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Connectivités Numéro 125, hiver 2017

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Éditeur(s) Les Éditions Intervention

ISSN 0825-8708 (imprimé) 1923-2764 (numérique)

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Citer ce compte rendu (2017). Compte rendu de [Reçu au lieu]. Inter, (125), 96–98.

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dès lors percevoir l’anonymat City Sonic 2015 plus noué des liens de complicité comme une issue de secours. A Sound Art Selection avec de nombreux partenaires. Cet ouvrage offre une forte Récemment parue, la compi- réflexion autant sur le fait d’inter- onçu d’abord comme « un lation City Sonic 2015 : A Sound venir sur les processus de subjecti- Cparcours sonore en ville », Art Selection éditée par Philippe vation que sur les dispositifs pour City Sonic va à l’encontre de Franck (lui-même créateur rendre manifeste cet « Ingouver- l’exposition d’art contemporain multisonore), reprend sur un CD nable qui est tout à la fois le point ou du festival classique pour bien rempli 26 participations de d’origine et le point de fuite de privilégier la création contextuelle l’édition 2015 qui s’inscrivait dans toute politique » (p. 62). Comme et l’itinérance avec un itinéraire Mons, capitale européenne de la l’auteur l’évoque, l’anonymat met en interdisciplinaire d’installations culture. On y retrouve des pièces place une stratégie de con-sistance (ponctué de performances, d’ateliers, explicitement musicales dont la (étymologiquement : « se tenir de conférences…) mettant en scène sensuelle mélopée « Soy Libre » ensemble ») plutôt que de ré-sistance des sons dans l’univers particulier du violoncelliste français Matthieu (étymologiquement : « ne plus de l’espace de la ville de Mons, en Safatly (également présent avec son avancer »). De fait, « il ne s’agit pas Belgique. Dédié aux art audio dans groupe Quattrophage au côté de tant de ré-sister que d’apprendre à ses diverses formes et pratiques, Black Sifichi avec sa voix profonde), con-sister, sur les plans collectif et City Sonic regroupe, chaque année la douce promenade musicale individuel » (p. 72). C’est ainsi qu’une en septembre, des artistes belges et de Dominique Lawalrée (discret nouvelle éthopoïétique – telle internationaux issus de différentes compositeur belge de la « nouvelle Foucault anonymat qu’élaborée par Bordeleau dans son disciplines (arts plastiques, simplicité », actif depuis le début Érik Bordeleau livre de 2010 – est mise en espace vidéo, musique, architecture, des années quatre-vingt, que City par des êtres en résistance qui se arts numériques, créations Sonic a permis de redécouvrir) crit par Érik Bordeleau en singularisent pour se tenir ensemble radiophoniques, poésie…). L’idée est « De temps en temps » ou encore É2015, Foucault anonymat met face au dispositif, sans pour autant de « mettre en espace des sons, des l’intense « To Kiss and Not to Kiss » brillamment en relief le concept rester coincés dans la politique paroles et des musiques différenciés, extrait des Huit pièces curieuses pour d’anonymat que nous retrouvons au de l’identité et sa célébration des de manière prospective, poétique violon seul de Baudouin de Jaer. sein de la philosophie de Foucault. « différences » individuellement. et nomade ». Cette profession Parfois, il s’agit de véritables chan- Bordeleau emboîte le pas dans cette L’anonymat, esquissé de la de foi défendue ardemment par sons, à l’instar de celle de Martyn lecture et nous tisse des affiliations sorte, nous inscrit donc dans une Philippe Franck, directeur-fondateur Bates (la voix céleste du duo anglais entre la pratique de l’anonymat forme de résistance qui n’est pas de la manifestation, et l’équipe Eyeless in Gaza) à partir d’un poème foucaldien et celle, notamment, en réaction avec un pouvoir qui de Transcultures atteste d’une de