Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine

106-3 | 2018 Trajectoires de vulnérabilité des territoires de montagne face aux changements globaux Mountain Areas’ Trajectories of Vulnerability Amidst Global Change

Dominique Baud et Anouk Bonnemains (dir.)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/rga/4791 DOI : 10.4000/rga.4791 ISSN : 1760-7426

Éditeur Association pour la diffusion de la recherche alpine

Référence électronique Dominique Baud et Anouk Bonnemains (dir.), Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018, « Trajectoires de vulnérabilité des territoires de montagne face aux changements globaux » [En ligne], mis en ligne le 31 décembre 2018, consulté le 06 mai 2019. URL : http:// journals.openedition.org/rga/4791 ; DOI:10.4000/rga.4791

Ce document a été généré automatiquement le 6 mai 2019.

La Revue de Géographie Alpine est mise à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. 1

SOMMAIRE

Trajectoires de vulnérabilité des territoires de montagne face aux changements globaux Dominique Baud et Anouk Bonnemains

Mountain Areas’ Trajectories of Vulnerability Amidst Global Change Dominique Baud et Anouk Bonnemains

Construction interdisciplinaire d’une trajectoire socio-écologique de vulnérabilité à l’exemple du territoire des Quatre Montagnes (Isère, ) de 1950 à 2016 Thomas Spiegelberger, Agnès Bergeret, Émilie Crouzat, Leita Tschanz, Delphine Piazza-Morel, Jean-Jacques Brun, Dominique Baud et Sandra Lavorel

Interdisciplinary Construction of a Socio-ecological Vulnerability Trajectory Based on the Quatre Montagnes (Isère, France) Area from 1950 to 2016 Thomas Spiegelberger, Agnès Bergeret, Émilie Crouzat, Leita Tschanz, Delphine Piazza-Morel, Jean-Jacques Brun, Dominique Baud et Sandra Lavorel

Changements climatiques et vulnérabilité des territoires : regards de montagnards sur l’évolution des risques et l’adaptation dans deux vallées pyrénéennes Christine Bouisset, Sylvie Clarimont et Isabelle Degrémont

Climate Change and Vulnerability in Local Areas: Attitudes to Evolving Risks and Adaptation in Two Pyrenean Valleys Christine Bouisset, Sylvie Clarimont et Isabelle Degrémont

Figuier de barbarie ou arganier ? Nouvelles mutations des systèmes agrosylvopastoraux dans une vallée de la montagne des Aït Baamrane (Maroc) Majda Mourou, Antonin Adam, Cardon Clothilde, Mohamed Aderghal, Michel Vaillant, Lhassan Benalayat et Bruno Romagny

Prickly Pear or Argan Tree? Agrosilvopastoral Systems of a Mountain Valley in Ait Baamrane () Face Changes Majda Mourou, Antonin Adam, Clothilde Cardon, Mohamed Aderghal, Michel Vaillant, Lhassan Benalayat et Bruno Romagny

Trajectoires de vulnérabilité des territoires ruraux dans les Andes d’Équateur : une analyse comparative Nasser Rebaï et Julio A. Alvarado Vélez

Trajectories of Vulnerability of Rural Territories in the Ecuadorian Andes: a Comparative Analysis Nasser Rebaï et Julio A. Alvarado Vélez

Désenchantement dans les Tatras. La vulnérabilité des « Alpes de poche » (Slovaquie) Michel Lompech

Disenchantment in the Tatras. The Vulnerability of the “Pocket Alps” (Slovakia) Michel Lompech

Trajectoires d’adaptation face au changement climatique : analyse et transformation du système de gouvernance du massif ardennais Jon Marco Church

Pathways of Adaptation to Climate Change: Analysis and Transformation of the Governance System of the Ardennes Mountain Area Jon Marco Church

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 2

Trajectoires de vulnérabilité des territoires de montagne face aux changements globaux

Dominique Baud et Anouk Bonnemains

1 Comment appréhender les impacts des changements globaux sur les territoires ? Comment rendre intelligibles des dynamiques constitutives de l’évolution des territoires de montagne sur le temps long ? Ce dossier thématique du Journal of alpine research/Revue de géographie alpine intitulé « trajectoires de vulnérabilité des territoires de montagne face aux changements globaux » vise à questionner les dynamiques territoriales au croisement des phénomènes sociétaux et des phénomènes climatiques et environnementaux sur une temporalité longue. C’est donc un retour réflexif sur la construction des territoires à travers l’entrée des trajectoires de vulnérabilité que nous proposons de développer.

2 Ce numéro renforce l’idée selon laquelle la vulnérabilité des territoires nécessite un questionnement à l’aune des évolutions conjointes de la société et de l’environnement. Les changements globaux en sont une parfaite illustration et mettent en avant la nécessité d’avoir un regard global pour analyser les dynamiques territoriales en cours. Leur étude nous permet de comprendre comment les évolutions sociétales, économiques et environnementales peuvent modifier les modèles de développement des territoires de montagne. Recourir à la notion de trajectoire permet ainsi de désigner les tendances majeures des évolutions d’un système, puisque des réponses à court terme aux évolutions structurantes pour le futur peuvent renforcer la vulnérabilité du territoire à long terme. La trajectoire traduit un enchaînement de processus qui définit une évolution spécifique à chaque territoire et dans des temporalités pouvant être variables. À travers le concept de trajectoires, c’est l’ensemble des temporalités et des acteurs à l’initiative de ces transformations qui doivent être convoqués. C’est également la possibilité de mettre en avant des points de rupture dans les dynamiques territoriales liées autant à des chocs internes (effondrement du modèle organisationnel, épuisement des ressources, catastrophes naturelles, etc.) qu’à des chocs externes aux territoires (crise économique, changements climatiques, etc.) remettant ou non en question leurs modèles de

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 3

développement. En ce sens ce sont des séquences entières de mutations, transformations, bifurcations dans les trajectoires territoriales qui sont identifiables.

3 La trajectoire donne un aspect dynamique et temporel à la vulnérabilité, qui ne peut se focaliser uniquement sur un temps « t ». La vulnérabilité est envisagée ici au sens large comme le produit du degré d’exposition, de la sensibilité (l’ensemble des facteurs déterminant les modalités d’atteinte d’une société) et des capacités d’adaptation face à un changement (Smit & Wandel, 2006). Ainsi, recourir à la notion de trajectoire permet de mettre en valeur la transformation de la vulnérabilité des territoires.

4 Les articles rassemblés dans ce numéro donnent un panorama de divers territoires de montagne questionnés par cette problématique, qu’ils soient situés en Équateur, en Europe de l’Est (dans les Tatras), au Maroc ou encore en France. Dans chaque cas, les auteurs ont volontairement opté pour une compréhension globale des dynamiques territoriales en s’attachant à prendre en compte un ensemble d’éléments (socio- économiques, politiques, climatiques et environnementaux) afin d’appréhender la trajectoire de vulnérabilité d’un territoire. Comment à partir de ces diverses données reconstitue-t-on ces trajectoires et quelles questions cela peut-il poser ?

5 Tout d’abord, l’article collectif de Thomas Spiegelberger utilise la frise chrono-systémique comme outil intermédiaire de connaissances interdisciplinaires permettant de reconstituer les trajectoires territoriales à la croisée des sciences humaines et des sciences de la terre. En se basant sur une étude de cas du territoire des Quatre Montagnes dans le Vercors, ce groupe de chercheurs propose une méthodologie pour le suivi des trajectoires de vulnérabilité d’un espace et de ses ressources environnementales.

6 La contribution de Christine Bouisset, Sylvie Clarimont et Isabelle Degrémont s’intéresse aux représentations des acteurs locaux face aux changements climatiques, à leur évolution dans le temps et à la manière dont celles-ci sont susceptibles de modifier la vulnérabilité aux risques des territoires de montagne à travers l’étude de deux vallées pyrénéennes. Les auteures cherchent également à analyser comment les perceptions liées aux changements climatiques peuvent influencer les capacités d’adaptation et aggraver la vulnérabilité des territoires étudiés. L’article montre ainsi comment les relations des acteurs à l’environnement influencent les trajectoires des territoires.

7 Au Maroc, la plantation massive de figuier de barbarie dans la vallée de Tazrout incite Majda Mourou et ses co-auteurs à questionner la trajectoire de vulnérabilité au prisme des changements successifs des systèmes agraires et de l’organisation socio-économique du territoire. Ce texte nous montre que le développement d’un système agraire, même en entrainant une certaine résilience avec le retour d’un équilibre écologique, peut avoir comme effet d’accentuer la vulnérabilité sociale. En effet, en faisant le choix d’une spécialisation agricole tournée quasi-exclusivement vers le figuier de barbarie le territoire connait l’augmentation de conflits sociaux autour de l’accès au foncier et de la répartition de la richesse. Les auteurs proposent alors deux scenarios possibles dont l’un combinant les cultures du figuier et de l’arganier qui permettrait de réduire les impacts sur la dimension sociale.

8 Dans leur article Nasser Rebaï et Julio A. Alvarado Vélez questionnent l’impact des politiques publiques du secteur primaire dites de modernisation sur la sierra équatorienne. Plusieurs situations locales sont analysées et mettent en avant le fait que ces politiques ont accentué la vulnérabilité sociale et environnementale de ce territoire

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 4

face aux changements globaux. Il s’agit ici de caractériser ces évolutions et de montrer comment une conjoncture d’évènements va amplifier la vulnérabilité du territoire.

9 Sur un temps plus court que l’étude précédente, la contribution de Michel Lompech montre qu’un évènement extrême peut-être le point de départ de l’analyse d’une trajectoire de vulnérabilité à travers son étude du versant slovaque des Tatras. L’auteur questionne ici l’interaction entre une évolution politique particulièrement prégnante pour ce territoire (apogée et chute du régime socialiste) et une évolution environnementale qui permet de reconstituer la trajectoire de vulnérabilité de ces « Alpes de poche ».

10 Enfin, l’analyse des trajectoires de vulnérabilité permet également d’envisager une dimension prospective comme nous le montre l’article de Jon Marco Church sur l’analyse du système de gouvernance du massif forestier des Ardennes en interrogeant les méthodes de recherche transformationnelle en matière de durabilité. Après avoir mis en exergue les principales vulnérabilités de ce territoire, l’auteur tente de construire des stratégies prospectives et d’identifier des adaptations du système de gouvernance par rapport au changement climatique pour aller vers une plus grande durabilité.

11 Ces différents articles montrent que l’analyse par les trajectoires de vulnérabilité est une grille de lecture particulièrement opérante pour identifier les dynamiques territoriales à l’aune des changements globaux. L’intérêt de ce concept réside en grande partie dans sa capacité à intégrer les différentes dimensions des transformations territoriales dans une pensée systémique et globale articulant plusieurs échelles spatiales.

12 L’analyse des trajectoires de vulnérabilités permet de donner de la matière à penser aux décideurs en identifiant les catalyseurs des transformations du territoire et les facteurs d’accentuation des vulnérabilités (socio-economiques et environnementales). À partir de là des scénarios prospectifs peuvent être imaginé dans la recherche d’alternatives au fonctionnement actuel des territoires pour mettre en place une adaptation aux changements globaux ancrée localement.

BIBLIOGRAPHIE

Grataloup C., 2005.– « Géographie historique et analyse spatiale : de l’ignorance à la fertilisation croisée » , in Boulanger P., Trochet J.-R. (dir.), Où en est la géographie historique ? Entre économie et culture, Paris, p. 33-42.

Magnan A., 2010.– « Questions de recherche autour de l'adaptation au changement climatique », Natures Sciences Sociétés, 2010 Vol. 18/3, p. 329-333.

Magnan A., Duvat V., Garnier E., 2012.– « Reconstituer les “trajectoires de vulnérabilité” pour penser différemment l'adaptation au changement climatique », in Natures Sciences Sociétés, 2012 Vol. 20/1, p. 82-91.

Smit B., Wandel J., 2006.– « Adaptation, adaptive capacity and vulnerability », in Global Environmental Change, n°16, pp. 282–292

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 5

Spindler J., 2005.– « Le financement des politiques locales du tourisme ». In Annuaire des collectivités locales. Tome 25. pp. 55-64.

Longépée E., 2014.– « La résilience des systèmes socio-écologiques des États atolliens dans le contexte du changement climatique : le cas de Kiribati (Pacifique Sud) », Thèse de Géographie. Université de La Rochelle, p 501.

AUTEURS

DOMINIQUE BAUD

Maîtresse de conférences, Université Grenoble Alpes. [email protected]

ANOUK BONNEMAINS

Post-doctorante. Projet de recherche COMON. Laboratoire CDPPOC. Université de Savoie-Mont Blanc. [email protected]

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 6

Mountain Areas’ Trajectories of Vulnerability Amidst Global Change

Dominique Baud and Anouk Bonnemains

1 How should we understand the different ways in which global changes are affecting territories? And how can the dynamics that form part of mountain areas’ long-term evolution be made intelligible? The aim of this thematic issue of the Journal of Alpine Research/Revue de géographie alpine, entitled “Mountain areas’ trajectories of vulnerability amidst global change”, is to explore the territorial dynamics at the crossroads of societal phenomena and climatic and environmental phenomena within a long time frame. Thus, we propose a consideration of how areas are constructed and will do so by relying on the notion of trajectories of vulnerability.

2 This issue strengthens the idea that areas’ vulnerability has to be studied by taking into account the simultaneous evolutions that society and the environment have undergone. Global changes are a perfect illustration of this and highlight the need to analyse the current territorial dynamics from a global perspective. Studying them allows us to understand how societal, economic and environmental changes can alter mountain areas’ development models. Drawing on the notion of a trajectory makes it possible to point to major trends in a system’s development since short-term responses to changes that may be consequential in the future can increase the territory’s vulnerability in the long term. The trajectory is a chain of processes constituting an evolution that is specific to each territory and can take place in multiple time frames. All the time frames and actors involved in these transformations have to be included in the concept of trajectories. The possibility of illuminating points of rupture in the territorial dynamics, linked as much to internal shocks (collapse of the organisational model, resource depletion, natural disasters etc.) as to shocks that are external to the territories (economic crisis, climate change etc.), may also call their development models into question. In this sense, entire sequences of mutations, transformations and bifurcations in the territorial trajectories can be identified.

3 The trajectory gives a dynamic and temporal aspect to vulnerability, which cannot focus solely on a particular moment in time. Here, vulnerability is broadly considered as a product of the degree of exposure, of sensitivity (the totality of the factors that determine

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 7

a society’s involvement) and of the capacity to adapt to change (Smit & Wandel, 2006). Thus, using the notion of trajectory permits us to highlight the transformation that the vulnerability of territories is undergoing.

4 The articles included in this issue provide an overview of various mountain areas, from Ecuador to France, Morocco and Eastern Europe (the Tatra Mountains). In each case, the authors voluntarily opted for a global understanding of territorial dynamics and the trajectory of a territory’s vulnerability by taking into considering a set of (socio- economic, political, climatic and environmental) elements. How can these various data points reconstruct the trajectories, and what are the issues it might raise?

5 First of all, Thomas Spiegelberger’s group article uses the chronosystemic frieze as an intermediary tool of interdisciplinary knowledge to reconstruct territorial trajectories at the intersection of human sciences and earth sciences. Basing their work on a case study of the Quatre Montagnes area in the Vercors region, the group of researchers proposes a methodology to monitor the trajectories of vulnerability of a space and its environmental resources.

6 Christine Bouisset, Sylvie Clarimont and Isabelle Degrémont’s article focuses on the representation of local actors amidst climate change, how it evolves over time and how it can modify the mountain area’s vulnerability to risk. The authors also analyse how perceptions related to climate change can influence adaptive capacities and increase the particular areas’ vulnerability. In this way, the article shows how the actors’ relationship to the environment influences territorial trajectories.

7 In Morocco, the massive planting of prickly pears in the Tazrout Valley spurred Majda Mourou and her co-authors to examine the trajectory of vulnerability through the prism of successive changes that the area’s agrarian systems and socio-economic organisation have undergone. This article shows us that the development of an agrarian system, even if it leads to a certain resilience with the return of an ecological balance, may intensify social vulnerability. Indeed, following the choice of an agricultural specialisation geared almost exclusively towards the prickly pear cactus, the area has experienced rising social conflict regarding land access and the distribution of wealth. The authors offer two possible scenarios, one of which combines the growing of the fig tree and the argan tree and would help reduce the burden on the social dimension.

8 In their article, Nasser Rebaï and Julio A. Alvarado Vélez consider the impact of so-called modernisation public policies in the primary sector on Ecuador’s Sierra region. Several local spots are analysed and reveal that the policies have exacerbated this area’s social and environmental vulnerability amidst global changes. The work involves identifying these evolutions and showing how a series of events will increase territorial vulnerability.

9 Focusing on a shorter period of time than the previous work, Michel Lompeche’s study of the Slovak side of the Tatra Mountains shows that an extreme event may be the starting point for analysing a trajectory of vulnerability. The author examines the interaction between a particularly significant political evolution for this area (peak and downfall of the socialist regime) and an environmental evolution that makes it possible to reconstitute the trajectory of vulnerability of these “pocket Alps”.

10 Finally, the analysis of trajectories of vulnerability also makes it possible to consider a prospective dimension, as demonstrated by Jon Marco Church’s article analysing the Ardennes forest massif’s governance system by probing transformational research methods in the field of sustainability. After highlighting the area’s primary

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 8

vulnerabilities, the author proceeds to build forward-looking strategies and identify adaptations of the governance system in relation to climate change to move towards greater sustainability.

11 These different articles show that an analysis using vulnerability trajectories produces a particularly effective reading grid to identify territorial dynamics in the light of global changes. The importance of this concept lies mainly in its ability to integrate the different dimensions of territorial transformations into a systemic and global way of thinking that links together several spatial scales.

12 The analysis of the trajectories of vulnerability makes it possible to give some thought to the decision-makers by identifying the catalysts of the territory’s transformations and the factors increasing (socio-economic and environmental) vulnerabilities. From there, in the search for alternatives to the current functioning of territories, prospective scenarios can be imagined to put in place a locally anchored adaptation to the global changes.

BIBLIOGRAPHY

Grataloup C., 2005.– « Géographie historique et analyse spatiale : de l’ignorance à la fertilisation croisée » , in Boulanger P., Trochet J.-R. (dir.), Où en est la géographie historique ? Entre économie et culture, Paris, p. 33-42.

Magnan A., 2010.– « Questions de recherche autour de l'adaptation au changement climatique », Natures Sciences Sociétés, 2010 Vol. 18/3, p. 329-333.

Magnan A., Duvat V., Garnier E., 2012.– « Reconstituer les “trajectoires de vulnérabilité” pour penser différemment l'adaptation au changement climatique », in Natures Sciences Sociétés, 2012 Vol. 20/1, p. 82-91.

Smit B., Wandel J., 2006.– « Adaptation, adaptive capacity and vulnerability », in Global Environmental Change, n°16, pp. 282–292

Spindler J., 2005.– « Le financement des politiques locales du tourisme ». In Annuaire des collectivités locales. Tome 25. pp. 55-64.

Longépée E., 2014.– « La résilience des systèmes socio-écologiques des États atolliens dans le contexte du changement climatique : le cas de Kiribati (Pacifique Sud) », Thèse de Géographie. Université de La Rochelle, p 501.

AUTHORS

DOMINIQUE BAUD

Lecturer, University of Grenoble Alpes. [email protected]

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 9

ANOUK BONNEMAINS

Post-doctorate. Research laboratory CDDPOC. Université de Savoie Mont Blanc. [email protected]

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 10

Construction interdisciplinaire d’une trajectoire socio-écologique de vulnérabilité à l’exemple du territoire des Quatre Montagnes (Isère, France) de 1950 à 2016

Thomas Spiegelberger, Agnès Bergeret, Émilie Crouzat, Leita Tschanz, Delphine Piazza-Morel, Jean-Jacques Brun, Dominique Baud et Sandra Lavorel

NOTE DE L'AUTEUR

Ce projet a été partiellement financé par le LabEx ITEM et le programme GICC ADAMONT.

Les auteurs remercient Marie-Pierre Arlot pour l’initiative et le suivi de ce projet, ainsi que François Véron pour sa contribution en tant qu’expert du territoire.

Introduction

1 L’étude de la vulnérabilité des territoires demande de croiser des processus écologiques avec des dynamiques politiques et socio-économiques, de natures et d’échelles spatio- temporelles différentes. Elle implique un dialogue interdisciplinaire, entre sciences humaines et sociales s’appuyant sur de nouveaux paradigmes de prise en compte de l’environnement (Beck et al., 2006 ; McNeill, 2010 ; Hamman, 2017) et entre celles-ci et les sciences naturelles (MAE, 2005 ; Diaz et al. 2015). L’enjeu en est notamment l’amélioration de la gouvernance adaptative face au changement global (Colloff et al. 2017).

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 11

2 Pour ce faire, les dispositifs interdisciplinaires ont pour gageure de faciliter la construction de connaissances sur les interactions nature-société, en articulant ou en créant des compatibilités entre des concepts, des sources et des méthodes divers.

3 Cet article rend compte d’une expérience d’échanges interdisciplinaires de chercheurs en écologie, géographie et sociologie, le projet exploratoire CHRONO-SE, conçu dans le contexte de recherches partenariales en territoire de montagne (LabEx ITEM1, GICC ADAMONT2). Il s’est agi d’expérimenter sur un territoire particulier – les Quatre Montagnes, correspondant à l’actuelle communauté de communes du Massif du Vercors – la co-construction, sur une frise commune, d’une trajectoire de vulnérabilité, en s’appuyant notamment sur l’articulation entre les concepts de ressources utilisés par les sciences humaines et sociales, et de bouquets de services écosystémiques développés par l’écologie.

4 Cet article dresse les leçons tirées du protocole d’usage de la frise chrono-systémique comme outil interdisciplinaire (Bergeret et al. 2015), en exposant les multiples difficultés et points de vigilance que ce court projet a permis de soulever. La première partie décrit le cadre conceptuel et méthodologique, la seconde partie expose les résultats en matière de connaissances comme de méthode.

Cadre conceptuel et méthodologique

Articulations entre concepts disciplinaires

5 Sur le versant théorique, le collectif s’est proposé d’articuler différents concepts sociologiques et écologiques : le territoire et le socio-écosystème, la ressource et le service écosystémique, et enfin la vulnérabilité.

6 La notion de territoire, telle qu’elle est utilisée en économie, géographie et sociologie, met l’accent sur l’appropriation et construction sociale d’un espace (Gumuchian et Pecqueur, 2007) en étudiant les structures, les acteurs sociaux, les interactions et rapports de force dans la construction des pratiques, des institutions et des processus décisionnels. Celle de système socio-écologique met l’accent sur les relations fonctionnelles, d’interdépendance, et les flux entre les écosystèmes et les activités humaines (Liu et al., 2007 ; Díaz et al., 2015), et s’applique à dresser des cadres opérationnels pour les processus de décision (Barreteau et al., 2016).

7 Les mêmes complémentarités sont à souligner entre services écosystémiques et ressources. Les premiers mettent en lien des demandes socio-économiques et des capacités de l’écosystème à fournir les services demandés et à assurer ses fonctions de support et de régulation (MAE, 2005). On perçoit le potentiel de ce concept comme objet frontière transdisciplinaire (Steger et al., 2018), malgré toute la prévention que l’on peut avoir à son égard (Kull et al., 2015). Des réajustements récents (Diaz et al., 2018) ont d’ailleurs reconnu la dimension socio-culturelle présente transversalement dans tous les différents services. Il apparaît alors intéressant de créer un pont avec l’approche par les ressources en sciences sociales, celle-ci désignant le processus social de génération d’une richesse : chacune permet de mieux comprendre un des deux bouts de l’interaction entre les capacités de l’écosystème et activité humaine. Par ailleurs, la notion de ressource territoriale ajoute une dimension essentielle dans l’étude de trajectoires de vulnérabilité : le processus de spécification et d’ancrage de la ressource par la coordination d’acteurs du

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 12

territoire, alimentant son identité (Gumuchian et Pecqueur, 2007 ; Janin et al. 2016) pourrait, dans le même temps, le rendre plus autonome. Enfin, les synergies et les compromis (trade-offs), évalués dans des bouquets de services, permettent de considérer ensemble les enjeux écologiques d’une activité, des contradictions pouvant exister entre ceux-ci (Raudsepp-Hearne et al., 2009), certaines activités humaines induisant par exemple des services d’approvisionnement qui mettent en tension les services de support et de régulation.

8 Enfin, nous inscrivons notre approche des trajectoires de vulnérabilité dans le sillon d’études sociologiques, économiques, historiques ayant pour point commun de considérer les dynamiques territoriales comme des processus complexes irréversibles, mobilisant différents types de dynamiques à différentes échelles, mêlant relations de causalité et de dépendance au sentier, phénomènes d’émergence, de transition et de ruptures (Mendez, 2010 ; Fischer-Kowalski et Haberl, 2007 ; Geels et Schot 2007 ; McNeill, 2010). Les visions « métaboliques » combinant systèmes d’acteurs et flux de toutes natures (Fischer- Kowalski et Haberl, 2007 ; Buclet, 2015) dressent un pont encore plus étroit avec les écologues.

9 Du côté des écologues, l’actualité de l’étude de la vulnérabilité ne se limite plus aux risques ou aléas environnementaux (IPCC, 2001), à la capacité individuelle à faire face au stress ou au changement (Allen, 2003) ou à l’élaboration d’indices agrégés à partir d’une multiplicité d’indicateurs génériques (Adger, 2004) : ils proposent une vision dynamique et multidimensionnelle de cycles résilients et adaptatifs combinant capacités de résistance, d’apprentissage, de transformation (Walker et al. 2004). On en conclura que la compréhension de la vulnérabilité relève plutôt de l’étude des interrelations entre, d’une part, l’exposition à des aléas environnementaux et la sensibilité des écosystèmes à ces aléas, et d’autre part, les spécificités des configurations et dynamiques socio-économiques locales dans leurs capacités d’adaptation. Nous décomposerons ce second versant (à partir de ce qui vient d’être énoncé, et de Magnan, 2012 et Berrouet, 2018) au travers de : a) la sensibilité du système social face aux modifications des services écosystémiques, le degré de précarité et de solidarité au sein de la population locale ; b) les capacités d’adaptation et de transformation des activités, déterminées en partie par le degré d’autonomie par rapport aux ressources locales, ainsi que par les capacités d’anticipation, de coordination des acteurs et de construction de ressources territoriales ; c) le degré d’interdépendance, de marginalité et de solidarité avec les territoires environnants et le territoire national.

Objectif méthodologique et protocole proposé

10 Sur le versant méthodologique, ces dernières propositions théoriques requièrent des outils de représentation de trajectoires permettant donc de considérer simultanément les dynamiques socio-économiques et écologiques d’un territoire ou socio-écosystème, de mettre en perspective leurs synchronies et a-synchronies et d’évaluer la force des impacts d’un niveau sur un autre : effets multiplicateurs, d’amortissement, de compensation, effets de seuils. Le collectif a choisi d’utiliser les principes de la frise chrono-systémique (Elissalde, 2000) au service d’un outil de construction interdisciplinaire des processus complexes à l’œuvre dans un territoire (Bergeret et al., 2015). Celle-ci présente les différentes dimensions (par exemple économiques, écologiques, politiques) d’une trajectoire territoriale sur différents axes et matérialise les

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 13

liens entre jalons permettant de comprendre la dynamique processuelle. Cette organisation en axes rend possible la mise en évidence de divergences, emboîtements et croisements, entre les périmètres des différentes dimensions du changement territorial au cours du temps.

11 L’objectif de l’exercice était donc de créer un support pour repérer collectivement les trajectoires de vulnérabilité sur le territoire, et de tester la capacité de l’outil-frise à constituer un objet-frontière suffisamment robuste pour faire avancer les connaissances, tout en étant suffisamment souple pour être approprié, s’adapter aux contraintes spécifiques de chacun et exprimer des intérêts divergents. Nous décrirons ici en particulier sa qualité d’« intermédiaire » de connaissances, à savoir, sa capacité à accompagner les actions cognitives du collectif de scientifiques (Vinck, 2009).

12 Étant donnée la brièveté du projet – programmé sur cinq rencontres –, le choix du terrain a été contraint par la disponibilité de données : le territoire des Quatre Montagnes était en cours d’études au sein du projet GICC ADAMONT. Le pas de temps étudié a été réduit aux données disponibles à partir de la seconde moitié du XXe siècle. La stratégie adoptée a été d’« apprendre en faisant », en prenant note au fur et à mesure des problèmes méthodologiques que faisaient naître le protocole propose (figure1), que nous détaillons dans la seconde partie. La dernière séance a été utilisée pour valider les éléments de la frise avec un spécialiste du territoire et dresser le bilan de la méthode.

Figure 1 : Protocole proposé pour la lecture interdisciplinaire d’une trajectoire de vulnérabilité d’un territoire

Auteurs, 2018.

Résultats et discussion

13 Dans cette seconde partie, nous présentons les résultats en termes de connaissances et les points de vigilance méthodologiques relevés au cours de l’expérimentation.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 14

Frise et trajectoire territoriale obtenue

14 La frise obtenue, présentée en figure 2, reste un document de travail sur lequel nous nous appuyons pour illustrer les questionnements méthodologiques auxquels il a donné lieu. Il n’a donc aucunement prétention à présenter une analyse « définitive », et propose précisément des hypothèses à vérifier, trianguler auprès de spécialistes du territoire du Vercors – ce que les participants de cette expérience n’étaient pas.

Figure 2. La trajectoire socio-écologique du territoire des Quatre Montagnes (Vercors, France) de 1945 à 2016

Auteurs, 2018.

15 Cette frise propose la sélection des jalons, des interactions et des périodes réalisées par le collectif, structurée le long de différents axes : • Le contexte législatif et politique aux niveaux européen et français et les événements climatiques • La dynamique démographique et résidentielle • La dynamique politique locale, avec un focus sur les actions du Parc naturel régional du Vercors (PNRV) • La dynamique spatiale et écologique de la ressource en eau, de la forêt et de l’environnement et des bouquets de services écosystémiques fournis • Les transformations des ressources mobilisées dans les activités touristiques et l’agriculture (avec un focus sur la filière lait).

16 Au terme de cette expérimentation, le collectif a discuté autour de l’hypothèse d’une trajectoire territoriale en quatre périodes (synthétisées dans la ligne supérieure) que nous détaillerons plus bas, qui organisent la succession suivante : 1) un territoire rural connecté, 2) une montagne en déprise agricole, 3) un terrain de loisirs d’hiver, et de préservation de la nature, 4) un territoire périurbain en quête de relocalisation et de diversification.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 15

Les étapes de construction de la frise

L’exploration pluridisciplinaire

17 L’étape préliminaire consiste en un repérage des différents périmètres du territoire, tant du côté des unités fonctionnelles écologiquement, que du côté des bassins de vie (relations entre zones du Plateau du Vercors, et avec les villes voisines) et des cadres d’actions politico-administratives (construction de l’intercommunalité et du PNR). En parallèle, une revue sélective de la littérature en histoire, sociologie et économie disponible sur ce territoire (cf. liste en annexe) permet une première approche des transformations socio-économiques, de la construction institutionnelle, des événements marquants et des ressources mobilisées. Une exploration plus exhaustive aurait amélioré la finesse d’analyse du processus historique.

18 Du côté des écologues, il a été tenté d’établir des unités socio-écosystémiques, combinant les données d’occupation du sol, des zones humides, du parcellaire agricole et des zones forestières, mais cela n’a pas été possible dans le temps imparti. Des cartes d’occupation du sol pour 1956, 1981 et 2009 (issue du projet FORGECO3) et 2012 (ADAMONT) ont été utilisées pour visualiser l’évolution de la répartition et de type des habitats, principalement forestiers et urbains.

19 Cette première étape se conclut par une discussion sur l’existence ou non de sous- ensembles spatiaux ayant connu des évolutions contrastées, tant sociologiques qu’écologiques. La discussion a abouti à la proposition de tester les contrastes d’évolution entre trois unités communales (UC ; Fig. 3). Ces trois sous-ensembles correspondent par ailleurs aux sous-ensembles identifiés dans les documents de la Communauté de communes du massif du Vercors (CCMV, rapport d’activité 2015).

Figure 3. Carte de localisation de la Communautés de commune du massif du Vercors et de ses unités communales (UC1 à UC3)

Auteurs, 2018.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 16

Détermination des axes et des indicateurs

20 L’étape consiste à déterminer collectivement, à partir des données exploratoires, les composantes du changement territorial à observer dans chaque axe, présentées précédemment.

21 Vient alors le temps du choix des indicateurs à relever : les indicateurs socio- économiques et les bouquets de services. Il s’agit d’une étape cruciale d’explicitation et de « traduction » entre écologie et sciences sociales et humaines qui doit permettre de sélectionner toutes les variables quantitatives, qualitative et spatiales utiles pour comprendre « ce qui fait ressource », et suivre l’état de la société et de l’écosystème au fil du temps.

22 Du côté des données socio-économiques, il a été proposé d’observer ce que pouvait révéler de simples données INSEE démographiques et résidentielles. D’autres indicateurs comme l’emploi, le transport, les migrations pendulaires et saisonnières n’ont pu être systématiquement mobilisées.

23 Les indicateurs écologiques ont été sélectionnés à partir du projet ESNET4 (tab. 1) autour de l’évolution de l’activité fourragère, de la forêt, de l’état des sols et de la biodiversité. Là encore, ce choix a été réalisé sous contrainte : les problèmes issus de ce choix dévoilent trois types d’écueils à éviter.

24 Le premier tient au choix des services et d’un bouquet cohérent avec les ressources étudiées : ainsi, des indicateurs d’autres services agricoles n’ont pu être mis en œuvre. Des indicateurs plus fins de la gestion du sol auraient été utiles : par exemple, le passage d’une gestion conventionnelle à biologique d’une parcelle agricole modifie les services écosystémiques rendus en termes de productivité, de fertilité des sols et de qualité des eaux. De même, l’intégration de services tels que l’attractivité touristique du paysage, auraient pu être intégrés.

25 Le deuxième tient à l’importance de l’adéquation de la caractérisation des services avec l’échelle du territoire choisi. Dans notre cas, la quantification des services a été renseignée par l’extraction de résultats d’un projet ayant ciblé une emprise géographique plus large.

26 Le troisième tient au paramétrage des indicateurs. La méthode suivie pour retracer l’évolution des services écosystémiques a reposé sur le calcul de la valeur moyenne par service en 2012 et par UC sur chacune de classes de couverture du sol Corine Landcover, pour ensuite être appliquée aux bouquets de services associés à chaque UC en 2000 et 1990. Cette méthode d’une « projection » dans le passé des valeurs de 2012 comporte un risque d’erreurs et d’anachronisme car les valeurs de services ont pu évoluer au cours du temps. Le recours à un travail d’historien s’avère donc indispensable pour affiner les coefficients appliqués aux services de productivité, pour mieux prendre en compte la valeur monétaire et intrinsèque des différentes activités économiques dans le passé.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 17

Tableau 1. Services écosystémiques et indicateurs de biodiversité considérés pour la constitution des bouquets par unités communales

Auteurs, 2018.

27 Les résultats de ce travail aboutissent au constat suivant : l’UC 1 maximise les valeurs de productivité fourragère, notamment en comparaison à l’UC3, tandis que le stock de bois sur pied apparaît plus conséquent sur les UC 1 et 3. La capacité de limitation de l’érosion des sols est plus faible sur l’UC 3, possiblement en lien avec sa topographie contrastée.

28 Les variations temporelles, entre les trois années étudiées, en termes de bouquets de services sont petites et sont interprétées comme des impacts faibles de changements socio-économiques sur les services écosystémiques. Cependant, il est probable que la focalisation sur des unités administratives plutôt que fonctionnelles ainsi que la mobilisation de données élaborées pour un ensemble géographique plus vaste expliquent ce manque de variabilité.

Réalisation collective de la frise

29 Cette étape consiste à sélectionner les événements marquants, les tendances, les configurations repérés au cours des deux premières étapes, indispensables pour comprendre la trajectoire des ressources territoriales et de vulnérabilité, et à les reporter sur la frise sous forme de « jalons » ordonnés dans chaque axe. Ce travail est mené en atelier autour d’une grande frise, afin de partager les connaissances.

30 Au cours de cet échange, la frise devient le support des savoirs hybrides, un assemblage hétéroclite d’informations sous différents formats (courbes et diagrammes INSEE, photographies de paysages, travaux historiques, géographiques, agronomiques, diagrammes en radars de bouquets de services et cartographies d’occupation du sol ; cf. figure 3). Des travaux ultérieurs de mise en forme de la frise sur support informatique permettent de mettre en ordre, sélectionner, affiner ces données et le « rendu visuel » du processus.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 18

Lecture interdisciplinaire de la trajectoire de vulnérabilité pour le territoire du Vercors

31 Suite à la pose de jalons, la trajectoire de vulnérabilité est interrogée et matérialisée. Il est décidé collectivement a) quels sont les jalons clés (événements marquant une rupture, une bifurcation ; tendances « lourdes » qui impriment un changement dans tout le territoire) et b) quelles sont les périodes, leurs bornes temporelles – et comment les qualifier : ruptures, bifurcations, transitions, adaptations ? –, quelles interactions doivent être mises en évidence pour comprendre la dynamique propre à chaque phase ainsi que le passage d’une période à une autre. En particulier dans notre cas, elles concernent l’évaluation des interactions entre politiques, évolutions socio-économiques et environnement (liens de cause à effet, de consécution, de résistances ou de contradictions), pour apprécier la cohérence des ressources mobilisées, les formes de vulnérabilité telles que nous les avons définies.

Les jalons clés

32 Sont signalés collectivement sept jalons clés, moments de bascule qui permettent une première évaluation des (dé)synchronisations, chevauchements et liens de cause à effet entre diverses dynamiques : • Pour la dynamique touristique : les Jeux Olympiques de 1968, point initial du développement du tourisme hivernal dans le Vercors et 2015, moment où les activités estivales rapportent davantage en nuitées touristiques que les activités ski (INSEE, 2016). • Pour la dynamique socio-économique : la tendance de la perte d’actifs agricoles et celle de la périurbanisation autour de la métropole grenobloise. • Pour la dynamique de la relation à l’environnement : l’impulsion donnée à la prise en compte des enjeux écologiques à partir de la création du PNR du Vercors en 1970. • Pour la dynamique agricole : la relocalisation des ressources agricoles lancée dans les années 1970 aboutissant symboliquement à la création de l’AOC Bleu du Vercors-Sassenage en 1998.

Périodisation et trajectoires de vulnérabilité

33 L’étape de lecture interdisciplinaire autour des périodes permet un échange d’arguments constructifs autour des interactions saillantes et des formes de valorisation de ressources et des vulnérabilités différentes qui en découlent, pour chacune des phases.

34 Dans la période 1, entre le milieu du XIXe siècle et 1945, les Quatre Montagnes sont un territoire « rural connecté ». L’agriculture, activité dominante (élevage et culture de céréales), permet une certaine autosubsistance et les échanges avec les territoires voisins, l’activité touristique se développe avec le climatisme et les premières infrastructures de ski. Ces éléments impliquent le développement des routes et d’un tramway électrique entre Villard de Lans et Grenoble entre 1920 et 1951. La démographie est croissante dans les années 1930. Une fermeture du paysage se réalise du fait d’un faible déboisement et une forte afforestation. Les relations sociales et nature-société sont marquées par la proximité : a été émise par le collectif, l’hypothèse d’une faible vulnérabilité du fait de l’autonomie sur les ressources locales, de la solidarité locale et d’échanges positifs avec le territoire environnant.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 19

35 La période 2, entre les années 1945 à 1968 peut être définie comme celle d’une montagne agricole en déprise, marquée par l’afforestation, l’exode rural et menacée de déconnexion : le nombre d’habitants passe de 7133 à 5506 entre 1946 et 1962, avant d’entamer la remontée qui se renforcera dans la période suivante. La dépendance au bassin d’emploi grenoblois s’accroît, alors que le tramway est démantelé. Les formes de vulnérabilités évoluent donc, et s’ajoutent, d’une part, les besoins de reconstruction et les traumatismes engendrés par la Seconde Guerre mondiale, et d’autre part, l’aide nationale apportée en matière de Reconstruction et de Reconstitution agricole (Brunier, 2013). Autre élément : l’activité agricole est profondément restructurée du fait de l’incitation à la modernisation et au productivisme. Les filières régionales de collecte et de transformation du lait commencent à s’organiser. Le territoire est toujours marqué par un tourisme de santé, le climatisme. Tous ces mouvements, ajoutés à celui de l’afforestation, auraient pu être annonciateurs d’une trajectoire d’« ensauvagement », de territoire « réserve naturelle » (Perret, 2003). C’est dans ce cadre qu’émergent des associations de protection de la nature : l’association des hauts-plateaux du Vercors (1965) et le statut de parc naturel régional (1967). C’était sans compter sur la force qu’allait prendre la dynamique émergente des sports d’hiver.

36 La période 3 (1968-années 1990) est inaugurée symboliquement par le point de bascule qu’opère les Jeux Olympiques dans les mémoires des acteurs comme dans le mode de développement du territoire : le Vercors devient dès lors un fer de lance des stations d’hiver de moyenne montagne. L’impulsion donnée aux équipements et à l’activité hivernale freine ou même inverse les dynamiques précédentes (ralentissement de l’afforestation, reprise de la démographie et de l’urbanisation), transformant radicalement les ressources mobilisées sur le territoire et ses formes de vulnérabilité. Cependant, cette nouvelle activité ne se traduit pas par des impacts radicalement visibles sur l’espace et les écosystèmes.

37 Le ski étant devenu le pilier du développement du territoire, les aléas climatiques donnent lieu à des adaptations incrémentielles : après un hiver sans neige en 1981, Villard-de-Lans innove avec l’installation des premiers canons à neige des Alpes.

38 Du côté de l’agriculture, l’époque est à l’agrandissement et à l’intensification, avec des produits standardisés. L’arrivée de gros opérateurs finit de balayer les ateliers de transformation locale.

39 La vulnérabilité peut être ici évaluée au travers de la généricité des ressources mobilisées, tant au niveau touristique qu’agricole : elles font entrer le territoire dans une concurrence élargie, une sensibilité aux à-coups de l’économie nationale, et une dépendance aux conditions de froid et d’enneigement. Cependant, cette lame de fond ne doit pas occulter les graines de résistances d’acteurs locaux pour maintenir une identité et une production locale, qui porteront leurs fruits dans la période suivante.

40 Par ailleurs, l’occurrence conjointe de l’activité ski, de la création du PNRV en 1970 puis de la législation nationale en faveur de l’environnement, ainsi que les actions de l’Association pour la Promotion des Agriculteurs du Parc (APAP), met en évidence les contradictions entre les visions pour le territoire, entre des paysages modelés par les loisirs d’hiver, le maintien des activités agricoles et la protection des espaces naturels (Perret, 2003). Ces instances permettent des espaces de discussion, des compromis et de gouvernance autour de ces enjeux, qui réduisent la vulnérabilité du territoire.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 20

41 Le passage de la période 3 à 4 ne peut être repéré par un événement particulier : elle relève d’une transition progressive, avec des impulsions diverses dans les différentes dynamiques agricoles et touristiques qui commencent dans les années 1970 et 1980.

42 Dans la période 4 (années 1990-2016), la croissance urbaine par le tourisme ralentit (au vu de l’évolution de la part des résidences secondaires), au profit de la périurbanisation, qui creuse les écarts entre les unités communales du territoire.

43 Une vision écosystémique du territoire se structure, avec la prise en compte des enjeux environnementaux : la biodiversité, l’eau, le loup (Mounet, 2006) font l’objet de politiques spécifiques, négociées entre acteurs locaux.

44 Les problèmes que pourraient engendrer, tôt ou tard, la généricité des ressources mobilisées sont anticipés : des dynamiques de relocalisation et de territorialisation agricole par la coordination des agriculteurs, du Parc, et des collectivités locales, permettent la mise en place de l’AOC Bleu de Vercors-Sassenage (Madelrieux et al., 2015 ; Janin, 2016). La récurrence des années de sécheresse amène à des stratégies pilotes autour du programme « Alpages sentinelles », contribuant à l’adaptabilité de l’activité pastorale.

45 De même, le territoire anticipe le changement climatique pour l’activité ski : la réaction aux hivers sans neige diffère de celle des années 1980, et relève d’une adaptation transformative : dès le début des années 1990, la tendance est plutôt à la diversification de l’offre d’activités culturelles et de loisirs d’été et de fin de semaine.

46 Cependant, malgré la territorialisation de ces différentes ressources, celles-ci resterait un « assortiment juxtaposé » et la coordination des acteurs publics et privés, relative (Hirczak et al., 2008 ; Janin et al. 2016). Le PNRV, après avoir été au service des différentes micro-régions formées par les intercommunalités, tente de devenir un acteur intégrateur des enjeux écologiques du territoire dans son ensemble. Il cherche sa place entre les collectivités intercommunales, départementales et régionales (Gerbaux et Paillet, 2000), tente d’ancrer des stratégies d’innovation sociale sur le long terme via l’appropriation par les acteurs locaux, temporalité en friction avec celle des mandats politiques (Cosson et Delorme, 2015).

47 Le décryptage de la périodisation se termine sur un débat autour de l’année 2016 : constituera-t-elle un tournant pour le territoire, du fait des revirements dans la politique régionale, des changements dans la gouvernance du PNRV et de la révision de la Charte ?

Conclusion

48 L’évaluation de la vulnérabilité, telle que nous l’avons définie, rend nécessaire la co- construction de connaissances par les sciences humaines et sociales et l’écologie. Le test de reconstitution historique des dynamiques socio-écologiques sur un territoire précis, par la finesse des données et des cartographies qu’elle requiert, ainsi que par la mise en question des variables adoptées pour mesurer les services écosystémiques, a montré les difficultés méthodologiques à surmonter. Dans le même temps, ces points de vigilance nous ont permis de dessiner une méthodologie reproductible et de montrer la richesse potentielle de la démarche en matière d’apports mutuels pour affiner les savoirs qualitatifs, quantitatifs et spatialisés sur les interactions nature-société. Le projet a abouti à l’idée partagée que l’outil-frise peut fonctionner comme un objet-frontière, offrir ces « épreuves argumentatives au cours desquelles les raisonnements font l’objet

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 21

d’évaluations croisées » (Chateauraynaud, 2011) et ainsi, ouvrir des possibles pour les travaux interdisciplinaires.

BIBLIOGRAPHIE

Adger W., Brooks N., Bentham G., Agnew M., et Eriksen, S. 2004.– New Indicators of Vulnerability and Adaptive Capacity. Technical report 7, Tyndall Centre for Climate Change Research, Tyndall.

Allen K., 2003. – « Vulnerability reduction and the community-based approach », in Pelling M. (ed.), Natural disasters and development in a globalizing world. Routledge, London, pp. 170-184.

Beck C., Luginbühl Y., Muxart T., 2006.– Temps et espaces des crises de l’environnement, Quae.

Barreteau O., Giband D., Schoon M., Cerceau J., Declerck F., et al., 2016. « Bringing Together Social-Ecological System and Territoire Concepts to Explore Nature-Society Dynamics », in Ecology and Society, n° 4-21, pp. 42.

Bergeret A., Delannoy J.–J., George-Marcelpoil E., Piazza-Morel D., Berthier-Foglar S., Bonnemains A., Bourdeau P., et al., 2015.– « L’outil-frise, dispositif d’étude interdisciplinaire du changement territorial », in EspacesTemps https://www.espacestemps.net/articles/loutil-frise-dispositif-detude-interdisciplinaire-du- changement-territorial/.

Berrouet L., Machado J., Villegas-Palacio C., 2018.– « Vulnerability of socio-ecological systems : a conceptual framework », in Ecological Indicators, n° 84, pp. 632-647.

Buclet N. (ed.), 2015.– Essai d'écologie territoriale : l'exemple d'Aussois en Savoie. CNRS Edition, Paris.

Brunier S., 2013.– « Il ne s’agit pas de reconstruire mais d’édifier. Servitudes et grandeurs de la politique de reconstitution agricole dans le massif du Vercors après 1945 », in Histoire et Mesure. Réparer, Dédommager, n° 1-28, pp. 217–50.

CCMV, 2015.– Rapport d’activité, http://www.vercors.org/publications/rapport-dactivite-2015, accédé 17-juillet-2018.

Chateauraynaud F., 2011.– Argumenter dans un champ de forces. Essai de balistique sociologique, Pétra.

Colloff M. J., Lavorel S., Van Kerhoff L. E., Wyborn C. A., Fazey I., Gorddard R., Mace G. M., et al., 2017.–« Transforming conservation science and practice for a postnormal world » , in Conservation Biology, n° 31-5, pp. 1008-1017.

Cosson A., Delorme J.–P., 2015.– « Accompagner par la recherche l’innovation sociale dans un parc naturel régional : un regard en miroir », in Sciences Eaux & Territoires, n° 2-17, pp. 46–51.

Díaz S., Demissew S., Carabias J., Joly C., Lonsdale M., Ash N., Larigauderie A., et al., 2015.– « The IPBES conceptual framework. Connecting nature and people. » in Current Opinion in Environmental Sustainability, n° 14, sup. C, pp. 1–16.

Diaz S., Pascual U., Stenseke M., Martin-Lopez B., et al., 2018.– « Assessing nature’s contributions to people. recognizing culture and diverse sources of knowledge, can improve assessments ». in Science, n° 359-6373, pp. 270-272.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 22

Elissalde B., 2000.– Temporalités et changement spatial, Habilitation à diriger des recherches, Université Paris 1.

Fischer-Kowalski M. et Haberl H. (eds.), 2007.– Socioecological Transitions and Global Change : Trajectories of Social Metabolism and Land Use. Edward Elgar, Cheltenham

Geels F. W., Schot J., 2007- « Typology of sociotechnical transition pathways », in Research Policy, n ° 36-3, pp. 399–417.

Gerbaux F., Paillet A., 2000.– « Supracommunalité et intercommunalité de base : quelles articulations ? L’exemple du parc naturel régional du Vercors » in Revue de Géographie Alpine n ° 88-1, pp. 35–43.

Gumuchian H., Pecqueur B. (eds), 2007.– La ressource territoriale. Anthropos, Economica, Paris.

Hamman P. (ed), 2017.– Ruralité, nature et environnement. Entre savoirs et imaginaires. Erès, Toulouse.

Hirczak M., Moalla M., Mollard A., Pecqueur B., Rambonilaza M., Vollet D., 2008.– « Le modèle du panier de biens. Grille d’analyse et observations de terrain » in Economie Rurale, n° 308, pp. 55-70.

INSEE, 2016.– « Le PNR du Vercors : entre tourisme et périurbanisation », in INSEE Analyse Auvergne-Rhône-Alpes, n° 7.

IPCC, 2001.– Climate change 2001 : Impacts, adaptation and vulnerability, Cambridge University Press.

Janin C., Peyrache-Gadeau V., Landel P-A., Perron L., Lapostolle D., 2016.– « L’approche par les ressources : pour une vision renouvelée des rapports entre économie et territoire », in Torrer A., Vollet D. Partenariats pour le développement territorial, Quae, Versailles, pp. 149-163.

Kull C. A., Arnauld de Sartre X., Castro-Larrañaga M., 2015.– « The Political Ecology of Ecosystem Services », in Geoforum, n° 61, pp. 122-134.

Liu J, Dietz T., Carpenter S. R., Alberti M., Folke C., Moran E., Pell A. N., et al., 2007.– « Complexity of coupled human and natural systems », in Science, n° 317-5844, pp. 1513–16.

Madelrieux S., Alavoine-Mornas F., 2015.– « Bassin laitier des "Quatre Montagnes" (France). Influences extérieures, réaction des acteurs locaux et réinvention de la tradition » in Napoléone M., Corniaux C., Leclerc B., (eds), Voies Lactées. Dynamique des bassins laitiers entre globalisation et territorialisation, INRA-SAD-Cardère, pp. 111–141.

MAE (Millennium Ecosystem Assessment), 2005.– Ecosystems and human well-being : Synthesis, Island Press, Washington DC.

Magnan A., 2012.– « Evaluer ex-ante la pertinence de projets locaux d’adaptation au changement climatique » in Vertigo, n° 3-12.

McNeill J.R., 2010.– « The State of the Field of Environmental History » in Annual Review of Environment and Resources 35, nᵒ 1 : 345‑74.

Mendez A. (dir), 2010.– Processus. Concepts et méthode pour l’analyse temporelle en sciences sociales. Academia-Bruylant, Louvain.

Mounet C., 2006.– « Les enseignements d’une expérience locale de gestion d’une espèce protégée : le cas du loup dans le Vercors » in Natures Sciences Sociétés suppl.1, pp. 65–66.

Perret, J.– 2003. « L’APAP, une communauté pour exister », in Regards sur l’agriculture en Vercors, Parc Naturel Régionale du Vercors- Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement.

Raudsepp-Hearne C., Peterson G. D., Bennett E. M., 2009.– « Ecosystem service bundles for analyzing trade-offs in diverse landscapes », in PNAS, n° 107 -11, pp. 5242–5247.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 23

Steger C., Hirsch S., Evers C., Branoff B., Petrova M., Nielsen-Pincus M., Wardropper C., Van Riper C. J. , 2018.– « Ecosystem services as boundary objects for transdisciplinary collaboration », in Ecological Economics, n° 143, pp. 153‑60.

Vinck D., 2009.– « De l’objet intermédiaire à l’objet-frontière », in Revue d’anthropologie des connaissances, n° 31-1, pp. 51–72.

Walker B., Holling C.S., Carpenter S.R., Kinzig A.P., 2004.– « Resilience, adaptability and transformability in social-ecological systems » in Ecology and Society n° 9-2, pp. 5.

ANNEXES

Annexe 1. Sources utilisées dans la collecte des données en sciences humaines et sociales Axe « dynamique démographique et résidentielle » • Données INSEE : démographies, densité, résidences principales, secondaires par chaque commune de la CCMV pour les années 1946, 1954, 1965, 1968, 1975, 1982, 1990, 1999, 2008, 2013. • Données INSEE ; Série historique sur la CCMV. • https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101 ?geo =EPCI-243801024 • INSEE, 2016.– « Le PNR du Vercors : entre tourisme et périurbanisation », in INSEE Analyse Auvergne-Rhône-Alpes, n° 7, mars 2016 • Corneloup J., Bourdeau P., Bachimon P., Bessy O., 2014.– « L’habitabilité récréative périurbaine » in Sociétés, n° 3-125, pp. 47–58. • Debroux J., 2011.– « Stratégie résidentielles et position sociale : l’exemple des localisations périurbaines », in Espaces et Sociétés n° 144–145, pp. 121–39. Axe « politique locale et PNRV » • Évolution des syndicats intercommunaux et EPCI sur le territoire. • Actions du PNRV. • CCMV, 2015.– Rapport d’activité, http://www.vercors.org/publications/rapport- dactivite-2015, accédé 17-juillet-2018. • Cosson A., Delorme J-P., 2015.– « Accompagner par la recherche l’innovation sociale dans un parc naturel régional : un regard en miroir », in Sciences Eaux & Territoires, n ° 2-17, pp. 46–51. • Gerbaux F., Paillet A., 2000.– « Supracommunalité et intercommunalité de base : quelles articulations ? L’exemple du parc naturel régional du Vercors » in Revue de Géographie Alpine n° 88-1, pp. 35–43. • Mounet C., 2006.– « Les enseignements d’une expérience locale de gestion d’une espèce protégée : le cas du loup dans le Vercors » in Natures Sciences Sociétés suppl.1, pp. 65–66. Axe « Forêt, Eaux, Environnement » • Lardon S., Chauvin C., Chambon P., Caron A., Bouchaud M., Cordonnier T., Valenzisi M., Johany F., Planchat C., Von Korff Y., 2015.– « Projet de territoire sur la forêt du Vercors : l'expérience de recherche intégrée FORGECO », in GIS Démocratie et Participation, Actes du Colloque “Chercheur.e.s et acteur.e.s de la participation : Liaisons dangereuses et relations fructueuses”, Saint-Denis, 29-30 janvier 2015, URL : http:// www.participation-et-democratie.fr/fr/node/1839.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 24

Axe « Tourisme » • INSEE, 2016.– « Le PNR du Vercors : entre tourisme et périurbanisation », in INSEE Analyse Auvergne-Rhône-Alpes, n° 7, mars 2016 • Bouhaouala M., 2001.– « Les relations inter-entreprises dans un marché local : le cas des PE-TPE de tourisme sportif en Vercors », in Espaces et Sociétés, n° 2-105. • Francois, 2004.– « Le tourisme durable, une organisation du tourisme en milieu rural » in Revue d’économie Régionale et Urbaine n° 2004-1, pp. 57–80. • François H., 2007.– « De la station ressource pour le territoire au territoire ressource pour la station : le cas des stations de moyenne montagne périurbaines de Grenoble », Thèse de doctorat en aménagement, Université Joseph Fourier, Grenoble. • Perrin C., et Mounet C., 2006.– « L’organisation de la pratique du canyoning sur un site : le canyon du Furon », in Movement and Sport Sciences n° 1-57, pp. 79–103. • Perrin-Malterre C., 2015.– « Comparer l’organisation d’un sport de nature dans deux espaces protégés » in Sciences Sociales et Sport, n° 1-8. • Rech Y., Mounet J.–P., Briot M., 2009.– « L’innovation dans les sports de nature ; l’irruption de nouvelles activités dans une station de sports d’hiver », Espaces et Sociétés, n° 1-136–137, pp. 155–71. • Suchet A., 2016.– « Les Ruines des jeux olympiques de Grenoble 1968. Le tremplin de saut à ski de Saint-Nizier-Du-Moucherotte et ses fantômes », in Techniques et Cultures, n° 65–6, pp. 434–47. Axe « Agriculture » • Brunier S., 2013.– « Il ne s’agit pas de reconstruire mais d’édifier. Servitudes et grandeurs de la politique de reconstitution agricole dans le massif du Vercors après 1945 », in Histoire et Mesure. Réparer, Dédommager, n° 1-28, pp. 217–50. • Doré A., Compagnone C., Dobremez L., Madelrieux S., 2015.– « Pâturage et cultures techniques de l’herbe. Les mondes de l’élevage des territoires de montagne du Vercors et de La Bigorre » in Pâturages, n° 63, pp. 56–73. • Janin C., Peyrache-Gadeau V., Landel P-A., Perron L., Lapostolle D., 2016.– « L’approche par les ressources : pour une vision renouvelée des rapports entre économie et territoire », in Torrer A., Vollet D. Partenariats pour le développement territorial, Quae, Versailles, pp. 149-163. • Janin C., Josselin D., Laforgue C., 1993.– « Val de Lans-en-Vercors : Simulations de l’évolution d’un paysage » in Mappemonde, n° 4. • Madelrieux S., Alavoine-Mornas F., 2015.– « Bassin laitier des "Quatre Montagnes" (France). Influences extérieures, réaction des acteurs locaux et réinvention de la tradition » in Napoléone M., Corniaux C., Leclerc B., (eds), Voies Lactées. Dynamique des bassins laitiers entre globalisation et territorialisation, INRA-SAD-Cardère, pp. 111–141. • Perret J., 2003.– « L’APAP, une communauté pour exister », in Regards sur l’agriculture en Vercors, Collection "Études et chroniques" du Parc naturel régional du Vercors dirigée par le Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement.

NOTES

1. LabEx ITEM - Innovation et Territoires de Montagnes. Financé par le programme « Investissements d’Avenir » géré par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR-10-LABX-50-01).

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 25

2. Projet ADAMONT (2015-2017). Impacts du changement climatique et Adaptation en territoire de Montagne. Financé par le Programme Gestion et impacts du changement climatique (GICC) et l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC). 3. Projet FORGECO (2010-2014). Du diagnostic à l'action : créer les conditions d’une gestion intégrée et viable des écosystèmes forestiers sur les territoires. Financé par l’ANR, Programme Systerra 2009. 4. Projet ESNET (2013-2017). Futur des réseaux de services écosystémiques dans la région urbaine de Grenoble. Programme partenarial porté par le LECA et financé par l’ONEMA. http:// www.projet-esnet.org/.

RÉSUMÉS

L’étude de socio-écosystèmes, de leur vulnérabilité, résilience et de leurs trajectoires passe souvent par la nécessité de collaborations entre sciences humaines et sociales et sciences naturelles. Cet article propose de tester cette notion de « socio-écosystème » et une méthodologie autour de la « frise chrono-systémique » comme outils intermédiaires de connaissances interdisciplinaires. Il rend compte d’une expérience interdisciplinaire, son contexte de recherche ainsi que son cadre conceptuel et méthodologique, à partir d’un territoire d’exemple, les Quatre Montagnes dans le Vercors. Il propose un protocole applicable pour le suivi des trajectoires de vulnérabilité d’un territoire et de ses ressources environnementales dans une optique interdisciplinaire. La démarche se compose de quatre étapes : i) une étape exploratoire socio-historique et écologique ii) la détermination des dimensions à observer et de leurs indicateurs, iii) la construction de la frise, et iv) l’analyse de la trajectoire de vulnérabilité du territoire. L’article montre les potentiels, les difficultés méthodologiques et les points de vigilance de cette analyse interdisciplinaire des trajectoires d’un territoire.

