ADRIEN VIOLEAU Gâtinais et Largeassien de vieille souche

Préface de Georges Picard Historien régional

A. NICOLAS MAITRE-IMPRIMEUR Des exemplaires de cet ouvrage sont en dépôt à la mairie de Largeasse A M. Georges PICARD, en toute sympathie. A. V.

A la Gâtine et à Largeasse ma région et ma commune natales, aff ectueusement. A. V.

PRÉFACE

LE THRESOR DE LARGEASSE

La monographie de Largeasse, écrite par M. Violeau, se distingue de bien d'autres monographies parce qu'elle nous fait assister aux investigations du chercheur, aux hypothèses qui se présentent à son esprit, à la vie même de la paroisse ancienne et de la commune moderne... M. Violeau a connu la vie de son pays dans tous ses détails et il nous confie tout ce qu'il a pu epprendre au cours de sa vie. Il interroge sa mémoire, très fidèle, et il a noté tout ce qu'on lui a dit. Il fait appel à la tradition orale, la contrôle d'ailleurs, et les documents écrits viennent à son secours ou détrui- sent cette tradition. Il n'a pas de parti pris. Il reconnaît sincèrement que cette histoire qui le passionne a laissé devant lui des vides impressionnants. J'aime cette sincé- rité. Elle me touche vraiment. C'est la première chose que je veux dire concernant cette œuvre qui vient de me passionner aussi, puisqu'il m'a été donné de la lire en manuscrit (combien je remercie de cela M. Violeau). Le passé de Largeasse est plutôt riche. Il y a eu dans cette localité deux seigneureries fort importantes, du nom de Châteauneuf (Châteauneuf en Gâtine, Châ- teauneuf en Thouarsais). Il existait près de Largeasse, un prieuré, dont malheureusement il ne reste rien, la Frenière. Quelques personnalités de ce petit pays ont acquis une célébrité réelle, je songe à Charles Mesnard la Garde, un authentique savant, dont les travaux et les découvertes ont intéressé les plus illustres physiciens du XVIII siècle. La Révolution a divisé le pays et les drames nés de la « Grande Guerre » ont été nombreux. Enfin, les républicains avaient installé à Largeasse un camp de défense que les Vendéens n'ont jamais réelle- ment attaqué, bien qu'ayant eu souvent le désir de s'en em parer. M. Violeau ne manque pas d'étudier de près tous les grands sujets se rapportant à sa petite commune, mais il ne néglige pas d'autres points qui tiennent dans son étude une place de choix. C'est ainsi qu'il s'est penché sur les habitants, leurs habitations, leurs occupations. les mouvements démographiques qui se sont produits et dont on peut suivre les oscillations en interrogeant de près les registres paroissiaux d'abord, les registres de l'état-civil, ensuite. Nous assistons, en lisant M. Violeau à la construction de diverses écoles, à la réparation de l'église, à la vie même telle qu'elle s'est présentée dans le passé, en des époques lointaines sans doute, mais qui nous paraissant toutes proches, la tradition orale nous aidant encore à imaginer les êtres comme ils ont vécu, avec leurs discussions, leurs difficultés de vivre, leurs préoccupations. M. Violeau interroge ses lecteurs, les prend à témoins, leur fait des confidences. Nous savons ce qu'il pense, ce qu'il croit être vrai, ce dont il doute et pour quelles rai- sons. A-t-il fait œuvre strictement historique ? A-t-il situé Largeasse dans ce pays de Gâtine si compliqué à connaître ? A-t-il établi les liens entre cette paroisse, entre cette commune, et les localités avoisinantes qui jouent sur elle un rôle essentiel ? Certains érudits tien- nent absolument à faire entrer toutes les éludes d'his- toire locale dans des cadres comme tracés à l'avance. L'historien de Largeasse rompt ces cadres. Il tient à retrouver la vie, les habitants d'autrefois, leur parler, leurs coutumes et il donne l'impression avec ses diffé- rents chapitres, de s'en aller à la découverte plutôt que d'en revenir. Cette attitude est bien significative et elle est bien volontaire de sa part. Ne croyez pas qu'il se promène au hasard dans les chemins inconnus de sa commune natale. Il sait très bien où il veut nous conduire et c'est fina- lement un guide charmant que M. Violeau. Il nous fait connaître des instituteurs, des facteurs ruraux, les piétons comme on les a d'abord appelés, les vicaires, les sacristains... Quelques fermiers, les jeunes gens et les jeunes filles... les conseillers municipaux, les maires. Nous entrons de plain-pied dans l'histoire locale. Ce n'est pas tant un livre d'histoire qu'il nous pré- sente, qu'une sorte de monument dressé à la commune qui l'a vu naître. Il s'adresse à ses compatriotes. Ce sont eux, il le sait, qui seront ses futurs lecteurs. C'est avec eux qu'il converse... L'homme heureux! Voilà tout ce que j'ai à dire, beaucoup de bien de cette monographie de Largeasse écrite par M. Violeau et qui ne ressemble à aucune autre. Les chartes de Niort, autrefois. étaient conservées dans un vieux meuble et leur