James Joyce qui revendique sans de Maurice Blanchot, de Tiqqun, serait extérieur à nous ; l’anonymat démarche particulière, militante ambages son approche lyrique. Mais d’Anonymous et de Santiago López s’attaque à se résister puisque « l’on et résolument tournée vers le l’essentiel du disque réside dans la Petit. L’auteur complémente ces n’échappe pas à la contrainte et à la croisement, la confrontation de mise en relief du travail d’arpenteur associations par des chapitres fort possibilité d’être puissant » (p. 71). disciplines, d’aventures artistiques de son que propose la majorité de à propos pour définir ses lignes de Steven Girard multiples et jamais formatées. ces artistes. Ainsi en est-il du travail mire comme « Résister en personne » Depuis près de quinze ans, City de l’Anglais Janek Schaefer pour son et « L’anonymat comme critique Le Quartanier Sonic a vu participer des artistes « 103 FM », à la fois doux et dense en de l’intériorité privée », tous deux C. P. 47550 aussi divers que Luc Ferrari, Char- fréquences, enregistré sur la route remettant les pendules à l’heure CSP Plateau Mont-Royal lemagne Palestine, Léo Kupper, qui inspira Crash à JG Ballard, de en ce qui a trait à la croyance selon Montréal (Qc) Jean-Paul Dessy, Hans Peter Kuhn, la poétesse portugaise Margarida laquelle l’anonymat ne serait qu’un www. lequartanier.com DJ Olive, Ramuntcho Matta, Pascal Guia qui revisite le temps qu’il fait simple renoncement nominal. ISBN 978-2-923400-90-7 Broccolichi, Baudouin Oosterlynck, ou de Jean-Marc Boucher, artisan du Bordeleau nous propose d’appré- Charles Pennequin, Stephen minilabel ambiant Taâlem, mixant hender l’anonymat comme une Vitiello, Phill Niblock, Emilio López- ici des pièces de son catalogue. Plus tentative de perdre notre visage. Menchero, Régis Cotentin, Diane loin, on revient à la poésie sonore Cette expérience est rendue mani- Landry, Alexander MacSween, ou action, c’est selon. Avec son feste par l’experimentum linguæ Jocelyn Robert, Rhizome et des « Super mollo », Charles Pennequin (expérience du langage), que dizaines d’autres. Transcultures a de prend le contre-pied de ses invec- Foucault a développée notamment tives habituelles et appelle au calme dans L’homme est-il mort ? comme tandis que Kurt Schwitters voit son mise en bouche pour parler de historique « Ursonate » découpée et l’anonymat. De manière implicite, revisitée sur un fond d’électro entê- l’expérience du langage est à l’instar tante par Maurice Charles JJ (égale- de celle de l’anonymat puisqu’elle ment présent au saxo soufflé et « met à mal le sujet parlant : elle aux traitements électroniques avec en dissout l’unité apparente et Isa Belle + Paradise Now aux bols ébranle l’évidence d’une intériorité tibétains vibrants pour un « Matera absolue » (p. 44). De cette manière, Prima » organique) et Pierre-Jean l’auteur appréhende l’anonymat Vranken, alias Artaud+. City Sonic telle une stratégie pour mettre à 2015 reprend aussi des contributions mal, et ainsi multiplier, notre unité et électroambiantes d’artistes taïwa- notre intériorité. De fait, l’aporie qui nais (Fuji Wang et Yao Chung-Han, consiste à faire de l’anonymat une proche d’Ikeda) soutenus par le posture de résistance positive, ou de Digital Art Festival de Taipei (un des capacitisme (empowerment) par la partenaires importants de cette négation de soi, est surmontée par la copieuse édition 2015), des frag- multiplicité de nos existences, de nos ments de créations radiophoniques « devenirs-révolutionnaires » (p. 47). à la fois impertinents et poétiques Ainsi, et l’auteur l’évoque bien tout (intégrés, cette année-là, dans le au long de ce livre, si les dispositifs, parcours Sonic pirates) de Zoé tels que définis par Foucault, et leur Tabourdiot, de Jacques Urbanska capacité à faire prise sur nous nous ou encore de Gilles Malatray qui tiennent en laisse, nous pouvons ouvre ce disque avec un « Mons

