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PRÉFACE.

La petite ville de Chauvigny et ses environs offrent à lantiquaire laborieux une mine féconde et inépuisable de monuments précieux et de souvenirs historiques les plus intéressants.Surce coin de terre privilégié et malheureusement trop peu exploré des archéologues , se sont accomplis les événe- ments des principales périodes de notre histoire. Les fondations dii vieux donjon, attribuées à Cani- nius, lieutenant de César, rappellent la république romaine. Laroute stratégique de àBourges, tracée par Antonin le Pieux et restaurée pkr Auré- lien, fait revivre lâge dor de lafamile des Antonins. La vallée des Goths nous fait assister au duel suprême dune puissance qui sécroule cèntre un empire qui sélève, du schisme vaincu contre lorthodoxie triomphante. Le temple des Chevaliers, dont la grande maitrise était à Poitiers, et la Maladrerie, sur la rive gauche de la , fondés lun et lautre par André de Chauvigny, parent et com- pagnon darmes de Richard Coeur-de-Lion, roi dAngleterre, réveillent les souvenirs des croisades. La belle colonne du château épiscopai, où les évê- ques ont laissé leur blason: la crosse et la croix, nous transporte à lépoque ecclésiastique, et les

Document

IJIIIIIIIIIJIIIII Ili IIIIIH III 0000005561803 ____ A vieilles ruines des citadelles représentent la lutte séculaire contre lAngleterre et les guerres reli- gieuses , pendant lesquelles le maréchal de Saint- André, après avoir fait pendre le maire de la ville de Poitiers , vint bombarder les forteresses de Chauvigny et faire attacher au gibet quatorze des principaux chefs de la religion réformée. HISTOIRE

DES -

CIIATEÂUX DE CIIAUYIGM,

e

Vue des cheileaux du Mut de la Groxine.

Le touriste qui, des bords de ta Gartempe, sapproche des rives de la Vienne, en suivant presqueparalklement la voie romaine, sarrête, frappé dadmiration ,en descendant la côte, où solïreà ses regards le panorama le plus varié de la contrée. Sur cette terre quil presse de ses pas, Anglais et Français , catholiques et bu- guenots ont tour â tour braqué lartillerie qui a foudroyé et déman- telé les vieilles citadelles doit il reste des débris si nobles et si majestueux. Le nom de Grondin; que porte encore le coteau, a laissé dans la mémoire des anciens du pays de lugubres souvenirs. n rappelle les tristes épisodes de nos guerres religieuses et de la lutte centenaire contre les Anglais. La- colline dont la pente est couverte de verts feuillages et celle où gisent les ruines dos châ- teaux du vieux Chauvigny environnent un vallon délicieux que le Talba( sillonne de ses capricieux méandres. Après avoir formé, ail pied du château épiscopal, un vaste bassin où lédifice tout entier semble se mirer avec complaisance dans ses eaux transparentes, le ruisseau traverse la ville moderne par divers canaux et court mêler ses ondes cristallines aux flots argentés de la Vienne qui dans te lointain, au bout de lhorizon, couronne ce charmant paysage. Quels souvenirs réveillent ces vieux monuments I Quelles ré- flexions profondes ils inspireront à lhistorien philosophe qui évo- quera la mémoire des temps passés I Sur le sommet de la mansion romaine ont brillé les aigles impériales , aux créneaux des anti- ques forteresses ont été suspendus les étendards des Visigoths et dès Francs; sur les ciladelles du moyen âge ont flotté tour à tour — 6 — -

la bannière des sires de Chauvign31 , les lis des rois de Franco, les léopards de IAnglet6rreet la croix avec la crosse pastorale des évêques. Malgré les injures du temps et les outrages des hommes ces ruines conservent encore lempreinte et le caraclèro des âges auxquels elles appartiennent.