ensemble constituait ce que l'on appelait le Thrésor de Niort. J'ai l'impression que ce que M. Violeau a rassemblé sur sa commune pourrait porter ce titre significatif et glorieux... Le Thrésor de Largeasse. Tout ce qui a du prix pour cette localité se trouve rassemblé dans l'étude de M. Violeau. C'est là le plus grand éloge que l'on peut faire de ces textes et de ces recherches faites à la fois sur les lieux, sur les terrains, par les villages, en suivant l'Ouine, en observant les vieux étangs qui sont des vestiges féodaux, en lisant aussi les vieux actes, les anciens registres, en recher- chant les pierres anciennes, en s'en allant vers le Bous- signou et la Frenière, vers Châteauneuf, en croquant des pommes, les fruits savoureux du vieux granit, comme M. Violeau le suggère en évoquant son enfance heu- reuse. Georges PICARD. Ancien Professeur au Collège de et au Lycée de Courbevoie. Historien régional. AVANT-PROPOS

J'avais eu le dessein, initialement, je dois vous en faire l'aveu, de restreindre mon travail en vous présentant une succincte monographie de notre commune où serait consi- gné le résultat des recherches auxquelles je venais de pro- céder dans les archives conservées à la mairie de Largeasse. Le cadre était trop étroit. Un ami éprouvé — qu'il me permette de lui donner ce titre — doublé d'un érudit dont la compétence en la matière est incontestable et, du reste, incontestée, me fit observer que ma mission d'informateur n'atteindrait le but que je m'étais assigné que si je consacrais quelques pages à cette région géographique à la vie de laquelle notre petite patrie est intimement liée. J'ai nommé M. Picard, qu'il me paraît superflu de vous présenter, attendu que ses nombreux ouvrages d'histoire régionale sont connus de nous tous. Bien qu'ayant parfaitement compris l'intérêt évident de la suggestion de M. Picard j'étais perplexe quant aux pos- sibilités d'exécution de cette tâche. Je manquais complè- tement des éléments indispensables à son accomplissement. Enfin, après avoir glané de ci, de là, j'ai fini, après de laborieuses cogitations, par mettre sur pied deux chapitres que j'ai intitulés « La Gâtine ». En ne me bornant pas rigoureusement à m'adresser à mes seuls amis Largeassiens, j'assure, probablement ainsi, une plus large diffusion à ce livre, ce dont je ne pourrai, le cas échéant, que me féliciter. Que M. Picard veuille bien accepter ici l'expression de ma très vive reconnaissance pour ses conseils éclairés, les- quels ont facilité largement la préparation d'une œuvre qu'un historien occasionnel aurait éprouvé quelque embar- ras à conduire à son terme. Afin de terminer ces propos liminaires par une note gaie, il faut que je vous conte que, près de la ville médi- terranéenne où je traîne mes grègues quelques mois par an, l'hiver, comme il sied à un valétudinaire, est blotti, au fond d'une calanque, le ravissant port de pêche de Cassis, fréquenté par de nombreux touristes. Cassis, où un aimable nonchaloir est de règle, possédait un tambour de ville, mais un de ces tambours comme les « gensses » du Nord n'en ont jamais connus. Ce fonctionnaire municipal, souvent plongé dans un doux farniente, ne consentait à jouer des baguettes que dans les cas sérieux, et, de plus, moyennant une convenable rétri- bution, vingt sous à l'époque. Mais dès qu'il sentait vibrer sa peau d'âne le brave homme devenait tout autre. Frémissant et emplissant toute la ville du bruit de ses rataplans, il ne consentait à les inter- rompre, non sans avoir, au préalable, endommagé quelques tympans, que contre remise, pour prix de son silence, d'une rémunération double de la première. De là l'expression chère aux Cassidens : « Vingt sous pour mettre notre tambour en train, quarante sous pour le faire taire. » Est-ce l'effet de l'ambiance, mais je me reconnais dans le personnage. Après avoir, en effet, médité de ne vous offrir qu'une mince plaquette, voilà que je vous inflige la lecture d'un volume. Soyez indulgents, amis, et employez un peu de votre patience à pousser la lecture de ma modeste prose jusqu'à son point final...... Je pensais en avoir, enfin, terminé avec ma besogne et, depuis plusieurs semaines, oisif impénitent, j'avais recom- mencé mes longues flâneries le long des chemins herbeux ou au bord de l'Ouine, lorsqu'un de mes meilleurs amis, au courant, il est vrai, de mes occupations littéraires, révé- rence parler, me fit parvenir plusieurs exemplaires d'une publication consacrée à la mythologie française. Au cours de ma lecture, je découvris, agréable surprise, qu'il y était fort question des légendes de notre pays. Ma ferme résolution de les rapporter dans mon ouvrage était acquise, mais comment réaliser mon projet ? Remanier, corriger, rectifier des dizaines de pages d'un texte, dont l'élaboration a été longue et parfois pénible, m'eut demandé beaucoup