The study of socio-ecosystems, their vulnerability, resilience and their trajectories often involves the need for collaboration between the human and social sciences and the natural sciences. This article proposes to test this notion of "socio-ecosystem" and a methodology around the “chronosystemic timeline" as intermediate tools of interdisciplinary knowledge. It reports on an interdisciplinary experience, its research context as well as its conceptual and methodological framework, illustrated with an example coming from the Quatre-Montagnes in the Vercors (French Alps). It proposes an applicable protocol for monitoring the vulnerability trajectories of a collective of municipalities and its environmental resources in an interdisciplinary perspective. The process consists of four stages : i) a socio-historical and ecological exploratory step ii) the determination of the dimensions to be observed and their indicators, iii) the construction of the timeline, and iv) the analysis of the vulnerability trajectory of a landscape including its actors. The article shows the potential, the methodological difficulties and the points of vigilance of this interdisciplinary analysis.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 26

INDEX

Mots-clés : outil-frise, vulnérabilité, objet-frontière, interdisciplinarité, Vercors, ressources Keywords : chronosystemic timeline, vulnerability, boundary object, interdisciplinarity, Vercors, resources

AUTEURS

THOMAS SPIEGELBERGER

Université Grenoble Alpes, Irstea, LESSEM, 38400 St-Martin-d'Hères, France. Université Grenoble Alpes, Irstea, LTSER France, Zone Atelier Alpes, 38000 Grenoble, France. [email protected]

AGNÈS BERGERET

SCOP 3Bis, 38100 Grenoble, France. Université Grenoble Alpes, CNRS, Sciences Po, PACTE, 38000 Grenoble, France.

ÉMILIE CROUZAT

Université Grenoble Alpes, Université Savoie Mont Blanc, CNRS, LECA, 38000 Grenoble, France. Université Grenoble Alpes, Irstea, LTSER France, Zone Atelier Alpes, 38000 Grenoble, France.

LEITA TSCHANZ

Université Grenoble Alpes, Irstea, LESSEM, 38400 St-Martin-d'Hères, France.

DELPHINE PIAZZA-MOREL

Université Grenoble Alpes, Irstea, LESSEM, 38400 St-Martin-d'Hères, France.

JEAN-JACQUES BRUN

Université Grenoble Alpes, Irstea, LESSEM, 38400 St-Martin-d'Hères, France. Université Grenoble Alpes, Irstea, LTSER France, Zone Atelier Alpes, 38000 Grenoble, France.

DOMINIQUE BAUD

Université Grenoble Alpes, CNRS, Sciences Po, PACTE, 38000 Grenoble, France.

SANDRA LAVOREL

Université Grenoble Alpes, Université Savoie Mont Blanc, CNRS, LECA, 38000 Grenoble, France. Université Grenoble Alpes, Irstea, LTSER France, Zone Atelier Alpes, 38000 Grenoble, France.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 27

Interdisciplinary Construction of a Socio-ecological Vulnerability Trajectory Based on the Quatre Montagnes (Isère, France) Area from 1950 to 2016

Thomas Spiegelberger, Agnès Bergeret, Émilie Crouzat, Leita Tschanz, Delphine Piazza-Morel, Jean-Jacques Brun, Dominique Baud and Sandra Lavorel

AUTHOR'S NOTE

This project was partially funded by LabEx ITEM and the GICC ADAMONT program.

The authors extend their thanks to Marie-Pierre Arlot for the initiative and follow-up of this project, as well as François Véron for his contribution as an expert on the area.

Introduction

1 The study of the vulnerability of a landscape requires intersecting ecological processes with political and socioeconomic dynamics of different types and at different spatio- temporal scales. This involves an interdisciplinary dialogue between the human and social sciences drawing on new paradigms that take the environment into account (Beck et al., 2006; McNeill, 2010; Hamman, 2017) and between these two branches of science and the natural sciences (MAE, 2005; Diaz et al. 2015). This notably involves the improvement of adaptive governance, which must meet the challenge of global change (Colloff et al. 2017). Achieving such an objective requires that interdisciplinary actions facilitate the construction of knowledge on nature–society interactions by formulating or creating compatibilities between diverse concepts, sources, and methods.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 28

2 This article reports an experience of interdisciplinary exchanges between researchers in ecology, geography, and sociology –the exploratory project “CHRONO-SE”– conceived in a context of research on mountain landscapes based on scientific partnerships (LabEx ITEM 1, GICC ADAMONT2). This involved experimenting on a particular landscape –Quatre Montagnes, corresponding to the current Vercors Mountains association of municipalities– the co-construction of a vulnerability trajectory on a single timeline, notably based on articulating concepts of resources used by human and social sciences, and bundles of ecosystem services developed by ecology.

3 This article compiles the lessons learned from the usage protocol of the chronosystemic timeline used as an interdisciplinary tool (Bergeret et al. 2015) and reports the numerous problems and critical issues that this short project raised. The first part describes the conceptual and methodological framework and the second part the results in terms of both knowledge and method.

Conceptual and methodological framework

Connections between disciplinary concepts

4 From a theoretical perspective, the working group suggested linking different sociological and ecological concepts: landscape and socio-ecosystem, resource and ecosystem service, and finally vulnerability.

5 The notion of landscape, as it is used in economics, geography, and sociology, stresses the appropriation and social construction of a space (Gumuchian and Pecqueur 2007) by studying the structures, social actors, interactions, and balance of power in the construction of practices, institutions, and policy-making processes. The notion of the socioecological system accentuates the functional relationships of interdependence, and the flow between ecosystems and human activities (Liu et al., 2007; Díaz et al., 2015), and is applied to drawing up the operational frameworks for policy-making processes (Barreteau et al., 2016).

6 The same complementarities should be underscored between ecosystem services and resources. Ecosystem services relate socioeconomic demands and the capacity of the ecosystem to provide the services needed and to ensure its supporting and regulation functions (MAE, 2005). The potential of this concept as a transdisciplinary boundary object is perceived (Steger et al., 2018), although all precaution may applied to its use (Kull et al., 2015). Recent readjustments (Diaz et al., 2018) have in fact recognized the sociocultural dimension present transversally in the different services. It therefore seems advantageous to bridge the gap using the resource approach in the social sciences, designating the social process of wealth generation: each of the approaches provides a better understanding of one of the two poles of the interaction between the capacity of the ecosystem and human activity. In addition, the notion of a landscape resource adds an essential dimension to the study of vulnerability trajectories: by coordinating the actors of a given landscape, the process of specification and grounding the resource in its landscape could supply its identity (Gumuchian and Pecqueur, 2007; Janin et al. 2016). Finally, trade-offs, assessed in bundles of services, would allow considering the ecological stakes of an action in a unified fashion, with the possibility that contradictions between them exist (Raudsepp-Hearne et al., 2009), with certain human activities, for example,

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 29

inducing supply services that would create tension for the support and regulation services.

7 Finally, we include this vulnerability trajectories approach within the sociological, economic, and historical studies that have a common goal of considering landscape dynamics as complex, irreversible processes that mobilize different types of scales, mixing relations of causality and dependence with the pathway, i.e., all phenomena of emergence, transition, and rupture (Mendez, 2010; Fischer-Kowalski and Haberl, 2007; Geels and Schot 2007; McNeill, 2010). The “metabolic” visions combining systems of all types of actors and flow (Fischer-Kowalski and Haberl, 2007; Buclet, 2015) construct an even narrower bridge with ecologists.

8 According to ecologists, the relevance of the study of vulnerability is no longer limited to the risks to or the vagaries of the environment (IPCC, 2001), to the individual capacity to meet the challenge of a stress or a change (Allen, 2003), or to the elaboration of aggregated indices based on a multiplicity of generic indicators (Adger, 2004): ecologists propose a dynamic and multidimensional vision of resilient and adaptive cycles combining capacities of resistance, learning, and transformation (Walker et al. 2004). We conclude from this that the comprehension of vulnerability stems from interrelations between exposure to environmental vagaries and the sensitivity of ecosystems to these ups and downs, and the specificities of local socioeconomic configurations and dynamics in their ability to adapt. We will break down this second aspect (starting from the above- mentioned details as well as Magnan, 2012; Berrouet, 2018) through: a) the sensitivity of the social system encountering modifications in ecosystem services, the degree of insecurity and solidarity within the local population; b) the capacity to adapt and transform activities, determined based on the degree of independence compared to the local resources, as well as the capacity to anticipate, coordinate actors, and construct territorial resources; and c) the degree of interdependence, marginality, and solidarity with the surrounding areas at the local and national levels.

Methodological objective and protocol

9 Within the methodological perspective, the above-mentioned theoretical proposals require trajectory representation tools that can simultaneously consider the socioeconomic and ecological dynamics of a landscape or socio-ecosystem, put in perspective their synchronies and asynchronies, and assess the force of the impacts of one level on another, whether they be multiplier, dampening, compensation, or threshold effects. The working group chose to use the principles of the chronosystemic timeline (Elissalde, 2000), assisting an interdisciplinary construction tool of the complex processes at work in the landscape (Bergeret et al., 2015). This presents the different dimensions (e.g., economic, ecological, political) of a landscape trajectory on different research axes and embodies the relations between landmarks, making it possible to understand procedural dynamics. This organization along various research axes can bring out divergences, alignments, and crossroads between the perimeters of different dimensions of change in the landscape as they are studied over time.

10 The objective of the exercise was therefore to create an aid to collectively identify the vulnerability trajectories on a particular landscape and to test whether the chronosystemic timeline was a sufficiently robust boundary object to advance knowledge that was also sufficiently flexible to be appropriated, to adapt to the specific constraints

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 30

of each landscape, and to express diverging interests. We describe herein this tool’s quality as an “intermediary” of knowledge, i.e., its capacity to assist the cognitive actions of the scientific community (Vinck, 2009).

11 Given the short duration of the project – programed for five meetings – the choice of a research terrain was restricted by the availability of data: the Quatre Montagnes area was being studied within the GICC ADAMONT project. The time step studied was reduced to the data available for the second half of the twentieth century. The strategy adopted was “to learn by doing,” while noting the methodological problems stemming from the protocol proposed (Figure 1), which will be detailed in the following part. The last session was used to validate the elements of the timeline with a specialist on the area and to critically assess the method.

Figure 1 : Protocol proposed for the interdisciplinary lecture of a landscape’s vulnerability trajectory

Authors, 2018.

Results and discussion

12 In this second part, we present the results in terms of knowledge and critically evaluate methodological issues raised during the experiment.

Timeline and landscape trajectory

13 The resulting timeline, presented in Figure 2, remains a working document used for the methodological questions raised. It therefore does not claim to present a definitive analysis and indeed suggests hypotheses to verify, to triangulate with specialists of the Vercors landscape, which the participants in this experiment were not.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 31

Figure 2. The Quatre Montagnes (Vercors, France) socio-ecological trajectory from 1945 to 2016

Les paramètres nécessaires sont manquants ou erronés. Authors, 2018.

14 This timeline proposes the selection of landmarks, interactions, and periods put together by the working group, structured along different research axes: • The legislative and political context at the French and European levels and the climate- related events; • The demographic and residential dynamics; • The local political dynamics, focusing on the actions of the Vercors Regional Nature Park (Parc naturel régional du Vercors, PNRV); • The spatial and ecological dynamics of the water, forest, and environmental resources and the bundles of ecosystem services provided; • The transformations of resources implemented in tourist and agricultural activities (focusing on the dairy sector).

15 At the end of this experiment, the working group discussed the hypothesis of a landscape trajectory divided into four periods (summarized in the top line), which will be detailed in section 2.3, successively organized as follows: 1) a connected rural area, 2) a mountainous area in agricultural decline, 3) a winter sports area, with preservation and nature as key goals, and 4) a periurban area seeking relocation and diversification.

The timeline construction stages

Multidisciplinary exploration

16 The preliminary stage consists in identifying the different perimeters of the area, both the ecological functional units and the living areas (relations between the Vercors Plateau area and the neighboring towns) and the political-administrative entities (construction of intermunicipality relations and the regional nature park). At the same time, a selective review of the literature in history, sociology, and economics available on this area (see list

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 32

in the appendix) gives a first approach to the socioeconomic transformations, institutional construction, striking events, and resources implemented. A more exhaustive exploration could have improved the detail of the analysis of the historic process.

17 From the ecologists’ perspective, we attempted to establish socio-ecosystemic units combining data on land use, wetlands, the cadastral maps for agricultural land, and the extent of forest areas, but this was not possible in the time allotted to the study. Cadastral maps for 1956, 1981, and 2009 (from the FORGECO3 project) and 2012 (ADAMONT) were used to visualize the evolution and distribution of habitat types, mainly forests and urban areas.

18 This first step concluded in a discussion on whether or not spatial subsets existed that had undergone contrasting changes, from both sociological and ecological points of view. The discussion ended in a proposal to test how three township units contrast in terms of their development (TU; Fig. 3). These three subsets also correspond to subsets identified in the documents of the Vercors Mountains association of municipalities (CCMV, 2015).

Figure 3. Map showing the area covered by the Vercors Mountains association of municipalities and its township units (TU1 to TU3)

Authors, 2018.

Determination of the research axes and indicators

19 This stage, based on exploratory data, consisted in collectively determining the components of landscape change to observe in each research axis, as presented above.

20 The next step was to choose the indicators to assess the socioeconomic activities and the bundles of ecosystem services. This was a crucial explicative and translational step between ecology and the social and human sciences, which should make it possible to select all the quantitative, qualitative, and spatial variables useful to understanding the content of the resource, and to follow the state of society and the ecosystem over time.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 33

21 For the socioeconomic data, it was suggested to observe the demographic and residential INSEE data. Other indicators such as employment, transportation, commuting and seasonal migrations could not be systematically explored.

22 The ecological indicators were selected from the ESNET project4 (Table 1) around the changes in forage activity, the extent of the forest, the state of the soils, and biodiversity. Here again, this choice was made within constraints: the problems raised by this choice uncovered three types of pitfalls to avoid.

23 The first stems from the choice of services selected to constitute a coherent bundle regarding the resources studied: this choice let aside indicators e.g., of other agricultural services that could not be implemented. More detailed indicators of soil management would have been useful, e.g., the passage from conventional to organic management of an agricultural parcel modifies the ecosystem services provided in terms of productivity, soil fertility, and water quality. Similarly, the integration of services such as the tourist attractiveness of a landscape could have been integrated.

24 The second limitation is related to the importance of adapting the description of the services to the scale of the area selected. In the present case, services were quantified by extracting the results of a project that had targeted a broader geographic territory.

25 The third limitation stems from the parameterization of the indicators. The method used to reconstruct how ecosystem services had evolved was based on the calculation of the mean value per service in 2012 and per township unit on each of the categories of the Corine Landcover, to then be applied to the bundles of ecosystems services associated with each township unit in 2000 and 1990. This method of projecting into the past based on the 2012 values carries a risk of errors and of being archaic because the values of the services may have evolved over time. Recourse to a historian’s work is therefore indispensable to refine the coefficients applied to production services, inputs, and the externalities of the different past economic activities.

Table 1. Ecosystem services and indicators of biodiversity considered to draw up the bundles of ecosystem services by township unit

Authors, 2018.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 34

26 The results of this work led to the following observation: TU1 maximized forage productivity values, notably compared to TU3, whereas the stock of standing timber appears more consequential on TU1 and TU3. The capacity for limiting soil erosion is lower on TU3, possibly related to its contrasted topography.

27 Temporal variations between the 3 years studied, in terms of bundles of services, are small and are interpreted as low impacts of socioeconomic changes on ecosystem services. However, it is probable that focusing on administrative units rather than functional units, as well as the use of data gathered for a larger geographic area, explain this lack of variability.

Group production of the timeline

28 This stage consists in selecting the striking events, trends, and configurations identified during the first two stages, indispensable to understanding the trajectory of the landscape resource and vulnerability trajectories, and to place them in the timeline as well-ordered landmarks on each axis. This work was conducted in workshops around a large timeline so that all knowledge could be shared.

29 During these exchanges, the timeline became the medium receiving hybrid knowledge, a heterogeneous assemblage of information with different formats (INSEE curves and diagrams, photographs of landscapes, historical, geographic, and agronomic work, radar charts of bundles of ecosystem services, and land use maps; Figure 3). Transferring these data to a visual timeline allowed the group to refine the process and the finished product.

Interdisciplinary reading of the vulnerability trajectory for the Vercors landscape

30 Once the landmarks had been identified, the vulnerability trajectory was deliberated and drafted. The working group decided on a) the key landmarks (events indicating a rupture or a junction; significant trends that resulted in a change throughout the area) and b) the time periods, their time markers (and how to describe them: ruptures, junctions, transitions, adaptations), and the interactions that should be evidenced to understand the dynamics inherent to each phase as well as the passage from one time period to another. Most particularly, here these transitions concerned the assessment of the interactions between policies, socioeconomic changes, and the environment (relationships of cause and effect, succession, resistance, or contradictions), to appreciate the coherence of the resources put into effect, the forms of vulnerability as they had been defined.

Key landmarks

31 Seven key landmarks were noted collectively, turning points that facilitate a preliminary general evaluation of the (de)synchronizations, overlaps, and relations of cause and effect between different dynamics: • Tourism: the 1968 Olympic Games, the initial point of the development of winter tourism in the Vercors Mountains, and 2015, when summer activities brought in more in terms of overnight stays than skiing activities (INSEE, 2016);

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 35

• Socioeconomics: the trend toward a loss of agricultural assets and toward periurbanization around the Grenoble metropolitan area; • Relation to the environment: the impulse given to taking into account ecological considerations beginning with the creation of the Vercors Regional Nature Park in 1970; • Agriculture: relocation of agricultural resources launched in the 1970s, which symbolically resulted in the creation of the Vercors-Sassenage blue cheese AOC in 1998.

Periodization and vulnerability trajectories

32 The interdisciplinary reading stage around certain periods allows an exchange of arguments around salient interactions and the resulting forms of resource development and different vulnerabilities, for each one of the phases.

33 In Period 1, between the middle of the nineteenth century and 1945, the Quatre Montagnes was a “connected rural” area. Agriculture, the dominant activity (livestock breeding and forage crops), allowed a certain self-subsistence and exchanges with the neighboring areas. Tourism developed with climatotherapy and the first skiing infrastructures. These elements favored the development of roadways and an electric tramway between Villard-de-Lans and Grenoble between 1920 and 1951. The population was on the rise in 1930. The landscape closed because of low deforestation and high afforestation. Social relations were marked by proximity, as were nature–society relations: the working group hypothesized low vulnerability because of the independence of the local resources, local solidarity, and positive exchanges with the surrounding area.

34 Period 2, between 1945 and 1968, can be defined as a period of declining agriculture, marked by afforestation, the rural exodus, and threatened by disconnection: the number of inhabitants dropped from 7133 to 5506 between 1946 and 1962, before starting to rise again, which was reinforced in the following period. The dependence on the Grenoble employment area increased, whereas the tramway was dismantled. The forms of vulnerability therefore evolved: on the one hand the reconstruction needs and the trauma brought on by the Second World War, and on the other hand the national aid contributed by Reconstruction and Agricultural Reconstitution (Brunier, 2013). Agriculture was also deeply restructured because of the incitement to modernization and high productivity. The regional milk collection and transformation were beginning to get organized. The area continued to be marked by health tourism (climatotherapy). All these movements, added to afforestation, announced a “re-wilding” trajectory, a “natural reserve” landscape (Perret, 2003). This is the framework in which emerged the wilderness protection groups: the Association of the Vercors Highlands (1965) and the status of the area’s park as a regional nature park (1967), although the force that the emerging dynamics of winter sports was going to take was not fully understood.

35 Period 3 (1968 to the 1990s) was symbolically inaugurated by the tipping point of the Olympic Games both in the memories of the actors and in the mode of land use development: since then the Vercors Mountains became a spearhead of the medium- altitude winter resorts. The impulse given to sports facilities and winter activities curbed or even inversed the earlier dynamics (slowing down afforestation, increased population growth, and urbanization), radically transforming the resources put to work in the area and its forms of vulnerability. However, this new activity was not reflected by radically visible impacts on landscape and ecosystems.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 36

36 Since skiing had become the pillar of the area’s development, climatic uncertainties gave rise to incremental adaptations: after a snowless winter in 1981, Villard-de-Lans innovated by installing the first snow cannons in the Alps.

37 In agriculture, the period was one of enlargement and intensification, with the final products now standardized. The arrival of large producers finished sweeping out the small local factories transforming within the area agricultural products.

38 Vulnerability can here be assessed through the genericity of the resources generated, in both tourism and agriculture: they pulled the area into an extended competition, a sensitivity to the fits and starts of the national economy, and a dependence on the cold weather and snow conditions. However, this tidal wave should not overshadow the seeds of resistance on the part of local actors to maintain an identity of local production, which would bear fruit during the following period.

39 In addition, the simultaneous occurrence of the skiing activity, the creation of the Vercors Regional Nature Park in 1970, followed by the national legislation in favor of the environment, as well as the actions undertaken by the Association for the Promotion of the Park’s Farmers (Association pour la Promotion des Agriculteurs du Parc; APAP), demonstrated the contradictions between the different visions for the area, between landscapes modeled by winter recreational activities, safeguarding agricultural activities, and the protection of wilderness areas (Perret, 2003). These instances provided room for discussion, compromises, and adapted governance around these issues, which reduced the area’s vulnerability.

40 The passage from Period 3 to 4 cannot be identified by a particular event: it stems from a progressive transition, with diverse impulses in different agriculture and tourism dynamics that began in the 1970s and 1980s.

41 In Period 4 (1990–2016), urban growth stemming from tourism slowed down (in light of the progression in the number of second homes), in favor of periurbanization, which widened the gap between the township units of the area.

42 An ecosystemic vision of the landscape was structured, taking into account environmental issues: biodiversity, water, and the place of the wolf (Mounet, 2006): all engendered specific policies, negotiated between the local actors.

43 The problems that the genericity of the resources implemented could raise, sooner or later, were anticipated: dynamics attempted to relocate activities and to foster the identity of the area by coordinating farmers, the Park, and local authorities, which allowed setting up the Bleu de Vercors-Sassenage AOC (Madelrieux et al., 2015; Janin, 2016). Recurrence of drought years resulted in pilot strategies around the “Sentinel Mountain Pasturing” program, contributing to the adaptability of the pasturing activity.

44 Similarly, the area anticipated the impacts of climate change for the skiing activity: the reaction to the snowless winters differed from the reaction in the 1980s, stemming from a transformative adaptation: beginning in the early 1990s, the trend was diversification of the supply of summer and weekend cultural and recreational activities.

45 However, despite the process of local identification of these different resources, they remained a contrasting association and the coordination of public and private actors remained relative (Hirczak et al., 2008; Janin et al., 2016). After having served the different micro-regions formed by the intermunicipal relations, the Regional Nature Park seeked to become an actor integrating the area’s overall ecological issues. It sought to forge its

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 37

place between the intermunicipal, departmental, and regional authorities (Gerbaux and Paillet, 2000), attempting to anchor social innovation strategies over the long term through appropriation by local actors, but it was out of sync with the timeline of the political mandates (Cosson and Delorme, 2015).

46 Decrypting periodization ended in a debate around 2016: would this periodization be a turning point for the area given the reversals in regional policy, changes in governance of the Regional Nature Park, and the revision of the Charter?

Conclusion

47 Assessment of vulnerability, as defined herein, makes co-construction of knowledge by the human and social sciences and natural sciences necessary. The test comprising a historical reconstitution of the socio-ecological dynamics of a defined area, using both the finesse of the data and the cartography they require, as well as challenging the variables adopted to measure ecosystem services, has shown the methodological problems that must be overcome. At the same time, these critical issues have allowed us to draw up a reproducible methodology and to show how rich the approach can be in terms of mutual contributions that serve to refine the qualitative, quantitative, and spatialized knowledge on nature–society interactions. The project succeeded in initiating the shared idea that the chronosystemic timeline could function as a boundary object, providing its “persuasive proofs during which reasoning becomes the subject of intersecting assessments” (Chateauraynaud, 2011), thus opening possibilities for interdisciplinary studies.

BIBLIOGRAPHY

Adger W., Brooks N., Bentham G., Agnew M., et Eriksen, S. 2004.– New Indicators of Vulnerability and Adaptive Capacity. Technical report 7, Tyndall Centre for Climate Change Research, Tyndall.

Allen K., 2003. – « Vulnerability reduction and the community-based approach », in Pelling M. (ed.), Natural disasters and development in a globalizing world. Routledge, London, pp. 170-184.

Beck C., Luginbühl Y., Muxart T., 2006.– Temps et espaces des crises de l’environnement, Quae.

Barreteau O., Giband D., Schoon M., Cerceau J., Declerck F., et al., 2016. « Bringing Together Social-Ecological System and Territoire Concepts to Explore Nature-Society Dynamics », in Ecology and Society, n° 4-21, pp. 42.

Bergeret A., Delannoy J.–J., George-Marcelpoil E., Piazza-Morel D., Berthier-Foglar S., Bonnemains A., Bourdeau P., et al., 2015.– « L’outil-frise, dispositif d’étude interdisciplinaire du changement territorial », in EspacesTemps

https://www.espacestemps.net/articles/loutil-frise-dispositif-detude-interdisciplinaire-du- changement-territorial/.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 38

Berrouet L., Machado J., Villegas-Palacio C., 2018.– « Vulnerability of socio-ecological systems : a conceptual framework », in Ecological Indicators, n° 84, pp. 632-647.

Buclet N. (ed.), 2015.– Essai d'écologie territoriale : l'exemple d'Aussois en Savoie. CNRS Edition, Paris.

Brunier S., 2013.– « Il ne s’agit pas de reconstruire mais d’édifier. Servitudes et grandeurs de la politique de reconstitution agricole dans le massif du Vercors après 1945 », in Histoire et Mesure. Réparer, Dédommager, n° 1-28, pp. 217–50.

CCMV, 2015.– Rapport d’activité, http://www.vercors.org/publications/rapport-dactivite-2015, accédé 17-juillet-2018.

Chateauraynaud F., 2011.– Argumenter dans un champ de forces. Essai de balistique sociologique, Pétra.

Colloff M. J., Lavorel S., Van Kerhoff L. E., Wyborn C. A., Fazey I., Gorddard R., Mace G. M., et al., 2017.–« Transforming conservation science and practice for a postnormal world » , in Conservation Biology, n° 31-5, pp. 1008-1017.

Cosson A., Delorme J.–P., 2015.– « Accompagner par la recherche l’innovation sociale dans un parc naturel régional : un regard en miroir », in Sciences Eaux & Territoires, n° 2-17, pp. 46–51.

Díaz S., Demissew S., Carabias J., Joly C., Lonsdale M., Ash N., Larigauderie A., et al., 2015.– « The IPBES conceptual framework. Connecting nature and people. » in Current Opinion in Environmental Sustainability, n° 14, sup. C, pp. 1–16.

Diaz S., Pascual U., Stenseke M., Martin-Lopez B., et al., 2018.– « Assessing nature’s contributions to people. recognizing culture and diverse sources of knowledge, can improve assessments ». in Science, n° 359-6373, pp. 270-272.

Elissalde B., 2000.– Temporalités et changement spatial, Habilitation à diriger des recherches, Université Paris 1.

Fischer-Kowalski M. et Haberl H. (eds.), 2007.– Socioecological Transitions and Global Change : Trajectories of Social Metabolism and Land Use. Edward Elgar, Cheltenham

Geels F. W., Schot J., 2007- « Typology of sociotechnical transition pathways », in Research Policy, n ° 36-3, pp. 399–417.

Gerbaux F., Paillet A., 2000.– « Supracommunalité et intercommunalité de base : quelles articulations ? L’exemple du parc naturel régional du Vercors » in Revue de Géographie Alpine n ° 88-1, pp. 35–43.

Gumuchian H., Pecqueur B. (eds), 2007.– La ressource territoriale. Anthropos, Economica, Paris.

Hamman P. (ed), 2017.– Ruralité, nature et environnement. Entre savoirs et imaginaires. Erès, Toulouse.

Hirczak M., Moalla M., Mollard A., Pecqueur B., Rambonilaza M., Vollet D., 2008.– « Le modèle du panier de biens. Grille d’analyse et observations de terrain » in Economie Rurale, n° 308, pp. 55-70.

INSEE, 2016.– « Le PNR du Vercors : entre tourisme et périurbanisation », in INSEE Analyse Auvergne-Rhône-Alpes, n° 7.

IPCC, 2001.– Climate change 2001 : Impacts, adaptation and vulnerability, Cambridge University Press.

Janin C., Peyrache-Gadeau V., Landel P-A., Perron L., Lapostolle D., 2016.– « L’approche par les ressources : pour une vision renouvelée des rapports entre économie et territoire », in Torrer A., Vollet D. Partenariats pour le développement territorial, Quae, Versailles, pp. 149-163.

Kull C. A., Arnauld de Sartre X., Castro-Larrañaga M., 2015.– « The Political Ecology of Ecosystem Services », in Geoforum, n° 61, pp. 122-134.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 39

Liu J, Dietz T., Carpenter S. R., Alberti M., Folke C., Moran E., Pell A. N., et al., 2007.– « Complexity of coupled human and natural systems », in Science, n° 317-5844, pp. 1513–16.

Madelrieux S., Alavoine-Mornas F., 2015.– « Bassin laitier des "Quatre Montagnes" (France). Influences extérieures, réaction des acteurs locaux et réinvention de la tradition » in Napoléone M., Corniaux C., Leclerc B., (eds), Voies Lactées. Dynamique des bassins laitiers entre globalisation et territorialisation, INRA-SAD-Cardère, pp. 111–141.

MAE (Millennium Ecosystem Assessment), 2005.– Ecosystems and human well-being : Synthesis, Island Press, Washington DC.

Magnan A., 2012.– « Evaluer ex-ante la pertinence de projets locaux d’adaptation au changement climatique » in Vertigo, n° 3-12.

McNeill J.R., 2010.– « The State of the Field of Environmental History » in Annual Review of Environment and Resources 35, nᵒ 1 : 345‑74.

Mendez A. (dir), 2010.– Processus. Concepts et méthode pour l’analyse temporelle en sciences sociales. Academia-Bruylant, Louvain.

Mounet C., 2006.– « Les enseignements d’une expérience locale de gestion d’une espèce protégée : le cas du loup dans le Vercors » in Natures Sciences Sociétés suppl.1, pp. 65–66.

Perret, J.– 2003. « L’APAP, une communauté pour exister », in Regards sur l’agriculture en Vercors, Parc Naturel Régionale du Vercors- Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement.

Raudsepp-Hearne C., Peterson G. D., Bennett E. M., 2009.– « Ecosystem service bundles for analyzing trade-offs in diverse landscapes », in PNAS, n° 107 -11, pp. 5242–5247.

Steger C., Hirsch S., Evers C., Branoff B., Petrova M., Nielsen-Pincus M., Wardropper C., Van Riper C. J. , 2018.– « Ecosystem services as boundary objects for transdisciplinary collaboration », in Ecological Economics, n° 143, pp. 153‑60.

Vinck D., 2009.– « De l’objet intermédiaire à l’objet-frontière », in Revue d’anthropologie des connaissances, n° 31-1, pp. 51–72.

Walker B., Holling C.S., Carpenter S.R., Kinzig A.P., 2004.– « Resilience, adaptability and transformability in social-ecological systems » in Ecology and Society n° 9-2, pp. 5.

APPENDIXES

Appendix 1. Sources used in collecting data in the human and social sciences Demographic and residential dynamics axis • Données INSEE : démographies, densité, résidences principales, secondaires par chaque commune de la CCMV pour les années 1946, 1954, 1965, 1968, 1975, 1982, 1990, 1999, 2008, 2013. • Données INSEE ; Série historique sur la CCMV. • https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101 ?geo =EPCI-243801024 • INSEE, 2016.– « Le PNR du Vercors : entre tourisme et périurbanisation », in INSEE Analyse Auvergne-Rhône-Alpes, n° 7, mars 2016 • Corneloup J., Bourdeau P., Bachimon P., Bessy O., 2014.– « L’habitabilité récréative périurbaine » in Sociétés, n° 3-125, pp. 47–58. • Debroux J., 2011.– « Stratégie résidentielles et position sociale : l’exemple des localisations périurbaines », in Espaces et Sociétés n° 144–145, pp. 121–39.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 40

Local policy and PNRV axis • Évolution des syndicats intercommunaux et EPCI sur le territoire. • Actions du PNRV. • CCMV, 2015.– Rapport d’activité, http://www.vercors.org/publications/rapport- dactivite-2015, accédé 17-juillet-2018. • Cosson A., Delorme J-P., 2015.– « Accompagner par la recherche l’innovation sociale dans un parc naturel régional : un regard en miroir », in Sciences Eaux & Territoires, n ° 2-17, pp. 46–51. • Gerbaux F., Paillet A., 2000.– « Supracommunalité et intercommunalité de base : quelles articulations ? L’exemple du parc naturel régional du Vercors » in Revue de Géographie Alpine n° 88-1, pp. 35–43. • Mounet C., 2006.– « Les enseignements d’une expérience locale de gestion d’une espèce protégée : le cas du loup dans le Vercors » in Natures Sciences Sociétés suppl.1, pp. 65–66. Forest, water, environment axis • Lardon S., Chauvin C., Chambon P., Caron A., Bouchaud M., Cordonnier T., Valenzisi M., Johany F., Planchat C., Von Korff Y., 2015.– « Projet de territoire sur la forêt du Vercors : l'expérience de recherche intégrée FORGECO », in GIS Démocratie et Participation, Actes du Colloque “Chercheur.e.s et acteur.e.s de la participation : Liaisons dangereuses et relations fructueuses”, Saint-Denis, 29-30 janvier 2015, URL : http:// www.participation-et-democratie.fr/fr/node/1839. Tourism axis • INSEE, 2016.– « Le PNR du Vercors : entre tourisme et périurbanisation », in INSEE Analyse Auvergne-Rhône-Alpes, n° 7, mars 2016 • Bouhaouala M., 2001.– « Les relations inter-entreprises dans un marché local : le cas des PE-TPE de tourisme sportif en Vercors », in Espaces et Sociétés, n° 2-105. • Francois, 2004.– « Le tourisme durable, une organisation du tourisme en milieu rural » in Revue d’économie Régionale et Urbaine n° 2004-1, pp. 57–80. • François H., 2007.– « De la station ressource pour le territoire au territoire ressource pour la station : le cas des stations de moyenne montagne périurbaines de Grenoble », Thèse de doctorat en aménagement, Université Joseph Fourier, Grenoble. • Perrin C., et Mounet C., 2006.– « L’organisation de la pratique du canyoning sur un site : le canyon du Furon », in Movement and Sport Sciences n° 1-57, pp. 79–103. • Perrin-Malterre C., 2015.– « Comparer l’organisation d’un sport de nature dans deux espaces protégés » in Sciences Sociales et Sport, n° 1-8. • Rech Y., Mounet J.–P., Briot M., 2009.– « L’innovation dans les sports de nature ; l’irruption de nouvelles activités dans une station de sports d’hiver », Espaces et Sociétés, n° 1-136–137, pp. 155–71. • Suchet A., 2016.– « Les Ruines des jeux olympiques de Grenoble 1968. Le tremplin de saut à ski de Saint-Nizier-Du-Moucherotte et ses fantômes », in Techniques et Cultures, n° 65–6, pp. 434–47. Agriculture axis • Brunier S., 2013.– « Il ne s’agit pas de reconstruire mais d’édifier. Servitudes et grandeurs de la politique de reconstitution agricole dans le massif du Vercors après 1945 », in Histoire et Mesure. Réparer, Dédommager, n° 1-28, pp. 217–50.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 41

• Doré A., Compagnone C., Dobremez L., Madelrieux S., 2015.– « Pâturage et cultures techniques de l’herbe. Les mondes de l’élevage des territoires de montagne du Vercors et de La Bigorre » in Pâturages, n° 63, pp. 56–73. • Janin C., Peyrache-Gadeau V., Landel P-A., Perron L., Lapostolle D., 2016.– « L’approche par les ressources : pour une vision renouvelée des rapports entre économie et territoire », in Torrer A., Vollet D. Partenariats pour le développement territorial, Quae, Versailles, pp. 149-163. • <#ITALIQUES#>Janin C., Josselin D., Laforgue C., 1993.– « Val de Lans- en-Vercors : Simulations de l’évolution d’un paysage » in Mappemonde, n° 4. • Madelrieux S., Alavoine-Mornas F., 2015.– « Bassin laitier des "Quatre Montagnes" (France). Influences extérieures, réaction des acteurs locaux et réinvention de la tradition » in Napoléone M., Corniaux C., Leclerc B., (eds), Voies Lactées. Dynamique des bassins laitiers entre globalisation et territorialisation, INRA-SAD-Cardère, pp. 111–141. • Perret J., 2003.– « L’APAP, une communauté pour exister », in Regards sur l’agriculture en Vercors, Collection "Études et chroniques" du Parc naturel régional du Vercors dirigée par le Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement.

NOTES

1. LabEx ITEM - Innovation et Territoires de Montagnes. Funded by the “Investissements d’Avenir” program administered by the Agence Nationale de la Recherche (ANR-10-LABX-50-01). 2. ADAMONT project (2015–2017). Impacts of climate change and Adaptation in mountain areas. Funded by the Programme Gestion et impacts du changement climatique (GICC) and the Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC). 3. FORGECO project (2010–2014). Du diagnostic à l'action : créer les conditions d’une gestion intégrée et viable des écosystèmes forestiers sur les territoires. Funded by the ANR, Systerra Program, 2009. 4. ESNET Project (2013–2017). Futur des réseaux de services écosystémiques dans la région urbaine de Grenoble. Partnership program led by LECA and funded by ONEMA. http:// www.projet-esnet.org/.

ABSTRACTS

The study of socio-ecosystems, their vulnerability, resilience and trajectories often requires collaboration between the human and social sciences, and the natural sciences. This article proposes to test this notion of socio-ecosystem and a methodology around the chronosystemic timeline as intermediate tools of interdisciplinary knowledge. It reports on an interdisciplinary experience, its research context, as well as its conceptual and methodological framework, illustrated with the example of the Quatre Montagnes in the Vercors Mountains (French Alps). It proposes a protocol that can be applied to monitoring the vulnerability trajectories of an association of municipalities and its environmental resources in an interdisciplinary perspective. The process consists of four stages: i) a sociohistorical and ecological exploratory step, ii) the determination of the dimensions to be observed and their indicators, iii) the construction of the

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 42

timeline, and iv) the analysis of the vulnerability trajectory of a landscape including its actors. This article presents the potential, the methodological difficulties, and the critical issues of this interdisciplinary analysis.

INDEX

Keywords: chronosystemic timeline, vulnerability, boundary object, interdisciplinarity, Vercors, resources

AUTHORS

THOMAS SPIEGELBERGER

Université Grenoble Alpes, Irstea, LESSEM, 38400 St-Martin-d'Hères, France. Université Grenoble Alpes, Irstea, LTSER France, Zone Atelier Alpes, 38000 Grenoble, France. [email protected]

AGNÈS BERGERET

SCOP 3Bis, 38100 Grenoble, France. Université Grenoble Alpes, CNRS, Sciences Po, PACTE, 38000 Grenoble, France.

ÉMILIE CROUZAT

Université Grenoble Alpes, Université Savoie Mont Blanc, CNRS, LECA, 38000 Grenoble, France. Université Grenoble Alpes, Irstea, LTSER France, Zone Atelier Alpes, 38000 Grenoble, France.

LEITA TSCHANZ

Université Grenoble Alpes, Irstea, LESSEM, 38400 St-Martin-d'Hères, France.

DELPHINE PIAZZA-MOREL

Université Grenoble Alpes, Irstea, LESSEM, 38400 St-Martin-d'Hères, France.

JEAN-JACQUES BRUN

Université Grenoble Alpes, Irstea, LESSEM, 38400 St-Martin-d'Hères, France. Université Grenoble Alpes, Irstea, LTSER France, Zone Atelier Alpes, 38000 Grenoble, France.

DOMINIQUE BAUD

Université Grenoble Alpes, CNRS, Sciences Po, PACTE, 38000 Grenoble, France.

SANDRA LAVOREL

Université Grenoble Alpes, Université Savoie Mont Blanc, CNRS, LECA, 38000 Grenoble, France. Université Grenoble Alpes, Irstea, LTSER France, Zone Atelier Alpes, 38000 Grenoble, France.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 43

Changements climatiques et vulnérabilité des territoires : regards de montagnards sur l’évolution des risques et l’adaptation dans deux vallées pyrénéennes

Christine Bouisset, Sylvie Clarimont et Isabelle Degrémont

1 Cet article vise, à partir de la situation des Pyrénées occidentales, à fournir une meilleure compréhension de la façon dont les acteurs locaux, élus en particulier, appréhendent les changements climatiques dans les zones de montagne1. Nous émettons l’hypothèse que la difficulté à appréhender les changements présents et à venir contribue à la vulnérabilité des territoires aux changements climatiques. La notion de vulnérabilité est mobilisée dans les travaux sur les risques naturels et, depuis moins longtemps, dans ceux sur les changements climatiques, avec des sens parfois différents (Adger et al., 2005 ; Adger, 2006). Dans le domaine des risques, elle désigne en général la propension d’un enjeu (humain, matériel, etc.) à subir des dommages face à l'existence et l'occurrence d'un aléa (Blaikie, et al., 2004 ; Cutter, 1996 ; Thouret et d'Ercole, 1996). Appliquée au contexte du changement climatique, elle désigne plutôt le degré auquel un système (ici, un territoire) risque d’être affecté négativement par les effets des changements climatiques, y compris la variabilité climatique et les phénomènes extrêmes (GIEC 2001 et 2014). Dans la sphère opérationnelle, l’ADEME, à partir d’éléments inspirés par le GIEC, décompose la vulnérabilité au changement climatique d’un territoire en trois indicateurs : degré d’exposition (nature, ampleur et rythme des changements), sensibilité (conséquences du changement sur la sécurité des personnes, l’environnement, les activités) et capacité d’adaptation (aspects organisationnels et dispositifs de gouvernance) (ADEME, 2012). C’est cette grille que le Parc national des Pyrénées a mise en œuvre dans le diagnostic de son Plan climat pour évaluer la vulnérabilité du territoire auquel appartiennent les vallées

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 44

que nous avons étudiées. En pratique, cette définition établit un lien étroit entre vulnérabilité et changements. Les changements étant inhérents aux systèmes socio- écologiques, les ignorer ou y résister accroîtrait la vulnérabilité (Walker et Salt, 2004). Ainsi que souligné par Magnan et al. (2012), la vulnérabilité elle-même est évolutive et son évaluation passe nécessairement par la prise en compte du temps (Adger, 2006) : comprendre les facteurs de vulnérabilité d’un territoire suppose à la fois de prendre en compte son épaisseur historique et les tendances futures.

2 Nous nous sommes donc penchés sur la façon dont les acteurs locaux, notamment les élus, appréhendent la vulnérabilité de leur territoire de vie aux changements climatiques en contextualisant ces derniers parmi les changements passés, présents et futurs, en nous attachant à comprendre la pluralité de points de vue. Une attention particulière a été portée aux interactions entre changements climatiques et événements extrêmes, car les territoires étudiés sont identifiés à l’échelle départementale comme des espaces fortement exposés aux risques naturels (Préfecture 64, 2018). L’intensification des aléas naturels et les modifications de la nivosité (avec les menaces sur le tourisme hivernal qu’elle engendre) sont considérées comme deux conséquences majeures du changement climatique dans les montagnes françaises (Bertrand et al. 2007 ; Richard et al., 2010) et notamment dans les Pyrénées (Le Treut, 2013 et 2018). Sur le terrain, l’évolution des aléas, sous l’impact des changements climatiques, peut remettre en cause leur connaissance et leur maîtrise.

3 Si l’action des collectivités locales en tant qu’institutions est souvent scrutée, il est plus rare que le regard personnel des élus, notamment ceux des petites communes, sur ces questions soit interrogé (Wachinger et al., 2010). Or l’échelon local se voit réglementairement accorder un rôle croissant tant dans la lutte contre les changements climatiques (Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, 2015), que dans la politique de gestion des risques (transfert de la prévention des inondations aux intercommunalités, en 2018). Une enquête qualitative basée sur des entretiens semi- directifs (une heure en moyenne), en face-à-face, a été réalisée au printemps 2017 : 20 élus sur les 30 communes des vallées pyrénéennes d’Ossau et d’Aspe ont été interrogés. Leur regard a été complété par autant d’entretiens auprès d’habitants résidant dans des zones considérées comme à risque dans les plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPR) ou la cartographie informative des risques naturels. Enfin, une dizaine d’entretiens auprès de représentants de structures locales (Conseil départemental, service Restauration des Terrains en Montagne, etc.) ont permis de contextualiser la question de la vulnérabilité. La grille d’entretien comportait 5 grands thèmes : • Le cadre de vie et son évolution éventuelle ; • Connaissance du changement climatique (signes observés, impacts futurs) ; • Risques et connaissance des aléas (mémoire des phénomènes, mesures de prévention) ; • Changement climatique, évolution des risques et vulnérabilité du territoire ; • Sources d’information personnelle sur le sujet.

4 Une analyse lexicale (à partir du logiciel Tams Analyser) des entretiens retranscrits a été réalisée : définition des unités de sens dans les réponses, codage et quantification des occurrences afin de comprendre comment les interviewés voient les changements environnementaux et territoriaux, comment ils évaluent la vulnérabilité de leur territoire et quels liens potentiels ils établissent entre changement climatique et phénomènes extrêmes.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 45

5 Trois résultats principaux seront mis en évidence. Tout d’abord, les interviewés identifient un certain nombre de changements environnementaux mais estiment leur territoire avant tout vulnérable aux changements socio-économiques. Nous montrerons ensuite que s’ils relient souvent les questions des changements climatiques à celles des risques, la connaissance qu’ils ont des deux phénomènes demeure très limitée et leur vision de l’avenir très incertaine. Enfin, cette difficulté à se projeter dans le futur, tout comme la technicité de ces questions, limitent leur capacité d’adaptation et les conduisent à considérer l’action comme relevant d’autres échelles temporelles et spatiales que la leur.

Regards sur la vulnérabilité du territoire : entre inquiétude récurrente vis-à-vis des changements de société et minoration des changements environnementaux

6 Une première série de questions avait pour objectif de laisser les enquêtés présenter leur territoire de vie pour ensuite aborder les types de changements qu’ils avaient pu observer depuis leur installation. Volontairement ouverte, cette dernière question a permis de constater à quel point l’ensemble des interviewés s’inquiète avant tout des changements socio-économiques qui affectent leur territoire et sont potentiellement susceptibles d’accroître sa vulnérabilité : évolutions économiques, des modes de vie, de la gestion territoriale sont plus souvent mentionnées que les changements environnementaux et en particulier climatiques. La grande majorité des enquêtés met en avant les évolutions économiques et démographiques. La désertification rurale est montrée comme un fait majeur dans la longue durée : pour certains, elle est analysée depuis le XIXe siècle, pour d’autres, il s’agit surtout de décrire la lutte constante pour maintenir la population et les services publics depuis le milieu du XXe siècle. Les évolutions paysagères sont également citées, tout particulièrement la fermeture des paysages avec la baisse des activités agricoles et surtout pastorales. Les explications se focalisent donc sur des facteurs anthropiques locaux et non sur des causes environnementales et/ou climatiques globales. Si les discours des habitants et des élus sont très convergents, une thématique supplémentaire est toutefois évoquée par ces derniers : les réorganisations territoriales actuelles et particulièrement la loi NOTRe (2015) sur le transfert des compétences administratives (fig. 1) pouvant influer, positivement ou négativement, sur la capacité d’adaptation du territoire.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 46

Fig. 1 : Les différents types de changement abordés par les élus (nombre de mentions)

Source : auteurs, 2018.

7 Chez les élus, les changements de toute nature sont vécus et expliqués de manière davantage négative que positive. Les discours sur l’évolution du mode de vie peuvent être particulièrement sombres. Les mentions de la baisse démographique et de la faiblesse des offres d’emploi sur place s’accompagnent de descriptions peu réjouissantes sur la dynamique des villages. De façon plus minoritaire (12 citations contre 23), une vision davantage positive se dessine cependant : ruralité, vie sociale et solidarité sont plébiscitées. De même, si les élus regrettent la perte des emplois industriels de proximité (bassin d’Arudy), le vieillissement et la baisse du nombre des agriculteurs ou la difficulté à maintenir des services de qualité, une certaine stabilisation de ces processus et une tentative timide de diversification sont évoquées : circuits courts, artisanat, services à la personne. La réorganisation territoriale est également un changement abordé plutôt négativement. Les élus évoquent ainsi une perte de compétences et d’autonomie en matière d’urbanisme ou d’équipement. Mais certains y voient quelques bénéfices : transport à la demande financé par l’intercommunalité, regroupement des écoles, conservation de l’authenticité architecturale. Les discours sur les évolutions paysagères oscillent quant à eux, entre mentions négatives de surfaces agricoles de plus en plus à l’abandon et affirmations fortes sur la modernisation des équipements et infrastructures publics et surtout sur la haute qualité environnementale des vallées : le paysage montagnard est ainsi plébiscité par tous. La répartition entre visions pessimistes et optimistes sur l’avenir de ces territoires montagnards est presque équilibrée.

8 Si chez les élus, personne n’aborde spontanément les éléments climatiques parmi les changements observés à l’échelle du territoire, beaucoup sont capables, après relance, d’en parler et d’évoquer des signes « tangibles ». Une série de questions ciblées sur les changements climatiques a alors permis de préciser leurs points de vue. Interrogés sur ce qu’est le changement climatique à leurs yeux, les élus se réfèrent très peu à l’échelle globale : par exemple, seuls quatre élus (sur 20) évoquent l’évolution des températures à l’échelle mondiale et la volonté internationale de limiter le réchauffement à 2 degrés. Pour eux, l’appréhension du changement climatique s’effectue donc à partir de l’échelle locale, parfois, plus rarement, à l’échelle de la montagne pyrénéenne dans son ensemble. Les positions exprimées reflètent les débats contradictoires observés dans les médias, les

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 47

expertises scientifiques ou les positions politiques des États. Bien que les points de vue s’accompagnent souvent d’expressions soulignant la position très humble de l’interviewé face à la connaissance du phénomène, quatre groupes avec des discours bien distincts se dessinent. Un peu moins de la moitié se disent sûrs d’observer des indices de changement climatique. Extrêmement convaincus, ils emploient des qualificatifs catégoriques : « incontestable », « tangible », « sûr », « certain », « constaté », « mesuré ». Le second groupe, presque aussi important en nombre, est convaincu qu’il se passe globalement quelque chose, mais sans aborder l’échelle locale : « Je ne sais pas, moi je suis pas spécialiste, c’est vous le spécialiste. C’est une réalité il me semble, donc à l’échelle mondiale » (E5). Ce groupe affirme souvent que la position géographique de la vallée permet ou permettra de les protéger : « Des grands changements, bon..., je pense qu'il y a…, pas ici encore. On est dans une zone, dans une zone privilégiée » (E6). Le troisième groupe fait part de son ignorance et s’interroge sur la possibilité que les changements, qu’ils ne nient pas, ne soient que des variabilités interannuelles inhérentes aux processus climatiques : « C’est des cycles, nous ici en moyenne montagne, c’est des cycles. Moi après, je ne suis pas assez calé là-dessus » (E15). Enfin, un seul interviewé se déclare totalement climato-sceptique.

9 Interrogés sur les éventuels signes des changements climatiques, les élus sont les plus prolixes. Ils évoquent en premier les variations de températures et de précipitations, notamment la faiblesse des précipitations neigeuses (11 mentions). La présence de stations de ski (Gourette, Artouste, La Pierre-Saint-Martin) particulièrement sensibles au changement climatique et leur poids dans l’économie locale exacerbe l’attention sur ce point. De façon générale, les saisons sont perçues comme moins marquées, décalées dans le temps. Tout particulièrement l’hiver, considéré comme « perturbé » avec un enneigement moins fréquent. Le manque général de précipitations est également mis en avant avec des mentions de sécheresse (9 mentions, souvent en lien avec l’agriculture) et de pénurie d’eau : le changement climatique, « ça évoque des étés de plus en plus secs et du coup de moins en moins d’eau dans les cours d’eau et des sources qui se tarissent en montagne, comme ça, ça m’évoque ça. Des hivers sans neige aussi je pense : quand je suis arrivé, il y avait 2 mois de neige ici dans le village » (E13). La montée de la limite pluie/ neige en altitude est également mentionnée ainsi qu’une augmentation de l’amplitude thermique journalière. En dehors de ces considérations climatiques, les interviewés évoquent spontanément, dans une proportion moindre cependant, des indices concernant les conséquences environnementales des changements climatiques sur la végétation (montée de la limite de l’étage forestier), sur les attaques parasitaires, mais, surtout, sur l’exacerbation des phénomènes naturels à risque (7 mentions).

Risques présents, risques futurs et changements climatiques : un sujet technique, mal maîtrisé

10 Même si le terme de « risque » n'était délibérément pas présent dans les premières questions posées aux interviewés sur les évolutions induites par les changements climatiques, l'impact futur de ces derniers est largement perçu comme représentant des risques de différentes natures dans une perspective très anthropocentrique : les impacts sur la biodiversité ou sur l'environnement dans son ensemble sont beaucoup moins mentionnés que les conséquences pour l'homme. Lorsqu’on les interroge non plus sur ce qu’ils observent, mais sur ce qu’ils pensent des évolutions futures, les habitants sont pour

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 48

la plupart très peu diserts. Tout en soulignant les limites de leurs connaissances, les élus évoquent surtout les conséquences socio-économiques et des évolutions environnementales susceptibles de fortement affecter la population et les activités locales : raréfaction de l'eau, lien avec les aléas naturels.

11 Les opinions que les élus locaux expriment sur les futurs effets du changement climatique sur les aléas sont souvent contradictoires et reflètent l'incertitude scientifique. Interrogés explicitement sur les risques naturels, seuls quatre élus affirment qu'ils ne croient pas ou ne savent pas si les changements climatiques peuvent modifier les aléas. Ils se réfèrent à la connaissance vernaculaire des anciens pour affirmer que les aléas ont toujours existé et sont un phénomène cyclique où alternent périodes paroxystiques et accalmies : « on met tout ça sur le dos du réchauffement climatique alors dans tout ça il faut faire un tri. Bon, y a eu par le passé aussi, des épisodes pluvieux. Y a, je pense, des choses qui, plus ou moins cycliques, qui se renouvellent et qui font que, voilà. » (E16). Il s’agit donc de souligner à la fois l’incertitude scientifique et le manque de recul qui, à leurs yeux, permettraient d’affirmer un lien certain entre phénomènes observés et changements climatiques. Le recours aux savoirs vernaculaires comme témoignage qui vient contredire localement les discours scientifiques et médiatiques sur les changements climatiques, est récurrent : « il y a des gens qui ont 92 ou 93 ans, il y en a 7 ou 8 dans le village, et ils disent tous pareil : “ces cycles, ils les ont connus”, on se dit “c’est bizarre quand même”. » (E7).

12 Ce point de vue reste néanmoins très minoritaire. À l’instar des enquêtes menées à l’échelle nationale qui montrent que les désordres climatiques (tempêtes, inondations) sont de plus en plus imputés à l’effet de serre (CGDD, 2018 : 13), la plupart des personnes interrogées pensent que les risques vont s'aggraver. Mais, comme les scientifiques, elles déclarent ne pas savoir jusqu’à quel point. La liste des phénomènes mentionnés est assez large : pluies abondantes, inondations, glissements de terrain, avalanches principalement. De nouveaux aléas sont également identifiés, tels ceux liés à l'utilisation du feu dans les pratiques agricoles traditionnelles : « nous avons vu des feux de forêt... il y a une quinzaine ou une vingtaine d'années, nous n'en avions jamais entendu parler ici » (E1). Il convient de noter que, pour cette personne, le temps employé montre que ce problème est déjà une réalité. Alors que la question portait explicitement sur l’avenir, elle a en fait amené de nombreux élus à parler d’évolutions déjà observables à leurs yeux y compris parmi ceux qui affirmaient dans les questions précédentes que l’impact du changement climatique n’était pas très spectaculaire en montagne ou qui ne pensaient pas spontanément à citer les aléas dans les évolutions observées et envisageables. Ainsi, trois types de postures sont observables par rapport à la temporalité de l’évolution des risques : les deux premières témoignent d’une évolution déjà en cours, soit de façon implicite, en répondant au présent à une question posée sur le futur, soit de façon plus explicite puisque la réalité de changements déjà observables est mise en avant. Les derniers, enfin, essaient de se rassurer en rejetant les évolutions dans un futur lointain : « Nous ne verrons pas tout cela » (E 15).

13 Outre la question de l’aggravation des aléas, plusieurs élus, évoquent des changements dans leur comportement, par exemple leur répartition spatiale : « y a des endroits peut- être qui ne seront plus soumis à certaines… à certaines inondations ou peut-être à des avalanches, peut-être, ou même des endroits où des avalanches, y en avait pas et puis maintenant qui peuvent revenir. Enfin, ça... ça peut évoluer. » (E17). À cet égard, l’aléa qui laisse les personnes interrogées perplexes est celui des avalanches, car pour certaines, le comportement de la neige semble plus erratique, moins prévisible que par le passé. Trois

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 49

d'entre elles considèrent clairement que la connaissance locale de l’aléa avalanche est obsolète : « cet hiver, y’a eu une avalanche, bon celle-là, personnellement moi je l’avais jamais vue (…) Et quand on sait que les anciens, quand ils construisaient quand même quelque chose, c’était jamais dans un endroit à risque » (E17).

14 La survenue d’avalanches dans de nouveaux endroits est expliquée par de nouveaux comportements de la neige liés aux changements climatiques : « moi, j’ai l’impression qu’il y a moins de neige qu’avant, (…) elle tombe de manière importante et ponctuelle quoi (…) plus de douceur l’hiver, moins de neige au village, par contre, autant de neige ou peut-être plus en haute montagne » (E18). Ainsi, le manteau neigeux évoluerait plus vite : « Avant, c’est sûr que, une chute de neige, on était sûr qu’elle était poudreuse. Maintenant dans les deux heures qui suivent elle passe de poudreuse à lourde » (E12). Ces discours soulignent donc l’existence de changements déjà observables. Ils sont néanmoins le fait d’une minorité d’élus (quatre personnes) nettement plus informés sur les risques que la moyenne, car originaires de communes soumises à un fort risque avalancheux.

15 Néanmoins, la plupart du temps, les réponses sur l’évolution des risques sont loin d’être précises et exhaustives : elles ne mentionnent qu’un ou deux types d’aléas, sont ponctuées de nombreux « je ne sais pas » et montrent que la plupart des personnes interrogées n'ont pas l'habitude de réfléchir au quotidien sur l’évolution des aléas. La connaissance que les élus ont des risques en général est donc souvent peu précise et peu technique même si toutes les communes sont concernées par au moins un type de risque et que les trois quarts possèdent un PPR. C’est a fortiori encore plus vrai sur la thématique pointue de la corrélation entre changements climatiques et évolution des phénomènes extrêmes. Pour la plupart d'entre eux, les connaissances se limitent à l’expérience personnelle et à ce qu'ils apprennent par eux-mêmes du sujet, via les médias grand public notamment (Loubat, 2017 ; Malfondet, 2017). Cette connaissance reflète à la fois les incertitudes scientifiques inhérentes au sujet et les difficultés qu'ils éprouvent à aborder des questions techniquement complexes.

16 Le constat valable pour les élus est encore plus criant chez les résidents dont les deux- tiers environ répondent qu’ils ne savent pas si les changements climatiques peuvent avoir un impact sur l’évolution des risques avec de très forts contrastes liés au niveau d’éducation, à la catégorie socio-professionnelle et à l’expérience personnelle : les mieux informés sont sans surprise issus de professions intellectuelles ou ont fait l’expérience de la gestion des risques dans le cadre de leurs activités (ancien élu, pisteur, éleveur). Globalement, les résidents des parties les plus hautes de la vallée où les aléas sont plus nombreux et diversifiés, ont des connaissances et une expérience plus importantes que ceux de l’aval, la plupart du temps concernés exclusivement par les inondations. Contrairement aux élus, les moins informés reconnaissent parfois sans détour que le sujet n’est pas au cœur de leurs préoccupations, voire qu’il ne les intéresse pas du tout, et ce, même si certains d’entre eux ont répondu au début de l’entretien qu’ils observaient des signes de changements climatiques. Comme pour beaucoup d’autres types de sujet, la question de l’avenir n’est pas forcément centrale pour ces personnes. Ils expliquent cette indifférence par leur grand âge ou des difficultés personnelles : « On est peut-être un peu égoïstes, on pense plus à notre vie, voilà. Parce qu’on a tellement de soucis maintenant que…, personnels que… » (H4).

