place forte de Sainte-Suzanne verra les velléités sudistes de Guillaume se réduire. Si la frontière du duché va se déplacer au sud de Domfront, un certain nombre de places fortes constitueront des bases avancées en territoire étranger (Gorron, Ambrières-les-Vallées, Chatillon-sur-Colmont).

Jusqu'au début du XIIe siècle, la frontière la plus défendue a été la frontière vers les terres du roi de France, la crainte venait plutôt des comtes de Chartres et de Blois. La présence de châteaux y est plus dense. Plus à l'Ouest, la défense du territoire est plutôt assurée par des châteaux privés (pas forcément très loyaux).

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À partir de 1110, le Maine est rattaché à l'Anjou (puissance pouvant menacer la Normandie). La situation devient donc potentiellement plus périlleuse : les châteaux du Mele/Sarthe, , Almenèches, La Roche-Mabile passent sous contrôle ducal, restant le point d'appui arrière. Plus à l'Ouest, il existe toujours un certain flou... le duc avait peut-être confiance dans le relief. Cette situation de tension frontalière ne va pas durer longtemps. En 1152, le Maine et la Normandie sont placés sous la même couronne, la notion de frontière va s'affaiblir.

En 1204, la Normandie va être intégrée dans le domaine royal. Les traces frontalières vont perdurer dans les coutumes, les privilèges fiscaux... Le problème aujourd'hui, est que de nombreux châteaux ont laissé des traces, certains ont eu à un moment de leur histoire un rôle de château frontalier (souvent pendant une courte période). La plupart du temps, ils étaient présents avant et ont continué à exister après avec un rôle «normal» de château féodal. Souvent les traces qui subsistent sont celles d'un château beaucoup plus récent. Si le Passais reste lui, dans le diocèse du Mans jusqu'à la Révolution, la coutume de Normandie s'y appliquera pleinement, comme dans tous les autres territoires normands.

Pistes d'interprétation

Les limites de la Normandie sont la colonne vertébrale des frontières dans le Parc Normandie-Maine. Il serait intéressant de les préciser sur terrain et surtout sur les sites où la frontière a, soit été intangible (Saint-Céneri), soit disputée (Roche-Mabile), soit floue (communes mixtes) soit surprenante (Saint-Julien-sur-Sarthe qui est déjà dans le Perche et donc plus dans la Normandie historique). Le site majeur et pivot de la frontière normande stricto-sensu est à Saint Généri- le-Gerei. La frontière Normande pourrait, sur certains sites, être matérialisée par une installation de type Land-Art reprenant l'idée des fossés frontaliers créés notamment par le seigneur de Bellême (fossé Robert, ou fossés du Roi). La visualisation de la limite, dans le paysage, par des éléments naturels (haie sur talus), pourraient être un facteur d'identification intéressant pour les locaux et les visiteurs. Elle pourrait aussi s'intégrer de façon séduisante dans le contexte du paysage bocager.

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3-7- La Seigneurie de Bellême

Constituée entre 944 et 1113, la Seigneurie de Bellême est un exemple de la complexité des situations territoriales au Moyen-Âge. En effet, la Seigneurie a son siège à Bellême. Elle dépendant du roi de France et s'étend sur environ 120 kilomètres vers l'Ouest (jusqu'aux alentours de Domfront) en mordant sur un territoire normand au nord et manceau au sud. Cette Seigneurie très puissante sera pendant de nombreuses années un véritable état-tampon tenant tête aux comtes du Maine et aux ducs de Normandie. Elle constitue en soi une Marche, renforçant l'aspect «frontière épaisse» constituée par les contraintes naturelles (forêts et reliefs) par une autorité politique.

Les seigneurs de Bellême n'auront de cesse de défendre leur territoire. Ils seront pour cela soutenus par le roi de France qui pouvait y voir un moyen de limiter la progression potentielle du duché de Normandie vers le sud. La famille de Bellême sera à l'origine de la création de la ville d'Alençon et de l'abbaye de Lonlay. Les Bellême chercheront toujours à asseoir leur influence sur l'évêché de Sées : Yves de Bellême sera d'ailleurs, à la fois évêque et seigneur, sa nièce Mabille fondera avec son époux Roger de Montgomery, le monastère Saint Martin de Sées. Le territoire de la Seigneurie de Bellême s'étendait sur des espaces en grande partie recouverts de forêts et de landes très peu peuplées. En fait, elle s'appuie sur l'arc forestier qui va de l'antique Silva Pertica (forêt du Perche) à la «Silve Drue» estimée à environ 20 000 hectares.

Cette «Silve Drue», qui occupait la plus grande partie du Passais autour de Domfront, était encore en partie présente au XIVe siècle (attestée par le témoignage de Marie d'Espagne, épouse de Charles II de Valois comte d'Alençon). Les derniers lambeaux de cette immense forêt sont visibles aujourd'hui au Mont Margantin. La famille de Bellême est souvent assimilée à un lignage de pillards qui gardent les passages sur la ligne de crête, exploitant à leur compte, la «frontière épaisse» que constituaient ces forêts inhabitées. C'est Guillaume-le-Batard qui mettra, en partie, fin à la domination de cette famille, au moins pour la partie ouest de leur domaine.

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Un certain nombre de personnages hauts en couleur ont marqué cette famille comme Mabille (d'où la Roche-Mabile) ou Guillaume Talvas, leurs «exploits» sont souvent marqués par une grande cruauté. Il est à noter que la principale famille opposée aux seigneurs de Bellême sont les Giroie, qui ont laissé aussi leur nom dans la toponymie locale, en effet le «Gerei» de Saint-Ceneri, fait référence à cette famille. La déchéance de Robert II de Bellême en 1112 marquera la fin de la Seigneurie de Bellême.

Les sites marqués par la Seigneurie de Bellême sont le site de Domfront, L'abbaye de Lonlay, La Roche-Mabile, Alençon, Sées (création de l'abbaye Saint Martin), Essay... Toute une série de mottes féodales (dont certaines sont encore visibles) marquent l'ancien territoire des Bellème : Céaucé (les Petits Mortiers), Lucé, La Baroche-sous-Lucé, La Ferté-Macé (disparue), Aillières-Beauvoir, Neufchatel en Saonois, Saint-Rémy-du-Val, Sées, Essay...

Pistes d'interprétation

Les péripéties de la famille de Bellême, leurs démêlés avec le duc de Normandie, le comte du Maine, les autres familles seigneuriales alentour (comme les Giroie) sont très complexes. Il est donc un peu illusoire de décrire et de suivre les chronologies, les batailles, les alliances, les trahisons. En revanche, sur certains sites (Roche-Mabile, Domfront, Essay ou Saint-Ceneri-le-Gerei...), il est possible par l'angle de l'anecdote de décrire un fait précis, tel qu'il a pu être rapporté à l'époque (notamment au travers des textes d'Ordéric Vital), ou de rappeler la fondation de Lonlay par Guillaume1e de Bellême. Le monde à décrire y est celui du haut Moyen-Âge, les châteaux sont des mottes... assez loin de l'image «gothique» qui colle en général à la description du Moyen-Âge.

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Concernant les limites et frontières, la Seigneurie de Bellême a des limites fluctuantes et parfois floues, il est donc assez peu pertinent de rechercher à le baliser sur le terrain. En revanche, la région du Passais conquise sur le Maine et soustraite progressivement à l'autorité des Bellême peut être balisée. L'interprétation peut aussi se faire au travers du côté anecdotique des péripéties de la famille de Bellême, rappelant ainsi la rigueur des rapports entre féodaux au Moyen-Âge et des éclairages sur l'histoire du duché de Normandie. La mise en scène d'une des mottes féodales, ayant appartenu à la famille de Bellême, serait aussi un très bon support. Cette mise en scène permettrait de présenter la réalité de l'architecture des châteaux à la période de Guillaume-le- Conquérant (on pourrait ainsi présenter un vrai «château frontière» dans sa réalité de l'époque, c'est-à-dire un ouvrage plutôt modeste). On peut, dans ce contexte, penser à la motte féodale de Sées, qui est située en centre-ville ou a une motte dans un contexte rural Roche-Mabile, Essay...).

Enfin, dans la mise en scène des frontières ou des limites, on peut réinterpréter les ouvrages frontaliers mis en place à l'époque : les fossés défensifs. Ces mini «murailles de Chine» ont été édifiées par les Bellême entre Saint-Rémy-du-Plan et Peray sur environ 16 kilomètres (le Fossé Robert). Des traces de cet ouvrage sont encore visibles en dehors de la zone du Parc (cf. Gerard Louise). Un autre fossé de ce type existait aussi entre Le Mêle-sur-Sarthe et Nonancourt édifié par le duc de Normandie (le fossé le Roi). Le fait de réutiliser la forme du fossé, dans un sens purement symbolique, paysager et artistique, est bien sûr à envisager pour des frontières du type Normandie et Maine ou Normandie et Perche, plutôt que pour les très mouvantes frontières de la Seigneurie de Bellême.

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3-8- Le comté puis duché d'Alençon

Dans l'histoire compliquée de ce territoire du sud de la Normandie, une autre entité politique va prendre place sur le territoire actuel du Parc : Il s'agit du Comté d'Alençon. Ce territoire, disposant d'une certaine forme d'autonomie, est ce que l'on appelle un «apanage», c'est-à-dire un territoire confié à une branche cadette. Le territoire d'Alençon sera donc cédé à un fils cadet du roi de France : d'abord un fils de Saint-Louis, puis un frère de Philippe-le-Bel (la mise en place de l'apanage royal a lieu autour de 1219). Le comté (puis duché) d'Alençon prendra place dans des limites territoriales ressemblant fort à celles de la Seigneurie de Bellême. Il s'agit en quelque sorte de la renaissance de cet espace politique, sous une autre forme. Le comté (qui deviendra duché par la suite) n'a donc rien à voir avec le duché de Normandie en tant que tel. Sa création aura lieu alors que le duché de Normandie est déjà rattaché au domaine royal (en 1204). Il existe en effet souvent une confusion, dans l'esprit du public, sur terme de «cité ducale» associé à Alençon. Cette ville a effectivement été le siège d'un duché, mais celui-ci n'avait pas, comme le duché de Normandie, une vocation politique affirmée le mettant potentiellement en opposition avec le royaume de France. En fonction des périodes, le Perche sera intégré dans les terres du duché, à d'autres, le comté du Perche sera disjoint de cet ensemble. Le duché d'Alençon est donc intéressant, dans le cadre de cette étude, car il conforte la notion de territoire intermédiaire déjà identifié dans les périodes antérieures. Il relie aussi le contexte alençonnais avec la «Grande Histoire», c'est-à-dire qu'un nombre important de personnages historiques vont être associés à ce territoire : Philippe de Valois (qui deviendra roi de France), la série des «rois Maudits» qui succèdent à Philippe-le-Bel, ... Marguerite de Navarre (la reine Margot), la grand-mère d'Henri IV... On peut noter que l'accession au trône de France de Philippe de Valois (Philippe VI) sera à l'origine de la guerre de Cent Ans. Le duché d'Alençon retournera dans le domaine royal en1604.

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Pistes d'interprétation

Les sites du duché d'Alençon les plus parlants et les plus riches en terme d'interprétation sont : Alençon, Sées et Essay. En effet, concernant Sées, l'Orne a constitué pendant plusieurs siècles la frontière entre le duché d'Alençon et les territoires normands intégrés au domaine royal. La frontière passait au centre de la cité de Sées, le nord (la cathédrale) faisait partie du domaine royal, le sud (la motte, le couvent Saint-Martin) était dans le duché d'Alençon. Évidemment cette frontière n'était pas un «mur de Berlin» et se franchissait sans problèmes. Cela étant, le contexte urbain de Sées pourrait permettre une mise en scène de cette limite assez cocasse (cette limite, renforce aussi le côté polynucléaire de la ville de Sées dont l'urbanisme, comme pour Caen, est constitué de plusieurs noyaux disjoints).

