Les diptères stratiomyioïdes de la

première approche

es stratiomyides, on ne peut dire qu’ils suscitent la peur, la répulsion ou l’admiration car, parmi le grand public même averti, capable à la rigueur d’identifier comme tel un syrphe ou une tipule, nul ne connaît ces mouches qui pourtant comptent parmi les plus belles de notre faune ! Les guides de vulgarisation ne leur accordent généralement que peu de place : ROBERT (1960) ne mentionnait qu’une seule espèce dans son panorama des insectes, SANDHALL (1972) n’en citait aucune dans son « Insectes et petites bêtes », excellent ouvrage d’initiation au demeurant, et même le récent « Fliegen und Mücken » de J. et H.HAUPT (1998) strictement consacré aux diptères, n’illustre que 5 espèces sur les 127 que compte l’Europe (ce qui n’empêche pas l’éditeur de la version française d’annoncer sans vergogne en couverture « l’identification des espèces européennes » !!). C’est encore CHINERY qui, dans son désormais classique et merveilleusement condensé « Insectes d’Europe occidentale » (1986), donne le meilleur aperçu de la super- famille en représentant avec art et précision pas moins de 11 espèces ! Que des insectes soient à la fois si beaux et si méconnus : voilà ce qui m’a incité à esquisser ce tableau préliminaire qui dresse le bilan de nos premières et timides investigations aux quatre coins de la Manche. Nul doute qu’il donnera aux entomologistes de l’association l’envie de le compléter.

Position systématique Insectes à métamorphoses complètes presque toujours pourvus de deux ailes membraneuses, de deux « balanciers » et d’un appareil buccal adapté à sucer ou à piquer, les diptères englobent ce que nous appelons les moustiques et les mouches. Les premiers sont des nématocères, aux longues antennes comprenant plus de trois

d b c a

Types d’antennes de nématocère (a) et de divers brachycères (b, c, d)

L’Argiope n°42 21 articles de taille subégale (grec nema = fil), les seconds des brachycères, aux antennes généralement courtes (grec brachys = court) de trois articles dont le dernier peut se subdiviser et comporter divers appendices.

La classification des brachycères a toujours été controversée et de nos jours encore aucune théorie ne donne entièrement satisfaction. On distingue classiquement les orthorrhaphes des cyclorrhaphes suivant le mode d’éclosion et la morphologie des larves. Chez les orthorrhaphes, lors de l’éclosion, l’imago se libère par une fente dorsale longitudinale. Chez les cyclorrhaphes au contraire, l’enveloppe de la pupe éclate par une fente circulaire et les imagos conservent une cicatrice frontale en forme de fer à cheval. Ce système présente deux inconvénients : l’appartenance des adultes à l’un ou l’autre groupe est parfois malaisée pour le débutant et ce mode de rangement empiète sur le premier (nématocères / brachycères) dans la mesure où tous les nématocères sont des orthorrhaphes.

Il est commode en revanche, comme le pratiquait SÉGUY dans la collection PERRIER (1937) ou les guides Boubée (1951), de diviser les brachycères en deux groupes selon que le dernier article tarsal comprend deux pelotes (hétéro- dactyles) ou trois pelotes (homéo- dactyles), et cette distinction se Dessin des pelotes justifie par d’autres caractères discri- d’un hétérodactyle et d’un homéodactyle minants, notamment à l’état larvaire. Chez les homéodactyles, les pelotes latérales portent le nom de pulvilles et la médiane représente l’arolium. Les brachycères homéodactyles sont des mouches dépourvues de grosses soies sensorielles (macrochètes), leurs pattes ne sont pas épineuses et leur troisième article antennaire est formé de segments plus ou moins nombreux. SÉGUY les répartissait en trois super-familles, les Nemestroidea, les Tabanoidea et les Stratiomyioidea, lesquels sont bien définis par un ensemble de caractères : Contrairement aux tabanoïdes, les nymphes sont enfermées dans la dernière exuvie larvaire qui forme un puparium. Chez les adultes, l’appareil buccal est réduit; les mandibules manquent parfois. Le cuilleron thoracique, petit, est recouvert d’une pilosité soyeuse. Le troisième article antennaire est composé de plusieurs articles coalescents et peu mobiles. Les ailes, repliées au repos l’une sur l’autre, ne cachent pas entièrement l’abdomen Enfin et surtout, la nervation alaire est typique : la nervure costale n’entoure pas complètement l’aile et les deux nervures cubitales se rejoignent avant d’atteindre la marge postérieure de l’aile.

22 L’Argiope n°42 Les auteurs récents se sont évertués à recomposer ce système sans parvenir à le clarifier de façon unanime et définitive. La plupart conservent cependant la super-famille des Stratiomyioidea, parfois conçue comme un infra-ordre, les Stratiomyiomorpha, ce qui tend à montrer l’homogénéité de cet ensemble. En effet, le rapprochement au sein d’un même ensemble des deux familles des Xylomyidae et des préconisé par SÉGUY a été maintenu par tous les systématiciens récents et il justifie qu’elles soient traitées conjointement dans le cadre de ce modeste inventaire.