trop de temps et un septuagénaire (hélas !) prudent doit toujours se préparer à la visite ino- pinée de la camarde qui, sans façons, vous invite à effectuer un long, très long voyage, pour lequel il n'est jamais déli- vré de ticket de retour. Après avoir atermoyé, tergiversé, hésité, passant outre au désordre qui pourrait résulter de ma courageuse déter- mination, je résolus d'adopter la règle de la célèbre abbaye de Thélème de notre Rabelais, poitevin d'adoption : « Fais ce que veux. » Et pour vous dire encore quelque chose de plus j'évo- querai Despreaux qui n'a pas craint d'affirmer : « Qu'un (beau) désordre est un effet de l'art. » Aussi trouverez-vous les dites légendes à la fin du pre- mier chapitre de la première partie de mon ouvrage, en appendice. Je les ait fait suivre, en complément, de quelques chansons issues de notre folklore. A. VIOLEAU. PREMIÈRE PARTIE

La Gâtine

CHAPITRE PREMIER ORIGINE, VIE ECONOMIQUE, LEGENDES, COUTUMES

La commune de Largeasse appartient à la partie du Poi- tou dénommée Gâtine, qui se différencie assez bien des régions situées sur son pourtour, Bocage et Plaine. Quelle est l'origine de ce vocable sur laquelle plusieurs auteurs ont émis des avis parfois divergents ? M. Chagnolleau, dans l'ouvrage « Visages du Poitou » écrit qu'il provient du vieux français Gast signifiant jachère, terre inculte. M. Colle, ancien professeur au collège de Parthenay, émet une opinion semblable dans son livre « En Gâtine », édité à Niort. Le mot de Gâtine, dit-il, que nous trouvons d'ailleurs en sous des formes différentes, évoque à l'esprit l'idée d'une région de landes à genêts, de terres maigres et pau- vres s'étendant autour de et de Parthenay, gâtée par l'eau qui surgit un peu partout, difficile à labourer. Gâté a chez nous le sens de mauvais. Ainsi, l'on disait d'un chien enragé qu'il était un chien gâté. Pour M. l'abbé Bernard, ancien curé de Largeasse, à qui je fais appel dans le cas présent, l'ensemble de la région connue sous le nom générique de Gâtine rappelle le désert, la solitude, l'état sauvage. Gâtine, en latin Vastina, est dérivé de Vastus, vaste, immense ; mais, dans notre vieux français qui, inusité de nos jours, est souvent conservé dans la langue anglaise, Wasteness (prononcer Wastiness) presque Wastine, est le véritable terme employé pour dési- gner un désert, une solitude ; il est lui-même dérivé de Wast, inutile, mauvais, de rebut. Et qui ne sait que le W et le V se prennent pour le G, et réciproquement, dans le mélange des langues latine, française et anglaise, surtout dans le patois de ces deux idiomes. Alors Gâtine tire bien son origine de Wastina ou Wasteness, avec la signification identique d'immensité, de désert. Si les points de vue des trois auteurs que je viens de citer diffèrent en ce qui concerne l'étymologie du mot Gâtine, ils sont pleinement d'accord sur le sens à y donner. Et la Gâtine était bien la pauvre région au sol couvert de landes, d'ajoncs et de genêts dont les seules cultures étaient le sarrazin ou blé noir, et le seigle. Mais aujourd'hui, le labeur acharné de nos paysans, si durs à la peine, a trans- formé le pays tout entier, à telle enseigne que, maintenant, il prétend se classer parmi les riches régions agricoles de notre territoire national. Mais cet heureux changement ne doit pas nous faire oublier qu'il existait, il y a un siècle, à Largeasse notam- ment, des étendues considérables de terrains où toute cul- ture apparaissait comme une gageure. Il n'est que de citer, à cet égard, les brandes de la Simon- nière, du Jaulin, de Pellouaile, puis les bords désolés des deux routes de Largeasse à L'Absie et à Moncoutant où, vers 1860, ne poussaient que de maigres touffes d'herbes, propres seulement à la nourriture de faméliques troupeaux de mou- tons, guettés par les loups, encore nombreux à cette époque lointaine...... La Gâtine tire son caractère constitutif de la nature parti- culière de son sol. Essentiellement, elle forme le prolonge- ment, la pointe avancée du grand massif armoricain. En cette qualité, elle est faite de gisements de granit, tantôt enfouis sous une épaisse couche de terre, tantôt affleurant à la surface, ce qui rend souvent pénible le tra- vail des champs. Avec un sous-sol aussi imperméable, l'eau suinte ou coule un peu partout et les « nèdes » sont innom- brables. En raison de son aspect typique, sa délimitation peut s'opérer avec une certaine aisance, notamment à l'Est ou au Sud, où elle domine les plaines calcaires du département de la Vienne et de Niort, mais ses contours sont plus indé- cis au Nord-Ouest et à l'Ouest, le Bocage vendéen ayant avec elle des affinités évidentes. Afin de la circonscrire avec le minimum d'incertitude, il paraît pertinent de tenir compte des facteurs historiques, tels que les a définis Bélisaire Ledain dans sa « Gâtine his- torique » ; géologiques (terrains granitiques dans sa plus grande partie), humains (port de la coiffe dite gâtinelle) et économiques (aire de diffusion de la race bovine dite par- thenaise). Bien que nécessairement encore assez imprécises, ses limites pourraient être fixées comme suit : Saint-Loup, Thé- nezay, Menigoute, , Saint-Laurs, Saint-Paul- en-Gâtine, La Chapelle-Saint-Laurent, Moncoutant. Au delà de Parthenay, dans le département de la Vienne, les habi- tants de Chalandray prétendent se trouver aux confins de la Gâtine. Par ce qui précède on peut se faire une opinion très approchée de son étendue. Par le seul fait qu'elle appartient à une formation géolo- gique primaire, on se rend compte que notre Gâtine est une terre très ancienne, que l'érosion, sous toutes ses for- mes, a fortement rabotée au cours de nombreux millénaires. Il y a des millions de siècles, elle faisait partie du sys- tème hercynien qui a édifié de hautes montagnes, s'éten- dant, en France, sur la Bretagne, le Massif Central et les Vosges. Par suite de la température élevée qui régnait à cette époque, une végétation qu'on ne saurait imaginer couvrit le sol. Les arbres, enfouis profondément et minéralisés, ont donné lieu aux bassins houillers qu'on trouve encore exploités à Saint-Laurs, près de L'Absie, et à Faymoreau. Aujourd'hui, les montagnes, usées par le ruissellement des eaux, le vent, le gel, se sont muées en pénéplaine, les terres se sont éboulées dans le fond' des vallées, les blocs granitiques, souvent de forme plus ou moins sphérique, ont dévalé le long des pentes en constituant les amoncelle- ments si pittoresques du Boussignou, de la Chevalerie, de la Morelière, etc... Si, à l'origine, selon les spécialistes les plus avertis, ces montagnes pouvaient atteindre, et même dépasser, l'alti- tude de 1.000 mètres, ce qu'il en reste culmine à 272 mètres (Saint-Martin-du-Fouilloux), 259 mètres (L'Absie), 250 mè- tres (Allonne), 240 mètres (forêt de ), 214 mètres (Mazières). A Largeasse, l'altitude 200 mètres se situe sur la route de Vernoux, à 2 kilomètres du bourg, approximati- vement au lieu dit Le Camp. En dehors de ces terrains très anciens, partie dominante de notre sol gâtinais, on trouve encore quelques témoins de la période géologique ultérieure au cours de laquelle les mers jurassiques (on compte encore par millions d'années), ont recouvert le pays. Les seules traces encore visibles se rencontrent vers et Allonne, où l'on a découvert des fossiles d'ani- maux marins tels que les coquilles énormes des ammonites. Ainsi donc, amis lecteurs, rassurons-nous, notre sol, après avoir connu, il y a un nombre infini de millénaires, des cataclysmes dont nous n'avons pas la moindre idée, est à ce point stabilisé, que la crainte du plus anodin trem- blement de terre est absolument chimérique. Et puis, les lignes de fracture, comme disent les géologues, sont fort éloignées de nous. Si, d'aventure, nous percevons quelque grondement sou- terrain, si, certain jour, la vaisselle « ferdine » dans nos buffets, ne nous alarmons pas, la destruction de nos habi- tations et de nos vies, par un séisme, n'est pas pour demain......

Pour ce qui va suivre, je dois confesser, en toute hon- nêteté que j'ai, parfois, mis M. Colle à contribution, étant admis que, sur un tel sujet, il est ardu de produire de l'inédit. Le Bocage est une formation arboricole qu'on trouve sur- tout en France : Bocage normand, Bocage vendéen. Il est surtout caractérisé par des champs entourés de haies vives, dans lesquelles, à des intervalles très irréguliers, croissent librement des chênes, des frênes, des ormes, des pommiers, etc... Ce paysage, pittoresque et plaisant à souhait, comparé à la nudité désolante des plaines de la Vienne et de Niort, est caractéristique des pays où l'élevage prédomine, les haies gardant les bêtes tout en fournissant abondamment bois et fruits. Les petites pastourelles d'autrefois, surveillant leurs moutons, en filant leur quenouille de laine ou de lin, ont disparu, en même temps que les loups, ces grands ravageurs de troupeaux. Un jour, ma mère, cela se passait vers 1865, aperçut un loup alors qu'elle avait été préposée à la garde de quelques moutons paissant dans un enclos proche de la Gouzinière. L'un et l'autre furent si effrayés de leur recontre que ma mère, en criant au louque ! au louque ! affola à tel point le fauve qu'il détala, après avoir franchi une haie, haute à cet endroit, de près de deux mètres. Depuis cette époque, les loups n'ont plus été qu'un sou- venir. On les évoquait aux veillées, en présence de jeunes auditeurs horrifiés par les détails, parfois fantaisistes, qui émaillaient les récits des conteurs bénévoles. Le Bocage de la Gâtine se dinstingue du Bocage vendéen en ce que les haies y sont plus touffues et les arbres en plus grand nombre. Peut-être s'agit-il d'une survivance des