Vol. 12 N° 1 Hiver 2009 Bulletin

255, rue brock, Drummondville (Québec) Canada J2c 1m5, téléphone : (819) 472-3608 / télécopieur : (819) 477-5723 courriel : [email protected] • site internet : www.mnemo.qc.ca Un folklore en habit du dimanche.

Ma r c Bo l d u c *

e devoir de mémoire en matière Lde patrimoine québécois peut emprunter plusieurs avenues, dont celles de la collecte de répertoire chez les porteurs de traditions encore vivants et la visite de centres d’archi- ves pour effectuer une mise au jour de pièces “oubliées”. Depuis le début des années 2000, la compagnie Dis- que-XXI privilégie la réédition d’en- registrement d’artistes du début du XXème siècle qui, autrement, som- breraient dans l’oubli (pensons au Trio Lyrique, au Quatuor Alouet- te ou à Tommy Duchesne) et ce, en nous permettant de réentendre les voix et les sons d’une autre époque. Ainsi, les deux volumes consacrés à Omer Dumas (1889-1980) et son épouse Mariette Vaillant (1902- 1993) s’inscrivent dans cette démar- che et permettent aux auditeurs de

* Marc Bolduc est bien connu comme animateur de l’émission radiophonique de musique tradition- nelle Tradosphère, à CIBL (Montréal). Bastringue, Omer Dumas et ses ménestrels, volume II

reprendre contact avec un univers raines rompues à ce que l’on qualifie musical qui semble bien loin de ce actuellement de son trad. Les plus S o m m a i r e que l’on peut entendre aujourd’hui. âgés se remémoreront sans doute Un folklore en habit du dimanche . Yves Bernard écrivait en 2007 la sonorité particulière des arrange- p. 1-3 dans le Devoir au sujet d’Omer ments du directeur musical du Réveil La gigue québécoise dans la marge Dumas, qu’il représentait un « célè- Rural, une émission radiophonique de celle des Îles britanniques p. 5-8 bre ménestrel populaire d’une époque quotidienne diffusée sur les ondes de La vie et l’univers de Jean Carignan . perdue »... Cette affirmation prend Radio-Canada de 1939 à 1967. Pour p. 9-12 tout son sens à la première écoute les plus jeunes, dont l’auteur de ces Une collecte dans la Baie-des- des deux volumes que comprend lignes, il s’agit d’une incursion dans chaleurs ...... p. 13-15 cette réédition : les airs entendus un univers sonore parfois déconcer- Le Prix Mnémo 2008 ...... p. 16 nous replongent dans une ère musi- tant; à mi-chemin entre la musique cale qui semble aujourd’hui révolue, classique ou d’opérette et la musique surtout pour des oreilles contempo- folklorique, le répertoire interprété Bulletin

couvertures de magazines) de même qu’un article de journal. Malgré une présentation différente, le deuxième livret semble toutefois répétitif, dans la mesure où peu d’informations nouvelles sont ajoutées par rapport au premier. Même si la majeure partie de cette réédition est d’abord consacrée à Omer Dumas en tant que compo- siteur et arrangeur de pièces de factu- re plus classique (telles que Pizzicato- Caprice, Pastorale Tyrolienne), ainsi qu’au son qui le caractérise encore aujourd’hui, une petite place est accordée à Omer Dumas, violoneux soliste, dans La Bastringue. Avec le Reel de Ti-Gus et le Reel du pendu, l’auditeur peut se familiariser avec Omer Dumas, l’interprète de folk- lore, même s’il semble singulier de l’entendre sans l’orchestre qui lui fut longtemps associé. Cependant, les Ménestrels sont omniprésents dans le reste de l’album et leur contri- bution se fait particulièrement sen- tir dans les arrangements de pièces

Omer Dumas et ses ménestrels, volume I musicales issues du répertoire folk- lorique canadien, une spécialité de par Omer Dumas et ses Ménestrels lyrique d’origine belge, livre avec leur directeur musical. Le procédé n’a pas d’équivalent aujourd’hui. soin et élégance, un peu à la manière employé par Omer Dumas suivait La publication de ces deux volu- de la chanson française de cette épo- généralement ce modèle : il repre- mes (un troisième pourrait suivre) que, sans pour autant s’éloigner de nait certaines mélodies interprétées pose donc un éclairage nouveau l’esprit de l’interprétation folklori- par les musiciens-vedettes de l’épo- sur un pan de l’histoire musicale que, un répertoire fortement inspiré que (par exemple, , du Québec tout en permettant de des cahiers de la Bonne Chanson Arthur-Joseph Boulay ou Alfred mieux connaître l’itinéraire musi- (dont Auprès de ma blonde, Marie- cal parcouru par Omer Dumas au Calumet, Commençons la semaine, cours de sa longue carrière. Afin de Ah! Si mon moine, Marie-Madeleine). présenter un éventail large et riche, Dans le second volume, on met les quarante-six pièces retenues pour davantage l’accent sur les pièces tra- les deux premiers volumes ont été ditionnelles (clogs, gavottes, gigues, glanées de 1939 à 1973 à partir de polkas, quadrilles, rondes, reels et sources diverses: archives familiales, valses) arrangées par Omer Dumas. enregistrements commerciaux, archi- Par ailleurs, les livrets d’accompagne- ves de Radio-Canada et fonds de col- ment se révèlent instructifs : chaque lecteurs privés. Le corpus présenté pièce est clairement identifiée, avec ici est constitué de pièces classiques l’interprète, l’auteur, la provenance du répertoire folklorique québécois, précise (la source, et, le cas échéant, de compositions d’Omer Dumas, le numéro de catalogue) ainsi que ainsi que de pièces traditionnelles l’année de publication. En outre, ils arrangées par ce dernier. Dans le pre- présentent des biographies d’Omer mier volume, le disque présente un Dumas et de Mariette Vaillant, en mélange de pièces instrumentales et plus d’inclure des images diverses La troupe Omer Dumas et ses Ménestrels, avec de chansons interprétées par Mariette (photos promotionnelles, photos comme comédiens, Ti-Gus et Ti-Mousse, en Vaillant. Cette dernière, chanteuse de tournées, pochettes de disques, tournée