Généralités

Les Xylomyidae ont connu cependant quelques péripéties : VERRALL (1909) les traitait comme une sous-famille des Stratiomyidae et un peu plus tard SÉGUY (1926) les incorporait aux Erinnidae en tant que sous-famille, avant de les ériger (1951) en famille sous le nom de Solvidae. Malgré le rapprochement systéma- tique avec les stratiomyides, ces diptères ont une apparence assez différente. De forme allongée, ils ressemblent un peu à des hyménoptères (certains ichneumo- nides et symphytes) ou à des syrphes du genre Xylota. Leurs yeux sont écartés dans les deux sexes, leurs fémurs postérieurs sont un peu renflés, le troisième arti- cle antennaire compte 8 divisions et la nervation alaire complète diffère notable- ment de celle des stratiomyides : la nervure costale se prolonge davantage et la cellule M3 est fermée et pétiolée. On peut ajouter que le scutellum des Xylomyidae est toujours inerme et que les tibias médians et postérieurs sont éperonnés. Ce sont des insectes au vol lent qui fréquentent les zones boisées. On observe générale- ment les adultes sur les troncs ou les feuillages. Les larves, zoophages ou saproxy- lophages, se développent dans le terreau, sur les troncs vermoulus ou sous l’écorce des arbres abattus, d’où le nom de « mouches du bois » (Xylomyidae) dont on les a baptisés. STUBBS & DRAKE (2001) rapportent que l’on trouve parfois sous les écorces des agglomérats de pupariums vidés de leurs occupants. Particularité originale sur laquelle nous reviendrons, ces mouches seraient capables d’émettre des stridulations. La famille ne compte que peu d’espèces en Europe. Quatre Habitus d’un Xylomyidae (Solva marginata) au moins ont été citées de .

Sur le terrain ou du moins lors d’un examen superficiel, les Stratiomyidae se reconnaissent indubitablement à la présence, vers le milieu de la moitié antérieure

L’Argiope n°42 23 de l’aile, d’une cellule dite discale souvent petite d’où partent plusieurs nervures qui ne sont ni fourchues ni réunies par des transversales et n’atteignent que rarement le bord de l’aile. Nervation alaire d’un stratiomyide En dehors de cet élément constant et des caractères suprafamiliaux déjà énumérés, ces mouches offrent une grande diversité de formes qui fait leur charme et leur beauté. Dans notre seul pays, leur taille varie de 2mm à près de 2cm ! Ces insectes arborent le plus souvent des couleurs tranchées, noires, jaunes ou blanches, métalliques parfois. Il est d’ailleurs permis de penser qu’ils tirent leur nom, attribué par MULLOCH en 1917, de cette particularité : les stratiomyides ou mouches-soldats (grec stratiotes = soldat), les soldierflies des Anglais, ce sont les mouches revêtues d’un costume bigarré rappelant l’uniforme des militaires d’autrefois et se tenant immobiles sur les fleurs à la manière d’une sentinelle. La tête est grosse, généralement plus large que le thorax, les yeux le plus souvent rapprochés chez les mâles et largement séparés chez les femelles. L’antenne porte parfois une arête ou un style apical. Les , par exception, ont l’épistome saillant et la trompe fine et longue. Le thorax est parfois recouvert d’une toison dorée ou argentée. Chez Clitellaria, il est épineux et dans plusieurs genres c’est le scutellum qui porte des épines plus ou moins développées à sa marge postérieure. L’abdomen des Stratiomys est remarquablement élargi alors que celui des Sargus est étroit et allongé. Les pattes sont faibles et de longueur moyenne dans la majorité des espèces. Quant aux larves, aux téguments durs et parcheminés, elles sont tantôt ovales et aplaties (formes terrestres) tantôt allongées et terminées par un faisceau de soies plumeuses (formes aquatiques).

Les disparités morphologiques des stratiomyides sont à mettre en parallèle avec la diversité de leurs mœurs. On distingue nettement des espèces à développement aquatique, les plus nombreuses, et des espèces terrestres. Les premières pondent à la surface de l’eau, sur les feuilles des plantes aquatiques ou dans la mousse humide, les œufs étant agglomérés par une substance visqueuse. On trouve les larves dans toutes sortes de milieux humides, fossés, suintements, berges des mares et des rivières, ornières et « pieds de vaches », les eaux riches en bases étant les plus propices. Elles peuvent se dissimuler dans la vase, parmi les débris végétaux, sous les pierres de la rive ou nager en pleine eau. Elles respirent alors en amenant leurs stigmates postérieurs à la surface afin d’y retenir une bulle d’air entre les soies réparties autour de ces orifices. Ces larves sont carnivores ou phytophages, elles quittent parfois le milieu aquatique pour se transformer.

Les espèces terrestres pondent dans les matières organiques en décomposition et c’est dans ces biotopes que l’on découvre leurs larves : amas végétaux, terreau, composts, arbres vermoulus, fruits pourris, excréments des herbivores, tiges sèches

24 L’Argiope n°42 d’apiacées, racines des ligneux, écorces d’arbres abattus, en particulier les peupliers, les ormes et les chênes. Ces larves résistent mieux que d’autres à la dessiccation. Elles sont phytophages, saprophages, parfois coprophages ou carnassières. La métamorphose a lieu dans le sol.

La vie larvaire peut durer d’une à plusieurs années selon les espèces. En revanche le stade nymphal est toujours bref, entre une et trois semaines. Les imagos sortent du puparium par une fente dorsale en forme de T. Leur vol, dit SÉGUY (1926), est faible et lent, de peu d’étendue. Aussi les observe-t-on généralement à proximité de leur lieu d’émergence, selon leurs préférences écologiques. Mais dans tous les cas il convient de les rechercher dans les endroits les plus chauds et les mieux ensoleillés. Les stratiomyides passent beaucoup de temps immobiles sur ou sous les feuilles des buissons, des plantes herbacées ou encore sur les troncs les mieux exposés. Là ils prennent le soleil, s’abritent, se courtisent ou consomment les sucs de la plante. Ils fréquentent les fleurs pour s’alimenter, particulièrement – car leur trompe est courte - celles dont le nectar est facilement accessible, astéracées ou grandes apiacées, la berce, la ciguë... On ignore s’ils sont capables de digérer le pollen.

