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Sport Sports de combat Boxe : Million dollar Rowdy

LE MONDE SPORT ET FORME | 26.02.2015 à 15h13 • Mis à jour le 05.08.2015 à 16h10 aA Facebook Twitter Google + Linkedin Pinterest Abonnez-vous au Monde.fr dès 1 €

La Brésilienne Bethe Correia est tombée au bout de 34 secondes face à l’Américaine Ronda Rousey lors du combart de l’Ultimate Fighting Championship (UFC) le 1er août. | Alexandre Loureiro / AP

Dans l’HSBC Arena de Rio de Janeiro, samedi 1er août, la Brésilienne et favorite locale, Bethe Correia, n’a tenu que 34 secondes face à l’Américaine Ronda Rousey, la star de l’Ultimate Fighting Championship (UFC), la plus grande organisation mondiale de mixed martial arts (MMA), cette discipline pratiquée dans une cage et qui mélange plusieurs sports de combat. Sans laisser aucune chance à son adversaire, l’Américaine de 28 ans n’a pas fait durer le suspense pour conserver son titre des poids coq dans la discipline.

En février, l’Américaine Cat Zingano qui n’avait tenu que 14 secondes face à sa compatriote Ronda Rousey. Deux secondes de moins qu’Alexis Davis, le 5 juillet 2014 à Las Vegas. Dans la cage érigée au milieu du bouillonnant Mandalay Bay Arena, la Canadienne encaissa, en moins de temps qu’il n’en faut pour l’énumérer, une droite, un coup de genou à l’estomac, un harai-goshi (projection) et une série de coups de poing. Le visage tuméfié, la pauvre combattante tenta bien de répliquer, mais chancela et s’effondra dans les bras de l’arbitre, qui eut toutes les peines à lui expliquer que le combat était terminé. « Le secret, c’est que je m’entraîne mieux que toutes mes adversaires, confie l’Américaine au Monde. Beaucoup de gens attendent que je perde. Mais ça ne me dérange pas, j’aime qu’on me voie comme la fille à abattre. »

Depuis ses débuts professionnels dans la discipline, « Rowdy » n’a jamais été domptée. Mieux, onze de ses douze combats n’ont jamais dépassé le premier round, la tigresse de 28 ans ayant une propension à finir son travail au sol fissa, bien souvent sur une imparable clé de bras (comme sur Cat Zingano). Une technique héritée de sa mère, AnnMaria De Mars, première Américaine championne du monde de judo en 1984, passée maître dans l’art du juji-gatame.

De Mars a laissé un souvenir impérissable dans le monde du judo, pour sa performance, bien sûr, mais aussi pour les mots doux qu’elle susurrait à l’oreille de ses adversaires avant chaque combat. « Je vais te péter le bras ! », avait-elle coutume de leur lancer. Rien d’étonnant à ce que, une fois retraitée des tatamis, elle décrochât haut la main son diplôme de docteure en psychologie. Elle mit toutes ses compétences au service de sa fille, qui commença le judo à l’âge tardif de 11 ans. Ronda Rousey (en bleu), médaillée de bronze aux jeux olympiques de Pékin en août 2008. | © Kim Kyung Hoon / Reuters / REUTERS Lasse des humiliations

Cinq ans plus tard, Ronda Rousey devient championne du monde juniors. En 2007, elle manque de peu le titre mondial des – 70 kg face à la Française Gévrise Emane. C’est aux Jeux olympiques de Pékin, en 2008, que la judoka signe son plus grand fait d’armes en devenant la première Américaine médaillée olympique.

Le désenchantement est à la hauteur de sa performance : vertigineux. A défaut de la propulser, sa médaille de bronze marque le crépuscule de sa carrière de judoka. « Je suis dans le village olympique, j’ai fini mes combats. Je me réveille à 2 heures du matin. Je n’ai pas la moindre idée du jour qu’on est », écrit alors Rousey sur son blog. L’athlète traîne son spleen depuis un moment déjà, dénonçant le manque d’argent dans son sport et la « corruption » endémique qu’elle constate au sein de la Fédération américaine de judo. « Ils me détestaient parce que je n’avais pas peur de le dire et ils m’ont toujours subventionnée aussi peu que possible », se souvient-elle. Par ailleurs, combattre pour une nation qui n’a d’yeux que pour ses footballeurs et ses basketteurs n’est pas chose aisée. Surtout lorsqu’on est constamment huée pour sa nationalité un peu partout dans le monde. Lasse de ces humiliations, elle décide d’enlever définitivement son kimono, à 21 ans, au terme de son aventure olympique.

Deux semaines après les JO de Pékin, Ronda Rousey est fauchée. Elle passe même quelques nuits dans sa voiture, cumulant trois jobs : hôtesse dans un club de fitness, thérapeute pour chiens et professeure de judo. « Je partageais un appartement de la taille d’une salle de bains avec un ami. On payait nos factures avec des pièces de monnaie et je pouvais à peine nourrir mon chien. J’étais fatiguée de vivre avec les cafards, de manger des légumes surgelés », se souvient-elle.