Essay est un village disposant d'un patrimoine historique intéressant qui permet de faire le lien entre la Seigneurie de Bellême et le duché d'Alençon : le site comporte encore une motte féodale et les traces d'un château important du duc d'Alençon. Ce site, un peu oublié dans les sites forts du Parc, pourrait être mis en scène dans son contexte historique et patrimonial. Sur le site, un jardin médiéval est présent à proximité de la chapelle gothique Saint-Laurent. Il y aurait lieu d'imaginer un propos sur l'évolution sur la longue durée du contexte castral et seigneurial dans le secteur. Essay se trouve dans un secteur de plaine sédimentaire, aucun grand site ne s'y trouve associé à ce genre d'environnement dans le Parc, il y a là peut-être un 27ème site à imaginer.

Alençon : c'est bien sûr le centre du duché, les vestiges encore visibles du château sont liés à l'histoire des ducs. La ville d'Alençon doit une partie de son développement à cette position politique originale. Il ne s'agit en effet ni d'une ancienne cité gallo-romaine, ni d'un évêché. L'histoire du développement d'Alençon, jusqu'à devenir chef-lieu du Département de l'Orne à la Révolution, le doit à sa situation frontalière et à son importance prise face à Sées et à Bellême, cités auxquelles elle va faire progressivement de l'ombre. Les sites du château et du pont sur la Sarthe sont les sites d'interprétation les plus parlants.

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3-9- La guerre de Cent Ans (1346/1450)

L'histoire de la guerre de Cent ans en Normandie-Maine est très compliquée. Les opérations militaires, chevauchées, attaques et contre-attaques sont très complexes à décrire. Il reste en revanche de très nombreux vestiges de cette période troublée. La plupart des châteaux, attribuées à la période antérieure (celle des ducs de Normandie), date en effet de ce temps. La cité de Sées, qui n'était pas défendue par des fortifications jusque-là, va se doter de murailles. Le système défensif de la ville ne sera pas très impressionnant et concernera juste le bourg autour de la cathédrale (la partie «roi de France»). La tour que l'on peut voir à proximité de la mairie actuelle est le dernier vestige de cette fortification.

Domfront est une des places fortes tenues par les Anglais le plus longtemps, jusqu'à la toute fin de la guerre de Cent Ans, sa position stratégique n'y étant pas pour rien.

La première partie de la guerre de Cent Ans ne présente pas beaucoup d’intérêt concernant notre territoire. En revanche, la deuxième partie de la guerre de Cent Ans (après 1415) est plus parlante, les Anglais vont reprendre possession de la Normandie, le duc de Bedford va chasser le duc d'Alençon et se s'arroger son titre en 1417 et ce jusqu'en 1449, Alençon va redevenir un poste frontière à cette occasion.

Dates de sièges de forteresses dans le Parc Normandie-Maine et alentours :

Sièges : 1346 Caen, 1361 Ballon, 1364 Mauves/Huisnes, 1417 Caen,1417 Bellême, 1417 Alençon, 1417 Essay, 1418 Domfront, 1421 Alençon, 1421 Ballon, 1424 St- Suzanne, 1425 Le Mans, 1429 St Célerin (72), 1432, Saint Celerin, 1434 Saint Célerin, 1433 Bons-Moulins, 1434 Sillé-le-Guillaume, 1448 Le Mans, 1449 Exmes, 1449 Béllême, 1449 Essay, 1450 Fresnay-le-Vicomte (sur Sarthe), 1450 Domfront, 1450 Caen.

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Pistes d'interprétation

Sites concernés : Sillé-le-Guillaume, Alençon, Fresnay-sur-Sarthe, Sées, Domfront, Essay, Mortain. En fonction des sites et des éléments d'interprétation retenus, l'épisode de la guerre de Cent Ans peut être abordé quand il renforce la problématique frontalière, mais peut-être pas en tant que tel. C'est particulièrement le cas à Alençon et à Domfront. Si la guerre de Cent Ans a, en effet laissé sur le territoire des vestiges dans la forme des structures défensives (chateaux- forts en pierre), elle est à intégrer thématiquement dans un propos plus général (histoire du duché d'Alençon, fonction stratégique d'un site au cours des siècles...).

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3-10- Les Généralités

Créées au cours de l'Ancien Régime, les Généralités sont les unités administratives qui structurent le territoire français à cette époque. Ces unités sont d'abord essentiellement des divisions fiscales. Progressivement, les Généralités vont devenir des unités administratives de plus en plus fonctionnelles, un peu à l'image de nos départements actuels.

Dans le Parc Normandie-Maine, nous nous trouvons sur la limite entre les trois Généralités : La Généralité de Tours (créée en 1542), de Caen (créée en 1542) et d'Alençon (créée en 1636). La création plus tardive de la Généralité d'Alençon s'est faite en amputant une partie des Généralités de Rouen et de Caen.

Les Généralités préfigurent un peu les départements qui leur succéderont après la Révolution. Elles marquent une volonté de rationaliser l'administration du territoire. L’extrémité ouest du Parc (autour de Mortain) se trouve dans l'ancien territoire de la Généralité de Caen, la partie nord dans celle d'Alençon et la partie sud dans celle de Tours. Les limites sont approximativement celles des provinces (Normandie : Alençon/Caen, Maine : Tours). À noter qu'il existe une commune du Parc, qui appartient à la province du Perche : il s'agit de Saint-Julien-sur-Sarthe. En effet, le territoire percheron a été dans sa plus grande partie rattaché à la généralité d'Alençon (sans pour autant faire partie de la Normandie), préfigurant en cela le découpage révolutionnaire qui aboutira à la création du Département de l'Orne.

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Pistes d'interprétation

Il peut être intéressant de marquer, sur certains sites frontaliers forts (comme Saint-Ceneri-le-Gerei), des indications sur le passage d'une généralité à une autre. La permanence d'une limite au cours des millénaires peut être une base interprétative très riche qui permet de balayer une période historique très vaste (des Gaulois à aujourd'hui, par exemple).

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3-11- Les «communes mixtes», traces du flou territorial

Élément certainement anecdotique mais révélateur du flou territorial des marches du Passais : les 12 communes mixtes. L'histoire des «communes mixtes» est assez surprenante. Il s'agit d'un bloc de paroisses (devenues communes à la Révolution) et qui portent la trace de l'ambivalence du territoire.

Historiquement, ces paroisses étaient à cheval sur les administrations normandes et mancelles, ce qui, dans la vision de l'Ancien Régime, n'était pas très choquant. Lors de la constitution des communes, le législateur, pourtant fondamentalement cartésien, n'a pas su se démêler de ce flou territorial et des communes ont continué à vivre à cheval sur deux départements. C'est l'administration de Louis-Philippe qui apportera le dernier coup de rabot à cette survivance de la Marche dans l'époque moderne. Les communes du Parc concernées forment un ensemble compact regroupant les communes actuelles de Saint-Siméon, Saint-Fraimbault (ex «Saint-Fraimbault-sur-Pisse»), Loré, Le Housseau-Brétignolles, Rennes-en-Grenouille, Gesneslay, Haleine, Tessé-Froulay, Melleray (aujourd'hui commune associée à Lassay-les-Châteaux), La Chapelle-d'Andaine (ex «Chapelle-Moche»), Saint-Denis-de-Villenette (en dehors du Parc, les communes de Madré et de Lesbois complètent cet ensemble). En fonction des communes, des regroupements, des suppressions, des amputations de territoires ont été effectués pour faire disparaître cette anomalie dans la rigueur administrative française.

Le texte de 1831 stipule: ... «Les communes de Tessé, La Chapelle-Moche, Etrigé... et toute la partie de Geneslay situées sur la rive droite de la Mayenne sont distraites du département de la Mayenne et réunies à l'arrondissement de Domfront. Les communes de Rennes-en-Grenouille, Sainte-Marie-des-Bois, Le Housseaux-Brétignolles, Melleray, Les Bois et les portions d'Haleine et de Loré sur la rive gauche de la Mayenne sont distraites du Département de l'Orne et réunies à l'arrondissement de Mayenne...»

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Dans ce mouvement, la commune de Saint-Siméon est créée dans l'Orne (ancienne partie normande de Vaucé). La commune d'Étrigé disparaît au profit de Sept-Forges et de Saint-Denis-de-Villenette. Le cas de cette dernière commune ayant été réglé, quelques années plus tôt, car elle constituait une enclave mancelle en territoire normand séparée par la commune de Sept-Forges. Elle dépendait historiquement de Lassay-les-Chateaux. La «restitution» de Saint-Denis a été l'objet de scrupuleux arrangements territoriaux (agrandissement de Madré sur la limite ornaise). En effet, ces arrangements territoriaux étaient l'objet de tractations importantes entre les préfets de l'Orne et de la Mayenne. Le préfet de la Mayenne était très inquiet de voir les modifications territoriales se faire éventuellement au profit de l'Orne, considérée comme plus riche et disposant d'une population supérieure («Le département de l’Orne, qui renferme 425 578 habitants, n’a pas si grand besoin d’agrandissement que celui de la Mayenne qui n’en a que 320 233») telle est la requête du préfet de la Mayenne au tout début des années 1830. Une «lutte frontalière» opposera ainsi Geneslay et Rennes-en-Grenouille au sujet d'une île (le Grand-Bois) sur la Mayenne, Le conflit (juridique) sera réglé en 1834 au profit de la Mayenne. Les diocèses aligneront leurs limites concernant les communes mixtes, en 1837, en se basant sur la frontière, maintenant nette entre l'Orne et la Mayenne.

Pistes d'interprétation

L'important est de savoir s'il existe un souvenir de ce découpage assez tardif du territoire. Si la mémoire de cet épisode est encore vive, il pourrait être intéressant de développer un évènementiel qui réunisse les anciennes communes mixtes dans un évènement festif sur des thématiques liées à l'identité des deux régions historiques. On peut imaginer une fête de la Normandie ET du Maine, la matérialisation physique de l'ancienne frontière pouvant se trouver au cœur de l'évènement, avec douaniers et postes de douane parodiques par exemple.

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3-12- Le Parc Normandie-Maine palimpseste historique

Un palimpseste est un parchemin dont on peut lire un ou plusieurs autres textes en-dessous du dernier texte écrit. Le Parc Normandie-Maine est un peu comme un palimpseste, il reproduit par son territoire des situations anciennes. En effet, le Parc est une forme de recréation d'une Marche frontalière entre l'espace Normand et l'espace Ligérien. Il ressemble, par un certain nombre de points, à l'antique Seigneurie de Bellême ou au duché d'Alençon. Comme pour cette antique Seigneurie et ce duché disparu, ses limites sont aussi assez compliquées et évoluent dans le temps. Le Parc accueille, en son sein, la totalité du territoire du Passais qui est certainement le territoire dont l'identité est complètement associée au parc. Tous les autres territoires ne sont que des parties d'ensembles plus vastes qui se déroulent en dehors même de cette délimitation (Bocage Ornais, Plaine d'Alençon, Perche...). Enfin, un certain nombre de frontières actuelles, au sein du Parc (Départements, Régions..), reprennent souvent des frontières parfois très anciennes qui ont séparé les hommes au cours des siècles. Pour conclure, on peut dire que le Parc Normandie-Maine est une «Marche contemporaine» qui entretient le souvenir par sa dimension territoriale, d'anciennes limites, d'anciennes Marches.