STUBBS & DRAKE (2001) insistent sur un aspect de la biologie qui semble avoir été à peu près ignoré des auteurs précédents. Durant leur période d’activité, qui d’ailleurs est assez courte (mois d’été surtout), les mâles de la plupart des espèces ont l’habitude de se regrouper en essaims qui évoluent en vol stationnaire dans l’attente des femelles. Le dimorphisme sexuel, important dans cette famille, et notamment la conformation très particulière des yeux masculins (le plus souvent facettes petites vers le bas et grandes vers le haut), serait en relation avec ces mœurs nuptiales.

Les ennemis des stratiomyides sont encore imparfaitement connus. Les auteurs ont énuméré un certain nombre de parasites ou parasitoïdes du stade larvaire, notamment les spectaculaires hyménoptères du genre Chalcis, mais aussi des ichneumonides et des braconides. Selon SÉGUY (1926), les imagos sont chassés par des sphégides, par exemple le puissant Bembex rostrata ou Crabro peltarius.

Les Stratiomyidae forment une famille d’importance moyenne dont l’optimum se situe dans les régions tropicales et subtropicales d’après ROZKOSNY (1982-1983). Le même auteur dénombre 127 espèces en Europe. Pour donner une idée de leur distribution, 50 espèces ont été recensées en Scandinavie (ROZKOSNY 1973), 49 en Grande-Bretagne (STUBBS & DRAKE 2001) et 72 en France (MARTINEZ 1986).

L’Argiope n°42 25 Sources et méthodes A ma connaissance, les sources écrites permettant d’établir une liste des Stratiomyioidea de la Manche sont quasi inexistantes. Dans sa « Faune de France », SÉGUY (1926) mentionne de notre département une seule espèce, qui d’ailleurs n’a pas été revue, et quelques années plus tard, MERCIER (1929) signale à Carteret la présence d’une espèce très banale. Viennent ensuite les récoltes inédites d’Henri CHEVIN au cours des années 50 et 60. Puis il faut attendre les années 90 pour obtenir quelques citations dans les listes d’insectes des rapports non publiés (Ph. FOUILLET), dont le dépouillement, il est vrai, n’est que très partiel. Aussi, en 1999, quand nous avons commencé, quelques collègues et moi-même, à nous intéresser à ce groupe, seules 10 espèces figuraient à notre fichier. Pas moins de 12 ont pu être ajoutées au cours des dernières saisons. En conséquence, cette première liste, si modeste soit-elle, apporte une contribution originale à la connaissance des Stratiomyioidea de la Manche.

Tous les spécimens ont été récoltés au filet à papillons, au filet fauchoir ou même directement à l’aide d’un tube en verre ou en plastique. Aucun piégeage, aucun sacrifice inutile… Si je puis me permettre cet avis, autant un inventaire de papillons est impensable sans piège lumineux, autant les méthodes de captures massives telles que pièges jaunes ou tentes malaises ne me semblent pas indispensables à un recensement de stratiomyides. La simple « chasse » à vue, outre qu’elle épargne des centaines de vies et permet d’observer le comportement des insectes, donne d’excellents résultats avec un minimum de matériel.

Liste commentée des espèces Notre enquête sur ce groupe n’étant qu’à ses débuts et les données étant par conséquent peu nombreuses, j’ai cru bon de les publier intégralement, à l’exception de celles de Chloromyia formosa qui sont résumées dans le texte. Les tableaux se lisent dans l’ordre suivant : initiales de la personne qui a récolté l’insecte, initiales de celle qui l’a identifié (si différente), initiales de l’auteur qui a publié la donnée, date de l’observation de terrain, date de la publication, commune (voir la liste dans L’Argiope No 35), abondance et sexe, lieu-dit et habitat. Les initiales correspondent aux noms suivants :

ALI = Alain Livory CDA = Charles David HCH = Henri Chevin MER = L.Mercier NLE = Nicole Lepertel PFO = Philippe Fouillet PSA = Philippe Sagot RCO = Roselyne Coulomb SEG = E. Séguy XLA = Xavier Lair YGR = Yves Grall

26 L’Argiope n°42 XYLOMYIDAE Alors que ROZKOSNY ne retenait qu’un seul genre (Solva), la faune européenne est actuellement répartie en deux genres (Solva et Xylomya) par STUBBS & DRAKE (2001). Elle ne compte qu’un petit nombre d’espèces dont plusieurs endémiques des Canaries et de Madère. Parmi les 4 espèces françaises, une au moins habite la Manche.

Solva marginata (MEIGEN 1820) Cette espèce, qui est de loin la plus commune en Europe occidentale, se reconnaît facilement (voir illustration p.23) à ses fémurs postérieurs épaissis et pourvus de petites épines noires sur la face ventrale. Le mésonotum et les hanches sont noirs, le scutellum jaune. C’est une mouche de taille modeste (6 à 7 mm) qui ressemble un peu à un hyménoptère symphyte, avec des antennes beaucoup plus courtes, il va sans dire. On trouve ces diptères sur les feuillages ou les troncs ensoleillés. Ils pondent dans le bois mort, notamment sous les écorces des arbres abattus, particulièrement les peupliers, y compris les formes hybrides, parfois d’autres essences. SÉGUY (1926) précise même que les larves seraient prédatées par l’histéride Hololepta plana qui occupe la même niche écologique. DRAKE (1990) a signalé au sujet de cette espèce une capacité singulière et rare chez les diptères, celle d’émettre des stridulations ! Les Solva, voletant de feuilles en feuilles, produisent juste avant l’envol un bourdonnement nasal à peine audible dont l’origine est encore mal connue. L’auteur a formulé l’hypothèse selon laquelle la mouche frotterait les soies de ses nervures alaires contre les stries des premiers tergites abdominaux, un système somme toute assez proche de celui des orthoptères.