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Montmarquette), puis, ajoutait une troisième, voire une quatrième partie de son cru à la pièce originale. Ainsi, des pièces connues du répertoire (par exemple, Johnny Wagoner devenant, sous son impulsion, le Reel du Père Biron) se retrouvent augmentées de phrases musicales et d’harmonies fort réussies, qui bonifient la pièce exis- tante et en rendent l’écoute encore plus agréable. Grâce au brio des Ménestrels et de leur instrumentation variée, l’exercice de style apporte des résultats surprenants tout en donnant un nouvel élan aux pièces. Même si ces variantes s’avèrent fort intéressan- tes, elles demeurent encore trop sou- vent méconnues aujourd’hui. Dans bien des cas, force est de constater que malgré leur ancienneté, ces ver- sions ont été peu reprises et n’ont pu s’imposer dans le répertoire com- mun actuel. Est-ce le résultat d’un désintérêt général des musiciens pour cette période ou est-ce le fruit d’une simple ignorance? Le sort réservé aux airs d’Omer Dumas est-il imputable à l’incompatibilité, selon certains, d’univers musicaux réconciliés par essentielle, voire nécessaire dans la attention particulière et ne doit pas la force d’un auteur? Plusieurs hypo- mesure où elle permet de revisiter être occultée par la relève, surtout à thèses pourraient peut-être expliquer des voies jusque-là peu fréquentées une époque où l’ouverture et l’em- ce phénomène, mais aucune n’amène prunt aux autres cultures ainsi que le des réponses satisfaisantes... dans la musique traditionnelle qué- bécoise. Outre le témoignage musi- métissage aux autres genres musicaux Dans cette optique, l’écoute des sont monnaie courante et devien- deux volumes consacrés à Omer cal et ethnologique qu’elle constitue, nent, pour plusieurs, la nouvelle Dumas et ses Ménestrels s’avère l’œuvre d’Omer Dumas mérite une norme en matière de tradition. Si la rencontre des autres cultures per- met d’insuffler un vent de fraîcheur à la tradition musicale québécoise, ne vaudrait-il pas mieux le faire en revêtant ses habits du dimanche? À cet égard, l’approche d’Omer Dumas nous paraît être tout indiquée... NDLR : M. Maurice Dumas nous a fait parvenir ce mot : Au sujet de François [Dumas, violoneux de la région de Portneuf], la légende urbaine l’a rejoint. Ce n’est pas le petit-fils de mon père qui aurait 119 ans... Nous sommes les descen- dants de François Dumas, arrivé sur l’île d’Orléans en 1667. Peut-être, y a-t-il un lien de parenté à la 3e ou 4e génération??? Mon père est né dans le rang des Dumas Remise du Trophée Omer Dumas au 15e festival de l’AQLF, décerné à Éric Provencher d’Oshawa (classe (qui existe toujours) entre Ormstown et des maîtres) avec la famille Dumas : de g.à d. Claude, André, Éric Provencher, Francine et Maurice, tous St-Antoine-Abbé, à la frontière améri- enfants d’Omer et Mariette. caine.

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La gigue québécoise dans la marge de celle des Îles britanniques

sont le plus souvent Pi e r r e Ch a r t r a n d * associées (Reel à 4, Brandy, etc.). C’est NDLR : cet article est le compte suite aux grandes rendu d’une conférence donnée par vagues d’immigra- l’auteur lors d’un colloque tenu à l’Université Sainte-Anne (Nouvelle- tion en provenance des Îles britanniques Écosse) du 15 au 18 août 2007, intitu- e lé La Résistance des marges. Quelques (2 quart du XIXe), corrections dans la forme ont été appor- qu’on verra lente- tées. ment apparaître des mentions de telles ar gigue nous entendons une danses. En fait, c’est Pdanse de pas solo, ou encore des surtout à la fin XIXe pas faisant partie intégrante d’une - début XXe qu’on Deux gigueurs de Lorette, près de Québec. Extrait de « Le Rossignol y danse dite de figures (contredanse, set, trouvera des men- reel à 4, etc.). L’appellation elle-même chante » (M. Barbeau), p.82 (M.n., J 299) tions claires de gigue peut porter à confusion vu la conno- (en tant que danse de pas) associées au grants en provenance de l’Irlande. Les tation moderne du mot (pièce musi- milieu populaire. deux temps forts de cette immigration cale de mesure ternaire). Pour plus Que la gigue soit d’origine britan- correspondent au choléra de 1832 et de détails sur l’emploi du mot gigue nique (des Îles britanniques en géné- à la Grande Famine de 1847. Sur les au cours des derniers siècles, consul- ral) est généralement admis. Reste que quelque 60,000 émigrants britanni- ter Le quiproquo de la gigue, Char- le moment de son adoption dans la ques, plus de la moitié sont irlandais. trand, Pierre (http://www.danse. culture populaire canadienne fran- Puisque le principal port d’arrivée qc.ca/articles.html#quiproquo). çaise de l’époque est assez flou. Le cas de ces immigrants est Québec, c’est Dans quelle marge notre gigue se de la gigue saguenéenne (principa- dans le district de la capitale qu’on situerait-elle donc? Sommes-nous les lement celle de la région de La Baie, trouvera le plus grand nombre d’im- conservateurs d’une ancienne prati- fusionnée à Chicoutimi, puis à la Ville migrants. La majorité de ces immi- que irlandaise ou écossaise? Dublin de Saguenay) est particulièrement grants sont irlandais, ceux-là mêmes ou Édimbourg sont-ils le centre dont intéressant à cet égard puisqu’il s’agit qui se trouvent être les plus démunis à nous serions la périphérie? là d’une population très homogène. leur arrivée. On estime que les 19/20 Ainsi, de1864 à 1961, la population d’entre eux n’avaient pour bagage que Origine et implantation de la région sera approximativement leurs vêtements et un peu de literie. D’où nous vient la gigue? à 95% catholique, d’origine française, Un tel dénuement poussera l’évê- Certainement pas de nos ancêtres et née au Québec. que de Québec, Monseigneur Plessis, français. Il n’existe rien de compara- Cette homogénéité démographi- à inciter ses ouailles à héberger des ble dans aucune région de France, ni que, et un relatif isolement géogra- Irlandais afin de les aider à passer l’hi- d’ailleurs sur le continent. La simili- phique, nous suggère qu’il y aurait ver: « N’y aurait-il pas moyen de pla- tude avec la tradition des Îles britan- eu peu d’influences culturelles exo- cer dans toute votre paroisse une seule niques est par ailleurs évidente1. Mais gènes parmi cette population et que famille d’Irlandais? Ces pauvres gens encore... Notre gigue serait-elle plutôt leurs pratiques culturelles découle- périssent de froid et misère dans les irlandaise qu’écossaise, ou plus écos- raient ainsi directement de celles de rues. Ils ne peuvent trouver à man- saise qu’anglaise? Avant d’aborder la Charlevoix, surtout à La Baie (dont ger en ville que l’argent à la main et question de la provenance de la gigue, la population est principalement issue l’argent leur manque. En campagne, voyons tout d’abord le moment de de Charlevoix). on pourrait subvenir à leurs besoins son arrivée chez nous. par d’autres moyens. Il y a plus de À ma connaissance, les plus vieilles Immigration britannique charité dans vos paroisses que parmi mentions de gigue au Québec datent C’est surtout à la fin des guerres nos citoyens, et réellement plus de du deuxième quart du XIXe siècle2. napoléoniennes, en 1815, que l’im- ressources. Plusieurs particuliers aisés Il en est de même des danses qui lui migration britannique en Amérique pourraient se réunir, et nourrir et

* Pierre Chartrand est directeur du Centre Mnémo, du Nord prendra son essor. Cette vêtir cette famille d’ici au printemps, ainsi que danseur, professeur, historien et ethnolo- période de conflits aura retardé, pour dans la maison de celui qui la loge- gue en danse. mieux le faire grossir, le flot d’immi- rait. Il s’agit de catholiques, nos frè-