17 Par conséquent, la majorité des habitants enquêtés s’inquiète peu des risques futurs et adopte une attitude passive à l’égard d’un risque présent perçu comme un élément du

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 50

cadre de vie familier : « il arrive quelquefois que le gave2 soit grand, alors on entend les gros blocs, les cailloux qui tapent contre les parois, mais bon, je dis : “tiens, ils sont en train de jouer à la pétanque”, mais on y est habitués, ça ne nous gêne plus ». (H11). La sous-évaluation du danger, observée ailleurs, dans des terrains alpins (Scolobig et al., 2010), passe également par sa mise à distance – spatiale et/ou temporelle – comme pour ce résident de la station de ski de Gourette : « c’est pas des risques majeurs… Moi, j’ai moins de risques ici qu’il n’y en a plus bas dans la vallée, du moins l’été » (H10). Cette mise à distance s’accompagne d’une forme de résignation teintée de fatalisme : « je ne vois pas comment contrer certaines forces de la nature ; on ne peut pas les contrer, pour moi, c’est clair ! (…) Il faut faire avec, hein, il faut être conscient que l’humain, s’il s’installe dans des zones à risques, il peut déguster à un moment ou à un autre » (H13). En conséquence, peu d’interviewés (4 seulement) disent avoir pris quelques précautions pour se protéger.

Réduire la vulnérabilité du territoire aux changements climatiques par des mesures d’adaptation ?

18 Si les élus sont, dans leur ensemble, conscients d’évoluer dans un territoire exposé à des risques multiples et sont sensibles aux perturbations climatiques perceptibles à différentes échelles, ils sont plus partagés sur les actions à mettre en œuvre pour les prévenir ou les atténuer. Cela tient au fait qu’ils n’évaluent pas tous de la même manière la vulnérabilité de leur territoire face aux aléas et face aux changements climatiques. Comme les habitants, les élus se sentent relativement à l’abri de ces derniers : « on est quand même, nous, préservés » (E2). À la question « À votre avis, y aurait-il des mesures concrètes qui pourraient limiter les effets du changement climatique ? », six élus n’ont pas de réponse ou formulent des propositions a priori très éloignées du sujet. L’un doute qu’il soit possible de mettre en œuvre des mesures efficaces : « J’ai des doutes. On a mis, par exemple, l’extinction des lumières, la nuit… parce que, effectivement, ça correspond à une économie d’énergie etc., mais bon, c’est vraiment à la marge, on ne se fait pas d’illusion… » (E1). Un autre, fataliste, considère qu’il est trop tard pour agir : « c’était bien avant qu’il fallait se poser la question (…) on va devoir le subir ce changement climatique » (E4). Cet aveu d’impuissance s’accompagne du sentiment que la lutte se joue à une autre échelle : « on est trop petit pour y faire quelque chose » (E7).

19 La majorité des élus mentionne cependant des mesures qui, adoptées localement, pourraient permettre d’atténuer les effets des changements climatiques : le développement des énergies renouvelables, la rénovation thermique des bâtiments, l’orientation vers une « agriculture plus douce, (…) moins énergivore » (E13). Ces idées demeurent cependant très générales et correspondent, pour beaucoup, à une évolution de la réglementation. Quand on leur demande si concrètement, dans leur commune, ils ont mené ou envisagent de mener des actions pour limiter les effets des changements climatiques, neuf élus reconnaissent n’en avoir mises en place aucune à l’exception de celles correspondant à une imposition ou une incitation nationale comme l’abandon de l’usage de produits phytosanitaires pour l’entretien des espaces publics.

20 Modestes, ces mesures souffrent pour leur généralisation d’un certain nombre de freins : déficit de moyens (financiers et humains) et déficit d’accompagnement. Les élus soulignent tous que les communes des vallées d’Aspe et d’Ossau sont des communes

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 51

rurales de taille modeste, au budget limité lourdement affecté par la baisse de la dotation de l’État : « moi, en trois ans, j’ai perdu 10 000 euros (…) donc il va bien falloir que je rogne sur quelque chose » (E20). La fusion, à partir de 2007, des services dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP), a profondément ébranlé le maillage territorial de l’État dans des vallées de montagne où la capacité à mobiliser de l’ingénierie territoriale et à l’utiliser sont limitées et où les communes se sentent démunies pour assumer, seules, les compétences qui leur ont été transférées par la décentralisation : « il faut accompagner les maires, il faut leur faire des propositions aussi, parce qu’on ne peut pas tout inventer, on ne peut pas, on est, euh, on a un champ d’actions qui est tellement vaste » (E16).

21 Ce déficit d’accompagnement est cependant à nuancer, car bien que plus discret, l’État demeure présent à travers ses agences. Un élu a ainsi fait référence à l’intervention de longue haleine, menée avec l’Agence de l’eau sur le lit majeur du gave d’Ossau : « l’Agence de l’eau achète les terrains pour redonner un peu de liberté au gave parce que (…) quand il y a des crues, elles sont quand même assez violentes donc il faut lui redonner (…). Là où c’est urbanisé, c’est urbanisé, mais là où on peut donner un peu de mobilité au gave, on le fait, au niveau intercommunal » (E3).

22 Cependant, aucune des deux vallées étudiées n’a adopté de stratégie d’adaptation aux changements climatiques à l’échelle de l’intercommunalité (elles n’en ont pour l’instant pas l’obligation légale, car elles ne dépassent pas les 50 000 habitants). Dans les deux cas, l’acteur de référence demeure étatique : le Parc national des Pyrénées (PNP) a, depuis juin 2012, lancé un Plan climat interdépartemental entre Hautes-Pyrénées et Pyrénées- Atlantiques. Pour quelques-uns de ces élus ruraux, le Parc est d’ailleurs reconnu comme un auxiliaire précieux dans la lutte contre le changement climatique même si, dans ces vallées profondément marquées par des conflits environnementaux inscrits dans la durée (opposition au Parc national, contestation de la réintroduction de l’ours en particulier), beaucoup de communes restent hostiles à l’établissement public (Clarimont, 2013).

23 Le Plan climat vise à mettre en œuvre une stratégie d’adaptation qui protège les personnes et les biens, évite les inégalités sociales face aux risques et préserve le patrimoine naturel (PNP, 2013 : 5). Il s’établit sur la base d’un diagnostic de vulnérabilité – présente et prévisible – prenant en compte aussi bien les aléas naturels qu’anthropiques. La vulnérabilité est évaluée à travers un état des connaissances et « un séminaire avec les acteurs concernés » (PNP, 2013 : 5), sans que la liste des participants ne soit précisée. La synthèse produite à la fin du diagnostic attribue par exemple au territoire une vulnérabilité forte à moyenne sur le thème biodiversité, mais une faible vulnérabilité sur celui des risques naturels, estimant qu’il s’agit là d’un « territoire qui a déjà bien appréhendé les risques naturels » (PNP, 2013 : 39) grâce à sa bonne couverture en PPR et à ses capacités de gestion de crise. Implicitement, le document pondère les trois indicateurs de la vulnérabilité qu’il a retenus accordant plus d’importance à l’aspect gouvernance qu’au degré d’exposition, sans dire explicitement si « la bonne appréhension des risques » est à ses yeux un indicateur relevant de la sensibilité du territoire ou de sa capacité d’adaptation. Ce faisant, le document prend peu en compte les temporalités, comme si la maîtrise passée des risques était forcément synonyme de faible sensibilité ou de capacité d’adaptation future. Or, le diagnostic lui-même souligne des faiblesses significatives dans l’appréhension des risques par les institutions locales : « Un certain attentisme. Une mauvaise gestion de l'espace. Une urbanisation mal contrôlée » et in fine « le manque d’appropriation des enjeux par les collectivités » (PNP, 2013 : 39). En

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 52

revanche, il ne mentionne pas, à propos des risques en tout cas, la fragilisation des communes rurales et la raréfaction des services publics pourtant fortement soulignées par les élus. D’ailleurs, bien que le Plan climat soit entré dans la phase de mise en œuvre, il n’est que très peu cité par les élus concernés : un seul l’évoque explicitement.

24 Par conséquent les mesures de lutte contre le changement climatique mises en œuvre, dans les deux vallées pyrénéennes étudiées, demeurent modestes, dispersées et faiblement innovantes. Elles constituent le plus souvent une réponse à une injonction légale. Les « barrières à l’adaptation » (Adger et al., 2009 ; Dupuis et al., 2011 ; Gifford, 2011) sont donc variées : déficit de moyens humains et financiers de collectivités territoriales rurales, permanence de pratiques héritées, appréhension limitée des effets du changement climatique à l’échelle locale, etc. Pour les élus locaux, la vulnérabilité de leur territoire est d’abord économique et sociale avant d’être climatique : la vallée « est vulnérable (…) mais ce n’est pas forcément lié au climat ; c’est lié à la désertification ou à l’exploitation des terres. Si on laisse en friche, elle sera vulnérable à cause des incendies (…). Voilà ces inconvénients-là que l’on peut craindre, mais ce n’est pas directement lié au climat, c’est lié à la sociologie et à l’évolution… de l’humain. » (E12).

Conclusion

25 L’approche de la vulnérabilité des territoires de montagne aux changements climatiques par la prise en compte des attitudes et discours des élus et des habitants confirme l’intérêt de se pencher sur les représentations sociales et culturelles qui envisagent le changement (Billig, 2004). Alors que les synthèses scientifiques sur les changements climatiques en Aquitaine soulignent l’impact déjà observable sur les milieux montagnards (Le Treut, 2013 et 2018), la plupart des interviewés jugent leur vallée relativement peu vulnérable aux changements climatiques et ne considèrent pas qu’il y ait une réelle urgence à agir localement. Pour reprendre la terminologie de l’ADEME, ils reconnaissent que le territoire est exposé, sans pour autant le considérer comme particulièrement sensible. Ils ne se sentent pas non plus en capacité de conduire des politiques d’adaptation au niveau communal. Le problème climatique est donc majoritairement considéré comme lointain à l’aune de leurs priorités temporelles vécues (Dubar, 2014). L’existence d’autres changements et d’autres sources de vulnérabilité du territoire est avancée comme facteur d’explication de leur faible mobilisation face à la question spécifique des changements climatiques. Cela peut être interprété aussi bien positivement comme le signe que les interviewés perçoivent, au moins en partie, les liens systémiques pouvant exister entre les différents enjeux de leur territoire (entre climat, déprise agricole et intensification des aléas par exemple), qu’au contraire, comme une façon commode de légitimer l’inaction en s’abritant derrière la complexité et la globalité des problèmes.

26 L’exemple étudié montre donc la difficulté à apprécier la vulnérabilité d’un territoire selon le type de vulnérabilité envisagé (vulnérable à quoi ?), l’attention accordée aux différents indicateurs potentiels et le pas de temps retenu. Faute de prendre en compte les mutations, voire d’anticiper les évolutions futures liées aux changements environnementaux et territoriaux, les savoirs locaux comme les politiques publiques considérés comme pertinents à un temps T, peuvent par exemple s’avérer rapidement obsolètes (Mercer, 2010), contribuant de façon significative à l’accroissement de la vulnérabilité à l’échelle d’un territoire. À cet égard, le rythme rapide des changements

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 53

environnementaux est généralement considéré comme un facteur important de la vulnérabilité parce qu’on tend implicitement à considérer le rôle de l’aléa comme essentiel dans la fabrique des risques, tout particulièrement en montagne (Hewitt & Mehta, 2012). Mais ici, seuls quelques interviewés constatent que ces changements remettent d’ores et déjà en cause la connaissance locale, tant vernaculaire que technique, de certains aléas comme les avalanches. C’est donc, au contraire, le caractère graduel et peu spectaculaire des changements environnementaux qui semble contribuer à limiter la propension à agir.

BIBLIOGRAPHIE

ADEME, 2012.– Diagnostic de vulnérabilité d’un territoire au changement climatique. Éléments méthodologiques tirés de l'expérience internationale, [Online] URL : http://www.ademe.fr/diagnostic- vulnerabilite-dun-territoire-changement-climatique

Adger W. N., Brooks N., Bentham G., Agnew M., Eriksen S., 2005.– New indicators of vulnerability and adaptive capacity. Tyndall Centre for Climate Change Research.

Adger W. N., 2006.– « Vulnerability. » Global Environmental Change 16 (3) : 268‑281.

Adger W. N., Dessai S., Goulden M., Hulme M., Lorenzoni I., Nelson D. R., Naess L. O., Wolf J. & Wreford A., 2009.– « Are there social limits to adaptation to climate change ? », Climatic change, 93, p. 335-354.

Bertrand F., Rocher L., Melé P., 2007.– Le changement climatique, révélateur des vulnérabilités territoriales ? UMR CITERES ; Université François Rabelais-Tours ; programme « Politiques territoriales et développement durable» (D2RT).

Blaikie P., Cannon T., Davis I., Wisner B., 2004.– At risk : natural hazards, people’s vulnerability and disasters. Second Edition, New York : Routledge.

Billig M., 2004.– « Studying the thinking society : social representations, rhetoric and attitudes », in G. Breakwell and D. Canter (eds.), Empirical approaches to social representations. London, Sage Publications, p. 39-62.

Bouisset C., Degrémont I., 2014.– « L’adaptation, une nouvelle clef pour penser la gestion des risques naturels en montagne ? ». Sud-Ouest Européen, 37, p. 91–104.

Clarimont S., 2013.– « La patrimonialisation des espaces naturels en débat: la réforme du Parc national des Pyrénées (France) ». VertigO – La revue électronique en sciences de l’environnement [Online], N° Special n° 16. URL: http://vertigo.revues.org/13549

Cutter S. L., 1996.– « Vulnerability to environmental hazards ». Progress in Human Geography, 20, p. 529-539.

Cutter S. L., Finch C., 2008.– « Temporal and spatial changes in social vulnerability to natural hazards ». Proceedings of the National Academy of Sciences, 105, p. 2301-2306.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 54

Dubar C., 2014.– « Du temps aux temporalités : pour une conceptualisation multidisciplinaire », Temporalités, revue de sciences sociales et humaines, 20, [Online] URL : http:// journals.openedition.org/temporalites/2942

Einhorn B., Eckert N., Chaix C., Ravanel L., Deline P., Gardent M., Boudières V., Richard D., Vengeon J.M., Giraud G. and Schoeneich P., 2015.– « Changements climatiques et risques naturels dans les Alpes. Impacts observés et potentiels sur les systèmes physiques et socio- économiques ». Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 103-2, [Online] URL : http://rga.revues.org/2829

Dubois-Maury J., 2002.– « Les risques naturels en France, entre réglementation spatiale et solidarité de l’indemnisation », Annales de géographie, 627-628, p. 637-651.

GIEC, 2014.– Changements climatiques 2014. Conséquences, adaptation et vulnérabilité. Contribution du Groupe de travail II au cinquième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

GIEC, 2001.– Changements climatiques 2001. Conséquences, adaptation et vulnérabilité. Contribution du Groupe de travail II au troisième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

Commissariat général au développement durable, avril 2018.– Modes de vie et pratiques environnementales des Français. Théma n° 3. La Défense : Ministère de la transition écologique et solidaire, 100 p. [Online] URL : http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/ publications/p/2766/1303/modes-vie-pratiques-environnementales-francais.html

Gifford R., 2011.– « The dragons of inaction : Psychological barriers that limit climate change mitigation and adaptation ». American Psychologist, 66(4), p. 290-302

Hewitt K., Mehta M., 2012.– « Rethinking risk and disasters in mountain areas », Revue de Géographie Alpine | Journal of Alpine Research, 100-1 [Online] URL : http://rga.revues.org/1653

Le Treut H. (coord.), 2013.– Les impacts du changement climatique en Aquitaine. Dynamiques environnementales, Pessac, France : Presses universitaires de Bordeaux.

Le Treut H. (coord.), 2018.– Les impacts du changement climatique en Aquitaine. Dynamiques environnementales. 2e rapport (sous presse).

Loubat L.-B., 2017.– Regards d’élus d’une vallée montagnarde sur le changement climatique et les risques naturels. Le cas de la vallée d’Ossau. Mémoire de Master 1, sous la direction de S. Clarimont et I. Degrémont, Univ. Pau & Pays Adour.

Magnan A., Duvat V., Garnier E., 2012.– « Reconstituer les « trajectoires de vulnérabilité » pour penser différemment l’adaptation au changement climatique ». Nat. Sci. Sociétés. vol. 20(1), p. 82– 91.

Malfondet P., 2017.– Risques naturels et changements climatiques en montagne, d’après les témoignages d’habitants d’une vallée pyrénéenne : la vallée d’Ossau. Mémoire de Master 1, sous la direction de S. Clarimont et I. Degrémont, Univ. Pau & Pays Adour.

Mercer J., 2010.– « Disaster risk reduction or climate change adaptation : are we reinventing the wheel ? », Journal of International Development, 22(2), p. 247-264.

Parc national des Pyrénées, 2013.– Diagnostic de la vulnérabilité au changement climatique. Cabinet Inddigo. Conseil et ingénierie en développement durable. Chambéry. [Online] URL : http:// observatoire.pcet-ademe.fr/pcet/fiche/601/parc-national-des-pyrenees

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 55

Préfecture des Pyrénées-Atlantiques, 2018.– Atlas départemental des risques majeurs. [Online] URL : http://www.pyrenees-atlantiques.gouv.fr/content/download/23678/154621/file/DDRM.pdf

Richard D., George-Marcelpoil E., Boudières V., 2010.– « Changement climatique et développement des territoires de montagne : quelles connaissances pour quelles pistes d’action ? ». Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 98-4, [Online] URL : http:// journals.openedition.org/rga/1322

Scolobig A., De Marchi B., Pellizzoni L., Bianchizza C., (2010) – « Alpine hazards ». In Wachinger G, Renn O., 2010.– Risk Perception and Natural Hazards. CapHaz-Net WP3 Report, DIALOGIK Non-Profit Institute for Communication and Cooperative Research, Stuttgart, p. 57-65

Smit B., Wandel J., 2006.– « Adaptation, adaptive capacity and vulnerability », Global Environmental Change, 16, p. 282-292.

Thouret J. C., & d’Ercole R., 1996.– « Vulnérabilité aux risques naturels en milieu urbain : effets, facteurs et réponses sociales ». Cahiers des sciences humaines, 32(2), p. 407-422.

Wachinger G, Renn O., 2010.– Risk Perception and Natural Hazards. CapHaz-Net WP3 Report, DIALOGIK Non-Profit Institute for Communication and Cooperative Research, Stuttgart, [Online] URL : https://www.researchgate.net/publication/228827276_Risk_perception_of_natural_hazards

Walker B. & Salt D., 2006.– Resilience thinking. Sustaining ecosystems and people in a changing world, Washington : Island Press.

NOTES

1. Ce travail est issu du programme de recherche 2015-2018, « Risques et transformations territoriales en Aquitaine » (RiTTA), financé par le Conseil régional d’Aquitaine. 2. Terme occitan pour désigner un torrent.

RÉSUMÉS

Cet article vise, à partir de la situation des Pyrénées occidentales, à apporter des éléments de compréhension de la façon dont les acteurs locaux, principalement des élus, mais aussi des habitants, appréhendent les changements – notamment climatiques – et la façon dont ceux-ci sont susceptibles, à plus ou moins long terme, de modifier la vulnérabilité aux risques des territoires de montagne. Cette vulnérabilité dépend non seulement de la nature, de l’ampleur et de l’intensité des changements auxquels un système territorial est exposé, mais aussi de sa sensibilité et de sa capacité d’adaptation (GIEC, 2001 et 2014). Elle est également accrue par les incertitudes scientifiques sur l’évolution du climat et des risques, particulièrement marquées au niveau local. Nous montrerons que la difficulté à appréhender les changements présents et à venir contribue à aggraver la vulnérabilité des territoires étudiés.

Drawing on our findings in the Western Pyrenees, this article aims to bring a better understanding of attitudes among local players, mainly elected representatives but also

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 56

residents, to change - especially climate change - and how these changes are likely to affect the vulnerability to risks of mountain areas in the shorter or longer term. Vulnerability depends not only on the nature, scale and intensity of the changes to which a territorial system is exposed, but also on its sensitivity and capacity for adaptation (IPCC, 2001 and 2014). It is also exacerbated by scientific uncertainties as to how the climate is evolving and over the risks that arise, which are particularly evident at the local level. We show that difficulties in grasping current and future changes add to the vulnerability of the areas investigated.

INDEX

Mots-clés : Changement climatique, risques, vulnérabilité, adaptation, Pyrénées Keywords : climate change, natural hazard, vulnerability, adaptation, Pyrenees

AUTEURS

CHRISTINE BOUISSET

Univ. Pau & Pays Adour. Laboratoire Passages UMR CNRS 5319. [email protected]

SYLVIE CLARIMONT

Univ. Pau & Pays Adour. Laboratoire Passages UMR CNRS 5319. [email protected]

ISABELLE DEGRÉMONT

Univ. Pau & Pays Adour. Laboratoire Passages UMR CNRS 5319. [email protected]

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 57

Climate Change and Vulnerability in Local Areas: Attitudes to Evolving Risks and Adaptation in Two Pyrenean Valleys

Christine Bouisset, Sylvie Clarimont and Isabelle Degrémont Translation : Ilona Bossanyi ([email protected])

1 Drawing on our findings in the Western Pyrenees, this article aims to bring a better understanding of attitudes to climate change among local players in mountain areas, mainly elected representatives, but also residents1. We started from the assumption that the difficulties in grasping current and future changes adds to the vulnerability of local areas to climate change. Vulnerability is a concept much used in studies on natural risks and, more recently, in research on climate change, sometimes with different meanings (Adger et al., 2005; Adger, 2006). With regard to risks, it generally refers to the likelihood of a key area of concern (human, material, etc.) sustaining damage because of the existence and occurrence of a hazard (Blaikie, et al. ,2004; Cutter, 1996; Thouret et d'Ercole, 1996). When used in the context of climate change, the concept refers instead to the extent to which a system (in this case, a local area) is liable to be adversely affected by the effects of climate change, including climate variability and extreme phenomena (IPCC 2001 and 2014). In the operational sphere, the French Agency for Energy and Environement (ADEME), drawing on IPCC findings, analyses local area vulnerability to climate change into three indicators: degree of exposure (nature, scale and rate of change), sensitivity (consequences of change for the safety of people, their activities and the environment) and capacity for adaptation (organisational aspects and governance systems) (ADEME, 2012). This was the matrix used by the Pyrenees National Park for its Climate Plan diagnosis to assess vulnerability in the area comprising the two valleys we studied. In practice, this definition establishes a close link between vulnerability and change. As changes are inherent to socio-ecological systems, ignoring or resisting them is likely to increase vulnerability (Walker and Salt, 2004). As underlined by Magnan et al. (2012), vulnerability also evolves, and assessing it necessarily involves the time factor

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 58

(Adger, 2006), because understanding the factors of vulnerability of a local area implies taking both historical depth and future trends into account.

2 We therefore investigated the ways in which local players, especially elected officials, perceive the vulnerability of their local area to climate change. Our investigations placed climate change in the context of past, present and future changes and made every effort to understand the different points of view. Particular attention was given to the interactions between climate change and extreme events, as the areas we studied are identified at the département level as highly exposed to natural risks (Préfecture 64, 2018). Intensifying natural hazards and changes in snowfall (and the resulting threats to winter tourism) are considered to be two major consequences of climate change for mountain areas in France (Bertrand et al. 2007; Richard et al., 2010), especially in the Pyrenees (Le Treut, 2013 and 2018). How those on the ground perceive the way these hazards are evolving with climate change can affect the way they are understood and managed.

3 While the actions of local authorities as institutions are frequently brought under scrutiny, the personal attitudes of elected officials, especially in small municipalities, have rarely been addressed (Wachinger et al., 2010), even though the local level has increasing regulatory responsibilities in coping with climate change (French Act on the energy transition for green growth, 2015), and in applying risk management policies (transfer of flood prevention responsibilities to the inter-municipal level in 2018). A qualitative survey based on semi-directive one-to-one interviews (lasting one hour on average) was undertaken in the spring of 2017, with 20 elected officials from the 30 Pyrenees in municipalities of the Ossau and Aspe valleys. Their views were supplemented by a similar number of interviews with residents in zones considered as risk-prone in the PPR plans (for the prevention of foreseeable natural risks), and in natural risk maps produced for information purposes. Finally, about a dozen interviews with representatives of local organisations (Council for the département, agency for the restoration of mountain terrain, etc.) were conducted to place the question of vulnerability in context. The interviews were designed to address 5 main topics: 1- quality of life and how it might change; 2- knowledge of climate change (signs observed, future impacts); 3- knowledge of risks and hazards (phenomena remembered, preventive measures); 4- climate change, evolving risks and local area vulnerability; 5- personal sources of information on the subject. A lexical analysis was made (using Tams Analyser software) of the transcribed interviews: definition of units of meaning in the responses, coding and quantification of occurrences to understand how the interviewees perceive changes to the environment and in their local area, how they assess the vulnerability of their local area and the links they make between climate change and extreme phenomena.

4 The surveys produced three main results. First, although the interviewees identified various environmental changes, they believed that their local area was vulnerable above all to socio-economic changes. We will show below that although they often link the question of climate change with risks, their knowledge of both topics is very limited and their ideas on the future are highly uncertain. Finally, the difficulty they have in projecting themselves into the future and the technical nature of the topics at issue both limit their capacity for adaptation and cause them to consider that action has to be taken at scales in time and space other than their own.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 59

Attitudes to local area vulnerability: from recurrent anxiety over changes in society to minimising the importance of environmental changes

5 The first series of questions was designed for the interviewees to first describe the area they live in and then address the kinds of change they may have observed since they had lived there. The last question, which was deliberately open, showed to what extent all of the interviewees were worried above all by the socio-economic changes affecting their area and likely to increase its vulnerability: changes in the economy, lifestyles and local area management were more often mentioned than environmental and especially climatic changes. The great majority of the interviewees stressed economic and demographic changes above all. Rural desertification was indicated as a major and long- term trend, some seeing it as beginning in the 19th century and others evoking the constant battle to maintain the population and public services since the mid-20th century. Changes in the landscape were also emphasised, especially the closing of landscapes with the decline in farming and especially livestock grazing. Their explanations of change therefore focus on local human factors and not on global environmental and/or climatic causes. While the opinions of residents and elected officials were highly convergent, the latter also brought in another topic, the transfer of administrative competences (Fig. 1) under the current reorganisation of administrative divisions and especially the NOTRe Act (2015), which could positively or negatively affect the area's capacities for adaptation.

Fig. 1: The different types of changes addressed by elected officials (number of times mentioned)

Source : authors, 2018.

6 The elected officials experienced and explained all these types of changes in more negative than positive terms. Their comments on changes in lifestyle were sometimes particularly sombre. The decline of the population and the few job opportunities in the area were mentioned with rather depressing evocations of village dynamics. Nevertheless, a more positive albeit minority view emerged in 12 comments as against 23, with a universal appreciation of the social life and solidarity of the rural lifestyle.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 60

Similarly, while the elected officials deplored the loss of jobs in local industry (Arudy basin), the ageing population, the decline in the number of farmers and the difficulty of maintaining high-quality services, they also felt that these trends are levelling off and mentioned some modest progress towards diversification with the development of short distribution channels, crafts and services to individuals. Another change generally addressed in negative terms is the administrative reorganisation. The elected officials commented on the loss of competences and autonomy for urban planning and infrastructure, although some saw a few advantages, such as on-demand transport funded by the inter-municipal authority, school clusters or the preservation of authentic architecture. Views on landscape change varied from negative comments on increasingly abandoned farmlands to very positive statements about the modernisation of public infrastructure and especially the high environmental quality of the valleys: the mountain landscape is unanimously appreciated. Pessimistic and optimistic views on the future of these mountain areas were almost equally balanced.

7 While none of the elected officials spontaneously mentioned the climate among the changes observed across the area, many - when the question was explicitly asked - were able to talk about it and mention "tangible" signs. A series of targeted questions on climate change then enabled them to be more specific in giving their points of view. When questioned as to what climate change meant to them, the elected officials rarely referred to the global scale: for example, only four (out of 20) mentioned global temperature rise and the international undertaking to limit global warming to +2°C. Their grasp of climate change is therefore based on the local scale and sometimes, but rarely, on the scale of the Pyrenees as a whole. The positions they expressed reflect the contradictory debates in the media, scientific expertise or political stances at State level. Although they often expressed their humility as laymen in the field when giving their points of view, four groups emerged with distinctly different positions. A little less than half said they were sure of having observed indications of climate change. They expressed great conviction, using categorical terms such as "indisputable", " tangible", "sure", "certain", "observed" or "measured". The second group, with almost the same number, was sure that something was happening globally, but did not address the local scale: "I don't know, I'm not a specialist, you're the specialist. I think it's true something's happening, so it must be global" (E5). This group often asserted that the valley is, or would be, protected by its geographical position: "Big changes, well..., I think there are…, not here yet. We are in an area, a privileged zone" (E6). The third group admitted their ignorance and wondered whether these changes, which they did not deny, are in fact a matter of interannual variability inherent to climatic processes: "there are cycles, here at medium altitude, there are cycles. But me, I don't know enough about it" (E15). Finally, one single interviewee asserted total scepticism about climate change.

8 The elected officials had the most to say about possible signs of climate change. They first mentioned variations in temperature and precipitation, and especially declining snowfall (11 times). The ski resorts in the area (Gourette, Artouste, La Pierre-Saint-Martin) are particularly sensitive to climate change and the local elected officials are particularly attentive to this, because of their importance to the local economy. In general, the perception is that the seasons are less distinctly marked and have shifted over the year. Winter in particular is considered to be "disrupted", with less frequent snowfalls. The overall lack of precipitation is also emphasised in comments on drought (9 mentions, often relating to agriculture) and water scarcity: climate change evokes "drier summers

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 61

and so less and less water in rivers, which are drying out up the mountain, so yes, that's what it brings to my mind. Winters with no snow as well, I think: when I first came here, the snow lasted for two months here in the village" (E13). The higher elevation of the snowline is also mentioned, as is the increasing amplitude of daily temperatures. Besides these climatic considerations, a smaller proportion of the interviewees also spontaneously mentioned signs of environmental consequences of climate change for plant cover (higher tree line) and the prevalence of pests, but especially, the exacerbation of natural hazards (7 times).

Present and future risks and climate change: technical subjects that are not fully understood

9 Although the term "risk" was deliberately not included in the first questions to the interviewees about changes induced by climate change, its future impacts are widely perceived, from a highly anthropocentric point of view, as representing different kinds of risks: impacts on biodiversity or the environment as a whole are much less frequently mentioned than consequences for people. When asked what they think about future trends rather than about what they observe, most of the residents had very little to say. The elected officials, while underlining their limited knowledge, mainly mentioned socio- economic consequences and environmental changes likely to significantly affect the population and local activities, such as declining water resources and links with natural hazards.

10 The opinions of local elected officials on the future impacts of climate change on hazards were often contradictory and reflected scientific uncertainty. When explicitly asked about natural risks, only four officials stated that they did not know whether climate change could alter the nature of hazards or did not believe this was the case. They referred to traditional vernacular knowledge to state that risks have always existed and are cyclical phenomena with alternating periods of crisis and respite: "climate change is blamed for everything but it doesn't always have to be that. I mean, there have been periods of heavy rainfall in the past. I think there are, like, cycles that come and go, and well, there you are" (E16). The point here was to underline both scientific uncertainty and the lack of hindsight, which they thought would be needed to show the existence of a link between observed phenomena and climate change. There were recurrent references to local vernacular knowledge that contradicts scientific and media discourse on climate change: "there are old people here, 92 or 93 years old, 7 or 8 of them in every village, and they all say the same thing: that they've known cycles; still, it's weird all the same" (E7).

11 Nevertheless, this point of view is very much in the minority. As in surveys on the national scale showing that climatic disruption (storms, flooding, etc.) is increasingly attributed to the greenhouse effect (CGDD2, 2018: 13), most of the interviewees thought that the risks will get worse. But, like the scientists, they said they did not know how much worse. The list of phenomena mentioned is quite broad, mainly heavy rainfall, flooding, landslips and avalanches. New risks are also identified, such as those arising from the use of fire in traditional agriculture: "we've had forest fires... 15 or 20 years ago they were unheard of here" (E1). It is interesting to note that the tense used by this person shows that the problem has already become real. Although the question was explicitly about the future, many elected officials responded by talking about changes

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 62

they have already observed, including some of those who had answered the previous questions by stating that climate change impacts were not very spectacular in the mountains or who did not spontaneously mention hazards in talking about observed and potential changes. On the timescale of changes in risks, opinions fell into three types: the first two groups referred to changes already under way, either implicitly by responding in the present tense to a question about the future, or more explicitly when underscoring the reality of changes that are already observable. The third group tried to find some reassurance in the idea that things would only change in the distant future: "we'll be long gone when it all happens" (E 15).

12 Besides the question of worsening risks, several elected officials mentioned changes in risk patterns, for example in their spatial distribution: "there are some places that maybe won't get flooded any more, or avalanches maybe, and even places where there weren't any avalanches before and now they might come back. Anyway, things... things could change" (E17). On this point, the most puzzling risk for the interviewees are avalanches, because to some, snow patterns seem to have become more erratic and less predictable than in the past. Three of them clearly said that local knowledge of avalanche risks had become obsolete: "last winter, we had one avalanche, well, personally, I'd never seen that before (…). And when you know that in the old days, when people built a house or something, it was never in a place where there were risks of an avalanche" (E17).

13 The fact that avalanches occur in new places is accounted for by different snowfall patterns due to climate change: "personally, I think there's less snow than before, (…) the snowfalls are heavy and they aren't regular (…) It's milder in the winter, there's less snow in the village, but on the other hand, there's as much snow or maybe more higher up" (E18). Snow cover is seen as changing more quickly: "before, we could be sure that when it snowed, it would be powdery. But now, it turns from powder to compact snow in a couple of hours" (E12). These comments thus underline that observable changes already exist. However, they were made by a minority (4) of the elected officials who were clearly better informed about risks than the average as they were from municipalities where the risks of avalanches are high.

14 Nevertheless, in most cases, the responses about changing risks were by no means precise or exhaustive: only one or two types of risks were mentioned, with a great many interjections of "I don't know", and showed that most of the people interviewed were not in the habit of thinking about changing risks in their everyday lives. The knowledge that elected officials have of risks in general is therefore often vague and non-technical, even though all the municipalities are exposed to at least one type of risk and three quarters have a risk prevention plan (PPR). This is even more true on the more advanced topic of the correlation between climate change and changing patterns in extreme phenomena. In most cases, their knowledge is limited to personal experience and to what they learn about the subject themselves, especially through the mainstream media (Loubat, 2017; Malfondet, 2017), and reflects both the scientific uncertainties inherent to the subject and their own difficulties in addressing technically complex questions.

15 This observation for the elected officials is even more obvious for the residents. Two thirds of the latter replied that they did not know whether climate change could have an impact on risk patterns, in responses that differed widely according to levels of education, socio-professional categories and personal experience: not surprisingly, the best informed people were from the intellectual professions or had had experience of risk management through their professional activities (former elected officials, mountain

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 63

guides, livestock farmers). Overall, residents in the upper valley, where the risks are more numerous and diverse, had more knowledge and experience than those living further down, who were mostly affected only by flooding. Unlike the elected officials, the least informed residents sometimes made no bones about having little interest in the subject, if any, even though some had said at the start of the interview that they had observed signs of climate change. As for many other types of subject, the question of the future is not necessarily of central importance to these people. They explain their indifference as a matter of age or personal difficulties: "maybe we're a bit selfish, we're thinking about our own lives, well that's how it is. Because we've got so many problems now, personal problems, so …" (H4).

16 Consequently, the majority of the residents interviewed had little concern for future risks and adopted a passive attitude to present-day risks that were perceived as a fact of daily life: "sometimes the gave3 goes into spate and then we hear the boulders and the pebbles crashing into the banks, but, well, I just think "right, they're playing pétanque", but we're used to it, it doesn't worry us any more" (H11). Underestimating danger, as also observed in Alpine areas (Scolobig et al., 2010), also involves distancing - in time and/or space - as in the case of a resident in the Gourette ski resort: "they aren't big risks … there's less danger to me here than lower down in the valley, at least in the summer" (H10). Distancing of this kind often goes together with a kind of slightly fatalistic resignation: "I don't see how you can go against forces of nature: you can't do anything about them, that's obvious to me! (…) You just have to live with it, right, know that people, if they go and live in a risk-prone area, something might hit them at any time" (H13). Consequently, only few of the interviewees (4) said they had taken any precautions to protect themselves.

Adaptation measures to reduce local vulnerability to climate change

17 While the elected officials were generally well aware of living and working in an area exposed to multiple risks and were sensitive to perceptible climatic disruptions at different scales, they were more divided over what should be done to prevent or mitigate these risks. This is due to the fact that they do not all assess their area's vulnerability to risks and climate change in the same way. Like the residents, the elected officials feel relatively immune to climate change risks: "we're safe where we are, anyway" (E2). To the question "in your opinion, could there be practical measures to limit the effects of climate change?", six elected officials could not answer or made suggestions that seemed quite wide of the mark. One doubted that effective measures could be implemented at all: "I'm doubtful. For example, we turn off the street lighting after dark ... Because, well, that saves energy and so on, but really it's just tinkering, we don't believe it solves anything" (E1). Another believes fatalistically that it's too late: "we should have been raising the issue a long time ago (…) we're just going to have to live with climate change now" (E4). This admission of powerlessness goes together with the sense that the battle has to be waged at a different scale: "we're too small here to make any difference" (E7).

18 Nevertheless, the majority of the elected officials mentioned measures that, if adopted locally, could help to mitigate the effects of climate change: developing renewable energy, thermal renovation of buildings, moving towards "more environmentally friendly

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 64

agriculture (…) that uses less energy" (E13). However, these ideas are very general and, in most cases correspond to a change in the regulations. When asked if, in practice in their municipality, they have introduced, or considered introducing, measures to limit the effects of climate change, nine elected officials admitted that they had never done so, except for measures under national measures and incentives to ban the use of phytosanitary products for the maintenance of public spaces.

19 These measures are modest and there are various obstacles to their widespread implementation, mainly the lack of financial and human means and of technical support. The elected officials emphasised that the municipalities in the Aspe and Ossau valleys are all rural, small in size and with limited budgets that have been severely constrained by cuts in State funding: "in three years, I've lost 10 000 euros (…) so I'll have to be cutting back on something" (E20). The merging, starting in 2007, of local government departments under the general public policy reform (RGPP) profoundly disrupted the organisation of State services in mountain valleys, where capacities for mobilising and applying regional engineering tools and competences are limited and where municipalities feel at a loss as to how they can take charge, on their own, of the competences transferred to them by decentralisation: "the mayors need support, they need proposals as well, because we can't just invent everything from scratch, we can't, er, there's such a huge field of action we have to cover" (E16).

20 They are not totally without support, however, because the State is still on hand, although more discreetly now, through its agencies. One elected official referred to the long-term action undertaken with the water agency for the Gave d’Ossau floodplain: "the water agency buys land to give the river more space, because (…) It can be quite violent when it goes into spate, so it needs more room (…). In built-up places, well, it's built up, but we give the river more room to move where we can, at the intermunicipal level" (E3).

21 However, neither of the two valleys we studied has adopted a climate change adaptation strategy at the intermunicipal level (as yet, they have no legal obligation to do so as they have fewer than 50,000 inhabitants). In both valleys, the reference organisation is a national institution, the Pyrenees National Park (PNP), which introduced a climate plan for the two départements of the Hautes-Pyrénées and Pyrénées-Atlantiques in June 2012. Some rural elected officials recognise that the Park provides valuable support for action against climate change, even though many municipalities in these valleys, where long- term environmental conflict goes deep (opposition to the National Park and to the reintroduction of bears in particular), are hostile to the Park as a public institution (Clarimont, 2013).

22 The climate plan aims to implement an adaptation strategy that will protect people and property, avoid socially unequal exposure to risks and preserve the natural heritage (PNP, 2013: 5). It is based on a diagnosis of current and foreseeable vulnerability to both natural and anthropic risks. Vulnerability is assessed through a review of current knowledge and "a seminar with the players concerned" (PNP, 2013: 5), although the list of participants is not specified. The summary produced at the end of the diagnosis, for example, attributes high to average vulnerability to the area as regards biodiversity but low vulnerability to natural risks, because it considers that "the area already has natural risks well in hand" (PNP, 2013: 39) thanks to the broad coverage of its risk prevention plan (PPR) and its capacities for crisis management. The assessment implicitly weights the three vulnerability indicators selected, giving more weight to the governance aspect than to the degree of exposure, but without explicitly stating whether "having risks well

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 65

in hand" is an indicator of sensitivity of the area or of its capacity for adaptation. In doing so, the document takes little account of the time factor, as if successful risk management in the past were necessarily synonymous with low sensitivity or capacities for future adaptation. Moreover, the diagnosis itself underlines significant weaknesses in the understanding of risks among local institutions: "a wait-and-see attitude; poor spatial management; lack of control over urbanisation and, overall, unsatisfactory appropriation of the issues by local government" (PNP, 2013: 39). On the other hand, it does not mention, at least on the subject of risks, the increasingly fragile existence of rural municipalities and the increasing scarcity of public services, although these points are heavily underlined by the elected officials. Furthermore, although the climate plan is now in the implementation phase, it is rarely mentioned by the elected officials concerned, only one of whom mentioned it explicitly.

23 Consequently, the measures implemented to deal with climate change in the two Pyrenean valleys we studied are modest, dispersed and not particularly innovative. More often than not, they are simply a response to a legal obligation. The "barriers to adaptation" (Adger et al., 2009; Dupuis et al., 2011; Gifford, 2011) are therefore quite varied: lack of human and financial means available to local government in rural areas, persistence of inherited practices, limited grasp of the effects of climate change at the local scale, etc. To the local elected officials, the vulnerability of their area is above all economic and social rather than climatic: the valley "is vulnerable (…) but not necessarily because of the climate; it's linked to the desertification or use of farmland. If fields are left fallow, they become vulnerable to wildfires (…). Those are the problems we might fear but they're not directly linked to the climate, they're linked to sociology and the way human beings are evolving." (E12).

Conclusion

24 Analysing the attitudes and discourse of local elected officials and residents to address the vulnerability of mountain areas to climate change confirms the usefulness of investigating social and cultural representations when considering change (Billig, 2004). While scientific syntheses on climate change in Aquitaine have underlined its already observable impacts on mountain environments (Le Treut, 2013 and 2018), most of our interviewees believe that their valley is relatively immune to climate change and do not feel there is any need for urgent action locally. To use the ADEME terminology, they acknowledge that their area is exposed but do not believe it to be particularly sensitive. Nor do they feel they have the capacities to apply adaptation policies at the municipal level. The climate problem is thus considered by the majority as a distant matter compared to their current priorities (Dubar, 2014). The fact that other changes and other sources of vulnerability in their area exist is given as a reason for their low level of response to the issue of climate change specifically. This can be interpreted positively, as a sign that the interviewees do perceive systemic links, at least in part, between the different issues at stake in their area (for example between climate, abandon of farmland and intensified hazards), but also negatively as a convenient way of legitimising inaction by using the complexity and global nature of the problems to shield themselves from responsibility.

25 The example studied thus shows the difficulties that arise in assessing the vulnerability of a given area, depending on the type of vulnerability in question (vulnerable to what?), the

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 66

attention given to the different potential indicators and the passage of time under consideration. Failure to address changes or to anticipate future trends associated with changes in the environment and the local area can quickly cause local knowledge and public policies that were considered relevant at a time T to become obsolete (Mercer, 2010), which significantly increases vulnerability on the scale of the whole area. In this respect, the rapid rate of environmental change is generally considered to be a major factor of vulnerability, because it tends to be considered implicitly that hazards have an essential role in the creation of risks, especially in mountain areas (Hewitt & Mehta, 2012). But here, only a few interviewees had noted that these changes were already undermining local knowledge, whether vernacular or technical, on some hazards such as avalanches. Which would mean that what limits the inclination to act is gradual and not particularly spectacular environmental change, rather than the reverse.

BIBLIOGRAPHY

ADEME, 2012.– Diagnostic de vulnérabilité d’un territoire au changement climatique. Éléments méthodologiques tirés de l'expérience internationale, [Online] URL : http://www.ademe.fr/diagnostic- vulnerabilite-dun-territoire-changement-climatique

Adger W. N., Brooks N., Bentham G., Agnew M., Eriksen S., 2005.– New indicators of vulnerability and adaptive capacity. Tyndall Centre for Climate Change Research.

Adger W. N., 2006.– « Vulnerability. » Global Environmental Change 16 (3) : 268‑281.

Adger W. N., Dessai S., Goulden M., Hulme M., Lorenzoni I., Nelson D. R., Naess L. O., Wolf J. & Wreford A., 2009.– « Are there social limits to adaptation to climate change ? », Climatic change, 93, p. 335-354.

Bertrand F., Rocher L., Melé P., 2007.– Le changement climatique, révélateur des vulnérabilités territoriales ? UMR CITERES ; Université François Rabelais-Tours ; programme « Politiques territoriales et développement durable» (D2RT).

Blaikie P., Cannon T., Davis I., Wisner B., 2004.– At risk : natural hazards, people’s vulnerability and disasters. Second Edition, New York : Routledge.

Billig M., 2004.– « Studying the thinking society : social representations, rhetoric and attitudes », in G. Breakwell and D. Canter (eds.), Empirical approaches to social representations. London, Sage Publications, p. 39-62.

Bouisset C., Degrémont I., 2014.– « L’adaptation, une nouvelle clef pour penser la gestion des risques naturels en montagne ? ». Sud-Ouest Européen, 37, p. 91–104.

Clarimont S., 2013.– « La patrimonialisation des espaces naturels en débat: la réforme du Parc national des Pyrénées (France) ». VertigO – La revue électronique en sciences de l’environnement [Online], N° Special n° 16. URL: http://vertigo.revues.org/13549

Cutter S. L., 1996.– « Vulnerability to environmental hazards ». Progress in Human Geography, 20, p. 529-539.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 67

Cutter S. L., Finch C., 2008.– « Temporal and spatial changes in social vulnerability to natural hazards ». Proceedings of the National Academy of Sciences, 105, p. 2301-2306.

Dubar C., 2014.– « Du temps aux temporalités : pour une conceptualisation multidisciplinaire », Temporalités, revue de sciences sociales et humaines, 20, [Online] URL : http:// journals.openedition.org/temporalites/2942

Einhorn B., Eckert N., Chaix C., Ravanel L., Deline P., Gardent M., Boudières V., Richard D., Vengeon J.M., Giraud G. and Schoeneich P., 2015.– « Changements climatiques et risques naturels dans les Alpes. Impacts observés et potentiels sur les systèmes physiques et socio- économiques ». Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 103-2, [Online] URL : http://rga.revues.org/2829

Dubois-Maury J., 2002.– « Les risques naturels en France, entre réglementation spatiale et solidarité de l’indemnisation », Annales de géographie, 627-628, p. 637-651.

GIEC, 2014.– Changements climatiques 2014. Conséquences, adaptation et vulnérabilité. Contribution du Groupe de travail II au cinquième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

GIEC, 2001.– Changements climatiques 2001. Conséquences, adaptation et vulnérabilité. Contribution du Groupe de travail II au troisième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

Commissariat général au développement durable, avril 2018.– Modes de vie et pratiques environnementales des Français. Théma n° 3. La Défense : Ministère de la transition écologique et solidaire, 100 p. [Online] URL : http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/ publications/p/2766/1303/modes-vie-pratiques-environnementales-francais.html

Gifford R., 2011.– « The dragons of inaction : Psychological barriers that limit climate change mitigation and adaptation ». American Psychologist, 66(4), p. 290-302

Hewitt K., Mehta M., 2012.– « Rethinking risk and disasters in mountain areas », Revue de Géographie Alpine | Journal of Alpine Research, 100-1 [Online] URL : http://rga.revues.org/1653

Le Treut H. (coord.), 2013.– Les impacts du changement climatique en Aquitaine. Dynamiques environnementales, Pessac, France : Presses universitaires de Bordeaux.

Le Treut H. (coord.), 2018.– Les impacts du changement climatique en Aquitaine. Dynamiques environnementales. 2e rapport (sous presse).

Loubat L.-B., 2017.– Regards d’élus d’une vallée montagnarde sur le changement climatique et les risques naturels. Le cas de la vallée d’Ossau. Mémoire de Master 1, sous la direction de S. Clarimont et I. Degrémont, Univ. Pau & Pays Adour.

Magnan A., Duvat V., Garnier E., 2012.– « Reconstituer les « trajectoires de vulnérabilité » pour penser différemment l’adaptation au changement climatique ». Nat. Sci. Sociétés. vol. 20(1), p. 82– 91.

Malfondet P., 2017.– Risques naturels et changements climatiques en montagne, d’après les témoignages d’habitants d’une vallée pyrénéenne : la vallée d’Ossau. Mémoire de Master 1, sous la direction de S. Clarimont et I. Degrémont, Univ. Pau & Pays Adour.

Mercer J., 2010.– « Disaster risk reduction or climate change adaptation : are we reinventing the wheel ? », Journal of International Development, 22(2), p. 247-264.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 68

Parc national des Pyrénées, 2013.– Diagnostic de la vulnérabilité au changement climatique. Cabinet Inddigo. Conseil et ingénierie en développement durable. Chambéry. [Online] URL : http:// observatoire.pcet-ademe.fr/pcet/fiche/601/parc-national-des-pyrenees

Préfecture des Pyrénées-Atlantiques, 2018.– Atlas départemental des risques majeurs. [Online] URL : http://www.pyrenees-atlantiques.gouv.fr/content/download/23678/154621/file/DDRM.pdf

Richard D., George-Marcelpoil E., Boudières V., 2010.– « Changement climatique et développement des territoires de montagne : quelles connaissances pour quelles pistes d’action ? ». Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 98-4, [Online] URL : http:// journals.openedition.org/rga/1322

Scolobig A., De Marchi B., Pellizzoni L., Bianchizza C., (2010) – « Alpine hazards ». In Wachinger G, Renn O., 2010.– Risk Perception and Natural Hazards. CapHaz-Net WP3 Report, DIALOGIK Non-Profit Institute for Communication and Cooperative Research, Stuttgart, p. 57-65

Smit B., Wandel J., 2006.– « Adaptation, adaptive capacity and vulnerability », Global Environmental Change, 16, p. 282-292.

Thouret J. C., & d’Ercole R., 1996.– « Vulnérabilité aux risques naturels en milieu urbain : effets, facteurs et réponses sociales ». Cahiers des sciences humaines, 32(2), p. 407-422.

Wachinger G, Renn O., 2010.– Risk Perception and Natural Hazards. CapHaz-Net WP3 Report, DIALOGIK Non-Profit Institute for Communication and Cooperative Research, Stuttgart, [Online] URL : https://www.researchgate.net/publication/228827276_Risk_perception_of_natural_hazards

Walker B. & Salt D., 2006.– Resilience thinking. Sustaining ecosystems and people in a changing world, Washington : Island Press.

NOTES

1. This study was conducted under a 2015-2018 research programme on "risks and local area transformations in Aquitaine" (RiTTA), financed by the Regional Council of Aquitaine. 2. Commissariat Général au Développement Durable: department of the Commissioner-General for Sustainable Development 3. Local word for a mountain stream.

ABSTRACTS

Drawing on our findings in the Western Pyrenees, this article aims to bring a better understanding of attitudes among local players, mainly elected representatives but also residents, to change - especially climate change - and how these changes are likely to affect the vulnerability to risks of mountain areas in the shorter or longer term. Vulnerability depends not only on the nature, scale and intensity of the changes to which a territorial system is exposed, but also on its sensitivity and capacity for adaptation (IPCC, 2001 and 2014). It is also exacerbated by scientific uncertainties as to how the climate is evolving and over the risks that arise, which

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 69

are particularly evident at the local level. We show that difficulties in grasping current and future changes add to the vulnerability of the areas investigated.

AUTHORS

CHRISTINE BOUISSET

Univ. Pau & Pays Adour. Laboratoire Passages UMR CNRS 5319. [email protected]

SYLVIE CLARIMONT

Univ. Pau & Pays Adour. Laboratoire Passages UMR CNRS 5319. [email protected]

ISABELLE DEGRÉMONT

Univ. Pau & Pays Adour. Laboratoire Passages UMR CNRS 5319. [email protected]

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 70

Figuier de barbarie ou arganier ? Nouvelles mutations des systèmes agrosylvopastoraux dans une vallée de la montagne des Aït Baamrane (Maroc)

Majda Mourou, Antonin Adam, Cardon Clothilde, Mohamed Aderghal, Michel Vaillant, Lhassan Benalayat et Bruno Romagny

Introduction

1 Dans certains milieux montagneux, les populations ont développé des pratiques agricoles et pastorales qui leur ont permis de bâtir des civilisations agraires résistantes aux grandes transformations des systèmes économiques et aux bouleversements induits par les perturbations climatiques. Ces pratiques s’appuient sur l’adaptation des systèmes techniques des exploitations familiales à des formes de gestion du territoire qui permettent la régulation de l’accès aux ressources.

2 Au sud-ouest du Maroc (voir fig.1), les montagnes des Aït Baamrane font partie des massifs littoraux qui, en dépit de leur position méridionale, le brouillard aidant, ne souffrent pas d’une aridité extrême. Leur vulnérabilité tient plus de leur indigence en terres agricoles, peu fertiles et exiguës, et d’une irrégularité des précipitations. Constituées dans des assises du primaire, ces terres sont aussi pauvres en ressources hydriques souterraines (Barathon et al., 2010). Ces montagnes ont fait l’objet, au fil du temps, de plusieurs vagues de peuplement ayant eu pour résultat l’installation sur un même espace, et l’usage des mêmes ressources, de populations nomades et sédentaires. Les interactions entre ces deux modes de vie ont conditionné la mise en place d’un système agrosylvopastoral basé sur des pratiques de mobilité et de gestion de l’herbe, de l’arbre et de l’eau. Fondé sur le triptyque céréale-élevage-arganier, ce système s’appuie à la fois sur la pluriactivité (apiculture, pêche, etc.), sur des mobilités diverses (nomadisme

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 71

nord/sud et transhumance altitudes/littoral) et sur des relations avec l’extérieur (commerce, migration temporaire, etc.). Encore de passage sporadiquement dans la zone aujourd’hui, des groupes nomades entre les plaines sahariennes et la zone étudiée perdurent (Monteil, 1948 ; Blanco, 2015). Cette articulation a permis la reproduction d’une société composée de communautés dont les rapports étaient inscrits dans le registre du conflit et de la négociation autour de l’usage des ressources.

Fig. 1 : Territoire des Aït Baamrane dans l’espace national et localisation de la vallée de Tazrout

Source : Justinard, 1929.

3 Depuis les années 1970, le pays des Aït Baamrane fait l’objet d’une plantation massive du figuier de Barbarie1 ce qui suppose des transformations sur le plan des structures agraires et des effets notables sur le plan environnemental (Barthes et al., 2016). Ses fruits sont particulièrement appréciés au Maroc et bénéficient d’une appellation d’origine contrôlée depuis 2011 : « figues de barbarie Aït Baamrane » 2. Outre les fruits, l’huile des pépins se vend depuis quelques années à prix d’or3 sur les marchés internationaux des produits cosmétiques (Agroligne, 2016). Présent depuis le XVIIIe siècle dans le système de production traditionnel comme complément alimentaire pour les hommes et le bétail, le cactus a pris aujourd’hui des proportions si importantes en termes de superficie qu’il est devenu un élément dominant du paysage agraire. Sur le plan environnemental, les études disponibles montrent un regain de la biodiversité, présentant le figuier de barbarie comme un facteur de résilience écologique (Genin et al., 2017). Abordé sous un angle socioéconomique, et au-delà des revenus que cette culture procure aux familles, l’extension du figuier de barbarie dans ce territoire semble avoir perturbé un ordre agraire et une organisation territoriale mis en place par des générations d’agriculteurs et de pasteurs. Ainsi, plusieurs interrogations structurent le champ de notre réflexion. Comment le figuier de barbarie a-t-il pu jouer le rôle qu’il tient actuellement dans les

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 72

systèmes locaux de production ? Comment les structures agraires ont-elles été (re)modelées pour faciliter son extension? Quels changements cette culture a-t-elle introduit dans les rapports sociaux et l’organisation du territoire à différentes échelles ? Et pour finir, à quelles nouvelles formes de vulnérabilité ce territoire doit-il faire face aujourd’hui ?

4 Afin de répondre à ces questions, nous avons choisi de porter notre attention sur une vallée littorale du territoire des Sbouya, celle de l’oued Tazrout (voir fig1). Celle-ci présente, depuis ses sommets culminants à 900 m jusqu’à son exutoire océanique, des paysages géomorphologiques et des milieux bioclimatiques variés : forêt d’arganier et champs cultivés sur les hauts reliefs, figuiers de barbarie sur plateaux vallonnés de moyenne altitude, terres de parcours sur le plateau littoral. Ce paysage complexe nous est apparu révélateur de dynamiques agraires variées au sein de cette même unité géographique. Dans cette région où la donnée quantitative est rare4, nous avons procédé de manière inductive en mobilisant deux approches complémentaires. Notre cadre général relève de l’approche du diagnostic agraire5 qui s’attache au temps long en accordant une place majeure à la compréhension des multiples « relations qui existent entre l’évolution des rapports sociaux, le mouvement des techniques et les transformations successives des écosystèmes » (Dufumier, 1996). Cette méthode, qui comprend trois étapes6, permet de reconstruire et de mettre en cohérence les trajectoires d’évolution des exploitations agricoles résultant d’un processus de différenciation sociale à l’œuvre au cours de l’histoire (Cochet, 2011).

5 La première étape a consisté en une analyse des paysages de la vallée. Elle visait à rendre compte des différents modes d’exploitation du milieu. La deuxième étape, moyennant la réalisation d’entretiens collectifs (10 entretiens) dans chaque douar de la vallée, avait pour objet de reconstituer l’histoire des lieux, l’origine et la trajectoire des lignages, l’organisation sociale ainsi que les types d’occupation et de gestion de l’espace. Cette première lecture historique conduite à l’échelle de la vallée a été complétée, face au manque de données quantitatives disponibles pour la zone et à la faible densité de population, par une deuxième lecture, à l’échelle micro, en enquêtant de façon quasi- exhaustive (65 entretiens) les habitants de la vallée selon la fiche AGEVEN7. Celle-ci a l’intérêt de retracer chronologiquement la trajectoire de vie du chef de ménage (migration, métier, lieu d’habitat, etc.) à laquelle nous avons intégré des éléments clés de la trajectoire des exploitations agricoles (achat de terre, plantation du cactus, abandon d’une activité, etc.). Ainsi, nous avons pu caractériser les transformations agraires d’un territoire de montagne marqué par la migration et la pluriactivité, et articulé sur l’urbain proche et lointain. Pour finir, des entretiens complémentaires ont été réalisés, suite à une première phase d’analyse de manière à valider une typologie des systèmes de production actuels. L’élaboration d’une typologie constitue la troisième étape d’un diagnostic agraire : celle-ci vise à mettre en évidence les conditions agro-écologiques (issues de l’observation du paysage) et socio-économiques (issues de la lecture historique des évolutions, passées et récentes, de l’agriculture d’une petite région) dans lesquelles les agriculteurs opèrent.

6 Dans la vallée de Tazrout, c’est à l’échelle du lignage que la différenciation sociale fait sens (lignages nomades, lignages sédentaires, lignages sans terre). C’est donc l’échelle retenue pour présenter, dans un premier temps, l’histoire des changements successifs dans les modes d’occupation de l’espace mis en place par les différentes vagues de

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 73

peuplements ainsi que les diverses formes d’appropriation de la terre qui les sous- tendent. Dans un deuxième temps, sur la base d’une typologie des systèmes de production actuels, nous étudions les conditions de vulnérabilité du territoire aujourd’hui avant de proposer des scénarios futurs. Le tout s’inscrit dans une perspective qui interroge, d’un côté, les stratégies individuelles et lignagères, placées dans le registre de l’adaptation aux changements en cours, et de l’autre les politiques publiques porteuses d’un modèle de développement appliquant des normes de production et d’organisation du territoire.

De l’arganier au cactus, trajectoires d’occupation et de mise en valeur des terres dans la vallée de Tazrout

7 Trois périodes distinctes sont identifiables dans l’évolution des systèmes de production de la vallée de Tazrout. La première couvre la fin du XIXe siècle et la période pré- indépendance et témoigne des logiques de répartition lignagère des terres et du travail. La seconde correspond à une phase de transformation des systèmes de production résultant d’une combinaison d’évènements sociopolitiques. Quant à la dernière (des années 1990 à aujourd’hui), elle se caractérise par un intérêt (notamment économique) croissant pour la culture de figuier de barbarie et l’émergence de conflits fonciers. La figure 5 permet de situer, au fil des évènements historiques énoncés, la trajectoire à la fois des lignages et des formes de propriété correspondantes.