J’ignorais tout de la biologie de cet insecte quand je l’ai découvert en juin 2001 en deux endroits de la commune d’Agon-Coutainville. C’est après avoir consulté la littérature spécialisée que je me suis rendu compte que les peupliers y étaient bien représentés voire dominants, dans mon propre jardin tout d’abord (28 juin) où croissent de hauts peupliers d’Italie, et surtout dans les charrières boisées du Mont-Morel (30 juin), plantées d’alignements de magnifiques peupliers noirs (groupe nigra) qui jusqu’à présent ont échappé à la tronçonneuse des maraîchers. Ces arbres vénérables offrent de profondes cavités et produisent en vieillissant beaucoup de bois mort. De nombreux insectes exploitent cette niche. Les données d’Agon sont à ce jour les uniques mentions de Solva marginata dans la Manche.

ALI 28-VI-2001 Agon 1 Jardin ALI 30-VI-2001 Agon (pointe d’) 1 Chemin ombragé

STRATIOMYIDAE Le classement de ces insectes à l’intérieur de sous-familles s’est quant à lui révélé très stable. Seuls quelques noms ont changé. Si l’on met de côté les Hermetiinae, représentés en France par une espèce américaine introduite çà et là,

L’Argiope n°42 27 les 5 sous-familles indigènes existent dans notre département. Ce sont : les Beridinae (Berinae de SÉGUY), les Sarginae (Geosarginae de SÉGUY), les Stratiomyinae, les Clitellariinae et les Pachygastrinae (alias Pachygasterinae).

BERIDINAE

Dans nos régions, ces mouches ont le scutellum armé de 4 (Chorisops) ou de 6 épines (Beris). Leurs larves sont terrestres.

Beris chalybata (FORSTER 1771) = B.chalybeata Ce Beris noir à pattes jaunes passe pour le plus commun du genre. Il Beris valatta affectionne la végétation luxuriante de divers milieux, lisières de bois, haies, jardins, marais, bord des rivières… La larve se développe dans les composts, la mousse, la litière de feuilles mortes.

ALI 9-V-2002 Tourville 1f Vallée Siame

Dans la Manche à ce jour, je ne l’ai récolté qu’une seule fois, dans un vallon bien abrité du Coutançais.

Beris clavipes (LINNÉ 1767) Cet insecte ressemble beaucoup à Beris vallata qui a comme lui l’abdomen orange, mais il est plus grand et ses ailes sont nettement assombries. Il sera prudent toutefois de consulter les meilleurs ouvrages avant de se prononcer. Ce stratiomyide vit de préférence au bord des eaux ou dans les marais riches en végétation. On trouve les larves dans la mousse ou les plantes pourrissantes. Nous ne l’avons pas encore découvert dans la Manche mais SÉGUY, qui le tenait pour assez rare, l’a cité de notre département dans sa Faune de France de 1926. Malheureusement les auteurs, PORTEVIN et POUJADE sont mentionnés sans renvoi bibliographique.

* SEG 1926 Sans localité

* Portevin, Poujade

Beris vallata (FORSTER 1771) Cette espèce réputée commune habite les zones humides ou les endroits frais tels que des lisières forestières. C’est en effet dans des milieux boisés que nous avons détecté sa présence, les deux fois dans le Sud du département.

ALI 27-VI-1999 St-Georges-de-Rouelley 1f PSA ALI 3-VI-2002 St-Vigor-des-Monts 1f Sous-bois

28 L’Argiope n°42 Chorisops tibialis (MEIGEN 1820) Si la détermination générique ne présente pas de difficulté, on se gardera de ne pas confondre cette espèce avec la très voisine Chorisops nagatomii décrite en 1979 par ROZKOSNY et susceptible de se trouver dans notre région. C.tibialis peut passer inaperçu car il fréquente des stations ombragées et humides. En revanche, les rassemblements nuptiaux sont parfois spectaculaires en été sous les frondaisons : STUBBS & DRAKE rapportent que DOBSON (1997) a pu dénombrer des dizaines de milliers d’individus !! Le pic de juillet indiqué par nos collègues britanniques est confirmé par les 3 observations manchotes.

PSA ALI 21-VII-2000 1f Berge Mauduit ALI 12-VII-2002 Chanteloup 1f NLE ALI VII-2002 St-Loup Jardin

CLITELLARIINAE

Il s’agit d’un vaste ensemble comptant environ 80 espèces en Europe. Ce sont généralement de petits diptères d’aspect diversifié. Leur scutellum peut être inerme ou muni de deux épines, leurs antennes se terminent en une pointe aiguë. Dans nos régions , les larves sont aquatiques ou semi-aquatiques. Les genres Nemotelus et Oxycera sont les plus riches en espèces au sein des Stratiomyidae européens.

Les Nemotelus sont de charmantes petites mouches noires et blanches au museau pointu caractéristique. Bien qu’il y ait eu maintes confusions par le passé, l’identification des Nemotelus de France ne pose guère de problème grâce aux excellentes mises au point de ROZKOSNY (1973) et de STUBBS & DRAKE (2001). Les larves vivent au bord des eaux Oxycera rara stagnantes peu profondes.