4 Bulletin res, étrangers dans ce pays où ils sont Origine amenés sous des rapports trop avan- irlandaise de tageux. Il en restera encore assez ici la gigue? pour affamer la ville, quand même chaque paroisse du district se charge- En accep- rait d’une famille. » tant que la gigue À la même époque, l’archevêque nous vienne des catholique de Québec écrivait à tous Îles britanniques, les archevêques et évêques d’Irlande puis en obser- « de tout faire pour empêcher leurs vant la vigueur diocésains d’émigrer en telle quantité de cette tradition au Canada ». au Saguenay, on Ainsi, sur les 89,562 personnes se demande de arrivées au port de Québec en 1847, quand pourrait 54,310 sont en provenance d’Irlande. bien dater cet La présence des Irlandais à Québec emprunt cultu- nous intéresse particulièrement puis- rel. Il serait éton- que cette ville constitue le centre nant que la fai- urbain le plus rapproché de la région ble présence des de Charlevoix, d’où proviennent les Britanniques dans habitants de La Baie. la région sague- En 1830, la ville de Québec comp- néenne (envi- tait déjà près de 7,000 irlandais sur ron 5%) ait pu une population totale de 26,000 ; influencer à ce en 1851, 9,000 ; en 1861, 13,358. point la culture Ainsi 23% de la capitale est irlandai- populaire des se, 16% est anglaise ou écossaise, et f r a n c o p h o n e s . 61% canadienne-française. William Aussi tout nous Parker Greenough, un Américain porte à croire de Nouvelle-Angleterre établi dans que l’emprunt Portneuf, écrira à ce sujet3: se serait produit « For there the French consider avant l’émigra- themselves the only true Canadians, tion des gens all others being, as it were, foreigners, de Charlevoix and in a sense, intruders. When not en direction du classed in a mass as Irish, from the Saguenay. Donc most numerous of the foreign natio- entre 1815 et nalities, they are mentioned as either 1860-70, époque où la présence Irish, Scotch, English or otherwise, La jeune gigueuse Sylvia Daraîche, 10 ans, probablement de Pasbébiac. Cliché but not as Canadians. On the cars des Irlandais se de Carmen Roy, lors d’une collecte en Gaspésie vers 1958. Musée canadien of a few days ago a man gave the fait vraiment sen- des civilisations, n˚ J-15690. population of his parish as so many tir. Le transfert “Irlandais” and so many Canadians, culturel se serait donc effectué sur une Charlevoix, et donc non recensés, meaning by “Irlandais” all those not période relativement courte (environ soit que les fréquents déplacements French ». 2 générations). des francophones de Charlevoix vers Mais le profil de la population de Si la période de l’emprunt sem- Québec les aient mis en contact avec Québec changera rapidement à la fin ble se préciser, la question du lieu la culture irlandaise, ou encore que du siècle pour deux raisons ; le déclin n’est pas pour cela réglée. La région certains emplois saisonniers aient du commerce du bois et la fermeture de Charlevoix d’où proviennent les favorisé les échanges culturels entre les du chantier naval. Les Anglais et les colons est presqu’aussi francophone deux populations. En fait chacun de Écossais se déplaceront souvent vers que ne l’est le Saguenay. Tout porte ces canaux de transmission a pu pren- Montréal, tandis que les Irlandais à croire que c’est d’abord par la ville dre part d’une façon plus ou moins iront souvent vers les États-Unis. de Québec qu’on subit l’influence grande à ce transfert culturel... Québec prendra alors son visage for- irlandaise mais selon quelles modali- Reste une question non résolue : tement francophone que l’on connaît tés ? Soit qu’il y ait eu beaucoup d’Ir- notre gigue ressemble parfois autant à aujourd’hui. landais hébergés ou de passage dans celle des Lowlands (Écosse), qu’à celle

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! Quatre variations du « Pas de reel - Rant step » de l’Irlande, ou même parfois, mais Analyse du répertoire tourné. Nous avons donc procédé rarement, au clogging anglais (valse- Dans mon mémoire de maî- à l’analyse du pas sans doute le plus clog). trise rédigé en 1991 (maîtrise à La répandu et pratiqué tant au Québec Aussi, bien que la grande majorité Sorbonne, sous la direction de M. que dans les Maritimes ou même des immigrants en provenance des Îles Jean-Michel Guilcher) je suggérais dans l’Ouest canadien (principale- britanniques soit irlandaise, rien n’in- une origine irlandaise (sinon irlan- ment chez les Métis). Pour des raisons dique clairement que notre tradition do-écossaise) à notre gigue. Diverses de commodité nous l’appellerons le pistes m’avaient mené vers l’Irlande « pas de reel » (tiré de « reel step »). giguée soit particulièrement irlandai- (principalement celle de l’immigra- se dans sa forme. Les échanges entre Ce pas se décline sous plusieurs ver- tion), même si j’observais des simi- sions, toujours selon la même formule l’Irlande et l’Écosse étaient fréquents litudes avec le répertoire de l’Écosse d’appui, dans toutes les régions étu- dès le XVIIIe (travailleurs irlandais ou de l’Angleterre. Aussi devenait-il diées, tant chez les francophones que dans le sud de l’Écosse, maîtres à dan- essentiel de comparer les pas propres chez les anglophones. Le dit pas s’exé- ser communs aux deux pays ). Est-ce à chaque pays afin de confirmer, ou d’infirmer, cette thèse de l’origine cute autant en solo, dans ses versions qu’il y aurait eu partage et échanges plus élaborées, que dans des danses culturels entre l’Irlande et l’Écosse irlandaise. Bien que la gigue québécoise ainsi de figures. Il est, à première vue, et à avant l’émigration en terre d’Amé- que celle de l’Est du Canada aient de notre connaissance, le seul pas qui ait rique? Nous serions porté à le croire. multiples formes, certains pas sont une telle constance entre les régions, Mais voyons les faits de ce côté-ci de partagés par toutes ces régions. C’est une telle aire de distribution, ainsi l’Atlantique. vers ceux-ci que nous nous sommes qu’une forte présence tant dans les

6 Bulletin danses solo que dans les danses de figures.

Les sources étudiées Nous avons donc étudié plusieurs collectes présentant le «‑pas de reel‑», dont on peut observer 4 versions (notées plus haut en écriture Laban). Les collectes de Roy Gibbons4 chez les Métis de l’Ouest nous montrent des danses (Breakdown) entièrement exécutées avec la version 1 du pas de reel5. Même le swing se fait avec ce pas! On n’y voit guère de versions plus élaborées, surtout pas la 4e. Le pas est donc presque essentiellement exécuté au sein de danses de figures. Au Québec, on observe toute la gamme des variations. Certaines dan- ses collectées par Normand Legault6 dans le Bas-Saint-François (Durham- Sud) sont entièrement exécutées avec l’une ou l’autre des versions du pas de reel, principalement les 2 premiè- res puisqu’il s’agit essentiellement de danses de figures (sets carrés). En effet, comme les versions 1 et 2 sont plus simples, elles s’intègrent mieux dans les danses de figures. En Beauce et dans Lotbinière (par exemple la collecte M. Jutras chez M. Marcoux7) on trouve surtout les versions les plus sophistiquées du pas (surtout la 4e) puisqu’il s’agit de dan- ses solo et non de danses de figures. Notons également qu’on obser- ve souvent une inversion du pas : les mouvements associés au premier temps sont déplacés vers le second temps, et vice-versa. Les pas collectés au Cap-Breton (Leblanc-Sadowsky8) nous présentent ! toute la gamme des variations avec ou sans inversion des 2 temps du pas. Le Rant Step anglais L’exemple de Terre-Neuve9 (French Coast) nous donne encore Pour le moment nous n’avons rien anglaise du Lancashire et du Cheshire une nouvelle variante (sans inversion trouvé d’équivalent en Écosse ou en (nord-ouest de l’Angleterre). 10 de côté). Irlande. Ce pas est très présent dans Les quelques transcriptions du le nord-est de l’Angleterre, mais se « pas de reel » que nous avons trou- Recherche d’antécédents retrouve aussi dans d’autres régions vées sont toutes d’origine anglaise (et britanniques anglaises :dans le Dorset par exem- non écossaise ou irlandaise). La plus La recherche d’antécédents dans ple (sud-ouest de l’Angleterre) où il ancienne collecte que nous avons de les Îles britanniques nous a mené au fait partie intégrante du Four Hand ce pas date de 1914, par Cecil Sharp très populaire « Rant step » (par- reel (reel à quatre). Il est également auprès de William Kimber, le 4 juillet fois appelé « reel step ») anglais. très présent dans la danse Morris 1914. Une autre version fut collectée