Esquisse de ta cour des seiueuss,

Ces lieux, aujourdhui solitaires, où lorfraie pendant la nuit et loiseau de proie pendant le jour font entendre leurs cris luiubres ne respiraient que la joie, la vie et le mouvement aux époques féo- dales et ecclésiastiques Ces seigneurs de Chauvigny , parents par alliance des rois dAngleterre; et ces chevaliers qui avaient rat) porté des croisades la belle devise « Chauvigcy, , chevaliers pleuvent, et les châtelaineset les (fil moisellesde leur cour quani- mait la gaie science des ménestrels et des trouvères, remplissaient danimation les salles et les plates-formes des ihâteaux. Souvent rie brillants cavaliers, montés sur rie fougueux destriers, et des dames aux riches atours, dont les blanches haquenées étaient con- duites par de jeunes pages, gravissaient les rampes dola colline, Au sun bruyant du cor, le pont-levis sabaissait pour leur laisser un libre passage, et le châtelain et sa noble compagne daller air des voyageurs pour leur faire un accueil plein de grâce et de courtoisie, Puis cétaient de gais festins, de joyeux propos; les coupes circulaient sur les tables sp [cri didernon t servies, et les douces vapeurs dun vin généreux échauffant limagination, on racontait les exploits des guerriers, les scènes de valeur et les hauts faits des chevaliers. Lelendemain, In troupe joyeuse allait courre le cerf dates la forêt voisine. Le son strident descors, les clameurs multipliées dos limirs, la voix retentissante des piqueurs, las hennissements prolongés et les pas précipités des coursiers que tépélaien[les échos dalentour, remplissaient les airs da rio, sauvage Pl bruyante harmonie.

Et de-iar;vèe des évêques.

Mais voici venir Monseigneur le Poitiers, lesuccesseur des sires de Cliauvigay , e haut et puissant baron de la contrée. Il visite ses bien-aimés vassaux. Les cloches émues frappent les airs do leurs voix argentines et sonores. Et le capitaine-chanoine avec ses hommes darmes, et les templiers, ces moines-soldats dont le

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temple était assis sur le penchant occidental de la colline ( 1 ), et le chapitre collégial de Saint-Pierre, et les monastères des deux villes, et lus pasteurs des églises voisines, en tête de leur troupeau fidèle rangé eu ordre-sous la bannière du saint de la paroisse, se rendent precessionnellement à lentrée du vieux pont do la Vienne. La foule, profondément recueillie et pieusement agenouil- lée, reçoit la bénédiction sainte du prélat, puis, se mettant en marche surdeux longues colonnes, elle laccompagne, en chantant lhosanna, jusquà la plate-forme du château épiscopal. -

- Donjon.

Sur le point le plus élevé de la colline se dresse cette tour im• pesante qui, dans le moyen âge, o reçu le nom de donjon. lion- gine de ce vieux monument remonte aux temps reculés de loccupation romaine. Sans attribuer, comme lont fait quelques savants archéologues, cette construction à Caninius, lieutenant de César chez les Pictons, ou peut, avec assez de vraisemblance, lui assigner une origine un peu plus récente. Appuyé sur les moon- ments et lesinscriptions historiques, restés longtemps sur les bords (le la Vienne et transportés au musée de la ville de Poitiers, on petit croire ,avec raison que cette forteresse u été bâtie sous les Antonins, dont le règne fut appelé Fâge dor de lempire, à la même époque où fut tracée la route stratégique (le Bordeaux il Autun (2t. - Vois romaine.

Cette voie romaine traversait la Vienne, un peu en aval de la petite église qui élève si gracieusement et si coquettement sa flèche dardoises dansle riant bassin quembellissaient délégantes villas galle romaines. Lagriculture, honorée chez le peuple vainqueur et législateur de ]univers, avait parsemé le vallon de vergers déli- ci6uxoù croissaientet se multipliaient les arbres fruitiers de toutes espèces apportés en ces lieux des diverses contrées de lempire romain. Lesfendeents des anciennes villas et les briques romaines