Les formes d’accès à la propriété de la terre : origine et transmission jusqu’en 1960

8 Outre les dons et transmissions matrimoniaux et tribaux qui ont de tout temps été mobilisés pour légitimer l’accès à la propriété, différentes formes de propriété actuelles résultent des interactions des peuplements successifs de la zone. Selon les entretiens réalisés, le droit du premier occupant est entendu localement soit comme l’installation de personnages saints à l’origine des lignages de chorfa8 et des territoires actuels portant leurs noms (Ouled Driss, Sidi Ouerzeg et Sidi Ali Outoul) ; soit comme la sédentarisation de lignages jusqu’alors nomades (Ouled Dlim, M’rabtine, Rguaybat) sur leurs terres de parcours, en particulier littorales. Sur ces mêmes territoires, et à une échelle de temps semblable, d’autres groupes humains, lors de conflits guerriers, ont obtenu des droits fonciers dits « par dépossession ».

9 À la fin du XIXe siècle, une autre forme d’accès à la terre résulta de la nomination de notables étrangers par le pouvoir central ( makhzen). Ces derniers, maitrisant l’écriture et les textes,remettent en question le droit coutumier sur la base des droits positifs et religieux pour s’approprier les terres de différentes tribus et fractions. Ils instituent ainsi la propriété privée individuelle, le melk, qui devient la forme de propriété dominante. Cependant des formes de propriété indirecte de la terre existent, comme les terres dites Rhan qui renvoient à une forme d’antichrèse. Il s’agit d’un contrat

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 74

institué pour faire face à des évènements de grande ampleur (épidémies, sécheresses, guerres) à l’origine de dépeuplements importants et/ou de vastes mouvements migratoires (Rosenberger, 1977). Avec la réduction de la main-d’œuvre disponible les grands propriétaires cédaient des terres, en contrepartie d’un temps de travail, aux lignages sans terre, généralement descendants d’anciens esclaves. Deux types de Rhan sont mentionnés : le Rhan hart « Rhan sur culture », qui suppose l’obligation de la céréaliculture et concerne des terres relativement planes ; et le Rhan hor « Rhan libre » qui, comme son nom l’indique, ne comporte aucune obligation et s’établit principalement pour les larges versants peu fertiles et difficiles à cultiver en céréales.

10 Comme énoncé en introduction, deux grands types de systèmes de production coexistent durant cette période. Un premier est nomade, du ressort des populations du Sud, et un second, est agrosylvopastoral transhumant. Au début du XXe siècle et pendant la colonisation, la forêt d’arganiers est intensivement exploitée pour le charbon, notamment dès sa domanialisation par les Espagnols et en réponse à l’augmentation de la demande urbaine. Outre cette perte de ressource majeure, la céréaliculture souffre des effets de la sécheresse et du manque de main d’œuvre agricole.En effet, des hommes ont été recrutés de force par l’armée espagnole et déplacés vers l’Espagne et le nord du Maroc, tandis que d’autres se faisaient commerçants plutôt vers le Sud. Ce dépeuplement de la région n’a pas pour corollaire un abandon des terres. Les retours étaient fréquents et les solidarités entre migrants et habitants favorisaient la permanence des systèmes de production. Ces mouvements n’ont pas modifié la répartition du foncier mais l’élevage transhumant s’est réduit concurremment à la céréaliculture. Les systèmes de production agricole anciens perdurent ainsi dans leurs logiques tout en s’appuyant de plus en plus sur l’extérieur.

Émigration et extension du figuier de barbarie : les facteurs d’une seconde rupture agraire entre les années 1960 - 1990

En 1969, l’enclave espagnole de Sidi est récupérée par l’État marocain. Face aux 11 difficultés économiques et à la baisse des revenus agricoles , c’est vers le nord du pays et l’Europe que se tournent les Baamranis pour chercher du travail (Bennafla, 2010). Leurs apports financiers servent dans un premier temps au maintien de l’agriculture et à un renouveau temporaire de l’élevage jusqu’à l’épisode de sècheresse du début des années 1970. Après la « Marche Verte9», en 1975, l’État marocain cherche à développer les nouveaux pôles urbains du (, Essemara et Eddakhla). De multiples opportunités d’emploi attirent alors la population de Tazrout. Dans les années 1980, la migration devient essentiellement nationale (Casablanca) et régionale (Agadir, Tiznit, Guelmim, ) à la recherche de meilleures conditions de vie et prend alors une dimension familiale. Une trentaine d’années suffisent à la commune de Sbouya pour perdre plus de la moitié de sa population résidente (voir fig2).

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 75

Fig 2 : courbe d’évolution du nombre de ménages dans la commune de Sbouya d’après les données du Haut Comissariat au Plan

Source : recensement hcp Maroc.

Pendant cette période, des plantations massives de figuiers de barbarie ont lieu alors même que la vente de ses fruits ne rapporte pas encore. Les paysages locaux sont largement reconfigurés par cette innovation culturale endogène qui nécessite peu de travail à l’unité de surface tout en constituant un puissant marqueur de propriété. Mais l’expansion du figuier de Barbarie constitue sans nul doute une bifurcation majeure dans la trajectoire de vulnérabilité de la vallée de Tazrout. Dans les années 1990, quand sa rentabilité s’affirme, le figuier devient une culture source de compétition et de conflit 12 entre et au sein des familles.

Vers l’individualisme et la spécialisation des systèmes de production

13 Entre 1987 et 2011, la surface plantée en figuier de Barbarie dans la commune de Sbouya a doublé (Barthes et al. 2016) (voir cartes fig. 5). Cet essor est stimulé notamment par les revenus que la culture engendre ainsi que par le soutien de différents programmes étatiques : lutte contre la désertification10 et promotion des cultures de rente dans le cadre du pilier II du « Plan Maroc Vert »11. Mais l’extension du figuier de barbarie ne concerne pas toutes les terres. Aujourd’hui encore, le Rhan hart continue à être utilisé en céréaliculture et verrouille l’utilisation de certaines terres d’où la permanence d’espaces cultivés en céréales ou laissés à la friche (voir fig. 4). À l’inverse, les terres en Rhan hor, s’étendant sur les versants, sont cultivées depuis longtemps en cactus. Ce contrat n’existant légalement pas, la propriété de la terre est ainsi revendiquée par l’usage. Auparavant sans terre, les détenteurs de ces Rhan hor ont profité de l’exode massif et du flou juridique lié à la non-reconnaissance de ces baux pour devenir les grands propriétaires d’aujourd’hui (fig3).

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 76

Fig. 3 : Synthèse des caractéristiques des contrats de Rhan (d’après les auteurs)

Source : auteurs, 2017.

14 Longtemps abandonnées à la friche ou sous-exploitées, les terres sur versants sont revalorisées avec la plantation de cactus faisant basculer les rapports de forces lignagers initiaux. Un basculement semblable est observé sur le foncier littoral qui, d’un espace aux faibles aptitudes agricoles et servant majoritairement de pâturage, est devenu un espace à fort potentiel touristique et résidentiel.

15 La population originaire de la zone a décuplé en ville, tout en conservant un lien territorial dont la terre est l’élément central. Les conflits qui découlent de ces changements se sont multipliés, notamment avec le retour plus régulier des migrants attirés par la rentabilité en hausse du foncier. Au sein des familles, il s’agit d’avoir sa propre terre afin d’en tirer seul les bénéfices. Dans le cas des lignages, les propriétaires de Rhan veulent récupérer leurs terres de ceux qui les exploitent. Et dans le cas des tribus, ce sont des pans entiers du littoral qui sont revendiqués.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 77

Fig. 4 : Paysage témoignant du processus d’extension des surfaces cultivées en figuier de barbarie par reconversion successive d’unités paysagères jusque-là autrement mises en valeur

Source : auteurs, 2017.

16 Les différentes tenures foncières existantes aujourd’hui relèvent donc d’une diversité de modes d’occupation de l’espace et d’une succession de transmissions qui ont évolué dans le temps au gré des droits de référence (coutumier, religieux ou positif) et de leur mise en valeur. Aujourd’hui, le droit moderne est déterminant et l’attribution de titres de propriété fait l’objet de conflits majeurs au sein des familles (terres melk), des lignages (terres de Rhan) et des tribus (terres collectives).

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 78

Fig. 5 : Schéma de synthèse sur les trajectoires historiques des lignages et des modes de mise en valeur des terres (d’après les auteurs)

Source : auteurs, 2017.

Systèmes de production et vulnérabilités actuels

Le cactus au cœur des systèmes de production

17 Cinq différents systèmes de production ont été identifiés dans la vallée aujourd’hui. • Le premier (S1) repose sur l’élevage nomade de dromadaires et de chèvres pratiqué par des tribus du Sud qui traversent le territoire périodiquement. Il est de plus en plus contraint dans ses mouvements par les surfaces de figuiers, qui servent néanmoins de fourrage, sous condition d’accord avec les propriétaires, durant les années de sècheresse trop sévères. • Un second système, agropastoral (S2), repose en majorité sur l’élevage et un foncier important conservé en pâturage du fait de son statut collectif. Il est localisé en particulier sur le littoral où les figuiers sont peu productifs et la céréaliculture est pratiquée aisément (des surfaces planes et une humidité permanente). Les revenus des foyers résidents sur place sont complétés par i) le travail salarial lors de la récolte de figuier de barbarie ; ii) l’aide financière extérieure des migrants. Aujourd’hui, ce système est menacé par la diminution continue des espaces de pâturages impliquant l’augmentation des charges d’alimentation (stabulation) et donc la réduction de la taille des troupeaux. • Les tenants du système agrosylvopastoral diversifié (S3) se situent dans les espaces montagneux encore couverts de forêt. Ils bénéficient de la diversité des sources de fourrage pour maintenir un petit élevage mais ont converti une partie de leurs terres en cactus. Ils vivent sur place mais peuvent éventuellement aller travailler dans les villes proches (Sidi Ifni et Guelmim), lorsque leur calendrier agricole le permet. Certains travaillent comme ramasseurs lors de la récolte des figues, une fois leurs plantations récoltées. • Un quatrième système (S4) s’apparente à une agriculture résiduelle d’autosuffisance. Répartis dans l’ensemble de la zone d’étude, ces agriculteurs élèvent quelques bêtes (des moutons, des chèvres et plus rarement des vaches) et cultivent un peu d’orge pour les nourrir en complément des ressources pâturées. Peu à peu, ils convertissent leurs parcelles

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 79

de céréales en cactus, réduisant d’autant l’élevage des petits ruminants. Ils passent la majorité de l’année sur place mais vivent d’autres activités entre les pics de travaux agricoles (maçonnerie par exemple). • Pour finir, le système spécialisé en cactus (S5) se retrouve dans toute la zone et occupe la majorité des terres. Il ne concerne pas seulement des foyers, mais aussi des familles élargies dont un représentant occupe parfois les lieux. Ce dernier assure le suivi des terres familiales en observant parfois un des systèmes de production précités. Les principaux bénéficiaires des revenus issus de la culture du cactus ne sont que rarement sur place et gèrent à distance leur production.

18 Ajoutons que les bénéfices dégagés par le figuier de barbarie varient selon l’emplacement de la parcelle (accès, exposition), la variété plantée (précoce, tardive), la demande (prix variant du simple au décuple) et les modalités de ramassage des fruits (travail familial, travail salarié, vente sur pied, etc.). Cette diversité traduit une forte logique marchande associée à l’intégration de nombreux acteurs dans la filière (intermédiaires, grossistes et transporteurs). Ces derniers contrôlent les prix et assurent parfois le ramassage des fruits (selon des contrats variés), directement acheminés vers Agadir ou Casablanca. Les bénéfices restants, peu calculables, sont distribués aux membres des familles selon des modalités d’entente propres à chacune.

Vulnérabilités actuelles

19 Le figuier de Barbarie, de par ses caractères physiologiques, est une culture particulièrement bien adaptée aux conditions agro-écologiques locales. Pour autant, son extension sous forme d’une monoculture et son mode de reproduction par bouturage, peuvent laisser craindre une potentielle contamination ou maladie qui toucherait de fait l’ensemble des plans, très proches génétiquement. À ce titre, une cochenille (Dactylopius opuntiae), qui se propage au Maroc depuis 2015, constitue une menace pour les espaces aujourd’hui si productifs et sur lesquels reposent de nombreux ménages (S2-S3-S4). Sur le plateau littoral, la spéculation foncière à visée touristique bat son plein. Là aussi, le cactus y est planté, mais en tant que marqueur de propriété dans l’attente d’une autorisation de construction. L’augmentation de la population revendiquant ses droits d’accès à la terre aggrave les conflits sur la base de tenures foncières diverses et non stabilisées (Rhan, indivision), favorisant l’accaparement des terres les plus convoitées par les mieux informés et les plus aisés.

20 Cette mainmise sur le foncier se répète, parfois à travers les mêmes acteurs, dans la redistribution des bénéfices du figuier de barbarie. En effet, les marchés destinataires sont très éloignés de la zone et les intermédiaires imposent leurs prix. Les marges de manœuvre de certains acteurs sont ainsi particulièrement réduites, laissant aux intermédiaires la plus grande part de la valeur finale du produit. Les grands propriétaires terriens jouent parfois ce rôle en négociant directement avec les grossistes grâce à l’importance de leur production et à leurs réseaux personnels. De nombreux projets (coopératives, usine de transformation, boutique de vente à Sidi Ifni) n’ont pas réussi à améliorer la situation des populations restées sur place (S2, S3, S4). À l’instar d’autres produits dits de terroir au Maroc, comme l’huile d’argan (Romagny et al., 2016), la valeur ajoutée générée par le figuier reste entre les mains de quelques-uns (S5) et n’est que très peu investie sur place. Le figuier de barbarie a donc participé à l’accroissement des

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 80

inégalités socioéconomiques entre ceux qui ont continué d’habiter les lieux et ceux qui sont partis.

21 L’extension spatiale du figuier de barbarie s’est faite au détriment des terres de pâturages dont les superficies se sont réduites. Il a aussi rendu inaccessible au bétail les dernières jachères et chaumes des terres cultivées. De même, la complémentarité saisonnière entre le haut de la vallée et le plateau littoral n’est plus de mise. Par extension, ce sont aussi les nomades (S1) qui ne peuvent plus compter sur cette zone dans leurs mouvements interannuels imposés par les aléas climatiques.

Et demain ?

22 Dans le territoire de Sbouya, on est donc passé de deux systèmes de production complémentaires, reposant sur des ressources rares mais gérées pour en assurer la durabilité et s’appuyant plus ou moins sur l’extérieur, à une diversité de systèmes dont les bénéficiaires sont peu ou pas présents sur place, reposant sur une ressource quasi unique, le figuier de Barbarie. Ce dernier apparait d’un côté comme une innovation locale particulièrement adaptée à un contexte de changement climatique et d’exode rural, participant à la résilience écologique du territoire (Barthes et al. 2016 ; Genin et al. 2017). Mais d’un autre côté, il est le catalyseur de transformations agraires majeures d’un système jusque-là résilient d’un point de vue socioterritorial et aujourd’hui menacé par divers facteurs notamment économiques et écologiques (dans le cas d’une monoculture).

23 Pour faire suite à cette trajectoire de vulnérabilité, nous avons imaginé deux scénarios possibles pour ce territoire. Le premier n’est autre que la poursuite des dynamiques à l’œuvre actuellement sans changements majeurs dans les politiques publiques et les stratégies des acteurs. Le second correspond à un scénario proposé par Genin et al. (2017), scénario qui favorisait la résilience écologique à travers le cactus et l’arganier et la reforestation des terres nues. Sur cette base, nous proposons d’autres éléments afin de réduire les vulnérabilités à la fois socio-économiques et écologiques précitées.

Une politique du laisser-faire sous couvert de l’action

24 Sur le plan économique la valeur des fruits du cactus est intéressante pour améliorer les revenus des populations. L’État, en finançant les outils d’une filière (coopératives et unités de valorisation locales), comptait promouvoir le développement, la reprise agricole et la fixation de la population (CGAAER, CGDA, 2010). Mais la réalité est toute autre. Gérée à distance et en partie accaparée, cette production n’améliore pas les conditions de vie de ceux qui habitent sur place, voire les dégrade. Ainsi, l’État favorise, par le développement de la filière mais pas de son organisation, le principe du plus fort sous couvert d’un réinvestissement de son rôle d’acteur territorial. Au cœur de cette dynamique, c’est une intensification progressive en capital (accroissement des surfaces, recours à de la main d’œuvre salariée, désherbage et sarclage des inter-rangs, sélection variétale, traitements phytosanitaires, etc.) à des fins de rentabilité économique maximale des figuiers qui semble être le modèle visé. En poursuivant dans cette logique, il est probable que les points de vulnérabilités soulevés dans la première partie de cet article s'accentuent : une plus grande sensibilité écologique et une répartition inégale de la richesse créée par la monoculture du cactus.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 81

25 Outre les aspects productifs des terres cultivées en cactus, les dynamiques en cours sur le littoral laissent entrevoir sa potentielle valorisation touristique et résidentielle. Cette valorisation, en attente de clarification foncière, sera éventuellement le fait d’expropriation étatique ou d’acteurs ayant les moyens d’action les plus étendus (réseau, information, capital, etc.). À l’instar du développement touristique balnéaire au Maroc et ailleurs, il est probable que les retombées économiques ne se fassent pas au profit des populations locales (Berriane et al. 2014).

26 Nous pouvons donc imaginer un territoire divisé entre un intérieur cultivé intensivement en cactus et un littoral touristique urbanisé, sans liens entre eux. Les nouvelles formes de vulnérabilités qui résulteraient de ces valorisations ne sont pas inconnues : pollutions diverses, érosion, inégalités littoral/arrière-pays, etc.

Entre politiques publiques et pratiques paysannes : un autre scénario face aux changements globaux

27 Les pratiques paysannes évoluent, elles sont revisitées pour répondre aux exigences d’un contexte toujours nouveau. La reproduction des systèmes et le maintien de certaines activités traditionnelles, telles que l’apiculture et la production d’huile d’argan, traduisent la résilience d’un système qui peut sembler en désuétude. Du point de vue écologique, l’expansion du cactus s’articule avec les autres éléments de l’agro-écosystème en favorisant notamment la régénération de l’arganier et d’une flore mellifère particulièrement riche (Aafi A., 2007).

28 A ce titre, Genin et al. proposent un scénario qui découlerait de ces interactions écologiques et humaines avec la mise en place d’un parc agro-forestier associant principalement cactus et arganiers dans un nouvel équilibre écologique productif. Alors que ce scénario repose en partie sur l’arrêt de l’élevage, nous faisons de notre côté l’hypothèse de son maintien comme activité ayant une dimension identitaire non négligeable et qui conserve son rôle dans les espaces forestiers comme pour certaines parcelles mixtes et surtout en ce qui concerne le littoral, peu propice à l’arganier. L’élevage fait perdurer la mise en valeur des fourrages disponibles (arganiers, cactus, adventices), permet un transfert de fertilité et assure une épargne les années les plus sèches. Ajoutons que les liens historiques entre montagnes et espaces littoraux peuvent laisser imaginer de nouvelles complémentarités en termes d’organisation des productions (variétés) et des récoltes (saisons). Les effets néfastes, écologiques et économiques, d’une homogénéisation du paysage sous la forme d’une monoculture seraient ainsi potentiellement écartés.

29 Seulement, une autre faiblesse des populations locales réside dans leur faible pouvoir de négociation lors de la vente de leurs produits. Étant donné les difficultés actuelles rencontrées pour la vente des produits de terroir (huile, miel, figue), il est probable que le même scénario d’accaparement de leur valeur se reproduise. C’est en ce sens que les politiques publiques pourraient agir, notamment à travers l’organisation des filières et l’application des principes d’une économie sociale et solidaire plus équitable. D’autre part, et malgré les nombreux écueils de ce genre de projet, la vocation touristique du littoral pourrait s’envisager en parallèle du développement d’un tourisme intérieur, rural, qui, tout en enrichissant l’offre touristique de la région, assurerait des revenus complémentaires aux populations restées sur place (hébergement, achat des produits, etc.).

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 82

30 Et dernier point, nous l’avons vu à maintes reprises, les mobilités spatiales et les liens familiaux ont structuré ce territoire. Aujourd’hui, il serait envisageable de tirer parti de complémentarités extraterritoriales comme c’est déjà le cas pour certains migrants de retour qui cherchent à réintégrer le territoire en finançant l’accès à l’eau, la rénovation des maisons, la construction des mosquées et des routes. Demain, par leurs transferts de capitaux et de savoirs, ils pourraient appuyer la transformation des systèmes en place à travers des innovations diverses et leur financement, comme cela est déjà observé dans le cas de l’apiculture par exemple.

Conclusion

31 Quelle aurait été la trajectoire de la vallée de Tazrout sans le figuier de Barbarie ? Le paysage d’aujourd’hui serait-il majoritairement dominé par une forêt reprenant ses droits, conséquence première d’un exode rural qui se serait étiré jusqu’à nos jours ? Si le figuier de Barbarie ne semble pas inciter au retour, il n’en apparaît pas moins, au premier abord, comme cette plante miraculeuse, combinant à la fois adaptation aux conditions agro-écologiques de la vallée et réponse aux besoins sociaux du moment : moyen de lutte contre la désertification, marqueur de propriété, itinéraire technique simplifié à l’extrême (un pic de travail à la récolte) permettant son « pilotage à distance » par des propriétaires résidant hors de la vallée, source de revenus non négligeable non seulement pour les producteurs de figues mais également pour ceux qui tirent parti de ces vastes espaces cultivés (apiculteurs), autant d’éléments qui participent de la transformation (l’atténuation ?) de la vulnérabilité de ce territoire de montagne.

32 Ceci étant dit, l’essor (depuis plus de 30 ans) du figuier de Barbarie dans la vallée de Tazrout porte en germe un certain nombre de risques susceptibles de modifier, à plus ou moins brève échéance, la trajectoire de ce territoire vers une plus grande vulnérabilité aux changements de toute nature (climatiques, écologiques, sanitaires, socio- économiques) : en particulier (i) l’extension de la monoculture du cactus et, par voie de conséquence, la simplification à l’extrême d’un écosystème dès lors plus sensible aux bio agresseurs (dont la cochenille), (ii) le durcissement de conflits sociaux notamment autour de l’accès au foncier et de la répartition de la richesse créée par la production de figues de Barbarie.

33 Si les initiatives prises jusqu’ici par l’État pour promouvoir le développement de la filière du figuier de Barbarie sont à souligner, sans doute conviendrait-il de créer les conditions d’un développement alliant davantage respect des équilibres écologiques (association figuier de Barbarie/arganier au sein de systèmes agro-forestiers) et justice sociale (réduction des inégalités, « juste » rémunération du producteur, modalités d’accès au foncier).

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 83

BIBLIOGRAPHIE

Aafi A., 2007.– « Rôle des cactus dans la restauration de l’arganeraie et de ses composantes floristiques et faunistiques dans la province de Tiznit », in Annales de la recherche forestière au Maroc, vol 38, pp.69-76

Agroligne, 2016.– n°100. Mai-Juin, consulté le 30 octobre 2017, https://www.agroligne.com

Antoine P., Bry X., Diouf PD., 1987.– « La fiche "AGEVEN", un outil pour la collecte des données rétrospectives », in Statéco, n°49, p. 33-46

Barathon J-J., El Abbassi H., Lechevalier C., 2010.– « Gestion des sols et de l’eau dans le massif d’Ifni Anti-Atlas occidental, Maroc », in Norois n°214, p. 101-111, consulté le 12 juin 2017, http:// norois.revues.org/3165

Barthes A., Baudot P., Alifriqui M., Michon G., Genin D., Kamil H., Romagny B., Simenel R., 2016.– « Dynamiques d’innovations des arrières pays arides marocains. Le cas du figuier de barbarie, une ressource territoriale en émergence ? », in : Berriane M., Michon G. (dir.). Les terroirs au Sud, vers un nouveau modèle ? Une expérience marocaine , Rabat-Marseille, FLSH-Éditions IRD, pp.145-158

Bennafla K., 2010.– « Mobilités et politique à Sidi Ifni, ville isolée du Sud marocain », in Espace Populations Sociétés, n°2-3, consulté le 16 octobre 2017, http://eps.revues.org/4144

Berriane M. et al., 2014.– Le tourisme dans les arrière-pays méditerranéens. Des dynamiques territoriales locales en marge des politiques publiques, Université Mohammed V, Rabat, Université Euro- méditerranéenne de Fès et Laboratoire Mixte International MediTer

Blanco J., 2015.– Le fils du Sahara et les gens de la pluie. Gestion paysanne et conservation des socioécosystèmes à acacia au Sud du Maroc, Thèse de doctorat en écologie (Agroparistech)

Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et Conseil général du développement agricole (CGDA), 2010.– Terroirs et origine : leçons d’une lecture croisée des expériences du Maroc et de la France pour une Méditerranée durable, Ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, Maroc

Cochet H., 2011.– L’agriculture comparée, Quae

Dufumier M., 1996.– Les projets de développement agricole. Manuel d’expertise. CTA - Karthala

Genin M., Alifriqui M., Fakhech A., Hafidi M., Ouahmane L., Genin D., 2017.– « Back to forests in pre-Saharan Morocco? When prickly pear cultivation and traditional agropastoralism reduction promote argan tree regeneration », in Silva Fennica, vol. 51, consulté le 25 septembre 2017, https://www.silvafennica.fi/article/1618

Justinard L., 1930.– Villes et tribus du Maroc, Tribus berbères. Les Aït Ba’amran, Éditions Honoré Champion

Monteil V., 1948.–Notes sur Ifni et les Aït Baamrane.Éditions Larose

Pasquali F., 2017.– La structuration de la filière de l’aknari, le cas de Mesti : la portée sociale du changement agro-paysager par le figuier de Barbarie et l’inhibition au développement du territoire. Mémoire de master 1 – Muséum d’Histoire Naturelle – Marseille

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 84

Qarro, M., Sabir, M., Idriss H., 2010.– Diagnostic de la situation actuelle des systèmes arganiers. Institut royal de la culture amazighe (IRCAM)

Romagny B., Boujrouf S., Ait Errays N., Benkhallouk M., 2016.– « La filière « huile d’argan » au Maroc. Construction, enjeux et perspectives », in : Berriane M., Michon G. (dir.). Les terroirs au Sud, vers un nouveau modèle ? Une expérience marocaine , Rabat-Marseille, FLSH-Éditions IRD, pp. 271-289

Rosenberger B., 1977.– « Population et crise au Maroc aux XVIe et XVIIe siècles. Famines et épidémies », in : Cahiers de la Méditerranée, hors-série n°2 : Typologie des crises dans les pays méditerranéens (XVIe-XXe siècles), pp. 137-149

Simenel R., 2010.– L’Origine est aux frontières. Les Aït Baamrane, un exil en terre d’arganiers (Sud- Maroc), Collection Les chemins de l’ethnologie, Éditions CNRS – MSH

NOTES

1. Tachelhit : aknari, lat. Opuntia ficus-indica 2. http://www.agriculture.gov.ma/node/241 3. Environ 8t/ha de rendement en fruit dans la zone, 1 tonne de fruits frais = 1 litre d’huile, vendue entre 800 et 1000 €. 4. Le dernier recensement agricole à l’échelle de l’exploitation date de 1996. Les recensements de la population sont décennaux (1994, 2004, 2014) et réalisés à l’échelle communale et non du douar. 5. Cet article s’inscrit dans la continuité d’un travail collectif amorcé en 2012 dans la région au sein du LMI MediTer. Les enquêtes à la base de cet article ont été réalisées dans le cadre d’un stage d’ingénieur de six mois (C. Cardon) et de trois thèses en géographie (M. Mourou, H. Benalayate, A. Adam) sous l’encadrement de M. Aderghal, M. Vaillant et B. Romagny. Cette recherche a bénéficié du soutien de l’Agence Nationale de la Recherche (France) dans le cadre du projet « Med-Inn-Local » (2013-2017, ANR-12-TMED-0001). 6. Elle en comprend en fait une quatrième (évaluation des performances technico-économiques des exploitations agricoles archétypiques) qui, au regard des objectifs de l’étude, n’a pas été mobilisée ici. 7. Antoine, Bry & Diouf, 1987. 8. Les saints font référence aux premiers occupants d’un lieu devenu emblématique et sacré. Leurs descendants, désignés comme chorfa, représentent un lignage saint. 9. Marche symbolique organisée par le Maroc vers le Sahara espagnol afin d’en revendiquer la possession. 10. Dispositifs de reboisement et de régénération de l’arganier favorisant les systèmes associant plusieurs espèces dont le figuier (Qarro et al., 2010) 11. Politique nationale de développement agricole lancée en 2008 et reposant sur deux piliers : i) l’intensification destinée aux marchés urbains et d’exportation et ii) la lutte contre la pauvreté dans les zones rurales marginales.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 85

RÉSUMÉS

Dans le pays Ait Baamrane (Anti-Atlas marocain), la vallée de Tazrout se caractérise par des conditions agro-écologiques peu favorables à l’agriculture (climat aride, relief accidenté, sols pauvres). Les populations ont pendant longtemps fait face à cette vulnérabilité en tirant parti de ce milieu par une gestion combinée et concertée des ressources agrosylvopastorales et par des mobilités spatiales diverses. Mais les perturbations du XXe siècle ont eu pour conséquence la transformation structurelle des systèmes agraires et une déstabilisation des fondements sociaux de l’organisation territoriale. La plantation massive de figuier de barbarie (cactus) semble avoir accompagné cette transformation. Selon les études effectuées dans la région, le cactus a favorisé le retour d’un relatif équilibre écologique, signe de résilience. Mais qu’en est-il de ses retombées socioéconomiques ? Son expansion ne serait-elle pas un catalyseur des transformations du système et un facteur d’accentuation de la vulnérabilité sociale ? En s’appuyant sur une approche systémique et géo-historique des structures agraires, cet article cherche à comprendre comment les changements successifs dans i) les modes de mise en valeur et d’occupation de l’espace et ii) les politiques publiques, ont abouti aujourd’hui à de nouvelles vulnérabilités. Afin de donner un prolongement à la trajectoire de vulnérabilité de ce territoire, un scénario alternatif à la marche qui semble être prônée par l’État aujourd’hui, est étudié.

The Tazrout valley, embedded in the Ait Baamrane area (Moroccan Anti-Atlas), is characterized by agro-ecological conditions hardly favorable to agriculture (arid climate, rugged terrain, poor soils). For a long time, people tackled these environmental challenges through the combined and concerted management of agrosilvopastoral resources and of various spatial dynamics. However climatic disturbances during the 20 th century have resulted in the structural transformation of agrarian systems and the destabilization of the social foundations underlying the territory's organization. The widespread planting of prickly pear (cactus) seems to go hand in hand with these changes. According to studies carried out in the region, the cactus has favoured the return of a relative ecological equilibrium; being a sign of resilience. But what about socio-economic benefits? Could the cactuses’ expansion not be a catalyst of the system’s transformation as well as an aggravating factor of social weaknesses? Based on a systemic and geo-historical approach to agrarian structures, this article seeks to understand how successive changes in (i) modes of spatial development and occupation and (ii) public policies have lead today to new vulnerabilities. In order to propose an extension to the trajectory of the territories vulnerability, an alternative scenario to the advancements, seemingly advocated by the State today, is studied.

INDEX

Keywords : argan tree, cactus, agrarian dynamics, land, mobility, landscape, resilience, Sidi Ifni, vulnerability Mots-clés : arganeraie, cactus, dynamiques agraires, foncier, mobilité, paysage, résilience, Sidi Ifni, vulnérabilité

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 86

AUTEURS

MAJDA MOUROU

LITOPAD UM5 de Rabat, LMI-MediTer. [email protected]

ANTONIN ADAM

IRD, GRED, LMI-MediTer. [email protected]

CARDON CLOTHILDE

LITOPAD UM5 de Rabat, LMI-MediTer

MOHAMED ADERGHAL

LITOPAD UM5 de Rabat, LMI-MediTer

MICHEL VAILLANT

ISTOM, Cergy

LHASSAN BENALAYAT

Université Ibn Zohr, Agadir

BRUNO ROMAGNY

IRD, LPED, LMI-MediTer

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 87

Prickly Pear or Argan Tree? Agrosilvopastoral Systems of a Mountain Valley in Ait Baamrane (Morocco) Face Changes

Majda Mourou, Antonin Adam, Clothilde Cardon, Mohamed Aderghal, Michel Vaillant, Lhassan Benalayat and Bruno Romagny

Introduction

1 In some mountainous areas, people have developed agricultural and pastoral practices that have enabled them to build agrarian civilizations resistant to major transformations of economic systems and to upheavals induced by climatic disturbances. These practices are based on adapting technical systems of family farms to forms of land management that allow the regulation of access to resources.

2 In south-western Morocco (see figure 1), the Ait Baamrane mountains form part of the coastal massifs which, despite their southern position, do not suffer from extreme aridity thanks to the fog. Their vulnerability is rather due to poor agricultural soils, scarcely fertile and confined, and to irregular rainfall. Set up in the earth's primary crust, these lands are also poor in underground water resources (Barathon et al., 2010). Over time, these mountains have been subject to several waves of settlement which resulted in shared use of space and resources by nomadic and sedentary populations. The interaction between these two lifestyles have forged an agrosilvopastoral system based on mobility and on management of grass lands, trees and water. Grounded in the cereal-livestock- argan triptych, this system relies on pluriactivity (beekeeping, fishing, etc.), on various movements (north/south nomadism and mountain/coast transhumance) and on external relations (trade, temporary migrations, etc.). Nomadic groups persist between the Saharan plains and the study area, still sporadically passing through the region (Monteil, 1948; Blanco, 2015). These connections gave rise to a society made up of communities whose relationships evolved around conflicts and negotiations about resource use.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 88

Figure 1: Territory of Ait Baamrane within the national territory and location of Tazrout valley

Source: Justinard, 1929.

3 Since the 1970s, the country of Ait Baamrane has been subject to massive planting of prickly pear1, which implies transformations in terms of agrarian structures and significant environmental impacts (Barthes et al., 2016). Its fruits are particularly well appreciated in Morocco and benefit from a controlled label of origin since 2011: "Prickly pear of Ait Baamrane"2. In addition to the fruits, the seed oil is sold since a few years at gold price3 on international markets of cosmetic products (Agroligne, 2016). Present since the eighteenth century in the traditional production system as a dietary supplement for men and cattle, the cactus has nowadays taken such vast proportions in terms of surface that it has become a dominant element of the agrarian landscape. From an environmental point of view, the available studies indicate a revival of biodiversity, presenting the prickly pear as a factor of ecological resilience (Genin et al., 2017). Addressed from a socio- economic angle, besides the income provided to families through this crop, the spreading of prickly pears in this territory seems to have disrupted an agrarian order and a territorial organization set up by generations of farmers and cattle herders. Thus, several questions have been considered. How could the prickly pear play the role it currently holds in local production systems?

4 How have agrarian structures been (re)modeled to facilitate its diffusion? What changes has this crop induced into social relations and territorial organization on various scales? Finally, what new forms of vulnerability does this territory face today?

5 In order to answer these questions, we have chosen to focus on a coastal valley in the Sbouya territory: the Oued Tazrout wadi (see figure 1). From its 900m high peaks to its oceanic outlet, it presents various geomorphological landscapes and bioclimatic environments: argan forest and cultivated fields on high altitudes, prickly pears on hilly

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 89

plateaus in mid-altitude, rangelands on the coastal plateau. This complex landscape seemed indicative of the various agrarian dynamics within this one geographical unit. In this region where quantitative data is scarce4, we proceeded by considering two complementary methods. Our general framework is based on the method of agrarian diagnosis5, which focuses on the long term, giving a major place to understanding of the many "relations that exist between the evolution of social relations, the movement of techniques and the successive transformations of ecosystems" (Dufumier, 1996; originally French quote). This method, which consists of three stages6, allows to reconstruct and establish coherency between the evolutionary trajectories of farms resulting from a process of social differentiation taking place throughout history (Cochet, 2011).

6 The first step consisted of an analysis of the valley’s landscapes. It aimed to take into account the different environmental exploitation methods. The second step was intended to reconstruct the history of places, origin and trajectory of lineages, social organization as well as types of land-use and spatial management. This was accomplished through collective interviews (10 interviews) in each douar of the valley. Given the lack of quantitative data available for the area and the low population density, this first historical reading conducted at the valley's scale was completed by a second reading, at a micro scale. This almost exhaustive survey (65 interviews) concerned the valley’s inhabitants according to the AGEVEN7 file. The latter traces chronologically the life trajectory of the heads of households (migration, profession, residence, etc.) to which we have integrated key moments of the farms' trajectories (land purchase, cactus planting, cessation of an activity, etc.). Thus, we were able to characterize the agrarian transformations of a mountain territory marked by migration and pluriactivity, relying also on near and distant cities. Finally, additional interviews were conducted, following a first phase of analysis in order to validate a typology of current production systems. The development of a typology forms the third stage of an agrarian diagnosis: it seeks to highlight agro-ecological conditions (resulting from the observation of the landscape) as well as socio-economic conditions (resulting from the historical reading of past and recent agricultural developments within a small area) in which farmers evolve.

7 In Tazrout valley, social differentiation is meaningful on a lineage scale (nomadic lineages, sedentary lineages, landless lineages). As a first step, it is thus the scale chosen to present the history of successive changes in land-use induced by different waves of populations as well as the various forms of land tenure that underlie them. Secondly, based on a typology of current production systems, we study the present vulnerabilities of the territory before proposing future scenarios. The whole is part of a perspective which questions, on the one hand, individual and lineage strategies of adaptation to ongoing changes and, on the other hand, public policies inducing a development model which applies production and territorial organization standards.

From argan tree to cactus, trajectories of land use and land development in Tazrout valley

8 Three distinct periods are identifiable in the evolution of the production systems of Tazrout valley. The first covers the end of the nineteenth century and the pre- independence period. It reflects the logic of lineage distribution of land and labour. The second period corresponds to a phase of transformation of production systems resulting from a combination of socio-political events. As for the last (from the 1990s to today), it is

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 90

characterized by a growing interest (especially economic) in the production of prickly pear and by the emergence of land conflicts. Figure 5 highlights, over the course of the stated historical events, the trajectory of both lineages and corresponding property types.

Types of access to land ownership: origin and transmission until 1960

9 In addition to matrimonial and tribal donations and transmissions that have traditionally been used to legitimize access to property, different forms of current ownership result from interactions of successive settlements in the area. According to the interviews carried out, the right of the first occupant is understood locally either as the installation of holy figures at the origin of chorfa8 lineages and the current territories bearing their names (Ouled Driss, Sidi Ouerzeg and Sidi Ali Outoul); or as the settlement of previously nomadic lineages (Ouled Dlim, M'rabtine, Rguaybat) on their rangelands, especially coastal ones. In these same territories, at a similar time scale, other human groups have obtained land rights during warlike conflicts through "dispossession".

10 At the end of the nineteenth century, another form of access to land resulted from the appointment of foreign notables by the central government (makhzen). The latter, mastering writing and texts, question the customary laws concerning positive and religious rights to grab lands owned by different tribes and fractions. That way, they establish individual private property (melk) which becomes the dominant property form. However, types of indirect land ownership exist, such as the so-called Rhan lands which refer to a form of antichresis. It is a contract established in order to deal with large-scale events (epidemics, droughts, wars) leading to major depopulation and/or large migratory movements (Rosenberger, 1977). With the reduction of available labour, large landowners yielded land in exchange for working time to landless lineages, usually descendants of former slaves. Two types of Rhan are mentioned: the Rhan hart "cultivation Rhan" which assumes the obligation of cultivating cereals and concerns relatively flat lands; and the Rhan hor "free Rhan" which, as the name implies, involves no obligations and is mainly established for vast slopes of low fertility, unfavorable to cereal production.

11 As mentioned in the introduction, two major types of production systems coexist during this period. One is nomadic, the domain of southern populations, and a second is agrosylvopastoral transhumant. At the beginning of the twentieth century and during colonization, the argan forest was intensively exploited for coal, especially since its institutionalization by the Spaniards and in response to an increase in urban demand. In addition to this major resource loss, cereal farming suffered from the effects of drought and the lack of agricultural labour. Indeed, men were forcibly recruited by the Spanish army and moved to and northern Morocco, while others were traders more to the South. This depopulation of the region does not result in land abandonment. Returns were frequent and solidarity between migrants and inhabitants favored the persistence of production systems. These movements did not change the distribution of land, but transhumant livestock was reduced in parallel with cereal production. The old agricultural production systems thus prevail in their logic while relying more and more on external sources.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 91

Emigration and expansion of the prickly pear: factors of a second agrarian break between 1960 and 1990

12 In 1969, the Spanish enclave of Sidi Ifni was recovered by the Moroccan state. Given economic difficulties and declining agricultural incomes, the Baamranis turn to the north of the country and Europe to look for work (Bennafla, 2010). Their financial contributions are first used to maintain agriculture and to temporary renew livestock until the drought of the early 1970s. After the “Green March9” in 1975, the Moroccan State seeked to develop the new urban centers of the Sahara (Laayoune, Essemara and Eddakhla). Multiple job opportunities consequently attracted the population of Tazrout. In the 1980s, migration became essentially national (Casablanca) and regional (Agadir, Tiznit, Guelmim, Sidi Ifni) in search of better living conditions and took on a family dimension. Thirty years were enough for the commune of Sbouya to lose more than half of its residents (see figure 2).

Figure 2: Evolution curve of the number of households in the commune of Sbouya according to the data of the High Commission for Planning

Source: population census hcp Morocco.

13 During this period, massive plantations of prickly pears took place even though the sale of its fruits does not yet yield income. Local landscapes were largely reconfigured by this endogenous cultural innovation that requires little work per area unit while constituting a powerful property marker. But the expansion of the prickly pear is undoubtedly a major bifurcation in the path of vulnerability in the Tazrout valley. In the 1990s, when its profitability stood out, the cactus production became a source of competition and conflict between and within families.

Towards individualism and specialization of production systems

14 Between 1987 and 2011, the area planted with prickly pears in Sbouya commune doubled (Barthes et al., 2016) (see maps figure 5). This growth was stimulated in particular by the

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 92

incomes that the crop yielded as well as by the support of various state programs: fight against desertification10 and promotion of cash crops within the framework of pillar II of the “Green Morocco Plan11”. But the extension of prickly pears does not concern all the lands. To this day, Rhan hart continues to be used for cereal farming and forbids the use of certain lands, hence the persistence of areas cultivated with cereals or lain fallow (see figure 4). Inversely, the Rhan hor lands, extending on the slopes, have been cultivated since a long time with cactuses. As this contract does not legally exist, the land ownership is thus claimed by custom. Previously landless, the owners of these Rhan hor benefited from the mass exodus and the legal uncertainty linked to the non-recognition of these leases. They became the big landowners of today (figure 3).

Figure 3: Synthesis of the characteristics of Rhan contracts (according to the authors)

Source: authors, 2017.

15 Long abandoned or under-exploited, lands on slopes are upgraded through the planting of cactuses, shifting thus the initial power balance of lineage. A similar shift is observed on coastal lands which evolved from an area of low agricultural capacity, serving mainly for grazing, to a space with a strong tourism and residential potential.

16 The original population of the area has increased tenfold in the city, while maintaining a territorial link whose key element is land. The conflicts resulting from these changes have multiplied, particularly with the more regular return of migrants attracted by the rising profitability of land. Within families, it is about having one's own land in order to reap the benefits. In the case of lineage, the owners of Rhan want to recover their lands from those who exploit them. In the case of tribes, whole sections of the coast are claimed.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 93

Figure 4: Landscape showing the extension of prickly pears crop through a successive redevelopment of landscape units which were previously used otherwise

Source: authors, 2017

17 Therefore, today’s different land tenures emerge from a variety of land uses and a succession of transmissions that have evolved over time according to reference rights (customary, religious or positive) and their development. Nowadays, modern law is decisive and the allocation of title deeds is subject to major conflicts within families (melk lands), lineages (Rhan lands) and tribes (collective lands).

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 94

Figure 5: Summary diagram on the historical trajectory of lineages and land use types (according to the authors)

Source: authors, 2017

Production systems and current vulnerabilities

The cactus at the heart of production systems

18 Five different production systems have been identified in the valley today. • The first (S1) is based on nomadic farming of dromedaries and goats practiced by tribes of the South who cross the territory periodically. It is more and more constrained in its movements by the areas of cactus plantations, which nevertheless serve as fodder during years of severe drought, under condition of agreement with the owners. • A second system, agropastoral (S2), is mainly based on livestock and significant surfaces of land kept for grazing due to its collective status. It is located particularly on the coast where cactuses are not very productive and cereal farming is practiced easily (flat surfaces and permanent humidity). The income of resident households are supplemented by i) the wage labour during the harvest of prickly pears; ii) external financial input by migrants. Today, this system is threatened by the continuous reduction of pasture areas involving the increase of feedstock (stabling) expenses and thus the reduction of herd sizes. • Proponents of the diversified agrosilvopastoral system (S3) are located in the mountainous areas still covered by forest. They benefit from the diversity of fodder sources to maintain small-scale herds but have converted parts of their land into cactus plantations. They live on the land but can potentially go to work in nearby cities (Sidi Ifni and Guelmim) whenever their agricultural calendar allows it. Some work as pickers during cactus fruit harvesting, once their plantations have been harvested. • A fourth system (S4) resembles a remaining agriculture of self-sufficiency. Distributed throughout the study area, these farmers raise a few animals (sheep, goats and more rarely cows) and grow some barley to feed them in addition to grazing. Gradually, they convert their areas of cereal growth into cactus plantations, reducing thus the breeding of small

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 95

ruminants. They spend the majority of the year on the land but live off other activities (for example masonry) between peaks of agricultural works. • Finally, the specialized cactus system (S5) is found throughout the area and occupies the majority of the land. It does not only concern households, but also extended families whose representative sometimes occupies the premises. At times, the latter manages family land by following one of the above-mentioned production systems. The main beneficiaries of the cactus crop profits are only rarely present and manage their production at a distance.

19 It should be added that the profits from prickly pears vary according to the location of the plot (access, exposure), the variety planted (early, late), the demand (price varying from one to tenfold) and the methods of fruit picking (family work, paid work, sales of standing crops, etc.). This diversity reflects a strong market logic combined with the integration of many stakeholders in the sector (brokers, wholesalers and carriers). The latter control the prices and ensure sometimes the fruit picking (obedient to various contracts), directly routed to Agadir or Casablanca. The remaining benefits, which are hardly countable, are distributed to family members according to terms of agreement specific to each.

Current vulnerabilities

20 By its physiological characteristics, prickly pear production is particularly well adapted to the local agro-ecological conditions. However, its extension through monocultures and the method of reproduction by cuttings, gives rise to fears that a potential contamination or disease could affect all the plants, de facto very close genetically. As such, a cochineal ( Dactylopius opuntiae), which has been spreading in Morocco since 2015, poses a threat to the areas that are so productive today and on which many households rely (S2-S3-S4). On the coastal plateau, land speculation focused on tourism is in full boom. Here too, cactuses are planted, but as a property marker pending a construction permit. The increase in the population claiming their rights of access to land aggravates the conflicts based on various, unstable land tenures (Rhan, indivision). This favours grabbing of the most coveted lands by the most informed and wealthiest individuals.

21 This stranglehold on land is repeated, sometimes through the same actors, in the redistribution of the prickly pear profits. Indeed, the final markets are very far from the region and the intermediaries inflict their prices. The leeway of certain stakeholders is thus particularly reduced, leaving to the intermediaries the greater part of the final value of the product. Large landowners sometimes play this role by negotiating directly with wholesalers due to the importance of their production and their personal networks. Many projects (cooperatives, processing plant, sales shop in Sidi Ifni) have not succeeded in improving the situation of the populations remaining on the lands (S2, S3, S4). Like other so-called terroir products in Morocco, such as argan oil (Romagny et al., 2016), the profit generated by prickly pears remains in the hands of a few (S5) and very little is invested locally. The prickly pear thus contributed to the increase in socio-economic inequalities between those who continued to live in the area and those who left.

22 The prickly pear’s spatial extension has been at the expense of pasture lands who have been reduced. It has also rendered the last fallow and stubble of cultivated land inaccessible to livestock. In the same way, the seasonal link between the top of the valley and the littoral plateau is no longer applicable. By extension, the nomads (S1) as well can no longer rely on this area in their inter-annual movements imposed by climate hazards.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 96

And tomorrow?

23 In the territory of Sbouya, there has thus been a shift from two complementary production systems, based on scarce resources managed to ensure their sustainability and relying more or less on outside sources, to a variety of systems whose beneficiaries are little or not present on site, based on an almost unique resource, the prickly pear. The latter appears on the one hand as a local innovation particularly adapted to the context of climate change and rural exodus, contributing to the ecological resilience of the territory (Barthes et al., 2016; Genin et al., 2017). But on the other hand, it is the catalyst for major agrarian transformations of a system hitherto resilient from a socio-territorial point of view and presently threatened by various factors including economic and ecological (in the case of monoculture).

24 In continuation of this trajectory of vulnerability, we have imagined two possible scenarios for this territory. The first is none other than the pursuit of dynamics currently underway, without major changes in public policies and strategies of the stakeholders. The second corresponds to a scenario proposed by Genin et al. (2017), a scenario that favors ecological resilience through the cactus and argan tree reforestation of bare lands. Based on this, we propose other elements to reduce the mentioned socio-economic and ecological vulnerabilities.

A policy of “laissez-faire” under cover of action

25 In economic terms, the value of the cactus fruit is interesting for improving the population's income. The State, by financing the tools of a sector (cooperatives and local valuation units), intended to promote development, agricultural recovery and the grounding of the population (CGAAER, CGDA, 2010). But reality is somewhat different. Managed remotely and partly monopolized, this production does not improve, but can even degrade the living conditions of those who live on the spot. Thus, the State promotes, through developing the sector without organizing it, the principle of the strongest under cover of a commitment to its role as territorial actor. At the heart of this dynamic, a gradual intensification in capital (increase of surfaces, use of hired labour, inter-row weeding, varietal selection, phytosanitary treatments, etc.), for the purpose of maximum economic profitability of the prickly pear, seems to be the target model. By pursuing this logic, it is likely that the points of vulnerability raised in the first part of this article will be accentuated: a greater ecological sensitivity and an uneven distribution of the wealth created by monocultures of the cactus.

26 In addition to the productive aspects of cultivated cactus land, current dynamics on the coastline suggest its potential for tourism and residential development. This valuation, pending clarification of landownership, will eventually be made by state expropriation or by people with the best resources (network, information, capital, etc.). As with beach tourism development in Morocco and elsewhere, it is likely that the economic benefits do not accrue to the local population (Berriane et al., 2014).

27 We can therefore imagine a territory divided between an intensely cactus cultivated interior and an urbanized tourist coastline, without links between them. The new forms

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 97

of vulnerabilities that would result from these developments are not unknown: various types of pollution, erosion, coastal/hinterland inequalities, etc.

Between public policies and farmers' practices: another scenario to face global changes

28 Farmer practices are evolving, they are adapted to meet the requirements of an ever new context. The reproduction of systems and the maintenance of some traditional activities, such as beekeeping and argan oil production, reflect the resilience of a system that may seem out of date. From an ecological point of view, the expansion of the cactus interacts with other elements of the agro-ecosystem, notably by promoting the regeneration of the argan tree and of a particularly rich melliferous flora (Aafi A., 2007).

29 As such, Genin et al. propose a scenario that would result from these ecological and human interactions with the establishment of an agro-forestry park associating mainly cactuses and argan trees in a new productive ecological balance. While this scenario is partly based on the cessation of livestock breeding, we make the hypothesis of its maintenance as an activity with a significant dimension of identity. Breeding retains its role in forest areas and certain mixed plots, especially with regard to the littoral being not very favorable to argan trees. It perpetuates the development of available fodder (argan, cactus, weeds), allows a transfer of fertility and ensures a backup during the driest years. In addition, historical links between mountains and littoral zones invite to imagine new links in terms of organizing production (varieties) and harvest (seasons). The harmful effects, ecological and economic, of a homogenization of the landscape in the form of monoculture would thus be potentially excluded.

30 However, another vulnerability of the local populations lies in their weak bargaining power when selling their products. Given the current difficulties in selling local products (oil, honey, fruit), it is likely that the same scenario of grabbing of their value will occur again. It is in this sense that public policies could act, notably through the sectors’ organization and the application of the principles of a more equitable social and solidarity economy. On the other hand, and despite the many pitfalls of this type of project, the tourist vocation of the coast could be considered in parallel with the development of an interior, rural tourism which, while enriching the tourist offer of the region, would provide additional income to the local population (accommodation, purchase of products, etc.).

31 Finally, as we have seen many times, spatial mobility and family ties have structured this territory. Today, it would be conceivable to take advantage of extraterritorial links, as it is already the case for some returning migrants seeking to reintegrate the territory by financing access to water, renovations of houses, constructions of mosques and roads. Tomorrow, through their transfers of capital and knowledge, they could support the transformation of the systems in place via innovations and their financing, as it is for example already observed in the case of beekeeping.

Conclusion

32 What would have been the trajectory of Tazrout valley without the prickly pear? Would today's landscape be dominated by a forest regaining its rights, the first consequence of

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 98

rural exodus, that would have stretched to the present day? If the prickly pear does not seem to encourage peoples’ return, it appears at first sight a miraculous plant. It combines both adaptation to the valley's agro-ecological conditions and response to social needs of the moment: means of combating desertification, property marker, technical tool simplified to the extreme (a pick for harvesting), allowing a "remote control" by owners residing outside the valley, a significant source of income not only for cactus producers but also for those who benefit from these vast cultivated areas (beekeepers). All of which contributes to the transformation (mitigation?) of the vulnerability of this mountain territory.

33 This being said, the rise (for more than 30 years) of prickly pears in Tazrout valley carries in it a certain number of risks likely to modify, in more or less short term, the trajectory of this territory towards an accentuated vulnerability to changes of all kinds (climatic, ecological, health, socio-economic): in particular (i) the extension of cactus monocultures and, consequently, the extreme simplification of an ecosystem thereupon more sensitive to bio aggressors (including cochineal), (ii) the hardening of social conflicts especially around access to land and the distribution of wealth created by the production of prickly pears.

34 If the initiatives taken so far by the State to promote the prickly pear industry are to be emphasized, it would probably be appropriate to create the conditions for a development combining respect for ecological balances (prickly pear/argan tree association within agroforestry systems) and social justice (reduction of inequalities, "fair" remuneration of the producers, procedures of access to land).

BIBLIOGRAPHY

Aafi A., 2007.– “Rôle des cactus dans la restauration de l’arganeraie et de ses composantes floristiques et faunistiques dans la province de Tiznit”, in Annales de la recherche forestière au Maroc , vol 38, pp.69-76

Agroligne, 2016.– n°100. May-June, consulted the 30th of October 2017, https:// www.agroligne.com

Antoine P., Bry X., Diouf PD., 1987.– “La fiche "AGEVEN", un outil pour la collecte des données rétrospectives”, in Statéco, n°49, p. 33-46

Barathon J-J., El Abbassi H., Lechevalier C., 2010.– “Gestion des sols et de l’eau dans le massif d’Ifni Anti-Atlas occidental, Maroc”, in Norois n°214, p. 101-111, consulted the 12th of June 2017, http://norois.revues.org/3165

Barthes A., Baudot P., Alifriqui M., Michon G., Genin D., Kamil H., Romagny B., Simenel R., 2016.– “Dynamiques d’innovations des arrières pays arides marocains. Le cas du figuier de barbarie, une ressource territoriale en émergence ?”, in : Berriane M., Michon G. (dir.). Les terroirs au Sud, vers un nouveau modèle ? Une expérience marocaine , Rabat-Marseille, FLSH-Éditions IRD, pp.145-158

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 99

Bennafla K., 2010.– “Mobilités et politique à Sidi Ifni, ville isolée du Sud marocain”, in Espace Populations Sociétés, n°2-3, consulted the 16th of October 2017, http://eps.revues.org/4144

Berriane M. et al., 2014.– Le tourisme dans les arrière-pays méditerranéens. Des dynamiques territoriales locales en marge des politiques publiques, Université Mohammed V, Rabat, Université Euro- méditerranéenne de Fès et Laboratoire Mixte International MediTer.

Blanco J., 2015.– Le fils du Sahara et les gens de la pluie. Gestion paysanne et conservation des socioécosystèmes à acacia au Sud du Maroc, Doctoral thesis in ecology (Agroparistech)

Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et Conseil général du développement agricole (CGDA), 2010.– Terroirs et origine : leçons d’une lecture croisée des expériences du Maroc et de la France pour une Méditerranée durable, Ministry of Food, Agriculture and Fisheries, Morocco

Cochet H., 2011.– L’agriculture comparée, Quae

Dufumier M., 1996.– Les projets de développement agricole. Manuel d’expertise. CTA - Karthala

Genin M., Alifriqui M., Fakhech A., Hafidi M., Ouahmane L., Genin D., 2017.– “Back to forests in pre-Saharan Morocco? When prickly pear cultivation and traditional agropastoralism reduction promote argan tree regeneration”, in Silva Fennica, vol. 51, consulted the 25th of September 2017, https://www.silvafennica.fi/article/1618

Justinard L., 1930.– Villes et tribus du Maroc, Tribus berbères. Les Aït Ba’amran, Éditions Honoré Champion

Monteil V., 1948.–Notes sur Ifni et les Aït Baamrane.Éditions Larose

Pasquali F., 2017.– La structuration de la filière de l’aknari, le cas de Mesti : la portée sociale du changement agro-paysager par le figuier de Barbarie et l’inhibition au développement du territoire. Master 1 thesis – Museum of Natural History – Marseille

Qarro, M., Sabir, M., Idriss H., 2010.– Diagnostic de la situation actuelle des systèmes arganiers. Institut royal de la culture amazighe (IRCAM)

Romagny B., Boujrouf S., Ait Errays N., Benkhallouk M., 2016.– “La filière "huile d’argan" au Maroc. Construction, enjeux et perspectives”, in: Berriane M., Michon G. (dir.). Les terroirs au Sud, vers un nouveau modèle ? Une expérience marocaine , Rabat-Marseille, FLSH-Éditions IRD, pp. 271-289

Rosenberger B., 1977.– “ Population et crise au Maroc aux XVIe et XVIIe siècles. Famines et épidémies”, in: Cahiers de la Méditerranée, hors-série n°2: Typologie des crises dans les pays méditerranéens (XVIe-XXe siècles), pp. 137-149

Simenel R., 2010.– L’Origine est aux frontières. Les Aït Baamrane, un exil en terre d’arganiers (Sud- Maroc), Collection Les chemins de l’ethnologie, Éditions CNRS – MSH

NOTES

1. Tachelhit: aknari, lat. Opuntia ficus-indica 2. http://www.agriculture.gov.ma/node/241 3. Approximately 8t/ha of fruit yield in the area; 1t of fresh fruits = 1l of oil, sold between 800 and 1000€. 4. The last farm-scale agricultural census dates back to 1996. Population censuses are decennial (1994, 2004,2014) and carried out at municipal level and not at douar level.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 100

5. This article is a continuation of a collective work started in 2012 in the region within LMI MediTer. The surveys underlying this article were carried out as part of a six-month engineering internship (C. Cardon) and three theses in geography (M. Mourou, H. Benalayate, A. Adam) under supervision of Mr Aderghal, Mr Vaillant and B. Romagny. This research was supported by the National Research Agency (France) as part of the "Med-Inn-Local" project (2013-2017, ANR-12-TMED-0001). 6. It includes in fact a fourth step (evaluation of technical-economic performance of archetypal farms) but, in view of the study’s objectives, it has not been applied. 7. (Antoine, Bry & Diouf, 1987). 8. The saints refer to the first occupants of a place that has become iconic and sacred. Their descendants, designated as chorfa, represent a holy lineage. 9. Symbolic march organized by Morocco towards the Spanish Sahara to claim its ownership. 10. Reforestation and regeneration arrangements of the argan tree favoring systems which associate several species, including the prickly pear (Qarro et al., 2010). 11. National agricultural development policy launched in 2008 and based on two pillars: (i) intensification aiming urban and export markets and (ii) poverty alleviation in marginal rural areas.

ABSTRACTS

The Tazrout valley, embedded in the Ait Baamrane area (Moroccan Anti-Atlas), is characterized by agro-ecological conditions hardly favorable to agriculture (arid climate, rugged terrain, poor soils). For a long time, people tackled these environmental challenges through the combined and concerted management of agrosilvopastoral resources and of various spatial dynamics. However climatic disturbances during the 20th century have resulted in the structural transformation of agrarian systems and the destabilization of the social foundations underlying the territory's organization. The widespread planting of prickly pear (cactus) seems to go hand in hand with these changes. According to studies carried out in the region, the cactus has favoured the return of a relative ecological equilibrium; being a sign of resilience. But what about socio-economic benefits? Could the cactuses’ expansion not be a catalyst of the system’s transformation as well as an aggravating factor of social weaknesses? Based on a systemic and geo-historical approach to agrarian structures, this article seeks to understand how successive changes in (i) modes of spatial development and occupation and (ii) public policies have lead today to new vulnerabilities. In order to propose an extension to the trajectory of the territories vulnerability, an alternative scenario to the advancements, seemingly advocated by the State today, is studied.