Pistes d'interprétation

La frontière actuelle du Parc est la frontière la plus récente. Elle peut aussi s'intégrer dans le concert de frontières qui pourrait être proposé pour asseoir l'identité du territoire. «Passez la frontière, vous êtes en Normandie-Maine» pourrait appuyer ce contexte identitaire et promotionnel, c'est-à-dire que sur les axes privilégiés qui pénètrent dans le Parc, cette invitation au franchissement soit clairement mise en évidence. Cette première frontière passée, le visiteur serait confronté à des franchissements de frontières multiples (la forme et le contenu informatifs de ces bornes est à imaginer). L'idée à faire passer au visiteur serait que l'identité du lieu est liée à ses frontières. Sur un autre plan, il pourrait amener à une réflexion sur la notion même de frontière, à une période où celles-ci sont l'objet de tant de débats. Enfin, elles permettent de mettre en perspective le côté assez dérisoire de toutes les limites entre les hommes.

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4 - Les limites du rêve, les frontières du réel

4-1- Le mythe arthurien dans le contexte Normandie-Maine (et son rapport aux frontières et Marches)

Le mythe arthurien est très présent dans le territoire de Normandie-Maine. Il a fait l'objet de très nombreuses publications et études. Le côté savant, et parfois ésotérique de ces recherches, rend la vulgarisation et l'interprétation très aléatoire. Pour parler franchement, assez peu de gens (en dehors des spécialistes) ne comprennent ce qui se trame autour de ce mythe qui mêle arrière-plan symbolique, histoire évènementielle, sites historiques, paganisme, chrétienté voire sciences occultes. La problématique «Monts et Marches» peut être l'occasion de remettre à plat cette thématique pour la rendre lisible dans le paysage et la médiatiser de façon claire, faisant ainsi entrer le visiteur ou l'habitant du parc dans ce mythe.

Le mythe arthurien est un mythe

Cette tautologie est là pour rappeler ce qu'est un mythe et donc de partir de cette notion pour savoir de quoi on parle. Un mythe est un récit qui a plusieurs fonctions : - Il raconte une histoire qui peut se suffire à elle-même : c'est un contenu narratif tel un roman (n'oublions pas que le premier roman en langue française est justement le roman de Chrétien de Troyes). Le mythe peut donc se réduire à une simple histoire avec des rebondissements, un début et une fin. Le tout n'étant que le fruit de l'imagination de l'auteur.

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- Ce récit est à l'origine un récit oral qui a donc été transmis au cours des siècles dans des civilisations de tradition orale (jusqu'à sa fixation écrite au Moyen-Âge, pour ce mythe précis). Il en existe donc de très nombreuses versions. Il n'y a pas non plus de «bonne» version, mais un corpus foisonnant de personnages et de situations. Ce récit oral était, comme dans toutes les sociétés traditionnelles, l'objet d'un spectacle ou d'une mise en scène verbale qui changeait d'un conteur à l'autre. La diction de ce texte offrait une fonction festive et spectaculaire.

- C'est un récit qui parle d'histoire mais qui n'est pas de l'histoire dans le sens où nous l'entendons aujourd'hui : un certain nombre de personnages ont certainement existé, mais la véracité de leurs actions ou le contexte chronologique ne sont absolument pas cohérents ni ordonnés. Le ou les personnage(s) historiques doivent servir le mythe et son objet, quitte à croiser des personnages légendaires ou chronologiquement décalés. Pour faire un parallèle, on peut prendre le mythe grec d'Ulysse. Celui-ci a du être un personnage historique, mais il est au service de l'histoire qui est racontée et au service de la «morale» qu'elle sous-tend.

- Le mythe est donc un récit qui, dans sa narration, renferme des valeurs qui vont unir un groupe. Les auditeurs du mythe étaient appelés à adhérer à un certain nombre de valeurs qui devaient être celles du groupe, plus ou moins élargi auquel il s'adresse. Dans le cadre du mythe arthurien, le problème est que les valeurs initiales qu'il transmet sont celles d'une société de l'Antiquité gauloise. Ce mythe a été réactivé et restauré pour conforter et mettre en scène les valeurs de la société féodale du Moyen-Âge.On aura donc, dans le mythe arthurien, un arrière-plan antique (mettant en scène des enchanteurs, fées, dragons et dieux antiques «déguisés») et un premier plan médiéval mettant, lui, en scène des chevaliers, des châteaux, des tournois...

- Le mythe pose des questions qui apparaissent sous la forme de paraboles.Ces paraboles interrogent dans le mythe Arthurien sur la loyauté, l'amour charnel opposé à la pureté, le courage.... Elle permet aux participants du mythe d'essayer de trouver des réponses et des attitudes dans la vie de tous les jours en relation avec le système de valeurs qui sous-tend la société.

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- Le mythe a fondamentalement un aspect religieux. Le mythe s'intègre dans un ensemble mythologique plus vaste avec d'autres mythes et d'autres récits. Pour reprendre l'exemple d'Ulysse : celui-ci s'intègre dans le cadre général de la mythologie grecque où apparaissent dieux et demi-dieux et autres figures mythiques que l’on retrouve dans d'autres textes (Poseidon, les cyclopes, Hermès, les muses, les sirènes...). Dans le cadre du mythe arthurien, cette dimension est assez complexe : le mythe est à l'évidence né dans un contexte polythéiste, mais a été fixé dans cadre d'une société profondément chrétienne. Il semble évident aussi que sa transmission orale a été perpétuée dans la période où le christianisme était en train de s'implanter dans la région. On constate donc dans le récit, un arrière-plan «païen» très net et un «maquillage» chrétien parfois déroutant.

- Enfin, le mythe a très souvent une dimension géographique. Le récit se passe toujours dans des lieux que peuvent se représenter les auditeurs. Comme pour l'histoire, cette géographie est souvent à géométrie variable et peut changer en fonction des versions. Pour reprendre encore une fois Ulysse, celui-ci habite dans une île déterminée et réalise un voyage(de vingt ans!) dans des mers connues (les mers Égée et Ionienne) mais parsemées de territoires imaginaires et symboliques qui servent le récit.Dans le cadre du mythe arthurien, il en est de même. Des territoires réels sont cités : Marche de la Petite-Bretagne, au sein desquels on a défini des territoires qui seraient des royaumes de personnages mythiques (Ban, Bohort...). Il est fort probable que, dans sa transmission narrative, ces territoires pouvaient être réellement définis et situés par les auditeurs. Ces territoires, pour être plausibles, devaient se trouver nécessairement dans un contexte de territoires sauvages, «désertiques», marginaux, que pouvaient situer précisément les participants au mythe et imaginer une autre réalité dans ces lieux.

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Pour donner un exemple dans la mythologie grecque, le séjour des dieux (le Mont Olympe) existe réellement, tout comme le territoire des cyclopes sur l'île Stromboli (leur inaccessibilité ou leur danger les rendant en partie ou totalement tabous). Suivant les versions, les territoires peuvent être situés à des endroits différents car le public a besoin de pouvoir accrocher son mythe à une réalité qu'il connaît.

C'est cet ancrage géographique dans la réalité du territoire du Parc qui doit être exploité. Le fruit, parfois confus de recherches des savants arthuriens, donne de façon diffuse des informations géographiques auxquelles nous avons tenté de trouver une cohérence.

Dans le cadre de cette étude, nous proposons une géographie mythique qui pourra faire l'objet d'une médiatisation et pourra faire rentrer le visiteur dans la dimension mythique des territoires de Normandie-Maine (passez la frontière du rêve...). Le problème n'est pas de savoir, dans ce contexte, si le royaume de Ban (et les autres royaumes et lieux magiques) se trouvent ou ne se trouvent pas à tel ou tel endroit de façon réelle, mais de leur donner corps de façon plausible et tels que les récitants locaux pouvaient les situer.

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4-2- Petit décryptage du Mythe arthurien en Normandie-Maine

L'analyse qui suit s'inspire des nombreuses informations contenues dans les textes de Bansart et Payen ainsi que leurs successeurs, mais aussi des textes de diverses natures présentant le mythe arthurien (cf. bibliographie).

• Premier postulat : la recherche de l'Arthur historique est vaine Le corpus narratif autour d'Arthur est extrêmement foisonnant et complexe. L'hypothèse, selon laquelle cette épopée serait la relation de l'histoire d'un roitelet gallois du IVe ou Ve siècle, semble farfelue. Surtout sa diffusion ultérieure dans une grande partie de l'Europe (Il a dû exister des centaines de «roi Arthur» ici ou là. Pourquoi l'un d'entre-eux, ni plus ni moins glorieux, aurait-il pu devenir une figure gigantesque structurant une grande partie de la mythologie gauloise puis féodale au cours de Moyen-Âge...?). On peut ainsi considérer le mythe arthurien comme une partie tout simplement de la mythologie gauloise (sachant que la Gaule ne se limite pas au territoire français mais à la Grande-Bretagne, au nord de l'Italie et au Sud Ouest de l'Allemagne). Cette mythologie a bien sûr fortement résisté et donc été transmise à partir des territoires où la culture celtique a survécu le plus longtemps (finisterres, marges, Marches forestières, territoires excentrés, Marches politiques, confins...). Donc, il est logique d'imaginer que des mythes de forme arthurienne aient existé partout dans le monde gaulois.

• Deuxième postulat : le mythe n'est pas forcément qu'un texte importé La «matière de Bretagne» sont les références spécifiquement de Grande-Bretagne qui seraient à la base et à l'origine du mythe arthurien. Cette «matière de Bretagne» a été développée et défendue par les mythographes anglo-saxons qui, au cours des XVIIIe et XIXe siècle. L'idée étant qu'un vrai roi Arthur aurait vraiment existé au IVe ou Ve siècle lors du «dark-age», c'est-à-dire une période sans écrits à la fin de l'Empire Romain. La noirceur de ces âges permet ainsi de légitimer des histoires cachées par la nuit...

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Ce qui ne veut, bien sûr, pas dire que la Grande-Bretagne (et surtout le Pays de Galles) ne soit pas aussi un berceau très riche du mythe arthurien, tout simplement par la très forte résistance de la culture gauloise sur ce sol. La mise en scène géographique du mythe aussi en Grande-Bretagne est une évidence, mais pas uniquement là. Le mythe présent en Normandie-Maine n'est pas qu'un mythe importé ou adapté, mais tout aussi autochtone qu'il ne l'est en Grande-Bretagne, en Petite Bretagne, dans le Berry ou ailleurs.

• Troisième postulat : les Marches sur le territoire Normandie-Maine sont réellement des supports géographiques à une version locale du récit arthurien. Comme on a pu le voir plus haut, le territoire de Normandie-Maine se trouve en partie sur un espace qui est depuis plusieurs millénaires, une Marche. Les territoires «désertiques», que nous avons pu repérer, le sont depuis cette période (voire avant) et ont servi de support géographique à un récit de type récit arthurien, dans notre région. Il est évident qu'ailleurs, d'autres territoires flous ou marginaux aient eu la même fonction, l'intérêt est qu'ici, ils sont encore lisibles. Ces territoires flous et isolés devaient certainement avoir un rôle inquiétant et tabou à l'instar du Mont Olympe chez les grecs, de telle ou telle «forêt sacrée» dans des civilisations africaines ou du Mont Ararat dans le texte biblique (déluge)....

• Quatrième postulat : Christianisé, le mythe a survécu dans des régions où la culture gauloise et «païenne» a pu résister le plus longtemps. La conversion au christianisme n'a pas été partout un reniement d'une foi ancienne pour en embrasser une nouvelle. Dans de nombreuses régions (et parfois jusqu'à aujourd'hui), on s'est contenté de mettre un vernis chrétien sur un corpus païen (cf. sources sacrées attribuées à un saint, pierres levées transformées en calvaire...). Dans le cas de régions ayant eu du mal à entrer dans le monde chrétien du fait de leur éloignement ou de la structure de leur population, la présence de ces mythes, de ces lieux sacrés sont encore très lisibles. C'est particulièrement le cas dans les terres «désertiques» de Normandie-Maine. Selon Grégoire de Tours (539/594), la langue gauloise était encore parlée dans certaines régions reculées de la Gaule au VIe siècle, ce qui est confirmé par l'archéologie. Or, s'il est bien une région reculée, c'est bien notre zone des Marches armoricaines christianisée à cette époque.