(I) flans la giange de la métairie des Puits, on voit encore les restes de Iluibilation des Templiers. - (2) Vofr dans les Bulletins de la Société des antiquaires de louest, l i trimestre 1963, 1- trimestre 1864, lÉtude de la voie rolnelnB, pur Fauteur de [liistoire des châteaux tir Chauvigny, —.8— quon trouve chaque jour, en fouillant le sol, indiquent quune population riche et nombreuse sétait agglomérée dalis ce petit coin de terre que la nature semble avoir favorisé de ses dons les plus précieux. Un terrain fertile, des eaux abondantes, une température presque méridionale, entretenue par les collines qui sélèvent en amphithéâtre, au couchant, au nord et n lorient du vallon, un aqueduc découvert récemment, lorsquen n. réparé la route de Chauvigny h Lusac-les-Château, conduisant au pied du Cor- sain (Corpus sanum), dans un établissement de bains publies, et de là au lit du torrent de la vallée des Goths , les eaux pures et limpides du Talbat, au moyen dun appareil hydraulique placé probablement ù la source môme de la fontaine, semblent indiquer que ces lieux privilégiés ont dû fixer la demeure dun grand noria- bre de familles patriciennes de lempire. - En sortant de ce bassin, la voie romaine entre dansia vallée des Goths, ainsi nommée parce que, daprès les légendes locales et les récits des vieilles chroniques, un grand nombre (Io. Visigoths, échappés au massacre du vallon Vauclades ( Valus Clades), y fu- rent tués par les Francs, au moment où ils couraient se réfugier dans la forteresse qui leur appartenait (I).

• (t) Comme cette opinion trouve dhabiles et savants contradicteurs, il me parait utile (le la fortifier par quelques, observations. I Les historiens ont appelé Vauclades(fatlis Clades), Bdsastr:e(ju vallon, et les habitants des bords de la Vienne ont nommé - ( Cadis ValUs), vallée dia Carnage, le lieu où fut livré fil ba- taille entre Marie et Clovis, comme plus tard on adonné le nom de Maupertuis, Mauvais tas, au terrain accidenté, couvert de vignes et do haies, où Jean Il fut vaincu par le Prince Noir, Nous ne citerons les étymologies puériles: • 111e valide.., lei lemporta Clovis sur À bric; Ci vaut autant quailleurs, que pour montrer que de tout temps on a été persuadé, dans ta contrée, que Civaux avait été le champ de bataille entre les Francs et les Visigothe. 2 Les nombreuses pièces de monnaies et les anneaux de chevàlie,s trouvés en fouillant les champs des bords de la Vienne attestent que de grands événements se sont passés dans cette contrée. 3 Le nom dede vallée des Golhs, que porte encore aujourdhui le vallon que traverse la voie romaine, auprès de St-Pierre-les-lglises est un témoi gnage du passase des Visigoths dans ces lieux, 4 Les légendes du pays attribuent la multitude des tombeaux de Civaux â un miracle (lue lit le Dieu des catholiques pour exterminer les Ariens, et les paysans des bords de la Vienne distinguent, avec une fol très-robm,str dans le rocher de la lotit-Chrétien, lempreinte du fer du cheval de Clovis, confirme les nontrrgriards des Pyrénées montrent, - 9 . —

Mansion romaine, Pour protéger la voie romaine, surtout au passage dun gué assez difficile h traverser, un fort émit indispensable. Langle de la colline, environné presque de tous côtés par la Vienne et les marais formés alors par le Talbat, dut présenter les conditions les plus favorables à la construction dune forteresse pour recevoir une garnison romaine et maintenir le pays dans lobéissance. Elle servait de mansion et de station aux troupes impériales qui sui- Saient la roule stratégique quon venait (14 créer. Lorsque la vigie, du haut de la tour, avait donnéle signal de quelque mouvement des peuples vaincus mais indomptés se marnifeslont dans les campagnes voisines, on du passage dune légion suivant la voie romaine, le son éclatant du clairon reveil-