forêts qui couvraient jadis tout le pays et dont quelques- unes subsistent encore, telles celles de Secondigny, qui cou- vre 400 hectares, et d'Autun, près de , dont la superficie avoisine 700 hectares. On peut penser qu'avec ses haies, ses bois et ses taillis, la Gâtine doit être giboyeuse. Et, en effet, le gibier à poil ou à plume y abonde. Il serait plus juste de dire y abondait, car l'augmentation croissante du nombre des permis délivrés désespère les véritables disciples de Nemrod. On pouvait, naguère, ajuster quelques lapins, mais la myxomatose, dont il a été tant parlé, a exercé de tels ravages que cette mal- heureuse espèce est en voie d'extinction, à tout le moins que ses représentants se feront de plus en plus rares. A la mauvaise saison passent dans les airs les oiseaux migrateurs : courlis, vanneaux, oies sauvages. Ces passages ont donné naissance à la légende de la chasse Gallery, dont nos grands-mères nous entretenaient, le soir, au coin du feu, pendant les longues veillées de l'hiver ; la voici : Un certain baron, nommé Gallery, chassait un dimanche au moment de la grand'messe. Le cerf qu'il poursuivait, sur le point d'être atteint, se réfugia dans la grotte d'un saint ermite, lequel supplia, en vain, le chasseur d'épargner la pauvre bête aux abois. Pour le punir de son impiété et de sa cruauté, l'anacho- rète condamna le baron à chasser éternellement. C'est pour- quoi, à la fin de l'automne, surtout lorsque les tempêtes de vent et de pluie font rage et que les oiseaux de toute plume émigrant vers des cieux plus cléments, s'affolent, on entend des cris et des appels. C'est la chasse Gallery, avec les meutes du méchant baron, qui continue ses éternels exploits. Pour compléter ces propos... cynégétiques il m'a paru intéressant de vous retracer, ci-dessous, les mésaventures du sieur Jacques du Fouilloux, dont le souvenir est encore vivace en certains coins de notre terroir. Notre héros, grand paillard et grand chasseur, n'était pas, comme vous pourriez le supposer, un personnage de légende, à l'instar du baron Gallery, puisqu'on sait qu'il était né en 1519, de Antoine du Fouilloux et de Guérine Taveau. En tant que chasseur, il a composé un Traité de Vénerie fort remarquable, qui a été considéré, pendant longtemps, comme un modèle du genre. Poète même à ses heures, on a pu conserver plusieurs œuvres de son adolescence : Tendre orphelin sortant de la tétine Transporté fuz dehors de ma Gâtine Il passa, en effet, une partie de sa jeunesse à Liniers, aux environs de , près d'un sien tuteur qui négligea fort son éducation et le laissa s'adonner à sa passion de la chasse. En 1536, las de son séjour à Liniers, il s'enfuit, en com- pagnie de son chien Tire-fort, afin de regagner sa petite patrie natale qu'il aimait tant et qu'il quitta fort peu par la suite. Chère Gastine, avant la mort me donne Le coup de dart qu'ingrat je t'abandonne. Mais sa passion pour la chasse et son vibrant attachement pour son pays, ne l'empêchaient pas, pour autant, de se livrer à d'innombrables paillardises et d'être l'auteur de nombreuses aventures galantes, au sein de sa Gâtine, où il trouvait aisément de faciles amours et dont il disait avec élan : Noble pays qui, sur toute la France Avez produit des filles d'excellence. D'après les deux auteurs, qui m'ont prêté leur érudition, et que je cite volontiers, Jacques du Fouilloux raconte lui- même qu'un jour il observait, d'une cachette, les ébats amoureux de plusieurs bergers et bergères. Mais s'étant, pour la circonstance, affublé d'une peau de loup, il fut furieusement attaqué par des chiens qui l'auraient mis en pièces sans l'intervention d'une jolie bergère, à qui il voua un si vif amour qu'il dura « mainte année et maint jour ». A 33 ans il épousa une noble dame de Poitiers, laquelle ne manquait pas de lui reprocher ses nombreuses fredaines. Or, un jour, excédé par les criailleries sans fin de sa femme, il la fit attacher dans un grand berceau et balancer jusqu'à ce que l'épuisement ou le manque de souffle eurent fait taire ses cris. On signale, d'autre part, qu'en 1577, à Poitiers, il pré- senta au roi Henri III une compagnie de 50 hommes d'armes composée exclusivement de ses bâtards. On rapporte également qu'il avait offert à une bergère, qu'il avait hâte de posséder, une magnifique pomme rouge dans laquelle il avait introduit, subrepticement, un actif aphrodisiaque. Mais la jeune fille, méfiante, refusa, à l'en- contre de notre mère Eve, de manger le fruit et le jeta, incontinent, à une truie qui le dévora à l'instant. La bête, saisie alors d'une véritable frénésie, s'élança vers le manoir de notre sire Jacques. Rien ne put l'arrêter ; elle monta l'escalier, enfonça les portes et se précipita sur le lit de notre joyeux drille. Celui-ci, qui s'attendait à une visite autrement agréable, fut bien peiné de sa mésaventure et