7 Bulletin par Tom Flett et sa fille Joan, utili- bien peu de faits sée dans le « four Hand reel » (reel pour étayer une à quatre). Finalement C. Sharp l’a telle hypothèse. recueilli à nouveau en 1919. P o u r l e moment nous Origine probable devons donc Tout semble donc suggérer une nous en tenir origine anglaise au pas de reel si répan- à une origine du tant au Québec qu’ailleurs au vaguement bri- Canada. L’association très fréquente t a n n i q u e d e notre gigue et de ce pas avec le Four hand reel (reel à quatre) est par ailleurs significative non pas particu- puisque nos Reels à 4 comportent tou- lièrement irlan- daise comme jours des parties giguées. Rappelons on l’affirme que les pas de gigue utilisés au sein souvent. Mais de danses de figures sont particuliè- encore faudrait- rement significatifs, et représentatifs, il être en moyen puisque partagés par une large por- de discerner les tion de la population, à l’inverse des trois types de tra- danses solo, qui restent l’apanage de ditions au début quelques virtuoses, cherchant bien sûr du XIXe (l’irlan- à se démarquer. daise, l’écossaise et l’anglaise). Conclusion On observe Les données démographiques de par ailleurs que l’immigration en provenance des Îles depuis les années britanniques suggéraient fortement ‘70, l’inver- une influence principalement irlan- sion du premier daise sur notre gigue, vu la prédomi- temps avec le nance des populations irlandaises sur second est deve- les écossaises ou les anglaises. L’étude nu la norme, sur- Jeunes danseurs de clog du nord de l’Angleterre. du cas du « pas de reel », un des tout au Québec. plus pratiqués dans l’Est du Canada, Cette inversion n’aurait pas été possi- Érin. propose plutôt une origine anglaise. ble sans le développement de la gigue 2. On trouve un texte dans la Gazette de Québec de 1829 annonçant des :« danses espagnoles, D’autres pas de notre tradition s’as- solo ou de compétition puisque l’an- menuet de la cour, gavotte d’Angoulème, reels similent certainement plus au « sean cienne version, qui a les mêmes appuis écossais et irlandais, gigue écossaise et irlandai- nos » irlandais ou à la gigue des que le pas de polka, s’adaptait parti- se, The new galliopard ». Il est par ailleurs difficile Lowlands qu’à la tradition anglaise, culièrement bien aux déplacements de de se faire une idée précise de ces «gigues écos- saise et irlandaise». mais pour le moment l’étude du « pas la danse de figures. On peut donc dire 3. Il publie ses Mémoires en 1897. de reel » nous dirige uniquement vers que notre tradition de gigue a d’une 4. Vidéo disponible au Musée canadien des civi- l’Angleterre. Comme quoi l’histoire part retenu des éléments anciens et lisations. et l’ethnologie de la danse ont encore d’autre part développé de nouvelles 5. Voir les quatre notations du Pas de reel, qui variations inexistantes dans le Vieux sont placées en ordre de complexité, de la plus bien des pistes à ouvrir, surtout en ce simple à la plus élaborée (de gauche à droite). qui concerne la danse de pas. Continent. En effet la version 4, la 6. Vidéo disponible au Centre Mnémo. Une explication possible, parmi plus développée, et très fréquente 7. Vidéo disponible aux Archives de folkore de tant d’autres, serait que ce « pas de dans l’Est du Canada, n’est pas attes- l’Université Laval. reel » aurait été commun à l’ensem- tée en Angleterre. En ce sens, nous ne 8. Vidéo disponible au Musée canadien des civi- serions pas une marge conservatrice lisations. ble des Îles britanniques avant les 9. Observé dans le documentaire « Le dernier vagues d’immigration en Amérique d’éléments disparus au centre, mais boutte » (Le son des français d’Amérique, réali- du Nord, que nous l’aurions conser- plutôt une marge porteuse d’évolu- sation: André Gladu et Michel Brault, coul.,1974- vé et développé ici, tandis que l’Ir- tion de répertoires anciens. 1978, 16mm, 30 min.), Péninsule de Port au Port, Terre-Neuve, 16mm, 28 min. lande et l’Écosse l’auraient oublié, et Notes 10. Chris Metherell, de Newcastle-upon-Tyne l’Angleterre préservé dans sa forme 1. L’auteur a même passé pour irlandais à quel- (Angleterre), nous a même confirmé l’absence du la plus simple. Mais avouons qu’il y a ques reprises, lors de représentation dans la Verte Rant step en Écosse.

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La vie et l’univers de Jean Carignan

V e r s 1 9 2 6 , a u Li s a Or n s t e i n e t moment où la famille Pi e r r e Ch a r t r a n d * s’installe à Montréal, il a déjà acquis la techni- NDLR : Ce texte fut préparé pour que de son père. C’est la réédition d’un CD portant sur Jean lors d’une noce pour Carignan, qui sortira chez les disques laquelle il jouait qu’il Rounder (Boston, É-U). Il s’agit de la rencontre Joseph Allard réédition du 33 tours Philo 2001, pro- [1873-1947] dont il duit au Vermont en 1973. possédait et admirait les enregistrements sur ean Carignan est né à Lévis, au sud 78 tours. À l’invitation Jde la ville de Québec, le 7 décem- d’Allard, Jean com- bre 1916, d’Yvonne Clouthier et de mença à le visiter cha- Joseph Carignan. Son père, qui était que soir et apprit ainsi maçon de métier, jouait également son répertoire en quel- du violon. Le jeune Jean était l’aîné ques mois. d’une famille nombreuse et pauvre, Vers l’âge de 11 ou 12 ans, Jean fut devant déménager souvent pour apprenti chez un cor- trouver de l’emploi. Ayant appris le donnier qui lui permet- violon en cachette à l’âge de 4 ans, tait de jouer du violon deux ans plus tard, il faisait déjà la pendant l’heure du manche à , où la famille repas. Deux ans plus venait de s’installer. Il secondait éga- tard il joint le groupe lement son père dans des veillées de de George Wade, qui danses, le tout pour apporter un petit dirige l’orchestre des supplément au revenu familial trop Cornhuskers de Toronto. Wade de la clarinette, et y dansait parfois la modeste. Ces longues journées et ces s’était en effet présenté par hasard à gigue! Seulement en 1933, l’orchestre veillées jusqu’aux petites heures ne la boutique de cordonnerie où tra- enregistra treize 78 tours chez Victor lui permettront guère de poursuivre vaillait Jean, et lui offrit le jour même (RCA Black Label), essentiellement son éducation scolaire. Il en garde- un contrat de cinq ans avec l’or- de la musique de danse, avec les calls ra toujours des difficultés à écrire. chestre. Il y jouera de 1933 à 1938. de George Wade. Quelques années plus tard, les George Wade [1895-1975] était un En 1937, Jean laisse les Carignan s’installent à Trois-Rivières, calleur originaire du Manitoba. Son Cornhuskers et revient à Montréal toujours à la recherche de travail. Jean groupe Les Cornhuskers (ou Corn pour se marier deux ans plus tard et continue de jouer dans la rue et de Huskers) était reconnu comme l’or- fonder une famille. Il joue réguliè- faire des petites « jobines » pour chestre « country » le plus populaire rement à la Salle Saint-André (rue amener de l’eau au moulin. C’est à du Canada. La formation ressem- Saint-André, coin Sainte-Catherine). cette époque qu’il entendra pour la blait à un « bigband » de jazz, mais Les salles de bals urbains rempor- première fois du violon classique, joué interprétant de vieux airs de danse. Il taient alors un vif succès à Montréal. pour accompagner un film muet au s’est produit dans des salles de dan- C’est ainsi qu’on retrouvait Philippe cinéma du quartier. Ce fut le début ses tant ontariennes que québécoises, Bruneau, Ovila Légaré et Andy d’une passion sans fin pour le violon du milieu des années vingt jusqu’aux Desjarlis au Café Mocambo, à la fin classique et la musique des grands vir- années quarante. Déjà en 1928, on les des années cinquante, tandis que tuoses tels Jascha Heifetz and Yehudi entendait à la radio torontoise CFRB, la Salle Saint-André “roulait” déjà Menuhin, dont il collectionnait et puis en 1933 ce fut le premier groupe depuis plusieurs années. Les salles du chérissait les enregistrements. du genre à passer régulièrement sur Trinidad Ballroom et du Casa Loma * Lisa Ornstein est une musicienne de grand les ondes de CRBC, ainsi qu’à la étaient également fort prisées. talent, ainsi qu’une ethnomusicologue répu- tée. Elle habite la côte ouest américaine. Pierre CBC. Carignan y jouait bien sûr du Jean jouera donc à la Salle Saint- Chartrand : voir article précédent. violon, mais aussi du saxophone et André de 1939 à 1954, pour arrondir