dans lin roc de la vallée de Roncevaux, la brèche que III la Durandal de lloI,ind, ce héros de limmortel paéuse de lArioste et des fables de larchevêque Turpin. - Ces histoires ne sont pas renouvelées des Grecs, mais elles ont un grand air de famille avec la pluie de pierres que Josué fit tomber du ciel pour écraser les ennemis des enfants tllsiaéI, et le sor,lier dOreb, doù la tiaruette de Moïse fit jaillir une source abondante. ]lit n part lies historiens, le père 11 10 1,11), Siauve, floinehet, Banc- geois, Robert du Dorat, etc., ont écrit que cette bataille n été livrée sur les bords de la Vienne, tin coup doeil sur la carte géographique suffira pour montrer quAisne, fuyant devant larmée franque, et allant au-devant de son beau . pêre, Théodoric, roi dItalie, qui occou- ra It à son sn-cou rs, navait pas dautre route à suivre que celle qui conduisait au gué de Civets, à quelques kilomètres en aval de Lussac- les-ChAt eaux. 6 Enfin, dans un titre que possédaient les chanoines du Dorai, pont Prouver que leur é:4lise avait été fondée par Clovis pour remercier Dieu de la victoire quil avait remportée sur A lerte,, il est dit: Cùna né qnemdana lacune, super nipam Vigenrnrc, à deeimo millmare, eue eirciter, iiI etavis civiliSe disanlrnn pervenmret coin hellalorumqtac suintera etercitu valida , Alanir.um ipsum diaholi"à fraude decepturn vieil, superavit et fundilûs exterminavit (i). traduction littérale r Clovis étant arrivé, avec sa vaillante armée de soldats et de guerriers, sur les bards de lit éloignés de dix milles ou environ de Poitiers , vainquit. lerrrnssa, extermina entièrennent Marie ni- nième, quavaient trompé les artifices du démon. Je nignore pas quen a mis cnn doute lauthenticité de cette pièce niais son existence plus ou moins apocryphe prouve du moins quelle était lopinion publique à lépoque où elle ni été composée.

Robert tin, nanan, roi. as, p, isa et .os. - 10 - lait aussitôt les échos endormis des vallons et des forêts environ- nauites. La garnison du fort courait aulx armes, les enseignes se déployaient, et autour de laigle romaine se groupaient les vété- rans couverts darmes qui reflétaient les rayons étincelants du soleil. Le centurion savançait, au-devant du consul, la légion était introduite dans le-fort ; elle y séjournait le temps, nécessaire pour réparer les forces épuisées par une marche longue et rapide, et reprenait, le lendemain, la course un instant abandonnée.

Le chdtcatf principal passe aux évêques.

Au pied du donjon, sur la pente méridionale de la colline, sélè- vent les murs du château principal, dont la construction remonte h létablissement des Visigoths ou dès Francs. Jusquau milieu du ju siècle, lhistoire est muette sur les châteaux de Chauvigny. A cetteépoque, cette citadelle passe aux évêques dePoitiers4st-ce en qualité dévêques, ou comme héritiers des sires de Chauvigny? On lignore; lhistoire ne sexplique point à cet égard. Dans ces temps de confusion et danarchie, de barbarie et dignorance, les lettres et les sciences sont méprisées ; les restes de la civilisalion romaine disparaissent; les franchises, la liberté, la p:oprPélù de lhomme du peuple sont anéanties; Injustice est foulée aux pieds; le droit du pins fort est la suprême loi ; la puissance royale est méconnue ; la féodalité envahit tout: llglise elle-même ne petit se soustraire à ses empiétements. les évêques deviennent do grands seignours,et les barons obtiennent les premiers rangs dans la hiérarchie ecclésiastique. Tout châtelain est indépendant et tient sa pe t i te cour à [instar des rois. Les seigneurs fortifient et crénel- lent leurs manoirs, doù ils sélancent pour fondre à [improviste sur les voyageuus quils détroosseni, et sur les terres de leurs voi- sins où ils portent le fer et Il flamme. La guerre est continuelle de château âchôteau. l.eshommesdarmes, depuislehaut baronjusquù lhumble vartel, sont couverts rie fer et les chevaux de bataille bardés de lames dacier.Ce nest quembuscades,surprises, combats. Peu de gentilshommes parviennent à lu .vieilless; presque toits périssent de mort violente la plupart dea familles séteignent.. Au milieu (le cedésordre général, le château de Chauvigiiy passe aux évêques de Poitiers dans la personne dlsembert P, probablement en qualité dhéritier de la famille des Chauvigny, dont il pouvait - 41 - être membre. Cotte opinion parait très-vraisemblable, car, selon Fhistorien des prinées do Déols et de Chàteauroiix, villes transmises eux sires de Chauvigny parle miriagedAndré, le preux des preux, avec Denise, cousine de Richard Coeur-de-Lion, roi (lAngleterre, tous les enfants, dans la famille, des Chauvigny, obtenaient, un apanage, et celte coutume sobservait si exactement, que les pères mêmes ne pouvaient, par aucune disposition, porter atteinte n celte prérogative (l.