96 le son » qui donne le pouls à la fois Indiscipline ! que la création s’accompagne d’un de cette manifestation singulière Myriam Suchet travail de recherche, cette relation et de la ville qui en est l’écrin. ne s’énonce pas souvent dans l’autre Pour paraphraser Michel Chion, ous-titré Tentatives d’univercité sens. Et pourtant : « Dès lors que la « [i]l nous faut retrouver le plaisir de Sà l’usage des littégraphistes, recherche sort des sentiers battus, la ballade sonore. Une ballade pour artistechniciens et autres qu’elle bouscule les habitudes de les oreilles grandes ouvertes et le philopraticine, l’essai Indiscipline ! pensée autant que les procédures plaisir retrouvé de l’écoute aventu- de Myriam Suchet développe une d’investigation, elle produit du reuse ». De façon très pertinente, il réflexion théorique et personnelle sur nouveau – donc elle crée ! » écrivait dans son livre Le promeneur cette notion utilisée depuis au moins Par moments, l’essai de Myriam écoutant qu’à l’endroit des notes quinze ans dans le milieu de l’art Suchet prend des airs de manifeste, musicales, nous raffinons dans la actuel, mais rarement étayée de façon surtout pour repenser le milieu distinction exquise (le vocabulaire approfondie. En effet, l’indiscipline académique, tant au niveau de la et le jargon de la critique musicale « s’expérimente, elle s’expérience » recherche (avec cette belle idée de en attestent à merveille), tandis qu’à plus qu’elle se définit. En plus du « l’interprétation comme geste de propos des bruits de la vie ordinaire, refus des frontières entre les champs caresse ») que de l’enseignement les mots les plus quelconques nous du savoir et de la création, elle s’avère (principalement celui de la littéra- paraissent suffisants. City Sonic une notion désobéissante, insoumise. ture). L’auteure croit en une univer- nous offre une fenêtre à la fois Elle s’inscrit en cela dans la foulée de sité davantage liée à la cité, une sur ces sons de la vie ordinaire et Foucault : « Parce que la discipline est UniverCité « pensée et vécue comme ceux de notes poussées dans leurs Performance, un arte une violence incorporée, l’indiscipline un espace où explorer des manières plus exquis retranchements. Il n’y del yo. Autobiografía, est nécessairement subversion inédites de vivre ensemble ». a ici aucun étalonnage, aucune cuerpo e identidad et transgression, exercice d’un D’autres passages relèvent ainsi échelle de valeurs entre les sons, Josefina Alcázar contre-pouvoir. » Cette insoumission, d’une suite d’exercices à essayer en mais un grand flux qui ne cesse doublée d’un besoin de transcender classe pour mettre en pratique ces de les charrier, de les amener au n espagnol seulement, l’ouvrage les disciplines, est sans doute une possibilités, alors que la dernière plus profond de nous-mêmes. Ecouvre plusieurs aspects de l’art des raisons pour lesquelles certains partie du livre offre un ensemble de À écouter aussi : deux cassettes action et de la performance. L’auteure créateurs, comme le duo Doyon/ pistes pour penser l’indiscipline, à sorties en édition limitée dans est une autorité sur ces questions, Demers, préfèrent se présenter travers des notes de lecture (surtout la nouvelle collection « Tapism » notamment sur leurs pratiques au comme des artistes indisciplinés celles d’ouvrages en histoire de l’art) (archives de la cassette culture, des Mexique – son pays d’origine – et plutôt qu’interdisciplinaires. Suchet ou relatives au travail de créateurs traces d’événements, des créations la publication en tient compte. résume ainsi la distinction entre indisciplinés comme le collectif de inclassables) de l’alter label Tran- Une première partie recense les indisciplinarité et interdisciplinarité : musique L’orchestre d’hommes- sonic (« label pour les sons autres », « antécédents », l’histoire et les « [D]avantage que de réconcilier orchestres