INDEX

Keywords: argan tree, cactus, agrarian dynamics, land, mobility, landscape, resilience, Sidi Ifni, vulnerability

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 101

AUTHORS

MAJDA MOUROU

LITOPAD UM5 de Rabat, LMI-MediTer. [email protected]

ANTONIN ADAM

IRD, GRED, LMI-MediTer. [email protected]

CLOTHILDE CARDON

LITOPAD UM5 de Rabat, LMI-MediTer

MOHAMED ADERGHAL

LITOPAD UM5 de Rabat, LMI-MediTer

MICHEL VAILLANT

ISTOM, Cergy

LHASSAN BENALAYAT

Université Ibn Zohr, Agadir

BRUNO ROMAGNY

IRD, LPED, LMI-MediTer

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 102

Trajectoires de vulnérabilité des territoires ruraux dans les Andes d’Équateur : une analyse comparative

Nasser Rebaï et Julio A. Alvarado Vélez

Introduction

1 Depuis plusieurs années, la notion de « vulnérabilité » fait l’objet d’un usage important en sciences sociales alors que la récurrence des catastrophes naturelles, dans un contexte de changements globaux, ou le souvenir de la crise alimentaire de 2008, obligent les sociétés à s’organiser contre tous types d’aléas qui viendraient les affecter elles et leurs territoires. Si la « vulnérabilité » peut être définie comme le degré de sensibilité d’un groupe d’individus à un évènement d’origine naturelle ou à un changement politique, elle ne doit cependant pas être entendue comme un synonyme de « pauvreté » (Becerra, 2012). En effet, la vulnérabilité d’une population correspond en réalité à son incapacité à anticiper un aléa, de quelque nature qu’il soit. C’est pourquoi des travaux récents ont insisté sur la nécessité méthodologique de tenir compte, d’une part, des perceptions que les membres d’un groupe ont de leur environnement et, d’autre part, des caractéristiques sociales et culturelles des populations, afin de mieux comprendre, justement, les origines de leur vulnérabilité (Décamps, 2007 ; Hewitt et Mehta, 2012). Pour d’autres auteurs, cette approche holistique est également fondamentale et doit aller de paire avec une lecture dynamique de la vulnérabilité des territoires en raison du fait que celle-ci « résulte d’une évolution, tant de la société que du contexte naturel » (Magnan et al., 2012 :83). C’est pourquoi il s’avère pertinent d’utiliser le concept de « trajectoire de vulnérabilité » (ibid.), défini comme l’enchaînement dans le temps de facteurs d’altération de l’organisation des sociétés et de leurs relations avec l’environnement. Ici, nous souhaitons l’utiliser dans le contexte des Andes équatoriennes et donner ainsi une suite aux réflexions que nous développons depuis plusieurs années sur cette région en nous intéressant à la géohistoire

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 103

de ses territoires ruraux (Rebaï 2009 et 2012) afin de mieux comprendre l’origine des stratégies actuelles des agriculteurs familiaux et de pouvoir évaluer, par la suite, leurs intérêts et leurs limites.

Vulnérabilité des territoires ruraux des Andes équatoriennes : une vision géohistorique

2 À l’image des autres sociétés de montagne, les paysanneries andines ont été soumises dans leur histoire à de nombreuses contraintes environnementales (gel, érosion des sol, stress hydrique) auxquelles elles se sont toutefois adaptées par des aménagements spécifiques (Morlon, 1992 ; Valdéz, 2006) ou à la faveur d’une mobilité importante des individus leur permettant de tirer profit des potentialités de plusieurs étages écologiques et de parvenir ainsi à leur subsistance (Murra, 1975 ; Oberem, 1981). Leur organisation sociale, construite sur des relations d’entraide (Mayer 2002, Ferraro, 2004 ; Lyle 2017), a également été décisive pour outrepasser les contraintes du milieu montagnard en favorisant des échanges réciproques de travail ou la mise en culture d’espaces collectifs ayant eu des effets positifs sur la production agricole (Alberti y Mayer, 1974 ; Lyle et Smith, 2014, Walsh-Dilley, 2017). Toutefois, à partir du XVIe siècle, l’encadrement de la population indigène par l’autorité coloniale entraîna le déplacement de la main-d’œuvre rurale pour les travaux dans les mines et les haciendas. Ce modèle de domination sociospatiale provoqua l’appauvrissement du milieu (Chonchol, 1995) et contraignit les paysans indigènes à survivre sur les terres les plus ingrates de la cordillère jusqu’à ce que des réformes agraires soient menées dans la seconde moitié du XXe siècle, avec cependant des effets limités. Alors que les territoires ruraux des Andes se caractérisent aujourd’hui encore par de fortes inégalités foncières (Bretón, 2006) et que l’insécurité alimentaire des populations paysannes demeure élevée (Scurrah et al., 2012 ; Oviedo Treiber, 2014 ; Rebaï, 2015 ; Gross et al., 2016), il est donc juste de considérer que le système colonial a en partie conditionné la vulnérabilité actuelle de l’agriculture familiale andine.

3 Néanmoins, il ne faudrait pas omettre que des changements structurels plus récents ont également bouleversé la dynamique des territoires ruraux andins, et plus particulièrement en Équateur. Après l’« euphorie pétrolière1 » des années 1970 (Acosta, 2001 : 137), qui permit l’amélioration des infrastructures nationales (Deler, 1991), la dette élevée de l’État équatorien imposa l’austérité économique au cours des années 1980 et 1990 (Gastambide, 2010). Sous l’influence des institutions financières internationales, l’Équateur procéda à la libéralisation de son économie ce qui conduisit à la réduction des services publics d’encadrement agricole (Lefeber, 2008) et à l’arrivée sur le marché national de productions céréalières subventionnées en provenance des pays du Nord (Peltre-Wurtz, 1988 et 2004). En 1991, la Loi Minière, puis, en 1994, la Loi de Développement Agraire, pensées pour attirer les capitaux étrangers afin de « moderniser » le secteur primaire de l’économie nationale permirent aux investisseurs privés de s’approprier d’importantes ressources foncières et hydriques afin d’exploiter les sous-sols et de développer des cultures pour l’exportation. Ainsi, les projets miniers se multiplièrent (Latorre et al., 2015) tandis que les productions de fleur et de brocoli se développèrent (Martinez, 2015). C’est également pour accélérer cette « modernisation » du secteur primaire national que les pouvoirs publics firent la promotion de systèmes productifs orientés vers la spécialisation des exploitations paysannes et l'utilisation massive de pesticides chimiques (Sherwood et Paredes, 2014). Ces dernières années, ces

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 104

orientations « modernisatrices » se sont poursuivies alors que la « Révolution Citoyenne » portée par le président Rafael Correa (2007-2017) avait fait naître en Équateur l’espoir d'un nouveau modèle de société autour du « Buen Vivir2 ». C’est ainsi que l’ancien leader du mouvement Alianza País, qui avait bénéficié du soutien des indigènes et des paysans pour accéder au pouvoir (Giunta, 2014), encouragea après plusieurs années à la tête du pays le développement de projets miniers pour financer sa politique sociale, en déclarant vouloir sortir l’Équateur de sa dépendance à l’extractivisme en tirant profit, justement, des ressources financières de l’extractivisme.

4 Dans ce contexte, quelles furent les trajectoires de vulnérabilité des territoires ruraux des Andes équatoriennes ? Comment les systèmes agricoles et les usages du sol ont-ils évolué ces dernières décennies ? Enfin, que dire de la situation économique et alimentaire actuelle des populations paysannes ?

Méthodologie : des entretiens et des enquêtes auprès d’acteurs divers pour reconstituer les trajectoires de vulnérabilité de plusieurs territoires ruraux des Andes équatoriennes

5 Afin de répondre à ces questions, notre texte s’appuiera sur les résultats de recherches conduites dans trois zones de la sierra équatorienne. Ainsi, nous nous intéresserons à la paroisse (village) Victoria del Portete (2700-3600 mètres d’altitude), située à 24 km au sud de Cuenca (400 000 habitants) dans la province de l’Azuay. Nous porterons également notre attention sur la partie orientale du canton de Salcedo (3500 m), située à 15 km au sud de Latacunga (70 000 habitants), dans la province du Cotopaxi et, enfin, sur la paroisse San Luis (2500-3000 m), située dans la province du Chimborazo, à 7 km au sud de la ville de Riobamba (150 000 habitants) (Fig. 1).

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 105

Figure 1. Carte de localisation des zones d’étude

Source : Instituto Geográfico Militar (Équateur). Réalisation : N. Rebaï.

Précision sur le choix des zones d’étude et la démarche employée sur le terrain

6 À Victoria del Portete, plusieurs éléments ont retenu notre attention. Alors que la localité connaît depuis plusieurs années une émigration importante de sa population paysanne, signe évident d’une précarité économique des exploitations familiales commune à de nombreuses régions des Andes (Cortes, 2000 ; Guilbert, 2005 ; Rebaï, 2012), il nous a paru intéressant, tout d’abord, d’évaluer dans quelle mesure cette émigration impliquait une nouvelle forme de vulnérabilité des unités de production en les privant d’une partie de leur main-d’œuvre. De plus, la paroisse Victoria del Portete retint notre attention en raison du fait que le projet minier Loma Larga, symbole de la poussée extractiviste des dernières années en Équateur, y était en cours de démarrage (Fig. 2), même si l’activité extractive n’avait pas encore commencée. Il nous sembla alors intéressant d’évaluer dans quelle mesure ce projet pouvait lui aussi être un facteur de vulnérabilité pour la population locale.

7 Pour ce faire, nous avons donc réalisé, en 2016, 12 entretiens avec des leaders paysans, des représentants politiques et des « anciens » de la localité pour savoir comment l’agriculture à Victoria del Portete avait évolué ces dernières décennies et comment ils envisageaient, à moyen terme, les effets du projet Loma Larga. Puis, nous avons mené 4 entretiens avec des techniciens du Ministère de l’Agriculture et du Service de protection environnementale de l’entreprise publique ETAPA, ainsi qu’avec l’un des représentants du Département de la qualité environnementale de la Préfecture de l’Azuay, pour intégrer

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 106

à notre analyse la vision institutionnelle du développement rural dans la province. Ensuite, nous avons réalisé 12 enquêtes auprès d’agriculteurs dont l’un d’entre eux, un leader local bien connu dans la région cuencanaise pour son opposition au développement minier, possédait une exploitation d’une centaine d’hectares. Avec chacun de ces 12 agriculteurs, nous avons discuté des caractéristiques de leurs exploitations (superficie, nombre de parcelles, choix culturaux, main-d’œuvre disponible, etc.). Enfin, nous avons prolongé chacune de ces enquêtes par des entretiens semi-dirigés pour connaître l’avis de nos interlocuteurs sur le développement minier et la vision qu’ils avaient de l’avenir de l’agriculture à Victoria del Portete.

Figure 2. « Bienvenidos al proyecto minero Loma Larga3 » : panneau d’entrée du futur site d’extraction minière à Victoria del Portete

Source : N. Rebaï

8 Dans un tout autre contexte, nous nous sommes également intéressés à la vulnérabilité des agriculteurs familiaux aux ravageurs des cultures. Si la FAO rappelle que la lutte contre les nuisibles est une priorité pour réduire l'insécurité alimentaire des populations rurales des Suds, des études récentes conduites dans plusieurs régions des Andes, au Pérou et en Équateur, ont signalé que l’usage de pesticides chimiques avait une efficacité limitée (Kroschel et al., 2012 ; Sherwood et al., 2015). De plus, des recherches menées dans la sierra équatorienne ont montré que le contrôle des ravageurs était lié aux dynamiques sociales des communautés paysannes et que la mise en place de stratégies de gestion intégrée des ravageurs – entendue comme « l'intégration coordonnée de plusieurs méthodes complémentaires pour éliminer les ravageurs d’une manière sûre, rentable et respectueuse de l’environnement4 » (Parsa et al. 2014 : 3889) – permettrait d’atteindre des niveaux de production agricole à même de satisfaire en partie les besoins alimentaires de populations tout en réduisant l’usage d’intrants chimiques (Rebaudo et Dangles, 2011 et 2015). Ainsi, dans le cadre du projet MAN-PEST5, nous avons cherché à savoir pourquoi les agriculteurs des Andes équatoriennes demeuraient vulnérables aux ravageurs en

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 107

maintenant l’utilisation de pesticides chimiques au lieu de mettre en place des actions coordonnées moins polluantes.

9 Pour cela, nous avons mené une première recherche, en 2015, dans la partie orientale du canton de Salcedo, qui figure parmi les zones de production de pomme de terre les plus importantes de la sierra équatorienne (Fig. 3) et où, depuis plusieurs décennies, l’emploi de pesticides chimiques s’est généralisé. Puis, en 2016, nous avons porté notre attention sur la périphérie rurale de la ville de Riobamba qui, au cours des trente dernières années, a subi de manière plus évidente le processus « modernisateur » du secteur primaire dans les Andes équatoriennes. Alors que jusque dans les années 1970 les campagnes autour de Riobamba formaient l’un des principaux greniers de la sierra équatorienne (Gondard, 1976), dès la fin des années 1980, la rénovation par les pouvoirs publics du système d’irrigation Chambo-Guano6, avec les soutiens de la FAO et de l’Union Européenne, favorisa le développement de cultures maraîchères à destination du marché urbain national. La campagne riobambenienne se transforma alors en un bassin horticole de près de 6 000 ha où, de nos jours, des milliers de serres de tomates et de parcelles maraîchères structurent le paysage agraire, comme à San Luis (Fig. 4), la localité où nous avons mené notre travail de terrain.

Figure 3. Vision du paysage agraire dans la partie orientale du canton de Salcedo en 2015

Source : N. Rebaï.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 108

Figure 4. Vision du paysage agraire à San Luis en 2016

Source : N. Rebaï.

10 Entre la partie orientale du canton de Salcedo et San Luis, nous avons réalisé 13 entretiens avec des leaders paysans, des représentants politiques, ainsi que des fonctionnaires du Ministère de l’Agriculture, pour discuter des pratiques agricoles et des stratégies paysannes de lutte contre les ravageurs des cultures dans ces deux zones. Puis, avec les appuis des autorités locales, nous avons mené des enquêtes auprès de 12 agriculteurs – 6 à Salcedo et 6 à San Luis – avec qui nous avons discuté des caractéristiques de leurs exploitations et de leurs stratégies pour lutter contre les ravageurs des cultures. Enfin, des questions plus ouvertes sur l’évolution récente des pratiques agricoles dans leurs localités et sur leurs relations avec les autres acteurs (leurs voisins, les institutions publiques, les vendeurs d’intrants) ont également structuré les échanges que nous avons eus avec les agriculteurs familiaux de Salcedo et de San Luis.

Deux niveaux d’analyse pour mieux comprendre la vulnérabilité des territoires étudiés

11 Ainsi, les enquêtes et les entretiens réalisés auprès de plusieurs types d’acteurs ont permis de capter leurs différentes perceptions des changements récents de leurs territoires afin d’en reconstruire les trajectoires de vulnérabilité. Bien entendu, au vu de la taille réduite des échantillons d’exploitations sur lesquels repose notre étude, les données chiffrées présentées dans cet article ne peuvent prétendre servir à la construction d’une base de données générale sur nos trois zones d’étude. Toutefois, il importe de souligner que les résultats des travaux de terrain menés à Victoria del Portete, Salcedo et San Luis viennent complétés une somme déjà importante de données produites ces dernières années sur les caractéristiques de l’agriculture familiale de la sierra équatorienne (Rebaï 2012 et 2015). Par conséquent, elles contribuent, à travers ce texte, à renseigner davantage sur la situation actuelle des territoires ruraux de cette région.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 109

Entre émigration paysanne et développement minier : les facteurs de vulnérabilité dans la province de l’Azuay

12 Il y a encore peu de temps, la majorité des familles paysannes de l’Azuay se consacrait à la production de maïs, base de leur alimentation (Huttel et al., 1999, Rebaï, 2012). Le dernier Recensement Agraire National (INEC, 2002) précise qu’au niveau provincial 71 % des exploitations cultivaient cette céréale au début du siècle, généralement en association avec du haricot, sur un total de près de 40 000 ha qui représentaient 75,5 % des surfaces dédiées aux cultures non permanentes. Toutefois, comme nous l’avons constaté à Victoria del Portete, la culture du maïs apparaît moins importante. Différents facteurs peuvent l’expliquer.

L’émigration paysanne, à la fois symbole et facteur aggravant de la vulnérabilité paysanne

13 Si plusieurs haciendas structuraient l’espace agraire à Victoria del Portete il y a cinquante ans, après la réforme agraire, en 1964, les paysans de la localité commencèrent à migrer vers la côte, où depuis le XIXe siècle l’agriculture d’exportation ne cessait de se développer (Deler, 1981), pour travailler comme journaliers au sein de grandes exploitations capitalistes de banane ou de cacao. Alors que l’exigüité de leurs exploitations et que leur maintien à la marge des circuits économiques nationaux (North, 1985) ne pouvaient leur permettre de survivre avec leurs familles, leur mobilité vers les zones économiques les plus dynamiques du pays devint leur principale moyen de survie comme pour beaucoup d’autres paysans des provinces andines à cette époque (Chiriboga, 1984 ; Martinez, 1985 ; Rebaï, 2009 et 2016). À partir des années 1980 et 1990, dans le contexte de libéralisation de l’économie nationale, alors même que depuis les années 1950 et la crise de la filière des chapeaux Panamá7 l’émigration internationale des paysans azuayens s’était progressivement structurée (Rebaï, 2012), ceux de Victoria del Portete élargirent le cadre spatial de leur mobilité et commencèrent à s’exiler vers les États-Unis. Parallèlement, la pluriactivité locale ne cessa de croître. Ainsi, au niveau de notre échantillon d’analyse qui, en 2016, était constitué de 68 individus, 34 % d’entre eux se trouvaient aux États-Unis ou installés dans une autre région équatorienne, parfois depuis plus de vingt ans, tandis que 9 % des personnes occupaient un emploi permanent dans la région cuencanaise qui les empêchaient de participer aux activités de l’exploitation. En outre, 26 % de notre échantillon d’analyse était composé d’enfants scolarisés, de personnes âgées ou handicapées qui se consacraient peu ou prou aux travaux agricoles. Ainsi, seulement 31 % de la population étudiée, principalement des femmes, se consacraient à plein temps aux différentes tâches de l’exploitation (Fig. 5).

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 110

Figures 5. Répartition des membres des 12 familles étudiées à Victoria del Portete en fonction de leur occupation et de leur localisation en 2016

Source : enquêtes de terrain.

14 Logiquement, cette situation démographique a eu des conséquences sur les pratiques agricoles. Les familles paysannes de Victoria del Portete ont peu à peu réduit les superficies des cultures de cycles longs comme le maïs, mais aussi les tubercules, exigeantes en travail, caractérisées par des rendements faibles et sujettes à des pertes importantes en cas de mauvaises conditions climatiques. En outre, en raison du manque de main-d’œuvre, ces mêmes familles ont progressivement abandonné les systèmes d’entraide comme le cambio mano8 pour monnayer leurs participations aux tâches agricoles en dehors de leurs exploitations. Ainsi, d’après les personnes interrogées, le salaire d’un journalier atteignait 12 dollars en 2016 alors qu’il n’était que de 5 ou 6 dollars au début des années 2000. Dans ces conditions, l’augmentation des coûts de production a également contribué à la diminution récente des superficies cultivées dans la localité.

15 En revanche, les familles paysannes de Victoria del Portete ont, comme celles de paroisses voisines également marquées par une forte émigration (Rebaï, 2015), développé une importante activité d’élevage laitier dans un contexte national favorable à l’intégration marchande des petits éleveurs de la sierra depuis le début des années 2000 (Barragán Ochoa, 2017). La majorité d’entre elles ont donc depuis plusieurs années étendu les surfaces pâturées au sein de leurs exploitations, en procédant à la coupe des arbres qu’elles possédaient, jusqu’aux páramos9. Par conséquent, la couverture végétale au niveau local a également réduit ces dernières années. Au niveau des 12 exploitations de notre échantillon d’analyse, qui représentaient 138,5 ha en 2016, 49,8 % de la superficie totale était occupée par des pâturages et un peu de luzerne, contre 46,3 % pour les espaces boisés et seulement 3,9 % pour les cultures (Fig. 6).

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 111

Figures 6. Caractéristiques des usages du sol au niveau des 12 exploitations étudiées à Victoria del Portete en 2016

Source : enquêtes de terrain.

16 Concernant les 11 petites exploitations de notre panel, qui réunissaient au total 38,5 ha, les différences entre les formes d’occupation du sol étaient encore plus marquées. Ainsi, 88,3 % de leur superficie totale était consacrée aux pâturages et à la luzerne tandis que 11,7 % de leur surface globale étaient encore en culture. Quant aux surfaces boisées, elles étaient presque inexistantes (Fig. 7).

Figures 7. Caractéristiques des usages du sol au niveau des 11 plus petites exploitations étudiées à Victoria del Portete en 2016

Source : enquêtes de terrain.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 112

17 Au moment de notre travail de terrain, le paysage agraire de la paroisse Victoria del Portete était donc dominé par le vert des pâturages et ponctué, ici et là, de tâches dorées ou brunes des petites parcelles de maïs et de tubercules qui subsistaient à côté des maisons paysannes (Fig. 8). Il indiquait au final qu’une perte d’agrobiodiversité avait eu lieu ces dernières années en raison d’une dynamique migratoire qui a bouleversé les pratiques paysannes locales.

Figure 8. Vision du paysage agraire à Victoria del porte en 2016

Source : N. Rebaï.

Loma Larga : un projet minier qui prolonge la trajectoire de vulnérabilité en provoquant la division de la population paysanne

18 Toutefois, au-delà des mutations agraires récentes qui la caractérisent, la paroisse Victoria del Portete connaît depuis quelques années une autre perturbation associée au projet minier Loma Larga. En effet, si plusieurs des dirigeants et des paysans interrogés nous ont indiqué qu’ils ne cesseraient de s’opposer à sa mise en marche pour sauvegarder l’agriculture et l’élevage, poursuivant ainsi la résistance entamée il y plusieurs années (Alvarado, 2016), à l’inverse, différentes personnes interrogées nous ont signalé que puisque l’agriculture ne leur permettait pas de vivre dignement, elles espéraient que le projet Loma Larga leur procurerait des revenus stables et que cela « empêcherait les jeunes d’émigrer ». Ainsi, même si elles insistèrent pour nous dire qu’elles n’étaient pas favorables à l’extractivisme, car ce n’est « pas bon pour l’environnement », elles nous précisèrent cependant que, nécessité faisant loi, elles n’hésiteraient pas à tirer profit de la mine. C’est d’ailleurs pourquoi le candidat du mouvement Alianza País l’emporta d’une courte tête aux élections paroissiales de 2014, ce vote indiquant, semble-t-il, que la majorité de la population locale n’était pas complètement opposée à l’action du gouvernement et au projet Loma Larga alors que dans le reste du pays les mouvements indigènes et paysans faisaient part, depuis un certain temps déjà, de leur opposition à la politique de Rafael Correa (Ospina et Lalander, 2012).

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 113

19 C’est donc dans ce contexte que de vives tensions sont apparues entre les habitants de Victoria del Portete ces dernières années. Certains d’entre eux nous ont indiqué qu’ils avaient subi des violences physiques et verbales pour avoir exprimé une position moins ferme que d’autres contre le projet minier. Une paysanne nous expliqua ainsi qu’elle se faisait insulter lorsqu’elle se rendait dans le centre de la localité pour y vendre des produits de son exploitation. De même, un jeune paysan nous dit que pour avoir été employés dans les travaux de prospection réalisés par INV Metals au début des années 2010, lui et d’autres avaient vu leurs familles privées d’accès à l’eau par l’assemblée des irrigants de Victoria del Portete dont les dirigeants étaient opposés au projet Loma Larga. Enfin, il fut intéressant de constater que les principaux opposants au projet étaient de grands exploitants, parmi lesquels figuraient celui de notre échantillon d’analyse, pour qui la seule alternative à l’extractivisme était l’accroissement de l’élevage laitier. En revanche, pour de nombreuses paysannes qui, ces dernières années, avaient également pris part au mouvement local de résistance à la mine, l’agriculture et le développement de l’artisanat devaient primer. Pourtant, plusieurs d’entre elles nous ont affirmé que leurs revendications n’étaient pas relayées par les leaders locaux qui ne cessaient de défendre leurs intérêts personnels auprès des pouvoirs publics et des ONG lorsqu’ils s’agissaient de proposer des alternatives au développement minier. Ainsi, il était intéressant d’observer à Victoria del Portete que la trajectoire de vulnérabilité des paysannes pouvait se prolonger davantage en raison d’une domination masculine évidente et d’une invisibilisation de leurs revendications en dépit du fait que, depuis trente ans, ces mêmes paysannes contribuent grandement au maintien des activités agricoles au niveau local.

20 Au final, notre recherche à Victoria del Portete montre comment les orientations politiques des dernières décennies ont conditionné la trajectoire de vulnérabilité de ce territoire. L’ouverture libérale de la fin des années 1980 a fragilisé les agriculteurs familiaux qui, pour survivre, ont été contraints d’émigrer. Puis, la vulnérabilité économique de la population paysanne a agit comme un facteur limitant la mobilisation contre le projet minier Loma Larga. Désormais, et au-delà des conséquences néfastes qu’il devrait avoir sur l’environnement et l’agriculture, comme bien d’autres projets extractivistes dans les Andes équatoriennes (Kuecker, 2007 ; Avci et Fernández-Salvador, 2016 ; Sánchez-Vásquez et al., 2016), le projet Loma Larga, avant même son démarrage, provoque la division de la population paysanne à Victoria del Portete. Ainsi, il constitue d’ores et déjà un facteur de prolongement de la vulnérabilité de cette localité où, à moyen terme, la capacité d’organisation des paysans contre d’autres aléas qui pourraient venir affecter ses ressources et son mode de vie devrait être encore plus limitée qu’elle ne l’a été ces dernières années.

Un changement de système de production à l’origine du prolongement de la trajectoire de vulnérabilité des territoires ruraux dans le Chimborazo et le Cotopaxi

21 Dans la partie orientale du canton de Salcedo et à San Luis, les dirigeants que nous avons rencontrés nous ont expliqué qu’il y a encore une trentaine d’années, les agriculteurs de ces deux zones procédaient à des rotations de cultures et à la mise en jachère alternée de leurs parcelles pour limiter la croissance et la diffusion des ravageurs, comme l’ensemble

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 114

des paysanneries andines (Morlon, 1992 ; Hervé et Rivière, 1999 ; Poinsot, 1999). Puis, ils nous ont signalé que, ces dernières décennies, l’usage de pesticides chimiques s’était imposé au sein des exploitations et qu’il était devenu la norme pour lutter contre les nuisibles10. Dès lors, nous avons cherché à comprendre quels étaient les facteurs qui favorisaient cet usage systématique d’intrants industriels au sein des unités de production et qui entravaient de fait la collaboration entre agriculteurs et la mise en application de techniques plus écologiques de lutte contre les ravageurs des cultures.

Un retrait de l’État qui contraint les agriculteurs familiaux à recourir à l’achat de produits chimiques

22 A Salcedo comme à San Luis, les dirigeants rencontrés nous ont expliqué que même si les agriculteurs discutaient parfois des ravageurs des cultures, il ne leur arrivait pas de collaborer pour lutter contre. Ces dernières décennies, dans le contexte de libéralisation de l’économie nationale, le retrait des campagnes des techniciens du Ministère de l’Agriculture et l’arrivée de petits commerces d’intrants ont entraîné un changement profond des pratiques agricoles dans nos deux zones d’étude. En effet, depuis trente ans, les vendeurs de produits phytosanitaires sont devenus les interlocuteurs les plus réguliers des agriculteurs familiaux au niveau local et c’est donc pourquoi les petits exploitants de Salcedo et de San Luis ont eu recours de façon croissante à l’achat de produits chimiques pour lutter contre les ravageurs et maintenir leurs productions. Ainsi, à Salcedo, les agriculteurs rencontrés consacraient 470,5 dollars en moyenne en produits phytosanitaires par ha de pomme de terre. À Sans Luis, les dépenses étaient encore plus élevées : bien que les exploitations étudiées n’eussent qu’une superficie moyenne de 1,1 ha, elles consacraient néanmoins 184 dollars par mois en pesticides chimiques.

23 En outre, notre travail de terrain nous a surtout permis de constater qu’en raison de l’absence des services de l’État, les agriculteurs familiaux de Salcedo et de San Luis n’avaient jamais reçu ces dernières années les appuis techniques nécessaires pour identifier précisément les ravageurs qui affectaient leurs champs11, pour apprendre à se coordonner dans une lutte commune contre ces mêmes ravageurs, pour développer des stratégies de contrôle agroécologique des nuisibles, ou simplement pour utiliser raisonnablement les pesticides chimiques qu’ils acquéraient. C’est pourquoi les chefs d’exploitation que nous avons rencontrés ne tentaient pas de coopérer pour mettre en place des stratégies de gestion intégrée des ravageurs et qu’il leur semblait « plus facile » d’acheter un pesticide chimique, grâce à leurs revenus agricoles et parfois non-agricoles (Rebaï et al., 2016), même si les vendeurs d’intrants les orientaient le plus souvent vers des produits inappropriés à leurs besoins en raison d’une méconnaissance commune des ravageurs. Ainsi, nous avons pu constater le danger que représentaient les commerces d’intrants chimiques qui, ayant pour unique objectif de gagner de l’argent, pouvaient favoriser la diffusion de pratiques inadaptées au sein des exploitations, en encourageant par exemple les agriculteurs à appliquer plus que de raison des produits nocifs pour l’environnement.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 115

Une action publique toujours plus défaillante qui renforce la subordination des agriculteurs familiaux aux vendeurs d’intrants chimiques et aux intermédiaires

24 Cependant, et c’est là un paradoxe, les agriculteurs de Salcedo et de San Luis nous ont plusieurs fois répété que réduire l’usage des pesticides n’avait « pas d’intérêt » car, à la foire de Salcedo ou sur le marché de Riobamba, les intermédiaires ne privilégiaient pas les productions agroécologiques et qu’ils voulaient au contraire des produits « bien calibrés et sans défaut » ayant reçu des traitements phytosanitaires. Autrement dit, même si les agriculteurs admettaient que, bien souvent, l’usage de pesticides sur leurs parcelles étaient démesuré, et donc coûteux et mauvais pour l’environnement, pour leur santé et celle des consommateurs, ils n’étaient pas prêts à prendre le risque de ne pas appliquer de produits chimiques dans leurs champs de peur de ne pouvoir vendre leurs produits. Par la suite, à Salcedo comme à Riobamba, les représentants des pouvoirs publics que nous avons interrogés ignorèrent la question de l’influence néfaste des intermédiaires, en déclarant que ce qui importait en priorité aux paysans était d’accéder au marché et d’ « obtenir des revenus rapidement ». Pour eux, la réduction de l’usage de produits toxiques ou la valorisation de productions agroécologiques n’étaient donc pas prioritaires puisque le libre-accès des agriculteurs familiaux à la foire de Salcedo et au marché de Riobamba constituait déjà une forme de soutien aux exploitations paysannes.

25 Au cours des dernières années, le défaut d’action publique a donc contraint les agriculteurs familiaux de Salcedo et de San Luis à dépendre des commerçants d’intrants chimiques pour lutter contre les ravageurs des cultures. Dans le même temps, il a contribué à renforcer le pouvoir des intermédiaires qui, depuis la ville, imposent aux petits exploitants l’usage de produits phytosanitaires et fixent des prix bas. Dans ce contexte, même si les agriculteurs familiaux rencontrés se satisfaisaient de pouvoir vendre leurs produits sans grandes difficultés sur les places marchandes de Salcedo et de Riobamba, ils estimaient cependant être en situation de vulnérabilité économique parce qu’ils se trouvaient subordonnés au pouvoir des intermédiaires. Pourtant, la grande majorité d’entre eux ne semblait pas prête à vouloir s’impliquer dans une dynamique collective pour tenter de changer cette situation, par crainte de perdre du temps ou parce qu’ils ne savaient pas comment s’y prendre. Ainsi, au-delà même de favoriser la généralisation de pratiques agricoles coûteuses et polluantes à Salcedo et à San Luis, la défaillance de l’action publique a également empêché que dans ces mêmes zones la population paysanne ne bénéficie d’interventions qui lui auraient donné l’opportunité de renforcer ses capacités d’organisation et d’action collective, notamment pour s’émanciper de l’influence d’acteurs les maintenant en situation de précarité économique.

Conclusion

26 Si les territoires ruraux des Andes équatoriennes ont été soumis, historiquement, à de multiples contraintes, l’analyse comparative produite dans ce texte a montré que, ces dernières décennies, le projet « modernisateur » du secteur primaire en Équateur a constitué le facteur déterminant du prolongement de leur trajectoire de vulnérabilité. À Victoria del Portete, cela s’est traduit par un exode des paysans qui a conduit à une diminution logique de la main-d’œuvre disponible au sein des unités de production. Dès

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 116

lors, les superficies cultivées n’ont fait que réduire tandis que l’élevage laitier a nettement augmenté. À Salcedo et à San Luis, les agriculteurs familiaux ont pu développer et maintenir des cultures commerciales en étant contraints, cependant, de recourir à des achats massifs d’intrants chimiques.

27 Dans ce contexte, les familles paysannes de nos trois zones d’étude se trouvent prises dans un « cercle vicieux de vulnérabilité » (Becerra, 2012 : 4), au vu, tout d’abord, de leur situation économique et alimentaire. À Victoria del Portete, les exploitations qui jadis produisaient le maïs et les tubercules qui, pour une bonne part, assuraient leur subsistance, dépendent à présent des revenus de la migration, quelquefois irréguliers (Rebaï, 2013 et 2015), pour couvrir leurs besoins alimentaires. À Salcedo et à San Luis, les agriculteurs sont également contraints de s’approvisionner sur le marché pour s’alimenter mais avec le risque de disposer de peu de ressources économiques en raison des bénéfices parfois limités qu’ils peuvent tirer de leurs ventes de fruits, de légumes ou de tubercules. De plus, les pratiques actuelles des paysans de l’Azuay, du Chimborazo et du Cotopaxi renforcent leur vulnérabilité environnementale. À Victoria del Portete, les sols et les ressources en eau apparaissent de plus en plus affectés, comme cela s’est déjà vu dans plusieurs localités voisines également marquées par une forte croissance de l’élevage laitier au cours des dernières années (Rebaï 2012 et 2015), tandis qu’à Salcedo et à San Luis, la santé de la population et la qualité des produits est mise en danger par l’usage de pesticides chimiques dans les exploitations (Yanggen et al., 2003 ; Cole et al., 2007).

28 Au-delà de ces constats déjà alarmants, notre étude a mis en évidence que le projet « modernisateur » du secteur primaire en Équateur avait contribué à désorganiser, voire à diviser la population paysanne des régions andines. À Salcedo comme à San Luis, le retrait des services publics d’encadrement agricole a contraint les agriculteurs familiaux à dépendre des commerces d’intrants pour obtenir des conseils techniques bien souvent inadaptés à leurs besoins. Logiquement, ce contexte a favorisé la généralisation de pratiques individuelles, coûteuses et polluantes, et limité la mise en place de stratégies de coopération entre agriculteurs pour la résolution de problèmes communs, comme celui des ravageurs des cultures. À Victoria del Portete, dans un contexte où la vulnérabilité de l’agriculture locale a conduit depuis plusieurs décennies à une forte émigration, une partie des habitants, qui reconnaissait que l’extractivisme pouvait avait avoir des conséquences néfastes sur l’environnement, s’est montrée favorable au développement du projet minier Loma Larga puisqu’il allait, selon elle, être une source d’emplois et de revenus. Dès lors, de vives tensions sont apparues au sein de la population paysanne qui, plus que jamais, semble divisée et inapte à se mobiliser en dépit des interventions récentes de certaines institutions publiques qui ont cherché à réinvestir cette localité en y portant différents types de projets. Ainsi, les techniciens d’ETAPA qui, ces dernières années, sont parvenus dans diverses localités voisines à intégrer les agriculteurs familiaux au sein de projets de protection environnementale (Rebaï, 2018), nous ont déclaré rencontrer de grandes difficultés à mobiliser la population de Victoria del Portete en raison de conflits permanents entre les exploitants. De leur côté, les fonctionnaires du Ministère de l’Agriculture nous ont confié qu’ils n’étaient pas encore parvenus, en 2016, à mettre sur pied, dans la paroisse, une association de petits producteurs comme il en existe aujourd’hui une quarantaine dans la région cuencanaise où, depuis vingt ans, les collectifs paysans jouent un rôle clé pour l’approvisionnement agricole de Cuenca (Rebaï, 2014). L’exemple de la paroisse Victoria del Portete est par ailleurs intéressant car il

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 117

révèle qu’en dépit d’une rénovation du discours politique en Équateur, le projet de Rafael Correa a reproduit pour le secteur primaire national un schéma économique comparable à celui des dernières décennies (Acosta et Cajas Guijarro, 2016 ; Villalba-Eguiluz et Etxano, 2017). Au final, les orientations prises par l’ex-président équatorien ont contribué à prolonger la trajectoire de vulnérabilité des agriculteurs familiaux andins puisqu’au-delà de la seule province de l’Azuay, de multiples projets miniers ont affecté les communautés paysannes de la sierra équatorienne (Latorre, 2015), et que peu de mesures majeures ont été prises pour changer un modèle agricole qui valorise les cultures intensives, notamment celles pour l’exportation (Martinez Godoy, 2015 et 2016 ; Clark, 2017, Martínez, 2017).

29 Finalement, nos recherches dans les provinces de l’Azuay, du Cotopaxi et du Chimborazo, indiquent que depuis plusieurs décennies, le prolongement de la trajectoire de vulnérabilité des territoires ruraux des Andes équatoriennes résulte d’orientations politiques qui contraignent les agriculteurs familiaux à des choix peu cohérents, tant du point de vue économique qu’environnemental. Dans ce contexte, la priorité est donc de repenser les contours de l’action publique et les stratégies de développement rural dans la sierra équatorienne en vue de recouvrer de plus hauts niveaux d’agrobiodiversité, pour satisfaire les nécessités alimentaires des populations, limiter les pressions sur les ressources hydriques et les sols d’altitude et, enfin, atténuer la diffusion des ravageurs des cultures en constituant des barrières végétales (Fonte et al., 2012 ; Oyarzun et al., 2013). Pour cela, il y aurait sans aucun doute un intérêt majeur à favoriser la reconstruction de relations de solidarité entre agriculteurs telles qu’elles ont existé dans le passé en ayant permis aux sociétés paysannes andines de faire faces aux multiples contraintes liées à leur environnement. Ainsi, d’un point de vue plus concret, l’émergence de collectifs paysans soutenus par les pouvoirs publics permettrait d’améliorer la qualité de l’intégration marchande des agriculteurs familiaux, de contribuer à l’adoption de pratiques innovantes pour l’amélioration des systèmes de production et la protection de l’environnement et, enfin, de faciliter la participation des individus aux prises de décision concernant leurs territoires (Tonneau et al., 2009 ; Raimbert et Rebaï, 2017). En résumé, le renforcement des capacités d’organisation des paysans dans les Andes équatoriennes pourrait faciliter la résilience des territoires ruraux et permettre de faire face aux changements globaux mais, avant cela, une rupture avec la logique « modernisatrice » des politiques publiques s’impose de toute évidence.

BIBLIOGRAPHIE

Acosta A., 2006.– Breve historia económica del Ecuador, CEN.

Alberti G., Mayer E., 1974 – Reciprocidad e intercambio en los Andes peruanos, IEP.

Acosta A., Cajas Guijarro J., 2016.– « Ocaso y muerte de una revolución que al parecer nunca nació », in Ecuador Debate, n° 98, pp. 7-28.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 118

Avci D., Fernández-Salvador C., 2017.– « Territorial dynamics and local resistance : Two mining conflicts in Ecuador compared », in The Extractive Industries and Society, vol. 3, n° 4, pp. 912-921.

Alvarado J., 2016.– « Movimientos sociales con racionalidad ambiental : el caso de Kimsakocha », in Revista Colombiana de Ciencias Sociales, vol. 7, n° 1, pp. 80-95.

Barragán Ochoa F., 2017.– « Les petits producteurs, les villes et le lait : Défis du ravitaillement alimentaire dans les Andes du nord de l’Équateur », Thèse de doctorat, Université Paris 1.

Becerra S., 2012.– « Vulnérabilité, risques et environnement : l’itinéraire chaotique d’un paradigme sociologique contemporain », in VertigO, vol. 12, n° 1, consulté le 6 novembre 2017, http://vertigo.revues.org/11988

Bretón V., 2006.– « Glocalidad y reforma agraria : ¿de nuevo el problema irresuelto de la tierra ? », in Íconos, n° 24, pp. 59-69.

Chiriboga M., 1984.– « Campesino andino y estrategias de empleo : el caso de Salcedo », in Sanchez-Parga J. (ed.), Estrategias de supervivencia en la comunidad andina, CAAP, Quito, pp. 59-124.

Chonchol J., 1996.– Systèmes agraires en Amérique latine. Des agricultures préhispaniques à la révolution conservatrice, IHEAL.

Clark P., 2017.– « Neo-developmentalist and ‘via campesina’ for rural development: Unreconciled projects in Ecuador’s Citizen’s revolution », in Journal of Agrarian Change, vol. 17, n° 2, pp. 348-364.

Cole D., Sherwood S., Paredes M., Sanin L.H., Crissman C., Espinosa P., Muñoz F., 2007.– « Reducing Pesticide Exposure and Associated Neurotoxic Burden in an Ecuadorian Small Farm Population », in International Journal of Occupational and Environmental Health, n° 13, pp. 281-289.

Cortes G., 2000.– Partir pour rester : survie et mutation de sociétés paysannes andines (Bolivie), IRD.

Décamps H., 2007.– « La vulnérabilité des systèmes socioécologiques aux évènements extrêmes : exposition, sensibilité, résilience », in Natures Sciences Sociétés, n° 15, pp. 48-52.

Deler J-P., 1981.– Genèse de l’espace équatorien. Essai sur le territoire et la formation de l’Etat national, IFEA/ADPF.

Deler J-P., 1991.– « L’Équateur bipolaire », in C. Bataillon, J-P. Deler, H. Théry (dir.), Amérique latine, Tome III, Géographie Universelle, Belin/Reclus, Paris/Montpellier, pp. 264-275.

Ferraro E., 2004 – Reciprocidad, don y deuda. Formas y relaciones de intercambios en los Andes de Ecuador : la comunidad de Pesillo, FLACSO-Ecuador/Abya Yala.

Fonte S.J., Vanek S.J., Oyarzun P., Parsa S., Quintero D.C., Rao I.M., Lavelle, P., 2012 –« Pathways to agroecological intensification of soil fertility management by smallholder farmers in the Andean highlands », in Adanced Agronomy, n° 116, pp. 125-184.

Gastambide A., 2010.– El camino hacia la dolarización, FLACSO-Ecuador.

Giunta I., 2014.– « Food sovereignty in Ecuador : peasant struggles and the challenge of institutionalization », in The Journal of Peasant Studies, vol. 41, n° 6, pp. 1201-1224. Gondard P., 1976.– « Zonas agrícolas de la sierra », in Boletín del Instituto Panamericano de Geografia e Historia – Sección nacional del Ecuador, n° 9-10, pp. 1-7.

Gross J., Guerron C., Berti P., Hammer M., 2016.– « Caminando hacia adelante, mirando hacia atrás : en la primera línea de las transformaciones alimentarias en Ecuador », in ĺconos, n° 54, pp. 49-70.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 119

Guilbert M-L., 2005.– « Environnement et migration : les difficultés d'une communauté rurale andine (El Terrado, Potosi, Bolivie) », in VertigO, vol. 6, n° 3, consulté le 23 mai 2018, http:// journals.openedition.org/vertigo/2441

Hervé D., Rivière G., 1999.– « Les jachères longues pâturées dans les Andes. Acquis interdisciplinaires », in Natures, Sciences, Sociétés, vol. 6, n° 4, pp. 5-19.

Huttel C., Zebrowski C., Gondard P., 1999.– Paisajes agrarios del Ecuador, IRD/IFEA/PUCE.

INEC – Instituto Nacional de Estadísticas y Censos, 2002.– III Censo nacional agropecuario.

Hewitt K., Mehta M., 2012.– « Rethinking risk and disasters in mountain areas », in Revue de Géographie Alpine | Journal of Alpine Research, vol. 100, n° 1, consulté le 23 mai 2018, http:// journals.openedition.org/rga/1653.

Kroschel J., Mujica N., Alcazar J., Canedo V., Zegarra O., 2012.– « Developing integrated pest management for potato : experiences and lessons from two distinct potato production systems of Peru », in He Z., Larkin R., Honeycutt W. (eds), Sustainable Potato Production : Global Case Studies, Springer, Berlin, pp. 419-450.

Kuecker, G. 2007.– « Fighting for the Forests : Grassroots Resistance to Mining in Northern Ecuador », in Latin American Perspectives, vol. 34, n° 2, pp. 94-107.

Latorre S., 2015.– « Visibilidades e invisibilidades del extractivismo en Ecuador : insumos para el debate », in Latorre S. (coord.), Exctractivismo al debate. Aportes para los Gobiernos Autonomos Decentralizados, Abya Yala, Quito, pp. 15-56.

Latorre S., Farrell K., Martinez-Alier J., 2015 – « The commodification of nature and socio- environmental resistance in Ecuador : an inventory of accumulation by dispossession cases, 1980-2013 », in Ecological Economics, n° 116, pp. 59-69.

Lefeber L., 2008.– « La agricultura y el desarrollo rural. Una crítica a las políticas del establishment en Ecuador », in North L. et Cameron D. (eds.), Desarrollo rural y neoliberalismo. Ecuador desde una perspectiva comparativa, UASB-Ecuador/CEN, Quito, pp. 39-61.

Lyle H., 2017.– « Volver a Nuestras Raices : the reemergence and Adaotation of Traditional Forms of Andean Reciprocity », in The Journal of Latin American and Caribbean Anthropology, vol. 22, n° 3, pp. 419-437.

Lyle Henry, Smith Eric, 2014, « The reputational and social network benefits of prosociality in an Andean community », in PNAS, vol. 111, n° 13, pp. 4820-4825.

Magnan A., Duvat V., Garnier E., 2012.– « Reconstituer les ‘trajectoires de vulnérabilité’ pour penser différemment l’adaptation changement climatique », in Natures Sciences Sociétés, n° 20, pp. 82-91.

Martínez L., 1985.– « Migración y cambios en las estrategias familiares de las comunidades indígenas de la Sierra », in Ecuador Debate, n° 8, pp. 110-152.

Martínez, L., 2015.– Asalariados rurales en territorios del agronegocio : flores y brócoli en Cotopaxi, FLACSO-Équateur.

Martínez L., 2017.– « Agribusiness, Peasant Agriculture and Labour Markets : Ecuador in Camparative perspective », in Journal of Agrarian Change, vol. 17, n° 4, pp. 680-693.

Martínez Godoy D.– 2015, « Entre economía social y economía popular. Confusiones y desaciertos políticos en el ‘Ecuador del Buen Vivir'« , in Eutopía, n° 7, pp. 147-161.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 120

Martínez Godoy D.– 2016, « Territorios campesinos y agroindustria : un análisis de las transformaciones territoriales desde la economía de la proximidad. El caso Cayambe (Ecuador) », in Eutopía, n° 10, pp. 41-55.

Mayer E., 2002 – The Articulated Peasant : Household Economies in the Andes, Westview Press.

Mina D., Struelens Q., Carpio C., Rivera M., Rebaï N., Rebaudo F., Dangles O., 2017 – « Lupine Pest Management in the Ecuadorian Andes : Current Knowledge and Perspectives », in Outlooks on Pest Management, vol. 28, n° 6, pp. 250-256.

Morlon P., 1992.– Comprendre l’agriculture paysanne dans les Andes centrales. Pérou – Bolivie, INRA.

Murra J., 1975.– Formaciones Económicas y Políticas del Mundo Andino, IEP.

North L., 1985.– « Implementación de la política económica y la estructura del poder político en el Ecuador », in Lefeber L. (ed.), La economía política del Ecuador. Campo, región, nación, CEN, Quito, pp. 425-457.

Oberem U., 1981.– « El acceso a recursos naturales de diferentes ecologías en la sierra ecuatoriana (siglo XVI) », in Moreno Yánez S. et Oberem U. (eds.), Contribución a la etnohistoria ecuatoriana, IOA, Otavalo, pp. 45-71.

Ospina P., Lalander R., 2012.– « Razones de un distanciamiento político : el Movimiento Indígena ecuatoriano y la Revolución Ciudadana », in OSAL, n° 32, pp. 117-134.

Oviedo Treiber V., 2014.– Rural Poverty, Vulnerability and Food Insecurity. The Case of Bolivia, Potsdam University Press.

Oyarzun P., Borja R., Sherwood S., Parra V., 2013.– « Making sense of agrobiodiversity, diet, and intensification of smallholder family farming in the Highland Andes of Ecuador », in Ecology of Food and Nutrition, vol. 52, n° 6, pp. 515-41

Parsa S., Morse S., Bonifacio A., Chancellor T., Condori B., Crespo-Perez V., Hobbs S., Krosheld J., Niango M., Rebaudo F., Sherwood S., Vanek S., Faye E., Herrera M., Dangles O., 2014.– « Obstacles to IPM Adoption in Developing Countries : a Global Concept Map », in PNAS, vol. 111, n° 10, pp. 3889–3894.

Peltre-Wurtz J., 1988.– « Le blé en Équateur ou le prix de l’indépendance alimentaire », in Cahiers des Sciences Humaines, vol. 24, n° 2, pp. 213-223.

Peltre-Wurtz J., 2004.– Alimentation et pauvreté en Équateur. Manger est un combat, IRD/Karthala.

Poinsot Y., 1999.– « L'incidence géographique des risques agricoles. Une formulation théorique à partir de cas andins et africains », in Revue de Géographie Alpine, vol. 87, n° 3, pp. 31-50.

Raimbert C., Rebaï N., 2017.– « Collectifs et développement durable des territoires ruraux en Amérique latine. Une réflexion depuis le Brésil et l’Équateur », in EchoGéo, n° 42, consulté le 23 mai 2018, https://journals.openedition.org/echogeo/15131.

Rebaï N., 2009 – « De la parcelle à l’archipel : mobilité paysanne et construction territoriale dans les Andes équatoriennes », in Revue Interdisciplinaire de Travaux sur les Amériques, n° 2, consulté le 23 mai 2018, http://www.revue-rita.com/content/view/64/114/

Rebaï N., 2012.– « À chacun son chemin. Une analyse de la redéfinition des stratégies paysannes et des dynamiques territoriales dans le contexte migratoire des Andes équatoriennes », Thèse de doctorat, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Rebaï N., 2013.– « Quand l’argent de la migration change la donne : développement agricole et dynamique foncière dans une localité de la province andine de l’Azuay (Équateur) », in Autrepart, n° 68, pp. 193-212.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 121

Rebaï N., 2014.– « Rôle des productrices maraîchères dans l’approvisionnement de la ville de Cuenca en Équateur », in Pour, n° 222, pp 261-273.

Rebaï N., 2015.– « Émigration paysanne et vulnérabilité des territoires ruraux dans les Andes équatoriennes. Une analyse en image depuis la périphérie de Cuenca », in EchoGéo, n° 34, consulté le 6 novembre 2017, https://echogeo.revues.org/14420.

Rebaï N., 2016.– « Movilidades campesinas y dinámicas territoriales en los Andes ecuatorianos : una lectura geohistorica », in Goepfert N., Vásquez S., Clément, C. et Christol A. (éd.), Las sociedades andinas frente a los cambios pasados y actuales. Dinámicas territoriales, crisis, fronteras y movilidades, IFEA/Labex Dynamite, Lima, pp. 249-285.

Rebaï N., 2018.– « Repenser les relations ville-campagne pour valoriser l’agriculture familiale et l’environnement en milieu rural : une analyse depuis les Andes équatoriennes » in Rouget N. et Schmitt G. (éds.), Nature des villes, natures des champs, PUR, Valenciennes, pp. 43-67.

Rebaï N., Rebaudo F., Rebotier J., Dangles O., 2016.– « Logiques paysannes, production agricole et lutte contre les ravageurs des cultures à Salcedo dans les Andes équatoriennes. Stratégies individuelles ou collectives ? », in VertigO, vol. 16, n° 3, consulté le 6 novembre 2017, https:// vertigo.revues.org/18240

Rebaudo F., Dangles O., 2011.– « Coupled information diffusion–pest dynamics models predict delayed benefits of farmer cooperation in pest management programs », in PLOS Computational Biology, vol. 7, n° 10, consulté le 6 novembre 2017, http://journals.plos.org/ploscompbiol/article? id=10.1371/journal.pcbi.1002222

Rebaudo F., Dangles O., 2015.– « Adaptive Management in Crop Pest Control in the Face of Climate Variability : an Agent-Based Model Approach », in Ecology and Society, vol. 20, n° 2, consulté le 6 novembre 2017, https://www.ecologyandsociety.org/vol20/iss2/art18/

Sánchez-Vásquez L., Espinosa M. G., Eguiguren M. B. 2016.– « Perception of socio-environmental conflicts in mining areas : the case of the mirador project in Ecuador », in Ambiente & Sociedade, vol. 19, n° 2, pp. 23-44.

Scurrah M., de Haan S., Oliveira E., Ccanto R., Creed H., Carrasco M., Veres E., Barahona C., 2012.– « Ricos en agrobiodiversidad, pero pobres en nutrición : desafíos de la mejora de la seguridad alimentaria en comunidades de Chopcca, Huancavelica (Perú) », in Asensio RH, Eguren F., Ruiz M. (eds), Perú : El Problema Agrario en Debate. SEPIA XIV, SEPIA, Lima, pp. 362–407.

Sherwood S., Paredes M., 2014.– « Dynamics of Perpetuation. The Politics of Keeping Highly Toxic Pesticides on the Market in Ecuador », in Nature and Culture, vol. 9, n° 1, pp. 21-44.

Sherwood S., Paredes M., Gross J., Hammer M., 2015.– « The Future of Sustainability as a Product of the Present : Lessons from Modern Food in Ecuador », in Rivisita de Studi sulla Sostenibilita, n° 21, pp. 83-103.

Tonneau J-P., Piraux M., Coudel E. Guilherme de Azevedo S., 2009 – « Évaluation du développement territorial comme processus d'innovation et d'institutionnalisation : le cas du Territoire du Alto Sertão do Piauí e Pernambuco au Nordeste du Brésil », in VertigO, vol. 9, n° 3, consulté le 23 mai 2018, http://vertigo.revues.org/9207

Villalba-Eguiluz U., Etxano I., 2017.– « Buen Vivir vs Development (II) : The Limits of (Neo-) Extractivism », in Ecological Economics, vol. 138, pp. 1-11.

Valdez F. (ed.), 2006.– Agricultura ancestral : camellones y albarradas : contexto social, usos y retos del pasado y del presente, Abya-Yala/IFEA.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 122

Walsh-Dilley M., 2017.– « Theorizing Reciprocity : Andean Cooperation and the reproduction of Community in Highland Bolivia », in Journal of Latin American and Caribbean Anthropology, vol. 22, n ° 3, pp. 514-535.

Yanggen D., Crissman C., Espinosa P., 2003.– Los plaguicidas : impactos en producción, salud y medio ambiente en Carchi, Ecuador, CIP/INIAP/Abya-Yala.

NOTES

1. « Euforia petrolera ». 2. Ou « Sumak Kawsay » en kichwa. Ce concept, qui trouve ses racines dans la cosmovision andine, a été le principal pilier de « Révolution Citoyenne » conduite para Rafael Correa durant son mandat présidentiel. Le « Buen Vivir » a été utilisé dans le discours officiel comme un élément rhétorique important pour exprimer une volonté de donner une plus grande importance au bien- être social et environnemental des populations. 3. « Bienvenue au projet minier Loma Larga ». 4. « […] the coordinated integration of multiple complementary methods to suppress pests in a safe, cost-effective, and environmentally friendly manner ». 5. http://www.equateur.ird.fr/activites/projets-de-recherche/agriculture/anr-man-pest- insectes-ravageurs-et-securite-alimentaire 6. Le système Chambo-Guano fut l’un des grands projets de la Chambre Nationale d’Irrigation (Caja Nacional de Riego) pour contribuer dès les années 1950 au développement des zones agricoles du pays. Ce ne fut qu’à partir des années 1980, comme nous le précisons dans le texte, que ce projet prit une grande ampleur et qu’il contribua au changement rapide de l’espace rural autour de Riobamba. 7. Depuis le milieu du XIX e siècle, la confection de chapeaux Panamá représentait l’une des principales rentrées d’argent pour des milliers de foyers paysans de l’Azuay. Au milieu des années 1950, lorsque les exportations de cette production artisanale chutèrent, les paysans azuayens commencèrent à émigrer vers les États-Unis (Rebaï, 2012). Il importe donc de souligner que la crise de la filière des chapeaux Panamá est à considérer comme un élément essentiel de la trajectoire de vulnérabilité des paysans de l’Azuay au XXe siècle. 8. Terme espagnol qui désigne les échanges réciproques de travail entre parents ou membres d’une même communauté paysanne. 9. Les páramos forment un écosystème caractéristique des Andes septentrionales (Équateur, Colombie, Venezuela), que l’on trouve au-delà de 3200 m. et dont la végétation est composée d’arbustes et de graminées. 10. Dans la partie orientale du canton de Salcedo, le complexe des teignes de la pomme de terre, formé par Tecia solanivora, Phthorimaea operculella, et Symmetrischema tangolias (Lepidoptera : Gelechiidae), et le charançon des Andes Premnotrypes vorax (Coleoptera : Curculionidae), sont les principaux insectes ravageurs présents dans les champs de tubercules. À San Luis, les principaux ravageurs sont Plutella xylostella (papillon) et Brevicoryne brassicae (puceron), qui s’attaquent en particulier aux productions de chou, de brocoli et de chou-fleur, tandis que Phyllophaga sp (scarabée) et Tetranychus urticae (araignée) affectent principalement les parcelles de fraise. 11. Sur ce point, une étude récente conduite auprès de producteurs de lupin dans le Cotopaxi et le Chimborazo a montré que les agriculteurs avaient une connaissance réduite des ravageurs qui affectaient leurs champs et que cela constituait le premier facteur limitant une lutte efficace contre les nuisibles (Mina et al., 2017).

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 123

RÉSUMÉS

Alors que les populations paysannes de la sierra équatorienne ont été marquées par de multiples contraintes dans leur histoire, depuis trente ans, les politiques libérales qui visent à la « modernisation » du secteur primaire de l’économie en Équateur ont donné lieu à de profonds changements dans les régions andines. À partir de travaux de terrain conduits dans les provinces de l’Azuay, du Cotopaxi et du Chimborazo, au cours desquels des entretiens auprès d’acteurs institutionnels et des enquêtes au sein d’exploitations familiales ont été réalisés, il a été mis en évidence que la disparition des services publics d’encadrement agricole, la promotion des pesticides chimiques et le développement minier ont favorisé la désunion des groupes paysans. En outre, il a pu être observé que les agriculteurs familiaux avaient développés ces dernières années des pratiques agricoles ayant des effets néfastes sur l’environnement alors que dans le même temps leur sécurité alimentaire n’était pas assurée. Au final, le travail réalisé au cours des trois dernières années donne l’occasion de prendre la mesure des effets négatifs du projet « modernisateur » du secteur primaire en Équateur et, à travers la comparaison de plusieurs situations locales, de caractériser le prolongement de la trajectoire de vulnérabilité des territoires ruraux andins.

While the peasant populations of the Ecuadorian Sierra have been marked by multiple constraints in their history, for thirty years, the liberal policies that aimed at the “modernization” of the primary sector of the economy in Ecuador have led to profound changes in the Andean regions. From fieldwork conducted in the provinces of Azuay, Cotopaxi and Chimborazo, during which interviews with institutional actors and surveys within family farms were carried out, it was highlighted that the disappearance of public agricultural services, the promotion of chemical pesticides and the development of mining have favored the disunity of the peasant groups. In addition, we observed that in recent years, family farmers have developed agricultural practices that have adverse effects on the environment while, at the same time, their food security was not ensured. Finally, the work done over the past three years provides an opportunity to take stock of the negative effects of the “modernizing” project of the primary sector in Ecuador and, through the comparison of several local situations, to characterize the extension of the trajectory of vulnerability of Andean rural territories.

INDEX

Mots-clés : Andes, Équateur, territoires ruraux, « modernisation » primaire, trajectoire de vulnérabilité Keywords : Andes, Ecuador, rural territories, primary “modernization”, trajectories of vulnerability

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 124

AUTEURS

NASSER REBAÏ

Géographe, chercheur associé à l’UMR PRODIG. [email protected]

JULIO A. ALVARADO VÉLEZ

Économiste, Universidad Regional Autónoma de los Andes (UNIANDES), campus Santo Domingo (Équateur)

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 125

Trajectories of Vulnerability of Rural Territories in the Ecuadorian Andes: a Comparative Analysis

Nasser Rebaï and Julio A. Alvarado Vélez

The authors warmly thank Carla Guerron from the University of Delaware for her patient reading of the text and suggestions for stylistic corrections.