Agawzdissernent dit donzaiaie des évdqaes. Dès lors, lsem.hert et les évêques ses successeurs Iravillent incessamment à augmenter leur puissance temporelle. A la mort.. dAndré le Sourit et de sort la veille cl le jour do lit bataille de il liti perLuis, et lors de lextinction de la branche aînée qui habitait Châteauroux, en 4502, ils deviennent, par des succes- sions, des donations, des ventes et des échanges, les seuls et uni- ques possesseurs des châteaux. Ils ont h Chauvigny des notaires épiscopaux et gouvernent la contrée sous te noire de barons ci de hauts justiciers, jusquà la grande révolution qui, de son niveau égalitaire, frappe impitoyablement et les droits seigneuriaux elles privilèges ecclésiastiques 2).

(t) Thomas de la Thaumassière, Dictionnaire des Familles du Puitan. (2) Isembert P légua dabord par une charte no couvent de Saint- Cyprien de Éoitlers, et ensuite à léglise du Saint-Sépulcre de Cloue- vigny, plus tarit Saint-Just, au3ourdhui Notre-Dame, la plus grande partie dc son domaine dAlié, avec la chapelle qui cet ainsi que le Breuil et plusieurs vignes dans sa seigneurie de Chauvigny. Ego in Dci coudre Li erclesiam qua vocatur Ali nous, cum 0m- nit,us a pin ndilis suis, vi ne! s, terris arahulibus, sylvis. pasculs , do- mibus, curtiferis et coeteris rebus. » Dom Fontenelle , vol. 0, t- &bl - Et dans une autre charte a Broliuni et vinons de C-ascan,erito meo. » Dom Fonlenean, vol. O, p. 60. Cest pour cette raison qaAlié, quoique éloignédeelnq kitoméires Se léglise de Notre-Dame, et entouré de tous r.ôtS par ta commune et la paroisse de Saint-Pierre-les-lgllses, fait encore partie de ta paroisse de Notre Dame. Le Freul, à quatre kilomètres de Cla-auvigny et au delà de ta Vienne n continué dappartenir à la commune (le cbauvigny et à la paroisse de Notre-Daine. Une tradition populaife explique de la manière suivante la réunion du village dAilé à la paroisse de Notre-Dame Une maladie épidémique et contagieuse sévissait cruellement au village dAllé. Le curé de la paroisse de Saint-lierre-les-Eglises fut - 42

Fondation de Notre-Darne.

Mais, depuis lépoque où Isemberi remplace Tes hauts et puis- sants barons de Chauvigny, et sapplique â emhellirel ô agrandir son nouvel héritage en jetant Tes fondements de léglise (Tu Saint- Sépulcre, plus lard Saint-Just, aujourdhui Nolre-1)amc, et en bâ- tissant la parue de la ville basse comprise entre Tes deux cours deau qui. en se séparant au pied de son château, Formaient alors un delta, au moyen dun canal creusé entre Te pré Lévêque et ancienne place de Saint-Léger, des seigneurs dota même famille, sous le nom do sires, de chevaliers, de bannerets, décuyers et do varlets, possèdent les autres châteaux et sallient aux maisons du Châteauroux, do ,de Lnssac-les-Châtea,,x,de Châ- tellerault, de Morthemer et de Lusignan, jusqu en 1502, époque a laquelle finit la ligne masculine de lillustre maison des Chaut Vigny, qui, pendant dix générations, posséda la principauté du bas Berry. Nous passerons sous silence unefoule (le noms obscurs, pour no nous occuper que de ceux dont les actes intéressent his- toire.

André 1-i-

- André fn , chef de la branche des Chauvigny qui habita Châ- teauroux, fut un des plus vaillants chevaliers de larmée des croi- sés.Ea 1190, il partit pour la foire sable avec PhilippeAugusle. roi de Fronce, Richard Coeur-de-Lion , roi dÀngielerre, et Erd- (léric Barberousse, empereur dAllemagne, qui se noya dans les baux du Cydnus en sy baignant, comme autrefois Alexandre le Grand. Â cause de sa valeur, il fut appelé le Preux des preux.