et l’auteur Simon Dumas. produit par Transcultures et associé principaux protagonistes, spécifi- les disciplines existantes, il s’agit de Cet ouvrage, publié chez Nota à City Sonic). Cassette Art #1 est une quement au Mexique : dadaïsme, penser en amont de leur distinction. » Bene et dont la mise en livre est compilation joyeusement indisci- happening, situationnisme… La Pour cette maître de conférences à signée Daniel Canty, devait être une plinaire de pièces historiques qui deuxième partie, que je traduis par la Sorbonne, où elle dirige le Centre carte postale, une micropublication, retrouvent leur support d’origine « De la représentation à l’action », d’études québécoises, « c’est la comme elle l’avoue d’emblée, mais (Hal McGee, alias Dog as Master, est l’occasion de réflexions sur les friction d’une pensée et d’un acte Myriam Suchet s’est visiblement Hänzel & Gretzel, Scanner, Playtime, thématiques, les témoignages, qui fait jaillir l’indiscipline ». « Parce emballée en écrivant sur l’indisci- Radio ) et de pièces nouvelles les autobiographies, la présence, qu’il s’agit, indissociablement, de pline. Que l’argumentaire ne soit réalisées avec ou autour du support l’autoportrait, le corps-performance penser et d’agir », écrit Suchet. pas toujours parfaitement étoffé fait cassette (de belles contributions : et l’identité. « Le corps comme Davantage démarche que concept, partie du but du livre : lancer des Midori Hirano, such, Pierre Beloüin, notion culturelle » fait l’objet de la participant d’une attitude plutôt pistes, donner à penser. Que l’on Christophe Bailleau, Gauthier troisième partie. En quatrième, il est que d’un protocole, l’indiscipline termine la lecture en n’ayant pas Keyaerts, Bloem ! [Mc JJ et Anton question de la performance en lien se met en pratique. Elle permet de une idée absolument limpide de Mobin], Dawamesk, Emmanuel avec le je ou le moi (en espagnol le renouer avec les dimensions explo- ce qu’est ou n’est pas l’indiscipline Rébus et Harold Schellinx, &Stuff, yo) dans une typologie de pratiques ratoires et créatrices de la recherche : s’inscrit justement dans la visée Julien Demoulin, Félicia Atkinson…). performatives avec des axes : le « Chercher, c’est transformer une de l’auteure, qui ne fournit pas String Quartet with Windows Open féminisme, le moi dans le miroir, le évidence en question. » L’indisci- un mode d’emploi, mais balise un du compositeur et cassette artist moi et la vidéo, le moi et l’abject, le pline avance à tâtons, invente. Avec territoire de pensées et d’actions, néerlandais Harold Schellinx est une moi hybride et le « je est un autre ». enthousiasme, l’auteure plaide pour qu’elle nous invite à rejoindre à envoûtante composition maximi- C’est une bonne documentation « le potentiel créatif de la recherche ». www.pearltrees.com/mscuchet/ nimaliste, le condensé d’un enre- avec quelques images, en noir et Si la recherche-création souligne outils-indisciplinaires/id10165623. gistrement live pendant 24 heures blanc, mais surtout une bonne Jonathan Lamy de performance lors du festival information au sujet, surtout en NBT/City Sonic Summer Sessions dernière partie, d’artistes de la Groupe Nota Bene à Bruxelles en juillet 2015, mêlant performance mexicaine, princi- 2200, rue Marie-Anne Est cordes enregistrées, interventions en palement Mónica Mayer, Elvira Montréal (Québec) direct (Baudouin de Jaer, Matthieu Santamaría, Lorena Wolffer, Lorena Canada H2H 1N1 Safatly…) et bruits des trains passant Orozco et La Congelada de Uva. www.groupenotabene.com au-dessus de la salle de Recyclart. RM ISBN 978-2-89518-529-1 Une approche in situationiste au cœur même du projet City Sonic. Siglo XXI Editores Éric Therer Cerro del Agua 248, Romero de Terreros 04310 Mexico, Mexique Disponibles au www.transonic www.sigloxxieditores.com.mx et téléchargeable au www.transonic- ISBN 978-607-03-0613-6 records.bandcamp.com.