Nemotelus notatus ZETTERSEDT 1842 Voilà sans doute l’une des espèces les plus intéressantes de notre faune. Les anciens auteurs savaient déjà que sa larve se développait en eau saumâtre ou salée. De ce fait, c’est une mouche à distribution essentiellement maritime connue surtout sur les côtes d’Europe du Nord et de l’Ouest, en particulier dans les régions d’estuaires. HCH 8-VII-1962 St-Jean-le-Thomas 2m ALI 23-VI-2000 Chausey 1f Lavatera ALI 14-VIII-2001 Cosqueville 1m Marais saumâtre XLA ALI 21-VI-2003 Orval 1f Anc.gare, friche RCO ALI 26-VI-2003 Agon 1m Jardin

L’Argiope n°42 29 Dans la Manche, toutes les données sont estivales et côtières à l’exception de la localité d’Orval, qui se situe à 7 km du littoral. Il est à noter que 2 des 5 observations concernent des fleurs de malvacées. Le 26 juin 2003, un mâle était la proie d’une thomise sur une fleur de rose trémière.

Nemotelus pantherinus (LINNÉ 1758) Les larves de cette espèce habitent les eaux stagnantes peu profondes et les adultes ne s’écartent guère des zones humides, prairies, fossés, suintements, rivières, bord des étangs. En dehors des côtes, ce serait l’espèce la plus commune.

HCH 30-VI-1955 1 PFO PFO 1990 Tourbière alc. ALI 25-VI-2001 1m Marais

Nemotelus uliginosus (LINNÉ 1767) Curieusement ni SÉGUY ni ROZKOSNY ne semblent considérer cette espèce comme inféodée au littoral. Toutefois le premier ne cite pour la France que des départements côtiers (le Pas-de-Calais, la Somme et le Calvados) et le second précise que larves et adultes se rencontrent souvent au bord de la mer. En revanche, STUBBS & DRAKE estiment que N.uliginosus est un diptère étroitement associé aux eaux salines et que sa répartition britannique est strictement maritime, les données anciennes de l’intérieur étant probablement erronées. En Grande-Bretagne, des larves ont été découvertes parmi les amas d’algues échouées, au bord de retenues saumâtres. Les adultes semblent se nourrir sur les fleurs de plantain d’eau (Alisma plantago-aquatica).

ALI 20-VIII-2002 Tourville C Fl. de guimauve ALI 20-VIII-2002 Heugueville C Fl. de guimauve

Au fond du havre de Regnéville et d’ailleurs dans la plupart des estuaires de la côte Ouest, croissent d’importantes stations de guimauve (Althaea officinalis). Le 20 août 2002, nous avons observé, R.COULOMB, J.- J. MORÈRE et moi-même, des mâles et des femelles de Nemotelus uliginosus sur les fleurs de cette malvacée. Etant donné les préférences halophiles et l’activité estivale de ce diptère, je ne serais pas étonné qu’il soit un hôte assidu de la guimauve. Les Nemotelus auraient- ils un attrait particulier pour cette famille déjà évoquée à propos de N.notatus ?

Les Oxycera (= Hermione) sont des mouches de taille petite à moyenne souvent colorées de taches vives jaunes ou vertes. Leur scutellum porte une paire d’épines. Les larves sont aquatiques.

30 L’Argiope n°42 Oxycera rara (SCOPOLI 1763) = O.pulchella MEIGEN C’est l’un des plus robustes et des plus remarquables représentants du genre avec ses deux paires de taches jaunes sur l’abdomen. Cette espèce vit dans toutes sortes de situations palustres mais elle n’est jamais abondante. Les larves croissent dans la mousse ou la vase de toutes eaux même saumâtres alors que les adultes recherchent les endroits les mieux ensoleillés.

HCH 29-VI-1963 St-Lô-d’Ourville 1 YGR ALI 29-VI-2003 Vauville 1m Roncier

Dans la Manche, H.CHEVIN avait déjà récolté ce diptère sur la côte Ouest au début des années 60. Nous ne l’avons retrouvé que récemment au bord d’une petite tourbière de au cours d’une sortie Manche-Nature.

Oxycera trilineata (LINNÉ 1767) Avec sa livrée verte et noire, cette mouche de taille moyenne est l’une des plus séduisantes de la famille. Les larves vivent dans la vase au bord des eaux stagnantes et tolèrent une certaine salinité. En Europe occidentale, l’espèce semble d’ailleurs plus fréquente sur le littoral.

ALI 30-VI-2001 Agon 1f Oenanthe crocata

C’est sur les marges du havre de Regnéville, dans l’un des rares secteurs marécageux, que j’ai pu récolter une femelle au printemps 2001. C’est à ce jour la seule donnée de la Manche.

PACHYGASTRINAE

Cette sous-famille ne compte que 6 espèces en Europe. Ce sont des mouches noires de petite taille au scutellum dépourvu d’épines, peu remarquables en somme. Leurs larves sont terrestres. On les trouve le plus souvent sous l’écorce ou dans les cavités des arbres morts.

Pachygaster atra (PANZER 1798) Ce stratiomyide de quelques atra millimètres se prend généralement en battant les haies et le feuillage de diverses essences, aune, orme, peuplier, chêne, saule, hêtre et même pin, les mêmes sans doute sur lesquelles les larves ont grandi. On a parfois signalé d’importants rassemblements d’imagos autour des buissons.

ALI 18-VI-2003 Courcy 1f Fauchage ALI 23-VI-2003 2f Berge

L’Argiope n°42 31 Ces deux captures rapprochées sont pour l’instant isolées mais il est vraisemblable que beaucoup d’autres s’y ajouteront car SÉGUY (1926) considérait l’espèce comme partout commune en France et MARTINEZ (1986) la qualifie également de très commune.

