PALEO Revue d'archéologie préhistorique

18 | 2006 Varia

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/paleo/110 DOI : 10.4000/paleo.110 ISSN : 2101-0420

Éditeur SAMRA

Édition imprimée Date de publication : 1 décembre 2006 ISSN : 1145-3370

Référence électronique PALEO, 18 | 2006 [En ligne], mis en ligne le 22 avril 2009, consulté le 16 juillet 2020. URL : http:// journals.openedition.org/paleo/110 ; DOI : https://doi.org/10.4000/paleo.110

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SOMMAIRE

Composition granulométrique des assemblages lithiques Application à l’étude taphonomique des sites paléolithiques Pascal Bertran, Émilie Claud, Luc Detrain, Arnaud Lenoble, Bertrand Masson et Luc Vallin

Compléments d’informations chronologiques sur le campement moustérien de tradition acheuléenne du gisement de La Folie (Poitiers, Vienne) L. Bourguignon, E. Vieillevigne, P. Guibert, F. Bechtel, S. Beyries, A. Emery-barbier, V. Deloze, C. Lahaye, Farid Sellami et N. Sellier-segard

Petit gibier et fonction de sites au Paléolithique supérieur Les ensembles fauniques de la grotte d’Anecrial (Porto de Mos, Estremadure, ) Jean-Philip Brugal

Les Fieux : une occupation gravettienne du Causse quercinois Patricia Guillermin

Les pièces esquillées : état des connaissances après un siècle de reconnaissance Foni Le Brun-Ricalens

L’occupation de l’Aurignacien Ancien De Barbas III (Creysse, Dordogne) Résultats préliminaires sur la fonction du site Illuminada Ortega, Joseva Rios, Juan-Jose Ibañez, Jesus Gonzalez, Eric Boëda et Farid Sellami

Le burin des Vachons : apports d’une relecture technologique à la compréhension de l’Aurignacien récent du nord de l’Aquitaine et des Charentes Damien Pesesse et Alexandre Michel

Les couches supérieures de la Micoque (Dordogne) Gaëlle Rosendahl

L’économie du silex au Paléolithique supérieur dans le bassin d’Aquitaine Le cas des silex à lépidorbitoïdes des Pyrénées centrales. Caractérisation et implications méthodologiques Micheline Séronie-Vivien, Marie-Roger Séronie-Vivien et Pascal Foucher

Nouvelle lecture géologique du site paléolithique du Pech-de-l’Azé II (Dordogne, ) Jean-Pierre Texier

L’outil idéal. Analyse du standard Levallois des sites moustériens d’Hermies (Nord de la France) Luc Vallin, Bertrand Masson, Jean-Paul Caspar et Éric Depiereux

Nouvelles de la préhistoire

Quelques éléments remarquables de la faune du Solutréen de Laugerie-Haute (Les-Eyzies- de-Tayac, Dordogne) Jean-Christophe Castel et Stéphane Madelaine

AMS dating of a recently rediscovered juvenile human mandible from Solutré (Saône-et- Loire, France) William Pestle, Michael Colvard et Paul Pettitt

L’exploration en galeries souterraines, une pratique méconnue de l’histoire des fouilles préhistoriques en grottes au XIXe siècle : l’exemple de la caverne de la (Belgique) Michel Toussaint et Stéphane Pirson

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Composition granulométrique des assemblages lithiques Application à l’étude taphonomique des sites paléolithiques Particle size distribution of lithic assemblages and taphonomy of paleolithic sites

Pascal Bertran, Émilie Claud, Luc Detrain, Arnaud Lenoble, Bertrand Masson et Luc Vallin

Ce travail a été effectué dans le cadre de l’ACR intitulé « Taphonomie des assemblages paléolithiques moyen du Nord de la France » dirigé par L. Vallin. Sont remerciées les différentes personnes qui ont taillé les débitages expérimentaux : B. Aubry, L. Bourguignon, M. Brenet, A. Delagnes, P. Fouéré, J. Pelegrin et V. Mourre. Les responsables des sites archéologiques analysés (C. Fourloubey, M. Jarry, M. Lenoir) et les relecteurs des premières versions de l’article (J. Pelegrin, J.P. Texier et J. Tixier) sont vivement remerciés.

1 - Introduction

1 Une fois abandonnés sur le sol par les hommes préhistoriques, les débris provenant de la taille du silex et les outils usagés peuvent être assimilés à de simples particules sédimentaires, susceptibles de subir l’action des processus géomorphologiques jusqu’à leur enfouissement complet dans le sol. L’idée d’utiliser les vestiges lithiques pour déterminer si ces processus ont joué un rôle important dans la constitution d’un niveau archéologique est relativement ancienne et a fait l’objet de nombreux développements (Schick 1986 ; Kluskens 1990 ; Lenoble 2005). Plusieurs mécanismes sédimentaires ont la capacité de transporter sélectivement les particules en fonction de leur taille et/ou de leur forme. Ce tri granulométrique ou morphométrique est une signature qui peut être aisément mise en évidence par l’analyse de la composition des sédiments. La reconnaissance d’un tel tri dans une série lithique a d’importantes implications sur la signification que l’on peut donner à sa distribution spatiale et aussi, dans certains cas, à sa composition techno-typologique. Dans le cadre de ce travail, on présente un bilan des connaissances sur la distribution granulométrique des assemblages lithiques issues d’expériences ou de l’étude de sites paléolithiques. On tente simultanément de dégager

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les lacunes de nos données et de proposer des perspectives en vue de constituer un outil fiable au service de l’analyse taphonomique des sites paléolithiques.

2 - Méthode de l’analyse granulométrique

2 L’analyse granulométrique d’un sédiment consiste à séparer ses différents constituants en classes dimensionnelles à l’aide de cribles ou de tamis pour la fraction supérieure à 2 mm, qui seule nous intéressera ici. En sédimentologie, on utilise de manière standard des tamis dont la maille suit une progression géométrique de raison 1,25, soit 2 mm, 2,5 mm, 3,15 mm, 4 mm, 5 mm, 6,3 mm, 8 mm, 10 mm, 12,5 mm, 16 mm, 20 mm etc. En pratique, cette série est souvent simplifiée ; les mailles retenues sont 2, 4, 5, 10, 20 mm. Pour une particule ronde, la taille de la maille correspond précisément au diamètre maximal susceptible de passer à travers. Pour une particule aplatie, cette taille ne correspond qu’approximativement à sa largeur. En effet, lorsque l’épaisseur est négligeable, la largeur maximale pouvant passer à travers une maille de taille d est égale d√2 (fig. 1), soit 1,414 cm si la maille est égale à 1 cm. Cette approximation est toujours négligée pour des sédiments composés de particules de forme généralement quelconque.

Figure 1 - Influence de la forme d’une particule sur la largeur maximale pouvant passer à travers un tamis de maille d. Figure 1 - Influence of shape on maximum particle width able to pass through a sieve mesh d.

La nécessité de ne pas abîmer les objets archéologiques étudiés impose une procédure d’analyse différente. Si le recours au tamisage classique ne peut être évité pour la fraction la plus fine, les objets plus volumineux sont passés manuellement à travers les tamis, qui servent alors de gabarits, ou bien leur largeur est mesurée à l’aide d’une règle ou d’un pied à coulisse. La largeur correspond à la plus grande dimension de l’objet prise dans le plan orthogonal à son axe d’allongement et peut différer sensiblement de la “ largeur ” telle qu’elle est mesurée en archéologie, qui correspond à la plus grande dimension prise dans le plan orthogonal à son axe de débitage (Tixier et al. 1980). D’une manière pratique, la taille maximale des pièces que l’on soumet au tamisage dépend du temps que l’on peut consacrer à la mesure et des caractéristiques de l’industrie. Le nombre de petits objets étant souvent élevé, la mesure de la largeur des pièces inférieures à 1 cm devient rapidement très fastidieuse. Dans le cas d’industries lamellaires où certaines pièces de petite dimension ont un intérêt typologique ou technologique et peuvent être détériorées lors d’un passage au tamis, on préfère usuellement effectuer un premier tri de manière à sélectionner dans la fraction inférieure à 1 cm les objets remarquables pour les mesurer ensuite séparément, tandis que le reste du matériel est tamisé. Le raccord entre les données issues du tamisage et celles de la mesure manuelle de la largeur nécessite de déplacer

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les limites de classes granulométriques pour les secondes. Comme on l’a vu plus haut, la largeur maximale des pièces pouvant passer à travers un tamis de maille d est comprise entre d et d√2 selon leur forme. Dans le cas de matériel archéologique, une majorité d’objets ont une forme très aplatie et l’approximation faite pour les sédiments ne peut plus être considérée a priori comme négligeable. Une estimation de la valeur moyenne que l’on doit adopter pour pouvoir raccorder sans trop de distorsion les données du tamisage avec celles de la mesure de la largeur a été effectuée en comparant ces deux types de données sur des objets archéologiques (Aurignacien de Caminade, Lenoble 2005) et les produits d’un débitage levallois expérimental. Dans les deux cas, le résultat indique que, pour obtenir le même effectif d’objets dans chaque classe dimensionnelle avec les deux méthodes, la largeur équivalente l eq à une maille de tamis d donnée est très proche de d√2 (fig. 2). Les limites des classes dimensionnelles à adopter pour les objets mesurés manuellement deviennent donc 2,8 mm, 3,5 mm, 4,5 mm, 5,7 mm, 7,1 mm etc. (fig. 3). Le diagramme triangulaire de la figure 4 illustre la distorsion si l’on ne prend pas en compte ce facteur correctif. Dans les séries données comme exemple, l’effectif de la classe [20 mm - 31,5 mm] mesuré manuellement est réduit de 3 à 18 % par rapport à l’effectif obtenu par tamisage, tandis que celui de la classe > 50 mm est augmenté de 2 à 6 %. Dans les paragraphes suivants, les limites de classes données correspondent aux mailles de tamis d.

Figure 2 – A - Largeur (l) de 80 objets provenant d’un débitage levallois expérimental mesurés à l’aide d’une règle. L’appartenance des objets aux différentes classes de tamisage est indiquée par un symbole. Pour que les mesures correspondent au tamisage, les limites de classes doivent être fixée à l2.B – Relation entre les dimensions d’une série d’objets aurignaciens (longueur, largeur) et les classes de tamisage, d’après Lenoble (2005). Figure 2 – A – Width (l) of 80 artefacts from a levallois debitage measured with a ruler. The size classes are indicated by symbols. Similar results are obtained by measurement and sieving if the class limits are l2. B – Relationships between length and width of Aurignacian artefacts and sieving classes, from Lenoble (2003).

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Figure 3 - Valeur des limites de classes dimensionnelles à adopter pour comparer les largeurs mesurées et le tamisage. Figure 3 - Size class limits that have to be taken to compare measurements and sieving.

Figure 4 - Influence de la méthode de mesure de la largeur des objets (règle ou tamisage) sur la distribution granulométrique de trois séries lithiques paléolithiques. Figure 4 - Influence of the granulometric method used (measurement vs. sieving) on the size distribution of three lithic assemblages.

3 Une fois le matériel réparti en différentes classes de taille, la distribution peut être quantifiée en mesurant le poids de chaque fraction ou le nombre d’éléments qu’elle contient. La première méthode est celle habituellement employée en sédimentologie. Dans le cas de matériel archéologique, la seconde méthode est préférable. L’allure d’une distribution pondérale est en effet très influencée par les éléments les plus volumineux qui sont également les moins nombreux. Dans le cas de séries peu importantes, de 50 à 200 pièces, une petite variation du nombre de grosses pièces se traduira par une modification importante de la distribution granulométrique. Cela a trois conséquences majeures : 1. Pour que la comparaison entre deux distributions pondérales soit valide, la quantité de matériel mesuré pour chacune d’elles doit être importante. Cela exclut donc les petites séries d’objets ou la pratique de tests sur des petites séries choisies au sein d’un niveau

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archéologique en fonction de la distribution spatiale ou de critères géomorphologiques. A l’opposé, une distribution numérale représentative pourra être établie sur de petites séries d’objets (N = 100 à 200). 2. Lors d’un transport par des écoulements, les éléments de petite dimension sont plus mobiles que la fraction grossière. La distribution granulométrique exprimée en poids est peu sensible à un appauvrissement modéré en petits éléments. A l’inverse, une distribution exprimée en nombre d’éléments fera apparaître très clairement de petites modifications dues à un tri sédimentaire. 3. Pour de nombreuses industries, la majorité des outils ou des supports d’outils est d’assez grande taille. Le nombre de ces objets dans une série lithique est tributaire des comportements humains et varie largement selon la fonction du site et le type de production et de gestion du matériel lithique par les préhistoriques. Par ailleurs, les dimensions de cette catégorie d’objets sont très contraintes par la qualité et le volume des blocs de matière première. A l’inverse, les petits éléments sont principalement des déchets de taille abandonnés à l’endroit où ils ont été produits. Dans le cadre de l’étude taphonomique d’un site, où le principal objectif est de déterminer l’influence des processus naturels dans la constitution du site, l’utilisation des distributions granulométriques numérales qui minimise la contribution de la fraction grossière, s’avère la plus adaptée.

4 Différents moyens de représenter et de caractériser une distribution granulométrique sont possibles. En sédimentologie, on utilise classiquement des histogrammes, des courbes cumulatives ou des diagrammes ternaires pour représenter les distributions. A partir des courbes, on peut calculer graphiquement des valeurs caractéristiques,

comme la médiane Md (ou d50), qui est la dimension pour laquelle 50 % du matériel est plus fin, et des indices de classement qui expriment le caractère plus ou moins resserré de la distribution autour de la médiane. Les mêmes types de représentations peuvent être employés pour le matériel archéologique. Comme indice caractéristique de la distribution, la médiane a ici peu d’intérêt. En effet, cette valeur se situe presque toujours entre 2 et 4 mm, la classe [2 mm - 4 mm] rassemblant en général 60 à 80 % des

objets. Le premier quartile Q1 (d75), c’est-à-dire la dimension pour laquelle 75 % du matériel est de taille inférieure, est en revanche plus adapté. La figure 5 donne les valeurs de Q1 pour deux débitages expérimentaux et une série lithique paléolithique moyen.

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Figure 5 - Courbes granulométriques numérales cumulatives pour trois séries lithiques (débitage oldowayen, d’après Schick 1986, débitage laminaire unipolaire et série paléolithique moyen du site de Bosses, d’après Jarry et al. 2001). La valeur de Q1 est indiquée pour chaque série. L’échelle des abscisses est logarithmique. Figure 5 - Cumulative particle size distribution (number of items by size class) for three lithic assemblages (oldowayan debitage, from Schick, 1986, unipolar laminar debitage, and Middle Palaeolithic assemblage of the ‘les Bosses’ site, from Jarry et al. 2001). Q1 is indicated for each artefact set. Logarithmic scale for d (mm).

3 - Composition granulométrique des assemblages lithiques : données disponibles

5 Le corpus des données granulométriques concernant les assemblages lithiques est relativement réduit et hétérogène. Le principal facteur d’hétérogénéité des données disponibles tient au fait que les limites des classes granulométriques retenues sont différentes et que les variables prises en compte par les auteurs peuvent être alternativement la longueur des objets ou leur largeur et sont exprimées en poids ou en nombre d’objets. Ces données concernent également soit des niveaux archéologiques, soit des débitages et façonnages expérimentaux. Dans le cadre de ce travail, de nouvelles données ont donc été acquises selon le protocole exposé plus haut ; elles concernent surtout la granulométrie d’amas de taille réalisés par différents expérimentateurs (B. Aubry, L. Bourguignon, M. Brenet, A. Delagnes, P. Fouéré, J. Pelegrin et V. Mourre). Les produits de la taille ont été récoltés dans leur intégralité (taille sur une bâche plastique) puis tamisés, la plus petite maille de tamis adoptée étant de 2 mm.

6 Ces mesures ainsi que celles effectuées par Stahle et Dunn (1982), Hansen et Madsen (1983), Schick (1986), Patterson (1990) et Lenoble (2005) mettent toutes en évidence une distribution similaire des produits issus de la taille d’un bloc (tabl. 1, fig. 6). Elles

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montrent que la proportion de fragments décroît rapidement des petites vers les grandes dimensions, c’est-à-dire que le débitage ou le façonnage produisent énormément de petits débris et peu de grandes pièces. Cette distribution suit approximativement une loi de type exponentielle décroissante (Schick 1986) ou plus exactement, selon Stahle et Dunn (1982), une loi de type Weibull qui se distingue d’une distribution exponentielle par son caractère asymptotique, le contenu des classes dimensionnelles les plus grossières tendant vers 0. Très peu de différences ont été trouvées en fonction du mode de taille et des matières premières utilisées. Il est probable qu’il s’agit là d’une propriété inhérente à la fragmentation des roches dures. On peut par exemple remarquer sur la figure 7 la grande parenté entre les courbes obtenues par le débitage d’un bloc de silex et la fragmentation par le gel d’une paroi calcaire.

Tableau 1

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Figure 6 - Distribution granulométrique moyenne de quatre types de débitages expérimentaux. Noter que l’intervalle entre les limites de classes granulométriques n’est pas régulier (le « déficit » dans la classe 4-5 mm n’est donc qu’apparent). Figure 6 - Mean particle size distribution for four experimental debitage types. Note that the intervals between the grain-size limits is not regular.

Figure 7 - Distribution granulométrique comparée de débitages expérimentaux et des produits de gélifraction d’une paroi calcaire. Figure 7 - Compared particle size distribution of experimental debitages and rock fragments derived from frost shattering of a wall.

7 Bien que faibles, des différences ont néanmoins été observées (fig. 8, 9). En ce qui concerne l’influence de la matière première, notre corpus de données indique une tendance significative à une plus forte représentation de la fraction 2 – 4 mm pour le silex que pour le quartzite. Les moyennes sont respectivement de 67,9 % ± 5,5 (N = 13) et 60,4 % ± 5,8 (N = 6). Schick (1986) observe également quelques différences entre les matières premières testées (quartz, obsidienne, basalte, chert, ignimbrite). Les roches à grains grossiers (quartz, basalte), qui ont tendance à se fracturer de manière

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irrégulière, donneraient plus d’éléments de petite dimension que les roches à grains fins. En ce qui concerne l’influence du mode de débitage, quelques tendances nettes se dégagent également, bien que notre échantillon expérimental soit relativement réduit. La proportion de la fraction 2 – 4 mm atteint environ 67 % pour le laminaire (N = 7), 65 % pour le débitage sur enclume (N = 3) et 60 % pour le discoïde (N = 6). Ces différences s’expliquent cependant en grande partie par le facteur matière première, puisque dans notre corpus, tous les débitages laminaires ont été réalisés sur silex alors que le quartzite domine largement pour les débitages discoïdes et sur enclume. Les deux exemples de débitage discoïde sur silex donne en effet une proportion de la fraction 2 – 4 mm quasiment identique à la moyenne du laminaire, soit 67 %. Si l’on ne considère que les résultats obtenus pour le silex, les proportions des différentes fractions restent très voisines quel que soit le type de taille. D’autres facteurs, non explorés ici à défaut de données appropriées, sont également susceptibles d’influer sur la distribution granulométrique des produits : 1. la dimension des produits recherchés. Le façonnage de pièces bifaciales tend par exemple à ne produire que peu de grandes pièces (Patterson 1990), le but recherché n’étant pas l’obtention de supports d’outils. Les données de Stahle et Dunn (1982) indiquent un déficit en pièces de plus de 10 mm par comparaison avec le débitage discoïde d’autant plus marqué que la réduction de la préforme progresse. Les exemples disponibles dans notre corpus sont ceux du façonnage d’un biface en silex et d’une hache néolithique en cherto-tuffite. Les courbes obtenues rentrent cependant dans l’intervalle de variation des autres débitages. Par ailleurs, un débitage lamellaire à partir de petits nucléus ou d’éclats entraînera vraisemblablement une sous-représentation des classes grossières. Ce type de distribution n’est pas présent dans notre corpus ; 2. une préparation soignée des plans de frappe peut entraîner la production de petits éléments en quantité significativement plus élevée. Sur ce point, nos données indiquent que ce facteur n’a qu’un impact médiocre, bien que réel, sur la distribution granulométrique des produits obtenus. Ainsi, deux débitages levallois réalisés avec une grande économie de gestes et une faible préparation des plans de frappe selon les modalités observées sur le site d’Hermies (Pas-de-Calais) fournissent un pourcentage de la fraction 2 - 4 mm parmi les plus bas de l’ensemble de notre échantillon. Si les valeurs les plus élevées correspondent à des débitages laminaires pour lesquels la préparation des surfaces de débitage et des plans de frappe est poussée, les intervalles de variations des différents types de taille (débitages laminaire, levallois, discoïde, façonnage, débitage sur enclume) se recouvrent cependant largement ; 3. un autre facteur susceptible d’introduire une variabilité est la dimension des blocs de matière première. Ce facteur influencera nécessairement la taille maximale des pièces produites. Dans la mesure où les fractions les plus grossières ne comptent que peu dans l’allure de la courbe granulométrique numérale, on doit s’attendre à ce que ce facteur reste assez marginal lorsque l’on prend en considération l’ensemble de la fraction > 2 mm ; 4. pour un même débitage, la dimension des artefacts produits au cours des phases successives d’exploitation du nucléus peut varier sensiblement. Stahle et Dunn (1982) montrent ainsi qu’au fur et à mesure du façonnage de haches néolithiques, la proportion de la plus petite fraction (0,32 mm – 0,64 mm) tend à s’accroître. La différence entre la première phase (décorticage du bloc) et la dernière phase de façonnage atteint environ 8 % ; 5. la maîtrise du tailleur peut également avoir une influence. Ceci est notamment suggéré par l’un des débitages laminaires réalisé par J. Pelegrin qui a fait preuve d’une grande économie dans la gestion du nucléus et a produit relativement peu de déchets tout en obtenant des supports laminaires bien calibrés. La proportion relative de la fraction 2-4 mm pour ce débitage compte parmi les plus faibles de tout notre corpus, soit environ 56 %. Cette proportion est 10 % inférieure à celle obtenue pour les autres débitages laminaires ;

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6. enfin, une fragmentation secondaire du matériel peut se produire sous l’influence du piétinement (Vallin et al. 2005). Ce phénomène peut prendre une certaine importance au niveau des concentrations de vestiges, où les objets sont en contact les uns avec les autres, mais il reste à quantifier précisément.

Figure 8 - Variabilité de la proportion de la fraction 2-4 mm en fonction de la matière première (A) et du type de débitage (B). Figure 8 - Proportion of the 2-4 mm fraction as a function of raw material (A) and debitage types (B).

Figure 9 - Composition granulométrique des débitages expérimentaux, diagrammes triangulaires. Les figurés correspondent aux types de débitages (A) ou aux types de matières premières (B). Figure 9 - Particle size distribution of the experimental debitages, triangular diagrams. Symbols refer to debitage types (A) or to raw material types (B).

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8 Dans l’état actuel de nos connaissances, la distribution granulométrique des produits de taille supérieurs à 2 mm apparaît donc relativement constante et sujette à des variations mineures, les différences de proportions pour chaque classe granulométrique étant toujours inférieures à 15 % d’un débitage à l’autre. La courbe moyenne peut donc être considérée comme une bonne approximation de la distribution, quelque soit la matière première utilisée et le mode de débitage. Par conséquent, on peut considérer que tout assemblage lithique directement issu du débitage ou du façonnage d’un bloc et n’ayant pas subi de tri ultérieur, présente un type de distribution proche de cette courbe.

9 L’un des principaux écueils à l’utilisation de cette courbe granulométrique dans le cadre de l’étude d’un site archéologique est la nécessaire récolte exhaustive du matériel lithique. Cette étape implique un tamisage à l’eau soigné du niveau archéologique. Certains processus naturels, comme la bioturbation, ayant tendance à entraîner une dispersion verticale d’autant plus importante que les objets sont petits (Van Nest 2002), le tamisage doit concerner l’ensemble du volume contenant le matériel archéologique et non seulement le niveau matérialisé par les gros objets. Cependant, même si le tamisage est effectué dans les meilleures conditions, l’intégralité du matériel n’est probablement jamais récoltée. Une estimation du taux de récupération a été faite par A. Lenoble (2005) à l’occasion d’expériences en milieu naturel qui consistaient à disperser sur le sol un nombre connu de vestiges sur des surfaces d’une dizaine de mètres carrés puis à les récupérer après quelques mois d’évolution sous l’action du ruissellement. Dans le cas où aucun objet n’avait été transporté hors de la zone fouillée par les processus sédimentaires, le taux de récupération, c’est-à-dire le nombre de pièces retrouvées rapporté au nombre de pièces initialement déposées, a atteint 96,5 % toutes fractions confondues. Pour la fraction comprise entre 2 et 4 mm, ce taux était de 95,2 %, tandis qu’il était de 100 % pour la fraction 5 – 10 mm. Une valeur conservative de 90 % peut être adoptée comme taux de récupération pour les fractions inférieures à 5 mm sur un site lorsque le tamisage a été effectué avec le dessein d’une collecte complète du matériel archéologique. Ceci signifie que des déviations de la composition granulométrique inférieures ou égales à 10 % pour des séries archéologiques par rapport aux courbes expérimentales devront être considérées comme non significatives. Les résultats obtenus dans le cadre de cette étude sur des sites soigneusement tamisés valident cette hypothèse et indiquent que le biais lié à une récupération incomplète du matériel de petite dimension reste mineur. En effet, plusieurs ont livré une composition granulométrique similaire à celle du matériel expérimental, voire même plus riche en petits éléments. Un problème subsiste néanmoins lorsque l’on s’adresse à des sites fouillés anciennement, où le tamisage n’a pas fait l’objet d’une attention particulière. A titre d’exemple, le cas du site magdalénien de Moulin Neuf (abri 2) (Lenoir 1983), localisé dans un abri sous roche en Aquitaine, suggère en effet que le taux de récupération est souvent plus médiocre. La distribution observée montre un déficit très marqué en petits éléments qui atteint 54 % pour la fraction 2-4 mm par rapport à la moyenne des débitages laminaires expérimentaux et 26 % pour la fraction 4-5 mm, en considérant que les fractions plus grossières sont proches de leur proportion initiale. Ce déficit implique qu’un tri du matériel lithique s’est produit. Dans le cas présent, on suppose qu’il est dû à une récupération imparfaite des fractions fines au cours de la fouille, dans la mesure où elles ne présentaient qu’un intérêt technologique mineur.

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10 De manière à disposer d’un référentiel mieux adapté aux sites pour lesquels la fraction la plus fine n’a pas été récoltée en totalité et pour répondre à des besoins spécifiques (voir infra), les distributions granulométriques expérimentales ont été recalculées en ne prenant en compte que la fraction supérieure à 5 mm (tabl. 2, fig. 10a) ou supérieure à 1 cm (fig. 10b). Dans ce dernier cas, plusieurs débitages ont été regroupés de manière à obtenir des effectifs d’objets suffisamment élevés. Les courbes obtenues sont globalement similaires aux précédentes. Néanmoins, l’amplitude des variations entre les différents débitages augmente. Ainsi, la représentation moyenne de la fraction 5–10 mm est d’environ 69 % pour le laminaire, qui tend à produire des objets longs mais de faible largeur, tandis qu’elle n’atteint que 53 % pour le discoïde et 57 % pour le débitage sur enclume. En raison de ces variations, la comparaison avec une série archéologique nécessite que l’on prenne en compte le type de débitage. Les caractéristiques moyennes des courbes selon ce critère sont données dans le tableau 2.

Figure 10 - Distribution granulométrique de différents débitages expérimentaux, A – fraction supérieure à 5 mm, B – fraction supérieure à 1 cm. Certaines mesures ont été regroupées pour obtenir des effectifs suffisants. Figure 10 - Particle size distribution of experimental debitages, A – fraction > 5 mm, B – fraction > 1 cm. Debitages have been grouped to obtain large enough artefact sets.

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Tableau 2

4 - Tri granulométrique : le corpus des données géomorphologiques et les expériences archéologiques

11 Depuis Hjulström (1939), un nombre considérable de données expérimentales sur les relations entre les caractéristiques d’un écoulement et sa capacité à transporter des particules a été accumulé. En géomorphologie, on distingue habituellement plusieurs types d’écoulements : 1. les écoulements sédimentaires denses, qui contiennent une forte charge sédimentaire en suspension dans l’eau et ont une viscosité élevée, 2. les écoulements dilués, dans lesquels la charge transportée est peu importante par rapport au débit d’eau. Les premiers, qui se produisent typiquement sur des pentes fortes (20-35°), n’ont qu’une faible capacité de tri des particules (fig. 11). Les interactions électro-chimiques entre les particules argileuses et les frottements entre les éléments plus grossiers induisent un comportement “ monophasique ” de l’écoulement, c’est-à-dire que toutes les particules subissent un mouvement d’ensemble comme s’il s’agissait d’un matériel homogène. Le tri est donc très médiocre ; seuls les éléments les plus grossiers tendent à être expulsés en surface et à être poussés latéralement au fur et à mesure de l’avancée de la coulée. Très peu de données permettent de caractériser le tri qui en résulte. La figure 12 montre l’enrichissement relatif en petits éléments des levées d’une coulée de débris alpine de l’amont vers l’aval, soit sur une distance d’environ 150 m.

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Figure 11 - Coulée de débris (vallon Laugier, Alpes méridionales). Figure 11 - Debris flow (Laugier valley, southern Alps).

Figure 12 - Evolution de la composition granulométrique des cailloux à la surface des levées d’une coulée de débris sur un versant alpin, d’après Bertran et Texier (1994). Figure 12 - Evolution of pebble size at the surface of debris flow levees, French Alps, from Bertran and Texier (1994).

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12 Dans les écoulements dilués, les particules les plus fines (limons, argiles) sont maintenues en suspension par la turbulence, tandis que les éléments plus grossiers progressent sur le fond par roulement/glissement ou par saltation. Ces éléments sont alors respectivement en contact permanent ou intermittent avec le lit, l’ensemble de ces processus étant désigné sous le terme de charriage. La capacité d’un écoulement à entraîner du matériel dépend de la force tractrice qu’il exerce sur le fond. Cette force est une fonction de la vitesse du courant et de la rugosité du lit (Ramez 1995). Lorsque la granularité du lit est étendue, le contrôle de la mise en mouvement des particules est déterminé par les plus grosses, les grains plus petits étant bloqués par les premières. L’exposition des particules au courant joue également un rôle : la force exercée sur un grain dépassant d’un substrat plus fin est supérieure à celle qui s’exerce si le même grain est juxtaposé à des éléments de même dimension (phénomène de masquage). La capacité d’un écoulement à entraîner des objets est donc supérieure lorsqu’ils sont posés sur un fond sableux que sur un fond graveleux. Dans un cours d’eau, le transport et le dépôt des particules s’effectuent de manière intermittente, en fonction des variations du débit et des particularités topographiques locales du lit. Les formes de dépôt sont variables. Sur fond sableux, elles correspondent à des rides, des dunes ou des antidunes pour des courants de plus en plus rapides (Reineck et Singh 1980). Lorsque les graviers sont abondants, ils tendent à former des accumulations localisées de taille métrique à décamétrique plus ou moins allongées dans le sens du courant ou disposées transversalement, qui s’accroissent ou migrent progressivement au fur et à mesure des crues (fig. 13). Le tri traduit la mobilité relative des éléments et la concentration en un point donné de particules de taille semblable, juste supérieure à la capacité d’entraînement du courant en ce point.

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Figure 13 - Amas de graviers (dunes torrentielles) dans le lit d’un torrent (cirque de Gavarnie, Pyrénées). Figure 13 - Gravel accumulations on a steep alluvial bed (Gavarnie, Pyrenees).

13 Le ruissellement se caractérise par une faible épaisseur de la lame d’eau qui ne dépasse pas quelques millimètres. Dans ces conditions, l’arrachement et le transport des particules sont modifiés par rapport à ce qui se produit dans une rivière ou un torrent. Les principales raisons sont l’impact des gouttes de pluies (splash) qui favorise la mise en mouvement des particules et la faible submersion des éléments les plus gros (la rugosité du lit est forte par rapport à la hauteur d’eau). Lorsque le ruissellement est diffus, il n’y a pas de forme d’accumulation particulière mais les éléments grossiers qui sont les moins mobiles tendent à rester près de leur zone d’affleurement. Ils forment alors des pavages, c’est-à-dire des concentrations résiduelles à la surface du sol (fig. 14). Les éléments plus fins tendent à se concentrer vers l’aval et l’on observe un gradient granulométrique plus ou moins marqué d’amont en aval à l’échelle du versant dans les milieux où le ruissellement joue un rôle géomorphologique prédominant. Lorsque le ruissellement est concentré (rigoles), les formes d’accumulation s’apparentent à celles que l’on rencontre dans les torrents. Le matériel grossier forme des accumulations localisées dans les rigoles, soit parce qu’il est trop volumineux pour être transporté et forme un pavage, soit parce que les éléments se sont bloqués les uns contre les autres pour donner naissance à des amas, alternant avec des épandages et des petits cônes sableux (fig. 15). L’échelle des formes d’accumulation est réduite et elles se succèdent rapidement à quelques décimètres de distance. Ces accumulations sont généralement moins bien triées que celles observées en contexte alluvial. L’un des principaux facteurs est le mélange de matériaux transportés sur une assez longue distance, qui ont donc subi un tri hydraulique, et de matériaux locaux qui n’ont pas été déplacés par les courants ou qui n’ont que brièvement été redistribués sur le versant.

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Figure 14 - Pavage de graviers et rigole (La Mortice, Alpes méridionales). Figure 14 - Gravel pavement and rill (La Mortice, southern Alps).

Figure 15 - Nappes de sables et de graviers au débouché d’une rigole (champ cultivé, région de Grenoble). Figure 15 - Overland flow sand and gravel sheets (cultivated field, Grenoble region).

14 L’une des difficultés, pour utiliser ces données en archéologie, vient du fait que ces distributions granulométriques correspondent la plupart du temps à des accumulations de matériaux qui ont enregistré un transport hydraulique pendant une longue période et qui ont subi plusieurs phases de remobilisation lors des crues avant d’être enfouis. Une occupation humaine se traduit en revanche par des apports de nouveaux

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matériaux dans un contexte sédimentaire où des tris peuvent déjà exister. Cette occupation ne sera reconnue comme site archéologique que dans la mesure où la dispersion des objets a été faible, ce qui implique dans la plupart des cas que le site n’ait pas été exposé aux écoulements pendant une longue durée mais ait été rapidement enfoui. Le recours à des expériences semble donc la meilleure approche pour caractériser les premiers stades de redistribution et obtenir des données utilisables en archéologie. Un autre point important est la morphologie généralement très aplatie des objets archéologiques (éclats, lames). Cette morphologie influe sensiblement sur leur comportement dans un écoulement, qui ne peut donc être directement comparé à celui des graviers naturels de forme arrondie. En l’état actuel, les données expérimentales concernant le matériel lithique sont assez réduites. L’essentiel provient des expériences de Schick (1986) en canal et dans des rivières en contexte semi-aride et celles de Frostick et Reid (1983), Petraglia et Nash (1987) et Lenoble (2005) pour le ruissellement.

15 L’influence de la morphologie des artefacts sur leur transport a été bien documentée par les expériences en canal réalisées par Schick (1986). Les objets épais, en particulier les nucléus, peuvent être aussi mobiles que des éclats de bien plus petite dimension parce qu’ils offrent plus de “ prise ” à l’écoulement. Par ailleurs, les objets anguleux ou de forme plano-convexe ont tendance à adopter une position stable, face plane vers le bas, qui les rend moins mobiles que les objets de forme approximativement sphérique (nucléus, choppers). Ces expériences, faites sur un fond sableux, indiquent également que l’interaction entre les objets joue un rôle important sur leur mouvement, soit parce que plusieurs d’entre eux se bloquent mutuellement, soit parce que les perturbations locales de l’écoulement autour des grosses pièces modifient les conditions de transport pour les plus petits objets. Tous ces facteurs permettent de penser que le tri granulométrique des objets archéologiques sera en moyenne plus médiocre que celui des matériaux alluviaux naturels où les galets sont de forme à peu près identique.

16 Les enseignements que l’on peut tirer de la vingtaine d’expériences faites par Schick (1986) en contexte alluvial naturel sont les suivants : 1. les modifications observées à l’occasion des crues sont très variables selon les sites, en fonction de leur localisation (plaine de débordement, berges, fond de chenal temporaire) et selon les caractéristiques des crues. Elles vont d’un enfouissement par des drapages de sédiment fin sans perturbation associée, jusqu’à des déplacements de grande ampleur (plusieurs dizaines de mètres) de la majorité du matériel. Le dépôt des objets transportés n’est pas aléatoire mais des zones de reconcentration locale sont observées. 2. la distance parcourue est principalement une fonction de la dimension des objets, le facteur “ forme ” ne jouant qu’un rôle secondaire. La granulométrie constitue donc le meilleur moyen de mettre en évidence un tri des objets. 3. lorsque le matériel a été significativement remobilisé, les différentes zones de l’épandage final sont caractérisées par une composition granulométrique particulière. Dans le secteur amont de l’expérience baptisée “ Flooded Workshop Site ”, à l’emplacement du dépôt originel des objets, le matériel récolté est marqué par un fort appauvrissement en pièces de moins de 2 cm qui ne représentent plus qu’environ 20 % du total contre 70 % pour le débitage de référence. A l’inverse, nucléus et galets taillés comptent pour 50 % du matériel récolté. Immédiatement à l’aval du site expérimental, la proportion d’objets inférieurs à 2 cm décroît encore jusqu’à une valeur quasiment nulle puis remonte progressivement en s’éloignant du site.

17 Dans les secteurs plus distaux, c’est-à-dire à plus de 20 m du site, la fraction inférieure à 2 cm devient prédominante, pour représenter la quasi-totalité du matériel dans

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certaines zones de dépôt réparties de manière discontinue. Dans la partie la plus distale, les artefacts accumulés tendent à être sensiblement plus grossiers qu’un peu plus en amont. Cela a été attribué par Schick (1986) au fait que les petits objets, très minces, ont été enfouis plus précocement par les sables charriés sur le fond que les éléments plus épais. Les compositions qui caractérisent les différentes zones sont illustrées sur la figure 16.

Figure 16 - Evolution de la proportion d’objets de moins de 2 cm dans un site expérimental redistribué en contexte fluviatile, d’après Schick (1986). Figure 16 - Proportion of artefacts < 2 cm as a function of the distance from the original site on a river bed, from Schick (1986).

18 L’ensemble de ces expériences montre que tout le spectre granulométrique d’une série archéologique peut être modifié très rapidement par les écoulements d’une rivière, même dans des contextes relativement peu énergiques (plaine de débordement faiblement végétalisée). Les redistributions affectent aussi bien les petits objets que le gros matériel et la signature de ces redistributions peut être mise en évidence à partir de ratios simples calculés sur le matériel supérieur à 1 cm, tels que la proportion relative d’éléments inférieurs à 2 cm ou la proportion des éclats par rapport à celle des nucléus et autres gros objets (bifaces, choppers…). Les principales caractéristiques des distributions granulométriques sont (fig. 17) : • à l’emplacement du site originel où l’assemblage est résidualisé, la distribution a une allure générale comparable à celle de départ dans les premiers stades de la redistribution (moins de 50 % du matériel a été entraîné hors du site), c’est-à-dire de type exponentielle décroissante. La proportion relative des petits éléments est cependant significativement réduite. Pour des stades plus avancés de redistribution, la courbe tend à devenir plate, la proportion relative des fractions grossières dans l’assemblage final s’accroissant progressivement ; • à l’aval du site, les objets déposés ont tous subi un transport hydraulique - à l’aval du site, les objets déposés ont tous subi un transport hydraulique et la distribution a une allure “ en cloche ”, conséquence du tri. A proximité du site, la classe d’objets la plus représentée est située dans les grosses dimensions (20-40 mm ou 40-80 mm). Le mode se déplace vers les petites dimensions lorsqu’on s’éloigne de la zone-source. Ces types de distribution évoluent peu lorsque l’intensité du transport s’accroît mais la quantité d’objets retrouvés par unité de surface diminue.

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Figure 17 - Composition granulométrique d’une série lithique redistribuée par des crues, d’après Schick (1986). Les différents histogrammes présentent une allure en cloche caractéristique, dont le mode se déplace vers les petites dimensions au fur et à mesure que l’on s’éloigne de l’emplacement initial du site. Figure 17 - Particle size distribution of a lithic assemblage modified by floods, from Schick (1986). The histograms have typically a bell shape, the mode of which shifts towards small sizes as the distance to the original site increases.

19 Pour le ruissellement, les séries les plus complètes d’expériences sont dues à Lenoble (2005). Les principales conclusions que l’on peut en tirer sont les suivantes : • le ruissellement est capable de mobiliser tous les objets archéologiques, même les plus volumineux, qu’il s’agisse du ruissellement concentré dans des rigoles ou du ruissellement diffus sur sol nu. Comme dans les expériences de Schick, la dimension des objets est le principal paramètre qui contrôle la distance parcourue, bien que leur forme joue un rôle non négligeable ; • un tri granulométrique apparaît rapidement dès les premiers événements pluvieux. Ce tri augmente surtout en fonction de la durée d’exposition au ruissellement ; • la variabilité locale des conditions d’écoulement étant très supérieure à celle qui existe en milieu fluviatile (variation rapide de la hauteur de la lame d’eau en fonction de la microtopographie, fluctuation rapide du ruissellement selon les variations d’intensité de la pluie et de l’état du sol), ce tri est plus médiocre. Pour une particule de dimension donnée, la distance parcourue au cours d’un événement est très variable. En conséquence, dans ces expériences, les éléments compris entre 2 et 4 mm sont toujours présents en quantité importante, non seulement dans les zones d’accumulation mais aussi dans les zones de départ et de transit des objets ; • la disposition initiale des objets joue un rôle déterminant. Les amas tendent à dévier les filets d’eau et seuls les objets situés en périphérie sont mobilisés. La distribution

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granulométrique au sein de l’amas est donc peu modifiée dans les premiers stades d’exposition au ruissellement mais sa surface se réduit progressivement.

20 Les caractéristiques granulométriques des séries provenant des expériences de Lenoble (2005) sont illustrées sur la figure 18.

Figure 18 - Evolution granulométrique de séries lithiques soumises au ruissellement, d’après Lenoble (2005), modifié. L’aire hachurée correspond aux débitages expérimentaux. Figure 18 - particle size evolution of lithic assemblages modified by overland flow, from Lenoble (2005). The hached area corresponds to experimental debitages.

5 - Interprétation des distributions granulométriques de matériel lithique archéologique

21 L’interprétation de la distribution granulométrique de séries lithiques archéologiques repose sur la comparaison avec le référentiel expérimental. La validité d’une telle comparaison nécessite bien évidemment que tout le matériel archéologique sur l’étendue du spectre granulométrique considéré ait été récolté, soit globalement, soit dans des zones test suffisamment riches pour disposer d’un effectif d’objets représentatif. Toute déviation de la distribution archéologique par rapport à la distribution expérimentale est alors susceptible de refléter un tri granulométrique. Selon l’étendue du spectre analysé, la distribution de référence sera la courbe moyenne de l’ensemble des débitages expérimentaux ou celle d’une catégorie particulière (laminaire, discoïde…). Le tri peut avoir plusieurs origines, soit anthropique et liée aux activités humaines qui ont présidé à la constitution de l’assemblage lithique abandonné sur le site, soit naturelle et provoquée par les processus sédimentaires qui ont affecté le site avant qu’il ne soit totalement enfoui.

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22 Différents facteurs de tri d’origine anthropique peuvent intervenir et renvoient à la “ fonction ” ou au “ faciès techno-économique ” du site. Ils peuvent également être liés à la répartition spatiale différenciée des activités de production et d’utilisation des outils ou des supports d’outils à l’intérieur même du site. Certains sites, proches des sources de matière première, sont dominés par l’activité de production de nucléus, d’ébauches et/ou de supports d’outils. Les distributions granulométriques expérimentales donnent vraisemblablement une bonne idée du matériel présent sur ce type de sites. D’autres, éloignés des sources de matière, sont essentiellement des sites de “ consommation ”, avec peu de débitage ou de façonnage sur place mais avec de nombreux outils ravivés, raccourcis et/ou cassés. L’importation de nucléus, de préformes ou d’outils inachevés plutôt que de blocs de matière première brute va avoir pour principale conséquence une sous-représentation des produits de grande taille provenant du dégrossissage et des premières phases de façonnage ou d’exploitation du nucléus. L’importation d’outils achevés aura une conséquence inverse, c’est-à-dire une surreprésentation de la fraction grossière. L’impact de ces facteurs peut être apprécié en croisant les données granulométriques avec les informations livrées par l’analyse technologique de la série lithique. Cependant, comme cela a été indiqué plus haut, ils ne devraient pas modifier significativement la distribution granulométrique numérale de la série lorsque l’on prend en compte l’ensemble de la fraction supérieure à 2 mm. En effet, si l’on double le nombre d’artefacts de plus de 3 cm de manière à simuler le fait que la moitié des objets de grande taille ont été importés, on s’aperçoit que l’allure de la courbe granulométrique change peu car elle est surtout déterminée par les fractions les plus fines. En revanche, lorsque l’on ne prend en compte que la fraction supérieure à 1 cm, l’influence de l’importation-exportation d’objets et de la forme sous laquelle la matière première a été introduite dans le site sera plus déterminante sur la distribution granulométrique du matériel. Dans ce cas, à l’exception des situations “ extrêmes ”, l’interprétation des déviations de la composition granulométrique par rapport à la courbe de référence nécessite alors de tenir compte de l’analyse technologique, sur le modèle décrit par Schick (1986).

23 L’autre source potentielle de tri granulométrique induit par les comportements humains est la présence dans un même site d’aires d’activité différenciées quant à la production et à l’utilisation du matériel lithique. A titre d’exemple, le spectre granulométrique livré par les amas de débitage sera sans doute différent de celui qui caractérise les aires où les outils ont été utilisés pour des taches spécifiques et éventuellement ravivés. Il a été également constaté dans des sites du Paléolithique supérieur que les postes de débitage, le plus souvent localisés autour de foyers, étaient périodiquement nettoyés, les déchets de taille étant alors rejetés en périphérie de l’habitat (Pigeot 2004). De nombreuses esquilles échappaient néanmoins à ces opérations de nettoyage et subsistaient à l’emplacement de leur zone de production. Bien que cela n’ait pas été formellement analysé, il est probable que la distribution granulométrique des amas de rejet soit déficitaire en petits éléments (en particulier dans le cas d’une évacuation manuelle des déchets l’un après l’autre, par opposition à la vidange de restes de taille accumulés dans une peau) et qu’à l’inverse, ces derniers soient surreprésentés autour des foyers. Tous ces aspects sont encore largement inexplorés.

24 Le site de Port-de-Penne (Lot-et-Garonne, fig. 19), un campement laborien installé en bordure du Lot et enfoui par des limons d’inondation (Detrain et al. 1996), a été analysé

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pour évaluer l’impact de ces facteurs potentiels de tri anthropique. Le contexte sédimentaire, très favorable à une bonne préservation des niveaux d’occupation, laisse à penser a priori que les caractéristiques granulométriques du matériel lithique reflètent uniquement des phénomènes d’origine anthropique. L’analyse porte sur le niveau 2, dans lequel ont été mis en évidence un foyer, plusieurs amas de galets chauffés, 659 pièces de silex ainsi que de nombreux vestiges fauniques (cerf, cheval, bovinés et sanglier) concentrés dans deux cordons encadrant le foyer (fig. 20). L’étude technologique du matériel lithique indique que le débitage de supports laminaires n’a représenté qu’une activité secondaire et n’a pas donné lieu à la constitution d’un amas de taille, les différents produits étant dispersés sur une large zone comprise entre les cordons de restes osseux et le foyer. La matière première a été essentiellement introduite sous forme de nucléus déjà préparés et de produits finis, ce qui se marque par le caractère très incomplet des séquences de réduction. Le fort pourcentage de grattoirs parmi les objets retouchés (7 %) et, surtout, celui des armatures de projectiles (pièces à dos : 62 % et pointes de Malaurie : 20 %) suggère que ce campement était essentiellement tourné vers des activités de préparation du gibier et de réfection des armes de chasse. Il s’agit donc d’un site spécialisé témoignant d’une occupation de courte durée, dans lequel seul un débitage d’appoint a été réalisé sur place. Malgré l’importation massive sur le site de supports déjà débités, la série lithique prise globalement possède une distribution granulométrique assez proche de celle des débitages expérimentaux (fig. 21A). Un déficit en petits éléments apparaît toutefois mais reste modeste (10 à 15 %). En revanche, lorsqu’on considère chaque mètre carré de manière isolée, des variations d’abondance très importantes de la fraction inférieure à 5 mm apparaissent. Une forte concentration de petits éléments (174 fragments/m2) peut notamment être distinguée à proximité du foyer. Cette zone, qui comprend relativement peu d’objets de grande taille, a été interprétée comme une aire de confection et/ou de réaffûtage des pièces à dos, opérations qui ont produit une grande quantité de petits éclats de retouche. La comparaison entre les lots de plus de 20 objets récoltés sur 1 m2 montre que les écarts à la moyenne générale sont d’autant plus importants que l’effectif est faible (fig. 21B). L’étude de ce site suggère donc que : 1. les distributions granulométriques expérimentales sont utilisables comme base de comparaison pour un grand nombre de sites, même si le débitage et/ou le façonnage ne représente pas la totalité des activités pratiquées (sites intermédiaires entre sites de “ production ” et sites de “ consommation ”). Les séquences de réduction peuvent n’avoir été que très partiellement réalisées sur place ; 2. la présence d’aires d’activité bien différenciées à l’intérieur d’un site nécessite de multiplier le nombre d’échantillons, de manière à s’affranchir de la variabilité spatiale intra-site et à obtenir une distribution représentative.

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Figure 19 - Localisation des sites analysés. Figure 19 - Location of the study sites.

Figure 20 - Plans de répartition du matériel archéologique, site de Port-de-Penne, niveau 2, d’après Detrain et al. (1996). Sur la figure du bas, les lettres de a à h renvoient à la position des échantillons granulométriques analysés et reportés sur la figure 21. Figure 20 - Artefact distribution maps, Port-de-Penne, level 2, from Detrain et al. (1996).

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Figure 21 - Composition granulométrique de la série de Port-de-Penne, niveau 2. Figure 21 - Particle size distribution of the lithic artefacts, Port-de-Penne, level 2.

25 De manière à limiter au maximum les incertitudes qui pèsent sur les caractéristiques originelles de la composition granulométrique des vestiges présents dans un site et qui affaiblissent sensiblement les possibilités d’interprétation des déviations par rapport aux distributions expérimentales, plusieurs recommandations peuvent être faites. Elles concernent d’une part, la méthode générale d’approche taphonomique d’un site, dans laquelle doit s’insérer l’étude granulométrique, et d’autre part, le choix des critères les plus solides, pour lesquels la variabilité d’origine anthropique est la plus faible.

26 La démarche privilégiée d’étude taphonomique d’un site est la “ confrontation au modèle géoarchéologique ”, telle qu’elle a été proposée par Collcutt et al. (1990) et Lenoble (2005). Elle procède par étapes, qui consistent : 1. à identifier sur les coupes les mécanismes sédimentaires à l’origine du dépôt à partir des critères habituellement utilisés en géomorphologie, de manière à définir quels processus ont été susceptibles d’affecter les vestiges et de sélectionner les critères pertinents pour reconnaître leur action ; 2. à analyser les différentes caractéristiques des assemblages archéologiques récoltés dans ces dépôts (répartition spatiale, granulométrie, fabrique…) et à les comparer avec celles que l’on attendrait si l’organisation des vestiges était uniquement due aux processus sédimentaires identifiés. Les informations fournies par les différentes analyses sont alors confrontées et leur convergence permet ou non de décider si l’hypothèse d’une redistribution des vestiges par les processus sédimentaires peut être admise.

27 Chaque type d’analyse, et notamment la granulométrie, ne donne que des résultats parcellaires ou parfois ambigus et leur interprétation doit s’insérer dans une démarche plus globale. L’application d’une telle démarche permet ainsi de proposer un scénario

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plausible pour la formation du site, qui rend compte du plus grand nombre d’observations.

28 En raison des insuffisances actuelles du référentiel sur la composition granulométrique des assemblages lithiques, il semble préférable de restreindre l’analyse aux cas pour lesquels les conditions suivantes sont remplies : 1. la plus petite maille de tamis adoptée est de 2 mm, ce qui permet d’obtenir un spectre très large et des courbes peu sensibles aux facteurs de tri anthropique. Le tamisage doit donc avoir été suffisamment soigneux pour ne pas introduire de biais dans la distribution granulométrique du matériel prélevé. 2. le nombre d’échantillons prélevés sur le site est suffisant pour être représentatif de la distribution granulométrique de l’ensemble du site. Ce nombre peut être faible si aucune aire d’activité particulière n’a été identifiée par la lecture des plans de répartition des objets et si aucune répartition différenciée des catégories d’objets n’apparaît. On estime alors que la distribution du matériel a été homogénéisée sur l’ensemble du site soit par des processus anthropiques (piétinement…), soit par des processus sédimentaires. Cette hypothèse d’homogénéisation ne peut être admise que si tous les échantillons ont une distribution granulométrique similaire. D’une manière pratique, cela revient à effectuer des tests de tamisage en cours de fouille dès qu’une concentration d’objets apparaît et/ou de façon régulière, selon un maillage préétabli. 3. chaque échantillon doit être suffisamment important (N > 100) pour limiter les biais statistiques.

6 - Exemples archéologiques : les sites des Bosses (Lot), du Casseux (Loir-et-Cher) et d’Hermies (Pas-de- Calais)

6.1 - Les Bosses

29 Le site des Bosses (Jarry et al. 2001) est localisé à proximité de Cahors, sur une terrasse dominant le cours actuel du Lot d’environ 35 m (fig. 19). L’étude géologique indique que le niveau archéologique est associé à un pavage graveleux qui recouvre des formations torrentielles déposées par un petit affluent du Lot. Ce niveau est enfoui par des colluvions limoneuses. Le passage d’un contexte érosif associé à la formation du pavage à un contexte d’accumulation sédimentaire à un moment donné du Pléistocène est à mettre en relation avec un soutirage karstique. Ce soutirage et la création consécutive d’une doline ont entraîné la formation d’un piège sédimentaire et ont localement permis au niveau archéologique d’être soustrait à l’érosion. Dans la mesure où le contexte sédimentaire (dépôts torrentiels, pavage) pouvait laisser suspecter une participation importante des processus naturels dans la constitution du niveau archéologique, une analyse granulométrique du matériel récolté a été effectuée pour tenter d’évaluer le rôle de ces processus.

30 Les objets archéologiques provenant de trois secteurs ayant fait l’objet d’un tamisage ont été mesurés et la distribution granulométrique peut être comparée à celle des graviers torrentiels. A ce premier stade de l’analyse, seuls les artefacts et les graviers de

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largeur supérieure à 1 cm ont été pris en compte. Les résultats sont illustrés sur la figure 22. Ils montrent que : 1. la distribution de la taille des graviers suit approximativement une loi normale dont le mode est centré sur la classe [2-3 cm]. Elle traduit un tri hydraulique des éléments par les écoulements torrentiels. Une évolution générale s’observe également de l’amont vers l’aval du cône de déjection : la granulométrie tend à se resserrer et les éléments de taille supérieure à 4 cm se raréfient vers l’aval. Cette tendance reflète une réduction de la capacité de transport du charriage torrentiel avec la diminution progressive de la pente du cône (Bluck 1964 ; Boothroyd et Nummedal 1978 ; Koulinski 1994) ; 2. la distribution granulométrique du matériel archéologique est différente de celle des matériaux torrentiels. Elle se caractérise par une relative abondance des objets de largeur comprise entre 1 et 2 cm et par une décroissance du nombre d’éléments vers les grosses tailles (distribution exponentielle décroissante). On en conclut donc que le niveau archéologique n’a pas été affecté par les écoulements torrentiels et que l’occupation du site s’est très probablement produite lorsque le cône de déjection n’était plus actif.

Figure 22 - Granulométrie comparée des graviers torrentiels et du matériel archéologique sur le site des Bosses (Lot), d’après Jarry et al. 2001. Seule est prise en compte la fraction supérieure à 1 cm. Figure 22 - Compared particle size distribution of the alluvial gravel and the archaeological material of the ‘Les Bosses’ site (Lot), from Jarry et al. 2001. Only the items > 1 cm are analysed.

31 Dans un deuxième stade de l’analyse, la distribution granulométrique d’un échantillon de la série lithique prélevé dans trois secteurs tamisés à 2 mm a été comparée aux courbes de débitages expérimentaux. Ces courbes comprennent notamment des exemples de débitages sur enclume et de débitages discoïdes unifaciaux sur quartzite comparables au matériel archéologique. Les trois échantillons proviennent de secteurs différents et sont vraisemblablement représentatifs de l’ensemble de l’industrie du site, dans la mesure où aucune aire d’activité particulière ni aucune répartition spatiale différenciée du matériel lithique n’a pu être mise en évidence. La comparaison entre la

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distribution archéologique et la distribution expérimentale met clairement en évidence un appauvrissement très important de l’assemblage lithique des Bosses en petits et moyens éléments. Seuls 10 objets, soit 16 % du total, ont une largeur inférieure ou égale à 1 cm. L’hypothèse d’un tri granulométrique lié au ruissellement peut être proposée. Le report des valeurs sur le diagramme triangulaire proposé par Lenoble (2005) indique que le déficit dépasse sensiblement celui qu’il a pu obtenir dans le cadre de la plupart de ses expérimentations (fig. 23). Seul un cas s’approche de celui des Bosses : il s’agit d’un assemblage soumis à une longue exposition dans une large rigole. Sur cette base, l’assemblage des Bosses peut être considéré comme un matériel fortement trié au cours d’un transport par le ruissellement. Cette hypothèse est en accord avec d’autres observations : 1. le pourcentage de pièces présentant des signes d’usure est élevé (26 % des objets en quartz et 33 % des objets en quartzite sont émoussés) ; 2. le nombre de remontages est faible (le taux de remontage atteint 1,8 % pour le quartzite et 4 % pour le silex, aucun des raccords pour le silex ne concernant plus de 2 pièces à la fois), ce qui suggère qu’une partie significative du matériel a été emportée hors du site par les écoulements ; 3. la répartition en plan des artefacts n’indique pas d’organisation claire du niveau archéologique ; celui-ci s’apparente à une nappe d’objets répartis aléatoirement.

Figure 23 - Composition granulométrique comparée des débitages expérimentaux et de quelques séries archéologiques. Le type de débitage dominant sur chaque site est indiqué par un figuré. Figure 23 - Compared particle size distribution of experimental debitages and Palaeolithic assemblages. The main debitage type for each site is indicated by a symbol.

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6.2 - Le Casseux

32 Ce site, localisé à proximité de Mareuil-sur-Cher dans le lit majeur du ruisseau du Casseux, a livré des industries du Mésolithique récent et du Magdalénien supérieur (Fourloubey 2004). Le matériel archéologique ne forme pas véritablement de niveaux bien définis mais il est dispersé dans des colluvions recouvrant une nappe d’alluvions sablo-graveleuses. L’étude archéologique a rapidement mis en évidence le caractère remanié des vestiges, en raison du mélange dans toute la séquence et en proportions variables d’un stock de matériel indubitablement mésolithique et d’un stock magdalénien. L’altération prononcée des pièces (lustre, denticulations naturelles sur les tranchants) ainsi que la fabrique bimodale des objets (présence de deux directions préférentielles disposées à 90° l’une de l’autre), plaident en faveur d’une redistribution du matériel par des écoulements. L’étude granulométrique effectuée à partir de quelques carrés tests répartis sur toute la hauteur du dépôt vient confirmer cette interprétation. Les points représentatifs des différents lots d’objets s’écartent nettement de la granulométrie connue pour des débitages expérimentaux. Un déficit en éléments de petite ou moyenne taille apparaît clairement (fig. 23) et doit être imputé à l’action des écoulements. Ce déficit est variable : la partie la plus profonde de la couche archéologique (point 16e, fig. 23) est la plus fortement appauvrie, tandis que le matériel issu du décapage sommital (16a) est plus proche de la composition granulométrique attendue. Ces différences peuvent s’interpréter en terme de fluctuations de la compétence des écoulements qui ont affecté le matériel archéologique : la partie inférieure a probablement été redistribuée par des écoulements relativement puissants, comme charge de fond lors des crues du ruisseau, tandis que la partie supérieure n’a été reprise que par des écoulements de faible énergie. Cela suggère une décroissance de l’influence de la dynamique alluviale dans la mise en place du matériel.

6.3 - Hermies – Le Tio Marché

33 Le site d’Hermies – le Tio Marché est localisé sur les flancs d’un paléovallon incisé dans un plateau loessique à Hermies (Pas-de-Calais) (Vallin et Masson 2005). Ce site a livré une industrie moustérienne essentiellement dominée par le débitage de grands éclats levallois. Le principal niveau archéologique (R/S) provient d’une couche de loess intercalée dans le complexe de sols de Saint-Acheul, ce qui permet de lui attribuer un âge Pléniglaciaire moyen (stade isotopique 3) (Antoine et al. 2003). Le niveau a été reconnu sur plusieurs dizaines de mètres carrés répartis sur le plateau, les flancs et le fond du petit vallon. Il est caractérisé par la présence de concentrations lithiques bien délimitées, qui correspondent à des amas de débitage et à des regroupements d’éclats levallois utilisés pour des activités de boucherie, séparées par des zones où les objets sont très peu nombreux, voire absents (fig. 24). Le contexte loessique, qui autorise un enfouissement rapide des niveaux archéologiques, et la distribution spatiale différenciée du matériel lithique tendent à indiquer un bon état de préservation du site.

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Figure 24 - Plan de répartition des vestiges et localisation des carrés tamisés, Hermies – le Tio Marché (Nord-Pas-de-Calais), niveau R/S. L’équidistance des courbes de niveaux est de 5 cm. Figure 24 - Artefact distribution map and location of the sieved squares, Hermies – Le Tio Marché, level R/S. The contour interval is 5 cm.

34 Dans le cadre de cette étude, la granulométrie du matériel récolté en fond de vallon (carrés O-P-Q/20 à 23) et en bordure du vallon (carrés Q-R/5) a été analysée par tamisage pour la fraction inférieure à 20 mm et mesure manuelle de la largeur des pièces pour la fraction plus grossière. Les résultats obtenus (fig. 21) montrent que la proportion de petits objets (fraction 2-4 mm) est très similaire pour tous les carrés analysés provenant du fond de vallon, qu’ils soient localisés au sein d’un amas de débitage, d’une concentration d’éclats levallois ou d’une zone pauvre en vestiges. Cette proportion atteint en moyenne 84,5 %, c’est-à-dire qu’elle est sensiblement supérieure à celle des débitages levallois expérimentaux. Elle suggère donc un enrichissement relatif du niveau archéologique en petits éléments. Cet enrichissement est en revanche moins net pour les carrés Q-R/5 en bord de vallon. La distribution verticale des petits éléments, appréhendée à partir du matériel récolté par tamisage des décapages successifs, montre que leur concentration est surtout marquée à la base du niveau archéologique (fig. 25). D’après les observations réalisées en cours de fouille, ce phénomène peut être, au moins pour partie, dû à une fragmentation secondaire sur place du matériel lithique, attribuée au piétinement (Vallin et al. 2005). Des esquillements ont en effet été observés aux points de contact entre les pièces, notamment au sein des amas de débitage. Une telle hypothèse ne permet néanmoins pas de rendre compte du caractère généralisé de l’excès de la fraction 2-4 mm quel que soit le carré considéré et donc, indépendamment de la quantité d’objets de plus grande taille. L’examen de cette fraction au microscope optique en lumière réfléchie fait clairement apparaître qu’elle n’est pas homogène mais qu’elle est constituée d’objets non altérés (fig. 26, 27), d’objets portant un lustre (patine brillante d’origine mécanique ou chimique, fig. 28) et d’objets présentant une patine blanche de dissolution plus ou moins prononcée (fig. 29, 30). Le décompte des esquilles en fonction de la couleur de la patine, effectué à l’œil nu, indique que, selon les carrés analysés, 30 à 50 % d’entre elles

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ont un aspect blanc laiteux. Moins d’un tiers (10 à 30 %) ne présente aucune patine, le reste étant dans un état intermédiaire (voile blanchâtre moucheté plus ou moins marqué). Si l’on exclut les pièces les plus altérées (patine blanche), la composition granulométrique devient similaire à celle des débitages expérimentaux. L’hypothèse d’une redistribution partielle d’occupations “ anciennes ” déjà patinées situées à l’amont et d’une accumulation par le ruissellement en fond de vallon semble donc pouvoir être retenue. Cette redistribution concerne approximativement un tiers de la fraction 2-4 mm. L’association d’un tri granulométrique et de structures archéologiques apparemment bien préservées reflète probablement un stade initial de dégradation du site, en liaison avec une exposition de relativement courte durée aux processus sédimentaires superficiels. Ainsi, lorsque l’on ne prend pas en compte la fraction < 5 mm, qui est la plus mobile et qui est susceptible d’être redistribuée rapidement après l’abandon du site par les paléolithiques, la composition granulométrique de la plupart des carrés analysés entre dans le champ des débitages expérimentaux (fig. 31). Seul se distingue le carré P21/2, qui correspond à un petit amas en périphérie d’un poste de débitage plus important et montre une surreprésentation des pièces de largeur (l) supérieure à 28 mm (d=20 mm). Ce phénomène pourrait refléter un tri d’origine anthropique. L’analyse technologique de l’amas indique qu’il comprend essentiellement deux segments de séquence de débitage levallois. L’une des séquences (46 objets remontés) correspond aux premières étapes de mise en forme du nucléus (décorticage, mise en place des plans de frappe et aménagement des convexités de la surface levallois), l’autre (17 objets) à une phase de plein débitage (repréparation du plan de frappe et de la surface levallois, puis débitage d’un éclat préférentiel). Cette analyse permet de rejeter l’hypothèse d’une concentration d’objets sélectionnés ; la surreprésentation de la fraction grossière pourrait être liée soit au faible effectif de la série, soit aux caractéristiques mêmes du débitage.

Figure 25 - Proportion relative des fractions 2-4 mm et 5-10 mm dans la série lithique récoltée dans différents carrés et selon la profondeur, site d’Hermies -Le Tio Marché. Figure 25 - Proportion of the 2-4 mm and 5-10 mm fractions according to depth at Hermies - Le Tio Marché.

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Figure 26 - Silex gris foncé non ou faiblement altéré. L’échelle fait 0,5 mm. Hermies – Le Tio Marché, microscopie optique en lumière réfléchie. Figure 26 - Unweathered dark grey flint fragments. The scale is 0.5 mm. Hermies – Le Tio Marché, reflected light.

Figure 27 - Etat de surface d’une esquille de silex gris foncé non altéré. L’échelle fait 50 mm (grossissement x200). Hermies – Le Tio Marché, microscopie optique en lumière réfléchie. Figure 27 - Close-up of an unweathered dark grey flint fragment. The scale is 50 mm. Hermies – Le Tio Marché, reflected light.

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Figure 28 - Patine brillante (lustre) affectant les reliefs dans la partie gauche de la photo et patine blanche à droite. L’échelle fait 50 mm (grossissement x200). Hermies – Le Tio Marché, microscopie optique en lumière réfléchie. Figure 28 - Shiny patina on reliefs on the left part of the photo and spots of white patina on the right. The scale is 50 mm. Hermies – Le Tio Marché, reflected light.

Figure 29 - Patine blanche couvrant l’ensemble de la surface. Même échelle que la photo 5. Hermies – Le Tio Marché, microscopie optique en lumière réfléchie. Figure 29 - White patina covering the whole surface. Same scale as photo 5. Hermies – Le Tio Marché, reflected light.

Figure 30 - Patine blanche. L’échelle fait 50 mm (grossissement x200). Hermies – Le Tio Marché, microscopie optique en lumière réfléchie. Figure 30 - White patina. The scale is 50 mm. Hermies – Le Tio Marché, reflected light.

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Figure 31 - Granulométrie de la fraction > 5 mm provenant de différents carrés d’Hermies – Le Tio Marché. L’aire correspondant aux débitages expérimentaux et la composition de quelques autres sites évoqués plus haut sont également indiquées. Figure 31 - Size distribution of the fraction > 5 mm in some squares at Hermies – Le Tio Marché. The area of experimental debitages and the composition of other already-mentioned Palaeolithic sites are indicated.

7 - Conclusion

35 A l’issue de ce travail, l’analyse granulométrique des assemblages lithiques apparaît d’ores et déjà comme un outil efficace au service des études de taphonomie archéologique. Le fondement de cette analyse repose sur la comparaison entre la composition de la fraction supérieure à 2 mm d’un assemblage archéologique et celle de débitages expérimentaux. Les écarts importants de composition indiquent la présence d’un tri granulométrique. Si le référentiel expérimental semble déjà suffisamment étoffé pour être représentatif de la variabilité induite par le type de débitage ou celui de la matière première et par conséquent, pour que l’identification d’un tri granulométrique ne présente pas d’ambiguïté, l’interprétation de l’origine de ce tri, i.e. naturel ou anthropique, reste encore délicate. Cela tient essentiellement au manque de données concernant la variabilité granulométrique liée à la spatialisation des activités humaines sur un site. Des progrès significatifs peuvent donc être attendus de l’étude de sites bien préservés, dans lesquels la composition du matériel provenant des différentes zones d’activité pourra être documentée. Malgré tout, dans l’état actuel des connaissances, l’association d’un tri granulométrique et d’autres indices témoignant de l’action du ruissellement ou d’une dynamique alluviale (structures sédimentaires, abrasion des pièces…), constitue un argument solide en faveur de l’hypothèse d’une dégradation notable du site par les écoulements.

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ANNEXES

Abridged English version 1 - Introduction, method The particle size distribution of lithic assemblages may provide valuable information on site formation processes. Once abandoned on the ground, the flint debris and used tools behave as sedimentary particles, that are susceptible to be redistributed by geomorphic processes untill their are completely buried. Superficial water flows are able to transport selectively the artefacts according to their size and/or shape, and as a consequence, to give birth to clear sortings. Recognition of such a sorting may have

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significant implications upon the interpretation of the artefact spatial distribution and, in some instances, of the techno-typological composition of the assemblage. The method for grain-size analysis is derived from that used in sedimentology (sieving of the artefacts). To avoid damaging of fragil pieces, sieving can be replaced by manual measurement of their width with a ruler, taking in mind that a sieve mesh d allows particles with a width l = d2 to pass through due to their flat shape (fig. 1, 2, 4). Figure 3 gives the modified size class limits that have to be adopted for manual measurements. The use of the artefact number by size class rather than the weight is prefered here, since this allows giving emphasis on the fine-grained fraction of the assemblage and renders easier the determination of a deficit in this part of the distribution. To be representative, the grain-size distribution has to be established on a significant proportion of the total assemblage, recovered by sediment sieving (smaller sive mesh = 2 mm).

2 – Results

Experimental debitages (Stahle and Dunn 1982 ; Hansen and Madsen 1983 ; Schick 1986 ; Patterson 1990 ; Lenoble 2005, and this paper) show that the number of items decreases exponentially with increasing size, the distributions being very similar whatever the debitage type (table 1, fig. 6). Differences have been found according to raw material type, debitage type, size of the end products and the flint knapper skill (fig. 8, 9). However, these are minor, and do not exceed 15 % for a given particle size class. Comparison between archaeological assemblages and experimental data indicates underrepresentation or conversely, overrepresentation of a particular size class, that may testify to size sorting. This could be anthropogenic or sedimentary in nature. Experiments on size sorting due to water flows (overland flow, river) have been made amongst others by Schick (1986) and Lenoble (2005). The main characteristics of the resulting size distribution allow distinction between pavements (i.e. residual sites), proximal and distal accumulations of archaeological material (fig. 16, 17, 18). Natural size sorting mainly affects the finer-grained fraction (< 5 mm) by opposition to anthropogenic ones. The latter are due to 1) importation and/or exportation of items like prepared cores and finished tools, 2) uneven spatial distribution of the activities of tool production and use within the occupation area. The analysis of a well-preserved epipalaeolithic site (Port-de-Penne), where different activities have taken place (butchery, core reduction, repairing of hunting arms...) (fig. 20), shows that the whole lithic assemblage retains a grain-size distribution close to that of experimental debitages, while the artefact sets coming from each square meters depart significantly from the experimental distribution, the more the number of artefacts is low (fig. 21). Unambiguous determination of the origin of size sorting is not always easy. In order to minimize the uncertainties that factor into the interpretation, the grain-size analysis has to be compared with other lines of evidence such as geology, fabrics, and surface aspect of the artefacts. This allows usually robust assumptions on site formation processes to be made.

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3 - Archaeological case studies

Examples of particle size analyses of French palaeolithic assemblages demonstrate the potential of the method to understand site formation processes. Les Bosses (Jarry et al. 2001) is a Middle Palaeolithic site located near Cahors (fig. 19). The lithic material is included in a gravel pavement on a colluvial cone. Grain-size analysis indicates a significant impoverishement in fine- to medium-size fraction (fig. 23), resulting from sorting due to overland flow. This is associated with evidence of edge damage of the artefacts, low reffitting rates (1.8 % for flint and 4 % for quartzite) that suggests artefact transport by flow away from the site, and lack of clear spatial organisation of the level probably due to strong artefact diffusion. Hermies-Le Tio Marché is a Middle Palaeolithic site (Vallin and Masson 2005) located in a small dry valley cut in loessic deposits. Clear artefact concentrations have been identified, that correspond to knapping spots and accumulations of levallois flakes (fig. 24). Grain-size analysis of samples coming from artefact concentrations lying on the bottom of the valley shows very similar distributions, caracterised by a strong excess in fine-grained elements (2-4 mm) (fig. 21). While trampling may be responsible by part of this excess, microscopic examination of the small fraction shows a wide range in the degree of alteration (fig. 26, 27, 28, 29, 30), that highly suggests a complex history of the level, and probably, secondary accumulation of fine flint particules washed from the upslope part of the site.

4 – Conclusion

The grain-size analysis of lithic assemblages is an efficient tool to understand the site formation processes. It is based on the comparison between the grain-size distribution of archaeological assemblages and that of experimental debitages. Significant difference between the distributions reflects size sorting. If the experimental data set is already large enough to evaluate the variability due to the debitage and raw material types and makes it possible to identify unambiguously a size sorting, determination of the origin of sorting, i.e. natural or anthropogenic, can be not easy. This results mainly from the small number of available data on the grain-size variability in an occupation level due to an uneven spatial distribution of the activities of lithic production and use. However, in the present state of knowledge, robust inferences on site formation processes can be made when size sortings are associated with other evidence of overland flow and river action (geology, artefact distribution, surface aspect of artefacts...).

Acknowledgements

This paper is part of the program entitled “Taphonomy of Middle Palaeolithic assemblages in northern France” (L. Vallin, director). We acknowledge all the persons that have made the experimental debitages: B. Aubry, L. Bourguignon, M. Brenet, A. Delagnes, P. Fouéré, J. Pelegrin and V. Mourre. The archaeologists in charge of the studied sites (C. Fourloubey, M. Jarry and M. Lenoir) and the reviewers (J. Pelegrin, J.P. Texier et J. Tixier) are also thanked.Particle size distribution, Taphonomy, Palaeolithic, Water flows.

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RÉSUMÉS

Cet article propose une revue sur l’utilisation de la granulométrie du matériel archéologique dans le cadre de l’étude taphonomique des sites paléolithiques. La composition granulométrique numérale de la fraction supérieure à 2 mm produite par des débitages expérimentaux est très constante quel que soit le mode de taille mis en œuvre et obéit à une loi exponentielle décroissante. Des différences apparaissent néanmoins en fonction d’un certain nombre de facteurs, comme la matière première utilisée, la dimension des produits recherchés ou la maîtrise du tailleur. Ces différences sont cependant minimes et la variation qui affecte les proportions des différentes classes granulométriques reste inférieure à 15 % d’un débitage ou d’un façonnage à l’autre. La composition d’assemblages lithiques archéologiques peut être comparée aux données expérimentales, qui donnent une bonne image de ce que devait être la granulométrie du matériel archéologique taillé sur le site. La mise en évidence d’un déficit ou, à l’inverse, d’une surreprésentation de certaines fractions témoigne d’un tri dont l’origine peut être anthropique ou naturelle. Les expériences concernant les tris granulométriques provoqués par des écoulements naturels (ruissellement, rivières) sont décrites. Les courbes granulométriques caractéristiques obtenues sont différentes selon que l’on se trouve dans une zone de résidualisation, de transit ou d’accumulation du matériel. Les tris naturels ont en commun de se marquer surtout dans la fraction la plus fine (< 5 mm), contrairement aux tris d’origine anthropique. Plusieurs exemples d’études sur des sites paléolithiques français sont présentés et montrent les potentialités de cet outil pour comprendre les processus de formation des sites. De manière à minimiser les incertitudes qui pèsent encore sur l’interprétation de l’origine des tris granulométriques, un certain nombre de recommandations sur le choix des critères les plus robustes et sur l’insertion de ce type d’étude au sein de la démarche analytique générale d’un site est proposé.

INDEX

Mots-clés : écoulements, granulométrie, Paléolithique, taphonomie Keywords : Paleolithic, particle size distribution, taphonomy, water flows

AUTEURS

PASCAL BERTRAN INRAP, Centre d’activité les Echoppes, 156 avenue Jean Jaurès, F-33600 Pessac Université Bordeaux 1, Institut de Préhistoire et de Géologie du Quaternaire, UMR 5199 «PACEA», bâtiment de géologie, Avenue des Facultés, F-33405 Talence cedex

ÉMILIE CLAUD Université Bordeaux 1, Institut de Préhistoire et de Géologie du Quaternaire, UMR 5199 «PACEA», bâtiment de géologie, Avenue des Facultés, F-33405 Talence cedex

LUC DETRAIN INRAP, Centre d’activité les Echoppes, 156 avenue Jean Jaurès, F-33600 Pessac Université Bordeaux 1, Institut de Préhistoire et de Géologie du Quaternaire, UMR 5199 «PACEA», bâtiment de géologie, Avenue des Facultés, F-33405 Talence cedex

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ARNAUD LENOBLE Université Bordeaux 1, Institut de Préhistoire et de Géologie du Quaternaire, UMR 5199 «PACEA», bâtiment de géologie, Avenue des Facultés, F-33405 Talence cedex

BERTRAND MASSON Ministère de la Culture et de la Communication, Service Régional de l’Archéologie du Nord-Pas- de-Calais, Ferme Saint-Sauveur, avenue du Bois, 59650 Villeneuve d’Ascq cedex

LUC VALLIN Ministère de la Culture et de la Communication, Service Régional de l’Archéologie du Nord-Pas- de-Calais, Ferme Saint-Sauveur, avenue du Bois, 59650 Villeneuve d’Ascq cedex

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Compléments d’informations chronologiques sur le campement moustérien de tradition acheuléenne du gisement de La Folie (Poitiers, Vienne) More chronological informations about the Mousterian settlement of Acheulean tradition at La Folie site

L. Bourguignon, E. Vieillevigne, P. Guibert, F. Bechtel, S. Beyries, A. Emery- barbier, V. Deloze, C. Lahaye, Farid Sellami et N. Sellier-segard

Brefs récapitulatifs du contexte archéologique

1 Le niveau archéologique, découvert en contexte d’archéologie préventive 11, est compris dans une séquence fluviatile du Clain localisée à 3 km au Nord de Poitiers.

2 Le niveau d’occupation, compris dans des limons fins de débordement sous une accumulation sédimentaire d’une puissance de deux mètres, constitue un référent paléoethnographique rare et idéal pour le Paléolithique moyen. Un recouvrement rapide a permis une préservation exceptionnelle de certains vestiges, telles des litières végétales et des organisations de cellules végétales qui sont, pour l’heure, indéterminées. Ce mode de fossilisation a assuré une disposition quasi-originelle à l’ensemble des objets lithiques (Bourguignon et al. 2002 ; Deloze 2001 ; Sellami 2001). La faible densité de matériel lithique (une dizaine de blocs maximum) réparti sur une faible épaisseur (10 cm dans les zones d’accumulation maximum) sur toute la surface (580 m 2 fouillés), associée à un très fort taux de remontage (62,5 % des éclats supérieurs à 2 cm), suggèrent une unique et brève occupation.

3 Un agencement de gros blocs calcaires sous forme de cercle (de 10 m de diamètre environ) semble constituer les limites d’une structure comprenant au moins un trou de

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poteau avec calage (fig. 1). La distribution au sol des vestiges traduit une organisation de l’espace à l’intérieur et à l’extérieur de cette délimitation. De part et d’autre se répartissent des concentrations bien circonscrites, des zones vierges ou des zones de raréfaction. La confrontation des analyses micro-morphologiques, technologiques, fonctionnelles et spatiales ont permis d’appréhender les matériaux utilisés et/ou travaillés et de déterminer des zones d’activités spécifiques (foyers, litière, amas de débitage, zones de travail et zones de circulation) (Sellami op. cit. ; Segard 2001 ; Beyries 2001 ; Bourguignon et al. op.cit). L’absence de faune nous prive d’un pan tout entier de l’économie de ces chasseurs-cueilleurs et nous empêche d’ajuster le mode de fonctionnement du site (halte spécialisée ?).

Figure 1 - Plan de l’habitation moustérienne de La Folie avec matérialisation des remontages et localisation des différents secteurs et/ou aires d’activité du site. Les principales découvertes et analyses sont ici illustrées par secteur (1. aire de taille avec postes bien différentiables où l’unique silex brûlé a été découvert jouxtant la zone vierge de tout vestige ; 2. aire fortement investie avec un foyer, une structure empierrée, des amas de taille et des espaces vides tachetés gris/blanc ; 3. aire plus ou moins centrale de faible densité où l’essentiel des utilisations internes ont été réalisées ; 4. aire de blocs accolés interprétés comme un trou de poteau avec calage). Figure 1 - Plan of the Mousterian occupation of La Folie with flint assembling and the location of the different sectors and activity areas. The principal discoveries and analysis are illustrated by sector (1.knaping area with distinguish post where the single burn flint was discover behind blank area ; 2. ample invested area with a hearth, limestone block structure, knapping area and empty spaces grey/ white speckle ; 3. central area with weak density where the essential of the intern use are realized ; 4. limestone block couple interpreting like a prop up post hole).

4 Les activités menées (débitage et utilisation sur place des objets) et les investissements engagés (structures agencées) suggèrent cependant que cette halte occupait une place privilégiée dans le territoire de ce groupe. Des matériaux siliceux de provenance lointaine (silex du Grand Pressigny à une quarantaine de kilomètres) montrent que ce territoire parcouru était assez large, se développant plutôt vers le nord-est. Cependant, les occupants ont essentiellement exploité le milieu minéral local en sélectionnant des

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blocs de silex et de calcaires bajociens/bathoniens sur les versants localisés à une centaine de mètres du campement. Étonnamment, les terrasses fluviatiles pourtant très proches, peut-être non accessibles, n’ont pas été exploitées. La production s’organise selon une conception Levallois où les modalités (préférentielles ou récurrentes uni/ bipolaire) sont adaptées à la configuration des blocs (Bourguignon et al. 2001). Malgré un faible taux de transformation par la retouche (4,9 % de la production), l’utilisation de la production est attestée, elle concerne indifféremment des produits bruts et retouchés. Diverses matières d’œuvres (peau, bois et végétal souple) ont été travaillées (actions de coupe et de grattage) durant l’occupation (Beyries op. cit.), arguant en faveur d’une production essentiellement réalisée pour des besoins immédiats.

5 Le degré de planification dans le temps et dans l’espace des activités de ce groupe humain peut également être appréhendé par la détermination d’export de produits aux caractéristiques morpho-techniques prédéterminées pour des besoins différés.

6 D’un point de vue culturel, l’analyse du matériel lithique montre des caractéristiques du faciès Moustérien de Tradition Acheuléenne de F. Bordes, malgré une absence de biface : débitage Levallois et outillage dominé par les couteaux à dos et les denticulés.

7 D’un point de vue chronologique, une première estimation avait été proposée sur la base de l’hypothèse que la nappe alluviale sous-jacente au niveau archéologique pouvait se rattacher à la glaciation weichsélienne dans un contexte climatique rigoureux (stades isotopiques 5d à 5b). Les limons fins de débordements, qui scellent l’occupation moustérienne, avaient alors été attribués à une phase climatique plus tempérée de cette glaciation (stade isotopique 5a). Cette hypothèse diachronique, sur une base purement chrono-sédimentaire plaçait l’occupation entre 84 000 et 72 000 B.P. environ (Deloze op. cit).

8 Dans le cadre de l’ACR « Le Paléolithique moyen (35-350 ka) d’Aquitaine septentrionale : émergence, développement et variabilité » sous la direction de J.-P Texier et J. Jaubert (PACEA, UMR5199), une série de datations sur des sites a été entreprise sur certains gisements, programmés ou préventifs, intégrés dans le corpus de l’Action Collective de Recherche dont le site de La Folie fait partie, même s’il est quelque peu en marge du contexte géographique aquitain. De par la rareté des vestiges présentant des altérations thermiques supposant l’action du feu, une première tentative de datations par thermoluminescence avait porté sur six blocs ou fragments de calcaires présentant une coloration et un état de surface laissant supposer leur chauffe. Ce premier test n’a pu aboutir, en raison d’un matériel insuffisamment chauffé. Un retour au matériel en 2005 nous a permis d’isoler un seul élément chauffé en silex (localisé au sein d’une des deux petites concentrations intérieures Est, fig.1). Parallèlement, un prélèvement en bloc de sédiment réalisé lors des travaux de terrain en limite sud-est de la fouille dans la coupe, puis stocké, a permis d’évaluer la dose annuelle gamma, par reconstruction de l’environnement (Guibert et al. 1998).

Les résultats de datation par thermoluminescence

9 La connaissance chronologique par thermoluminescence des industries lithiques paléolithiques s’appuie essentiellement sur le matériau silex. Le protocole de mesure utilisé ici pour la détermination de la dose équivalente béta du silex à dater est un protocole dérivé du « Single Aliquot Regeneration technique ». Ceci, en raison d’une conjonction favorable de facteurs physiques, notamment la température équivalente de

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chauffe : le cycle thermique équivalent pouvait être obtenu directement par chauffage dans la machine de thermoluminescence et non dans un four électrique externe. Une seule série de lecture TL est ainsi nécessaire, ce qui rend cette méthode très peu consommatrice de matière en comparaison de la procédure classique des ajouts de dose et de régénération. Elle a également l’avantage de donner des résultats d’une grande précision (par un procédé d’auto-normalisation des mesures) (Duller 1991). La paléodose obtenue pour le silex de La Folie est de 70.03 ± 1.77 Gy.

10 La dose annuelle d’irradiation est composée d’une partie relative à l’échantillon lui- même, et d’une partie relative à l’environnement de l’échantillon selon la relation suivante :

I = (kIα + Iβ + Iγ )silex + (Iβ + Iγ )sol + Icosmique 11 Le bloc de sédiment prélevé a posteriori a été jugé représentatif de l’environnement du silex à dater. La dose d’irradiation due à chacune de ces deux composantes est calculée à partir des valeurs des teneurs en K, U, et Th déterminées par spectrométrie gamma à bas bruit (tabl. 1).

Tableau 1 - Composition radiochimique du silex étudié au cours de ce travail et du sédiment environnant à l’état sec. Les incertitudes représentent un écart-type de comptage. La teneur en U(238U) est mesurée à partir des émissions g de 235U et 234Th. La teneur U(226Ra) a été mesurée à partir des raies de 214Pb et 214Bi en supposant l’équilibre entre 226Ra et 222Rn (ppm : partie par million). La différence de teneurs U(238U) et U(226Ra) pour le silex est liée aux incertitudes de comptage. La teneur en eau estimée du sédiment a été prise égale à 11 ± 3 %. Table 1 - Radiochemical composition of flint during this work and of environment sediment at dry stapes. The uncertainty represent a gap of account. The content of U(238U) is measuring from the g emissions of 235U and 234Th. The content U(226Ra) is measuring from the stripe of 214Pb et 214Bi supposing that the balance between 226Ra and 222Rn (ppm : part by million). The difference of U(238U) andU(226Ra) content of flint is tie up of uncertainty account. The water account estimated of sediment is considering equal at 11 ± 3 %.

12 Sur le plan de la dose annuelle, nous avons été amenés à procéder à la reconstruction de l’environnement pour la détermination de la dose annuelle gamma (Guibert et al. 1998).

13 La dose annuelle alpha due à l’échantillon, ainsi que les doses annuelles béta dues à la fois à l’échantillon et à son environnement ont été déterminées à partir des mesures de spectrométrie gamma et d’une évaluation de la contribution béta de l’environnement à partir des données d’Aitken et al. (1985). Cette irradiation béta due à l’environnement a dû être prise en compte en raison des très petites dimensions du silex. La composante due aux rayons cosmiques a quant à elle été calculée, connaissant la profondeur d’enfouissement du silex (2 m), à partir des données de Prescott et Hutton (1994). Un bilan de ces résultats ainsi que la dose annuelle totale est proposée dans le tableau 2.

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Tableau 2 - Résultats de l’étude de dose annuelle reçue par l’échantillon. Table 2 -Study results of annual dose received by the sample.

14 Ces résultats mettent en évidence la grande part de l’environnement (75 %) au sein de la dose annuelle totale, soulignant ainsi l’importance d’une bonne représentativité de celui-ci. Aussi, nous ferons l’hypothèse que le sédiment analysé correspond à celui qui entourait l’objet daté.

15 A partir des données obtenues précédemment, les âges ont pu être calculés d’après l’équation d’âge : Paléodose Age TL = ─────────── Dose annuelle

16 Les résultats de la datation sont présentés dans le tableau 3.

Tableau 3 - Résultat de datation du silex de La Folie. Table 3 - Date of burn flint of La Folie.

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Figure 2 - Le Moustérien postérieur à 60 000 ans en Aquitaine septentrionale. Les datations prises en compte ont été obtenues par thermoluminescence (sites 1 à 5, 10, 13, 15 à 21), par résonance paramagnétique électronique (sites 6, 7, 8 et 11), par radiocarbone (sites 12 et 14) et par U/Th (site 9). Figure 2 - Mousterian after 60 000 years in north Aquitaine.

Conclusions

17 L’âge obtenu confirme l’attribution moustérienne post-éémienne de l’occupation moustérienne de La Folie. Elle est cependant disjointe de l’intervalle chronologique proposé initialement (entre 84 000 et 72 000 B.P.) sans pour autant remettre en cause l’attribution Weichsélienne de la nappe alluviale sous-jacente. Elle suppose seulement un laps de temps plus important entre le passage d’un régime de type méandriforme, à un hydrodynamisme réduit dont la charge sédimentaire fine est importante.

18 Cet âge de 57 700 ± 2 400 ans s’intègre, de plus, totalement dans la fourchette chronologique occupée par le Moustérien de Tradition Acheuléenne en Aquitaine. Dans le cadre de l’atelier 5 « Chronologie des systèmes techniques 12 » et d’un thème transversal « Relation Systèmes techniques/chronologie 13 » de l’ACR susmentionné, un bilan chronologique du Paléolithique moyen d’Aquitaine septentrionale a été réalisé (Lahaye 2005 ; Guibert et al. e.p.). L’élaboration d’une base de données bibliographiques exhaustives des datations existantes pour le Paléolithique moyen a fait l’objet d’une révision critique avec la mise en place d’un coefficient de fiabilité de 0 à 3 par ordre de qualité croissante. Cette évaluation a été élaborée à partir d’arguments méthodologiques inhérents aux méthodes de datation et à leur mise en œuvre ainsi qu’à partir de considérations sur la représentativité des objets soumis à la datation. Sur cette base et d’un point de vue strictement typologique, trois faciès semblent coexister durant le stade isotopique trois et plus particulièrement durant la période charnière

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entre le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur comprise entre 45 000 et 35 000 ans : le Moustérien Denticulé, le Moustérien de Tradition Acheuléenne et le Moustérien de type Quina (fig. 2). Parmi ces trois faciès, le Moustérien de Tradition Acheuléenne semble être le faciès typologique le plus ancien et qui perdure le plus longtemps, sur 16 000 ans environ (de 55,8 niv. G1 du Moustier à 39,7 niv. H2/H9 du Moustier). Il coexisterait donc avec les deux autres faciès typologiques, Denticulé et Quina, sur presque 10 000 ans. La datation obtenue sur le silex chauffé de La Folie vieillirait donc de deux millénaires ce faciès culturel en Aquitaine au sens large. Ce qui ne semble pas totalement aberrant puisque seul le site du Moustier bénéficiait de datations publiées avec un degré 3 de fiabilité pour ce faciès typologique.