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issues du slam, des arts visuels ou collectif ImagoDrome publié sous Bowie et à la grande exposition de la performance, pour en faire des sa direction par Monographik en internationale qui lui fut consacrée) livres, sans l’aide des subventions 2010), puis de celle-ci vers le son. et des créateurs intermédiatiques habituelles. Il y a là un côté DIY qui En 2007, le livre Planètes sonores (Laurie Anderson, Christian Marclay, rappelle les zines et qui sied bien à (réédité, dans une édition revue Cécile Le Talec, Jérôme Poret…). Marie-Andrée Godin, même si les et augmentée, en 2010 par Mono- Le Journal audiobiographique textes de Vulve-gueule ne sont ni graphik) s’était fait remarquer par reprend aussi des textes au sujet calligraphiés ni accompagnés de son exploration subtile, dans une d’expositions et de manifestations dessins, comme c’était le cas dans ses perspective transhistorique, des marquantes pour les arts sonores, micropublications. Certains poèmes rapports entre le son et la création parmi lesquelles 23’17’’ à Mains du recueil reprennent néanmoins les artistique contemporaine au sein d’Œuvres () qui a fait date par titres de ses zines, comme « Les filles de trois domaines : la radiophonie son mode de monstration, une les guénilles », « Les gars les soldats » (qui, comme le dit joliment l’auteur, installation démarrant après que la et « Le poème de Saskatoon ». « fait de notre relation au monde précédente se soit éteinte après un Il y a dans ces textes, comme c’est sonore une histoire collective et certain temps, Musiques en jouets : souvent le cas à l’Écrou, un petit intime, imaginaire aussi »), les arts de Charlemagne Palestine à Pierre côté brut, éméché, qui ne sent pas plastiques (de Schwitters à Sarkis) Bastien dans la collection du Musée la perfection ou le polissage. Mais et le cinéma (donnant lieu, toujours des arts décoratifs de Paris en 2009, ce n’est pas le but, justement. Il par le scanner de l’audio, à des I Am the Record and I Am the Medium s’agit plutôt d’assumer une parole analyses des Histoires du cinéma de de l’artiste britannique Georgina Vulve-gueule dans sa brutale imperfection. Et Godard, des premiers films de Gree- Starr au Confort Moderne (Poitiers), Marie-Andrée Godin ça vagit, comme on le dit du cri naway, de Jacques Tati ou encore Vinyle, disques et pochettes d’artistes : du lièvre ou du crocodile. Ça peut des grands maîtres visionnaires la collection Guy Schraenen à la es très beaux zines de Marie- être drôle et critique à la fois : « un tels Eisenstein, Vertov ou Wells). Maison Rouge (Paris), Sonopoetics L Andrée Godin circulent depuis shitload de cheerleadeuses / d’à Aujourd’hui, ce tout aussi passion- sur le rapport entre poésie sonore quelques années avec C’est beau peu près 11 ans et demi / avec plus nant Journal audiobiographique et image à l’Institut supérieur escabeau, une micromaison d’édition de maquillage dans face / que j’en qui affiche, en sous-titre, ces trois pour l’étude du langage plastique qu’elle a cofondée. On a pu dénicher ai mis dans toute ma vie ». Ça peut mêmes champs connectés, apparaît (Bruxelles) en 2010 et À hauteur ses publications artisanales, dont faire preuve d’une certaine candeur comme une suite à la bouillonnante d’oreille explorant les objets sonore Le procès Pussy Riot (2012) dans des qui, elle aussi, s’assume merveil- multitude de Planètes sonores. et visuel, exposition pilotée par événements comme Expozine ou le leusement : « J’ai envie de faire des Alexandre Castant y propose l’École supérieure d’art et de design Salon Nouveau Genre. L’écrivaine poèmes / pour que tu me trouves un état des lieux actualisé des -Méditerranée en 2013. et artiste de Québec publiait cet sexy ». C’est le courage de dire des pratiques audio aventureuses en Le son (traversant les notions de automne un premier recueil de choses ordinaires, avec sa gueule et pleine expansion sur un mode à la bruit, de silence, de voix, d’imma- poésie aux Éditions de l’Écrou. Le avec sa vulve, à la face du monde. croisée entre le recueil d’articles et térialité, d’espace-temps…) et titre Vulve-gueule frappe, saute JL de textes, parfois déjà