Pachygaster leachii STEPHENS in CURTIS 1824 = Praomyia leachii CURTIS Les larves de cette espèce exploitent différentes situations: « dans les bolets, écrivait SÉGUY, les creux des vieux chênes, les pieds de navet ». STUBBS & DRAKE complètent cette liste par les racines d’apiacées (Angelica, Heracleum…), le bois mort, les trous de coléoptères xylophages, les écorces d’aunes morts, les composts. Les adultes se capturent souvent au battage des chênes, des ormes, des noisetiers et des aunes.

ALI 12-VII-2002 Bourey 1f

Cette espèce réputée assez commune sera certainement découverte dans bien d’autres communes de la Manche.

SARGINAE

Les membres de cet ensemble hétérogène ont un scutellum inerme et le plus souvent une brillance métallique. Leurs larves sont terrestres. Les 3 genres européens sont représentés dans la Manche.

De taille moyenne, les Chloromyia sont des mouches aux Microchrysa polita reflets métalliques et aux yeux velus, fréquentes sur la végétation ensoleillée, notamment les fleurs d’apiacées. Leurs larves grandissent dans les matières organiques en décomposition.

Chloromyia formosa (SCOPOLI 1763) Ce diptère au costume cuivré somptueux – thorax vert métallique, abdomen bronzé chez le mâle, d’un bleu brillant chez la femelle – est de loin le plus commun de la famille ou du moins celui que l’on remarque le plus facilement, l’un des rares enfin que l’on peut identifier in situ. La larve, saprophage, se développe dans les composts, les terreaux, les bouses de vache, tandis que les imagos hantent toutes sortes de milieux dès lors qu’ils sont ensoleillés et bien pourvus en végétation, prairies, marais, clairières, talus.

MERCIER (1929) est le premier auteur à citer ce stratiomyide dans la Manche. Par la suite, H.CHEVIN l’a récolté sur la côte Ouest dans les années 50 et 60,

32 L’Argiope n°42 FOUILLET (1990) l’a mentionné à Mathon et nous l’avons observé quant à nous dans toutes les parties du département, îles Chausey comprises, de St-Sauveur-le- Vicomte à Marcey-les-Grèves et d’Agon à St-Vigor-des-Monts, et ce dans les habitats les plus variés, jardins, bocage, dunes, tourbières…

Les Microchrysa se reconnaissent aisément à leur petit gabarit et à leur thorax plus ou moins vert-bleu métallique. Les larves sont saprophages ou coprophages. Au moins 2 des 3 espèces européennes existent dans la Manche.

Microchrysa flavicornis (MEIGEN 1822) La larve de ce diptère vit dans les matières organiques en décomposition, notamment, semble-t-il, les bouses et les crottins. Aussi trouve-t-on souvent les imagos dans les pâturages, en battant les feuillages des arbres et des arbustes, l’été, de préférence dans les endroits bien abrités. Dans la Manche, nous avons repéré cette espèce en deux localités.

NLE ALI 13-VII-2002 Cerisy-la-Forêt Lisière, fauchage PSA ALI 13-VIII-2002 Gatteville Marais

Microchrysa polita (LINNÉ 1758) M.polita occupe à peu près la même niche écologique que ses congénères mais sa période d’activité est plus longue, de mars à octobre. On l’a vue pondre dans les bouses mais elle semble avoir une prédilection pour les composts de gazon coupé autour desquels les adultes volent fréquemment dans les jardins.

HCH 13-VII-1962 St-Sauveur-de-Pierrept 1m ALI 7-V-2003 Agon Maison (intér.) ALI 20-V-2003 Tourbière ALI 10-VI-2003 Orval

Dans la Manche, il se pourrait que ce soit l’espèce la plus commune. H.CHEVIN l’avait déjà capturée aux environs de La Haye-du-Puits et je l’ai pour ma part découverte en divers points et habitats du département.

Mouches de taille moyenne aux teintes métalliques, les Sargus se distinguent de tous les autres Stratiomyidae de notre région à leur silhouette allongée. L’abdomen typiquement élargi qui souvent suffit à identifier ces diptères, est ici exceptionnellement étroit, à bords presque parallèles. De plus les yeux des Sargus sont nus et non velus comme ceux des Chloromyia qui leur ressemblent un peu. Des 4 espèces potentielles de notre région, une seule a pu être recensée.

Sargus bipunctatus (SCOPOLI 1763) Le plus grand des Sargus d’Europe occidentale est aussi le plus remarquable, notamment la femelle avec son abdomen bicolore, orange à la base, sombre à l’extrémité. Autre singularité : c’est une espèce tardive que l’on contacte en arrière- saison quand la plupart des Stratiomyides ont disparu, généralement à l’unité et

L’Argiope n°42 33 dans un endroit abrité et ensoleillé, jardin, lisière, pâture. Elle pond dans les bouses de vache , les fumiers, les composts et même certains champignons corticaux – STUBBS & DRAKE ont cité Polyporus squamosus.

ALI 4-X-2001 Agon 1f PSA ALI 6-IX-2002 1f Maison /intérieur XLA ALI 28-IX-2002 Contrières 1f RCO- ALI 12-IX-2003 St-Pierre-de- 1f Bocage, sur XLA ronce XLA ALI 23-IX-2003 1m XLA 5-X-2003 Orval 1f Vitre de maison ALI 18-X-2003 Agon 1f Maison

Dans la Manche, S.bipunctatus semble relativement commun mais il faut attendre le mois de septembre pour observer les premiers imagos, principalement des femelles. Plusieurs données concernent des murs ou des vitres de maison. Beaucoup d’insectes thermophiles recherchent ainsi les surfaces verticales bien abritées et exposées au soleil et pénètrent souvent à l’intérieur à la faveur d’une fenêtre ouverte.