19 Cette datation du Moustérien de Tradition Acheuléenne de La Folie à Poitiers constitue, de plus, un référentiel important dans le contexte régional, car malgré la très grande rareté des données concernant les occupations du Paléolithique moyen dans la Vienne, il s’agit du faciès typologique le mieux représenté (Joussaume et Pautreau 1990).

20 Mais l’apport le plus considérable de cette datation réside dans l’assurance d’une organisation économique et sociale des néandertaliens plus complexe qu’on ne l’admettait jusqu’alors et ce, dès le stade isotopique 4. La structuration de son habitat, proche de certains exemples du Paléolithique supérieur, en témoigne.

RÉSUMÉS

Cet article constitue un complément d’informations, d’ordre chronologique, aux analyses et résultats obtenus sur le site de La Folie à Poitiers découvert et fouillé en contexte d’archéologie préventive lors de la construction de la station d’épuration de la communauté d’agglomération. Ces résultats avaient fait l’objet d’une première publication dans la même revue en 2002, ils seront ici résumés. Pour plus de renseignements nous renvoyons le lecteur à cette contribution plus étoffée. La datation par thermoluminescence sur silex chauffé de l’habitat de plein air moustérien de La Folie, obtenue dans le cadre de l’ACR «Le Paléolithique Moyen en Aquitaine septentrionale», positionne l’occupation néandertalienne au début de l’interpléniglaciaire (vers 58 000 ans) et réaffirme son attribution culturelle au faciès Moustérien de Tradition Acheuléenne de F. Bordes. Cette datation permet surtout d’attester l’existence d’une structuration de l’habitat moustérien en plein air proche de celles connues pour le Paléolithique supérieur. Cette occupation, avait en effet livré de nombreux vestiges anthropiques enfouis à plus de deux mètres de profondeur dans des limons de débordement du Clain. Ce recouvrement rapide a permis une préservation exceptionnelle de certains vestiges, telles des litières végétales, des organisations de cellules végétales, un foyer, deux agencements de blocs calcaires et des concentrations de silex bien circonscrites. L’organisation dans l’espace de ces différents types de vestiges et leur relation, (structuration interne et externe au cercle matérialisé par des gros blocs et un trou de poteau) nous avaient permis d’étayer l’hypothèse d’une habitation de plein air moustérienne (Bourguignon et al. 2001 et 2002).

This paper is a chronological data complement of the results obtained in the site of La Folie at Poitiers. This Mousterian occupation was discovered and revealed during a preventive

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archaeological excavation. The primary results were a purpose of a first publication in the same review in 2002, which are resumed at this time. For more information we send back the reader at this contribution more substantial. The thermoluminescence dating on a heated flint from the Mousterian site of La Folie enables to situate in time its Neandertalian occupation in early interpleniglacial (about 58000 years). Moreover its cultural attribution to the Moustérien de Tradition Acheuléenne features by F. Bordes is confirmed. The existence of a structured open-air Mousterian settlement close to those known for the superior Palaeolithic is attested by this study. In effect, this occupation delivered many entropic remains bury at more than 2m depth in overflowing mud of the Clain river. This fast covering make possible a exceptional preservation of some remains, like vegetal litter, vegetal cellule organisation, one hearth, two arrangement of limestone block and flint concentration very clearly limited. This spatial organisation of this different remains and our relation, (intern and extern organisation of the circle materialized by big limestone block and a post hole) we permitted purpose a Mousterian open air habitation hypothesis (Bourguignon et al. 2001 et 2002)

INDEX

Keywords : Acheulean mousterian tradition, structured settlement, TL date Mots-clés : datation TL, Moustérien de tradition acheuléenne, structures anthropiques

AUTEURS

L. BOURGUIGNON INRAP, direction inter-régionale Grand Sud-Ouest-33600 Pessac

E. VIEILLEVIGNE Institut de Recherche sur les ArchéoMATériaux - CRP2AA, Université Bordeaux 3, UMR 5060 du CNRS

P. GUIBERT Institut de Recherche sur les ArchéoMATériaux - CRP2AA, Université Bordeaux 3, UMR 5060 du CNRS

F. BECHTEL Institut de Recherche sur les ArchéoMATériaux - CRP2AA, Université Bordeaux 3, UMR 5060 du CNRS

S. BEYRIES CNRS, CEPAM Sophia Antipolis-06565 Valbonne

A. EMERY-BARBIER UMR 7041, Maison de l’Archéologie et de l’Ethnologie - 92000 Nanterre.

V. DELOZE INRAP, direction inter-régionale Grand-Ouest - 33600 Pessac.

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C. LAHAYE Institut de Recherche sur les ArchéoMATériaux - CRP2AA, Université Bordeaux 3, UMR 5060 du CNRS

FARID SELLAMI INRAP, INA-PG, DMOS - 78850 Grignon.

N. SELLIER-SEGARD INRAP, direction inter-régionale Nord Picardie - 80000 Amiens.

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Petit gibier et fonction de sites au Paléolithique supérieur Les ensembles fauniques de la grotte d’Anecrial (Porto de Mos, Estremadure, Portugal) Small game and site function in upper Paleolithic : the faunal assemblages from the of Anecrial (Porto de Mos, Estrémadure, Portugal)

Jean-Philip Brugal

Les travaux pluridisciplinaires menés à Lapa do Anecrial ont été rendus possible grâce à un accord de coopération franco-portugais et à des programmes entre le Ministère des Affaires Etrangères et le CNRS, avec l’ICCTI (ex. JNICT), sous la direction de J.Zilhao et du présent auteur. Les analyses et images au MEB ont été prises au « Service Commun de Microscopie Electronique » de l’Université de Provence, Centre de Saint-Charles (Marseille) ; nous remercions vivement R.Notonier et A.Tonello pour leur assistance technique. Merci également aux deux rapporteurs de la revue, P.Fosse et un anonyme, de m’avoir permis de préciser quelques notions.

1 Les gisements préhistoriques sont de nature variée, se déclinant schématiquement en sites de plein-air et en cavités, livrant des séries lithiques et biologiques (faune, flore) plus ou moins denses et diversifiées, organisées ou non dans un espace domestique. Pour chacun de ses points – géotopographique ; diversité, densité et distribution des séries ; présence de structures s.l. -, il est possible de définir plusieurs paramètres dont la conjugaison globale permet d’inférer des hypothèses fonctionnelles sur les lieux d’activités humaines en relation avec les environnements bioclimatiques. Les systèmes socio-économiques de groupes chasseurs-collecteurs peuvent ensuite être déduits d’un ensemble de sites de fonction(s) reconnue(s) pour une région et une culture. Afin de reconstruire ces systèmes, il est alors nécessaire de reconnaître toutes les catégories de gisements, depuis les plus denses – généralement connus et fouillés depuis longtemps (souvent en cavités) – jusqu’aux sites parfois considérés comme mineurs mais riches d’informations complémentaires. Ces gisements qualifiés de « pauvres »1 peuvent en effet apporter des renseignements plus détaillés car ils correspondent souvent à des durées et des intensités d’occupations limitées permettant d’approcher la synchronicité des activités humaines ; c’est le cas pour le gisement portugais d’Anecrial

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montrant deux occupations différentes du Paléolithique supérieur (Solutréen et Gravettien Terminal).

2 Les recherches sur les comportements de subsistance complètent largement celles menées en particulier sur les productions lithiques. Ces deux registres restent les témoins majeurs des activités humaines. La complémentarité de telles études a d’ores et déjà apporté de très nombreuses informations sur les modes de vie des populations du Paléolithique supérieur en Europe de l’Ouest. Un des points particuliers de la fin de cette période, pour les régions du sud de l’Europe tout au moins, concerne le développement de l’exploitation des ressources alimentaires, passant par un élargissement des gibiers de petite taille (par exemple : Straus 1991 ; Grayson et Delpech 1998 ; Stiner et al. 1999 ; Stiner 2004 ; Hockett et Haws 2002 ; Cochard et Brugal 2004). S’ajoutant à l’acquisition traditionnelle des ongulés, les préhistoriques vont dorénavant tirer parti des domaines aquatiques (poissons, mollusques), aérien (oiseaux) et terrestres (lagomorphes, rongeurs, reptiles, etc.). Ces changements sont souvent mis en relation avec des innovations techniques allant de pair avec une complexité des organisations sociales (sédentarité, démographie, ethnicité, etc.). Il reste toutefois à mieux définir l’apparition et les rythmes dans la gestion de ces nouvelles ressources selon les provinces biogéographiques et culturelles à l’échelle de l’Europe méridionale ou circum-méditerranéenne.

3 Dans ce contexte dynamique de recherches, la péninsule ibérique constitue une région intéressante, à la fois par ses peuplements animaux et humains (par exemple, Brugal et Yravedra Sainz de los Terreros 2005-2006), mais aussi dans ses adaptations culturelles en rapport avec des milieux bioclimatiques spécifiques. Il est en effet reconnu que les impacts des périodes glaciaires sont relativement atténués dans cette partie de l’Europe, bien que des gradients climatiques puissent se manifester et compartimenter les écosystèmes, d’autant plus que cette région présente des reliefs importants. Parmi les petits gibiers, le lapin de garenne (genre Oryctolagus) trouve en péninsule ibérique un refuge naturel au cours du Pléistocène (e.g., Calou 1995, Hockett et Bicho 2000) et son abondance a pu entraîner une exploitation différenciée de la part des chasseurs paléolithiques. Le gisement d’Anecrial en Estrémadure portugaise fournit un nouvel exemple d’acquisition de lagomorphes (Leporidae) durant la fin du Paléolithique supérieur, documentant la variabilité des adaptations humaines dans le cadre de gestion du territoire (mobilité, taille des groupes, etc.). Un premier jeu d’hypothèses fonctionnelles a été proposé pour la couche 2 par J. Zilhao (1997), sur la base des caractéristiques préliminaires et de la distribution spatiale des outillages, des matières premières lithiques et des restes fauniques. Un petit groupe d’individus aurait séjourné durant une très faible durée dans la cavité, avec divers postes de travail (taille) organisés autour d’un foyer ; une exploitation locale de lapins est enregistrée durant ce séjour avec la possibilité d’apport extérieur de portions de bouquetins. L’apport des études taphonomiques et archéozoologiques permet alors de tester ces propositions et d’affiner les premières interprétations.

Le gisement de Lapa do Anecrial

4 Le site d’Anecrial désigne une grotte de relative petite dimension (en portugais : ‘Lapa’ ou ‘Buraca’) avec une salle unique (e.100 m 2, hauteur maximum de 6 m) et une entrée relativement étroite regardant vers le Nord (fig.1). Elle se positionne sur le bord d’un

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poljé (Alvados), dans l’Estrémadure portugaise (altitude 340 m), qui représente une voie de passage naturelle entre le bassin du Taje et l’Atlantique. La plus grande partie de la surface de la cavité est recouverte d’une croûte stalagmitique et seule la partie ouest de la salle, le long de la paroi, contient un remplissage sédimentaire : il a fait l’objet de fouilles (1992-1993 et 1995) sur une surface de 9,5 m 2 (Zilhao 1997 ; Zilhao et Almeida 1996 ; Almeida 2000 ; Almeida et al. sous-presse). La séquence stratigraphique, épaisse d’environ 1,5 m, montre cinq couches dont deux (couches 1 et 2) livrent des artefacts lithiques.

Figure 1 - Lapa do Anecrial : plan et profil de la grotte (d’après Almeida et al. ss-pr.) Figure 1 - Lapa do Anecrial : plan and profile views of the cave (after Almeida et al. ss-pr

5 La couche 1 (épaisseur d’environ 25 cm) est constituée par un éboulis sec d’éléments anguleux (5-10 cm) dans une matrice sableuse. Elle contient à son sommet une série archéologique très peu dense (deux pièces lithiques dont une préforme de pointe à cran ; quatre coquilles marines de Littorina obtusata et 214 restes de faune) autour d’un foyer avec quelques charbons qui fournissent une date AMS de 20 520 ± 100 ans BP (GrA-12019). Cette occupation est rapportée au Solutréen, contemporaine du dernier maximum glaciaire. On peut ajouter que le foyer, à plat, a un diamètre moyen de 70 cm, contenant des charbons de pins (détermination I.Figueiral) et de nombreux restes de lapins.

6 La couche 2 (épaisseur d’environ 10 cm) est composée d’un sable calcaire fin correspondant à un ralentissement dans la sédimentation. Un matériel plus abondant se répartit autour d’un foyer en cuvette (diamètre de 80 cm) et l’ensemble présente une grande intégrité spatiale avec en particulier une distribution du lithique en groupes bien séparés de matières premières et de taille (présence de nucléus, éclats, racloirs, lamelles). Prés de 572 pièces lithiques (silex, quartz, quartzite) ont permis d’opérer de nombreux remontages (environ 51 % et 92 % en poids) (Almeida et al. sous-presse) qui

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démontrent une faible action post-dépositionnelle. Les études technologiques précisent les séquences de réduction et indiquent des activités de taille in situ notamment pour l’obtention d’armatures de petites dimensions (Zilhao 1997 ; Almeida 2000). L’assemblage faunique comprend de nombreux restes de lapins et quelques fragments de bouquetins distribués autour et dans le foyer. L’analyse anthracologique (I.Figueiral, inédit) montre la dominance de Légumineuses associées à du pin (Pinus sylvestris) et de la bruyère (Erica sp.). Les datations radiocarbones sur charbons fournissent un âge autour de 21 600 ans BP [21560 ± 680 ICEN-964 et AMS 21560 ± 220 OxA-5526] alors qu’une date sur un os de bouquetin donne un âge AMS de 23410 ± 170 BP (OxA-11235)2. L’étude taphonomique permet en effet de rendre compte d’une altération différente entre les deux espèces de mammifères, ce qui supposait un mélange confirmé par ces datations. D’autre part, un petit stock de matériel lithique, correspondant à deux catégories de matières premières siliceuses, avait également un aspect plus roulé. Il est ainsi possible de reconnaître deux occupations préhistoriques dans ce niveau : le premier, le plus vieux et le plus dégradé, rapporté au Gravettien et un deuxième, bien conservé, attribué au Proto-Solutréen/Gravettien terminal. L’analyse spatiale (verticale) confirme aussi cette interprétation avec les restes de bouquetin se plaçant à la base de la couche 2, alors que la grande majorité des autres éléments sont en position supérieure (Almeida et al. sous-presse).

7 Une couche sus-jacente (c.0) paraît relativement hétérogène, composée de colluvions perturbées. Les couches sous-jacentes aux c.1 et 2 sont archéologiquement stériles et le niveau 3n, avec un fragment de charbon, a pu être daté par AMS de 24410±110 BP (GrA-12016). Ce sont des dépôts d’éboulis calcaire grossier (c.3 et 4), recouvrant un remplissage d’argile rouge stérile (c.5).

8 La grotte d’Anecrial documente des occupations humaines de courte durée de la fin du Gravettien et du début du Solutréen. Les données sur la nature sédimentaire et les résultats anthracologiques (Figueiral 1995 ; Figueiral et Terral 2002 ; Queiroz et al. 2002 ; Zilhao 1991 ; Zilhao et Almeida 2002), précisent le cadre paléoenvironnemental de ces séjours inscrit dans le dernier pléniglaciaire würmien dans ces régions calcaires de moyenne altitude d’Estrémadure. Ces régions étaient alors couvertes d’une végétation rare de type subalpin, avec des bouquets de pins dominants. Un bon analogue se trouve dans les forêts de pins du versant sud des Pyrénées, à une altitude de 1 100-1 800 m, avec une moyenne annuelle de température de 7-10° et des précipitations annuelles entre 800 et 1 500 mm. Ces conditions en Estrémadure indiquent des conditions bioclimatiques fortement affectées par l’avancée du dernier front glaciaire (OIS 2).

Matériel et contexte

9 Le matériel faunique représente près de 1 800 restes provenant de cinq couches différenciées à la fouille. Les couches supérieures (c.0) et de base (c.3 et 4) ne livrent que de très rares éléments. La surface excavée est relativement réduite (moins de 10 m 2) mais correspond à la totalité de la surface occupée par les groupes humains. La majeure partie des vestiges fauniques (tabl.1) est issue de la couche 2 (n = 1516), puis de la couche 1 (n = 214). Ils sont essentiellement constitués de lagomorphes, soit en moyenne 89 % de l’ensemble. Si on exclut les rares éléments intrusifs tels que gastéropodes et petits vertébrés, ce chiffre monte à 94,7 %, le reste correspondant à des Caprinés (5,3 %). L’archéofaune d’Anecrial peut ainsi être considérée comme quasiment

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monospécifique, provenant de deux niveaux principaux, et relativement peu abondants en fonction de la densité des restes et des individus. Pour ces niveaux, les occupations humaines et l’ensemble du matériel lithique et osseux, sont organisés autour de zones de combustion (foyers) centrées dans les carrés M-L 20 pour le niveau 1 et J-K 21 pour le niveau 2 ; ces installations se situent près d’une des parois de la cavité (bande J).

Tableau 1 - Distribution stratigraphique et topographique (nombre de carrés) des espèces d’Anecrial (nombre de restes). n carré = nombre de carré concerné et détail suivant les espèces (lagomorphes et caprinés) Table 1 - Stratigraphic and topographic (number of square) distribution of taxa from Anecrial (number of specimens)

10 L’ensemble des sédiments a été systématiquement tamisé à une maille de 3 mm et les sédiments du foyer de la couche 2 ont été tamisés à une maille de 1 mm permettant la récupération des plus petits vestiges (Almeida, comm.pers.). Les ossements de lagomorphes se fracturent facilement et génèrent de nombreuses petites esquilles et débris (fig. 2) ; ceux-ci sont aisément, vu leur gracilité, rapportables à ce petit mammifère. Il existe ainsi une grande différence entre le nombre de restes total (NRT) et le nombre d’éléments anatomiques identifiés (NRD = NISP). Pour la couche 1, le NRD s’élève à 49,5 % sur un nombre total de lagomorphes de 184 restes ; pour la couche 2, il est d’environ 39 % sur un nombre total de 1 417 restes. Ces chiffres indiquent non seulement une fracturation anthropique importante mais suppose également une fragmentation post-dépositionnelle en relation avec une compaction et un piétinement ainsi qu’un réajustement synsédimentaire du dépôt formé de cailloutis de petits modules (5-10 cm dans la c.1) ou de sable calcaire relativement lavé (c.2).

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Figure 2 - Matériel de Lagomorphes d’Anecrial ; notez les nombreuses petites esquilles et le matériel noirci (chauffé et brûlé) Figure 2 - Faunal (lagomorphs) remains from Anecrial; notice the abundance of small splinters and the heated and burnt pieces

11 Parmi les plus petits éléments, on note la présence discrète de poissons (trois vertèbres dans la c.2), d’amphibiens (un reste dans la c.2) et d’oiseaux (un et six restes dans les c.1 et 2). La présence de coquilles de gastéropodes terrestres de petite taille est à relever avec une forte proportion dans le niveau le plus superficiel (c.0) : 60 sujets composés d’au moins deux espèces (dont une de morphologie aplatie) ; ils sont présents sur toute la séquence mais leur nombre diminue vers le bas. Ces divers taxons représentent des constituants du sédiment et leur origine peut être soit naturelle, soit liée à des déjections de prédateurs (rapaces ou petit carnivore).

Taphonomie des assemblages osseux

Les Capridés

12 Les restes d’un mammifère de moyenne taille sont peu nombreux : 15 dans la c.1 et 75 dans la c.2 (tabl.2). Les éléments diagnostics sont rares avec un fragment d’extrémité distale d’humérus, un fragment de cavité cotyloïde et une esquille de diaphyse (face postérieure) de métatarse permettant de rapporter ce matériel à un capriné, de la taille de Capra (cf. C. pyrenaica). Aucune dent n’est présente. En regard de la taille générale des autres restes et de leurs conditions physiques (altération, couleur), nous avons rapporté l’ensemble de ce matériel au même genre. Les esquilles sont les plus abondantes et ont une taille moyenne de 37 mm (de 21 à 86 mm). Dans l’ensemble, les bords de cassures indiquent des fragmentations sur os déjà secs (cassures obliques et denticulés, bords mousses, face rugueuse). La couche 1 est particulièrement pauvre et on note quelques pièces portant des traces de feu (n = 4). La couche 2 montre de nombreux fragments de côtes, et deux fragments d’épiphyses indiquent un sujet relativement jeune (jeune adulte ?) ; il n’y a aucune trace de combustion sur les ossements de la c.2 et une esquille porte de légères traces de dents d’un carnivore de petite taille.

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Tableau 2 - Composition anatomique des restes de Caprinés d’Anecrial (et détail de nombre de stries, juvéniles et localisation pour la c.2). n car = nombre de carré ou l’élément est présent ; carré = carré ou l’élément est majoritaire Table 2 - Anatomical parts of Caprids from Anecrial (and detail: cut-marks, juvenile and location for level 2)

Figure 3 - Strie de découpe sur une esquille de mammifères (capridés) d’Anecrial (L22 - c.2) pris au MEB. a - général ; b - détail d’une cupule de dissolution ; c - détail d’une strie de découpe montrant des traces marginales dues à des frottements (sur la droite) ; d’après la morphologie de la strie, le geste de l’outil, support retouché, est dirigé vers le haut. Figure 3 - Cut-marks on bone splinters of Caprids (L22 - layer 2), SEM pictures.

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13 Ce matériel montre un état de conservation similaire entre les deux couches : les ossements sont dégradés, souvent de couleur blanche, avec un degré d’altération relativement marqué (stade 3 selon Behrensmeyer 1978) ; quelques pièces développent un concrétionnement sous la forme d’un voile de calcite (épaisseur maximale de 3 mm). De même, les cupules de dissolution sont nombreuses et recoupent parfois des traces laissées par des supports lithiques (fig. 3 a-c). Les stries de boucherie, généralement courtes, existent à la fois sur des esquilles (n = 3), sur des fragments de côtes (n = 3) et sur les trois éléments déterminables : une strie sur l’épicondyle de l’humérus, sur la diaphyse du métatarse et autour de la cavité cotyloïde. Ces actions marquent nettement l’exploitation et la consommation par l’homme d’un bouquetin. Les rares éléments déterminables ne désignent que des fragments de la carcasse avec des régions anatomiques différentes (axial, antérieur, postérieur). L’introduction d’une carcasse entière ou en morceaux est alors difficile à préciser.

14 Ces observations taphonomiques indiquent que ces restes sont restés exposés longtemps sur le sol, subissant non seulement des actions climato-édaphiques mais également des actions mécaniques démontrées par des cassures sur os secs, dues aux piétinements et/ou déplacement des vestiges. De telles actions sur les ossements de lagomorphes entraîneraient certainement des dégâts plus importants sur ces os plus fragiles, dégâts qui ne se reflètent pas dans les décomptes de cette espèce. La plus forte densité des fragments osseux de caprinés de la couche 2 (carrés K-L/21-22) est décalée de celle des lagomorphes (J-K/20-21) et des artefacts lithiques. On insistera de nouveau sur la différence d’état de conservation entre les deux espèces avec les restes de caprinés beaucoup plus altérés. La taille et la condition des esquilles de ce taxon, l’absence de petits débris d’épiphyses, ne permettent pas non plus de soutenir l’hypothèse d’une utilisation pour la formation de bouillon graisseux (Zilhao 1997), comme cela a été avancé par exemple au Flageolet I (Bézenac, Dordogne), niveau du Périgordien supérieur (Delpech et Rigaud 1974).

15 Sur la base de ces critères, il est possible de soutenir que les restes de bouquetin (un seul individu) sont issus d’une occupation humaine plus ancienne, antérieure à celle livrant des lagomorphes associés aux foyers et à la majorité des vestiges lithiques. Quelques fragments osseux de ce rupicole auraient ensuite été remobilisés dans ce dépôt légèrement en pente pour se mélanger aux deux installations postérieures (c. 2 et 1). L’occupation de la couche 1 est très ponctuelle avec un faible investissement (peu de lithique, peu de faune) ; elle pourrait désigner un exemple de séjour particulièrement bref, comme celui qui a pu se faire lors de cette phase plus ancienne de présence

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humaine dans la cavité. Une autre explication suggérait l’introduction de morceaux de bouquetin (Zilhao 1997), viande avec fragments osseux transportés lors de déplacements du groupe et représentant des vivres de voyage. L’état plus altéré des restes osseux, l’absence d’éléments crâniens et de dents, pourraient alors correspondre à un aliment (sensu carcasse) ayant subi une préparation culinaire (sélection des morceaux, découpe) en vue de stockage puis d’une consommation différée. Ce comportement se serait alors manifesté aussi bien chez les solutréens (c.1) que chez les gravettiens (c.2). Au vu de nos analyses, et des résultats radiométriques obtenus sur un os de capriné, cette hypothèse peut également être écartée.

Les Lagomorphes (famille des Leporidae)

16 Les restes de lagomorphes ont été retrouvés principalement dans et autour de zones de combustion importante, localisées différemment dans les deux principaux niveaux. Le foyer de la couche 2 est plus proche de la paroi que celui de la couche 1. L’ensemble des pièces est attribué au lapin de garenne, Oryctolagus cuniculus3, avec près de 1 600 restes dont environ 40 % réellement déterminables anatomiquement et taxonomiquement. Au total, ils représentent au moins 327 éléments (NME), soit une estimation de 19 individus (quatre pour la couche 1 ; 15 pour la couche 2). Il s’agit ici d’ensembles que l’on peut qualifier de ‘pauvres’ par comparaison avec certains sites préhistoriques livrant des dizaines de milliers d’éléments de léporidés concernant des centaines d’animaux.

17 Les ensembles d’Anecrial reposent sur un faible nombre de restes et d’individus, en particulier pour la couche 1. Le nombre minimal d’individus (NMI) est identique entre les estimations faites par fréquence ou par combinaison ; de même, les fréquences relatives utilisant le NMI ou le MAU sont également similaires et interchangeables (fig. 4). Le tableau 3 détaille les compositions anatomiques et les observations taphonomiques ; les débris sont particulièrement nombreux (esquilles et microesquilles : ces dernières inférieures à 1 cm) et proviennent principalement d’os longs des membres (humérus, radius, fémur, tibia).

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Figure 4 - Représentations squelettiques des lagomorphes (c.2) suivant le MAU et le NMIc. Figure 4 - Lagomorph’s skeletal representation (layer 2) in MAU and MNIc.

Tableau 3 - Composition anatomique et observations taphonomiques des Lagomorphes d’Anecrial. G = gauche ; D = droit, j = juvénile ; jad = jeune adulte ; Chauf = chauffé (faible action des flammes : couleur brunâtre) ; brul = brûlé (carbonisé) ; n car = nombre de carré ou l’élément est présent ; carré = carré ou l’élément est majoritaire Table 3 - Anatomical parts and taphonomic observations of Lagomorphs from Anecrial

18 Globalement, toutes les parties du squelette sont présentes mais les pourcentages entre éléments montrent des disparités intéressantes. De plus, il y a un certain équilibre

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entre ossements droits et gauches, bien que de nombreux fragments n’aient pu être latéralisés. Ceci suppose l’apport entier de carcasses dans la cavité. Le matériel est en bon état de conservation et les surfaces osseuses sont très peu altérées (au moins macroscopiquement). Environ 6 % (c.1) à 1% (c.2) des restes présentent des traces de corrosion avec des cupules de dissolution dues à des actions chimiques, certaines en relation avec le développement de radicelles ou de mousses (lichens) (fig. 5 a-b) : cette altération affecte d’ailleurs les plus grosses pièces et développe des zones sombres, pouvant être confondues avec l’action de flammes. L’altération est bien visible sur les mandibules avec des perforations dans les zones d’os peu épais comme le diastème ou à la base de la troisième prémolaire, face linguale. Par ailleurs, un léger concrétionnement est observable sur environ 6 % (c.1) à moins d’ 1% (c.2) des restes, nettement plus faible que celui constaté sur les pièces de Caprinés. Un autre exemple, plus anecdotique, affecte la surface d’un fémur gauche (K21-c.2-85) avec la présence de cinq sillons bien limités et flanqués de fins reliefs (fig. 5 c-e). Ils sont interprétés comme des traces laissées par la radula de gastéropodes. Ceux-ci sont connus pour attaquer les ossements de petite taille (Morel 1986), bien que les traces observées ici soient différentes de celles rapportées par cet auteur. Un métapode entier de la c.2 montre des micro-perforations pouvant correspondre à l’action de vers, impliquant la présence de tissus mous. Ces détails permettent de supposer une exposition avant enfouissement, laissant ces organismes agir, mais de courte durée en raison de la bonne conservation générale. L’observation à la binoculaire (sur les os longs les plus fréquents) laisse apparaître des striations pouvant être dues à des piétinements, compaction ou déplacement mineur des objets.

Figure 5 - A - Surface de fémur de Lagomorphes (K21-c.2-88) montrant des traces de radicelles : a - général ; b - détail interne de sillons ; B - Surface de fémur de Lagomorphes (K21-c.2-85) montrant l’action de gastéropodes ; c- général ; d et e – détails Figure 5 - A - lagomorph’s femur surface (K21-2-88) with root-marks : a – detail ; b - internal detail of grooves) ; B- lagomorph’s femur surface (K21-2-85) with gastropod gouging (c - general and d,e - details)

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19 Les restes de jeunes sont relativement faibles avec un jeune et un jeune adulte pour la couche 1 (seulement cinq restes sur 184), et au moins deux juvéniles pour la couche 2 (soit 14 restes sur 1 417 ; environ 1 % en NRD et environ 13 % en NMI). Les lapins ont un fort taux de reproduction avec généralement deux pics de mise bas, un au printemps et l’autre en automne (cf. Hockett et Bicho 2000 : 721). Cette saisonnalité est toutefois variable et les conditions générales des milieux (climat, alimentation, prédation) constituent autant de facteurs qui modifient ces rythmes biologiques. La mortalité des juvéniles est en général importante pendant les trois premiers mois, et c’est vers 9 mois que l’animal devient adulte. A Anecrial, les adultes sont donc largement majoritaires (au moins pour la c.2) suggérant que les fréquentations du site se placent en dehors de pics reproductifs (soit été ou hiver) ; il reste néanmoins difficile d’affirmer des saisons sur la base d’assemblages de léporidés. Le faible nombre d’individus, associé aux autres données contextuelles, implique des occupations de courte durée, très vraisemblablement intra-saisonnière, qu’il est possible, dans un premier temps, de mettre en relation avec des périodes de mobilité plus grande de la part de groupes humains de taille réduite. De tels groupes sont susceptibles de se former durant certaines saisons, en particulier lors des ‘bonnes’ saisons (printemps-été), lorsqu’on assiste à une plus grande dispersion des ressources animales.

20 Les traces de combustion sont relativement peu nombreuses, plus fréquentes sur les fragments. Pour la c.2, près de 17 % (dont 13 % sur des pièces déterminables) montrent une carbonisation (couleur noire) avec quelques pièces de couleur brun-foncée qui auraient subies une crémation atténuée, avec des surfaces desquamées ; il n’y a pas de pièces calcinées (gris-blanc). La combustion touche toutes les pièces anatomiques, depuis des éléments crâniens (et des dents isolées), des vertèbres et des os longs ou courts. La crémation reste donc limitée avec une localisation majoritaire des vestiges sur les bords du foyer, indiquant cependant un rejet systématique vers celui-ci (destruction totale de certaines éléments). D’autres actions anthropiques sont plus discrètes, seulement visible en c.2 : une strie de découpe sur un métapode entier désignant une activité de dépouillage, et quatre fragments de pelvis (avec l’acétabulum) montrant des sillons relativement superficiels, larges, attribués hypothétiquement à des marques de dents humaines (voir à ce sujet Perez Ripoll 2004). Globalement il n’y a pas de perforations attribuables à des petits carnivores ou à des coups de becs de rapaces, souvent localisées sur les extrémités d’os longs (ex. in Cochard 2004). Il faut cependant noter que les extrémités sont faiblement présentes dans ces ensembles (cf. infra). Une exception concerne un pelvis (L21-c.2-6) présentant une perforation

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(puncture) près de la cavité cotyloïde (diamètre de 1 mm) attribuée à un carnassier de petite taille.

21 Comme il a été noté, tous les éléments du squelette sont présents mais le squelette axial (vertèbres, cotes) et les parties distales des membres (tarsiens, carpiens, métapode et phalanges) sont nettement sous-représentés, ne pouvant s’expliquer ni par une conservation différentielle ni par une collecte sélective à la fouille. Le squelette céphalique (mandibules, fragments crâniens, dents isolées) et le squelette appendiculaire (os longs des membres) sont majoritaires. Les profils de représentation (tabl.4 et fig. 6) sont assez comparables entre les deux couches, avec cependant une meilleure fréquence des parties crâniennes (mandibules et maxillaires) dans la couche 2 ; et, dans une moindre mesure, une représentation plus grande des éléments antérieurs (humérus, radius) dans la couche 1. Ceci pourrait être mis en relation avec la plus faible occupation de la couche 1 ou bien par une différence de technique de consommation (« écrasement » des crânes pour récupérer le cerveau ?).

Tableau 4 - Synthèse des données sur les lagomorphes d’Anecrial. NISP = nombre de spécimens identifiés ; NME = nombre minimal d’éléments ; MAU = unité animale minimale ; NMIc = nombre minimal d’individus (par combinaison) ; Freq.Rel. = fréquence relative. Table 4 - Synthesis of data on Lagomorphs from Anecrial

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Figure 6 - Représentations squelettiques des lagomorphes : comparaison entre les couches suivant la fréquence relative du MAU Figure 6 - Skeletal representation of Lagomorphs : relative frequency (based on MAU) comparison between the two layers

22 Les os longs du membre postérieur sont aussi abondants en nombre de restes que ceux du membre antérieur, mais ces derniers montrent de plus faible fréquence relative, en rapport avec leur plus grande fragilité. Ce sont les tibias, suivis par les fémurs, qui fournissent le plus d’éléments et donc le NMI (plus la mandibule bien représentée aussi dans la couche 2). Les décomptes sont détaillés dans les tableaux 5 (détail anatomique) et 6 (couche 2 : rapport extrémités/diaphyse et longueur des cylindres).

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Tableau 5 - Détail des représentations squelettiques des Lagomorphes d’Anecrial (NRD) Table 5 - Skeletal parts representation (detail) of Lagomorphs from Anecrial (NISP)

Tableau 6 - Fréquences ( % NRD) des extrémités vs. cylindres et de la longueur des cylindres, pour les principaux os longs de Lagomorphes d’Anecrial (c.2) Table 6 - Frequency ( % NISP) of ends vs cylinders and length of cylinders, for the main long bones of Lagomorphs from Anecrial (layer 2)

23 A l’exception des métapodes, il n’existe pas d’os longs entiers et ce sont les portions diaphysaires, ou cylindres, qui dominent (73,3 % en moyenne). Si l’humérus, le fémur et le tibia possèdent des cavités médullaires importantes et donc plus riches en moelle, ce n’est pas le cas pour le radius et l’ulna. Le manque d’extrémités ne peut s’expliquer par des questions de conservation et supposerait alors soit un rejet hors de la zone considérée ou bien une consommation particulière, notamment pour celles plus riches en os spongieux (humérus proximal, fémur proximal et distal, tibia proximal). Pour le membre antérieur, le pourcentage d’extrémités est comparable entre les différents éléments. Le fémur montre la plus faible fréquence en extrémités et le tibia la plus forte avec effectivement très peu d’extrémité proximale. Il faut reconnaître que nos effectifs sont réduits, limitant ainsi l’analyse. Ce manque d’épiphyses est notable ; elles auraient

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pu être détruites soit par les hommes, soit aussi par un charognard (type renard) passant peu après les installations humaines. Cette dernière activité n’aurait également pas épargné les vertèbres (voir ci-dessous). Les cylindres les plus longs concernent l’humérus, le fémur et le tibia (fig. 7 a-b) alors que les plus courts sont le radius et surtout l’ulna : ce dernier os est fin et fragile et sa réduction lors de la fracturation est logiquement plus forte bien que leur intérêt alimentaire soit faible voire nul. La présence de cylindres longs dénote de nouveau une faible perturbation post-dépôt et l’ensemble peut alors être considéré comme étant en position primaire. Enfin, on notera la bonne représentation des pré-maxillaires, l’absence fréquente des branches montantes des mandibules et la présence de nombreuses dents isolées. Ce dernier point peut de nouveau être relié à un certain temps d’exposition avant enfouissement définitif4.

Figure 7 - Cylindres et portions de fémur (a) et de tibia (b) de lapins d’Anecrial (en a, à gauche, portion diaphysaire de fémur avec traces de gastéropodes : cf. fig. 4B) Figure 7 - Cylinders and parts of femur (a) and tibia (b) of the rabbit from Anecrial (the extreme left femur specimen is the one shown in fig.4B)

24 La localisation des restes de lagomorphes est homogène et on ne constate pas de variation suivant les éléments anatomiques (cf. indications in tabl. 3). La couche 1 montre une plus grande densité dans le carré M21, alors que la couche 2 montre des densités en K20-21, démontrant un décalage entre les occupations, situées plus contre la paroi pour la couche 2. On rappellera que le foyer est à cheval entre les carrés K et J 21 dans cette couche, alors qu’il est plus écarté pour la couche 1, en L20-21 et M21. Ces observations permettent aussi de démontrer la synchronicité, et donc la brièveté, des occupations pour chaque couche.

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Comparaison et discussion

25 La présence de lagomorphes découverts en contexte archéologique pose toujours la question de leur origine car de nombreux processus peuvent induire de telles accumulations dans les sédiments en général meubles. Le plus souvent évoqué pour le lapin, notamment dans les sites les plus anciens, désigne des mortalités naturelles dans des lieux de vie et de reproduction (terriers : garenne). Un autre processus naturel concerne le résultat d’un piégeage dans une cavité (de type aven par exemple). Les facteurs de prédation sont également responsables d’accumulations relativement importantes ; parmi les carnivores, le lynx pardelle et le renard sont connus pour exercer une pression de chasse importante sur les léporidés, et leurs fèces contiennent des restes que l’on retrouve dans les tanières ou repaires, outre le transport de parties de carcasses. Le lynx en particulier, possède une alimentation majoritairement orientée vers l’acquisition de lapins: prés de 88,4 % d’après l’examen d’excréments du lynx pardelle (Delibes 1987: 37). D’autres carnivores, depuis la belette jusqu’au loup, consomment régulièrement des lagomorphes. Renard et lynx sont justement des espèces très bien représentées dans les faunes actuelles et fossiles (dernier glaciaire) de la péninsule ibérique. Les grands rapaces diurnes (aigles, vautours, buses) ou nocturnes (chouettes, hiboux) peuvent également être à l’origine de stocks osseux accumulés près de leurs aires à partir de pelotes de régurgitation (par exemple, Chaline 1974 ; Andrews 1990).

26 Afin de comprendre les mécanismes de formation des assemblages de petits mammifères, en particulier des lagomorphes, de nombreux travaux ont récemment été effectués à partir de données actuelles avec des applications aux ensembles fossiles. Les sites naturels sont encore peu prospectés (Cochard 2000, 2004) alors que les données sur les aires et les pelotes des rapaces (Cruz-Uribe et Klein 1998 ; Hockett 1989, 1991, 1995, 1996) ou provenant de petits carnivores (Andrews et Nesbit-Evans 1983 ; Cochard 1999 ; Schmitt et Juel 1994 ; Stiner 1994 ; Hockett 1999 ; Sanchis Serra 2000) font l’objet d’une abondante littérature. De même, il existe de nombreux exemples à partir de gisements archéologiques (Vigne et Marinval-Vigne 1983 ; Perez Ripoll 1993, 2004 ; Shaffer 1992 ; Charles et Jacobi 1994 ; Quirth-Booth et Cruz-Uribe 1997 ; Fontana 1998, 1999, 2004 ; Hockett 1994 ; Cochard 2004), dont certains issus de sites portugais (Rowley-Conwy 1992 ; Valente 2000 ; Bicho et al. 2000 ; Hockett et Bicho 2000 ; Hockett et Haws 2002), et d’exemples ethnographiques (parexemple, Yellen 1991 ; Lupo et Schmitt 2002).

27 Sans prétendre citer l’ensemble des études taphonomiques sur ce thème, une synthèse a été proposée par Hockett et Haws (2002 : tabl.II). Elle permet de définir des critères pertinents pour reconnaître l’origine des accumulations de léporidés, portant notamment sur la représentation des parties du squelette et les types de fractures, la structure d’âge des populations et la présence de marques (corrosion, perforations, stries de découpe, brûlures), auxquels on pourrait ajouter la distribution spatiale des vestiges et l’existence de connexions articulaires. L’analyse des deux ensembles de lapins découverts à Anecrial rend compte de l’origine anthropique de ces accumulations. La forte présence de cylindres, dont l’importance est bien mise en évidence par les travaux de M. Perez Ripoll et B. Hockett, le pourcentage d’ossements brûlés et la majorité de sujets adultes confirment cette interprétation. On peut alors

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avancer pour Anecrial, d’une stratégie de capture de la part des préhistoriques dans les environnements immédiats du gisement.

28 Le lapin est une espèce relativement grégaire, organisée en groupes familiaux territoriaux couvrant environ 10 à 20 hectares. Ils creusent des terriers complexes (multiples issues) dans les sédiments meubles et leur activité alimentaire se situe à l’aube et au crépuscule. L’ouïe est très développée alors que l’odorat l’est moins et que la vue est médiocre. Cette organisation sédentaire et communautaire s’oppose à celle rencontrée chez le lièvre par exemple, et il est parfois relevé que les deux espèces co- existent mal. Sans l’aide de chien (ou de fouine) pour débusquer et faire courir l’animal, ou d’armes à longue distance, la prise la plus classique de lapins est le piégeage aux abords des terriers ou sur les passées. Il est fort vraisemblable que cette technique était connue de la part des préhistoriques qui ont accumulé parfois de grandes quantités de restes de léporidés, comme dans le gisement magdalénien portugais de Picareiro (Hockett et Bicho 2000 : plus de 10 000 restes), proche du site d’Anecrial. De tels exemples impliquent non seulement des biomasses appréciables (abondance et régularité de la ressource) mais aussi de plus longues durées d’occupations humaines.

29 Une recension de la littérature (cf.supra) sur l’abondance des restes de lagomorphes dans les sites fossiles à actuels (genres Lepus, Oryctolagus, Sylvilagus) laisse apparaître au moins deux larges catégories quantitatives (fondées sur le NISP) (Cochard 2004). Le premier concerne des sites possédant un nombre limité de restes (de l’ordre de 1500-2000) ; il s’agit principalement de sites naturels ou formés par des prédateurs non- humains, mais aussi issus d’activités anthropiques. Le gisement d’Anecrial rentre justement dans ce groupe. Les sites contenant plus de 2000 restes correspondent tous à des sites archéologiques : sub-actuels nord-américains (ex. Hogup cave et 26 NY3393 : Hockett 1995 et 1994 ; Wupatki et Winona : Quirth-Booth et Cruz-Uribe 1997) et du Paléolithique supérieur sud-européen (ex. Picareiro : Hockett et Bicho 2000 ; Gazel : Fontana 1998 ; Pegourié : Séronie-Vivien 1994). Ces derniers désignent des gisements de la fin du Paléolithique supérieur (Magdalénien final) et de l’Epipaléolithique- Mésolithique (Azilien, Sauveterroïde). Auparavant, les restes de ce petit gibier ne sont jamais abondants dans les archéofaunes. Dans le sud de la France par exemple, on constate une différence importante entre gisements du Magdalénien livrant d’important stocks de léporidé et les sites des cultures antérieures où ce petit gibier est faible, voire absents (Cochard et Brugal 2004 : fig.1), impliquant des changements majeurs dans les structures techno-économiques et sociales des groupes humains. En outre, il semble que la fin du dernier glaciaire, contemporain de l’expansion des zones forestières, voit diminuer l’exploitation des lagomorphes (Aura et al. 1998 ; Bridault et Chaix 1995) bien que la diversité des ressources, notamment de petite taille (mollusques, poissons, oiseaux, etc.) se poursuive (Bridault 1997). Il est cependant fort probable que des particularités régionales apportent quelques nuances à ces schémas généraux ; ainsi, dans la péninsule ibérique, l’exploitation de lapins est plus précoce (Paléolithique supérieur ancien) mais ne semble pas également se poursuivre au début de l’Holocène.

30 Les gisements abondants en léporidés livrent soit le genre Lepus soit, comme souvent dans la péninsule ibérique, le genre Oryctolagus. L’écologie et l’éthologie de ces deux formes sont suffisamment différentes pour déterminer des stratégies d’acquisitions différenciées. Il est généralement admis qu’une grande quantité de lagomorphes dans un site implique l’utilisation de piège dans des zones privilégiées (ex. garenne pour le

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lapin)5. Par ailleurs, la plupart des gisements livre également d’autres espèces d’herbivores de moyenne taille (ex. bouquetin, renne, cerf), nécessitant alors une pondération de la masse protidique de la part de ces petits gibiers. Ils constituent néanmoins une ressource complémentaire d’importance dans l’alimentation journalier des préhistoriques (Hockett et Bicho 2000 : 721 ; Hockett sous-presse ; Haws et Hockett 2004 ; Aura et al. 2002). Dans ce contexte, le site d’Anecrial se révèle de nouveau particulier, non seulement par la faible fréquence des restes mais aussi par l’absence d’autres mammifères associés. L’aspect écofonctionnel des gisements archéologiques représente alors un critère déterminant pour interpréter le rôle et l’apport réel de petit gibier dans une économie de subsistance (Brugal 2000 ; Cochard et Brugal 2004 ; Hockett et Haws 2003).

31 Il est pertinent de relever la variabilité des échantillons provenant de gisements anthropiques, non seulement en termes d’abondance stricte mais aussi sur les fréquences des parties squelettiques. Une analyse de ces distributions selon cinq grandes classes anatomiques (en % NME) est proposé pour quelques sites du Paléolithique Supérieur (fig. 8). Globalement, on constate une bonne représentation des os longs des membres avec cependant une plus forte fréquence des éléments postérieurs ; les restes crâniens sont peu nombreux. Les variations les plus importantes concernent le squelette axial et les parties distales des membres (métapodes, phalanges). Ces derniers, de valeur nutritive nulle, sont plus nombreux dans les gisements livrant une grande quantité de restes, qui dénotent des durées d’occupation vraisemblablement plus longues et donc des spectres d’activités sur les carcasses plus larges. Leur moindre fréquence dans des sites moins denses serait en relation avec des traitements différenciés portant sur la fourrure de ces petits animaux. La peau, englobant les bas de pattes, constitue un sous-produit recherché, non abandonné sur les lieux de consommation mais mis de coté et emporté lors du départ des groupes humains. La durée des séjours peut alors déterminer l’usage in situ ou non de cette ressource qui peut être considérée comme un objectif supplémentaire de l’acquisition de ce petit gibier, voire posséder un statut particulier (Fontana 2004).

32 L’absence du squelette axial semble le cas de figure le plus courant dans les accumulations anthropiques (Hockett et Haws 2002 : tabl.II) et il paraît difficile d’envisager un transport sélectif des carcasses depuis les lieux d’obtention vers le site. Sa fréquence est toutefois relativement forte à Anecrial (c.2) ainsi que dans le gisement magdalénien de Gazel (fig. 8). Ces distributions désignent vraisemblablement une utilisation différentielle des carcasses selon les gisements : soit rejet hors de la zone d’activités, voire un transport hors du site dans le cas d’une consommation différée ; soit, consommation intensive avec écrasement systématique des vertèbres afin de former un broyât encore riche d’un point de vue alimentaire. Ce déficit pourrait également être la conséquence d’un charognage secondaire de la part de petits carnivores, spécialement sur les vertèbres qui présentent encore des éléments nutritifs attractifs pour des carnivores. L’hypothèse d’une préparation culinaire particulière nous apparaît cependant comme la plus probable, et mériterait d’être confrontée à d’autres observations d’ordre ethnographique par exemple6.

33 Quoi qu’il en soit, cette analyse des représentations squelettiques est liminaire et nécessiterait des groupements plus détaillés entre éléments anatomiques, agrémentée de considérations taphonomiques précises (sur les questions de conservation différentielle jusqu’aux méthodes de fouilles et de tamisage). Elle a pour but de

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souligner la variabilité dans la structure des assemblages de léporidés produits par l’activité cynégétique humaine. Cette acquisition apparaît directement corrélée à la fonction des gisements ; fonctionnalité appréhendée en terme de taille et composition des groupes humains, du degré de mobilité et de l’intensité des occupations. Ces facteurs déterminent alors l’importance de la prédation sur l’ensemble des ressources localement disponibles.

34 Les ensembles d’Anecrial restent relativement originaux et dénotent sans conteste de la brièveté des séjours paléolithiques dans cette cavité. L’examen archéozoologique permet de compléter ou pondérer les jeux d’hypothèses formulées par J. Zilhao (1997 : vol.2 , p.127-144) sur la nature du site au moment de l’occupation de la couche 2. L’interprétation retenue par cet auteur définit un seul épisode, durant une nuit, par un groupe de trois individus réalisant des activités de taille autour d’un foyer. La durée et le nombre d’occupations, le nombre d’individus ou de groupes différents, l’emplacement de taille forment le support d’alternatives fonctionnelles. Le gisement est considéré comme un campement transitoire, lieu faisant partie de l’itinéraire d’un groupe de chasseurs voyageant dans un but logistique de chasse ou de reconnaissance, et transportant avec eux une réserve de matière lithique sous forme de blocs de quartz, quartzite et silex ; ces matières premières n’existant pas dans l’environnement proche.

35 On ne peut que confirmer la plupart de ces observations et nous pensons également que l’occupation désigne un seul et unique moment. Toutefois, l’interprétation des restes de bouquetin comme morceaux (snack) apportés dans un bagage et utilisés dans la confection d’un « bouillon », ne peut être retenue. En effet, ces restes correspondent à des résidus dégradés de séjours antérieurs de groupes humains différents, comme l’a suggéré l’analyse taphonomique, confirmée par la datation obtenue ensuite sur ces ossements. Les lagomorphes, et leur faible nombre, supposent un séjour court, de type bivouac, par un groupe restreint de personnes. De plus, la position du foyer (c.2) contre la paroi et la mise en évidence de trois postes de taille autour de celui-ci, permettent d’avancer un nombre minimal de trois (fig. 9) à maximal de cinq - six personnes (groupe familial ?). Ceux-ci ont consommé au moins 15 lapins dont la prise probable par piégeage assure un séjour relativement court, de l’ordre de quelques nuits. Si l’on considère la prise de quatre lapins dans la couche 1 comme un bivouac d’une nuit (soit 1 jour + 1 nuit, 24h), la présence de 15 individus dans la couche 2 impliquerait alors entre trois et quatre ‘jour + nuit’ (à taille de groupe constant). Cette estimation est aussi confortée par le spectre lithique. Ce calcul simpliste permet en définitive de se figurer une certaine réalité socio-économique. Les deux occupations d’Anecrial sont de même nature, présentant une même finalité de séjours occasionnels s’intégrant dans une mobilité, ou cycle de vie, parfaitement organisée et planifiée.

36 Le traitement des animaux est différentiel suivant les parties anatomiques : si les membres font l’objet d’une consommation in situ avec destruction des extrémités pour recueillir la moelle, il apparaît que le squelette axial reste peu abondant ainsi que les extrémités des membres. Le rejet des restes vers le foyer semble assez systématique et expliquerait alors les débuts de crémation observée dans un foyer peu vif (couleur marron sur les ossements). La conservation en vue d’une consommation différée des râbles (vertèbres) et le stockage des peaux sont également envisagés. On ne peut toutefois exclure un apport de parties de carcasses de lapins provenant d’une autre zone exploitée lors de déplacements des groupes humains. Ainsi, il est délicat

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d’élaborer une séquence trop réaliste d’actions précises concernant les moments de collecte du bois, taille des roches, pose des pièges ou dernier repas (Zilhao 1997 : 142).

37 L’aspect transitoire des séjours à Anecrial et les autres sites connus pour cette même période dans la région, convergent vers un modèle commun. L’exemple d’Anecrial suggère une mobilité de groupes humains de petite taille engagés dans une économie de type logistique déterminée par des facteurs saisonniers. La nature de telles occupations correspond à des environnements climatiques particuliers et, la fonction de ces sites doit alors intégrer l’existence des potentialités en ressources exploitables dans le milieu. Les dates obtenues pour la couche 2 d’Anecrial (Gravettien terminal) sont proches d’une période d’instabilité climatique, contemporaine du dernier maximum glaciaire ; elle est plus précisément corrélée avec un épisode froid enregistré dans les carottes de l’Atlantique Nord et que l’on retrouve également dans les carottes au large des côtes portugaises. Il s’agit des événements d’Heinrich (décharge d’iceberg), en particulier le H2 centré autour de 21-22 ka uncal. BP. Ces événements (Thouveny et al. 2000) ont une durée estimée entre 500 à 2 000 ans, durée suffisante pour déséquilibrer les zoocœnoses. D’autres gisements archéologiques en cavité, livrant des faunes et proches géographiquement d’Anecrial, se placent dans cet intervalle de temps (Brugal et Valente sous-presse) : • Gravettien et Proto-solutréen de Buraca Escura, c.2, (Pombal): 22700 ± 240 et 21820 ± 200 ans BP (Aubry et al. 2001) ; • Solutréen de Caldeirao, c.H (Tomar): 19900 ± 260 et 20530 ± 270 ans BP (Zilhao 1997 ; Davis 2002) ; • une date de 20250 ± 320 ans BP pour des niveaux paléolithiques supérieurs (Aurignacien/ Gravettien final) de la grotte de Salemas (Loures) reste peu fiable selon le contexte chrono- culturel (Zilhao 1997 et comm.pers.).

38 Dans tous ces cas, il s’agit d’occupations de très courte durée dans des grottes étroites, de petites dimensions. L’abri de Lagar Velho (Leiria) livre également des installations du Gravettien terminal au Solutréen moyen (TP06 et TP09) datées entre 21180 ± 240 et 20220 ± 180 ans BP (Zilhao et Trinkaus 2002). Le matériel faunique y est relativement plus dense avec une plus grande diversité spécifique bien que représentant peu d’individus ; les lagomorphes dominent largement ces spectres (Moreno-Garcia et Pimenta 2002). De manière générale, ces gisements ne livrent jamais d’ensembles fossiles très abondants et les paléoenvironnements (données anthracologiques) indiquent toujours des paysages ouverts sous un climat relativement frais. Dans une étude des peuplements mammaliens au Portugal (Brugal et Valente sous-presse), la succession des associations animales est précisée pour le dernier glaciaire. La période 22-18 ka montre l’abondance du cerf et du cheval, suivi par le bouquetin et enfin l’aurochs et le sanglier. Chez les carnivores, lynx pardelle et renard dominent suivis par le loup, et les grands prédateurs (lion, panthère, hyène) deviennent rares avant leur disparition définitive de ces régions après 18 Ka. On peut remarquer que c’est durant cette même période que les groupes préhistoriques développent l’acquisition de petit gibier comme les lagomorphes, alors que les carnivores de moyenne taille (lynx, renard), dirigés vers ces mêmes proies, sont également abondants. Cette convergence est intéressante, suggérant un même mécanisme sous-jacent se traduisant par un ajustement faunique, comme par exemple une diminution des ongulés concomitante d’une « explosion » des léporidés ? La fluctuation des gibiers, sous contrôle climatique,

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entraînera des modèles d’établissement et de gestion des territoires adaptés de la part des préhistoriques.

39 L’étude archéozoologique récente de l’un de ces sites (Buraca Escura : Aubry et al. 2001), montre l’exploitation marginale d’herbivores par les hommes (cheval, cerf) alors que la plupart des restes osseux (79 % du NRD total : Capra) a été apportée et modifiée par le lynx pardelle. Cependant, on note la quasi-absence de lagomorphes dans ce gisement malgré la présence de ce félin connu pour sa spécialisation sur ce type de proie (Delibes 1987). Ce fait souligne l’importance de facteurs locaux dans la disponibilité de catégories de gibier. Globalement, les activités humaines en cavités paraissent toujours discrètes (faible abondance lithique et faunique), avec des fréquentations épisodiques plutôt que des installations concertées, complétées par une exploitation locale des ressources. Cette image différe des occupations de plein-air pour les mêmes périodes considérées comme sites résidentiels, avec des registres lithiques plus abondants mais une faune, malheureusement, non conservée (Zilhao 1997 ; Thacker 1996).

40 Durant ces périodes, les populations d’ongulés devaient être plus dispersées (sensu diversité et densité) en raison à la fois des refroidissements ‘événementiels‘ du dernier glaciaire (type Heinrich ou Dansgaard-Oeschger) et d’un fort cloisonnement géomorphologique - zone côtière plus étendue en rapport avec la baisse du niveau marin (Dias 2004)7, plaines et vallées, reliefs et réseau hydrographique, etc. La variation des ressources (animales, végétales et lithiques) et leurs acquisitions, exacerbée dans un rythme saisonnier, induit généralement une plus grande mobilité et une utilisation différentielle des régions avec un peuplement plus diffus. Le site d’Anecrial est un bon exemple d’adaptation des groupes aux changements environnementaux s’exprimant en terme de stratégie d’acquisition de petit gibier et de mobilité.

Figure 8 - Comparaison suivant cinq grandes classes anatomiques des représentations squelettiques (%NME) de lagomorphes de quelques gisements paléolithiques. Picareiro (niveaux cumulés) : Hockett et Bicho 2000 ; Gazel et Belvis : Fontana 1998 ; Lapa do Suao : Valente 2000. Classes anatomiques = cranial (excluant les fragments crâniens), axial (vertèbres, cotes, excluant le sacrum), os longs antérieurs et postérieurs (incluant calcanéum et talus pour le dernier), basipode (essentiellement métapodes et phalanges). Figure 8 - Comparison of lagomorph’s skeletal parts according to five main categories ( %MNE) for some Paleolithic sites.

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Figure 9 - Interprétation générale de la couche 2 d’Anecrial (Gravettien terminal), suivant la distribution des vestiges lithiques et les remontages effectués (d’après Almeida et al. sous-presse : fig. 9). Cercle = emplacement du foyer ; symboles = dispersion de trois types de matières premières lithiques indiquant trois postes de taille (trois individus : 1 à 3) ; A et B = zone de concentration. Figure 9 - General interpretation of layer 2 of Anecrial (Terminal Gravetian), with spatial distribution of lithic (from Almeida et al. ss-pr. : fig. 9).

Conclusion

41 Une double problématique guide cette contribution, concernant la mise en place des exploitations de petit gibier en rapport avec la nature des gisements abordée sous un angle quantitatif (sites ‘pauvre’ vs ‘riche’) mais débouchant sur des fonctionnalités socio-économiques. Le contexte ibérique apporte aussi une spécificité, notamment climatique et biocénotique. Le site en grotte d’Anecrial représente deux niveaux contenant de faible quantité de vestiges lithiques et fauniques. Les occupations humaines, attribuées au Gravettien terminal et au Solutréen (Almeida 2000 ; Almeida et al. sous-presse), se trouvent sur des surfaces réduites avec des activités de taille et de consommation réalisées autour de foyers assez importants mais peu aménagés. Les ensembles fauniques sont quasiment mono-spécifiques avec un petit gibier, le lapin, vraisemblablement acquis par la pose de pièges aux alentours du site et/ou capturé lors du déplacement. Les restes associés de Caprinés et quelques artefacts lithiques, correspondent à une fréquentation plus ancienne de la cavité, démontrée par l’analyse taphonomique, la distribution des vestiges et un complément de datation. Cette situation fournit une bonne illustration des mélanges toujours possibles dans des niveaux supposés intègres et homogènes. L’étude archéozoologique permet en outre de préciser un certain nombre de points sur la fonction du gisement grâce aux interprétations sur l’acquisition, la consommation et le traitement différentiel des

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carcasses de léporidés. Elle apporte de nouvelles données sur la variabilité des comportements humains vis à vis d’une ressource spécifique de petite taille.

42 Ces résultats permettent de préciser les types d’occupations d’Anecrial. Dans les deux cas, elles correspondraient à un bivouac d’un petit groupe d’individus tournés vers l’exploitation exclusive d’un petit gibier localement abondant (opportunisme?) ; la facilité d’acquisition allant de pair avec la brièveté du séjour et n’impliquant pas pour autant une spécialisation. Le groupe est très mobile et les déplacements sont relativement planifiés (sensu prévision) en raison de l’outillage lithique apporté. L’aspect provisionnel (sensu provision) peut également être souligné avec le transport d’une partie de la nourriture ainsi que de sous-produits animaux (peau). Cette interprétation soulève des questions sur l’exploitation d’ordre logistique de petits mammifères dans une économie paléolithique de subsistance caractérisée par une grande mobilité, créant des lieux provisoires de type station dans des cavités et posant la question de leur relation systémique avec des gisements plus permanents de plein- air ou en abri.

43 L’abondance de restes de lagomorphes semble liée non seulement à des facteurs naturels comme la diversité et densité des ressources dans un contexte bioclimatique donné mais aussi à la durée des occupations humaines comme reflet de mobilité saisonnière. La fonction des sites, la taille et la structure des groupes humains sont des paramètres pondéraux pour des analyses diachroniques développant des inférences territoriales et démographiques touchant des changements socioculturels majeurs du Paléolithique supérieur. Ils devraient alors être davantage pris en considération avant de proposer des modélisations à grande échelle (Stiner et al. 2000 ; Bietti 2000 ; Brugal 2000).

44 L’importance des lagomorphes dans le régime alimentaire des groupes humains semble bien démontrée au Portugal, et en Péninsule ibérique, démarrant avec les cultures du Gravettien et du Solutréen et devenant de plus en plus marquée au Magdalénien (par exemple Aura et al. 1998 ; Zilhao 1992, 1997). On peut noter un décalage chronologique avec les régions du sud de la France où cette exploitation ne devient majoritaire qu’à partir du Magdalénien moyen-supérieur (Cochard et Brugal 2004). Cet élargissement alimentaire s’accompagne d’une diversification dans l’exploitation de l’ensemble des ressources (matière premières s.l., sites et paysages) allant de pair avec des transformations techno-symboliques témoignant de nouveaux besoins vitaux (sensu démographie) et sociaux (sensu hiérarchisation). L’analyse archéozoologique permet alors, en complément des études typo-technologiques et tracéologiques, considérées dans leurs dimensions spatiales, de mieux interpréter les fonctions socio-économiques des gisements préhistoriques. Le mini-site d’Anecrial représente un cas d’occupation particulièrement bien documenté pouvant constituer une clef de lecture possible pour définir des modèles d’exploitation des territoires et d’organisation des habitats (settlement pattern). Il démontre la nécessité d’intégrer toutes les catégories d’informations, donnant alors toute leur « richesse » aux gisements « pauvres ».

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ANNEXES

Abridged english version

Inferences about socio-economic human behaviors need to integrate all sources of data coming from cave and open-air archaeological sites, and from abundant to poor-dense levels/sites. They have also to interface lithic productions and subsistence strategies. These approaches are especially relevant during the Upper Palaeolithic where a diet enlargement, focused on small game acquisition, is observed, combined with technological innovations. The appearance and/or diffusion of such processes have to be précised at the scale of Mediterranean realm. In this context, the cave site of Anecrial in central Portuguese Estremadura brings new insights about the human variability of leporid acquisition. Lapa do Anecrial is a small cave (fig.1) which has provided a stratigraphic sequence spanning the transition from the Gravettian to the Solutrean, with three short-term occupations recognized: one in layer 1 with very few

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solutrean artifacts dated to 20 520±100 BP, and two in layer 2. The layer 2 is a surface (9.5 m 2) dated between ~23 600 BP and ~21 600 BP which seems to have been stable with scarce sediment input, with two Gravettian occupations detected. One concerns remains of an older occupation with rolled artifacts and few ibex bones while the other shows better post-depositional integrity, with several clusters of lithic artifacts attributed to Proto-Solutrean/Terminal Gravettian and a fauna massively dominated by rabbit; remains are organized around a hearth en cuvette. The lithic refitting studies (almost 50 % - and 92 % in weight - refitted) and spatial distribution (Almeida et al. ss- pr.) confirm the excellent preservation of this occupation, making possible an almost complete view of the reduction sequences and strategies applied to the lithics. The sedimentology, anthracology and carbon dating precise the paleoenvironment dominated by an open landscape with Leguminosae and some Pine and heath under a rather cool climate. The bone assemblage is mainly composed of rabbit (genus Oryctolagus, fig. 2) from the layer 1 (n = 214 which 15 ibex bones) and the layer 2 (n = 1516 which 75 ibex bones) (tabl.1), closely found around and in the fireplaces. The ibex remains (tabl.2) are weathered, chalky and white, with very few identifiable elements (distal humerus, pelvis fragment metatarsal shaft, no teeth) and chips dominant (average length of 37 mm) showing dry breakage. Cutmarks are present (n = 9) as well as dissolution marks (fig.3) and one small carnivore marks. They are interpreted as the result of reworked material from an ancient occupation (Gravettian, from the dating caprid sample), mixed with most of the faunal and lithic finds exposed in these layers. The rabbit material is the most abundant with 1 600 bones and teeth, distributed in 4 individuals in layer 1 and 15 in layer 2, mostly adults (fig.4). They correspond to poor- dense site in comparison with some other upper Paleolithic sites which yield thousands remains and hundred individuals of leporid. At Anecrial, all skeletal parts are present, with a good balance between right and left elements that evidence the inflow of complete carcasses (tabl.3 et 4). The preservation state is relatively good, with little evidence of dissolution, root marks, carnivore puncture and more anecdotic, gastropod activities (fig.5); black burnt materials represent 17 % in layer 2. Only one cut mark is visible from layer 2 (metapodial) and four pelvis fragment show traces possibly reported to human teeth. Some discrepancy occurs in skeletal elements with under representation of axial and distal legs (carpal/tarsal, metapodials, phalanx; tabl.5) and many upper long bone shafts (tibia, femur, humerus), typical of human action for marrow extraction (fig.6); long bone cylinders are dominant (with long fragment vs short ones; tabl.6 et fig.7) and epiphysis ends are systematically missing which could indicate relatively low postdepositional perturbation and heavy human consumption. Moreover, these percentage disparities between some of the elements suggest differential human used. The absence of distal member parts can be explained by hide curation, the extremities of the legs being transported together with the rabbit hides. The low presence of axial parts, however, is harder to explain. A possible hypothesis, that deserves further research as ethnographic cases, could be a different consumption technique, like smashing the bones and inner parts into a greasy rich mass. Finally, the spatial distribution with dense cluster around hearth demonstrates synchronicity of prehistoric activities for each layer. The Leporid bone assemblage from upper Paleolithic levels of Anecrial can deserve further taphonomic and palethnography investigations. Small species accumulations in archeological context may have several origins, from natural mortality (in situ attrition) to predations s.l.: for instance small to medium sized carnivores as red fox or

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iberic lynx (this last one with around 88 % of rabbit remains in faeces from present observations), which are frequent in Iberian Paleolithic faunal record. Many specialized literature concern the formation processes of small mammal bone accumulation, with neotaphonomical informations as well as studies from archaeological context and some ethnographic examples. They allow developing different parameters: skeletal representation and breakage patterns, age structure, marks s.l., spatial distribution. The presence of shaft fragments (cylinders) of long bones, especially femur, tibia, humerus, are a good signature of anthropic activities, for marrow extraction. It seems that a most common hunting strategy of rabbit need the use of trap in the close vicinity of burrows, as suggested in the Magdalenian site of Picareiro, not far from Anecrial, where huge amounts of rabbit bone accumulations are present. At this point, a comparative examination of number of leporid in the fossil to recent accumulations show two main categories: one with relatively few remains (less than 1500-2000) either constituted by natural or anthropic actions (it is the case for Anecrial) and the second with quite more 2 000 remains, all make up by humans. The latter concerns sites from the end of European Upper Paleolithic (late Magdalenian and Epipaleolithic- Mesolithic), where some very rich localities, dominated by hare (genus Lepus) or rabbit (genus Oryctolagus, abundant in Iberia) are recognized (fig.8). The site function and the complete list of recorded taxa are important points to be considered in order to precise the role of small game into the subsistence economy of past human groups. Anecrial is a remarkable example with clear human involvement, no other game but few rabbit individuals. They demonstrate very short term, and unique, occupations in the course of human mobility with logistical purposes (transient camp?). The group could be of family-sized (mini. 3 to maxi. 5-6 persons) moving on a seasonal basis. The limited occupied space near the cave wall, the presence of three well-defined knapping-posts around the earth (Almeida et al, ss-pr.) and the small number of materials (rabbits and lithics) can support the site-function interpretation (fig.9 : level 2). The nature of such occupations is connected with the climatic environment, and the dates from the level 2 is contemporary of cold event known in marine record as Heinrich event H2; they are short duration cold period, between 500 to 2 000 years, enough to unbalance the zoocoenose. During this time period, few other cave sites are present in Estremadura (Buraca Escura, Caldeirao, Salemas) and all of them indicate short human occupations in small cavities; an exception is the rock-shelter of Lagar Velho with more diversified faunas, dominated by rabbits, although represented by few specimens/individuals and environmental data (charcoal) suggesting also open landscape. The species associations in Portugal between 22-18 ka are composed of red deer and horse, followed by wild goat and aurochs; among carnivores, lynx and red fox, then wolf are present and large predators (lion, cave hyena) start to disappear. It is this same period, as a colder phase, where human groups develop small game exploitation, which can probably be related with demographic expansion of leporids and decrease (or more scattered) of ungulates. The cave site of Anecrial yields two main archaeological levels, attributed to terminal Gravettian and Solutrean, characterized by relatively few lithic and faunal remains scattered on a limited surface around hearth structure. Faunal remains are mainly rabbit bones and we can notice the good integrity of assemblages. Such ‘poor’ sites are much informative about human activities integrated in socio-economic patterns and climatic environment. The site function can be précised with palethnographical interpretations through the analysis of skeletal representation, breakage patterns, burnt bones and spatial distribution. The example of Anecrial brings new insights

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about human subsistence variability toward specific resource, especially on small prey. They rise up the question of logistical relation in term of duration and seasonal human occupations (mobility and size of the groups) in connection with environmental (local?) factors. Then it becomes essential to well functionally determine each archaeological level before to propose a large-scale behaviorally overview about small game subsistence by Palaeolithic people.

NOTES

1. Nous attribuons ici une valeur essentiellement quantitative à ces termes de pauvre (mineur/ petit) vs riche (majeur/grand) (par ex. Isaac et al. 1981) ; c’est-à-dire livrant des ensembles archéologiques peu abondants et peu diversifiés en nombre de vestiges versus des ensembles très abondants et diversifiés. 2. Cette date rejoint une autre datation 14C conventionnel à partir d’un charbon situé à la limite des couches 1 et 2, montrant une forte marge d’erreur : 23 450 + 1 470/- 1 240 (ICEN-963). 3. On distingue principalement deux sous-espèces de lapin en Europe : O.c.cuniculus (Linné 1758) présente au Nord et O.c.huxleyi (Haeckel 1874) occupant le pourtour méditerranéen et les îles, de plus petite taille (Miller 1912 in Séronie-Vivien 1994). Les faibles dimensions des spécimens d’Anecrial les rapprochent de cette dernière sous-espèce. 4. Le déchaussement des dents de léporidés semble être un phénomène particulièrement rapide, dés lors que le crâne devient sec et sans composant organique (peau, viande, etc.). 5. Outre le filet ou le lacet, une méthode simple consiste à placer un bouchon de branches dans les terriers, à longueur de bras, et à acculer l’animal lors de sa retraite (D.Helmer, comm.pers.). 6. Cette technique serait documentée dans les sociétés indiennes d’Amérique du Nord (Hocket 1995 et comm.pers.). 7. Lors du LGM, le niveau marin est à environ-100 à -120 m par rapport à l’actuel, déplaçant la côte en Estrémadure de prés de 35km vers l’est (Dias 2004 : fig.2).

RÉSUMÉS

Le gisement en grotte d’Anecrial livre des ensembles fauniques dominés par les lagomorphes (genre Oryctolagus), représentés par peu d’individus. La dispersion des restes, les parties du squelette et les types de fracturation (cylindres) précisent l’origine de l’accumulation et les hypothèses fonctionnelles du site. Le gisement est interprété comme un bivouac utilisé au moins à trois reprises par un groupe humain réduit, orienté vers l’acquisition spécifique de ce petit gibier. La comparaison avec d’autres gisements met en évidence l’importance des Léporidés dans l’alimentation des hommes du Paléolithique supérieur moyen et final, en particulier au Portugal, et aborde les relations entre des facteurs environnementaux et des modèles socio-économiques humains.

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INDEX

Mots-clés : économie, fonction de sites, lagomorphes, Paléolithique supérieur, taphonomie Keywords : economy, lagomorphe, site function, taphonomy, Upper Paleolithic

AUTEUR

JEAN-PHILIP BRUGAL Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme, UMR 6636 « Economies, Sociétés, Environnements Préhistoriques », BP 647 F-13094 Aix-en-Provence, [email protected]

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Les Fieux : une occupation gravettienne du Causse quercinois Les Fieux : a Gravettian occupation of the Quercy Causse

Patricia Guillermin

Nous remercions tout d’abord F. Bon pour son encadrement ayant permis la réalisation de ce travail, L. Klaric pour sa relecture, M. Allard, P. Chalard et M. Jarry pour leur collaboration au sein de l’ACR Quercy, ainsi qu’A. Morala pour son écoute et ses remarques.

Introduction

1 Le Quercy est longtemps resté le parent pauvre de son célèbre voisin, le Périgord. Aujourd’hui, l’intérêt des préhistoriens se tourne davantage vers cette région, notamment dans le cadre d’une démarche pluridisciplinaire menée par une Action Collective de Recherche, ACR (M. Jarry dir). En dehors d’indices d’occupations issus de fouilles anciennes ou de ramassages de surface, les gisements gravettiens sont peu nombreux en Quercy (fig. 1) mais peuvent présenter des caractères intéressants pour l’appréhension des modalités d’exploitation de cette région et de son insertion au sein des territoires paléolithiques. L’exemple présenté ici est le gisement des Fieux, situé sur le causse de Gramat. ; F. Champagne, qui dirigea les fouilles sur ce site pendant plus de 20 ans, y distingua plusieurs niveaux gravettiens stratifiés. Le plus récent, correspondant à la couche E, est aussi le plus important. L’originalité de cet ensemble, qui lui valut une première attribution à l’Épipaléolithique, pose encore aujourd’hui le problème de sa signification chrono-culturelle précise. Son étude permet d’aborder, à nouveau, la question de l’interprétation du polymorphisme des industries gravettiennes. Cette réflexion constitue le fil directeur du travail mené sur les modalités d’exploitation et d’occupation du territoire en Quercy par les groupes du Gravettien (Guillermin 2005).

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Figure 1 - contexte géographique et géologique des principaux gisements gravettiens du Quercy […]. Figure 1 - Geographical, and geological presentation of the main gravettian sites in Quercy. […].

1 - La couche E dans son contexte environnemental et historique

1.1 - Présentation du gisement

1.1.1 - Une occupation du causse

2 Les paysages du Haut-Quercy sont marqués par la présence des causses, vastes plateaux calcaires du Jurassique moyen et supérieur dont les limites abruptes dessinent des vallées encaissées.

3 C’est dans ce paysage que se trouve le gisement des Fieux, sur la partie la plus septentrionale du causse de Gramat, à trois kilomètres au nord-ouest de la commune de Miers (fig.1).

4 La situation de ce gisement, sur un point culminant du plateau, le distingue des sites en grottes et abris creusés dans les falaises bordant les vallées de la Dordogne, du Lot et de leurs affluents. Situé à la confluence de deux vallées sèches se rejoignant pour aboutir 7,5 kilomètres plus loin, à la Dordogne, le gisement n’est pourtant pas à l’écart de l’axe de circulation que devait constituer cette vallée pour les groupes préhistoriques. En outre, l’approvisionnement en eau était vraisemblablement possible du fait de l’activité karstique du causse (Champagne et al. 1996). Cette activité est à l’origine de la formation de nombreuses galeries « sous-cutanées » formant un large réseau à l’intérieur des causses. L’effondrement partiel d’une de ces galeries, la reliant à la surface, constitue le gisement des Fieux.

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1.1.2 - Historique des travaux

5 Une équipe du spéléo-club de Bergerac découvre la grotte ornée des Fieux en 1964. Le gisement proprement dit fut découvert en 1966 par le propriétaire, monsieur Caminade, alors qu’il exécutait des travaux de dégagement du porche à l’entrée de la grotte.

6 Le site est ensuite fouillé de 1967 à 1991 (Champagne 1977 et 1986-1987 ; Champagne et Jaubert 1979 ; Champagne et al. 1990 et 1996 ; Champagne 1996). Les campagnes sont menées sous la direction de F. Champagne et R. Espitalié jusqu’en 1975. Par la suite, F. Champagne dirigera seul les opérations avec la collaboration de J. Jaubert de 1976 à 1985 ainsi que celle d’A. Fournier.

7 Le gisement est divisé en trois principaux secteurs. Dans un premier temps, les fouilles ont concerné le porche à l’entrée de la grotte (porche ouest). Elles ont, par la suite, été étendues vers l’extérieur, à l’est, découvrant le secteur effondré du boyau karstique. À cette zone effondrée succède un nouveau porche (le porche est) ouvrant sur la poursuite du karst dont l’étendue du réseau reste indéterminée. Un sondage a néanmoins été effectué plus à l’est derrière le porche, mettant en évidence un second effondrement la galerie. Ce sondage correspond au locus 2 tandis que le reste du gisement représente le locus 1 (fig. 2).

Figure 2 - en haut : plan général du gisement (1. locus 2 , 2. massif stalagmitique effondré) En bas à gauche : porche est En bas à droite : porche ouest (d’après Champagne et al. 1990). Figure 2 - Above: Complete site layout (1. locus 2 , 2. collapsed stalagmitic massif Bottom left: eastern porch Bottom right: western porch (Source: Champagne et al. 1990).

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8 À terme, les fouilles ont entièrement délimité la partie effondrée de la galerie dont l’ouverture, « au niveau du sol rocheux, […] mesure 30 m de longueur sur une largeur maximale de 9 m, avec une orientation générale nord-ouest/sud-est » (Champagne et al. 1990, p.2).

9 Les témoignages artistiques découverts aux Fieux furent étudiés parallèlement par plusieurs spécialistes (Glory 1965 ; Nougier 1965a et b ; Lorblanchet 1984a et b). Jusqu’à présent, le lien entre ces témoins et les couches archéologiques n’a pas été clairement établi.

1.2 - Le problème de l’attribution chronologique de la couche E ou l’historique d’un raisonnement scientifique

10 Les caractères originaux de la couche E sont établis d’une part par le remplissage auquel elle correspond et d’autre part par l’ensemble lithique qu’elle contient. À ’instar de nombreux préhistoriens, F. Champagne a corrélé l’étude du matériel à l’interprétation chrono-climatique du remplissage sédimentaire de ce puissant niveau (Belounis, 1987).

1.2.1 - La couche E : un témoin de changement climatique ?

11 Nous reprenons ici les hypothèses avancées par F. Champagne pour la formation du site. Celle-ci s’organiserait en cinq grandes phases : « 1. Formation du karst et sédimentation souterraine. 2. Ouverture du karst puis chutes de blocs et de plaquettes consécutives à l’ouverture du karst. 3. Formations cryoclastiques issues de l’effritement des parois et des vestiges de la voûte. Dans le secteur central, ces formations ont cessé dès que les parois ont été colmatées en totalité, mais elles se sont prolongées jusqu’à la fin du Würm dans le secteur est. L’épaisseur des dépôts cryoclastiques (plus de 10 m) n’est pas surprenante si on prend en compte simultanément la fragilité de la roche encaissante (calcaire jurassique moyen) et la durée de la séquence stratigraphique [ces formations renferment les niveaux moustériens, aurignaciens et gravettiens]. 4. Mise en place d’un dépôt limoneux d’origine éolienne qui comble entièrement le chenal formé par les dépôts cryoclastiques [c’est la couche E]. 5. Sédiments post-würmiens (contemporains du Sauveterrien) puis sédiments plus récents (probablement médiévaux) qui colmatent définitivement les deux porches. A ces grandes phases, il convient d’ajouter divers phénomènes annexes : érosions, colluvionnement et ruissellement par exemple » (Champagne et al. 1990, p.2).

12 F. Champagne met en avant une nette distinction entre les couches cryoclastiques et le remplissage de la couche E qui le surmonte : cette dernière est composée d’un important dépôt de limon argileux très homogène, de couleur brun-rouge foncé et totalement dépourvu d’éléments calcaires grossiers. Ce dépôt, dont la puissance est par endroit supérieure à trois mètres, comble la dépression - qualifiée de « chenal » formée par les couches sous-jacentes.

13 L’hypothèse retenue pour l’origine de sa formation est celle d’une sédimentation d’origine éolienne (Belounis 1987). L’os n’étant pas conservé, aucune datation n’a été réalisée pour le niveau archéologique présent à l’intérieur de cette puissante couche.

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1.2.2 - Une étude conditionnée par l’interprétation chrono-climatique du remplissage

14 L’interprétation de l’ensemble de la couche E a posé des problèmes à F. Champagne ainsi qu’à J. Jaubert, lorsque ce dernier l’a étudié dans le cadre d’un travail de maîtrise en 1979 (Jaubert 1979).

15 F. Champagne avait distingué des stratigraphies différentes suivant les secteurs (fig. 3). Ainsi, la couche E est au-dessus d’un niveau aurignacien dans le secteur central et au- dessus d’indices gravettiens voire d’un ensemble attribué au Solutréen dans le secteur est (nous discuterons plus loin de la réalité de cette observation stratigraphique). Elle se trouve, d’autre part, sous des occupations sauveterriennes et néolithiques. Le niveau F1c livre une date à 23 900 ± 330 BP (Gif 6304) tandis que les niveaux sauveterriens (du porche ouest) ont livré comme date la plus ancienne 9 450 ± 190 BP (Gif 1807). Cela réserve un grand intervalle chronologique dans lequel la couche E peut se placer.

Figure 3 - Les différentes stratigraphies du gisement par secteur (d’après Champagne et al. 1990). Figure 3 - Stratigraphy of the site described per area (Source: Champagne et al. 1990).

16 F. Champagne s’est fondé sur l’interprétation chrono-climatique du remplissage afin de resserrer cet intervalle. Ce raisonnement a tenu une place très importante au sein de la communauté scientifique : les préhistoriens l’utilisent pour comparer et interpréter en terme de contemporanéité ou de succession les stratigraphies des différents sites (Laville et Rigaud 1973). Cette démarche a été particulièrement utilisée pour étayer l’hypothèse de contemporanéité d’industries différentes, notamment l’Aurignacien et le Gravettien (Bordes 1968 ; Laville et Rigaud 1973 ; Rigaud 1976).

17 F. Champagne part du principe que le remplissage sédimentaire du gisement représente la totalité de la séquence chronologique. Les couches cryoclastiques correspondent alors au Paléolithique tandis que l’arrivée du limon traduit un

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changement climatique qui serait postérieur au Würm. Ainsi, l’industrie de la couche E serait épipaléolithique. C’est à partir de cette hypothèse que J. Jaubert va mener ses comparaisons.

18 Cependant, depuis le début des fouilles de la couche E, F. Champagne mentionne le caractère périgordien de l’industrie, tout en insistant sur son originalité (Champagne 1976).

19 Il propose alors deux hypothèses : la première est celle d’un nouveau faciès de transition Paléolithique-Mésolithique, en accord avec l’interprétation chronologique du remplissage. La seconde est celle d’un faciès local de tradition périgordienne, avec la restriction que « […] dans cette hypothèse, il faudrait reconsidérer la datation de la castine sous-jacente » (Champagne 1976).

20 Il y a donc, dès le début, une discordance entre l’interprétation chrono-climatique du remplissage et une industrie présentant manifestement des caractères gravettiens. J. Jaubert (1979), dans son étude de la couche E, reste attaché à cette interprétation du remplissage mais ne conclut pas sur l’attribution chrono-culturelle le problème demeure entier: « Nous sommes persuadés que la couche E des Fieux ne peut être attribuée qu’à un faciès épipaléolithique local, étant entendu que nous utilisons le terme Epipaléolithique pour situer dans le temps, une industrie que tout incline à considérer comme contemporaine de l’extrême fin du Würm, mais qui n’a rien de commun avec le Mésolithique traditionnel » (Champagne et Jaubert 1979, p.98).

21 Ainsi, sur les bases d’une interprétation chrono-climatique du remplissage sédimentaire, F. Champagne s’attache à qualifier l’ensemble de la couche E d’épipaléolithique alors que son caractère gravettien avait été observé dès le départ.

22 1.2.3 - Une nouvelle hypothèse : l’attribution au Protomagdalénien.

23 Lorsqu’il présente la couche E au colloque de Bordeaux en 1977 sur la Fin des Temps glaciaires en Europe, F. Champagne est interpellé par D. de Sonneville-Bordes qui attribue l’industrie de la couche E au Périgordien. À la suite de cette discussion, F. Champagne décide de ne pas publier sa présentation (J. Jaubert, communication orale).

24 Presque dix ans plus tard, F. Champagne propose une nouvelle hypothèse d’attribution, évoquant un rapprochement avec le Protomagdalénien (Champagne 1986-1987). Le préhistorien rapproche alors l’ensemble de la couche E de la famille gravettienne (fig. 4), tout en lui conférant un caractère récent, appuyé par l’existence d’un niveau solutréen sous-jacent (la couche F1a du porche est).

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Figure 4 - Industrie lithique de la couche E présentée comme appartenant au Périgordien évolué ou Proto-Magdalénien (dessin N. Champagne, d’après Champagne et al. 1990). Figure 4 - Lithical industry from the E layer and presented as belonging to the evolved Perigordien, or Proto-Magdalenien (Drawing: N. Champagne, Source: Champagne et al. 1990).

25 Les interprétations livrées par l’étude sédimentologique menée par N. Belounis semblent conforter cette hypothèse : le dépôt du limon se placerait immédiatement après l’épisode de Tursac. Une manifestation d’illuviation a par ailleurs été observée à mi-hauteur, attribuée à l’épisode de Laugerie (Belounis 1987). Cette dernière détermination semble se confirmer dans les données de la palynologie (Renault- Miskovsky 1983), l’ensemble de ces résultats se basant sur les méthodes et les cadres chronologiques en vigueur à cette date.

26 Néanmoins, F. Champagne ne cache pas ses difficultés à conclure. Il reprend les problèmes liés à une fourchette stratigraphique trop large, l’absence de vestiges osseux ou de restes calcinés empêchant la réalisation d’une datation radiométrique. Concernant l’étude des vestiges, il ajoute : « L’étude exhaustive du matériel lithique n’est pas encore terminée ; dans ces conditions il est prématuré de tenter une analyse comparative de la couche E avec des séries datées du Périgordien final ou évolué et du Proto-Magdalénien. Il semble néanmoins que c’est vers cette dernière attribution culturelle que les comparaisons devront s’orienter […]. En conclusion, l’ensemble lithique recueilli dans la couche E est incontestablement de tradition périgordienne, mais il s’écarte franchement des faciès classiques de cette culture par l’absence de vraie pointe de la Gravette, de pointe de la Font-Robert et de burin de Noailles. Un essai d’analyse factorielle des correspondances tenté par B. Bosselin a montré que le niveau E possède à la fois les caractères du Magdalénien et du Périgordien, mais les données de la sédimentologie et de la palynologie, et surtout sa position stratigraphique probable au-dessus du Solutréen, en font une industrie nettement plus récente que le Périgordien évolué » (Champagne et al. 1990, p.16).

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1.3 - Reprise des données : la couche E, un niveau gravettien au sein d’un gisement stratifié

27 Conformément au souhait de F. Champagne, l’étude de l’ensemble de la couche E est reprise dans le cadre d’un mémoire de DEA (Guillermin 2004), intégré dans l’ACR sur le Quercy. La série lithique bénéficie ainsi d’un nouveau regard porté sur le matériel par le biais d’une analyse typo-technologique. Cette reconsidération implique une reprise des données stratigraphiques des différents secteurs, afin de préciser le positionnement de la couche E.

1.3.1 - Les caractères gravettiens de la couche E

28 Plusieurs éléments permettent d’attribuer résolument toute une partie de la couche E au Gravettien. Certains peuvent être qualifiés de « typiquement » gravettiens, étant présents dans la quasi-totalité des assemblages attribués à cette tradition (fig. 5), à l’image de pointes et micropointes de la Gravette. Nous pouvons les associer à une modalité opératoire « classique » d’obtention de leur support, souvent qualifiée de « bipolaire », qui sera décrite ultérieurement.

Figure 5 - Les armatures de la couche E : pointes de la Gravette (1 à 3), microgravettes (4 à 12), lamelles à dos tronquées (13 à 18), lame appointée portant des fractures burinantes latérales (19). Figure 5 - The projectile points of the E layer : Gravette’s points (1 to 3), microgravettes (4 to 12), backed truncated bladelets (13 to 18), pointed blade showing traces of lateral hammering (19).

29 D’autres éléments sont plus spécifiques du faciès à burins du Raysse (fig. 6), ces derniers étant présents en quantité non négligeable. D’après les travaux récents (Klaric 2003 ; Klaric et al. 2002), il est par ailleurs possible de les associer à d’autres éléments caractéristiques, plus discrets au sein de l’ensemble : une lamelle de la Picardie, des

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lames portant une préparation particulière (dite à « facettage latéralisé oblique ») ainsi que des nucléus laminaires exploités suivant une modalité proche de la méthode décrite par L. Klaric.

Figure 6 - Quelques éléments “ rayssiens ” de la couche E : une lamelle de la Picardie et des burins du Raysse. Figure 6 - Some “ rayssiens ” elements from the E layer: one Picardie’s bladelet and several “burins du Raysse”.

30 Le niveau E des Fieux appartient au monde gravettien et peut-être plus particulièrement, sous réserve de son homogénéité, au Gravettien moyen. Il est cependant nécessaire d’approfondir l’étude avant d’effectuer des comparaisons plus précises. En premier lieu, la question est de savoir quelle est sa relation avec les autres niveaux du gisement attribués à cette culture.

1.3.2 - Une réévaluation nécessaire de la stratigraphie du porche Est

31 La stratigraphie relevée dans le secteur Est montre la superposition de la couche E à un niveau solutréen (couche F1a), deux niveaux gravettiens (F1b et F1c) et un niveau aurignacien (couche F2) (fig. 7). La reprise des carnets de fouilles ainsi que des séries nous invite à une certaine réserve concernant l’intégrité de ces différents assemblages.

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Figure 7 - Stratigraphie du porche est (Champagne et al. 1990). Figure 7 - Stratigraphy of the eastern porch (Source: Champagne et al. 1990).

1.3.2.1 - Des problèmes de distinction entre les différents niveaux

32 Les vestiges attribuables à la couche E sont très peu nombreux dans le secteur Est où nous sommes à la limite de l’extension de la couche. De plus, aux abords des parois, le niveau disparaît. À cet endroit, « le cailloutis cryoclastique remonte au niveau de la couche C » (Champagne 1982). Lors de la découverte de la couche sous-jacente, F. Champagne écrit : « […] immédiatement sous le dépôt de limon, elle est recouverte près des parois par un cailloutis composé d’éléments fins très altérés, probablement colluviés à partir de la surface du lapiaz. Nous avons décomposé arbitrairement F1 en trois sous- niveaux : - F1a : limite limon-castine - F1b : partie supérieure de la castine - F1c : niveau mieux individualisé à l’intérieur de la castine »

33 D’après les 62 outils trouvés à ce stade des fouilles, F. Champagne avance une appartenance de la série au Périgordien (Champagne 1983).

34 La stratigraphie du porche Est montre la succession de couches proches de la paroi, dans des sédiments cryoclastiques qualifiés d’éboulis, à très fort pendage. Les subdivisions au sein de ces sédiments, faites de manière arbitraire au départ, ont connu par la suite une interprétation archéologique. Les notes des carnets de fouilles montrent que les fouilleurs ont eu du mal à les discerner. De plus, ces distinctions ont été conservées lors de l’extension de la fouille vers le porche Est.

1.3.2.2 - Remise en cause de la superposition de la couche E au niveau solutréen F1a

35 F. Champagne attribue la couche F1a au Solutréen par la présence de deux pointes à face plane, de deux lames appointées, d’un grattoir circulaire et d’un fragment de sagaie (fig. 8).

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Figure 8 - A gauche : les outils solutréens de la couche F1a ; à droite : la zone hâchurée correspond à l’extension des fouilles pour dégager le porche est, les outils solutréens ont été trouvés à cet endroit alors que la couche E n’est plus présente. Figure 8 - Left: solutrean tools from the F1a layer; Right: the hatched area corresponds to the excavation extension to clear the eastern porch. The solutrean tools were found in this area where the E layer is not in place anymore.