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lorsqu’ils se pro- composera également un radio-théâ- duisent au Québec tre, diffusé le 21 juin 1961, à la SRC, et au Canada, intitulé Ti-Jean and the Devil, inspiré comme à l’Exposi- bien sûr par Jean… tion universelle de Sam Gesser (1930-2008) eut 1967 à Montréal également un impact notoire sur la et aux Fêtes du carrière de Jean. Fils d’une famille Centenaire de la d’immigrants juifs-polonais de clas- Confédération, se ouvrière de Montréal, Gesser eut a i n s i q u ’ à une longue carrière dans le monde du Londres (Festival spectacle durant presque soixante ans. d e s A r t s d u Dans les années ’50 et ’60, il organisa Commonwealth), des concerts folk des deux côtés de à Paris (Salle de la frontière, avec, entre autres, Pete l’Olympia) et aux Seeger, Hélène Baillargeon, Alan États-Unis (Ed Mills et Jean Carignan. Collaborant Sullivan Show). avec Sam Asch de Folkways, il pro- Jean Carignan et son taxi. Photo tirée de la pochette du 33 tours FI-2001 de Un disque sera duisit près de 100 disques sous cette chez Philo (1973). par ailleurs tiré de étiquette, dont le disque Old Time ses fins de mois de cordonnier et de leur spectacle à la Comédie canadien- Fiddle Tunes Played by Jean Carignan (FW03531, 1961) où celui-ci est riveteur. En 1955, il sera engagé, tou- ne (sous étiquette RCA Victor). accompagné par Pete Seeger (banjo), jours à temps partiel, par l’orchestre Les Feux-Follets mettront fin à Marcel Roy (piano) et Danny de danse de Bob Hill. Jean, avec ses leurs activités en 1968, par manque MacDougal (second violon). frères Marcel et Rodolphe, accom- de fonds Jean apportera sa derniè- . C’est dans les années soixante- pagneront Hill à New-York, afin re contribution à la compagnie en dix qu’il sera « découvert » par le d’enregistrer une série de disques de enseignant la Valse-clog. Depuis ce grand public québécois, lors de l’en- musique de danse, sur étiquette Folk temps, l’Amérique entière parle de la gouement général pour la musique Dancer, dont un avec le calleur Ralph « French-Canadian waltz-clog » que traditionnelle comme symbole cultu- Page. l’on ne tient en fait que de lui! rel et nationaliste. Le 3e Festival de Puis Jean en eu assez de jouer dans Jean travailla avec une autre figure musique traditionnelle (1975) donna des salles de danse pour un salaire importante de la scène folklorique : en quelque sorte le coup d’envoi minable. Il décida alors de se consa- Alan Mills (né Albert Miller) [1913- à sa renommée, d’autant qu’il fut crer plutôt à la musique de concert, et 1977]. Chanteur, auteur, comédien, suivi d’un documentaire de l’Offi- arrêta de travailler dans les manufac- impresario… Mills fut aussi journalis- ce national du film (ONF) et d’un tures pour devenir chauffeur de taxi, te au quotidien de 1929 à The Gazette album double, qui influencèrent métier qu’il gardera jusqu’en 1973. 1947, puis quitte le journalisme pour Entre 1955 et la fin des années se consacrer entièrement à la scène. ‘60, la carrière de Jean est grande- Il se produit au Canada et aux Etats- ment influencée par le mouvement Unis dans un quintet vocal classique, folk américain et canadien-anglais. ainsi que dans des rôles mineurs à Son travail avec Bob Hill l’avait mis l’opéra de Montréal. C’est à la fin de en contact avec les chefs de file de la années quarante qu’il se tourne vers danse dite « internationale », dont la chanson folklorique, principale- Michel Cartier, directeur de l’Ensem- ment sur les ondes de la CBC avec ble les Feux-Follets. À la demande de diverses émissions, dont plusieurs Cartier, Jean commence à travailler avec Hélène Baillargeon. En tant que avec cette troupe comme musicien et chanteur soliste, Mills engagera Jean professeur de gigue. En octobre 1964, comme musicien accompagnateur et les Feux-Follets deviennent le premier violon solo à différentes occasions ensemble de danse folklorique profes- dont au festival de Newport de 1960 sionnelle au Canada. Il s’agit d’une (prestation enregistrée chez Vanguard compagnie de 70 danseurs, chanteurs – VRS-9083) et au Carnegie Hall et musiciens, dont Jean et Philippe la même année. Ils se produisirent Bruneau. Les Feux-Follets atteignent également à de multiples reprises au leur apogée au milieu des années ‘60 festival Mariposa (Toronto). Mills Yehudi Menuhin et Jean Carignan