Introduction

1 For several years, the notion of “vulnerability” has been used extensively in the field of social sciences, while the recurrence of natural disasters, in a context of global change, or the memory of the food crisis of 2008, compel societies to organize against all types of hazards that would affect them and their territories. While “vulnerability” can be defined as the degree of sensitivity of a group of individuals to a naturally occurring event or political change, it should not be understood as a synonym for “poverty” (Becerra, 2012). Indeed, the vulnerability of a population corresponds to its inability to anticipate a hazard of any kind. Therefore, recent literature has emphasized the methodological need to consider, on the one hand, the perceptions that members of a group have of their environment and, on the other hand, the social and cultural characteristics of populations, to better understand, precisely, the origins of their vulnerability (Décamps, 2007; Hewitt and Mehta, 2012). Furthermore, for other authors, this holistic approach is also fundamental and must go hand in hand with a dynamic reading of the vulnerability of the territories because it “results from an evolution, both of society and of the natural context1” (Magnan et al., 2012: 83). Hence, it is relevant to use the concept of “trajectory of vulnerability2” (ibid.), defined in this article as the sequence over time of factors of alteration of the organization of societies and their relations with the environment. Here, we want to use it in the context of the Ecuadorian Andes and thus give a follow-up to the reflections that we have been developing for several years on this region by focusing on the geohistory of its rural territories (Rebaï, 2009 and 2012) to better understand the

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 126

origin of the current strategies of family farmers and, subsequently, to be able to assess their interests and limitations.

Vulnerability of the rural territories of the Ecuadorian Andes: a geohistorical vision

2 Like other mountain societies, the Andean peasantries have been subjected in their history to numerous environmental constraints (frost, soil erosion, water stress) to which, however, they have adapted by specific landscaping (Morlon, 1992; Valdéz, 2006). Moreover, a large mobility of individuals allowed them to take advantage of the potential of several ecological levels and thus to achieve their subsistence (Murra, 1975, Oberem, 1981). Their social organization, built on mutual aid (Mayer, 2002; Ferraro, 2004; Lyle 2017), was also decisive for going beyond the constraints of the mountain environment by promoting reciprocal exchanges of work or the cultivation of collective spaces that had positive effects on agricultural production (Alberti and Mayer ,1974; Lyle and Smith 2014; Walsh-Dilley, 2017). However, from the sixteenth century onward, the control of the indigenous populations by the colonial authority led to the displacement of rural labor for work in mines and haciendas. This model of socio-spatial domination caused the impoverishment of the environment (Chonchol, 1995) and forced the indigenous peasants to survive on the most ungrateful lands of the cordillera until agrarian reforms were carried out in the second half of the 20th century, although with limited effects. So, if the rural Andean areas are still characterized by high levels of land inequality (Bretón, 2006) and the food insecurity of the rural population remains high (Scurrah et al., 2012; Oviedo Treiber, 2014; Rebaï, 2015; Gross et al., 2016), it is therefore fair to consider that the colonial system has partly conditioned the current vulnerability of Andean family farming.

3 However, it should not be forgotten that more recent structural changes have also upset the dynamics of rural Andean territories, particularly in Ecuador. After the “oil euphoria3 ” of the 1970s (Acosta, 2001: 137), which allowed the improvement of national infrastructures (Deler, 1991), the high debt of the Ecuadorian state imposed economic austerity during the 1980s and 1990s (Gastambide, 2010). Consequently, under the influence of international financial institutions, Ecuador liberalized its economy, which led to the reduction of public agricultural services (Lefeber, 2008) and the arrival on the national market of cereal production subsidized from Northern countries (Peltre-Wurtz, 1988 and 2004). The Mining Law of 1991 and the Agrarian Development Law of 1994, designed to attract foreign capital to “modernize” the primary sector of the national economy, allowed private investors to acquire important land and water resources to exploit the subsoil and develop crops for export. Thus, mining projects multiplied (Latorre et al., 2015) while flower and broccoli productions developed (Martinez, 2015). Moreover, to accelerate the “modernization” of the national primary sector, the government promoted productive systems geared towards the specialization of peasant farms and the massive use of chemical pesticides (Sherwood and Paredes, 2014). In recent years, these “modernizing” orientations have continued while the “Citizen Revolution” led by President Rafael Correa (2007-2017) had given rise in Ecuador to the hope of a new model of society around the concept of “Buen Vivir4”. This is how the former leader of the Alianza País movement, who had benefited from the support of indigenous groups and peasants to take power (Giunta, 2014), encouraged, after several years at the helm of the

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 127

country, the development of mining projects to finance his social policies, by formally declaring that Ecuador will get out of its dependence on extractivism by profiting, precisely, from the financial resources of extractivism.

4 In this context, what were the trajectories of vulnerability of the rural territories of the Ecuadorian Andes? How have farming systems and land use evolved in recent decades? Finally, what is the current economic and food situation of the peasant populations?

Methodology: interviews and surveys of various actors to reconstruct the trajectories of vulnerability of several rural territories of the Ecuadorian Andes

5 To answer these questions, our text draws on the results of research conducted in three areas of the Ecuadorian Sierra. Thus, we focus on the parish (village) Victoria del Portete (2700-3600 m.a.s.l.), located 24 kilometers south of Cuenca (400 000 inhabitants) in the province of Azuay. In addition, we also focus on the eastern part of the canton of Salcedo (3500 m.a.s.l.), located 15 kilometers south of Latacunga (70 000 inhabitants), in the province of Cotopaxi and, finally, on San Luis parish (2500-3000 m.a.s.l.), located in the province of Chimborazo, 7 kilometers south of the city of Riobamba (150 000 inhabitants) (Fig. 1).

Figure 1. Location map of study areas

Source: Instituto Geográfico Militar (Ecuador). Elaborated by: N. Rebaï.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 128

Explanation on the choice of study areas and the approach used during the fieldwork

6 In the Victoria del Portete parish, several elements caught our attention. For several years, the locality has experienced a significant emigration of its peasant population, a clear sign of the economic precariousness of family farms common to many regions of the Andes (Cortes 2000, Guilbert 2005, Rebaï 2012). Therefore, it was important to evaluate the extent to which this emigration implied a new form of vulnerability of production units by depriving them of part of their labor force. Furthermore, this parish caught our attention because the Loma Larga mining project, a symbol of the extractivist thrust of recent years in Ecuador, was in process of being started (Fig. 2), even if the extraction activity had not begin yet when we conducted our fieldwork in 2016. Thus, it seemed necessary to evaluate to what extent this project could also be a factor of vulnerability for the local population.

7 To accomplish this, we conducted 12 interviews with farmer’s leaders, political representatives and local elders to find out how agriculture in Victoria del Portete had evolved in recent decades and how they envisioned, in the medium term, the effects of the Loma Larga project. Then, to integrate in our analysis the institutional vision of rural development in the Azuay province, we conducted 4 interviews with technicians from the Ministry of Agriculture and the Environmental Protection Office of Cuenca’s Municipal Public Enterprise (ETAPA) and one of the representatives from the Department of Environmental Quality of the Azuay prefecture. Then, we conducted 12 surveys with local farmers, to discuss the characteristics of their farms (area, number of plots, crop choices, available labor, etc.), wich one of them was a well-known local leader in the Cuenca region because of his opposition to mining development and owned a farm of 100 hectares. We discussed the characteristics of their farms (area, number of plots, crop choices, available labor, etc.). Finally, we conducted a complementary semi-structured interview focused on their vision of the mining project and the future of local agriculture, which allowed us to better understand the social situation in Victoria del Portete.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 129

Figure 2. “Bienvenidos al proyecto minero Loma Larga5”: entrance sign to the future mining site in Victoria del Portete

Source: N. Rebaï

8 We also looked at the vulnerability of family farmers to crop pests. While FAO frequently recalls that pest control is a priority to reduce food insecurity for rural people in the Southern countries, recent studies conducted in several parts of the Andes, such as Peru and Ecuador, have also indicated that chemical pesticides had limited effectiveness (Kroschel et al., 2012; Sherwood et al., 2015). In addition, a research in the Ecuadorian Sierra has shown that pest control was linked to the social dynamics of peasant communities and that Integrated Pest Management (IPM) strategies – understood as “the coordinated integration of multiple complementary methods to suppress pests in a safe, cost-effective, and environmentally friendly manner” (Parsa et al. 2014: 3889) – could achieve levels of agricultural production to partially meet the food needs of populations while reducing the use of chemical inputs (Rebaudo et Dangles, 2011 et 2015). Thus, as part of the MAN-PEST project6, we sought to find out why farmers in the Ecuadorian Andes remained vulnerable to pests by maintaining the use of chemical pesticides instead of implementing coordinated and less polluting actions.

9 In 2015 we conducted a first research in the eastern part of the canton of Salcedo, which is one of the most important potato production areas in the Ecuadorian Sierra (Fig. 3) and where, for several decades, the use of chemical pesticides has become widespread. Then, in 2016, we focused on the rural periphery of the city of Riobamba, which in the last thirty years has been more obviously undergoing the “modernizing” process of the primary sector in the Ecuadorian Andes. While until the 1970s the countryside around Riobamba formed one of the main granaries of the Ecuadorian Sierra (Gondard, 1976), since the end of the 1980s, the renovation by the authorities of the irrigation system Chambo-Guano with the support of FAO and the European Union, favored the development of vegetable crops for the national urban market7. Thus, Riobamba’s

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 130

countryside was transformed into a horticultural basin of nearly 6,000 hectares where, nowadays, thousands of tomato greenhouses and vegetable plots structure the agrarian landscape. One of those areas is San Luis (Fig. 4), the locality where we conducted our fieldwork.

Figure 3. Vision of the agrarian landscape in the eastern part of the canton of Salcedo in 2015

Source: N. Rebaï

Figure 4. Vision of the agrarian landscape in San Luis in 2016

Source: N. Rebaï

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 131

10 Between the eastern part of the canton of Salcedo and San Luis, we conducted 13 interviews with farmers’ leaders, political representatives, as well as officials of the Ministry of Agriculture, to discuss the practices and pest management strategies in these two areas. Then, with the support of the local authorities, we conducted surveys of 12 farmers – 6 in the eastern part of the canton of Salcedo and 6 in San Luis – with whom we discussed the characteristics of their farms and their strategies for controlling crop pests. Finally, we also used open questions focused on the relations of farmers in Salcedo and San Luis with other actors (their neighbors, public institutions, the sellers of inputs).

Two levels of analysis to better understand the vulnerability of the studied territories

11 Thus, the interviews and the surveys we conducted with the different actors enabled us to capture their different perceptions of the recent changes in their territories to reconstruct their vulnerability trajectories. Obviously, because of the small size of the farm samples on which our study is based, the data presented in this article cannot claim to be used to build a general database of our three study areas. However, it is important to emphasize that the results of the fieldworks in Victoria del Portete, Salcedo and San Luis complement an already large amount of data produced in recent years on the characteristics of peasant farms in the Ecuadorian Sierra (Rebaï 2012 and 2015), and as a result, they contribute to provide a better knowledge on the current situation of the rural territories of this region.

Between rural emigration and mining development: vulnerability factors in the Azuay province

12 Until recently, most peasant families in Azuay were dedicated to maize production, the basis of their diet (Huttel et al., 1999; Rebaï, 2012). The last National Agrarian Census (INEC, 2002) states that at the provincial level 71% of the farms cultivated this cereal at the beginning of the century, generally in association with beans, out of a total of nearly 40 thousand hectares which represented 75.5% of the surfaces dedicated to non- permanent crops. However, as we found in Victoria del Portete, maize cultivation appears to be less important. Different factors can explain it.

Peasant emigration, a symbol and an aggravating factor of peasant vulnerability

13 If, fifty years ago, several haciendas structured the agrarian space in Victoria del Portete, after the agrarian reform of 1964, the peasants of the locality began to migrate regularly. Indeed, they started to go to the coastal region where export agriculture was continually developing since the 19th century, (Deler, 1981), to work as day laborers in large capitalist banana or cocoa plantations. If the small size of their farms and the fact that they were kept at the margins of national economic circuits (North, 1985) could not allow them to survive with their families, their mobility to the most dynamic economic zones of the country became their main means of survival as for many other peasants in the Andean provinces at that time (Chiriboga 1984; Martinez 1985; Rebai 2009 and 2016). Then, from

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 132

the 1980s and 1990s, in the context of the liberalization of the national economy, international emigration of Victoria del Portete peasants began. While international emigration of the Azuayan peasants had gradually been structured since the 1950s and the crisis of the Panama hat (Rebaï, 2012)8, the peasants in Victoria del Portete widened the spatial framework of their mobility and started to exile themselves to the United States. At the same time, local pluriactivity continued to grow. Thus, at the level of our analysis sample which, in 2016, consisted of 68 individuals, 34% of them were in the United States or permanently settled in another Ecuadorian region, sometimes for more than twenty years, while 9% of the people had a permanent job in the Cuenca region which prevented them from participating on the farm exploitation activities. In addition, 26% of our analysis sample was made up of school children, elderly or disabled people who were weakly involved in agricultural tasks. Thus, only 31% of the study population, mainly women, devoted themselves to the various tasks of farming on a full-time basis (Fig. 5).

Figure 5. Distribution of the members of the 12 families studied in Victoria del Portete according to their occupation and their location in 2016

Source: fieldwork surveys.

14 Logically, this demographic situation has had consequences for local farming practices. Farm families in Victoria del Portete have gradually reduced the areas of long-cycle crops such as maize, but also tubers, which are labor-intensive, characterized by low yields and subject to significant losses in bad weather conditions. In addition, due to lack of labor, these same families have gradually abandoned self-help systems such as cambio mano9 to pay for their participation in agricultural tasks outside their farms. According to the interviewees, the wages of a laborer reached USD 12 in 2016 while it was only USD 5 o 6 in the early 2000s. In these conditions, the increase in production costs has also contributed to the recent decrease of the cultivated areas in the locality.

15 On the other hand, the peasant families of Victoria del Portete, like those of neighboring parishes also marked by a strong emigration (Rebaï, 2015), developed an important activity of dairy farming in a national context favorable to the commercial integration of

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 133

the small breeders since the beginning of the 2000s (Barragán Ochoa, 2017). Thus, most of them have extended the grazed surfaces within their exploitations for several years, by proceeding cut trees in their farms, up to the páramos10. As a result, vegetation cover in the area has also decreased in recent years. At the level of the 12 farms in our analysis sample, which accounted for 138,5 hectares in 2016, 49,8% of the total area was occupied by pasture and some alfalfa, compared with 46,3% for wooded areas and only 3,9% for crops (Fig. 6).

Figure 6. Characteristics of land use at the 12 farms studied in Victoria del Portete in 2016

Source: fieldwork surveys.

16 Regarding the 11 small farms in our panel, totaling 38,5 hectares, the differences in land use patterns were even more pronounced. Thus, 88,3% of their total area was devoted to pasture and alfalfa while 11,7% of their total area was still under cultivation. Wooded areas were almost non-existent (Fig. 7).

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 134

Figure 7. Characteristics of land use at the 11 smallest farms surveyed in Victoria del Portete in 2016

Source: fieldwork surveys.

17 At the time of our fieldwork, the agricultural landscape of the Victoria del Portete Parish was dominated by the green of the pastures and punctuated, here and there, with golden or brown spots of small patches of maize and tubers that remained next to the peasant houses (Fig. 8). In the end, it indicated that a loss of agrobiodiversity had occurred in recent years due to a migratory dynamic that upset local farming practices.

Figure 8. Vision of the agrarian landscape in Victoria del Portete in 2016

Source: N. Rebaï.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 135

Loma Larga: a mining project that continues the trajectory of vulnerability by causing the division of the peasant population

18 However, beyond the recent agrarian changes that characterize Victoria del Portete, in recent years, the locality has been experiencing another disruption associated with the Loma Larga mining project. Indeed, several of the leaders and peasants interviewed told us that they would not stop opposing its implementation to safeguard agriculture and livestock, thus continuing the resistance begun several years ago (Alvarado, 2016). Conversely, various interviewees told us that since agriculture did not allow them to live with dignity, they hoped that the Loma Larga project would provide them with stable incomes and that this would “prevent young people from emigrating”. Thus, even if they insisted that they were not in favor of extractivism because it is “not good for the environment”, they told us that, as a necessity, they would not hesitate to take advantage of the mine. That is why the candidate of the Alianza País party won a short head in the 2014 parish elections. It is apparent that this vote indicated that most of the local population was not completely opposed to the action of the government and the Loma Larga project, while in the rest of the country the indigenous and peasant movements had for some time been expressing their opposition to the policy of Rafael Correa (Ospina and Lalander, 2012).

19 In this context, strong tensions have emerged between the inhabitants of Victoria del Portete. In fact, some of them told us that they had suffered physical and verbal abuse for expressing a less firm position than others against the mining project. A peasant woman explained to us that she was regularly insulted when she went to the center of the town to sell some products from her farm. In the same way, a young farmer told us that to have been employed in the prospecting work carried out by INV Metals in the early 2010s, he and others had seen their families deprived of access to water by the assembly of irrigators from Victoria del Portete whose leaders were opposed to the Loma Larga project. Finally, it was interesting to note that the main opponents of the project were large farmers, like the one included in our analysis sample, for whom the only alternative to extractivism was increase in dairy farming. On the other hand, for many women farmers who, in recent years, had also taken part in the local mine resistance movement, agriculture and the development of handicrafts had to prevail. However, many of them told us that their demands were not relayed by local men leaders who were constantly defending their personal interests with public authorities and NGOs when they were proposing alternatives to mining development. Thus, it was interesting to observe in Victoria del Portete that the trajectory of vulnerability of peasant women could be prolonged further due to an obvious masculine domination and an invisibilisation of their claims despite the fact that, for thirty years, these same women have contributed greatly to the maintenance of agricultural activities at the local level.

20 Thus, our research in Victoria del Portete shows how the political orientations of the last decades have conditioned the trajectory of vulnerability of this territory. The liberal opening of the late 1980s weakened family farmers who, to survive, were forced to emigrate. Then, the economic vulnerability of the peasant population acted as a factor limiting mobilization against the Loma Larga mining project. Henceforth, beyond the harmful consequences it should have on the environment and agriculture and even before its starts, the Loma Larga project causes the division of the peasant population in

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 136

Victoria del Portete, in line with many other in the Ecuadorian Andes (Kuecker 2007, Avci and Fernández-Salvador 2016, Sánchez-Vásquez et al., 2016). So, it already constitutes a factor of extension of the vulnerability of this locality where the peasants' organizational capacity against new threats that could affect their resources and way of life could become even more limited than it has been in recent years.

A change in the production system at the origin of the prolongation of the trajectory of vulnerability of rural territories in Chimborazo and Cotopaxi

21 In the eastern part of the canton of Salcedo and San Luis, the leaders we met told us that some 30 years ago, farmers in these two areas were doing crop rotations and putting fallow of their plots to limit the growth and spread of pests, like of the rest of the Andean peasantries (Morlon 1992; Hervé and Rivière 1999; Poinsot 1999). They also informed us that, in recent decades, the use of chemical pesticides had taken place on farms and that it had become the norm to fight against pests11. Therefore, we sought to understand the factors that favored this systematic use of industrial inputs within production units and which effectively hindered collaboration between farmers and the application of more environmentally friendly pest management techniques.

State withdrawal forces family farmers to purchase chemicals

22 In Salcedo, as in San Luis, the leaders we met explained that even though farmers sometimes discussed crop pests, they did not collaborate to fight against them. In the last decades, in the context of the liberalization of the national economy, the withdrawal of agricultural technicians from the Ministry of Agriculture and the arrival of small shops of chemical inputs have led to a profound change in agricultural practices in our two study areas. In fact, for the last thirty years, the sellers of chemicals have become the most regular interlocutors of family farmers at the local level, which is why the small farmers of the eastern part of the canton of Salcedo and San Luis have increasingly resorted to buying chemicals to fight pests and maintain their production. In Salcedo, for example, farmers spent an average of USD 470,5 in chemicals pesticides per hectare of potatoes. In Sans Luis, the expenditures were even higher: although the farms studied had an average area of only 1,1 hectares, they nonetheless spent USD 184 per month on chemical pesticides.

23 In addition, our fieldwork enabled us to observe that, due to the absence of public services, the family farmers of Salcedo and San Luis had never received the necessary technical support to know how to identify the characteristics of the pests affecting their fields12, to learn how to coordinate in a common fight against these same pests, to develop strategies for the agroecological control of pests, or simply to use in a reasonable way the chemical pesticides they acquired. That is why the farmers we met did not try to cooperate to develop IPM strategies. From their point of view, it seemed “easier” to buy a chemical pesticide, thanks to their agricultural and sometimes non-agricultural incomes (Rebaï et al., 2016), even though input sellers often referred them to inappropriate products due to a common lack of knowledge of pests. Thus, we could note the danger posed by chemical input sellers, which, with the sole purpose of making money, can

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 137

encourage the dissemination of unsuitable practices on farms, for example by encouraging farmers to apply more than just products that are harmful to the environment.

An increasingly flawed public action that reinforces the subordination of family farmers to sellers of chemical inputs and intermediaries

24 Paradoxically, the farmers of Salcedo and San Luis have repeatedly told us that reducing the use of pesticides was “irrelevant” because at the Salcedo fair or on the market in Riobamba, the intermediaries did not favor agro-ecological production and instead wanted “well-calibrated and flawless” products that had received phytosanitary treatments. In other words, even if the farmers admitted that, in many cases, the use of pesticides on their plots was disproportionate, and therefore expensive and bad for the environment, for their health and that of the consumers, they were not ready to take the risk of not applying chemicals in their fields for fear of not being able to sell their products. Later, in both Salcedo and Riobamba, the government officials we interviewed ignored the question of the detrimental influence of the intermediaries, stating that what was important for the peasants was to gain access to the market and “get income quickly”. For them, the reduction of the use of toxic products or the valorization of agro-ecological productions was therefore not a priority since the free access of family farmers to the Salcedo fair and the Riobamba market was already a form of support for peasant farms.

25 In recent years, the lack of public action has therefore forced the family farmers of Salcedo and San Luis to depend daily on chemical sellers to fight crop pests. At the same time, it has contributed to strengthening the power of city intermediaries who impose on farmers the use of phytosanitary products and low prices. In this context, even if the family farmers we met were satisfied with being able to sell their products without much difficulty, they considered to be in a situation of economic vulnerability because they were subordinated to the power of the intermediaries. However, the vast majority of them did not seem ready to engage in a collective dynamic to try to change this situation, for fear of wasting time or because they did not know how to do it. Thus, besides promoting the spread of expensive and polluting agricultural practices in Salcedo and San Luis, the lack of public action has also prevented the family farmers from benefiting from interventions that would have given them the opportunity to strengthen its organizational and collective action capabilities, in particular to emancipate themselves from the influence of actors keeping them in a precarious economic situation.

Conclusion

26 While the rural territories of the Ecuadorian Andes have historically been subject to multiple constraints, the comparative analysis produced in this text has shown that, in recent decades, the “modernizing” project of the primary sector in Ecuador has been the determining factor in extending their trajectory of vulnerability. In Victoria del Portete, this led to an exodus of peasants, which led to a logical decrease in the available labor within the production units. As a result, the area under cultivation has only decreased while dairy farming has increased significantly. In Salcedo and San Luis, family farmers

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 138

have been able to develop and maintain cash crops by being forced, however, to resort to massive and expensive purchases of chemical inputs.

27 In this context, the pesant families of our three study areas are caught in a “vicious circle of vulnerability” (Becerra, 2014: 4), at first, economically and nutritionally. In Victoria del Portete, farms that once produced maize and tubers that, for the most part, provided their livelihoods, now depend on often irregular income (Rebaï, 2013 and 2015) from migration to cover their food needs. In Salcedo and San Luis, farmers are also forced to stock up on the market to feed themselves but with the risk of having few economic resources because of the sometimes-limited profits they can derive from their fruit sales, vegetables or tubers. In addition, the current practices of the Azuay, Chimborazo and Cotopaxi peasants reinforced their environmental vulnerability. In Victoria del Portete, soils and water resources are becoming more and more affected, like in several neighboring localities also marked by a strong growth of dairy farming in recent years (Rebaï 2012 et 2015),, while in Salcedo and San Luis the health of the population and the quality of products is endangered using chemical pesticides on farms (Yanggen et al., 2003; Cole et al., 2007).

28 Beyond these already alarming findings, our study has shown that the “modernizing” project of the primary sector in Ecuador has helped to disrupt or even divide the peasant population in the Andean regions. In both Salcedo and San Luis, the withdrawal of public agricultural management services has forced family farmers to rely on input businesses for technical advice that is often inappropriate for their needs. Logically, this context has favored the generalization of individual practices, costly and polluting, and limited the establishment of strategies of cooperation between farmers for the resolution of common problems, such as that of crop pests. In Victoria del Portete, in a context where the vulnerability of local agriculture has led for several decades to a high emigration, some of the inhabitants, who recognized that extractivism could have adverse consequences on the environment, are in favor of the development of the Loma Larga mining project since, according to them, it would be a source of employment and income. As a result, there has been considerable tension among the peasant population, which, more than ever, seems divided and unable to mobilize despite the recent interventions of certain public institutions that have sought to reinvest this locality by carrying out different types of projects. Thus, ETAPA technicians who, in recent years, have reached various localities to integrate family farmers into environmental protection projects (Rebaï, 2018), told us that they have great difficulty in mobilizing Victoria del Portete’s population due to ongoing conflicts among peasants. In the same way, the officials of the Ministry of Agriculture told us that they had not yet succeeded in creating an association of small producers in the parish whereas there are currently about forty in the region of Cuenca. This situation is all the more singular because during the last twenty years peasant collectives have played a key role in the agricultural supply of the city of Cuenca (Rebaï, 2014). The example of the Victoria del Portete parish is also interesting because it reveals that despite a renewal of the political discourse in Ecuador, the project led by Rafael Correa has reproduced for the national primary sector an economic pattern comparable to that of the last decades (Acosta and Cajas Guijarro, 2016; Villalba-Eguiluz and Etxano, 2017). In the end, the direction taken by the former Ecuadorian president helped to prolong the trajectory of vulnerability of the Andean family farmers, since beyond the province of Azuay alone, multiple mining projects affected the farming communities of the Ecuadorian Sierra (Latorre, 2015), and few major steps have been taken to change an

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 139

agricultural model that values intensive crops, especially those for export (Martinez Godoy, 2015 and 2016; Clark, 2017; Martínez, 2017).

29 Finally, our research in the provinces of Azuay, Cotopaxi and Chimborazo, indicate that for several decades, the prolongation of the trajectory of vulnerability of the rural territories of the Ecuadorian Andes results from political orientations that force family farmers to make inconsistent choices, both economically and environmentally. In this context, the priority is therefore to rethink the contours of public action and rural development strategies in the Ecuadorian mountain range with a view to recovering higher levels of agrobiodiversity, to meet the population’s dietary needs, limit pressures on water resources and soils at altitude and, finally, mitigate the spread of crop pests by forming plant barriers (Fonte et al., 2012; Oyarzun et al., 2013). Therefore, there would undoubtedly be a major interest in promoting the reconstruction of solidarity relations between farmers as they have existed in the past, allowing Andean peasant societies to face the many constraints related to their environment. Thus, the emergence of government-supported peasant collectives would make it possible to improve the quality of the market integration of family farmers. It would also contribute to the adoption of innovative practices to improve production systems and the protection of the environment and, finally, to facilitate the participation of individuals in decision-making concerning their territories (Raimbert and Rebaï, 2017). In sum, strengthening the organizational capacity of peasants in the Ecuadorian Andes could facilitate the resilience of rural areas to cope with global change, but before that, a break with the “modernizing” logic of public policies is clearly necessary.

BIBLIOGRAPHY

Acosta A., 2006.– Breve historia económica del Ecuador, CEN.

Alberti G., Mayer E., 1974 – Reciprocidad e intercambio en los Andes peruanos, IEP.

Acosta A., Cajas Guijarro J., 2016.– « Ocaso y muerte de una revolución que al parecer nunca nació », in Ecuador Debate, n°98, pp. 7-28.

Avci D., Fernández-Salvador C., 2017.– « Territorial dynamics and local resistance: Two mining conflicts in Ecuador compared », in The Extractive Industries and Society, Vol. 3, n°4, pp. 912-921.

Alvarado J., 2016.– « Movimientos sociales con racionalidad ambiental: el caso de Kimsakocha », in Revista Colombiana de Ciencias Sociales, Vol. 7, n°1, pp. 80-95.

Barragán Ochoa F., 2017.– « Les petits producteurs, les villes et le lait : Défis du ravitaillement alimentaire dans les Andes du nord de l’Équateur », Thèse de doctorat, Université Paris 1.

Becerra S., 2012.– « Vulnérabilité, risques et environnement : l’itinéraire chaotique d’un paradigme sociologique contemporain », in VertigO, Vol. 12, n°1, visited November 6th 2017, http://vertigo.revues.org/11988

Bretón V., 2006.– « Glocalidad y reforma agraria: ¿de nuevo el problema irresuelto de la tierra? », in Íconos, n° 24, pp. 59-69.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 140

Cantero P. (coord.), 2013.– Sara Llakta: el libro del maíz, MIES.

Chiriboga M., 1984.– « Campesino andino y estrategias de empleo: el caso de Salcedo », in Sanchez-Parga J. (ed.), Estrategias de supervivencia en la comunidad andina, CAAP, Quito, pp. 59-124.

Chonchol J., 1996.– Systèmes agraires en Amérique latine. Des agricultures préhispaniques à la révolution conservatrice, IHEAL.

Clark P., 2017.– « Neo-developmentalist and ‘via campesina’ for rural development: Unreconciled projects in Ecuador’s Citizen’s revolution », in Journal of Agrarian Change, Vol. 17, n°2, pp. 348-364.

Cole D., Sherwood S., Paredes M., Sanin L.H., Crissman C., Espinosa P., Muñoz F., 2007.– « Reducing Pesticide Exposure and Associated Neurotoxic Burden in an Ecuadorian Small Farm Population », in International Journal of Occupational and Environmental Health, n°13, pp. 281-289.

Cortes G., 2000.– Partir pour rester : survie et mutation de sociétés paysannes andines (Bolivie), IRD.

Décamps H., 2007.– « La vulnérabilité des systèmes socioécologiques aux évènements extrêmes: exposition, sensibilité, résilience », in Natures Sciences Sociétés, n° 15, pp. 48-52.

Deler J-P., 1981.– Genèse de l’espace équatorien. Essai sur le territoire et la formation de l’Etat national, IFEA/ADPF.

Deler J-P., 1991.– « L’Équateur bipolaire », in C. Bataillon, J-P. Deler, H. Théry (dir.), Amérique latine, Tome III, Géographie Universelle, Belin/Reclus, Paris/Montpellier, pp. 264-275.

Ferraro E., 2004 – Reciprocidad, don y deuda. Formas y relaciones de intercambios en los Andes de Ecuador: la comunidad de Pesillo, FLACSO-Ecuador/Abya Yala.

Fonte S.J., Vanek S.J., Oyarzun P., Parsa S., Quintero D.C., Rao I.M., Lavelle, P., 2012 –« Pathways to agroecological intensification of soil fertility management by smallholder farmers in the Andean highlands », in Adanced Agronomy, n° 116, pp. 125-184.

Gastambide A., 2010.– El camino hacia la dolarización, FLACSO-Ecuador.

Giunta I., 2014.– « Food sovereignty in Ecuador: peasant struggles and the challenge of institutionalization », in The Journal of Peasant Studies, Vol. 41, n°6, pp. 1201-1224.

Gondard P., 1976.– « Zonas agrícolas de la sierra », in Boletín del Instituto Panamericano de Geografia e Historia – Sección nacional del Ecuador, n° 9-10, pp. 1-7.

Gross J., Guerron C., Berti P., Hammer M., 2016.– « Caminando hacia adelante, mirando hacia atrás: en la primera línea de las transformaciones alimentarias en Ecuador », in ĺconos, n°54, pp. 49-70.

Guilbert M-L., 2005.– « Environnement et migration : les difficultés d'une communauté rurale andine (El Terrado, Potosi, Bolivie) », in VertigO, Vol. 6, n°3, visited May 23th 2018, http:// journals.openedition.org/vertigo/2441

Hervé D., Rivière G., 1999.– « Les jachères longues pâturées dans les Andes. Acquis interdisciplinaires », in Natures, Sciences, Sociétés, Vol. 6, n° 4, pp. 5-19.

Huttel C., Zebrowski C., Gondard P., 1999.– Paisajes agrarios del Ecuador, IRD/IFEA/PUCE.

INEC – Instituto Nacional de Estadísticas y Censos, 2002.– III Censo nacional agropecuario.

Hewitt K., Mehta M., 2012.– « Rethinking risk and disasters in mountain areas », in Revue de Géographie Alpine | Journal of Alpine Research, Vol. 100, n°1, visited May 23th 2018, http:// journals.openedition.org/rga/1653.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 141

Kroschel J., Mujica N., Alcazar J., Canedo V., Zegarra O., 2012.– « Developing integrated pest management for potato: experiences and lessons from two distinct potato production systems of Peru », in He Z., Larkin R., Honeycutt W. (eds), Sustainable Potato Production: Global Case Studies, Springer, Berlin, pp. 419-450.

Kuecker, G. 2007.– « Fighting for the Forests: Grassroots Resistance to Mining in Northern Ecuador », in Latin American Perspectives, Vol. 34, n°2, pp. 94-107.

Latorre S., 2015.– « Visibilidades e invisibilidades del extractivismo en Ecuador: insumos para el debate », in Latorre S. (coord.), Exctractivismo al debate. Aportes para los Gobiernos Autonomos Decentralizados, Abya Yala, Quito, pp. 15-56.

Latorre S., Farrell K., Martinez-Alier J., 2015 – « The commodification of nature and socio- environmental resistance in Ecuador: an inventory of accumulation by dispossession cases, 1980-2013 », in Ecological Economics, n°116, pp. 59-69.

Lefeber L., 2008.– « La agricultura y el desarrollo rural. Una crítica a las políticas del establishment en Ecuador », in North L. and Cameron D. (eds.), Desarrollo rural y neoliberalismo. Ecuador desde una perspectiva comparativa, UASB-Ecuador/CEN, Quito, pp. 39-61.

Lyle H., 2017.– « Volver a Nuestras Raices: the reemergence and Adaotation of Traditional Forms of Andean Reciprocity », in The Journal of Latin American and Caribbean Anthropology, Vol. 22, n°3, pp. 419-437.

Lyle Henry, Smith Eric, 2014, « The reputational and social network benefits of prosociality in an Andean community », in PNAS, Vol. 111, n°13, pp. 4820-4825.

Magnan A., Duvat V., Garnier E., 2012.– « Reconstituer les ‘trajectoires de vulnérabilité’ pour penser différemment l’adaptation changement climatique », in Natures Sciences Sociétés, n°20, pp. 82-91.

Martínez L., 1985.– « Migración y cambios en las estrategias familiares de las comunidades indígenas de la Sierra », in Ecuador Debate, n°8, pp. 110-152.

Martínez, L., 2015.– Asalariados rurales en territorios del agronegocio: flores y brócoli en Cotopaxi, FLACSO-Équateur.

Martínez L., 2017.– « Agribusiness, Peasant Agriculture and Labour Markets: Ecuador in Camparative perspective », in Journal of Agrarian Change, Vol. 17, n°4, pp. 680-693.

Martínez Godoy D.– 2015, « Entre economía social y economía popular. Confusiones y desaciertos políticos en el ‘Ecuador del Buen Vivir’ », in Eutopía, n°7, pp. 147-161.

Martínez Godoy D.– 2016, « Territorios campesinos y agroindustria: un análisis de las transformaciones territoriales desde la economía de la proximidad. El caso Cayambe (Ecuador) », in Eutopía, n°10, pp. 41-55.

Mayer E., 2002 – The Articulated Peasant : Household Economies in the Andes, Westview Press.

Mina D., Struelens Q., Carpio C., Rivera M., Rebaï N., Rebaudo F., Dangles O., 2017 – « Lupine Pest Management in the Ecuadorian Andes: Current Knowledge and Perspectives », in Outlooks on Pest Management, Vol. 28, n°6, pp. 250-256.

Morlon P., 1992.– Comprendre l’agriculture paysanne dans les Andes centrales. Pérou – Bolivie, INRA.

Murra J., 1975.– Formaciones Económicas y Políticas del Mundo Andino, IEP.

North L., 1985.– « Implementación de la política económica y la estructura del poder político en el Ecuador », in Lefeber L. (ed.), La economía política del Ecuador. Campo, región, nación, CEN, Quito, pp. 425-457.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 142

Oberem U., 1981.– « El acceso a recursos naturales de diferentes ecologías en la sierra ecuatoriana (siglo XVI) », in Moreno Yánez S. and Oberem U. (eds.), Contribución a la etnohistoria ecuatoriana, IOA, Otavalo, pp. 45-71.

Ospina P., Lalander R., 2012.– « Razones de un distanciamiento político: el Movimiento Indígena ecuatoriano y la Revolución Ciudadana », in OSAL, n°32, pp. 117-134.

Oviedo Treiber V., 2014.– Rural Poverty, Vulnerability and Food Insecurity. The Case of Bolivia, Potsdam University Press.

Oyarzun P., Borja R., Sherwood S., Parra V., 2013.– « Making sense of agrobiodiversity, diet, and intensification of smallholder family farming in the Highland Andes of Ecuador », in Ecology of Food and Nutrition, Vol. 52, n°6, pp. 515-41

Parsa S., Morse S., Bonifacio A., Chancellor T., Condori B., Crespo-Perez V., Hobbs S., Krosheld J., Niango M., Rebaudo F., Sherwood S., Vanek S., Faye E., Herrera M., Dangles O., 2014.– « Obstacles to IPM Adoption in Developing Countries: a Global Concept Map », in PNAS, Vol. 111, n°10, pp. 3889–3894.

Peltre-Wurtz J., 1988.– « Le blé en Équateur ou le prix de l’indépendance alimentaire », in Cahiers des Sciences Humaines, Vol. 24, n°2, pp. 213-223.

Peltre-Wurtz J., 2004.– Alimentation et pauvreté en Équateur. Manger est un combat, IRD/Karthala.

Poinsot Y., 1999.– « L'incidence géographique des risques agricoles. Une formulation théorique à partir de cas andins et africains », in Revue de Géographie Alpine, Vol. 87, n°3, pp. 31-50.

Raimbert C., Rebaï N., 2017.– « Collectifs et développement durable des territoires ruraux en Amérique latine. Une réflexion depuis le Brésil et l’Équateur », in EchoGéo, n°42, visited May 23th 2018, https://journals.openedition.org/echogeo/15131.

Rebaï N., 2009 – « De la parcelle à l’archipel: mobilité paysanne et construction territoriale dans les Andes équatoriennes », in Revue Interdisciplinaire de Travaux sur les Amériques, n°2, visited May 23th 2018, http://www.revue-rita.com/content/view/64/114/

Rebaï N., 2011.– « Les effets de l’émigration paysanne dans les Andes équatoriennes : une lecture photographique », in EchoGéo, n° 16, visited May 23th 2018, https://journals.openedition.org/ echogeo/12382

Rebaï N., 2012.– « À chacun son chemin. Une analyse de la redéfinition des stratégies paysannes et des dynamiques territoriales dans le contexte migratoire des Andes équatoriennes », Thèse de doctorat, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Rebaï N., 2013.– « Quand l’argent de la migration change la donne : développement agricole et dynamique foncière dans une localité de la province andine de l’Azuay (Équateur) », in Autrepart, n°68, pp. 193-212.

Rebaï N., 2014.– « Rôle des productrices maraîchères dans l’approvisionnement de la ville de Cuenca en Équateur », in Pour, n°222, pp 261-273.

Rebaï N., 2015.– « Émigration paysanne et vulnérabilité des territoires ruraux dans les Andes équatoriennes. Une analyse en image depuis la périphérie de Cuenca », in EchoGéo, n°34, visited November 6th 2017, https://echogeo.revues.org/14420.

Rebaï N., 2016.– « Movilidades campesinas y dinámicas territoriales en los Andes ecuatorianos: una lectura geohistorica », in Goepfert N., Vásquez S., Clément, C. and Christol A. (éd.), Las sociedades andinas frente a los cambios pasados y actuales. Dinámicas territoriales, crisis, fronteras y movilidades, IFEA/Labex Dynamite, Lima, pp. 249-285.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 143

Rebaï N., 2018.– « Repenser les relations ville-campagne pour valoriser l’agriculture familiale et l’environnement en milieu rural : une analyse depuis les Andes équatoriennes » in Rouget N. and Schmitt G. (éds.), Nature des villes, natures des champs, PUR, Valenciennes, pp. 43-67.

Rebaï N., Rebaudo F., Rebotier J., Dangles O., 2016.– « Logiques paysannes, production agricole et lutte contre les ravageurs des cultures à Salcedo dans les Andes équatoriennes. Stratégies individuelles ou collectives ? », in VertigO, Vol. 16, n°3, visited November 6th 2017, https:// vertigo.revues.org/18240

Rebaudo F., Dangles O., 2011.– « Coupled information diffusion–pest dynamics models predict delayed benefits of farmer cooperation in pest management programs », in PLOS Computational Biology, Vol. 7, n°10, visited November 6th 2017, http://journals.plos.org/ploscompbiol/article? id=10.1371/journal.pcbi.1002222

Rebaudo F., Dangles O., 2015.– « Adaptive Management in Crop Pest Control in the Face of Climate Variability: an Agent-Based Model Approach », in Ecology and Society, Vol. 20, n°2, visited November 6th 2017, https://www.ecologyandsociety.org/vol20/iss2/art18/

Sánchez-Vásquez L., Espinosa M. G., Eguiguren M. B. 2016.– « Perception of socio-environmental conflicts in mining areas: the case of the mirador project in Ecuador », in Ambiente & Sociedade, Vol. 19, n°2, pp. 23-44.

Scurrah M., de Haan S., Oliveira E., Ccanto R., Creed H., Carrasco M., Veres E., Barahona C., 2012.– « Ricos en agrobiodiversidad, pero pobres en nutrición: desafíos de la mejora de la seguridad alimentaria en comunidades de Chopcca, Huancavelica (Perú) », in Asensio RH, Eguren F., Ruiz M. (eds), Perú: El Problema Agrario en Debate. SEPIA XIV, SEPIA, Lima, pp. 362–407.

Sherwood S., Paredes M., 2014.– « Dynamics of Perpetuation. The Politics of Keeping Highly Toxic Pesticides on the Market in Ecuador », in Nature and Culture, Vol. 9, n°1, pp. 21-44.

Sherwood S., Paredes M., Gross J., Hammer M., 2015.– « The Future of Sustainability as a Product of the Present: Lessons from Modern Food in Ecuador », in Rivisita de Studi sulla Sostenibilita, n°21, pp. 83-103.

Tonneau J-P., Piraux M., Coudel E. Guilherme de Azevedo S., 2009 – « Évaluation du développement territorial comme processus d'innovation et d'institutionnalisation : le cas du Territoire du Alto Sertão do Piauí e Pernambuco au Nordeste du Brésil », in VertigO, Vol. 9, n°3, visited May 23th 2018, http://vertigo.revues.org/9207

Villalba-Eguiluz U., Etxano I., 2017.– « Buen Vivir vs Development (II): The Limits of (Neo-) Extractivism », in Ecological Economics, Vol. 138, pp. 1-11.

Valdez F. (ed.), 2006.– Agricultura ancestral : camellones y albarradas: contexto social, usos y retos del pasado y del presente, Abya-Yala/IFEA.

Walsh-Dilley M., 2017.– « Theorizing Reciprocity: Andean Cooperation and the reproduction of Community in Highland Bolivia », in Journal of Latin American and Caribbean Anthropology, Vol. 22, n °3, pp. 514-535.

Yanggen D., Crissman C., Espinosa P., 2003.– Los plaguicidas: impactos en producción, salud y medio ambiente en Carchi, Ecuador, CIP/INIAP/Abya-Yala.

NOTES

1. “[…] résulte d’une évolution, tant de la société que du contexte naturel.” 2. “[…] trajectoire de vulnérabilité.”

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 144

3. “Euforia petrolera” 4. Or “Sumak Kawsay” in kichwa. This concept, rooted in the Andean worldview, was the main pillar of the “Citizen Revolution” led by Rafael Correa during his presidential term. “Buen Vivir” has been used in official discourse as an important rhetorical element to express a desire to give greater importance to the social and environmental well-being of populations. 5. “Welcome to the Loma Larga mining project”. 6. Funded by the French National Agency for the Research (ANR): http://www.equateur.ird.fr/ activites/projets-de-recherche/agriculture/anr-man-pest-insectes-ravageurs-et-securite- alimentaire 7. The Chambo-Guano system was one of the major projects carried by the National Chamber of Irrigation (Caja Nacional de Riego) to contribute, as early as the 1950s, to the development of agricultural areas of the country. It was not until the 1980s, as we specify in the text, that this project took on a large scale and contributed to the rapid change of rural space around Riobamba. 8. Since the mid-19th century, Panama hat making represented one of the main regular incomes for thousands of peasant households in Azuay. In the mid-1950s, when exports of this artisanal production fell, Azuay peasants began to emigrate to the United States (Rebaï, 2012). Thus, it is important to underline that the crisis in the Panama hat sector is to be considered as an essential element of the trajectory of vulnerability of the Azuay peasants in the 20th century. 9. Spanish term that refers to the reciprocal work exchanges between parents or members of the same peasant community. 10. The páramos are an ecosystem of the northern Andes (Ecuador, Colombia, Venezuela), which is found above 3200 m.a.s.l. and whose vegetation is composed of shrubs and grasses. 11. In the eastern part of Salcedo, the potato moth complex, formed by Tecia solanivora, Phthorimaea operculella, and Symmetrischema tangolias (Lepidoptera: Gelechiidae), and the weevil Premnotrypes vorax (Coleoptera: Curculionidae), are the main insect pests present in the tuber fields. In San Luis, the main pests are Plutella xylostella (butterfly) and Brevicoryne brassicae (aphid), which particularly target cabbage, broccoli and cauliflower crops, while Phyllophaga sp (beetle) and Tetranychus urticae (spider) mainly affect the strawberry plots. 12. In this regard, a recent study of small lupine producers in the Cotopaxi and Chimborazo provinces showed that farmers had little knowledge of pests affecting their fields and that this was the first factor limiting effective control of pests harmful (Mina et al., 2017).

ABSTRACTS

While the peasant populations of the Ecuadorian Sierra have been marked by multiple constraints in their history, for thirty years, the liberal policies that aimed at the “modernization” of the primary sector of the economy in Ecuador have led to profound changes in the Andean regions. From fieldwork conducted in the provinces of Azuay, Cotopaxi and Chimborazo, during which interviews with institutional actors and surveys within family farms were carried out, it was highlighted that the disappearance of public agricultural services, the promotion of chemical pesticides and the development of mining have favored the disunity of the peasant groups. In addition, we observed that in recent years, family farmers have developed agricultural practices that have adverse effects on the environment while, at the same time, their

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 145

food security was not ensured. Finally, the work done over the past three years provides an opportunity to take stock of the negative effects of the “modernizing” project of the primary sector in Ecuador and, through the comparison of several local situations, to characterize the extension of the trajectory of vulnerability of Andean rural territories.

INDEX

Keywords: Andes, Ecuador, rural territories, primary “modernization”, trajectories of vulnerability

AUTHORS

NASSER REBAÏ

Geographer, UMR PRODIG, Associate Researcher/ [email protected]

JULIO A. ALVARADO VÉLEZ

Economist, Universidad Regional Autónoma de los Andes (UNIANDES), campus Santo Domingo (Ecuador)

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 146

Désenchantement dans les Tatras. La vulnérabilité des « Alpes de poche » (Slovaquie)

Michel Lompech

1 Le 19 novembre 2004 une violente tempête s’abattait sur le versant slovaque des Tatras. Les versants ainsi dénudés découvrent les différentes stations et ravivent dans le paysage les cicatrices des pistes de ski, mais cette catastrophe, au-delà d’une crise environnementale, révèle la grande vulnérabilité de ce massif touristique et l’évidente fragilité de ces « Alpes de poche ».

2 Une hypothèse veut que la vulnérabilité des territoires aux aléas soit avant tout le fruit d’une évolution, tant de la société que du contexte naturel (Magnan, 2012), les dimensions de la vulnérabilité pouvant être structurelles, économiques, sociales ou institutionnelles (George-Marcepoil in Vlès, 2016). Ce schéma peut être transposé à la trajectoire des Tatras, soit un contexte de haute montagne spécifique en Europe centrale marquée par les discontinuités des régimes politiques. Durant la période socialiste l’apparition du tourisme de masse à l’intérieur d’un Parc national a produit une matrice spatiale inédite, modifiant de façon décisive le rapport à l’environnement montagnard ; ainsi naît une première vulnérabilité environnementale fondamentale. La trajectoire postsocialiste met à jour de nouvelles faiblesses structurelles relevant soit de l’attractivité touristique soit de l’instabilité des modes de gestion des stations. Ce travail nécessite de retracer les trajectoires d’évolution. Sur le plan des échelles spatio-temporelles, ces montagnes se caractérisent par différents rythmes d’évolutions et de recompositions des acteurs lors la phase de transition (1990-2002). Le terme trajectoire s’est aujourd’hui imposé en géographie pour décrire la dimension temporelle des processus de transformation (Maurel, 2009) et leurs facteurs discriminants : cycles d’aménagement small events, sentier de la dépendance, verrouillage, bifurcations (Bourneau in Vlès, 2016). Différentes approches des changements de système ont théorisé son usage, soit en comprenant les évolutions comme des étapes nécessaires au passage vers une situation souhaitée (théorie de la transition), soit en se montrant attentif aux différentes évolutions des systèmes et des institutions dans les mutations (théorie de la dépendance).

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 147

Dans l’étude de la vulnérabilité, il s’agit de repérer dans l’évolution historique de cette montagne les points d’inflexion conduisant à un équilibre société/environnement de plus en plus instable. L’analyse de diverses publications retraçant l’histoire (Bohuš, 1982, 2008, Marec, 2010) ou étudiant les tempêtes (Falťan, 2010, Kunca, 2006), de différents sites internet1, et des entretiens auprès de représentants des collectivités et auprès de chercheurs2, repère les niveaux de vulnérabilité passés, en remontant avant la période socialiste (cf. frise chronologique).

3 Afin de dégager les différentes phases de constitution de cette vulnérabilité, nous verrons d’abord comment cette montagne est exposée à des types de crises naturelles ou anthropiques aux rythmes différents. Il faut ensuite scander les différents pas de temps de la transformation territoriale liée au passage d’une économie sylvo-pastorale vers une mise en tourisme complète. La phase socialiste a produit une matrice spatiale nouvelle qui a transformé de façon décisive le rapport à l’environnement. Enfin, depuis vingt ans, la trajectoire suivie montre des recompositions territoriales très vulnérables aux aléas, fruit d’une l’évolution marquée par de nombreuses ruptures, tant des sociétés locales que du contexte naturel.

Les Tatras ouvertes à tous les vents

Petite et haute montagne

4 Les Tatras représentent un espace de « haute montagne » unique en Europe centrale. Ce massif partagé entre la Slovaquie (80 %) et la Pologne demeure de taille modeste (26 km de long sur moins de 10 de large). Les parties sommitales marquées par l’érosion glaciaire (lacs, formes d’accumulation) et les hauts sommets vigoureux (dix à plus de 2 500 m) sont directement associés à un rebord de plateau à 1 000 m, exposé au sud, alors que plusieurs vallées pénètrent profondément dans le massif (Tychá, Studená, Monková). L’absence de pré-chaîne offre une vue dégagée sur les bassins du Spiš et du Liptov et une forêt d’épicéas et de pins à crochet recouvre ces pentes vigoureuses. Par leur climat à la fois continental et montagnard, leurs paysages et leurs abrupts impressionnants, les Tatras offrent de vraies conditions de haute montagne : c’est bien « la plus petite des grandes montagnes », ainsi que l’on aime la présenter. C’est aussi la plus grande aire touristique de Slovaquie, même si d’autres régions ont des stations (Basses Tatras, Orava, Fatras…). Le rebord du plateau d’altitude est le plus développé sur le plan touristique avec plusieurs stations de ski ou thermales ; à l’est, la vallée de la Biela est polarisée par Ždiar (1 370 hab.) et la station de Bachdelová dolina, alors que la chaîne s’étire vers l’ouest où seule figure la station de Podbanské.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 148

Les infrastructures touristiques dans les Tatras slovaques

Réalisation : M. Lompech, 2018. Avec le service cartographie UMR Territoires.

Les cycles environnementaux et leurs crises

5 En 2004, la violence de la tempête – dénommée Alžbeta – et l’ampleur des dégâts ont frappé l’opinion qui y a vu la marque du changement climatique. Cet événement extrême s’explique par des conditions climatiques propres aux Tatras, où la circulation atmosphérique automnale accumule des masses d’air froid arctiques dans les longues vallées du versant nord. Leur rencontre avec l’air surchauffé de la partie sud engendre des vents violents auxquels aucun tapis végétal ne résiste, particulièrement ici où il est formé d’épicéas aux racines peu profondes.

6 La profondeur historique remet cependant cette crise en perspective et renseigne sur les aléas naturels que connaît cette montagne, leurs impacts et la réaction des acteurs locaux. Des tempêtes sont recensées depuis la première connue en 1898 : en 1915 autour de Dom Danielov, en 1925 à Podbanské, d’autres à la fin des années 1920. En 1941 un même phénomène provoque d’énormes dégâts dans les vallées de la Tichá et de la Koprová (320 000 m³ de chablis dans toutes les Tatras). En 1961 puis en 1999 et 2000, le vent renverse la forêt à Podbanské. Le régime des vents est donc un risque réel, facteur d’aléas dans cette montagne et inscrit la catastrophe de 2004 dans une continuité sérielle. On recense d’ailleurs quatre tempêtes depuis cette date3. Le régime torrentiel du réseau hydrographique produit d’autres aléas naturels. Ainsi, lorsqu’un abat d’eau centennal se déverse fin juin 1958 (200 mm/24 h.), les rivières sortent de leur lit, emportent ponts et maisons de bois, envahissent la gare de tramway de Tatranská Lomnica et inondent neuf communes du Liptov. De telles averses torrentielles sont fréquentes : Tatranská Lomnica en 1965, Podbanské en 1980. En 2008 les villageois de la partie basse de Ždiar se retrouvent sous les eaux de la Biela. Les Tatras forment donc un écosystème montagnard

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 149

spécifique, soumis à des crises environnementales qui constituent leur variabilité climatique. L’exposition de l’écosystème aux aléas se mesure aussi face à des risques d’origine anthropique, surtout les incendies dont le plus important s’est produit dans la vallée de la Koprová en 1941 : les flammes montent jusqu’à 1 800 mètres, se répandent sur les deux versants et 240 ha partent en fumée.

7 Si l’épicentre d’Alžbeta se situe à Vyšné Hágy, les dégâts s’étendent de Podbanské à Kežmarský Žľaby (12 600 ha, soit environ les deux tiers des forêts domaniales) ; le volume de chablis atteint 3 millions de m3. Son impact ne s’arrête cependant pas à cet épisode climatique. La gestion des travaux de sylviculture (traitement des chablis, replantations) sont au centre d’un conflit entre le Parc National TANAP et les propriétaires fonciers. En effet, l’insecte ravageur de l’épicéa, le bostryche typographe, prolifère sur les arbres à terre et à partir des hautes vallées, pourtant préservées par la tempête, mais le Parc interdit tout traitement insecticide ou ingénierie lourde à l’intérieur des périmètres sanctuarisés, privilégiant la régénération naturelle. Les dégâts dus au coléoptère seraient deux fois plus importants que ceux de la tempête puisque, depuis 2005, plus de deux millions d’arbres ont été affectés, alors que les plantations du TANAP entre 2004 et 2013 s’élevaient à cinq millions de plants4. Les syndicats de propriétaires forestiers dénoncent cette gestion qui prolonge indéfiniment la crise écologique et font remarquer que, si la régénération naturelle a peut-être fait ses preuves dans les forêts boréales de Sibérie ou du Canada, les Tatras ont de toutes autres dimensions et se retrouvent encore une fois au centre d’une question d’échelle.

8 La configuration territoriale des Tatras les expose donc à de graves crises environnementales, les phénomènes extrêmes du milieu naturel sont courants et relèvent de la variabilité climatique de la montagne. La généralisation de l’industrie touristique en altitude, sa construction en un espace de loisirs modifient la réception de ces risques. L’importance des investissements et l’image nationale des Tatras dans le pays, rendent la société plus sensible à ces risques. Après la tempête, les stations se relèvent entièrement dénudées et la reconstitution forestière demande du temps s’inscrit dans un pas de temps long, en contradiction avec les exigences de rentabilité des installations touristiques. La marque paysagère des stations est très nette et les conséquences de la tempête aggravent cet impact visuel.

De la montagne minière et aristocratique à la ville touristique

Les villages et la montagne

9 On ne trouvait pas d’habitat permanent dans ce milieu montagnard et forestier avant la construction des stations, les villages se situant sur le piémont, à une altitude assez basse. Ils sont tous d’origine allemande : Stará Lesná (Alt Walddorf), Gerlachov (Gearlsdorf), Mlynica (Milymbach), les colons allemands exploitant les ressources minières des Tatras depuis le Moyen-Âge. Au milieu du XIXe siècle, la paysannerie misérable grignote les versants par des défrichements pastoraux si bien que forestiers, directeurs d’établissements balnéaires et protecteurs de l’environnement demandent à l’État d’établir des périmètres de protection. Ce conflit dans les années 1930 prépare l’exclusion du pastoralisme du périmètre du Parc lorsqu’il fut créé en 1948. L’agriculture s’efface

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 150

alors de la montagne, au profit d’une zone à la fois réservée à la préservation des richesses naturelles et spécialisée dans la récréation et les loisirs.

Mise en tourisme et formes de vulnérabilité dans les Tatras slovaques

Conception M. Lompech, 2018. D'après Marec, 2010 ; http://www.lesmedium.sk/ ; http:// www.lesytanap.sk. Réalisation Julien Chadeyron.

10 Les villageois du piémont (Dolná Lesná, Stará Lesná, Veľká Lomnica) se mettent au service de ce tourisme naissant sur leurs hauteurs. Les paysans ouvrent des pistes, construisent les premiers refuges, dressent des cartes touristiques et guident les premiers alpinistes. À la fin de la guerre, toutes ces communautés allemandes connaissent l’exil (Pollák, Švorc, 2015) et les finages communaux sont amputés du tiers de leur superficie située en altitude. Le cycle multiséculaire de la montagne paysanne est rompu par cette déterritorialisation brutale qui impose des transferts de populations et un nouveau découpage de l’espace. Cette rupture impose une nouvelle étape dans la gestion de la montagne, centrée sur le tourisme et prise en charge par l’administration.

De la découverte à la ville touristique

11 Fin XIXe siècle, des excursionnistes venus de toute l’Autriche-Hongrie ouvrent les Tatras sur le monde extérieur. Starý Smokovec, Tatranská Lomnica et Štrbské Pleso sont à l’origine des localités balnéaires ou climatiques, avec hôtels et thermes, résidences d’été et pavillons de chasse, à destination d’une clientèle aristocratique. L’effondrement de l’Empire change cette logique d’isolat mondain construit sur des aménités naturelles et le décor montagnard. Ces stations de première génération amènent un autre regard et des usages de la montagne plus sensibles aux variations climatiques et au contexte politique5. Dès 1920, les directeurs des établissements de Tatranská Lomnica et Štrbské Pleso désirent obtenir l’autonomie municipale, afin d’améliorer le niveau d’équipement de leurs installations, et le nouvel État tchécoslovaque s’apprête à leur donner raison. Les communes du piémont étant d’un tout autre avis, la tension est forte entre « ces Messieurs des Bains » et les villageois, ces derniers leur reprochant de représenter davantage l’ancienne Haute-Hongrie que la Tchécoslovaquie et de chercher à se réserver un domaine sur leurs terres. Durant la décennie suivante un projet de loi sur les Tatras proposant une juridiction autonome dans les Tatras placée sous le contrôle du Ministère de la Santé, rencontre une semblable opposition (Bohuš, 2008). À la Libération, la prise de contrôle des pouvoirs locaux par des hommes associés à la lutte antifasciste et la liquidation des droits de propriétés des paysanneries allemandes changent la donne et marquent une bifurcation de la trajectoire montagnarde.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 151

12 En 1945 on crée une commune nouvelle dite des « Hautes Tatras », Vysoké Tatry, englobant tout le massif (404 km2) et à vocation urbaine (5 213 habitants en 1948), de la localité forestière de Javorina à la frontière polonaise jusqu’à Podbanské dans le Liptov, spécialisée dans l’activité balnéaire et accessoirement le tourisme. L’ouverture de la « Route de la Liberté » dans les années 1950 relie les localités dans une nouvelle unité d’aménagement. On assiste bien à une bifurcation de la trajectoire territoriale où l’ancien isolat touristique débouche sur une unique commune à vocation urbaine.