36 Cette couche est constituée d’un dépôt limono-argilo-sableux associé à des éléments calcaires de petites dimensions. Le reste de l’outillage est composé de burins, lames retouchées et pièces à dos qui ont, pour la plupart, un caractère gravettien. En outre, les cinq éléments solutréens cités ont été trouvés lors de l’extension des fouilles sous le porche, à un endroit où la couche E n’est plus présente (fig. 8). Ainsi, les témoins d’une occupation solutréenne aux Fieux sont faibles et mélangés à des éléments gravettiens. En définitive, à l’endroit où la couche E se superpose au niveau F1a, celle-ci ne contient pas d’éléments caractéristiques du Solutréen.

1.3.2.3 - Les couches F1b et F1c : des niveaux gravettiens stratifiés

37 Le sédiment de la couche F1b est de teinte brun-jaune et contient de petites plaquettes calcaires associées à des cailloux de forme polyédrique. La série lithique recueillie dans ce niveau est pauvre mais la présence de pointes de la Gravette permet de l’attribuer au « Périgordien supérieur à pointes de la Gravette » (Champagne et al. 1990).

38 Concernant la couche F1c, F. Champagne écrit : « De composition sédimentologique et de teinte identiques, les couches F1b et F1c sont difficiles à isoler, sauf vers la paroi sud où elles sont séparées par des blocs issus de l’effondrement de la voûte […] Le matériel lithique comprend 69 outils et 536 lames et éclats. Nous attribuons cette série à un faciès du Périgordien moyen, encore difficile à préciser et qui semble dépourvu de pointe de la Gravette typique et de burin de Noailles. Cette attribution est par ailleurs confirmée par une mesure d’âge qui a donné 23 900 ± 330 BP » (Champagne et al. 1990, p.17). Il ajoute que la faune est assez riche, comprenant en grande partie des fragments de bois de renne en très mauvais état de conservation « dû à l’infiltration de la couche E » (Ibid.).

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39 L’observation des séries révèle des industries à effectif restreint se démarquant très peu de l’outillage de la couche E, comme nous le verrons par la suite (tab. 1) : les armatures, variées, sont bien représentées et le burin du Raysse est présent.

40 Au final, une étude taphonomique et typo-technologique plus approfondie des assemblages lithiques doit être menée avant d’utiliser les données stratigraphiques de ce secteur.

Tableau 1- Inventaire typologique des industries des couches F1a, F1b et F1c du porche Est. Table 1 - Typological inventory of tools from layers F1a, F1b and F1c coming from eastern porch.

1.3.3 - Une contamination de l’Aurignacien dans le secteur central

41 La quasi-totalité des vestiges de la couche E sont concentrés dans le secteur central, se superposant à un niveau aurignacien dans la moitié est du secteur (fig. 10). Or, quelques éléments à caractère aurignacien, identiques à l’industrie de l’Aurignacien récent du niveau F2 du secteur Est (Bon et Bordes 2005) (burins busqués, grattoir à museau, lame aurignacienne, lamelles Dufour) sont présents dans l’assemblage de la couche E.

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Figure 10 - Stratigraphie du secteur central, coupe frontale 21-22 : A, humus ; C, Néolithique ; E, niveau gravettien, E1 et E2 représentent les ensembles d’artéfacts “ flottants ” au-dessus et en- dessous du niveau ; F2, Aurignacien ; G1 à K, Moustérien. Figure 10 - Stratigraphy of the central area, front cross section 21-22 : A, humus ; C, Neolithic ; E, gravettian layer, E1 and E2 represent the groups of “floating” artefacts above and bellow the layer, F2, Aurignacian ; G1 à K, Mousterian.

42 Nous avons écarté ces éléments de l’étude (n=18). D’autres, plus ubiquistes, tels que des burins carénés – pouvant être considérés comme des burins busqués « atypiques »- ont également été mis de côté, sans pouvoir être attribués de manière certaine à l’une ou l’autre des industries (n=13).

1.3.4 - Une pointe de la Font-Robert trouvée dans le secteur ouest

43 Beaucoup d’incertitudes demeurent dans ce secteur. Les différentes industries du Paléolithique supérieur trouvées au sein de l’important ensemble de castine (F), « n’ont pu être isolées avec certitude » (Champagne 1974). En effet, les couches de ce secteur sont pour la plupart composées de plaquettes calcaires emballées dans un sédiment argilo- limono-sableux dont la teinte varie du brun-rouge au brun foncé et il a été difficile de différencier différentes unités à l’intérieur.

44 Ainsi, tous les vestiges trouvés ont été regroupés dans un ensemble intitulé couche F, qui a livré un marqueur fort du Gravettien : une pointe de la Font-Robert (fig. 9). En réalité, la série révèle une association d’éléments aurignaciens (essentiellement des burins busqués, lames aurignaciennes) et gravettiens (pièces à dos, burins du Raysse et la pointe de la Font-Robert). Les premiers sont présents de manière ponctuelle sur toute la surface du secteur, tandis que les seconds sont plus concentrés, proches du massif stalagmitique.

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Figure 9 - Industrie de la couche F (d’après Champagne et al. 1979). Figure 9 - Industry from the F layer (Source: Champagne et al.1979).

45 En ce qui concerne la couche E, son étendue ainsi que sa superposition à la couche F, ne sont pas clairement établies. Il est possible que la distinction sédimentaire entre les deux couches ne soit pas apparue de manière toujours évidente, le limon pouvant être associé, par endroit, à des éléments calcaires.

46 En conclusion, la reprise des données stratigraphiques des différents secteurs du gisement des Fieux appelle à une certaine réserve concernant les interprétations de F. Champagne : d’une part, il n’est plus possible d’entériner la superposition de la couche E à un niveau solutréen ; d’autre part, les difficultés de lecture stratigraphique de niveaux gravettiens comportant de faibles indices, nous laissent, pour l’instant, peu de données exploitables.

1.4 - Les questions taphonomiques relatives à l’étude de la couche E

47 La présence de mobilier aurignacien dans la couche E, ainsi que les méthodes de fouilles de l’époque ne facilitant pas la lecture du pendage des couches, sont autant d’éléments conduisant à s’interroger sur l’intégrité de la série par rapport aux autres niveaux archéologiques. Par ailleurs, la répartition du matériel au sein d’un puissant dépôt sédimentaire d’une épaisseur exceptionnelle de plus de trois mètres, demande à être précisée.

1.4.1 - Une concentration de vestiges dans le secteur central

48 Étant donnés les problèmes énoncés précédemment dans les secteurs est et ouest, nous avons choisi de restreindre le corpus d’étude au secteur central (des bandes 17 à 26, fig.

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11). Cette restriction n’a qu’une incidence minime sur l’assemblage (près de 10 %), la majorité des vestiges étant concentrée dans ce secteur.

49 La densité de mobilier est par ailleurs visible dans l’épaisseur du sédiment, révélant l’existence d’un niveau archéologique (fig. 11). Cette concentration était telle que F. Champagne, parlant de la découverte d’un « sol d’habitat », change ses méthodes de fouilles et entreprend un grand décapage du niveau à l’occasion du Congrès Préhistorique de France en 1979 (Champagne et Jaubert 1981).

Figure 11 - Projection verticale des outils côtés à la fouille. En haut : bande VIII, en dessous : bande 26, en bas à droite : raccords de débitage effectués sur le matériel. Figure 11 - Vertical projection of the tools measured during the excavation. Above : stripe VIII, bellow : stripe 26, Bottom right: refittings.

1.4.2 - Raccords et remontages

50 Des raccords de cassure et de débitage ont été effectués. Ils concernent essentiellement les silex jaspéroïdes, l’importance de la série et les contraintes de temps ne nous ayant pas permis d’intégrer l’ensemble des vestiges dans cette démarche.

51 Au total, 1 350 pièces ont été considérées, le taux de raccord de débitage (calculé ici à partir du nombre d’artefacts raccordés sur le nombre total d’artefacts) s’élève à 11%. L’espace couvert par ces raccords révèle une très nette concentration correspondant au « sol d’habitat » (fig. 11).

52 Ceci confirme l’existence d’un niveau archéologique (mais pas nécessairement d’un sol d’habitat) dans le secteur central. Son épaisseur est d’environ 30 cm, quelques vestiges isolés ‘flottant’ au-dessus et en dessous (à partir de 1981, les vestiges trouvés sous le « sol d’habitat » sont notés E2) (fig. 11). Ce niveau accuse un pendage fort, marqué d’est

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en ouest, et épouse transversalement la forme d’un « paléochenal », le matériel remontant aux abords des parois.

53 Nous ne pouvons conclure sur le degré de perturbation de ce dépôt archéologique. Nous reprenons néanmoins l’affirmation posée par D. Cahen et al. : « La présence de pièces raccordables à un même niveau indique généralement que la couche n’a pas été sérieusement perturbée » (Cahen et al. 1980, p.212).

54 Nous posons ainsi l’hypothèse de l’intégrité de notre corpus d’étude par rapport aux autres occupations gravettiennes distinguées par les fouilleurs. L’étude du matériel nous permettra par la suite d’avancer des arguments en faveur de son homogénéité.

2 - Étude typo-techno-économique du matériel lithique

55 La série se compose de plusieurs milliers d’artefacts, F. Champagne parle de plus de 21 000 objets, comptant les esquilles. Le corpus restreint au secteur central correspond donc à environ 19 000 artefacts, dont plus de la moitié sont inférieurs à 1 cm.

2.1 - Un ensemble marqué par la présence d’armatures

56 Deux catégories sont distinguées au sein de l’outillage : les armatures et les outils à usage domestique. L’inventaire typologique révèle l’importance de la première dont la production de supports constitue l’objectif principal du débitage (tab. 2 et 3).

Tableau 2 - Inventaire typologique d’après la liste type de D. de Sonneville-Bordes et J. Perrot (Sonneville-Bordes et Perrot 1954, 1955 et 1956). Table 2 - Typological inventory according to type-list written by D. de Sonneville-Bordes et J. Perrot (Sonneville-Bordes et Perrot 1954, 1955 et 1956).

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Tableau 3 - Outillage de la couche E (les éléments considérés ne sont pas exactement les mêmes que ceux de l’inventaire typologique, le fait d’arriver au même total de l’effectif est un hasard). Table 3- Tools from the E layer (the artefacts considered are not identical to those mentionned in the typological inventory, similar results are pure coïncidence).

2.1.1- Diversité des armatures

57 Les armatures de la couche E sont diversifiées (fig. 5) : certaines, minoritaires, sont sur support laminaire d’assez grand gabarit mais la plupart sont microlithiques, les supports pouvant être aussi bien de petites lames que des lamelles, voire exceptionnellement des chutes de burin.

58 Les pointes et micropointes de la Gravette, déjà évoquées, sont bien représentées (fig. 12). Elles sont associées à des lamelles à dos tronquées, parfois bitronquées, presque aussi nombreuses que les lamelles à dos simples. Ces dernières présentent des modules variés parfois très petits. Signalons que l’absence de tamisage durant la fouille a vraisemblablement entraîné une sous-représentation de cette fraction la plus fine.

Figure 12 - Effectifs et proportions des différentes armatures de la couche E. Figure 12 - Quantities and statistics of the various supports issued from the E layer.

59 Par ailleurs, certains outils, initialement considérés comme des burins, peuvent être requalifiés de pointes : ce sont des lames apointées portant des fractures interprétables comme d’impact latérales burinantes.

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2.1.2 - Beaucoup d’armatures et des fractures d’impact : des éléments appuyant l’hypothèse de spécialisation de l’occupation

60 La proportion des armatures est importante au sein de l’outillage (près de 50%). Les critères décrits et précisés sur les fractures d’impact des gravettes et microgravettes de Corbiac (O’Farrell 1996 et 2000), nous ont permis d’évaluer l’importance de ce type de stigmates (35 %). Par ailleurs, les extrémités apicales de pointes et micropointes de la Gravette de la couche E, portant pour certaines des fractures d’impact, ont pu être introduites par l’intermédiaire des carcasses ramenées sur le site, à l’intérieur desquelles elles étaient restées fichées (Chadelle et al. 1990). Ainsi, même si l’os n’est pas conservé, plusieurs éléments laissent envisager l’importance d’une activité de chasse conduite aux abords de l’occupation. Cela permet d’avancer l’hypothèse d’une interprétation de la couche E des Fieux comme résultant, au moins, d’une occupation spécialisée dans l’activité cynégétique.

2.2 - Des schémas opératoires divers

61 En dehors des nucléus informes ne révélant aucune modalité d’exploitation précise (n = 15), quatre principales formes de débitage lamino-lamellaire sur bloc ont été observées, nous les rapprocherons dans un second temps du débitage sur tranche d’éclat. Ces modalités sont par ailleurs accompagnées d’un débitage d’éclats plus ou moins allongés.

2.2.1 - Une exploitation frontale d’un volume au cintre polygonal resserré à l’aide de deux plans de frappe (fig. 13) (n = 16)

62 C’est le schéma opératoire qui semble le plus communément rencontré dans un contexte gravettien, souvent qualifié de débitage bipolaire prismatique. Son objectif est la production de lames plus ou moins grandes mais toujours rectilignes et régulières, supports potentiels de pointes et micropointes de la Gravette.

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Figure 13 - Exploitation d’un volume au cintre polygonal resserré à l’aide deux plans de frappe. Figure 13 - Exploitation of a volume with tightened polygonal “cintre” by the mean of a double napping platform.

63 L’initialisation du débitage peut se faire par l’extraction de lame à crête ou par envahissement progressif de table par des enlèvements plus ou moins obliques par rapport à l’allongement de la future surface de débitage. La mise en forme du volume au cintre polygonal est le plus souvent élaborée à l’aide de crêtes postéro-latérales. Certaines plages corticales peuvent par ailleurs être conservées tout au long de la séquence suivant le volume offert au départ par le bloc.

64 L’angle recherché entre les flancs et la table est relativement fermé, donnant un caractère resserré au cintre. Son entretien est réalisé à partir de crêtes mais aussi par l’enlèvement de grandes lames de flanc. Le rythme de recul frontal maintient des nervures saillantes donnant l’aspect polygonal au cintre.

65 Les plans de frappe sont majoritairement lisses. L’installation du second semble intervenir dès le début du débitage. Cette double ouverture sur la table permet l’obtention de supports rectilignes. Très souvent, les plans de frappe sont décalés : l’exploitation à partir d’un premier plan de frappe entretient le cintre d’un côté de la table, favorisant l’exploitation de l’autre côté à partir du second. L’alternance de l’exploitation d’un bord à l’autre de la table, favorise pleinement l’entretien d’un cintre polygonal resserré.

66 Cette alternance des plans de frappe est plus visible sur les négatifs d’enlèvements des nucléus en fin d’exploitation que sur les supports d’outils ou sur les produits bruts. Il semble donc que, dans la mesure où le débitage ne rencontre pas de difficultés, le tailleur ne recherche guère une utilisation simultanée des deux plans de frappe. En outre, les négatifs d’enlèvement opposés révèlent plutôt une hiérarchisation des plans de frappe qui peut s’inverser suivant les opportunités choisies par le tailleur durant la

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séquence. La question se pose alors de savoir à partir de quel rythme d’inversion il est possible de parler de débitage bipolaire.

67 Quoi qu’il en soit, l’exploitation d’un tel volume favorise avant tout la rectitude et la régularité des produits. De manière plus spécifique, elle privilégie l’épaisseur des supports tout en maîtrisant leur largeur, accentuant leur robustesse.

2.2.2 - Une modalité unipolaire convergente (fig. 14) (n=14)

Figure 14 - Schéma unipolaire convergent (photo avec remontage d’un fragment distal de lame de flanc convergente et d’un fragment de lamelle à dos tronquée). Figure 14 - Unipolar converging schema (picture showing the reffiting of a part of a side converging blade, and a piece of a backed truncated bladelet.

68 L’objectif de cette modalité est également la production de supports laminaires (le plus souvent de petit gabarit) rectilignes et réguliers mais qui semblent toutefois moins épais que les produits issus du schéma précédent. Celui-ci repose en grande partie sur l’aménagement du cintre, dans le cadre d’une production gérée à l’aide d’un seul plan de frappe (le plus souvent lisse).

69 En effet, dans le cadre d’un débitage de produits rectilignes, la carène est plate sur une bonne partie de la table. Ainsi, le maintien du cintre est d’autant plus important : il permet de ‘cadrer’ la propagation de l’onde de choc, lui évitant de s’étaler. Il est ici réalisé à l’aide d’enlèvements obliques convergents vers la partie distale de la table, issus de l’arrière du plan de frappe. De larges enlèvements transversaux issus de la table et/ou du dos peuvent s’associer à ces enlèvements obliques. L’angle alors formé entre les flancs et la table est relativement fermé.

70 Des lames sont par la suite débitées à cette jonction, recréant des nervures régulières pour guider les futurs enlèvements. Ainsi, à l’entretien du cintre, s’associe une entreprise de « nervuration » de la table, contrôlant l’étalement de l’onde de choc. Ces

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lames latérales sont souvent torses car débitées en retrait du plan de frappe au niveau du flanc et recentrées sur la table au niveau de leur partie distale. Sans être systématiquement torses, leur talon est très souvent incliné par rapport à l’axe de la pièce.

71 Cette opération a pour effet d’installer des nervures régulières, moins inclinées que celles installées par les premiers enlèvements plus obliques. L’installation de nervures- guides, fréquemment convergentes, prime sur le maintien d’une angulation fermée entre la table et les flancs. Le cintre recherché est ainsi arrondi en partie proximo- mésiale, dépourvu de nervures saillantes.

72 La mise en place de ces nervures permet l’extraction de lames issues du bord de la table convergeant dans leur partie distale vers la base cintrée du nucléus. Cette convergence s’effectue parfois d’une manière outrepassée, entretenant à la fois le cintrage mais aussi une légère carène en partie distale. Des nervures régulières, légèrement convergentes en partie distale, sont à présent installées sur la table permettant l’extraction en son centre d’enlèvements réguliers, rectilignes, plus courts que les enlèvements latéraux.

73 Ce débitage s’effectue dans un rythme de recul frontal, pour une exploitation volumétrique qui, du fait d’un cintre relativement étalé, est plutôt faciale. Cela favorise la production de lames relativement plus fines et plus larges que celles extraites de nucléus à exploitation volumétrique frontale évoqués précédemment.

74 Ces lames sont globalement rectilignes, parfois courbes en partie distale si elles parcourent toute la longueur de la table. Le tailleur doit doser précisément sa force pour extraire une lame qui ne file pas jusqu’au bout. Si le coup porté est trop faible, l’enlèvement est rebroussé. Le négatif de cet enlèvement est alors enlevé par l’extraction de lame plus épaisse et plus large, souvent outrepassée. Cet outrepassement permet la restauration d’une carène distale, compensant l’aplatissement du cintre causé par l’enlèvement plus large.

75 Un second plan de frappe, transversal par rapport au premier, peut être installé à des fins d’entretien. Les enlèvements qui en sont issus sont courts et ont pour but le recintrage de la partie distale du nucléus (compensant un cintre qui est par ailleurs plat dans sa partie proximo-mésiale).

2.2.3 - Une succession possible de ces deux modalités dans l’exploitation d’un même bloc

76 Plusieurs remontages effectués pour les silex jaspéroïdes (n=5) révèlent la succession de ces deux modalités dans l’exploitation d’un même bloc. En effet, si un outrepassement survient lors de l’exploitation frontale d’un volume au cintre resserré, emportant le plan de frappe opposé, il est rédhibitoire pour la poursuite de cette modalité. Cependant, le volume résultant a parfois permis au tailleur de continuer le débitage suivant une modalité unipolaire convergente. Dans d’autres cas, lorsque le volume exploité suivant une modalité unipolaire convergente ne permet plus une exploitation faciale, le tailleur peut terminer la séquence par une exploitation frontale d’un volume réorienté à partir du petit coté du nucléus et initiée par l’installation d’un plan de frappe opposé.

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2.2.4 - Une exploitation frontale d’un volume au cintre resserré unipolaire (n=12)

77 Une autre modalité exploite un volume au cintre polygonal resserré de façon unipolaire. Un second plan de frappe est parfois installé de manière transversale au premier, permettant l’entretien du cintre. Dans la majorité des cas, la mise en forme est peu élaborée, le cortex étant le plus souvent conservé au niveau des flancs et du dos. Le plan de frappe présente fréquemment des traces d’aménagement. Il s’agit d’une exploitation moins normalisée de blocs parfois de qualité médiocre. La productivité est alors limitée et l’abandon sera plus précoce.

2.2.5 - La méthode du Raysse (n= 26)

78 D’après les travaux menés par L. Klaric sur les assemblages rayssiens, les burins du Raysse sont aujourd’hui considérés principalement comme des nucléus. Nous les considérons également comme tels aux Fieux, la présence d’une lamelle de la Picardie dans la couche E étayant cette hypothèse. En parallèle de ce débitage lamellaire (n=23), certains nucléus laminaires révèlent une exploitation proche de la méthode du Raysse, comme cela a été montré (Klaric 2003). Ils sont rares (n=3) et seul l’un d’entre eux est clairement exploité selon cette modalité. Pour d’autres, l’aménagement du petit côté par une série d’enlèvements transversaux ne peut être qualifié de réel facettage. Ces indices rayssiens sont néanmoins complétés par la présence, certes anecdotique, de lames à facettage latéralisé oblique (n=4). Nous n’avons pu, cependant, déterminer l’objectif de ce débitage.

2.2.6 - Un débitage sur tranche d’éclat : différents schémas opératoires lamellaires

79 La requalification des burins du Raysse en tant que nucléus nous amène à intégrer les burins plans, considérés comme des burins du Raysse atypiques, dans cette catégorie (n= 22), ainsi que certains burins multiples pouvant être qualifiés de burins du Raysse d’un côté et comportant des enlèvements plans d’un autre (n=4).

80 D’autres éléments sont également susceptibles d’être des nucléus à lamelles : certains se rapprochent d’un débitage unipolaire très cintré témoignant d’un recul frontal avec un envahissement très peu prononcé des flancs (n=9), deux autres, peu lisibles, sont bipolaires.

81 Tandis que les différentes formes de débitage sur bloc précédemment décrites témoignent d’une continuité lames-lamelles dans la production, un débitage exclusivement lamellaire, réalisé sur tranche d’éclat, existe donc au sein de l’assemblage. Ce dernier concerne principalement des éléments se rapprochant plus ou moins précisément de la méthode du Raysse. D’autres schémas sont néanmoins présents auxquels pourraient être associés les burins carénés mentionnés précédemment (cf. § I.3.3).

2.2.7 - Un débitage d’éclats (n=9)

82 Plusieurs nucléus présentent, à leur stade d’abandon, des négatifs de petits éclats laminaires (n=6), voire d’éclats (n=3). Un remontage entre deux de ces éléments montre qu’il a pu y avoir une recherche de ce type de débitage. Le bloc de départ avait cependant été déjà exploité, probablement pour un débitage laminaire. De plus, aucun

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objectif relatif à cette production n’a été décelé au sein de l’outillage qui demeure donc anecdotique.

2.2.8 - Une utilisation probable de la pierre tendre

83 Nous n’avons pas quantifié les différents caractères observés concernant la préparation et le détachement des produits. Nous pouvons néanmoins noter que la majorité des produits présente un talon lisse, très souvent linéaire. Cette observation est à nuancer pour les lames de flanc qui présentent un talon souvent lisse plus épais. Une abrasion peut accompagner le détachement, mais elle n’est pas systématique ni très soignée.

84 es parties proximales des lames (plus particulièrement en silex jaspéroïdes) portent de nombreux stigmates caractéristiques de l’utilisation de pierre tendre tels qu’ils ont pu être décrits : points d’impact prolongés par des bulbes marqués, présence de petites rides fines et serrées proches du point de contact, esquillement du bulbe (Pelegrin 2000).

2.3 - Un traitement différentiel des matières premières

85 La caractérisation des différents types de silex a été réalisée par P. Chalard (tab. 4). Cela a permis de montrer, à travers l’étude typo-technologique, l’importance de l’aspect économique dans le traitement des matières siliceuses : des différences ont pu être observées à tous les stades de la chaîne opératoire.

Tableau 4 - Les différentes matières premières caractérisées dans la couche E des Fieux – les proportions en artéfacts bruts sont données pour un échantillon de 3 600 pièces de plus de 1 cm (d’après l’étude de P. Chalard). Table 4 - Various raw materials caracterized in the E layer of Les Fieux – raw artefacts ratio are given with a sample of 3 600 items > 1cm (after P. Chalard’s study).

2.3.1 - Des objectifs orientés, d’autres polyvalents

86 Le traitement différentiel des matières premières se révèle tout d’abord à travers les proportions d’outils (fig.15) : l’outillage à usage domestique en silex sénonien est en proportion plus importante que les armatures (65 % des outils) alors que les pourcentages sont inversés pour les silex jaspéroïdes et tertiaires. Par ailleurs, pratiquement aucune armature en silex du Jurassique n’est présente sur le gisement.

87 Ensuite, la répartition des divers types d’armatures par matière première montre une production très orientée des silex jaspéroïdes vers les lamelles à dos tronquées tandis

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que la production en silex sénonien est beaucoup plus variée, concernant l’ensemble des armatures (fig.15).

Figure 15 - En haut : répartition des types d’outils suivant les matières premières En bas : répartition des types d’armatures suivant les matières premières. Figure 15 - Above : distribution of tool-types according to raw materials. Below : distribution of projectile points types according to raw materials.

2.3.2 - Des modalités d’exploitation adaptées, d’autres marquées par la variabilité

2.3.2.1 - Les matériaux locaux

2.3.2.1.1 - Les Jaspéroïdes de l’Infralias

88 L’orientation préférentielle dans la production en silex jaspéroïdes dévoile une exploitation adaptée à cette variété de silex.

89 En effet, les lamelles à dos tronquées sont des armatures que l’on peut envisager emmanchées latéralement, donc recherchées pour leurs qualités tranchantes. Or, le grain des silex jaspéroïdes est particulièrement fin, favorisant le tranchant des produits issus de cette matière.

90 En outre, la modalité opératoire majoritairement employée est unipolaire convergente. Cette modalité favorise la largeur et la finesse du support, accentuant son caractère tranchant. Par ailleurs, la finesse du grain, facilitant la propagation de l’onde de percussion, accentue les risques d’outrepassement des produits. Dans la mesure où ces phénomènes sont légers, ils ne perturbent pas toujours la poursuite d’un débitage intégrant ce type de produits, et peut-être même au contraire.

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91 Ainsi, cette modalité, la plus employée pour les silex jaspéroïdes, est adaptée d’une part à une matière où il est nécessaire de gérer et d’anticiper le risque d’outrepassements, d’autre part à l’objectif d’une armature fine et tranchante.

92 Concernant le fractionnement de la chaîne opératoire, hormis les toutes premières phases, toute la séquence est présente sur le site jusqu’à l’abandon de l’outil.

2.3.2.1.2 - Le Jurassique

93 Les outils en silex jurassique sont essentiellement des outils à usage domestique. Cependant ces derniers sont peu élaborés (éclats retouchés, encoche, denticulé, burin sur cassure…) réalisés sur éclats, très souvent corticaux, issus des phases de mise en forme et d’entretien. Ces proportions ne sont pas révélatrices de l’exploitation effective de la matière la plus représentée parmi les restes abandonnés sur le site.

94 Cette exploitation est très différente de celle des jaspéroïdes. Tout d’abord, la matière a été introduite sur le site sous forme de rognons bruts, souvent de grand gabarit. Les modalités opératoires employées sont plus ou moins élaborées suivant la qualité des blocs au départ : ceux qui bénéficient d’une mise en forme révèlent une exploitation d’un volume au cintre polygonal resserré, mettant en jeu un ou deux plans de frappe suivant le degré d’élaboration possible. Ces modalités favorisent l’épaisseur et donc la robustesse du support, cette dernière étant déjà induite par une matière grenue. Enfin, les supports produits sont absents de l’outillage, ils ont donc été exportés, sous forme brute ou retouchée. Compte tenu de leur rectitude, de leur gabarit souvent laminaire et de leur robustesse, ils sont pour la plupart très différents des supports de lamelles à dos tronquées, se rapprochant de ceux des pointes de la Gravette.

2.3.2.2 - Les matières allochtones

95 L’exploitation des ressources allochtones a été détaillée en collaboration avec P. Chalard (Chalard et al. 2006). Le silex tertiaire, pouvant être issu d’un approvisionnement en partie local, a été exclu de nos considérations. Les matières allochtones sont alors regroupées dans un ensemble « Sénonien-Turonien ». La polyvalence de ces matériaux, visible à travers la répartition des divers types d’outils, se retrouve dans leur traitement économique.

96 Tout d’abord, certaines spécificités sont à mettre en avant, notamment la quasi- exclusivité de ces matières comme support de production des burins du Raysse. Deux d’entre eux sont en Jurassique, les autres sont réalisés en Sénonien mais aussi dans un silex blanc porcelainé d’origine indéterminée. Notons cependant que ce n’est pas le cas des nucléus laminaires débités dans une méthode proche du Raysse qui sont également réalisés dans des matériaux locaux, jaspéroïdes et jurassiques.

97 Ensuite, les rares représentants d’un débitage d’éclats sont en silex sénonien. Cela témoigne d’une utilisation de supports variés en ces matières, en liaison avec la réalisation d’une large panoplie d’outils à usage domestique.

98 En effet, les supports d’outils à usage domestique sont intégrés dans la chaîne opératoire de production d’armatures par la récupération de sous-produits de formes diversifiées, même corticaux.

99 Les groupes ont alors choisi de transporter la matière sous forme variée, y compris brute. Cela permet, lors du débitage, la récupération sur place de sous-produits pour

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subvenir à différents types de besoins, traduisant ainsi une certaine économie du débitage (Perlès 1991).

2.3.3 - Des éléments pour une hypothèse d’homogénéité, premières données interprétatives

100 La présente étude typo-techno-économique apporte des éléments de réflexion sur la question de l’homogénéité de la série. Formulons dans un premier temps, l’hypothèse où la couche E correspondrait à un palimpseste d’occupations : il est alors possible d’envisager l’appartenance des lamelles à dos tronquées et du schéma unipolaire convergent qui leur est associé à un ensemble distinct du reste. Les acteurs de l’ (ou des) occupation(s), relative(s) à cet ensemble, privilégieraient ainsi l’exploitation des silex jaspéroïdes au détriment de l’autre matière locale, le jurassique. D’autres occupants auraient alors eu une stratégie d’exploitation des ressources locales inverse, privilégiant pour leur part les silex du Jurassique.

101 Or, les remontages témoignent clairement de la succession possible de deux des principales modalités opératoires – unipolaire convergente et prismatique à deux plans de frappe – pour l’exploitation d’un même bloc, démontrant leur appartenance au même ensemble. Ainsi, les différents groupes peuvent utiliser des schémas opératoires similaires, privilégiant l’un ou l’autre. Sur quels critères pouvons-nous alors distinguer des ensembles différents au sein des silex allochtones ? En effet, ces derniers sont exploités suivant toutes les modalités et ont la particularité de représenter l’ensemble de l’outillage de la couche E, contrairement aux silex locaux. Au final, aucun argument ne nous permet d’écarter les lamelles à dos tronquées du reste de l’ensemble.

102 Au contraire, il nous semble que le traitement différentiel des variétés de silex témoigne d’une complémentarité au sein d’une stratégie d’exploitation des ressources siliceuses, les regroupant dans le même ensemble archéologique.

103 Il y a donc eu, selon notre interprétation, une exploitation adaptée des ressources locales au cours d’une occupation (ou de plusieurs occupations réalisées dans un temps relativement court par le même groupe). Ces matières, suivant leurs propriétés mécaniques, remplissent des objectifs différents dont l’usage peut être immédiat ou différé : les lamelles à dos tronquées produites sont abandonnées sur place tandis que les pointes de la Gravette sont vraisemblablement exportées.

104 Néanmoins, demeure le cas des éléments caractéristiques du faciès « rayssien », qui ont toujours été en marge de cette étude. Ils sont beaucoup plus discrets et aucun raccord de débitage n’a permis de les mettre en relation avec les autres éléments gravettiens. En reprenant l’hypothèse d’un palimpseste, il est possible d’envisager l’existence d’un ensemble correspondant à un faciès rayssien « pur » tel qu’il a été défini par L. Klaric – dépourvu de pièces à dos et de schémas opératoires d’obtention de supports rectilignes (Klaric, 2003) – mélangé au reste de l’assemblage. Cependant, ces éléments « rayssiens » n’ont pas de localisation particulière, ils sont présents sur l’ensemble du niveau. De plus, les burins du Raysse sont réalisés dans des matières presque exclusivement allochtones. Les nucléus laminaires sont rares et débités selon une modalité, certes proche de la méthode du Raysse, mais qui semble mal maîtrisée. Au final, il est difficile d’isoler ces éléments pour reconstituer un niveau archéologique à part entière. Cela impliquerait par ailleurs le même cas de figure pour les autres niveaux gravettiens des

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Fieux qui présentent la même association. Par conséquent, il nous semble plus réaliste de considérer que l’ensemble de la couche E est homogène.

3 - La couche E au sein du technocomplexe gravettien : éléments de réflexion et d’interpretation

3.1 - La couche E : un exemple de stratégie d’acquisition et d’exploitation des ressources siliceuses d’un groupe gravettien

3.1.1 - Une exploitation raisonnée des matières premières

105 Résumons à présent les données que nous avons sur les différents types de matière première :

106 Les silex allochtones du Sénonien ont produit en grand nombre des outils à usage domestique. Ces derniers sont réalisés à partir des sous-produits de la chaîne opératoire de production d’armatures. Ainsi, les matières allochtones sont polyvalentes et peuvent être qualifiées de « matière première de voyage », utilisées en réponse à l’ensemble des besoins que peut avoir le groupe durant ses déplacements, induisant un transport sous forme variée de la matière, du bloc brut à l’outil.

107 Ce stock diminuant en quantité mais aussi en volume, le groupe a exploité une matière locale - le Jurassique - adaptée pour la production de supports laminaires relativement robustes afin de restaurer le stock de matière première, anticipant les besoins des futurs déplacements au sein du territoire.

108 Les silex jaspéroïdes ont fait l’objet d’une exploitation adaptée et orientée principalement vers la production de lamelles à dos tronquées. De plus, l’absence de fractionnement de la chaîne opératoire révèle un usage immédiat plus spécifique que pour les silex du Sénonien. Ce phénomène est révélateur d’un investissement technique fort dans la production d’armatures que l’on est tenté de mettre en relation avec l’activité de chasse pratiquée aux abords du site.

109 Ainsi, sans parler de réelle économie des matières premières, des préférences se manifestent dans l’exploitation des ressources siliceuses. Elles révèlent une adaptation du groupe aux opportunités offertes par les ressources locales et un investissement technique raisonné pour répondre à des objectifs présents ou futurs, complété par l’anticipation que constitue l’apport de matière première de voyage. Tout ceci donne une image d’un groupe maîtrisant son parcours au sein d’un territoire dont l’étendue et le mode d’exploitation restent à préciser.

3.1.2 - Réflexion sur la souplesse adaptative des Gravettiens

110 Le bilan effectué sur l’exploitation des ressources siliceuses de la couche E illustre un modèle bien connu : « …[les stratégies économiques] peuvent être le résultat d’une cascade d’interactions entre trois types de contraintes : ressources du milieu, possibilités techniques au niveau des procédés et des méthodes, enfin besoins en produits finis » (Geneste 1991, p.16).

111 Les ressources du milieu ont été exploitées de manière adaptée à leurs propriétés. Ce phénomène dévoile un comportement gravettien relevant d’une certaine souplesse, ce qui va à l’encontre de l’image que l’on peut avoir d’un groupe qui se bornerait à

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transporter sur des kilomètres une matière première de qualité, leur permettant de mettre en œuvre un schéma opératoire pour une production normalisée. Les études récentes tendent à montrer que les groupes gravettiens peuvent utiliser des schémas opératoires variés dans leur production, possèdant une gamme élargie de possibilités techniques (Digan 2001 ; Klaric 2003 ; Lucas 2000 ; Pesesse 2003). L’ensemble de la couche E illustre le lien pouvant exister entre la variabilité de certains schémas, les différentes matières présentes dans l’environnement et le statut d’une production anticipée ou à usage immédiat.

112 En développant l’idée de l’interaction entre les trois types de contraintes énoncées, la question de leur hiérarchie se pose : dans le cas des Fieux, est-ce parce qu’ils cherchaient à produire des lamelles à dos tronquées que les paléolithiques ont ainsi exploité les silex jaspéroïdes ? Ou bien est-ce la présence de silex jaspéroïdes dans l’environnement de l’occupation qui a favorisé la production de ce type de produit, entraînant l’accroissement de la catégorie des lamelles à dos tronquées ?

113 Autrement dit, jusqu’où va la capacité d’adaptation du tailleur et par la même la souplesse des Gravettiens ? La diversité des armatures ne peut-elle pas être le résultat d’une recherche de combinaison optimale des trois types de contraintes pour répondre à l’objectif d’une occupation spécialisée ?

114 Cela ne résout pas la question de l’association des éléments dits « rayssiens » aux armatures à dos et aux schémas producteurs de leurs supports. L’originalité de la couche E soulève néanmoins la question de la fonction du site et des implications d’une éventuelle spécialisation dans la constitution des assemblages.

3.1.3 - Conséquence sur l’interprétation des assemblages gravettiens

115 Interpréter l’originalité de certains assemblages gravettiens du fait de la fonctionnalité de l’occupation a déjà été énoncé auparavant. Cependant, très peu ont entamé des démarches d’études concrètes étayant cette hypothèse (Rigaud 1978, 1985).

116 Aujourd’hui la technologie lithique, associée à la pétroarchéologie, permet l’insertion de l’industrie lithique au sein d’une stratégie d’acquisition et d’exploitation des ressources minérales. Cette ouverture amène une vision plus globale de l’occupation du site, replacée au sein d’un territoire parcouru par le groupe. Des éléments de réponse à la question de la motivation de leurs déplacements et de l’éventuelle spécialisation des occupations pourront être avancés. Les hypothèses énoncées devront ensuite être testées par les études archéozoologiques. L’accumulation de ces démarches permettra de valider ou non l’hypothèse de la spécialisation des occupations comme l’un des facteurs du polymorphisme des assemblages gravettiens.

117 Les résultats de l’étude menée sur l’ensemble de la couche E apportent des éléments de réflexion sur les stratégies d’acquisition et d’exploitation des matériaux siliceux des groupes gravettiens. Parcourant des environnements différents, ils ont pu développer une souplesse adaptative leur permettant d’optimiser les opportunités offertes par les ressources de leur environnement proche, en fonction de leurs objectifs spécialisés ou non. Cette souplesse technique des groupes gravettiens, pouvant avoir un impact conséquent sur la constitution même de l’outillage, demande à être étudiée.

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3.2 - Quelle attribution chrono-culturelle ?

3.2.1 - Reprise de l’hypothèse d’un palimpseste : conséquence sur l’attribution chrono-culturelle

118 Même si l’étude typo-techno-économique étaye l’hypothèse d’homogénéité de l’ensemble de la couche E, envisageons une nouvelle fois le cas d’un palimpseste et voyons les attributions chrono-culturelles qui en découlent : les éléments « rayssiens » constitueraient un ensemble archéologique à part entière, mélangé à un ensemble gravettien à gravettes et lamelles à dos tronquées.

119 Ce dernier, en l’absence de stratigraphie, peut être attribué au Gravettien ancien ou évolué, gardant dans les deux cas un caractère atypique par la présence de nombreuses lamelles à dos tronquées.

120 Certaines pointes de la Gravette portent une retouche de « type Vachon » à l’extrémité basale (n=6). Il semble que cette dernière affecte principalement les pointes du Gravettien moyen du Périgord et des Pyrénées 2. Elle est néanmoins présente dans les couches ancienne (couche 5) et récente (couche 3) de l’ (Bricker 1995 ; Simonet A. 2005) et se trouve très bien représentée dans l’une des couches du Gravettien récent de l’Abri des Peyrugues (couche 22) (Allard 1994-1996). Il est donc difficile, dans l’état actuel des recherches sur la structuration du Gravettien, d’interpréter d’une manière chronologique la présence de cette retouche sur les pointes de la Gravette de la couche E des Fieux.

121 L’importance des lamelles à dos tronquées n’a, jusqu’à présent, été mis en avant que dans l’industrie de la couche 2 de L’Abri Pataud. Cette caractéristique aurait tendance à rapprocher l’ensemble du Gravettien final (ex « Protomagdalénien »), mais ce faciès – défini principalement d’une part, par la présence de grandes lames retouchées, supports de burins majoritairement dièdres ou de grattoirs, d’autre part par l’absence (ou la rareté) des pointes et micropointes de la Gravette – ne correspond pas à la couche E (Bordes F. 1978 ; Bordes F. et Sonneville-Bordes 1966 ; Bricker 1995 ; Clay 1968 ; Movius 1958 et 1968 ; Sonneville-Bordes 1960 ; Guillermin en cours) 3.

3.2.2 - Les données du sud-ouest de la France, hypothèses interprétatives

122 Par ailleurs, aucun ensemble « purement rayssien » (similaire à la Picardie) n’a été trouvé dans le Sud-Ouest de la France : les burins du Raysse sont toujours associés à des pièces à dos, à l’exemple de l’Abri Pataud (c.4), du Flageolet I (c.VII,VI et V) et de Solvieux (c. III.2 et M.6), (Bricker 1995 ; David 1973 ; Klaric 2003 ; Lucas 2000, 2002 ; Pottier 2005 ; Rigaud 1969 et 1982 ; Sackett 1999). En outre, cette coexistence est quasi- systématiquement associée à la présence de burins de Noailles 4.

123 Aux Fieux, ces éléments sont absents mais si le burin du Raysse est un marqueur chrono-culturel fort, il nous permet d’attribuer l’occupation de la couche E des Fieux au Gravettien moyen à burins du Raysse.

124 Ainsi, la couche E des Fieux vient rejoindre les séries du sud-ouest de la France, questionnant les différentes hypothèses d’interprétation du faciès « rayssien ».

125 L’étude de la couche 4 de l’Abri Pataud a amené N. David, et par la suite C. Pottier, à définir un faciès noaillien, indépendant de la lignée gravettienne (David 1973 ; Pottier 2005). Pour N. David, le Noaillien inférieur, riche en burins de Noailles, évoluerait vers

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le Noaillien supérieur, riche en burins du Raysse. C. Pottier n’établit pas ces subdivisions, considérant une évolution continue, sans aucune rupture.

126 La couche E contribue difficilement à étayer cette vision : d’une part elle ne possède aucun burin de Noailles, d’autre part, la présence importante de pièces à dos ainsi que les schémas opératoires décrits rapprochent indubitablement la série de la famille gravettienne au sens large.

127 En revanche, si nous nous référons au modèle maintenant le Rayssien dans une lignée évolutive gravettienne (Bosselin et Djindjian 1994), les burins du Raysse remplaçant les burins de Noailles, l’absence de ces derniers peut être interprétée comme un caractère évolué de la série. Notons cependant que l’explication des auteurs sur un changement motivé par une évolution technologique des burins est remise en question (Klaric 2003 ; Pottier 2005).

128 L. Klaric vient ébranler cette vision évolutive et avance une troisième hypothèse : celle de la considération du Rayssien comme une tradition technique distincte du reste de la lignée gravettienne, y compris du faciès moyen à burins de Noailles (Klaric 2003). Il s’appuie sur les gisements de la Picardie et d’Arcy-sur-Cure, révélateurs d’une utilisation exclusive d’un système technique dit « rayssien », profondément différent des systèmes gravettiens (plus anciens et plus récents) destinés à l’obtention de supports de pièces à dos. Ce modèle septentrional doit être testé par les ensembles du Sud-Ouest. En effet, ces derniers, parmi lesquels nous intégrons à présent la couche E des Fieux, révèlent l’association de ces deux systèmes.

129 Si nous poursuivons l’idée de L. Klaric, il est alors possible d’envisager l’existence de groupes différents porteurs de ces traditions techniques. Auquel cas, pourquoi ne pas avancer l’hypothèse selon laquelle cette coexistence est le témoignage de liens entre un groupe gravettien méridional avec un groupe « rayssien » plus septentrional ? Cela s’accorderait bien avec la quasi-exclusivité de l’emploi de matériaux allochtones pour la confection des burins du Raysse ainsi que la rareté et la maladresse dans l’emploi de la modalité laminaire qui leur est associée.

130 Cette hypothèse appuierait la thèse de la contemporanéité de deux groupes, souvent décrits comme noaillien et rayssien. Il est néanmoins difficile de rattacher la couche E au premier en l’absence de burins de Noailles, même si ce caractère peut être attribué à l’éventuelle spécialisation de l’occupation. Il est alors possible d’envisager la perduration de ce phénomène de contemporanéité dans les faciès récents.

131 Nous ne pouvons conclure sur ces différentes interprétations. Une séquence stratigraphique plus septentrionale, apporterait par ailleurs des éléments déterminants dans ces considérations. Les études doivent être multipliées, axées notamment vers la pétroarchéologie.

4 - Conclusion

132 L’étude de la couche E des Fieux met en valeur plusieurs caractères problématiques inhérents aux assemblages gravettiens. Les premières étapes de son étude montrent les dangers que peut comporter une interprétation chrono-climatique du remplissage des gisements.

133 Ensuite, l’originalité de la série pose des questions déjà soulevées par différents préhistoriens confrontés à l’interprétation du polymorphisme des assemblages

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gravettiens, notamment de l’impact de la fonctionnalité du site sur la constitution des assemblages. La technologie lithique replace l’ensemble lithique au sein d’une stratégie économique d’exploitation des matières premières, induisant une réflexion sur la mobilité du groupe (Chalard et al. 2006). Ces éléments ne pourront réellement donner corps à une modélisation de l’exploitation et de l’occupation d’un territoire que confrontés aux données d’autres spécialités telles que l’archéozoologie.

134 Néanmoins, les éléments de stratégies économiques décelés aux Fieux révèlent une véritable souplesse adaptative d’un groupe gravettien optimisant les opportunités offertes par leur environnement en fonction de leurs objectifs, pouvant peser sur la variabilité des assemblages. Cette adaptation peut alors mettre en valeur différentes facettes de leur système technique en fonction des étapes du parcours du territoire. De nouveaux critères de comparaisons de gisements, replacés dans leur contexte, peuvent ainsi être définis.

135 Enfin, concernant la dimension culturelle d’un faciès gravettien, l’ensemble de la couche E amène également des éléments de réflexion sur l’interprétation de la présence de burins du Raysse dans les séries du sud-ouest de la France. Ces derniers étaient jusqu’à présent considérés comme des marqueurs forts du Gravettien moyen mais les travaux récents (Klaric 2003), remettent en question cette vision chronologique, introduisant une dimension géographique. Il décrit ainsi un faciès septentrional « purement » rayssien, dépourvu du système de production des armatures à dos. L’association des deux systèmes dans les séries du sud-ouest de la France demande à être interprétée. Ce phénomène peut notamment être envisagé comme le témoignage de contacts et d’échanges entre des groupes contemporains, détenteurs de traditions techniques différentes. Quoi qu’il en soit, d’après les stratigraphies du Sud-Ouest et dans l’attente de nouvelles données, l’ensemble de la couche E pourrait être attribué au Gravettien moyen, mais l’absence de burins de Noailles plaide en faveur d’un caractère plus évolué de la couche E, la rapprochant du Gravettien récent.

136 Ainsi, les trois prismes d’interprétation du polymorphisme du technocomplexe gravettien sont toujours d’actualité, regroupant la chronologie, le régionalisme et la fonctionnalité des sites.

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ANNEXES

Abridged English version

The site of “Les Fieux” is located on the causse of Gramat and was excavated by F. Champagne from 1967 till 1991 (fig. 1). The central area of the site consists of a dip created by the collapsing of a karstic gallery situated bellow. Several porches at both eastern and western extremities at the same level proove that the gallery network had some extension. (fig. 2). The stratigraphy of this site is shown in various manner accordingly to each area. It expresses some occupation evidences over a wide chronological period of time from mousterian till neolithic period (fig. 3). Within this stratigraphy, the layer E comes out due to its volume and the eccentricity of its content. It consist of a thick layer of silt covering cryoclastics deposits. Fernand Champagne interpreted this phenomenon as an evidence of a post-würmien climatic change dating from the “Epipaléolithic” (fig. 4). Based on this assumption it was later interpreted as corresponding to the final Gravettian industries. The recent re-study of the material revealed the presence of Gravette’s points and micro points (fig. 5) associated to their standard operative procedure followed to obtain their support, so described as “bipolar” (fig. 13), as well as the “burins du Raysse” (fig.

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6). All these elements allow the connection of the layer E to the Gravettian period. Unfortunately, the stratigraphic data for the various area of the site cannot be exploited to support this connection further. On the Western area, the gravettian evidences are very weak and no specific layer was yet individualised. Nevertheless, one shall mention the presence of one point of “Font-Robert”, and several points of “Gravette” as well as some “burins du Raysse” shall be noticed. (fig. 10). On the East, F. Champagne presents a stratigraphy mapping where the main Gravettian area, layer E, with the Solutrean layer (F1a), would be overlapping two Gravettian layer (F1b and F1c) and one Aurignacian layer (F2) (fig.7). One of the two first Gravettian layer, F1c, was dated from 23 900 ± 330 BP (Gif 6303). Nevertheless, these two places represent a weak number of findings (Around fifty tools) and their profile was not determined precisely. sAlso, the F1a layer gathers some Gravettian elements, and some Solutrean tools that were found during the excavation extension towards the eastern porch in an area where the E layer is not present anymore (fig. 8). This finding forces to reconsider the idea that the E layer was above one solutrean layer. The truth is that the entire stratigrafic mapping needs to be reconsidered. In this new study, one shall definitively limit ourselves to the Central area where the lithical remainings clearly corners one Archeological layer (fig.9 et 11).

The determination of this peculiar assemble, is mainly based on the typo-technologic study of the material.

The high proportion of projectile points, viewed as a consequence of the specialization of the site in cynegetic activities, emphasizes the functional factor in this interpretation. The latter can answer partially the question posed by the uncommon association of different types of tools in the collection of layer E. On one hand, the backed truncated bladelets are numerous within a collection where Gravette’s points and micropoints de la Gravette are well represented, and reveal a strategy to exploit mineral resources which is very adapted to the environnement, optimized to reach the objective of a specialized occupation. These were mainly produced with a very specific and local flint, Jaspéroïds Infralias (fig.15). The structure of this raw material has a thiner grain fitting better to the production of thin and sharp projectile points. This material quality seems to be seeked mostly for lateral projectile points. The carver followed a converging unipolar procedure fitting both to the production of sharp tools, and to a raw material with a thin grain (fig.14). This observation reveals a strong technical investment highly related to the hunting that was performed around the site. The preferences in the exploitation of various flint resources, demonstrate the economical group strategy that seems to have one important impact in the assembly building (fig.15). On the other hand, L. Klaric proposes a septentrional model of the “Gravettien moyen à burins du Raysse”. That opens the discussion on the interpretation of the collections from South-West of France, which combine rayssiens elements to those of a production system of backed pointes. Thus, the three prisms of the gravettian technocomplex polymorphism interpretation are of topicality, gathering the chronology, the regionalism and the function of the site.

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RÉSUMÉS

Le matériel lithique de la couche E du gisement des Fieux avait été attribué à l’Epipaléolithique puis au Protomagdalénien par F. Champagne qui fouilla le site de 1967 à 1991. La présence de pointes et micropointes de la Gravette ainsi que des burins du Raysse permet, de fait, de rattacher cet ensemble au Gravettien. Cependant, la question de son originalité demeure. Celle-ci ne peut être interprétée comme la conséquence d’un processus taphonomique, l’étude technologique et typologique appuyant l’hypothèse d’homogénéité de la majeure partie de l’ensemble. Par ailleurs, la forte proportion d’armatures, envisagée comme une conséquence de la spécialisation du site dans l’activité cynégétique, met en avant le facteur fonctionnel dans cette interprétation. Celui-ci est en mesure de répondre partiellement à la question de l’association peu commune de différents types d’outils dans l’ensemble de la couche E. D’une part, les lamelles à dos tronquées, nombreuses au sein d’un ensemble où les pointes et micropointes de la Gravette sont bien représentées, témoignent d’une stratégie d’exploitation des ressources siliceuses très adaptée à l’environnement, optimisée pour répondre à l’objectif d’une occupation spécialisée. D’autre part, d’après les travaux de L. Klaric sur le Gravettien moyen à burins du Raysse dans la partie septentrionale de la France, l’interprétation des assemblages du Sud-Ouest de la France associant des éléments rayssiens à ceux d’un système de production d’armatures à dos, doit être discutée. Ainsi, les trois prismes d’interprétation du polymorphisme du technocomplexe gravettien sont toujours d’actualité, regroupant la chronologie, le régionalisme et la fonction des sites.

INDEX

Keywords : economic strategy, flint technology, Gravettian, polymorphism, Quercy, specialization Mots-clés : Gravettien, polymorphisme, Quercy, spécialisation, stratégie économique, technologie lithique

AUTEUR

PATRICIA GUILLERMIN Doctorante, UMR 5608/UTAH, Université de Toulouse Le Mirail, [email protected]

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Les pièces esquillées : état des connaissances après un siècle de reconnaissance Splintered pieces: our state of knowledge after a century of research Die ausgesplitterten Stücke: Wissensstand nach einem Jahrhundert Forschung

Foni Le Brun-Ricalens

Il m’est agréable de remercier chaleureusement toutes les personnes qui m’ont prodigué leurs conseils lors de l’élaboration de ce manuscrit, en particulier J. Tixier, H. Floss, J.-G. Bordes, A. Hauzeur, A. Morala, J. Pelegrin, sans oublier les traductions réalisées par M. O’Farrell, C. Szmidt et S. Rick. Le montage infographique des illustrations a bénéficié des talents de J.-N. Anslijn, H.- G. Naton et F. Valotteau.

1 – Introduction

1 Reconnues au début du XXème siècle, les pièces esquillées demeurent une catégorie particulière d’artefacts au sein des industries lithiques préhistoriques. En fonction des critères employés (notions d’ordre taxonomique, approches technomorphologique et fonctionnelle, etc.), elles sont tantôt considérées comme des nucléus, tantôt comme des outils ou des déchets. Après un siècle de recherche, à la lumière des investigations menées ces dernières décennies, cette contribution propose de dresser un bilan des connaissances avec un rappel et une révision critique des données archéologiques, typologiques, technologiques, tracéologiques, ethnologiques et expérimentales.

2 - Historique de l’appellation

2 Le terme « pièce esquillée » semble avoir été proposé la première fois par les abbés Lucien Bardon, Jean et Amédée Bouyssonie en 1906 dans la publication portant sur les fouilles qu’ils effectuèrent sur le site paléolithique de la Coumba-del-Bouïtou 3 en

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Corrèze, France (Bardon et al. 1906 p. 170-175). À cette occasion, ils décrivent également un processus d’obtention expérimenté sur la fouille (Bardon et al. 1906 p. 170, 1908 p. 32) avant les travaux publiés par L. Coutier (1929).

3 Par la suite, plusieurs autres dénominations, parfois combinées ensemble (ex : « ciseau- gouge »), sous-entendant généralement des fonctions particulières, ont été employées dans la littérature pour qualifier et décrire des variantes de ce type d’artefact : « retouchoir »(Leakey 1931 p. 174, « outil esquillé-écaillé »(Breuil 1932 p. 8), « ciseau »4, « gouge », « coin », « chasse-lame », « bigorne »(Cheynier 1934 p. 305), « éclateur »(Octobon 1938 p. 412), « pièce à extrémité martelée »(Tixier 1954 p. 96), « refendoir », « feuillardier »(Saumagne 1957 p. 470-471), « éclat écaillé »(Heinzelin 1962 p. 22), « outil-bar »(Cheynier 1963 p. 147), etc. Ces différents termes peuvent être regroupés sous l’appellation neutre : « pièce esquillée »(Brézillon 1983 p. 288). Divers travaux anglo-saxons (MacDonald 1968 ; Lothrop1982 ; Frison 1988 ; Gramly 1990) utilisent pour les « splintered pieces »également d’autres noms : « scaled and splintered flake », « slotting tool », « bifacial lozenge », « wedge ».

4 Suite à la généralisation des classifications typologiques dans la seconde moitié du XXème siècle (Le Brun-Ricalens 2005 p. 23-72), diverses définitions ont été proposées pour caractériser cette catégorie d’artefact (en particulier Sonneville-Bordes et Perrot 1956 p. 552 ; Müller-Beck 1957-58 ; Heinzelin 1962 p. 22 ; Tixier 1963 p. 146 ; Crémilleux et Livache 1976 ; Fiedler 1979 ; Binder 1987 p. 75 ; Pelegrin 1988 p. 367 ; Demars et Laurent 1992 p. 94-95 ; Hahn 1993 p. 248-251). Les pièces esquillées font régulièrement l’objet de débats qui mêlent des considérations d’ordre typologique, technologique, tracéologique, pouvant inclure des données archéologiques, ethnographiques et expérimentales (par exemple White 1968 ; Escalon de Fonton 1969 ; Newcomer et Hivernel-Guerre 1974 ; Mazière 1984 ; Chauchat et al. 1985 ; Eickhoff 1988 ; Le Brun- Ricalens 1989 ; Beugnier 1997 ; Lucas et Hays 2004).

3 - Approche descriptive et définition typologique

5 Artefactgénéralement de forme quadrangulaire présentant fréquemment sur deux extrémités opposées (fig. 1), plus rarement sur une ou les quatre, des esquillements, parfois « bifaciaux » 5, dont les ondes de choc sont souvent bien marquées avec des rides serrées. Les esquillements se développant sur un ou deux versants (face inférieure, supérieure, autre), peuvent être aussi bien courts, rebroussés, qu’envahissants, voire outrepassés. Le bord, en particulier celui qui a été percuté, présente généralement un biseau. Ce « fil tranchant », au délinéament irrégulier ou régulier, droit ou courbe, peut être altéré par des « écrasements mâchurés ».

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Figure 1 - Exemples de pièces esquillées de différents modules provenant de différents sites préhistoriques. 1 et 8 : Coumba-del-Bouïtou (d’après Laurent et Demars 1992) ; 2 : Le Piage (d’après Champagne et Espitalié 1981) ; 3 et 4 : Vogelherd couche IV (d’après Hahn 1977) ; 5, 6, 7 et 10 : Geissenklösterle (d’après Hahn 1988) ; 9 : Hauterive-Champréveyres (d’après Cattin 2002). Figure 1 - Examples of splintered pieces of varied sizes from different prehistoric sites. 1 and 8: Coumba del Bouïtou (after Laurent and Demars 1992); 2: Le Piage (after Champagne and Espitalié 1981); 3 and 4: Vogelherd, couche IV (after Hahn 1977); 5, 6, 7 and 10: Geissenklösterle (after Hahn 1988); 9: Hauterive- Champréveyres (after Cattin 2002).

6 Ces esquillements ne sont pas des retouches, mais des enlèvements présentant des stigmates de percussion/utilisation. Il n’est pas rare d’observer des pièces esquillées présentant des traces de fracturation orthogonales plus ou moins importantes (« éclats d’esquillé », Demars et Laurent 1992 p. 95). Ces fracturations peuvent parfois détacher sur le bord une lamelle de section triangulaire ou trapézoïdale assez proche de la lamelle coup de burin, appelée « lamelle d’esquillé »(Demars et Laurent 1992 p. 95) (cf. également paragraphe 3.1, stade 3 d’utilisation), voire un éclat « janus »(Newcomer et Hivernel-Guerre 1974 p. 124-126 ; Tixier et al. 1980 p. 90) (fig. 4, n° 3 et 6) proche d’un petit « déchet Kombewa »(Inizan et al. 1995 p. 73 ; Tixier et Turq 1999).

4 - Approches technologiques et expérimentales

4.1 - Données technologiques

7 Les pièces esquillées ont été réalisées sur différentes catégories de support : petit bloc, éclat/lame, fragment de lame/éclat, retouché ou non, voire des petits nucléus recyclés (ausgesplitterte Kerne, Hahn 1988, pl. 32 n° 6). Ont été sélectionnés de préférence aux produits « d’intention première »(Pelegrin 1986), des supports de « second choix »(Pelegrin op. cit.), des sous produits issus de différentes phases de la ou des

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chaînes opératoires mise(s) en œuvre ou des outils (usés, cassés, etc.) recyclés (Bardon et Bouyssonie 1906 p. 170 et 171).

8 Divers modules quadrangulaires courts ou allongés, sur éclat ou (fragment de) lame, peuvent être rencontrés. Ces modules reflètent le « style »des industries réalisées en fonction des matières premières disponibles et des techniques de débitage employées sur les gisements (Brézillon 1968 ; Rozoy 1968 ; Lenoir 1975 ; Tixier et al. 1980 ; Demars 1986).

9 Les nombreuses rides serrées observables sur les négatifs d’esquillements suggèrent que les pièces esquillées ont été percutées avec force (Tixier 1963 p. 147), généralement à l’aide d’un matériau dense constitué de grains à très forte cohésion (Pelegrin 2000 p. 79-80).

10 Trois stades ont été reconnus : 1. début d’esquillement sur un bord, 2. détachement d’éclats esquillés, esquillements envahissants, parfois « bifaciaux »5, et utilisation d’autres bords, 3. emploi intensif entraînant la fragmentation de la pièce ; avec l’obtention d’éclats ou/et de « lamelles d’esquillé »(Demars et Laurent 1992 p. 95, n° 10) (fig. 1, n° 8), encore appelées « bâtonnets »(Tixier 1963 p. 147). Ces enlèvements proches des « accidents Siret »(Bordes 1961 p. 32) évoquent parfois certaines chutes du burin de Corbiac (Bordes 1970a p. 108), ainsi que des « pseudo-burins »et « outils a posteriori »(Bordes 1970b p. 200-201).

11 Les divers stigmates technologiques décrits 6 peuvent provenir aussi bien d’une percussion indirecte posée que d’une percussion directe lancée, bien que cette dernière hypothèse soit rarement évoquée (Rigaud 1977). La première catégorie comprend deux types d’utilisation non exclusifs l’un de l’autre, à savoir un emploi comme « nucléus »ou comme « pièce intermédiaire ». La seconde peut nécessiter une fixation/insertion à un manche.

12 L´hypothèse anciennement proposée pour le débitage indirect, proposant l’utilisation d’une pièce esquillée comme « chasse-lame »en pierre (Cheynier 1934 p. 305) ne semble pas recevable (Tixier 1963 p. 146). De plus, à notre connaissance, aucun exemple ethnographique employant ce type de procédé n’est actuellement connu.

4.2 - Données expérimentales

Percussion indirecte posée

13 Une pièce esquillée est obtenue aisément avec un percuteur minéral dur en frappant verticalement dans l’axe d’un artefact posé de champ sur un support plus ou moins compact et résistant. L’artefact, employé comme nucléus ou pièce intermédiaire, est tenu au début de l’opération entre les doigts ou avec une baguette fendue, tandis que le matériau-support (à travailler ou non) est posé sur un appui (jambe, sol, autre). Après plusieurs coups verticaux dans l’axe du support, il se forme alors rapidement, sur une ou deux faces, des esquillements évoquant les fractures en « split »partant en plus grande partie du bord frappé, mais aussi parfois de l’autre extrémité posée par contre coup (Barham 1987), en particulier si le matériau dormant est dur, telle une enclume en pierre.

14 Quelles que soient les orientations utilisées, on obtient une pièce qui s’esquille principalement sur le bord qui est percuté (Tringham et al. 1974 ; Le Brun-Ricalens

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1989). Le « fil »de ce bord, souvent rapidement « coupant », peut s’incurver en fonction de l’angle de percussion et d’utilisation (perpendiculaire ou oblique) mais aussi en fonction de la morphologie de la pièce (Migal 1987). Ainsi, les pièces esquillées exécutées sur un artefact à profil dissymétrique tel un grattoir à retouches abruptes auront tendance à s’esquiller tout d’abord sur la face inférieure7(Rigaud 1977) évoquant les « grattoirs-gouges »(Nelissen 1956 p. 49 ; Brézillon 1968 p. 240) et les « ciseaux »(Bordes 1967 p. 51). En effet, les enlèvements présents sur la face supérieure (front du grattoir en l’occurrence) jouent le rôle d’un « dos/plan de frappe »jusqu’à la « reprise d’équilibre morphologique »du plan de symétrie entre les deux faces d’esquillement (fig. 2). De ce fait, eu égard aux contraintes qu’imposent les lois physiques, « l’axe de percussion »tendra rapidement à se confondre avec le « plan axial de symétrie morphologique »(Le Brun-Ricalens 1989 p. 199).

Figure 2 - Différentes étapes d’une « reprise d’équilibre morphologique »(esquillement préférentiel de la face inférieure) d’une pièce esquillée obtenue sur un outil, en l’occurrence un grattoir double, au sens typologique, (d’après Le Brun-Ricalens 1989). Figure 2 - Different stages of the “reworking of the morphological equilibrium” (preferential splintering of the ventral face) of a splintered piece realized on a tool, in this case a double scraper, in the typological sense (after Le Brun-Ricalens 1989).

Percussion directe lancée

15 Comme précédemment après avoir sélectionné un support suffisamment grand et lourd pour pouvoir être emmanché (insertion ou maintien par ligature, etc.). Les résultats sont similaires à ceux décrits ci-dessus, hormis le fait que c’est le bord percutant qui s’esquille préférentiellement (Rigaud 1977 ; Caspar et al. 1998 ; Brenet et al. 2001).

5 - Approches fonctionnelles

16 L’usage des pièces esquillées demeure difficile à appréhender car il semble recouvrir diverses activités. Parallèlement à la production de supports lithiques (hypothèse nucléus), le façonnage de matières dures périssables (bois végétal et animal, os, ivoire,

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etc.) souvent évoqué (hypothèse outil), est confirmé par les quelques données tracéologiques disponibles (Gassin 1996 ; Beugnier 1997 ; Lucas et Hays 2004).

5.1 - Données tracéologiques

17 Les pièces esquillées se prêtent mal à l’étude des micro-traces d’utilisation. Le contact entre la pièce intermédiaire et la matière travaillée pouvant être bref, les traces sont par conséquent peu nombreuses sur l’artefact. De plus, les esquillements provoqués par l’utilisation ôtent rapidement les éventuelles micro-traces (Semenov 1964).

18 Néanmoins, les informations apportées par ce type d’examen microscopique sur des pièces esquillées indiquent, tant pour le matériel paléolithique (Keeley 1980 ; Vaughan 1985a et b ; Symens 1988 ; Christensen 1999 ; Hays et Lucas 2001 ; Plisson et Vaughan 2002 p. 95 ; Lucas et Hays 2004), mésolithique (Rodriguez à paraître), que celui néolithique (Cahen et al. 1986 ; Caspar 1988 ; Beugnier 1997), un débitage et un travail de matières organiques dures (os, bois – animal et végétal –, ivoire), voire minérales (Brenet et al. 2001), et le fait que le bord esquillé ne soit pas forcément le bord actif de l’objet (Chauchat et al. 1985 ; Lucas et Hays 2004).

5.2 - Interprétations : hypothèses de travail, données archéologiques et ethnographiques

19 L’interpétation la plus courante des pièces esquillées est celle d’un nucléus et/ou d’une pièce intermédiaire de percussion indirecte posée présentant des traces d’utilisation par percussion violente, dont la morphologie résulte d’un emploi plus ou moins prolongé (voir paragraphes 2 et 3).

5.2.1 - Nucléus à esquilles

20 L’emploi de certaines pièces esquillées comme nucléus bipolaires (bipolar scalar core) destinés à fournir des petits enlèvements plus ou moins allongés a été, d’une part, démontré pour certains sites paléolithiques, en particulier dans les grottes de Barbera (I) (Cancellieri et al. 2001) où le débitage est proche de la fracturation en « split »(D’Angelo et Mussi 2005), sur les sites de Buraca Grande, de Buraca Escura et du Salto do Boi (P) (Aubry et al. 1997), et, d’autre part, proposé pour des gisements épipaléolithiques (Orliac et Orliac 1973) et mésolithiques européens (Aubry et al. 1998 ; Zilhão et al. 1997 p. 293-295), mais aussi néolithiques (Guyodo et Marchand 2005), ainsi que pour des séries africaines (Gobert 1958 p. 40 ; Tixier 1963 ; Barham 1987 ; Jones 1994 ; Villa et al. 2005 p. 413-415), nord- (Patterson et Sollberger 1976 ; Cresson 1977 ; Haynes 1977 ; Russel-Stafford 1977 ; White 1977 ; Hayden 1980 ; Schott 1999) et sud- américaines (Chauchat et al. 1985 p. 38 ; Mansur-Franchomme 1986).

21 Ce type de production (percussion posée sur enclume en tapant verticalement dans l’axe du support) effectuée souvent à partir de matériau de très bonne qualité, permet d’obtenir de nombreux produits fins et coupants, éclats et lamelles d’esquillé dont le gabarit est néanmoins difficile à standardiser.

22 Sur le plan ethnographique (Schott 1989), de tels procédés de « nucléus à esquilles »sont connus notamment en Nouvelle-Guinée (White 1968) et en Australie (Kamminga 1971). De nombreux éclats obtenus par percussion bipolaire sont fixés sur

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des pointes de sagaie appelées « death-spears »(Chauchat et al. 1985). Ces armes évoquent certains rares exemplaires archéologiques paléolithiques attribués au Magdalénien (Allain et Descouts 1957) et mésolithiques (Rust 1943 ; Taute 1968 ; Rozoy 1978 ; Nuzhnuyj 1989).

5.2.2 - Pièce intermédiaire

23 L’utilisation de pièces esquillées – emmanchées ou non – comme « outil »intermédiaire pour fracturer, fendre, cliver, fractionner, dégrossir, entailler, creuser, couper, etc., peut s’effectuer en percussion posée ou lancée. En percussion posée, deux catégories : types « coin »et « gouge »(Lindner 1960), peuvent être distinguées en fonction de l’angle (perpendiculaire ou oblique) de travail (Leroi-Gourhan 1971 p. 58). En percussion lancée 8 (Rigaud 1977 ; Caspar et al. 1998) deux autres catégories (types « herminette »et « hache »), peuvent également être individualisées en fonction de la fixation (perpendiculaire ou oblique) du « tranchant »par rapport au manche.

5.2.3 - Considérations archéologiques

24 Sur le plan archéologique, ces dernières décennies, les études de répartition spatiale des industries lithiques et osseuses, ainsi que la pratique systématique des remontages (fig. 3, 4 et 5), permettent de renouveler les approches palethnologiques. Les travaux de cette nature concernant les pièces esquillées sont encore rares. Ces analyses comportementales favorisées notamment par l’examen dynamique des raccords d’esquilles de pièces esquillées, tendent à montrer, au Paléolithique, une utilisation immédiate de ces dernières, en particulier à proximité de foyers comme à Hauterive- Champréveyres (CH) (Leesch 1997 ; Cattin 2002). Par ailleurs, sur certains sites aurignaciens comme à Beauville-» Hui »(F), une relation avec certains percuteurs « à cupules »a également été proposée (Le Brun-Ricalens 1989, 1996) mais n’est pas systématique (Perpère et Schmider 2002).

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Figure 3 - Exemples de remontages de pièces esquillées. 1, 2 et 3 : Geissenklösterle (d’après Hahn 1988) ; 4 et 5 : Hauterive-Champréveyres (d’après Cattin 2002). Figure 3 - Examples of refit splintered pieces. 1, 2 and 3: Geissenklösterle (after Hahn 1988); 4 and 5: Hauterive-Champréveyres (after Cattin 2002).

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Figure 4 - Exemples de remontages de pièces esquillées de l’Aurignacien ancien (inédits) : 1, 2, 3 et 4 : Le Piage (Fajoles, Lot) ; 5, 6 et 7 : Hui (Beauville, Lot-et-Garonne). Dessins F. Le Brun-Ricalens. Figure 4 - Examples of refit splintered pieces (Aurignacien I): 1, 2, 3 and 4: Le Piage (Fajoles, Lot); 5, 6 and 7: Hui (Beauville, Lot-et-Garonne). Drawings F. Le Brun-Ricalens.

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Figure 5 - Exemples de raccords de pièces esquillées à plan de cassure parallèle à l’axe de percusssion de l’Aurignacien ancien (inédits) : 1 : Le Piage (Fajoles, Lot) ; 2 : Hui (Beauville, Lot-et- Garonne) ; 3 : Le Flageolet I (Bézenac, Dordogne). Dessins 1 et 2 : F. Le Brun-Ricalens, 3 : J.-G. Marcillaud (d’après Lucas et Hays 2004). Figure 5 - Examples of refit splintered pieces (Aurignacien I): 1, 2, 3 and 4: Le Piage (Fajoles, Lot); 5, 6 and 7: Hui (Beauville, Lot-et-Garonne); 3: Le Flageolet I (Bézenac, Dordogne). Drawings 1 and 2: F. Le Brun-Ricalens ; 3: J.-G. Marcillaud (after Lucas et Hays 2004).

25 Pour le Paléolithique, ce sont les séries magdaléniennes, grâce à la conservation fréquente des témoins osseux lato sensu (os, bois, dents), qui proposent les documents les plus significatifs pour appréhender certaines techniques de fracturation et de façonnage. Les pièces esquillées de Châleux (B) pourraient avoir servi à fendre des os longs (Dewez 1985), technique identique à celle observée (et obtenue par expérimentation) à l’abri Fritsch (F) pour le clivage de bois de renne à l’aide de « coin »de silex (Allain et al. 1977 ; Averbouh 2000 ; Goutas 2003). Cette technique semble aussi avoir été utilisée pour se procurer de la moëlle (Morin 2007) dans le site éponyme de La Madeleine (F) pour la fracturation des phalanges de cheval (Bouvier 1979). Le travail de l’ivoire, matériau très résistant, pourrait avoir été débité avec des procédés similaires (Otte 1977 ; Hahn 1995 ; Khlopatchev 2002). Les planches illustrant le site de Brassempouy (F) présentent des « morceaux d’ivoire dégrossis à coups de gouges »(Piette 1907 pl. LXXVI et LXXVII). Dans l’Aurignacien d’Europe occidentale, le double rainurage ne semblant pas usité, la technique de fendage par percussion notamment pour le travail d’ivoire sub-fossile a été proposée (Christensen 1996, 1999 ; White 1996), que cela soit pour la confection d’outils (Leroy-Prost 1975 ; Lollios 1999) ou de sculptures comme la statuette du Hohlenstein-Stadel (D) (Schmid 1989). Par ailleurs, à une échelle plus grande, les proportions différentielles de pièces esquillées constatées dans de nombreuses séries du Paléolithique supérieur nord aquitain (F) pourraient trouver un écho avec les différentes fréquences observées de restes de rennes, relation dont la nature reste à expliciter (Demars 2005).

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26 Au Mésolithique, l’emploi de pièce intermédiaire pour fendre a été reconnu parmi les différentes techniques de fracturation des bois de cerf (David 2002). Au Néolithique, le travail de l’os, du bois végétal et animal, connaît un essor non négligeable avec une diversification des outils, en particulier emmanchés pour des activités spécialisées (MacGrégor 1985). Toutefois, les stigmates observés sur les pièces esquillées néolithiques comme celles de Darion, de Liège-» Place St-Lambert », de Blicquy (B) (Cahen et al. 1986 ; Caspar 1988), de Chalain, de Clairvaux et de la Motte-aux-Magnins (F) (Beugnier 1997), demeurent similaires à ceux rencontrés au Paléolithique et au Mésolithique. Accompagnant le développement des productions agricoles, il a également été envisagé la fabrication de nouveaux outils, en particulier pour dépiquer les céréales (Whallon 1978 ; Ataman 1992 ; Skakun 1992, 1993 ; Anderson et Inizan 1994). Parmi ceux-ci, certains éléments pourraient présenter des similitudes avec les pièces esquillées à l’instar des pièces lithiques insérées par percussion sur un support en bois pour fabriquer des tribulum. Certaines séries néolithiques méditerranéennes étudiées sous cet angle ne confirment pas actuellement cette hypothèse de travail (Gassin 1996 p. 194-195).

5.2.4 - Considérations ethnographiques

27 Sur le plan ethnographique, des artefacts proches des pièces esquillées, appelés « sinews-frayeurs »(effilocheurs de tendons) sont employés en Afrique (Alimen 1955 p. 258) pour fendre des matériaux organiques (animaux ou/et végétaux), notamment pour « diviser les fibres des lianes »(Leakey 1931). A signaler pour une utilisation en percussion lancée, l’importante diversité des montages observables en diverses régions du monde pour l’emmanchement des grattoirs et herminettes (Pétrequin et Pétrequin 1993 ; Brenet et al. 2001).

5.2.5 - Données expérimentales

28 Le travail des matériaux organiques à l’aide de certaines pièces esquillées en percussion directe lancée et indirecte posée (fig. 6) a fait l’objet de différents protocoles expérimentaux (Rigaud 1977 ; Le Brun-Ricalens 1989 p. 198) dans le but de proposer des séries de comparaison pouvant servir de référentiel. À notre connaissance, l’étude actuellement la plus aboutie a été effectuée par G. Lucas et M. Hays. Dans leur contribution publiée en 2004, 48 pièces expérimentales ont été examinées de manière détaillée en les comparant au matériel archéologique aurignacien et périgordien recueilli au Flageolet I. Lors de ces investigations, dans un premier temps ont été fracturés expérimentalement de l’os et du bois, en récoltant, dans la mesure du possible, toutes les esquilles et déchets. Avant et après chaque expérience, chaque artefact a été mesuré et pesé. Ensuite ces artefacts ont fait l’objet de descriptions technotypologiques et d’analyses tracéologiques (27 pièces expérimentales sur 48 et 66 archéologiques) avant d’être classés selon différents critères (dimensions moyennes, matières premières sélectionnées, supports utilisés, poids, emplacement et morphologie des parties actives, types de cassure, etc.). À souligner un apport novateur avec la caractérisation des différentes variétés d’esquilles rencontrées, ainsi que des types de fracture et surfaces de cassure associées (plan de cassure, parallèle ou perpendiculaire, à l’axe de percussion, microcassures avec dièdres). Dans ce travail pionnier, il est proposé d’employer les termes neutres « pôle plan »et « pôle aigu »pour décrire les bords percutés qui permettent de classer les pièces esquillées en trois

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classes en fonction du nombre d’axes de percussion observé. A l’issue de cette étude, les croisements des diverses données amènent les auteurs à se méfier de toute interprétation généralisatrice en rappelant la difficulté de trancher sur la/les fonction(s) des pièces esquillées : « plusieurs processus peuvent aboutir au même résultat »et en invitant à « une analyse spécifique pour chaque site »(Lucas et Hays 2004 p. 119).

Figure 6 - Schéma expérimental proposé pour tester une des hypothèses de travail relatif à l’emploi de certaines pièces esquillées, à savoir comme « pièce intermédiaire »en percussion indirecte posée pour traiter des matières organiques dures ou/et tendres (d’après Le Brun-Ricalens 1989).

Figure 6 - Experimental procedure proposed to test one of the working hypotheses concerning the function of certain splintered pieces, in this case that they served as an “intermediary piece” for the working of hard and/or soft organic materials (after Le Brun-Ricalens 1989).

29 Des diverses expérimentations réalisées, il ressort que dans le cadre des techniques de fragmentation, la fracturation longitudinale de matériau organique (os, bois de cervidé, bois végétal, ivoire) effectuée à l’aide d’une pièce esquillée est plus rapide (Camps- Fabrer et d’Anna 1977 ; Lucas et Hays 2004) et efficace, notamment pour extraire la moelle des os longs (Dewez 1985), que le sciage longitudinal avec un burin (Le Brun- Ricalens 1989). Toutefois, ce dernier est plus précis et moins aléatoire. Ces deux techniques ont pu coexister, et peut-être que dans certains cas, certaines pièces esquillées auraient remplacé certains burins (Pradel 1970). Cette hypothèse pourrait en partie expliquer certaines différences régionales observées entre sites de plein air, sous abris et en grottes (Chauchat et al. 1985 ; Le Brun-Ricalens 1989 ; Demars et Laurent 1992, Demars 2005). Ces différences pourraient exprimer des faciès d’activités particuliers ou/et des choix d’ordre culturel (Binford 1979).

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6 - Attribution chrono-culturelle

30 Rares dans le Paléolithique moyen européen, où il ne faut pas confondre les pièces esquillées avec les artefacts présentant des aménagements de type « Kostienki », les pièces esquillées se rencontrent pendant tout le Paléolithique supérieur – en particulier à l’Aurignacien et au Magdalénien ancien –, mais aussi au Mésolithique, au Néolithique, jusqu’à l’âge du Bronze.

31 Concernant la gestion des ressources minérales, les proportions de pièces esquillées au sein d’industries semblent refléter à la fois des stratégies « économiques »et opportunistes. Ce type de comportement « économe »vis-à-vis de la matière première est particulièrement perceptible au Néolithique ancien (culture du Rubané) en Europe nord-occidentale dans les régions pauvres en ressources siliceuses où les pièces esquillées sont obtenues essentiellement en fin de chaîne opératoire à partir du recyclage d’outils usés, cassés et autres produits de second choix (Löhr et al. 1977 ; Strien 1984 ; Zimmermann 1988 ; Hauzeur 2003).

7 - Bilan

Une technique, plusieurs applications

32 La grande récurrence des pièces esquillées au sein des industries préhistoriques pléistocènes et holocènes peut s’expliquer par le fait que la technique pour les obtenir est facile à mettre en œuvre. Les pièces esquillées sont généralement issues d’un emploi rapide 9 nécessitant à la fois peu de savoir-faire et peu d’investissement technique 10 (Berthelet et Chavaillon 1993). Elles offrent par ailleurs des possibilités et des combinaisons multiples qui en font des artefacts d’appoint appréciés par leur polyvalence, aussi bien dans les sociétés nomades (Bon 2005) que sédentaires. En permettant notamment l’acquisition et le traitement des carcasses animales (confection d’armatures, extraction de la moelle, découpe, etc.) (Patou-Mathis et al. 2005) ou du bois végétal, les pièces esquillées s’avèrent utiles tant dans les sphères d’activités cynégétiques, que domestiques et agricoles.

Les pièces esquillées : outils a posteriori et alii…

33 A l’issue de cette enquête, il ressort que pour chacune des hypothèses présentées : utilisation en percussion directe ou indirecte, comme outil, nucléus et pièce intermédiaire, puis discutées à partir d’éléments aussi bien archéologiques, tracéologiques, ethnographiques, qu’expérimentaux, les pièces esquillées présentent in fine de fortes similitudes morphologiques entre elles malgré des emplois différents. En fonction des périodes, des régions, des sites et des activités, ces ressemblances semblent a priori rendre délicate la reconnaissance des utilisations initiales. Toutefois, comme l’ont souligné dans leur conclusion G. Lucas et M. Hays (op. cit.), « la détermination de la fonction des pièces esquillées nécessite par conséquent une analyse spécifique pour chaque site ». En effet, en suivant l’exemple des travaux récents réalisés sur les industries du Flageolet I (Lucas et Hays 2004) et de Hauterive-Champréveyres (Leesch 1997 ; Cattin 2002), les intentionnalités peuvent souvent être précisées en croisant notamment les examens lithologiques, technologiques, tracéologiques et

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typologiques des ensembles lithiques étudiés en général et des divers éléments en relation avec les pièces esquillées en particulier. Pour chaque cas d’étude, il est bienvenu de veiller à valider ces données à l’aide de référentiels expérimentaux.

34 Afin de continuer à faire avancer la question, il semble nécessaire d’encourager la complémentarité des approches. Dans cette perspective, il est à recommander de les intégrer également aux études de répartition spatiale, avec notamment la prise en compte des informations apportées par les remontages et raccords réalisés au sein des industries lithique et osseuse. Gageons qu’avec le développement en cours d’une véritable dialectique interdisciplinaire, la multiplication des synergies entre les différents protocoles d’études favorisera le renouvellement des points de vue sur les statuts fonctionnels des pièces esquillées. Une telle démarche adaptée à la problématique des pièces esquillées devrait s’avérer pertinente pour entrevoir leurs variabilités et leurs modalités d’utilisation soit comme « nucléus », « outil »11 ou/et « pièce intermédiaire »12. En l’état actuel des connaissances, en l’absence d’arguments 13 démontrant un emploi comme « outil »ou « nucléus », les pièces esquillées sont, par leur technique d’obtention, essentiellement à interpréter comme des « outils a posteriori »(Bordes 1970b).

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ANNEXES

Abridged English version

Recognized at the beginning of the 20th century, splintered pieces remain a particular category of prehistoric lithic artefacts, which, depending on the criteria employed, are sometimes considered as cores, and sometimes as tools or waste. After a century of research, and in light of studies conducted in the last decades, this paper presents a brief historic review and documentary summary of our knowledge of these objects, followed by a critical review and revision of the archaeological, typological, technological, traceological, ethnological and experimental data. The term “pièce esquillée” seems to have been proposed by the Abbots L. Bardon, J. and A. Bouyssonie in 1906. Later, other denominations were employed in the Francophone literature to qualify the variants of this artefact type (outil esquillé-écaillé/splintered- scaled tool, ciseau/chisel, gouge, coin/wedge, chasse-lame/punch, bigorne/anvil, éclateur/flaker, outil-bar/bar-tool etc.), and in the Anglo-Saxon literature to describe “splintered pieces” (scaled and splintered flake, slotting tool, bifacial lozenge, wedge). Following the generalization of typological classifications during the second half of the 20th century, these different terms were regrouped under the neutral designation: “pièce esquillée” (Brézillon 1983).

Typo-technological data

From a typological point of view, a splintered piece is an artefact that generally has a quadrangular form and is frequently splintered, sometimes bifacially, on its two opposing extremities (fig. 1), and more rarely on one or four of them. The shock wave lines of the “splinter” are often very marked and closely spaced. The splinters on one or two faces (inferior, superior, other) can be short, hinged, invasive, or even overshot. The edge, particularly the one that has been struck, is generally bevelled. This irregular or regular, straight or curved “edge cusp” can be altered by crushing and smashing. The splinters are not the products retouching, but rather removals that present stigmata of percussion/utilization. It is not unusual to observe splintered pieces with more or less pronounced traces of longitudinal fracturation, called “éclats d’esquillé” (splinter flake). These fracturations can sometimes detach a bladelet with a triangular or trapezoidal section similar to a burin spall, called a “lamelle d’esquillé” (splinter bladelet) (Demars and Laurent 1992).

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From a technological point of view, splintered pieces are generally realized on varied blank categories: small block, flake/blade, flake/blade fragment, retouched or not. Diverse short or elongated quadrangular forms, on flake or blade blanks (or fragments), were employed depending on the raw materials available and the debitage techniques employed at the sites. The numerous, closely compacted shock waves observable on the splinter scars suggest that the splintered pieces were struck with force. J. Tixier recognized three stages: 1 – beginning of splintering on one edge, 2 – removal of splinter flakes, invasive, sometimes bifacial, splinters, and utilization of the other edges, 3 – intensive utilization leading to the fragmentation of the piece; detachment of flakes and/or “splinter bladelets”, later also called “bâtonnets” (Tixier 1963). The diverse technological stigmata described can result both from indirect bipolar percussion or direct percussion, though this latter hypothesis is rarely proposed.

Experimental data

Indirect bipolar percussion

A splintered piece is easily obtained with a hard stone billet by striking vertically in the axis of the object while it is held with its narrow side against a more or less compact and resistant material. The artefact, employed as a core or intermediary piece, is maintained vertically at the beginning of the operation, with the material-support (to be worked or not) placed on another support (leg, ground, other). After several vertical strikes in the axis of the object, “splinters”, resembling “split” fractures, are formed on one or two faces. The majority of the splinters initiate from the edge that is struck, but also sometimes from the other extremity by repercussion, in particular if the inactive material is hard, such as a stone anvil. Whatever the orientations employed, a splintered piece with splinters located principally on the edge that is struck is obtained. The “cusp” of this edge often rapidly becomes very sharp and can curve inwards depending on either the percussion and utilization angle (perpendicular or oblique), or the morphology of the piece. Therefore, splintered pieces produced on an artefact with a dissymmetrical profile, such as a scraper with abrupt retouch, will tend to splinter first on the inferior face. The removals on the superior face (in this case, a scraper front) function as a “back/striking platform” until the “morphological balance” of the symmetrical plane of the two splintered faces of the piece is “re-obtained” (fig. 2). Therefore, considering the constraints imposed by physical laws, the “axis of percussion” will rapidly tend to be confused with the “axial plane of morphological symmetry”.

Direct percussion

After selecting a blank that is sufficiently large and heavy to be hafted (insertion and maintenance with ligature, etc.), the results are similar to those described above, except that it is now the striking edge that is preferentially splintered.

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Traceological data and experimentation

Splintered pieces are poorly adapted to microscopic use-wear analysis since the contact between the intermediary piece and the material worked is often very brief, thus leaving few traces on the artefact. In addition, the splinters produced during utilization rapidly remove the potential traces from the piece. Nonetheless, the information contributed by the microscopic analysis of splintered pieces indicates that during the Palaeolithic, Mesolithic, and Neolithic, these objects were used for the debitage and working of hard organic materials (bone, antler, ivory, wood), or even mineral materials. It also shows that the splintered edge was not forcibly the active edge of the object. In an experimental study, splintered pieces (fig. 6) were used to work organic materials. In the context of fragmentation techniques, we observed that the longitudinal fracturation of organic materials (bone, antler, ivory, wood) can be achieved more rapidly with a splintered piece than by sawing with a burin. However, this latter technique is more precise and less random.

Interpretations: archaeological and ethnographic data

The most common interpretation of splintered pieces is that they served as cores and/ or intermediary pieces for indirect bipolar percussion. They thus present use traces created by violent percussion and a morphology resulting from more or less prolonged utilization. Core hypothesis: The use of certain splintered pieces as bipolar cores to produce small, more or less elongated, removals has been demonstrated at some Palaeolithic sites, in particular the Barbera Caves (I) where the debitage is similar to the “split” fracturation technique, and at the sites of Buraca Grande, Buraca Escura and Salto do Boi (P). It has also been proposed for some European Epipaleolithic, Mesolithic, and Neolithic sites, as well as for certain African, and North and South American assemblages. Ethnographically, such techniques are known in where numerous flakes obtained by bipolar percussion are hafted onto the points of spears called “death- spears”. Intermediary piece hypothesis: A splintered piece – hafted or not – can be used as an intermediary “tool” to fracture, split, divide, fraction, rough-out, notch, bore, cut, etc., through bipolar or direct percussion. In bipolar percussion, two categories, “wedge” or “gouge” types, can be distinguished depending on the working angle (perpendicular or oblique). With direct percussion, two other categories, “adze” and “axe” types, can also be distinguished depending on the fixation (perpendicular or oblique) of the “cutting edge” relative to the handle. Ethnographically, artefacts similar to splintered pieces, called “sinew-frayeurs” are employed in Africa to split organic materials (animal and/or vegetal), and notably to “divide vine fibres” (Leakey 1931).

Archaeological and chronological considerations

In archaeological research over the last decades, spatial analyses of lithic and osseous industries, as well as the systematic practice of refitting (3, 4 et 5), have led to a renewal of paleoethnological approaches (fig. 6). These behavioural analyses (still rare),

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favoured by dynamic observations of refits or close relations between splinters and splintered pieces, tend to show for the Paleolithic an immediate utilization of the latter, particularly near hearths, as at Hauterive-Champréveyres (CH) (Leesch 1997). Moreover, at certain Aurignacian sites, such as Beauville-Hui (F), a relation with certain billets with “cupules” has been proposed (Le Brun-Ricalens 1989, 1996), but is not systematic. In the Palaeolithic, Magdalenian sites offer the most significant documents for understanding certain techniques for the fracturation and shaping of animal bones. Ivory, a very resistant material, could have been worked using similar procedures (Otte 1997; Hahn 1995; Khlopatchev 2002). During the Mesolithic, the use of an intermediary piece for splitting was recognized among the different techniques used to fracture antler (David 2002). During the Neolithic, bone, antler and wood working develops significantly alongside a diversification of tools, particularly hafted tools for specialized activities. In conjunction with the development of agricultural productions, new tools were also fabricated, in particular those used to hull grains. Among these, certain elements present similarities with splintered pieces, such as the lithic objects inserted by percussion into a wood support to fabricate a tribulum.

Documentary review: splintered pieces…

The status of splintered pieces remains, depending on the periods, sites, regions and activities, difficult to comprehend; diverse finalities being obtainable with a similar technique. Most often, it is an integration of technological, traceological and archaeological analyses of lithic assemblages that allows us to clarify the intentions of the prehistoric artisans: core and/or intermediary piece, this latter category including “real” tools as well as “a posteriori tools”, and waste.

…cores, tools and waste

The great recurrence of splintered pieces within prehistoric industries can be explained by the facility with which they can be produced, requiring both minimal skill and minor technical investment. In addition, they offer multiple possibilities and combinations, making them complementary objects appreciated throughout prehistory for their versatility, in both nomadic and sedentary societies.