10 Bulletin grandement le milieu. Son enregistrement chez Philo (1973), diffusé des deux côtés de la frontière, confir- ma sa renommée. Suivront une série de concerts plus prestigieux les uns que les autres dans le milieu des années ’70 : Veillée qué- bécoise à La Place des arts (Montréal, 1976) où il était d’ailleurs accompagné de ses deux frères Rodolphe et Marcel. La même année, André Gagnon lui dédie- ra son « Petit concerto pour Carignan et orches- tre ». En 1978, Les Grands Ballets Canadiens interpré- teront « Suite Carignan », sur une musique de Donald Patriquin, avec Jean comme musicien (reprise en 1980). Le Petit concer- Jean Carignan et Yves Verret, grand accordéoniste de la région de Québec. to d’André Gagnon sera par ailleurs interprété pour la CBC décide de prendre sa retraite (vers 64 ration marquée par le disque, et lui en 1979 (série « Music of Man ») ans). tout particulièrement. Il avait pour avec Carignan et Yehudi Menuhin1 ainsi dire le culte du disque par lequel comme solistes. Ce dernier avait Son répertoire, son style il cherchait à reproduire le style de d’ailleurs dit de Carignan : Le style de Carignan est marqué certains grands joueurs tels Coleman, « Ce que j’aime de Jean Carignan par l’éclectisme qui lui fit assimi- Skinner, Morrisson. En fait, il s’ap- c’est que, dans ses mains, le violon ler le répertoire écossais et irlandais propriait certaines techniques pro- n’est pas, comme c’est le cas pour (appris principalement par les dis- pres à chacun d’eux, et en faisait moi et mes collèges instruits, un ins- ques) sans vraiment côtoyer cette « du Carignan », tant est que ses trument appris et étudié au service de musique vivante. Puis en l’intégrant interprétations de ces grands violo- l’interprétation des partitions musi- à son expérience de musicien québé- neux ne sont jamais copies conformes cales des cinq derniers siècles de la cois, vivant à Montréal, où se mêlent mais réinterprétations à sa manière. civilisation européenne – mais bien tout de même les influences écos- C’est alors qu’il fusionne la finesse un instrument populaire univer- saises et irlandaises, sans que ce soit du jeu de Sligo, le côté plus classique sel avec une vitalité, une créativité, nécessairement celles de Coleman ou de Skinner, avec l’exubérance du jeu Skinner. Car ses maîtres vivants que une expression dynamique propre québécois. furent son père, puis Joseph Allard à lui, entre des mains de maître et L’ensemble de son jeu est marqué et Willie Ringuet, seront remplacés à néanmoins autodidacte – musique, terme par les disques de James Scott par la recherche constante de la vir- mains et violon, nés de et conduits Skinner, James Morrison et Michael tuosité : tempi poussés à l’extrême, par les pieds dansants et les coeurs Coleman. Ses interprétations de ces articulation très marquée, ponctué de battants de l’Écosse, de l’Irlande et enregistrements sont toutefois très coups d’archet spiccato. du Québec, et façonnés par l’intel- personnelles, marquées tant par le C’est pourquoi on dit encore de ligence inventive et vivante de Jean style de ses mentors québécois que certains musiciens qu’ils jouent « du Carignan. »(traduit de l’anglais). par les coups d’archet spectaculaires Carignan » en ce sens que ce n’est C’est donc en pleine apogée de sa acquis par l’écoute des violonistes pas tant le répertoire (qui ne lui est carrière que la surdité, causée selon classiques. évidemment pas propre) mais bien la lui par ses longues années de travail Bien qu’issu de la tradition orale, manière et le style virtuose et exubé- en manufactures, le surprend et qu’il Jean Carignan aura été de la géné- rant qui le caractérise.

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de la méconnaissance d’une collectivité déracinée, accul- turée. Ti-Jean Carignan via les U.S.A. Ti-Jean Carignan … vingt ans après … Ti-Jean Carignan … aujourd’hui symbole, parmi tant d’autres, de nos Consciences élitiques qui n’ont jamais fait l’appren- tissage du souvenir; symbole aussi de notre ressouvenir… et de notre ressourcement. Ti-Jean Carignan, fils de l’oubli, fils d’une époque où l’histoire était la création des historiens, où la musi- que… c’était celle des autres. Ti-Jean Carignan pour- tant fils de maçon… et de Son impact sur la musique s’adaptant à la nouvelle situation, en fille d’habitant. Pourtant fils de vio- québécoise faisant parfois les compromis néces- loneux “pour faire danser”. Ti-Jean Le fait que Jean Carignan eut saires. Carignan… fils échu d’une tradition atteint sa célébrité qu’à la fin de Jean Carignan n’était pas homme pourtant surhumaine! sa carrière est principalement dû à de compromis, pas plus que gérant Assis dans un taxi. Montréal. l’époque dans laquelle celle-ci s’in- d’orchestre. Il fut toujours à la solde Quelque part dans les années 60. Par sère. Jean vécut la période charnière d’un groupe ou d’un autre, ou d’un hasard. C’est lui. Lui, le violoneux, des deux Québec du XXe siècle, celui producteur. Car toute sa volonté et le chauffeur de taxi… et qui tricote. d’avant et celui d’après la Révolution ses facultés étaient essentiellement et Lui, l’exilé, l’oublié dans son propre Tranquille. Cette révolution par uniquement dirigées vers la virtuosité pays. » laquelle le Québec entra de plein pied et l’excellence de son jeu. Issu d’un Extrait de « Jean Carignan... et si dans la modernité. Il avait 44 ans en milieu pauvre, il y resta plus ou moins c’était une légende » par Jean Trudel, 1960, en pleine Chamboulement pas tout le long de sa vie, car sa richesse septembre 1978 (dans la pochette du si Tranquille. Au sommet de son art était ailleurs. Il se savait le propriétai- 33 tours de « Musiciens traditionnels et de sa forme il se retrouva dans une re d’un jeu inégalé, sinon inégalable, québécois : Jean Carignan », disque période où le Québec, voulant se libé- et n’hésitait d’ailleurs pas à le pro- Patrimoine PAT 190011, vol. 1 et 3 rer, avec raison, du joug de l’Église clamer. Il avait appris jeune à attirer et du conservatisme représenté par l’attention par son jeu, pour subvenir Prix et médailles : Duplessis (alors premier ministre très au besoin de la famille, et resta toute Ordre du Canada (1974) conservateur au Québec), procéda à sa vie un interprète flamboyant et Prix de musique Calixa-Lavallée une « révolution » en profondeur incomparable. Homme sans conces- (1976). Doctorat Honoris Causa de de la société et de sa culture. Il fal- sions, fidèle à lui-même et à son l’université Mc Gill (1977). lait à tout prix entrer de plein pied milieu, mais cherchant constamment dans la modernité, coûte que coûte. à dépasser ses limites personnelles et C’est l’époque où tout ce qui avait celles de son instrument. Notes un « relent de campagne », qui nous Jean Carignan, qui nous quitta le 1. « What I love about Jean Carignan is that, in his hands, the violin is not, as with me and most rappelait trop cette société jugée 16 février 1988, est un musicien que of my literate colleagues, a studied and learned obtuse, est mis de côté. chaque génération redécouvre, à sa instrument serving the interpretation of musical Mais d’autres musiciens tels manière, tant son jeu fut exception- scores from our five hundred years of European civilization – but a universal folk-instrment with a Isidore Soucy [1899-1962], et son nel. Un classique du traditionnel... creative vitality, a dynamic expression of its own, groupe La Famille Soucy, ou plus « Ti-Jean Carignan… c’est le nom released by materly hands however unschooled tard Ti-Blanc Richard [1920-1981], qui restera. Avant même que le sou- – music, hands and violin, born of and driven by venir, avant même que la Mémoire the dancing feet and beating hearts of Scotland, menèrent leur barque, et leur orches- Ireland and , and shaped by Jean tre, contre vents et marées, traversant et l’Histoire le consacre. Ti-Jean Carignan’s own lively, inventive intelligence. » les bourrasques qui se présentaient en Carignan … au delà des sarcasmes et Yehudi Menuhin January 3, 1978

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Chansons acadiennes dans la Baie-des-Chaleurs.