» vainement appelé auprès des mourants. La crainte de la mort lem- pêcha (le remplir les devoirs sacrés de son ministère. Un moine du prieuré de SaInt-Jus.! ne fit pas difficulté dexposer sa vie pour porter des chrétiens ninurants les secours et la consolation de la religion. • Lévêque (le Poitiers, pour récompenser le courage du moine et » punir la lâcheté du curé, annexa A léglise de Saint-Just le village et la chapelle dAllé, qui appartenaient auparavant A ]il » clans laquelle ils sont gnclavés. Il est vralse,,ibbitilc que ,lie table, dont la moralité ne peut è1 ra contestée, a été imaginée, (tans les iofrirs du cloitre, par un moine qui au ra pris pla in r glorifier le courage et te dévoûment de Son cannas- ère aux dépens du curé de Saint Pierre-lrs.glises, - 13 - Dans un tournoi 1 il eut la gloire de désarçonner le fameux Sa- ladin. La lutte entre les deux héros fut longue et brillante. Elle Ut ladmiration des chrétiens et des infidèles, rangés en bataille autour des deux combattants- Lhonneur de la joute resta cependant au seigneur de Chauvigny. Mais un écuyer du soudan, jaloux de la gloire du chrétien et indigné du revers de son maître, frappa s André dun coup dépée au talon. Bles é comme Achille, mais plus heureux que le héros dé lIiiadel le noble chevalier ne mourut pas de sa blessure. Néanmoins il resta boiteux, ce qui fut Cause que, dans la suite, il porta le nom de Clop. Et lon disait de ce guerrier, comme autrefois dun illutre capitaine Chaque pas quil fait rappelle sa gloire. » Dans une bataille contre les Sarrasins, il déploya tant de valeur, que les ennemis épouvantés prirent la fuite, en sécriant : « il • pleut des chevaliers.o A partir de cetié époque, lès seigneurs (le Chauvigny ajoutèrent à leur blason cette devise: Chauvigny, chevaliers pleuvent. y Leur écu portait on relief cinq fuseaux e pal, et le héros dont nous parlons avait cette légende

• S. ;DRt DE CHAWIGNI Ca. SIRE DE CHAST.R.

Cest-à-dire: seigneur André de Chauvigny, chrétien, sire de C h àteau roux Cest à soit des croisade; que ce Seigneur fut construire lhabitation des Templiers dont la grande maîtrise était h Poi- tiers, et la maladrerie pour servir dasile aux croisés qui avaient rapporté la lèpre dé la Palertine (I).

Guillaume.

Guillaume, fils dAndré I", suivit saint Louis en Égypté et su signala dans la sixième croisade. Au retour do cette expédition, il mourut h Palerme. Il avait épousé Agnès de Lusignan, fille de Hugues X et disabelle, veuve de Jean Sans-Terre, roi dAngle- terre. Gode froid. Godefroid, ou Geufroy, figure comme souscripteur dune charte donnée en 11 499, par Aliéner, aux habitants de Poitiers. Il qst pro-

(1) Jlistoirc des dvequrs de Poiliers; Dictionnaire des familles di, Poirote; Thomas de la Thaumassière. - 14 - hablementle fondateur de léglise lu Saint-Pierre-de-Chauvigny.

André. André fut tué â ta bataille de Maiiperluis le lu septembre 1356. La voulu, son fils avait perdu la vie dans une escarmouche. Un aube sire do Chauvigny, dont Froissart) ne dit pas le non), fut fait prisonnier (t).. - -