RÉSUMÉS

Cette contribution a pour objet de dresser un état de la recherche sur les pièces esquillées. Suite à un siècle d’investigations, elle tente de faire le point des connaissances à la lumière des investigations pratiquées ces dernières décennies en technologie, en tracéologie et en ethnologie d’une part, et des résultats issus d’expérimentations d’autre part. Après un historique rappelant les diverses dénominations anciennement émises, une définition des pièces esquillées est proposée. Ensuite sont présentées et discutées les différentes interprétations formulées quant à l’obtention et à l’utilisation des pièces esquillées, à savoir : outils, nucléus ou déchets ?

Dieser Beitrag beschäftigte sich mit dem Forschungsstand der Ausgesplitterten Stücke. Es wird einerseits der Versuch unternommen, den Wissenstand der letzten Jahrzehnte betreffend Technologie, Spurenanalyse und Ethnologie zu beleuchten und andererseits die aus der

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experimentellen Erprobung hervorgegangenen Resultate aufzuzeigen. Nach Darstellung der Forschungsgeschichte mit den verschiedenen in der Vergangenheit gebräuchlichen Bezeichnungen, wird eine Definition der Ausgesplitterten Stücke vorgeschlagen. Anschließend werden verschiedene Interpretationsmöglichkeiten betreffend der Erzeugung und Nutzung der Ausgesplitterten Stücke aufgeführt und diskutiert: Gerät, Kern oder Abfall?

INDEX

Mots-clés : industrie lithique, pièces esquillées, technologie, typologie, tracéologie, éthnologie, archéologie expérimentale, outils, nucléus, déchets Keywords : lithic industry, splintered pieces, technology, typology, traceology, ethnology, experimental archaeology, tools, cores, waste products Schlüsselwörter : Steinindustrie, Ausgesplitterte Stücke, Technologie, Typologie, Spurenanalyse, Ethnologie, experimentelle Archäologie, Gerät, Kern, Abfall

AUTEUR

FONI LE BRUN-RICALENS Section Préhistoire, Musée national d’Histoire et d’Art, Marché-aux-Poissons, L-2345 Luxembourg, Grand-Duché de Luxembourg, [email protected]

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L’occupation de l’Aurignacien Ancien De Barbas III (Creysse, Dordogne) Résultats préliminaires sur la fonction du site The early aurignacian occupation of Barbas iii (Creysse, Dordogne): preliminary results concerning the site function

Illuminada Ortega, Joseva Rios, Juan-Jose Ibañez, Jesus Gonzalez, Eric Boëda et Farid Sellami

Introduction

1 A partir des premiers résultats obtenus par le croisement des données technologiques, fonctionnelles et spatiales réalisées sur le secteur III de l’occupation aurignacienne du site de Barbas, nous tenterons de définir les activités pratiquées.

2 Après une rapide présentation du gisement, les intentions des différents types de production opérés (laminaires, lamellaires et à éclats) et l’outillage retouché seront abordés. L’analyse tracéologique illustrera les spécificités fonctionnelles de certaines d’entre elles, qui permettent de dégager quelques résultats sur leurs spatialisations au sein de l’espace occupé.

3 Enfin, un essai d’interprétation de l’organisation économique de cette occupation et de son statut sera proposé en perspectives.

1 - Le site de Barbas

4 Le site est localisé sur la commune de Creysse, sur un replat structural dominant de plus de 50 m la vallée de la Dordogne sur sa rive gauche (fig. 1). Depuis sa découverte en 1965 par J. Guichard la séquence stratigraphique de Barbas a fait l’objet de nombreuses recherches de 1965 à 1968 par J. Guichard, de 1987 à 1997 par E. Boëda et I. Ortega

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depuis 1998. Trois secteurs principaux (Barbas I, II et III), présentant des séquences archéologiques différentes et complémentaires d’un point de vue diachronique, ont été explorés (Boëda et Ortega 1995 ; Boëda et Kervazo 1991 ; Boëda et al. 1996 ; Ortega et al. 1999). Sur le secteur de Barbas III (fig. 2), sujet de notre article, la stratigraphie comprend un niveau Moustérien de Tradition Acheuléenne daté de 38 300 ± 500 B.P. et 43 500 ± 2 200 B.P. (Boëda et al. 1996), un niveau Châtelperronien et un niveau Aurignacien ancien. C’est spécifiquement sur cette dernière occupation que nous avons axé notre étude.

Figure 1 - Plan de localisation du gisement de Barbas et autres sites aurignaciens dans le Bergeracois. Figure 1 – Plan of location of Barbas settlement and other Aurignacian sites in the Bergerac area

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Figure 2 - Plan général de Barbas II et Barbas III. Figure 2 – General plan of Barbas II and Barbas III.

2 - Données Stratigraphiques et pédo-sédimentaires

5 La stratigraphie de Barbas III présente, comme celle de Barbas I et Barbas II (Boëda 1994 ; Boëda et Kervazo 1991), deux complexes nettement individualisés, l’un alluvial et l’autre colluvial, séparés par une couche à galets, l’ensemble C4 marquant une surface ondulée (fig. 3).

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Figure 3 - Stratigraphie schématique du secteur de Barbas III. Figure 3 - Barbas III schematic stratigraphy.

6 Le complexe colluvial, épais de 2 à 4,5 m, forme la partie la plus difficultueuse de la stratigraphie. L’épaisseur de celui-ci est variable d’un endroit à l’autre et son contact avec le complexe alluvial sous-jacent est fortement ondulé. La séquence, homogène sur le terrain, montre une très faible stratification des couches, associée à de faibles variations de couleur. L’ensemble de ces caractères rend difficile la distinction entre les couches purement sédimentaires et les horizons pédologiques. Toutefois, les trois niveaux archéologiques sont bien matérialisés.

7 La confrontation des critères sédimentologiques, pédologiques et archéologiques a permis de distinguer, du haut vers le bas, quatre ensembles pédo-sédimentaires : • ensemble 1 :sablo-limoneux compact, peu argileux ; • ensemble 2 :sablo-limoneux brun, à caractère fragique, contenant un niveau aurignacien au sommet et du Châtelperronien à la base (C3 et C3 base d’après Boëda et Kervazo 1991) ; • ensemble 3 :sablo-limoneux brun foncé, emballant le niveau moustérien (C.4 d’après Boëda et Kervazo 1991) ; • ensemble 4 :sablo-argileux à caractère hydromorphe.

8 Le complexe alluvial, de 0,50 à 1,20 m d’épaisseur, est représenté exclusivement par des matériaux sableux bien triés. Le grano-classement de ces derniers est marqué par des lits de texture variée. Ces matériaux sont relativement bien consolidés par d’importants revêtements argileux fortement ferruginéisés, ce qui donne un aspect rubéfié. Les ferruginisations sont également abondantes formant quelques zones cuirassées. Malgré l’homogénéité des matériaux sableux qui forment globalement un ensemble cohérent, deux couches principales ont pu être distinguées :une couche à galets, de 15 à 20 cm d’épaisseur et une couche sableuse, de 40 à 120 cm d’épaisseur,

9 L’ensemble archéologique aurignacien repose sur le faciès sableux éluvié marquant la troncature du fragipan (Sellami 1999).

10 La pente du niveau archéologique (2,3° selon l’axe nord/sud), plus développée vers le sud, apparaît à l’origine de la dispersion des assemblages de silex dans cette zone entraînant une évolution latérale différente d’une zone à l’autre.

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11 Les concentrations de petits fragments de silex (inférieurs à 1 cm), dans la zone sud de Barbas III, témoignent de déplacements latéraux trop faibles pour remobiliser les objets de plus grosse taille (Dunnell et Stein 1989 ; Sherwood et al. 1995 ; Sellami et al. 2002). Dans la zone où la pente est moins prononcée, dans la partie nord, l’épaisseur du niveau archéologique (± 20 cm) montre le caractère initial de leur assemblage. Les fissures ainsi que la présence d’éclats thermiques observés sur le silex témoignent de l’action du gel. L’emboîtement des différents fragments montre que le sol n’a subi aucune dynamique sédimentaire au sein du niveau C2.

12 Les organisations blanchâtres, caractérisant la matrice sédimentaire, sont d’origine purement pédologique liée à une saturation du sol en eau. L’absence de sédiments anthropisés dans ce niveau peut être expliquée ainsi :

13 - soit le sol a un faible degré d’anthropisation ou peut-être la nature des activités anthropiques ne l’a pas permis ;

14 - soit la surface fouillée est la partie la moins anthropisée de l’occupation.

15 Le silex présente des revêtements argileux à la base et des revêtements limoneux au sommet, liés à des processus d’éli-illuviation en place.

16 Toutes ces informations montrent que nous sommes en présence d’un sol archéologique qui a évolué sur place. Les faibles remaniements locaux occasionnés par les ruissellements de surface avant l’enfouissement des assemblages ont été déterminés par les pentes de la surface dans les différents secteurs.

3 - Quelques remarques sur les comportements économiques

3.1 - Matériaux exploités et sources d’approvisionnement

17 Les matières premières utilisées dans le gisement sont de trois types : roches sédimentaires (silex, silex calcédonieux, calcaire), roches cristallines (quartz) et roches métamorphiques (dolérite, grès, basalte et stéatite). Bien qu’elles ne soient pas toutes destinées à la taille, leur présence sur le site témoigne incontestablement d’un apport anthropique, ne serait-ce que sur une faible distance.

18 Parmi les roches sédimentaires, trois types de roches siliceuses, le silex du Bergeracois, le silex dit “ du Sénonien ” et le silex calcédonieux ont été déterminés ; seul un pourcentage très faible (inférieur à 0,2 %) demeure sans détermination (origine incertaine).

19 Le silex du Bergeracois constitue la matière quasi exclusivement exploitée (Ž 98 %) pour la production de différents schémas opératoires de débitages laminaires, lamellaires et à éclats. Sur les pourtours de l’occupation, les argiles maestrichtiennes contenant les blocs de silex, d’ailleurs présentes dans la couche C8 du secteur BBI et BBII, devaient très certainement affleurer et constituer un lieu d’approvisionnement privilégié.

20 Les silex sénoniens et calcédonieux, par contre, ne sont représentés que sous forme de produits finis ou attestent d’un fort séquençage dans la chaîne opératoire de production (nucléus isolés et produits retouchés) (Ortega 2001).

21 L’ensemble des roches non siliceuses (inférieur à 1 %), est constitué exclusivement de galets, provenant soit des berges de la Dordogne en contrebas, soit d’incisions de

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terrasses anciennes également proches de l’occupation. De morphologies et de tailles très diversifiées, elles n’ont pas toutes fait l’objet d’un débitage mais attestent d’un transport et d’activités anthropiques à leurs dépens.

22 Seuls les galets en quartz, présents en grand nombre (nb = 67, de 4 à 10 cm de long), présentent des traces d’utilisation claires : des stigmates de percussion caractéristiques, qui attestent leur utilisation pour le débitage (fig. 4). D’autres génèrent une production d’éclats. Les galets en basalte et en dolérite ont malheureusement un degré d’altération important interdisant une lecture des possibles stigmates présents et a fortiori, une attribution à une activité technique précise, même si certaines pourraient nous faire penser à des actions de broyage.

23 Enfin, la stéatite et le calcaire sont représentés chacun par un unique exemplaire sous forme de produit fini :perle en stéatite et fragment de pendeloque en calcaire (Boëda et Ortega 1995).

Figure 4 - Percuteur en quartz. Figure 4 - Quartz hammer stone.

3.2 - Choix des blocs et spécificité de la production laminaire

24 Les blocs de silex introduits (bruts et/ou testés) ont fait l’objet d’une sélection raisonnée lors de l’approvisionnement sur les affleurements. A chaque gabarit de blocs de silex introduits dans l’occupation, correspond une chaîne opératoire laminaire dissociée. Chacune d’elles est orientée vers l’obtention de produits spécifiques, que ce soit pour la production des très grandes lames rectilignes (27 x 6 x 2,2 cm en moyenne, fig. 5, fig. 6 et fig. 7) que celles de modules inférieurs plus graciles et de profil plus courbe (de 8 à 16 cm de longueur, fig. 8 et fig. 9) (Ortega 2001, 2005). Les variables dimensionnelles des objectifs et une réduction prononcée et volontaire des étapes de

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mise en forme des volumes laminaires guident incontestablement le choix lors de l’approvisionnement.

Figure 5 - Grande lame retouchée. Figure 5 - Large retouched blade.

Figure 6 - Grande lame Figure 6 - Large blade.

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Figure 7 - Nucléus à grandes lames (dessin J.-G. Marcillaud). Figure 7 – Large blade core.

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Figure 8 - Lame moyenne transformée en outil. a, grattoir sur lame aurignacien (dessin J. Rios). b, burin sur lame (dessin J.-G. Marcillaud). Figure 8 - Medial blade reworked in tool.

Figure 9 - Nucléus de lames moyennes (dessin J.-G. Marcillaud). Figure 9 – Medial blade core.

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25 Ce double comportement, sélection raisonnée compensant les séquences réduites de mise en forme et dissociation des chaînes opératoires semble, pour l’heure, spécifique à ce gisement aurignacien bergeracois (Bourguignon et al. 2004 ; Chadelle 1990, 2000 ; Bordes et Tixier 2002 ; Ortega 2001, 2005 ; Rios et al. 2002 ; Tixier 1991a et b) et le détache quelque peu des sites aurignaciens de Sud-Ouest.

26 De même, la production des très grandes lames reste une spécificité de l’occupation de Barbas III et soulève quelques questions à la fois sur les modes d’obtention1 mais aussi sur son statut (utilitaire ? social ?). Ce n’est pas, tant par leur longueur que ces lames sortent de la norme, mais dans leur association à une largeur et une épaisseur considérable (27 x 6 x 2,2 cm en moyenne, fig. 4). Ainsi, une longueur équivalente des lames est perceptible dans les productions du niveau aurignacien de Cantalouette 2, ou celles de Corbiac vignoble 2 et de Champ-Parel par exemple. Cependant, elles sont moins robustes (moins larges et moins épaisses). Cette particularité est d’autant plus prononcée que, même au sein de l’occupation aurignacienne de Barbas III, cette chaîne opératoire, bien que normalisée, est peu développée et que la production majoritaire est orientée vers des modules moyens. Nous pourrions être ici confrontés à une production réalisée par des tailleurs spécialisés. Cette spécificité semble, comme nous allons le voir, se refléter dans les comportements d’utilisation de ces produits robustes (cf.. infra).

27 Deux chaînes opératoires lamellaires, également autonomes, complètent cette production. La première, orientée vers l’obtention de lamelles droites est obtenue à partir de nucléus sur éclat ou sur fragment de bloc et de burin dièdre (fig. 10, fig. 11 et fig. 17). La seconde permet d’obtenir des petites lamelles courbes à partir de nucléus type grattoirs carénés (fig. 12 et fig. 13). Enfin, une production d’appoint d’éclats (Cazals et al. 2005) de “ type discoïde ” (Boëda 1993) est présente.

Figure 10 - Nucléus à lamelles rectilignes sur bloc (dessin I. Ortega). Figure 10 - Core for production of straight bladelets on nodule.

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Figure 11 - Nucléus à lamelles rectilignes sur éclat (dessin J.-G. Marcillaud). Figure 11 – Flake core for production of straight bladelets.

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Figure 12 - Nucléus caréné sur grand éclat à production de lamelles courbes avec remontage de lamelle (dessin J.-G. Marcillaud). Figure 12 – Carinated core on a large flake to produce curved bladelets with resitted bladelets.

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Figure 13 - Nucléus caréné à production de petites lamelles. (a, grattoirs carénés sur produit laminaire - dessin L. Belso-. b, grattoir caréné sur éclat - dessin J.-G. Marcillaud). Figure 13 - Carinated core to produce small blandelets. (a, carinated endscrapers on laminar blank ; b, carinated endscrapers on flake.

28 Cette diversité des produits laminaires et lamellaires normalisés, régis par des règles techniques différentes et contraignantes (depuis l’acquisition des blocs jusqu’à leur abandon) suggèrent des traditions techno-économiques et/ou sociales fortes. Ces dernières peuvent en partie être perçues au travers des modes de fonctionnement et des activités réalisées.

3.3 - Caractéristiques fonctionnelles

29 L’absence de restes organiques (fauniques par exemple) masque de notre lecture techno-économique une partie de la panoplie des activités réalisées durant l’occupation (pointes de projectiles en os ou bois animal, typiques de cette “ culture ” par exemple) et nous prive ainsi d’informations primordiales sur les activités de subsistance en limitant nos investigations sur l’économie des groupes au sein de ce territoire.

30 Cette sous-évaluation des champs utilitaires est d’autant plus marquée que l’outillage retouché occupe une place discrète au sein de l’assemblage lithique comme dans tous les gisements de plein air de cette période en Bergeracois (inférieur à 5 %). Ces outils sont néanmoins typiques du faciès ancien de l’Aurignacien (lames à retouche aurignacienne, lames étranglées, grattoirs carénés). Ils sont complétés par quelques rares burins, des grattoirs simples mais surtout par une gamme d’outils dits “ du fond commun moustérien ” plus fréquemment réalisés sur éclats (encoches, denticulés, racloirs ainsi qu’une pièce façonnée).

31 Cependant, ce taux de supports retouchés ne traduit nullement la productivité utilitaire qui ne se réduit pas à ces uniques outils. En effet, les produits qui n’ont fait

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l’objet d’aucune transformation font partie intégrante de l’outillage employé par les aurignaciens au cours de certaines activités (cf. infra). Leur utilisation, ne serait ce que discrète, est perceptible soit au travers de leurs déplacements dans l’espace (cf.. infra) soit encore, dans certains cas, par une place au sein de la production qui leur confère un statut privilégié (grandes lames de première intention). L’analyse fonctionnelle réalisée sur une partie de ces objets confirme leur implication au sein de chaînes opératoires de transformation de matières d’œuvre variées (cf. infra).

32 Cette étude fonctionnelle, réalisée sur un échantillon de 44 pièces lithiques, est représentative de l’ensemble des schémas opératoires laminaires et lamellaires et comprend des produits bruts et aménagés par la retouche.

33 Cette étude est menée selon un protocole d’analyse fonctionnelle à la loupe binoculaire et au microscope métallographique déjà bien connu (González et Ibáñez 1994). Le degré de conservation des restes lithiques est moyen et la présence d’altérations conditionne la lecture fonctionnelle. Les altérations d’origine mécanique sont peu importantes, propres d’un site où la mobilisation d’objets a été peu intense (Sellami 1999). Les altérations mécaniques adoptent la forme d’abrasions, d’écaillements et de “ brigth spots ” massifs (plages brillantes), probablement dues au contact entre pièces lithiques au sein des concentrations d’objets en silex. Les altérations dues à des processus chimiques liés à l’exposition d’agents atmosphériques et au sol sont plus prononcées. Elles adoptent la forme d’une légère patine blanchâtre (voile) et, avec une moyenne intensité, provoquent la modification des surfaces (glossy aspect, aspect luisant). La faible altération mécanique des outils permet une bonne lecture des macro-traces d’utilisation (ébréchures et émoussés). Par rapport au poli d’utilisation, les altérations chimiques ont provoqué une mauvaise conservation des traces les moins résistantes (matériaux tendres tels que la viande ou la peau fraîche). Les polis générés par le travail des matières de dureté moyenne (bois végétal) ou haute (os, bois animal, minéraux) sont mieux préservés, bien que la texture de la surface du poli reste partiellement altérée. Les polis abrasifs (peau sèche parfois avec de l’ocre) sont bien préservés. Ce degré d’altération a pour conséquence une identification difficile des traces de travail de matière animale. L’identification d’actions de boucherie s’opère seulement quand la découpe a impliqué un contact avec l’os et/ou les cartilages. Les autres matières d’œuvre peuvent plus aisément être identifiées bien qu’il y ait toujours une forte proportion d’outils où seule la cinématique et la dureté relative de la matière d’œuvre ont été discernées.

34 Premiers résultats

35 Au sein des grandes lames, l’échantillonnage a porté tant sur les pièces entières (cinq lames analysées sur un total de 8)que sur les fragments (n = 6). Une différenciation fonctionnelle entre ces deux groupes semble ressortir.

36 Les cinq lames entières échantillonnées portent des traces d’utilisation. Toutes semblent avoir travaillé des matières de dureté forte à moyenne sans pouvoir préciser, dans certains cas, la nature de celle-ci (bois de cervidé ou bois végétal). Des actions de coupe et de raclage sont perceptibles sur les zones actives. Une de ces grandes lames a été utilisée par percussion lancée sur une matière d’œuvre dure. Dans les cas où la détermination des matériaux a été possible, seuls le bois et les matières osseuses (os et bois organique) ont été déterminés. Trois des lames entières ont été retouchées très localement, ces zones de 2 à 4 cm de longueur ayant été employées pour racler. Cette retouche est très certainement le résultat d’un ravivage du tranchant puisque les zones

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actives adjacentes ont été utilisées brutes pour le même type de fonctionnement. La grande taille de ces lames, associée à une longueur étendue des zones actives, indique que la matière d’œuvre était d’une largeur considérable (fig. 5 et fig. 6). Cela suggèrerait l’intervention des ces outils lors de phases initiales de préparation de ces matériaux durs où leur efficacité est accrue par leur taille et leur poids, qui arrive parfois jusqu’au demi-kilo.

37 A l’inverse de cette homogénéité dans la matière d’œuvre travaillée par ces lames entières, les éléments fragmentés de ce type de production présentent une plus grande variabilité. En général, la localisation des traces d’usage montre que ce sont les bords latéraux qui ont été utilisés, bien que dans certains cas les fractures aient pu servir comme zones actives. Les tâches réalisées avec ces fragments de grandes lames sont multiples :raclage de peau, coupe ou écorchage de peau fraîche, dépeçage de carcasses, raclage de matières osseuses et autres séries de travaux de coupes et de raclage sur des matériaux de moyenne à haute dureté. L’utilisation de ces pièces est assez complexe, on observe parfois la combinaison de plusieurs types d’activité sur le même fragment. C’est le cas par exemple d’une pièce (fig. 14 - 2) ayant raclé de l’ocre avec l’un de ces fils de tranchant brut alors que la zone active opposée a été retouchée pour gratter la peau avec adjonction de poudre de ce même minéral. La réalisation d’une encoche sur une des extrémités a servi pour racler sommairement une matière osseuse, tandis qu’une des fractures a servi pour inciser longitudinalement la matière osseuse. On observe donc un fragment de lame utilisé pour travailler la peau repris dans un second temps pour un travail de finition ou de réparation d’un outil osseux.

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Figure 14 - 1, Fragment distal de grande lame. 2, fragment mésial de grande lame. A :Raclage de bois végétal. B :Raclage de peau sèche ocrée. C :Raclage d’ocre. D :Raclage d’os. E :Découpe d’os Figure 14 – 1, Distal fragment of a long blade. 2, Mesial fragment of a long blade. A :Vegetal wood scraping B :Scraping of ochred dry skin. C :Scraping of ochred. D :Bone scraping. E :Bone cutting.

Au sein des productions lamellaires, un total de huit lamelles, dont quatre retouchées, a été analysé. Les indices d’utilisation sont assez faibles. Seule une lamelle avec une fracture retouchée porte des traces de raclage de peau sèche. Par ailleurs, deux autres pièces (fig. 15 - 1 et 2) portent des macro- traces (fractures et ébréchures obliques) pouvant être liés à une utilisation comme armatures de projectile. Ce mode d’utilisation des lamelles a récemment été mis en évidence dans l’Aurignacien archaïque à Isturitz (Rios 2005 ; Normand e.p.), comme dans l’Aurignacien ancien de Castanet (Pelegrin et O’Farrell 2005), de Brassempouy (O’Farrell 2005b), d’Isturitz (O’Farrell 2005a), du Flageolet I (Lucas 1997, 2000) et dans les gisements en plein air du Bergeracois de Garris II (Rios, in :Grigoletto et al. en préparation) et des Vieux Coutet (Rios, in Ortega et al. en préparation). Nonobstant, le rôle des lamelles dans l’occupation de Barbas III reste pour l’instant mal connu quel que soit le type de production, en raison du faible échantillon analysé d’une part et du faible taux de lamelles présents sur le site d’autre part.

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Figure 15 - 1 Fragment distal de lamelle retouchée avec fracture en languette. 2 Fragment proximal de lamelle retouchée avec des écaillements obliques. Figure 15 – 1, Distal fragment of retouched bladelet with “ languette ” fracture. 2, Proximal fragment of retouched bladelet with oblique scars.

38 Parmi les outils retouchés, cinq burins réalisés sur des lames de moyennes dimensions et sur des sous produits des chaînes opératoires laminaires ont été analysés. Quatre d’entre eux montrent des traces d’action de raclage et de rainurage sur matière osseuse. Le travail de raclage (fig. 16 - 1) est effectué avec des zones actives assez étendues (entre 17 et 30 mm) et robustes (angle >75º). Ces burins montrent des évidences de ravivage de la zone active, suggérant un travail assez intense qui pourrait intervenir lors des phases initiales de transformation de l’os et du bois de cervidé. Un d’entre eux, réalisé sur un fragment de grande lame (fracturé intentionnellement comme l’indique les stigmates de percussion), présente des traces de rainurage de précision sur une matière osseuse (fig. 16 -4). Pour cela, les Aurignaciens ont mis à profit le dièdre très régulier créé par le pan de burin et un pan de fracture postérieur. Des actions de coupe d’une matière dure, probablement de l’os, sont également identifiables sur un des deux tranchants.

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Figure 16 - 1, Burin dièdre. 4, Burin sur fracture. A :Raclage de matière osseuse. B :Découpe de matière osseuse. C :Rainurage de matière osseuse. D :Découpe de matière dure. Figure 16 - 1, Dihedral burin. 4, Burin on a break. A: Bone scraping. B: Bone cutting. C: Bone grooving. D: Hard material cutting.

39 Enfin, le dernier burin (d’un point de vue typologique), fabriqué sur un gros éclat cortical, ne montre pas de traces d’utilisation et peut être interprété comme un nucléus pour la production des lamelles (fig. 17).

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Figure 17 - Burin – nucléus à lamelles. Figure 17 – Burin – bladelets core.

40 Un total de 24 grattoirs a été analysé. Nous avons identifié principalement deux types d’utilisation qui semblent liés à des différences dans la morphologie des supports et des zones actives : • Les grattoirs utilisés pour le travail de la peau sont fabriqués sur des lames moyennes de plein débitage de morphologie assez régulière (fig. 18 et fig. 19 - 2). L’aménagement du front de grattoir est réalisé sur la partie distale, sa configuration convexe est précise, son axe de symétrie correspond à celui de la lame et les zones actives sont bien délimitées (26 mm de moyenne). L’étendue de la zone active et l’évidence de plusieurs ravivages des fronts indiquent que l’activité de raclage de la peau avec ces pièces est assez intense. Cette intensité d’usage est confirmée, voire accrue, par une utilisation antérieure ou postérieure, sur le même matériau, de leurs tranchants latéraux pour racler et couper. La présence de résidu minéral (de couleur rouge) dans les zones actives (fig. 19 - 2), associée à des traces microscopiques nettes, permettent de confirmer l’intégration de l’ocre dans le processus de traitement de la peau. • Les grattoirs utilisés pour le grattage de l’os sont, quant à eux, fabriqués sur des sous produits de débitage des chaînes opératoires de production de lames (fig. 19 - 3). Ils sont souvent corticaux et plus robustes que les grattoirs ayant travaillé la peau. Les zones actives sont également plus irrégulières et ont une délinéation plus rectiligne. Dans certaines occasions, des pans de fracture sont utilisés bruts pour gratter de l’os. L’extension des zones actives est très limitée (8 mm de moyenne) indiquant une matière travaillée de petites dimensions. Certains de ces grattoirs montrent également des traces dues à des travaux de coupe et de rainurage à l’aide de leur tranchant sur ce même matériau.

Figure 18 - 1 Fragment distal de lamelle retouchée avec fracture en languette. 2 Fragment proximal de lamelle retouchée avec des écaillements obliques. Figure 18 – 1, Distal fragment of retouched bladelet with “ languette ” fracture. 2, Proximal fragment of retouched bladelet with retouched scars.

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Figure 19 - 2, Fragment distal de grattoir sur lame avec résidus d’ocre. 3, Fragment distal de grattoir sur lame. A :Raclage de peau sèche avec ocre. B :Action longitudinale indéterminée. Figure 19 – 2, Distal fragment of blade scraper with ochred residue. 3, Distal fragment of blade scraper. A :Dry ochre skin scraping. B :Undetermined longitudinal action.

41 Ces deux types d’activité réalisés par des objets de la classe des grattoirs sont de loin les plus importants. Néanmoins, parmi eux, certains ont été utilisés, avant ou après leur

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usage comme grattoirs, pour d’autres actions comme la boucherie, le travail de matériaux tendres ou la manipulation de matières indéterminées.

42 Enfin, trois grattoirs carénés (typo-grattoirs) viennent compléter notre analyse ; deux sont à museau et un est circulaire. Aucun d’eux ne présente des traces d’utilisation. Cette absence argue donc en faveur d’une interprétation comme matrice de production2 de lamelles courbes (cf. supra ), du moins dans leur dernière étape d’exploitation, comme il est généralement admis pour cette période ancienne de l’Aurignacien (Le Brun Ricalens 2005)

43 Parmi les lames retouchées (lames aurignaciennes, lames à retoucheabrupte, semi abrupte, partielle ou totale,) deux d’entre elles ont été analysées et portent des stigmates d’usage variés et complexes tel le raclage d’une matière de dureté moyenne sur une pièce, coupe et raclage de l’os sur l’autre (fig. 20 - 2).

Figure 20 - 2, Lame à retouche abrupte. 3, Grattoir. A :Raclage de matière osseuse. B :Découpe de matière osseuse. Figure 20 - 2, Abrupt retouched blade. 3, Endscraper. A: Bone scraping. B: Bone cutting.

3.4 - Bilan des activités réalisées

44 Cette première étude tracéologique nous permet donc de dégager des comportements techno-fonctionnels forts au sein de cette industrie. Certains outils semblent spécifiquement liés à un type d’activité (bruts ou retouchés tels les grandes lames entières, les grattoirs ou les burins), d’autres, semblent plus polyvalents (tels les fragments de grandes lames et les lames retouchées).

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45 Bien que l’interprétation de la fonction du site puisse être biaisée par les problèmes de conservation de certaines traces de travail, telles la boucherie ou la découpe de peau fraîche, la particularité de cette occupation réside dans la présence d’activités liées au travail de la peau d’une part et des matières osseuses (os et bois animal) d’autre part. Ces travaux qui montrent l’importance des activités artisanales autres que la fabrication des supports lithiques au sein de cette occupation.

46 Parmi le travail de la peau, celui de la peau sèche, pour des raisons de conservation des traces, apparaît plus abondant que celui de la peau fraîche (seulement identifié sur une grande lame fracturée). Pour certaines phases de traitement de ce matériau (assouplissement et conservation, Audouin et Plisson 1982 ; Couraud 1988; Rios et al. 2002), l’utilisation de poudre d’ocre obtenue sur place est attestée. Enfin, des travaux de finition sur peau déjà sèche comprenant l’adoucissement, la confection et l’exécution des produits en cuir ont également été décelés. L’ensemble de la chaîne opératoire de traitement de ce matériau semble donc représenté sur le gisement.

47 La fabrication et l’entretien d’objets réalisés en matières organiques dures et demi- dures, tels que le bois végétal ou les matières osseuses (bois animal et os) sont aussi bien représentés. Sur ces dernières matières d’œuvres le travail est, par ailleurs, assez complexe (coupe, rainurage et raclage) illustrant des intensités de travail différentes selon l’extension de la zone active. Ceci suggère, là aussi, une chaîne opératoire plus ou moins complète depuis des tâches initiales d’obtention des supports jusqu’aux activités de finition en passant par la maintenance de cet outillage osseux.

48 La boucherie, sous-représentée pour des raisons de conservation comme nous l’avons dit, est cependant observable sur quelques pièces entrées en contact avec l’os (notamment sur les grandes lames). De même, il est aussi possible d’envisager une certaine activité de maintenance d’outillage de chasse.

4 - organisation générale de l’occupation

4.1 - Les signes d’une organisation de l’espace habité

49 La fouille sur 250 m2 du niveau aurignacien de Barbas II (Clément 2002 ; Teyssandier 1998 a et b) et III, nous permet d’émettre certaines hypothèses sur l’organisation de l’occupation. Seules celles relatives au secteur de Barbas III seront ici prises en considération.

50 Cette surface, bien qu’importante, constitue une première limite à nos interprétations puisque le site est estimé sur une étendue minimale de 4 000 m 2. Nous pensons qu’elle peut cependant déjà être représentative des modes d’organisation des groupes aurignaciens sur le plateau de Pécharmant. La détermination des aires d’activité est réalisée sur la base de concentrations évidentes au sol, de l’analyse technologique, des remontages et enfin de leur croisement avec les résultats issus de l’analyse tracéologique. Sans qu’ils soient exhaustifs, ils nous permettent une première approche systémique de cet espace habité.

51 Aucun aménagement identifiable ni structure de combustion n’a été observé. De plus, les objets ayant des traces de rubéfaction sont très rares (10 vestiges sur plus de 16 000), suggérant que leur mise en relation avec une zone de combustion peut s’être

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effectuée hors de la zone fouillée et/ou que leur rareté est liée à des problèmes de préservation (Sellami 1999).

52 Neuf concentrations disjointes dans l’espace et différentes dans leur structure et leurs composantes supposent une structuration de l’espace non aléatoire. La distribution des vestiges dans chacune d’entre elles est différente, témoignant parfois d’un découpage dans le temps et dans l’espace des activités liées à la taille (présence/absence de certaines séquences opératoires de production) mais aussi celles liées à l’utilisation des outils.

53 Trois concentrations (C3, C5, C6 fig. 21) illustrent à la fois une spécialisation et une organisation dans l’espace des activités de taille. Elles sont de morphologie (sub- circulaire) et de structure similaires (zone de plus grande concentration des vestiges centrée, entourée par une zone de raréfaction d’étendue plus ou moins grande, fig. 22). Dans les trois cas, un seul schéma de production laminaire est présent, celui des lames de moyennes dimensions, parfois associé à un débitage d’éclat. Des lacunes dans la représentation des différentes séquences de la chaîne opératoire laminaire y apparaissent systématiquement :une extrême rareté de lames de plein débitage et d’outils retouchés (inférieur à 1 %). Ces trois concentrations peuvent être attribuées à des amas de taille où seuls les déchets (nucléus, sous-produits et fragments de lames cassées au débitage) sont présents.

Figure 21 – Plan de répartition spatiale avec l’emplacement des éléments de parure et la gravure (perle et pendeloque - dessin G. Monthel - gravure – dessin E. Boëda). Figure 21 – Spatial distribution plan with the placement of ornements and engraving (bead and pendant).

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Figure 22 - Amas de débitage -concentration C6 - (photo I. Ortega). Figure 22 – Knapping area – concentration C6

54 D’autres concentrations (C4 et C7, fig. 21) apparaissent plus complexes dans leur diversité et organisation :

55 - La totalité de la production spécialisée des grandes lames est rassemblée dans la concentration C4 qui couvre environ 10 m 2. Au sein de celle-ci, cette production illustre un découpage spatial de la chaîne opératoire. Les nucléus sont regroupés vers le Nord-ouest alors que les lames entières le sont dans la partie centrale (à environ un mètre des nucléus). Ces grandes lames semblent avoir été abandonnées là, regroupées après leurs utilisations selon un répertoire fonctionnel relativement précis (cf. supra), suggérant ainsi une sorte de “ stockage ”.

56 Cette mise en réserve des lames entières serait d’autant plus soutenue que même après leur utilisation, elles reviennent sur leur lieu de fabrication et semblent garder le statut particulier de production spécialisée. Ce statut est différent de celui rempli par les fragments de cette même production qui connaissent par contre une répartition plus étendue et/ou concentrée dans une autre zone du gisement (concentration C9 à 4 m plus au nord). Les fragments y sont employés à des tâches plus diversifiées et abandonnées sur leur lieu d’utilisation. Ainsi, ce ne serait qu’après leur fragmentation (intentionnelle ou non) que les grandes lames changeraient de statut pour faire l’objet d’une gestion avec une logique tout à fait différente.

57 L’ensemble de ces données suggère un fort contrôle social de la production mais aussi de la gestion des supports qu’il est difficile pour l’heure de définir plus avant.

58 L’individualisation de cette concentration s’accroît par la présence d’objets à vocation non utilitaire tel un élément de parure (perle en stéatite) et des fragments quadrangulaires de cortex de silex gravés (rainures sub-parallèles profondes) (Boëda et al. 1995).

59 - Dans une moindre mesure, la concentration C7 présente également quelques particularités tant dans sa morphologie (cercle avec vide central) que dans ses

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composantes techniques (pourcentage le plus élevé d’outils de toutes les concentrations entre 6 et 7 %) et symbolique (bloc de silex gravé, Boëda 1995 ; Boëda et Ortega 1996 ; Binant 1997).

60 Ces concentrations, bien limitées dans l’espace, s’opposent à des aires plus lâches (15 m2 environ) au sud et au nord du site.

61 La première, (Zone 2), très investie, où apparaît une forte densité de matériel lithique, forme une nappe de vestiges d’une épaisseur d’environ 10 cm. La distribution des objets à l’intérieur ne laisse pas apparaître une organisation spécifique. Ces composantes traduisent à la fois des activités de débitage importantes (forte population de nucléus : 15 à lames, cinq à lamelles, quatre à éclats) et des activités fonctionnelles prononcées (une des plus fortes proportions d’outils de l’ensemble de l’occupation). Une pendeloque, travaillée sur un élément calcaire, y a également été découverte (Boëda et Ortega 1996).

62 La seconde, en limite nord de la zone fouillée, se distingue par une moindre densité. Elle est essentiellement composée d’éléments fracturés (lames et lamelles) et d’un nombre important d’outils (170 supports retouchés ont été mis au jour sur trois mètres carrés). Dans cet ensemble d’outils retouchés, se trouve également l’essentiel des fragments de la production spécialisée des grandes lames retouchées et utilisées. De plus, le faible taux de production, associé à la forte proportion d’outils ayant travaillé la peau et la présence d’un gros galet en grès (plus de 40 cm de long, fig. 23) ayant servi d’enclume (trace de piquetage) ou de table de travail (stries d’utilisation) laisse suggérer pour ce secteur du site une aire d’activité spécialisée dans la transformation des matériaux périssables (peau, bois de cervidé et os).

63 Enfin, la production lamellaire à partir de grattoirs carénés, totalement absente des concentrations C3, C6, C5 et C7 (fig. 21), apparaît de façon plus notoire dans ces deux secteurs et dans une moindre mesure, au sein de la concentration 4, concentration des “ spécialistes ”.

64 Même si la sub-contemporanéité de ces différentes concentrations n’a pas été systématiquement confirmée par des remontages, celle-ci peut être étayée par la présence, hors des amas de taille, des lames de plein débitage (entières ou fragmentées, brutes et/ou retouchées) portant très souvent des stigmates d’utilisation.

65 Cet agencement spatial, mettant en parallèle des zones de production et des zones d’utilisation parfois clairement dissociées, laisse entrevoir une organisation sociale structurée des Aurignaciens de Barbas III.

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Figure 23 - Photo du secteur Nord avec détail du galet en grès (photo I. Ortega). Figure 23 - Photo of north area with detail of the pebble sandstone.

5 - Quelques remarques sur la fonction du site

66 L’évaluation des activités réalisées sur ce gisement traduit une panoplie très diversifiée des tâches (production, travail de la peau, de l’os, du bois animal et végétal, évidences de boucherie et présence d’armes de chasse). Même si cette occupation correspond à plusieurs séjours, elle se présente comme une implantation d’assez longue durée sans que l’on puisse faire émerger un domaine d’activité en particulier.

67 Ces données s’opposent à l’idée d’une attribution, trop souvent hâtive, des occupations aurignaciennes du Bergeracois à des ateliers de fabrication de supports lithiques voués essentiellement à l’exportation (Bon et al. 2005 ; Bordes et al. 2005). En effet, dans le cas de Barbas III, de nombreux éléments permettent de réfuter cette interprétation : • des chaînes opératoires lithiques et de transformation des matériaux périssables souvent complètes depuis l’acquisition jusqu’à la finition ; • des manques observés dans la production lithique indiquant à la fois un séquençage et une organisation au sein de l’espace occupé et un emport de certains produits lors de départ des aurignaciens ; • une organisation de l’occupation largement structurée avec des aires de spécialisation dans certaines tâches (travail de la peau sèche dans le secteur nord du site, amas de débitage, production de grandes lames par exemple) et des zones vierges pouvant être interprétées comme des zones de circulation ; • une gestion avérée de l’outillage (stockages des grandes lames après leur utilisation par exemple) ;

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• la présence de quelques éléments faisant appel au monde symbolique (gravures) et du paraître (perle et pendeloque).

68 La combinaison de ces différents éléments définirait dans son emploi le plus fréquent un “ habitat ” de plein air. Dans ce contexte, malgré la faiblesse des données paléo- ethnographiques, telles celles qui existent pour les sites magdaléniens du Bassin parisien (Bodu 1994 ; Julien et al. 1988 ; Leroi-Gourhan et Brézillon 1972 ; Pigeot 1987, 2004 ; Olive 1988 entre autres), le niveau aurignacien ancien de Barbas III est une occupation complexe intégrant un grand nombre d’activités d’ordre domestique nécessaires au maintien d’un groupe. Cet habitat de par son ampleur (estimé à plus de 4 000 m 2) et son organisation socio-économique devait occuper un statut important et particulier au sein du territoire bergeracois riche en implantations de l’Aurignacien ancien. Bien que leur synchronie ne puisse être totalement attestée, un ensemble de traits techniques et économiques semblables montrent l’appartenance de sept gisements à une même sphère “ culturelle ” de l’Aurignacien Ancien (Champ-Parel - Chadelle 1989, 1990, 2000, 2005 ; Corbiac Vignoble II – Tixier 1991a, 1991b ; Bordes et Tixier 2002 ; La Graulet VI – Bourguignon et al. 2002 ; Garris II, Vieux Coutets et Cantalouette II – Bourguignon et al. 2002a et b, 2004a et b ; Ortega et al. 2004 ; Grigoletto et al. 2004). Même si parfois certains points diffèrent d’un gisement à un autre, ces divergences peuvent être liées au type d’occupation (fonction du site), à sa durée, à sa fréquentation voire à leur complémentarité. Les analyses en cours des niveaux aurignaciens anciens des sites de La Graulet VI, Vieux Coutets, Cantalouette II et des Garris II (gisements fouillés lors des travaux d’aménagement du contournement nord de Bergerac3 permettront de les définir et de mieux caractériser le rôle économique de chacun de ces sites au sein d’un territoire bien délimité, celui du Bergeracois dans son appellation la plus stricte.

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NOTES

1. Nous tenons à remercier vivement J. Pelegrin pour ses différentes expérimentations sur le débitage de grandes lames de Barbas III. 2. D’après l’acception attribuée par L. Bourguignon, J.-P. Faivre et A. Turq (Bourguignon et al. 2004). 3. Fouilles INRAP Grand Sud-Ouest

RÉSUMÉS

Le présent article a comme objectif de définir, à partir des premiers résultats obtenus par le croisement des données technologiques, fonctionnelles et spatiales, le statut techno-économique de l’occupation de plein air aurignacien ancien de Barbas III. Le site de Barbas III est localisé sur la commune de Creysse, sur la rive gauche de la Dordogne. La stratigraphie comprend un niveau Moustérien de Tradition Acheuléenne daté de 38 300 ± 500 B.P. et 43 500 ± 2 200 B.P. (Boëda et al. 1996), un niveau Châtelperronien et un niveau Aurignacien ancien. C’est sur cette dernière occupation que nous avons axé notre étude. Les matières premières utilisées durant l’occupation aurignacienne sont de trois types :roches sédimentaires (silex, silex calcédonieux, calcaire), roches cristallines (quartz) et roches métamorphiques (dolérite, grès, basalte et stéatite). Parmi les roches sédimentaires, trois types de roches siliceuses, le silex du Bergeracois, le silex dit “ du Sénonien ” et le silex calcédonieux, ont été déterminés ; seul un pourcentage très faible (inférieur à 0,2 %) demeure sans détermination (origine incertaine). Le silex du Bergeracois constitue la matière quasi exclusivement exploitée (Ž 98 %). Aux alentours de l’occupation, les argiles maestrichtiennes contenant les blocs de silex, devaient très

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certainement affleurer et constituer un lieu d’approvisionnement privilégié. Sur ces affleurements les blocs de silex introduits (bruts et/ou testés) ont fait l’objet d’une sélection raisonnée. A chaque gabarit de blocs de silex introduits dans l’occupation, correspond une chaîne opératoire laminaire dissociée. Chacune d’elles est orientée vers l’obtention de produits spécifiques, que ce soit pour la production des très grandes lames rectilignes (27 x 6 x 2,2 cm en moyenne) que celles de modules inférieurs plus graciles et de profil plus courbe (de 8 à 16 cm de longueur). Les variables dimensionnelles des objectifs et une réduction prononcée et volontaire des étapes de mise en forme des volumes laminaires guident incontestablement le choix lors de l’approvisionnement. Deux chaînes opératoires lamellaires complètent les productions laminaires. La première, orientée vers l’obtention de lamelles droites, est obtenue à partir de nucléus sur éclat ou sur fragment de bloc. La seconde permet d’obtenir de petites lamelles courbes à partir des nucleus type “ grattoirs carénés ”. Enfin, une production d’éclats est présente. L’outillage retouché est peu représenté (inférieur à 5 %). Les outils sont néanmoins typiques du faciès ancien de l’Aurignacien :lames à retouche aurignacienne, lames étranglées, grattoirs carénés, complétés par quelques rares burins, des grattoirs simples mais surtout par une gamme d’outils dits “ du fond commun moustérien ” (encoches, denticulés, racloirs ainsi qu’une pièce façonnée). L’analyse fonctionnelle réalisée sur une partie de ces objets confirme l’implication de ces outils retouchés tout comme certains supports bruts au sein de chaînes opératoires de transformation de matières d’œuvre variées. Cette étude fonctionnelle, réalisée sur un échantillon de 44 pièces lithiques, est représentative de l’ensemble des schémas opératoires laminaires et lamellaires. Elle illustre la particularité de cette occupation par la pratique d’activités liées au travail de la peau et des matières osseuses (os et bois animal). Ces travaux qui montrent l’importance des activités artisanales autres que la fabrication des supports lithiques au sein de cette occupation. Parmi le travail de la peau, celui de la peau sèche apparaît le plus abondant, bien que l’ensemble de la chaîne opératoire de traitement de ce matériau semble représentée sur le gisement jusqu’à l’adoucissement, la confection et l’exécution des produits en cuir. Pour certaines phases de traitement, assouplissement et conservation, l’utilisation de poudre d’ocre obtenue sur place est attestée. La fabrication et l’entretien d’objets en bois végétal ou en matières osseuses (bois animal et os) sont également bien représentés. Le travail y est assez diversifié et complexe (coupe, rainurage et raclage) illustrant des intensités de travail différentes selon l’extension de la zone active. Pour l’outillage osseux, l’ensemble de la chaîne opératoire est plus ou moins complète depuis des tâches initiales d’obtention des supports jusqu’aux activités de finition en passant par la maintenance des objets. La boucherie, sous-représentée pour des raisons de conservation, est cependant observable sur quelques pièces entrées en contact avec l’os. L’organisation au sol des vestiges montre que les différentes activités, de taille ou autres, se trouvent bien délimitées dans l’espace sous forme de concentrations ou d’aires plus ou moins lâches. Même si leur sub-contemporanéité n’a pas été systématiquement confirmée par des remontages, cet agencement spatial, mettant en parallèle des zones de production et des zones d’utilisation parfois clairement dissociées, laisse entrevoir une organisation sociale structurée des aurignaciens de Barbas III. L’évaluation des activités réalisées sur ce gisement traduit une panoplie très diversifiée des tâches :production, travail de la peau, de l’os, du bois animal et végétal, évidences de boucherie et présence d’armes de chasse. Même si cette occupation correspond à plusieurs séjours, elle se présente comme une implantation d’assez longue durée sans que l’on puisse faire émerger un domaine d’activité en particulier. Ces données s’opposent à l’idée d’une attribution, trop souvent

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hâtive, des occupations aurignaciennes du Bergeracois à des ateliers de fabrication de supports lithiques voués essentiellement à l’exportation. Le niveau aurignacien ancien de Barbas III serait une occupation complexe intégrant un grand nombre d’activités d’ordre domestique nécessaires au maintien d’un groupe, ce qui définit habituellement un habitat. Celui-ci de par son ampleur (estimé à plus de 4 000 m 2) et son organisation socio-économique devait occuper un statut important et particulier au sein du territoire bergeracois riche en implantations de l’Aurignacien ancien.

The objective of this paper is to define the techno-economic status of the Early Aurignacian, open-air occupation of Barbas III based on the preliminary results of a study integrating technological, functional and spatial data. Barbas III is located in the district of Creysse, on the left bank of the Dordogne River. The stratigraphy includes a Mousterian of Acheulean Tradition level dated to 38300 ± 500 B.P. and 43500 ± 2200 B.P. (Boëda et al. 1996), a Chatelperronian level and an Early Aurignacian level. This study concerns the latter occupation. Three types of raw materials were used during the Aurignacian occupation of this site: sedimentary stones (flint, chalcedonic flint and limestone), crystalline stones (quartz) and metamorphic stones (dolerite, sandstone, basalt and steatite). Among the sedimentary materials, three types of siliceous stones were identified: Bergeracois flint, “Senonian” flint and chalcedonic flint. Only a small percentage (less than 0.2%) remains undetermined (uncertain origin). The Bergeracrois flint was utilized almost exclusively (Ž 98%). In proximity to the occupation, the Maastrichtian clays containing flint blocks were probably exposed, thus constituting a favourable procurement source. The flint blocks collected from these outcrops and introduced into the site (raw and/or tested) were selected for their specific qualities. Each category of flint block introduced into the occupation corresponds to a distinct blade reduction sequence. Each is oriented toward the production of specific products, either very long, rectilinear blades (27 x 6 x 2.2 cm average), or smaller, finer ones with a more curved profile (8 to 16 cm long). The dimensional variability of these intentional products and a pronounced and intentional reduction of the preparation phases of the laminar volumes, clearly guided the choices made during procurement of raw materials. Two bladelet reduction sequences are also present. The first is oriented toward the production of rectilinear bladelets from cores made on flakes or block fragments. The second allows the production of small, curved bladelets from “carinated scraper” type cores. Finally, an occasional flake reduction sequence is also attested. Retouched tools are not very numerous in this occupation, as in all the open-air sites of this period in the Bergerac region (less than 5%). The tools present are nonetheless typical of the Early Aurignacian period: blades with Aurignacian retouch, strangled blades, carinate scrapers, a few rare burins, simple scrapers, and especially by a range of “common” Mousterian tools (notches, denticulates, scrapers, and one shaped piece). The functional analysis of a portion of these tools confirms their use, along with that of some raw blanks, in the transformation of varied materials. This analysis was realized on a sample of 44 pieces representative of all the blade and bladelet reduction sequences. It illustrates the particular nature of this occupation, where skin and osseous materials (bone and antler) were worked, and thus shows the importance of activities other than the fabrication of stone blanks at this site. Though the entire process of skin working seems to be represented, including the phases of softening, preparation and production of leather products, dry skins appear to have been the most abundantly worked. For the phases of softening and preservation, the use of ochre powder obtained at the site is attested. The fabrication and maintenance of wood and osseous materials (bone and antler) are also well

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represented. The type of work performed is diverse and complex (cutting, grooving and scraping), illustrating working intensities that differ according to the extension of the active zone. For bone and antler tools, the entire reduction sequence is more or less complete, from the initial production of blanks to the finishing and maintenance phases. Butchery, which is underrepresented due to poor conservation condidtions, is nonetheless observable on a few tools with traces attesting to contact with bone. The spatial organization of the remains shows distinct activity (knapping and others) areas in the form of concentrations or more or less delimited zones. Even if their sub-contemporaneity has not been systematically confirmed by refits, this spatial organization, associating sometimes clearly distinct production and utilization zones, suggests a structured social organization of the Aurignacians of Barbas III. This study shows that a diverse range of activities were performed at this site, including stone tool production, skin, bone, antler and wood working, butchery and hunting. Though it may correspond to multiple episodes, this occupation thus represents a rather long term implantation during which no clearly dominant activity domain is identifiable. These data contradict the often too rapid interpretation of Aurignacian occupations in the Bergerac region as workshops for the fabrication of stone blanks essentially destined for exportation. The Early Aurignacian level of Barbas III is a complex occupation integrating a large number of domestic activities necessary for the maintenance of a group, which is the common definition of a habitat. Due to its amplitude (estimated at more than 4000 m2) and its socio-economic organization, this habitat must thus have played an important and specific role within the Bergerac territory, rich in Early Aurignacian occupations.

El presente artículo tiene como objetivo de definir a partir de los primeros resultados de los estudios tecnológicos, funcionales, espaciales y tecno-económico del yacimiento al aire libre de Barbas III. La disposición de los vestigios líticos muestra que las diferentes actividades realizadas en el yacimiento se hayan bien delimitadas en el espacio, en forma de concentración o de areas más o menos difusas. Estas informaciones dejan entrever una organización social estructurada de los Auriñacienses de Barbas III. Además, la evaluación de las trabajos realizados en el yacimiento traducen una gran diversidad de actividades :producción, trabajo de la piel, del hueso, de asta, de madera al igual que ciertas evidencias de carniceria y de la existencia de armas de projectil. Todos estos datos tienden a definir el nivel Auriñaciense antiguo como una ocupación compleja con un gran número de actividades.

INDEX

Palabras claves : Auriñaciense, espacial, habitat, Paleolítico, tecnología, traceología Mots-clés : Aurignacien ancien, habitat, Paléolithique, spatial, technologie, tracéologie Keywords : Early Aurignacian, habitat, Paleolithic, spatial organization, technology, traceology

AUTEURS

ILLUMINADA ORTEGA INRAP Grand-sud-ouest - 33600 Pessac ; UMR 7041 « Archéologie et sciences de l’Antiquité ».

JOSEVA RIOS Dpto. de Ciencias Históricas, Universidad de Cantabria.

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Le burin des Vachons : apports d’une relecture technologique à la compréhension de l’Aurignacien récent du nord de l’Aquitaine et des Charentes Burin des Vachons: a technological reconstruction approach to understanding the recent Aurignacian in Northern Aquitaine and Charente

Damien Pesesse et Alexandre Michel

Nous tenons tout d’abord à remercier Jean-Jacques Cleyet-Merle et l’ensemble du personnel du Musée National de Préhistoire. Nos remerciements s'adressent aussi à J.-P. Rigaud qui nous permet d'étudier les industries aurignaciennes du Flageolet I, et à J. Airvaux qui nous a offert l'occasion de voir la série des Vachons conservée à Poitiers. Enfin, Jean-Guillaume Bordes, François Bon et Foni Le Brun-Ricalens méritent une fois de plus une sincère révérence.

Introduction

1 La première moitié du XXème siècle a vu émerger les principales appellations d’outils, encore usitées aujourd’hui. Dans cette phase de désignation et de caractérisation des industries, le nom du site éponyme a souvent été employé pour singulariser un outil, définissant alors un type particulier. Ces termes eurent des avenirs contrastés, certains furent adoptés très rapidement, d’autres concurrencés, puis remplacés, voire oubliés (Le Brun-Ricalens 2005). À ces péripéties historiographiques, s’ajoute parfois un glissement terminologique. Ainsi, un décalage peut également se dessiner entre le sens initial d’une appellation et l’acception qui en est faite quelques décennies plus tard (Brézillon 1968 ; Le Brun-Ricalens 2005).

2 L’ « histoire » du burin des Vachons illustre bien le long processus qui se déroule entre la découverte d’un outil, la reconnaissance de ses spécificités et les différentes phases

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de description. Le burin des Vachons, mis au jour à la fin du XIXème siècle par J. Coiffard, identifié par J. Bouyssonie en 1948, puis défini par M. Perpère en 1972, se trouve actuellement dans sa phase de caractérisation technologique.

3 La dénomination « Vachons » a été appliquée à de nombreux burins carénés plans dont les enlèvements tendent à envahir la face inférieure de l’éclat, conférant à ce « type » une définition très large et, par conséquent, assez floue. Un retour à la série éponyme, objet de cet article, révèle clairement que l’appellation Vachons ne peut se résumer ainsi, et renvoie au contraire à une réalité technique bien plus spécifique, qu’il paraît pertinent de préciser et définir.

4 Une fois redéfini et replacé dans son contexte chronologique, le burin des Vachons illustre bien plus qu’une anecdote technologique : il semble synonyme d’un changement fort dans les conceptions et les objectifs de la production lamellaire qui accompagne les dernières phases de l’Aurignacien.

La station des Vachons

5 La station des Vachons, commune de Voulgézac, Charente, correspond à une suite d’abris et de grottes, s’ouvrant sur la partie méridionale d’un vallon dans lequel serpente la bien-nommée Font-Robert. Dès 1867, A. Trémeau de Rochebrune, puis G. Chauvet en 1896, commencèrent les premières prospections et ramassages. Peu après J. Coiffard entreprit des fouilles (Coiffard 1914,1922) dans l’Abri 1 et plus particulièrement dans l’Abri 2. P. David réalisa ensuite une tranchée dans la grotte attenante. De 1929 à 1937, les fouilles furent menées de concert par J. Coiffard et J. Bouyssonie (Bouyssonie et Sonneville-Bordes 1956 ; Fontaine 2000). Le chanoine de Brive effectua dans l’Abri 1 une tranchée perpendiculaire à la cavité, puis prolongea la fouille de P. David dans la grotte de l’Oeil-de-boeuf.

Archéo-séquence

6 J. Bouyssonie reconnut cinq niveaux archéologiques dans l’Abri 1, allant de l’Aurignacien au Gravettien final, et un seul niveau gravettien sur la plateforme inférieure du même abri (Bouyssonie 1948). L’Abri 2 livra à J. Coiffard une séquence similaire (Bouyssonie et Sonneville-Bordes 1956). La séquence de la grotte est légèrement plus récente. Dans cette cavité, les quatre ensembles rencontrés débutent au Gravettien pour s’achever avec le Solutréen.

7 La qualité de la lecture stratigraphique des fouilleurs permet à partir de leurs observations de restituer avec plus de précision la séquence archéologique.

8 Dans l’Abri 1, à la base du niveau 1, J. Bouyssonie mentionne la présence « d’un lit assez mince et poussiéreux, mais gris » contenant des pièces aurignaciennes, mais aussi « des éclats de facture moustérienne, voire un biface » (Bouyssonie 1948, p. 5). Cette observation fut reprise dans la publication suivante : « il est vraisemblable de supposer qu’une trace de niveau moustérien existait aussi à l’Abri n°2 » (Bouyssonie et Sonneville-Bordes 1956, p. 279). En effet, de nombreux éléments lithiques peuvent être rapportés à une occupation du Paléolithique moyen : racloirs, denticulés, supports issus de productions discoïdes, biface et fragment de biface, tous deux de type MTA (comm. pers. J.-Ph. Faivre).

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9 Selon J. Bouyssonie, la couche 2 de l’Abri 1 correspond peut-être à « deux strates, assez friables en arrière, très compactes en avant, où elles se trouvent coincées sous des blocs tombés » (Bouyssonie 1948, p. 6). Enfin, si un seul ensemble est individualisé sur la plateforme inférieure de l’Abri 1, le chanoine identifia « plusieurs lits minces noirâtres, sensiblement horizontaux, intercalés de lits sableux » (Bouyssonie 1948, p. 8). Il note que « les plus inférieurs de ces foyers bousculés contenaient pas mal de grattoirs carénés et de rabots [et] pourraient être contemporains de la couche 2 de l’Abri 1. À peu près au même niveau, j’ai remarqué de jolis spécimens de « fléchettes » du type de La Gravette ; les autres foyers, plus ou moins superposés, fournirent toujours des pointes à pédoncule » (Bouyssonie, 1948, p. 9). Ces éléments témoignent en faveur de l’existence de plusieurs niveaux archéologiques identifiés lors de la fouille, mais non isolés les uns des autres.

10 Enfin, dans la grotte, J. Bouyssonie mentionne la présence d’un niveau d’Aurignacien évolué, comparable à celui de la couche 2, situé un peu en avant (Bouyssonie 1948, p. 35).

11 Ces observations permettent d’affiner la stratigraphie habituellement retenue, bien que cela ne corresponde vraisemblablement qu’à une vague image de ce que fût la séquence archéologique complète (tab. 1).

Tableau 1 - Archéo-stratigraphie de la Station des Vachons. Table 1 - Vachons’s station archeo-stratigraphy.

La couche 2 des Abris 1 et 2 des Vachons

12 Les burins des Vachons furent rencontrés dans des ensembles comparables dans les quatre locus fouillés (Bouyssonie 1948 ; Bouyssonie et Sonneville-Bordes 1956 ; Perpère 1972 a et b, 1977). Sa position stratigraphique peut être définie comme sus-jacente à l’Aurignacien typique dans l’Abri 1, sous-jacent au Gravettien ancien devant ce même abri, dans le prolongement horizontal de l’Aurignacien typique de l’Abri 2, et pour la grotte, sur le substrat, en avant, apparemment déconnecté de la séquence intérieure.

13 La collection des Vachons fut dispersée dans divers musées et institutions dont le Centre Régional d’Archéologie de Poitiers, l’Institut de Paléontologie Humaine (Fontaine 2000) et le musée Henri Barré de Thouars dans les Deux-Sèvres. La série de la couche 2 abordée ici provient des fouilles réalisées par J. Coiffard. Il en fit don, en 1900, au Musée des Eyzies, actuel Musée National de Préhistoire ; elle provient majoritairement de l’Abri 2 (tabl. 2). Son intégrité peut être largement remise en question par la présence d’éléments lithiques attribuables à différentes périodes du Paléolithique : éléments moustériens cités précédemment, puis un outillage

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comparable à celui de la couche 1, dont de nombreux grattoirs carénés et une lame étranglée, et enfin, une microgravette proche de celles de la couche 3.

14 Compte tenu de ces biais, le mobilier présent ne peut être abordé comme un système technique cohérent et donc être interprété de manière globale. C’est donc à une approche du burin des Vachons partiellement déconnecté de son contexte industriel que nous contraint cet assemblage.

Tableau 2 - Description typologique de l’assemblage de la couche 2 des Vachons. Table 2 - Typological description of the Vachons layer 2.

Définitions

15 Très tôt l’abbé J. Bouyssonie distingua les burins rencontrés à l’Abri des Vachons : « Ici, nos ouvriers sont arrivés à une perfection remarquable : en amincissant la pièce par des retouches latérales en écaille, ils obtiennent ce qu’on pourrait appeler un burin caréné plan ou pointu » (Bouyssonie 1948, p. 16). En 1956, il affine leur caractérisation : ces burins « ont en commun le fait qu’à un enlèvement unique, celui qui est parallèle à l’axe de la pièce, est opposé un groupe d’enlèvements étroits obtenus par une technique lamellaire identique à celle employée pour les grattoirs carénés les moins larges » (Bouyssonie et Sonneville-Bordes 1956, p. 284). Toutefois, ce burin ne futpas introduit dans la liste typologique du Paléolithique supérieur (Sonneville-Bordes et Perrot 1956), ni dans celle révisée en 1972 (non publiée), mais intégré au manuel de typologie de Heinzelin (Heinzelin 1962, p. 30). M. Brézillon compara ensuite ces pièces à des « burins carénés sans encoche » (Brézillon 1968, p. 181). En 1972, M. Perpère individualisa enfin ces outils sous le terme « burin des Vachons » (Perpère 1972a, p. 414 ; 1972b, p. 321). Les critères de définition retenus concernent la présence d’un pan unique préférentiellement à droite, des enlèvements plans multiples à gauche, une retouche inverse du bord droit prolongeant ces négatifs,

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la présence d’une coche sur le bord gauche et l’implantation du burin fréquemment sur la partie proximale d’un éclat cortical épais (Perpère 1972a, p. 416). Cette définition fut reprise dans le dernier essai de classification des outils du Paléolithique supérieur (Demars et Laurent 1989).

Le burin des Vachons

16 Le burin des Vachons constitue une catégorie apparemment polymorphe. Les aménagements varient en effet de manière très prononcée. Toutefois, la mise en forme de ces pièces conduit toujours à interpréter ces aménagements comme tributaires d’une intention de production lamellaire, ce que la restitution des logiques opératoires semble confirmer.

17 Ces burins sont réalisés sur des supports de natures diverses, comprenant des lames, des sous-produits du débitage laminaire, et une fraction importante d’éclats, fréquemment corticaux. Les supports recherchés sont souvent asymétriques et présentent parfois un dos naturel qui sera utilisé comme plan de frappe, brut ou après une modification du bord par une retouche directe abrupte.

18 La variabilité morphologique initiale des supports est corrélée à une mise en forme différentiée, sensiblement liée à la régularité et à l’épaisseur du support transformé. Les supports les plus fins, comme les lames, ne sont ainsi pratiquement pas investis (fig. 1, n° 1). A l’opposé, l’exploitation de supports épais, notamment des éclats corticaux, induit un aménagement accru (fig. 1, n° 2 ; fig. 2), voire complet, de la face inférieure (fig. 3). Les exemplaires les plus investis témoignent de mises en forme complètes, par le biais d’une crête périphérique, structurant totalement le volume initial, qu’il s’agisse d’éclats, d’éclats diaclasiques ou même de fines plaquettes (fig 4). Les nucléus ainsi obtenus possèdent des morphologies très distinctes. Les nucléus sur lames ou sur préformes complètes sont étroits et symétriques alors que l’exploitation d’éclats épais, fréquemment corticaux, configure le volume de manière asymétrique. Ce facteur trouve une incidence notable sur les modalités respectives de gestion du débitage.

19 Le positionnement de la table s’effectue dans la partie étroite du volume, transversalement à la longueur du support. Dans certains cas, l’allongement des enlèvements a été privilégié par le biais d’une orientation de la table dans le grand axe du nucléus (fig. 3, n° 1).

20 L’exploitation de nucléus étroits permet de maintenir la progression du débitage au centre du volume, de manière frontale, sans investir fortement les flancs (fig. 1, n° 1 ; fig. 4). En revanche, l’asymétrie des nucléus épais implique un positionnement de la table légèrement différent car l’importante convexité du flanc cortical réduit la possibilité de déborder vers la face supérieure. L’envahissement se trouve plus fortement limité si le plan de frappe est aménagé par retouche directe. Dans ce cas, la table est alors implantée de manière désaxée entre la tranche et la face inférieure de l’éclat (fig. 1, n° 2 ; fig. 2).

21 Le débordement vers la face inférieure s’effectue par l’intermédiaire de lamelles torses et outrepassantes, emportant un pan de la face inférieure en bordure de table ou les négatifs de la mise en forme. L’entretien de la face supérieure passe préalablement par l’extraction d’une tablette emportant la troncature (Le Brun-Ricalens et Brou 2003). Cet enlèvement burinant met en place une angulation plan de frappe/face supérieure et une nervure d’accroche pour le percuteur, favorables à l’envahissement de la face

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supérieure. Un éclat de cadrage peut alors être extrait à la jonction table/face supérieure. Cet éclat très standardisé présente une morphologie triangulaire, évasée en partie distale. Il emporte sur son bord droit une part des négatifs lamellaires issus de la table, en son centre, le négatif du précédent éclat de même type, et en son bord gauche, un pan de la face supérieure (emportant soit les négatifs des enlèvements antérieurs, soit du cortex) (fig. 5, n° 3 et 4, et pour les négatifs de ces éclats fig. 1, n°2 ; fig. 3, n°2). L’exploitation d’éclats épais asymétriques implique donc une gestion différentiée des flancs. La progression, dans ce cas, n’est pas véritablement semi-tournante, puisque la position des produits recherchés ne varie pas au cours de la réduction.

Figure 1 - Burins des Vachons, Abri 2, couche 2 (dessins D. Pesesse). Figure 1 - Burins des Vachons, shelter 2, layer 2 (drawings D. Pesesse).

Figure 2 - Burins des Vachons, Abri 2, couche 2 (dessins D. Pesesse). Figure 2 - Burins des Vachons, shelter 2, layer 2 (drawings D. Pesesse).

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Figure 3 - Burins des Vachons, Abri 2, couche 2 (dessins D. Pesesse). Figure 3 - Burins des Vachons, shelter 2, layer 2 (drawings D. Pesesse).

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Figure 4 - Burins des Vachons, Abri 2, couche 2 (dessins D. Pesesse). Figure 4 - Burins des Vachons, shelter 2, layer 2 (drawings D. Pesesse).

Les produits recherchés

22 L’extraction de supports de cadrage en bordure de table constitue une des spécificités de la production de type Vachons. Il répond à une intention de délimiter précisément la table, en réduisant les convexités latérales, liées à l’exploitation d’une tranche d’éclat. Cela contribue également à configurer la délinéation latérale des enlèvements. Ainsi, la morphologie des supports lamellaires extraits au centre de la table n’est pas tributaire de la morphologie initiale du volume exploité.

23 Compte tenu de l’absence de fraction lamellaire dans la série étudiée, la morphologie des produits recherchés ne peut être appréhendée que par l’observation des négatifs lamellaires et la compréhension des logiques d’agencements des supports. Deux types d’enlèvements peuvent ainsi être distingués. Les supports extraits au centre de la table sont droits et rectilignes car l’onde de choc détache l’enlèvement avant d’arriver en fin de table. Les supports, extraits à partir du négatif du bord droit des précédents, donc légèrement désaxés vers la face inférieure, montrent une torsion dextrogyre ténue en partie proximale et une faible courbure. L’outrepassage des lamelles latérales et la convergence des enlèvements lamellaires confèrent une extrémité acuminée à ces deux types de produits. D’un point de vue dimensionnel, les négatifs lamellaires dessinent des gabarits très distincts, de 17 à 60 mm de longueur (jusquà 80 mm pour le plus long), et 3 à 12 mm de large.

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Synthèse

24 Seules certaines orientations techniques, certaines conceptions de la production de type Vachons transparaissent dans cette collection, très fragmentaire. En dépit de ce biais, la diversité et la complexité de ce système technique se profilent clairement. La production de type Vachons ne peut être comprise comme l’expression d’une unique modalité technique mais comme un « concept » de production se déclinant selon différents axes. Cette conception se manifeste par la réalisation d’un objectif, la production de lamelles subrectilignes à rectilignes, pointues, selon différentes modalités techniques, liées notamment à la morphologie initiale des supports sélectionnés (fig. 5). L’apparente variabilité du burin des Vachons disparaît ainsi derrière une manière unique de concevoir la production. Seule l’étude d’ensembles lithiques homogènes sera à même de définir si à ces modalités peuvent être corrélées des différences d’objectifs notables, et ainsi de distinguer des sous-types de production.

Figure 5 - Schéma de production de type Vachons sur éclat épais (n°1) et sous-produits provenant de la couche 2 (n°2 à 5) (dessins D. Pesesse). Figure 5 - Schématical process of the Vachons’s production (n°1) and sub-products from the layer 2 (n°2 to 5) (drawings D. Pesesse).

25 La reconnaissance d’une logique de production de type Vachons s’avère d’autant plus importante que les débitages réalisés sur tranches d’éclats peuvent présenter de fortes convergences techniques. Le mode de ravivage des burins des Vachons s’effectue en effet selon une modalité documentée pour le Magdalénien ancien de Thèmes (Le Brun- Ricalens et Brou 2003). De même, l’entretien latéral de la table à la jonction de la face supérieure, par l’extraction d’un sous-produit très spécifique, trouve de forts points de comparaison avec les productions sur burins carénés fins de l’Aurignacien récent du

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Levant (Tixier 1974 ; Bergman 1987 ; Soriano 1997), mais également du Gravettien ancien de la Vigne Brun (Pesesse 2002, 2003).

26 La reconnaissance depuis ces dix dernières années de nombreux schémas opératoires basés sur l’exploitation de la tranche d’un éclat tant pour le Paléolithique supérieur (Le Brun-Ricalens et Brou à paraître ; Le Brun-Ricalens et Brou 2003 ; Le Brun-Ricalens 2005 ; Brou et Le Brun-Ricalens 2005) que pour certaines industries du Paléolithique moyen récent (Slimak 1999, Slimak et Lucas 2005) révèle la multiplicité des objectifs et des réponses adoptées par les artisans paléolithiques pour faire face aux contraintes volumétriques et morphologiques inhérentes à l’exploitation d’une tranche d’éclat. Si des convergences techniques apparaissent entre elles, des logiques d’exploitations différentes permettent, selon l’agencement des supports et des éléments de cadrage, d’exprimer des objectifs distincts.

27 Au-delà de convergences techniques, des formes de passage peuvent apparaître entre différents procédés. La série des Vachons offre des exemples de pièces partageant des caractères de gestion mixte, depuis le burin busqué à cadrage latéral, jusqu’au burin des Vachons à coche d’arrêt (fig. 6). Ces éléments tendent à nuancer sinon réduire l’impression de rupture créée par les exemplaires les plus typiques de chacun des procédés lamellaires.

Figure 6 - Burin busqué, n°1 : Abri 2, couche 2, et burin busqué à tendance Vachons, n°2 : Abri 1, couche 2 (dessins D. Pesesse). Figure 6 - Burin busqué, n°1 : shelter 2, layer 2 and burin busqué near of the Vachon’s type, n°2 : shelter 1, layer 2 (drawings D. Pesesse).

Les Gisements

28 Très tôt des comparaisons furent établies entre le niveau 2 des Vachons et des ensembles aurignaciens à fort indice de burins (Bouyssonie 1948). En 1950, J. Bouyssonie remarque que « la similitude de l’industrie du burin au niveau 2 de ces 3 gisements : Chanlat, Bouïtou, Vachons est frappante » (Bouyssonie et Delsol 1950, p 188). Ce niveau d’Aurignacien évolué fut ensuite rapproché du niveau D2S de Caminade-Est (Bouyssonie et Sonneville-Bordes 1956, p. 284), bien que D. de Sonneville-Bordes ne décrive pas de burin caréné proche des Vachons dans ces niveaux riches en burins busqués (Sonneville-Bordes 1970). D. de Sonneville-Bordes compara cette industrie à

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l’Aurignacien II de et de la Faurélie (Sonneville-Bordes 1960, p. 131). En 1962, H. Delporte mentionne la présence « du « burin caréné » de l’Aurignacien évolué des Vachons » dans la couche 17 de l’Abri du Facteur (Delporte 1962), présent dans les couches 17 à 15 (Delporte 1968). La dénomination « burin des Vachons » et la définition proposées par M. Perpère (Perpère 1972 a et b) confèrent enfin une certaine lisibilité à cette catégorie d’outils. En Charente, M. Perpère retrouve ces burins particuliers dans la couche B de l’Abri du Chasseur (Perpère 1975, p. 245) bien que l’homogénéité des niveaux présentant de tels témoignages de « survivance » (Balout 1956) de l’Aurignacien au Gravettien aie pu être remise en question(Perpère 1975, Sonneville-Bordes 1985). A. Morala rencontre ces burins dans l’Abri Peyrony, niveau 9a-10 (Morala 1982, 1984). Par la suite, P.-Y. Demars reconnaît ces outils dans la couche supérieure de Chanlat (Demars 1982), puis à Roc de Combe, couches 5 et 6 et à Gorse (Demars et Laurent 1989 ; Demars 1994). Le Grand Abri de la Ferrassie a livré à H. Delporte des burins « du type des Vachons » dans la partie sommitale de la séquence, à partir de la couche K3b (Delporte 1984). Dans les sériations successives de l’Aurignacien, H. Delporte ne prit pourtant jamais en compte la présence de burins des Vachons, comme un élément de subdivision des phases récentes de l’Aurignacien (Delporte 1962, 1968, 1984, 1991). Les burins des Vachons sont aussi présents dans la couche VIII du Flageolet I et dans la couche 5 (peut-être dans les couches 4 et 6) de la grotte Maldidier (Rigaud 1982). L’importante séquence de l’Abri Pataud abonde en ce sens, les burins des Vachons apparaissent dans la partie supérieure, à partir de la couche 7 (Chiotti 2003).

29 En résumé, les burins des Vachons furent toujours rencontrés en sommet de séquence aurignacienne, dans des niveaux sus-jacents à des assemblages à grattoirs à museaux, et associés à des burins busqués (fig. 7). Ces éléments de stratigraphie confirment leur valeur chrono-culturelle reconnue par P.-Y. Demars (Demars 1994 ; Demars et Laurent 1989) comme marqueur de la fin de l’Aurignacien dans les gisements du Nord de l’Aquitaine et des Charentes.

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Figure 7 - Répartition des gisements à burins des Vachons cités dans le texte. Figure 7 - Localisation of the sites including burins des Vachons called in the text.

Les lamelles retouchées associées au burin des Vachons

30 Dans certains niveaux archéologiques comprenant des burins des Vachons, plusieurs populations de lamelles retouchées peuvent être distinguées. Il s’agit notamment de lamelles Dufour torses dextrogyres, à retouche dextre inverse ou alterne, correspondant au sous-type Roc-de-Combe (Demars et Laurent 1989). Ces supports sont produits à partir de grattoirs à museaux et de burins busqués (Lucas 1997, 2000 ; Chiotti 1999, 2000, 2003 ; Bordes 2005). La seconde population, représentée par les lamelles Caminade, est réalisée sur des lamelles rectilignes, de très petites dimensions, portant une retouche directe sur un bord, ou, plus rarement, sur les deux (Bordes et Lenoble 2002). Ces lamelles sont issues, comme les lamelles Roc-de-Combe, de burins busqués.

31 À côté de ces deux populations, certains supports se différencient par un module plus important, un profil rectiligne ou légèrement courbe, et par la présence d’une fine retouche dextre directe. Ces lamelles retouchées s’observent notamment à l'Abri Peyrony (Morala 1984), à Maldidier, au Flageolet I (Rigaud 1982) et à la Ferrassie (Delporte 1984) (fig. 8). Ces supports présentent des caractéristiques dimensionnelles et morpho-techniques très distinctes des lamelles Dufour et Caminade de l’Aurignacien récent. En revanche, elles partagent le module et la rectitude des négatifs décrits pour la production de type Vachons (fig. 8, n° 8 à 13). Compte tenu de cette correspondance en termes d’objectifs, il est alors envisageable que ces lamelles à retouche directe marginale correspondent aux lamelles produites à partir des burins des Vachons. La réalisation de remontages et la discrimination d’autres schémas lamellaires concordants dans ces niveaux seront nécessaires pour vérifier pleinement cette hypothèse.

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32 L’association du burin des Vachons avec d’autres modes de productions lamellaires, grattoirs à museaux et burins busqués, pose certains questionnements concernant la stricte co-existence de ces modalités que seules de nouvelles fouilles, notamment de sites de plein-air, permettront de vérifier.

Figure 8 - Négatifs et profils des derniers enlèvements de plein débitage des burins des Vachons (8 à 13), et lamelles à retouche directe marginales du Flageolet I, (couche VIII : 1 à 7), la Ferrassie (couche I2 : 16, couche H : 17, 18), l'Abri Peyrony (niveau 9a-10 : 19), et Maldidier (niveau 4 : 20, 21, 22, niveau 5 : 14, 23 à 30, niveau 6 : 15) (dessins J.-G. Marcillaud : 1 à 7, 14, 15, 20 à 30 ; H. Delporte : 16 à 18 ; A. Morala : 19). Figure 8 - Negatives and profils of the last bladelets produced by burins des Vachons (8 à 13), from Flageolet I, (couche VIII : 1-7), Ferrassie (layer I2 : 16, couche H : 17, 18), Abri Peyrony (layer 9a-10 : 19), and Maldidier (layer 4 : 20, 21, 22, layer 5 : 14, 23-30, layer 6 : 15) (drawings J.-G. Marcillaud : 1-7, 14, 15, 20-30 ; H. Delporte : 16-18 ; A. Morala : 19).

Les burins des Vachons à la Ferrassie, au Roc-de-Combe et au Flageolet I

33 La présence du burin des Vachons a pu être confirmée lors de l’examen du matériel de certains gisements nord-aquitains. Dans la collection Peyrony de l’Abri de la Ferrassie, conservée au Musée National de Préhistoire, ces burins se rencontrent de manière épisodique dès la couche H (fig. 9), attribuée à l’Aurignacien II (Peyrony 1933), leur fréquence augmente de manière significative dans les couches sus-jacentes, H', attribuée à l’Aurignacien III, et H'' à l’Aurignacien IV (Peyrony 1933). Pour l'heure, la position stratigraphique des burins des Vachons de la couche H reste discutable. Les couches 6 et 5 du Roc-de-Combe, respectivement attribuées à un Aurignacien II et évolué par D. de Sonneville-Bordes (Sonneville-Bordes 2002) et la couche VIII du Flageolet I, décrite comme un Aurignacien récent (Lucas 2000, Rigaud 1982) recèlent effectivement ces burins spécifiques (fig. 10).

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Figure 9 - Burins des Vachons de la Ferrassie, n°1, 2, 4 et 5 - couche H' ; n°3 - couche H'' (dessins A. Michel). Figure 9 - Burins des vachons from Ferrassie n°1, 2, 4 et 5 - couche H' ; n°3 - couche H'' (drawings A. Michel).

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Figure 10 - Burins des Vachons du Roc-de-Combe, n°1 - couche 5; n°2 et 3 - couche 6 (dessins A. Michel). Figure 10 - Burins des Vachons from Roc-de-Combe, n°1 - layer 5; n°2 et 3 - layer 6 (drawings A. Michel).

34 Dans ces gisements, les burins des Vachons révèlent une logique opératoire identique à celle observée dans la série éponyme. Le choix des supports de nucléus s’avère aussi varié. Toutefois, bien que certaines pièces aient été fortement investies, la mise en forme demeure généralement sommaire. Un examen de la fraction fine des séries du Roc-de-Combe et du Flageolet I a permis de retrouver les éclats de mise en forme (notamment des éclats kombéwa) et des éléments d'entretien des nucléus (fig. 11). Leurs caractéristiques techniques viennent confirmer les tendances décrites précédemment. Certains éclats kombéwa ont pu être remontés sur des burins des Vachons, dans la couche VIII du Flageolet I, mais malheureusement aucune lamelle retouchée.

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Figure 11 - Sous-produits de burins des Vachons du Roc-de-Combe, couche 5 (1, 2, 4 à 9) et du Flageolet I, couche 8 (3, 10 à 13) (dessins A. Michel). Figure 11 - Sub-products of burins des Vachons from Roc-de-Combe, layer 5 (1, 2, 4 à 9) and Flageolet I, layer VIII (3, 10 à 13) (drawings A. Michel).

35 La variation des types de produits, pressentie lors de l'étude des burins-nucléus, se retrouve dans la fraction lamellaire de la couche VIII du Flageolet I, et dans une moindre mesure dans celles des couches 6 et 5 du Roc-de-Combe. Les produits recherchés étant soit tors en partie proximale, soit totalement rectilignes. Malgré cette différence, ils présentent une retouche directe sur un bord, voire les deux, affectant surtout la partie distale, renforçant ainsi l'aspect appointé de ces lamelles.

Bilan et perspectives

36 La série éponyme permet de reconsidérer la nature du burin des Vachons et de poser, en complément aux observations antérieures, des bases nouvelles pour sa définition et sa compréhension. Cette pièce peut dorénavant être considérée comme un nucléus à lamelles et non plus comme un simple outil, aspect déjà évoqué par L. Chiotti (2003). Le burin des Vachons ne correspond pas seulement à un schéma de débitage original réalisé à partir d’un burin caréné mais à un concept de production lamellaire décliné sous des formules très diverses, du burin caréné fin à la préforme complète. Ainsi, l’envahissement de la face inférieure ne constitue qu’un des éléments de définition et de reconnaissancedu burin des Vachons et ne peut être retenu isolément comme diagnostique.

37 Mais l’intérêt ne réside pas dans le degré d’élaboration ou de complexité du système technique ; des productions lamellaires très normées, très investies existent durant tout l’Aurignacien. En revanche, la manière dont les objectifs de production lamellaire évoluent à partir des traditions techniques de l’Aurignacien récent constitue un

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élément remarquable. Après l’évolution morphologique et technologique progressive de la lamelle Dufour depuis l’Aurignacien ancien jusqu’au sous-type Roc-de-Combe, une modification importante apparaît enfin dans ce continuum. Les objectifs lamellaires, depuis le processus de production de type burin busqué, dont la rigidité opératoire assure la constance du profil et la faible dispersion dimensionnelle des produits recherchés, les nano-lamelles torses (Lucas 1997, 2000 ; Chiotti 1999, 2003 ; Chazan 2001 ; Bordes 2005 ; Bordes et Lenoble 2002), évoluent en faveur d’un élargissement dimensionnel de la gamme des produits et une modification notoire des paramètres. Les lamelles provenant du burin des Vachons mesurent en effet de 20 à 60 mm de longueur, possèdent un profil rectiligne à subrectiligne et une extrémité distale aigüe. La généralisation de la retouche directe, apparue avec la lamelle Caminade, constitue un des paramètres de cette évolution.

38 Toutefois, bien que les logiques opératoires des burins busqués et des burins des Vachons diffèrent notablement, une mise en opposition stricte de ces processus ne permettrait pas d’appréhender les mécanismes d’évolution de ces systèmes techniques. Dans ce sens, le burin des Vachons pourrait être abordé comme le prolongement technique de certaines innovations manifestées, dès la phase à burins busqués, avec la lamelle Caminade (Bordes et Lenoble 2002). En effet, cet outil cristallise déjà certaines intentions, dont la rectitude, qui seront les éléments constitutifs de la production de type Vachons.

39 La reconnaissance d’un tel objectif dans les phases récentes de l’Aurignacien nord- aquitain modifie profondément notre compréhension des dernières expressions de cette culture. Au-delà des variations techniques, le burin des Vachons révèle une modification profonde dans la manière même de concevoir la production dans l’histoire lithique aurignacienne. Ce changement conceptuel permet de mieux envisager les innovations et les restructurations ultérieures que ne laissait entrevoir la rigidité du processus de production de type burin busqué. Un important travail reste à accomplir dans la compréhension de l’Aurignacien récent, notamment dans la caractérisation des objectifs de production des burins des Vachons, dans la documentation de la diversité de ce système technique, dans la définition de son ancrage dans la tradition technique et économique aurignacienne. La manière dont les productions lamellaires évoluent à partir de l’Aurignacien récent, dans les objectifs et leur intégration à la sphère laminaire (Bordes et Lenoble 2002 ; Michel 2005) constitue une voie d’investigation privilégiée à la compréhension des sociétés de la fin de l’Aurignacien. Cette contribution ne constitue qu’un jalon de cette enquête.

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ANNEXES Abridged English version The Vachons (located in Voulgézac, Charentes, north Aquitain, France) correspond to different rock-shelters and caves. The site has been explored by A. Trémeau de Rochebrune in 1867 and by G. Chauvet in 1896. Main excavations have been realised by J. Coiffard at the end of the XIX° century (Coiffard 1914,1922), and by J. Bouyssonie from 1929 to 1937 (Bouyssonie et Sonneville-Bordes 1956). They excavated two rock- shelters, called Abri 1 and Abri 2, and one cave. In the shelters, a very similar stratigraphy has been recognized, starting with a classical Aurignacian, through a recent Aurignacian, followed by three gravettian levels. The cave stratigraphy is more recent, starting with the Gravettian to finish with the Solutrean (Bouyssonie 1948). J. Coiffard and J. Bouyssonie have very soon recognized the specificity of the second level of both shelters corresponding to a recent aurignacian. These levels are characterized by the predominance of specific burins. In 1972, M. Perpère formulated the first

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definition of those burins, named « burins des Vachons ». They are distinguished after the importance of the spall removals, their constant lateralisation, and the presence of flat removals (Perpère 1972 a and b). Since, numerous burins presenting flat spalls removal have been called « burins des Vachons », with no consideration for the chrono-cultural context in which those pieces have been found. A new analysis of the burin des Vachons, coming from Coiffard’s excavations in the 2nd rock-shelter of the Vachons lead to a new interpretation of this tool. A technological approach argues that the shaping of this tool corresponds indeed to a lamellar production process. In this acceptation, the Vachons recovers a strong chrono-cultural value as discussed below.Burins des Vachons are realised on different kinds of blanks, including blades, small blocs, and a large part of thick cortical flakes. Those morphological variations are correletad to distinct preparations of the blanks. Because of their regularity, blades do not need a very important shaping, but irregular or cortical flakes do need a preparation which can be almost complete. Some cores are also entirely shaped through a peripheric crest, which is original for aurignacian lithic productions. This shaping results in a straight morphology, in which the production will be conducted. Considering the thickness of the core, spall removals are more or less extracted on the flanks. The goal is to define the first intention product in the center of the debitage surface, defined by lateral removals. By the time Coiffard performed his excavations, bladelets and small fragments resulting from the shaping were missed and therefore absent of his collection. Then the morphology of the sought bladelets can be infered through the observation of the spall removal negatives and the comprehension of the process logic. Bladelets produced are straight and rectilinear, and show a sharp extremity, due to the basal convergence of the removals. The dimensions observed on the cores are 17 to 80 mm long, for 3 to 12 mm wide. The burin des Vachons can then be considered as the result of a very specific lamellar process, and not only as a flat burin. According to this definition, the burin des Vachons recovers a specific chrono- stratigraphical position. Indeed, archeological levels including this object are Abri du Facteur, layers 17 and 15 (Delporte 1962, 1968), Roc de Combe, layers 6 and 5 (Demars et Laurent 1989 ; Demars 1994), Flageolet I, layer 8 (Rigaud 1982), Ferrassie, levels K3b and uppers (Delporte 1984), Abri Pataud, layers 7 and 6 (Chiotti 2003). All these levels share one principal characteristic : they are the latest manifestations of classic aurignacian archeological sequences in the Northern Aquitaine. It stresses the fact that burin des Vachons is a very good indicator of the latest technologies employed by Aurignacians (Demars 1994 ; Demars et Laurent 1989). In those layers, a kind of straight and rectilinear bladelet with direct marginal retouch exists (Rigaud 1982, Delporte 1984), which is very close to the lamellar negatives observed on the Vachons. Those bladelets may result from this process, but refittings are neccessary to confirm this hypothesis.

RÉSUMÉS

La couche 2 des Vachons a livré un type de burin particulier reconnu par J. Coiffard (Coiffard 1914, 1922), puis J. Bouyssonie (Bouyssonie 1948) et défini par M. Perpère comme le « burin des Vachons » (Perpère 1972 a et b). Le façonnage de ces burins correspond à une intention de production lamellaire orientée vers la recherche de lamelles à tendance rectiligne, mesurant de 20 à 60 mm de long. Un schéma opératoire complexe peut alors être restitué. Cette redéfinition

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confirme la forte charge culturelle de ce procédé, dont témoigne sa position chronologique dans les gisements du nord de l’Aquitaine. En effet, les ensembles comprenant des burins des Vachons clôturent certaines séquences aurignaciennes classiques dont la Ferrassie, le Roc-de-Combe, l’Abri Pataud, le Facteur et le Flageolet I. La nature du procédé opératoire et de l’objectif sous-jacent révèlent un changement fort dans les conceptions lamellaires de la fin de l’Aurignacien, en décalage avec les productions antérieures issues des burins busqués. Ce travail propose de documenter cette évolution technique qui permet d’envisager sur des bases nouvelles les dernières phases de l’Aurignacien.