Ma r i o Fo r e s t *

l’Action de grâces, en octobre Àdernier, se tenait à Carleton-sur- Mer, La Virée, festival de chanson, conte, danse et musique tradition- nels, qui en était à sa huitième édition et me rappelait qu’il était en partie responsable de mon déménagement en Gaspésie. C’était en 2002 et La Virée en était à sa deuxième édition. Déjà depuis quelques années quand j’étais à Joliette, je souhaitais retourner sur le terrain, à la rencon- tre des musiciens et des chanteurs qui possèdent un répertoire joué ou chanté. J’avais vécu des rencontres de première main avec ces colporteurs de bonheur dans les premières années de La Bottine : les chansons savoureu- ses que Marc Brien de Sainte-Marie- Salomée semblait sortir de sa besace, ou la voix haut perchée de Clarence Bordeleau ou celle plus rugueuse de Jean-Louis Thériault de Saint-Côme. J’entends encore le « hourra pour nous autres » que criait le violo- neux Azelus Cantin, oncle de Gilles, Pochette du CD « Paysages sonores d’une Gaspésie acadienne » (illustration de Mylène Henry). de Saint-Liguori quand nous finis- sions de jouer un air. Je me souviens d’un hiver rigoureux à Québec où des Acadiens de la Baie-des-Chaleurs de celle-ci, j’ai rencontré 71 infor- nous passions de longues journées à et des plateaux de la vallée de la mateurs d’horizons multiples et de nous réchauffer les oreilles avec André Matapédia. provenances diverses, âgés de 15 à Alain, fin violoneux de Portneuf. Comme Jean-Claude Cyr est 91 ans. Ils sont de la péninsule aca- En déménageant en Gaspésie, emballé par le projet, je le rencontre dienne (Caraquet), des villages le je savais que le temps était venu de au début de janvier 2003 où nous long de la côte, tels Richibouctou, reprendre mon petit bout de chemin mettons en place un plan afin de Bouctouche, Cocagne, Shédiac et de colporteur de tradition. Le lende- trouver des appuis financiers : rédac- Saint-Louis-de-Kent, de même que main de mon arrivée, le 23 décembre tion du plan de projet, échéancier et de la région Moncton/Dieppe et de 2002, je me retrouve au Musée aca- budget. En attendant de trouver le la République du Madawaska du dien du Québec à Bonaventure où je financement pour réaliser le projet, je Nouveau-Brunswick. D’autres vivent fais connaissance avec son directeur suis engagé par le Musée acadien du dans la région Évangéline à l’Île-du- Jean-Claude Cyr. Tout en discutant Québec pour organiser Chapeau à Prince-Édouard, dans la Baie Sainte- de choses et d’autres, il s’informe de nos artistes, une série de 18 spectacles Marie en Nouvelle-Écosse, aux Îles- mes intentions professionnelles. Je gratuits qui se déroule tout au long de de-la-Madeleine et dans la Baie des lui parle alors de mon projet de col- l’été à Bonaventure. Chaleurs au Québec. lecte que je souhaite réaliser auprès Je participe aussi, au printemps Chacune des rencontres enregis- 2004, dans le cadre du 400e anni- trées sert de trame à ce que j’appelle * Mario Forest est musicien et chanteur. Originaire de la région de Joliette, il a fait partie de la Bottine versaire de la fondation de l’Aca- une courtepointe sonore où se retrou- Souriante à ses débuts. Il habite dans la Baie-des- die, à la réalisation d’une enquête vent entremêlés les témoignages sur Chaleurs depuis 2002. sur l’identité acadienne. Au cours différents aspects de l’« acadianité ».

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accueillir des L’enquête réfugiés acadiens Au fil des mois précédant le début fuyant la dépor- du projet, j’ai recueilli une liste de 45 tation. Dès 1758, informateurs potentiels. Ces noms et avec l’aide des provenaient de diverses rencontres Micmacs et des informelles au cours desquelles je par- corsaires acadiens, lais du projet. Cet inventaire a pris ils fondent, au considérablement de l’ampleur en fond de la Baie- cours de projet pour atteindre plus de d e s - C h a l e u r s , 225 personnes. un endroit qu‘ils nomment Petite L’identification Rochelle. Les chansons sont identifiées et E n j u i l l e t classées à partir du « Catalogue de 1760, ils seront la chanson folklorique française » de plus de mille Conrad Laforte. Dans le cas des chan- Acadiens à com- sons plus récentes et souvent litté- battre les Anglais raires, nous utiliserons les Cahiers de à la bataille navale la bonne chanson de l’abbé Charles- de la Restigouche. Émile Gadbois. Avec l’aide des Les pièces instrumentales ano- Micmacs, d’une nymes ou avec des titres personnels garnison de sol- sont analysées et identifiées par Éric dats français et Favreau, ethnomusicologue consul- des pêcheurs sai- tant, et Ivan Hicks, joueur de violon sonniers (Basques, et spécialiste du répertoire de l’Est du N o r m a n d s , Canada et du style « Down East. » Bretons, Français Lorsque j’entreprends mes recher- M. Simon Bujold 1854-1926 de Bonaventure. Surnommé Ti-noum, Simon et Canadiens) qui Bujold est un descendant du corsaire acadien Louis-Amand Bujold. ches, mes attentes sont élevées, car ont fuit leurs ins- cette population québécoise à forte Un disque est né de ce projet : tallations de pêche mis à sac par les concentration acadienne me semble ArtcaDIT. On y retrouve les sept Anglais, ils résisteront une quinzaine un terroir favorable à des trouvailles thématiques abordées lors des entre- de jours avant de s’avouer vaincus. particulières. tiens : L’identité acadienne, d’hier Après la défaite, ils s’installeront Je commence mes rencontres à aujourd’hui, les Acadiens, la sur- e sur les rives de la Baie-des-Chaleurs avec divers informateurs, surtout des vivance, la fierté acadienne, le 400 chanteurs et des musiciens. anniversaire et les défis de l’Acadie. d’abord à Bonaventure en 1760 puis J’ai fait la rencontre de madame en 1766, à Tracadièche, aujourd’hui Blandine Vienneau originaire de New Présence acadienne en Carleton-sur-Mer. Richmond. À 94 ans, elle montre Gaspésie Une deuxième vague importan- encore un plaisir évident à chanter. Le projet de collecte débute fina- te de colonisation par les Acadiens Son répertoire n’est pas de tradition lement à l’automne 2004 après avoir commence à partir de 1860. Ils vien- orale. Elle me raconte que tous les obtenu un financement de MCCQ- soirs, elle chantait avec sa mère en nent de la région de Rustico à l’Île- CRCD avec comme objectifs : essuyant la vaisselle et conclut avec un rechercher, analyser, classifier et met- du-Prince-Édouard et fondent, en sourire grippette qu’elle va demander tre en valeur la richesse du patrimoine 1870, le village de Saint-Alexis sur au propriétaire du foyer où elle loge oral acadien de la Gaspésie. Intitulé les plateaux à l’embouchure de la la permission de faire la vaisselle. Sur Témoignages vivants, il s’étale sur Matapédia. Ces nouveaux colons sont le disque, elle chante une chanson de 12 mois avec comme objectif concret attirés par l’offre de terres gratuites Madame Bolduc, La Bastringue sur la réalisation d’un disque intitulé laquelle on peut l’entendre sourire. faite par le gouvernement du Québec Paysages sonores d’une Gaspésie aca- Après quelque temps, je constate dienne. Aujourd’hui, ils sont 80 % de que le répertoire chanté par les infor- La région de la Baie-des-Chaleurs souche acadienne dans le comté de mateurs provient principalement des fut la première région au Québec à Bonaventure. « Cahiers de la Bonne Chanson »

