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Séquences La revue de cinéma

Bitter Moon (Lunes de fiel) Maurice Elia

Number 171, April 1994

URI: https://id.erudit.org/iderudit/59469ac

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Publisher(s) La revue Séquences Inc.

ISSN 0037-2412 (print) 1923-5100 (digital)

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Cite this review Elia, M. (1994). Review of [Bitter Moon (Lunes de fiel)]. Séquences, (171), 44–44.

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Il ne craint pas, avec Bitter pour autant se démarquer des trois autres. lean-Claude Petit — Personnes interviewées: Moon, de prouver par a+b que les couples Donnons-lui encore quelques années: elle Marthe Robert, Paule Thévenin, Henri Thomas se trompent sur toute la ligne et que le et Jacqueline Adamov — Prod.: Laura saura peut-être s'affirmer avec plus Productions, Films d'ici — France — 1993 — meilleur moyen d'exprimer son amour, d'aisance, dans un film qui ne sera pas 170 minutes — Dist.: Films d'ici Distribution. c'est de l'étouffer avant qu'il vous étouffe signé de la griffe de son mari. ou de le laisser éclater en gerbes de feu, Signalons enfin, pour les partisans de avant que sa puissance silencieuse ne vous l'érotisme feutré, que les scènes «chaudes» Bitter Moon démolisse. de Bitter Moon n'émoussent pas la Pour restituer l'atmosphère de passion possibilité de s'émouvoir devant des Sans affirmer qu'en portant à l'écran qui baigne dans le roman de Bruckner et suggestions qui, à perdre en franchise, le roman de Pascal Bruckner, Lunes de lui donner sa véritable dimension gagnent en perversité. fiel, ait voulu exorciser la cinégénique, Polanski insère dans son film majorité de ses propres démons, on quelques répliques foudroyantes et des Maurice Elia pourrait affirmer sans ambiguïté qu'il est images cadrées avec un soin délicat. Il parvenu à brosser le portrait d'une passion donne également au «couple secondaire» morbide en s'aidant de plusieurs aspects la chance de participer pleinement à la BITTER MOON (Lunes de fiel) — Réal.: Roman de sa propre personnalité. Après Frantic et violence erotique et destructrice du Polanski, Gérard Brach et d'après le roman de Pascal Bruckner Lunes de quelques erreurs de parcours comme premier. Nigel et Fiona finissent par fiel — Phot.: Tonino Del li Colli — Mont. Pirates, Polanski a décidé, à défaut de divulguer leur véritable identité secrète, Glenn Cunningham — Mus.: — Cost. pouvoir retrouver ses précédentes patries aidés dans leur entreprise par les exercices Jackie Budin — Son: Daniel Brisseau — Int. (Pologne, Amérique), de se créer sado-masochistes d'Oscar et Mimi. Peter Coyote (Oscar), finalement la sienne propre en revenant à (Mimi), (Nigel), Kristin Scott L'art de Polanski a également été de Thomas (Fiona), Victor Bannerjee (Mr Singh), l'atmosphère des films qui avaient fait sa freiner les excès du roman, de faire fléchir Sophie Patel (Amrita), Patrick Albenque gloire, comme Rosemary's Baby, son dénouement, de lui donner ses (Steward) — Prod.: Robert Benmussa — Repulsion ou Le Locataire. Quitte à devoir caractéristiques propres. Il s'est entouré France/Grande-Bretagne — 1992 — 139 minutes — Dist.: Action Film. s'enraciner quelque part, autant d'abord de son scénariste fétiche (Gérard revendiquer le droit à une identité Brach) ainsi que d'acteurs au talent qui ambiguë, choisir au sein de son art son n'est plus à faire. En tête, mentionnons univers d'adoption. Au moins là, plus Peter Coyote, devenu l'Américain préféré Ruby in Paradise question de venir lui parler d'interdiction des cinéastes européens, lorsque ceux-ci de séjour. cherchent celui qui pourrait interpréter le En ces temps où le cinéma américain L'histoire qu'il nous raconte est celle rôle de «l'écrivain» (on l'a vu écrivain se distingue particulièrement par une d'un écrivain américain raté et de la jeune dans Un homme amoureux de Diane surenchère d'effets spéciaux et de Française dont il tombe amoureux. Tous Kurys, dans Kika de Pedro Almodovar). violence, on ne s'attend pas à découvrir un deux essaient d'échapper à la monotonie Etonnant qu'il n'ait pas été choisi pour film basé sur l'introspection d'une jeune d'un amour quotidien en donnant à leur jouer Henry Miller dans Henry and June. femme face à la vie quotidienne. On passion descendante les vitamines À ses côtés, la retenue des deux Anglais, espérerait voir un Européen traiter d'un tel nécessaires à sa constante refloraison. Ici, Kristin Scott-Thomas et surtout l'excellent sujet, mais le réalisateur indépendant pas de rigolades ni de ritournelles, pas de Hugh Grant, devrait être citée en exemple. américain Victor Nunez l'aborde dans son surprises ou d'inventions éblouissantes, Dans une vingtaine d'années, je prédis troisième long métrage, Ruby in Paradise. genre Alexandre Jardin. Oscar et Mimi qu'on donnera à ce dernier tous les rôles L'entreprise demandait du courage: le devaient peut-être se séparer au plus fort néo-réalisme tel que défini par Zavattini ne de leur passion, se quitter «par excès se pratique plus depuis belle lurette et le d'harmonie, comme d'autres se suicident public demande généralement autre chose par excès de bonheur». Mais c'était sans du cinéma, puisque la télévision le nourrit, compter sur leur énergie sauvage, les voire le gave, d'émissions dont la tempêtes de braise qui les habitent en thématique reflète la vie quotidienne de permanence. Une fois les moments de gens venant de divers milieux de la société grande luxure derrière soi, leur perversion américaine. Pourtant, Nunez, qui nous a se transforme en aversion mutuelle, en donné Gai Young'Un en 1980 et A Flash méchanceté, en cruauté. of Green en 1985, cherchait une histoire Anomalie lui-même dans le monde qui pourrait se réaliser avec des moyens cinématographique d'aujourd'hui, modestes. Il a donc développé cette idée Polanski sait parler des anomalies des de scénario qui, semble-t-il, le hantait autres. Car peut-être sont-ce aussi les depuis plusieurs années. siennes: c'est cela qui restera toujours Emmanuelle Ruby Lee Gissing, originaire des fascinant dans son cinéma. Le cinéaste que l'on destine aujourd'hui à Anthony Seigner montagnes du Tennessee, n'en peut plus part à la recherche des mythologies Hopkins. Complétant le quatuor, de l'esprit étroit qui y règne. Elle prend la sentimentales, les désamorce avec talent et Emmanuelle Seigner ajoute une note route vers le Sud pour aboutir en Floride, à analyse à la loupe tout ce qui s'y trouve vigoureuse au personnage de Mimi, sans Panama City Beach, un lieu dont elle se

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