INDEX

Keywords : Aquitaine, burin des Vachons, lithic technology, production lamellaire, Recent Aurignacien Mots-clés : Aquitaine, Aurignacien récent, burin des Vachons, production lamellaire, technologie lithique

AUTEURS

DAMIEN PESESSE ESEP – UMR 6636, Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme, 5 rue du château de l’Horloge, BP 647, 13094 Aix-en-Provence Cedex 2

ALEXANDRE MICHEL Université Bordeaux 1, PACEA-IPGQ – UMR 5199, Avenue des Facultés, 33 405 Talence Cedex

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Les couches supérieures de la Micoque (Dordogne) Upper levels of La Micoque (Dordogne)

Gaëlle Rosendahl

Dr. K.-W. Beinhauer, Mannheim ; Dr. G. Böhme, Museum für Naturkunde, Berlin ; PD Dr. M. Bolus, Universität Tübingen ; D. Bonjean, Grotte ; Prof. Dr. G. Bosinski, Universität zu Köln ; Dr. K.H. Brandt, Bremen ; Prof. Dr. M. Brunet, Université de Poitiers ; Dr. J. M. Burdukiewicz, Université de Wroclaw ; Dr. C. Buret, Musée Ste Croix, Poitiers ; Dr. J. Burger, Universität Mainz ; Dr. J.-J. Cleyet-Merle, Musée National de Préhistoire, Les Eyzies-de-Tayac ; Curt-Engelhorn Stiftung, Mannheim ; R. Drößler, Zeitz ; Prof. Dr. L. Fiedler, Marburg ; Dr. G. Garcia, Université de Poitiers ; Dr. J.-M. Gouédo, Paris ; Dr. J. Grünberg, Landesamt für Archäologie Sachsen-Anhalt mit Landesmuseum für Vorgeschichte, Halle ; A. Heinke, Dipl.-Geol., Bundesanstalt für Geowissenschaften und Rohstoffe, Dienstbereich Berlin ; B. Henriette, Les Eyzies-de-Tayac ; A. Hoffmann, M.A., Museum für Vor- und Frühgeschichte, Schloß Charlottenburg, Berlin ; Prof. Dr. K.-D. Jäger, Halle ; Dr. A. Justus, Monrepos ; B. Kaulich †, M.A., Nürnberg ; Prof. Dr. W. Menghin, Museum für Vor- und Frühgeschichte, Berlin Charlottenburg ; Dr. A. Morala, Musée National de Préhistoire, Les Eyzies-de-Tayac ; Dr. G. Morgenroth, Universität Erlangen ; Dr. B. Mühldorfer, Vorgeschichtliche Sammlung der Naturhistorischen Gesellschaft, Nürnberg ; H. Orth, Ratingen ; Prof. Dr. M. Otte, Université de Liège ; Dr. A. Pastoors, Neanderthal Museum, Mettmann ; Prof. Dr. A. Pletsch, Universität Marburg ; Prof. Dr. L. Reisch, Universität Erlangen ; Dr. U. Reuter, Landesamt für Archäologie mit Landesmuseum für Vorgeschichte, Dresden ; Prof. Dr. J. Richter, Universität zu Köln ; Dr. W. Rosendahl, Reiss- Engelhorn-Museen Mannheim ; Dr. C. Schwab, Musée des Antiquités Nationales, St. Germain-en- Laye ; Prof. Dr. W. Schirmer, Düsseldorf ; Dr. G. Tromnau, Duisburg ; Dr. Habil. A. Turq, Musée National de Préhistoire, Les Eyzies-de-Tayac ; Dr. M. Ulrix-Closset, Lüttich ; Dr. Th. Uthmayer, Universität zu Köln ; Dr. St. Veil, Niedersächsisches Landesmuseum Hannover ; R. Walter M.A., Schelklingen ; PD Dr. T. Weber, Magdeburg ; D. Wegner, Neckarbischofsheim ; PD Dr. W. Weißmüller †, Universität Erlangen ; K. Werberger M.A., Museum Ulm ; Prof. Dr. A. Wieczorek, Reiss-Engelhorn-Museen, Mannheim ; Dr. C. Züchner, Universität Erlangen. Un merci tout particulier aux rapporteurs, Messieurs Prof. Dr. J.-P. Texier et Dr. P.-J. Texier, pour leurs critiques constructives.

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1 - Le site

1 La Micoque est située non loin du village des Eyzies-de-Tayac en Dordogne (fig.1) et domine d’environ 20m (comm. pers. J.-P. Texier) le ruisseau Manaurie, affluent de la Vézère (Chauvet et Rivière 1896 ; Laville 1975). Le site doit son nom à un mas ruiné sur la propriété duquel les artéfacts furent découverts (Bordes 1984a).

2 Le site de La Micoque était, lors de sa découverte, une surface parsemée de blocs d’éboulis présentant une pente de 22°. Durant les fouilles, une falaise calcaire devant laquelle les sédiments s’étaient accumulés fut dégagée. La Micoque était vraisemblablement un site de plein air au pied d’une paroi rocheuse.

Figure 1 - situation de La Micoque. Figure 1 - situation of La Micoque.

2 - Un peu d’histoire, problèmes et questions

2.1 - De nombreux chercheurs

3 Le site fut découvert en 1895 et les premières fouilles furent faites en 1896 par G. Chauvet et E. Rivière, qui publièrent immédiatement les résultats (Chauvet 1896 ; Chauvet et Rivière 1896). Ceci incita de nombreuses personnes à entreprendre des fouilles à La Micoque dans les années qui suivirent, tels en 1896 Capitan (Capitan 1896), en 1897 Harlé, en 1898 et 1906 Peyrony (Peyrony 1908a et b), en 1903 et 1905 Coutil (Coutil 1905), en 1905 Cartailhac, en 1906 et 1907 Hauser (Hauser 1906-1907).

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4 A partir de 1907, Hauser loua le terrain afin d’écarter tous les autres chercheurs. En 1912, trois scientifiques berlinois se rendirent aux Eyzies et fouillèrent à La Micoque. Cette mission se révèle maintenant être d’une grande importance car la publication qui en résulta (Wiegers et al. 1913), bien que n’étant qu’un rapport préliminaire, nous donne une deuxième description de la stratigraphie d’Hauser et la confirme, du moins en grande partie.

5 En 1914, Hauser, accusé de collaboration avec l’ennemi, dut quitter Les Eyzies en toute hâte. Il n’y revint jamais.

6 Ce n’est qu’en 1929 que Peyrony, après avoir acheté le terrain pour l’Etat, y entreprit de nouvelles fouilles qui mirent au jour une série de couches archéologiques inconnues jusque-là (Peyrony 1933, 1938). Le site étant resté quinze ans sans protection, les couches supérieures, encore présentes en 1912 (fig.2), étaient détruites lors de la reprise des travaux. Seuls quelques restes à droite du site purent encore être identifiés (Peyrony 1938). En 1956, Bordes entreprit un sondage à La Micoque (Bordes 1984a), suivi par une reconsidération de la stratigraphie par Laville (Laville 1975 ; Laville et Rigaud 1976). A partir de 1983, de nouvelles fouilles ont été entreprises par une équipe interdisciplinaire (Debénath et Rigaud 1986).

Figure 2 - photographie de la stratigraphie de La Micoque en 1912 (Wiegers et al. 1913). Figure 2 - picture of the stratigraphy of La Micoque in 1912 (Wiegers et al. 1913).

7 L’histoire mouvementée du site a provoqué la dispersion des collections dans de nombreuses institutions, tant en Europe qu’en Amérique. Souvent, les pièces ne portent plus aucune indication stratigraphique.

8 La couche 6, qui contenait les bifaces, a disparu aujourd’hui. Il s’agit de la couche éponyme du Micoquien (Bosinski 1967 ; Hauser 1916 p.55), dont plusieurs auteurs tentèrent au cours du 20e siècle de reconstituer, décrire et définir le contenu (Bordes 1984b ; Bosinski 1970 ; Patte 1971). La discussion concernant le Micoquien et les industries de la Micoque se poursuit encore à l’heure actuelle (Gouédo 1999 ; Richter 1997, 2002 ; Veil et al. 1994).

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2.2 - De nombreuses stratigraphies

9 La première description de la seule couche connue à l’époque parut en 1896 (Chauvet 1896 ; Chauvet et Rivière 1896). Capitan publia en 1907 un relevé des couches découvertes par Peyrony et, en 1908, Hauser présenta son interprétation de la coupe, où figure une seule couche archéologique qui suit la pente du terrain (Hauser 1908a). Après la publication par Peyrony de son interprétation de la stratigraphie (Peyrony 1908a), Hauser publia un nouveau profil consistant en une succession de couches horizontales (Hauser 1908b) qui trouva l’approbation de Peyrony (Peyrony 1908b). Les travaux de Wiegers (Wiegers et al. 1913) confirment également cette seconde stratigraphie d’Hauser.

10 La publication des résultats des fouilles de 1929 (Peyrony 1933, 1938) marque d’une certaine façon un nouveau commencement, puisque Peyrony ne mentionne ni ne fait référence aux stratigraphies antérieures. Cette “ nouvelle ” stratigraphie servit, à partir de ce moment, de base pour tous les travaux postérieurs et est encore aujourd’hui la stratigraphie de référence. Cette stratigraphie fut précisée et complétée par Laville (Laville 1975 ; Laville et Rigaud 1976) et Bordes (Bordes 1984a) puis complètement réinterprétée en 1993 (Texier et Bertran 1993).

11 A partir du moment où la nouvelle stratigraphie de Peyrony fut adoptée comme base de recherche, toutes les stratigraphies antérieures perdirent leur valeur et ne furent jamais mises en relation avec celle-ci. Ceci concerne autant la première stratigraphie établie par Peyrony que la stratigraphie d’Hauser, dont Peyrony assure qu’elles sont pour ainsi dire identiques (Peyrony 1908b). Il en découle que tous les objets en provenance de collections faisant référence à la stratigraphie d’Hauser ne peuvent être raccordés au système stratigraphique actuel. Ceci inclut non seulement les objets vendus par Hauser, mais aussi un ensemble de plusieurs milliers de pièces en provenance de toutes les couches connues à l’époque, collecté par le géologue berlinois Wiegers en 1912 (Wiegers et al. 1913). Cette collection contient, outre un certain nombre de pièces retouchées, de nombreux nucléus et déchets de débitage, permettant d’ébaucher une étude technologique de la couche 6. Au vu des questions non résolues concernant le contenu de la couche 6, il est donc impératif de tenter de corréler la stratigraphie d’Hauser avec la seconde stratigraphie de Peyrony.

3 - Corrélations

12 Hauser ne modifia que très peu la stratigraphie qu’il publia en 1908 et dont Peyrony dit qu’elle correspond exactement à la sienne (Peyrony 1908b). Ceci signifie qu’il ne découvrit pas de couches archéologiques supplémentaires telles celles que Peyrony découvrit en 1929 et que la base de la première stratigraphie de Peyrony correspond à peu près à celle de la stratigraphie d’Hauser. Dès lors, si la première stratigraphie de Peyrony peut être corrélée avec celle des fouilles de 1929, la base de la stratigraphie d’Hauser pourra être mise en relation avec une couche de la stratigraphie de Peyrony 1933. La comparaison des descriptions des couches permettra ensuite d’évaluer dans quelle mesure les couches d’Hauser correspondent aux couches connues actuellement. Les descriptions des couches et les coupes stratigraphiques pouvant être consultées dans les diverses publications, elles ne seront reprises ici qu’en cas de besoin.

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3.1 - Les stratigraphies de Peyrony (Capitan 1907 ; Peyrony 1908a, 1933, 1938)

13 Peyrony avait pris l’habitude de numéroter ses couches de bas en haut, s’obligeant ainsi à modifier l’appellation de toutes les entités chaque fois que des couches plus profondes faisaient leur apparition. Ce fut le cas à La Micoque, où les couches identifiées lors des fouilles de 1906 portent d’autres appellations que celles des fouilles de 1929. Une seule fois, Peyrony fait référence à son ancienne stratigraphie dans une publication tardive : il mentionne que la couche E est le niveau archéologique puissant qu’il avait atteint en 1906 (Peyrony 1933).

14 La confrontation des informations lithologiques et archéologiques livrées par les deux descriptions stratigraphiques (fig. 3) permet immédiatement de se rendre compte que Peyrony n’a jamais atteint la couche E dans ses fouilles de 1906. En effet, même si toutes les couches ne peuvent être parallélisées avec certitude, la présence de divers niveaux archéologiques permet de faire un certain nombre de rapprochements. La couche

Gancienne correspond avec certitude à la couche N(6), il s’agit de la couche dite micoquienne. Etant donné que le niveau archéologique 5’ à la base de L n’a été reconnu que bien plus tard par Bordes (1984a), il n’a probablement pas été identifié en 1906 par

Peyrony et ne peut être pris en compte. Le groupe de trois couches (B, C, Danciennes), contenant du matériel archéologique et considéré (Peyrony 1908a) comme le niveau inférieur de La Micoque, correspond très probablement aux couches K, J(5) et peut-être I. Cette hypothèse est confirmée par la description du matériel archéologique recueilli

dans ces couches. Les pièces provenant de B, C et Danciennes sont décrites comme grossières, épaisses et informes (Peyrony 1908a), celles provenant de la couche J(5) également (Peyrony 1938). La seule précision fournie concernant le contenu des couches K et I est que les pièces sont roulées. Il est fortement improbable que Peyrony ait atteint la couche H(4) en 1906, les artéfacts en provenant étant décrits comme appartenant au Moustérien classique, avec des éclats assez minces, du débitage discoïde, et presque tous les types d’outils du Moustérien typique (Peyrony 1938), genre d’industrie qui n’est pas décrit dans le contenu de l’entité inférieure des fouilles de

1906 (Peyrony 1908a). La base du profil de 1906, la couche Aancienne, non fouillée, pourrait donc correspondre à la couche I, ou plus probablement à la couche H(4), bien que celle-ci ne soit pas cimentée dans le profil de 1929, cette cimentation étant un phénomène post-dépositionnel local (Texier in Debénath et al. 1991).

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Figure 3 - La Micoque : corrélation des stratigraphies de Peyrony. Figure 3 - La Micoque : correlation of the stratigraphies of Peyrony.

15 Il est intéressant de noter que l’outillage recueilli dans la couche J(5) est décrit par Peyrony (1938) comme ayant “ beaucoup plus d’affinité avec celui du niveau E qu’avec celui de la couche H ”, ce qui pourrait expliquer pourquoi Peyrony a confondu E avec son niveau inférieur des fouilles de 1906.

16 Les différences entre les deux profils ne peuvent être expliquées que s’ils n’ont pas été relevés au même endroit. Il n’existe malheureusement aucune documentation nous permettant de déterminer où ces profils se trouvaient, ni à quelle distance ils étaient l’un de l’autre. Il n’existe aucun relevé longitudinal de la stratigraphie de La Micoque, les fouilles d’Hauser ayant détruit une grande partie du profil le long de la falaise.

3.2 - Hauser et la stratigraphie de référence (fig. 4)

17 Dans son article de 1908, Peyrony précise également que les couches B, C et D Hauser

correspondent à son entité supérieure, et que les couches J, K et LHauser correspondent à son entité inférieure, composée de B, C et D (Peyrony 1908b). Ces entités sont séparées chez Peyrony par une zone stérile.

18 Cette mise en parallèle n’est pas absolument exacte. Peyrony, qui ne put fouiller à La Micoque que jusqu’en 1906, dut rester à la surface de la brèche formant la base de sa stratigraphie. Hauser quant à lui, semble, dès 1908, avoir fouillé dans une partie du gisement où cette couche, correspondant à la couche H(4), n’était pas cimentée par les carbonates. En effet, Wiegers et ses collaborateurs (1913) signalent que les racloirs

moustériens typiques dominent dans la couche LHauser, ce qui correspond à la description du contenu de la couche archéologique H(4) (Peyrony 1933). D’un point de

vue archéologique, il est plus que probable que la couche JHauser, contenant de très

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nombreux petits silex roulés donnant à l’inventaire un caractère primitif, correspond à

la couche J(5) à industrie grossière, les couches H et KHauser correspondant dès lors aux couches K et I. Ceci permet de fixer la base de la stratigraphie d’Hauser par rapport aux couches connues, chose confirmée dans la stratigraphie de 1916 par la présence de la

couche MHauser presque stérile sous la couche L Hauser, faisant écho à la présence de la couche G, presque stérile, sous la couche H(4). C’est probablement cette couche presque stérile reposant sur un éboulis stérile de l’avis d’Hauser mais contenant des artéfacts

fortement roulés et altérés (NHauser ou F) qui incita Hauser à ne pas fouiller plus bas.

Figure 4 - La Micoque : corrélation de la stratigraphie d’Hauser avec la stratigraphie de référence. Figure 4 - La Micoque : correlation of the stratigraphy of Hauser with the official one.

19 La “ zone stérile ” dominant l’entité inférieure décrite par Peyrony s’est avérée contenir une couche archéologique (5’) à la base de L (Bordes 1984a), qui pourrait

correspondre à GHauser, tandis que FHauser pourrait former la partie supérieure de L. La

couche stérile EHauser se laisse corréler sans problèmes avec la couche stérile M. Ceci

nous mène à la couche DHauser ou N(6), la couche “ micoquienne ”. Son contenu est décrit de façon unanime par tous les fouilleurs, qui insistent sur la présence de bifaces finement taillés, d’une très belle industrie et d’un nombre impressionnant d’ossements et de dents de chevaux. En outre, la couche D d’Hauser, tout comme la couche N (6) de Peyrony, est sub-horizontale et repose en conformité sur les couches sous-jacentes. Une telle disposition suggère que la couche D appartient au même système sédimentaire que le reste de la séquence. Tous ces éléments pris ensemble permettent de postuler que la couche D Hauser correspond à la couche N(6).

20 Il n’en reste pas moins que les deux couches supérieures décrites par Hauser ne sont présentes dans aucune stratigraphie de Peyrony, qui ne semble pas s’en émouvoir

puisqu’il met en parallèle son entité supérieure avec B, C et DHauser (Peyrony 1908b).

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Mais l’entité supérieure de Peyrony se limitant à la couche N(6), cela signifie-t-il que les

trois couches B, C et DHauser correspondent toutes à la couche N(6) ? Outre le fait qu’aucun fouilleur ne mentionne la présence d’une subdivision à l’intérieur de la

couche N(6), la description de la couche CHauser (Hauser 1916), au faciès comparable à

celui des couches JHauser (J) et EHauser (M) et contenant de nombreux petits silex roulés, va

à l’encontre de cette hypothèse. La couche BHauser, quant à elle, ne contenait que peu de matériel archéologique et paléontologique (Hauser 1916). En outre, une photographie d’Hauser montre que la couche B se détache clairement du reste de la stratigraphie (fig. 5). Il semblerait donc que la couche N(6) ait été recouverte par deux niveaux archéologiques inconnus, peut-être présents dans une partie du gisement seulement. La présence dans la collection Wiegers de caisses contenant du matériel en provenance des trois couches concernées permet de tester si celles-ci doivent être considérées comme une entité stratigraphique ou non. Afin d’éviter des confusions dans la

dénomination des couches, la couche D Hauser sera nommée à titre provisoire 6, faisant

référence à la numérotation des niveaux archéologiques par Peyrony, la couche CHauser

sera nommée 7 et BHauser 8.

Figure 5 - photographie des couches supérieures de La Micoque faite par Hauser en 1908 (D= couche 6, C= couche 7, B= couche 8). Figure 5 - picture of the upper layers of La Micoque made by Hauser in 1908 (D= layer 6, C= layer 7, B= layer 8).

4 - Sédimentation

21 Les processus sédimentaires de La Micoque consistent majoritairement en une succession de dépôts de pente et de dépôts fluviatiles interstratifiés (Texier in Debénath et al. 1991 ; Texier et Bertran 1993). Les sédiments fouillés par Hauser appartiennent tous à la partie supérieure du complexe F4-DP3 et probablement à DP4, c’est à dire que les couches peu remaniées des dépôts de pentes mis en place par des mécanismes

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apparentés à la solifluxion alternent avec des dépôts fluviatiles fortement remaniés contenant des pièces concassées.

22 La comparaison de l’importance du nombre de pièces brisées ou roulées dans les couches 6, 7 et 8 fait apparaître des différences importantes (fig. 6). Les couches 6 et 8 contiennent nettement moins de pièces brisées et surtout roulées que la couche 7. La médiane de la longueur maximale des produits de débitage (en raison de la présence d’une répartition asymétrique, il est impossible d’utiliser les valeurs moyennes) met également en évidence à quel point le concassage d’un ensemble archéologique peut modifier son aspect général.

Figure 6 - La Micoque : comparaison des degrés de roulage et de concassage ainsi que des médians des longueurs maximales des produits de débitage avec et sans pièces brisées pour les couches 6, 7 et 8. Figure 6 - La Micoque: comparison of the damaging degrees and the median of the maximal length of the blanks with an without broken pieces for the layers 6, 7 and 8.

23 Au vu de ces différences, il est très probable que la couche 7 ait été mise en place sous un régime fluviatile tandis que les couches 6 et 8 sont des dépôts de pente. Ceci a pour conséquence que ces trois couches forment des entités stratigraphiques distinctes et qu’elles s’intègrent dans le système de sédimentation mis en évidence pour les couches

sous-jacentes. Dès lors, seule la couche DHauser correspond au sixième niveau

archéologique “ micoquien ”, tandis que les couches C et BHauser représentent des entités indépendantes dont la dénomination (7 et 8) est justifiée. Ceci signifie que le niveau 6 n’est pas en position remaniée, et que, s’il est possible de le retrouver sur le site, les sédiments pourraient éventuellement être datés. Les différents arguments stratigraphiques indiquent que la couche 6 fait partie du système sédimentaire ayant mené á l’accumulation des niveaux appartenant aux complexes DP3 et F4. Etant donné que la couche 6 recouvre les couches sous-jacentes sans les éroder, il est également peu probable qu’un hiatus important ne la sépare de celles-ci. La couche 6 n’est donc probablement que légèrement plus récente que les couches E à M, datées des stades isotopiques 11 à 8 (Falguères et al. 1997 ; Schwarcz et Grün 1988). Le niveau archéologique découvert à la base de DP4 et remanié durant l’Holocène (Texier et Bertran 1993) ne peut donc être la couche 6, recouverte par un niveau fluviatile, mais il est possible qu’il corresponde à la couche 8. Le contenu du niveau archéologique à la base de DP4, ayant livré du débitage et des outils mais pas de bifaces, pourrait éventuellement être apparenté à la couche dite micoquienne selon Debénath et al. (1991). Il est cependant possible que la couche 8 contienne une industrie comparable en bien des points à celle de la couche 6, les rendant indiscernables sur la base d’un échantillon réduit. Seule une comparaison des caractéristiques technologiques et typologiques des couches 6 et 8 permettra de voir si celles-ci peuvent être différenciées uniquement à l’aide de leur débitage et de leurs outils non bifaciaux.

24 Dans la description des industries, seul le contenu des couches supérieures 6, 7 et 8, moins connues, sera présenté.

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5 - L’industrie de la couche 6

5.1 - Outils à retouche bifaciale

25 Les “ bifaces de La Micoque ” ont déjà été décrits à de nombreuses reprises (Bordes 1961 ; 1984b ; Bosinski 1970 ; Hauser 1916 ; Obermaier 1908 ; Patte 1971), mais les discussions en cours concernant le Micoquien, sa définition, sa chronologie, son étendue géographique et ses pièces diagnostiques exigent une réévaluation des caractéristiques technologiques de ces pièces. Dans le cadre d’une redéfinition du Micoquien d’Europe centrale (Jöris 2001 ; Richter 1997 ; Veil et al. 1994), celui-ci s’est transformé en une entité appelée “ groupes à couteaux bifaciaux ” (Keilmessergruppen ou KMG), caractérisée principalement par la présence d’outils bifaciaux opposant un dos à un tranchant actif. Comme le pluriel du nom l’indique, cette entité présente une grande variabilité, et ses limites, tant chronologiques que géographiques, sont encore floues. Les grandes ressemblances unissant les ensembles lithiques de La Micoque 6 et de Bockstein IIIb (Bosinski 1967), tous deux non datés, justifient une analyse des concepts présents à La Micoque 6. Cette analyse est faite à l’aide du concept des unités techno-fonctionnelles (Boëda 2001), basé sur l’identification d’unités de fabrication distinctes remplissant des fonctions particulières et présentant des caractéristiques morphologiques mises en place par des séries d’enlèvements indépendantes les unes des autres. Une unité techno-fonctionnelle (UTF) peut être active, passive ou les deux tour à tour, faire partie du concept volumétrique initial de l’outil ou avoir été ajoutée par la suite.

5.1.1- Types d’outils

26 Deux concepts sont présents dans la couche 6 de La Micoque. Le premier, le plus important, correspond aux bifaces et est caractérisé par une organisation relativement symétrique le long de l’axe de l’outil (fig. 7 et 8). La base est généralement passive mais peut également être active, les deux tranchants de part et d’autre de la pointe sont actifs. D’autres unités, actives ou passives, peuvent être présentes entre la base et la pointe. Cette symétrie est conceptuelle et ne se traduit pas forcément en une symétrie formelle de l’outil. Ces outils, qui peuvent être classés selon les critères typologiques classiques, ont pu être utilisés en tout cas d’au moins deux façons, car ils peuvent être tenus dans la main d’au moins deux façons différentes (Boëda 2001). Le second concept, nettement plus rare, correspond aux Keilmesser allemands et ne présente pas de symétrie axiale (fig. 9 et 10). Ces pièces sont caractérisées par un tranchant principal actif situé sur l’un des côtés et opposé à un dos passif. Un tranchant secondaire peut se situer entre la pointe et le dos et former une sorte de prolongement du tranchant principal, dont il n’atteint cependant jamais les dimensions. Il est utilisé en même temps que le tranchant principal et l’outil ne doit pas être tourné dans la main pour l’activer. La base peut être active, et dans ce cas, l’unité techno-fonctionnelle qui la forme est décalée en direction du tranchant actif. Le couteau doit cependant être retourné dans la main pour pouvoir utiliser la base en tant qu’outil. Les outils bifaciaux de La Micoque répondant au concept Keilmesser peuvent rarement être classés selon les types mis en évidence en Allemagne. Ils ressemblent souvent à des bifaces normaux mais présentent un concept différent. Toutes les pièces présentent de nombreuses traces de ravivage des bords mais aucune trace de réorganisation volumétrique ni de

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reprise importante, indiquant que leur biographie fut relativement courte. Il est intéressant de remarquer que la caractéristique volumétrique “ biface à face plane ” est présente dans les deux concepts.

Figure 7 - La Micoque, couche 6 : biface avec base active/passive et UTF rajoutée en cours d’utilisation (C, passive). Figure 7 - La Micoque, layer 6: biface with active/passive basis and a TFU (techno-functional unit) added during use (C, passive).

Figure 8 - La Micoque, couche 6 : biface dont les UTF C, D et E sont passives. Figure 8 - La Micoque, layer 6: biface which TFU C, D and E are passive.

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Figure 9 - La Micoque, couche 6 : Keilmesser avec tranchant principal (A), secondaire (D) et base (C) actifs. D= dos. Figure 9 - La Micoque, layer 6: Keilmesser with active main cutting edge (A), secondary cutting edge (D) and basis (C). D= back.

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Figure 10 - La Micoque, couche 6 : Keilmesser. Le dos occupe toute la longueur du côté opposé au tranchant actif. La base (B) est peut-être active. Figure 10 - La Micoque, layer 6: Keilmesser. The back covers the whole length of the edge opposite to the active one. The basis (B) is perhaps active.

5.1.2- Production in situ ?

27 Dans l’inventaire de la couche 6, seuls trois éclats de façonnage ont pu être identifiés (fig. 11, 1-2). Six pièces proviennent de la couche 7 (fig. 11, 5-7) et trois de la couche 8 (fig. 11, 3-4). Tous les éclats provenant de la couche 7 ont un talon lisse, indiquant une retouche couvrante d’outils sur éclat. Il est surtout intéressant dans ce contexte de remarquer la présence de six éclats de façonnage dans la couche 7, la plus touchée par la fragmentation et n’ayant livré aucune pièce bifaciale. Ces éclats de façonnage sont nettement plus nombreux que dans les couches 6 et 8, moins fragmentées et contenant des pièces bifaciales. La taille maximale moyenne de tous les produits de débitage de la couche 7 est nettement moins élevée que dans les autres couches, ce qui a apparemment incité les fouilleurs à collecter davantage de pièces de petite taille. Il est donc impossible de décider si l’absence de déchets de façonnage est due aux techniques de fouille ou à l’importation de bifaces finis sur le site. La présence d’une ébauche de biface semble cependant indiquer qu’au moins une partie des outils bifaciaux a été produite sur place.

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Figure 11 - La Micoque, éclats de façonnage des couches 6 (1-2), 7 (5-7) et 8 (3-4). Figure 11 - La Micoque, thinning flakes from layer 6 (1-2), 7 (5-7) and 8 (3-4).

5.1.3- Autres bifaces à La Micoque

28 La couche 6 n’est pas la seule à avoir livré des bifaces. En fait, presque toutes les couches de La Micoque en contiennent (Bosinski 1970), mais ils sont nettement moins nombreux et ne présentent pas les caractéristiques typiques des pièces bifaciales de la couche 6. Il existe cependant deux couches faisant exception. Ces couches, appelées par Hauser P et Q, contenaient en grand nombre des pièces bifaciales identiques à celles de la couche 6. Là aussi, les deux concepts de fabrication ainsi que toutes les caractéristiques métriques, typologiques et technologiques des pièces de la couche 6 sont présents (fig. 12). Sans indications stratigraphiques, ces pièces sont indiscernables les unes des autres. Ces couches se trouvaient en position basse directement devant la falaise formant le fond du gisement. Hauser (1916) utilise cette position pour prétendre que toutes les couches sont contemporaines, puisque des sédiments contenant de belles pièces se trouvent à la même altitude que ceux contenant une industrie primitive. Cette façon de voir les choses a provoqué les protestations véhémentes de divers collègues (Birkner 1918 ; Peyrony 1908b) qui reconnaissent clairement dans le profil d’Hauser un éboulis ayant perturbé les couches à l’arrière du gisement. Dans l’état actuel des connaissances, il est probable que Hauser, le seul à avoir fouillé à l’arrière du gisement, s’est trouvé dans le lit du paléo-Manaurie (Turq, comm. pers.) sans s’en rendre compte. Cette partie du site est malheureusement détruite.

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Figure 12 - La Micoque, 1 couche P : Keilmesser, 2 couche Q : biface. Figure 12 - La Micoque, 1 layer P: Keilmesser, 2 layer Q: biface.

5.2 - Nucléus

29 Dans la collection Wiegers, 48 nucléus proviennent de la couche 6. Les nucléus Levallois (Boëda 1993 ; Geneste et al. 1990) ne sont représentés que par un seul exemplaire de type préférentiel (fig. 13, 1) les nucléus discoïdes (Boëda 1993, 1995 ; Bordes 1961) par un seul nucléus mal conservé (fig. 13, 2). Il n’existe aucun nucléus de type Quina (Turq 1989 ; Bourguignon 1997) ni acheuléen (Turq 2000) et les nucléus à lames présents dans le Micoquien du Bassin Parisien (Gouédo 1999) font également défaut.

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Figure 13 - La Micoque, couche 6 : 1 nucléus Levallois, 2 nucléus discoïde. Figure 13 - La Micoque, layer 6: 1 Levallois core, 2 discoid core.

30 Le type de nucléus le plus fréquent dans cette couche (16 pièces) est le “ nucléus en forme de lingot ” (Luttropp et Bosinski 1971, p.44-46). Ces nucléus (fig. 14) sont en général de forme allongée et caractérisés par une surface de débitage plus ou moins plane, pouvant être corticale ou formée par la face ventrale d’un éclat, opposée à une face inférieure bombée ou de forme carénée. Le sens du débitage est perpendiculaire à l’axe d’allongement du nucléus, le débitage unipolaire à partir de l’un ou des deux longs côtés. Parfois, l’un ou l’autre éclat peut être débité perpendiculairement à partir de l’un des petits côtés. Le débitage a lieu en courtes séries de négatifs parallèles pouvant dans certains cas consister en un seul éclat. Les séries ne se superposent que très rarement, le nucléus étant abandonné régulièrement après le débitage d’une série sur chaque long côté. La face inférieure est souvent corticale et porte les traces d’un débitage antérieur ou d’une préparation de plan de frappe. Sur cette face, le sens du débitage varie fortement. Ces nucléus ne correspondent pas aux nucléus de type Quina définis par Bourguignon (1997), car le débitage est perpendiculaire à l’allongement du nucléus, ne touche qu’une seule surface sans changement de rôle et s’étale aux deux longs côtés, parfois même aux deux petits côtés, tandis que les convexités latérales et distales manquent. Malgré leur section triangulaire, ces nucléus n’appartiennent pas au concept trifacial non plus (Geneste et al. 1990 p.49).

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Figure 14 - La Micoque, couche 6 : nucléus en forme de lingot. Figure 14 - La Micoque, layer 6 : ingot-shaped cores.

31 Il semble que les nucléus en forme de lingot représentent une solution simple et adaptée à la forme de la matière première permettant de débiter des éclats plats, plus larges que longs, parfois outrepassés ou des éclats très fins de petite taille et de forme rectangulaire (Fiedler 1997 p.60). Cette méthode de débitage semble avoir été utilisée fréquemment à la fin de l’exploitation d’un nucléus, comme en témoignent de nombreuses traces de débitage antérieures. Elle est particulièrement bien adaptée au débitage de nucléus sur éclat, de débris et de petits rognons irréguliers.

32 Un deuxième groupe important (12 pièces) est celui des nucléus globulaires (Bordes 1961) ayant subi une chaîne opératoire plus ou moins longue, ce qui permet de reconnaître les gestes utilisés, consistant en la succession de séries d’enlèvements unipolaires ou centripètes sur plusieurs surfaces (fig. 15). Le nucléus est tourné de nombreuses fois à la recherche d’un angle favorable dès que la surface de débitage exploitée n’offre plus de possibilité satisfaisante de production d’éclat. La plupart du temps, une seule surface de débitage, faite d’un seul enlèvement, est mise en place avant le commencement de l’exploitation, les autres séries d’enlèvements utilisant les angles préexistants. Il arrive cependant qu’une surface naturelle soit utilisée comme plan de frappe initial ou que plusieurs plans de frappes soient mis en place. Ce n’est qu’après avoir épuisé toutes les possibilités que le nucléus est rejeté, que ce soit en raison de sa taille, de l’absence d’angles appropriés ou de la mauvaise qualité de la matière première. L’aspect des nucléus appartenant à ce groupe est très variable et dépend de la forme initiale de la matière première et de l’intensité du débitage. Ce mode de débitage est particulièrement bien adapté au débitage d’éclats sur galets de petite et moyenne taille ainsi que sur fragments de matière première, mais des rognons de plus grande taille ont été également débités de cette façon. Les produits issus de cette production sont aussi bien des éclats ordinaires que de nombreux éclats à

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morphologie débordante, portant en fonction de l’avancement du débitage sur la face dorsale des négatifs unipolaires, bipolaires, croisés ou centripètes. Il s’agit d’un système s’entretenant lui-même où chaque éclat est à la fois prédéterminé et prédéterminant.

33 Un grand nombre de nucléus informes (11 pièces) et de nucléus sur éclat (7 pièces) ne pouvant être classifiés dans aucun des types décrits ci-dessus est également présent.

Figure 15 - La Micoque, couche 6 : nucléus globulaires. Figure 15 - La Micoque, layer 6: globular cores.

34 En général, la taille des nucléus ne peut être mise en relation avec le type de débitage. Toutes les grandes pièces ont en commun soit une mauvaise qualité de la matière première soit un accident de taille rendant le débitage impossible. Le rejet du nucléus dépend donc de l’impossibilité technique de produire des éclats acceptables après avoir épuisé toutes les possibilités. Aucun nucléus n’a été modifié pour servir d’outil après son rejet et aucune trace d’utilisation n’a pu être observée, bien qu’il faille remarquer que l’état de conservation des pièces est souvent mauvais.

5.3 - Produits de débitage

35 Les cassons n’ont jamais été modifiés. Ils ne seront donc pas considérés ici.

36 Une grande partie du débitage doit avoir eu lieu in situ. Le nombre de 12 produits pour un nucléus 2 et la présence de nombreux éclats corticaux, dont 9 % d’entames, indique que tous les stades du débitage doivent avoir eu lieu sur place, bien que les pièces de petites dimensions n’aient pas été collectées en raison de la méthode de fouille.

37 Près de 28 % des produits de débitage sont des éclats à morphologie débordante, mais aucune de leurs caractéristiques métriques ou autres ne les différencie de façon significative des autres éclats. Ils peuvent être considérés comme des enlèvements

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résultant du débitage des nucléus globulaires et non comme des produits recherchés en raison de leur morphologie particulière. Le débitage visait à la production d’éclats à peu près aussi longs que larges, dont la forme importait peu. Seuls deux éclats à morphologie Levallois ont pu être identifiés (fig. 16, 1-2), ce qui ne surprend pas vu la rareté des nucléus Levallois.

38 Les négatifs présents sur les faces dorsales des éclats confirment les observations faites sur les nucléus globulaires, à savoir que le débitage est au départ unipolaire pour devenir centripète au fil de la réduction. En effet, les éclats du débitage unipolaire sont les plus fréquents et ils sont significativement plus grands que les éclats du débitage centripète. Ils portent également moins de négatifs et sont plus souvent corticaux. Le débitage bipolaire est présent mais plus rare.

Figure 16 - La Micoque : 1-2 éclats Levallois, couche 6, 3 lame Levallois, couche 7, 4-10 lames et éclats Levallois, couche 8. Figure 16 - La Micoque: 1-2 Levallois flakes, layer 6, 3 Levallois blade, layer 7, 4-10 Levallois blades and flakes, layer 8.

5.4 - Outils sur éclat

39 La proportion de pièces retouchées dans la collection Wiegers est de 12 %. Quinze pour cent des éclats et 8 % des éclats à morphologie débordante sont retouchés, ce qui signifie que ces derniers n’ont pas été particulièrement recherchés pour les transformer en outils.

40 Les racloirs (fig. 17, 1-4, 6-7), très variés, sont avec 54 % les pièces de loin les plus nombreuses. Outre les pièces de grandes dimensions et à retouche couvrante, bien représentées dans les collections d’Hauser, de nombreux racloirs simples sont présents

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ainsi que les pointes moustériennes. Sur les pièces de grandes dimensions, les encoches et amincissements supplémentaires sont fréquents.

41 Les encoches et denticulés forment 17 % des outils sur éclats, et ce bien que toutes les pièces roulées et / ou concassées aient été écartées d’office.

42 Les grattoirs (8 %) sont atypiques, jamais en bout de lame ou d’éclat allongé, mais utilisant le plus souvent une irrégularité dans la forme de l’éclat (fig. 17, 8-9).

43 Les perçoirs (4 %) portent des traces d’utilisation typiques. Leur pointe a été dégagée par encoches (fig. 17, 5).

44 Il existe également toute une série de pièces atypiques retouchées sur la face ventrale ou à talon enlevé (15 %), dont il est difficile de dire si elles n’ont pas, du moins en partie, servi de nucléus (Bernard-Guelle et Porraz 2001).

45 Une seule pièce de petite taille peut être considérée comme outil multiple, si l’on exclut les denticulés et les racloirs multiples. Il s’agit d’un petit perçoir à pointe cassée combiné à un grattoir sur talon. La pièce présente un dos à retouche abrupte dans le prolongement du grattoir.

Figure 17 - La Micoque, couche 6 : 1-4 et 6-7 racloirs, 8-9 grattoirs, 5 perçoir. Figure 17 - La Micoque, layer 6: 1-4 and 6-7 side-scrapers, 8-9 end-scrapers, 5 borer.

6 - L’industrie de la couche 7

46 Elle ne contient aucune trace de la production ou de la présence d’outils bifaciaux.

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6.1 - Nucléus

47 Les types présents sont identiques à ceux de la couche 6. Le débitage Levallois (fig. 18, 1), rare, est représenté par un nucléus préférentiel et un nucléus récurrent centripète. Les nucléus discoïdes (fig. 18, 2-3), à une ou deux surfaces de débitage, sont au nombre de 8, donc nettement plus fréquents que dans la couche 6 et tous épuisés. Le groupe des nucléus globulaires (fig. 19, 1-2) est comme dans la couche 6 le plus important et comporte 11 exemplaires de tous les types. Ils ont tous été rejetés en raison de leur petite taille ou de la mauvaise qualité de leur matière première. Seuls deux nucléus en forme de lingot sont présents (fig. 19, 3), quatre sont des nucléus informes et trois sur éclat.

48 La seule différence importante par rapport à la couche 6 est que les nucléus discoïdes sont plus nombreux que les nucléus en forme de lingot. Les types de débitage sont identiques et la taille des nucléus ne diffère pas significativement d’une couche à l’autre, ils sont tous exploités au maximum. Le type de matière première est identique dans les deux couches.

Figure 18 - La Micoque, couche 7 : 1 nucléus Levallois, 2-3 nucléus discoïdes. Figure 18 - La Micoque, layer 7: 1 Levallois core, 2-3 discoid cores.

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Figure 19 - La Micoque, couche 7 : 1-2 nucléus globulaires, 3 nucléus en forme de lingot. Figure 19 - La Micoque, layer 7: 1-2 globular cores, 3 ingot-shaped core.

6.2 - Produits de débitage

49 Le nombre de 22 produits par nucléus et la présence d’une majorité d’éclats corticaux dont 14 % d’entames indiquent ici aussi un débitage in situ. Les éclats sont à peu près aussi larges que longs. L’importance du débitage globulaire se traduit par un nombre important (25 %) d’éclats à morphologie débordante. Il est intéressant de noter que ceux-ci ont, en raison de leur morphologie, mieux résisté au concassage que les éclats ordinaires. Leur taille moyenne est, si l’on prend en compte l’ensemble des pièces, nettement plus élevée que celle des éclats, tandis qu’elle correspond à celle des produits de débitage de la couche 6, soulignant le rôle du concassage dans l’aspect général de l’industrie de la couche 7, décrite par Wiegers et al. (1913) et Hauser (1916) comme «microlithique» et «primitive». Les caractéristiques des éclats à morphologies débordantes ne diffèrent cependant aucunement de celles des éclats ordinaires, ce qui indique qu’ils représentent dans cette couche également des produits normaux du débitage globulaire.

50 Un seul produit de morphologie Levallois, une lame Levallois (fig. 16, 3), a pu être identifié.

6.3 - Outils sur éclat

51 Seule la collection Wiegers contient des pièces retouchées en provenance de la couche 7, probablement parce qu’elle ne contenait aucune belle pièce de grande taille.

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52 16 % des supports ont été retouchés, à savoir 18 % des éclats ordinaires et 11 % des éclats à morphologie débordante.

53 Les racloirs (fig. 20, 1-6) sont ici aussi les pièces les plus nombreuses (46) et représentent 49 % des outils sur éclat. Il s’agit principalement de racloirs latéraux mais les déjetés sont également nombreux tandis que les racloirs transversaux sont plus rares. Les racloirs abrupts sont également présents.

54 Les grattoirs, au nombre de 13, sont relativement fréquents. Les pièces typiques ont été réalisées sur éclats allongés ou éclats laminaires et présentent parfois une cassure de l’extrémité proximale. Les grattoirs typiques (fig. 20, 7-8) sont presque aussi fréquents que les grattoirs atypiques.

55 Les encoches et denticulés, très hétérogènes, sont au nombre de neuf. En raison du fort concassage des objets de la couche 7, seules les pièces intactes ont été prises en considération. Il se pourrait donc que ce groupe soit sous-représenté.

56 Un seul perçoir, atypique, est présent. Il est intéressant de noter la présence d’un groszak, considéré comme typique du Micoquien (Richter 1997). Les pièces portant une retouche atypique, touchant soit la face ventrale soit le talon, sont au nombre de vingt. Il existe quatre pièces ayant un dos retouché opposé à un tranchant laissé brut (fig. 20, 9-10). Il est possible que ce tranchant porte des traces d’utilisation, mais les conditions d’enfouissement des artéfacts interdisent toute conclusion.

Figure 20 - La Micoque, couche 7 : 1-6 racloirs, 7-8 grattoirs, 9-10 “ couteaux ”. Figure 20 - La Micoque, layer 7: 1-6 side-scrapers, 7-8 end-scrapers, 9-10 “ knifes ”.

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7- L’industrie de la couche 8

57 Une seule pièce bifaciale atypique et de petite taille provient de cette couche (fig. 21, p. 184).

Figure 21 - La Micoque, couche 8 : outil bifacial. Figure 21- La Micoque, layer 8: bifacial tool.

7.1 - Nucléus

58 Les nucléus Levallois (fig. 22), au nombre de cinq, sont plus nombreux et plus typiques que dans les autres couches. Leur taille est inférieure à celle des nucléus Levallois des couches 6 et 7, semblant indiquer une meilleure maîtrise de la technique permettant une utilisation plus intense des rognons. Plusieurs types sont présents, préférentiel ou récurrent, à débitage unipolaire, bipolaire ou centripète.

59 Les nucléus discoïdes (fig. 23), au nombre de sept, sont également variés. Onze nucléus sont de type globulaire (fig. 24, 1) et couvrent toutes les variantes de ce groupe. Les nucléus en forme de lingot (fig. 24, 2) sont de nouveau nombreux (10), tandis que seuls trois sont informes. Sept pièces sont des nucléus sur éclat.

60 Mise à part une augmentation significative du point de vue statistique des nucléus discoïdes par rapport à la couche 6, il n’existe pas de différence entre les proportions de types de nucléus dans les couches. L’augmentation du nombre de nucléus Levallois n’est, quant à elle, pas significative d’un point de vue statistique. La taille des négatifs indique cependant que les enlèvements prédéterminés sont nettement plus grands que tous les autres éclats.

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Figure 22 - La Micoque, couche 8 : nucléus Levallois. Figure 22 - La Micoque, layer 8: Levallois cores.

Figure 23 - La Micoque, couche 8 : nucléus discoïdes. Figure 23 - La Micoque, layer 8: discoid cores.

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Figure 24 - La Micoque, couche 8 : 1 nucléus globulaire, 2 nucléus en forme de lingot. Figure 24 - La Micoque, layer 8: 1 globular core, 2 ingot-shaped core.

7.2 - Produits de débitage

61 Ici aussi, le débitage doit avoir eu lieu in situ car la proportion de produits par rapport au nombre de nucléus est de 17:1. Les éclats corticaux ainsi que les entames sont un peu moins nombreux que dans les autres couches mais pas de façon significative. La proportion d’éclats à morphologie débordante (25 %) correspond exactement à celle des couches 6 et 7 mais ces pièces sont nettement plus grandes que les éclats ordinaires. On assiste à un allongement significatif des produits de débitage (1,2 au lieu de 1) et les pièces Levallois sont au nombre de 7 (fig. 16, 4-10). Les directions de débitage reconnaissables sur les éclats correspondent aux observations faites pour les deux autres couches.

7.3 - Outils sur éclat

62 Une seule pièce provenant de cette couche a pu être trouvée en dehors de la collection Wiegers. Il s’agit d’un très grand racloir sur éclat Levallois conservé dans les collections des Reiss-Engelhorn-Museen de Mannheim (fig. 25, 1).

63 Des produits de débitage (16,5 %) ont été retouchés dont 25 % d’éclats à morphologie débordante.

64 Les outils les plus fréquents sont les racloirs (59), dominés par les racloirs latéraux simples (fig. 25, 2-6). Seules certaines grandes pièces portent une retouche envahissante sur la face ventrale.

65 Les encoches et denticulés, au nombre de 14, forment un groupe très inhomogène.

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66 Les 13 grattoirs sont presque tous typiques. Ils sont faits sur petits éclats ronds ou quadrangulaires ou sur éclats laminaires (fig. 26, 1-3).

67 Il n’existe aucun perçoir dans cette couche mais les burins, au nombre de trois, font leur apparition. Ils sont cependant atypiques (fig. 26, 4-5).

68 Près du quart des pièces retouchées (29) sont des éclats portant une retouche sur la face ventrale ou un talon enlevé n’appartenant à aucun type connu.

Figure 25 - La Micoque, couche 8 : 1 racloir sur éclat Levallois, 2-6 racloirs. Figure 25 - La Micoque, layer 8: 1 side-scraper on Levallois flake, 2-6 side-scrapers.

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Figure 26 - La Micoque, couche 8 : 1-3 grattoirs, 4-5 burins. Figure 26- La Micoque, layer 8: 1-3 end-scrapers, 4-5 burins.

8 - Discussion

69 Ce bref aperçu des ensembles lithiques provenant des couches 6, 7 et 8 de La Micoque permet quelques comparaisons. Les méthodes de débitage présentes sont identiques dans les trois couches, où les nucléus globulaires dominent toujours, mais il apparaît que l’importance des autres méthodes de débitage varie. Il est cependant délicat de tirer des conclusions définitives quant à la signification de cette variabilité étant donné les problèmes inhérents à la collecte des pièces : il ne s’agit pas de la totalité de l’industrie mais bien d’un échantillon. Il semblerait pourtant qu’une certaine augmentation des méthodes de débitage plus contrôlées, comme Levallois et Discoïde, puisse être observée entre les trois couches. En outre, la proportion d’éclats allongés et l’effectivité de l’exploitation des nucléus Levallois augmentent dans la couche 8.

70 La couche 6 est la seule à avoir livré des outils bifaciaux en grand nombre mais la question de leur production sur place ne peut être résolue avec le matériel conservé. Cet ensemble peut être mis en relation avec les Keilmesser-gruppen d’Europe centrale en raison de la présence de couteaux bifaciaux principalement et des grandes ressemblances avec les outils bifaciaux de Bockstein (Bosinski 1967 ; Wetzel et Bosinski 1969) qui n’est malheureusement pas daté (pour des avis divergents quant à la situation chronologique du site voir : Filzer 1969 ; Jöris 2002 ; Richter 1997 ; Schmid 1969).

71 D’un point de vue typologique, les couches 7 et 8 doivent être attribuées au Moustérien de type Quina bien que le grand nombre de grattoirs remplace une part des racloirs et donne un diagramme cumulatif quelque peu particulier. Il faut cependant remarquer que le nombre d’outils sur éclat est inférieur à 100 (respectivement 69 pour la couche 6,

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94 pour la couche 7 mais 128 pour la couche 8) et ne représente donc pas un groupe statistiquement significatif.

72 D’un autre côté, une très grande ressemblance subsiste entre les ensembles lithiques provenant de ces trois couches tant du point de vue technologique que typologique si l’on exclut les outils bifaciaux.

9- Conclusion

73 La couche «micoquienne» de La Micoque (6) peut être intégrée dans le cycle de sédimentation décrit par Texier et Bertran (1993), étant surmontée d’une couche d’origine fluviatile (7), elle-même recouverte par un dépôt de pente (8) pouvant correspondre au DP4 observé sur le site. Son âge ne peut donc être fortement inférieur à celui des couches sous-jacentes. L’étude du contenu des couches 6, 7 et 8 a mis en évidence une industrie de type Paléolithique moyen à débitage varié mais principalement de type globulaire. La seule différence véritable consiste en la présence dans la couche 6 de nombreux bifaces absents dans les autres couches.

74 Ceci met en évidence la problématique inhérente à la signification donnée aux différents éléments définissant un inventaire telle la présence ou l’absence d’outils bifaciaux ou d’un type de débitage particulier pour la classification d’un ensemble lithique au Paléolithique moyen.

75 Les facteurs conduisant à la production et l’utilisation d’outils bifaciaux par exemple peuvent être tellement variés que seule une étude détaillée de tous les aspects de l’occupation, telles la taille du groupe, la durée de séjour, les activités entreprises sur place, la qualité et l’accessibilité des matières premières, etc. pourrait permettre de distinguer le rôle joué par les concepts présents de celui joué par des circonstances périphériques. Une telle étude n’est pas faisable sur le matériel de La Micoque en raison des conditions de récolte.

76 Soit les concepts accessibles aux personnes ayant produit les différents ensembles lithiques étaient identiques mais n’ont été tous réalisés que dans la couche 6, soit le concept des outils bifaciaux faisait défaut aux occupants des couches 7 et 8 qui utilisèrent cependant exactement les mêmes méthodes de débitage que leur prédécesseurs dans des proportions semblables, ainsi que les mêmes outils sur éclats.

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ANNEXES

Abridged English version

The site of La Micoque (Dordogne, France: fig. 1) has been discovered in 1895 and excavated since 1896. Numerous researchers have been working there until Hauser rent the ground in 1907. He was accused of cooperation with the enemy and had to leave France in 1914, the site remaining unprotected. The next excavations took place in 1929, after Peyrony had bought the site for the state, but to that time the uppermost layers were destroyed. A picture (fig. 2) shows that those layers still existed in 1912 and that their disappearance is the result of 15 years uncontrolled digging. Bordes started a small excavation in 1956 and an interdisciplinary research program using modern digging and analyse techniques began in 1983.

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The stratigraphy of La Micoque presently acknowledged is based on the publication of Peyrony’s 1929 excavations (Peyrony 1933, 1938). The artefacts from Hauser’s excavations as well as those of Wiegers’ collection, which contains numerous cores, flakes and debris, however, refer to another stratigraphical system that was regarded as incompatible with the actual one. But as Peyrony had already excavated in La Micoque in 1906, published his results and quoted that his stratigraphy was nearly identical to Hauser’s (Peyrony 1908a, 1908b), it should be possible to relate Hauser’s stratigraphy to the actual one. The only problem is that Peyrony doesn’t make any reference to his early stratigraphy in his later publications. He was numbering the layers beginning from the lowest one, labelled A, and was therefore forced to rename all layers if deeper ones were found during excavations. This happened in La Micoque. The first step to a correlation of Hauser’s stratigraphy with the official one is thus to clear which layers of Peyrony’s old stratigraphy correspond to the actual ones. This can be done relatively easily (fig. 3) by comparing the archaeological contents’ description. The earlier Micoquian layer G can be identified without doubt as the layer N(6). As the content of the so-called “lower unit” (comprising the earlier layers B, C and D) is described as primitive, it corresponds to the artefacts from the later layer J. The ones from the later layers I and K are only described as rolled, but it is likely that they also belong to the former “lower unit”. The concretionate basis of Peyrony’s first stratigraphy, A, is hence the later layer H(4), containing a Mousterian industry which he didn’t excavate in 1906. Once this settled, Hauser’s stratigraphy becomes easy to match with the official one (fig. 4). His lowest archaeological horizon, L Hauser, corresponds with the layer H(4) because both contain a typical Mousterian industry (Peyrony 1933, 1938 ; Wiegers et al. 1913), while K, J and H Hauser with “primitive” industry represent the former “lower unit” of Peyrony, i.e. the layers I, J and K of the official stratigraphy. The archaeological horizon discovered at the bottom of L by Bordes in 1956, 5’, could be Hauser’s layer G while the upper part of L could correspond to Hauser’s layer F. Consequently, E Hauser is M and D Hauser is the Micoquian layer N(6), as the description of their contents match to each other. But this also means that there were two more layers above the now missing Micoquian one, which aren’t described anywhere else in the literature and are destroyed as well. Luckily, the collection Wiegers contains cores, tools, flakes and debris from all those layers, allowing checking the characteristics of each industry. It is clear that those layers C and B Hauser don’t belong to the Micoquian one, as B was a thick, reddish horizon quite clearly different from D Hauser (fig. 5), and as their sedimentation mechanism differ. This can be demonstrated by the comparison of the artefacts’ damaging grade in the three layers D (the Micoquian one), C and B (fig. 6). To avoid confusions between the different denominations of the layers, the Micoquian one will be, following Peyrony’s system for archaeological horizons, henceforth named 6, while the layer C Hauser becomes 7 and B Hauser 8. It becomes clear by the look on fig. 6 that layer 6 and 8 contain much lesser rolled and broken pieces than layer 7. Moreover, the median of the maximal piece length of layer 7 is significantly lower than the one of layers 6 and 8 if all blanks, including the broken ones, are taken into account. This varies if only complete pieces are considered. Those differences can be put in relation with the interpretation of the sedimentation mechanisms observed for the lower layers by Texier & Bertran (1993), which involves an alternance of low-energy and high-energy deposits. In consequence, 6 and 8 are slope deposits while 7 is the result of fluviatile activity, and

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the age of 6 and 7 at least has to be only slightly younger than the one of the underlying layers. The industry of the layers 6, 7 and 8 considered here present interesting patterns. Layer 6, which functioned as reference for the definition of the Micoquian, is the only one of the three layers containing a certain amount of bifacial items. The analysis of their techno-functional units or TFU (Boëda 2001) shows that two concepts are present at La Micoque. First, the handaxes (fig. 7 and 8) present a theoretical symmetry along the length axis. Both edges near the tip are active while the basis can be active or passive. Further TFU can be placed between point and basis. The second concept corresponds to the German Keilmesser (fig. 9 and 10). Those present no length symmetry but a back opposed to an active edge. This back can take the whole length of one side or be limited to the bottom part of it, a secondary active TFU connecting to the main active one at the tip of the tool. The basis can carry an active TFU that is then shifted towards the main active TFU. This allows linking the industry discovered in 6 to the middle European Keilmessergruppen. The question of bifacial item production in situ must remain unresolved. The presence of a few thinning flakes (fig. 11) in all levels is not sufficient to attest it, but the collecting methods of the time must be taken in account. Layer 6 is not the only one that has produced bifacial items, but only two other layers, which are only described by Hauser, contained some comparable to the ones known from layer 6: P and Q (fig. 12). This layers seem however not to be in stratigraphical original position and could belong to 6. The industry of this layer contains only one Levallois core (fig. 13,1) and few discoid ones (fig. 13, 2). The most important knapping techniques are represented on one hand by the ingot-shaped cores (fig. 14), allowing the production of thin wide flakes, and on the other hand by globular cores (fig. 15) in all states of reduction, which have produced irregular flakes and an important amount of éclats débordants (they represent 25% of all blanks in the layer). This technique is particularly suitable to reduce small or irregular nodules. The Levallois flakes are unsurprisingly seldom (fig. 16, 1-2), while the most frequent tools are various side-scrapers (fig. 17, 1, 2, 3, 4, 6, 7). Notches and denticulates as well as borers (fig. 17, 5) and some atypical end-scrapers (fig. 17, 8, 9) are present. The industry of layer 7 differs only slightly from the former one, excluding the absence of bifacial items. The Levallois technique remains rare (fig. 18, 1) but the discoid cores become more numerous (fig. 18, 2-3) while the globular cores are the most frequent ones (fig. 19, 1-2), producing again numerous éclats débordants, and the ingot-shaped cores are less represented (fig. 19, 3). No new knapping technique could be identified. Wiegers’ collection is the only one containing tools coming from this layer. One Levallois blade is present (fig. 16, 3) and the side-scrapers are again the most numerous tools (fig. 20, 1-6). End scrapers (13) are relatively numerous (fig. 20, 7-8) while notches and denticulates are rare due to the strict sorting of rolled and damaged pieces needed for this layer. One borer and two atypical backed knifes, one with borer point, are present (fig. 20, 9-10). The layer 8 has provided only one bifacial item (fig. 21). The number of Levallois (fig. 22) and discoid (fig. 23) cores increases slightly, but the globular cores remain most important (fig. 24, 1) and the ingot-shaped cores are still present (fig. 24, 2). The Levallois blanks (fig. 16, 4-10) are much more numerous than in the other layers. Only one tool from this layer comes from another collection than Wiegers’ (fig. 25, 1),

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probably because beautiful big tools were rare. The side-scrapers are varied (fig. 25, 2-6), the end-scrapers relatively frequent and more typical than in the two other layers (fig. 26, 1-3). Borers are missing, but three atypical burins (fig. 26, 4-5) are present. The three layers present striking similarities concerning the knapping methods, and their toolkits are rather comparable in the cumulative diagram. But the layer 6 is the only one containing the bifacial items typical for the Keilmessergruppen while both other industries can be best related to the Mousterian of Quina type. The question is, however, if this distinction is justified, or, in other words, if the presence or absence of bifacial items is a sufficient argument to discriminate “cultural entities”. The reasons leading to the accumulation of certain types of tools in certain types of camps are too diverse and still not investigated as much as necessary to allow any conclusion.

RÉSUMÉS

La couche 6 (N) du site de La Micoque, découvert en 1895, est la couche éponyme du Micoquien dont la définition varie fortement selon les auteurs. Cette couche 6 n’est cependant plus accessible sur le terrain et l’ancienneté des fouilles ainsi que la dispersion des pièces dans le monde entier rendent difficile une définition de son contenu. En outre, le système stratigraphique d’un des fouilleurs principaux, Hauser, n’avait jusqu’à présent pas pu être raccordé aux autres stratigraphies. Ce système correspond cependant presque parfaitement à la stratigraphie connue et documente en outre la présence de deux couches sus-jacentes (7 et 8). Le contenu de ces trois couches est étudié ici. Elles diffèrent fortement en ce qui concerne l’usure et le fractionnement des pièces, ce qui permet de les intégrer dans le système de sédimentation proposé pour La Micoque et consistant en une alternance de dépôts de versant et de dépôts fluviatiles de haute énergie. Ceci indique que l’âge des couches 6 et 7 au moins n’est probablement que légèrement inférieur à celui des couches sous-jacentes. L’étude typo- technologique des couches 6, 7 et 8 a démontré que celles-ci ne diffèrent guère l’une de l’autre, tant du point de vue du débitage, qui contient très peu de Levallois, du Discoïde, des nucléus en forme de lingot et un débitage opportuniste de courtes séries d’éclats, que du point de vue typologique. Seule la présence de nombreux objets bifaciaux dans la couche 6 la différencie clairement des deux autres. Ces outils bifaciaux obéissent à deux schémas conceptuels différents, permettant de produire soit des bifaces, soit des couteaux bifaciaux. Ces caractéristiques permettent de placer l’industrie de la couche 6 dans le Micoquien, maintenant appelé Keilmessergruppen (KMG), mais se pose la question de la pertinence d’une attribution “ culturelle ” sur la seule base de la présence ou de l’absence de certains éléments dits diagnostiques, en ce cas les outils bifaciaux.

INDEX

Keywords : inventory classification, Keilmessergruppen, La Micoque, Micoquian, stratigraphy, techno-functional unit, technology Mots-clés : classification d’ensembles lithiques, Keilmessergruppen, La Micoque, Micoquien, stratigraphie, technologie, unité techno-fonctionnelle

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AUTEUR

GAËLLE ROSENDAHL Reiss-Engelhorn-Museen, C5 Zeughaus, 68159 Mannheim, Allemagne - [email protected]

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L’économie du silex au Paléolithique supérieur dans le bassin d’Aquitaine Le cas des silex à lépidorbitoïdes des Pyrénées centrales. Caractérisation et implications méthodologiques Flint economy of upper Paleolithic in the Aquitaine basin. The case of lépidorbitoïde flint of Pyrénées centrales. Méthodological implications and caracterization

Micheline Séronie-Vivien, Marie-Roger Séronie-Vivien et Pascal Foucher

1 - Historique de la reconnaissance d’un type particulier de silex aquitain : le silex maastrichtien à lepidorbitoides

1 C’est au cours de l’étude pétrographique et paléontologique des silex du gisement de Pégourié (Caniac-du-Causse, Lot), fouillé de 1967 à 1988, que nous a été révélée la présence d’un fossile réputé inexistant dans la partie septentrionale du Bassin d’Aquitaine. Il s’agissait de Lepidorbitoides genre ne s’étant développé que pendant la phase terminale du Maastrichtien. A la même époque, en 1988, nous avions retrouvé le même foraminifère dans une collection de silex provenant du gisement de Beauregard (Mazères, Gironde). Dans ce site de plein air attribué au Badegoulien (Lenoir et al. 1991, 1997), 174 pièces lithiques furent étudiées et 122 d’entre elles furent classées dans la catégorie des silex à Lepidorbitoides.

2 La quête de la localisation des formations géologiques ayant pu contenir ce type de silex nous a conduits d’abord à nous intéresser aux affleurements de faible extension qui existent dans la partie centrale du Bassin d’Aquitaine (fig. 1).

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Figure 1 - Carte de localisation des principaux sites mentionnés dans le texte, (Fond de carte F. Tessier). Figure 1 - Map of the mentioned localities.

3 La zone anticlinale de Villagrains-Landiras (Gironde), relativement proche de Mazères, fut prospectée la première. Nous avons pu y prélever des silex du Crétacé supérieur mais probablement d’un âge différent (Maastrichtien inférieur ou Campanien) (Blanc 1973). Ils présentent une texture et un contenu faunistique assez proches de ceux de certains silex de la région de Dax (Séronie-Vivien M. 1994) ce qui dénote une formation dans un paléo-environnement différent de celui des silex à Lepidorbitoides.

4 Progressant vers le sud, nous fûmes intéressés par le complexe anticlinal de Roquefort, Créon, Cézan-Lavardens, qui malheureusement ne présente que très peu d’affleurements sénoniens. Nous n’avons pas trouvé de silex dans la région de Roquefort où, d’ailleurs, il n’y est pas mentionné dans la littérature géologique. Les affleurements plus orientaux (Créon, Cézan) n’ont pas été prospectés en détail jusqu’à ce jour.

5 Plus au sud, la région du vaste anticlinal d’Audignon (Landes) avait tout de suite retenu notre attention. En effet, dès 1985, l’occasion nous avait été donnée de reconnaître la présence de Lepidorbitoides dans des silex moustériens du gisement de Bouheben (Baigts, Landes), connu depuis au moins 1898 (Letailleur 1898), et dont des pièces sont conservées à l’Institut de Préhistoire et de Géologie du Quaternaire à Bordeaux, ainsi que sur quelques pointes solutréennes provenant de Montaut (Landes) et faisant partie de la collection Mascaraux possédée par la Société Linnéenne de Bordeaux (Mascaraux 1912).

6 Une provenance très probable ayant été localisée, s’est alors posée la question de l’extension possible de cette source de matières premières, de sa caractérisation et, éventuellement, de distinguer des variétés locales qui pourraient permettre de circonscrire les aires potentielles d’approvisionnement pour l’homme préhistorique.

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7 Des levers géologiques en notre possession et surtout les travaux d’inventaire faits depuis 1984 (Normand 1986, 2002) ont été très précieux pour définir une première approche. Il nous paraît équitable de rappeler que c’est cet auteur qui pour la première fois a fait mention, de façon formelle, de foraminifères de grande taille dans les silex du Crétacé supérieur : « Pour la première fois des sections de protozoaires sont visibles au sein du silex» (à Arcet et à Caout, commune de Montaut, et Aux Camps à Horsarrieu). Par ailleurs, les études pétrographiques réalisées sur le gisement de l’abri Dufaure (Séronie-Vivien M. 1994) ont permis de préciser les caractéristiques de certains autres sites répertoriés par C. Normand. Enfin, une approche synthétique des gîtes de Chalosse est proposée en 1996 (Bon et al. 1996), mais elle se fonde sur une analyse essentiellement macroscopique des échantillons.

8 De ces différentes sources d’information, il ressortait que la région de la Chalosse avait fourni des matières premières siliceuses, abondantes et de différentes compositions. Cette situation reflète la nature complexe de la géologie pré-pyrénéenne où se juxtaposent un vaste anticlinal à coeur crétacé inférieur auréolé de Crétacé supérieur (Audignon), ainsi qu’une séries d’accidents diapiriques avec un cœur triasique et une ceinture composée de lambeaux crétacés ne présentant en général que des séquences stratigraphiques tronquées (Tercis-Benesse et Bastenne-Gaujacq).

9 Les informations dont nous disposions à l’époque nous conduisaient à conclure que c’était dans la région d’Audignon qu’ on connaissait un silex présentant beaucoup de similitude avec ceux découverts à Mazères.

10 Toutefois une démarche scientifique rigoureuse exigeait que l’on n’écartât pas toute autre possibilité de provenance. C’est pourquoi, dès cette période (Lenoir et al. 1991/1997) nous énoncions la liste des régions aquitaines connues pour présenter des affleurements de calcaires maastrichtiens contenant des Lepidorbitoides et dans lesquels, a priori, il n’était pas exclu que des niveaux à silex existassent. Outre les localités déjà citées, cet inventaire soulignait le potentiel évident que représentait la zone du piémont pyrénéen connu sous le nom de « Petites Pyrénées». Par ailleurs, les travaux de R. Simonnet (1981, 1985, 1996, 1999a, 1999b, 2003) sur les gîtes à silex du Maastrichtien de cette région n’écartaient pas formellement cette éventualité. Par contre, les recherches de S. Lacombe (1998, 1999) sur les gîtes des Petites Pyrénées restaient très discrètes sur ces questions.

11 La présomption d’existence de silex à Lepidorbitoides dans cette région trouvait une première validation dans la découverte de ce fossile dans un échantillon dit du type Montsaunès-Ausseing, aimablement communiqué par R. Simonnet au cours de la réunion du Projet Collectif de Recherche d’Hasparren du 3-5 mai 2002 (Cazals 2002).

12 La reconnaissance de la présence de Lepidorbitoides dans plusieurs gisements préhistoriques de la région Périgord-Quercy fut confirmée assez rapidement : • à Pégourié (Caniac-du-Causse, Lot) dans l’Azilien (Séronie-Vivien M.R 1992) et le Badegoulien (Séronie-Vivien M.R. 1995) • à Caminade dans l’Aurignacien (La Caneda, Dordogne) (Séronie-Vivien M.R. 2002) • au Cloup de l’Aze (Quissac, Lot) (Séronie-Vivien M.R. 2002) • au Piage dans l’Aurignacien (Fajoles, Lot) (Séronie-Vivien M.R. 2002 ; Le Brun-Ricalens, Séronie-Vivien 2004).

13 L’intérêt de la découverte de ce nouveau marqueur paléontologique s’est avéré très stimulant pour de nombreux préhistoriens et, depuis le début de ce siècle, il est devenu

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systématique, dans les cercles archéologiques, de retrouver le plus souvent possible ce type de silex considérant comme acquis que sa dénomination de type «Chalosse» lui conférait une appellation d’origine exclusive sans qu’aucun argumentaire scientifique ne soit fourni. On retiendra ici les affirmations suivantes publiées récemment ex cathedra : « De notre point de vue, en reprenant les publications de ce dernier [R.Simnonet] et suite à de nombreux échanges à ce propos, cette proposition d’une provenance de silex du Maestrichtien supérieur contenant des lépidorbitoïdes depuis les gîtes pré-pyrénéens de la Haute Garonne ne semble pas pouvoir être retenue « (Chalard 2005)1, ou encore : «Or pour le domaine pyrénéen, dans l’état actuel des publications, les gîtes de cet étage [Maastrichtien] ne sont signalés qu’en Chalosse et suspectés dans l’ouest de l’Armagnac (Gers)» (Colonge 2005). N’en est-on pas arrivé à considérer toute hypothèse d’une origine différente comme déplacée, voire même coupable ?

2 - Problématique générale

Les données du problème aujourd’hui

14 Reprenant nos réflexions antérieures conditionnées par une démarche intellectuelle reposant sur le raisonnement fondamental des sciences naturelles, à savoir qu’il faut admette qu’aucune hypothèse ne peut être écartée sans avoir été analysée à fond, nous résumerons de la façon suivante les données en notre possession à ce jour sur le potentiel des ressources en matières premières siliceuses du Maastrichtien supérieur pyrénéen.

15 - L’extension des formations calcaires maastrichtiennes à lépidorbitoïdidés est bien connue en Aquitaine méridionale. Elle se délimite entre : • à l’ouest, en Chalosse, la région limitrophe aux communes de Donzacq, Bastennes et Baigts (diapir de Bastennes-Gaujacq), • vers l’est, le flanc nord de l’anticlinal de Plagne (Bilotte 1985).

16 Les affleurements actuels ne forment pas une bande continue mais ils se limitent d’une part aux accidents tectoniques de la Chalosse orientale et, d’autre part, aux chaînons calcaires dits des «Petites Pyrénées». - Jusqu’à présent, seules les structures d’Audignon et, dans une moinde mesure, celle de Bastennes se sont avérées contenir des silex à Lepidorbitoides . - Les milieux de sédimentation des calcaires maastrichtiens supérieurs des Petites Pyrénées apparaissent comme ayant pu avoir été favorables à un développement de niveaux à silex. Malgré l’absence jusqu’à ce jour de découverte significative, les indices collectés (cf. supra) permettaient d’anticiper des développements intéressants et conduisaient à traiter avec beaucoup de prudence les essais d’ hypothétiques reconstructions des circulations de matières premières siliceuses au Paléolithique Supérieur. - Il est aussi utile de rappeler que des silex à Lepidorbitoides du Maastrichtien supérieur sont connus sur le versant sud des Pyrénées (Bassin de Tremp) (Bilotte 1985). - Une grande partie du hiatus topographique séparant les Petites Pyrénées de l’Aquitaine occidentale correspond aux épandages de clastiques post-pyrénéens composant le «cône du Lannemezan». Non seulement ce recouvrement empêche de connaître l’extension vers l’ouest du Crétacé supérieur des Petites Pyrénées alors que

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l’on retrouve des affleurements de même nature au-delà du Plateau du Lannemezan (rides de Cézan, Créon, Roquefort), mais de plus la masse alluvionnaire transportée par les torrents pyrénéens peut contenir des matériaux arrachés à d’anciens affleurements crétacés aujourd’hui disparus ou recouverts. A notre connaissance, aucune recherche systématique n’a été entreprise sur ce thème mais il existe des indices permettant de valider cette hypothèse (Turq 2005).

17 En résumé, on peut aujourd’hui dresser le bilan suivant : si on connaît deux sources distinctes de silex à Lepidorbitoides en Chalosse (Audignon et Bastennes), des potentialités existent pour que d’autres sources de silex de ce type restent à découvrir dans la zone d’affleurement du Maastrichtien supérieur des Petites Pyrénées, et dans les décharges clastiques provenant du démantèlement de la bordure pré-pyrénéenne qui forment une partie du Plateau de Lannemezan.

Les recherches en cours

18 C’est à partir de cet «état des lieux» que nous avons entrepris une étude micrographique des matériaux siliceux provenant des Petites Pyrénées et de la Chalosse. L’objectif était double : • donner une diagnose la plus précise possible des sources connues, afin de les caractériser, de pouvoir distinguer aussi bien ces silex d’origine déjà connue que ceux ayant pu provenir d’autres localités encore non précisées. • analyser des silex collectés dans les Petites Pyrénées pour savoir s’ils peuvent avoir une provenance du Maastrichtien supérieur et, en même temps, établir des diagnoses pour ces différents types de roche.

19 C’est ainsi que, par examen exoscopique, nous avons analysé 186 échantillons (Audignon : 36, Bastennes : 13, Tarté : 107, Montsaunès : 30). Les résultats obtenus sont comparés et complétés par les descriptions, ou caractérisations, antérieurement publiées.

3 - Les silex maastrichtiens dans les Pyrénées centrales

3.1 - Les “silex de Tarté”

20 L’échantillonnage a été obtenu après un tri opéré sur les déblais des anciennes fouilles de la grotte de Tarté, recueillis par plusieurs préhistoriens (Méroc, Mothe, Clottes). Ces collections sont conservées au dépôt du Service Régional de l’Archéologie de Midi- Pyrénées. D’après les maigres informations scientifiques qui nous soient parvenues de ce site «martyr» des Pyrénées centrales, son remplissage était constitué d’un premier ensemble stratigraphique gravettien et d’un second ensemble aurignacien sous-jacent ; il se peut qu’à la base, au contact du bed-rock, il y ait eu aussi des occupations moustériennes (Bouyssonie 1939 ; Béros-Gratacos 1974 ; Foucher 2004).

21 L’ensemble de l’échantillon a été constitué à partir d’un silex qui nous paraissait homogène et qui a retenu notre attention par la présence en son sein de cortèges fossilifères particuliers (Orbitoïdes, Lepidorbitoïdes, etc.). Les supports techniques tirés de ce type de matière première sont très variés puisqu’ils appartiennent à toutes les

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phases de la chaîne opératoire de débitage (rognon testé, nucléus, éclat de débitage, lame, outil). Ce silex semble avoir été débité en quantité importante au sein du gisement ; on peut évaluer sa proportion grosso modo à plus du quart de la masse des silex récoltés. Tous ces éléments (quantité, chaîne opératoire complète) permettent de suggérer que cette matière première a vraisemblablement été trouvée à proximité de la grotte.

22 R. Simonnet (1981 : 309-310) évoque très certainement ce type de silex dans les termes suivants : «Deux habitats aurignaciens, la Tutto de Camayot et Tarté, paraissent avoir connu plus de variétés de silex que nous avons été capable de retrouver. Ceux de Tarté ont eu accès, à coté du silex retrouvé à quelques centaines de mètres de la grotte, à un silex à cortex granuleux fin, issu du Calcaire Nankin (par comparaison avec celui de la carrière de Montsaunès (F1,6) qui s’exclut du fait de ses fissurations), et ils en ont fait leur matériau préférentiel pour la fabrication des carénés. Toutes les tentatives pour retrouver le gîte à proximité ont échoué, les calcaires Nankin étant peu abordables en raison du couvert végétal». Mais son analyse s’arrête à ces simples constatations et il n’est fait aucune mention d’un quelconque cortège de micro-fossiles incluant des lépidorbitoïdes.

23 Des prospections ont été menées récemment, en particulier dans le lit du ruisseau, mais le gîte de cette matière première n’ a toujours pas pu être localisé. D’importants gisements de silex se trouvent à proximité de la grotte (en particulier sur le versant contigü à la route qui mène au village de Marsoulas) mais ils n’ont fourni que du “ Bleu ” des Petites Pyrénées (Simonnet 1981 ; Lacombe 1998).

Aspect extérieur

24 Couleurs et apparences Les silex de Tarté sont le plus souvent beige-clair. Parfois on trouve quelques fragments gris-beige et d’autres gris foncé. L’aspect superficiel est généralement celui d’une roche à surfaces mates et opaques. Il y a, rarement, des pièces paraissant brillantes et légèrement translucides.

25 Etude du cortex Le cortex, présent dans 70 cas sur 107, présente une surface faiblement érodée, non colorée. On remarque occasionnellement une légère coloration ocrée. Une étude particulière de ces surfaces pré-dépositionnelles a été confiée à P. Fernandes (Fernandes 2006) qui conclut d’abord à l’homogénéité de la série : « Il semble que l’on soit en présence de rognons peu fragmentés, même si des cassures antérieures au ramassage ont été trouvées. Il semblerait que cette série ait été prélevée en surface dans une zone proche du gîte primaire. On ne trouve aucune trace de transport à la surface de ces artéfacts» (Fernandes et Raynal 2006).

26 Toutes les observations concordent pour supposer que ces silex ont été ramassés à proximité du gisement, à moins d’admettre une collecte plus lointaine suivie d’un transport en masse, sans frottement.

Observations exoscopiques avec appareil optique

27 Structure La structure pétrographique de ces silex est homogène dans 92 % des cas. On observe

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très rarement des structures microlitées, conséquence du granoclassement différentiel des éléments roulés.

28 Texture (méthode Dunham) L’aspect textural des calcaires qui ont donné naissance à ces silex est essentiellement celui d’une roche wackestone (83 %) formée dans un milieu moyennement agité avec des zones plus abritées ayant généré des calcaires mudstone (12 %), alors qu’en de rares endroits l’agitation du milieu a pu être plus élévée (5 % de silex ayant une structure à la limite wackestone-packstone ) (fig. 2A).

29 Constituants texturaux A – Matrice (ciment) Dans la zone sous-corticale qui a été la plus épargnée par les recristallisations tardives, on remarque que la matrice est composée de quartz microcristallin (microquartz). Il y a, localement, des zones à phénocristaux de quartz et d’autres plages avec développement de calcédonite.

30 B – Eléments figurés - Pellets Les pellets (20/50 µ) sont en quantité très variable, d’un échantillon à un autre et d’une plage d’observation à une autre.

31 - Intraclastes On trouve plusieurs types d’intraclastes :

32 des intraclastes de 150/300 µ, de profils anguleux mais avec le plus souvent des arêtes émoussées, des intraclastes un peu plus gros (200/400 µ) à structure nettement sub-circulaire. Une des caractéristiques de cette roche est que certains de ces intraclastes roulés sont ferruginisés.

33 - Débris végétaux Une autre caractéristique de ces silex est de contenir de très nombreux et très fins débris fibreux, noirâtres d’apparence charbonneuse.

34 - Bioclastes Les débris organiques ne représentent en général qu’autour de 20 % des éléments figurés. Outre les petits fossiles entiers, des fragments de tests d’échinides, de lamellibranches, de brachiopodes et de gastropodes sont parfois reconnaissables mais ils sont rares et très morcelés.

35 - Paléontologie a) Spongiaires Les spongiaires ne sont représentés que par des spicules ; encore ces derniers ne sont- ils pas fréquents (15 % des échantillons). En général, les spicules se trouvent plus ou moins concentrés dans des zones micritiques, associées à des conditions locales de sédimentation témoignant d’un environnement calme (protégé) ; les spicules ne peuvent donc servir à caractériser le silex type Tarté.

36 b) Algues Les débris algaires sont relativement fréquents (34 % des échantillons). Au moins 58 sections identifiables ont été décomptées. Il semble que toutes ces algues appartenaient au groupe des Dasycladales. Plusieurs genres on pu être identifiés : Salpingoporella, Munieria, cf. Clypeina, etc.) (Johnson 1954, 1964 ; Deloffre et al. 1978a, 1978b ; Bouroullec 1968 ; Bassoulet et al. 1978 ) (fig. 3).

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37 c) Foraminifères Les petits foraminifères planctoniques ne sont pas abondants ; il est cependant courant d’observer des sections de lagénidés (Dentalina, Lenticulina, etc.) de nonionidés et de miliolidés. Parmi les organismes de taille légèrement plus grande on notera la présence de Goupillaudina et de sidérolitidés à test épais mais sans appendice (cf. Pseudosiderolites vidali) (fig. 4A, B, C).

38 Les grands foraminifères benthiques de la superfamille des Orbitoididae sont bien représentés par trois ou quatre genres, Orbitoides, Lepidorbitoides, Clypeorbis et sans doute Simplorbites. (Bilotte 1985 ; Caus et al. 2003 ; Fondecave 1974 ; Neumann 1958 ; Ozcan 2000 ; Schijfsma 1946 ; Van Gorsel 1978).

39 Orbitoides media (d’Archiac) (fig.5A). 24 spécimens répartis dans 18 échantillons - 23 mesures. Espèce relativement peu fréquente. Les sections tangentielles observées indiquent comme vraisemblable le rattachement à l’espèce Orbitoides media. Les diamètres apparents sont compris entre 3 et 5,5 mm.

40 Lepidorbitoides (fig. 5D). Au moins 242 sections reconnues dans 76 échantillons (71 % de l’ensemble ) - 127 mesures. Le diagramme établi à partir de ces mesures prises au 1/10ème de mm (fig. 6) montre une courbe polymodale dans laquelle on distingue une première population de taille moyenne comprise entre 3,5 et 4,5 mm (Lepidorbitoides gr. minor : Schlumberger), un second groupe de plus grande taille, entre 4,5 et 6,5 mm (Lepidorbitoides socialis : Leymerie), et enfin quelques sections tangentielles ayant appartenu à des individus beaucoup plus grands. Sans doute s’agit-il de l’orbitoïdidé Simplorbites gensacicus (Leymerie). Soulignons l’intérêt que pourrait présenter cette découverte, si elle était confirmée, car la présence de ce fossile n’ a été signalée que dans le Maastrichtien des Petites Pyrénées, son extension vers l’ouest (Chalosse) n’ayant jamais été signalée.

41 Clypeorbis mamillata (Schlumberger) (fig. 5B). 34 sections réparties dans 22 échantillons Ce genre, facile à reconnaître grâce à sa dissymétrie, a une taille comprise entre 4 et 5,5 mm. Il est considéré comme étant cantonné au Maastrichtien supérieur et souvent associé à Lepidorbitoides socialis.

Figure 2 - Textures des quatre types de silex décrits Figure 2 - Textural types of the 4 series of described flints

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A ) Type Tarté (T 20e) : wackestone à intraclastes arrondis, souvent brunis, en débris charbonneux. (wackestone texture with rounded intraclasts, often brownish, and lignitic fragments) B) Type Montsaunès-carrière (M 305) : packstone à intraclastes arrondis, très nombreux bioclastes (ostracodes, petits foraminifères). (packtone texture with rounded intraclasts and many bioclasts (ostrocods and small forams) C) Type Audignon (A 203c) : mudstone à pellets, assez rares intraclastes anguleux et bioclastes. (mudstone texture with pellets, scarce ruggous intraclasts and bioclasts) D) Type Sensacq (Bastennes) (S 219c) : mudstone à pellets, intraclastes anguleux et bioclastes (spicules d’éponge et calcisphères). (mudstone texture with pellets, rugged intraclasts and bioclasts sponge spicules and calcispheres)

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Figure 3 - Algues : A) cf. Polygonella (solénoporacée ?) Tarté T20bb. B) Neomerys (dasycladacée) Tarté T19b. C) Munieria (dasycladacée) Tarté T81. D) Neomerys (dasycladacée) Tarté T19. E) cf. Polygonella (solénoporacée ? ) Tarté T70b.

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Figure 4 - Autres foraminifères : cf. Goupillaundina sp. (A : Tarté T44, B : Tarté T84c, E : Audignon A203b). cf. Pseudosiderolites vidali (C : Tarté T92, D : Audignon A201b).

Figure 5 - Orbitoïdinés. A ) Orbitoides media (Tarté T94c). B ) Clypeorbis mamillata (Tarté T70). C ) Lepidorbitoides minor (Audignon A203). D ) Lepidorbitoides socialis (Tarté T20dd).

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Figure 6 - Histogramme des dimensions, en 1/10e de mm, des lépidorbitoïdes du site de Tarté. Figure 6 - Length histogram of the Tarté lepidorbitoïdes (scale : 1/10e mm).

Synthèse et diagnose

42 Les analyses pétrographiques et micropaléontologiques soulignent la grande homogénéité des échantillons étudiés.

43 Les critères retenus conduisent à définir un environnement subtidal peu profond, dans la zone photique (algues). Le milieu est relativement calme mais subit l’action de courants (wackestone) ; il est favorable au développement d’une microfaune benthique mais des entrées océaniques occasionnelles sont probables. Les débris algaires, généralement morcelés, soulignent la dynamique du milieu.

44 La micropaléontologie attribue sans doute possible ce niveau à silex au Maastrichtien supérieur.

Diagnose du silex type Tarté

45 - roche siliceuse de couleur généralement gris-beige, parfois gris plus ou moins foncé ; surface mate, opaque ; cortex blanchâtre ; - structure homogène prenant rarement un aspect microlité lié à un granoclassement ; - texture à dominante wackestone, parfois à la limite wackestone/packstone. La matrice est microcristalline. Les éléments figurés sont composés de pellets, de bioclastes peu nombreux et d’intraclastes. Parmi ces derniers sont particulièrement caractéristiques des intraclastes arrondis (roulés) dont certains sont ferruginisés. Enfin, autre caractéristique, présence régulière de fins débris fibreux, charbonneux ; - Les restes organiques se caractérisent par : • la fréquence des débris d’algues dasycladacées ; • la relative rareté des spicules d’éponge ; • l’absence, ou quasi-absence, de bryozoaires ;

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• un riche cortège d’orbitoïdidées : Orbitoides media, Clypeorbis mamillata, Lepidorbitoides minor, Lepidor-bitoides socialis. Si la présence de Simplorbites gensacicus était confirmée, elle constituerait un excellent marqueur géographique ; • une microfaune abondante attribuable à la partie terminale du Maastrichtien.

46 En conclusion, nous pouvons avancer l’hypothèse que, dans le gisement de Tarté, la population paléolithique a utilisé un silex collecté localement ayant des particularités telles que sa caractérisation est suffisamment précise pour que nous proposions un nouveau type pétrographique : le silex de Tarté.

3.2 - La carrière de Montsaunès

47 L’échantillonnage s’est effectué à partir d’une quinzaine de rognons inclus dans le calcaire et dégagés par le front de la carrière (fig. 7). Ces affleurements étaient concentrés dans la partie sud de la carrière et à sa base. Selon la carte géologique au 50 000ème de Saint-Gaudens, l’âge de ce calcaire se rapporterait au Maastrichtien moyen (C7b : calcaire nankin), alors que certains auteurs (Bilotte 1985) rattachent le calcaire nankin de cette région à la biozone à O. apiculata et S. calcitrapoides du Maastrichtien supérieur. Les rognons peuvent être en plaquette ou de forme ovoïde et certains atteignent plus de 50 cm de long (fig. 8).

48 Ce site est un des gîtes à silex de référence des Petites Pyrénées, connu des préhistoriens et des géologues des deux siècles précédents. Pour ne citer que Louis Méroc (1947 : 239), il l’évoque de la manière suivante “ Cependant l’exploitant actuel de la carrière de Montsaunès(ouverte dans le calcaire nankin) m’a certifié l’existence de silex dans son chantier : de temps àautre il briserait sa barre sur des rognons qu’elle rencontrerait en cours du forage des trous de mine ”. Tout ceci confirme la phrase de Leymerie (1881) qui écrivait de la même carrièrede Montsaunès “ … certains bancs y renferment des nœuds de silex, des roses d’une calcédoine passant au quartz hyalin ”.

49 La carrière se situe sur le tracé d’une des failles de compression du front nord- pyrénéen (fig. 7 et 8). En conséquence, les blocs siliceux ont subi des contraintes importantes et sont intensément fracturés. Si cette situation les a rendu impropres à la taille, il est possible de retrouver ce même silex à proximité, en des endroits où il n’aurait pas subi ces contraintes tectoniques.

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Figure 7 - A ) Cluse de Boussens vue du Sud-Ouest. B ) Carrière de Montsaunès vue du WNW. Figure 7 - A ) View from the S-W of the Boussens Pass. B ) The Montsaunès quarry seen from the WNW.

Figure 8 - Rognons de silex en place dans le banc calcaire de la carrière de Montsaunès (Haute Garonne). Figure 8 - Flint nodules within the limestone beds of the Montsaunès quarry (Haute Garonne).

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Aspect extérieur

50 Couleurs et apparences Les silex de la carrière de Montsaunès sont uniformément de couleurs beige foncé avec des marbrures mauve-rosé. La roche se présente avec une surface brillante et un aspect nettement translucide.

51 Cortex Le cortex blanchâtre, peu dense et semblant avoir une forte teneur en carbonates, a une épaisseur variant entre 3 et 10 mm.

Observations exoscopiques avec appareil optique

52 Structure La structure est homogène et très régulière.

53 Texture La texture est celle d’une roche packstone déposée dans un milieu marin de haute énergie.

54 Constituants texturaux A – Matrice L’ensemble de la matrice est en calcédonite, d’où l’aspect très translucide de la roche.

55 B - Eléments figurés - Pellets : ils sont peu abondants et de petites tailles, environ 20 µ. - Intraclastes : les intraclastes sont également peu abondants. De forme arrondie, leurs dimensions se situent entre 200 et 400 µ. - Bioclastes : les débris «coquilliers» pullulent. Il s’agit de débris de tests de petits foraminifères, d’ostracodes et de fragments de tiges algaires. - Paléontologie : la roche se présente comme une lumachelle de tests d’organismes pélagiques : ostracodes et foraminifères dont des lagénidés (Lenticularia), des nonionidés (Nonionella), des rotalidés (Discorbis, Eponides), etc. Il n’y a été observé aucune trace d’orbitoïdidés.

Synthèse et diagnose

56 Le silex de la carrière de Montsaunès s’est formé dans un environnement de plateforme ouverte, agitée mais peu profonde (zone photique). La texture packstone de cette roche presqu’exclusivement composée de coquilles d’organismes pélagiques indique un fort brassage du sédiment non consolidé.

57 L’absence d’orbitoïdidés peut s’interpréter soit comme la confirmation d’un milieu ouvert peu favorable au développement des formes benthiques, soit comme l’indication d’une position stratigraphique différente, anté-maastrichtienne.

Diagnose du silex type Montsaunès-Carrière

58 - roche siliceuse beige foncé à marbrures mauve-rose, aspect translucide, - cortex blanchâtre d’une épaisseur de 3 à 10 mm, - structure homogène, - texture packstone, matrice en calcédonite. Les éléments figurés sont dominés par les tests de micro-organismes : ostracodes, foraminifères pélagiques (lagénidés,

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nonionidés, petits rotalidés), - âge probable : Maastrichtien. Le silex de la carrière de Montsaunès a donc une composition très particulière qui, nous semble-t-il, le rend facilement reconnaissable parmi les roches siliceuses de la région.

3.3 - Les silex du versant nord de Montsaunès

59 L’échantillonnage est le produit d’un ramassage dans les champs labourés, situés sur le versant nord de la colline où s’ouvre la carrière. Il est constitué d’éclats de débitage, de petits rognons testés ou faiblement débités. Cet atelier est connu de longue date (Méroc 1947 : 238, 1967 ; Simonnet 1981).

60 L’analyse pétrographique et micropaléontologique de 17 échantillons a été conduite de la même façon mais quelques difficultés sont apparues en raison du degré d’altération (patine) de certaines pièces. Les surfaces non patinées de ces artefacts et les cassures récentes permettent d’observer que la couleur de ces objets est notablement plus sombre que celle des pièces provenant de la carrière de Montsaunès. Cette remarque souligne l’influence de l’oxydation des composés ferreux dans l’évolution de l’aspect extérieur d’un silex depuis sa collecte par le préhistorique.

61 Les 17 silex étudiés se répartissent en deux groupes : - une série de six pièces ayant une texture et un contenu faunistique très ressemblant au «silex de Montsaunès-carrière», - un groupe de 11 silex, beige-brun à brun-gris foncé, ayant les mêmes caractéristiques que les silex type « Tarté» mais dans lesquels on n’a pas observé d’orbitoïdidés bien que l’on y trouve des restes d’algues dasycladacées.