ne dut son salut qu'à l'arrivée de ses gens, réveillés par ses cris. Depuis ce moment, il fut plus circonspect dans l'emploi de ses stratagèmes d'amour et Jacques le paillard s'efforça d'être moins volage. Veuf à 50 ans de son honnête épouse, Jeanne Berthelot, il en eut un fils, légitime celui-là, qui mourut en 1573, à l'âge de 16 ans. Lui-même s'éteignit le 5 août 1580, lais- sant comme héritière sa nièce Marie Cathus. Bien que catholique fervent, il ne voulut jamais prendre part aux guerres de religion dont il fut le témoin affligé. Pendant de longues années le magistral Traité de Vénerie, dont il était l'auteur, eut, après sa mort, de nombreuses éditions, dont trois allemandes et une italienne...... Nous avons vu plus haut qu'en Gâtine la nature du sous- sol provoque la stagnation des eaux, à proximité de la sur- face. Aussi, les puits, bien alimentés, n'ont-ils guère plus de 5 à 6 mètres de profondeur, exceptionnellement 10 ou 12 mètres. J'en connais un, sis au bourg de Largeasse, qui, en dépit de ses 4 mètres, n'a jamais pu être asséché, bien que, pendant longtemps, de nombreux habitants des mai- sons voisines soient venus s'y approvisionner. On conçoit qu'avec une telle surabondance d'humidité, jointe à l'altitude moyenne du pays, le climat connaisse une certaine âpreté que la proximité relative de l'Océan ne corrige pas toujours. A ce point de vue, la plaine de Niort est plus favorisée. La hauteur moyenne des pluies, tombant surtout en automne et en hiver, est proche de 80 centimètres. Ces diverses circonstances ont été des facteurs de prospé- rité pour l'élevage, qui a toujours connu une assez grande extension, élevage surtout des moutons nécessité par l'ari- dité relative du sol ; ensuite, au milieu du XIX siècle, celui des bovins devint prépondérant. Il y a plusieurs siècles, au Moyen Age, lorsque, par suite de la précarité des communications, les provinces se trou- vaient dans l'obligation de subvenir à tous les besoins, et que les douanes intérieures paralysaient les échanges, on a, et pendant longtemps, cultivé la vigne, mais ses produits ne pouvaient être, on s'en doute, que de médiocre qualité, Certes, cette culture, durant les cinq années de la dernière guerre, a connu un certain essor, mais on ne pourra obte- nir de résultats satisfaisants et durables que lorsque, par voie de sélection, on aura découvert un plant mieux adapté au climat et au sol. Selon certains agronomes, on serait sur le point d'aboutir à une solution donnant toute satis- faction, en utilisant le Baco, nouveau venu dans la gamme des producteurs. Après s'être concentrée près du château de Hérisson, et à , on la trouve, en 1070, près de Secondigny, en 1100 à Parthenay et à Mazières, enfin autour de l'abbaye de L'Absie et à La Chapelle-Thireuil, puis elle disparaît complètement, sauf aux environs d'Amailloux. Sa relative renaissance actuelle ne doit pas faire illusion, car il ne s'agit pas, dans l'esprit de nos cultivateurs, de produire un article de vente ou d'exportation, mais seule- ment de pourvoir à la consommation familiale. L'eau, en tant que boisson, étant progressivement éli- minée de nos campagnes, le vin est, maintenant, largement consommé, concurremment avec le cidre, le vin de pomme, pour employer une expression devenue caduque. Oui, mais avec le cidre on obtient une certaine eau-de-vie de vin de pomme, qui, pour des raisons diverses, n'a qu'une lointaine parenté avec le célèbre calvados de Normandie. Son absorption, en procurant, dès l'abord, une agréable euphorie, conduit assez rapidement vers l'ivresse dans sa forme la plus dangereuse. Je n'insiste pas davantage, afin de ne pas contrister un mien ami qui, entre autres occu- pations, s'active, une grande partie de l'hiver, à distiller les fruits de toutes sortes et, notamment, les « fausses pommes » (impropres à la vente) des bouilleurs de crus du voisinage. Aussi a-t-on imaginé, et l'on ne peut que s'en féliciter, de l'édulcorer fortement et d'ajouter au mélange des extraits végétaux, aux aromes les plus divers. De 50, 52 et même 55° à l'origine, la liqueur qui en résulte ne titre plus que 30° au plus, et sa nocivité s'en trouve ainsi très atté- nuée. Outre la vigne, notre contrée produisait une plante tinc- toriale, la guède (Isatis tinctoria), ou pastel, qui fut long- temps en faveur. La culture de cette plante, laquelle four- nissait une belle teinture bleue, s'explique par l'existence chez nous d'importantes fabriques d'étoffes de laine dont certaines, sortes de draps cuirs étaient qualifiées plaisam- ment de « forts en diable ». Chacun sait qu'il existait à la Vialière, aux confins de la commune de Largeasse, une filature réputée parmi les plus considérables du territoire gâtinais. En outre, il appert d'un rapport, venu fortuitement à ma connaissance, que Largeasse possédait, avant la Révo- lution, une