STRATIOMYINAE

Avec la sous-famille éponyme, nous touchons aux plus remarquables et aux plus caractéristiques des Stratiomyidae. Ils sont souvent d’assez grande taille, leur abdomen est notablement élargi, les couleurs jaunes, orange ou vertes tranchent nettement sur le fond noir, l’antenne ne porte pas d’arista. Ces mouches aux larves aquatiques vivent dans les zones humides. Peu actives, on les trouve souvent posées sur la végétation.

Plus petits que les Stratiomys, les Odontomyia (= Eulalia) se développent dans les eaux stagnantes peu profondes et à fond vaseux. Les larves sont carnivores et les adultes Stratiomys singularior volontiers floricoles.

Odontomyia ornata (MEIGEN 1822) Cette grande espèce ressemble à un Stratiomys mais ses antennes beaucoup plus courtes indiquent l’appartenance à un genre différent. Sa larve flotte en pleine eau ou rampe sur les plantes aquatiques dans les mares ou les fossés riches en végétation. L’adulte hante les mêmes milieux, notamment les fleurs de l’œnanthe safranée (O.crocata).

HCH 26-V-1952 Denneville 2 Berge ruisseau

34 L’Argiope n°42 Dans la Manche, bien que l’espèce soit réputée assez commune en France (MARTINEZ, 1986), seul H.CHEVIN l’a récoltée voilà un demi-siècle. Il me précise d’ailleurs que le site a été détruit par la construction de la route côtière dite « touristique ».

Odontomyia tigrina (FABRICIUS 1775) De taille moyenne et d’apparence noire, l’espèce la plus commune du genre se rencontre en été au bord des eaux stagnantes sur les fleurs ou les plantes aquatiques.

CDA VI-2001 St-Jean-le-Thomas Marais PSA ALI 14-V-2002 Périers XLA ALI 31-V-2003 La Chapelle-en-Juger ALI 12-VI-2003 Le Val-St-Père Plusieurs Mare

Ce stratiomyide est probablement répandu dans la Manche car les 4 localités enregistrées sont assez éloignées les unes des autres. Au Val-Saint-Père, autour de la mare qui fut l’objet d’un litige entre un industriel et notre association et qui est désormais gérée conjointement par le Conservatoire fédératif des Espaces Naturels et Manche-Nature, nous avons eu le plaisir d’observer plusieurs de ces insectes et, qui plus est, de prélever de curieux hyménoptères à l’abdomen pétiolé et aux fémurs postérieurs enflés et rouge vif. Nos recherches nous ont conduit à identifier le chalcidien Chalcis sispes LINNÉ (voir illustration p.25), connu pour parasiter les larves de Stratiomys et d’Odontomyia, en particulier dans les mares littorales.

Oplodontha viridula (FABRICIUS 1775) Ce sous-genre a été élevé au rang générique par ROZKOSNY en 1983 pour accueillir quelques espèces précédemment rangées parmi les Odontomyia. Toutefois les différences sont minimes entre ces deux genres et STUBBS & DRAKE considèrent cette distinction comme « plutôt arbitraire ». Sur le vivant, cette espèce offre un abdomen noir bordé de deux larges bandes vert pomme très remarquables. Cependant la répartition et l’intensité de ces couleurs est si variable qu’il importe, pour ne pas commettre d’erreur, de bien vérifier les caractères discriminants constants, notamment la taille minuscule de la cellule discale. O.viridula fréquente les fleurs et les plantes herbacées dans des habitats ouverts, bien ensoleillés et pourvus d’une riche végétation. La larve est très tolérante à la salinité et c’est pourquoi ce stratiomyide est plus souvent observé sur les côtes.

HCH 13-VII-1962 St-Sauveur-de-Pierrept 1 ALI 12-VI-2003 Le Val-St-Père Plusieurs Mare ALI 16-VI-2003 Orval 1 Dans l’herbe Nous ne disposons actuellement que de 3 données dans la Manche, dont une ancienne d’H.CHEVIN. Au Val-Saint-Père, l’insecte évoluait en compagnie d’O.tigrina et aussi de leur parasite potentiel, le chalcidien Chalcis sispes.

L’Argiope n°42 35 Vivement tachées de jaune sur la tête (femelles), le scutellum et l’abdomen, les Stratiomys (= Stratiomyia), grandes mouches aux longues antennes, sont certainement parmi les plus spectaculaires de notre faune. Peu de gens les connaissent cependant car elles sont peu démonstratives, souvent posées sur les fleurs des grandes apiacées des marais ou des fossés humides. De plus l’époque est probablement révolue où SÉGUY (1937) les qualifiait de communes à très communes ! Aquatiques ou amphibies, les larves ne sont pas moins remarquables : celle de S.singularior peut dépasser les 6 cm ! Trois espèces habitent la Manche mais une ou deux autres pourraient s’y trouver.

Stratiomys longicornis (SCOPOLI 1763) Par exception, cette espèce au thorax densément velu évoquant un peu un bourdon, ne possède habituellement aucune marque jaune abdominale, seulement de vagues taches grisâtres. C’est également le seul Stratiomys dont les femelles aient les yeux velus. La larve, aquatique, vit aussi bien en eau douce qu’en eau saumâtre ou salée. En Grande-Bretagne cependant, la préférence de cette mouche pour les milieux saumâtres est presque exclusive et sa distribution par conséquent strictement littorale (STUBBS & DRAKE, 2001).

HCH 26-V/20-VI- Denneville Plusieurs Mielles, ruisseau 1952 XLA ALI 25-V-2003 1m Pré humide

Dans la Manche, H.CHEVIN avait signalé cette espèce dans une commune côtière en 1952, mais sa découverte récente dans une zone humide bocagère indique qu’elle s’accommode aussi bien des eaux douces intérieures.