62 Ces observations conduisent à faire deux remarques : - le silex « Montsaunès-carrière «, malgré l’intense fracturation que l’on remarque dans la carrière, a été utilisé. Il faut sans doute supposer qu’à proximité de cette carrière le banc à silex, non affecté par la poussée tectonique, a affleuré. - si les autres silex présentent de très grandes similitudes avec le type “ Tarté ”, l’absence de grands foraminifères demande à être expliquée. A ce propos, il est bon de rappeler les expériences de R. Simonnet (1999) qui avait montré que dans un silex à orbitoïdes, après un débitage en 77 éclats (de plus de 2 cm) on n’ a trouvé des orbitoïdes que dans 4,65 % des pièces. Cet exemple, significatif, montre combien une diagnose complète de la texture de la roche est nécessaire pour déterminer l’origine potentielle d’un silex, compte tenu de l’incertitude du critère présence/absence d’un fossile caractéristique. On se retrouve dans des situations similaires en étudiant des silex potentiellement attribuables aux types «Bergeracois» ou «Grand Pressigny» par exemple.

63 Une autre question demeure. C’est celle de la définition actuelle de la nature exacte du «silex de Montsaunès-Ausseing» de R. Simonnet et de sa relation avec les types que nous venons de diagnostiquer.

64 Les travaux de cet auteur (Simonnet 1981, 1998, 1999) décrivent ce type comme un silex d’âge maastrichtien étant : «… un matériau de qualité malgré le volume modeste des rognons et l’épaisseur du cortex, réservé en talon sur les carénés de Tarté (fig. 6). Ce silex semble avoir voyagé assez loin, en particulier les types Montsaunès-Ausseing (très nombreux petits foraminifères et quelques grands foraminifères) “ … La figure 6 citée, montre une roche ayant sans doute une texture wackestone avec des intraclastes

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roulés, assez gros et peut-être ferruginisés, de petits foraminifères et un débris algaire (probable).

65 Dans la publication de 1998 (p. 191), relative à l’inventaire du gisement de Rhodes II, il est mentionné : «la présence de Lépidorbitoides dans un fond de tache de type maastrichtien(Montsaunès)». Dans le même article, on trouve une analyse très détaillée de la composition lithologique des foyers successifs. La partie de la séquence incluant les foyers 3 à 7 est intéressante ; elle comprend 2493 échantillons étudiés, 178 «identifiables», dont 48 Chalosse (matériau caractérisé par la présence de sidérolites, de lepidorbitoïdes et de bryozoaires). Le décompte montre que 27 % des silex «identifiables» proviendraient de Chalosse. Ce pourcentage atteint même 65 % pour les foyers 3 et 4.

66 Une autre information est fournie dans ce même article au sujet des silex trouvés sur le site de La Vache. Il y est fait mention d’un «type de maastrichtien, proche du type Montsaunès-Ausseing ou de la base de l’extrême ouest du Danien [comportant] des spicules, petits foraminifères benthiques (textularidae, ataxophragmitidae et buliminidae) « (p. 201).

67 Il apparaît donc une ambiguïté dans la caractérisation du silex type «Montsaunès- Ausseing». Est-on uniquement devant un silex bioclastique riche en petits foraminifères, ce qui le rapprocherait beaucoup du type que nous venons de décrire sous l’appellation «silex de Montsaunès-carrière» ? Ou bien le terme de «silex Montsaunès-Ausseing» s’applique-t-il à une roche contenant de petits foraminifères, des algues et des orbitoïdidés, ce qui en ferait, peut-être, un équivalent du type «silex de Tarté» ?

68 Enfin, ce dernier type attribué maintenant systématiquement au type Chalosse, a-t-il des caractères texturaux propres le différenciant du type «Tarté»?

69 C’est à ce dernier aspect de la question que nous allons maintenant essayer de répondre.

4 - Les silex à lepidorbitoides en Chalosse

70 Pour pouvoir dans l’avenir distinguer les silex du Maastrichtien supérieur ayant pu provenir de la région chalossienne de ceux qui auraient pu être issus des Petites Pyrénées, il nous a semblé nécessaire de procéder à l’étude pétrographique et paléontologique des silex de Chalosse en suivant le même protocole d’analyse.

71 Le travail a porté sur 46 échantillons provenant de la structure d’Audignon et de celle de Bastenne-Gaujacq. Les prélèvements on été réalisés au cours d’une prospection pédestre, dans les années 2000, menée par Ch. Normand2 en compagnie de P. Foucher et R. Simonnet.

4.1 - Les silex de l’anticlinal d’Audignon

72 L’anticlinal d’Audignon est une structure très ample, 20 km de long, avec un cœur albo- aptien et des auréoles de terrains du Crétacé supérieur. Le niveau stratigraphique qui nous intéresse est celui du Maastrichtien terminal qui affleure tant sur le flanc nord (Montaut, Banos, etc.) que le flanc sud (Horsarrieu) et sur le périclinal oriental (Dumes, Montcubes). L’inventaire établi en 1985 par C. Normand (Normand 1986) donne une bonne image, non point des affleurements géologiques avec silex mais des sites

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secondaires dans lesquels les silex sont abondants (épandages plio-pleistocènes ou ateliers).

73 Après l’indication initiale de la présence de grands foraminifères dans ces silex, en particulier à Arcet et Caou (Montaut) et Aux Camps (Horsarrieu), une description, dite caractéristique, est publiée en 1996 (Bon et al. 1996). Elle retient le principe d’un “fond commun chalossien” dans lequel elle reconnaît cependant des variétés spécifiques. L’exégèse de ce texte et de celui de 2002 (Bon et al. 2002) nous a conduit à retenir les critères mentionnés et utilisés jusqu’à présent pour caractériser les silex de la région d’Audignon : • rognons irréguliers ayant en général 10/20cm de diamètre, parfois beaucoup plus (40/80 cm), • cortex crayeux ou induré, fins ou épais, • grain fin, homogène, • très nombreux fossiles dont lepidorbitoides, • teintes variées mais régulières, gris, brun, noir-bleuté,

74 Notre étude n’a porté que sur un nombre limité d’échantillons provenant du site d’Arcet (Montaut), 13 pièces et de celui d’Aux Champs (Horsarrieu ), 23 échantillons.

Aspect extérieur

75 Couleurs et apparences Les silex que nous avons examinés sont généralement de couleur claire, gris clair bleuté, gris beige ou beige clair. Plus rarement nous avons trouvé des pièces gris foncé. Les teintes de ces silex sont très homogènes, comme mentionné dans les descriptions précédentes.

76 Presque tous les silex non patinés sont légèrement brillants et translucides.

77 Etude du cortex Le cortex est le plus souvent altéré, érodé, recouvert d’une croûte ferro-manganésifère. Ces témoins des longues vicissitudes que ces pièces ont subies dans les épandages pleistocènes rendent l’étude du cortex sans objet.

Observations exoscopiques avec appareil

78 Structure Elle est toujours très homogène dans les parties entièrement silicifiées. Par endroit, on peut observer un alignement de fossiles ou d’intraclastes que l’on pourrait assimiler à un microlitage mais ce genre de phénomène n’a pas de continuité.

79 Texture La texture de ces silex est le plus souvent du type mudstone (74 %) avec parfois une apparence wackestone (26 %). Dans ces derniers cas, il faut mentionner qu’à côté de zones à texture wackestone se reconnaissent des secteurs à texture mudstone.

80 Ces observations sont les indications d’un milieu de dépôt calme, type plateforme interne protégée ou lagon.

Constituants texturaux

81 A – Matrice (ciment)

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82 La matrice est composée de microquartz (quartz microcristallins).

83 B – Eléments figurés

84 - Pellets Les pellets sont très abondants et de petites dimensions, autour de 20/30 µ. - Intraclastes Les intraclastes, dispersés, peu nombreux, sont anguleux et ont des tailles très variables (150/400 µ). - Bioclastes Les débris organiques peuvent atteindre 10 à 20 % des échantillons. Généralement ces débris ne sont pas érodés. - Paléontologie a) Algues Des algues sont présentes dans 20 % des échantillons. Il semble que ce soit toujours des espèces du groupe des Codiacées (Boueina, Halimeda, cf. Cayeuxia)(fig. 9B). b) Spongiaires Des spicules d’éponge se retrouvent dans seulement 15 % des échantillons, mais des sections de spongiaires ont pu être observées dans deux spécimens, l’un d’entre eux en contenant même de nombreux exemplaires (fig. 9C). c) Bryozoaires Les bryozoaires sont abondants. Ils se retrouvent dans 65 % des silex étudiés, certains d’entre eux étant particulièrement riches en bryozoaires (fig. 9D). d) Foraminifères Les petits foraminifères sont assez régulièrement présents, 71 % des cas, mais ils ne sont pas très abondants. On a pu déterminer des lagénidés, des miliolidés, des nonionidés et des rotalidés dont Goupillaudina et Pseudosiderolites vidali (Douvillé). Une espèce voisine, Siderolites calcitrapoides, caractéristique du Maastrichtien supérieur n’a pas été retrouvée. C’est pourtant une espèce facile à identifier même sur une surface brute.

85 Les grands foraminifères benthiques sont représentés par des Orbitoïdidés, mais nous n’avons déterminé que deux espèces : Orbitoides media (d’Archiac), espèce peu fréquente retrouvée seulement dans 15 % des échantillons. Lepidorbitoides minor (Schlumberger), espèce très abondante qui se trouve dans tous les échantillons. Les sections mesurées se situant presque toujours entre 2,2 et 5 mm, nous pensons que la plus grande partie de la population de lépidorbitoides est attribuable à l’espèce L. minor. Il n’est cependant pas exclu que quelques spécimens de L. socialis soient présents. Par contre, aucun exemplaire de Clypeorbis mamillata n’ a été observé.

Synthèse et diagnose

86 L’étude pétrographique et paléontologique fait ressortir la forte homogénéité des silex étudiés, quelles que soient leurs provenances ou leurs couleurs qui se répartissent sur un palette assez large.

87 Elle permet de définir un environnement peu profond, dans la zone photique. Le milieu était très calme favorisant le développement de colonies algaires et de massifs de spongiaires avec des encroûtements de bryozoaires. Cela correspond à un milieu

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protégé, peu profond, que l’on décrit souvent sous le nom de lagon. La microfaune situe ce niveau dans le Maastrichtien supérieur.

Diagnose du silex type Audignon

88 . roche siliceuse en général de couleurs claires, allant du gris au beige, mais présentant rarement des teintes plus sombres ( brun foncé, gris noir) ; . structure très homogène ; . texture presque toujours mudstone, rarement et localement wackestone. La matrice est microcristalline. Les éléments figurés sont composés de très nombreux pellets, d’intraclastes anguleux peu fréquents, de bioclastes généralement non roulés ; . les restes organiques sont composés de : - algues calcaires du groupe des codiacées, parfois abondantes, - spongiaires, représentés par des spicules, peu fréquents, et des fragments de spongiaires, - bryozoaires fréquents, - horizons très riches en Lepidorbitoides minor accompagnés de quelques Orbitoïdes media, de Pseudosiderolites vidali et de Goupillaudina sp. ; . Age probable : Maastrichtien supérieur.

89 En conclusion, les informations recueillies au cours de cette recherche mettent en évidence des caractéristiques qui permettront de distinguer, parmi les silex à lépidorbitoïdes, ceux provenant de la région de ceux qui ont une autre origine aquitaine.

4.2 - Les silex du diapir de Bastennes-Gaujacq

90 Le diapir triasique de Bastennes-Gaujacq se présente comme une extrusion d’argile salifère de près de 8 km de diamètre, entourée de lambeaux redressés, disloqués, de formations plus récentes. Parmi ces dernières, on retiendra de très rares remontées de calcaires sénoniens. C’est surtout sur les flancs sud et ouest de la structure que l’on a signalé des affleurements maastrichtiens ayant contenu du silex. Ces silex n’ont jamais été observés en place mais on les trouve dans des épandages post-tectoniques.

91 La plupart des gîtes à silex a été signalée par C. Normand (Normand 1986) puis étudiée par la suite (Bon etal. 1996, 2002). Comme nous l’avons fait pour Audignon, la lecture de ces textes nous a conduit à retenir les critères de caractérisation choisis par ces auteurs : - rognons de forme irrégulières, d’une taille de 10/20 cm, inférieure à 30cm ; - cortex varié ; - grain fin homogène ; - nombreux fossiles de grande taille, mais les lépidorbitoïdes sont rares ; - teintes variées (bleu nuit et orangé, gris vert, gris bleu ) avec des marbrures orangées et bleutées.

92 Il faut noter que l’existence d’un silex gris homogène, riche en lépidorbitoïdes est signalé au Château de Gaujacq. Ce serait un type différent sans doute proche du type Audignon.

93 Notre étude, préliminaire, n’a porté que sur 13 échantillons provenant du seul site de Sensacq (Gaujacq).

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Aspect extérieur

94 Couleurs et apparences Les silex examinés sont soit gris-bleu foncé, soit gris-beige. On note dans tous ces silex des mouchetures blanches qui correspondent à des zones de cristallisation différentielle et non à des fossiles. Le plus souvent, on observe sur ces pièces une zone sous-corticale brun foncé pouvant avoir de 3 à 10 mm d’épaisseur. Ces silex sont le plus souvent brillants et translucides.

95 Etude du cortex Compte tenu des conditions de gisement, le cortex est presque toujours érodé et altéré.

Observations exoscopiques avec appareil

96 Structure Elle est toujours homogène, sauf dans les parties incomplètement silicifiées ou en voie de recristallisation.

97 Texture Ces silex ont toujours une texture mudstone. Exceptionnellement, dans deux cas, on a remarqué que la texture mudstone était interrompue par des «nuages» wackestone, peut-être traces d’anciennes bioturbations (fig. 2D).

98 Toutes les observations concourent à la définition d’un milieu de dépôt très calme (boue calcaire siège d’une activité biologique régulière).

Constituants texturaux

99 A - Matrice

100 La matrice est composée de microquartz, mais on note des zones de recristallisations (calcédonite ?).

101 B - Eléments figurés

102 - Pellets Ils sont abondants et de petites dimensions (15/30 µ ).

103 - Intraclastes Ils sont peu nombreux et ne sont pas émoussés.

104 - Bioclastes Les débris organiques, brisés, sont rares.

105 - Paléontologie a) Algues Des débris algaires ont été retrouvés dans 50 % des échantillons. Les espèces représentées (Halimeda, Boueina, Cayeuxia) (fig. 9A) font partie de la famille des codiacées. b) Spongiaires Les spicules d’éponge sont présents dans presque tous les silex étudiés mais ils n’y sont pas abondants. En outre, des sections de spongiaires sont observables dans certains échantillons. c) Bryozoaires d) Généralement il n’y a pas de fragment de bryozoaire, sauf rare exception où on peut

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observer une section. e) Foraminifères Les foraminifères planctoniques sont représentés par des espèces de mer ouverte (Calcisphaerula, Pithonella) que l’on trouve pratiquement dans tous les échantillons avec une plus ou moins grande abondance. Les autres formes de petits foraminifères sont assez rares (Textularia, Nonion, Cibicides). Aucun grand foraminifère benthique, en particulier aucun lépidorbitoïdé, n’a été observé sauf dans un échantillon particulier qui a déjà été signalé à cause de la particularité de sa couleur (brun foncé). Il s’agit d’un nucléus de texture wackestone qui contient de très nombreux orbitbitoïdidés (Lepidorbitoides minor, Lepidorbitoides socialis, Orbitoides media). Il est probable que nous sommes devant un élément allochtone (Audignon ou autre affleurement de Bastennes-Gaujacq ?).

Synthèse et diagnose

106 Les données de la pétrographie et de la paléontologie conduisent à proposer une sédimentation dans un environnement peu profond, très calme. Mais, contrairement à celui qui a été décrit dans la région d’Audignon, celui-ci devait être largement ouvert aux influences océaniques comme le confirme l’importance de la microfaune pélagique.

Diagnose du silex de Bastennes-Gaujacq (Sensacq)

107 La diagnose qui suit ne s’applique qu’aux silex de la région de Sensacq. Il serait souhaitable d’étendre l’étude à d’autres sites plus au nord (Arrimblar) et au sud (Gaujacq-Château). En effet, le morcellement de la bande d’affleurements du Crétacé supérieur, lié aux dislocations tectoniques, rendent très incertain la contemporanéité des niveaux à silex.

108 - roche siliceuse, de couleur gris-bleu foncé ou gris-beige, avec marbrures ocrées et une zone sous-corticale vivement teintée de brun (3/10 mm d’épaisseur ), - structure homogène ; - texture toujours mudstone avec nombreux pellets, de rares intraclastes non érodés et quelques bioclastes ; - les restes organiques comprennent des algues codiacées, des spongiaires, de rares bryozoaires, des foraminifères planctoniques dont d’assez nombreux calcisphérulites. Les grands foraminifères benthiques (orbitoïdidés) sont absents ; - âge probable : Crétacé supérieur (Campanien ou Maastrichtien ?).

109 Ces conclusions relatives à la structure de Bastennes ne peuvent être considérées que comme provisoires. Une étude plus complète sur le terrain et ensuite en laboratoire nous paraît nécessaire.

110 Au vu des résultats partiels obtenus, il semble que les silex de Bastennes-Gaujacq sont nettement différents de ceux d’Audignon. Peut-être n’ont-ils pas tout à fait le même âge. Le fait qu’ils montrent des influences océaniques nettes les rapproche des silex plus occidentaux de Benesse et de Tercis (Séronie-Vivien M. 1994, 1995 ; Straus et al. 1988), et pourrait être l’indice que ces silex proviendraient d’un niveau stratigraphique différent (Campanien ou Maastrichtien inférieur).

111 En conséquence nous ne prendrons en considération la diagnose ci-dessus que comme étant celle du site de Sensacq.

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5 - La reconnaissance de certains types de silex du crétacé supérieur pyrénéen : caractéristiques et critères distinctifs

112 Au terme de l’étude au cours de laquelle nous avons analysé quatre types de silex (Tarté, Montsaunès-Carrière, Audignon, Bastennes-Sensacq)3 et pour lesquels nous avons donné une diagnose pouvant servir de point de départ pour des travaux futurs, il est apparu des particularités propres à chacun de ces types, suffisantes pour retenir des critères distinctifs utilisables.

113 Les caractères pétrographiques et paléontologiques qui nous ont paru les plus intéressants à retenir ont été regroupés dans un tableau (fig. 10) qui fait ressortir à la fois la spécificité de chaque type et les différences qui permettent de les distinguer les uns des autres (en caractères gras pour les critères les plus significatifs).

114 Pour résumer les conclusions auxquelles nous sommes arrivés, on retiendra :

1) Les types Tarté et Audignon

115 Deux types, Tarté et Audignon, sont des silex du Maastrichtien supérieur ou terminal, riches en orbitoïdidés, notamment en lépidorbitoïdes.

116 La distinction entre les deux types qui ont été formés dans deux environnements différents se fait de la façon suivante :

117 A) Textures

118 - Le type Tarté, à texture wackestone avec des intraclastes arrondis, s’est formé dans un milieu peu profond mais soumis à des courants, (intraclastes arrondis). Un caractère particulier de cette roche est la présence régulière de fins débris ligneux, carbonisés, peut-être témoins d’arrivées continentales ; - le type Audignon à texture mudstone avec beaucoup de pellets et des intraclastes anguleux s’est formé également en milieu peu profond mais extrêmement calme (lagon).

119 B) Paléontologie

120 - Ces deux types se différencient également par la nature des algues fossiles qu’ils contiennent. Dans le type Tarté, on ne trouve que des algues dasycladacées, alors que le type Audignon, ainsi que le type Bastennes-Sensacq, sont relativement riches en algues du groupe des codiacées ; - un autre critère discriminant est la présence de fragments de corps de spongiaires à Audignon alors qu’ils sont absents à Tarté. De même, les bryozoaires sont fréquents à Audignon, et extrêmement rares à Tarté. A ce propos, il est sans doute opportun de rappeler que, pour une personne peu expérimentée, reconnaître un bryozoaire d’une tige algaire n’est pas un exercice facile et que les confusions sont courantes ; - si le cortège des orbitoïdidés est le critère commun à ces deux types, il faut reconnaître une plus grande variété de genres et d’espèces à Tarté qu’ à Audignon. La présomption que seule Lepidorbitoides minor est présente à Audignon (avec Orbitoides media) pourrait être l’indication que le niveau à silex d’Audignon serait un peu plus ancien que celui de Tarté (Maastrichtien supérieur versus Maastrichtien terminal).

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2) Le type Bastennes- Sensacq

121 L’étude relative à la structure de Bastennes-Gaujacq n’ayant porté que sur un seul site, nos conclusions ne feront référence qu’aux silex de la région de Sensacq et ne sont pas extrapolables à l’ensemble des affleurements de la périphérie du diapir.

122 La diagnose de Sensacq montre à la fois un certain nombre de similitudes avec celle d’Audignon mais en même temps elle souligne des différences notables qui font douter de la contemporanéité des deux types de silex.

123 Le silex de Sensacq s’est formé, comme celui d’Audignon, dans un environnement calme et peu profond (mudstone et algues codiacées) mais avec des communications franches avec le milieu océanique ouvert (présence de nombreux calcisphères).

124 L’absence d’orbitoïdidés serait à vérifier par l’examen d’un plus grand nombre d’échantillons mais d’autres travaux (Bon 1996) semblent confirmer cette absence en cet endroit.

125 Un caractère qui paraît propre à ce type est la vive coloration brun-orangé de la zone sous-corticale. Ce critère visuel, pratique, est à prendre en considération sans oublier que cette coloration par les oxydes de fer est un phénomène secondaire indépendant de la genèse du silex mais tributaire des conditions d’enfouissement.

126 La complexité structurale du dôme de Bastennes nous incite à penser qu’à Sensacq, si nous sommes devant des silex sénoniens, ils proviennent d’un niveau stratigraphique un peu plus ancien que celui qui a fourni les silex d’Audignon.

3 ) Le type de Montsaunès-Carrière

127 Les silex de Montsaunès-Carrière présentent un microfaciès entièrement différent de celui décrits pour les autres types.

128 Nous sommes en effet devant un silex très translucide à matrice de calcédonite. La texture est packstone avec des intraclastes arrondis, ce qui témoigne du haut niveau d’énergie de la mer. La microfaune très particulière permet de distinguer, dès le premier regard, ce type de tous les autres précédemment décrits. En effet, on se trouve devant une accumulation de tests d’ostracodes et petits foraminifères donnant à l’ensemble un aspect de «micro-lumachelle».

129 Il resterait à connaître l’extension de ce genre de silex qui, pour le moment, n’est connu que dans la carrière de Montsaunès et sur les versants du relief adjacent.

130 L’âge de ces silex ne peut pas être précisé pour le moment. Il faudrait faire appel à d’autres méthodes d’analyse (palynoplanctologie).

6 - Conclusion

131 Ce travail, réalisé à partir d’un nombre réduit de sites des régions de la Chalosse et des Pyrénées centrales ayant fourni des matières premières siliceuses, a conduit à une vision nouvelle sur l’approvisionnement potentiel de ces matériaux pour l’ensemble du Bassin d’Aquitaine. Il ouvre la voie à de nouvelles interprétations et amène sans doute à revoir certaines constructions palethnologiques qui avaient été considérées comme acquises.

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132 Les principaux résultats factuels des analyses pétrographiques et paléontologiques sont :

133 - La présence dans les Pyrénées centrales de silex maastrichtiens à lépidorbitoïdes, le type Tarté. Ce résultat est une confirmation de l’hypothèse que nous avions formulée dès 1991 (Lenoir etal. 1997) sur l’existence très probable de ce type de roche le long de la partie centrale du front pyrénéen ; - les diagnoses établies à partir d’études détaillées mettent en évidence les caractères propres de chacune des sources étudiées. On est ainsi en possession d’un outil permettant de faire un choix entre ces diverses sources potentielles de matières premières siliceuses et, en particulier, de distinguer le matériel “ chalossien ” de celui des gîtes des Petites Pyrénées ; - le caractère très particulier du type “ Montsaunès-Carrière ” soulève la question de l’acception réelle de la dénomination “ Silex de Montsaunès-Ausseing ”. S’agit-il d’un silex d’un type très voisin de celui de “ Tarté ” ou de celui de “ Montsaunès-Carrière ” ou de tout autre chose ?

134 - les données fournies par les silex dit de “ Chalosse ” montrent qu’il existe plusieurs types bien individualisés ; lorsque cela sera possible, c’est-à-dire lorsque des études approfondies auront été menées sur ces silex, ne vaudrait-il pas mieux parler avec plus de précision des “ silex d’Audignon ”, de ceux de “ Sensacq ”, ou de “ Benesse ”, etc. ?

135 Les résultats que nous avons obtenus ne représentent que les prémices de recherches plus étendues qui devraient être conduites avec le même esprit d’analyse, sans faire appel à tout autre problématique mettant en jeu un conceptualisme préconçu et répété.

136 La recherche devrait s’étendre dans plusieurs directions comme cela a été suggéré récemment (Tarrino-Vinagre 2001 ; Turq 2005). Il faudrait d’une part compléter la localisation et la description des sources de matières premières en privilégiant si possible les affleurements géologiques et en recherchant les relations qui peuvent exister entre ceux-ci et les ateliers de taille ; d’autre part, l’établissement de diagnoses complètes, précises selon un protocole standard est impératif. Enfin, la confrontation entre cette base de données et la description des silex “ allochtones ” du Bassin d’Aquitaine pourra se faire dans le but d’établir, sur des bases objectives, des attributions de provenances probables. Ce schéma, en fin de compte, ne serait-il pas simplement celui qui devrait guider une lithothèque telle qu’elle devrait être conçue et gérée ?

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ANNEXES

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Abridged English version

In 1988, for the first time, the occurrence of Upper Maastrichtian flint bearing Lepidorbitoides Foraminiferae was noticed in the Northern Aquitaine Basin. It is obvious, from regional geological data that those rocks must have been displaced from the Pyrenean foothills where this type of flint crops out. A potential source having the same appearance has been known since 1984 in the so-called “Chalosse area “(Landes) in the southwestern part of the Aquitaine basin. Several stratigraphic and paleontological studies of the southern part of this sedimentary basin mentioned geological formations which may be bearing similar siliceous rocks all along the Pyrenean foothills, from the “Chalosse” outcrops to the “Petites Pyrénées” located in the central par of the Pyrenean orogenic belt. In spite of the fact that, so far, no outcrop of this flint type has been localized, it would be reasonable to keep in mind the possible extension of this kind of raw material supply zone. Recent studies have been devoted to petrographic and paleontological analysis of 186 flint samples gathered in several Chalosse and Petites Pyrénées locations. The purpose of this work was first to search for possible sites bearing Upper Maastrichtian flint bearing Lepidorbitoides in the Petites Pyrénées area. Another target was to provide more accurate petrographic descriptions of the different uppermost maastrichtian flint types collected in the Chalosse area. The goal of the latter work was to set up a particular diagnosis for each flint variety. Th approach will serve as a guide to point out the geographic origin of allochtonous artefacts. Four diagnoses were established, two from the Petites Pyrénées rock sources, two from Chalosse flints. 1 - Petites Pyrénées zone : A) “Tarté” flint type : - light colours (beige to buff, pale grey) dull, opaque, - texture : wackestone with pellets, intraclasts often rounded, with ferruginous coating, black ligneous fragments (fig. 5A), - fossiliferous : Algae (Dasycladales) (fig. 8), Foraminiferae : Goupillaudina, Pseudosiderolites vidali (fig. 7), Clypeorbis mamillata, Simplorbites gensacicus (?), Orbitoides media, Lepidorbitoides minor, Lepidorbitoides socialis (fig.6), very rare sponge spicules, no Bryozoae, B) “Montsaunès-Carrière” type : - light colours ( pinky beige), glossy, translucent, - texture : packstone with a few pellets, rounded intraclasts, bioclasts (fig. 5B), - fossiliferous : very abundant ostracods and small foraminifera (Rotalidae, etc.) no sponge spicule, no Bryozoae, 2 - Chalosse zone : A) “Audignon” type : - generally light colours (beige or pale grey) sometimes bluish grey or dark grey, - texture mudstone (74%) or wackestone (26%) with many pellets, few angular intraclasts, rare bioclasts (fig.5C), - fossiliferous : Algae (Codiaceae) (fig. 9b), sponge remains and spicules, Bryozoae, Foraminiferae : Goupillaudina, Pseudosiderolites vidali, Orbitoides media, Lepidorbitoides minor,

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B) “Bastennes-Sensacq” type : - colours : often grey-blue with orange veining and brownish zonation inside, - texture : mudstone with abundant pellets, frequent angular intraclasts, bioclasts rare, - fossiliferous : Algae (Codiaceae) (fig. 9A), sponge remains and spicules, rare Bryozoae, Foraminiferae : abundant calcispheruliths, rare Rotalidae, the Orbitoididae family is missing or very rare. Finally the results obtained show that : 1°) In the Petites Pyrénées domain the occurence of Upper Maastrichtian flint bearing an association of Orbitoididae is corroborated, 2°) Diagnosis of each flint type reflects specific features which will be useful while studying artefacts of allochtonous origin. It will be possible to distinguish the Chalosse sources from the Petites Pyrénées ones.

NOTES

1. Ce dernier auteur semble être revenu récemment sur cette idée lors d’une présentation de poster au Symposium du 71st SAA Meeting, april 26-30, 2006, à San Juan (Puerto Rico), intitulé : Chalosse type Flint. Exploitation and distribution of a lithologic marker during the Upper Paleolithic, Southern France, par P. Chalard, F. Bon, L. Bruxelles, S. Ducasse, Ph. Gardère, P. Guillemin, S. Lacombe, M. Langlais, R. Mensan, Ch. Normand, R. Simonnet, A. Tarriño. Il y est exposé une photo d’un silex qui présente une association de microfossiles incluant des lépidorbitoïdes, provenant des Petites Pyrénées, mais aucune autre précision n’est donnée. 2. Nous remercions ici très chaleureusement Ch. Normand pour avoir guidé nos pas sur les gîtes à silex de Chalosse. 3. Il manque à notre étude une caractérisation des silex de la montagne d’Ausseing qui n’a pu être réalisée en raison de conditions défavorables lors de nos recherches sur le terrain.

RÉSUMÉS

Un type particulier de silex, le silex maastrichtien à lepidorbitoides, a été individualisé dès 1988 parmi des artefacts provenant du nord de l’Aquitaine. La géologie régionale indique que cette roche ne peut provenir que de la partie méridionale du bassin d’Aquitaine, le piémont pyrénéen. Une provenance possible de ces matières premières se localise en Chalosse (sud du département des Landes) où des silex pouvant être assimilés à ce type avaient été signalés dès 1984. Leur appartenance à ce type lithologique a été confirmée. Parallèlement, une approche géologique régionale conduisait à ne pas restreindre à cette zone l’aire potentielle dans laquelle ces silex avaient pu se former. On connaît, en effet, dans les Pyrénées centrales, les chaînons des “ Petites Pyrénées ” dans lesquels affleurent des calcaires maastrichtiens à orbitoïdidés. Il eut été raisonnable de garder ces possibilités en mémoire et non point de les nier et ainsi de les intégrer dans les reconstitutions palethnologiques récentes. Des travaux récents ont porté sur 186 échantillons de silex provenant de la région des Petites Pyrénées et de la Chalosse. L’objectif de cette étude était de mettre en évidence la présence de niveaux à silex à lepidorbitoides dans les Pyrénées centrales et d’établir des critères objectifs

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utilisables pour différencier les différentes zones géographiques de provenance. Nous avons pu : - dans les Pyrénées centrales, donner la diagnose d’un type de silex, le “ silex de Tarté ” contenant un cortège paléontologique du Maastrichtien supérieur avec des lépidorbitoïdés, ainsi qu’un autre type de matière première siliceuse, le silex de Montsaunès-Carrière ”, ayant des caractéristiques très particulières rendant sa reconnaissance facile ; - mettre en évidence le “ silex de Tarté ”, ce qui confirme l’hypothèse formulée depuis longtemps de l’existence de matières premières siliceuses à lépidorbitoïdes dans cette partie des Pyrénées ; - à partir des échantillons provenant d’Audignon et de Bastennes-Gaujacq (Chalosse), montrer des différences notables entre ces différentes sources ce qui permettra de les distinguer entre elles ainsi que de les séparer des “ silex de Tarté ”. Les éléments analytiques apportés devraient conduire à plus de précisions dans les déterminations d’origine de ces diverses catégories de silex et, par voie de conséquence, à plus de vraisemblance dans les recherches sur les provenances de ces matériaux pendant le Paléolithique.

INDEX

Mots-clés : Bassin d’Aquitaine, Crétacé supérieur, Maastrichtien, micropaléontologie, Paléolithique supérieur, palethnologie, pétrographie Keywords : Aquitaine basin, flint sources, Maastrichtian, mineralogy, palethnology, petrography, Upper Cretaceous

AUTEURS

MICHELINE SÉRONIE-VIVIEN 125, avenue d’Eysines, 33110 Le Bouscat - [email protected]

MARIE-ROGER SÉRONIE-VIVIEN 125, avenue d’Eysines, 33110 Le Bouscat - [email protected]

PASCAL FOUCHER Ministère de la Culture et de la Communication, Service régional de l’archéologie de Midi- Pyrénées, 32 rue de la Dalbade, BP 811, 31080 Toulouse cedex 6, UTAH : UMR 5608 - [email protected]

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Nouvelle lecture géologique du site paléolithique du Pech-de-l’Azé II (Dordogne, France) New geological reading of the Paleolithic site of Pech-de-l’Azé II (Dordogne, France)

Jean-Pierre Texier

Ces travaux ont été réalisés dans le cadre du PCR «Bio- et litho-stratigraphie de gisements paléolithiques de référence du Périgord» financé par des crédits du Ministère de la Culture et de la Communication. Je remercie également les deux rapporteurs de cet article, P. Goldberg et J.P. Lautridou, pour leurs remarques constructives.

1 – Introduction

1 Découvert en 1949 par F. Bordes et M. Bourgon (Bordes et Bourgon 1951 ; Bordes 1954-1955), le Pech-de-l’Azé II est un gisement clé pour la compréhension du Paléolithique ancien et moyen. Avec le site de Combe-Grenal, il a servi de support à F. Bordes pour définir l’Acheuléen méridional (Bordes 1971). Il a également été intégré à la plupart des synthèses qui ont été tentées pour expliquer la variabilité du Paléolithique moyen (Bordes 1953, 1981 ; Binford and Binford 1966, 1969 ; Rolland 1981 ; Dibble 1987 ; Dibble and Mellars 1992 ; Mellars 1996).

2 Néanmoins, les approches micromorphologiques (Goldberg 1979) puis chronologiques (Grün and Stringer 1991 ; Grün et al. 1991) menées dans ce site à la fin des années 70 et au début des années 90, ont fait apparaître d’importantes contradictions avec les interprétations proposées par F. Bordes (1954-1955), puis par H. Laville (1973) (tabl. 1). Ainsi, l’existence des «paléosols» censés représenter les «interstadiaires rissiens» est infirmée par la micromorphologie (cf. infra). En outre, alors que la chronostratigraphie proposée par H. Laville s’étale du «Mindel-Riss» au «Würm I» (i.e. du stade isotopique 11 au stade isotopique 5 inclus), les datations ESR obtenues par Grün et Stringer vont de la fin du stade isotopique 7 au début du stade isotopique 3 (fig. 1).

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Tableau 1 - Nombre d’unités stratigraphiques et interprétations des dépôts du Pech-de-l’Azé II selon Bordes (1954), Bordes et Prat (1965) et selon Laville (1973). Table 1- Number of stratigraphic units and interpretation of Pech-de-l’Azé II deposits following Bordes (1954), Bordes and Prat (1965) and Laville (1973).

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Figure 1 - Datations ESR obtenues dans le site de Pech-de-l’Azé II (D’après Grün et Stringer 1991, modifié). Triangles pleins : dates EU («Early Uptake») avec barres d’erreurs Cercles pleins : dates LU («Linear Uptake») avec barres d’erreurs Cercles évidés : dates LU estimées. Les chiffres en gras 2, 3, 4, placés en vis-à-vis de ceux des niveaux archéologiques correspondent aux unités lithostratigraphiques définies dans le texte. Figure 1 - ESR age results from Pech-de-l’Azé II (From Grün and Stringer, 1991, modified) Triangles: EU ages with errors. Closed circles: LU ages with errors Open circles : LU age estimates. Bold numbers 2, 3, 4, facing those of archaeological levels correspond to lithostratigraphic units defined in the text.

3 Ce constat m’a amené à reprendre l’étude géologique de ce site-clé sur de nouvelles bases et en intégrant les progrès récents réalisés dans la connaissance et l’identification des processus sédimentaires continentaux. Ces travaux ont été réalisés dans le cadre d’un programme collectif de recherche (PCR) menés en collaboration avec F. Delpech et J.-Ph. Rigaud, et intitulé «Litho- et bio-stratigraphie de quelques sites de référence périgourdins». Les résultats obtenus ont été exposés dans le rapport final (Texier et al. 1999) ou présentés à l’occasion de colloques et d’excursions (Texier 2001a, 2001b et 2003a Texier et al. 2004). Cependant, ils n’ont jamais fait l’objet d’une publication exhaustive. C’est ce que je me propose de faire pour le Pech-de-l’Azé II dans le cadre de cet article. Les principaux buts visés par cette étude sont d’établir la lithostratigraphie du site, de caractériser les processus géologiques responsables de sa genèse et d’identifier les principales phases morphosédimentaires de son évolution. Une tentative de «calage» chronologique de ces différents épisodes est également présentée.

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2 – Les travaux géologiques et chronologiques antérieurs

4 Les premiers travaux géologiques ont été réalisés en 1951 par F. Bordes et M. Bourgon qui donnent une description stratigraphique sommaire du site.

5 En 1973, H. Laville propose une nouvelle lecture chrono-stratigraphique des dépôts : vingt niveaux correspondant pour l’essentiel à des subdivisions des couches identifiées par Bordes et Bourgon, sont individualisés.

6 Les principales interprétations proposées par ces auteurs (Bordes 1954 ; Bordes et Prat 1965 ; Laville 1973) sont regroupées sur le tableau 1.

7 Par la suite, Goldberg (1979) effectue une étude micromorphologique des sédiments. Parmi les résultats obtenus, on soulignera notamment la mise en évidence d’organisations liées à un gel profond («banded fabric») et l’absence de traits pédologiques en place dans les niveaux interprétés par Laville (op.cit.) comme des paléosols.

8 En 1983, Schwarcz et Blackwell obtiennent un âge Th / U de 103 + 30/-25 Ka pour un plancher stalagmitique incipient inclus dans la couche 2.

9 Environ une décennie plus tard, en 1991, quatre-vingts dates ESR concernant les couches 2 à 9 sont publiées (Grün et Stringer 1991 ; Grün et al. 1991). Ces dates forment deux groupes distincts (fig. 1) : un groupe de dates, concernant les couches 9 à 5, est centré principalement sur le stade isotopique 6 mais «déborde» aussi sur la fin du stade 7 et le début du stade 5 ; un autre groupe de dates, portant sur les couches 4 à 2, se répartit entre la fin du stade 5 et le début du stade 3. À l’intérieur de ces deux groupes, les dates sont indépendantes de la position stratigraphique des couches auxquelles elles se rapportent : ainsi, la couche 5 fournit des dates comparables à la couche 9 ; il en va de même pour les couches 4 et 2 (fig. 1).

3 – Méthodes d’étude

10 L’approche méthodologique développée ici est classique et fait appel à des méthodes principalement descriptives.

11 Les dépôts étudiés ont été situés dans leur contexte géomorphologique à partir d’observations de terrain et de l’analyse de documents cartographiques : cartes topographiques IGN à 1/25 000 de Sarlat Ouest (n° 2036) et carte géologique à 1/80 000 de Bergerac.

12 Les unités stratigraphiques ont été définies à partir de critères simples, directement appréciables sur le terrain : caractéristiques générales (épaisseur, pente, morphologie et type de contact), organisation générale des dépôts (massive, litée…), couleur et structure des sédiments (ouverte, semi-ouverte, à support clastique, à support matriciel), dimensions, nature et morphologie des fragments rocheux, description et distribution des traits diagénétiques (concrétions carbonatées, structure lamellaire…). Les couleurs ont été prises sur sédiment humide à l’aide du code Munsell. La granulométrie de la matrice (i.e. les particules inférieures à 2 mm) a été établie par diffractométrie laser (appareil de type Malvern 2600) et par tamisage mécanique.

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13 L’organisation microscopique des sédiments a été étudiée à partir de lames minces de grandes dimensions taillées dans des blocs orientés, imprégnés sous vide par une résine polyester selon la technique préconisée par Guilloré (1980). La terminologie utilisée pour la description de ces lames est adaptée de celle définie par Bullock et al. (1985).

14 Les analyses de fabrique n’ont pas pu être réalisées car les fragments rocheux affleurant sur les coupes sont principalement compacts ou aplatis et la majorité d’entre eux présente un taux d’allongement a/b (Johansson 1963) inférieur à 1,7. Or, cette valeur représente une limite en deçà de laquelle les mesures d’orientation des objets ne sont plus significatives.

4 – L’environnement géomorphologique

15 Le site du Pech-de-l’Azé II est localisé à 5 km au sud-est de Sarlat, sur la commune de Carsac (Dordogne) (fig. 2). Il est associé à l’une des ouvertures (celle orientée au NO) d’un couloir karstique (fig. 3) creusé dans une butte de calcaire coniacien (un «pech» selon la désignation locale), couronnée par des altérites sablo-argileuses rouges. Situé à environ 140 m d’altitude, il domine de 25 à 30 m le fond d’une petite vallée localement sèche (vallée de Farge) qui rejoint celle de l’Enéa, affluent de rive droite de la Dordogne.

Figure 2 - Localisation géographique du Pech-de-l’Azé II (étoile). Figure 2 - Geographic location of Pech-de-l’Azé II (star).

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Figure 3 - Plan du conduit karstique et localisation des sites du Pech-de-l’Azé I et du Pech-de-l’Azé II (d’après Laville, 1973, modifié).1 à 6 : Numéro et situation des coupes étudiées par H. Laville (1973) Figure 3 - Plan of the karstic passage and location of the sites of Pech-de-l’Azé I and Pech-de-l’Azé II (from Laville, 1973, modified). 1 to 6 : Number and situation of the sections studied by H. Laville (1973).

5 – Lithostratigraphie

16 L’établissement de la lithostratigraphie du site s’appuie sur l’étude des coupes n° 2, 3, 4 et 5 dont la localisation est précisée sur la figure 2 (numérotation donnée par H. Laville 1973). Les coupes n° 1 et 6 ne sont plus observables. Les coupes n° 2 et 5 donnent une bonne idée des différents facies observés dans ce gisement ; elles ont donc été représentées sur les figures 4 et 5. Quatre unités sédimentaires ont été identifiées. On observe de bas en haut :

17 Unité 1 (= couche 10 de Laville) Visible uniquement à la base des différentes coupes sur une épaisseur de 10 à 30 cm. Sables quartzeux lités, fins à grossiers, granoclassés, parfois associés à des granules siliceux altérés et à des granules de grès ferrugineux. Stratification entrecroisée ou oblique. Couleur générale : jaune rouge (7.5 YR 6/8 à 7/8). Certains lits sont consolidés par des carbonates.

18 Unité 2 ( = couches 9 à 6 de Laville) Epaisseur : 35 à 80 cm. Diamicton présentant une structure à support matriciel ou, plus localement, à support clastique. Les éléments grossiers sont très hétérométriques ; leurs dimensions varient de 2-3 cm à 30-40 cm. Ils ne sont pas orientés et sont plus ou moins fortement émoussés. Ils comprennent essentiellement des calcaires et, localement (coupe 2), des fragments de spéléothèmes. La matrice est un sable quartzeux, plus ou moins argileux, dont la couleur est variable : brun vif (7.5 YR 5/6 à 5/8), rouge jaune (5 YR 5/6 à 4/6), jaune rouge (7.5 YR 6/6). Des zones imprégnées de carbonates (coupe 2), des lits sableux granoclassés et des lits de granules phosphatés blanchâtres (coupe 4) s’observent localement. Présence d’une structure lamellaire généralement bien exprimée. Limite inférieure : régulière, nette à diffuse.

19 Unité 3 (= couches 5 et X de Laville) Epaisseur : varie de 35 cm à l’extrémité SO de la coupe 5, à 1 m vers l’intérieur de la grotte (coupe 4). Formée de plaquettes et de dalles calcaires. Structure généralement

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semi-ouverte à ouverte, localement colmatée par un sable quartzeux plus ou moins argileux. La dimension des plaquettes varie de 2-3 cm à plusieurs décimètres ; celle des dalles peut atteindre jusqu’à 3 m. Celles-ci sont présentes principalement vers l’intérieur de la cavité (coupe 4) et sont plus ou moins délitées sur place. Ces éléments rocheux sont principalement anguleux. Des fragments de planchers stalagmitiques et de stalactites sont associés aux fragments calcaires dans la coupe 2. On note localement la présence de revêtements calcitiques bourgeonnants («pendants») à la face inférieure des plaquettes. La matrice est de couleur variable : jaune (10 YR 7/6 à 7/8), jaune rouge (7.5 YR 6/6 ou rouge jaune (5 YR 5/6). Elle présente une structure lamellaire bien développée. Vers l’extérieur de la cavité (coupes 5 et 2), cette unité présente des involutions plus ou moins marquées et s’organise en cellules de taille variable (30 à 80 cm de large). Sur la coupe 5, au voisinage de la paroi calcaire, elle est affectée par une carbonatation assez prononcée. Limite inférieure : nette, faiblement ondulée.

20 Unité 4 ( = couches 4 à 2 de Laville) Totalement fouillée dans la partie la plus interne de la cavité, elle ne s’observe plus que sur les coupes 2, 3 et 5. Son épaisseur atteint 1,80 m. Elle débute par un niveau discontinu de graviers et de petits cailloux calcaires arrondis, colmatés par des sables jaunes (10 YR 7/8) ; épais de 15 à 20 cm, il remplit de petites dépressions au sommet de l’unité 3 et correspond au niveau 4D de Laville. Au-dessus, cette unité présente tantôt un faciès lité tantôt un faciès massif, avec des passages latéraux ou verticaux d’un type à l’autre.

21 Le faciès lité est bien représenté sur les coupes 2 et 3 (fig. 4 et 6). Il est constitué de lits plans, d’épaisseur pluri-millimétriques à pluri-centimétriques et d’extension décimétrique à supramétrique. La plupart d’entre eux est formée de sables granoclassés, jaune rouge (5 YR 5/6 à 4/6), jaunes (10 YR 7/8) ou, plus rarement, gris par suite de la présence de matière organique et/ou de fragments charbonneux. On observe également quelques lits de granules phosphatés, blancs et friables.

22 Le faciès massif se rencontre sur toutes les coupes. Il comprend des sables plus ou moins argileux associés à des quantités variables de fragments calcaires, émoussés et non orientés. Ceux-ci, dont la taille de 2-3 cm à 20-25 cm, sont généralement dispersés dans la masse mais peuvent, comme sur la coupe 5, former localement des lignes que l’on suit sur plusieurs mètres. Ces éléments rocheux ont tendance à devenir plus abondants vers le sommet de l’unité. La matrice présente des zones de couleurs différentes : rouge jaune (5 YR 5/6 à 4/6), brun vif (7.5 YR 5/6 à 5/8) et, plus rarement, rouge foncé (2.5 YR 3/6). Le passage d’une zone colorée à une autre est graduel ; il peut se faire dans le sens vertical ou latéral. Dans la partie NO de la coupe 2, la zone médiane de cette unité contient une amorce de plancher stalagmitique qui surmonte une zone à nodules carbonatés. Dans le même secteur, sont visibles de petites plages (2 à 3 cm de diamètre) de sables et de petits granules lavés.

23 D’autres zones d’enrichissement en carbonates sont visibles sur la coupe 2, au sommet de l’unité, et sur la coupe 5, vers la paroi calcaire (zone NE). Les carbonatations peuvent prendre la forme d’imprégnations matricielles, de concrétions racinaires ou de pseudomycéliums.

24 On note qu’une structure lamellaire bien exprimée s’observe dans la matrice de la partie inférieure de cette unité sédimentaire.

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Figure 4 - Pech-de-l’Azé II. Stratigraphie observée sur la coupe n° 2. 1, 2, 3, 4 : unités sédimentaires. Les chiffres entre parenthèses correspondent aux unités définies par H.Laville (1973) a : imprégnations calcitiques – b : concrétions calcitiques – c : pseudomycelium d : dépôts lités – e : diamicton – f : cailloutis semi-ouvert – g : sables à stratifications entrecroisées – h : fragments de spéléothèmes – i : spéléothème incipient. Figure 4 - Pech-de-l’Azé II. Stratigraphy of section 2. 1, 2, 3, 4: sedimentary units. Numbers in brackets correspond to Laville’s units. a: calcitic impregnations – b: calcitic concretions – c: pseudomycelium d: bedded deposits – e: diamicton – f: openwork rock-debris accumulation g: cross-bededd sands – h: speleothem fragments – i: incipient speleothem.

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Figure 5 - Pech-de-l’Azé II. Stratigraphie observée sur la coupe n° 5. 1, 2, 3, 4 : unités sédimentaires. Les chiffres entre parenthèses correspondent aux unités définies par H. Laville (1973). a : imprégnation calcitique – b : pseudomycelium – c : diamicton d : cailloutis semi-ouvert – e : sables à stratifications entrecroisées. Figure 5 - Pech-de-l’Azé II. Stratigraphy of section 5. 1, 2, 3, 4: sedimentary units. Numbers in brackets correspond to Laville’s units. a: calcitic impregnations – b: pseudomycelium – c: diamicton d: openwork rock-debris accumulation – e: cross-beded sands.

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Figure 6 - Pech-de-l’Azé II. Vue de la partie supérieure de la coupe n° 2. Noter l’organisation litée de la partie droite des dépôts. Le spéléothème incipient est indiqué par une flèche. (Epaisseur des dépôts : environ 2 m). Figure 6 - Pech-de-l’Azé II. View of the upper part of section 2. Note the bedded organization of deposits situated on the right part of the section. The incipient speleothem is shown by an arrow. (Thickness of deposits: ca 2 m)

6 – Données analytiques

6.1 Granulométrie

25 Sur le diagramme triangulaire des textures (fig. 7), les points représentatifs des différentes unités sédimentaires sont, pour la plupart, regroupés près du pôle des sables. Les points qui s’en éloignent correspondent aux zones rouges observées au sein de l’unité 2.

26 Les courbes cumulatives obtenues forment trois grandes familles morphologiques. Une première famille concerne les courbes représentatives de l’unité 1 (fig. 8). Elles sont unimodales et font apparaître le bon classement de ces sédiments sur les sables moyens ou sur les sables grossiers.

27 La deuxième famille (fig. 9) correspond aux sédiments non ou très faiblement rubéfiés des autres unités sédimentaires. Elles sont moins bien classées que les précédentes et montrent un mode principal sur les sables moyens ainsi qu’un mode secondaire atténué sur les limons fins et les argiles.

28 La troisième famille (fig. 10) est représentative des sédiments rubéfiés des unités 2 et 4. Elle est caractérisée par des courbes nettement bimodales comportant un premier mode sur les sables moyens et un second mode sur les limons fins et les argiles.

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Figure 7 - Pech-de-l’Azé II. Diagramme triangulaire des textures. Cercles pleins : échantillons représentatifs de l’unité 1 – Cercle évidé : échantillon représentif de l’unité 3 – Etoiles : échantillons représentatifs de l’unité 2 – Carrés : échantillons représentatifs de l’unité 4. Figure 7 - Pech-de-l’Azé II. Triangular diagram of textures. Full circles: samples representative of unit 1 – stars: samples representative of unit 2 – open circle: sample representative of unit 3 – squares: samples representative of unit 4.

Figure 8 - Pech-de-l’Azé II. Courbes cumulatives représentatives de l’unité 1. Trait épais : sédiments grossiers – trait fin : sédiments fins Figure 8 - Pech-de-l’Azé II. Cumulative curves representative of unit 1Bold line: coarse sediments – fine line: fine sediments.

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Figure 9 - Pech-de-l’Azé II. Courbes cumulatives représentatives des sédiments non rubéfiés des unités 2, 3 et 4. 1 à 4 : unité 4 ; 5 : unité 2 ; 6 : unité 3 Figure 9 - Pech-de-l’Azé II. Cumulative curves representatives of non-reddish sediments of units 2, 3 and 4. 1 to 4 : unit 4 - 5 : unit 2 - 6 : unit 3

Figure 10 - Pech-de-l’Azé II. Courbes cumulatives représentatives des sédiments rubéfiés des unités 2 et 4. Trait fin : unité 2, coupe 2 – trait épais : unité 4, coupe 5 – trait interrompu : unité 2, coupe 5 Figure 10 - Pech-de-l’Azé II. Cumulative curves representative of reddish sediments of units 2 and 4. Fine line: unit 2, section 2 – bold line: unit 4, section 5 – dashed line: unit 2, section 5.

6.2 – Micromorphologie

29 Seules les unités 1, 2 et 4 ont fait l’objet d’analyses micromorphologiques. L’unité 3, essentiellement composée de cailloux et de blocs associés à des sédiments fins

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interstitiels peu abondants et très peu cohérents, n’a pas été prélevée dans cette perspective. L’unité 1, essentiellement sableuse, n’a pu être échantillonnée que dans les zones où elle était suffisamment consolidée par les carbonates.

30 Unité 1 Les sédiments (fig. 11) présentent une distribution g/f (distribution des particules grossières par rapport aux fines) de type géfurique à chitonique. Le squelette est composé de sables bien classés, de diamètre moyen. Il comprend principalement des quartz associés à de rares fragments osseux et à des grès ferrugineux. Les grains de quartz sont généralement arrondis et souvent creusés de golfes de corrosion. Des argiles ferruginisées brun foncé massives forment des revêtements et des ponts entre les grains du squelette. De la microsparite colmate partiellement les vides d’entassement. Quelques biotubules recoupent les sédiments.

Figure 11 - Pech-de-l’Azé II. Microfaciès de l’unité 1 (LN). Des grains de quartz, parfois carriés, sont revêtus par des argiles ferrugineuses de couleur sombre. Les vides d’entassement sont partiellement colmatés par de la microsparite. (Largeur de la photo : 2mm) Figure 11 - Pech-de-l’Azé II. Microfacies of unit 1 (PPL). Quartz grains, coated by dark ferrugineous clays, are sometimes etched. The packing voids are partially infilled with microsparite. (Frame length: 2mm)

31 Unité 2 A la base de l’unité, les sédiments fins sont constitués de sables limoneux faiblement argileux. Les sables présentent un classement moyen à médiocre. Ils comprennent principalement des quartz auxquels s’ajoutent des grains phosphatés, des lithoclastes calcaires, des fragments de spéléothème et de pendants ainsi que quelques fragments de grès ferrugineux. Localement, ce matériel sédimentaire montre un litage net. Il est en outre affecté par une structure lamellaire bien exprimée, triée ou non (Dumanski and St Arnaud 1966 ; Van Vliet Lanoë 1976). Cette structure lamellaire, localement recoupée par des biotubules, se superpose à une structure ovoïde préexistante (fig. 12). Des coiffes limono-argileuses litées se développent à la surface supérieure de certains grands clastes allongés ou forment des enrobements dissymétriques autour des grains du squelette et des agrégats granulaires (fig. 13).

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Figure 12 - Pech-de-l’Azé II, unité 2. Microphoto (LN). Une structure lamellaire recoupée par un biotubule se superpose à structure ovoïde. (Largeur de la photo : 5,3 mm) Figure 12 - Pech-de-l’Azé II, unit 2. Photomicrograph (PPL). A platy structure crosscut by a biotubule is superimposed on an ovoïd structure. (Frame length: 5.3 mm)

Figure 13 - Pech-de-l’Azé II, unité 2. Microphoto (LN). Une coiffe dissymétrique se développe autour d’un lithoclaste calcaire. (Largeur de la photo : 1,6 mm) Figure 13 - Pech-de-l’Azé II, unit 2. Photomicrograph (PPL). A asymetric coating developed around a calcareous lithoclast (Frame length: 1.6 mm) Au sommet de l’unité, le sédiment comporte davantage de fines (limons et argiles) et présente une structure variable : granulaire, finement polyédrique ou lamellaire non triée (fig. 14 et 15). La composition du squelette est analogue à celle de la base de l’unité. Des coiffes limono-argileuses dissymétriques enrobent les clastes.

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Figure 14 - Pech-de-l’Azé II, unité 2. Microphoto (LN). Une structure lamellaire non triée se développe dans les zones les plus riches en argile. (Largeur de la photo : 3,5 mm) Figure 14 - Pech-de-l’Azé II, 2. Photomicrograph (PPL). A non sorted platy structure developed in the more clayey parts of the unit. (Frame length: 3,5 mm)

Figure 15 - Pech-de-l’Azé II, unité 4. Microphoto (LN). Structure lamellaire triée. (Largeur de la photo : 6,3 mm) Figure 15 - Pech-de-l’Azé II, unit 4. Photomicrograph (PPL). Sorted platy structure (Frame length: 6,3 mm)

32 Unité 4 La partie inférieure de l’unité présente une structure lamellaire bien exprimée. Celle-ci est généralement de type trié, mais peut être également non triée dans les zones les plus argileuses. Les lamelles triées, d’épaisseur millimétrique, comportent une base sableuse et un sommet enrichi en argiles limoneuses brunes (fig. 16). Des coiffes limono-argileuses s’observent à la partie supérieure des clastes. Des biotubules peu abondants recoupent la structure lamellaire.

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Figure 16 - Pech-de-l’Azé II, unité 4. Microphoto (LN). Des agrégats fécaux de type enchytrée s’observent dans les vides d’entassements (flèche). Des revêtements argilo-organiques irréguliers se développent à la surface des grains sableux (double flèche) et sur les parois des biotubules (triple flèche). (Largeur de la photo : 2, 4 mm) Figure 16 - Pech-de-l’Azé II. Photomicrograph of unit 4 (PPL). Fecal aggregates of enchytraeid type are observed in packing voids (arrow). Irregular organic clayey coatings made of more or less coalescent aggregates develop on the surface of sand grains (double arrow) and on the walls of biologic voids (triple arrow). (Frame length: 2.4 mm)

33 Outre les graviers calcaires, la fraction grossière du sédiment comprend en majorité des sables quartzeux de taille variable associés à des lithoclastes calcaires, des grains phosphatés, des fragments osseux et quelques fragments de spéléothème. Les grains phosphatés et les fragments osseux peuvent être localement abondants.

34 La partie supérieure de l’unité est très fortement bioturbée. La distribution des particules grossières par rapport aux fines («distribution g/f») est variable, généralement de type énaulique ou chitonique (fig. 17). Dans les vides d’entassement s’observent des agrégats fécaux de 30 à 50 mm de diamètre, de type enchytrée. Autour des grains du squelette et des graviers calcaires se développent fréquemment des revêtements argilo-organiques brun foncé, d’épaisseur irrégulière, formés d’agrégats plus ou moins fusionnés ou présentant un aspect massif (fig. 17). On note l’existence de feutrages micritiques et d’hypocutanes calcitiques respectivement dans et autour des biotubules (fig. 18).

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Figure 17 - Pech-de-l’Azé II, unité 4. Microphoto (LN). On observe un feutrage micritique dans la lumière d’un vide racinaire et un hypocutane calcitique autour de ce dernier. (Largeur de la photo : 5 mm) Figure 17 - Pech-de-l’Azé II, unit 4. Photomicrograph (PPL). We observe a micritic felting in a root void and, around this one, a calcitic hypocoating. (Frame length: 5 mm)

35 Le squelette présente la même composition minéralogique que celle décrite pour la partie inférieure de l’unité. Là aussi, les grains phosphatés peuvent devenir très abondants dans certains niveaux. Une organisation litée est localement conservée. Elle se matérialise par des lits de fines intercalées dans un matériel sableux ou par des lits de grains phosphatés de la taille des sables grossiers alternant avec des lits composés de grains de quartz plus petits.

7 – Interprétation morpho-dynamique et diagénétique

36 Sur la base des études de terrain et des résultats analytiques obtenus, il est possible de décrire un certain nombre de phases évolutives de la cavité (tabl. 2). Tableau 2 - tableau synoptique montrant : 1) le découpage stratigraphique des dépôts du Pech-de-l’Azé II selon H. Laville (HL) et selon J.P. Texier (JPT), 2) les principaux événements morpho-sédimentaires enregistrés dans le site, 3) les datations numériques actuellement disponibles et, 4) l’hypothèse chronologique proposée dans cet article. (OIS : Stade isotopique de l’oxygène) Table 2 - Synoptic table showing: 1) the stratigraphic divisions of Pech-de-l’Azé II deposits following H. Laville (HL) and J.P. Texier (JPT), 2) the main morpho-sedimentary events recorded int the site, 3) the available numerical dates and, 4) the chronological hypothesis proposed in this paper. (OIS : Oxygen isotopic stage.

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37 La première phase correspond à la formation de la cavité. Il est difficile de dire si celle-ci résulte d’une évolution en contexte vadose ou en contexte phréatique. Néanmoins, un certain nombre de poches, encore visibles au toit de la cavité et susceptibles de représenter des cupules de dissolution, amènent à penser que ce réseau s’est sans doute constitué en milieu phréatique (Bretz 1942 ; White 1988). Une telle hypothèse implique un niveau de base local situé au-dessus de la cavité actuelle.

38 La deuxième phase est caractérisée par le dépôt de sables fluviatiles (unité 1) en liaison avec le fonctionnement d’un cours d’eau souterrain. Le caractère fluviatile de ces sables est inféré à partir de leur organisation litée (litage oblique et entrecroisé) et de leur bon classement mis en évidence à la fois par les analyses granulométriques et l’observation microscopique. Cet épisode morphogénique implique un abaissement sensible du niveau de base local, au-dessous de celui de la cavité. Les structures sédimentaires observées dans la partie la plus interne de la cavité (coupe 7) témoignent d’un écoulement vers le NO, c’est-à-dire vers l’ouverture actuelle. En revanche, les lits obliques dessinés par Laville (1973) au sommet de sa coupe 6, indiquent un écoulement de sens opposé (i.e. vers le SE). Ce constat est sans doute à mettre sur le compte d’un système d’écoulement complexe, peut-être en liaison avec des pertes. Les autres affleurements actuellement visibles à la base des coupes 2, 3, 4 et 5 sont d’épaisseur très réduite et ne permettent pas de clarifier cette question.

39 La composition pétrographique de ces alluvions (quartz, grès ferrugineux, graviers de silice) et l’aspect corrodé de nombreux grains de quartz indiquent que ces sédiments proviennent pour l’essentiel d’une reprise des altérites qui recouvrent le plateau. Les revêtements argilo-ferrugineux observés sous le microscope sont probablement en partie hérités de ces formations originelles. Une autre partie (i.e. les ponts entre les grains) est sans doute liée à des percolations d’eaux chargées en fines.

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40 La microsparite qui consolide localement ces dépôts s’est déposée en contexte vadose. Elle correspond probablement à un phénomène diagénétique tardif car elle n’est pas affectée par le cryosol qui se développe dans les dépôts sus-jacents. En revanche, les spéléothèmes, retrouvés à l’état de fragments dans les unités 2 et 3, se sont probablement formés lors de cette phase sur le plafond et les parois de la cavité.

41 La troisième phase correspond au dépôt de l’unité sédimentaire 2 au cours de laquelle la grotte poursuit son évolution en contexte vadose.L’organisation générale des sédiments de cette unité peut être interprétée soit comme le résultat d’écoulements en masse accompagnés de ruissellements, soit comme celui de ruissellements associés à une éboulisation modérée. La seconde hypothèse permet cependant de mieux tenir compte des différentes caractéristiques de cette unité. En effet, le ruissellement y est attesté par la présence de lits granoclassés observés sur les différentes coupes ainsi qu’à l’échelle microscopique. En outre, l’absence d’une structure litée généralisée est fréquente dans ce type de dépôt (Bertran et Texier 1997 ; Lenoble 2005). Elle s’explique par l’action de multiples facteurs associés au phénomène de ruissellement : mauvais classement dû aux faibles tranches d’eau impliquées dans les écoulements turbulents (Moss et Walker 1978 ; Raws 1987 ; Scoging 1989), fréquence des écoulements hyperconcentrés (Bertran et Texier 1999), éboulement de berges de rigoles (De Ploey 1974 ; Govers 1987), développement de petites coulées boueuses localisées (De Ploey 1971, 1974 ; De Ploey et Moeyerson 1975 ; Gerits et al. 1987), phénomène de «piping» (Govers 1987 ; Campbell 1989), action des phénomènes diagénétiques (bioturbation, précipitation de carbonates,...) (Bertran et Texier 1997 et 1999), action concomitante du gel (Lenoble 2005). Ces dépôts non lités correspondent aux zones où la sédimentation est normalement faible (Bertran et Texier 1999 ; Lenoble 2005). On notera également que ce phénomène de ruissellement permet de rendre compte de l’émoussé très accentué présenté par les fragments rocheux contenus dans cette unité sédimentaire.

42 La plus ou moins grande abondance des cailloux et des blocs calcaires s’explique par le fait que l’activité de l’éboulisation a varié à la fois dans l’espace (i.e. selon les secteurs de la cavité) et dans le temps. En effet, il n’existe pas dans l’unité 2 de niveaux caillouteux spécifiques pouvant être suivis sur toutes les coupes. De plus, l’absence d’orientation des clastes et/ou de macrostructures caractéristiques ne permet pas de retenir l’hypothèse d’une mise en place dominée par la solifluxion (Bertran et al. 1995).

43 Les variations de couleurs constatées sont vraisemblablement le résultat à la fois de phénomènes synsédimentaires (différences de proportions entre sédiments provenant des altérites et sédiments dérivant de la désagrégation du calcaire encaissant, plus ou moins forte teneur en matière organique) et de phénomènes diagénétiques (imprégnations carbonatées). L’existence de sols rouges lessivés avancée par Laville et attribués aux Interstades Riss I - Riss II et Riss II - Riss III (Laville 1973), ne peut être maintenue. En effet, ces niveaux rouges ne présentent pas de continuité latérale et, comme l’avait déjà montré Goldberg (1979), ne comportent aucun trait caractéristique des luvisols (i.e. revêtements argileux in situ). De plus, la présence de fragments de spéléothèmes dans les coupes 1 (cf. Laville 1973) et 2 (cf. supra) indiquent que l’unité 2 s’est déposée à l’intérieur de la cavité alors que l’ouverture de celle-ci se situait probablement à l’ouest de l’actuelle.

44 Les phénomènes sédimentaires inférés pour la mise en place de l’unité 2 ne permettent pas de décrire une ambiance climatique très spécifique. En effet, le ruissellement est un mécanisme susceptible de se manifester dans une gamme climatique très large (surtout

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en grotte). En outre, l’éboulisation y est globalement peu active et peut simplement s’expliquer par des phénomènes de fatigue ou de détente des parois (Renault 1967 ; Whalley 1984) ainsi que par des phénomènes d’ajustement de la voûte à un profil d’équilibre plus stable (White 1988). Cependant, la structure granulaire de type ovoïde observée à l’échelle microscopique indique qu’un gélisol peu profond a accompagné la formation de ces dépôts. En effet, de telles structures se rencontrent habituellement dans les horizons de surface soumis à de nombreuses alternances gel-dégel (Bertran 1993). Elles témoignent de contraintes internes, responsables de la déformation et de la rotation des agrégats cryogéniques (Van Vliet Lanoë et al. 1984 ; Harris and Cook 1988).

45 La structure lamellaire de la matrice qui témoigne du développement d’un gélisol profond ou d’un pergélisol (Van Vliet Lanoë 1988), semble avoir été acquise postérieurement à la mise en place des dépôts (cf. infra). La présence d’une structure lamellaire non triée au sommet de l’unité s’explique par la plus grande richesse en argiles de cette zone. En effet, plusieurs auteurs (e.g. Mermut and St Arnaud 1981 ; Van Vliet Lanoë 1985) ont souligné que les structures triées s’exprimaient essentiellement dans les sédiments à dominante sableuse ayant une teneur en argile inférieure à 15 %. D’ailleurs, les deux types de structure (lamellaire triée et lamellaire non triée) coexistent dans la partie inférieure de l’unité et leur développement est visiblement lié à la texture plus ou moins argileuse des sédiments.

46 La quatrième phase évolutive correspond, pour l’essentiel, à un épisode d’éboulisation généralisé à l’ensemble de la cavité avec, pour corollaire, la mise en place de l’unité sédimentaire 3. Les phénomènes évoqués pour la phase précédente (détente, fatigue, ajustement de la voûte) ont sans doute joué un rôle dans la fragmentation des parois, notamment dans le détachement des grandes dalles calcaires observées sur la coupe 4. Cependant, plusieurs éléments permettent de penser que le gel a eu un rôle majeur dans la formation de cette unité : 1. la morphologie des fragments rocheux (plaquettes), très différente de celle des cailloux et blocs présents dans les unités sus- et sous-jacentes, évoque l’intervention d’un front de gel pénétrant parallèlement aux parois de la cavité et débitant celles-ci en écailles identiques à celles formées actuellement en milieu actif dans les calcaires massifs ; 2. la généralisation du phénomène à l’ensemble de la cavité suggère l’intervention de facteurs extrinsèques de type climatique ; 3. les grandes dalles issues de la voûte sont elles-mêmes découpées en écailles parallèles à leur surface.

47 Lors de cet épisode, les écoulements semblent s’être réduits de façon drastique. Seuls les sables qui colmatent plus ou moins les vides, témoignent de percolations locales, sans doute épisodiques, chargées en produits détritiques. Leur coloration variable est probablement à mettre en liaison avec l’origine des sédiments : «sidérolithique» pour les sables à dominante rouge, désagrégation du calcaire encaissant pour les sables à dominante jaune. Cette dernière proposition est notamment étayée par les résultats granulométriques exposés plus haut. Les sédiments rouges sont en effet plus argileux que les sédiments de couleur claire et présentent une texture voisine de celle des altérites qui recouvrent les plateaux de la région.

48 Le gel évoqué pour la genèse des fragments rocheux est également responsable de la structuration en lamelles de la matrice de cette unité (unité 3) ainsi que de celle de l’unité sous-jacente (unité 2).

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49 Cette phase évolutive, fortement marquée par les phénomènes cryogéniques, serait donc en liaison avec une importante dégradation climatique au cours de laquelle le gel occasionne une desquamation très active des parois de la cavité ainsi que la formation d’un gélisol profond (voire d’un pergélisol) dans les dépôts sous-jacents. Les involutions observées dans l’unité 3 s’interprètent comme des cryoturbations et procèdent du même phénomène.

50 La présence de fragments de spéléothème au niveau de la coupe 2 indique que l’ouverture de la grotte se situait toujours à l’ouest de l’actuelle.

51 La phase suivante (phase 5) correspond au dépôt de l’unité sédimentaire supérieure (unité 4). La sédimentogenèse est à nouveau dominée par le ruissellement associé à des chutes modérées d’éboulis. Les lithofaciès présents dans cette unité sont en effet fondamentalement les mêmes que ceux observés dans l’unité 2 : niveaux lenticulaires lités et granoclassés, intercalés dans des sables massifs et présence d’éboulis émoussés plus ou moins abondants selon les secteurs de la cavité. Le niveau à petits cailloux et granules arrondis qui débute cette unité peut être interprété comme un niveau de résidualisation, également lié au phénomène de ruissellement.

52 Les variations de couleurs des sédiments sont également à mettre sur le compte soit d’un héritage («Sidérolithique» vs désagrégation du calcaire encaissant), soit d’une diagénèse (carbonatation, phosphatisation, imprégnation par des matières organiques).

53 Les concrétions carbonatées nodulaires de même l’amorce de plancher stalagmitique, visibles sur la coupe 2 au sein de cette unité (fig. 4 et 6), sont liées à des phénomènes d’égouttement, ce qui implique que cette partie du site était alors encore recouverte par un toit. Les petites plages de sables lavés et de granules observés dans la même zone témoignent d’un phénomène identique et marquent l’emplacement d’anciens trous de stillation. D’une façon plus générale, on constate que ce secteur a été, tout au long de l’histoire de la cavité, une zone où des suintements importants se sont produits. Ceci explique non seulement la formation localisée de spéléothèmes et de concrétionnements, mais aussi probablement l’effacement du litage et l’aspect massif des sédiments de cette zone.

54 La phase 6 qui succède, est caractérisée par le développement d’un cryosol profond, voire d’un pergélisol, comme en témoigne la structure lamellaire conservée dans la partie inférieure de l’unité 4. La très forte polarisation des coiffes à la partie supérieure des lithoclastes et la bonne conservation des structures sédimentaires (litage) impliquent en effet que cet épisode froid est postérieur à la mise en place des dépôts. Dans la partie supérieure de l’unité, les traits cryogéniques ont probablement été effacés à la suite du dernier épisode diagénétique subi par cette série sédimentaire (phase 7, cf. infra).

55 La phase 7 représente la phase d’évolution ultime du site. Elle est caractérisée par un effondrement du toit de la cavité, comme en témoignent les gros blocs plus ou moins jointifs qui surmontent les dépôts de la coupe 5 (fig. 5), par une bioturbation très importante du sommet des dépôts et par des concrétionnements carbonatés variés : concrétions racinaires, pseudomycéliums, imprégnations. Ces dernières affectent non seulement le sommet des dépôts, mais aussi l’ensemble des unités au voisinage de la paroi rocheuse (coupe 5, fig. 5). A l’échelle microscopique, les feutrages micritiques localisés dans les biotubules s’interprètent comme le résultat d’une biominéralisation de filaments de champignons saprophytes développés autour des racines (Verrecchia

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and Verrecchia 1994). Les hypocutanes calcitiques, associés aux traits précédents, sont probablement dus à une précipitation rapide de carbonate de calcium par suite d’une dessiccation locale des sédiments provoquée par le métabolisme des plantes (Wieder and Yaalon 1982 ; Becze-Deak et al. 1997). La bioturbation se manifeste par le développement de nombreux tubules et par d’abondants agrégats fécaux de type collembole ou enchytrée, parfois redistribués par les percolations autour des grains du squelette pour former des revêtements plus ou moins continus.

8 - Remarques sur la chronologie des différentes phases évolutives (tabl. 2)

56 Les propositions faites ci-dessous sont basées sur une tentative «d’harmonisation» entre, d’une part, les dates numériques obtenues (Schwarcz et Blackwell 1983 ; Grün et Stringer 1991; Grün et al. 1991) et, d’autre part, les résultats géologiques présentés plus haut.

57 Mises à part quelques dates attribuables au début du stade isotopique de l’oxygène 5 (OIS 5), la plupart des dates ESR obtenues dans les niveaux 5, 6, 7, 8 et 9 de H. Laville ( = unités 2 et 3) se situent à l’intérieur de l’OIS 6 (Grün et Stringer 1991 ; Grün et al. 1991) (fig. 1). Il est donc logique de penser que la mise en place de ces unités s’est effectuée au cours de cet épisode climatique. Dans cette hypothèse, l’unité 2 qui traduit un froid modéré (3ème phase évolutive), pourrait être mise en relation avec la première partie de ce stade tandis que la phase suivante, beaucoup plus froide (cf. supra ), en représenterait la fin. On notera qu’une évolution climatique globale identique a été mise en évidence à l’échelle régionale par les faunes de grands mammifères (Delpech et Prat 1995).

58 Aucun des processus sédimentaires identifiés dans l’unité 4 n’est caractéristique d’un environnement froid. La présence d’un plancher stalagmitique incipient formé in situ laisse envisager un climat contemporain relativement tempéré. En effet, ce type de concrétion a tendance à se former plutôt durant les phases interglaciaires ou interstadiaires (Baker et al. 1993 ; Gascoyne et Ford 1984 ; Onac et Lauritzen 1996). C’est pourquoi, malgré les dates ESR contemporaines des OIS 4 et 3 obtenues dans cette unité (fig. 1), on privilégiera l’hypothèse de dépôts formés au cours l’OIS 5. Cette hypothèse +33 se trouvepar ailleursen bon accord avec la date Th/U de 103 -25 Ka (Schwarcz et Blackwell 1983) fournie par le spéléothème que nous venons d’évoquer ainsi qu’avec un certain nombre de dates ESR (fig. 1).

59 Le gélisol profond ou le pergélisol qui succède au dépôt de l’unité 4 (phase évolutive 6) s’est probablement développé au cours de l’OIS 4 ou de l’OIS 2. Les connaissances acquises dans le nord de l’Aquitaine montrent en effet que ces deux épisodes ont pu générer de telles structures cryogéniques (Bertran et Texier 1990 ; Texier et Bertran 1993 ; Texier 1996 ; Texier 2003b).

60 La phase évolutive finale, caractérisée par l’effondrement de l’avant de la cavité, une bioturbation très active et des phénomènes de concrétionnement variés, se rapporte logiquement à l’Holocène (OIS 1).

61 Il n’est actuellement pas possible de situer chronologiquement les deux premiers stades évolutifs inscrits dans ce site (Creusement du conduit karstique et dépôt des sables fluviatiles). On soulignera néanmoins qu’ils représentent vraisemblablement des durées

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relativement longues. La date de 240 ± 30 Ka obtenue sur les fragments de spéléothèmes contenus dans l’unité 3 (= couche 5 de Laville) (Schwarcz et Blackwell 1983) laisse supposer que la phase évolutive 2 s’est vraisemblablement achevée au cours de l’OIS 7, si on admet que ces concrétions se sont bien formées sur la paroi de la cavité lors de cet épisode morphologique (cf. paragraphe 7).

62 On soulignera enfin que le «calage» chronologique proposé ici pour les phases évolutives 3, 4 et 5 (mise en place des unités 2, 3 et 4) est en bon accord avec celui avancé par F. Delpech à partir des biozones définies en Aquitaine septentrionale (Delpech 1999 in : Texier et al. 1999).

9 – Conclusions

63 Le site du Pech-de-l’Azé II a enregistré sept principales phases morpho-sédimentaires. La première correspond au creusement de la cavité, probablement en contexte phréatique. La deuxième voit la mise en place de dépôts fluviatiles endokarstiques (Unité sédimentaire 1). L’épisode suivant (phase 3), au cours duquel se manifeste un froid modéré (gélisol), est caractérisé par l’action du ruissellement accompagné par une éboulisation peu active ; l’unité 2 se met alors en place. Lors de la phase 4, l’éboulisation devient prédominante, les écoulements sont réduits et le froid s’intensifie ; un gélisol profond ou un pergélisol se développe dans les unités 2 et 3 et des phénomènes de cryoturbation affectent localement l’unité 3. Le dépôt de l’unité 4 (phase 5) résulte de l’action prédominante du ruissellement associé à une éboulisation modérée ; des concrétionnements carbonatés (nodules, spéléothèmes) se forment localement en liaison avec des phénomènes d’égouttement. A la fin de cet épisode, la cavité est presque complètement colmatée. Les phases suivantes correspondent essentiellement à une évolution diagénétique des dépôts : d’abord, formation d’un gélisol profond ou d’un pergélisol (phase 6) puis, développement d’une bioturbation très active et précipitation de concrétions carbonatées (phase 7). C’est également au cours de cette phase ultime que se fragmente et s’effondre la partie la plus externe du toit de la cavité.

64 En s’appuyant sur les datations numériques disponibles (Grün et Stringer 1991 ; Grün et al. 1991 ; Schwarcz et Blackwell 1983), il est possible de situer chronologiquement certaines de ces phases évolutives : les phases 3 et 4 seraient contemporaines respectivement du début et de la fin du stade isotopique 6, la phase 5 du stade 5, la phase 6 du stade 4 ou 2, la phase 7 de l’Holocène.

65 Parmi les mécanismes sédimentaires identifiés, le ruissellement joue un rôle prédominant dans toute l’épaisseur du remplissage (excepté dans l’unité 3). Or, ce processus est potentiellement très perturbateur vis-à-vis des niveaux d’occupations préhistoriques (Lenoble 2005). Ceci explique probablement en partie l’incohérence apparente et le groupement des dates ESR obtenues au sein des unités 2 et 3 d’une part, et 4 d’autre part (Texier 2001a). Aussi, dans l’état actuel de nos connaissances et en l’absence d’étude géoarchéologique approfondie, il semble plus prudent de considérer les objets archéologiques contenus dans ces unités comme des ensembles cumulant les données d’une période de temps relativement longue que de se référer à des niveaux plus minces dont la pertinence n’est pas certaine.

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ANNEXES

Abridged English version

Discovered in the 1950s (Bordes et Bourgon 1951; Bordes 1954-1955), Pech-de-l’Azé II is a key prehistoric site in the Périgord in which the «Acheuléen méridional» is defined (Bordes 1971), as well as the different theories aiming to explain the variability of the Middle Palaeolithic (Bordes 1953 et 1981; Binford and Binford 1966 et 1969; Rolland 1981; Dibble 1987; Dibble and Mellars 1992; Mellars 1996).Micromorphological and chronological approaches carried out at the end of the 1970s (Goldberg 1979) and at the beginning of the 1990s (Grün and Stringer 1991; Grün et al. 1991) (fig. 1) have highlighted contradictions with the interpretations proposed by Bordes (1954-55), then by Laville (1973) (table 1). This led me to undertake new geological works in using the recent improvements made in the characterization and identification of continental sedimentary processes.

Methods

This work is mainly based on descriptive methods, i.e. analysis of geomorphologic context and stratigraphic studies. They were completed by granulometric and micromorphological analysis. Fabric analysis were not performed because most of the rock fragments that crop out on sections, have an elongation index (Johanson 1963) lower than 1.7.

Geomorphologic context

The site of Pech-de-l’Azé II is located 5 km southwest from the small town of Sarlat, in the commune of Carsac (Dordogne) (fig. 2). It occupies the NW entrance of a karstic passage (fig. 3) carved into a coniacian calcareous hill which is capped with a clayey sandy weathering mantle. It lies at about 140 m asl, 25 to 30 m above the bottom of a small dry valley (the Fage Valley), which joins that of the Enea river, a tributary of the Dordogne River.

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Lithostratigraphy

We observe from the bottom to the top (fig. 4, 5 and 6): Unit 1 (= level 10 of Laville): Visible over a thickness of 10 to 30 cm. Graded cross-bedded quartzose sands containing locally siliceous granules and/or granules of ferruginous sandstone. Colour : reddish yellow (7.5 YR 6/8 to 7/8). Some beds are cemented by carbonates. Unit 2 (= Levels 9 to 6 of Laville) Thickness: 35 to 80 cm. Diamicton with a matrix-supported texture or, more locally, with a clast-supported texture. Rock-fragments are heterometric, rounded and have no preferred orientation. They comprise limestone and some speleothem fragments. The matrix is a clayey sand. Its colour is variable: strong brown (7.5 YR 5/6 to 5/8), yellowish red (5 YR 5/6 to 4/6), reddish yellow (7.5 YR 6/6). Locally, we can observe graded-bedded sandy levels, beds composed of phosphate granules and zones impregnated with carbonates. Occurrence of a well-developed platy structure. The lower limit is regular and clear to gradual. Unit 3 (= Levels 5 and X of Laville) Thickness: 35 cm to 1 m. Composed of angular calcareous spalls and slabs. The structure is openwork to partially openwork. More or less clayey quartzose sands partially infill the packing voids. Calcitic pendents are seen on the lower part of the rock-debris. A well-expressed platy structure develops in the matrix the colour of which is variable: yellow (10 YR 7/6 to 7/8), reddish yellow (7.5 YR 6/6) or yellowish red (5 YR 5/6). Involutions are locally visible. The lower limit is clear and weakly undulated. Unit 4 ( = Levels 4 to 2 of Laville) Thickness: 1,80 m. Bedded sands passing laterally or vertically to massive sands (fig. 6). The colour is variable: reddish yellow (5 YR 5/6 to 4/6), yellowish red (5 YR 5/6 to 4/6), yellow (10 YR 7/8), strong brown (7.5 YR 5/6 to 5/8) or, more rarely, grey and dark red (2.5 YR 3/6). Some beds are composed of phosphate granules. In the middle of the unit, occurrence of an incipient flowstone. A well-expressed platy structure is visible in the lower part of the unit. Bioturbation is important in the upper part of the deposits. Occurrence of various carbonated features: matrix impregnations, nodules, rhizoliths, pseudomyceliums.

Morpho-dynamic and diagenetic

Interpretation

On the basis of field studies and analytic results, it is possible to describe the main evolutionary phases of the site (table 2). The first phase corresponds to the formation of the cave. Occurrence of ceiling pockets lead to think that this episode occurs in a phreatic context (Bretz 1942; White 1988). The second phase is characterised by the deposition of endokarstic fluvial sands (Unit 1). The fluvial origin of these deposits is inferred from their cross-bedded organisation and their good sorting (fig. 8). The petrographic composition of these alluvia (quartz, ferruginous sandstone, siliceous gravels) as well as the etched appearance of numerous quartz grains (fig. 11) indicate that these sediments mainly come from the weathering mantle which capes the

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cretaceous hill. The ferruginous clayey coatings observed at microscopic scale (fig.11) are probably pro parte inherited from this formation. Microsparite that locally cements unit 1 (fig. 11) precipitated in a vadose context. It corresponds to a late diagenetic process because it is not affected by the frozen soil which develops in the overlying deposits. Speleothems found as fragments in units 2 and 3 probably formed during this evolutionary episode. The third phase corresponds to the deposition of unit 3 during which the cave continues its evolution in a vadose context. From the general organisation of sediments, this unit results from runoff processes associated to moderate rockfalls. Colour’s variations of the matrix are probably linked to synsedimentary processes (difference in proportions of sediments coming from the weathering mantle and sediments originating from the granular disaggregation of the surrounding limestone, various amounts of organic matter) and diagenetic phenomena (carbonatations). As previously shown by Goldberg (1979), there is no feature characteristic of luvisol. The occurrence of speleothem fragments shows that unit 2 was emplaced inside the cave the entrance of which was situated westward of the present-day one. The ovoïd structure observed at microscopic scale (fig. 12) reveals that a shallow frozen soil has probably accompanied the sedimentation (Bertran 1993). The platy structure, which is superimposed on ovoïds (fig. 12), is thought to be related to a further evolutionary phase (cf. Infra). The forth evolutionary phase is heavily marked by cryogenic processes. Indeed, several data indicate that frost weathering played a major role in the accumulation of rock- fragments which compose unit 3: 1) The platy shape of rock-debris can be related to a freezing front penetrating parallel to the walls of the cave; 2) Generalization of rockfall process to the whole cave suggests the intervention of a climate-driven phenomenon; 3) The huge slabs contained in this unit have broken down into plates whose surface is parallel to the surface of the slabs. Moreover, the platy structure observed in the matrix of units 3 and 2 (fig. 12 and 14) testifies to the development of a deep seasonal frozen soil, perhaps permafrost. Involutions noted in unit 3 can be ascribed to the same phenomenon and are interpretated as cryoturbation features. The next phase (Phase 5) corresponds to the deposition of the upper unit (unit 4). This one displays lithofacies and sedimentary structure revealing that sedimentogenesis is again dominated by runoff allied to moderate rockfalls. The incipient flowstone visible in the middle part of unit 4 (fig. 6) is related to dripping processes coming down from the cave ceiling. This phenomenon is also probably responsible for the erasing of bedded structures in this part of the site. The following phase 6 is characterized by the development of the platy structure observed in the lower par part of the unit 4 (fig. 15). It can be associated to a deep seasonal frozen soil, perhaps permafrost. In the upper part of unit 4, these cryogenetic features were probably erased by the last diagenetic episode that affected the deposits (Phase 7, cf. infra). The last evolutionary phase (phase 7) is characterized by the collapse of the ceiling in the outer part of the cave, by important bioturbation of the upper part of deposits (fig. 16), and by the precipitation of carbonates which locally impregnate the matrix or form rhizoliths and pseudomyceliums. Chronology of the different evolutionary phases

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On the grounds of geological results and numerical datings carried out in this site (Schwarcz et Blackwell 1983; Grün et Stringer 1991; Grün et al. 1991) (fig. 1), it is possible to propose the following chronological hypothesis (table 2) : - The evolutionary phases 3 and 4 are contemporaneous with a cold, then a very cold, climatic environment. They probably represent the first and the last part of the OIS 6 respectively. - Phase 5 is dominated by runoff processes and an incipient flowstone forms locally. No evidence of a cold climate was found. It has been attributed to the OIS 5. - Phase 6 is characterized by the development of a deep seasonal frozen soil, perhaps permafrost. It has been ascribed to the OIS 4 or/and to the OIS 2. - The last phase, typified by important bioturbations and carbonatations, has been dated to OIS 1. There is no chronological marker to precisely situate the two first evolutionary phases in the Quaternary system.

Conclusions

This new geological approach has allowed the definition of seven evolutionary phases. The first one corresponds to the formation of the karst system; it dates to an unknown period of the Quaternary. Endokarstic fluvial sands sediment during the second phase the age of which is uncertain. Runoff processes and a shallow frozen soil characterize the third phase which has been ascribed to the first part of the OIS 6. During the forth phase, sedimentogenesis is dominated by rockfall processes and a deep seasonal frozen soil (or a permafrost) develops in the underlying deposits. This episode that appears to be colder than the former, has been attributed to the upper part of OIS 6. Then, runoff becomes predominant again; this fifth phase which displays no evidence of cold conditions, is probably contemporaneous with the OIS 5. At least, the phases 6 and 7 are mainly diagenetic: first, a deep seasonal frozen soil, or permafrost, forms during the OIS 4 and/or the OIS 2, then bioturbation and carbonation processes occur mainly in the upper part of the stratigraphic series (OIS 1). Runoff, which is potentially very damaging for archaeological documents (Lenoble 2005), plays a major role in the deposition of sedimentary units 2 and 4 which contain Acheulean levels (Levels 6 to 9) and Mousterian levels (levels 2 to 4). This noting incites to be cautious regarding the integrity and the relevance of archaeological levels formerly defined in this site.

RÉSUMÉS

Cette nouvelle approche géologique du site du Pech-de-l’Azé II a permis de mettre en évidence sept phases évolutives principales. La première date d’une période indéterminée de la fin du Tertiaire ou du début du Quaternaire. Au cours de la deuxième, se mettent en place des sables fluviatiles endokarstiques ; leur âge est également incertain. La troisième phase, dominée par le ruissellement associé à une éboulisation modée et un gélisol peu profond, a été rapportée à la première partie du stade isotopique de l’oxygène 6 (OIS 6). Lors de la quatrième, en liaison avec une intensification du froid, l’éboulisation devient prédominante et un gélisol profond se développe dans les dépôts sous-jacents ; cet épisode a été attribué à la partie supérieure de l’OIS 6. Ensuite, lors de la phase 5 corrélée avec l’OIS 5, le ruissellement devient à nouveau

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prépondérant. Enfin, les phases 6 et 7 correspondent, pour l’essentiel, à une évolution diagénétique des dépôts antérieurs avec formation d’un gélisol profond (OSI 4 ou/et 2) puis, développement d’une importante bioturbation et de phénomènes de carbonatation (OIS 1). Le ruissellement, potentiellement très perturbateur vis-à-vis des documents archéologiques, joue un rôle majeur dans la mise en place des unités sédimentaires 2 et 4 qui contiennent les niveaux acheuléens (niveaux 6 à 9) et moustériens (niveaux 2 à 4). Ceci explique probablement en partie l’incohérence apparente des dates ESR obtenues. Ce constat incite également à être relativement circonspect vis-à-vis de l’intégrité et de la pertinence des niveaux archéologiques définis dans ce site.

INDEX

Mots-clés : Paléolithique inférieur et moyen, Pech-de-l’Azé II, processus de formation des sites Keywords : Middle and Lower Paleolithic, Pech-de-l’Azé II, site formation processes

AUTEUR

JEAN-PIERRE TEXIER Université de Bordeaux 1, UMR 5199 (PACEA) du CNRS, Institut de Préhistoire et de Géologie du Quaternaire, Avenue des Facultés, 33405 – Talence cedex - [email protected]

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L’outil idéal. Analyse du standard Levallois des sites moustériens d’Hermies (Nord de la France) The perfect tool. Analysis of the Levallois pattern in the Mousterian settlements of Hermies (North of France)

Luc Vallin, Bertrand Masson, Jean-Paul Caspar et Éric Depiereux

1 - Introduction

1 Les deux gisements moustériens d’Hermies “ le Champ Bruquettte ” et Hermies “ le Tio Marché ” se situent dans une petite vallée sèche du nord de la France (département du Pas-de-Calais), à 900 mètres l’un de l’autre, sur le même versant vers 85 m d’altitude. Ils ont été découverts au début du XXème siècle, à l’occasion du creusement du Canal du Nord qui les a amputés d’une partie de leur superficie (Salomon 1913). Des fouilles y ont été conduites entre 1993 et 2003, dans le cadre d’une recherche programmée. Deux traits essentiels caractérisent ces gisements dont les niveaux s’étendent au moins du début du Weichsélien ancien (stade isotopique 5d ?) au Pléniglaciaire moyen (stade 3) inclus. La première particularité réside dans l’excellent état de préservation des niveaux principaux, tant du point de vue de l’état physique des artefacts en silex, particulièrement propice à une étude tracéologique, que de la conservation des sols archéologiques, propice à une analyse spatiale fine (Masson et Vallin 1993, 1996 ; Vallin et Masson 2000, 2004 ; Vallin et al. 2001). La seconde caractéristique est la rigidité du cadre technologique des productions lithiques, marquée par la permanence d’un débitage Levallois linéal prédominant, voire quasi-exclusif (Vallin et Masson 1996).