(t) Je passe sous silence ta bataille de Maupertuis, parce quelle ne ne parait pas appartenir essen tiellment à histoire des châteaux de Chasivigny. Cependant je crois devoir présenter quelques observations au sujet dune note latine extraite dun manuscrit auquel en donne quelque importance. La voici avec la traduction littérale - s Pest iugnam irifelicem Gnflis contra Edouardti,n, prineipem An- glorum, reliquim exercutus Pollini in casteltun, et urhern catvinien- » sein recesserunt. Postera die, Angli circultam urbis mienlaque • circutndederunt. At rutila ponte lapideo nrbls. Vigennam perexerunt prope capellam situait Petri in agris. lùm repcntè Galli in terrain Art - s gloroirs ente contemple tueront. Rare in prœlio tantnm sanguinis » fusum est. Angli vitti, compulsi surit luttera, sert intereluduntur • per aciem Gallorum ad Australen, regioneni et partant rupturta Vigennat flambais ondé uhiquè impedimeotum iter host.iuni An- s gli milites ratissas humaverunt In proie quart nunc est pro$ cade- b siasn Senti Lodegarul, » Après ].a bataille des Français contre Edouard, prince des s Anglais , les restes de larmée française se réfugièrent dans le aisé- s teau et la tille de Chauvigny. Le lendemain, les AnglaIs entourè- rent la ville et les remparts. Mais le pont en pierre de ta ville ayant été rompu, ils traversèrent la Vicnncanprès de la ehapsiFe de Saint- • Pierre-les-Champs. Alors les Français se précipitèrent tout à coup • avec mépris sur les lances des Anglais . Rareinen I - dans un combat - il y eut culant de san g répandu. Les Anglais, vaincus, turent forcés s de fuir nais, au midi, ils sont arrôtés par larmée des Français et te s pont rompu de la Vienne.-De là, de toutes parts des obstacles pour • souvrir ut, passage. Les Anglais ensevelirent les soldats quils avalent perdus, dans un pré qui est maintenant auprès de léglise - Saint- Léger. I Tous les historiens saccordent à dire que armée anglaise, af- faiblie par la victoire même, se hâta de gagner Bordeaux avec le rôt le rite Franco quelle avait fait prisonnier et te butin dont était rh,trgée. Ils ne vinrent donc pas à Chauvigny, où sétait èérugië le dauphin avec 6,000 hommes, débris de lannée vaincue à Maupertuis. 2° Comment les ennemis pouvaient-ils entourer la ville et les rem- parts, lorsque le petit était rompu et que ].a était entre eux et Chauviguy.? Pourquoi les Français coupatent-Ils le pont, lorsquils sortaient de leurs citadelles pour se précipiter avec mépris sur tes lances des Anglais qui, après avoir travers :a rivière, se développaient dans une vaste prairie? Comment les Anglais, vaincus et entourés de - 15 -

Gvy.

Guy abandonna le parti des Anglais vers 1369, pour se meUre sous les ordres de du Guesclin qui Panna chevalier.

André,

André ,dernier de ce nom ne fut pas moins brave que ses aïeux. Il suivit Charles VIII dans son expédition de Naples, et se signala à la fameuse bataille de Eornoi.ie,où sept il , huit mille Français taillèrent en pièce trente mille Italiens. Il mourut lai, 1502, et à sa mort, lample et opulente maison dc.; Chauvigny fut partagée en plusieurs lambeaux. Il avait laissé quatrd filles.

()Itdt eau dJ/arcou;(.

A lorient, le château dIlarcourt ou dHnrescol, devenir la prison de lis appartenait aux vicomtes de Chà- tellerault par alliance avec In famille des Chauvigny. Après de longues luttes entre la capitaine-chanoine, qui tenailles pouvoirs de lévêque, et Louis dtlarcourt, un arrêt du parlement, en date do 1387, condamne Louis (]Harcourt à murer la porto de der- rière de son château et à démolir le pont et la barrière quil avait fait élever. Le capitaine-chanoine reçut ordre de prêter serment à lévêque ainsi quà Louis dl-Ircourt, et de gouverner avec jus- 6cc et impartialité les fiefs de lévêque et ceux du vicomte. Enfin une ordonnance (le Charles VII autorisa le vicomte à céder ses domaines de Chauvigny en échange de propriétés que possédait lévêque aux environs do Châtellerault. Dés lors, le château dHar- court, annexé au château épiscopal, passe sous la doniinatiuri ex-

toutes parts 1 enterraient-ils tranquillement leurs morts dans un pré, entre léglise de Saint-léger et relie de Saint-Just, an centre méme de la ville basse F Pourquoi n étai efll - ils pis égorgés ou fui ts p risoun ers, puisquau midi étaient uneafanée vi ci( o:ieuse, au levant et nu nord des forteresses et au couchant la Vienne qui, dans cet endroit, est large et profonde?- loser de telles questions ,cest les résoudre. Doù il faut conclure que, à cette époque il étai t plus facile de vaincre les Anglais avec la plume quavec lépée. Il mest pénible, sans doute, denlever ce beau fleuron de la cou- ronne de gloire de notre pays. Nais, avant tout, on se doit à la vérité. s micus Piste, scd magis arnica veritits. n -46— - clusivo du clergé et fait partie du domaine temporel des évê- ques (-I). Ce château n donnésdn nom à un des fiefs dela contrée. Daprès la tradition orale, les tenanciers (lu vignoble dUni-court étaient obligés doffrir, chaque année, ait vicomte un roitelet et une paire Je gants blancs.