manufacture d'étoffes qui écoulait sa production jusqu'en Normandie, aux foires de Guibrais, de Caen et de Falaise. Sur ce sujet des détails seront fournis dans un autre chapitre de cet ouvrage. Le système hydrographique du pays ne comprend qu'une rivière spécifiquement gâtinaise : c'est le Thouet. encore qu'il rejoigne la Loire, près de Saumur, en parcourant diverses régions tout à fait en dehors de la Gâtine propre- ment dite. La deuxième en importance, la Sèvre Nantaise, a sa source à proximité de la première, près de Vernoux, à 240 mètres d'altitude. Après un cours de 126 kilomètres, par endroits fort pitto- resques (Saint-Laurent, Châtillon), elle aboutit à la Loire dans la banlieue immédiate de Nantes. Il faut dire que, grâce à son élévation, la Gâtine forme une sorte de château d'eau pour les régions circonvoisines. Y prennent naissance, en effet, en plus du Thouet et de la Sèvre Nantaise, l'Auxance, la Vonne, le Chambon, l'Egray, l'Autize, la Vendée et nombre d'autres cours d'eau secon- daires. La principale ligne de partage des eaux semble être l'arête granitique qui, partant au Nord-Ouest de L'Absie, aboutit aux abords de Mazières. Outre ses nombreuses rivières, qui sinuent un peu de tous côtés, la Gâtine possède des étangs, dont quelques-uns sont fort beaux et très poissonneux. Les uns se sont formés naturellement, au fond des dépres- sions ; d'autres ont été créés artificiellement, par la cons- truction de chaussées formant barrages. En empruntant un chemin de terre dont l'origine s'amorce sur le tronçon de route nationale compris entre La Chapelle-Saint-Laurent et Neuvy-Bouin, à mi-chemin entre ces deux localités, on découvre après un parcours de quelques hectomètres, deux étangs jumelés, séparés l'un de l'autre par une large et haute chaussée : il s'agit de l'étang de l'Olivette et de celui des Mothes. Le dernier, qui sert de déversoir à l'autre, est encombré de végétaux aquatiques. L'Olivette en est, au contraire, à peu près dépourvue et forme une admirable nappe liquide, dont un côté aboutit à une plage fréquentée, le dimanche, par une bruyante jeunesse. Une sorte de guin- guette avait même été installée à proximité. Cet étang fut creusé en 1480 par les soins de Philippe de Commines, conseiller et historiographe de Louis XI, qui possédait le château des Mothes, contemporain de celui de Châteauneuf, situé dans la commune de Largeasse. La ferme de la Charoulière, placée en bordure de la route de Largeasse à La Chapelle-Saint-Laurent, lui appartenait également. Il la dota d'un étang, de dimensions assez modestes, il est vrai, qu'il fit creuser au voisinage immédiat de la ferme. Le nom d'Olivette vient d'Eau livette, ou Eau livide. L'étang a été dénommé ainsi parce que, chaque année, au printemps, ses eaux prennent une teinte laiteuse. Naturellement, comme il advient souvent dans des cas semblables, une légende est née de cette particularité. La voici : Il était une fois (pour parler comme l'auteur de Cendrillon) un meunier des Mothes dont l'avarice était telle qu'il travaillait à son moulin, sans repos ni trève, même le dimanche, et accumulait son or dans une cachette ménagée au pied d'un vieux mur. Or, le 27 août d'une certaine année, les eaux alimentant son moulin devinrent si basses qu'il dût, à son grand regret, suspendre tout travail. Dans son désespoir, il vendit son âme au diable, sous la seule condition que l'eau, source de sa richesse, emplirait immédiatement son bief pour action- ner la roue à aubes de son moulin. Le diable, un bon diable, sans doute, tint parole et le moulin se remit à tourner comme devant. Or, dès la nuit suivante — voyez la revanche de l'esprit malin — un vent impétueux se leva en projetant toute la farine de l'impie meunier dans l'étang, qui blanchit aussitôt et blanchira désormais tous les ans pour perpétuer le sou- venir du moulin endiablé. Des esprits prosaïques, en tout cas mal intentionnés, vous expliqueront la chose en faisant remarquer que les grandes eaux détrempent, au printemps, les couches marneuses ou calcaires du fond, ce qui donne, à la masse liquide tout entière, sa coloration livide. Ces gens-là sont trop scienti- fiques à mon gré et ont le tort impardonnable de chercher à détruire l'une de nos plus belles légendes. Un autre étang mérite d'être mentionné, c'est celui du Freau, que l'on entrevoit de la route conduisant de Clessé à Saint-Germain-de-Longuechaume. J'ignore s'il est plus ou moins vaste que celui de l'Oli- vette, mais ce que je sais, c'est qu'il charme les visiteurs assez privilégiés pour en côtoyer les bords, attendu, qu'en- touré de grands arbres d'essences diverses, se réflétant dans ses eaux, l'ensemble forme un cadre digne d'admiration. L'étang de la Madoire, près de Bressuire, n'appartient pas à la Gâtine, et je le passerai sous silence puisque cet ouvrage est volontairement