2 Ces conditions offrent l’opportunité parfaite d’une réflexion sur le schéma mental sous- tendu par le débitage Levallois et sur sa contrainte, à savoir si ce cadre est ouvert ou fermé (Van Peer 1992 ; Dibble et Bar-Yosef 1995) ; en d’autres termes, quel est le degré de liberté offert au tailleur, quel potentiel d’évolution est révélé par la confrontation de niveaux diachrones ? La définition du schéma Levallois renvoie au concept de

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prédétermination (Tixier 1959 ; Bordes 1961 ; Heinzelin de Braucourt 1962 ; Boëda 1994) : on peut rechercher quel est le degré d’abstraction qu’il représente, en mesurant jusqu’où va l’adaptation des méthodes aux objectifs (Sandgathe 2005).

3 Parallèlement à la lecture technologique des schémas opératoires (fournie par les nombreux remontages), nous avons utilisé une base de données intégrant les éclats Levallois préférentiels provenant des deux sites, à l’exclusion des fragments non raccordés et des éclats dont la détermination pouvait prêter à discussion. Cela représentait, à la date de rédaction de l’article 4, 28 individus pour le Champ Bruquette (5 provenant du niveau b, sous-jacent au complexe de sols humifères du Début Glaciaire weichsélien, 22 provenant du niveau a, attribué au stade isotopique 4, et 1 provenant d’un loess pléniglaciaire du Weichsélien) et 99 individus pour le Tio Marché (8 provenant du cailloutis de base et 91 provenant des horizons attribués au stade isotopique 3, qui représentent ainsi la plus grosse partie de la population soumise à l’étude). Un certain nombre d’éclats préférentiels entiers, provenant surtout des cailloutis des deux sites, n’ont pas été pris en compte parce que leur bord était trop ébréché, rendant leur délinéation et leur angulation inidentifiables. La structure de la base de données est exposée en annexe.

4 Nous nous proposons de mesurer, à chaque stade de la chaîne opératoire, le degré de standardisation sous-tendant les choix des préhistoriques d’Hermies, dont on peut supposer l’appartenance au groupe des derniers Néandertaliens.

2 - Standardisation de la production

2.1 - Standardisation de la matière première

5 Le premier choix du tailleur intervient lors de la phase d’acquisition de la matière première. Plusieurs ressources étaient offertes aux tailleurs d’Hermies dans le voisinage immédiat des deux sites : • en position primaire, le silex du Turonien supérieur et le silex coniacien (Sénonien) affleurent actuellement, sous forme de lits de rognons subhorizontaux, dans le versant de la vallée d’Hermies exposé au sud ; • en position secondaire, le silex est abondant dans le cailloutis, épais de plusieurs décimètres, qui tapisse le versant opposé, en pente douce, sur lequel se sont établis les préhistoriques ; ce cailloutis devait affleurer au débouché des vallons affluents, ce qui a probablement guidé le choix des installations (Commont 1916). Il est essentiellement constitué d’éléments provenant de l’altération sur place du Sénonien. Il présente des caractères identiques sur les deux sites.

6 Le silex en provenance directe de la craie a été très peu ou pas exploité, en dehors d’un très petit nombre de produits qui n’ont probablement pas été débités sur place. Les Moustériens d’Hermies, quels que soient le site et le niveau considérés, ont porté leur choix sur le silex du cailloutis local. L’abondance et la disponibilité compensaient certainement la qualité souvent médiocre de la matière première, affectée de fissures dues au gel et renfermant fréquemment des géodes, des cristallisations et des zones mal silicifiées, plurimillimétriques, centimétriques ou pluricentimétriques. En dehors de ces accidents, le grain du silex est plutôt fin. La taille des éléments du cailloutis est assez variable, ainsi que leur forme (tabl. 1). Les graviers sont majoritaires, les cailloux supérieurs à 15 cm sont rares, leur densité varie selon les secteurs mais ils représentent

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toujours moins de 7 % des éléments supérieurs à 20 mm en surface du cailloutis de base (tant au Tio Marché qu’au Champ Bruquette).

Tableau 1 - Classement morphologique des plus gros rognons bruts du cailloutis de base d’Hermies-Le Tio Marché et des rognons exploités du niveau a d’Hermies-Le Champ Bruquette. Table 1 - Morphological classification of the largest rough blocks from the gravels layer at Hermies-Le Tio Marché and the knapped blocks from the level a at Hermies-Le Champ Bruquette.

7 L’examen des blocs remontés, qui présentent une certaine homogénéité morphologique et dimensionnelle, montre une sélection des tailleurs et permet de définir un premier niveau d’exigence. La norme est celle d’un bloc subcylindrique, fusiforme ou globuleux, légèrement allongé, mesurant entre 15 et 30 cm dans sa plus grande dimension (tabl. 1, fig. 1) et d’un poids oscillant autour de 2,3 kg. Les rognons de morphologie discoïde ont été plus rarement sélectionnés, sans doute en raison de leur épaisseur moindre, les rendant inaptes à un débitage Levallois linéal pluriséquentiel. Les blocs informes ou biscornus, une fois débarrassés de leurs protubérances, prenaient une forme globuleuse.

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Figure 1 - Classement dimensionnel des rognons exploités du niveau a d’Hermies–le Champ Bruquette (symbolisés par des carrés noirs, n = 22) et du niveau pléniglaciaire moyen d’Hermies–le Tio Marché (symboles blancs, n = 13). Figure 1 - Size sorting of knapped blocks from Hermies–le Champ Bruquette (symbolised by black squares, n = 22) and from the Middle Pleniglacial level from Hermies–le Tio Marché (symbolised by black squares, n = 13).

8 Il existe aussi, au sein du cailloutis qui est localement stratifié, des variations qualitatives qui étaient connues des tailleurs puisqu’une certaine sélection a été opérée, sur le site du Tio Marché, en faveur de gros rognons globuleux (> 3 kg) de silex noir non fissuré à structure vitreuse et cortex épais, dont le gîte se situe dans le fond du vallon bordant le site : ils ont été réservés aux débitages les plus soignés ; ces blocs se distinguent par des dimensions nettement plus élevées, de l’ordre de 30 cm (fig. 1).

2.2 - Standardisation des méthodes

9 Les activités de débitage du silex conduites sur les deux sites se sont déroulées au sein de postes de débitage de dimension et de densité variables totalisant, chacun, de une à près de 20 séquences de réduction. Les amas en résultant présentent, pour la plupart, une conservation excellente. La plus grande partie des produits issus du débitage est demeurée concentrée sur le lieu de taille et les remontages sont suffisamment complets pour autoriser une perception fine des objectifs et des méthodes des tailleurs, complétant ou corrigeant la lecture diacritique des nucléus (Geneste 1985) ; dans certains secteurs des deux sites, toutefois, les postes de débitage ont été dispersés à divers degrés (cf. infra). Le débitage Levallois linéal prédomine largement dans les niveaux principaux, ce qui permet de ne pas tenir compte d’un éventuel diachronisme entre les amas d’un même niveau (tabl. 2). La principale objection au bien-fondé de l’analyse technologique que nous proposons pourrait provenir d’une éventuelle structuration de l’espace en fonction des méthodes de débitage ; il serait toutefois peu

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vraisemblable que d’autres chaînes opératoires soient entièrement restreintes aux seules zones non fouillées sur les deux sites, particulièrement au Tio Marché où la surface fouillée atteint 503 m 2 et la surface explorée près de 700 m 2.

Tableau 2 - Fréquence de la production Levallois, par niveau. HTM = Hermies-Le Tio Marché, HCB = Hermies-Le Champ Bruquette. NB : les ébauches et les blocs testés ne sont pas comptabilisés dans les nucléus. Table 2 - Levallois production frequency by level. HTM = Hermies-Le Tio Marché, HCB = Hermies-Le Champ Bruquette. NB : tested blocks have not been taken into account.

10 Tous les intermédiaires existent entre le bloc brut et le nucléus débité, ce qui permet d’aborder certaines questions techniques, comme le rapport entre la forme des blocs et les méthodes de débitage ou bien les raisons de l’abandon d’un bloc, aux différents stades de la chaîne opératoire.

11 La proportion de nucléus ébauchés est relativement faible, on peut l’estimer, au Tio Marché (niveaux supérieurs), à un peu plus de 10 % des rognons débités ; il s’agit le plus souvent, pour autant qu’on puisse en juger, de préparation en vue d’un débitage Levallois. Les tailleurs ont procédé par enlèvements alternants centripètes sur une partie plus ou moins étendue du pourtour, lorsqu’il s’agissait d’un bloc de forme plus ou moins lenticulaire, ou par enlèvements uni- ou bipolaires dans le grand axe du rognon, essentiellement aux dépens de la future surface Levallois, lorsqu’il s’agissait de rognons plus ou moins allongés : dans ce cas, le dégrossissage profitait souvent des aspérités qui fournissaient un plan de frappe adéquat. Lorsque le bloc présentait une forme suffisamment cylindrique, le plan de frappe utilisé pour la mise en forme de la surface de débitage était ouvert par un enlèvement orthogonal à l’allongement, tronquant une extrémité du rognon (il pouvait s’agir d’une surface de fracture naturelle). Dans le cas de blocs globuleux ou biscornus, la mise en forme présente un aspect intermédiaire, avec des enlèvements alternants périphériques exploitant de façon opportuniste les aspérités du rognon. Dans tous les cas, les enlèvements sur la future surface de plan de frappe restent marginaux : celle-ci demeure très largement corticale et peut conserver une protubérance marquée.

12 Sur 39 nucléus retrouvés dans le niveau a du Champ Bruquette (Pléniglaciaire inférieur weichsélien), 32 sont des nucléus Levallois à éclat préférentiel, 1 est de mode récurrent bipolaire, les autres présentent un débitage unipolaire. Les nucléus Levallois montrent l’enlèvement d’un éclat envahissant ovalaire ou subcirculaire sur une surface de débitage préparée par des enlèvements essentiellement centripètes (Masson et Vallin 1993) ; la surface de préparation du plan de frappe ne porte que quelques enlèvements périphériques, souvent limités aux extrémités proximale et distale du nucléus. Le plan

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de frappe est souvent facetté, mais assez sommairement. Dans le détail, la préparation de la surface Levallois montre un certain nombre de traits bien spécifiques, constants d’une séquence de réduction à l’autre et même d’un amas à l’autre (comme par exemple la fréquente dissymétrie dans la préparation des convexités latérales, un bord latéral - plutôt le gauche- présentant souvent des enlèvements allongés débordants, de direction parallèle à l’axe Levallois, alors que le bord latéral opposé présente plus fréquemment des enlèvements centripètes) (fig. 2) ; cette dissymétrie provoque souvent un outrepassage latéral de l’éclat préférentiel, dont on pourrait se demander s’il n’était pas recherché (fig. 3). Les remontages ont montré que le(s) tailleur(s) avai(en)t re-préparé la surface Levallois, chaque fois que c’était possible, pour obtenir un autre éclat préférentiel (fig. 4) ; cette séquence a été répétée jusqu’à quatre fois. Seuls deux ou trois nucléus relèvent d’un autre schéma opératoire : ils sont également préférentiels mais la surface Levallois est préparée par débitage bipolaire opposé dans l’axe longitudinal de blocs plutôt allongés (fig. 5).

13 Sur 30 nucléus Levallois entiers, la moyenne des dimensions donne 127 x 111 x 57 mm, pour un poids moyen de 742 g (ces chiffres différent peu des médianes) ; le nucléus le plus volumineux mesure 178 x 113 x 99 mm et pèse 1.560 g ; le plus petit mesure 93 x 84 x 54 mm pour un poids de 335 g.

Figure 2 - Nucléus Levallois d’Hermies-Le Champ Bruquette : A-B99/343, B- A98/25, C-A98/1, D- B100/8. Figure 2 - Levallois cores from Hermies-Le Champ Bruquette : A-B99/343, B- A98/25, C-A98/1, D-B100/8.

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Figure 3 - Nucléus Levallois d’Hermies-Le Champ Bruquette : A-A98/169, B-B99/100, C-B100/22, D- B98/12. Figure 3 - Levallois cores from Hermies-Le Champ Bruquette : A-A98/169, B-B99/100, C-B100/22, D- B98/12.

Figure 4 - Hermies-Le Champ Bruquette, remontage A98/deb91. Figure 4 - Hermies-Le Champ Bruquette, refitting A98/deb91.

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Figure 5 - Hermies-Le Champ Bruquette, nucléus A98/10. Figure 5 - Hermies-Le Champ Bruquette, Levallois core A98/10.

14 Dans les niveaux appartenant à la phase principale d’occupation du Tio Marché (Pléniglaciaire moyen weichsélien), le nombre total de nucléus (blocs testés exclus) s’élève à près de 120. La quasi-totalité des nucléus sont Levallois ; ceux-ci relèvent le plus souvent d’un débitage linéal de préparation centripète et sont alors semblables à ceux du Champ Bruquette, d’autres présentent une préparation bipolaire opposée ou unipolaire convergente ; le reste des nucléus Levallois est représenté par des nucléus récurrents, unipolaires convergents, bipolaires ou centripètes (dont une bonne partie provient du recyclage de nucléus Levallois de mode linéal). Beaucoup de nucléus de mode linéal présentent une forte ressemblance qui permettrait de les regrouper par catégories morphologiques (fig. 6, 7 et 8) ; cela peut tenir à l’envahissement du négatif de l’éclat préférentiel, à la dissymétrie des profils longitudinaux et transversaux, aux modalités de préparation de la surface Levallois (nombre et disposition des enlèvements), à l’utilisation d’éclats débordants pour l’élaboration des convexités latérales, au débordement de l’éclat préférentiel lui-même (comme au Champ Bruquette), etc. Sur 68 nucléus Levallois entiers, la moyenne des dimensions donne 114 x 102 x 50 mm, pour un poids moyen de 597 g (ces chiffres différent peu des médianes), soit une légère diminution par rapport au niveau a du Champ Bruquette. Malgré l’homogénéité technique globale, la différence est importante entre le plus gros nucléus Levallois, qui mesure 175 x 117 x 75 mm et pèse 1492 g (à peu près les mêmes dimensions que le plus gros nucléus du Champ Bruquette-niveau a) et le plus petit, dont les dimensions sont de 50 x 47 x 30 mm pour un poids de 52 g. La grande cohérence d’ensemble des schémas opératoires s’accompagne donc d’une certaine variabilité, au moins du point de vue morphométrique ; il conviendra de rechercher, dans la gamme des produits finis, la trace de ces différences.

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Figure 6 - Parenté entre nucléus Levallois d’Hermies-Le Tio Marché : A-N17/17 et C-T12/45, B-O6/1 et D- R12/108 et E-P1/3. Figure 6 - Similarity of Levallois cores from Hermies-Le Tio Marché : A-N17/17 and C-T12/45, B-O6/1 and D- R12/108 and E-P1/3.

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Figure 7 - Parenté entre nucléus Levallois d’Hermies-Le Tio Marché : A-F22/déb9 et B-P8/8, C- G21/4 et D-N24/1. Figure 7 - Similarity of Levallois cores from Hermies-Le Tio Marché : A-F22/déb9 and B-P8/8, C-G21/4 and D-N24/1.

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Figure 8 - Parenté entre nucléus Levallois d’Hermies-Le Tio Marché : A-R11/8 et B-M18/20 et C- R11/3. Figure 8 - Similarity of Levallois cores from Hermies-Le Tio Marché : A-R11/8 and B-M18/20 and C- R11/3.

15 Plusieurs remarques importantes doivent cependant être prises en compte : • la répétition, sur le même nucléus, de plusieurs séquences de production d’éclat préférentiel (tant sur le site du Champ Bruquette que sur celui du Tio Marché) ; théoriquement, la re- préparation des surfaces devrait amener à une réduction graduelle et proportionnelle du nucléus et des éclats Levallois produits ; en fait les remontages ont suscité des constatations inverses pour les produits finis, l’éclat de deuxième ordre étant souvent plus envahissant que l’éclat de premier ordre (fig. 9, 10, 11, 12) ; • la ramification de la chaîne opératoire, par recyclage des fragments de bloc ou de fragments de nucléus, générés (accidentellement ou non) à un moment ou à un autre de la séquence de réduction ; ce processus, contrairement à ce qu’on a pu constater au Champ Bruquette, paraît assez fréquent au Tio Marché. Dans certains cas, il semble qu’il y ait eu un traitement différencié, hiérarchisé, entre les fragments issus du même rognon : le fragment principal était réservé à un schéma opératoire Levallois, alors que le(s) fragment(s) secondaire(s) participai(en)t à un débitage de type opportuniste, tel que le débitage centripète d’éclats larges et réfléchis ou le débitage semi-tournant d’éclats allongés aux dépens d’un bord ; • la manifestation de niveaux de savoir-faire très différents, qui conduisent à évoquer l’hypothèse de l’activité de jeunes, en phase d’acquisition des gestes techniques, explication soutenue par l’existence de débitages sommaires, qui présentent une répartition spatiale périphérique par rapport aux postes de débitage (Vallin et Masson 2004).

16 Ces débitages opportunistes ou sommaires sont importants à pressentir car ils peuvent brouiller l’image et l’appréciation de l’objectif principal de la production.

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Figure 9 - Comparaison entre éclats préférentiels successifs d’Hermies-Le Champ Bruquette : A- AG67/1 et B-AG67/2, C-A98/38 et D-A98/37. Figure 9 - Comparison between successive preferential flakes from Hermies-Le Champ Bruquette : A- AG67/1 and B-AG67/2, C-A98/38 and D-A98/37.

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Figure 10 - Comparaison entre éclats préférentiels successifs d’Hermies-Le Tio Marché : A-P21/75 et B-P21/15, C-T17/11 et D-T17/7. Figure 10 - Comparison between successive preferential flakes from Hermies-Le Tio Marché : A-P21/75 and B-P21/15, C-T17/11 and D-T17/7.

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Figure 11 - Comparaison entre éclats préférentiels successifs d’Hermies-Le Tio Marché : A-U17/30 et B-U17/10, C-F18/30 et D-F18/9. Figure 11 - Comparison between successive preferential flakes from Hermies-Le Tio Marché : A-U17/30 and B-U17/10, C-F18/30 and D-F18/9.

Figure 12 - Comparaison entre éclats préférentiels successifs d’Hermies-Le Tio Marché : A-Q5/91 (cassé en trois lors du débitage) et B-Q5/72.

Figure 12 - Comparison between successive preferential flakes from Hermies-Le Tio Marché : A-Q5/91 (which was broken in three pieces during the knapping) and B-Q5/72

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2.3 - Standardisation des produits

17 Peut-on mettre en évidence une intention formelle des tailleurs d’Hermies, qui se traduirait par une homogénéité morphologique ou dimensionnelle des éclats préférentiels ou par un classement en gabarits différenciés ou bien, au contraire, y a t-il une production plutôt aléatoire, la standardisation (éventuelle) n’intervenant qu’au niveau du choix des pièces utilisées ? En corollaire, les éclats Levallois résultent-ils entièrement d’une production sur place, ou bien y a t-il coexistence de produits de type “ domestique ” et de produits “ importés ” comme cela a pu être évoqué sur certains sites moustériens à propos de l’outillage retouché ? Nous nous sommes attachés à la recherche d’éventuelles constantes de production par l’examen de la répartition des populations du Champ Bruquette et du Tio Marché pour chaque variable.

18 Un certain nombre de corrélations peuvent être mises en évidence entre les caractères morphotechniques et fonctionnels des bords. Certaines relèvent plutôt de contraintes liées à la mécanique du détachement au percuteur dur : par exemple, on constate que l’angulation du bord diminue presque toujours de la partie proximale à la partie distale, ce qui découle en l’occurence de l’amincissement des éclats depuis le bulbe jusqu’au bout (tabl. 3), particulièrement sensible dans le cas d’une percussion au percuteur de pierre dure dont le point d’impact se situe bien en retrait du bord du plan de frappe. La moyenne de l’épaisseur maximale du talon se situe, par exemple, à 14,1 mm pour les éclats préférentiels du Champ Bruquette (avec un écart-type de 4,5 mm). Tableau 3 - Angulation moyenne et longueur moyenne de tranchant utile par segment de bord des éclats préférentiels d’Hermies mesurés (tous niveaux confondus, n=133). Table 3 - Angle average and length average of cutting edge by part of side on preferential flakes from Hermies (all levels taken into account, n=133).

19 Les bords proximaux présentent donc une angulation moyenne oblique, assez comparable entre le bord gauche et le bord droit (respectivement 43° et 44°) ; cet angle moyen est supérieur à celui des bords distaux (38° pour le bord gauche distal, 36°30 pour le bord distal et 37° pour le bord droit distal). Il existe une corrélation entre la délinéation du bord et son angulation, dans la mesure où les bords concaves présentent les angles les plus ouverts (médiane : 46°), suivis par les bords sinueux et festonnés, puis rectilignes (médianes respectives : 42°30, 42° et 41°), tandis que les bords convexes possèdent les angles les plus fermés (médiane : 39°).

20 La délinéation des bords est évidemment sous la dépendance de la préparation de la surface Levallois (Boëda 1994) : des enlèvements prédéterminants centripètes auront tendance à préfigurer un bord globalement convexe, si leur inclinaison est rasante, ou

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un bord festonné (c’est-à-dire présentant des concavités contigües), si la surface de fracture de l’éclat préférentiel recoupe les contre-bulbes prononcés de ces enlèvements (fig. 13) ; par contre, un bord rectiligne continu, parallèle à l’axe longitudinal et d’angle semi-abrupt, sera généré par un enlèvement prédéterminant débordant latéralement, détaché parallèlement à l’axe Levallois. On retrouve sur les éclats, à cet égard, les mêmes types de préparation des surfaces Levallois que sur les nucléus, dans les mêmes proportions (fig. 14). Figure 13 - Hermies-Le Tio Marché, éclat préférentiel P21/116. Figure 13 - Hermies-Le Tio Marché, preferential flake P21/116.

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Figure 14 - Eclats Levallois débordants à gauche (A-AD82/3 du Champ Bruquette), éclats Levallois à bord rectiligne (B-E18/1 et C-F19/5 du Tio Marché). Figure 14 - Levallois éclats débordants (A-AD82/3 from Champ Bruquette), Levallois flake with straight edge (B-E18/1 and C-F19/5 from Tio Marché).

21 Le découpage du pourtour des éclats en segments de bord pour les nécessités de l’analyse informatique (en termes de présence/absence) présente le double inconvénient de biaiser la perception de la symétrie des éclats et d’interdire d’appréhender leurs côtés dans leur globalité : ainsi la continuité ou la discontinuité d’un bord, de la partie proximale à la partie distale, ne pourra pas être reconnue. Cela explique peut-être l’image de relative symétrie qui se dégage de la répartition typologique moyenne des bords, malgré les observations effectuées sur le débordement fréquent des éclats. Le type de bord le plus fréquent (tabl. 4) est le bord convexe (191 cas), surtout présent en bout (en raison d’une préparation centripète de la convexité distale) et représenté de façon à peu près identique sur les autres segments du pourtour. Le bord rectiligne est presque aussi fréquent (174 cas), plus souvent sur le bord droit que sur le bord gauche, mais il concerne rarement le bout. Viennent ensuite le bord concave (103 cas), un peu plus présent sur le bord gauche mais quasiment absent en bout, puis le bord sinueux (84 cas) et le bord festonné (82 cas), plus fréquents sur les bords distaux que proximaux. L’arc brisé concerne presqu’uniquement le bord distal. C’est surtout le bord distal qui peut être affecté par un défaut (57 cas), en raison des outrepassages et rebroussements fréquents (qui concernent respectivement 24 et 50 objets), alors que c’est le bord proximal gauche qui est le plus souvent cortical. Ces observations portent sur l’ensemble des éclats préférentiels, toutefois il n’y a guère de différences entre les populations du Champ Bruquette et du Tio Marché, hormis le nombre relativement plus élevé de bords sinueux sur les éclats Levallois du Champ Bruquette (cf. infra).

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Tableau 4 - Typologie des segments de bord des éclats préférentiels d’Hermies mesurés (tous niveaux confondus, n=133).

CB = Champ Bruquette, TM = Tio Marché. Table 4 - Typology of sides on preferential flakes from Hermies (all levels taken into account, n=133). CB = Champ Bruquette, TM = Tio Marché.

22 La classification dimensionnelle des produits coïncide avec celle des nucléus. L’examen de l’ensemble des éclats préférentiels montre en effet un large éventail de dimensions, allant d’éclats assez petits (58 x 46 x 10 mm pour l’éclat P6/83, fig. 15) à très grands (166 x 126 x 39 mm pour l’éclat R23/1, fig. 16) soit un rapport de 1 à 3, avec des poids respectifs de 23 et 750 g. Les mini-éclats Levallois, qui auraient pu provenir des plus petits nucléus du Tio Marché (mesurant moins de 6 cm de longueur), sont cependant absents (d’une manière plus générale, aucun remontage n’a été effectué sur ces mini- nucléus). On remarque que, sur les 14 éclats inférieurs à 70 mm de longueur, 10 sont rebroussés et ne traduisent probablement pas l’intention du tailleur. A l’autre extrémité de la gamme, sur 13 éclats dont la longueur excède ou égale 130 mm, on constate que cinq sont outrepassés. Le périmètre des éclats (talon exclu) est un moyen de mesure plus proche des propriétés ergonomiques du support considéré que la longueur maximum. Sur 103 individus mesurables, la moyenne est de 242 mm (médiane : 234 mm, écart-type : 60,6), avec des extrêmes de 135 et 420 mm ; la distinction selon les niveaux montre peu de variations (tabl. 5).

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Figure 15 - Hermies-Le Tio Marché, éclat préférentiel P6/83. Figure 15 - Hermies-Le Tio Marché, preferential flake P6/83.

Figure 16 - Hermies-Le Tio Marché, éclat préférentiel R23/1. Figure 16 - Hermies-Le Tio Marché, preferential flake R23/1.

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Tableau 5 - Comparaison des dimensions moyennes des éclats préférentiels mesurés, par site et par niveau d’occupation. HTM = Hermies-Le Tio Marché, HCB = Hermies-Le Champ Bruquette. Table 5 - Average sizes of the preferential flakes by site and occupation floor. HTM = Hermies-Le Tio Marché, HCB = Hermies-Le Champ Bruquette.

23 La répartition par classes montre que plusieurs pics se dégagent : si la catégorie 205 à 279 mm regroupe 56 % de l’effectif, une catégorie d’éclats plus petits (14 % de l’effectif entre 145 et 174 mm, presque tous réfléchis) et une catégorie d’éclats plus grands (7 % de l’effectif entre 310 et 339 mm) se distinguent, tandis que quelques éclats très grands (> 400 mm de périmètre, presque tous outrepassés) se détachent nettement du reste (fig. 17).

Figure 17 - Répartition des éclats préférentiels entiers d’Hermies en fonction de leur périmètre (talon exclu), tous niveaux confondus. Figure 17 - Perimeter (without butt) of the unbroken preferential flakes from Hermies, all levels taken into account.

24 Afin de mesurer le degré d’efficacité de la méthode de débitage, en termes de production de tranchant utile, nous avons rapporté, pour chaque objet, le total de la longueur des bords tranchants au périmètre total de l’éclat (talon toujours exclu) (fig. 18). Les bords abrupts, corticaux, ou présentant un défaut sont évidemment exclus de la somme du tranchant utile. Sur 100 individus, la moyenne de tranchant utile est de 78 % du pourtour (écart-type : 22, médiane : 85 %), ce qui est assez médiocre ; plus de la

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moitié des éclats présentent plus de 80 % de tranchant utile, mais un cinquième de l’effectif est en-deçà de 60 %.

Figure 18 - Part de tranchant utile sur les éclats préférentiels d’Hermies (rapport longueur de tranchant utile/périmètre en abscisses, pourcentage de l’effectif en ordonnées). Figure 18 - Extent of cutting edge on the preferential flakes from Hermies (length of cutting edge/ perimeter on the x-axis, percentage on the y-axis).

25 La classification des angles et des types de bord n’a pas permis de mettre en évidence une quelconque dissymétrie latérale (tabl. 3 et 4) ; par contre, la confrontation de la longueur de tranchant utile par côté, pour chaque éclat, montre un certain nombre de pièces à dos total ou partiel ; cette dissymétrie latérale n’apparaît pas dans les moyennes en raison de l’absence de latérisation préférentielle des pièces à dos cortical ou de préparation : le nombre d’éclats présentant un bord droit entièrement abrupt (n = 4) est à peu près égal au nombre d’éclats présentant un bord gauche totalement abrupt (n = 6), le nombre d’éclats présentant un bord gauche partiellement abrupt (n = 36) n’est que légèrement supérieur au nombre d’éclats présentant un bord droit partiellement abrupt (n = 30), ce qui coïncide avec les constatations faites plus haut sur les nucléus. De même, les éclats présentant un tranchant plus développé à droite sont sensiblement aussi nombreux que les éclats dont le tranchant gauche est dominant.

26 La confrontation graphique des contours des éclats Levallois (fig. 19) souligne une certaine homogénéité morphologique d’ensemble, que masquait l’analyse trop fragmentée des bords : si l’on élimine les éclats présentant un accident et qui ne reflètent pas l’intention du tailleur, la quasi-totalité des éclats préférentiels, indépendamment de leur dimension, affectent une forme ovalaire, ce que traduit l’indice d’allongement (tabl. 5) ; dans un certain nombre de cas, les bords convergent vers la partie proximale et non vers la partie distale, offrant parfois une forme spatulée : dans ce dernier cas, les éclats présentent un profil longitudinal légèrement arqué. Les éclats triangulaires ou présentant une pointe dans leur partie distale représentent une catégorie très minoritaire, de même que les éclats allongés. Les formes présentant une dissymétrie latérale sont peu nombreuses.

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Figure 19 - Superposition des contours des éclats préférentiels entiers d’Hermies-Le Tio Marché ; éclats rebroussés en rouge, éclats outrepassés en vert (DAO : L. Vallin). Figure 19 - Outline of unbroken Levallois flakes from Hermies-Le Tio Marché ; hinged flakes in red, plunging flakes in green (CAD : L. Vallin).

27 Par ailleurs, la superposition des contours des éclats Levallois montre une assez large gamme dimensionnelle mais confirme la polarisation autour d’un certain gabarit, surtout si l’on élimine les éclats rebroussés et les éclats outrepassés qui représentent les extrêmes aberrants.

28 Ces constatations concernent surtout le niveau pléniglaciaire moyen d’Hermies-Tio Marché, qui représente la plus grosse partie de l’effectif étudié. Elles semblent s’appliquer également aux autres niveaux, avec des réserves (pour des raisons taphonomiques) pour les séries provenant des cailloutis.

3 - Adéquation production/utilisation : standardisation au deuxième degré

29 Rechercher une éventuelle normalisation des outils conduit au final à l’identification de critères de choix des objets propres à un (ou plusieurs) usage(s) et, a contrario, de rejet des autres. En d’autres termes, il faut dans un premier temps identifier les pièces utilisées puis dans un deuxième temps rechercher, par l’analyse statistique, si ces objets se distinguent par des caractères particuliers, et secondairement vérifier s’il existe des distinctions selon le type d’utilisation.

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3.1 - Identification des produits utilisés

30 Comme sur la plupart des gisements moustériens de plein air du nord de la France, le pourcentage d’éclats retouchés est très faible ; si l’on exclut les pseudo-outils générés par des processus taphonomiques (Caspar et al. 2005), le nombre d’éclats retouchés se restreint à moins d’une dizaine d’individus sur le site du Champ Bruquette et à une trentaine au Tio Marché (racloirs, sur éclat Levallois le plus souvent, et grattoirs). L’écrasante majorité des éclats préférentiels ne présente pas de retouches, au sens typologique du terme, ce qui est un trait commun des sites paléolithiques moyens de plein air du nord de la France.

31 Grâce à l’exceptionnel état de conservation des niveaux d’occupation d’Hermies, on a pu identifier un usage des produits bruts. L’approche tracéologique effectuée par l’un de nous (J.-P. C.) a permis de caractériser deux types de stigmates issus d’utilisations différentes.

32 L’un, visible seulement à l’échelle microscopique sur 10 pièces, se présente sous la forme d’un micropoli réfléchissant modérément la lumière incidente, contrastant peu avec les surfaces non altérées des silex. Le fil des tranchants est faiblement marqué. Les polis sont bifaciaux, peu envahissants. Les surfaces altérées par l’usage sont modérément régularisées et présentent un aspect gras luisant. Les stries, peu fréquentes, sont très courtes (inférieures à 20 µ), étroites (inférieures à 2 µ) et profondes, seulement visibles à un grossissement de 500 fois, localisées sur les deux faces, parallèles ou obliques au tranchant. Ces polis présentent, sur quatre pièces (fig. 20), des analogies avec ceux qui apparaissent expérimentalement lors de l’éviscération, de la découpe de la viande ou, encore, de l’écharnage, du dépiautage et du découpage de la peau fraîche, en cas d’utilisations brèves. Dans plusieurs cas (n = 6) cependant, de petits îlots de poli d’os et des stries résultant de l’abrasion due à l’effritement des tranchants actifs accompagnent l’usure. Elle est très semblable, dans cette configuration, aux usures expérimentales obtenues par le dépeçage lors d’activités de boucherie. Deux pièces supplémentaires présentent sur un bord des traces comparables à un poli de bois expérimental. L’état d’avancement de nos travaux sur l’industrie des sites d’Hermies et un retour aux pièces par un examen microscopique plaident pour une interprétation taphonomique de ces traces. En effet, l’aplatissement des dômes du poli en opposition avec la convexité prononcée de ces derniers, caractéristique du poli de bois, pourrait résulter d’une friction sur de la glace plus ou moins chargée en matières abrasives comme nos expérimentations l’ont montré (Caspar et al. 2003). D’ailleurs, l’une de ces deux pièces a été singularisée par l’analyse multivariée et retirée du test de prédiction (cf. infra).

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Figure 20 - Eclats utilisés, stigmates d’utilisation microscopique : A-O22/deb1 (poli 50), B-G20/3 (poli 50), C-Q22/26 (poli 30), D-D102/3 (poli 50) ; traces possibles d’emmanchement en tireté, position des polis d’usure en pointillé ; A, B et C : Le Tio Marché, D : Le Champ Bruquette. Figure 20 - Used flakes with micro-use marks : A-O22/deb1 (poli 50), B-G20/3 (poli 50), C-Q22/26 (poli 30), D-D102/3 (poli 50) ; dash line : possible handling marks, dotted line : location of the use polish ; A, B et C : Le Tio Marché, D : Le Champ Bruquette.

33 L’autre type de trace, macroscopique, en l’absence de tout stigmate microscopique, se présente, dans neuf cas, sous la forme d’enlèvements plus ou moins envahissants (millimétriques à centimétriques), sur une portion courte (1 cm) ou étendue (une dizaine de centimètres) de bords simples ou doubles, opposés et/ou adjacents (fig. 21). L’absence d’écrasement sur les fils suggère un travail sur une matière minérale tendre ou encore sur des matériaux organiques durs (os, bois de cervidé, bois durs...). En effet, l’expérimentation montre que des durées d’utilisation même extrêmement courtes (quelques dizaines de secondes) en percussion lancée ou posée avec percuteur sur des matières minérales dures à moyennement dures, auraient entraîné un martelage (ou écrasement) rapide du fil, en plus de l’esquillement (Caspar 1988). L’une des interprétations plausibles, que l’on pourrait conférer à ces objets, serait un usage violent de durée variable sur une matière organique relativement dure, comme le fendage longitudinal des os longs pour récolter la moëlle, par exemple. Pour les pièces présentant des enlèvements sur deux bords opposés (n=3) et proches des pièces esquillées au sens typologique du terme (Tixier 1963), l’on peut imaginer que ces stigmates se sont formés simultanément lors de la même opération technique en percussion posée avec percuteur, avec un bord pénétrant le matériau d’œuvre et l’autre subissant l’action du percuteur (Semenov 1970 p. 149-150 ; Mazière 1984). En ce qui concerne la nature du matériau de ce dernier, elle reste indéterminée. L’une des pièces esquillées présente en outre un esquillement alternant du bord distal ; elle pourrait être rattachée à deux autres éclats présentant un esquillement unifacial de l’extrémité distale : celle-ci pourrait coïncider avec la partie active de l’outil, les talons larges et

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épais opposés recevant la percussion. Un autre éclat est marqué par un esquillement envahissant inverse et partiel de l’extrémité distale et du bord mésial droit. Les trois dernières pièces portent un esquillement partiel dans la partie mésiale ou distale d’un bord latéral ; le bord opposé, dans tous les cas de faible angulation, ne montre pas de trace d’utilisation ni de percussion. L’action responsable de ces stigmates est indéterminée.

Figure 21 - Eclats utilisés, stigmates d’utilisation macroscopique : A-P23/7 (éclat marqué par un esquillement envahissant inverse et partiel de l’extrémité distale et du bord mésial droit), B-O23/8 (pièce esquillée), C-T21/58 (pièce esquillée présentant également un esquillement du bord distal). Figure 21 - Used flakes with macro-use marks : A-P23/7, B-O23/8, C-T21/58.

3.2 - Approche spatiale

34 La confrontation, par les remontages, des nucléus (et des déchets de fabrication) d’une part et des produits finis d’autre part permet de mettre en évidence les déplacements d’objets à l’intérieur du site ou les lacunes, qui peuvent révéler des prélèvements à fin d’usage par les hommes préhistoriques ; un problème de contemporanéité se pose toutefois pour les pièces non remontées. Il faut également garder présent à l’esprit que seule une partie de chaque site a pu être fouillée et que le degré de conservation des niveaux archéologiques, s’il est globalement excellent pour les deux occupations principales, est souvent très médiocre pour les autres séries.

35 En partant du principe (conforté par les remontages et l’étude taphonomique) que les amas reconnus à la fouille correspondent à des amas de taille en place, on a distingué

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trois types possibles de situation, qui se divisent en cinq sous-types, en fonction de la position des éclats préférentiels par rapport à leur amas de taille d’origine (fig. 22) : • Catégorie A : l’éclat préférentiel a été retrouvé dans le poste de débitage où il a été produit ; c’est la catégorie la plus aisée à reconnaître ; • Catégorie B : l’éclat préférentiel a été retrouvé hors du poste de débitage où il a été produit, et dont la position est connue : on peut alors mesurer sa distance de transport ; deux sous- catégories peuvent être distinguées : ◦ B1 : l’éclat préférentiel a été retrouvé dans un autre poste de débitage du même niveau (ce qui n’implique pas une stricte contemporanéité, ni un déplacement important), ◦ B2 : l’éclat préférentiel a été retrouvé à l’écart de tout poste de débitage. La difficulté consiste dans la définition d’un seuil de distance : nous l’avons mis assez bas (1 mètre) dans la mesure où les concentrations sont souvent proches les unes des autres (au Tio Marché, aucun des éclats préférentiels étudiés n’est éloigné de plus de 4 m d’un poste de débitage) ; • Catégorie C : l’éclat préférentiel a été retrouvé hors du poste de débitage où il a été produit, et dont la position est inconnue : on ne peut alors mesurer sa distance de transport, qui pourrait d’ailleurs être faible lorsque l’éclat préférentiel se situe près des limites de fouille (au Tio Marché, aucun des éclats préférentiels étudiés ne se trouve à plus de 1,80 m d’une limite de fouille) ; deux sous-catégories peuvent être distinguées : ◦ C1 : l’éclat préférentiel a été retrouvé dans un autre poste de débitage du même niveau, ◦ C2 : l’éclat préférentiel a été retrouvé à l’écart de tout poste de débitage.

Figure 22 - Situation des éclats préférentiels par rapport à la chaîne opératoire : catégories distinguées (DAO : B. Masson). Figure 22 - Preferential flakes position in the chaine opératoire : different groups (CAD : B. Masson).

36 Pour être tout-à-fait complet, il faudrait créer une catégorie D pour regrouper les éclats “ fantômes ”, attestés sur certains nucléus préférentiels par le négatif du dernier

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enlèvement mais qui n’ont pas été retrouvés dans les limites de la zone fouillée ; nous n’en avons toutefois pas tenu compte, pour des raisons méthodologiques.

37 Les catégories A et B représentent la production certainement “ domestique ”, c’est-à- dire réalisée sur place, la catégorie C pourrait englober les éclats “ importés ”, avec les produits “ domestiques ” qui n’ont pu être remontés par défaut d’observation (soit parce que le lieu de production se situait dans une partie non explorée du site, soit parce que les essais de remontage n’ont pas été assez poussés, en particulier dans les zones où les produits des séquences de débitage ont été disséminés) ; en symétrique la catégorie D, avec les mêmes réserves, représenterait la production “ domestique ” exportée du site. On postule que les éclats de la catégorie A n’ont pas été utilisés, puisqu’une utilisation au sein même d’un amas est peu probable, pas plus qu’on puisse imaginer que le produit ait été replacé, après usage, dans l’amas. En revanche, la probabilité d’usage (ou d’intention d’usage) des éclats des catégories B2 et C2 (et D) est, en théorie, d’autant plus élevée que la distance du lieu de production connu (B2) ou possible (C2, D) augmente. L’interprétation des catégories B1 et C1 est plus problématique ; il existe, sur les deux sites, de rares cas d’“ échanges ” entre postes de débitage, mais ils concernent plutôt des nucléus. La distribution spatiale de ces derniers semble d’ailleurs obéir aussi à des règles spécifiques qu’il faudrait peut-être croiser avec les mouvements des éclats préférentiels.

38 Ce schéma d’interprétation dynamique est toutefois faussé par des processus post- dépositionnels d’origine géologique (cryoturbation, solifluxion, ruissellement, etc.), animale ou humaine (piétinement entre autres) : dans certains secteurs du Tio Marché, c’est en effet l’ensemble des produits d’une séquence de réduction qui peut être disséminé sur plusieurs mètres carrés. En ce sens, l’approche spatiale ne peut fournir qu’une tendance globale et ne peut permettre une diagnose d’utilisation individuelle, à la différence de la tracéologie.

39 Il convient de préciser que l’approche spatiale a été menée indépendamment, l’analyse fonctionnelle étant faite en aveugle. Seuls les résultats de cette dernière ont été pris en compte dans la base de données soumise à l’étude statistique, la confrontation avec l’analyse spatiale n’intervenant qu’ensuite (tabl. 6).

Tableau 6 - Classification des éclats préférentiels d’Hermies pris en compte dans cette étude (tous niveaux confondus) en fonction de leur position spatiale par rapport à la chaîne opératoire. Table 6 - Classification of the preferential flakes taken into account in this paper (all levels) from the point of view of the spatial location regard to the chaine opératoire.

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40 Dans l’état actuel des remontages, deux constatations peuvent être faites : un seul éclat de la catégorie A présente des stigmates d’utilisation (au Tio Marché), toutefois il se trouve également très proche d’une concentration d’éclats préférentiels “ importés ” qui portent tous des stigmates d’utilisation ; la catégorie C2 comprend la majorité des éclats préférentiels visiblement utilisés, voire la quasi-totalité si l’on ajoute les éclats sur lesquels la prudence nous a retenus. En revanche, un fort pourcentage des éclats “ déplacés ” ne présentent pas de stigmates visibles d’utilisation, ce qui n’exclut pas une utilisation brève ou de faible intensité. D’après leur position dans la chaîne opératoire et en tenant compte de paramètres méthodologiques et taphonomiques, le nombre d’éclats préférentiels extraits de leur lieu de débitage se monterait à 67, parmi lesquels on trouve 19 pièces effectivement utilisées, d’après l’analyse tracéologique.

3.3 - Reconnaissance statistique de critères de sélection des produits utilisés

41 L’identification d’un échantillon ––à défaut de la totalité–– de produits utilisés permet de rechercher les exigences des utilisateurs, au moyen de l’analyse statistique ; celle-ci a été effectuée par l’un de nous (E. D.).

3.3.1 - Analyses univariées

42 L’analyse de la variance à un critère de classification (ANOVA I) a été utilisée pour comparer les moyennes des 3 groupes : NU (non utilisés, n = 106), MiU (microtraces d’utilisation, n = 12) et MaU (macrotraces d’utilisation, n = 9) sur l’ensemble des variables mesurées. Cette technique d’analyse permet de comparer les moyennes de plus de deux échantillons (le test de t de Student, largement pratiqué, peut être considéré comme un cas particulier de l’ANOVA à un critère de classification lorsqu’il n’y a que deux groupes expérimentaux en présence). L’ANOVA I a été suivie de comparaisons pairées par la méthode de Scheffé. Le seuil de signification de référence est le seuil 5 %.

43 Il apparaît qu’un très grand nombre de variables dont nous ne reprendrons pas la liste ici, mais qui sont essentiellement liées à la taille de la pièce, sont de moyenne significativement plus élevées pour les éclats présentant des stigmates macroscopiques d’utilisation, ce qui corrobore l’idée que les individus de ce groupe sont généralement de grande taille, bien que la représentation des variables liées à la taille dans des histogramme univariés montre un recouvrement des groupes : cette plus grande taille n’est pas systématique, mais juste une tendance moyenne.

44 Les variables présentant une différence significative et permettant une interprétation plus fine sont reprises dans le tableau 7.

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Tableau 7 - Moyenne d’une sélection de variables dans les 3 groupes (NU = non utilisés, MiU = stigmates d’utilisation microscopique, MaU=stigmates d’utilisation macroscopiques). Les valeurs significativement plus élevées (P<0,05) d’un groupe à l’autre sont annotées par une lettre différente (a, b). Table 7 - Average of some variables in the 3 groups (NU = non used, MiU = microscopic use-marks, MaU = macroscopic use-marks). Significant highest values (P<0.05) are distinguished by different letters (a, b).

45 La variable PROFIL LONGITUDINAL RECTILIGNE montre que l’absence de cambrure de la pièce est un élément très discriminant de son utilisation, la quasi-totalité des éclats préférentiels utilisés ayant un tel profil. La modification du bord distal apparaît liée à l’utilisation, quel qu’en soit le type, tandis que la modification du bord droit distal apparaît liée à la présence de stigmates macroscopiques d’utilisation.

46 Les bords utilisés à droite (BORD UTILISE DROIT DISTAL et BORD UTILISE DROIT PROXIMAL) apparaissent plus fréquents que leurs symétriques gauches (BORD UTILISE GAUCHE PROXIMAL et BORD UTILISE GAUCHE DISTAL), laissant supposer une latéralité plus marquée à droite. La variable BORD UTILISE DISTAL est caractéristique du groupe MaU (macrotraces d’utilisation). Une légère sur-utilisation du bord gauche proximal apparaît dans le groupe MiU (microtraces d’utilisation).

47 Quant aux esquilles aux points encadrant le talon (ESQUILLES EN PROXIMAL GAUCHE et ESQUILLES EN PROXIMAL DROIT), qui peuvent être un rognage facilitant la préhension, elles sont quasi-absentes des pièces du groupe NU (non utilisées) et significativement plus élevées dans le groupe MaU (macrotraces d’utilisation).

48 Nous avons ensuite tenté de mettre en évidence une éventuelle différence de standard de fabrication entre les sites du Champ Bruquette et du Tio Marché. Le site du Champ Bruquette ne présentant pas de pièces cataloguées MaU, il serait trivial de mettre en évidence que les variables permettant d’identifier le groupe MaU identifient également le Tio Marché. Nous avons donc réalisé une comparaison des moyennes entre le Champ Bruquette et le Tio Marché pour les variables ne présentant pas de différences entre MaU et le reste (reprises dans le tableau 8).

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Tableau 8 - Moyennes, rapport entre les moyennes et écart-types pour les variables présentant des différences significatives d’un site à l’autre (TM = Tio Marché, CB = Champ Bruquette). Table 8 - Averages, relation between the averages and standard deviation of variables showing significative differences between the two sites (HTM = Hermies-Le Tio Marché, HCB = Hermies-Le Champ Bruquette).

49 La première constatation est que la qualité de la matière première (traduite, entre autres, par la variable FISSURATION) est moindre au Champ Bruquette, caractéristique qui pourrait être en partie corrélable à des défauts de fabrication plus élevés sur ce site (PROFIL ARQUE, REBROUSSEMENT DISTAL), à des bords plus sinueux (BORD SINUEUX GAUCHE PROXIMAL, BORD SINUEUX GAUCHE DISTAL) et à moins de bords convexes propices à l’utilisation (BORD CONVEXE GAUCHE DISTAL). L’altération y est plus importante. Aucune variable permettant de conclure à une différence de technicité ou de standard de fabrication n’a été mise en évidence par cette analyse.

3.3.2 - Analyses multivariées

50 L’analyse en composantes principales (ACP) est l’une des techniques exploratoires les plus utilisées en analyse multivariée. Purement descriptive, elle n’implique aucun modèle de normalité et ne propose pas de seuil statistique. Elle consiste en une décomposition d’une matrice de corrélation entre les variables originales en vecteurs propres, qui représentent des directions orthogonales dans l’espace (et donc statistiquement indépendantes) et en valeurs propres, qui expriment une variance (mélange d’information et de bruit de fond). Le but est de représenter dans un petit nombre de dimensions (idéalement un plan) un maximum de la variance liée à l’information et un minimum de la variance liée au bruit de fond. Son interprétation, intuitive, repose sur trois informations complémentaires : 1. La proportion de variance exprimée dans le plan, qui reflète la qualité de la projection des points sur le plan. Plus la proportion de variance est élevée, plus la proximité des points observée sera proche de celle de leur représentation de l’hyperespace original (qui a autant de dimensions qu’il y a de variables dans les données expérimentales). 2. la répartition des objets (ici les pièces) dans le plan. Des groupes de points proches représentent des groupes d’objets aux caractéristiques plus ou moins homogènes. 3. la corrélation entre les variables originales et les axes du plan. Les variables fortement corrélées à un axe permettent de lui donner une “ étiquette ” permettant d’interpréter cette construction mathématique abstraite dans les termes du contexte expérimental.

51 Toutes les mesures radiaires prises de 10° en 10° ont été soumises à une analyse en composantes principales (ACP) destinée à différencier la taille et la forme des 127

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pièces (Jolicoeur et Mosimann 1960). Lorsqu’un ensemble d’objets de taille variable se répartit en plusieurs groupes de forme distincte, le premier axe de l’ACP exprime la variation liée à la taille et le second celle liée aux différences de forme. Cette analyse a, au contraire, mis en évidence un continuum entre les différentes pièces, montrant qu’il s’agit de variants d’une même forme de base, sans différence marquée entre différents gabarits, qui auraient pu correspondre au type d’utilisation (ou à la non utilisation) des pièces. Cette observation recoupe celle qui peut être obtenue en superposant graphiquement les profils des différentes pièces (fig. 19 et 23).

Figure 23 - Superposition des contours des éclats Levallois utilisés, avec stigmates d’utilisation microscopique en bleu, avec stigmates d’utilisation macroscopique en noir (DAO : L. Vallin). Figure 23 - Superposing of used Levallois flakes outlines ; blue line : used flakes with micro-use marks, black line : used flakes with macro-use marks (CAD : L. Vallin).

52 Après avoir caractérisé les pièces, nous avons tenté de détecter celles qui auraient toutes les caractéristiques des pièces utilisables mais qui n’auraient pas été utilisées (tout au moins de façon perceptible). Nous avons eu recours à l’analyse discriminante pas-à-pas. Cette technique est un autre type d’analyse multivariée, que nous avons utilisé ici dans sa version descriptive, les conditions d’inférence n’étant pas réunies. Son but est de rechercher la combinaison de variables qui permet la meilleure discrimination entre des groupes d’objets préalablement définis, qui correspondent ici aux groupes NU (n = 106), MiU (n = 12) et MaU (n = 9), afin de définir la pertinence des groupes, leur degré de recouvrement et les variables essentielles pour les classer. L’analyse a été réalisée sur toutes les variables présentant une variance non nulle dans chacun des 3 groupes considérés.

53 Une première analyse fait ressortir deux pièces relativement mal placées dans leur groupe. La pièce P6/37, identifiée MiU en raison de la présence d’un micro-poli sur le bord distal, est plus proche des MaU suivant les variables BORD UTILISE DISTAL, BORD

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MODIFIE DROIT DISTAL, ANGLE BORD GAUCHE PROXIMAL, LARGEUR, POIDS, NOMBRE ENLEVEMENTS ; en réalité, le poli, réparti en ilôts épars, peu développé, proche de celui qui résulte du travail du bois, pourrait être d’origine taphonomique et les enlèvements envahissants sur les deux bords latéraux (inverses à gauche et alternants à droite), d’abord considérés comme le résultat d’un façonnage, pourraient effectivement résulter d’une utilisation comme fendoir d’os longs (cf. supra). La pièce P22/24, identifiée MaU mais plus petite (longueur : 96 mm) que la moyenne des MaU, est plus proche de MiU suivant les variables ANGLE BORD GAUCHE PROXIMAL, BORD MODIFIE DISTAL, BORD UTILISE DISTAL, BORD MODIFIE DROIT DISTAL, LONGUEUR TRANCHANT BORD DROIT DISTAL et PERIMETRE SANS TALON : les traces d’utilisation macroscopiques, localisées sur le bord distal gauche, sont d’ailleurs beaucoup plus discrètes que sur les autres représentants du groupe.

54 Etant donné que les groupes MiU et MaU sont petits, un éventuel “ intrus ” aura beaucoup d’influence subséquente ; plutôt que de modifier a posteriori leur affectation, ils ont été supprimés de la seconde analyse, qui a proposé des groupes relativement homogènes, enrichis de 25 candidats MaU et trois candidats MiU sélectionnés parmi les NU (tabl. 9).

Tableau 9 - Relevé des pièces candidates à un usage correspondant au groupe MaU (macrotraces d’utilisation) ou MiU (microtraces d’utilisation) suivant l’analyse discriminante. Le symbole R indique les pièces à profil rectiligne et le symbole + une taille suffisante par rapport à la moyenne des groupes identifiés. Les éclats du Champ Bruquette sont figurés en italiques. Table 9 - List of possible integration of flakes by discriminant analysis in the groups MaU (macroscopic use-marks) and MiU (microscopic use-marks). The letter R indicates the flakes with straight profile and the symbol + indicates a size in respect of the group. The Champ Bruquette flakes are italicized.

55 Parmi les 28 pièces proposées, seules 13 présentent un profil rectiligne : 1 pièce candidate à un usage correspondant au groupe MiU et 12 au groupe MaU. Nous n’avons ré-examiné que ces 13 objets.

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56 La pièce candidate à un usage correspondant au groupe MiU est P21/116 (fig. 13), mais elle présente un bord gauche proximal cortical et, sur le reste du pourtour, des festons défavorables à l’utilisation en boucherie ou sur une matière animale tendre ; ses dimensions, cependant, la rapprochent du groupe MaU (longueur : 122 mm). Quelques retouches écailleuses, dans une zone partiellement saccharoïde, affectent d’ailleurs l’angle distal du bord gauche, correspondant soit à des retouches spontanées, soit à une action taphonomique ou encore à une brève utilisation en percussion lancée ou posée avec percuteur ; des esquillements sont présents sur les portions de bord gauche et droit adjacentes au talon.

57 Les pièces candidates à un usage correspondant au groupe MaU sont plus nombreuses ; pour le Tio Marché, il s’agit des objets suivants :

58 P23/29 est une pièce régulière mais cassée au niveau du talon lors du débitage et elle présente un bord droit débordant en proximal ; sa taille est en deçà de celle du groupe MaU (longueur : 72 mm) ;

59 P6/83 (fig. 15) est vraisemblablement trop petit (longueur : 58 mm) pour une utilisation correspondant au groupe MaU, l’identification comme éclat préférentiel est d’ailleurs incertaine ;

60 Q2/51 présente une taille limite par rapport au groupe MaU (longueur : 98 mm) ; on observe cependant quelques enlèvements inverses sur le bord distal qui ont été jugés non diagnostiques d’un usage par la présence d’une cassure clairement post- dépositionnelle sur la moitié distale du bord gauche ; en outre, cette pièce reposait sur un cailloutis ;

61 Q6/43 présente un bord gauche irrégulier ; sa taille est légèrement en deçà de celle du groupe correspondant (longueur : 86 mm) ;

62 R11/52 présente une dimension adéquate (longueur : 105 mm), mais c’est une pièce de topographie irrégulière, torse, ce qui pouvait présenter un obstacle à son utilisation en cinématique longitudinale posée ;

63 R7/36 est une pièce régulière, mais apparemment trop petite pour ce type d’utilisation (longueur 67 mm) ; on notera la présence de retouches adjacentes au talon sur le bord gauche ;

64 R8/26 possède un bord cortical opposé à un bord qui présente des retouches directes irrégulières, de délinéation denticulée et des cassures en croissant d’origine taphonomique : on ne peut pas exclure une utilisation brève. Ses dimensions coïncident avec celles de ce groupe (longueur : 132 mm) ;

65 R9/195 est vraisemblablement trop petit (longueur : 63 mm), il présente un défaut du bord distal, des cassures en croissant post-dépositionnelles sur presque toute la périphérie et des retouches en encoche, d’origine indéterminée, sur le bord gauche proximal ;

66 T17/11 (fig. 10, C) est trop petit (longueur : 90 mm) et surtout trop mince (épaisseur : 13 mm) ;

67 O5/quart 1 présente une taille limite (longueur : 99 mm) et un défaut du bord distal ; en outre, le bord gauche est cortical et opposé à un bord droit très irrégulier à cause d’un défaut dans le silex ; il est à noter que cet éclat n’appartient probablement pas au même niveau chronologique que les précédents.

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68 Les deux éclats préférentiels du Champ Bruquette candidats à un usage correspondant au groupe MaU ont été examinés, même si ce type d’usage est inconnu dans la partie explorée du gisement :

69 AA98/b19 présente des dimensions vraisemblablement trop faibles (longueur : 75 mm) ;

70 AF70 serait utilisable, ses dimensions le rapprochent de ce groupe (longueur : 104 mm) ; on notera la présence de retouches ponctuelles sur le bord droit adjacent au talon.

71 Cet examen limite à trois ou quatre les pièces apparemment “ récupérables ” dans le groupe NU ; elles se placent dans les catégories C1 et C2. Cependant, une des pièces (R7/36) prédites par l’analyse multivariée comme appartenant au groupe MaU présente des caractéristiques compatibles avec le groupe MiU ; toutes les autres pièces présentent des bords incompatibles avec un usage en percussion posée longitudinale.

72 Toutes les analyses ont été réalisées à partir de feuilles de calcul Excel par le logiciel Statistica de StatSoft.

4 - Discussion

73 Sur les deux sites étudiés, qui appartiennent au même micro-territoire, le premier et le plus fort critère de choix d’un outil est d’ordre technologique : c’est la sélection de l’éclat préférentiel puisque, si de rares éclats de préparation ont été retouchés, l’examen microscopique d’un échantillonnage de sous-produits, incluant ces éclats retouchés, montre qu’aucun n’a été utilisé de façon manifeste (nous faisons abstraction des pierres ou des débris de débitage présentant des stigmates de percussion, fréquents au Tio Marché). Même les grands éclats à dos cortical ou brut de débitage ne semblent pas utilisés, malgré leur bonne adéquation à une utilisation en percussion posée avec percuteur, ou comme couteau.

74 La variabilité des produits finis, représentés par les éclats préférentiels, est relative : elle affecte plus les dimensions que la forme générale de l’objet dont le gabarit est assez calibré (éclat ovalaire exclusivement, quel que soit le niveau archéologique) ; elle traduit plus les niveaux de compétence des tailleurs (ou la qualité de la matière première) que la diversité réelle des intentions. En faisant abstraction des aléas, on peut considérer que les tailleurs d’Hermies –au moins ceux du Tio Marché- voulaient produire, selon une méthode standardisée, une gamme dimensionnelle assez large d’un seul et même modèle.

75 Les pièces utilisées présentent une variabilité encore moindre, qui peut d’ailleurs tenir artificiellement du nombre de variables prises en compte, dont certaines n’ont pas d’implication fonctionnelle. Un critère de rejet absolu ressort de l’analyse statistique, l’existence d’un profil non rectiligne (une seule pièce légèrement rebroussée en partie distale a été utilisée : P22/8 et il n’y a pas de pièce arquée ni de pièce outrepassée qui ait été utilisée). La présence d’un défaut du bord distal est un critère de rejet plus ou moins redondant avec le précédent : seuls quatre éclats utilisés présentent ce défaut, encore celui-ci est-il minime (léger rebroussement ou ondulation : Q22/26, P22/8, G20/3 ou léger outrepassage : R22/25) ; c’est probablement une question d’ergonomie, une discontinuité du bord s’opposant à une utilisation correcte. On peut faire un parallèle avec le site de Bettencourt-Saint-Ouen (Somme) où l’analyse fonctionnelle a mis en évidence la recherche de pointes Levallois non arquées pour une utilisation

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(boucherie) équivalente à celles des éclats d’Hermies (Locht 2002) ; la différence tient à la dimension des outils utilisés, nettement moindre sur ce dernier site.

76 Par ailleurs, les éclats préférentiels utlisés d’Hermies possèdent en commun une certaine symétrie d’ensemble et une continuité du fil qui échappent à la quantification, d’autant plus que l’esquillement des bords par utilisation, pour les pièces utilisées en percussion posée avec percuteur, gêne la lecture de la délinéation originelle des bords.

77 La présence d’une retouche sur les portions de bords adjacentes au talon est un critère diagnostique et non un critère de choix, puisque ce ne sont pas des caractéristiques intrinsèques, produites au débitage (fig. 24) ; il existe cependant une forte corrélation entre leur présence et l’utilisation de l’éclat ; les rares éclats préférentiels non utilisés qui portent ces retouches particulières présentent une symétrie et une régularité qui les signalent à l’attention. On peut les interpréter soit comme des marques de tailleur (Ploux 1989) soit, plus vraisemblablement, comme des aménagements liés à l’emmanchement, ou au confort d’utilisation à main nue : leur position est symétriquement opposée au tranchant utilisé pour ne pas entailler la paume. En ce qui concerne l’emmanchement, l’épaisseur du bulbe des éclats préférentiels, débités au percuteur de pierre dure (cf. supra), pourrait être un obstacle ; certaines pièces utilisées ou “ utilisables ” présentent des traces morphologiquement comparables à un poli de bois sur les arêtes de la partie proximale (R22/25 et G20/3, D102/3, F103/71, AF70, O21/ déb1) mais la convergence possible avec des stigmates d’origine taphonomique (Caspar et al. 2003) incite à la prudence.

Figure 24 : Retouches adjacentes au talon sur des éclats préférentiels utilisés d’Hermies-Le Tio Marché ; A-R23/1, B-P23/7. Figure 24 - Small retouches near the butt of used preferential flakes from Hermies-Le Tio Marché ; A- R23/1, B-P23/7.

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78 Pour résumer, les tailleurs d’Hermies effectuaient un premier choix au niveau de l’acquisition de la matière première en sélectionnant, dans une source de matière première unique, des blocs de dimension et de morphologie adaptées au seul schéma opératoire mis en oeuvre dans leurs ateliers ; ils s’attachaient à produire, selon une méthode prédéterminée contraignante et avec plus ou moins de succès, un seul modèle de produit fini dont la variabilité se situe essentiellement dans les dimensions. Dans cette gamme de production, à laquelle il faudrait peut-être ajouter une production “ exogène ”, mais conduite selon le même schéma, étaient sélectionnés pour usage les seuls éclats présentant un profil rectiligneet régulier ; les éclats les plus gros étaient utilisés de préférence pour une percussion posée avec percuteur, les éclats les plus petits pour une percussion posée longitudinale, ces deux actions étant probablement liées dans le cadre d’une activité de boucherie (au sens large). Le recouvrement entre les deux types d’outil et la difficulté à discriminer statistiquement les deux groupes montrent en effet que ces deux gabarits n’étaient probablement pas bien définis lors du débitage (fig. 23).

79 Se pose alors la question du rapport numérique entre production et utilisation : le pourcentage de pièces utilisées (et utilisables) est très faible, peut-être à nuancer en raison du phénomène d’échantillonnage lié à l’étendue de la fouille. La question se pose aussi de la destination des éclats préférentiels à dos, produits manifestement de façon volontaire et en nombre notable, selon un procédé d’ailleurs assez standardisé, mais qui ne semblent pas trouver leur place dans une catégorie fonctionnelle quelconque.

80 La production domestique représente au moins un quart à la moitié des éclats préférentiels abandonnés sur chaque site (cf. supra et tabl. 6) (proportion probablement sous-évaluée, d’autant que les éclats fragmentaires cassés au débitage n’ont pas été pris en compte) ; or – apparemment – seule une très petite partie de ces éclats a été utilisée. A l’inverse, au moins un tiers des éclats préférentiels importés ont été manifestement utilisés et c’est dans cette catégorie que se trouvent les éclats préférentiels les plus symétriques et (globalement) les plus grands, tant dans le niveau a du Champ Bruquette que dans le niveau pléniglaciaire moyen du Tio Marché. Ainsi, le périmètre moyen des éclats préférentiels de la catégorie A (éclats abandonnés sur leur lieu même de production) est de 254 mm, alors qu’il se monte à 275 mm pour les éclats de la catégorie C2 (éclats déplacés d’un lieu de production peut-être exogène). On peut dès lors rechercher les raisons d’un tel taux d’échec et les modalités de sa gestion ; on peut aussi tenter de dégager les principes d’un éventuel réseau de circulation entre sites, dans le cadre d’un nomadisme qui nous est largement inconnu.

81 La réponse à ces questions, qui touchent à l’organisation des groupes moustériens et sous-entendent des notions économiques probablement très étrangères à ces populations, ne peut provenir que de recherches menées sur l’intégralité de sites bien conservés et sur une échelle d’analyse inter-site.

82 Enfin, à une autre échelle, on peut se demander pourquoi certains groupes moustériens se sont tournés vers la production quasi-exclusive d’éclats Levallois préférentiels (comme à Hermies, Ault-Onival, Fitz-James, Roisel, Sains-en Amiénois, Auteuil, etc.) alors que d’autres groupes du même territoire ont fait d’autres choix tout aussi radicaux comme celui du débitage discoïde à Beauvais (Locht et Swinnen 1994). Il nous semble prématuré, dans l’état actuel de la documentation, de conférer à ces choix une signification chronologique, d’autant que les gisements suffisamment bien conservés pour ne pas être qu’un bilan d’occupations diverses ne sont pas légion. A cet égard, la

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vallée d’Hermies montre une répétition des choix techniques, du stade 5d au stade 3, qui va à l’encontre d’un modèle chronologique trop simpliste.

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ANNEXES

Abridged English version

Our aim is to examine the degree of standarization of the endproducts produced by a Levallois lineal debitage and to characterize the constraint experienced by the Middle Palaeolithic knappers throughout the “ chaîne opératoire ”, from the raw material procurement to the use of tools. Two mousterian open air settlements (“ Champ Bruquette ” and “ Tio Marché ”) have

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been recently excavated (1993-2003) in the loess of northern France at Hermies (Pas- de-Calais) ; several archaeological levels were recognized : they belong to the Last Glacial, from the OIS 5d to OIS 3. On each site, one well preserved occupation floor showed knapping areas ; technological analysis, reffiting, spatial analysis and traceology have proved that only some unretouched preferential flakes were used. All preferential flakes (28 from Champ Bruquette, 99 from Tio Marché) were captured in a database in order to establish the use criteria. A first selection was made by Mousterian knappers who chose the local raw material from a bed of gravels, in spite of its inferior quality, and selected the favourable shapes among the biggest flint nodules (table 1). The size of the selected blocks varies from 15 to 30 cm (fig. 1). These blocks were knapped on and near the outcrop, without solution of continuity. The knapping scatters vary in size : one to about 20 reduction sequences were performed in these places ; most of the debitages belong to the Levallois lineal method (table 2, fig. 5, 6, 7, 8). The Levallois surface was often roughly shaped and the frequent dissimmetry of the sides (fig. 2) produced some plunging flakes and “ eclats debordants ” (fig. 3). When possible, the Levallois core was reprepared to obtain a second, third or even fourth preferential flake (fig. 4) ; these next flakes are paradoxically larger than the first one, because they are more invasive (fig. 9, 10, 11, 12). Few Levallois cores were trimmed by bipolar debitage (fig. 5). A minority of nonLevallois debitages was recognized : some of them were performed on recycled fragments of broken blocks or cores, the other are roughly done, maybe by young people. The endproducts show a relative diversity of features ; some of them depend from the particular preparation of the core (fig. 13, 14). The classification of the preferential flakes according to the angle of edge (table 3), the shape (table 4), the size (table 5, fig. 17) and the length of cutting edge (fig. 18) displays a slight variability about an ovary pattern (fig. 19). Two methods have been employed for identifying the used flakes. The traceology (Dr Jean-Paul Capar) has distinguished 9 flakes which show an edge with removals due to the percussion on soft mineral or hard organic material (fig. 21) ; 12 other flakes wear micropolishes : two have probably been subjected to postdepositional processes, but ten have been certainly used for butchery activities (fig. 20). The good preservation of the main archaeological floors and the conservation of in situ knapping areas allowed to classify the endproducts in three main groups and five subgroups (fig. 22, table 6) : - group A : the preferential flake remained in the debitage area where he was knapped ; - group B : the preferential flake was left outside of the debitage area : in an other debitage area (B1) or off any debitage area (B2) ; - group C : the preferential flake has been found off the debitage area where it was produced, the location of which is unknown ; like group B, it may stay in an other debitage area (C1) or off any debitage area (C2) ; - group D has not been considered ; it includes the lacking preferential flakes, the scar of which remains on the cores. The groups A and B are interpreted as the domestic production, the group C includes the “ imported ” flakes. The probability of use concerns groups B, C (and D), that is confirmed by the use wear analysis : most of the used flakes belong to subgroup C2. The preferential flakes have been submitted to univariate and multivariate analysis (Prof. Eric Depiereux) that have displayed the importance of the profile of the flakes (table 7): almost all the used flakes showed a rectilinear profile. The presence of small

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removals on the edges near the butt of used flakes is a good criterion of diagnosis (fig. 24) ; the location of these retouchs on the opposite side to the used edge suggests that flakes were hand-held, although some microscopic traces on several used flakes show possible hafting. Few differences appear between the two sites (table 8), except the lack of flakes used on soft mineral or hard organic material at Champ Bruquette and the slightly bader quality of raw material at Champ Bruquette. The multivariate analysis has allowed to suggest a possible use for some flakes from both sites which show no use mark (table 9) : the best probability of use concerns flakes belonging to subgroups C1 and C2. We conclude that Mousterian at Hermies restricted the use to only preferential flakes, among them they selected the most regular items, showing a rectilinear profile. The relative variability in size allowed to select, at least at Tio Marché, two distinct grades for two specific uses (fig. 23) but it seems that this grading was not really thought ahead. The question is so the relationship beetween production and use, because most of the knapped preferential flakes were considered as unsuited to use and left on the knapping spot. Conversely, the largest and the better preferential flakes, on both sites, were introduced from other workshops, that suggests the possibility of exchange network. Finally, we emphasize the specialization of some recent Middle Paleolithic sites in one particular schema operatoire, either Levallois or discoid method. The chronological signifiance of this preference is discussed, because the Levallois method predominates all along the stratigraphy at Hermies.

Structure de la base de données

Notre base de données sur les éclats préférentiels inclut les caractères morpho- techniques du support, les caractères morphologiques des bords et leurs caractères fonctionnels, tant macroscopiques que microscopiques. Afin de se prêter à une analyse multivariée, la table de données n’inclut que des champs de mesure et des descripteurs traités de façon binaire en terme de présence (codifiée 1)/absence (codifiée 0).

Caractères du support

Caractéristiques morphométriques - longueur en mm, - largeur maximale en mm, - épaisseur maximale en mm, - poids en g, - longueur totale du pourtour en mm (mesurée au curvimètre sur dessin), - longueur du pourtour (sans le talon) en mm (mesurée au curvimètre sur dessin), - aire totale de l’objet en projection (en cm 2) (calculée par un Système d’Information Géographique à partir des dessins numérisés), - longueur radiale (en mm) depuis l’épicentre de l’objet jusqu’au pourtour, tous les 10° dans le sens horaire (soit 36 mesures, calculées par un SIG à partir des dessins numérisés ; la séquence obtenue permet de codifier assez fidèlement le contour de l’éclat).

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VAN PEER Ph. 1992 - The Levallois Reduction Strategy. Madison : Prehistory Press, 137 pages, (Monographs in World Archaeology, n°13).

Caractéristiques techniques

- extension relative du cortex sur la face dorsale, mesurée en sixièmes et codifiée en conséquence : 0/0.5/1/2/3/4/5/6 - nombre de cicatrices d’enlèvements antérieurs, - présence/absence (codifiée 1/0) d’accidents de débitage : - réfléchissement, - outrepassage, - surface de fracture pré-existante au débitage, - ordre dans la séquence de réduction : 1er ordre ou 2e ordre (les éclats de 3e ou 4e ordre ont été catalogués de 2e ordre), - profil longitudinal : rectiligne, arqué, plongeant en partie distale ou rebroussé en partie distale (code 0/1 pour chaque possibilité).

Caractéristiques taphonomiques

- présence/absence de cassure (codifiée 1/0), que celle-ci soit survenue pendant ou après le débitage, dans la mesure où la différence ne peut pas toujours être faite, - présence/absence (codifiée 1/0) d’altération microscopique de la surface. Soixante-neuf objets ne présentent aucune trace d’altération, deux présentent une altération moyenne d’origine mécanique qui rend impossible la lecture de micro-traces éventuelles ; l’altération mécanique intense concerne deux pièces dont une est rendue illisible pour le tracéologue, et trente-huit pièces sont patinées (altération d’origine chimique), dont quatre sont illisibles.

Caractères morphologiques du pourtour

Afin d’apprécier les potentialités des parties actives des éclats, nous avons divisé le pourtour de chaque produit en cinq zones, numérotées dans le sens des aiguilles d’une montre et définies comme suit (fig. 25) : Zone 3 : bord gauche proximal ; les limites sont d’une part l’extrémité gauche du talon, d’autre part une rupture dans la délinéation du bord gauche ou, à défaut de discontinuité, la moitié de la longueur de ce bord. Zone 4 : bord gauche distal, délimité par les zones 3 et 6. Zone 6 : bord distal, opposé au talon et délimité par une rupture dans la délinéation, de part et d’autre de l’axe du débitage ou, à défaut de discontinuité, défini par l’extension latérale de l’ondulation la plus éloignée du talon sur la face d’éclatement. Zone 8 : bord droit distal, délimité par les zones 6 et 9. Zone 9 : bord droit proximal : les limites sont d’une part l’extrémité droite du talon, d’autre part une rupture dans la délinéation du bord droit ou, à défaut de discontinuité, la moitié de la longueur de ce bord. Pour chacune de ces zones, nous avons relevé les paramètres suivants : - délinéation (codifiée de façon numérique) : rectiligne, concave, convexe, sinueux

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(convexo-concave), festonné (succession de concavités) ou arc brisé (deux segments convexes formant entre eux un angle marqué), - longueur du tranchant vif (mesurée en millimètres sur le dessin, à l’aide d’un curvimètre), - angle du tranchant vif (mesurée au rapporteur d’angle). D’autres critères, non exclusifs entre eux et indépendamment de la délinéation de la zone de bord, ont été pris en compte en terme de présence/absence (codifiée 1/0) : - bord modifié (que la modification soit d’origine anthropique –esquillement, retouche- ou taphonomique –piétinement, chocs au sein du sédiment), - bord présentant un défaut (quel qu’il soit : fossile, nodule, surface de fracture, accident,...), - bord cortical. Par ailleurs nous avons distingué, sur le pourtour des éclats, des zones 2 et 10 qui sont respectivement les limites gauche et droite du talon, de façon à noter la présence (code 1) ou l’absence (code 0) de fines retouches régulières en ces points.

Figure 25 - Terminologie utilisée pour la description des segments de bord (d’après Boëda 1994, modifié). Figure 25 - Used words for describing the parts of edge (from Boëda 1994, modified).

Caractères fonctionnels des bords

Chaque éclat préférentiel a été soumis à un balayage systématique des bords au microscope métallographique par l’un d’entre nous (J.-P. C.). Pour chaque zone de bord, un critère “ bord utilisé ” a été renseigné (en terme de présence/absence). Un certain nombre de réserves doivent cependant être émises quant à l’interprétation des résultats de l’examen microscopique ; certaines pièces ont pu être utlisées sans

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enregistrer de traces perceptibles, soit parce que la surface est altérée (cela concerne 7 individus, cf. supra), soit parce que l’utilisation a été trop brève ou trop faible, soit parce que le bord utilisé présente une texture saccharoïde inapte à l’enregistrement des actions. A partir de l’examen microscopique et de l’examen macroscopique, deux critères fonctionnels (non exclusifs entre eux) ont été renseignés pour chaque individu en terme de présence/absence : - macrotraces (retouches irrégulières, assez envahissantes, écailleuses ou scalariformes, bifaciales ou alternantes), - microtraces (micropoli d’usage, quel qu’il soit).

RÉSUMÉS

Des fouilles récentes sur deux gisements moustériens de plein air du nord de la France ont mis au jour plusieurs niveaux d’occupation bien conservés où des activités de taille ont été conduites au sein de postes de débitage clairement délimités. Le débitage du silex, d’origine locale, était totalement orienté vers la production d’éclats préférentiels selon un schéma Levallois linéal. En confrontant les données fournies par différentes approches (analyse technologique, remontages, analyse spatiale, tracéologie) nous avons tenté d’identifier les produits finis répondant aux exigences des utilisateurs. Une analyse statistique portant sur la quasi-totalité des produits finis, soit 127 éclats préférentiels, a montré que les critères de sélection des pièces produites à des fins d’usage de boucherie se limitaient essentiellement au choix des éclats préférentiels présentant un profil longitudinal strictement rectiligne. La production, bien que fortement normalisée, admettait une certaine variabilité dimensionnelle ; au sein de cette gamme, les utilisateurs ont, dans un des niveaux, sélectionné deux formats assez lâches correspondant à deux types d’utilisation distincts. On pose également le problème de l’économie du débitage et des rapports entre la production effectuée sur place et les produits importés.

INDEX

Keywords : functional analysis, knapping cluster, Levallois, lithic technology, Mousterian, multivariate analysis, North of France, spatial analysis, tools, univariate analysis Mots-clés : amas de débitage, analyse fonctionnelle, analyse multivariée, analyse spatiale, analyse univariée, Levallois, Moustérien, Nord de la France, outils, technologie lithique

AUTEURS

LUC VALLIN Ministère de la Culture et de la Communication, Service Régional de l’Archéologie du Nord-Pas- de-Calais, Ferme Saint-Sauveur, avenue du Bois, 59650 Villeneuve d’Ascq - [email protected]

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BERTRAND MASSON Ministère de la Culture et de la Communication, Service Régional de l’Archéologie du Nord-Pas- de-Calais, Ferme Saint-Sauveur, avenue du Bois, 59650 Villeneuve d’Ascq - [email protected]

JEAN-PAUL CASPAR Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix, rue de Bruxelles, 61, 5000 Namur (Belgique)

ÉRIC DEPIEREUX Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix, Laboratoire de Biostatistiques et Bioinformatique, rue de Bruxelles, 61, 5000 Namur (Belgique) - [email protected]

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Nouvelles de la préhistoire

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Quelques éléments remarquables de la faune du Solutréen de Laugerie- Haute (Les-Eyzies-de-Tayac, Dordogne) Some remarkable elements of the Solutrean fauna from Laugerie-Haute (Les- Eyzies-de-Tayac, Dordogne, France)

Jean-Christophe Castel et Stéphane Madelaine

NOTE DE L’ÉDITEUR

Crédits photographiques : Philippe Jugie du Musée national de Préhistoire (sauf 2-2c, J.-C. Castel). Infographie de Florence Marteau et traductions de Bernard Landry, du Muséum d’histoire naturelle de Genève

Nous tenons à remercier Aline Averbouh pour ses judicieuses remarques.

1 – La longue histoire d’une collection majeure

1 Site marquant s’il en est du paysage archéologique du sud-ouest de la France, Laugerie- Haute a participé à l’avènement de la Préhistoire. Les fouilles ont vraiment débuté sous l’impulsion de E.Lartet en 1862. Sans revenir sur la longue liste des fouilleurs1, retenons l’intervention de ceux qui ont le plus contribué à la constitution des collections paléontologiques : D. Peyrony de 1921 à 1935 (Peyrony et Peyrony 1938), puis F. Bordes dès la fin des années 1950 (Bordes 1958, 1978). Une intervention ultérieure, plus limitée, celle de G. Guichard dans les années 1970 (Guichard et al. 1984), reste à exploiter.

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2 Les données fauniques ont été exploitées par plusieurs chercheurs. Certaines recherches concernent des éléments limités comme les dents dans le cadre d’analyses cémento-chronologiques (Gordon 1988 ; Burke 1995) ; d’autres portent sur une large part des collections : J. Bouchud (1966) a travaillé sur les vestiges de renne provenant des fouilles Peyrony puis F. Delpech (1975, 1983) a étudié la faune issue des fouilles Bordes.

3 Enfin, à son arrivée au Musée national de Préhistoire des Eyzies et à l’occasion du changement de direction, S. Madelaine procède à un inventaire complet des collections Peyrony dont il publie la partie la plus significative (Madelaine 1989). Nous ajoutons ici le décompte des restes de mammifères pour le Solutréen de Laugerie-Haute Est, fouilles D. Peyrony (tab.1). Parmi les vestiges fauniques des collections Peyrony, des centaines d’os sinon plus ne sont plus rapportés aux secteurs ouest et est du gisement et d’autres sont sans distinction de niveau. A signaler que 1 011 vestiges de Laugerie-Haute Est sont désormais notés “ Solutréen probable ” faute de renseignements fiables.

Tableau 1 - Laugerie-Haute Est et Ouest, Solutréen - Distribution des vestiges de mammifères - sauf mammouth - par ensemble culturel. Table 1 - Laugerie-Haute Est and Ouest, Solutrean - Frequencies of mammal remains - except mammuth - on main cultural levels.

4 Le matériel attribué au Magdalénien et au Solutréen (fouilles Peyrony et fouilles Bordes) est revu en 2002 par J.-C. Castel dans le cadre de la réalisation de la nouvelle muséographie. Concernant la collection Peyrony, les différences entre les observations de 1989 et celles de 2002/2006 sont infimes (quelques dents séparées de leurs séries ou fragmentées). Pour le matériel de Laugerie-Haute Ouest provenant des fouilles Bordes, la situation est tout à fait semblable et les boîtes créées par F. Delpech dans les années 1970 ont réussi à nous parvenir sans modifications (tab. 1). Il importe de noter que la plupart du matériel récolté par D. Peyrony est désormais enregistré comme Solutréen moyen, ce qui n’était pas le cas lors des examens de Bouchud. La répartition actuelle n’est donc absolument plus conforme à celle observée à l’époque et perd donc sa fiabilité.

5 Dans ce contexte, il n’est pas raisonnable de tenter de caractériser les différentes phases du Solutréen de Laugerie-Haute Est. Toute tentative doit être précédée d’une reconstitution de l’historique de cette collection. Malgré ces problèmes de changements d’attribution, nous avons considéré que le matériel qui a manifestement changé d’attribution de phase du Solutréen, n’avait toutefois pas circulé entre les différentes grandes phases culturelles. Pour les analyses qui suivent, nous avons toujours considéré les études issues des décomptes des chercheurs de la deuxième

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moitié du XXème siècle (Bouchud et Delpech) comme plus fiables que celles que nous pourrions réaliser à partir des décomptes actuels.

6 Au problème de mélanges de niveaux, s’ajoute celui de la conservation des vestiges après la fouille. Jusqu’à présent les vestiges sont conservés dans des sacs ou dans des boites qui ne dépassent pas 1 kilogramme mais qui peuvent contenir une cinquantaine de vestiges. La moindre manipulation provoque ainsi une usure du matériel.

7 Le matériel dégagé par F. Bordes dans les années 1960 ne semble pas avoir beaucoup souffert. Celui issu des fouilles D. Peyrony est, en revanche, beaucoup moins bien préservé. Les vestiges osseux sont affectés d’une usure de leurs angles et des parties proéminentes de leurs surfaces tout à fait caractéristique de l’érosion d’un matériel sec dans un tiroir qui affecte tant de collections anciennes. La dessiccation provoque de nombreuses cassures. Les dents les plus fragiles finissent par éclater complètement. S’y ajoute l’imprégnation d’une poussière noirâtre parfois assez épaisse qu’il faut ôter avant toute observation approfondie.

8 Mentionnons enfin que, pour les deux collections, la sélection des vestiges lors de la fouille était centrée sur les parties anatomiques identifiables. Les diaphyses n’ont été récoltées que si elles portaient des traces de découpe ou d’utilisation manifestes ou si elles appartenaient à des espèces peu communes. Les os brûlés conservés sont de gros fragments qui ne sont pas forcément représentatifs de ce qui avait été conservé.

2 – Observations archéozoologiques sur le Solutréen de Laugerie-Haute

9 La plupart des vestiges osseux se rapportent au renne. Les os de cheval sont peu fréquents mais les dents de cette espèce sont relativement abondantes. Bien que le renne soit représenté par sensiblement plus de vestiges (Delpech 1983, tableaux 16 et 17), on peut penser que le cheval jouait vraisemblablement un rôle important dans l’alimentation des solutréens de Laugerie-Haute. Bouquetin, saïga, bovinés et cerf ne sont pratiquement représentés que par des dents. Elles se rapportent à un ou deux individus. La récolte et la conservation de ces vestiges remarquables pour les paléontologues du début du XXème siècle ont pu être plus soignées que celles des innombrables vestiges de renne. Leur rôle dans l’alimentation ne peut donc être déduit du simple rapport de fréquence des différentes espèces. La question de leur chasse dans les alentours de Laugerie peut être posée.

10 En dehors des altérations postérieures à la fouille, le matériel est bien préservé avec des surfaces osseuses bien lisibles, peu affectées de fissurations ou de traces de racines. Cette faible altération peut s’observer de façon homogène sur l’ensemble des petits os sélectionnés pour leurs particularités anatomiques2. Cela permet d’avancer qu’il ne s’agit sans doute pas d’un choix de pièces bien conservées par les anciens fouilleurs. La bonne conservation des quelques os brûlés préservés est elle aussi à souligner.

11 Nous n’avons pas examiné les ramures. Des travaux récents ont montré qu’une part importante des bois débités sont des bois de chute qui relèvent par conséquent d’une acquisition distincte de l’introduction de carcasses de rennes (Agoudjil 2005). Les dents fournissent de précieuses indications sur les âges et les saisons d’abattage. Les différentes collections ont sans doute trop souffert (destruction des dents les plus fragiles) pour permettre de rediscuter des observations de J. Bouchud sur les âges

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d’abattage et le sexe des individus (1966). Une analyse des classes d’âge et de la saisonnalité d’abattage demeure possible mais, pour le renne, il y aura une surreprésentation artificielle des individus adultes, les dents des jeunes ayant certainement plus souffert des manipulations de la collection que ces dernières.

12 Nous avons pu observer de nombreuses stries de désarticulation sur les os ; compte tenu de l’absence de diaphyses, les stries de décarnisation sont beaucoup plus rares. Ces observations ne peuvent avoir de portée générale sur les modalités et les objectifs de la découpe. On retiendra que les os du basipode sont assez fréquemment striés. Cette information est cependant triviale dans la mesure où il y a eu une forte sélection des os. Dans certains niveaux solutréens, les phalanges fracturées intentionnellement sont nombreuses alors qu’elles sont absentes dans d’autres. Malheureusement, cette différence apparente de récupération de la moelle peut être le résultat de conditions de récolte différentes. D’après l’examen des extrémités des os longs, la fracturation des diaphyses semble standardisée, mais ne faut-il pas, là aussi, rechercher une cause liée à la fouille ? Quelques retouchoirs sur diaphyses ont également été isolés lors des fouilles.

3 – Éléments remarquables

3.1 – Mammouth : défenses, molaires et os longs

13 Le site de Laugerie-Haute est bien connu pour avoir livré de nombreux vestiges de mammouth. Il s’agit de larges fragments de défenses mais aussi d’une cinquantaine de fragments plus ou moins importants de dents jugales. Un inventaire précis nécessiterait une révision exhaustive de tous les vestiges conservés dans les différents niveaux et dans les vitrines, ce que nous n’avons pas entrepris. D. Peyrony et E. Peyrony (1938) mentionnent la présence d’une lame d’ivoire dans le Solutréen à pointes à face plane, d’une dizaine de molaires dans le Solutréen à grandes feuilles de laurier et d’une lame de molaire dans le Solutréen à pointes à cran.

14 Dans le cadre de cette étude, nous avons examiné plusieurs fragments de diaphyses de la couche H’’ des fouilles Peyrony (Solutréen à feuilles de laurier). Deux fragments (longueur-largeur-épaisseur : 125-70-25/33 et 120-98-18/30 mm) présentent une épaisseur corticale supérieure à celle d’un rhinocéros. Le plus grand de ces fragments correspond probablement à une ulna ou à un tibia de mammouth. Deux autres fragments (110-43-8/25 mm et 132-65-23 mm) peuvent correspondre à du mammouth ou du rhinocéros (compte tenu de l’absence de collection de référence adaptée aux Eyzies, l’examen a été réalisé par J.-C. Castel au Muséum d’histoire naturelle de Genève).

15 Ces fragments présentent une majorité de fractures lisses en spirale caractéristiques d’une percussion lancée sur os frais. Les critères descriptifs de la fracturation intentionnelle sur os frais (cf. Villa et Mahieu 1991) sont valables pour les mammifères de taille inférieure ou égale au bison. La présence de fractures en spirale sur des os de mammouth, ne veut pas forcément dire percussion par l’homme car elles peuvent être confondues avec celles produites lors du piétinement d’un os par d’autres mammouths (ex. Haynes 1988).

16 Aucune épiphyse n’a été retrouvée. S’ils avaient été présents, il est fort probable que de tels vestiges se seraient conservés dans le sol de Laugerie et qu’ils auraient été isolés lors des fouilles anciennes. Il est donc peu vraisemblable qu’il s’agisse de fragments

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provenant d’os entiers introduits dans le gisement. Ces morceaux de diaphyses ont alors sans doute été introduits dans le gisement sous cette forme. Tous sont relativement abîmés et leurs surfaces corticales parfois difficiles à interpréter. L’un des fragments attribués à un très grand mammifère sans précision porte une plage relativement bien délimitée de stigmates très altérés (recoupés par des traces de racines) et de directions désordonnées. Ce n’est pas un retouchoir au sens strict et nous ne sommes pas certains que l’origine de cette plage soit due à une action anthropique.

3.2 – Ovibos

17 La publication de D. et E. Peyrony de 1938 fait état de la présence d’une molaire d’Ovibos dans le “ Solutréen à pointes à cran ” (couche H’’’). Comme la majorité des autres vestiges récoltés, il est probable qu’elle provienne de Laugerie-Haute Ouest, puisque “ ce niveau est particulièrement puissant du côté Ouest ”, “ du côté Est, il a fourni peu de pièces ” (Peyrony et Peyrony 1938, p 42).

18 Cette dent (une première ou deuxième molaire supérieure gauche) (fig. 1a) correspond vraisemblablement à celle trouvée lors de l’inventaire de 1989 (Madelaine 1989) ; elle est donc attribuable au Solutréen supérieur et confirme le phénomène regrettable de taphonomie de laboratoire qui se serait produit entre 1966 (observations J. Bouchud) et 1989 puisque à l’instar des autres ossements, elle se trouvait dans le Solutréen moyen.

19 Une autre dent, qui n’avait pas été vue lors de l’inventaire des réserves car faisant partie de la présentation muséographique de l’époque J.Guichard, fut déterminée comme Ovibos après 1989 ; elle est publiée ici pour la première fois. Il s’agit d’une troisième molaire supérieure gauche (fig. 1), marquée “ L.H.O sol.f.l ” (marquage Peyrony) ; elle a donc réellement été récoltée dans le Solutréen moyen. Elle n’a pas été publiée en tant que telle par D. et E. Peyrony (ayant pu être attribuée à tort à du cerf ou à du boviné).

Figure 1 - Laugerie-Haute, collection Peyrony, Solutréen. Ovibos moschatus, 1a - première ou seconde molaire supérieure droite ; 1b - troisième molaire supérieure droite (Laugerie-Haute Ouest) (Photos Ph. Jugie, MNP). Echelle : 1 cm. Figure 1 - Laugerie-Haute, Peyrony’s collections, Solutrean. Ovibos moschatus, 1a - first or second upper right molar ; 1b - third upper right molar (Laugerie-Haute Ouest) (Photos Ph. Jugie, MNP). Scale : 1 cm.