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4-3- Trame du mythe arthurien

Il ne s'agit pas là, de déployer toute le foisonnement du mythe arthurien qui remplit des bibliothèques entières de rebondissements d'hypothèses et d'interprétations, mais de présenter un angle très étroit de la trame narrative dans ce qu'elle a de plus proche avec le territoire du parc Normandie-Maine. Le personnage central, qui est en jeu sur le territoire, est le personnage de Lancelot du Lac. Toute une partie de la légende autour de ce personnage peut prendre place dans les paysages. La trame du récit est celle d'une quête, il s'agit pour les différents personnages d'accéder à la pureté symbolisée par le graal. Les personnages sont en général des individus solitaires et écartelés entre leur statut de guerrier et leur statut de personnages immaculés. Cette présentation des personnages leur donnent des points communs avec les ermites, qui comme eux sont seuls, comme eux sont isolés, comme eux recherchent la pureté. Le récit se déroule dans un contexte de voyages et de déplacements, si les différents héros ont des «royaumes» de référence, ils sont sans cesse en mouvement. Le récit se déroule dans un contexte de nature sauvage, la ville y est quasiment absente, la forêt omniprésente. Le récit est souvent tragique, les héros meurent, les situations sont sans rachat, et font penser aux situation de la tragédie grecque : Lancelot le «meilleur chevalier du monde» est exclu définitivement de la quête du graal à cause de sa liaison avec Guenièvre... Thèmes récurrents : la Quête, le passage, la question de la pureté, l’opposition entre le bien et le mal, la loyauté, la solitude des héros…

4-4- Interprétation du mythe arthurien en Normandie-Maine

L'interprétation du mythe arthurien, au sein du parc, peut se faire sur plusieurs niveaux et sur plusieurs sites. Il semble important de le polariser dans le secteur du Passais et des différents déserts légendaires (grosso-modo à l'Ouest de Carrouges où les sites d'inspiration sont les plus nombreux).

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Le mythe arthurien peut s'analyser au travers de ses sites d'inspiration, sites magiques qui nous relient avec les croyances païennes avec le merveilleux d'origine lointaine, les fées, le monde panthéiste, les personnages mythiques… Ces sites doivent être les plus vierges possibles, aménagés dans un respect et dans la mise en scène de leur sauvagerie. L'interprétation ne peut se faire qu'au travers de la découverte d'une série de sites reliés entre eux par des sentiers sauvages (l'usage des modes virtuels de découverte est particulièrement à imaginer pour ce type de découverte).

Le mythe arthurien peut aussi être analysé au travers de son contexte médiéval, c'est-à-dire qu'au Moyen-Âge classique, des siècles après les «dark-ages» et la période antique, l'histoire continue à être dite et chantée. Elle irrigue tout l'imaginaire du Moyen-Âge qui puise une source d'inspiration à la frange extrême des références chrétiennes. Elle structure le code d'honneur de la chevalerie. Les héros arthuriens sont des modèles pour les chevaliers du Moyen-Âge qui voient en eux leurs ascendants pleins de noblesse et de pureté... Le mythe arthurien peut y être développé dans les innombrables représentations que le Moyen-Âge finissant a pu en offrir (de très nombreuses enluminures médiévales au XIVe ou au XVe siècle, représentent les différents épisodes du mythe arthurien). Tant et si bien que dans l'imaginaire actuel, les chevaliers de la table ronde ne sont pas des guerriers gaulois mais des chevaliers cuirassés du XIVe ou du XVe siècle, harnachés de heaumes ciselés et bardés d'armoiries ésotériques (les armoiries sont apparues au XIIIe siècle). Il pourrait être évoqué aussi dans ce contexte, les deux autres grandes sources mythologiques qui alimentent l'imaginaire médiéval : la chanson de Roland avec Charlemagne comme figure de proue, et les mythes gréco-latins qui surtout dans leur dimension épique (Iliade et Odyssée notamment) alimentent les récits de personnages mythologiques. Le rôle politique du mythe peut aussi être évoqué ce qui permet de développer la perception du Moyen-Âge local au travers de l'opposition Plantagenêts/Capétien. Quoi qu'il en soit, le mythe arthurien recèle de très nombreuses possibilités de médiation. Il s'agit d'un mythe qui connaît un écho très important auprès d'une clientèle jeune (série Kaalemot sur M6 et imaginaire lié au Moyen-Âge fantastique inspiré de Tolkien). La plupart des personnages de la légende arthurienne sont connus et souvent même identifiés de façon assez précise par une clientèle très jeune et passionnée. Il s'agit là d'un mode d'accès au territoire qui ne demande qu'à être exploité.

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4-5- Les sites d'inspiration

Les sites d'inspiration : château et site de Domfront (un peu la plaque tournante du mythe dans le secteur), Mortain, Bagnoles-de-l'Orne, Mont-Brulé (la Ferrière-aux-Etangs), chapelle et fontaine de l'Air Souvre (Saint-Mars-d'Egrenne), Forêt d'Andaines… L'interprétation autour du mythe suppose de raconter une vraie histoire qui fasse vivre les sites dans un contexte légendaire, donc que les sites soient liés entre-eux. La base de l'histoire et bien sûr à prendre dans les éléments narratifs tels qu'ils ont été transcrits dans les textes de Chrétien de Troyes. Comme dans les textes médiévaux, l'important n'est plus la véracité, mais leur aspect légendaire. Le fait d'inciter le public intéressé à se perdre entre les sites d'inspiration et d'ouvrir les portes du rêve. Le royaume de Ban de Bénoïc, le royaume de Gorre... ces espaces imaginaires doivent prendre une réalité géographique. La découverte des lieux doit se faire dans un esprit de quête et de signes cachés. Pour chaque site on peut proposer deux lectures : une lecture mythologique (ce que le site apporte comme lieu d'inspiration pour l'histoire) et une «lecture scientifique» qui explique ou tente d'expliquer la vision historique et le sens « rationnel » que l'on peut déduire : quel rôle du mythe ? Pourquoi un tel lieu ?

1) - Mortain : abbaye Blanche où Guenièvre aurait fini sa vie après la mort d'Arthur. Chrismale de Mortain pouvant être assimilé au Graal (fin de la quête pour les participants à une quête-enquête sur le mythe arthurien dans l'espace du Parc).

Lecture «scientifique : évocation de la christianisation des territoires de l'ouest de la France, rôle des ermites et notamment des ermites irlandais.

2) - La Fosse-Arthour : évocation d'Arthur et de sa fin de vie avec Guenièvre de chaque côté de la rivière. Le lit des amants se trouvant au milieu du cours d'eau.

Lecture «scientifique : réinterprétation d'une toponymie peut-être beaucoup plus banale (la Fosse à Retour ?). Comment vit et se créer un mythe

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3) - Abbaye de Lonlay: ancien ermitage devenu abbaye, lieu frontalier et forestier. Abbaye évoquée dans le Lancelot en prose comme un lieu isolé au fond des bois et où passent Ban de Benoïc et Bohort de Gannes

Lecture «scientifique : rôle des abbayes dans les défrichement du Moyen-âge, rôle des abbayes dans la conservation et la fixation de l'écrit (y compris pour des oeuvres profanes). Abbaye située tout au nord du Passais qu'elle contribue à défricher.

4) - Fontaine d'Air-Souvre : la «vraie» fontaine de Barenton, décrite par Chrétien de Troyes.

Lecture «scientifique : Les fontaines sacrées, permanence des cultes pré-chrétiens dans la religion catholique. On peut penser que les rituels restent les mêmes dans un lieu qui change juste de nom. Valeur symbolique forte des lieux liés à l'eau.

5) - Passage du Pont à l'épée (derrière le château de Domfront) frontière entre le royaume de Ban et le royaume de Gorre. histoire de Lancelot.

Lecture «scientifique : passage du chemin antique d'est en ouest qui suivait la ligne de crête greseuse. Centre du Passais, pays historiquement «vide» qui était marqué par la crainte d'un espace sauvage où tous les croisements et franchissements devaient être des lieux marqués par des légendes.

6) - Le Pont-sous-l'eau au niveau de Notre-Dame-sur-l'Eau, passage entre le royaume de Ban et le royaume de Gorre. Histoire de Lancelot

Lecture «scientifique : Idem Pont à l'épée. Possibilité d'«utiliser» l'église qui marque le besoin de christianiser ce passage physique et symbolique

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7) - Le Gué de Loré : passage entre le royaume de Ban et de Gorre (?), Gué périlleux?

Lecture «scientifique : passage de la voie romaine nord/sud. Notion de gué et de passage. Entrée progressive dans le «désert» du Passais.

8) - Lassay-les-Chateaux : château de la Joyeuse Garde où Lancelot achève sa vie comme moine. «tombeau» de Lancelot dans l'église Saint-Fraimbault.

Lecture «scientifique : Traduction du double Lancelot/Fraimbault et mise en parallèle avec d'autre ermites du Passais comme personnages du mythe arthuriens. Interprétation du rôle du mythe dans la société médiévale. La lecture du site s'entend bien sur le site élargi «Bois-Thibeaux/Saint-Fraimbault»

9) - Le Mont-Brulé et la Ferrière-aux-Étangs où Ban de Bénoïc (père de Lancelot) meurt tué par Claudas de la Déserte. Site où Lancelot a été enlevé par la Dame du Lac.

Lecture «scientifique : mise en perspective des croyances liées à l'eau (Ferrière-aux-Étangs, dame du lac...)

10) - Roc au Chien à Bagnoles-de-l'Orne : lieu du combat entre Arthur et le dragon (début de l'itinéraire proposé).

Lecture «scientifique : Rapport Arthur/Ortaire.

11) - Château de Corbénic où était caché le graal (hameau de Corbenus).

Lecture «scientifique : toponymie et construction mythologique (comment on peut faire dire beaucoup de choses aux noms de lieux)

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12) - «Tombeau» du roi de Gorre, Baudemagu à Saint-Bômer-des-Forges.

Lecture «scientifique : rapport entre Bômer l'ermite et Baudemagu roi de Gorre. Décryptage archéologique du tombeau.

13) - La forêt d'Andaines est aussi le repère des fées : la Gionne, la fée d'Andaines, à proximité, on trouve aussi la grotte aux fées à la Sauvagère, la fée d'Argouges à Rânes...

Lecture «scientifique : les Fées et les forêts, après les divinités de l'eau ou de l'air, les habitants des bois et leur rôle dans la mythologie.

La liste n'est pas exhaustive, et les sites peuvent faire l'objet de controverses (c'est même tout l'intérêt de la question). On peut aussi imaginer de rechercher toute une série d'autres sites mentionnés dans les romans de Chrétien de Troyes et de les intégrer dans la quête proposée aux visiteurs initiés : la Gaste-Forêt (où a vécu Perceval enfant), le Val-Sans-Retour, le Château de la Pire-Aventure, le royaume du roi Pellès....

La découverte de cette géographie imaginaire ne peut se faire à l'aide de supports classiques, elle doit privilégier des supports virtuels (type flash-codes) ou des supports-papiers indépendants. Elle suppose aussi une accessibilité par des moyens doux. Enfin un certain nombre de sites doivent pouvoir être aménagés pour y permettre de révéler leur «potentiel d'inspiration» : «tombeau» de Baudemagu, fontaine d'Air-Souvre...