limité à notre seule région. Pour en terminer, je me permettrai de citer l'étang de Courberive, au nom poétique. Il est de belle étendue, mais moins beau que l'Olivette, sa surface étant trop souvent encombrée de mâcres ou châtaignes d'eau, vous savez ces fruits à cinq piquants acérés qui, cuits, donnent une pulpe farineuse appréciée. La pêche des étangs, qui se pratique, en moyenne, tous les deux ans, au moment de l'arrivée des hautes eaux, était, autrefois, l'occasion de réjouissances populaires. Sur les bords, près des étaux des marchands de poisson, se dres- saient nombre de baraques foraines et même des bals. Notre compatriote (il était né à ) Ernest Pérochon, a excel- lemment décrit l'une des ces assemblées champêtres dans son roman « Nène ». Cette aimable tradition, si appréciée naguère, est, comme tant d'autres, en voie de disparition. Aujourd'hui, les jours de pêche, on se présente bien cal- mement au marchand de poisson. Son acquisition terminée, l'acheteur s'en retourne à son domicile sagement, à pied, à bicyclette ou en auto, pour faire apprécier par les siens un plat dont la consommation n'est pas habituelle. La population de la Gâtine est voisine de 50.000 habitants, pour une superficie d'environ 1.150 kilomètres carrés. La densité, de 43, est faible comparativement au reste de la France (72). Les régions où l'on observe les plus fortes concentrations, sont celles de Parthenay, Vernoux, Secondigny, Mazières, Moncoutant, au sol plus riche parce que principalement formé de schistes donnant, en se décomposant, une argile féconde. La plus faible densité, 35 habitants seulement, se ren- contre surtout à Largeasse et Neuvy-Bouin où le granit abonde. Le peuplement de la Gâtine s'est opéré en plusieurs étapes, mais le fond primitif, qui s'est conservé assez pur au cours des âges, est, incontestablement, d'origine celtique. Nous sommes donc un peu cousins des Auvergnats et des Bretons, mais, sans doute, plus proches parents des Auvergnats, à qui nous ressemblons par la couleur plutôt brune des che- veux et la forme ronde de la tête (brachycéphale), alors que les Bretons ont le teint habituellement plus clair et la tête plus allongée (dolichocéphale). Au surplus, nous différons assez sensiblement des habi- tants de la Plaine et du Marais, généralement plus trapus, et dont le type est davantage le reflet des nombreux brasse- ments qui se sont succédés au cours des siècles révolus. A cette assise celtique, fort importante, se sont superpo- sées des couches de populations de provenances très diverses. Rappelons que l'occupation de la Gaule par les légions romaines s'est prolongée pendant quatre cents ans et qu'à partir du troisième siècle, de nombreux colons romains se sont établis chez nous et ont infusé aux autochtones du sang latin. Après la décadence du Grand Empire, les Wisigoths firent leur apparition au V siècle, mais leur influence fut de courte durée et cessa lorsque les Francs, peuple venu de l'Est, se présentèrent. Les occupants Wisigoths furent évincés, après la bataille de Vouillé, près de Poitiers, où, commandés par Alaric II, ils furent écrasés en 507 par l'armée franque con- duite par Clovis. On trouve chez nous des traces évidentes de l'installation des Francs, en dehors des mélanges ethniques, dans le nom de certains lieuxdits, les Alleuds, par exemple. Plus tard, bien plus tard, grâce à l'amélioration des communications et plus particulièrement à la construction des chemins de fer, il y eut des transferts de populations entre les provinces et les croisements qui en furent la conséquence se multi- plièrent. On a reproché au Gâtinais de nombreux défauts, réels ou supposés. Il est, selon les uns, renfermé, méfiant, avare, fanatique même. Pour d'autres, il est indépendant, d'esprit frondeur, volontiers sceptique. Il faudrait s'entendre. Il n'y a pas si longtemps, les habitants du sud du dépar- tement, attachaient, soit dit sans acrimonie, un sens nette- ment péjoratif au mot Gâtinais et nous auraient aisément qualifiés de Béotiens du Poitou. Mais notre pays était si pauvre, avec ses familles de dix ou douze enfants, que l'instruction primaire poussée jus- qu'au certificat d'études, n'était pas monnaie courante. Avec cela, le rural, dans son complet dénuement, ne pou- vait guère, sa vie durant, s'éloigner de son coin natal. Pérochon, dans son roman « Les creux de maisons », a fait un tableau souvent pitoyable, et, à mon sens, parfois un peu poussé au noir, de la vie dans nos campagnes. Permettez à un Gâtinais moyen, à qui on reprochera, sans doute, un étroit chauvinisme local, d'émettre un avis, qui, il le prétend du moins, est aussi valable que celui de qui- conque. Achevé d'imprimer sur les presses du Maître-Imprimeur Nicolas, à Niort, le 20 décembre 1957. D. L. 4 TRIMESTRE 1 95 7 .

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