La protection de la nature

13 Le cycle de la protection de l’environnement montagnard se met en place au début du XXe siècle quand naît, après des tempêtes et des incendies, l’association des Carpates de Haute-Hongrie6 Uhorský karpatský spolok. La nouvelle République multiplie dans les années 1920 les réserves naturelles pour des espèces menacées (edelweiss, marmottes, chamois) dans certains secteurs (Kriváň, Popradské Pleso), interdit l’accès à certaines crêtes (Lomnický hrebeň) et restreint les droits de chasse. Les accords de Cracovie de 1924 7 envisagent la création d’un périmètre de protection de la faune et de la flore, embryon d’un parc national transfrontalier, une perspective qui déplaît fortement aux villageois du piémont. Les tensions politico-ethniques des années 1930 verrouillent cependant la situation dans le Spiš comme dans toute la Slovaquie, mais le départ des populations allemandes et le changement de régime favorisent la création du Parc National des Tatras (Tatranský Narodný Park, TANAP) en 1948. Si une politique de protection de l’environnement semble s’affirmer, il faut attendre dix ans pour qu’une une loi définit sa mission : « préserver tant la nature que le territoire des Tatras dans un état inaltéré ». Son premier directeur, un ingénieur forestier, fait obstacle aux différents projets d’aménagements, et est rapidement remercié et remplacé par une personne extérieure aux questions écologistes, qui s’entoure cependant d’une équipe compétente et finit par renoncer, tant sa mission parait impossible. La fonction est alors assumée directement entre 1950 et 1960 par l’Obecný Narodný Výbor (comité national communal), échelon administratif de base exerçant les pouvoirs locaux. La préservation de l’environnement est clairement conditionnée à l’objectif politique visant à bâtir une ville touristique. Ce small event infléchit sur le long terme la trajectoire de cette montagne en subordonnant les questions environnementales aux priorités touristiques.

Les « petites Alpes » habillées comme les grandes

14 Les Hautes Tatras deviennent le laboratoire du projet touristique socialiste. C’est le pas de temps principal, la phase de formation d’une matrice spatiale essentielle qui modifie le rapport à l’environnement, la vulnérabilité face aux crises et les possibilités d’évolution de la trajectoire territoriale. Le second président de la Tchécoslovaquie socialiste, Antonín Zapotocký (1953-1957), résume le projet collectiviste pour cette haute montagne : « aménager les Tatras afin qu’elles deviennent un lieu de joie, de bonheur et de repos pour les travailleurs et que leurs vallées se remplissent des rires des enfants » (Marec, 2015). Les dirigeants exploitent une faille juridique du décret instituant la ville nouvelle de Vysoké Tatry qui ne délimitait pas d’intravilan8, et font valoir en outre que la loi ne crée pas un territoire dépendant du Parc, mais seulement protégé par lui. Bien que la ville fût dépourvue de plan d’urbanisme, on construit des bâtiments selon un

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 152

régime de dérogation urbanistique qui finit par devenir la règle. C’est donc un cycle d’industrialisation touristique qui se met en place dans les deux dernières décennies du socialisme.

Une puissante matrice spatiale

15 Ces stations reposent sur un équipement sommaire, organisé autour d’une seule piste de ski, desservie par une unique remontée mécanique, avec une seule unité d’hébergement. La station la plus récente et en partie inachevée de Podbanské offre une épure : elle se réduit à deux hôtels situés aux deux bouts de la même piste de ski et séparés par un large espace non-bâti. Dans ce modèle les localités prennent la forme d’un parc linéaire. Cet urbanisme de loisir résulte d’opérations variées, en fonction des décisions de comités d’entreprises et des tractations entre décideurs. Ainsi s’explique l’absence de centre urbain, si ce n’est à Smokovec. Ces stations manquent d’une ambiance de villégiature et sont quelque peu dépourvues d’animation, surtout le soir où le manque d’harmonie architecturale transparaît de façon criante. L’architecture des années 1970 est en total décalage avec le milieu montagnard, imposant par exemple la pyramide de l’hôtel Panorama de Štrbské Pleso ou le cercle du Park de Nový Smokovec, un parallélépipède pour un supermarché, etc. En 1974, dans le cadre d’un meeting international, on inaugure, en contre-bas de Tatranská Lomnica, Eurocamp, une immense aire de plein air pouvant accueillir 6 000 personnes, 1 500 tentes et caravanes, plus des bungalows. Cette infrastructure « légère » se rajoute à des stations de ski médiocrement construites et déjà bien remplies.

16 Une autre caractéristique de ces stations tient à leur diversité fonctionnelle. On ne retrouve pas ici un modèle de développement touristique mono-spécialisé, mais un patchwork associant thermes, sanatoriums, équipements sportifs, hôtels et immeubles, même si une activité domine bien dans chaque station : sports d’hiver à Štrbské Pleso et Tatranská Lomnica, Podbanské, tourisme médical à Vyšné Hágy et de cure à Tatranská Polianka, thermalisme à Tatranská Kotlina, villégiature à Smokovec.

17 La planification interprète l’augmentation du nombre de visiteurs comme le résultat d’une montée en gamme, alors qu’elle ne traduit guère la valeur de l’offre, la clientèle étant largement captive, puisque issue du « Camp socialiste ». Les Allemands de l’Est ne pouvaient ainsi voyager qu’en Tchécoslovaquie et représentent certaines années jusqu’aux deux-tiers des visiteurs de Vysoké Tatry. Les Tchécoslovaques quant à eux, bénéficient d’hébergements sociaux d’entreprise, dont la fréquentation est indépendante de la qualité des prestations.

18 L’espace naturel, officiellement protégé par le parc, n’est en fait pas vraiment préservé. La planification l’envisage comme disponible pour les équipements utiles à l’intérêt collectif. Ainsi, pour créer des domaines skiables, on abat en 1956 la forêt primaire du Hrebienok, puis celle des pentes du Lomnický štít en 1959 et, dix ans plus tard, c’est l’une des dernières forêts de pins à crochet qui disparaît sur le versant du Solisko. De multiples remontées mécaniques sont par ailleurs déployées pour gagner les sommets : funiculaire (Hrebienok), téléphérique, télécabines (au Skalnaté pleso en 1971), nombreux télésièges et partout, on multiplie les équipements : hôtels de montagne autour des lacs Popradské pleso et de Velecké pleso, grand immeuble construit profondément à l’intérieur du Parc dans la vallée de la Monková (Tatras blanches).

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 153

19 L’inachèvement caractérise enfin ces espaces produits par l’économie planifiée. Les projections démographiques visant à créer une vraie ville étaient surévaluées et sont à peine à moitié atteintes, plusieurs équipements (patinoire, maison de la culture) ne seront jamais construits. Si les différents plans poursuivent l’urbanisation en altitude en augmentant les capacités d’accueil, ignorant les mesures de préservation, ils ne proposent rien pour les autres localités (Vyšné Hágy, Tatranská Kotlina), alors même que le thermalisme était à l’origine du statut urbain. Telle est la « matrice spatiale », à la fois colossale et déficiente, produite par une industrialisation touristique massive, qui marque de façon décisive la trajectoire des Hautes Tatras. Ce cycle d’aménagement apporte des réponses à court terme à la trajectoire structurante de mise en tourisme, mais accentue à long terme la vulnérabilité de la montagne aux aléas climatiques et la rend dépendante de la conjoncture économique extérieure.

Un espace montagnard saturé

20 Ces choix augmentent considérablement la capacité de charge touristique et massifient la fréquentation. L’été 1976, on enregistre ainsi des pics de trafic de 1 240 automobiles/ heure à Starý Smokovec, de 1 700 à Tatranská Lomnica. Quatre à cinq millions de personnes circulent annuellement à Vysoké Tatry, qui n’y viennent d’ailleurs pas forcément pour les beautés naturelles, mais souvent pour acheter des produits rares, parfois même une voiture !9 Les estimations doublent entre les années 1960 et 1980 : chaque jour 5 300 personnes montent à Skalnaté Pleso, 500 font l’ascension du Krivaň ou du Rysy, 23 500 montent quotidiennement en télésiège au sommet du Solisko (Richez, 1992). La période romantique du début du siècle où 7 à 8 000 personnes visitaient chaque année les Tatras est irrévocablement terminée.

21 Des mesures cherchent à restreindre ces flux. Dès l’automne 1980, l’administration du Parc ferme saisonnièrement l’accès aux chemins de randonnée, instaure des péages à l’entrée des vallées. On bloque la circulation à partir de l’Eurocamp, en proposant des navettes d’autocars, ce qui aboutit au paradoxe d’attirer des caravaniers, pour les empêcher ensuite d’utiliser leur véhicule... En 1987, on souhaite interdire la circulation automobile, par une tentative désespérée face au chaos dans lequel se retrouve l’ensemble du Parc National. La situation est donc devenue ingérable et l’aménagement montagnard fournit un exemple des multiples incohérences spatiales du système socialiste, une des causes de son effondrement final.

La petite montagne dans le grand marché des loisirs

La montagne démantelée

22 La transition économique se déroule à Vysoké Tatry selon la chronologie des opérations de privatisation en Tchécoslovaquie. Les opérations de vente des grands établissements ont lieu lors de la grande privatisation de 1992 ou de gré à gré (gouvernement de Vladimír Mečiar, 1992-1996) et la majeure partie des transactions s’effectue entre cadres dirigeants résidant à l’extérieur des Tatras et éloignés du secteur touristique. Ces manœuvres financières conduisent à un partage désorganisé des hôtels et des installations entre de nouveaux dirigeants et des investisseurs auto-proclamés qui, en- dehors des réseaux leur ayant permis de remporter les appels d’offre, ne disposent

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 154

d’aucun fonds, ni d’expérience managériale dans le tourisme et pas d’avantage de véritable projet. La transition économique impose une nouvelle bifurcation de la trajectoire de la montagne. L’absence d’une population résidente ayant tissé des liens anciens avec le territoire affaiblit ses capacités de réaction aux chocs de la transition. Ces modalités de privatisation expliquent l’attentisme et la dégradation de certaines installations, conformément au ralentissement de la trajectoire de la transition slovaque entre 1993 et 1999, accentuée par l’effondrement du pouvoir d’achat et l’apparition de destinations concurrentes (Fatras, Orava, Autriche). Le modèle économique construit autour du monopole de « haute montagne » à l’intérieur du Bloc socialiste s’effondre dans un monde ouvert et même la clientèle slovaque peut faire défaut, Bratislava se trouvant à égale distance des Tatras et des vallées alpines autrichiennes mieux équipées et aux domaines skiables bien plus étendus : les Tatras s’avèrent finalement peu compétitives. Cette faible attractivité rend évident dans la trajectoire socio-économique un effet de verrouillage : les acteurs du tourisme doivent gérer des espaces montagnards dégradés, des équipements peu rentables et placés dans un enchevêtrement de contentieux (urbanisme dérogatoire, présence d’une ville dans un Parc national, restauration des droits de propriété, de l’autonomie communale).

Friches en montagne

23 Cette phase d’incertitude s’accompagne de phénomènes de dégradation révélant la faible compétitivité de ce modèle d’industrialisation touristique, très vulnérable dans le monde concurrentiel et ouvert de l’économie de marché. De nombreuses structures sont abandonnées en raison de procédures de privatisation non réglées : hôtel Stavbar à l’entrée de Tatranská Štrba, hôtel MS 70 à Nový Smokovec, Kupelný Dom et supermarché Prior à Tatranská Lomnica... Évoquons enfin l’Eurocamp : l’économie de marché lui porte un rude coup en faisant chuter sa fréquentation en même temps qu’elle augmente ses frais d’entretien. Lors du nouveau rassemblement qui attire 5 000 caravaniers en 1992, le réseau routier se révèle incapable d’absorber le flux d’automobiles : c’est le clap de fin pour cette aire et de l’illusion qu’il existât un aménagement intégré des Tatras répondant à une conception d’ensemble. En lieu et place, on lotit certains emplacements de maisons et de chalets, dans un autre secteur un promoteur irlandais ouvre un golf et développe un projet futuriste d’« immeubles de montagne » qui, soit restent à peu près inoccupés, soit n’ont de réalité que sur les panneaux des agences immobilières. Le reste constitue une friche touristique. Ces formes de « vacances des lieux » (Bachimon, 2013) parsèment la montagne et rappellent les multiples ruines héritées de choix de localisation erronés, de logiques fonctionnelles surdimensionnées ou oubliées du socialisme. Résultats d’une transition disruptive, ces friches ternissent à la fois l’image du Parc national protégeant la nature et la recherche d’une notoriété de station prestigieuse de haute montagne.

Rénover, reclasser, repousser

24 La tentation est forte pour les investisseurs de combler les espaces non construits. Or Vysoké Tatry se situe à l’intérieur du Parc et les nouveaux projets nécessitent des dérogations. La relance actuelle du bâti existant passe par des opérations immobilières organisant la copropriété (hôtels transformés en immeubles résidentiels) et la réhabilitation du parc hôtelier comme à Smokovec et Tatranská Lomnica. Pour palier l’insuffisance des parkings, compenser la faible offre de services, améliorer le

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 155

fonctionnement des pistes de ski, il faut corriger tout un ensemble de détails qui, combinés, font une station moderne.

25 Il ne peut cependant y avoir de conception intégrée du tourisme et de son aménagement sans outils urbanistiques adaptés. Il faudrait donc revoir le classement du TANAP et définir un intravilan pour Vysoké Tatry, ce qui permettrait de sortir du régime urbanistique de la dérogation et simplifierait les opérations de réhabilitation. Mais cela reviendrait à entériner l’existant et à interdire toute extension future ! Depuis qu’un nouveau zonage est à l’étude, plusieurs ministres se sont succédé au portefeuille de l’Environnement mais, en attendant, les promoteurs semblent avoir carte blanche pour urbaniser le bas du versant situé hors zone de protection du parc. La constitution d’une bulle immobilière est évidente dans l’extension des espaces bâtis, autour de complexes touristiques récents (golfs, piscines, installations d’hébergement) et des lotissements pavillonnaires qui absorbent les villages du piémont. Une pareille expansion immobilière s’observe à Smokovec et à Lomnica qui se développent à un rythme bien supérieur à celui de leur croissance démographique. Le cycle de la construction, un temps ralenti, reprend, mais ne tient toujours pas compte de la durabilité de l’écosystème montagnard.

26 Le parc a également pour mission de préserver une faune sauvage d’une grande richesse (chamois, lynx, loups, ours) mais gérer leur présence dans cet espace où urbanisation et réserve naturelle se mêlent est délicat. L’ours pose le plus de difficultés : il y en aurait 138 dans les Tatras. Cette situation provoque leur accoutumance à l’homme (« philanthropisation » pour les zoologues) et ils rôdent aux abords de Vysoké Tatry, se nourrissent des poubelles alors que les touristes s’en approchent, non sans risque ! Des brigades du TANAP interviennent pour les repousser et les habitants souhaitent enclore leur maison pour éviter ces incursions, ce qui changerait la physionomie des quartiers résidentiels. La protection de la faune s’avère délicate en univers urbain !

Jeux d’acteurs dans les Hautes Tatras

27 La trajectoire de transformation met donc en présence plusieurs acteurs intervenant dans cette montagne à la fois parc naturel, aire récréative et lieu de résidence. Leurs actions peuvent converger, lorsque des opérateurs financiers investissent dans les stations, ou quand des municipalités (Štrba, Vysoké Tatry) cherchent à se réapproprier la compétence touristique. Elles peuvent aussi diverger sur leur conception de la planification du massif et produire des conflits. Les défenseurs de la nature, essentiellement des ONG, peuvent désormais se faire entendre lors de nouveaux projets touristiques. En face, les investisseurs ont des programmes immobiliers et récréatifs pour tout le territoire du Parc et sa périphérie : complexes hôteliers, golfs, restaurants, modernisation et agrandissement des domaines skiables. Parmi ceux-ci, on compte inévitablement la puissante holding slovaque J&T qui, par l’intermédiaire de sa filiale Tatry Mountain Resorts, est aujourd’hui le principal opérateur des stations. Elle a ainsi racheté les principales remontées mécaniques, une partie du parc hôtelier et diverses installations récréatives. Ce groupe a mis fin en partie aux problèmes de compétence gestionnaire et aux insuffisances des investissements de la transition économique, mais a érigé un quasi monopole qui entre dans le jeu aux côtés du TANAP et de la ville de Vysoké Tatry.

28 Faire cohabiter des infrastructures touristiques avec les exigences de préservation s’avère bien compliqué, car le domaine skiable est situé dans les périmètres à plus haute

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 156

protection du Parc national. Moderniser les infrastructures sportives sans étendre leur emprise n’est pas possible. À Tatranská Lomnica, Tatry Mountains Resorts a entièrement rénové les pistes en agrandissant les couloirs de descente équipés de canons à neige, un nouveau matériel augmentant la capacité de la télécabine. À Smokovec il cherche à étendre le domaine skiable en interconnectant les vallées du Hrebienok jusqu’au Skalnaté Pleso par-dessus la vallée de la Studená, au moyen d’un nouveau téléphérique. À Štrbské Pleso on envisage également de nouvelles pistes, pour le slalom (elle descendrait du lac à travers la forêt) et la descente. Dans chacun de ces projets, il faudrait couper des arbres et obtenir directement l’aval du ministère de tutelle du TANAP, donc pouvoir intervenir dans la sphère politique nationale. L’importance de la holding J&T en Slovaquie peut faire avancer ces projets.

Territoire de jeux

29 La grande tempête de 2004 a constitué un point de rupture dans la fréquentation des Tatras comme un espace naturel protégé par un parc national. Les aménités naturelles, si peu respectées par la massification touristique, se transforment progressivement en aires ludiques, du fait de la multiplication des installations légères. La trajectoire d’une mise en tourisme totale paraît s’emballer pour maintenir des niveaux élevés de fréquentation et garantir la rentabilité des stations. Comment insérer ces évolutions dans une logique de management durable ? Car l’offre est surabondante : un ours géant accueille les randonneurs au pied du Rysy, les tambours grondent trois heures durant à Štrbské Pleso pour les « Nuits des Tatras » et on sculpte la glace du dernier glacier au refuge de Téry chata... Plus loin, on propose aux touristes de monter au Hrebienok en trottinette, à cheval ou en poney, on lance des toboggans et des bateaux gonflables sur les lacs. Là où on avait construit des logements pour une population permanente, il y a désormais des appartements fermés que leurs nouveaux propriétaires n’occupent que pour la saison de ski. Des agences organisent l’ascension du Gerlach ou proposent de passer la nuit dans un appartement de luxe sur le Lomnický štít. La montagne résonne désormais du vrombissement des quads, et des hôtes VIP jouent au polo sur le lac gelé de Štrbské Pleso. On voit d’énormes engins forestiers circuler sur les routes où seuls se promenaient jadis les patients des sanatoriums, des friches touristiques tomber en ruine, un camion exporter le bois des arbres morts, dernière richesse des Tatras. Au milieu de tout cela, les derniers habitants permanents n’ont plus conscience de vivre dans un Parc national, et approuvent ainsi sa transformation en « luna-park » (Marec, 2010).

Conclusion

30 En faisant chuter la forêt, la grande tempête de 2004 a mis à nu l’incohérence de la gestion de l’environnement montagnard dans les Tatras. On a pensé l’aménagement des « Alpes de poche » comme celui des grandes ‑peut-être mythifié –, et le désenchantement s’est installé devant la dégradation de l’environnement, l’incapacité des infrastructures à absorber les flux touristiques et le désordre créé par la privatisation. Six des sept facteurs

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 157

génériques de vulnérabilité10 dégagés par Alexandre Magnan (Magnan, 2012) paraissent adaptés pour résumer dans un cadre analytique les trajectoires de cette montagne : 1. Du fait de sa configuration physique « la plus petite des grandes montagnes » est bien étroite pour accueillir une ville, des masses de touristes, de multiples activités et des espaces naturels protégés. 2. Les Tatras sont directement exposés aux aléas naturels, en premier lieu aux tempêtes. En raison de la masse (18 000 ha) de sa couverture monospécifique, cette forêt est rendue très sensible à cet aléa. Les débats sur la gestion sylvicole démontrent une fragilité supplémentaire de l’écosystème montagnard. 3. Les liens traditionnels entre les villages du piémont et la montagne ont été brisés par différentes formes de déterritorialisation (déplacement de population, restructuration communale, urbanisation). La restauration des collectivités locales et des droits de propriétés ne parvient pas à pacifier les rapports entre la société locale et son espace montagnard. 4. De cette modification du peuplement résulte un affaiblissement de la culture du risque naturel parmi les acteurs du tourisme où les Tatranci (les natifs des Tatras) sont peu nombreux. 5. La mono-activité touristique rend l’économie montagnarde dépendante du contexte extérieur. Un aménagement touristique incohérent, des paysages saccagés, les crises (l’adoption de l’euro qui renchérit la destination, la crise financière de 2008) affectent leur attractivité. 6. La gouvernance du massif s’organise en un jeu d’acteurs comprenant des collectivités locales restaurées (Vysoké Tatry), des instances gouvernementales (TANAP, l’administration des forêts domaniales - Štatné lesy), des groupes de pression (défenseurs de l’environnement, propriétaires forestiers) et un nombre restreint mais puissant d’intervenants touristiques ( J&T, des groupes hôteliers, des investisseurs privés).

31 S’ajoutent d’autres facteurs propres aux trajectoires de transformation post-socialiste : le retour des propriétaires, des privatisations qui débouchent sur d’autres monopoles, la faible compétitivité du système productif mis en place, des formes de décapitalisation coexistant avec un effet de bulle immobilière. L’implantation d’une ville à l’intérieur d’un parc se révèle une catastrophe écologique marquant une étape irréversible. Aucun nouveau modèle de développement touristique n’émerge, tant la matrice spatiale de mise en coupe du cadre montagnard dépend d’un « effet de sentier » dont on ne peut se dégager.

BIBLIOGRAPHIE

Bachimon P., 2013.– Vacance des lieux, Belin, collection Mappemonde.

Bohuš I., 1982.– Osudy tatranských osád, Martin.

Bohuš I., 2008.– Premeny Tatranských osád, I&B.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 158

Falťan V., Pazúrová, Z., 2010.– « Hodnotenie poškodenia vegetácie veternou kalamitou na rôznych typoch geotopov v okolí Danielovho domu (Vysoké Tatry) », Geografický časopis, vol. 62, n ° 1, p. 75-88.

Magnan A., Duvat V., Garnier E., 2012.– « Reconstituer les " trajectoires de vulnérabilité " pour penser différemment l’adaptation au changement climatique », Natures Sciences Sociétés, 20, pp. 82-91.

Marec A., 2010.– Tatranské (dez)ilúzie, VMS.

Kunca A., Zúbrik M., 2006.– Vetrová kalamita z 19 novembra 2004, Národné lesnícke centrum vo Zvolene

Maurel M-C., 2009.– « Penser l’historicité des territoires », in Alain Berger et alii, Héritages et trajectoires rurales en Europe, L’Harmattan, collection « Logiques sociales », pp. 21-40.

Pollák M., Švorc P., 2015.– Spišské Exody v 20. storoči, Kalligram.

Richez G., 1992, Parcs nationaux et tourisme en Europe, L’Harmattan, col. Tourisme et Sociétés.

Vlès V., Bouneau C., 2016.– Stations en tension, Peter Lang.

NOTES

1. Surtout celui de TANAP (lesytanap.sk), de la ville de Vysoké Tatry, du centre de recherche en ingénierie forestière (nlcsk.sk), la revue forestière lesmedium.sk. 2. Les informations ont été recueillies lors de trois séjours d’enquête de terrain effectués en 2016 auprès des mairies de Vysoké Tatry, Štrba et Prybilina, du TANAP, de collègues géographes et sociologues slovaques. L’entretien que nous avons eu avec Anton Marec ancien guide de montagne devenu écrivain, nous a beaucoup appris. Qu’il en soit ici remercié. 3. http://www.lesmedium.sk/casopis-letokruhy/2014/letokruhy-2014-07/ake-vyznamne- kalamity-v-poslednych-rokoch-postihli-nase-lesy, en dresse l’inventaire. 4. Source : http://www.lesytanap.sk/sk/lykozrutova-kalamita-v-tanape 5. Au début du XXe le comte Hohenlohe constitue un grand domaine dans les Tatras ayant en autres pour finalité la conservation de la ressource forestière et la préservation du milieu naturel (source : https://sk.wikipedia.org/wiki/Christian_Hohenlohe) 6. Nom de la Slovaquie à l’époque de l’Empire austro-hongrois. 7. Accord bipartite polono-tchécoslovaque de 1924 qui règle des litiges frontaliers. 8. Ce terme désigne depuis les premiers cadastres mis en place sous le règne de Marie-Thérèse, la zone bâtie du village et les parcelles attenantes. 9. Le statut urbain de Vysoké Tatry lui permettait d’offrir des commerces rares dans le reste de l’économie administrée, entraînant d’importants flux de consommation. 10. En écartant « les conditions de vie de la population » qui ne paraissent pas adaptées à la situation des montagnes européennes.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 159

RÉSUMÉS

La tempête exceptionnelle Alžbeta (Elizabeth) du 19 novembre 2004 détruisit les deux-tiers de la forêt des versants des Tatras slovaques, dévoilant l’ampleur de l’urbanisation et des aménagements à l’intérieur du Parc national. Si la mise en tourisme de ce massif a débuté au milieu du XIXe siècle, différentes phases au cours du XXe ont accéléré la transformation du cadre montagnard en un espace urbain et récréatif, très sensible aux aléas naturels et aux renversements géopolitiques. L’article présente les phases de cette trajectoire et les facteurs rendant cette montagne de plus en plus vulnérable.

The extraordinary storm Alžbeta (Elizabeth) of 19 November 2004 destroyed two-thirds of the forest on the slopes of the Slovakian Tatras, unveiling the extent of urbanisation and construction within the National Park. Although tourism in this mountain range started in the mid-19th century, different stages over the course of the 20th century accelerated the transformation of the mountainous surroundings into an urban and recreational area. This area is highly sensitive to natural hazards and geopolitical changes. This article presents the stages of this trajectory and the factors that make these mountains increasingly vulnerable.

INDEX

Mots-clés : transition, Tatras, aménagement touristique Keywords : transition, Tatras, tourist development

AUTEUR

MICHEL LOMPECH

Université Clermont-Auvergne, UMR Territoires [email protected]

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 160

Disenchantment in the Tatras. The Vulnerability of the “Pocket Alps” (Slovakia)

Michel Lompech

1 On 19 November 2004, a violent storm struck the Slovakian slopes of the Tatras. Once stripped, the slopes revealed a variety of stations and unveiled the scars of ski slopes on the landscape. However, this catastrophe, beyond being an environmental crisis, revealed the significant vulnerability of this mountain range, which is popular with tourists, and the apparent fragility of these “pocket Alps”. One hypothesis claims that the area’s vulnerability to hazards is, above all, due to development, both societal and natural (Magnan, 2012) and the dimensions of vulnerability that may be structural, economic, social or institutional (George-Marcepoil in Vlès 2016). This outline can be transposed onto the trajectory of the Tatras, in the context of specific high mountains in Central Europe marked by the rise and fall of political regimes. During the communist period, the appearance of mass tourism in a national park created an unprecedented spatial matrix that made a decisive change to the connection with the mountainous environment; this led to the first fundamental environmental vulnerability. The post- communist years modernised new structural weaknesses resulting from the attractiveness of the tourist destination or from the instability of station management methods. This work requires a recounting of the path of development. On a spatial- temporal level, these mountains are characterised by different paces of development and the rearrangement of actors during the transition stage (1990-2002). The term trajectory is currently used in geography to describe the temporal dimension of the transformation process (Maurel, 2009) and the discriminating factors : planning cycle, small events, path dependency, locking effect, changes of direction (Bouneau, 2016). Different approaches of changing systems have theorised its use, either in understanding the developments as necessary stages towards a desired situation (transition theory), or with regard to the different developments of systems and institutions in the changes (dependency theory). In the vulnerability study, it is a question of locating, across the history of this mountain range, the inflection points that led to an increasingly unstable societal/environmental

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 161

balance. Analysing a variety of publications that trace the history (Bohuš, 1982, 2008, Marec, 2010) or study storms (Falťan, 2010, Kunca, 2006), various websites1 and interviews with representatives of communities and other researchers2 identifies the past levels of vulnerability going back to before the communist period (cf. timeline).

2 In order to identify the different stages of the formation of this vulnerability, we initially looked at the ways in which the mountain range is exposed to types of natural or man- made crises at different paces. It was then necessary to review the various moments in the territorial transformation linked to the transition from an agroforestry economy to a fully-fledged tourist destination. The communist period created a new spatial matrix that made a decisive change to the relationship with the environment. Lastly, 20 years ago, the trajectory followed showed a rearrangement of the region, which is extremely vulnerable to hazards, caused by evolution marked by a number of ruptures, both of a societal and natural context.

The Tatras exposed to all the elements

Small and high mountains

3 The Tatras make up a “high mountain” region unique to Central Europe. This mountain range, shared between Slovakia (80%) and Poland, is of a modest size (26 km long by less than 10 km wide). The summit areas affected by glacial erosion (lakes, forms of accumulation) and high summits (ten of which are higher than 2,500 m) are directly linked to the edge of a plateau at 1,000 m that is exposed to the south, while several valleys go deep into the mountainous area (Tychá, Studená, Monková). The lack of a chain in front offers a clear view of the Spiš and Liptov basins and the thick forests of spruces and mountain pines that cover these slopes. With its both continental and mountainous climate, landscapes and impressive peaks, the Tatras offer real “high mountain” conditions. They truly are “the littlest large mountains”, as they are also fondly known. It is also the largest tourist area in Slovakia, although other regions have stations (Low Tatras, Orava, Fatras...). The edge of the plateau is the most developed on the tourist map with several ski and spa stations, while to the east, the Biela valley is characterised by Ždiar (1,370 inhabitants) and the Bachdelová dolina station, while to the west, the chain stretches out to the lone figure of Podbanské station.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 162

Tourism infrastructure in the Slovak Tatras

Realisation : M. Lompech, 2018. With UMR Territoires mapping service, 2018.

The environmental cycles and their crises

4 In 2004, the violence of storm Alžbeta and the extent of the damage caught the attention of those who saw this as a sign of climate change. This extreme event can be explained by the Tatras’ own climate conditions, where the autumn atmospheric circulation accumulates masses of cold Arctic air in the long valleys of the northern slopes. This meets the overheated air from the south, creating violent winds that no mass of flora could withstand, especially here where it is made up of spruces with shallow roots.

5 However, the depth of the region's history put this crisis in perspective and provided information on the natural hazards native to these mountains, their impact and the responses of local stakeholders. Storms have been recorded since the first known one in 1898: in 1915 around Dom Danielov, in 1925 at Podbanské and others at the end of the 1920s. In 1941, a similar phenomenon caused huge damage in the Tichá and Koprová valleys (320,000 m3 of uprooted trees across all the Tatras). In 1961, then 1999 and 2000, wind bowled over the forest at Podbanské. Therefore, the speed of wind is a real risk and a hazard factor in these mountains and the catastrophe of 2004 is one of a continuing series. Four storms have been recorded from this date3. The torrential rain in the river network also presents other natural hazards. In addition, during a downpour that fell at the end of June 1958 (200 mm/24 hours), rivers burst their banks, carrying away bridges and wooden houses, submerging the Tatranská Lomnica tram stop and flooding nine communities in Liptov. This kind of torrential rain is a frequent occurrence: Tatranská Lomnica in 1965, Podbanské in 1980. In 2008, villagers in the lower part of Ždiar found themselves under the waters of the Biela river. The Tatras thus form a specific mountain ecosystem subjected to the environmental crises that make up its varied climate. The

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 163

ecosystem’s exposure to hazards also includes man-made risks, primarily fires, the largest of which happened in the Koprová valley in 1941. The flames reached up to 1,800 m, spread across the two slopes and 240 ha went up in smoke.

6 Although the epicentre of Alžbeta was at Vyšné Hágy, the damage reached from Podbanské to Kežmarský Žľaby (12,600 ha, around ⅔ of national forest); there were 3 million m3 of uprooted trees. However, its impact did not stop at this climatic event. The management of silviculture work (treatment of uprooted trees, replanting) is at the centre of conflict between TANAP National Park and property owners. The European spruce bark beetle, which is harmful to spruces, multiplies in the trees on the ground and high valleys that were preserved by the storm. However, the park forbids all treatment using insecticide or heavy engineering within the sanctuary areas, giving an opportunity for natural regeneration. The damage caused by the beetles was twice that caused by the storm. Since 2005, more than 2 million trees have been affected, despite TANAP having planted 5 million plants between 2004 and 20134. Forest landowner associations condemn this management that is prolonging indefinitely the ecological crisis. They also note that, even if natural regeneration can be observed in the northern forests of Siberia or Canada, the Tatras are of a completely different nature and it once again becomes a question of scale.

7 The territorial structure of the Tatras therefore exposes the area to serious environmental crises. Extreme natural phenomena are ongoing and show the varied climate of the mountains. The generalisation of the tourist industry in the mountains and its construction in a recreational space changed the response to these risks. The importance of investments and the national image of the Tatras in the country increased public awareness of these risks. After the storm, the stations were entirely bare and the recreation of the forest required a long period of time, in contradiction with the profit demands of the tourism-related facilities. The mark of stations on the landscape is very clear and the aftermath of the storm intensified this visual impact.

From mining and aristocratic mountains to a tourist town

Villages and the mountains

8 Before the construction of the stations, there were no permanent habitats in these mountainous and forest surroundings and villages were located in the foothills at a fairly low altitude. They were all originally German: in Stará Lesná (Alt Walddorf), Gerlachov ( Gearlsdorf), Mlynica (Milymbach), German colonies had been exploiting the mineral resources of the Tatras since the Middle Ages. In the mid-19th century, the unfortunate farmers eroded the slopes with both pastoral and forest clearings to such an extent that the managers of spa resorts and protectors of the environment asked the state to establish protected areas. This dispute in the 1930s prepared for the exclusion of pastoralism to the edge of the park, which was established in 1948. Agriculture thus faded from the mountains in favour of a zone that was both protected to preserve natural richness and specialising in recreation and leisure.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 164

Tourism and forms of vulnerability in the Slovak Tatras

Design by M. Lompech, 2018, (from Marec, 2010 ; http://www.lesmedium.sk/ ; http:// www.lesytanap.sk). Execution Julien Chadeyron.

9 The villages of the foothills plateau (Dolná Lesná, Stará Lesná, Veľká Lomnica) worked for this tourism industry that appeared at their altitude. The farmers opened ski slopes, built the first lodges, drew tourist maps and guided the first mountaineers. At the end of the war, all of these German communities were exiled (Pollák, Švorc, 2015) and the village communities were reduced to a third of their size up in the mountains. The age-old cycle of mountain farming was broken by this brutal deterritorialisation that required the movement of populations and a new division of space. This rupture established a new stage in managing the mountains that was focused on tourism and run by the government.

From discovery to the tourist city

10 At the end of the 19th century, tourists came from all over Austria-Hungary, opening up the Tatras to the outside world. Starý Smokovec, Tatranská Lomnica and Štrbské Pleso were originally spa and climatic localities with hotels and spas, summer residences and hunting lodges with an upper class clientele. The collapse of the empire changed this sense of societal isolation built on natural resources and the mountainous setting. These first-generation stations took another view and uses of the mountains became more sensitive to climatic and political changes5. In 1920, the directors of the Tatranská Lomnica and Štrbské Pleso establishments wanted to be independent of the municipality in order to improve the level of equipment at their facilities and the new country of Czechoslovakia was prepared to rule in their favour. With the communities of the foothills being of an entirely different opinion, there was considerable tension between “these spa gentlemen” and the villagers. The latter reproached them for resembling the old Upper Hungary rather than Czechoslovakia and for looking to keep property on their lands. In the following decade, a bill on the Tatras suggested an autonomous jurisdiction in the Tatras that would be placed under the control of the Health Ministry and was met with similar opposition (Bohuš, 2008). After the Liberation, men linked to the anti-fascist fight took control of local power and liquidated the ownership rights of German farmers, changing the order and marking a junction in the mountains’ trajectory.

11 In 1945, a new community called “High Tatras”, Vysoké Tatry, was created in the Javorina forest locality, stretching from the Polish border to Podbanské in Liptov. This encompassed the entire area (404 km2) and included an urban element (5,213 inhabitants in 1948). This area specialised in spa activities as well as tourism. The opening of the

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 165

“Road of Liberation” in the 1950s linked the localities into a new management unit. This made a signification contribution to a bifurcation in the territorial trajectory where the formerly isolated tourist area became a unique urban town.

Protecting nature

12 The cycle of protecting the mountain environment was put in place at the start of the 20th century with the establishment of the Carpathians of Upper Hungary Association6 ( Uhorský karpatský spolok) after storms and fires. Throughout the 1920s, the new republic increased natural reserves for threated species (edelweiss, marmots, chamois) in certain areas (Kriváň, Popradské Pleso), forbidding access to certain ridges (Lomnický hrebeň) and restricting hunting rights. The Cracow agreements of 19247 planned the creation of a protected area for flora and fauna, which was the beginnings of a cross-border national park and a prospect that greatly displeased the farmers living in the foothills. However, the politico-ethnic tensions of the 1930s stopped the situation in the Spiš and all of Slovakia, while the departure of German populations and the regime change favoured the creation of the Tatras National Park (Tatranský Narodný Park, TANAP) in 1948. Although it seemed like an environmental protection policy was going to be confirmed, it was a ten- year wait until a law defined its mission: “to preserve nature and the Tatras region in an unaltered state”. Its first director, a forestry engineer, was an obstacle to various development projects and was quickly dismissed and replaced by someone outside of ecological issues who nevertheless surrounded himself with a competent team and finished by giving up because his mission appeared impossible. Between 1950 and 1960, the function was then carried out directly by the Obecný Narodný Výbor (national community committee), an administrative level that exercises local powers. The preservation of the environment was clearly conditional on the political goal of building a tourist town. This small event had a long-term influence on the trajectory of these mountains by making environmental decisions depend on the priorities of the tourism industry.

The “pocket Alps” dressed up as the big ones

13 The High Tatras became the laboratory for a communist tourism project. This was the main moment, the period of creating a vital spatial matrix that altered the relationship with the environment, vulnerability in the face of crises and the development possibilities in the region’s trajectory. The second president of communist Czechoslovakia, Antonín Zapotocký (1953-1957), continued the collectivist project for these high mountains “to manage the Tatras so that they become a place of joy, happiness and relaxation for workers and their valleys are filled with the laughter of children” (Marec, 2015). Officials exploited a legal loophole in the decree to establish the new town of Vysoké Tatry, which was not defined by limits8 and also asserted that the law did not create an area dependent on the park, but only protected by it. Although the town was deprived of town planning, buildings were constructed according to a system of urban derogation that eventually became the standard. It was therefore a cycle of tourism-related industrialisation that was put in place during the last twenty years of communism.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 166

A powerful spatial matrix

14 These stations were based on basic equipment and organised around a sole ski slope served by a single mechanical lift and one option for accommodation. The most recent, and partially incomplete, station at Podbanské offers a more simple option: it has been reduced to two hotels located at two ends of the same slope and separated by a large undeveloped space. In this model, the localities take the form of a linear park. This leisure-based urbanisation resulted in a variety of operations according to the decisions of works councils and negotiations between decision-makers. This explains why there is no urban centre, if it is not at Smokovec. These stations do not have a holiday atmosphere and are somewhat devoid of activity, particularly in the evening, when the lack of architectural harmony is particularly noticeable. The architecture of the 1970s is completely out of step with the mountainous surroundings, resulting in the building of, for example, the pyramid-shaped Panorama hotel in Štrbské Pleso or the circular Atrium Hotel in Nový Smokovec and a parallelepiped for a supermarket, etc. In 1974, as part of an international gathering, the huge open-air Tatranská Lomnica Eurocamp site was set up further down to host 6,000 people, 1,500 tents and caravans, plus chalets. These tourism amenities were a complementary addition to the ski stations that were of middling quality and already full.

15 Another feature of these stations was their range of functions. Here, the development model for tourism did not specialise in one area, but catered to a wide range including thermal baths, sanatoriums, sports facilities, hotels and buildings, even if one activity dominated each station: winter sports at Štrbské Pleso, Tatranská Lomnica and Podbanské, medical tourism at Vyšné Hágy and therapy tourism at Tatranská Polianka, spas at Tatranská Kotlina and holidaying in Smokovec.

16 The planning stage interpreted the increase in the number of visitors as the result of an upgrade, although it could hardly be attributed to the value of the offer, with the clientele largely being captive and from the Communist Bloc. In addition, East Germans could travel only to Czechoslovakia and represented up to two-thirds of the visitors to Vysoké Tatry for a number of years. As for citizens of Czechoslovakia, they had the option of social accommodation initiatives, visits to which were not linked to the quality of service.

17 The natural space, officially protected by the park, was not in fact actually conserved. The planning considered it available for facilities that would be useful for the collective interest. Furthermore, to create areas for skiing, the old-growth forest of Hrebienok was cut down in 1956, then the forest on hills of Lomnický štít in 1959 and, ten years later, one of the last forests of mountain pines disappeared from the side of Solisko. In addition, a number of mechanical lifts were set up to reach the summits: funicular (Hrebienok), cable cars, gondolas (at Skalnaté pleso in 1971), various ski lifts and the number of facilities increased everywhere: mountain hotels around the Popradské pleso and Velecké pleso lakes, large buildings constructed deep within the interior of the park in the Monková valley (White Tatras).

18 The unfinished state is characteristic of these spaces that were the result of a planned economy. The demographic forecasts that aimed to create a real town were overestimated and are barely half completed, with several facilities (ice rink, palace of culture) never being built. Although the various plans continued the urbanisation of the

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 167

mountains by increasing its capacities for visitor numbers while ignoring conservation measures, they had no proposals for other localities (Vyšné Hágy, Tatranská Kotlina), even though spas were the origin of its urban development. Such is the “spatial matrix”, both colossal and deficient, produced by massive tourist industrialisation that had a decisive impact of the trajectory of the High Tatras. This cycle of development brought short-term responses to the trajectory built from tourism but accentuated in the long term the mountains’ vulnerability to weather hazards and rendered them dependent on the external economic situation.

A saturated mountain space

19 These choices considerably increased the capacity for tourism and mass-market visits. In the summer of 1976, peak traffic was 1,240 vehicles an hour at Starý Smokovec and 1,700 at Tatranská Lomnica. Four to five million people drove to Vysoké Tatry every year, coming not necessarily for the natural beauty but often to buy rare products, sometimes even a car!9 Estimates doubled between 1960 and 1980: every day, 5,300 people climbed Skalnaté Pleso, 500 made it to the top of Krivaň or Rysy and 23,500 took the chairlift to the top of Solisko every day (Richez, 1992). The romantic period at the start of the century when 7,000 to 8,000 people visited the Tatras every year was over and would not return.

20 Measures looked to limit these flows. Starting in the autumn of 1980, the park administration closed access to the hiking trails on a seasonal basis and set up tolls at the access roads to the valleys. Traffic was blocked starting from the Eurocamp site, providing shuttlebuses to prevent visitors from using their own cars, which paradoxically resulted in attracting caravans. In 1987, there was a hopeless attempt to forbid car traffic in view of the chaos in which the entire national park found itself. The situation had become unmanageable and the development of the mountains provided an example of the multiple spatial inconsistencies of the communist system, which was one of the causes of its ultimate collapse.

Little mountains in a big leisure market

The mountains dismantled

21 The economic transition unfolded in Vysoké Tatry in accordance with the series of privatisation measures in Czechoslovakia. The sales operations of large establishments took place during the major privatisation of 1992 or by mutual agreement (government of Vladimír Mečiar, 1992-1996) and the majority of transactions were carried out between senior officials living outside the Tatras and far from the tourist sector. These financial manœuvres led to a disorganised division of hotels and facilities between the new managers and self-proclaimed investors who, outside of networks allowing them to win tenders, had no funds, nor managerial experience in the tourism industry and were of no benefit to an actual project. The economic transition created a new bifurcation in the mountains’ trajectory. The absence of a permanent population that forged old connections to the region weakened its ability to respond to the shocks of the transition. These privatisation methods explain the wait-and-see attitude and deterioration of some facilities, in line with the slowing trajectory of the Slovakian transition between 1993 and

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 168

1999, which was enhanced by the collapse of purchasing power and the appearance of competing destinations (Fatras, Orava, Austria). The economic model built around the monopoly of the “high mountains” in the Communist Bloc fell in a open world and there was even a shortage of the Slovakian clientele as Bratislava found itself at an equal distance from the Tatras and the Alpine valleys of Austria were better equipped with much more spread-out skiing areas. The Tatras had finally proved to be not very competitive. This low level of attraction becomes evident in the socio-economic trajectory as a locking effect : stakeholders in the tourism industry had to manage deteriorated mountain spaces and low-profit facilities and were in a jumble of disputes (derogatory urbanism, presence of a town in a national park, restoration of property rights, municipal autonomy).

Wastelands in mountains

22 This period of uncertainty in addition to the trend of deterioration revealed the low level of competitiveness in this model of tourism-related industrialisation that proved to be highly vulnerable in a competitive world open to the market economy. Several establishments were abandoned because of unregulated privatisation: the Stavbar hotel at the entrance to Tatranská Štrba, the MS 70 hotel in Nový Smokovec, Kupelný Dom and the Prior supermarket in Tatranská Lomnica. Lastly, the Eurocamp site must be mentioned. The market economy dealt a heavy blow in lowering its visitor numbers whilst simultaneously increasing its maintenance costs. During the new gathering that attracted 5,000 caravans in 1992, the road network proved incapable of absorbing the flow of cars. It was the final blow for this site and the illusion that the Tatras had an integrated layout that resembled a whole. Instead, some areas of homes and chalets were divided up and, in another area, an Irish developer opened a golf course and developed a futuristic “mountain property” project that either still has very low occupancy or only exists on the real estate agency billboards. The rest is a tourism wasteland. These types of “vacant places” (Bachimon, 2013) are scattered across the mountains and the many ruins inherited from the wrong choice of location are a reminder of the overinflated or forgotten functional reasoning of communism. The results of a disruptive transition, this level of abandonment harms both the image of a national park protecting nature and the affectation of a reputation as a prestigious station in the high mountains.

Renovate, reorganise, renew

23 For investors, there is a strong temptation to fill undeveloped space. However, Vysoké Tatry is located inside the park and new projects require dispensations. The current revival of existing buildings is down to real estate transactions that organise coownership (hotels transformed into residential buildings) and the renovation of hotel resorts, like at Smokovec and Tatranská Lomnica. To balance out the insufficient parking space, offset the weak offer of services and improve the functioning of the ski slopes, a multitude of details need to be fixed to come together to make a modern station.

24 However, it is not possible to have an idea adapted to tourism and its development without urban tools that have been adapted accordingly. Therefore, there must be a review of the TANAP classification and a definition of an intramuros limit for Vysoké Tatry, which would make it possible to get out of the regime of urban deterioration and

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 169

would simplify renovation operations. However, this comes back to investing in what already exists and forbidding all future expansions! Since another zoning plan has been under review, several ministers have handed down the Environment portfolio but, in the meantime, developers seem to have a carte blanche to urbanise the base of the slopes located outside the protected zone of the park. The creation of a property bubble is evident in the expansion of developed spaces around the new tourist complexes (golf courses, swimming pools, accommodation) and private housing developments that absorb the villages in the foothills. A similar property expansion can be observed in Smokovec and Lomnica, which are developing at a higher rate than their demographic growth. The cycle of construction, in a slower period, is picking up again but does not always take into account the durability of the mountain ecosystem.

25 In addition, the park’s goal is to preserve the incredibly rich wild fauna (chamois, lynx, wolves, bears) but managing their presence in this space where urbanisation and natural reserve mix is a delicate process. Bears pose the greatest difficulty as there is a population of around 138 in the Tatras. This situation means that they become accustomed to people (“tolerance” for zoologists) and they roam the outskirts of Vysoké Tatry and eat from bins while tourists approach, not without risk! TANAP teams are intervening to repel them and residents want to close off their homes to prevent these incursions, which would change the appearance of these residential areas. Protecting animals proves to be a delicate task in an urban context!

Interplay of stakeholders in the High Tatras

26 The transformation trajectory has thus introduced several stakeholders who are involved in these mountains, which are simultaneously a natural park, recreational site and place of residence. Their actions may coincide when financiers invest in stations or when municipalities (Štrba, Vysoké Tatry) look to appropriate tourism expertise. They may also differ in their ideas for planning the area, which can cause disputes. From now on, environmental conservationists, particularly NGOs, can make themselves heard throughout the new tourism projects. In contrast, investors own real estate and recreational plans for the entire region of the park and the surrounding area: hotel complexes, golf courses, restaurants, modernisation and extension of ski areas. Among these is of course the powerful Slovakian holding company J&T, which is currently the main operator of stations through its subsidiary Tatry Mountain Resorts. It has also purchased the main mechanical lifts, part of a hotel resort and various recreational facilities. This group has partially resolved the problems of management capabilities and insufficient investments that arose during the economic transition but has set up a quasi- monopoly that joins the interplay between TANAP and the town of Vysoké Tatry.

27 Reconciling the tourism infrastructure with conservation requirements has turned out to be very complicated as the area fit for skiing is situated within the most-protected areas of the national park. Modernising the sports infrastructure without expanding their hold is not possible. In Tatranská Lomnica, Tatry Mountains Resorts has completely renovated the slopes by enlarging the descents using snow cannons and using a new material to increase the capacity of gondolas. In Smokovec, they are looking to extend the ski area by interlinking the valleys from Hrebienok to Skalnaté Pleso, over the Studená valley using a new cable car. In Štrbské Pleso, there are also plans for new slopes, both for slalom (descending towards the lake and across the forest) and downhill. Each of these projects

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 170

require chopping down trees and obtaining the express approval of TANAP’s supervising ministry, meaning becoming involved in the national political sphere. The importance of the J&T holding company in Slovakia could help advance the progress of these projects.

Entertainment areas

28 The great storm of 2004 disrupted visits to the Tatras as a natural space protected by a national park. Natural resources, though little respected by broadening tourism, are gradually transforming into recreational areas, thanks to the increasing number of tourism-related amenities. The trajectory of a complete turn to tourism appears to be getting carried away with maintaining increased visitor levels and guaranteeing the profitability of stations. How to integrate these developments into consistent, sustainable management? Because there is an abundance of experiences on offer: a giant bear welcomes hikers at the foot of Rysy, drums rumble for three hours at Štrbské Pleso for the “Venetian Night” and you can sculpt ice from the last glacier in the Téry chata mountain lodge. Furthermore, tourists have the option to scale Hrebienok on a scooter, by horse-riding or pony-trekking. They can also go tobogganing and sail inflatable boats on the lakes. Where accommodation has been built for a permanent population, there are often closed apartments because the new owners are only there for the ski season. Agencies organise climbing trips up the Gerlach summit or offer stays in a luxury apartment on Lomnický štít. The mountains now resonate with the humming of quad bikes and VIP guests play polo on the frozen Štrbské Pleso lake. Huge forestry machinery can be seen moving around the roads that were walked by sanatorium patients back in the day, abandoned tourist areas are falling into ruin and a truck carries away the wood of dead trees, the last richness of the Tatras. In the midst of all the, the last permanent habitats are no longer aware of living in a national park and therefore approve of its transformation into an amusement park (Marec, 2010).

Conclusion

29 By felling the forest, the great storm of 2004 unveiled the incoherence of the management of the mountain environment in the Tatras. The development of the “pocket Alps” was envisaged like that of the actual Alps, perhaps mythologised, and finally disenchantment took hold following the deterioration of the environment, the inability of the infrastructure to absorb the flow of tourists and the disorder created by privatisation. Six of the seven general vulnerability factors10 extricated by Alexandre Magnan (Magnan, 2012) appear to be compatible with summarising the trajectory of these mountains in an analytic framework: 1. The fact that the physical layout of “the littlest large mountains” is too narrow to hold a town, masses of tourists, multiple activities and protected natural spaces. 2. The Tatras are directly exposed to natural hazards, primarily to storms. Because of the size (18,000 ha) of its monospecific coverage, this forest has become very sensitive to this hazard. Debates on silvicultural management show an additional fragility in the mountain ecosystem. 3. The traditional links between the villages of the foothills and the mountains have been broken by various forms of deterritorialisation (population displacement, municipal

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 171

restructuring, urbanisation). The restoration of local communities and ownership rights did not manage to calm relations between the local society and its mountain location. 4. This change in the demographic has resulted in a weakening of the natural risk culture among the stakeholders in the tourism industry where the Tatranci (those native to the Tatras) are few in number. 5. The mono-activity centred on tourism makes the economy of the mountains dependent on external events. Incoherent development of tourism, devastated landscapes, crises (adopting the euro, which increased the cost of the destination, the 2008 financial crisis) affected their attractiveness. 6. Governance of the mountain area is organised in an interplay of stakeholders that includes reinstated local communities (Vysoké Tatry), government bodies (TANAP, administration of national forests – Štatné lesy), lobby groups (environmental conservationists, forest owners) and a limited number of nonetheless powerful players in the tourism industry (J&T, hotel groups, private investors).

30 Added to this are the other factors in the trajectory of the post-communist transformation: the return of property owners, privatisations that led to other monopolies, weak competitiveness of the productive system in place and the forms of capitalisation coexisting with the effect of a real estate bubble. The establishment of a town within the park turned out to be an environmental disaster marking an irreversible step. No new model of tourism development has emerged, so the spatial matrix of the section of mountain is reliant on “path dependency” from which it cannot escape.

BIBLIOGRAPHY

Bachimon P., 2013.– Vacance des lieux, Belin, collection Mappemonde.

Bohuš I., 1982.– Osudy tatranských osád, Martin.

Bohuš I., 2008.– Premeny Tatranských osád, I&B.

Falťan V., Pazúrová, Z., 2010.– « Hodnotenie poškodenia vegetácie veternou kalamitou na rôznych typoch geotopov v okolí Danielovho domu (Vysoké Tatry) », Geografický časopis, vol. 62, n ° 1, p. 75-88.

Magnan A., Duvat V., Garnier E., 2012.– « Reconstituer les " trajectoires de vulnérabilité " pour penser différemment l’adaptation au changement climatique », Natures Sciences Sociétés, 20, pp. 82-91.

Marec A., 2010.– Tatranské (dez)ilúzie, VMS.

Kunca A., Zúbrik M., 2006.– Vetrová kalamita z 19 novembra 2004, Národné lesnícke centrum vo Zvolene

Maurel M-C., 2009.– « Penser l’historicité des territoires », in Alain Berger et alii, Héritages et trajectoires rurales en Europe, L’Harmattan, collection « Logiques sociales », pp. 21-40.

Pollák M., Švorc P., 2015.– Spišské Exody v 20. storoči, Kalligram.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 172

Richez G., 1992, Parcs nationaux et tourisme en Europe, L’Harmattan, col. Tourisme et Sociétés.

Vlès V., Bouneau C., 2016.– Stations en tension, Peter Lang.

NOTES

1. Particularly the analyses by TANAP (lesytanap.sk), the town of Vysoké Tatry, the research centre of forest engineering (nlcsk.sk) and the forestry journal lesmedium.sk. 2. Information was collected over three investigative trips to the region carried out in 2016 alongside the town halls of Vysoké Tatry, Štrba and Prybilina, TANAP, fellow geographers and Slovakian sociologists. We learned a great deal from our interview with Anton Marec, a former mountain guide turned writer, who we would like to take the opportunity to thank here. 3. http://www.lesmedium.sk/casopis-letokruhy/2014/letokruhy-2014-07/ake-vyznamne- kalamity-v-poslednych-rokoch-postihli-nase-lesy, in the bibliography. 4. Source: http://www.lesytanap.sk/sk/lykozrutova-kalamita-v-tanape 5. At the start of the 20th century, Count Hohenlohe owned a large area in the Tatras, with one aim being the conservation of forest resources and preservation of nature (source: https:// sk.wikipedia.org/wiki/Christian_Hohenlohe) 6. Slovakia’s name during the reign of the Austria-Hungary Empire. 7. Two-party agreement between Poland and Czechoslovakia in 1924 that resolved border disputes. 8. Since the first land registers put in place during the reign of Maria Theresa, this term has referred to the developed zone of the village and the adjoining plots. 9. The urban status of Vysoké Tatry enabled it to offer shops that were rare in the rest of the administered economy, generating significant flows of consumption. 10. By removing “the living conditions of the population” that do not seem to be adapted to the situation in the European mountains.

ABSTRACTS

The extraordinary storm Alžbeta (Elizabeth) of 19 November 2004 destroyed two-thirds of the forest on the slopes of the Slovakian Tatras, unveiling the extent of urbanisation and construction within the National Park. Although tourism in this mountain range started in the mid-19th century, different stages over the course of the 20th century accelerated the transformation of the mountainous surroundings into an urban and recreational area. This area is highly sensitive to natural hazards and geopolitical changes. This article presents the stages of this trajectory and the factors that make these mountains increasingly vulnerable.

INDEX

Keywords: transition, Tatras, tourist development

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 173

AUTHOR

MICHEL LOMPECH

Université Clermont-Auvergne, UMR Territoires [email protected]

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 174

Trajectoires d’adaptation face au changement climatique : analyse et transformation du système de gouvernance du massif ardennais

Jon Marco Church

Introduction

1 À cheval entre France, Allemagne, Belgique et Luxembourg, les Ardennes sont un massif forestier au cœur de l’Europe. S’il s’agit de petite montagne non couverte par la Loi montagne, le territoire est bien montagneux. Il est caractérisé par des enjeux partagés avec d’autres zones de montagne tels qu’un écosystème fragile, un couvert forestier important, de l’agriculture de montagne, une ruralité tridimensionnelle, une démographie changeante et des paysages culturels significatifs. Ce territoire présente des ressources en eau importantes, ainsi qu’une certaine exposition aux risques naturels et de la vulnérabilité au changement climatique. De plus, les Ardennes sont éloignées des pôles urbains et traversées par des axes et des flux de transport et touristiques, ainsi que par des frontières. Ces caractéristiques ne sont pas propres uniquement aux Ardennes, mais sont partagées par bien d’autres régions de montagne en Europe (Debarbieux, Price, & Balsiger, 2013 ; Debarbieux & Rudaz, 2010).

2 Les Ardennes sont situées dans une zone climatique globalement tempérée qui compte un grand nombre de microclimats entre forêts et prairies. Comme dans d’autres territoires comparables, les changements climatiques actuels se traduisent essentiellement par une augmentation de la fréquence des phénomènes météorologiques intenses, une élévation des ceintures de végétation, une modification des habitats et de la biodiversité, ainsi qu’une altération des régimes hydrologiques et une intensification des processus hydrogéologiques (Golobic, 2006). Les projections climatiques sur les cent ans à venir dans l’ensemble des Ardennes tablent sur une augmentation de 2 à 3 °C de la température moyenne annuelle dans la région et le régime des précipitations serait lui aussi fortement

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 175

modifié (Terlinden, 2011). Il est fondamental pour le territoire de pouvoir anticiper ces changements et leurs impacts, compte tenu de la possibilité d’impact sur un couvert végétal particulièrement sensible déjà à l’horizon 2050 et des investissements dans un secteur agro-sylvicole spécialement important du côté français, dont l’amortissement dépasse souvent les 30-40 ans.

Figure : Le périmètre géologique et humain des Ardennes et la croissance de la population (2006-2015)

Réalisation : Sébastien Piantoni, EA 2076 HABITER, Université de Reims Champagne-Ardenne.

3 Or, les approches scientifiques existantes ne sont pas encore capables d’anticiper avec précision les impacts des changements climatiques, notamment à l’échelle territoriale (GIEC, 2014). L’une des raisons est que plusieurs approches reposent surtout sur des dynamiques biogéophysiques en négligeant la dimension sociale (Folke, 2007 ; Liu et al., 2007 ; Redman, Grove, & Kuby, 2004).1 Cela est particulièrement problématique pour les Ardennes, où correspond à une biogéomorphologie relativement uniforme une situation démographique particulièrement contrastée avec un décrochage important du côté franco-allemand et une croissance marquée dans la partie belge-luxembourgeoise. L’usage d’approches qui reposeraient exclusivement sur des dynamiques biogéophysiques risquerait de mésestimer, par exemple, l’impact différentiel des changements climatiques de part et d’autre des frontières.

4 Dans ce sens, la gouvernance joue un rôle fondamental (Matson, Clark, & Andersson, 2016, pp. 83-104). C’est notamment à travers des systèmes de gouvernance que les connaissances sur les impacts du changement climatique sont co-produites par différents acteurs, notamment scientifiques, et qu’elles circulent ; c’est à travers ces systèmes que des choix collectifs peuvent être effectués et contribuer ou pas à l’adaptation des territoires au changement climatique. Ces choix dépendent des relations entre les acteurs

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 176

et peuvent donner lieu à des mesures et à des politiques visant à anticiper et éventuellement contrer les effets de la dérégulation climatique. Il est donc important d’étudier le système de gouvernance des Ardennes et voir lesquelles parmi ses caractéristiques sont plus ou moins propices à faciliter l’adaptation au changement climatique de ce territoire. Nous suggérons donc que ces caractéristiques de la gouvernance ardennaise peuvent agir en tant que levier ou frein par rapport à une plus grande adaptabilité. Pour répondre à cette question, de nombreuses approches peuvent être mobilisées.