publiés dans son écoute créative est ici un trait au visage. Il gueule, c’est le cas de des actes, catalogues ou revues d’union entre les (in)disciplines, le dire, et nous plonge d’emblée Les Éditions de l’Écrou artistiques (Particules, Dust-Distiller, les pratiques, les signes et les dans une parole féminine qui www.lecrou.com Volume, L’art même…) auxquels il a perceptions, un véritable acteur ne fait pas dans la dentelle. [email protected] collaboré, et du « journal » (comme diariste dont la forme choisie ici par Le livre s’ouvre sur une image ISBN 987-2-924682-02-9 ces bruits et sonorités de Shanghai Alexandre Castant convient bien à « de cochonneries de trottoir / qui qu’il a inventoriés lors de son séjour l’expérience voyageuse qu’il a vécue tournent sur elles-mêmes », se ou la bande-son d’une écoute au et mise en écrit (l’audio posant aussi promène de Limoilou à New York, casque à l’intérieur d’un train pour la question sensible de son expres- en passant par « le métro de Paris les images qui défilent), donnant sion) avec clarté et fluidité. Comme dégueulasse » pour nous offrir d’au- aussi à l’ensemble plus d’intimité le dit très justement notre auteur thentiques instantanés du quotidien, tout en partageant les émotions- audiophile, « [l]e caractère indiciel sous forme de brefs portraits ou bien perceptions, toujours avec une du son impliquant une sémiologie d’histoires, comme celle de « la fille certaine pudeur et élégance. On de l’empreinte – de la présence que mon coloc baise à 4 heures ». croise ici des artistes plutôt asso- et de l’absence conjointe –, Bien entendu, ça parle de cul : « et ciés au domaine vidéo plastique l’expérience sonore peut participer je dis des cochonneries / moi quand (Douglas Gordon, Steve McQueen, d’un journal qui serait, tout à la je jouis ». Sauf que le cul s’avère Philippe Parreno, Tania Mouraud, fois, histoire intime et collective, bien souvent déçu, comme dans Marie-Jo Lafontaine…), des audiobiographie, chronique de ce « Haïku de Saint-Roch » : « Moi cinéastes (Jonas Mekas avec sa créa- l’altérité, lacune et projection ». Une j’avais des rêves / astheure j’attends tion radiophonique À Pétrarque, belle ouverture à la cosmogonie dans un parking / le cul sur du Vincent Dieutre et sa « voix-dicta- de ces arts du son contemporains béton frette ». Bref, nous sommes phone », Joris Ivens et son Histoire aux intersections variables. loin de la poésie proprette ou de du vent, Jean Cocteau dans les émis- Philippe Franck l’érotisme rose bonbon. Nous nous Journal audiobiographique sions radiophoniques produites par trouvons plutôt dans un territoire Alexandre Castant Roger Pillaudin en 1960, dévoilant Nouvelles éditions Scala féminin joual, et le ton est cru : le Journal sonore du Testament 8, place des Jacobins « Si tu regardes mon cul, tu verras epuis une quinzaine d’années, d’Orphée, Alain Robbe-Grillet déjà 69002 Lyon pas mon âme / juste mon cul ». DAlexandre Castant (docteur en abordé dans Planètes sonores mais Vulve-gueule s’inscrit dans une esthétique et enseignant à l’École réabordé ici sous un angle complé- www.editions.scala.fr écriture du féminin assez trash nationale supérieure d’art de mentaire dans une conversation ISBN 9782359881677 qui revient en force ces temps-ci, Bourges) mène un travail d’écriture avec Michel Fano, compositeur avec dans l’héritage de Josée Yvon, et critique assidu, partant d’abord lequel il a travaillé pour ses films qui rappelle Les choses de l’amour de l’image fixe (dont témoignent entre 1963 et 1975), mais aussi des à marde de Maude Veilleux, titre notamment ses essais Noire et musiciens-compositeurs travaillant publié lui aussi à l’Écrou après une blanche de Man Ray, Scala, 2003, plus spécifiquement la matière ou première version chez C’est beau et La photographie dans l’œil des les agencements sonores (de Corne- escabeau. Les Éditions de l’Écrou passages, L’Harmattan, 2004) lius Cardew, Éliane Radigue, Pascal ont d’ailleurs le don de ramasser des vers l’image en mouvement (et Comelade, Alexandre Joly et John voix un peu détonantes, souvent mentales, explorées dans le recueil Zorn aux derniers opus de David

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