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nouveaux réper- publiés par l’abbé Gadbois dans les toires auprès de années trente. Il faut dire que ces cahiers furent excessivement popu- « vedettes » tel laires. En effet, 600,000 copies de la Don Messer and première édition sont vendues en His Islanders de 1938. Ça laisse des traces. Déçu, je Charlottetown décide alors de consulter les Archives (IPÉ) qui se de Folklore de l’Université Laval afin produit trois d’évaluer le collectage réalisé dans la fois par semaine Baie-des-Chaleurs. Heureusement, sur CBC Radio j’y ai trouvé plusieurs collections entre 1939 et intéressantes. 1958. À par- L’objectif premier de cette consul- tir de 1956 et tation est de cibler les enregistrements jusqu’en 1969, de chansons pouvant compléter les on peut voir le enquêtes que je mène dans le cadre Don Messer’s du projet de Témoignages vivants et Jubilee à chaque permettre la réalisation d’un centre semaine à la télé- d’archives sonores et la réalisation vision de CBC d’un DC. Halifax, N.É. Au cours des quatre journées pas- sées à Québec en décembre 2005, je Plus récem- consulte 38 dossiers, de différentes ment c’est Ivan ampleurs, dont les recherches ont été Hicks, mem- menées dans les comtés de Gaspé Est, bre du North Bonaventure et Matapédia. American Fiddlers Hall of Parmi les trouvailles, il y a Isidore Le quai de Bonaventure avec ses barges et Bernard que Simonne Voyer a ren- Fame qui tient la table pour le tranchage de la morue. 1940 contré à Maria en 1957. C’est un l’antenne de chanteur spectaculaire, avec un sens CFQM-Radio Moncton pendant 13 d’archives sonores acadiennes du du théâtre qui sûrement influencé ans. Québec (CASAQ). Pour atteindre sa petite-fille, la comédienne Nicole cet objectif, nous désirons regrouper Leblanc. Il interprète deux chansons : Résultats de l’enquête à Bonaventure tous les fonds sono- Le chat et Le pont de Longueuil 250 chansons incluant les chan- res dont les collectes ont été réali- dans laquelle les politiciens de l’épo- sons provenant des Archives de sées dans les communautés acadien- que sont déjà aussi tordus que ceux Folklore ; nes de la Gaspésie. Ces collectes se d’aujourd’hui. Aussi M. Sévérin 254 airs de violon, 23 mélodies retrouvent aux Archives de folklore Langlois de Cannes-de-Roches près d’harmonica , 11 mélodies de gui- et d’ethnologie de l’Université Laval de Percé qui a donné plusieurs belles (AFEUL), au Centre d’Études aca- chansons au répertoire de Raoul Roy. tare, 7 airs d’accordéon, 1 morceau de piano. diennes (CEA) de l’Université de Moncton et au Musée canadien des J’ai réalisé en 2007 un disque inti- La Gaspésie acadienne : civilisations (MCC) de Hull. Le pro- tulé musique et chansons Paysages sonores d’une Gaspésie jet n’est pas encore réalisé faute de avec 20 chansons et 19 traditionnelles des Cayens acadienne fonds. mélodies. Une partie du répertoire Afin de produire un disque qui recueilli sert aussi à de jeunes chan- Conclusion. reflète la richesse des traditions ora- teurs intéressés par les traditions loca- les des communautés acadiennes les : Pierre-André Bujold, Les Pièges à Je souhaite poursuivre les recher- de la Gaspésie, je fais une sélection ches et mettre en place un centre Pattes, Éric Dion. de chansons qui proviennent des d’archives sonores au Musée acadien Archives de l’Université Laval. Centre d’archives du Québec à Bonaventure afin de Quant au répertoire instrumental, rapatrier le fruit des collectes qui se sonores acadiennes du il est fortement influencé par la proxi- sont faites dans la région. Ainsi, cette mité du Nouveau-Brunswick et par Québec (CASAQ) richesse se rapprochera de son milieu des émissions de radio vouées au vio- Le Musée acadien du Québec à d’origine et pourra servir aux artistes lon. Les musiciens y recherchent de Bonaventure désire fonder un Centre intéressés.

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Prix Mnémo : « L’Irlande au Québec »

e Prix Mnémo, fut décerné culièrement le travail Lcette année à Lisa Ornstein, d’André Marchand Keith Corrigan et Jimmy Kelly à la prise de son, de pour le remarquable CD documen- Guy Bouchard et taire « L’Irlande au Québec. » Christine Fortin Entièrement consacré aux tradi- à la rédaction du tions orales et musicales de la com- livret, et du Centre munauté irlandaise de la région de de valorisation du Shannon-Valcartier, au nord-est de patrimoine vivant – Québec, « L’Irlande au Québec » est ÈsTrad, qui, en der- une production audio accompagné nier recours, a assuré d’un important livret documentaire la production maté- électronique (PDF). Elle permet de rielle du CD. découvrir les répertoires instrumental, Le CD contient dansé et chanté de la tradition irlan- 23 pièces instru- daise implantée au Québec depuis le mentales, principa- premier tiers du 19e siècle, à travers lement menées par le répertoire de l’accordéoniste Keith Keith Corrigan et le Corrigan et du chanteur Jimmy Kelly. plus souvent accom- Le travail de recherche de Lisa pagnées par Lisa Ornstein a été entrepris tôt dans les Ornstein et Jimmy Kelly au violon, musiciens et chanteurs locaux avec années 80, alors qu’elle fréquentait André Marchand à la guitare et Nick une rigoureuse recherche ethnohis- régulièrement les activités musicales Hawes au piano, ainsi que quatre de cette localité. torique qui donne sa dimension uni- chansons a cappella remarquablement L’idée de consacrer une édition que à cette remarquable production, interprétées par Jimmy Kelly. aux traditions irlandaises de la région à laquelle le jury a attribué le Prix Sur le CD, en plus des 27 pièces avait germé dans l’esprit de Lisa et de Mnémo 2008 à l’unanimité. enregistrées, on trouve un fichier PDF Keith dès la fin des années 90. PS : Vous pouvez également vous Le projet a finalement vu le jour contenant un volumineux cahier d’ac- grâce à l’apport de nombreuses per- compagnement de 65 pages. référer à la critique d’Éric Favreau sonnes qui se sont associées à l’entre- L’œuvre combine ainsi la tradi- que nous avions publié dans le dernier prise au fil des ans. Soulignons parti- tion vivante et toujours portée par les Bulletin Mnémo (été 2008).

Devenez mem­bre Centre Mnémo 255, rue Brock, local 426, L’abon­ne­ment au Bulletin Mnémo est gra­tuit pour les mem­bres (2 numé­ros par Drummondville (Québec) J2C 1M5 année). Les mem­bres ont aussi droit : 1) à la consul­ta­tion gra­tui­te de nos archives ☎ : (819) 472-3608 audiovisuelles et imprimées (2$ pour les non-mem­bres) ; 2) à une réduc­tion de télé­co­pieur : (819) 477-5723 20% sur l’ensem­ble de nos produc­ ­tions. Tous les membres­ ayant réglé leur coti­ cour­riel : [email protected] sa­tion deux mois avant la date de l’Assemblée géné­ra­le ont droit de vote. Pour devenir­ membre,­ vous n’avez qu’à nous joindre aux coordonnées ci-contre. site web : www.mnemo.qc.ca

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Dépôt légal : Bibliothèque natio­na­le du Québec et Direction et montage Bibliothèque natio­na­le du Canada. ISSN 1480-5022 Pierre Chartrand