5 Tout d’abord, cette contribution se penche sur l’identification de trajectoires d’adaptation par rapport au changement climatique. Nous interrogeons donc les méthodes de recherche transformationnelle en matière de durabilité (Wiek & Lang, 2016) par le biais d’un cadre méthodologique original issu de cette approche. Illustré ci-dessous, ce cadre a été développé pour intégrer les différentes méthodes les plus communément utilisées en recherche transformationnelle. L’une de ces méthodes est le cadre général pour l’analyse de la durabilité des systèmes socio-écologiques (SSE) développé par Elinor Ostrom. Cette approche a été développée notamment pour l’étude des biens communs (Ostrom, Burger, Field, Norgaard, & Policansky, 1999) et intègre non seulement les interactions des éléments biogéophysiques, tels que les unités et les systèmes de ressources et les écosystèmes, mais aussi des facteurs sociaux, tels que les acteurs et les systèmes de gouvernance, ainsi que le contexte social, économique et politique, pour en analyser les résultats en termes d’impact sur le SSE (Ostrom, 2009 ; Ostrom, Janssen, & Anderies, 2007) . Un grand nombre d’études de cas ont été produites ces dernières années suivant ce cadre. Dans cet article, nous utilisons une version du cadre d’Ostrom (Church, 2016, 2019), adapté spécifiquement aux systèmes socio-écologiques de grandes dimensions comme les Ardennes. Dans l’économie de ce texte, nous allons considérer comme des synonymes les deux concepts de « système socio-écologique » et de « région environnementale » (Church, 2015).

Vers une recherche transformationnelle pour les Ardennes

6 Le changement climatique est censé avoir des impacts bien au-delà de la variabilité observée précédemment. L’adaptation au changement climatique demande des transformations profondes. Plusieurs approches proposent des cadres théoriques et méthodologiques pour envisager ces transformations. Dans cet article, nous employons un cadre qui a été développé et adapté sur la base du cadre méthodologique TRANSFORM, proposé par Wiek et Lang (2016, pp. 31-41). Nous mobilisons ici le concept actif de transformation, qui permet de mettre en avant le rôle de différents acteurs sur les territoires et qu’on retrouve aussi dans les derniers rapports du GIEC (2014), plutôt que la notion plus passive de transition.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 177

Figure : Cadre d’analyse des transformations d’un système socio-écologique

Réalisation : redessiné et adapté par l’auteur sur la base de Wiek et Lang (2016, p. 38).

7 Ce cadre a été développé pour intégrer les différentes méthodes les plus communément utilisées en recherche transformationnelle. Par rapport à une situation et un point d’intervention donnés, ce cadre permet de combiner l’analyse diagnostique, l’analyse prospective, l’analyse rétrospective, les approches interventionnistes, ainsi que les approches réflexives et critiques, qui font défaut dans le cadre originel. Par exemple, pour contribuer à résoudre un problème de durabilité d’un SSE et proposer des solutions, nous nous intéressons d’abord à la phase diagnostique, qui est fondamentale pour cadrer le problème et identifier les forces motrices ; puis à la prospection dans le futur, c’est-à- dire à comment le problème pourrait être résolu ; ensuite, nous engageons un travail de rétrospection, à savoir quelles sont les solutions possibles ; enfin, nous proposons une démarche à la fois réflexive et critique à chaque étape. Chaque composante de ce cadre, qui correspond aux rectangles dans la figure ci-dessus, indique trois éléments : le type d’action (en gras : analyse, étude, mise en scénario, mise en œuvre, cadrage, critique) ; les objets des actions (sans format : configurations, plans, pratiques) ; les mouvants des actions (entre parenthèses : problèmes, solutions). Chaque élément répond donc à une question précise : quelle action ? Sur quoi ? Pourquoi ?

8 Par rapport à notre point d’intervention, qui peut être la volonté de certains acteurs de transformer le système de gouvernance ardennais, le point de départ dans une démarche de recherche transformationnelle est l’analyse et le diagnostic du territoire. Cette analyse vise à identifier les configurations actuelles et passées. Cela est une étape fondamentale, car les SSE présentent souvent des problèmes complexes avec un grand nombre de variables qui interagissent entre eux de manière non-linéaire, adaptative et parfois inattendue. Dans notre cas, il s’agit du diagnostic du système de gouvernance que nous présentons ci-dessous. Sur cette base, l’étape suivante consiste en deux démarches parallèles d’analyse prospective et rétrospective : d’un côté, les études prospectives établissent les configurations durables dans lesquelles le problème serait résolu dans le long terme ; de l’autre, les scénarii indiquent les configurations futures des solutions possibles au problème dans le court, moyen et long terme. Les scénarii sont toujours multiples et présentent normalement un scénario tendanciel, un scénario optimiste, un scénario pessimiste et un ou deux scénarii intermédiaires, si besoin (Lane & Montgomery, 2014 ; O’Neill et al., 2017 ; Van Vuuren et al., 2014). Ils permettent d’étudier la faisabilité

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 178

des différentes options et d’augmenter la pertinence des actions envisagées, mais ils reposent aussi sur de nombreuses hypothèses qui reposent sur les connaissances limitées et les biais de ceux qui les réalisent et qui peuvent être plus ou moins partagés (van Ruijven et al., 2014). Leur construction et leur évaluation sont donc particulièrement importantes.

9 Ces deux démarches parallèles contribuent ensuite à la conception et à l’expérimentation d’interventions. Dans le cas ardennais, un exemple d’intervention serait l’adoption d’une convention internationale pour la protection et le développement durable des Ardennes sur le modèle de la Convention alpine et de celle des Carpates. Cela se traduit normalement par des plans et des stratégies d’intervention qui peuvent inclure des expériences de mise en œuvre sur le territoire, visant à préparer la mise en œuvre des interventions. Il s’agit de l’étape préalable à l’intervention proprement dite de la part des acteurs, qui peut certes s’inspirer de la recherche transformationnelle, mais qui va suivre des logiques pratiques qui ne dépendent pas uniquement des connaissances scientifiques, mais aussi des conditions matérielles de réalisation et d’autres connaissances. Cette phase de mise en œuvre, au même titre que toutes les autres étapes identifiées jusqu’ici, nécessite donc un travail de cadrage et de définition des enjeux qui porte sur les pratiques épistémiques des acteurs concernés, car leur perception et leur représentation du problème joue un rôle fondamental dans la construction des solutions proposées, comme nous l’avons vu pour le cas des scénarii. Toute phase nécessite aussi des études critiques sur les pratiques délibératives, car la construction et l’appropriation de solutions dépendent aussi des acteurs et de leurs relations de pouvoir (Epstein, Bennett, Gruby, Acton, & Nenadovic, 2014).

10 À cet égard, l’une des limites de l’approche proposée est le fait qu’elle se focalise uniquement sur la recherche nécessaire pour engendrer des transformations et ne distingue pas les acteurs de cette recherche transformationnelle. Un cadre qui permet d’identifier le travail de frontière (en anglais : boundary work) (Clark et al., 2011) entre scientifiques et praticiens dans une perspective de recherche transformationnelle est le modèle conceptuel d’un processus de recherche transdisciplinaire ci-dessous, qui a été développé par Lang et al. (2012). Ce cadre ne se limite pas à étudier l’interaction entre plusieurs disciplines scientifiques, mais il essaie de combiner pratiques sociétales et pratiques scientifiques dans un souci d’intégrer les connaissances scientifiques avec les connaissances issues de la pratique. Dans une démarche transformationnelle, la co- production des connaissances est importante pour l’appropriation des solutions par les acteurs dans une perspective de mise en œuvre et donc d’intervention.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 179

Figure : Modèle conceptuel d’un processus de recherche transdisciplinaire

Réalisation : redessiné par l’auteur sur la base de Lang (2012, p. 28).

11 Un processus de recherche transdisciplinaire part de problèmes sociétaux et scientifiques. Ils ne correspondent pas forcement. Le cadrage du problème et la constitution de l’équipe qui va s’atteler à identifier des solutions est donc très important, car le partage du problème et la légitimité à la fois scientifique et sociétale de l’équipe sont fondamentales pour le processus de co-production de connaissances transposables et orientées vers la solution de problèmes. Celui-ci est un processus non-linéaire qui vise à l’appropriation et à la mise en œuvre des connaissances co-produites. Ensuite, ces résultats peuvent être, d’un côté, utilisés dans les pratiques sociétales et, de l’autre, contribuer aux pratiques scientifiques. Ils alimentent donc les discours à la fois sociétaux et scientifiques qui vont ensuite contribuer à la définition de nouveaux problèmes sociétaux et scientifiques. Ce processus itératif nous ramène au point de départ avec de nouveaux défis. Cette recherche transdisciplinaire contribue à ce que certains auteurs qualifient la gouvernance adaptative (Gupta et al., 2010 ; Karpouzoglou, Dewulf, & Clark, 2016 ; Webster, 2009) et est une variable-clé de tout système de gouvernance d’un SSE.

Le cadre général d’Ostrom

12 Afin d’illustrer nos propos, nous présentons ici un cas d’étude sur le système de gouvernance du massif ardennais. Dans cet article, nous nous limitons à amorcer une analyse diagnostique. Un programme de recherche transdisciplinaire sur les Ardennes beaucoup plus vaste serait nécessaire pour contribuer à un processus de recherche transformationnelle sur ce territoire et contribuer à la durabilité de ce massif forestier au cœur de l’Europe. Pour faire cela, nous allons mobiliser le cadre général pour analyser la durabilité des SSE qui a été proposé par Ostrom (2009 ; 2007). Nous avons choisi ce cadre d’analyse, car il est probablement le plus apte pour caractériser les interactions entre sociétés et environnement (Binder, Hinkel, Bots, & Pahl-Wostl, 2013). Selon Claudia Binder et ses coauteurs, il s’agit du seul cadre d’analyse qui prend en considération les systèmes sociaux et écologiques de manière presque également approfondie et qui est capable de produire des analyses plus ou moins spécifiques à travers la différentiation de

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 180

plusieurs niveaux. Le cadre général d’Ostrom met tout d’abord en relation le SSE étudié, par exemple le massif ardennais, avec son contexte social, économique et politique, ainsi qu’avec les écosystèmes associés, à l’instar du système climatique. Puis, le cadre identifie quatre sous-systèmes : les systèmes de ressources, les unités de ressources, les systèmes de gouvernance et les acteurs. Le cadre général d’Ostrom invite donc à étudier les interactions entre ces sous-systèmes et leurs résultats en termes par exemple de durabilité. Enfin, il intègre aussi les boucles de rétroaction entre ces résultats et les composantes du SSE, comme il est mis en évidence dans le schéma ci-dessous.

Figure : La structure du cadre général pour analyser la durabilité des systèmes socio-écologiques

Source : Ostrom 2009, p. 419, (redessiné et traduit par l'auteur).

13 Ostrom propose ensuite un certain nombre de variables de deuxième niveau pour chaque sous-système (2009, p. 420). Ces variables ont été identifiées sur la base d’un grand nombre de cas d’études conduits pendant une trentaine d’années. Il s’agit de cas notamment de SSE de petite dimension, caractérisés par la présence d’une seule ressource principale en régime de propriété commune. Ce cadre nécessite donc d’être adapté pour être utilisé par rapport à des systèmes de grandes dimensions (Cox, 2014 ; Fleischman et al. , 2014) et d’autres régimes de propriété. Pour ces raisons, depuis plusieurs années, nous développons une liste de variables de troisième et quatrième niveau pour mieux caractériser la gouvernance des SSE de grandes dimensions, à l’instar du massif ardennais (Church, 2016). Ces variables ont été identifiées sur la base de six cas d’études représentatifs d’écosystèmes terrestres, marins et d’eau douce à travers le monde. Ce cadre adapté a donc été utilisé pour produire l’analyse ci-dessous.

14 Les sources d’information pour l’analyse du SSE ardennais et notamment de son système de gouvernance sont multiples. Nous avons d’abord encadré en 2013 un atelier de la deuxième année du master en urbanisme durable et aménagement de l’Université de

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 181

Reims Champagne-Ardenne sur la trame verte et bleue avec le Parc naturel régional des Ardennes, qui a été suivi par la réalisation de quatre mini-mémoires sur la région environnementale ardennaise par des étudiants de la même promotion.2 Nous avons ensuite organisé en 2014 un séminaire international à Sedan sur le partage d’expériences entre zones de montagne transfrontalières, notamment les Alpes et les Ardennes, en collaboration avec l’Université de Reims, le Parc naturel régional des Ardennes et la Présidence italienne de la Convention alpine. En 2015, nous avons donc pu échanger avec de nombreux acteurs, à l’instar de l’ex-président de l’ancienne Région Champagne- Ardenne, ainsi que le président, le directeur et le personnel du Parc naturel régional des Ardennes et le directeur du Parc naturel Viroin-Hermeton en Wallonie ; nous avons aussi dirigé un mémoire de master sur la gouvernance de la forêt wallonne dans les Ardennes.3 La même année, nous avons participé également à un colloque organisé par Virginie Joanne-Fabre dans le cadre du projet CNRS PEPS ARDIHES, intitulé « Le massif ardennais face aux changements climatiques : modélisation mathématique d’un système socio- écologique ». Enfin, nous avons organisé en 2016, en collaboration avec le réseau néerlandais de centres de recherche sur l’environnement SENSE, une journée de terrain dans les Ardennes dans le cadre de l’école d’été internationale de niveau doctoral GOSES sur la gouvernance des SSE. Cet atelier associait des praticiens et des scientifiques avec l’objectif de co-produire des connaissances sur le système de gouvernance ardennais et apporter des solutions. Il a utilisé le cadre d’Ostrom afin de co-produire certains éléments-clé de l’analyse ci-dessous.

Les défis socio-économiques et écologiques du massif ardennais

15 Les Ardennes sont un massif forestier partagé par quatre pays : France, Belgique, Luxembourg et Allemagne. Aucune ville de grande dimension ne se trouve à l’intérieur de son périmètre. Quatre villes d’une certaine dimension se trouvent cependant à ses portes : Charleville-Mézières, Liège, Luxembourg et Cologne. Son périmètre change selon les éléments qu’on prend en considération, comme illustré dans la carte ci-dessus (figure 1) : forêt, géologie ou facteur humain. La concentricité de ces différentes définitions montre bien la cohérence du SSE et son lien étroit avec le massif forestier.

16 Les Ardennes font face à de nombreux défis écologiques. Pour ce qui concerne le climat, elles sont situées dans une zone climatique globalement tempérée qui compte un grand nombre de microclimats entre forêts et prairies. Selon les projections climatiques, la température moyenne annuelle sur les cent ans à venir devrait augmenter de 2 à 3 °C dans l’ensemble des Ardennes. Une augmentation de la fréquence des phénomènes météorologiques intenses, ainsi qu’une altération des régimes hydrologiques et une intensification des processus hydrogéologiques sont donc prévues. Une forte modification du régime des précipitations est aussi attendue (Terlinden, 2011). Cela est particulièrement important par rapport au bassin de la Meuse, qui traverse les Ardennes jusqu’à la pointe de Givet en territoire français avant de passer en Belgique et puis aux Pays-Bas. Les Ardennes constituent donc un goulot d'étranglement pour ce fleuve transfrontalier, ce qui s’est traduit par un certain nombre d’inondations. Un système de barrages a été mis en place pour réduire le risque d’inondation et est actuellement en cours de renforcement et d’automatisation du côté français. Cela se fait non-seulement à cause de la vétusté des installations existantes et donc de leur inaptitude pour faire face

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 182

au changement climatique, mais aussi pour réduire le risque de dispute autour de ces eaux transfrontalières. De plus, la Commission internationale de la Meuse veille depuis 1994 à la protection et à la gestion intégrée de ces ressources en eau partagées entre plusieurs pays. Cependant, il est important de noter qu’une partie des Ardennes du côté luxembourgeois et allemand se trouve hors du bassin de la Meuse et que celui-ci va bien au-delà du massif ardennais. Par rapport à la flore et à la faune, les projections climatiques se traduisent par une élévation des ceintures de végétation et par une modification des habitats et de la biodiversité (Golobic, 2006). Il s’agit d’un écosystème particulièrement sensible déjà à l’horizon 2050.

17 Les Ardennes font face à de nombreux défis socio-économiques. Il est probable que le changement climatique aura un impact important par exemple sur l’activité forestière en Belgique, vu que la forêt ardennaise est celle avec le taux de boisement le plus élevé de Wallonie (Gameren, 2014) et que l’amortissement des investissements dans le secteur sylvicole dépassent souvent les trente ou quarante ans. D’après une étude de la Région wallonne (2011), il semblerait, en revanche, que la plupart des acteurs de la sylviculture wallonne prennent déjà des mesures pour faire face aux effets du changement climatique, même si cela se fait d’une manière qui n’est pas toujours consciente. Le secteur touristique est aussi important. Les Ardennes sont parfois considérées comme la « Côte Azur » pour les Belges. Les impacts du changement climatique sur le secteur touristique, développé notamment du côté belge, sont difficiles à évaluer. Les différents impacts auraient lieu sur le fond d’une situation démographique particulièrement contrastée, avec un décrochage important du côté franco-allemand et une croissance marquée dans la partie belge-luxembourgeoise, trainée par le dynamisme de l’économie du Grand- Duché. La figure 1 met en évidence un effet de frontière marqué entre les quatre pays.

Éléments de diagnostic du système de gouvernance du massif ardennais

18 À partir de visites de terrain et d’un état des lieux du système de gouvernance ardennais (Church, 2016), nous avons donc identifié de façon participative, dans le cadre de de l’école d’été internationale GOSES sur la gouvernance des SSE déjà mentionnée4, les variables des autres sous-systèmes qui correspondent aux défis écologiques, économiques et sociaux du massif ardennais par rapport au changement climatique. Ces évaluations ont fait l’objet d’une discussion approfondie et prennent en compte les considérations d’une pluralité de types d’acteurs de la gouvernance des Ardennes qui ont participé à cet exercice. Dans une expérience mentale, nous avons ensuite réfléchi collectivement sur l’interaction entre ces variables et celles du système de gouvernance. Cela a permis d’établir si des caractéristiques du système de gouvernance de notre cas d’étude aurait eu un impact positif, neutre ou négatif sur le développement durable du SSE à l’horizon 2050, défini en tant que « capacité d’améliorer le bien-être humain tout en préservant les systèmes qui soutiennent la vie sur la planète dans la longue durée » (Matson et al., 2016, je traduis). Cela comprend aussi l’adaptation au changement climatique.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 183

Figure : Diagnostic du système socio-écologique ardennais

Source : élaboration originale de l’auteur (2016)

19 Nous avons illustré ces impacts du changement climatique de façon synthétique dans un graphique de grandes dimensions, redessiné et reproduit dans la figure 5. Les éléments en orange correspondent aux trois composantes fondamentales de l’analyse : les dynamiques climatiques, le système de gouvernance et les résultats en termes de développement durable. Les éléments en gris correspondent aux variables des autres sous-systèmes qui nous apparaissent plus impactés par le contexte et jouer un rôle important dans l’interaction avec le système de gouvernance et les dynamiques climatiques dans une perspective de durabilité. Nous nous sommes donc concentrés sur les variables qui nous semblent les plus pertinentes. Par rapport au système de gouvernance, nous avons souligné en jaune les variables qui auront un impact vraisemblablement positif sur le développement durable des Ardennes à l’horizon 2050 dans un contexte de changement climatique et qui pourraient constituer des leviers. Au contraire, certaines variables sont en rouge, car nous estimons qu’elles risquent d’avoir un impact probablement négatif.

20 Cette analyse du système de gouvernance du massif ardennais et de son adaptation par rapport au changement climatique identifie des limites du système actuel. L’absence d’observatoire du SSE des Ardennes dans son ensemble, l’absence de dialogue intersectoriel structuré et la capacité d’agir limitée des collectivités territoriales et de la société civile, entre autres, représentent, à l’issue de ce travail collectif, des obstacles pour faire face au changement climatique sur la globalité du territoire ardennais. Cependant, dans le processus de co-production, nous avons identifié aussi des éléments positifs, notamment l’alignement politique partiel qu’on observe actuellement et le potentiel du tourisme et de la Marque Ardenne, qui est un projet de marketing territorial de nombreux acteurs du secteur touristique français, belge et luxembourgeois fédérés

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 184

depuis 2014 dans le cadre du Groupement européen d’intérêt économique (GEIE) « Destination Ardenne ». Ce dernier pourrait représenter le noyau d’un système de gouvernance qui intègre d’autres secteurs, à l’instar de la ressource en eau, mais aussi des secteurs sylvicole et résidentiel.

Conclusion

21 Dans le cadre d’un processus de recherche transformationnelle, ces éléments de diagnostic peuvent représenter un point de départ pour des analyses prospectives et rétrospectives qui puissent envisager des éventuelles solutions et leur faisabilité. Ces éléments sont cependant loin de pouvoir représenter des éléments de stratégie pour contribuer au développement durable de ce territoire. Seulement après la réalisation d’analyses prospectives et rétrospectives on pourra mettre en place des stratégies de transformation, tout en prenant en compte les limites des pratiques délibératives et épistémiques en place et à venir. En même temps, ces processus sont aussi des processus de recherche transdisciplinaire, qui donnent lieu à une co-production de connaissances par les acteurs scientifiques et sociétaux. Dans cet article, nous suggérons que ce type de processus de recherche transformationnelle et transdisciplinaire peut contribuer à une plus grande adaptation au changement climatique.

BIBLIOGRAPHIE

Berkes F., 2006.– “From community-based resource management to complex systems: the scale issue and marine commons”. Ecology and Society, 11(1).

Binder C. R., Hinkel J., Bots, P. W. G., & Pahl-Wostl C., 2013.– “Comparison of frameworks for analyzing social-ecological systems”. Ecology and Society, 18(4).

Cash D. W., Adger W. N., Berkes F., Garden P., Lebel L., Olsson P., et al., 2006.– “Scale and cross- scale dynamics: governance and information in a multilevel world”. Ecology and Society, 11(2), 12.

Church, J. M., 2015.– « Gouvernance environnementale régionale ». Dans F. Gemenne (éd.), L’enjeu mondial, l’environnement (pp. [2]). Paris : Presses de Sciences Po.

Church, J. M., 2016.– « Analyse du système de gouvernance du massif ardennais et de son adéquation face au changement climatique ». Territoires, environnement et biodiversité face aux changements climatiques : impacts et adaptations, Poitiers.

Church, J. M., 2019.– Ecoregionalism: analyzing regional environmental processes and agreements. Abingdon: Routledge.

Clark W. C., Tomich T. P., van Noordwijk, M. Guston D., Catacutan D., Dickson N. M., et al., 2011.– “Boundary work for sustainable development: Natural resource management at the Consultative Group on International Agricultural Research (CGIAR)”. Proceedings of the National Academy of Sciences, 113(17), 4615–4622.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 185

Cox M. E., 2014.– “Understanding large social-ecological systems: introducing the SESMAD project”. International Journal of the Commons, 8(2), 265-276.

Cox M. E., Villamayor-Tomas S., Epstein G., Evans L., Ban N. C., Fleischman F., et al., 2016.– “Synthesizing theories of natural resource management and governance”. Global Environmental Change, 39, 45-56.

Debarbieux B., Price M. F., & Balsiger J., 2013.– “The institutionalization of mountain regions in Europe”. Regional Studies, 1-15.

Debarbieux B., & Rudaz G. (2010.– Faiseurs de montagne. Paris : CNRS Editions.

Epstein G., Bennett A., Gruby R., Acton L., & Nenadovic M., 2014.– “Studying power with the social-ecological system framework”. In M. J. Manfredo, J. J. Vaske, A. Rechkemmer & E. A. Duke (éds.), Understanding society and natural resources: Forging new strands of integration across the social sciences (pp. 111-135). Dordrecht: Springer.

Fleischman F. D., Ban N. C., Evans L. S., Epstein G., Garcia-Lopez G., & Villamayor-Tomas S., 2014.– “Governing large-scale social-ecological systems: lessons from five cases.” International Journal of the Commons, , 8(2), 428–456.

Folke C., 2007.– “Social-ecological systems and adaptive governance of the commons”. Ecological Research, 22(14-15).

Gameren V. v., 2014.– « L’adaptation de la gestion forestière privée au changement climatique : le cas wallon ». Sud-Ouest européen, 37, 63-75.

GIEC, 2014.– Changement climatique 2014 : rapport de synthèse. Genève : CCNUCC.

Golobic, 2006.– « Le climat change : que fait l’aménagement du territoire ? » Dans Brendt & Stille (éds.), Changement du climat dans l’espace alpin : effets et défis (pp. 30-37). Lebensministerium: Vienne.

Gupta J., Termeer C., Klostermann J., Meijerink S., van den Brink M., Jong P., et al., 2010.– “The Adaptive Capacity Wheel: a method to assess the inherent characteristics of institutions to enable the adaptive capacity of society”. Environmental Science & Policy, 13(6), 459-471.

Houpert A., & Botrel Y., 2015.– Rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur l’enquête de la Cour des comptes relative aux soutiens à la filière forêt-bois. Paris : Sénat de la République.

Karpouzoglou T., Dewulf A., & Clark J., 2016.– “Advancing adaptive governance of social- ecological systems through theoretical multiplicity”. Environmental Science & Policy, 57, 1-9.

Lagadeuc Y., & Chenorkian R., 2009.– “Les systèmes socio-écologiques : vers une approche spatiale et temporelle”. Natures Sciences Sociétés, 17(2), 194-196.

Lane L., & Montgomery W. D., 2014.– “An institutional critique of new climate scenarios”. Climatic Change, 122(3), 447-458.

Lang D., Wiek A., Bergmann M., Stauffacher M., Martens P., Moll P., et al., 2012.– “Transdisciplinary research in sustainability science: practice, principles, and challenges.” Sustainability Science, 7(1), 25-43.

Levin S., Xepapadeas T., Crépin A.-S., Norberg J., de Zeeuw A., Folke C., et al., 2013.– “Social- ecological systems as complex adaptive systems: modeling and policy implications”. Environment and Development Economics, 18(02), 111-132.

Liu J., Dietz, Carpenter, Alberti, Folke, Moran, et al., 2007.– “Complexity of coupled human and natural systems”. Science, 317, 1513-1516.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 186

Matson P. A., Clark W. C., & Andersson K., 2016.– Pursuing sustainability: a guide to the science and practice. Princeton, NJ: Princeton University Press.

McGinnis M. D., & Ostrom E, 2014.– “Social-ecological system framework: initial changes and continuing challenges”. Ecology and Society, 19(2).

O’Neill B. C., Kriegler E., Ebi K. L., Kemp-Benedict E., Riahi K., Rothman D. S., et al., 2017.– The roads ahead: narratives for shared socioeconomic pathways describing world futures in the 21st century. Global Environmental Change, 42, 169-180.

Ostrom E., 2009.– “A general framework for analyzing sustainability of social-ecological systems”. Science, 325(5939), 419-422.

Ostrom E., Burger J., Field C. B., Norgaard R. B., & Policansky D., 1999.– “Revisiting the commons: local lessons, global challenges”. Science, 284(5412), 278-282.

Ostrom E., Janssen M. A., & Anderies J. M., 2007.– “Going beyond panaceas”. Proceedings of the National Academy of Sciences, 104(39), 15176-15178.

Redman, Grove, & Kuby, 2004.– “Integrating social science into the Long-Term Ecological Research (LTER) network: social dimensions of ecological change and ecological dimensions of social change”. Ecosystems, 7, 161-171.

Région wallonne. Agence wallonne de l’air et du climat, 2011.– L’adaptation au changement climatique en région wallonne : rapport final. Namur.

Schoon, M., & Leeuw S. v. d., 2015.– “The shift toward social-ecological systems perspectives: insights into the human-nature relationship”. Natures Sciences Sociétés, 23(2), 166-174.

Terlinden, 2011.– “Changement climatique : quel impact sur la forêt ?” Silva Belgica, 118(2).

Van Ruijven, B. J., Levy, M. A., Agrawal, A., Biermann, F., Birkmann, J., Carter, T. R., et al., 2014.– “Enhancing the relevance of shared socioeconomic pathways for climate change impacts, adaptation and vulnerability research.” Climatic Change, 122(3), 481-494.

Van Vuuren D. P., Kriegler E., O'Neill B. C., Ebi K. L., Riahi K., Carter T. R., et al., 2014.– “A new scenario framework for climate change research: scenario matrix architecture”. Climatic Change, 122(3), 373-386.

Webster D. G., 2009.– Adaptive governance: the dynamics of Atlantic fisheries management. Cambridge, MA: MIT Press.

Wiek A., & Lang D. J., 2016.– “Transformational sustainability research methodology”. Dans H. Heinrichs, P. Martens, G. Michelsen & A. Wiek (éds.), Sustainability science: an introduction (pp. 31-41). Dordrecht: Springer.

NOTES

1. Cette première partie du texte a été préparé avec l’assistance de Virginie Joanne-Fabre, EA 2076 HABITER, Université de Reims Champagne-Ardenne. 2. Romain Henriet, François Kosmowski, Thomas Lepetit-Collin (2014), Master Urbanisme, Aménagement, Environnement (UrbEA), Institut d'aménagement des territoires, d'environnement et d'urbanisme de l'université de Reims (IATEUR), Université de Reims Champagne-Ardenne.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 187

3. Simon Roelandt (2016), « La gouvernance des systèmes socio-écologiques : le cadre d’Ostrom pour l’analyse des forêts wallonnes », mémoire de recherche, Master UrbEA, IATEUR, Université de Reims Champagne-Ardenne. 4. Participants : Alice Baillat, Claire Brasseur, Michael Cox, Roxane de Flore, Jean-François Godeau, Elizabeth Haber, Sandra van der Hel, Bernard Masson, Leonardo Orlando, Kari de Pryck, Jetske Vaas, Ruishan Chen, Natalie Chong, Catarina Fonseca, Nadia French, Jacob Halcomb, Gavin Heath, Neha Khandekar, Aravind Kundurpi, Tek Jung Mahat, Camille Mazé, Piero Morseletto, Tuuli Parviainen, Roman de Rafael, Olivier Ragueneau, Narindra Rakotoarijaona, Marta Rica, Clément Roux-Riou, Divya Sharma, Iveta Stecova, David Teuscher, Keira Webster.

RÉSUMÉS

Les Ardennes sont un massif forestier au cœur de l’Europe. Il est fondamental pour ce massif de pouvoir anticiper le changement climatique et ses impacts prévus. Dans cet article, nous nous intéressons particulièrement au système de gouvernance des Ardennes. Nous mobilisons d’abord les méthodes de recherche transformationnelle en matière de durabilité par le biais d’un cadre méthodologique qui intègre différentes méthodes. Dans ce contexte, nous procédons avec une analyse diagnostique de la durabilité du système de gouvernance ardennais. Cette analyse a été développée à partir d’une version du cadre général pour l’analyse de la durabilité des systèmes socio-écologiques développé par Ostrom. Elle a été adaptée à un système de grandes dimensions et appliqué dans le cadre d’un processus de recherche participative. Cela a permis d’identifier trois vulnérabilités principales : l’absence d’un observatoire du système socio-écologique dans son ensemble, l’absence d’un dialogue intersectoriel structuré et la capacité d’agir limitée des collectivités territoriales et de la société civile. Nous suggérons donc de mettre en place des analyses prospectives et rétrospectives afin d’identifier des trajectoires d’adaptation du système de gouvernance par rapport au changement climatique. Cela devrait permettre de concevoir et expérimenter des interventions pour transformer la gouvernance de ce système socio-écologique de grandes dimensions vers une plus grande durabilité.

The Ardennes are a mountain forest area in the heart of Europe. It is fundamental for this mountain area to be able to anticipate climate change and its expected impacts. In this article, we are particularly interested in the Ardennes governance system. We first use transformational sustainability research methods through a methodological framework that combines different methods. In this context, we proceed with a diagnostic analysis of the sustainability of the Ardennes governance system. This analysis was developed from a version of the general framework for the analysis of the sustainability of socio-ecological systems developed by Ostrom. It was adapted to a large system and applied as part of a participatory research process. This identified three main vulnerabilities: the absence of an observatory of the socio-ecological system as a whole, the lack of a structured intersectoral dialogue, and the limited capacity to act of local authorities and civil society. We therefore suggest conducting prospective and retrospective analyses to identify adaptation paths of the governance system in relation to climate change. This should make it possible to design and experiment interventions to transform the governance of this large socio-ecological system towards greater sustainability.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 188

INDEX

Keywords : Ardennes, socio-ecological system, sustainability, governance, transformational research Mots-clés : Ardennes, système socio-écologique, durabilité, gouvernance, recherche transformationnelle

AUTEUR

JON MARCO CHURCH

EA 2076 HABITER, Université de Reims Champagne-Ardenne, [email protected]

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 189

Pathways of Adaptation to Climate Change: Analysis and Transformation of the Governance System of the Ardennes Mountain Area

Jon Marco Church

Introduction

1 In-between France, Belgium, Luxembourg, and Germany, the Ardennes are a mountain forest in the heart of Europe. Even if it is a small mountain not covered by the French mountain law, the territory is certainly mountainous. It is characterized by issues shared with other mountain areas such as a fragile ecosystem, an important forest cover, mountain agriculture, a three-dimensional rurality, changing demographics, and significant cultural landscapes. This territory has significant water resources, as well as some exposure to natural hazards and vulnerability to climate change. In addition, the Ardennes are far from the urban centers, and crossed by transport and tourism axes and flows, as well as by borders. These characteristics are not unique to the Ardennes but are shared by many other mountain areas in Europe (Debarbieux, Price, & Balsiger, 2013, Debarbieux & Rudaz, 2010).

2 The Ardennes are in a globally temperate climate zone with many microclimates between forests and prairies. As in other comparable areas, climate change is currently mainly reflected by an increase in the frequency of intense weather events, elevation of vegetation belts, changes in habitats and biodiversity, as well as alteration of hydrological regimes, and intensification of hydrogeological processes (Golobic, 2006). Climatic projections over the next hundred years in the Ardennes suggest an increase of 2 to 3° C in the average annual temperature in the region. The precipitation regime would also be strongly modified (Terlinden, 2011). It is fundamental for the Ardennes to be able to

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 190

anticipate these changes and their impacts, given the likely impact by 2050 on a particularly sensitive vegetation cover and given investments in the agro-forestry sector that are particularly important on the French side, where returns for investment often exceed 30-40 years.

Figure 1: The geological and human scope of the Ardennes and the growth of the population (2006-2015)

Author: Sébastien Piantoni, HABITER research team, University of Reims Champagne-Ardenne

3 However, existing scientific approaches are not yet able to accurately anticipate the impacts of climate change, particularly at the territorial level (IPCC, 2014). One reason is that many approaches rely mainly on biogeophysical dynamics, neglecting the social dimension (Folke, 2007; Liu et al., 2007; Redman, Grove, & Kuby, 2004).1 This is particularly problematic for the Ardennes, where a relatively uniform biogeomorphology corresponds to a particularly contrasting demographic situation, with a significant drop on the Franco-German side and marked growth in the Belgian-Luxembourgish part. The use of approaches that rely exclusively on biogeophysical dynamics may underestimate, for example, the differential impact of climate change on both sides of borders.

4 From this perspective, governance plays a fundamental role (Matson, Clark, & Andersson, 2016, pp. 83-104). It is especially through governance systems that knowledge about the impacts of climate change is co-produced by various actors, inclusing scientists, and circulates; it is through these systems that collective choices can be made and contribute or not to the adaptation of areas to climate change. These choices depend on the relations between the actors and can give rise to policies and measures aimed at anticipating and possibly counteracting the effects of climate change. It is therefore important to study the governance system of the Ardennes and see which of its features are conducive to facilitating adaptation to climate change in this area. We therefore suggest that these

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 191

characteristics of the Ardennes governance can act as a driver or obstacle in relation to greater adaptability. To answer this question, many approaches can be employed.

5 First, this article looks at the identification of pathways of adaptation to climate change. We therefore employ transformational sustainability research methods (Wiek & Lang, 2016) through an original methodological framework derived from this approach. Illustrated below, this framework was developed to integrate the different methods most commonly used in transformational research. One of these methods is the general framework for the analysis of the sustainability of socio-ecological systems (SES) developed by Elinor Ostrom. This approach was developed especially for the study of the commons (Ostrom, Burger, Field, Norgaard, & Policansky, 1999) and integrates not only the interactions of biogeophysical elements, such as units and resource systems, and ecosystems, but also social factors, such as actors and governance systems, as well as the social, economic and political context, to analyze the results in terms of impact on the SES (Ostrom, 2009; Ostrom, Janssen, & Anderies, 2007). Many case studies have been produced in recent years based on this framework. In this article, we use a version of the Ostrom framework (Church, 2016; 2019), adapted specifically to large socio-ecological systems such as the Ardennes. Within this text, we will consider as synonyms the two concepts of “socio-ecological system” and “environmental region” (Church, 2015).

Towards transformational research for the Ardennes

6 Climate change is expected to have impacts far beyond previously observed variability. Adaptation to climate change requires profound transformations. Several approaches propose theoretical and methodological frameworks to consider these transformations. In this paper, we use a framework that was developed and adapted from the methodological framework TRANSFORM, proposed by Wiek and Lang (2016, pp. 31-41). We are mobilizing here the active concept of transformation, which makes it possible to highlight the role of different actors on the territories and which one also finds in the last reports of the IPCC (2014), rather than the more passive notion of transition.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 192

Figure 2: Framework for analyzing the transformations of a socio-ecological system

Author: redesigned and adapted by the author based on Wiek and Lang (2016, p. 38)

7 This framework was developed to integrate the different methods most commonly used in transformational research. With respect to a situation and a given point of intervention, this framework combines diagnostic analysis, prospective analysis, retrospective analysis, interventionist approaches, as well as reflexive and critical approaches, which are missing in the original framework. For example, to help solve a problem of sustainability of an SES and to propose solutions, we are interested first of all in the diagnostic phase, which is fundamental to frame the problem and to identify the driving forces; afterwards we look at prospection into the future, i.e. in how the problem could be solved; then, we engage in retrospective work, to find out what are the possible solutions; finally, we propose a reflexive and critical phase at each step. Each component of this framework, which corresponds to the rectangles in the figure above, indicates three elements: the type of action (in bold: analysis, study, scenario development, implementation, framing, criticizing); the targets of actions (without format: configurations, plans, practices); the drivers of actions (inside brackets: problems, solutions). Each element therefore answers a specific question: what action? on what? why?

8 Regarding our point of intervention, which may be the will of certain actors to transform the Ardennes governance system, the starting point in a transformational research approach is the analysis and diagnosis of the area. This analysis aims to identify current and past configurations. This is a fundamental step, as SES often present complex problems with many variables that interact with each other in a non-linear, adaptive, and sometimes unexpected ways. In our case, this is the diagnosis of the system of governance that we will present below. On this basis, the next phase consists of two parallel steps of prospective and retrospective analysis: on the one hand, the prospective studies establish the sustainable configurations in which the problem would be solved in the long term; on

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 193

the other hand, the scenarios indicate the future configurations of the possible solutions to the problem in the short, medium and long term. Scenarios are always multiple and normally present a trend scenario, an optimistic scenario, a pessimistic scenario and one or two intermediate scenarios, if needed (Lane & Montgomery, 2014; O'Neill et al., 2017; Van Vuuren et al. 2014). They make it possible to study the feasibility of the various options and to increase the relevance of the actions envisaged, but they are also based on many hypotheses, which rely on the limited knowledge and the biases of those who realize them and who can be shared at different degrees (van Ruijven et al., 2014). Their construction and evaluation are therefore particularly important.

9 These two parallel approaches then contribute to the design and experimentation of interventions. In the case of the Ardennes, an example of intervention would be the adoption of an international convention for the protection and sustainable development of the Ardennes on the model of the Alpine Convention and of the Carpathian Convention. This usually translates into intervention plans and strategies that may include pilot projects on the ground to prepare for the implementation of interventions. This is the stage prior to the actual intervention by the actors, which can certainly be inspired by transformational research, but which will follow a practical logic that does not only depend on scientific knowledge, but also material conditions of realization and other types of knowledge. This implementation phase, along with all the other steps identified so far, therefore requires framing and defining the issues that concern the epistemic practices of the actors concerned, because their perception and representation of the problem plays a fundamental role in the construction of the proposed solutions, as we have seen in the case of scenarios. Any phase also requires critical studies of deliberative practices, as the construction and ownership of solutions also depend on the actors and their power relations (Epstein, Bennett, Gruby, Acton, & Nenadovic, 2014).

10 In this respect, one of the limitations of the proposed approach is that it focuses solely on the research needed to generate transformations and does not distinguish the actors of this transformational research. A framework for identifying boundary work (Clark et al., 2011) between scientists and practitioners from a transformational research perspective is the conceptual model for a transdisciplinary research process below, which was developed by Lang et al. (2012). This framework is not limited to studying the interaction between several scientific disciplines. It tries to combine societal practices and scientific practices with a view to integrating scientific knowledge with knowledge from practice. In a transformational approach, the co-production of knowledge is important for the appropriation of solutions by the actors from the perspective of implementation and therefore of intervention.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 194

Figure 3: Conceptual model of a transdisciplinary research process

Author: redesigned by the author on the basis of Lang (2012, p.28)

11 Societal problems and scientific problems are the starting point of a transdisciplinary research process. They are not necessarily identical. The framing of a problem and the constitution of the team that will work to identify solutions is therefore very important, because the sharing of the problem and the legitimacy of both the scientific and the societal team are fundamental to the process of co-production of transposable and problem-oriented knowledge. This is a non-linear process that aims at the ownership and implementation of co-produced knowledge. Secondly, these results can be, on the one hand, used in societal practices and, on the other, contribute to scientific practices. They fuel both societal and scientific discourses that will then contribute to the definition of new societal and scientific problems. This iterative process brings us back to the starting point with new challenges. This transdisciplinary research contributes to what some authors describe as adaptive governance (Gupta et al., 2010; Karpouzoglou, Dewulf, & Clark, 2016; Webster, 2009) and is a key variable in any SES governance system.

Ostrom’s general framework

12 To illustrate our remarks, we present here a case study on the system of governance of the Ardennes mountain area. In this article, we limit ourselves to sketching a diagnostic analysis. A much larger transdisciplinary research program on the Ardennes would be needed to contribute to a process of transformational research in this area and contribute to the sustainability of this mountain forest in the heart of Europe. To do this, we will mobilize the general framework to analyze the sustainability of SES that was proposed by Ostrom (2009; 2007). We chose this framework because it is probably best suited to characterize interactions between society and the environment (Binder, Hinkel, Bots, & Pahl-Wostl, 2013). According to Claudia Binder and her coauthors, this is the only

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 195

analytical framework that takes into consideration social and ecological systems in almost equal depth and that can produce more or less specific analyses through the differentiation of several levels. Ostrom’s general framework first relates the studied SES, for example the Ardennes mountain area, to its social, economic, and political context, as well as to associated ecosystems, like the climate system. Then, the framework identifies four subsystems: resource systems, resource units, governance systems, and actors. The Ostrom’s general framework therefore invites us to study the interactions among these subsystems and their results in terms of, for example, sustainability. Finally, it also incorporates the feedback loops between these results and the components of the SES, as highlighted in the diagram below.

Figure 4: The structure of the general framework for analyzing the sustainability of socio-ecological systems

Source: Ostrom 2009, p. 419, (redrawn and translated).

13 Ostrom then proposes several second-level variables for each subsystem (2009, 420). These variables were identified based on many case studies conducted over three decades. These are cases of mostly small SES, characterized by the presence of a single principal resource under common ownership. This framework therefore needs to be adapted for use in relation to large systems (Cox, 2014; Fleischman et al., 2014) and other property regimes. For these reasons, for several years, I have been developing a list of third and fourth level variables to better characterize the governance of large SES, like the Ardennes mountain area (Church, 2016). These variables were identified based on six representative case studies of terrestrial, marine and freshwater ecosystems around the world. This adapted framework was used to produce the analysis below.

14 The sources of information for the analysis of the Ardennes SES and in particular its governance system are multiple. First, I supervised in 2013 a workshop of the second year

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 196

of the master in sustainable urban and environmental planning of the University of Reims Champagne-Ardenne on ecological connectivity together with the Ardennes Regional Natural Park, which was followed by the four papers on the Ardennes environmental region by students of the same class.2 I then organized in 2014 an international seminar in Sedan on the sharing of experiences between cross-border mountain areas, in particular the Alps and the Ardennes, in collaboration with the University of Reims, the Ardennes Regional Natural Park and the Italian Presidency of the Alpine Convention. In 2015, I was able to discuss with many actors, like the ex-president of the former Champagne-Ardenne Region, as well as the president, director and staff of the Ardennes Regional Natural Park and the Director of the Viroin-Hermeton Natural Park in Wallonia; I also supervised a master dissertation on the governance of the Walloon forest in the Ardennes.3 The same year, I also participated in a symposium organized by Virginie Joanne-Fabre as part of the ARDIHES project, which was funded by the CNRS under the PEPS program and was entitled “The Ardennes mountain area facing climate change: mathematical modeling of a socio-ecological system”. Lastly, in 2016, in collaboration with the SENSE network (Research School for Socio-Economic and Natural Sciences of the Environment) in the Netherlands, I organized a fieldtrip in the Ardennes as part of the doctoral level GOSES Summer School on the governance of SES. This workshop brought together practitioners and scientists with the aim of co-producing knowledge on the Ardennes governance system and providing solutions. This workshop used the Ostrom framework to co- produce some key elements of the analysis below.

The socio-economic and ecological challenges of the Ardennes mountain area

15 The Ardennes are a mountain forest shared by four countries: France, Belgium, Luxembourg, and Germany. No large city is within its perimeter. Four cities of a certain size are however at its doors: Charleville-Mezieres, Liege, Luxembourg, and Cologne. Its perimeter changes according to the elements that are taken into consideration, as illustrated in the map above: forest, geology or human factor. The concentricity of these different definitions shows the coherence of the SES and its close link with the mountain forest.

16 The Ardennes face many ecological challenges. As far as the climate is concerned, they are in a globally temperate climate zone with many microclimates between forests and prairies. According to the climate projections, the average annual temperature over the next hundred years should increase by 2 to 3 °C throughout the Ardennes. An increase in the frequency of intense meteorological phenomena, as well as an alteration of the hydrological regimes and an intensification of the hydrogeological processes are thus foreseen. A major change in the precipitation regime is also expected (Terlinden, 2011). This is particularly important compared to the Meuse river basin, which crosses the Ardennes in the Givet area in French territory before moving to Belgium and then to the Netherlands. The Ardennes are therefore a bottleneck for this transboundary river, which has resulted in several floods. A system of dams was put in place to reduce the risk of flooding and is currently being upgraded and automated on the French side. This is done not only because of the obsolescence of existing facilities and therefore their inability to cope with climate change, but also to reduce the risk of disputes over these transboundary waters. In addition, since 1994, the Meuse International Commission has

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 197

been ensuring the protection and integrated management of these water resources that are shared between several countries. However, it is important to note that part of the Ardennes on the Luxemburgish and German side is outside of the Meuse river basin and that the basin goes well beyond the Ardennes mountain range. In relation to flora and fauna, climate projections are reflected in elevation of vegetation belts and changes in habitats and biodiversity (Golobic, 2006). It is a particularly vulnerable ecosystem, where the impact of climate change should be already visible by 2050.

17 The Ardennes face many socio-economic challenges. It is likely that climate change will have a significant impact, for example on forest activity in Belgium, since the Ardennes forest is the one with the highest afforestation rate in Wallonia (Gameren, 2014) and returns for investments in the forestry sector often exceed thirty or forty years. According to a study by the Walloon Region (2011), it seems, however, that most Walloon forestry actors are already taking measures to cope with the effects of climate change, even if this is done in a manner that is not always conscious. The tourism sector is also important. The Ardennes are sometimes considered as the “French Riviera” for Belgians. The impacts of climate change on the tourism sector, developed on the Belgian side, are difficult to assess. The various impacts would take place on the background of a particularly contrasting demographic situation, with a significant drop on the Franco- German side and a marked growth in the Belgian-Luxemburgish part driven by the dynamism of the Grand Duchy’s economy. Figure 1 shows a strong border effect between the four countries.

Diagnostic elements of the governance system of the Ardennes mountain area

18 Based on field visits and an assessment of the Ardennes governance system (Church, 2016), we have therefore identified in a participatory way, in the framework of the abovementioned GOSES summer school on the governance of SES4, the variables of the other subsystems that correspond to the ecological, economic, and social challenges of the Ardennes mountain area in relation to climate change. These evaluations were the subject of an in-depth discussion and take into account the considerations of a variety of types of players in the governance of the Ardennes who participated in this exercise. In a mental experiment, we then reflected collectively on the interaction between these variables and those of the governance system. This made it possible to establish whether features of the governance system of our case study would have had a positive, neutral or negative impact on the sustainable development of the SES by 2050, defined as “capacity to improve human well-being while preserving the systems that sustain life on the planet in the long run” (Matson et al., 2016). It also includes adaptation to climate change.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 198

Figure 5: Diagnostic analysis of the Ardennes socio-ecological system

Source: author’s original production (2016).

19 We synthetically illustrated these impacts of climate change in a large graph, redrawn and reproduced in Figure 5. The orange elements correspond to the three fundamental components of the analysis: climate dynamics, governance system, and results in terms of sustainable development. The gray elements correspond to the variables of the other subsystems, where the context appears have a greater impact and which seem to play an important role in the interaction with the governance system and the climate dynamics from the perspective of sustainability. So, we focused on the variables that we think are most relevant. In relation to the governance system, we highlighted in yellow the variables that will have a likely positive impact on the sustainable development of the Ardennes by 2050 in the context of climate change and which could constitute accelerators of sustainability. On the contrary, some variables are in red because we think they may have a negative impact.

20 This analysis of the governance system of the Ardennes mountain region and its adaptation to climate change identifies the limits of the current system. The absence of an SES observatory of the Ardennes as a whole, the lack of structured intersectoral dialogue, and the limited capability of local authorities and civil society, among others, represent, at the end of this collective work, obstacles to climate change adaptation on the entire territory of the Ardennes. However, in the process of co-production, we have also identified positive elements, including the partial political alignment that is currently observed and the potential of tourism and of the “Marque Ardenne”, which is a territorial marketing project of many actors of the French, Belgian and Luxembourg tourism sector that have joined forces since 2014 within the framework of the European Economic Interest Grouping (EEIG) “Destination Ardenne”. The latter could represent the

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 199

core of a governance system that integrates other sectors, such as water resources, but also the forestry and residential sectors.

Conclusion

21 As part of a transformational research process, these diagnostic elements can provide a starting point for prospective and retrospective analyses that may consider possible solutions and their feasibility. These elements are however far from being able to represent elements of strategy to contribute to the sustainable development of this territory. Only after the completion of prospective and retrospective analyses we can implement transformation strategies, while considering the limits of deliberative and epistemic practices in place and to come. At the same time, these processes are also transdisciplinary research processes, which lead to the co-production of knowledge by scientific and societal actors. In this article, we suggest that this type of transformational and transdisciplinary research process can contribute to greater adaptation to climate change.

BIBLIOGRAPHY

Berkes F., 2006.– “From community-based resource management to complex systems: the scale issue and marine commons”. Ecology and Society, 11(1).

Binder C. R., Hinkel J., Bots, P. W. G., & Pahl-Wostl C., 2013.– “Comparison of frameworks for analyzing social-ecological systems”. Ecology and Society, 18(4).

Cash D. W., Adger W. N., Berkes F., Garden P., Lebel L., Olsson P., et al., 2006.– “Scale and cross- scale dynamics: governance and information in a multilevel world”. Ecology and Society, 11(2), 12.

Church, J. M., 2015.– « Gouvernance environnementale régionale ». Dans F. Gemenne (éd.), L’enjeu mondial, l’environnement (pp. [2]). Paris : Presses de Sciences Po.

Church, J. M., 2016.– « Analyse du système de gouvernance du massif ardennais et de son adéquation face au changement climatique ». Territoires, environnement et biodiversité face aux changements climatiques : impacts et adaptations, Poitiers.

Church, J. M., 2019.– Ecoregionalism: analyzing regional environmental processes and agreements. Abingdon: Routledge.

Clark W. C., Tomich T. P., van Noordwijk, M. Guston D., Catacutan D., Dickson N. M., et al., 2011.– “Boundary work for sustainable development: Natural resource management at the Consultative Group on International Agricultural Research (CGIAR)”. Proceedings of the National Academy of Sciences, 113(17), 4615–4622.

Cox M. E., 2014.– “Understanding large social-ecological systems: introducing the SESMAD project”. International Journal of the Commons, 8(2), 265-276.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 200

Cox M. E., Villamayor-Tomas S., Epstein G., Evans L., Ban N. C., Fleischman F., et al., 2016.– “Synthesizing theories of natural resource management and governance”. Global Environmental Change, 39, 45-56.

Debarbieux B., Price M. F., & Balsiger J., 2013.– “The institutionalization of mountain regions in Europe”. Regional Studies, 1-15.

Debarbieux B., & Rudaz G. (2010.– Faiseurs de montagne. Paris : CNRS Editions.

Epstein G., Bennett A., Gruby R., Acton L., & Nenadovic M., 2014.– “Studying power with the social-ecological system framework”. In M. J. Manfredo, J. J. Vaske, A. Rechkemmer & E. A. Duke (éds.), Understanding society and natural resources: Forging new strands of integration across the social sciences (pp. 111-135). Dordrecht: Springer.

Fleischman F. D., Ban N. C., Evans L. S., Epstein G., Garcia-Lopez G., & Villamayor-Tomas S., 2014.– “Governing large-scale social-ecological systems: lessons from five cases.” International Journal of the Commons, , 8(2), 428–456.

Folke C., 2007.– “Social-ecological systems and adaptive governance of the commons”. Ecological Research, 22(14-15).

Gameren V. v., 2014.– « L’adaptation de la gestion forestière privée au changement climatique : le cas wallon ». Sud-Ouest européen, 37, 63-75.

GIEC, 2014.– Changement climatique 2014 : rapport de synthèse. Genève : CCNUCC.

Golobic, 2006.– « Le climat change : que fait l’aménagement du territoire ? » Dans Brendt & Stille (éds.), Changement du climat dans l’espace alpin : effets et défis (pp. 30-37). Lebensministerium: Vienne.

Gupta J., Termeer C., Klostermann J., Meijerink S., van den Brink M., Jong P., et al., 2010.– “The Adaptive Capacity Wheel: a method to assess the inherent characteristics of institutions to enable the adaptive capacity of society”. Environmental Science & Policy, 13(6), 459-471.

Houpert A., & Botrel Y., 2015.– Rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur l’enquête de la Cour des comptes relative aux soutiens à la filière forêt-bois. Paris : Sénat de la République.

Karpouzoglou T., Dewulf A., & Clark J., 2016.– “Advancing adaptive governance of social- ecological systems through theoretical multiplicity”. Environmental Science & Policy, 57, 1-9.

Lagadeuc Y., & Chenorkian R., 2009.– “Les systèmes socio-écologiques : vers une approche spatiale et temporelle”. Natures Sciences Sociétés, 17(2), 194-196.

Lane L., & Montgomery W. D., 2014.– “An institutional critique of new climate scenarios”. Climatic Change, 122(3), 447-458.

Lang D., Wiek A., Bergmann M., Stauffacher M., Martens P., Moll P., et al., 2012.– “Transdisciplinary research in sustainability science: practice, principles, and challenges.” Sustainability Science, 7(1), 25-43.

Levin S., Xepapadeas T., Crépin A.-S., Norberg J., de Zeeuw A., Folke C., et al., 2013.– “Social- ecological systems as complex adaptive systems: modeling and policy implications”. Environment and Development Economics, 18(02), 111-132.

Liu J., Dietz, Carpenter, Alberti, Folke, Moran, et al., 2007.– “Complexity of coupled human and natural systems”. Science, 317, 1513-1516.

Matson P. A., Clark W. C., & Andersson K., 2016.– Pursuing sustainability: a guide to the science and practice. Princeton, NJ: Princeton University Press.

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 201

McGinnis M. D., & Ostrom E, 2014.– “Social-ecological system framework: initial changes and continuing challenges”. Ecology and Society, 19(2).

O’Neill B. C., Kriegler E., Ebi K. L., Kemp-Benedict E., Riahi K., Rothman D. S., et al., 2017.– The roads ahead: narratives for shared socioeconomic pathways describing world futures in the 21st century. Global Environmental Change, 42, 169-180.

Ostrom E., 2009.– “A general framework for analyzing sustainability of social-ecological systems”. Science, 325(5939), 419-422.

Ostrom E., Burger J., Field C. B., Norgaard R. B., & Policansky D., 1999.– “Revisiting the commons: local lessons, global challenges”. Science, 284(5412), 278-282.

Ostrom E., Janssen M. A., & Anderies J. M., 2007.– “Going beyond panaceas”. Proceedings of the National Academy of Sciences, 104(39), 15176-15178.

Redman, Grove, & Kuby, 2004.– “Integrating social science into the Long-Term Ecological Research (LTER) network: social dimensions of ecological change and ecological dimensions of social change”. Ecosystems, 7, 161-171.

Région wallonne. Agence wallonne de l’air et du climat, 2011.– L’adaptation au changement climatique en région wallonne : rapport final. Namur.

Schoon, M., & Leeuw S. v. d., 2015.– “The shift toward social-ecological systems perspectives: insights into the human-nature relationship”. Natures Sciences Sociétés, 23(2), 166-174.

Terlinden, 2011.– “Changement climatique : quel impact sur la forêt ?” Silva Belgica, 118(2).

Van Ruijven, B. J., Levy, M. A., Agrawal, A., Biermann, F., Birkmann, J., Carter, T. R., et al., 2014.– “Enhancing the relevance of shared socioeconomic pathways for climate change impacts, adaptation and vulnerability research.” Climatic Change, 122(3), 481-494.

Van Vuuren D. P., Kriegler E., O'Neill B. C., Ebi K. L., Riahi K., Carter T. R., et al., 2014.– “A new scenario framework for climate change research: scenario matrix architecture”. Climatic Change, 122(3), 373-386.

Webster D. G., 2009.– Adaptive governance: the dynamics of Atlantic fisheries management. Cambridge, MA: MIT Press.

Wiek A., & Lang D. J., 2016.– “Transformational sustainability research methodology”. Dans H. Heinrichs, P. Martens, G. Michelsen & A. Wiek (éds.), Sustainability science: an introduction (pp. 31-41). Dordrecht: Springer.

NOTES

1. This first part of the text was prepared with the assistance of Virginie Joanne-Fabre, HABITER research team, University of Reims Champagne-Ardenne. 2. Romain Henriet, François Kosmowski, Thomas Lepetit-Collin (2014), Master of Urban Planning, Regional Planning, Environment (UrbEA), Institute of Regional, Environmental and Urban Planning of the University of Reims (IATEUR), University of Reims Champagne-Ardenne. 3. Simon Roelandt (2016), “The governance of socio-ecological systems: the Ostrom framework for the analysis of Walloon forests”, master dissertation, Master UrbEA, IATEUR, University of Reims Champagne-Ardenne. 4. Participants: Alice Baillat, Claire Brasseur, Michael Cox, Roxane de Flore, Jean-François Godeau, Elizabeth Haber, Sandra van der Hel, Bernard Masson, Leonardo Orlando, Kari de Pryck, Jetske Vaas, Ruishan Chen, Natalie Chong, Michael Cox, Catarina Fonseca, Nadia French, Jacob

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018 202

Halcomb, Gavin Heath, Neha Khandekar, Aravind Kundurpi, Tek Jung Mahat, Camille Mazé, Piero Morseletto, Tuuli Parviainen, Roman de Rafael, Olivier Ragueneau, Narindra Rakotoarijaona, Marta Rica, Clément Roux-Riou, Divya Sharma, Iveta Stecova, David Teuscher, Keira Webster.

ABSTRACTS

The Ardennes are a mountain forest area in the heart of Europe. It is fundamental for this mountain area to be able to anticipate climate change and its expected impacts. In this article, we are particularly interested in the Ardennes governance system. We first use transformational sustainability research methods through a methodological framework that combines different methods. In this context, we proceed with a diagnostic analysis of the sustainability of the Ardennes governance system. This analysis was developed from a version of the general framework for the analysis of the sustainability of socio-ecological systems developed by Ostrom. It was adapted to a large system and applied as part of a participatory research process. This identified three main vulnerabilities: the absence of an observatory of the socio-ecological system as a whole, the lack of a structured intersectoral dialogue, and the limited capacity to act of local authorities and civil society. We therefore suggest conducting prospective and retrospective analyses to identify adaptation paths of the governance system in relation to climate change. This should make it possible to design and experiment interventions to transform the governance of this large socio-ecological system towards greater sustainability.

INDEX

Keywords: Ardennes, socio-ecological system, sustainability, governance, transformational research

AUTHOR

JON MARCO CHURCH

HABITER research team, University of Reims Champagne-Ardenne, [email protected]

Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-3 | 2018