Le harai-goshi de Ronda Rousey sur Alexis Davis le 5 juillet 2014 à Las Vegas. | © USA Today Sports / Reuters / USA Today Sports Le phénomène Rousey

Le mixed martial arts paraît alors le meilleur moyen à Rousey pour sortir de la galère, au grand dam de sa mère qui aurait préféré qu’elle reprenne ses études. Finalement, ce sera le MMA, décide Ronda Rousey, poussée par son entraîneur, Edmond Tarverdyan, un champion de kick-boxing qui lui apprend l’art du combat pieds-poings. Après trois combats amateurs vite expédiés en 2010, elle se lance dans une carrière professionnelle en mars 2011. Quelques mois plus tard, en août, elle effectue son premier combat au Strikeforce, le tournoi féminin de MMA le plus relevé à l’époque, dont elle devient la championne des bantamweights (– 61 kg) grâce aux clés de bras héritées de sa mère. Ce qui a bâti ses succès en judo fera sa gloire en MMA.

Jusqu’à très récemment, les seules femmes habilitées à pénétrer dans l’octogone grillagé de l’UFC étaient réduites au rôle de pin-up perchées sur des talons aiguilles pour annoncer les rounds sur des placards surdimensionnés. En 2011, le président de l’UFC, Dana White, semblait même inflexible lorsqu’il affirmait que « jamais une femme » ne lutterait au sein de son organisation.

Le phénomène Rousey lui a fait changer d’avis. Hormis sa poigne de fer et sa capacité à promouvoir ses matchs par des déclarations acerbes – héritage maternel, là encore – envers ses adversaires, la combattante au visage poupin possède un physique à rendre jalouses les pin-up. Dana White intronise la blondinette première championne féminine de l’UFC le 6 décembre 2012, espérant en tirer un profit maximum. Le retour sur investissement s’avère fructueux et dépasse ses espérances en un temps record. A chacune de ses victoires, Ronda Rousey empoche 120 000 dollars (106 000 euros) auxquels s’ajoute un pourcentage sur les centaines de milliers de pay per view (54,99 dollars l’unité) qu’elle parvient à faire vendre. Un succès qui a contribué à gonfler le chiffre d’affaires de l’UFC, estimé à 2,5 milliards de dollars.

L'équipe du film "The Expendables 3" au festival de cannes le 18 mai 2014. Ronda Rousey est en bleu. | © Regis Duvignau / Reuters / REUTERS « Ne jamais connaître le goût de la défaite »

Désormais multimillionnaire, Ronda Rousey doit surtout sa fortune à ses nombreux contrats de sponsoring et à ses cachets d’actrice. Car, non contente d’avoir fait sauter un verrou à l’UFC, la championne a réussi à se faire une place dans les blockbusters chargés de testostérone comme Expandables 3 ou Fast and Furious 7. Et quand elle ne joue pas la comédie, elle pose en petite tenue à la « une » de magazines comme ESPN, Maxim ou Sports Illustrated. Paramount Pictures a même annoncé en début de semaine avoir fait l’acquisition des droits sur l’autobiographie de Ronda Rousey, My Fight / Your Fight. Un biopic sui devrait être réalisé par le producteur de Pacific Rim, tandis que la championne de l’UFC jouera son propre rôle.

Dans le monde du MMA, où les combats de « Rowdy » paraissent trop faciles, tous les aficionados rêvent de lui voir opposer la Brésilienne Cristiane « Cyborg » Justino. Mais beaucoup désespèrent que cette confrontation ait jamais lieu. Outre qu’elle officie dans la catégorie supérieure (featherweights), sa rivale a été contrôlée positive au stanozolol, un anabolisant, en janvier 2012. Si la combattante a été suspendue un an, Ronda Rousey a toujours préconisé une sanction plus radicale à son encontre. « Venir chargée dans une cage, cela équivaut à porter une arme sur soi, affirme l’Américaine. Elle devrait être bannie à vie. Mais si je dois l’affronter, cela me fera plaisir de lui botter les fesses. »

« C’est la plus grande star que nous avons eue jusqu’à maintenant. C’est une saga à la Rocky », s’émerveille Dana White. Au-delà du phénomène médiatique, Ronda Rousey, c’est d’abord l’histoire d’une revanche sur la vie. Etranglée par son cordon ombilical, il s’en est fallu de peu qu’elle soit déclarée mort-née. Cet accident lui valut une aphasie jusqu’à l’âge de 6 ans. Deux ans plus tard, son père, qui s’était battu pour lui arracher ses premiers mots, se suicida, atteint d’une maladie incurable. « Quand elle faisait du judo, elle avait une telle rage. Je savais qu’elle n’avait qu’une envie, c’était d’en venir aux mains, se souvient AnnMaria De Mars, devenue sa plus grande admiratrice. Maintenant, c’est ce qu’elle fait. » En attendant, Ronda Rousey avance avec une idée fixe, victoire après victoire : « Prendre un jour [s]a retraite sans jamais avoir connu le goût de la défaite. » Un défi toujours à portée de clé de bras.

Par Florent Bouteiller aA Facebook Twitter Google + Linkedin Pinterest Abonnez-vous au Monde.fr dès 1 € Sports de combat

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DHC

Article qui ressemble beaucoup à celui du New-Yorker, à lire pour les anglophones que ça intéresse. (http://www.newyorker.com/magazine/2014/07/28/mean-girl)

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