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5 - Interprétation du concept «Monts et Marches», le long des chemins de Saint Michel

Les chemins de Saint-Michel présentent la particularité de traverser le parc Normandie-Maine de part en part, d'est en ouest. Cet itinéraire peut être un exemple de la déclinaison du concept de Marches dans un aménagement touristique. L'idée développée ici, serait de faire sentir au randonneur (pèlerin) qu'il progresse sur un itinéraire marqué par des limites qu'il franchit. Cette progression peut, bien sur, prendre la forme d'une quête qui donnera du sens et de la valeur à sa progression. L’intérêt de ce balisage est qu'il peut connaître une récurrence sur des étapes relativement courtes (tous les 2 ou 3 kilomètres). Ce balisage peut aussi inciter le petit promeneur, présent sur une courte partie de l'itinéraire, à découvrir et franchir d'autres limites et donc d'accomplir des tronçons plus longs et de revenir. La balise frontalière peut n'offrir que l'information du passage, elle peut aussi décliner des informations sur le nouveau territoire rencontré.

Exemples de balises frontalières rencontrées :

Allières-Beauvoir : Vous entrez dans le parc Normandie-Maine.

Allières-Beauvoir : Vous entrez dans la Forêt de Perseigne.

La Fresnaye-sur-Chédouet : Vous entrez de nouveau dans les terrains calcaires du Bassin Parisien.

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Alençon : Vous entrez en Normandie (on peut décliner aussi les autres limites qui sont induites par cette entrée dans la Province: département, Généralité, Évêché, cité Gallo-Romaine...).

Colombiers : Vous entrez dans le Parc Normandie-Maine.

Colombiers : Vous entrez dans le Massif Armoricain.

Saint-Nicolas-des-Bois : Vous entrez dans la Forêt d'Ecouves.

Saint-Didier-sous-Ecouves : vous entrez dans le territoire des Diablintes.

Saint-Martin-des-Landes : Vous entrez dans le territoire des Sagiens.

Saint-Nicolas-des-Bois : Vous abordez le grès Armoricain.

Chahains : Vous traversez la ligne de partage des eaux entre la Manche et la Loire.

Carrouges : Centre du Parc. Objet-phare indiquant une multitude de limites.

Lignières-Orgères : Vous entrez de nouveau dans le territoire des Diablintes, sur l'ancien diocèse du Mans, dans l'ancienne province du Maine, dans l'ancienne Généralité de Tours, dans le département de la Mayenne, dans la région Pays de la Loire … mais vous restez dans le Parc Normandie-Maine.

Saint-Patrice-du-Desert : entrez-vous dans le territoire de la Terre Déserte, royaume du terrible Claudas de la Terre-Deserte.

Parc Normandie-Maine, étude CPIE Vallée de l'Orne. "Frontières" 2012 – - 67 -

Saint-Patrice-du-Desert : Vous entrez dans la Forêt des Andaines, territoire des fées.

Saint-Ouen-le-Brisoult : vous entrez dans le duché de Normandie, sur des terres conquises par Guillaume le Bâtard en 1049.

Saint-Ouent-le-Brisoult : vous entrez dans le Passais, terre des légendes, du passage et des «Grandes Merveilles».

Antoigny : Vous suivez la frontière entre le granite et le grès armoricain.

Bagnoles-de-l'Orne : Vous traversez la Vée qui a, elle, traversé le grès armoricain.

Bagnoles-de-l'Orne : Vous entrez sur le territoire du dragon qui a été pétrifié par Ortaire ou battu par Arthur?

Perrou : vous sortez de la forêt des Andaines.

Domfront : Vous arrivez sur les traces de Saint Front. Ermite dans la Silve Drue.

Domfront : Vous traversez la Varenne, attention, de l'autre côté de la rivière commence le pays de Gorre dont on ne revient jamais.

Lonlay : vous entrez sur le territoire des moines de Lonlay.

Lonlay : Vous entrez sur le territoire des Abrincates.

Saint-Georges-du-Rouelley : Vous entrez dans le territoire de l'évêque d'Avranches, dans l'ancienne Généralité de Caen, dans le département de la Manche.

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Barenton : vous abordez le grès armoricain. Et la forêt de la Lande-Pourrie.

Ger : vous sortez du Parc Normandie-Maine.

Évidemment ces balises peuvent être aussi de simples plots de balisage du GR et servir de base à une découverte virtuelle sur support mobile. L'idée est bien sûr de leur donner une connotation frontalière. Sur chaque balise ou borne, une lecture est possible dans les deux sens (est/ouest et ouest/est). Chaque franchissement peut être l'occasion d'une information plus riche, donnée soit par un système type flash-code, soit par un panneau classique. Sur certaines «frontières» importantes (partage des eaux, Normandie...) une mise en scène paysagère est à imaginer. Toutes ces limites sont à organiser en fonction des trois types identifiés : frontières naturelles, frontières historiques, frontières imaginaires

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6 - LES 26 SITES

6-1- Bagnoles-de-l'Orne et la Cluse de la Vée

Géologie : grès armoricain

« Les limites du rêve, les frontières du réel »

« Limites naturelles et frontières intangibles »

Bagnoles-de-l'Orne est un des sites les plus célèbres qui illustre le diptyque : grès armoricain/cluse. Cette formation géologique sert de support à la forêt des Andaines. Là, comme ailleurs ce fait géologique doit être évoqué avec ses conséquences sur le relief. Sinon le site de Bagnoles et surtout ceux du Roc-au-Chien et de la chapelle Saint-Ortaire pourraient être les points de départ de la «quête», c’est-à-dire, ce parcours «secret » qui permet aux visiteurs de vivre l'expérience arthurienne dans des lieux d'inspiration de la légende. Ce parcours s'effectuerait à l'aide d'indices à retrouver, de traces à décrypter. Il permettrait de relier une série de sites jusqu'à la découverte du Saint-Graal. Au travers de cet itinéraire serait proposée une version de l'histoire de Lancelot du Lac. Les différentes péripéties des héros arthuriens seraient évoquées dans des « sites d'inspiration ». La base d'information et de découverte ferait appel à des technologies contemporaines (type flash-code ou réalité augmentée). La quête pourrait s'effectuer en voiture, à pied ou à cheval et nécessiterait plusieurs jours de recherche. Le site de Bagnoles-de-l'Orne serait le site d'entrée, on y évoquerait le glissement possible entre Ortaire (l'ermite) et Arthur (le personnage légendaire) et son combat contre le dragon dont les traces sont encore visibles dans le grès armoricain du Roc-au-Chien.

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Après le visiteur-initié aurait le choix entre les terres maudites de Claudas de la Déserte, le territoire des fées dans la forêt des Andaines... le but est de rendre du merveilleux et du mystérieux dans des territoires qui ont servi de bases à des légendes et des mythes.

Il existe une thématique qu’il est impossible à éviter sur Bagnoles-de-l'Orne, celle du thermalisme... cette thématique a assez peu de liens avec les trois grands axes de découverte. Sans vouloir éluder le côté patrimonial (architectural essentiellement), on pourrait aussi évoquer ce qu'est justement une eau minérale et thermale et en quoi celle de Bagnoles est originale (rapport à la géologie notamment).

6-2- Mortain et la cascade

Géologie : grès armoricain

« Marches et frontières historiques »

« Les limites du rêve, les frontières du réel »

« Limites naturelles et frontières intangibles »

Mortain porte les marques typiques du relief lié aux grès armoricains. Cette formation est à mettre aussi en valeur et en écho à la multitude sites équivalents sur le territoire du Parc. Le site naturel de Mortain étant certainement la «cerise sur le gâteau» des autres sites frères (cluse de Goult, de Bagnoles, de la Fosse-Arthour...) avec la présence ici, de la cascade. Le site de Mortain est aussi un site stratégique, un verrou plus orienté sur la protection de la frontière avec la Bretagne qu'avec le Maine.

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Les places fortes de cette frontière étaient Mortain, Le Teilleuil, Saint-Hilaire-du-Harcouët, Les Biards... Au sud de Saint Hilaire (donc en dehors du Parc) on trouve une localité : Les Loges-Marchis, dont le nom signifie bien sa vocation frontalière. La place de Mortain était jugée comme très importante à la période ducale, Guillaume Longue-Épée y fit construire une forteresse. Après la bataille de Val-es-Dunes, Guillaume-le-Batard y implante un homme de confiance dans la personne de Robert, son demi-frère. Mortain sera l'occasion de quatre sièges pendant la guerre de Cent Ans et le site stratégique retrouvera (hélas) toute sa pertinence en 1944. L'interprétation du site de Mortain pourrait être de montrer la permanence de ce côté verrou défensif au cours des âges et donc de le relier avec l'histoire récente qui est assez peu évoquée dans les territoires du Parc. Par ce biais, on pourrait aussi aborder la problématique et les caractéristiques de la Reconstruction dans une ville particulièrement marquée par ce fait historique majeur.

Enfin le site de Mortain a un intérêt particulier, dans une proposition de «circuit du Graal », liant les différents sites arthuriens. Le Saint-Graal pourrait être symbolisé par l'énigmatique chrismale de la collégiale Saint Evroult. Le chrismale de Mortain daterait du VIIe siècle, une période qui nous rapproche du dark-age du roi Arthur... Le chrismale de Mortain est un objet rarissime et d'origine celtique (Irlande). Son usage et sa datation le place en relation avec des ermites évangélisateurs du haut Moyen-Âge. Sur le site de Mortain se trouve aussi l'Abbaye-Blanche où Guenièvre aurait fini ses jours et expié ses péchés. En clair Mortain se trouve être un aboutissement tout trouvé pour l’achèvement de la quête.

En terme d’interprétation, la médiation peut se faire par des moyens classiques pour le côté historique et stratégique ainsi que sur le côté naturel et géologique. En revanche, la quête arthurienne s'adressant à un public plus initié (dans tous les sens du terme), ce sont des moyens

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virtuels qui sont mis en œuvre (flash-code, réalité augmentée...). 6-3- Alençon, : la cité ducale

« Marches et frontières historiques » Alençon est depuis l'Antiquité un lieu frontalier. Le site du pont sur la Sarthe (même s'il ne correspond plus aujourd'hui à la limite administrative) est à mettre en scène comme une ancienne frontière majeure (un peu comme à Saint-Ceneri-le-Gerei). Le faubourg de Montsort, de l'autre côté de la Sarthe sera intégré dans le duché de Normandie dès le XIe. Il restera néanmoins sous l'autorité de l'évêque du Mans jusqu'en 1801. Les limites du duché sont ici très précises, d'innombrables procès (liés aux différences de fiscalité entre la Normandie et le Maine), tout au long de l'Ancien-Régime, vont préciser un bornage presque métrique entre les habitations du faubourg. Des plans en élévation (représentant certains monuments et hameaux) existent démontrant le «casse-tête » de cette limite litigieuse (la plus vieille représentation date de 1667: plan de Montsort, conservé à la Bibliothèque Nationale). La querelle frontalière connaîtra un dernier développement lors de la Révolution, les représentants Ornais souhaitant un agrandissement du territoire départemental très profondément dans le territoire sarthois. L'autre site est bien évidemment le château, qui marque la qualité militaire du lieu. On pourra donc rappeler qu'Alençon était au cœur des Marches militaires du duché de Normandie, de la première ligne de défense du territoire ducal (à l'époque du duché de Normandie).

Trois niveaux d'histoire sont à mettre en perspective : - Le poste frontière du duché de Normandie et les péripéties liées à la seigneurie de Bellême. - Le rôle de la forteresse dans la guerre de Cent Ans. - Le siège du duché d'Alençon qui est apparu au XIIIe siècle, alors que le duché de Normandie était intégré dans le domaine royal, donc de rappeler que si Alençon est une cité ducale, elle n'est pas une capitale du duché de Normandie (confusion souvent faite).