Stratiomys potamida MEIGEN 1822 Cette belle et grande espèce a la réputation d’être assez rare dans toute son aire de distribution. Elle fréquente les zones humides de qualité et recherche notamment les ombelles des grandes apiacées, Angelica, Heracleum ou Oenanthe.

PSA ALI 1-VIII-2002 St-Jean-de-Savigny 1m + 1f

Dans la Manche, Ph.SAGOT a pu capturer les seuls spécimens connus à ce jour de notre département.

Stratiomys singularior (HARRIS 1776) = S.furcata FABRICIUS Ce diptère est intermédiaire entre les deux précédents quant à la vivacité de coloration des taches abdominales mais d’autres critères morphologiques permettent de le nommer sans ambiguïté. Sa biologie est très voisine de celle de ses congénères. En Grande-Bretagne, il semble étroitement associé aux eaux saumâtres et par conséquent au littoral (STUBBS & DRAKE 2001) mais en France, SÉGUY (1926) le tenait pour commun « dans les marais herbeux ».

36 L’Argiope n°42 HCH 30-VI-1955 Besneville 1 ALI 25-VI-2001 Annoville AC Oenanthe fistul. CDA VI-2001 St-Jean-le-Thomas HCH ALI 24-VIII-2001 Portbail 1f Mielles PSA 26-V-2003 Annoville 1f HCH ALI 12-IX-2003 Coutances 1f Lycée agricole

Comme outre-Manche, S.singularior a été récolté de fin mai à début septembre dans des localités certes proches des côtes (seule la commune de Coutances s’en écarte nettement) mais rien ne permet d’affirmer que les larves avaient grandi en eau saumâtre.

Perspectives

MARTINEZ (1986) estimait le nombre potentiel d’espèces pour le seul département de la Somme à une fourchette de 40 à 45. Il n’y a pas de raison que notre département soit moins riche et nous n’en sommes qu’à 21 (+ 1 Xylomyidae). Ce pronostic, peut-être un peu optimiste, nous laisse donc espérer de nombreuses découvertes dans les années à venir. Ne perdons pas de vue notre objectif de sauvegarde des milieux naturels de la Manche : étudier ces mouches, ce n’est pas seulement un plaisir entomologique, c’est aussi mieux comprendre les zones humides et littorales et se montrer capables d’apporter de nouveaux arguments naturalistes si ces habitats se trouvent menacés.

Alain LIVORY

NB Les dessins de Roselyne COULOMB, qui illustrent cet article, sont d’après SÉGUY (1926 et 1951) et STUBBS & DRAKE (2001).

L’Argiope n°42 37 Bibliographie chronologique G.H. VERRALL, 1909. British , vol.5, Stratiomyidae and succeeding families of the Diptera Brachycera of Great Britain. Gurney & Jackson. E. SEGUY, 1926. Diptères brachycères. Faune de France No 13. Lechevalier. L. MERCIER, 1929. Diptères capturés au cours de l’excursion de Carteret- Barneville. Bulletin de la Société Linnéenne de Normandie, 8ème série, vol.1. E. SEGUY, 1937. Diptères & Aphaniptères. Dans : la Faune de la France, collection R.Perrier, Delagrave. E. SEGUY, 1951. Les Diptères de France. Nouvel atlas d’entomologie, Boubée. C FERRIERE & G.J.KERRICH, 1958. Hymenoptera 2.Chalcoidea. Section a. Handbooks for identification of British 8. P.A. ROBERT, 1960. Les insects, 2 volumes. Delachaux & Niestlé. R. ROZKOSNY, 1973. The Stratiomyioidea of Fennoscandia and Denmark. Fauna Entomologica scandinavica Vol.1. A. SANDHALL, 1975 (Ed. originale 1973). Insectes et petites bêtes. Nathan. R. ROZKOSNY, 1982-1983. A biosystematic study of the European Stratiomyidae (Diptera). Series Entomologica 21 et 25. M. MARTINEZ, 1986. Les diptères Stratiomyidae. Cahiers de liaison OPIE Nos 62 et 63. M. MARTINEZ & Ch. BRUNEL, 1986. Les diptères Stratiomyidae de la Chaussée-Tirancourt (Somme). L’Entomologiste 42 (3). M. CHINERY, 1988 (Ed. originale 1986). Insectes d’Europe occidentale. Arthaud. C.M. DRAKE, 1990. Stridulating in Solva marginata Meigen (Diptera Xylomyidae). Dipterists digest No 7: 39-40. Ph. FOUILLET, 1990. Les insectes et les araignées de la réserve naturelle de la tourbière de Mathon (Lessay, Manche). J & H. HAUPT, 1998. Fliegen und Mücken: Beobachtung, Lebensweise. Weltbild Verlag. A. STUBBS & M. DRAKE, 2001. British soldierflies and their allies. British Entomological and Natural History Society.

Remerciements

J’adresse mes plus vifs remerciements à Henri CHEVIN qui a bien voulu me transmettre la liste de ses captures inédites ainsi que ses récentes récoltes, à Philippe SAGOT et Xavier LAIR, qui n’ont pas oublié de prélever quelques stratiomyides au cours de leurs recherches de syrphes, à Charles DAVID, qui m’a prodigué conseils et données de terrain et comme toujours à Roselyne COULOMB, qui sait voir le plus modeste insecte de son jardin. 38 L’Argiope n°42 Cet article a été publié dans notre revue L’Argiope que nous éditons à raison de 3 numéros par an, dont un double.

C’est un bulletin trimestriel qui publie en priorité le résultat de recherches naturalistes dans le département de la Manche, mais aussi des articles de société (l’homme et la nature), le bilan de nos activités diverses, les comptes-rendus de réunion de bureau…

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