20 En plus de quelques caractères particuliers déjà décrits (Guérin et Patou-Mathis 1996), la détermination a pu être facilitée et complétée par la comparaison avec un crâne

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actuel d’Ovibos appartenant au Musée national de Préhistoire. Les caractéristiques principales de ces dents sont les suivantes : • couronne haute (hypsodonte), mais inférieure à celle des bovinés (pour une usure équivalente) ; • présence d’un îlot d’émail central très net sur la face occlusale ; • médifossettes importantes ; • lobe mésial anguleux sur la face linguale ; • lobe distal non anguleux, peu arrondi, avec une crête marquée le long de la couronne entre la face linguale et la face distale pour la 1ère ou 2ème molaire ; • cette même dent possède une colonnette interlobaire aiguë, développée sur toute la hauteur de la couronne, alors que la 3ème molaire en est dépourvue. Contrairement à ce qui a parfois été écrit (Guérin et Patou-Mathis 1996), cette colonnette n’est pas forcément absente : la preuve en est donnée par le crâne de référence sur lequel les M1 et M3 n’en possèdent pas alors que la M2 en a une. Ce constat nous laisse penser que notre exemplaire fossile pourrait être une M2 ; • le style distal (métastyle) de la M3 est dilaté transversalement, ébauchant un semblant de troisième lobe (à la manière de l’hypoconulide des troisièmes molaires inférieures ).

21 Il est utile de préciser que ces deux dents, au vu de leur usure différentielle, appartiennent à deux individus différents, ce qui est logique étant donné les présomptions vraisemblables de leur appartenance à deux couches différentes. Il est à noter également que la M1 ou 2 présente quelques traces d’ocre sur la couronne et surtout sur la face occlusale ainsi qu’à l’intérieur de la fossette distale.

22 La présence de ces deux dents revêt un intérêt particulier : ce sont les seuls vestiges de cette espèce dans le Solutréen d’Aquitaine (voire probablement de France) et, à notre connaissance, ce taxon n’a été décrit, par ailleurs, qu’extrêmement rarement : • un fragment de crâne et deux fragments de métapodes découverts par Galou à Gorge d’Enfer (Harlé 1901) provenant sans doute, d’après la description des lieux , de l’abri du Poisson et donc attribuables soit à l’Aurignacien ancien, soit au Gravettien ; • des os de pattes découverts par Lartet, également à Gorge d’Enfer, dans une petite grotte (Harlé 1901) ; • les découvertes d’os de bœuf musqué sont beaucoup plus communes en Europe centrale et du nord (ex. Soergel 1942).

3.3 – Antilope saïga

23 Les restes d’antilope saïga sont absents des décomptes de F. Delpech (1983) pour le Solutréen de Laugerie-Haute Est et Ouest des fouilles de F. Bordes. En revanche, dans le matériel provenant des fouilles de D. Peyrony de Laugerie-Haute Ouest, six vestiges 3 attribuables à cette espèce ont été isolés (Madelaine, 1989) , dont une M 3 inférieure et une M1 ou M2 supérieure tout à fait caractéristiques ayant fait l’objet précédemment d’une erreur de détermination (elles sont effectivement marquées “ LH. Sol., C. ibex ”).

24 La présence de l’antilope saïga dans le Solutréen supérieur du sud-ouest de la France est désormais un fait reconnu (cf. Dujardin et Timula 2005). Dans les sites de la moitié nord de l’Aquitaine (Le Placard, Fourneau-du-Diable et Combe-Saunière), elle est représentée par des nombres de restes relativement importants. Dans les sites du sud du Périgord et dans le Quercy elle est très rare (un unique reste aux Jamblancs comme

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au Pech-de-la-Boissière). Ces vestiges isolés ne constituent pas des preuves suffisantes pour attester d’une chasse locale (Castel et al. 2005).

3.4 – Retouchoirs sur dents de cheval

25 Les retouchoirs sur dents jugales de cheval sont connus depuis l’identification faite par H. Rutot en 1908 dans la caverne d’Hastière en Belgique. Pourtant il faut attendre leur redécouverte par D. Armand et A. Delagnes en 1998 pour qu’ils suscitent à nouveau l’intérêt. Depuis, d’autres exemplaires ont été trouvés à la Ferrassie (Savignac-de- Miremont) et au Pigeonnier (Gensac) (Castel et al. 2003). Toutes ces pièces sont attribuées à l’Aurignacien et au Moustérien.

26 Lors de l’examen archéozoologique des collections solutréennes de Laugerie-Haute, deux exemplaires caractéristiques ont été identifiés. D’autres exemplaires ont pu nous échapper, masqués par la poussière qui couvre les stigmates. Pour s’assurer du nombre exact de ces pièces à Laugerie-Haute, il sera nécessaire de nettoyer l’intégralité des dents.

Troisième molaire inférieure droite - Laugerie-Haute Ouest, fouilles D. Peyrony, couche H’’, Solutréen à feuilles de laurier (fig. 2-1)

27 Cette dent est relativement bien conservée mais quelques fragments d’émail ont disparu depuis sa découverte. Sa face mésiale (antérieure) (L = 64 mm) a fait l’objet d’un intense raclage préparatoire dans le sens vertical, ou axe longitudinal, qui a entraîné une suppression de matière de 1 à 2 mm d’épaisseur dans la partie moyenne. Ces stries de raclage sub-parallèles sont présentes pratiquement jusqu’à la bordure occlusale le long du parastylide. En revanche, il n’est pas certain que ce raclage descende jusqu’à la base de la racine. Il déborde du parastylide pour affecter marginalement l’extension mésiale du métaconide. Cela a provoqué la disparition du cément et de l’émail sur une partie de la hauteur. La dentine, ou ivoire, apparaît dans la partie centrale. Les angles entre la face antérieure et les faces vestibulaire et linguale sont rendus plus vifs par cet enlèvement de matière.

28 Les stigmates d’impacts sont répartis en deux zones proches des extrémités comme cela s’observe fréquemment pour les retouchoirs sur diaphyses (ex. : Auguste 2002 ; Castel 1999 ; Malherba et Giacobini 2002 ; Vincent 1993). Dans la zone supérieure, le nombre d’impacts dépasse la cinquantaine ; dans la zone inférieure il est situé entre 30 et 50. Les entailles de formes allongées, parfois cunéiformes, dominent ; par endroits, elles sont plus irrégulières et à peu près circulaires (près de l’extrémité occlusale). Les arrachements cunéiformes les plus caractéristiques sont conservés sur l’ivoire. Les marques sur l’émail sont moins profondes et moins longues parce que cette matière est plus résistante. La direction des entailles forme un angle de 65 à 75° par rapport à l’axe de la pièce (allongement de la dent) comme cela s’observe sur de nombreux retouchoirs. L’orientation des stigmates est identique pour les deux zones.

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Figure 2 - 1, Laugerie-Haute Ouest, collection Peyrony, Solutréen. Equus caballus, troisième molaire inférieure droite ; 1a- face vestibulaire, 1b, c, d- détails de la face mésiale (antérieure) utilisée. Echelle 1cm. Figure 2 - 2, Laugerie-Haute Ouest, collection Peyrony, Solutréen. Equus caballus, première ou seconde molaire inférieure droite ; 2a – face vestibulaire, 2b,c – détails de la face distale utilisée, 2d – face linguale. Echelle 1 cm. Figure 2 - 1, Laugerie-Haute Ouest, Peyrony’s collection, Solutrean. Equus caballus, third right lower molar ; 1a- external surface, 1b, c,d - close-up of the utilized zones on anterior surface. Scale 1cm. Figure 2 – 2, Laugerie-Haute Ouest, collection Peyrony, Solutréen. Equus caballus, first or second right lower molar ; 2a - external surface, 2b, c – close-up of the utilized zone on back surface, 2d - internal view. Scale 1cm.

Première ou seconde molaire inférieure droite - Laugerie-Haute Ouest, fouilles Peyrony, Solutréen sans précision (fig. 2-2)

29 Cette dent a souffert de son mode de stockage depuis sa découverte. Elle montre toutefois une série de stigmates sub-parallèles sur sa face distale de même direction que ceux observés pour la dent précédente. Le nombre d’impacts peut être estimé entre 30 et 50. On observe quelques stries verticales isolées qui ne ressemblent pas aux stries de raclages telles qu’elles peuvent s’observer sur la dent précédente ou sur les diaphyses. Signalons que la face linguale porte quelques stries de direction mésio- distale qui ne sont pas forcément en relation avec l’utilisation technique de la dent (fig. 2-2d).

30 Le mode d’utilisation de ces deux pièces est tout à fait semblable (impacts provoquant des stigmates cunéiformes) mais on peut observer une préparation et une utilisation

beaucoup plus importante pour la M 3. Bien que la surface de contact et la prise en main soient beaucoup plus réduites que ce qu’offrent les diaphyses d’herbivores (bovinés, cheval et renne), le mode d’utilisation de ces dents semble similaire.

31 Il est possible qu’un nombre significatif de retouchoirs sur dents jugales d’équidés ait pu échapper à la sagacité des archéozoologues et plus encore à celle des

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paléontologues. Après l’identification de ce type de vestiges dans le Paléolithique moyen et l’Aurignacien, cette identification dans le Solutréen de Laugerie-Haute permet de s’interroger sur leur existence dans d’autres sites solutréens et dans d’autres cultures du Paléolithique supérieur.

32 A noter que toutes les dents de chevaux utilisées identifiées à ce jour sont des dents jugales inférieures, mais il s’agit peut-être d’un effet d’échantillonnage. Pour l’instant nous ne connaissons pas de dents de bovinés utilisées, mais la présence de nombreux stigmates sur l’émail des dents de cheval de Laugerie-Haute permet de suspecter une possible utilisation de ces dents dépourvues de cément dans la partie haute de leurs couronnes. La diversité des matières premières et des supports utilisés pour la réalisation des retouchoirs a déjà été constatée (ex. Patou-Mathis 2002). Elle est susceptible de correspondre à une gamme d’utilisations correspondant à des activités distinctes. Cette découverte réalisée dans le matériel de Laugerie-Haute souligne que si ces vestiges sont encore insuffisamment connus, c’est dans une large mesure parce qu’ils n’ont pas été recherchés.

4 – Discussion et perspectives

33 Laugerie-Haute est l’un des sites majeurs qui s’inscrivent dans le débat sur la présence et la caractérisation de sites d’agrégation (Conkey 1980, 1992). Les données paléontologiques du matériel du Solutréen révèlent deux éléments qui sont à verser au dossier : la présence du bœuf musqué qui n’est signalé qu’exceptionnellement en Aquitaine et l’importante récolte de vestiges de mammouth que ce soit l’ivoire des incisives, les dents jugales mais aussi quelques os longs. Ces deux éléments de caractère exceptionnel ne peuvent pas seulement être attribués à un effet de probabilité lié à la grande extension des fouilles. En effet, dans tous les autres sites réunis on ne trouve pas autant d’éléments si remarquables. Peut-on alors considérer ces particularités du Solutréen de Laugerie-Haute comme la manifestation d’un statut particulier de ce site au cours de cette période ?

34 Le nouvel examen des collections de Laugerie-Haute n’a apporté que peu précisions sur les choix et les modes d’exploitation du milieu par les solutréens. Nos observations ne vont guère au-delà de ce qu’avaient apporté celles de J. Bouchud (1966) et de F. Delpech (1983). Les collections ont été constituées selon des objectifs qui ne le permettent guère ; de plus, elles ont subi des manipulations et une érosion dans les tiroirs qui rend vaine toute étude approfondie. Seules les analyses cémento-chronologiques nous semblent prometteuses. Même d’extension limitée, les fouilles futures apporteront une information immensément plus riche sur l’exploitation du renne et des autres espèces chassées. Ce n’est qu’ainsi que le statut du bœuf musqué peut espérer être mieux compris ; c’est aussi le cas de toutes les espèces représentées par un tout petit nombre de restes (voir Delpech 1983).

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NOTES

1. Le Muséum d’histoire naturelle de Genève détient, dans les collections du Département d’archéozoologie, du matériel provenant de fouilles du XIXème siècle. Il s’agit de la collection Gosse qui renferme une vingtaine d’os de renne de Laugerie-Basse et de la collection A. Favre qui renferme une quarantaine d’os de renne notés “ Laugerie ”. Ils ne sont pas attribués culturellement. Il s’agit de fragments plutôt bien conservés provenant de différentes parties du squelette (mandibules, vertèbres, extrémités d’os longs, basipode, phalanges). 2. Cette caractéristique se retrouve sur le matériel conservé à Genève. 3. S. Madelaine (1989) signale quatre restes sur six dans le Solutréen moyen or nous avons vu que les effectifs du Solutréen moyen avaient fortement progressé depuis les premières analyses paléontologiques et que cette attribution à l’intérieur du Solutréen était désormais peu fiable.

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RÉSUMÉS

Laugerie-Haute est l’un des sites majeurs qui s’inscrivent dans le débat sur la présence et la caractérisation de sites d’agrégation (Conkey 1980, 1992). L’examen des collections de Laugerie- Haute dans le cadre de la préparation de la nouvelle muséographie du Musée national de Préhistoire des Eyzies, nous a permis de remettre au jour quelques éléments remarquables de la faune attribuée au Solutréen. Il s’agit de la présence exceptionnelle du bœuf musqué (Ovibos moschatus) signalée dans un nombre très limité de gisements en France et de l’importante récolte de vestiges de mammouth, qu’il s’agisse des vestiges dentaires déjà décrits par Peyrony mais aussi de quelques fragments de diaphyses d’os longs. En outre, nous mentionnons la présence d’antilope saïga (Saiga tatarica) qui est reconnue dans plusieurs sites solutréens du sud- ouest de la France. Enfin, deux retouchoirs réalisés sur des dents jugales inférieures de cheval ont été découverts. Ces vestiges, jusqu’ici identifiés seulement dans l’Aurignacien et le Moustérien doivent désormais être recherchés dans l’ensemble du Paléolithique supérieur. Ces éléments de caractère exceptionnel ne peuvent pas seulement être attribués à un effet de probabilité lié à la grande extension des fouilles. En effet, dans tous les autres sites solutréens réunis, on ne trouve pas autant d’éléments aussi remarquables.

Laugerie-Haute is one of the most famous French Upper Paleolithic sites on which the concept of aggregation sites has been developped (Conkey 1980, 1992). The examination of collections from the site during the preparation of the new museography of the National Museum of Prehistory in Les Eyzies allowed us to rediscover some remarkable elements of the Solutrean fauna. We note the presence of the Muskox (Ovibos moschatus), previously known only in few sites. We also note the presence of Mammuth fragments such teeth described before by D. Peyrony, and especially long bone diaphyses. We also mention the presence of the saiga antelope (Saiga tatarica) which is represented in several solutrean sites in the region. Finally, two horses lower teeth modified as “ retouchers ” were found. Such objects where until now only recovered in Aurignacian and Mousterian sites and should be searched in all Upper Paleolithic sites. The presence of these elements is not only due to the large size of the excavations since the middle of the 19th century. Actually, there are no such remarkable pieces in all remaining solutrean sites of the South-West of France.

INDEX

Keywords : Laugerie-Haute, Solutrean, laboratory taphonomy, Ovibos moschatus, Mammuthus primigenius, Saiga tatarica, retouchers on horse teeth Mots-clés : Laugerie-Haute, Solutréen, taphonomie de laboratoire, Ovibos moschatus, Mammuthus primigenius, Saiga tatarica, retouchoir sur dent de cheval

AUTEURS

JEAN-CHRISTOPHE CASTEL Département d’archéozoologie, Muséum d’histoire naturelle, Route de Malagnou 1, CP 6434, CH- 1211 Genève 6, [email protected]

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STÉPHANE MADELAINE Musée national de Préhistoire – 24620 Les Eyzies. Université Bordeaux I – UMR 5199 – PACEA - Institut de Préhistoire et de Géologie du Quaternaire, avenue des Facultés – 33405 Talence cedex - [email protected]

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AMS dating of a recently rediscovered juvenile human mandible from Solutré (Saône-et- Loire, France) Datation AMS d’une mandibule récemment redécouverte d’un humain juvénile de Solutré, Saône-et-Loire

William Pestle, Michael Colvard and Paul Pettitt

The authors wish to thank Jonathan Haas and Bennet Bronson of the Field Museum of Natural History for access to the Solutré collections, Isabel Tovar and Laure Dussubieux for their immense aid in matters of translation, and Jill Seagard for her illustrations. The authors also would like to acknowledge the very useful comments of two anonymous reviewers. This article is dedicated to Christian Rodriguez, who assisted by providing a comparative, albeit living, juvenile human mandible.

Introduction

1 The site of Solutré (46°18’N, 4°42’E), located in the department of Saône-et-Loire, approximately 10km west of Mâcon, is most widely known as the eponym for the Solutrean lithic industry and phase of the Upper Paleolithic (fig. 1). The majority of cultural materials recovered from excavations over nearly 150 years were excavated from a gentle slope located to the south-east of a nearly 500m tall limestone escarpment, the Roche de Solutré, in areas known respectively as the Crot-du-Charnier, Terre Communale, Terre Seve, and Terre Souchal (Combier 2002).

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Figure 1 - Location of the Solutré site (drawing J. Seagard). Figure 1 - Localisation du site de Solutré (dessin de J. Seagard).

2 The earliest excavations at Solutré began in 1866 under the direction of Adrien Arcelin and Henri Testot-Ferry, with efforts focused on the so-called “horse magma”, a layer of accreted horse bones, and several foyers du renne, hearths ostensibly of the l’age du renne, or the Solutrean (Combier 2002). Between 1873 and 1895, Arcelin, with the aid of Abbé Ducrost, conducted further excavations at the site, which identified three successive culturally distinct layers of occupation, Solutrean, Gravettian, and an unattributed basal stratum, which was subsequently defined in 1907 by Abbé Breuil as Aurignacian. Continued work in the 20 th century by the University of Lyon and Jean Combier on behalf of the CNRS have combined to produce a fairly fine-grained understanding of the complex nature of over 20,000 years of occupation and activity at the site of Solutré (Combier 2002). What is lacking from the site, however, are definitively Solutrean period human remains, the discovery of which would allow useful and meaningful bio-cultural inferences about the lifeways of the ancient inhabitants of Solutré to be made. Numerous “pretenders”, human skeletal remains thought to be of Solutrean (or older) vintage, have been brought forward (e.g. Arcelin 1878), but, to date, none have withstood serious scientific scrutiny (Riquet 1955). The legitimacy of a recently re-discovered specimen of human skeletal material from Solutré is examined herein in the hopes that its verifiable antiquity might help to fill a gap in our knowledge base of life in Upper Paleolithic Southwestern Europe.

Specimen history

3 In 1896, at the same time as Arcelin and Ducrost were performing stratigraphically- oriented and rigorously documented work on the Crot-du-Charnier, the excavator of

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what would come to form the Field Museum’s collections, a M. Veillerot, working on behalf of the Union Parodiènne, was excavating in a more slapdash fashion just a few meters to the west (Combier 2002 ; Dalton 1968). To date, the almost total absence of documentation for Veillerot’s excavation has impeded interpretation of the resulting collection of material culture, a portion of which now resides at the Field Museum of Natural History in Chicago, Illinois. The only surviving account of the 1896 work is that of a Monsieur O. Vauvillé, a member of the Societé d’Anthropologie de Paris, who visited the site for one day in May of 1896, and who recorded his observations in a report to the Societé. From this report, however brief, several important aspects of the 1896 excavation can be reconstructed, thereby providing the resulting materials with some degree of archaeological context.

Figure 2 - Section of the Crot-du-Charnier after Arcelin 1890 (drawing J. Seagard). Figure 2 - Section du Crot-du-Charnier d’après Arcelin 1890 (dessin de J. Seagard).

4 First, Vauvillé states that the single trench was located “…au-dessous et contigu, du bout Est, au mur de cloture qui est vers l’Ouest du lien dit le Crot-du-Charnier, et à l’Ouest du chemin montant de Solutré au gisement” (Vauvillé 1896). We associate the enclosure wall and path Vauvillé describes with the mur and chemin depicted in the A-B section drawing of the Crot-du-Charnier published in Arcelin 1890 (fig. 2). In turn, transposing these features, and the distance between them, onto the A-B line of the plan drawing of Arcelin 1890 (fig. 3), allows us to surmise that Veillerot’s trench may have been located in the shaded area of fig. 3, to the west of the Crot-du-Charnier (note 1). In 1896, this area would have been, as Vauvillé described the trench’s location, a relatively undisturbed portion of the site. Finally, from Vauvillé we know the size of the trench (approximately 45m2) and that it included the remains of at least one well- stratified hearth (Vauvillé 1896). Beyond this fleeting reference, little is known of the stratigraphy of the 1896 trench.

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Figure 3 - Plan of the Crot-du-Charnier after Arcelin 1890 (drawing J. Seagard). Figure 3 - Plan du Crot-du-Charnier d’après Arcelin 1890 (dessin de J. Seagard).

5 Much of the material in the Field Museum’s collection is ascribed to one of four “foyers du renne”, hearths ostensibly of the Solutrean phase. As with much surrounding the early excavations at Solutré, the designation of these hearths as Solutrean remains suspect. Some of these foyers are further divided into levels, “couches”, which may represent either artificial spits imposed by the excavators or true archaeological levels, reflecting soil, use, or depositional changes. Combier has suggested (e.g. Combier 2002), based on later excavations, that much of the material in these hearths may be Magdalenian or later, although analysis of lithics from these hearths held by the Field Museum did not identify any Magdalenian inclusions, finding only tools of the Solutrean industry (Dalton 1968). Additional catalog lots at the Field Museum are designated as belonging to a particular “foyer/couche du cheval”, which, with a few exceptions, seem to describe the “horse magma” and accompanying hearths below the Solutrean occupation levels. Arcelin described these levels as Mousterian, Combier calls the hearths instead Perigordian or Aurignacian and the magma Gravettian, but suffice to say that they appear to be pre-Solutrean. The wrinkle, both literally and figuratively, is that in at least two different lots of Field Museum material, the “chevaux” contexts are noted as lying above the Solutrean hearths. Such notations necessarily suggest that either the stratigraphy of the 1896 trench was poorly understood and documented and/or that the formation processes of this portion of the site include the type of slumpage and inversion noted by Combier as occurring elsewhere at Solutré (Combier 2002). Finally, some remaining materials have particularly enigmatic designations, including “Angleterre”, “Foyer du Lapon-4th Fouille”, or simply “foyer”, the meanings of which have been lost.

6 The specimens of interest to this work, two contiguous fragments of a juvenile human mandible, no. 215505, were rediscovered in late 2002 during the reorganization of

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European archaeological collections in the Department of Anthropology at the Field Museum of Natural History. The bone was found, along with thirteen pieces of apparently Solutrean period debitage, in a soil sample from Solutré labeled as coming from the “4e foyer du Renne, 3e Couche”. The mandible was previously observed at this same location by Joanna Dalton, as is mentioned in her unpublished 1968 MA thesis, although no further analysis of the specimen was performed as a result of that discovery. In early 2003, following the most recent rediscovery of these pieces, a detailed morphological and radiographic analysis was preformed, and AMS radiocarbon dating of the specimen was performed at the Oxford University Radiocarbon Accelerator Unit in November of the same year.

Osteological analysis

7 The specimen is comprised of approximately 60% of a juvenile mandible, broken post- mortem into two fragments (fig. 4). The larger posterior fragment includes a substantial portion of the right ascending ramus (although the most superior portions of both the coronoid and condylar processes are absent) and the majority of the right

mandibular corpus through a break that bisects the socket of the right I2 and the crypt

of the right CX. The smaller anterior fragment abuts the mesial end of this break and includes the entirety of the mental trigone and the beginning of the proper left portion of the dental arch through a break that passes through the thin section of bone

remaining between the crypts of the left CX and left P1, between the left I2 and left dcx.

8 Due to the limited nature of this specimen, dental development was the sole means by which biological age could be assessed. Given the lack of precision of dental ageing techniques based solely on the timing of tooth eruption, the biological age of this specimen was assessed instead by means of a radiographic examination of the state of deciduous and permanent dental mineralization, development, and resorption using the techniques of Moorrees, Fanning, and Hunt 1963a (as reworked in Smith 1991) and Moorrees, Fanning, and Hunt 1963b (fig. 5). The developmental stages of two deciduous

(dm1 and dm2) and four permanent (P1, P2, M1, and M2) mandibular teeth were assessed, yielding the stage assessments and accompanying male and female mean ages detailed in Table 1. For the present purposes, the assessed developmental states and resultant ages derived from the individual roots of multi-root teeth have been averaged. The resulting age range for this individual is 6.7-9.4 years, with an average of 8.3 years. An age at the upper end of this range (in excess of 8 years) is independently supported

both by the mild wear on the mesio-buccal cusp of the M1, the presence of which suggests that that tooth must have been in occlusion for some significant period of time following its eruption around age 6, and also by the first possible hint of onset of

mineralization in the crypt of the M3, which occurs, on average, just after 9 years of age (Smith 1991).

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Figure 4 - Superior view, FM n o. 215505 (photograph W. Pestle, drawing J. Seagard). Figure 4 - Vue de dessus, FM n o 215505 (photo W. Pestle, dessin de J. Seagard).

Figure 5 - Medio-lateral radiograph, FM no. 215505 (photograph W. Pestle). Figure 5 - Radiographie medio-latérale, FM n° 215505 (photo W. Pestle).

Table 1 - Dental development age assessment using the techniques of Moorrees, Fanning and Hunt 1963, and Smith 1991. Tableau 1 - Evaluation de l’âge selon le développement dentaire utilisant les techniques de Moorrees, Fanning et Hunt 1963 et Smith 1991.

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9 Areas of periodontal disease, visible in the osteological record as alveolar resorption,

were observed at both the dm1 and in the area of the incisors, with the most

pronounced appearance at the level of the right I1. While some of the observed bone loss is, no doubt, the result of taphonomic processes, the moth eaten appearance of alveolar bone is consistent with either periodontal disease, an ankylosed frenum, or both (Mintz et al. 2005). The latter etiology, commonly resulting in a “lip tied” condition which promotes the retention of food residues and the proliferation of bacteria, would also be consistent with the extremely robust appearance of the chin of this specimen (American Academy of Pediatric Dentistry 2005). Several carious lesions

were observed on this specimen, one on the occlusal surface of the right M1, between the mesio-buccal and mesio-lingual cusps, and three additional small buccal pit caries

on the right dm1, dm2, and M1. The presence of these carious lesions is suggestive of a recent origin for this specimen, as one would not expect this number of dental caries in an individual who had consumed the typically low-carbohydrate, low-sugar diet of the Upper Paleolithic (Hillson 1996)

10 Several aspects of the pathological presentation of this specimen stem from a possible case of malocclusion. This diagnosis is supported by the heavier than expected wear on

the mesio-buccal cusp of the M1, which appears markedly different from the other cusps of the same tooth. While this wear could be the result of a high grit diet (in which case, an accelerated, but non-pathological, wear progression would begin, as normal,

with the mesiobuccal cusp of M1 (Hillson 1996), a possibility supported by the wear

found on the dm1 and dm 2, it could also stem from malocclusion with the corresponding maxillary teeth (dm 2 or M 1). Either etiology (facial dysplasia, prognathism, or malocclusion) could explain the presence of heavy wear on both central incisors resulting in the exposure of dentin and the production of a knife-edged appearance of their occlusal surfaces (Garcia Pola et al. 2002).

11 Finally, this specimen possesses a notable, albeit non-pathological, non-metric variation in the form of a small (approx. 1 mm) fenestration on the lingual aspect of the

mandibular ramus at the apex of the distal root of M1. This aperture would have, in life, provided the opening by which a branch of the lingual nerve would have individually innervated the first molar. This trait, present in approximately 2 % of modern human adults, has only infrequently been recognized in the paleopathological record (Kay 1974).

Direct AMS radiocarbon dating

12 The sediment that made up the soil sample in which this specimen was re-discovered was notably red in color, which we took as a preliminary indicator of the post-Glacial date eventually ascribed to this specimen (Jayet 1951, Dalton 1968). AMS dating of a sample (OxA-13424) from this specimen was performed in late 2003/early 2004 by the Oxford University Radiocarbon Accelerator Unit. Chemical pretreatment, target preparation, and AMS measurement were performed following procedures detailed in Hedges et al. 1989, Ramsey et al. 2000a, Ramsey et al. 2000b, and Hedges et al. 1992. The uncalibrated result in radiocarbon years BP (Before Present-AD1950) is as follows:

F0 OxA-13424, human bone, 64 13 C =-18.7 ‰, 1676 ± 36 BP.

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13 When calibrated using Oxcal v3.10 of C. Bronk Ramsey and the atmospheric data of INTCAL04 (Reimer et al. 2004), the sample is found to date to the period between 240 AD and 540 AD (3-sigma). For the purpose of comparison, faunal specimens in the Field Museum’s collection from several of the foyer du renne of Veillerot’s excavation were also dated by AMS. One of these faunal specimens (OxA-13298), the calcaneus of a Cervus elaphus, from a foyer du Renne, yielded a definitive date of the Solutrean phase, between 22200 cal BC and 20900 cal BC. Another sample, the maxilla of an Equus sp. (OxA-13299), from the 4e foyer du Renne, 6e Couche, dated to between 16100 cal BC and 14800 cal BC, the heart of the Magdalenian phase.

Conclusions and discussion

14 Specimen no. 215505 represented the tantalizing possibility of the presence, in a legitimately Solutrean level from the site of Solutré, of human remains. The authenticity of similar specimens has been the subject of great debate in scholarly journals for over a century (Arcelin 1878, Riquet 1955). Perhaps not surprisingly, all available evidence in this instance appears to rule out the possibility of the specimen’s Solutrean antiquity. The apparently post-Glacial character of the sediments in which it was discovered and the presence of such a large number of carious lesions in the dentition of this individual are both indicative of a relatively recent origin for this specimen, a conclusion that is confirmed by the late antique provenance determined by AMS dating.

15 Given the stark contrast between the date of the human mandible in question and the much older dates of the faunal materials discovered in presumably close context, it is reasonable to assume that the human mandible, no. 215505, represents a much later burial which intruded into bona fide Upper Paleolithic strata. While this result lessens the significance of the individual specimen, it does begins to offer some insight into the nature and stratigraphy of the archaeological levels of Solutré as is represented in collections at the Field Museum of Natural History. Further research is presently being conducted on the mass of faunal materials at the Field Museum in an attempt to reconstruct fully the stratigraphy and absolute chronology of the materials recovered in such a slipshod manner over a century ago.

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APPENDIXES

Version française abrégée

Solutré est connu en tant que site éponyme de l’industrie lithique solutréenne correspondant à une période du Paléolithique supérieur. Près de 150 ans de fouilles à Solutré ont mis en évidence une occupation humaine datant du Pléistocène tardif, l’existence d’un approvisionnement en nourriture et de fabrication d’outils dans le Mâconnais. A ce jour, toutefois, aucun reste humain n’a été découvert dans les niveaux solutréens. Plusieurs «candidats» ont bien été proposés (Arcelin 1878) mais aucun n’a résisté à un sérieux examen scientifique (Riquet 1955). Des restes humains provenant de Solutré, récemment redécouverts, sont examinés ici dans l’espoir que leur ancienneté puisse nous aider à combler les lacunes de nos connaissances sur la vie au Paléolithique supérieur dans le sud-ouest de l’Europe. Le spécimen considéré dans le cadre de cette étude a été redécouvert à la fin de l’année 2002 au Field Museum of Natural History. Il est constitué de deux fragments contigus provenant d’une mandibule d’un être humain juvénile. Ce spécimen a été mis au jour lors de fouilles archéologiques effectuées en 1896 au Crot-du-Charnier par un certain M. Veillerot. En utilisant le seul document qui nous est parvenu au sujet de ces fouilles, une lettre de 1896 écrite par Monsieur O. Vauvillé, un membre de la Société d’Anthropologie de Paris, nous avons essayé de localiser l’endroit d’où proviendrait le spécimen. Il aurait été prélevé quelque part dans la zone sombre de la figure 3, à l’ouest de Crot-du-Charnier. S’appuyant sur une note trouvée avec le spécimen, décrivant le lieu de la découverte : «4e foyer du Renne, 3e couche», nous sommes confrontés à la possibilité, somme toute assez mince, que le spécimen puisse provenir d’une couche solutréenne. Un examen ostéologique approfondi a permis d’établir que le spécimen appartiendrait à un individu âgé de 6,7 à 9,4 ans. Il a également révélé l’existence de caries et de problèmes dentaires provoqués peut-être par un cas de malocclusion et de maladie parodontale. La présence des caries est un indicateur de l’âge géologique du spécimen. De telles caries ne sont pas compatibles avec le régime alimentaire faible en glucide et notamment en sucre, d’un individu du Paléolithique supérieur. L’âge du spécimen suggéré par l’examen pathologique est confirmé de manière frappante par la datation radiocarbone par spectrométrie de masse à accélérateur (AMS) d’un prélèvement (OxA-13424). Cette datation a été effectuée fin 2003/début 2004 par le Oxford University Radiocarbon Accelerator Unit en suivant les procédures détaillées par Hedges et al. 1989 ; Ramsey et al. 2000a ; Ramsey et al. 2000b ; Hedges et al. 1992. Les résultats radiocarbones non calibrés en années BP (Before Present - 1950) sont : OxA-13424, os humain, d 13C = - 18,7‰, 1676 ± 36 BP. Lorsque l’on utilise Oxcal v3.10 de C. Bronk Ramsey et les données atmosphériques de INTCAL04 (Reimer et al. 2004), la datation du prélèvement est située dans l’intervalle 240 - 540 calAD (3-sigma). Le spécimen n° 215505 représentait donc la possibilité très excitante d’avoir découvert la présence de restes humains dans une couche solutréenne du site de Solutré.

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Malheureusement, nos travaux n’ont pas permis d’établir une datation correspondant à la période solutréenne pour ce spécimen. Des éléments de faunes (dont un maxillaire d’Equus sp. (Oxa-13299) découverts dans le même contexte du 4e foyer du Renne, 6e couche, ont été datés entre 16 100 cal BC et 14 800 cal BC (période magdalénienne). La différence de datation entre la mandibule humaine n° 215505 et la faune laisse penser à une inhumation plus récente qui constituerait une intrusion dans une couche paléolithique supérieure.

ABSTRACTS

Nearly 150 years of excavation at the Upper Paleolithic type-site of Solutré has yielded substantial evidence for Late Pleistocene human occupation, food procurement, and tool manufacture in the Mâconnais. To date, however, no human skeletal material from the Solutrean phase of this eponymous site has been discovered. Among the finds curated by the Field Museum of Natural History resulting from a relatively obscure and poorly documented excavation conducted at the heart of the site in 1896 is, however, a human juvenile mandible which had, until quite recently, escaped both notice and study. While the scanty stratigraphic information available for the specimen indicates that it comes from a Solutrean level, recently conducted radiometric analysis (an AMS date of 1676 ± 36 BP, uncalibrated) suggests a much more recent origin.

INDEX

Mots-clés: Solutré, Solutréen, radiocarbone, restes humains Keywords: Solutré, Solutrean, radiocarbon, human remains

AUTHORS

WILLIAM PESTLE Department of Anthropology, University of Illinois at Chicago, 1007 W. Harrison St., Room 2102, Chicago, IL 60612, USA - [email protected]

MICHAEL COLVARD Department of Oral Medicine and Diagnostic Sciences, College of Dentistry, University of Illinois at Chicago, 569E DENT, Chicago, IL 60612, USA. - [email protected]

PAUL PETTITT Department of Archaeology, University of Sheffield. Northgate House, West Street, Sheffield S1 4ET - [email protected]

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L’exploration en galeries souterraines, une pratique méconnue de l’histoire des fouilles préhistoriques en grottes au XIXe siècle : l’exemple de la caverne de la Naulette (Belgique) Exploration galleries: a lesser-known technique of the history of nineteenth- century prehistoric cave excavations: the example of La Naulette ()

Michel Toussaint et Stéphane Pirson

Les auteurs ont le plaisir d’exprimer leur gratitude aux nombreux fouilleurs qui ont participé aux recherches récentes à La Naulette et plus particulièrement à : S. Lambermont, J.-Fr. Beaujean, J.-Fr. Lemaire et L. Bruzzese (Association wallonne d’Etudes mégalithiques); N. Toussaint (Association wallonne d’Anthropologie préhistorique). Ils remercient également le Dr. Ph. Masy et Th. Toussaint, fouilleurs bénévoles. A. Currant, Department of Palaeontology, Natural History Museum, London, ainsi que J. Stewart, paléontologue, ont aimablement communiqué diverses informations à propos des grottes anglaises. R. Miller, Université de Liège, et Fernand Collin, Directeur du Préhistosite de Ramioul, ont bien voulu autoriser l’utilisation des photographies du remplissage du tunnel du Trou Al’Wesse prises lors de leurs fouilles respectives. Les remarques de Cl. Cohen, rapporteur de cet article pour le compte de Paleo, ont été particulièrement appréciées.

1 - Introduction

1 Les techniques de fouilles préhistoriques ont considérablement évolué depuis les premières recherches des pionniers du début du XIXème siècle, avec en exergue F. Jouannet dès 1816 dans le sud de la France (Cheynier 1936), W. Buckland en 1820-1823

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et J. Mac Enery de 1824 à 1829 en Angleterre ou encore P.-C. Schmerling dans les grottes mosanes belges de 1829 à 1834 (Toussaint 2001) et C. Picard en 1836-1837 dans les terrasses de la Somme (Cohen 2005).

2 Dans l’esprit de ces premiers chercheurs, il s’agissait, et c’est particulièrement clair dans les écrits de Schmerling, de démontrer la contemporanéité de l’homme, dont des ossements étaient découverts dans les sédiments, et des grands mammifères disparus tels que l’ours des cavernes, le mammouth ou le rhinocéros laineux. Il convenait aussi d’attester que les silex trouvés en association avec les ossements humains et animaux étaient taillés et qu’il s’agissait de productions de ces hommes « primitifs ». Les références sommaires à la stratigraphie servaient à démontrer l’existence de l’homme fossile, sans que les détails de sa morphologie et les éventuelles différences par rapport à l’homme moderne ne soient réellement pris en compte. C’est également l’approche de J. Boucher de Perthes, souvent considéré comme « le » fondateur de la préhistoire (Cohen et Hublin 1989).

3 Dans un second temps, une fois la réalité de l’homme fossile admise ainsi que la préhistoire et la paléontologie humaine réellement constituées en tant que disciplines (Grayson 1983 ; Groenen 1994 ; Laming-Emperaire 1964 ; Richard 1992 ; Van Riper 1993), soit vers 1860, les objectifs se sont focalisés sur la reconnaissance de la succession des industries - notamment à l’initiative d’E. Lartet et H. Christy, d’E. Dupont à partir de 1864 (Dupont 1872), ainsi que de G. de Mortillet (1883) - et sur la démonstration de l’existence d’humains plus archaïques que les préhistoriques de morphologie moderne, soit des hommes de Neandertal (Fraipont et Lohest 1887). Il s’agissait donc de récolter des lots d’objets dont les différences typologiques permettaient d’appréhender les modifications de cultures, ainsi que les restes osseux des hommes correspondants. Il en résulta un intérêt progressivement plus affirmé pour la stratigraphie qui ne devait plus, comme c’était le cas auparavant, servir uniquement à donner une réalité à l’homme préhistorique mais devenait une véritable méthode de travail, avec pour fonction de déterminer la succession des époques et de caractériser chacune des cultures consécutives par des objets typiques ; cette optique introduira rapidement la notion de fossile directeur (Groenen 1994). Avec de telles conceptions, de grandes quantités de silex taillés et d’ossements animaux sont extraites des gisements en très peu de temps. La qualité des relevés stratigraphiques varie de site à site, comme de fouilleur à fouilleur. Un même chercheur peut être tantôt soigneux, tantôt laxiste. Ainsi Dupont a-t-il, au cours de ses deux campagnes de fouilles de 1866, décrit la stratigraphie de La Naulette avec une précision qui permet encore aux chercheurs actuels d’y trouver des éléments de corrélation avec leurs propres relevés, tandis qu’il a, par la suite, traité plus que négligemment celle des grottes de Goyet.

4 Pendant ces longues périodes où les récoltes d’artefacts étaient essentiellement « stratigraphiques », soit le XIXème siècle et la première moitié du XXème, les fouilles étaient le plus souvent opérées à la pelle et à la pioche par des terrassiers. Les archéologues qui commanditaient ces travaux étaient loin d’être toujours présents. La fouille était « différée » (Groenen 1994 100). Des dérives - d’ailleurs inhérentes aux premiers balbutiements de toute science - se produisirent inévitablement. C’est le bel objet qui importe ; les découvertes secondaires ne sont pas systématiquement conservées. Dans certains cas, les ouvriers sont payés en fonction des découvertes, ce qui a parfois conduit à la réalisation de faux (Vayson de Pradenne 1932 ; de Heinzelin et al. 1993).

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5 De temps à autre, se manifeste un certain intérêt pour la répartition spatiale des artefacts découverts ce qui préfigure les approches planimétriques actuelles. Dès la fin des années 1850, Longuemar attire ainsi l’attention non seulement sur la position stratigraphique des objets mais aussi sur leurs relations (Debénath 1992). La technique du relevé en trois dimensions a été utilisée par W. Pengelly à Kent’s Cavern dans le dernier tiers du XIXème siècle (Campbell 1994, p. 581). Lors de ses recherches dans les grottes de Menton dans les années 1870, E. Rivière note la position verticale et horizontale des objets, ce qui lui permet d’étudier leurs relations.

6 Les premiers manuels de fouilles, rédigés « de manière à être à la portée de tous » (SPF, 1906), tentent d’introduire une certaine rigueur méthodologique. Ils envisagent cependant les fouilles comme des travaux de terrassement à réaliser selon une approche stratigraphique : « […] on peut fixer […] la technique générale de la fouille et la ramener en principe à la stratigraphie de la façade verticale » (SPF 1929, p. 279) au sein de laquelle « […] les objets trouvés seront recueillis absolument à part de ceux de la couche précédemment explorée, afin d’en faire une étude également séparée » (SPF 1929 p 325).

7 La publication du manuel de fouilles de Leroi-Gourhan (1950), dont la philosophie est inspirée de l’ethnologie et implique des méthodes de fouilles beaucoup plus fines que par le passé, marque une nouvelle étape dans les techniques de recherche de terrain, en associant la fouille de carrés à la conservation systématique de bermes ; l’objectif est de combiner les informations de la stratigraphie, soit d’une lecture verticale, à celle d’une analyse spatiale, plus ethnographique. Comme le note judicieusement Courbin, il s’agit d’une « sorte de méthode Wheeler avant la lettre » (Courbin 1987, p. 328 ; voir aussi Wheeler 1954). L’article de Laplace-Jauretche et de Méroc (1954) sur le carroyage relève de la même veine de rigueur accrue des méthodes de relevés en trois dimensions. A cette époque, le pinceau et le couteau se substituent plus systématiquement au pic et à la pelle et les archéologues s’impliquent systématiquement sur le terrain.

8 Le décapage des sols, avec recherche de structures archéologiques, sera par la suite considérablement développé pour répondre à de nouvelles exigences théoriques apparues à l’occasion des fouilles du site de plein air de Pincevent (Leroi-Gourhan et Brézillon 1972). Ce modèle inspirera nombre de recherches modernes et sera largement exporté (Bosinski 1979), malgré les difficultés inhérentes à la quasi suppression des coupes et donc les inévitables problèmes à distinguer, en chronologie relative, les diverses structures (Courbin 1987). Cette approche est en réalité difficilement applicable en dehors des sites à sédimentation homogène sur de vastes surfaces, comme on en trouve dans les plaines alluviales et les plateaux loessiques. Dans la plupart des cas cependant, et en particulier dans les grottes, les variations latérales de faciès et les géométries complexes ne peuvent être appréhendées que par référence à une véritable dissection microstratigraphique, avec suivi de proche en proche des différentes unités stratigraphiques, ce qui n’exclut d’ailleurs nullement les études planimétriques fines.

9 La fouille d’E. Dupont en 1866 à la caverne de La Naulette s’inscrit clairement dans une approche purement stratigraphique. Les documents récoltés sont rapportés à leur couche d’origine, de manière à supporter leur étude diachronique, mais sans souci de leurs relations spatiales. C’est dans un tel cadre que Dupont fit creuser un tunnel d’exploration dans les sédiments profonds de la caverne. Le recours à une telle technique s’avère un des aspects les plus insolites des méthodes de fouilles du XIXème siècle. En préhistoire paléolithique en milieu karstique, cet usage s’avère cependant

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moins anecdotique qu’il n’y paraissait de prime abord. Jusqu’il y a quelques années en effet, il semblait que seule la grotte de Spy avait fait l’objet d’un tel traitement en Wallonie, sur la base des quelques lignes écrites à ce sujet près de trois décennies après les recherches (Lohest et al. 1925). Plus récemment, les travaux entrepris au Trou Al’Wesse (Collin et al. 1994) puis à la caverne de La Naulette (Toussaint et al. 2000) ont apporté deux nouveaux cas de galeries de fouilles dans le karst mosan. A La Naulette, le bon état de conservation du tunnel a permis d’en lever des plans et des coupes ainsi que d’en étudier la technologie. Le fait que E. Dupont était géologue n’est évidemment pas étranger à l’application de telles méthodes aux sédiments fossilifères des grottes régionales.

10 Le présent article a pour objectif, après une brève présentation de la caverne de La Naulette et de son intérêt anthropologique (§ 2), de décrire en détail la galerie de fouille creusée dans cette cavité (§ 3) puis de proposer des comparaisons (§ 4), tant en préhistoire paléolithique de Belgique, de France et de Grande-Bretagne qu’en ce qui concerne des tumulus mégalithiques et gallo-romains, avant d’analyser les quelques constantes qui se dégagent de cette méthode de fouille pour le moins curieuse (§ 5).

2 - La caverne de La Naulette

11 La caverne de La Naulette est située sur le versant gauche de la vallée de la Lesse, à Hulsonniaux-Houyet, à moins d’un kilomètre au sud-ouest du hameau de Chaleux (province de Namur, Belgique), dans un environnement riche en sites paléolithiques d’époques variées (fig. 1). Ses coordonnées Lambert sont : x = 190,960 ; y = 100,680 (carte IGN 53/8 Dinant Houyet ; parcelle cadastrale 146 h, Houyet, 6 ème Div., Section A, 1 ère feuille). Elle s’ouvre vers l’ouest, à 25 m au-dessus de la rivière, au fond d’un abri.

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Figure 1 - Caverne de La Naulette, situation et contexte paléolithique de la basse vallée de la Lesse : 1. Roche-al-Rue/Trou da Somme ; 2. Trou Magrite ; 3. Caverne de La Naulette ; 4. Trou Balleux ; 5. Grotte de Chaleux ; 6. Abri de la Poterie ; 7. Trou du Renard ; 8. Trou Reuviau ; 9. Trou des Nutons ; 10. Trou du Frontal. Figure 1 - La Naulette cave: location and palaeolithic context in the lower Lesse valley: 1. Roche-al-Rue/ Trou da Somme; 2. Trou Magrite; 3. La Naulette cave; 4. Trou Balleux; 5. Chaleux cave; 6. La Poterie rock shelter; 7. Trou du Renard; 8. Trou Reuviau; 9. Trou des Nutons; 10. Trou du Fontal.

12 Longue d’une trentaine de mètres, la cavité proprement dite se compose d’un large couloir d’entrée et d’une vaste salle (fig. 2). Le couloir d’accès qui mesure une quinzaine de mètres de long sur quatre à cinq mètres de largeur suivant les endroits, est partiellement encombré de gros blocs de calcaire détachés de la voûte. Il débouche dans une imposante salle de quelque 15 mètres de long sur 11 mètres de large, située en contrebas. A l’est de cette salle, un étroit couloir ascendant, autrefois comblé, permet de ressortir de la grotte par une entrée secondaire qui débouche le long de la falaise, à 18 mètres au nord du porche principal.

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Figure 2 - Caverne de La Naulette, plan de la cavité avec, au fond, la position de la galerie creusée par les ouvriers de Dupont. Figure 2 - La Naulette cave: plan of the cave with the gallery dug by Dupont’s workers at the far end.

13 Les premières fouilles à La Naulette se sont déroulées de janvier à mars 1866, lorsque Edouard Dupont (1841-1911 ; Twiesselmann 1952), financé par le gouvernement belge pour explorer les grottes de la région dinantaise, s’y intéressa, avec en point d’orgue la découverte d’une hémi-mandibule et donc d’une ulna humaines (Dupont 1866). La qualité des résultats et l’importance du remplissage amenèrent le fouilleur à compléter ses investigations au cours de l’été de la même année, essentiellement dans le but de rechercher les autres parties du squelette humain (Dupont 1867 p. 248); seule une canine, perdue depuis, vint enrichir le lot. Ces découvertes marquèrent profondément le développement de la paléoanthropologie. P. Broca y vit même « […] le premier fait qui fournisse un argument anatomique aux darwinistes » (Broca 1866, p. 503 ; Toussaint 1992, 2001).

14 La séquence stratigraphique du fond de la cavité a plus de 11 m d’épaisseur. Dupont (1866, 1867, 1872) y a reconnu sept « nappes de stalagmites » et trois « niveaux ossifères ». Les ossements humains se rattachent au deuxième « niveau ossifère », situé quelque part sous le p ancher stalagmitique supérieur.

15 La mandibule de La Naulette, essentiellement réduite à la partie gauche du corps et à la région symphysaire, présente une série de traits primitifs ou « lésiomorphes », mais par contre pas de caractères « dérivés » des Néandertaliens adultes comme par exemple l’espace rétromolaire ; le caractère incomplet du fossile ne permet cependant pas de juger de l’état d’autres traits parfois considérés, plus à tort qu’à raison, comme dérivés, tel le rejet des processus condylaires pour moitié en dehors du plan de la branche. Sur le plan statistique, la mandibule se situe dans la variabilité des Hommes de Néandertal et de leurs ancêtres pré-néandertaliens (Leguebe et Toussaint 1988). L’ulna qui, selon

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Dupont, accompagnait la mandibule dans le second niveau ossifère, montre par contre des caractères morphologiques de type moderne et métriques de type féminin.

16 Deux hypothèses peuvent expliquer ces différences. Dans la première, Dupont a erronément associé les ossements humains des diverses couches du site. La finesse des observations stratigraphiques du fouilleur et divers autres arguments, par exemple la similarité de l’aspect de surface des documents ou encore l’absence d’ossements humains modernes dans les couches superficielles de la cavité, plaideraient cependant contre cette possibilité. La réalisation de datations directes des fossiles pourrait aider à éclaircir cette question, encore qu’ils aient été abondamment vernis. Si par contre tous les ossements proviennent bien de la même couche, voire du même sujet, l’explication pourrait tenir à l’appartenance de l’individu concerné à un groupe néandertalien très ancien. En effet, les caractères propres à ce taxon ont été acquis progressivement, en mosaïque, pour aboutir à la morphologie classique aux environs de l’interglaciaire éemien. Par certains de leurs détails anatomiques, des fossiles assez anciens peuvent donc être morphologiquement plus proches de l’homme moderne que des Néandertaliens classiques.

17 C’est pour tenter d’apporter de nouveaux éléments à la résolution de cette problématique que de nouvelles fouilles pluridisciplinaires ont été entreprises depuis 1999 à La Naulette. Les objectifs de ces travaux consistent à retrouver et à préciser la succession stratigraphique décrite par Dupont, afin d’apporter des informations nouvelles à propos de la datation de la mandibule et d’étudier son paléoenvironnement. Il s’agit également d’estimer l’importance des sédiments encore en place, donc l’éventuel potentiel anthropologique que recèlerait toujours le site (Toussaint et al. 2000, 2001 ; Pirson et Toussaint 2002 ; Toussaint et Pirson 2002, 2006).

3 - La galerie de fouille d’Édouard Dupont à la caverne de La Naulette

18 La découverte d’un ancien tunnel d’exploration des sédiments profonds de La Naulette a eu lieu le 23 août 1999, au début des nouvelles recherches, lorsque le niveau de décapage d’un sondage s’effondra partiellement sous l’un des auteurs, qui se retrouva dans une cavité en grande partie bouchée par des remblais mais dont les 60 cm sommitaux étaient vides (fig. 3). Les traces de pioches observées sur les parois confirmèrent rapidement la nature anthropique de cette cavité. L’examen de l’unique mais vaste coupe longitudinale du remplissage de la caverne publiée par Dupont (1867) permit d’en élucider l’origine. En effet, sur cette coupe (fig. 4), les couches de la base du remplissage, soit 1, 2 et partiellement 3, sont figurées à l’extrémité la plus profonde de la caverne en étant séparées des couches supérieures par un resserrement qui correspond au puits d’accès du tunnel. En raison du caractère schématique du relevé d’époque, seules de nouvelles fouilles permettaient de décoder la signification de ce détail de dessin qui aurait tout aussi bien pu traduire un montage de coupes voisines.

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Figure 3 - Caverne de La Naulette, percement du plafond de la galerie de Dupont par effondrement du fond d’un sondage réalisé en août 1999. Figure 3 - La Naulette cave: discovery of Dupont’s gallery ceiling after an excavation trench caved in during the August 1999 excavation.

Figure 4 - Caverne de La Naulette : a, coupe dressée par E. Dupont en 1866 ; la galerie de fouille y apparaît au fond de la salle (d’après Dupont 1867) ; b, comparaison de la coupe schématique du tunnel telle que dessinée par E. Dupont en 1866 et de la coupe dressée à l’occasion des fouilles récentes. Figure 4 - La Naulette cave: a, section drawn by E. Dupont in 1866; the excavation gallery is visible at the far end of the cave (after Dupont 1867); b, comparison between the schematic section as drawn by E. Dupont in 1866 and the section drawn during the new excavations.

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19 C’est sans doute entre janvier et mars 1866 que Dupont fit creuser le tunnel d’exploration de la base des sédiments de La Naulette ; même s’il ne consacre pas un mot à cette galerie, deux indices en attestent. En effet, Dupont décrit les dépôts de la base du remplissage de la caverne dès son premier article et les observations des fouilles modernes suggèrent qu’il ne les a pas explorés ailleurs que dans son tunnel. Ce dernier était en outre, lors de sa découverte en 1999, quasiment rempli de déblais, qui ont dû être déversés lors des secondes fouilles de Dupont, celles de l’été 1866, lorsque de son propre aveu, le chercheur vida une grande partie de la salle principale de la caverne. De cette manière, il évitait d’avoir à sortir une partie des sédiments dégagés.

20 Les raisons pour lesquelles Dupont fit aménager un tunnel semblent tenir à un souci d’économie de temps et de moyens dans l’exploration stratigraphique et dans la recherche d’éventuels niveaux ossifères profonds.

21 La galerie est située tout au fond de la grotte (fig. 2). Elle débute à la base d’un puits vertical de plan ovoïde d’environ 2,3 m sur 1,9 m, creusé sur un minimum de 2 m de hauteur (fig. 5 et 6). Il n’est cependant pas possible de déterminer exactement ce dernier paramètre. En effet, une partie importante des sédiments de la salle principale de la cavité n’existe plus, probablement enlevée par Dupont lui-même lors de sa deuxième campagne de fouille. En outre, pour des raisons de sécurité, la fouille n’a pu être poursuivie jusqu’à la base du puits. Du côté nord de ce puits s’ouvre la galerie souterraine proprement dite. Elle mesure près de 10 m de longueur et, en plan, dessine un arc de cercle. Un diverticule de 1,5 m de longueur s’ouvre perpendiculairement dans sa paroi nord.

22 La galerie n’a pas été boisée. Elle est creusée directement dans les sédiments fins très compacts et quasi dépourvus d’éléments grossiers. Sa voûte est en plein cintre, pour de judicieuses raisons de résistance à la pression. D’ailleurs, en 133 ans, la galerie n’a pas subi d’effondrement majeur. Seuls de petits décollements de minces plaques de sédiments ont été observés au plafond.

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Figure 5 - Caverne de La Naulette, galerie de Dupont : a. plan de la galerie ; b. coupe transversale de la galerie au niveau de l’ouverture artificielle pratiquée dans son plafond lors de sa découverte en 1999 ; c. coupe longitudinale de la galerie. Figure 5 - La Naulette cave, Dupont’s gallery: a, plan of the gallery; b, cross section of the gallery at the level of the 1999 cave-in; c, longitudinal section of the gallery.

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Figure 6 - Caverne de La Naulette, photos de la galerie : a, vue du fond du tunnel ; b, remblais de 1866 au milieu du tunnel ; c, détail des coups de pioche ; d, diverticule latéral ; e, vue de la galerie depuis le milieu vers l’entrée; f, début du tunnel vu depuis le puits vertical qui lui sert d’accès. Figure 6 - La Naulette cave: photographs of the gallery; a, view of the lower end of the gallery; b, 1866 back filling in the middle of the gallery; c, pick marks ; d. lateral small galery ; e, view of the gallery from the middle to the entry; f, upper end of the gallery as seen from the entry shaft.

23 Au moment de sa découverte, la galerie était remplie de déblais sur près d’1,60 m de hauteur ; seuls les 60 cm sommitaux étaient encore vides. Sous l’ouverture artificielle pratiquée par hasard lors de sa découverte, seul endroit où une coupe complète a pu être dressée, la largeur du tunnel est de 1,20 m à la base pour une hauteur maximale de 2,20 m (fig. 5 : b). La dénivellation de la galerie est de 4 m entre son entrée au niveau du puits d’accès et son extrémité, soit un pendage moyen de quelque 25° (fig. 5 : c).

24 D’innombrables impacts de pioches, imprimés les uns à côté des autres, ont été observés sur toutes les parois du tunnel (fig. 6). Leur largeur, qui est donc celle de la partie biseautée de la pioche, est de l’ordre de 3,5 cm à la base. Ces négatifs témoignent de coups donnés de haut en bas avec force.

25 Cinq niches, qui présentent des dimensions et des formes très similaires, ont également été repérées (fig. 7). Deux d’entre elles ont été creusées dans les parois du puits d’accès au tunnel, l’une juste au dessus de l’entrée et l’autre sur la paroi droite du puits. La troisième se trouve au début du tunnel, sur la paroi gauche. Les deux dernières sont également sur la paroi gauche du tunnel, à quelque 5 m et 6,2 m de son accès à partir du puits. Des traces du creusement de ces niches ont été observées sous la forme de négatifs de la partie large d’une pioche. D’autres niches ont sans doute été aménagées dans les parties du tunnel non complètement vidées des déblais. Le tableau 1 précise les principales dimensions des cinq niches observées et la figure 7 en donne les vues de face et les coupes. Leur hauteur moyenne est de 41,2 cm, avec des extrêmes à 37 et 45 cm. Leur largeur moyenne est de 23,3 cm et leur profondeur moyenne de 16,4 cm. Tout indique que ces logettes servaient à déposer les lampes ou les bougies des fouilleurs-

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mineurs. Aucune trace de fumée n’a cependant été remarquée dans les cinq niches repérées.

Figure 7 - Caverne de La Naulette, niches aménagées, vues de face et coupes. Figure 7 - La Naulette cave: lamp holes, front and side views.

Tableau 1 - La Naulette, principales dimensions des cinq niches repérées dans le tunnel de fouilles de E. Dupont. Table 1 - La Naulette: main dimensions of the five lamp holes found in the gallery of E. Dupont.

26 La technique de fouille en tunnel peut, aujourd’hui, sembler iconoclaste. Replacée dans son contexte chronologique, à une époque où les fouilles en archéologie préhistorique n’en étaient qu’à leurs premiers balbutiements, elle paraît moins «non-scientifique». En effet, en 1866, Dupont avait très peu, voire pas du tout, de références relatives aux techniques de fouilles. Il a quasiment dû tout inventer en la matière. Formé à la géologie, donc bien au courant des méthodes de travail utilisées dans les mines, il n’était pas anormal qu’il s’en soit inspiré, au moins par endroits.

4 - Comparaisons

27 La pratique de la fouille en tunnel par Dupont n’est pas un phénomène isolé dans le développement des recherches préhistoriques et archéologiques européennes. Divers autres exemples ont en effet été repérés dans la littérature ancienne. Le recours à ce

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type de technique en complément de fouilles par tranchées à ciel ouvert est cependant mal documenté, jamais plus d’un dessin ou de quelques lignes dans des articles qui ne sont pas spécifiquement consacrés à cette pratique. Il est donc illusoire de vouloir en dresser un véritable inventaire. Très peu de détails techniques sont précisés, par exemple à propos des dimensions, des modes d’éclairage ou des dates de réalisation. La nature des diverses variantes de ces tunnels reste en outre très délicate à appréhender, notamment en ce qui concerne la différence entre réelles fouilles en galerie et simples galeries d’accès.

4.1- Grottes paléolithiques mosanes

4.1.1- La galerie de la grotte de Spy

28 La découverte des Néandertaliens de Spy a marqué l’histoire de la paléoanthropologie mondiale (Fraipont et Lohest 1877). Elle met en effet fin à la deuxième phase du développement de cette discipline, à savoir la reconnaissance du fait que l’homme fossile peut être morphologiquement différent de l’homme moderne (Toussaint 1992, 2001).

29 C’est en juin et jusqu’au 11 juillet 1886 que deux squelettes humains d’aspect archaïque sont exhumés de la terrasse de la grotte de Spy, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Namur (Belgique). Les travaux sont réalisés par l’ancien mineur A. Orban qui fouille pour le compte de Marcel De Puydt (1855-1940), archéologue liégeois, et de Maximin Lohest (1857-1926), alors assistant en géologie à l’Université de Liège. L’étude des ossements est confiée au paléontologue Julien Fraipont (1857-1910), à l’époque jeune professeur extraordinaire à la même université.

30 En fait, Lohest et De Puydt avaient débuté les recherches à Spy en août 1885. Comme l’intérieur de la cavité était déjà fortement bouleversé par des travaux antérieurs, ils concentrent leurs recherches dans la terrasse. Après s’être débarrassés, à l’aide d’explosifs, des blocs calcaires qui encombrent le site, ils commencent par creuser une tranchée exploratoire devant l’entrée de la grotte. Pour exploiter vers l’extérieur un «niveau ossifère» ainsi repéré, ils se rallient rapidement à la proposition de leur fouilleur qui suggère de creuser une galerie souterraine pour suivre le dépôt d’ossements comme on longerait une veine de charbon. « Il s’agissait donc », confessera Lohest 30 ans après la fouille, « de creuser des galeries et de les boiser soigneusementpour éviter tout accident.C’était une solution économique, mais dangereuse par suite du peu de consistance du terrain. […] Du fond de la galerie, Orban nous apportait une petite manne de terre recueillie autant que possible à un niveau bien déterminé. Nous examinions le tout au grand jour. SiOrban nous signalait la rencontre d’un objet intéressant, nous pénétrions dans les travaux, éclairés par des bougies, et nous allions dégager l’échantillon et noter sa situation précise » (Lohest et al. 1925 p. 146).

31 C’est lors de ces opérations peu orthodoxes, au cours desquelles ils traversent, sans s’en rendre compte, plusieurs entités stratigraphiques distinctes, que les fouilleurs isolent les restes d’un premier squelette néandertalien, désigné par la suite sous le nom de « Spy 2 ». Les conditions de récolte sont mauvaises. Le crâne est fracturé en une quarantaine de fragments. La position des vestiges n’est relevée ni en plan ni en stratigraphie. Tout au plus les inventeurs ont-ils noté (De Puydt et Lohest 1887 p. 229) que « les os se trouvaient déplacés de leurs connexions naturelles […] ». Se rendant cependant compte de l’importance de leur trouvaille et de la désinvolture de leurs procédés de

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recherches, De Puydt et Lohest reviennent ensuite à des méthodes plus rigoureuses : « Si nous avions pu prévoir alors l’intérêt exceptionnel qu’allaient bientôt présenter nos fouilles, nous aurions procédé autrement. Mais nous n’étions pas riches et […], il importait d’agir avec économie », avouera Lohest(1925 p. 146). Les fouilleurs font alors creuser une tranchée à ciel ouvert à travers la terrasse. Ils mettent ainsi au jour un deuxième squelette partiel d’homme de Néandertal, « Spy 1 », dans des conditions plus propices à un relevé stratigraphique et à des observations correctes.

32 En fait, très peu de détails précis sont connus à propos des galeries souterraines de Spy.

33 Dans un de leurs premiers articles, De Puydt et Lohest (1886 p. 35) précisent : « mais sous la terrasse, l’épaisseur des éboulis nous a parfois obligés de conduire notre travail par galeries boisées ». Une lettre manuscrite de Marcel De Puydt à Max Lohest rédigée en pleine fouille, soit au début de l’été 1886 ajoute : « J’ai peur de la manière dont Orban travaille, les galeries me donnent la fièvre […] ».

34 Aucun plan de localisation des galeries boisées n’est réalisé à l’époque. On peut sans doute imaginer, pour des raisons liées à la forme de la terrasse et à la position de « Spy 2 », qu’une des galeries au moins débutait en bordure de la terrasse et était orientée sensiblement du sud-sud-ouest au nord-nord-est. Si tel est bien le cas, elle devait avoir au minimum cinq à six mètres de longueur.

35 Quatre décennies plus tard, Rahir (1928 p. 59) observe une ancienne galerie qu’il positionne sur un plan de la grotte (fig. 8). Elle est orientée perpendiculairement à la précédente et se dirige vers la droite. Sa largeur est de quelque 75 cm. Dans la mesure où Rahir la qualifie d’»ancienne», il pourrait s’agir d’un des diverticules des galeries de Lohest et de ses collaborateurs. Dans ce cas, la longueur minimale de galerie creusée dans l’axe de la terrasse et de la « salle principale » peut être portée à une dizaine de mètres, auxquels s’ajoute la longueur de la galerie annexe relevée par Rahir.

36 En définitive, on sait donc : • que le tracé du tunnel d’exploration pratiqué dans la terrasse de la grotte de Spy était irrégulier, avec sans doute des diverticules ; • que ces galeries souterraines ont été boisées en raison de la nature des sédiments, ce qui implique des poteaux et des traverses au plafond ; • que les premiers ossements néandertaliens du gisement, soit ceux de « Spy 2 », ont été découverts dans une galerie ; • que donc une des galeries passait quasiment au milieu de la terrasse, puisque les fouilleurs ont précisé que « Spy 2 » se trouvait « […] à peu près en travers de l’axe de la grotte » (De Puydt et Lohest 1887 p. 229) ; • que l’ouvrier qui travaillait dans le tunnel s’éclairait à la bougie ; • que les galeries ont été abandonnées quand Lohest et De Puydt ont réalisé à la fois le danger auquel s’exposait leur fouilleur et l’imprécision de la méthode d’exploration adoptée, d’autant plus dommageable qu’un squelette dont ils avaient compris l’importance venait d’être trouvé et qu’il convenait de s’assurer avec davantage de précision de sa position stratigraphique.

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Figure 8 - Grotte de Spy, plan de la grotte sur lequel sont positionnées la galerie transversale ancienne repérée par Rahir (1928) qui pourrait être un diverticule des tunnels creusés par le mineur de M. Lohest, ainsi que la situation présumée du squelette de “ Spy 2 ” et donc de la galerie qui a conduit à sa découverte. Figure 8 - : plan of the cave with the position of the transversal gallery found by Rahir (1928) that might be a branch of the galleries dug by M. Lohest’s coal miner and of the assumed location of the “Spy 2” skeleton and, consequently, the gallery that led to its discovery.

4.1.2 - La galerie du Trou Al’Wesse

37 Lors de sa campagne de fouilles de 1993 au Trou Al’Wesse, à Petit-Modave (Clavier, province de Liège), Fernand Collin repéra un ancien tunnel dans les sédiments de la terrasse qui précède l’immense cavité (fig. 9 ; Collin et al. 1994). Cette galerie n’avait jamais été signalée auparavant. Elle n’était pas complètement comblée. Sa voûte était arrondie. Quelques fragments de bois trouvés au sol ont conduit l’inventeur à supposer qu’elle avait été boisée, comme celle de Spy.

38 Ce tunnel fut à nouveau entraperçu sur une coupe transversale aménagée plus en avant dans la terrasse au début juillet 2004, dans le cadre de la deuxième phase des fouilles modernes sur le site (Miller et al. 2004 p. 115 ; Miller et al. 2005 p. 27), puis observé plus en détail dans sa partie antérieure au cours des campagnes de fouille de l’été 2005. A cet endroit, la voûte était en plein cintre et ses parois s’évasaient légèrement vers le bas. Aucun boisage n’est apparu et le tunnel était entièrement comblé. La fouille de 2006 a en outre montré que la galerie souterraine était précédée par une tranchée d’accès à ciel ouvert creusée dans la pente précédant la terrasse.

39 Dans l’attente d’un dégagement plus complet de cette structure, diverses questions restent en suspens, notamment sur les détails de sa morphologie, sur le nom des instigateurs du creusement et sur la date de sa réalisation.

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Figure 9 - Trou Al’Wesse, à Modave (province de Liège) : a, comblement de la galerie d’exploration du XIXème siècle, photographie réalisée en 1993 lors des fouilles de F. Collin ; b. comblement de la partie antérieure de la galerie, vue prise lors des fouilles de l’Université de Liège en 2004 ; le remplissage apparaît sous la forme d’un sédiment jaunâtre à gros blocs, qui contraste avec le dépôt gris-noir en place. Figure 9 - Trou Al’Wesse, Modave (province of Liège): a, filling of the 19th century gallery, photograph taken in 1993 during the excavations conducted by F. Collin, with the site positioned on the plan (after Collin et al. 1994); b, filling of the front end of the gallery, photograph taken during the excavations conducted by The Université de Liège in 2004.

40 E. Dupont, le fouilleur de La Naulette, a travaillé au Trou Al’Wesse vers 1870. I. Braconier lui a succédé de 1885 à 1887, en compagnie de M. Lohest et de J. Fraipont. Tant Dupont que ses successeurs ont pu avoir fait aménager un tunnel : Dupont en avait déjà l’expérience tandis que Lohest et ses collaborateurs utilisaient à la même époque la technique à Spy. Deux indices, issus du dépouillement d’un article de Fraipont et Braconier (1887) relatif à la « poterie à l’âge du mammouth », pourraient plaider en faveur d’un creusement fait en 1885-1887. Le premier tient à ce que, selon ces auteurs, Dupont n’a fait pratiquer qu’une tranchée de quelques mètres de longueur à l’entrée de la cavité. Le second résulte de l’association observée par Fraipont et Braconier à sept mètres de profondeur, dans leur sixième niveau ossifère, presque au plancher de la grotte, d’une demi poterie à fond plat et panse arrondie avec une dent de mammouth, une pointe moustérienne et une « pointe de javelot en os » : un tel groupement implique de profonds remaniements de couches qui pourraient bien avoir été engendrés par le creusement d’un tunnel, encore que d’autres explications soient tout aussi possibles.

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4.2 - Autres grottes préhistoriques européennes

4.2.1 - Laugerie-Basse

41 Des galeries ont été creusées par Elie Massénat (1832-1903) et ses collaborateurs dans le vaste abri de Laugerie-Basse, aux Eyzies-de-Tayac (Dordogne), pour passer sous une série de gros blocs rocheux et atteindre les couches archéologiques sous-jacentes. A cette occasion, en 1872, un squelette humain attribué à l’époque à l’«âge du renne» est mis au jour.

42 La réalité de ces galeries souterraines est attestée par divers écrits de Massénat lui- même et d’autres chercheurs de son époque. Ainsi, pour parvenir au-dessous de blocs dont certains avaient cinq mètres de longueur et deux de largeur et d’épaisseur, écrit Massénat « […] il fallut reprendre les fouilles à une certaine distance et faire une étroite galerie ; pendant ce travail, on n’a pas cessé de recueillir des ossements et bois de rennes, et de nombreux silex taillés » (Massénat et al. 1872 p. 1062). Les informations disponibles sur ces tunnels sont succinctes. Tout au plus apprend-on que « les fouilles sont pénibles dans ces galeries souterraines ; elles sont dangereuses, difficiles […] » (Massénat et al. 1872 p. 1061), ou encore que « […] c’est dans les parties les plus profondes de la galerie que les plus belles pièces ont été rencontrées. Ce travail de mineur a donné ce qu’il pouvait donner […] » (Girod et Massénat 1900 p. 22).

4.2.2 - La Micoque

43 Il semble que Otto Hauser, le marchand allemand qui pilla une partie du patrimoine préhistorique du Périgord, adopta, lui aussi, la technique du tunnel à La Micoque pour se faciliter la tâche dans ses activités mercantiles (Simar 1956 p. 86). Aucun détail sur ces activités ne semble cependant disponible.

4.2.3 - Regourdou

44 De 1954 à 1957, R. Constant exploita les niveaux archéologiques de la grotte de Regourdou, dont il était propriétaire, en creusant une galerie souterraine de 7 m de longueur à partir d’une cheminée naturelle vidangée peu avant (fig. 10 ; Bonifay 2003). C’est à cette occasion, en septembre 1957, qu’il mit au jour les restes humains du Néandertalien Regourdou 1 dont la fouille fut partiellement achevée par E. Bonifay et B. Vandermeersch de 1960 à 1965.

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Figure 10 - Grotte du Régourdou (Dordogne, France) : plan schématique montrant la galerie Constant dont le creusement a conduit à la découverte d’un squelette néandertalien (d’après Bonifay 2003, p. 248). Figure 10 - Régourdou cave (Dordogne, France) : schematic map showing Constant’s gallery and the neandertal bones found during its digging (from Bonifay 2003, p. 248).

4.2.4 - Grande-Bretagne

45 Plusieurs grottes à intérêt préhistorique et paléontologique de Grande-Bretagne, notamment dans les “Mendip Hills”, dans le sud-ouest de l’Angleterre, près de Bristol, furent découvertes par des mineurs qui étaient payés par des collectionneurs et archéologues amateurs du XIXème siècle. Les conditions exactes de ces travaux, où des tunnels semblent avoir été creusés, parfois dans le sédiment, parfois dans la roche, restent mal connues. Le cas de la troisième caverne de « Creag nan Uamh », en Ecosse, est plus démonstratif (Lawson 1981). Un tunnel de quelque sept mètres de long sur environ 1,5 m de hauteur, destiné à explorer les sédiments profonds, y fut creusé lors des fouilles de 1926-27 (fig. 11).

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Figure 11 - Coupe longitudinale de la troisième caverne de “ Creag nan Uamh ”, en Ecosse, montrant clairement le tunnel creusé dans les limons profonds (d’après Lawson 1981, p. 11). Figure 11 - Longitudinal section of the third Creag nan Uamh cave, in Scotland, showing the tunnel excavated in deep silts (from Lawson 1981, p. 11).

4.3 - Tumulus mégalithiques

46 Plusieurs tumulus mégalithiques ont été fouillés par galeries et puits destinés à accéder à la chambre centrale en limitant l’exploration au minimum. C’est notamment le cas du tumulus Saint-Michel, à Carnac (Morbihan), d’abord exploré par René Galles en 1862 et 1864, puis par Zacharie Le Rouzic de 1900 à 1907 (Joussaume 2003 p. 23 ; Riskine 1995 p. 21).

4.4 - Tumulus gallo-romains

47 A la fin du XIXème siècle et au début du XXème, de nombreux tumulus gallo-romains ont été exploités en creusant des tunnels étançonnés qui descendaient en légère pente vers la chambre qui, à l’époque, retenait l’essentiel de l’attention des archéologues. En raison du caractère monumental des buttes, ces fouilles ne concernaient donc qu’une petite partie de la surface recouverte. Cette technique, dangereuse en raison des risques d’éboulement, a notamment été utilisée en Hesbaye, vaste région située au nord du sillon Sambre et Meuse, en moyenne Belgique, par exemple dans les tumulus de Hottomont, du Bois des Tombes à Waremme ou encore d’Ambresin (Massart 1994).

5 - Analyse

48 En raison du nombre réduit de comparaisons, l’analyse de la technique des tunnels de fouille au XIXème siècle est forcément sommaire et ne permet pas de dégager de constantes à valeur statistique.

5.1 - Époque de réalisation

49 C’est le géologue E. Dupont qui fut le premier, en 1866, à faire creuser un tunnel pour explorer les sédiments d’un site préhistorique en grotte du bassin mosan. Vingt ans plus tard, en 1886, Max Lohest et Marcel De Puydt utilisent la même technique pour sonder la terrasse de la grotte de Spy. Le tunnel repéré dans la terrasse du Trou

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Al’Wesse remonte apparemment à la même époque que celui de Spy, en 1885 ou 1886, quoiqu’un doute subsiste toujours à ce propos.

50 Le tunnel de Massénat à Laugerie-Basse a apparemment été creusé dans les années 1870. La plupart des autres tunnels de fouille, notamment dans les tumulus, semblent également remonter à la fin du XIXème siècle ou au début du XXème. L’exemple de la troisième caverne de Creag nan Uamh prolonge l’usage de cette technique jusqu’en 1926-1927. Le tunnel du Regourdou apparaît, lui, tout à fait anachronique.

5.2 - Motivation et nature des tunnels

51 La principale motivation de la réalisation de galeries souterraines pour fouiller les sédiments de grottes paléolithiques et des tumulus d’époques variées est évidente : elle tient à l’économie des moyens mis en œuvre pour atteindre des couches profondes sans avoir à réaliser de vastes tranchées à ciel ouvert.

52 Diverses variantes de tunnels s’observent cependant. Dans certains cas, il s’agissait de fouiller en suivant un filon archéologique ou paléontologique : c’est très clair à la grotte de Spy et probable au Trou Al’Wesse, dans la mesure où les déblais remplissant le tunnel de cette cavité contiennent des ossements et des silex. A La Naulette et à Creag nan Uamh, les tunnels avaient pour but de rechercher de nouveaux « niveaux ossifères » - en ce sens, ce sont des tunnels de sondage - et de réaliser des relevés stratigraphiques des niveaux profonds du remplissage.

53 Parfois, le tunnel a été aménagé pour accéder à l’intérieur d’une grotte ou à une chambre sépulcrale, comme dans certains tumulus mégalithiques et gallo-romains. Un tel tunnel d’accès peut, au fil des recherches, se transformer en tunnel de fouille lorsque des vestiges y sont trouvés, comme à Laugerie-Basse.

5.3 - Différences techniques

54 Le tunnel de Spy a été, au moins par endroits, consolidé par boisage des parois et du plafond. Ce n’est pas le cas à La Naulette où une voûte en plein cintre a été aménagée dans les sédiments meubles. La nature des sédiments, limon argileux compact et homogène à La Naulette versus couches très caillouteuses plus meubles à Spy, suffit cependant à expliquer les différences de techniques adoptées. Seule la poursuite des fouilles permettra de préciser la situation au Trou Al’Wesse, où la voûte est également arrondie mais où l’éventuelle présence d’un boisage complémentaire reste à vérifier.

5.4 - Accès

55 A La Naulette, l’accès à la galerie souterraine se faisait à partir du fond d’un puits vertical. Au Trou Al’Wesse, l’entrée du tunnel s’amorçait par contre en pente douce, directement à partir d’une tranchée aménagée dans la pente précédant la terrasse ; quoique plus problématique à décoder, la situation pourrait avoir été similaire à Spy.

56 Dans le cas de La Naulette, il semble que Dupont ait d’abord implanté un simple sondage puis que, constatant l’épaisseur des sédiments, il ait modifié sa stratégie et fait creuser un tunnel à partir du fond de ce puits.

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5.5 - Éclairage

57 A la grotte de Spy, l’éclairage du tunnel de fouilles se faisait à la bougie. A La Naulette, les fouilleurs disposaient leurs sources de lumière dans des niches creusées dans les parois du tunnel, sans qu’il soit possible de préciser s’ils utilisaient également des bougies ou des lampes de mineurs alimentées en huiles végétales. Aucune trace de fumée n’a été constatée dans les cinq niches observées. Il est probable qu’en 140 ans, l’humidité ambiante a eu le temps d’effacer ces traces. Il est également possible que l’absence de traces témoigne de la brièveté d’utilisation du tunnel.

5.6 - Inconvénients

58 Le recours au creusement de tunnels pour explorer les sédiments profonds de grottes et abris est dangereux. De Puydt lui-même finit par s’en effrayer à la grotte de Spy.

59 Dans cette technique, la relative facilité d’exécution et donc une certaine forme d’efficacité dans la récolte de matériel archéologique et paléontologique l’emportent clairement sur la précision des informations récoltées. En effet, le creusement de tunnels dans des conditions d’éclairage souvent précaires induit forcément le mélange des couches stratigraphiques successivement rencontrées, donc du matériel d’époques variées. C’est d’ailleurs peut-être en partie ce phénomène des tunnels - comme probablement d’autres aspects du manque de finesse des fouilles de l’époque - qui conduira à la « légende » de la poterie paléolithique, véhiculée à la fin du XIXème siècle par des chercheurs aussi sérieux que J. Fraipont, et dont la grotte de Spy et le Trou Al’Wesse comptent parmi les exemples emblématiques (Fraipont et Braconier 1887).

6 - Conclusion

60 La réalisation de tunnels à la fin du XIXème siècle et au début du XXème pour explorer les sédiments de diverses grottes intéressantes sur les plans archéologiques et anthropologiques est passée quasi inaperçue des chercheurs qui s’intéressent à l’histoire de la préhistoire et aux développements des méthodes de fouilles. Une telle pratique n’a cependant pas été si isolée qu’on pourrait le croire en première approche sur base des rares mentions à ce propos, essentiellement à la grotte de Spy. En fait, rien que dans les grottes paléolithiques du bassin mosan belge, deux nouveaux exemples ont été récemment mis en évidence, d’abord au Trou Al’Wesse en 1993, puis à la caverne de La Naulette en 1999. C’est dans ce dernier site que la technique a pu être la mieux documentée, dans la mesure où le tunnel creusé par E. Dupont en 1866 est presque intégralement préservé et où il a donc été possible d’en dresser un plan et des coupes ainsi que d’étudier les détails de son creusement. A Spy par contre, les informations disponibles se limitent à quelques phrases dans des articles et lettres manuscrites ainsi qu’à un plan très partiel réalisé près de quatre décennies après la fouille. Le tunnel du Trou Al’Wesse, encore en grande partie conservé, reste à fouiller.

61 Le recours à cette méthode paraît certes barbare aux yeux des fouilleurs actuels, habitués à des techniques soigneuses et plus respectueuses de la stratigraphie. A une époque où la recherche préhistorique n’en était qu’à ses débuts et où aucune réelle technique de fouille n’avait encore été mise au point, elle correspond aux tâtonnements méthodologiques de chercheurs qui avaient à concilier un cruel manque de moyens à

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l’importance des sédiments qu’ils souhaitaient explorer. Ces premiers préhistoriens n’avaient en outre pas encore réalisé qu’une fouille fine livrait de multiples sortes d’informations relatives au contexte des objets, ces derniers étant alors la principale motivation de leurs fouilles.

62 Il reste à espérer que la présentation du tunnel de La Naulette suscitera des recherches similaires à propos des autres souterrains de fouilles du XIXème. Il serait, à cet égard, particulièrement intéressant de rassembler et d’étudier l’éventuelle documentation encore disponible relative aux galeries de Laugerie-Basse et de La Micoque et de rechercher d’autres exemples de cette ancienne pratique de fouilles. La question des galeries pratiquées dans diverses grottes de Grande Bretagne, notamment dans les grottes des « Mendip Hills », dans le comté de Somerset, et de leur relation avec les travaux des mineurs, des chercheurs de grottes et des premiers archéologues, mériterait également d’être étudiée en détail.

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ANNEXES

Abridged English version

1 - La Naulette

La Naulette, Southern Belgium (fig.1), is one of the archaeological cave sites that most influenced the development of 19th century palaeoanthropology, following the discovery of a Neandertal hemimandible by the geologist Edouard Dupont in 1866. The human remains from La Naulette have never been dated. However, the mandible presents archaic features and fits within the biometric variability of Neandertals and their pre-Neandertal ancestors. Stratigraphic evidence also suggest it may be older than “classic Neandertals”. On the other hand, the ulna found in the same level by Dupont shows modern morphological characters, but these could be interpreted as “plesiomorphies”. Since 1999, a new programme of multidisciplinary research has been undertaken at La Naulette. The object of this programme is fourfold: first, study the stratigraphy and the palaeoenvironment; second, date the context of the human skeletal remains; and third, ascertain whether the undisturbed deposits can yield new human fossils. In August of 1999, first year of the new programme, we came across an intriguing testimony of a lesser-known and peculiar excavation technique some 19th century cave diggers made use of, consisting in digging underground passages, much in the manner of coal miners’galleries, to work the ‘veins’ that archaeological or palaeontological deposits symbolized. The roof of such a gallery partially collapsed under the weight of a 1999 digger who was working in a trench, causing him to slip down a mostly backfilled hole (fig. 3). We were soon able to ascertain the anthropogenic nature of the hole when we noticed the pick marks on the walls and, after we examined the section drawing of the cave Dupont had published in 1867, we were able to confirm its origin. On Dupont’s section (fig. 4), the lower layers appear separated from the upper layers by a narrowing corresponding to the access hole of the gallery. Since the drawing was quite schematic, only new excavations could explain that this detail of the drawing represented the gallery, which was apparently dug between January and March 1866. The gallery is located at the far back of the cave (fig. 2). An ovoid, vertical hole 2.3 x 1.9 m wide and minimum 2 m high (fig. 5, section 1, and fig. 6) gives access to it from its northern wall. The gallery is 10 m in length, forms an arc of a circle and bears no trace of reinforcement with wood. It was dug through the fine, dense sediments, almost devoid of any coarse elements. At the time of discovery, the top 60 cm under the arched roof were empty, while the remaining 1.6 m were filled with backfill. About midway in

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its northern wall there is a small, perpendicular branch 1.5 m long. Under the fortuitous opening that allowed the discovery of the gallery, the only area where a complete section could be drawn in somewhat good conditions, the gallery is 1.2 m wide at the base for a height of 2.2 m (fig. 5: b). The difference in level between the two ends is 4 m, that is, an incline of roughly 25° (fig. 5: c). Countless and densely packed pick marks cover the walls of the gallery (fig. 6). Their width at the base is approximately 3.5 cm. The hits struck in a downward direction. Five niches on average 41.2 cm in height, 23.3 cm in breadth and 16.4 in depth were also observed (fig. 7), two of them in the access hole. The excavators probably used them for putting down their lamps or candles.

2 - Other sites

Although the excavation technique consisting in digging underground passages may seem strange today, put into its chronological context, a period when prehistoric archaeology was in its infancy, it appears less ‘un-scientific’. In 1866, Dupont had at his disposal very few, maybe even no, information about excavation techniques. He had to create almost everything in the matter. Being a trained geologist, so well versed into the mining industry working methods, it was only natural he sought inspiration in these, at least in some places. Besides, this technique has not been such an uncommon occurrence throughout the development of European prehistoric researches. During their excavations at the Spy cave (province of Namur) in 1886, Marcel De Puydt, an archaeologist from Liège, and Maximin Lohest, at the time assistant lecturer in the Department of geology at the University of Liège, explored an ‘ossiferous level’ in much the same way. In the course of these somewhat unorthodox proceedings, which made either plan or section drawing impossible, they unsuspectingly cut through several distinct stratigraphic units, until they came across the remains of a first Neanderthal skeleton (Spy 2). Realizing the significance of their finding, the diggers resorted back to sounder methods and had an open trench dug into the level ground before the cave, which allowed them to unearth a second partial skeleton of a Neanderthal Man (Spy 1) under conditions more conducive to good observation. Very little is known about the Spy galleries (fig. 8). It seems that their layout was irregular and that they were reinforced with wood, because of the nature of the sediments; that there were probably a number of smaller branches; that one of the galleries almost cut through the middle of the cave entrance, where Spy 2 was found; and that the galleries were abandoned because the method was deemed both too dangerous and lacking in the necessary precision. Another gallery, never before reported, was discovered in 1993 at Trou Al’Wesse (Province of Liège) (fig. 9). It has been under study since the summer of 2004, as part of the second phase of modern excavations at the site. Some questions remain unanswered, such as who dug the gallery (either Dupont, around 1870, or more probably Fraipont and Braconier, around 1885-1887). They apparently started by digging a horizontal trench through the slope before the mouth of the cave, then, the trench becoming too high, progressively converted it into a gallery as they went along. The roof of the gallery was arched and the walls flared slightly towards the base. It was

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not completely filled. Timber found on the ground may indicate some portions of the gallery were reinforced. Other galleries, on which there is scarcity of information, were also dug in Périgord, notably by E. Massénat around 1870 in the rock-shelter of Laugerie-Basse and by O. Hauser at La Micoque as well as, quite anachronistically, at Regourdou in the 1950s (fig. 10). Several prehistoric caves of Great-Britain, notably in the Mendip Hills, in the South West, were discovered in the 19th century by miners employed by collectors and amateur archaeologists. In 1926-1927, the same technique was used in the third Creag nan Uamh cave, in Scotland (fig. 11). Megalithic round barrows were also excavated by means of galleries and shafts, in order to gain quick access to central chambers with a minimum of effort, like at Saint- Michel, Carnac (Morbihan), at the end of the 19th century and beginning of the 20th century. The same is true of numerous gallo-roman tumuli, notably in the Hesbaye region around Liège.

3 - Analysis

Dupont was seemingly pioneering the technique of digging underground passages in 1866 when he was exploring the sediments of the cave of La Naulette in the Belgian Meuse Basin. Soon after, Massénat did the same at Laugerie-Basse around 1870. In 1886, Lohest and De Puydt used the same technique to explore the ground before the Spy cave. The gallery at Trou Al’Wesse dates apparently from the same period than that of Spy, 1885 or 1886, although the exact date remains open to question. Most of the other excavation galleries, particularly in round barrows, seem also to date from the late 19th/early 20th century. The one from 1950 at Regourdou represents one of the last instances of the technique. The primary motivation behind the technique consisting in digging galleries as a means to explore sediments of archaeological sites resides obviously in the simplicity of the processes involved to gain access to the lower layers, without having to dig large open trenches. But this is quite dangerous, as exemplified by the excavators at Spy who eventually voiced their concern. Technical differences are perceptible between the different galleries. The one at Spy had its walls and roof partially reinforced with wood. This is not the case at La Naulette where the arched roof is self-supporting. The nature of the sediments, compact, homogeneous clayey silt at La Naulette versus very stony and looser layers at Spy, accounts for these differences. At La Naulette, access to the gallery was gained through the bottom of a vertical hole. At Trou Al’Wesse, the gallery entrance began as a gentle slope, directly from the edge of the ground before the cave. Also, the relative straightforwardness of the technique, and consequently some level of efficiency in gathering archaeological and palaeontological material, far outweighs the precision of the data captured. For the digging of galleries results inevitably in mixing up stratigraphic layers, and, by the same process, material from various periods. These late 19th century excavation galleries found in some caves went mostly unnoticed by researchers studying the history of prehistory and the developments of excavation techniques, which might give the impression that the practice was less common than it really was. And although this practice certainly seems rather crude to

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the eyes of contemporary excavators, at a time when prehistoric research was in its infancy and no real excavation method had yet been developed, it corresponded to methodological trial and errors from researchers attempting to reconcile a dire lack of resources with the sheer size of the sediments they wanted to study. These early prehistorians had not yet understood that a carefully conducted excavation yielded many kinds of informations relative to the context of archaelogical artefacts, these being at that time the main motivation of their work.

RÉSUMÉS

Lors de fouilles récentes à la caverne de La Naulette, dans le sud de la Belgique, un intéressant témoignage relatif à une pratique méconnue et insolite à laquelle les fouilleurs en grottes de la fin du XIXème siècle ont eu recours à diverses reprises a été mis au jour. Il s’agissait, pour des raisons de facilité, d’économie et d’efficacité, de creuser des galeries souterraines, à la manière des mineurs, pour exploiter les « filons » que représentaient les couches archéologiques ou paléontologiques. Cet article présente en détail le tunnel réalisé en 1866 à la Naulette par le géologue Edouard Dupont, avant de proposer des exemples similaires, quoique moins bien documentés, provenant de la grotte de Spy et du Trou Al’Wesse - également en Wallonie - mais aussi de France et de Grande-Bretagne.

INDEX

Mots-clés : histoire de la préhistoire, technique de fouille, caverne de La Naulette, Grotte de Spy, Trou Al’Wesse, E. Dupont Keywords : history of prehistory, excavation technique, La Naulette cave, Spy Cave, Trou Al’Wesse, E. Dupont

AUTEURS

MICHEL TOUSSAINT Ministère de la Région wallonne, Direction de l’Archéologie, 1 rue des Brigades d’Irlande, 5100 Namur, Belgique - [email protected] ou [email protected]

STÉPHANE PIRSON Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, 29 rue Vautier, 1000 Bruxelles, Belgique - [email protected] ou [email protected]

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