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6-4- Le site Saint-Ceneri : Une frontière depuis plus de 2000 ans

Géologie : granite

« Marches et frontières historiques »

Saint-Ceneri est un peu le site phare des croisements frontaliers du territoire du Parc Normandie-Maine. Si on remonte dans la chronologie, il semble que le lieu soit au croisement de la triple frontière entre les Diablintes au sud- ouest, les Cenomans au sud et des Sagii (ou Essuviens) au nord. Ces trois tribus gauloises dépendant d'un centre qui se développera à la période gallo-romaine, les Cenomans dépendant du Mans (Vindinum), les Diablintes de Jublains (Noviodunum) les Sagii de Sées. À la fin de l'empire romain, les divisions administratives de la Gaule verront la limite entre la 2ème Lyonnaise (dépendant de Rouen) et la première Lyonnaise passer par ici (réforme administrative de Dioclécien). Cette partie sud dépendra ultérieurement de la IIIème Lyonnaise (centre Tours) Durant le haut Moyen-Âge, ce sera la limite entre l’évêché de Sées (dépendant de l'Archevêché de Rouen) et de l'Archevêché de Tours. Il y aura ensuite la frontière entre le duché de Normandie et le comté du Maine au cours de la période ducale, puis une simple limite provinciale, une limite dans les taxes de la Grande Gabelle, une limite entre les généralités d'Alençon au nord et de Tours au sud. Les limites entre les départements de l'Orne de la Sarthe et de la Mayenne. Et enfin, la limite entre les régions de Basse-Normandie et des Pays de la Loire. Le site du pont, très symbolique dans son franchissement est à mettre en scène de façon très particulière. L'autre valeur du site, en rapport avec sa situation frontalière, est la présence de l'ermitage de saint Ceneri, le site est donc historiquement un «désert» érémitique. Le saint s'est en plus installé le long d'une rivière frontalière. La légende de Saint Ceneri, traduit d'ailleurs le passage de la frontière : Saint Ceneri aurait «écarté» les eaux de la Sarthe pour pouvoir passer sur la rive nord (un peu comme Moïse, écartant, les eaux de la mer Rouge). Son culte populaire se trouve aussi à la frontière des croyances païennes et chrétiennes (culte de la fertilité, christianisation évidente d'une pierre sacrée...).

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6-5- Le belvédère de Perseigne (Villaine-la-Carelle) une «île armoricaine»

Géologie : grès armoricain

« Limites naturelles et frontières intangibles »

Ce sont les frontières géologiques et paysagères qui sont à mettre en scène sur ce «Mont». Le secteur de Perseigne où est inscrite la forêt est une fenêtre armoricaine. Cette «tache» de massif ancien est à mettre en évidence de façon simple dans le contexte sédimentaire environnant. Le matériau «grès armoricain» qui est à l'origine de la protubérance doit être identifié (sachant qu'on le retrouvera sur quantité d'autres sites du Parc).

En signifier sa présence et ses limites in-situ peut être faisable. La limite et les différences entre les paysages armoricains et sédimentaires sont à développer (on peut notamment se baser sur les différences architecturales et d'habitat groupé et dispersé).

Le couloir climatique : à proximité de Perseigne, on domine le couloir climatique emprunté par les espèces végétales et animales. Ce couloir est le vaste ensemble de plaines sédimentaires qui remontent vers le nord (Perche, plaines d'Alençon, d'Argentan, de Caen..) qui à déjà été identifié* comme un des axes majeurs de remontées des espèces méridionales en Normandie. Il peut être illustré et interprété in-situ. On pourra prendre l'exemple d'une ou plusieurs espèces ayant emprunté ce couloir (Mante Religieuse par exemple). *cf études menées par Serge Lesur de l 'AFFO

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6-6- L'abbaye de Lonlay et les landes du Tertre

Géologie : granite

« Les limites du rêve, les frontières du réel » «Marches et frontières historiques»

L'abbaye de Lonlay a été créée par Guillaume de Bellême. Par rapport à son territoire, l'abbaye était située aux confins extrêmes de sa zone d'influence. Le site de l'abbaye de Lonlay est aussi à proximité d'une frontière très ancienne (l'Egrenne, la rivière qui passe dans le vallon signifie "la frontière des eaux" en langue gauloise). À l'ouest commence le territoire des Abrincates puis plus tard de l'évêché d'Avranches, puis les limites entre le département de la Manche. L'abbaye de Lonlay est donc située sur le territoire du Passais qui deviendra normand au milieu du XIe siècle. Dans les romans arthuriens, il est souvent fait référence aux monastères et aux moines. L'abbaye de Lonlay en plein «désert» du Passais est un lieu d'inspiration typique qui peut être relié au mythe. L'abbaye est donc liée au passage, à la frontière, à la Silve-Drue... un lieu arthurien plein de ressources.

6-7- Sillé-le-Guillaume, forêt et cité médiévale

« Marches et frontières historiques »

Sillé-le-Guillaume est un site fortifié qui peut être présenté dans son contexte de défense du territoire du Maine. Situé à l’extrémité sud du parc, il pourrait être le lieu où l'identité mancelle serait à décliner de façon la plus développée. Contrairement à la plupart des sites du Parc, on est ici dans un espace qui est bien défini, d'une certaine façon on est plus

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dans les Marches. En revanche, Sillé-le-Guillaume se trouve à la frontière entre les Cénomans et les Diablintes. Le bourg serait déjà dans le territoire des Cénomans (dépendant donc du Mans). Il serait intéressant de relier le site avec d'autres sites de la Mayenne ayant des affinités thématiques : Jublains, Javrons-les-Chapelles... Pour la période antique; Sainte Suzanne, Ambrières-les-Vallées, Fresnay-sur-Sarthe pour la période médiévale.

6-8- Fresnay-sur-Sarthe. Château et coteau des vignes

« Marches et frontières historiques »

Le site a de nombreuses similitudes avec Sillé-le-Guillaume au niveau historique. Les éléments de patrimoine qui subsistent sur place sont en grande partie liés à la guerre de Cent-Ans et au duché d'Alençon. Le site a joué un rôle de défense du Maine contre les Normands et n'a pas été pris par Guillaume-le-Batard. Il s'agit comme pour Sillé-le-Guillaume ou Ambrières-les-Vallées d'un site stratégique facile à interpréter en rapport avec cette caractéristique. L'aspect «petite cité de caractère », suppose évidemment de traiter des thématiques plus élargies que celles de «Monts et Marches». Cela étant, sa situation et son histoire le font rentrer dans ce concept.

- 6-9- Domfront et la cluse de la Varenne

Géologie : grès armoricain

« Les limites du rêve, les frontières du réel » « Marches et frontières historiques » Domfront est un peu la capitale identitaire du parc Normandie-Maine.

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On y trouve tous les éléments qui caractérisent cet espace : La situation géologique et géomorphologique (cluse), l'histoire mouvementée entre Maine et Normandie, les deux aspects de la légende arthurienne (à la fois lieu d'inspiration et site féodal où le texte était transmis et mis en scène). Le château de Domfront est aussi successivement, un site créé par la famille de Bellême, un château ducal (le seul vrai château-frontière encore visible dans son environnement originel), un site lié à l'«empire » Plantagenêt et à Chrétien de Troyes. Enfin ce château, comme de nombreux autres dans le Parc, a été marqué par les épisodes liés à la guerre de Cent- Ans. Le site de Domfront en tant que site stratégique majeur en étant un des lieux les plus emblématiques. Dans le cas d'une exploitation touristique originale du mythe arthurien, le site de Domfront est à l'évidence le centre névralgique de la «quête». De Domfront on peut passer dans le royaume de Gorre, «le pays dont on ne revient jamais», en empruntant le gué périlleux ou le pont-sous-l'eau (Notre Dame-sur-l'Eau).

6-10- Cluse de la Cance et prieuré de Goult

Géologie : grès armoricain

« Limites naturelles et frontières intangibles »

Un « désert » sur un « Mont » constitué de grès armoricain, on se trouve bien sur un site portant des éléments identitaires du Parc Normandie-Maine. L'interprétation sur le site pourrait être l'occasion d'évoquer le côté mystérieux des lieux. En effet si l'histoire du prieuré est connue : il s'agit là d'un vestige d'un ensemble religieux plus important dépendant de l'abbaye de Lonlay. En revanche, on connaît très mal, l'origine et la vocation du camp dit camp romain. Il semblerait que ce camp serait de l'âge du bronze, occupé par des populations qui n'ont pas laissé de traces écrites et dont nous ne connaissons pas la nature... peut- être que dans cette période pré-celtique, le lieu avait une vocation de protection frontalière … une Marche avant l'heure.

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Là, comme sur les autres sites similaires, on peut bien sûr rappeler la nature de la «roche fétiche», et la formation géomorphologique vedette : la cluse. On pourra y rappeler les sites similaires (Bagnoles, Fosse-Arthour...).

6-11- Chapelle de Montaigu (Hambers)

Site en dehors de la zone parc, il est dommage de communiquer sur un site qui est déconnecté de la réalité de cet espace qui a déjà du mal à se forger une identité dans ses limites.

6-12- Saint-Léonard-des-Bois et les Alpes Mancelles : le pôle géologique

Géologie : grès armoricain et une multitude d'autres formations

« Limites naturelles et frontières intangibles »

Le site de Saint-Léonard-des-Bois est LE site géologique du parc.

Ce site possède l’intérêt d'être un site paysager de qualité. L'action de la Sarthe dans un contexte géologique offrant autant de diversité a dégagé des reliefs, des perspectives et des points de vue tout à fait remarquables. Un peu comme Saint-Ceneri peut être le site référent pour les frontières, Saint-Léonard-des-Bois peut être le site référent pour les « Mont ». Pour être schématique, un site « culture », l'autre « nature ». L’interprétation peut aussi se déployer sur la notion de frontières naturelles franchies. On peut tout à fait imaginer le sentier géologique du Parc, la référence en matière de découverte sur le monde des roches.

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Le sentier se propose d'aborder les différentes formations en fonction de leur apparition sur le chemin. «Vous entrez sur les ignimbrites », « vous quittez les granites »... telles sont les indications qui sont proposées. À chaque franchissement de limite, le promeneur est confronté au matériau nouveau, une carte d'identité en est proposée, ce qui permet plusieurs niveaux de lecture (chose indispensable dans une discipline aussi opaque, pour le grand public, que la géologie).

Ce type de progression et de découverte évite aussi de faire trop appel à la carte géologique qui est aussi un document souvent très peu compréhensible pour le grand public. La présence du grès armoricain (formation phare et identitaire sur le Parc) permet aussi de placer Saint-Léonard-des-Bois comme un lieu d'interprétation majeur sur ce que peut signifier ce matériau dans le paysage : la trace de l'orogenèse par le pendage de la couche, la perception dans le paysage suite à l'érosion différentielle, la surimposition de Sarthe créant un système complexe de cluse, l'altération récente engendrant les pierriers, et enfin les conséquences écologiques de cette formation créant un paysage aride. En bref, le site de Saint Léonard-des-Bois peut devenir le centre d'interprétation à ciel ouvert de la géologie dans le Parc Normandie-Maine.

6-13- La Roche-Mabile

Géologie : grès armoricain

« Marches et frontières historiques »

La Roche-Mabile se trouve sur un territoire qui a changé d'autorité au cours de son histoire.

À la limite du Duché avant Guillaume-le-Conquérant, il devient pleinement normand en même temps que le Passais (les changements entre frontières doivent être précisées de façon fine dans l'hypothèse d'une interprétation du site).

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Ce qui peut être raconté de façon amusante et intéressante seraient les péripéties de la famille de Bellême avec les autres familles nobles (les Giroie, notamment). La figure de la terrible Mabille de Bellême est à évoquer ici, dans le contexte très rude des rapports seigneuriaux de ce Moyen-Âge encore très « barbare » (vengeance entre familles nobles qui ont abouti à la décapitation de la «terrible» Mabille). La présence de la motte féodale peut-être un bon support pour évoquer ce passer et surtout « raconter une histoire ». La Roche-Mabile pourrait être le site phare pour évoquer les développements autour de la Seigneurie de Bellême en tant que Marche, qu'état-tampon entre le Maine, la Normandie et le royaume de France.

La Roche-Mabile et Saint-Ceneri-le-Gerei (Giroie) portent tous les deux dans leurs noms, l'évocation des deux familles ennemies du secteur. Si les Giroie vont être obligés, après le massacre d'une partie de leur famille de lâcher ces deux places fortes aux Bellême (devenus Montgommery), Mabille connaîtra leur terrible vengeance.

* Cf. : « la Seigneurie de Bellême », Gerard Louise- le Pays-Bas Normand.

6-14-Tour de Bonvouloir (Juvigny-sous-Andaine)

Géologie : granite

« Marches et frontières historiques »

Le contexte territorial de la tour de Bonvouloir la place, à proximité d'un certain nombre de limites : limites du territoire agricole et de la forêt, limite entre les formations granitiques (sous-jacentes), de grès armoricain au nord et de schiste au sud.

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Enfin limites entre le Maine et la Normandie (la frontière passait à quelques centaines de mètres jusqu'au XVIIIe siècle)Cela étant, rien ne permet de dire que le château présent sur le site (et surtout les châteaux antérieurs s'il y en a eu) a eu un quelconque rôle par rapport à la frontière. La construction date de la fin du XVe siècle, à une période où cette frontière n'est plus qu'une limite administrative sans enjeux territoriaux. Sinon l'aspect curieux du site et sa proximité avec la forêt d'Andaine peut laisser la place à des évocations des fées qui sont assez nombreuses dans le secteur, le tombeau de la Gionne n'est qu'à quelques petits kilomètres.

6-15- Corniche de Pail (Villepail) : «suivons la barre de grès»

Géologie : grès armoricain

« Limites naturelles et frontières intangibles »

La Corniche de Pail est l'expression même des reliefs engendrés par la formation géologique phare du Parc Normandie- Maine. Ce site dans son développement peut tout à fait devenir le lieu d'interprétation en relation avec cette formation géologique et ses conséquences naturalistes, agronomiques et floristiques. Sur ce sol fin, acide, et sec, que trouve-t-on ?

Le côté « route des crêtes », doit être interprété au travers de cette formation, il est possible également de mettre en perspective ce site avec les autres sites marqués par le grès armoricain sur l'ensemble du parc. Les modes de gestion de ce type de milieux peuvent aussi être mis en scène ( «la nature sauvage, ça se gère »).

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6-16- Sées «la capitale»

« Marches et frontières historiques »

Sées est l'ancienne capitale des Sagiens, cette petite cité est une ancienne capitale Gallo-Romaine. Contrairement à Vieux et à Jublains, elle n'a pas périclité à la fin de l'Empire Romain. Tout au long du Moyen-Âge, cette cité va organiser un territoire important. Dans le cadre du duché de Normandie, la cité de Sées sera à la limite de la Marche militaire qui se déploie plus au sud. Le propos développé pour l'interprétation du site pourrait être de mettre en perspective le fait que la cité épiscopale est l'héritière de la cité gallo-romaine, donc en quelque sorte une «capitale». Ce rôle a survécu au cours des siècles au travers du diocèse. Comme il est précisé, plus haut, dans la partie concernant le duché d'Alençon, Sées a été la frontière entre le domaine royal (autour de la cathédrale) et le duché d'Alençon (c'est l'Orne qui faisait la limite). La ville de Sées est très liée à l'histoire des seigneurs de Bellême (motte, création du monastère Saint-Martin...). Elle présente, dans son urbanisme actuel, la trace des différents bourgs qui la constituait au Moyen-Âge. L'interprétation pourrait mettre en évidence les traces urbaines qui permettent de raconter l'histoire de la ville («capitale»gallo-romaine, haut-lieu de la famille de Bellême, seigneurs des Marches de Normandie, cité enclose lors de la guerre de Cent ans, frontière du Duché d'Alençon...).

6-17- Carrouges (multisite)

« Marches et frontières historiques »

Le site de Carrouges est le centre du Parc, en ce sens c'est la «capitale» des Marches contemporaines. Ce site est donc celui, où une synthèse du concept «Mont et Marches» doit être présenté. L'interprétation peut prendre un aspect ici plus muséal, même si l'exposition présentant l'identité du territoire est relativement légère, elle semble nécessaire. Il est important que, quelque part, une synthèse puisse être proposée au public.

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Sur le site de Carrouges (centre des Marches contemporaines), une médiation pourrait aussi être proposée à l’extérieur. Celle-ci ne ferait pas appel à la notion de «borne frontière» comme sur les autres sites du Parc, mais à notion de panneaux directionnels. Sur ces panneaux, on pourrait inscrire un kilométrage rappelant les limites de toutes natures qui se trouvent dans le parc : à x kilomètres se trouvent les limites de la Province du Maine, à x kilomètres, les limites du massif granitique, à x kilomètres tel ou tel château frontière … Cette signalisation pourrait être un « objet-phare » situé sur un croisement stratégique de chemins et prendre la forme d'un totem foisonnant incitant à la quête et à la découverte.

6-18- Bois-Thibeaux (Lassay-les-Châteaux)

Géologie : granite

« Les limites du rêve, les frontières du réel »

« Marches et frontières historiques »

Le château de Bois-Thibeaux, comme les autres châteaux de Lassay sont des châteaux de la fin du Moyen-Âge et du début de la Renaissance. Même si l'emplacement du château est lié initialement à une situation frontalière, son existence et sa structure viennent de la guerre de Cent-Ans. En effet, le château est reconstruit après la guerre de Cent-Ans par Jean III du Bellay (de la famille du poète), il n'a donc dans sa fonction de l'époque aucun rapport avec une situation frontalière. En revanche on peut tout à fait imaginer de mettre en scène ou d'évoquer le mythe arthurien à cet endroit. En effet, les principales représentations des légendes arthuriennes datent de la fin du Moyen-Âge, il serait donc possible d'aborder ce thème au travers de sa transmission dans les châteaux à la fin de la période médiévale. La très riche iconographie liée aux enluminures est un biais très aisé pour transmettre la narration de l'histoire de Lancelot du lac (en s'inspirant du «chevalier à la Charette » ou du « Lancelot en prose»).

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L'idée qui transparaît dans la transmission des thèmes arthuriens, c'est que les hommes de ce Moyen-âge finissant, idéalisent un monde «pur» des anciens, restés plus proches de la nature, plus « purs » dans leurs sentiments, d'un monde où les choses sont encore en harmonie et sans la perversion du confort et du monde urbain qui apparaît déjà... L’intérêt du site (élargi au site de Saint Fraimbault de Lassay) est qu'on pourrait y évoquer aussi la quête, c’est-à-dire l'autre versant de l'interprétation autour du mythe. En effet Saint Fraimbault est le «jumeau» de Lancelot, et son tombeau supposé se trouve dans l'église. La médiation autour de la légende arthurienne devait donc se faire de deux manières sur le site. L'évocation du mythe en tant que mythe structurant de la société médievale apparaîtrait sur des supports classiques et visibles de tous. L'évocation du mythe dans sa dimension « quête » serait sur des supports visuels ou mobiles (brochure à énigmes ou flash-code).

6-19- Mont des Avaloirs (Pré-en-Pail) : «Notre Himalaya à nous»

Géologie : grès armoricain

« Limites naturelles et frontières intangibles »

À mettre en perspective avec les autres Monts de grès du Parc, la mini «Chaîne des Puys» du secteur : Butte-Chaumont, Signal d’Écouves, Mont des Avaloirs, forêt de Mutonne... Le côté assez modeste du mont (en comparaison avec des sommets alpins), peut être l'occasion d'une présentation assez humoristique sur la vision himalayenne très exagérée du titre. Cela étant, le Mont des Avaloirs est tout de même le point culminant de tout le Massif Armoricain, de l'Ouest et du Nord de la France. L'interprétation pourrait être d'évoquer à ce point précis la notion d’orogenèse (création de montagne). On pourrait démontrer que le relief actuel n'était pas, lors de l'orogenèse varisque, un point haut, mais plutôt un point bas. Le mont des Avaloirs, peut aussi être présenté comme une gigantesque borne frontière, car même si le mont est dans le Maine, il en marque la fin.

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6-20- Fosse Arthour (Saint-Georges-du-Rouelley) :

Géologie : grès armoricain

« Les limites du rêve, les frontières du réel »

Le site de la Fosse-Arthour est un peu le site phare de la légende arthurienne dans le Parc. Ce site apparemment très marqué par la légende n'est peut-être qu'une création récente, une interprétation toponymique un peu rapide. Quoi qu'il en soit il est devenu un site d'inspiration (on peut rapprocher son histoire des sites de la forêt de Brocéliande en Bretagne, où les « tombeaux de Merlin », changent au cours du temps). Le site doit être marqué, comme les autres sites arthuriens par la double lecture : d'abord une lecture scientifique du site apparaissant sur des supports visibles et classiques. Ensuite une lecture légendaire transcrite de façon mobile ou numérique pour la quête-enquête. Comme pour les autres sites du même type, le rappel de la formation géomorphologique (la cluse) et le matériau (le grès armoricain sont à mettre en scène avec des références aux autres sites équivalents). On pourra rappeler, ici ou ailleurs, que le cluse est un passage (créé par la rivière) dans une frontière (la barre de grès)... On est bien au cœur de la thématique.

6-21- Gué de Loré (Loré)

Géologie : granite

« Les limites du rêve, les frontières du réel » Le Site du Gué-de-Loré est un lieu de passage (ancien passage de la voie romaine, reprenant certainement un chemin gaulois plus ancien). Ce site n'a peut-être pas de rapport avec le mythe tel qu'il a pu être transmis au Moyen-Âge. Mais, il peut être exploité dans le cadre de la quête-enquête. Le site peut être exploité dans le cadre d'un passage d'un royaume à l'autre (du royaume de Ban et pays de Gorre). Comme pour les autres sites arthuriens, il disposera d'une double lecture (in-situ et mobile). L'interprétation des lieux pourra faire appel au matériau granitique comme support.

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6-22- Ambrières-les-Vallées

Géologie : granite

« Marches et frontières historiques »

Ambrières-les-Vallées est un site stratégique. Il s'agit là d'un lieu investi par Guillaume-le-Batard en dehors du territoire normand. En bref il s'agit là d'une sorte d'un poste avancé en territoire manceau. Le site n'a plus vraiment de traces de cet épisode historique (plus de château lisible). Mais il reste un lieu typique de la thématique Monts et Marches. Ce site, peut être mis en relation avec d'autres sites fortifiés qui ont connu des fortunes diverses liés à leur situation frontalière: Lassay- les-Chateaux, par exemple, qui sera aussi une place forte disputée entre la Normandie et le Maine, qui seront occupés par les normands, sans être intégrés dans l'espace du Duché.

6-23- Rânes (le château)

« Marches et frontières historiques »

Le château de Rânes est le siège d'un musée consacré en partie à la préhistoire. Son lien avec le site de Saint-Brice est une évidence. Le lien avec les différents (et rares) sites préhistoriques dans l'ouest est à imaginer : Mont Dol (35), Sauges (53), Gouy (76) .

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6-24- Mont-Brulé (Ferrière-aux-Etangs)

Géologie : grès armoricain

« Limites naturelles et frontières intangibles » ; « Les limites du rêve, les frontières du réel »

Le Mont-Brulé est un des sites importants de la légende arthurienne, c'est là que Lancelot aurait été subtilisé par la Dame du Lac, lors de la bataille entre Claudas de la Terre-Déserte et Ban de Bénoïc, le père de Lancelot. Le site n'a pas forcément de double lecture mythologique, juste un rapport avec « l'histoire » de Lancelot (la double lecture pourrait éventuellement se faire dans la lecture de l'élément aquatique qui marque symboliquement Lancelot). En revanche c'est un site géologique à proximité de sites d'exploitation du minerai de fer, et dominant une ancienne carrière de grès armoricain. On se trouve donc là sur un «Mont» caractéristique du Parc.

6-25- La Roche d'Oëtre

Site en dehors de la zone parc, il est dommage de communiquer sur un site qui est déconnecté de la réalité de cet espace qui a déjà du mal à se forger une identité dans ses limites.

6-26- Signal d'Ecouves : la frontière naturelle géologie : grès armoricain

« Limites naturelles et frontières intangibles » Le signal d'Ecouves, situé sur la ligne de partage des eaux, dans une situation d'opposition entre un versant nord et un

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versant sud, présentant à proximité des parcelles de résineux et de feuillus, offre une série de limites naturelles à mettre en scène. La grande frontière entre les eaux destinées à la Manche et celles destinées à l'Atlantique peut être mis en évidence, la limite entre les agences de bassin Seine-Normandie et Loire-Bretagne, rappelées (à noter que ces agences peuvent être intéressées par une action symbolique qui marque leur action dans la gestion régionalisée des eaux). Une installation symbolique est préférable à un panneau, c'est physiquement sur le site que doit apparaître la frontière.

Le site du Signal d'Ecouves est aussi le site forestier phare du Parc (massif le plus imposant, situation culminante...), cette situation en fait le site tout à fait recevable pour interpréter in-situ le milieu forestier.

La thématique des limites peut tout à fait servir de fil rouge, le monde forestier étant un lieu de passage entre lisières, peuplements variés, modes de gestion... Le site d'Ecouves est aussi un lieu stratégique pour les évolutions forestières liées au changement climatique en cours. Le versant nord est un site particulièrement « nordique » dans ses caractéristiques, et le restera. En revanche le versant sud est soumis potentiellement à des évolutions importantes (sécheresse accrue, d'où stress important sur des peuplements sensibles type hêtraie ou résineux).

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7 - D'AUTRES SITES ?

Le cadre de la commande était de croiser le concept «Mont et Marches» avec les sites déjà identifiés ou en voie d'interprétation, de les évaluer rapidement afin de dégager une identité et une forme d'unité thématique.

Dans ce contexte, il est possible que certains sites ne soient pas pleinement intégrés dans cette unité thématique, ceci apparaît dans les descriptions de 26 sites ci-dessus. On pourra retenir que les sites des Roches d'Oëtre et de la chapelle de Montaigu n'ont pas trop leur place. Le Parc étant une entité à la recherche de son identité, le fait d'y adjoindre des sites assez éloignés n'est pas très pertinent.

En revanche on peut imaginer d'en rajouter d'autres qui permettent d'équilibrer le propos sur le territoire et de mettre en valeur des sites qui le méritent.

7-1- Le bourg d'Essay

Le bourg d'Essay est une ancienne cité close médiévale. Il ne reste aujourd'hui pas grand chose de sa splendeur passée, si ce n'est un patrimoine bâti intéressant (hôtels particuliers). Ce patrimoine bâti permettant de raconter une histoire qui est évoquée sur d'autres sites du Parc et qui participe à son identité.

Ces points sont: l'histoire de la famille de Bellême (évoquée à la Roche-Mabile, Sées, Alençon, Lonlay...), le site de cette évocation étant, ici, la motte féodale.

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La deuxième accroche est l'histoire du duché d'Alençon. Le site est en effet un lieu de prédilection de la famille des ducs (site fortifié, Abbaye, chapelle des ducs...).

Enfin Essay se trouve dans un territoire un peu délaissé par les actions du Parc, comme on peut le constater, aucun site d'importance (à part les sites urbains de Sées et d'Alençon), n'est associé au paysage de plaine sédimentaire. Il conviendrait de voir si parallèlement à la mise en scène des éléments patrimoniaux du bourg, on ne pourrait pas évoquer ici ce territoire de plaine-ouverte et ses caractéristiques naturelles, historiques et paysagères.

7-2- La Fontaine d'Air-Souvre (Saint-Mars-d'Egrenne)

La fontaine d'Air Souvre, est un des sites majeurs d'inspiration dans le mythe arthurien. On se trouve, avec ce site, confronté à un lieu qui sert de support à l'imaginaire, un lieu qui permet de raconter une histoire. Gilles Susong a confronté la description que fait Chrétien de Troyes de la fontaine merveilleuse d'Yvain et ce site. Comme pour la plupart des sites arthuriens, il dispose d'une double lecture.

La première lecture est une lecture historique et scientifique. Le site de la fontaine d'Air-Souvre et de sa chapelle est un ermitage (même si la chapelle est récente), situé historiquement dans un désert. La fontaine est un site qui est marqué par des pratiques «païennes», il y a donc là un glissement très courant de pratiques de type pré-chrétiennes vers des pratiques autorisées par l'église. Cet angle de vue peut être présenté de façon classique, comme le message de la science historique sur un site de ce type. La deuxième lecture est une lecture mythologique et fantastique : ce site est un support qui permet de raconter un épisode de la légende des chevaliers de la table ronde. Il est possible qu'à la période antique et médiévale ce lieu isolé et magique ait servi pour asseoir un élément de la mythologie. Plus tard, Chrétien de Troyes décrira précisément cet endroit. La légende rentrera donc dans le Roman.

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La médiation doit prendre là des modes plus virtuels (type Flash-code ou support-papier avec énigmes). Le site est bien sûr un des sites qui jalonnent la «quête» vers le Graal. L'idéal serait que le site soit accessible par des chemins et bénéficie d'un environnement «sauvage».

7-3- Le Mont Margantin (Avrilly, Céaucé, St Brice, Torchamps)

Le Mont Margantin est un des «Monts » mythiques du Parc. C'est la seule éminence majeure qui ne soit pas liée au grès armoricain, mais en l’occurrence aux schistes métamorphiques. Le Mont Margantin se trouvait au coeur de la «Silve-Drue», forêt disparue au cours du Moyen-Âge. Les quelques bois accrochés à ses pentes en sont les derniers vestiges. On se trouvait là au coeur du «désert» du Passais, une voie romaine passait par le mont et devait être un simple lien dans un monde sauvage et hostile. Le mont est aussi un lieu très marqué par des croyances pré-chrétiennes (il devait constituer une forme de mont sacré). Ces croyances anciennes seront là aussi christianisées. C'est l'ermite Ernier (vénéré aussi à ) qui servait de support à des processions qui peuvent faire penser aux pardons bretons : le «Petit Tour» et le «Grand Tour» qui avait pour centre le Mont-Margantin. Ce site, comme la fontaine d'Air-Souvre peut donc avoir deux lectures. Une première lecture historique : la forêt de la Silve-Drue, l'ermitage de Saint-Ernier, les rituels christianisés, les défrichements du Moyen-Âge. Une deuxième lecture : mythologique et fantastique: Ernier est le double mythologique d'un personnage de la table ronde, le site est aussi un site d'inspiration qui s'inscrit dans la «quête».

Enfin le site est un mont qui domine tout le Passais et qui permet d'en comprendre l'étendue, une interprétation sur cette petite région peut tout à fait s'imaginer sur son sommet.

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8 - SYNTHÈSE ET ACTIONS

Ce tour d'horizon des sites en lien avec la thématique «Mont et Marches» a permis de révéler l'identité de ce territoire et d'imaginer sa médiation. L'interprétation des principales natures des limites peuvent être déclinées sur l'ensemble des sites comme il a été précisé juste avant. Il serait néanmoins nécessaire de s'appuyer sur certains points forts qui peuvent définir soit des itinéraires, soit des logiques d'interprétation qui soient compréhensibles du public. Pour arriver à cet objectif, il est pertinent que les sites se répondent. En terme d'aménagement cela suppose une hiérarchie de sites qui permettent de raconter une histoire cohérente au public.

8-1- Les limites intangibles et frontières naturelles : deux sites phares : Saint-Léonard-des-Bois et Signal d'Écouves

Saint-Léonard-des-Bois est le site phare de la géologie, il est le lieu où la personnalité géologique du parc s'exprime. Le mode d'interprétation s'y pratique grâce à des franchissements de limites géologiques qui permettent au public de comprendre la variété et la richesse du site. Ce site renvoie sur tous les sites liés au grès armoricain du Parc, à un site de «frontière» entre le Bassin Parisien et Massif-Armoricain (site interprété dans ce sens).

Signal d'Écouves est le site des autres limites naturelles : forêt, eaux, climat. Contrairement au site de Saint-Léonard-des- Bois, c'est ici un site ponctuel (et non pas un parcours), qui est mis en scène. Le point central d'interprétation peut se développer autour de la matérialisation de la ligne de partage des eaux. Les problématiques climatiques et forestières sont à développer autour, en fonction de petites pérégrinations. Un espace d'inspiration est à imaginer associant le versant nord et le versant sud. Il permettrait d'associer Le discours sur les limites forestières et les limites et évolutions climatiques.

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8-2- Marches et frontières historiques :

Les sites phares sont Saint-Ceneri-le-Gerei, Essay et Domfront.

Saint-Ceneri-le-Gerei est le site frontalier par excellence (il cumule une superposition impressionnante de limites), le pont au centre du village est un lieu symboliquement très fort de ce franchissement de frontières, un peu à l'ouest sur la commune on trouve un point frontalier entre tribus et département qui multiplie les limites. Il est possible sur un site moins investi d'imaginer une mise en scène physique de la frontière entre Normandie et Maine (à Céaucé dans le Passais par exemple ou entre Carrouges et Lignières-Orgères), cette mise en scène pourrait reprendre la forme des fossés défensifs réinterprétés en Land-Art. Les sites d'Essay et de Domfront sont plutôt pour évoquer la notion de Marche. Essay pouvant permettre d’interpréter les territoires tampons qu'ont été les seigneuries de Bellême et le Duché d'Alençon. Domfront est la «capitale» du Passais, elle représente à la fois un territoire conquis, une limite, une protection fortifiée, une marche forestière et un passage (croisement de voies antiques).

8-3- Les limites du rêves, les frontières du réel

Les sites phares : Lassay-les-Chateaux, Mortain, Domfront

La Quête-enquête se déroule sur une série de sites mystérieux qui sont reliés entre eux par des énigmes et des découvertes. Mortain est à l'évidence l'aboutissement, Domfront un des pivots centraux, enfin Lassay-les-Chateaux peut être le point majeur du personnage de Lancelot qui est celui qui inspire le plus le mythe dans le secteur. A Lassay-les-Chateaux on peut développer le mythe sous ses deux composantes : la narration médiévale et son rôle dans la société féodale du Moyen-Âge, et sur un autre plan la quête secrète et la vision symbolique du mythe.

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8-4- Une colonne vertébrale

Le chemin de Saint-Michel.

Tous les thèmes et inspirations autour des frontières, limites et Marches, doivent être développées et signifiées sur ce parcours. Le chemin doit servir de «support de communication» à cette démarche identitaire. Il faudra particulièrement bien soigner les intersections stratégiques entre le sentier et certains sites touristiques et certaines voies de communication le croisant.

8-5- Un point central, lieu d'interprétation

La maison du Parc à Carrouges. Il est nécessaire qu'au centre du Parc un lieu rassemble la problématique et incite le public à organiser sa découverte, aussi autour de ce thème.

8-6- Un évènementiel festif

Une ou plusieurs anciennes «communes mixtes», telles que Céaucé, Rennes-en-Grenouille ou la Chapelle d'Andaines, pourraient organiser tous les ans une «fête des frontières». Au delà de la mise en scène des frontières entre la Normandie et le Maine, il pourrait y avoir une mise en perspective avec les frontières contestées ou conflictuelles actuelles. On peut aussi imaginer des jumelages et des échanges avec d'autres Marches historiques Européennes : la région des Marches en Italie (capitale Ancona), L'ancienne province de la Marche (département de la Creuse), le Steiermark en Autriche, la Province de Krajina en Bosnie....

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