Tour de Fun. - Louis, bûtard de Ckauviçny.

Sur le même plan, à orient de la forteresse dHarcourt, apparait la tour de Flin. Ce nom est assez commun dans la contrée, parti- culièrement sur les bords do la Vienne, où lon trouvetencore le Petit-Fliri et le Grand-Flin, qui dépendaient autrefois des châteaux de Toulon et de Theil. Ce petit castel avait sans doute été donné à un enfautillégitiniedun des sires (leChauvigay, car, dans lécusson sculpté stirlè manteau de la clierninéede la grande salle, est un clie• vron brisé qui, daprès la science héraldique, est un indice dorigine bâtarde. Lé qui rend cette Opinion Lrès.vraisemblable, cest le rôle brillant que remplit Louis, bâtard de Cha u vigny, fils de Guy P, dans le combat de cinq chevaliers français contre cinq chevaliers anglais; joute mémorable qui rappelle et le combat des Horaces et des Curiaces de lancienne itome, et le combat des Trente dans lequel Beauiïiannir, épuisé de fatigues et mourant de soif, but son sang pour se désaltérer. - Les dix -chevaliers, armés de toutes pièces et montés Eue (les coursiers fougueux, se précipitent avec furie les uns contre les ait- tres. Le choc est terrible; les laices sont rompues sous les coups portés et reçus, mille feux étincellent des cuitasses et des casques. Mais ladresse, la force des cunbaILar,is et la bonne trempe des armures préservent les guerriers de la mort. Epuiés, haletants, ils suspendent lecombat. Lhonneur des deux nations est satisfait. Les chevaliers se séparent pleins destime les uns pour les autres. Dans cette lutte terrible, ce nefut pas Louis qui se signala le moins par sa valeur; car, quoique son coursier eût été tué sous lui par Raymond, chevalier anglais, son adversaire, il ne fut pas cepen- dant le premier .à demander une suspension darmes.

(I) Dom Fonteneai,, y. 7, p 143, 13, 211 V. 3, p. SOL - -47—

Redevances féodales.

Une charte du Xlve siècle nous apprend quAiméry, probable- ment possesseur de ce petit castel, avec le titre modeste de varle, était tenu, envers le préposé de Monseigneur de-Poitiers, o au de- » voir dun roussin de service. o  la vérité, il était amplement dédommagé de cette vassalité parmi droit seigneurial dont il devait étre bien fier, car nul mariage nétait célébré dans la petite paroisse de Saint-Martial sans quun grand feu ne fÛt dressé dans la che- minée de la salle principale de la tour de fin et quun des plus beaux plats du festin ne fÙt offert par la mariée elle-même à lheu- reux suzerain de ce petit manoir (1).

Saint-Pierre.

Auprès dti donjon sélève léglise de St-Pierre, bâtie dans lexile siècle par Godefroid, sire de Chauvigny, dônt le nom figure comme souscripteur dans une charte de 1199 donnée par Ëléo iiore aux habitants de . Poitiers. Larchitecture romane et byzantine de cet élégant édifice, moitié plein cintre etmoitiéogival, et linscription gravée sur une des colonnes de labside : . Gndefiedus nie ferlÉ, o semblent ne laisser aucun doute A cet égard; à moins quon lie pré- tendu que ces mots e Godefroid ma fait, s ne désignent le scuip- leur des figures gravées sur les piliers de lautel. Le champ des interprétations est vaste; il est permis à chacun dy faire des écarts. Ghdl.cau Mau/don.

Sur la plate-forme, au couchant de léglise de St-Pierre, était autrnfois le château Pilauléon. Les ruines mêmes de cette Forteresse ont disparu. Elle fut détruite à lépoque où, dit Froissard , les Anglais ardirent et exilèrent les villes et châteaux appartenant aux Français. Savari de Mauléon est une preuve que les seigneurs de Cbauvignv anse livraientpas exclusivement à la carrière des armes; ils cultivaient avec succès les arts, les sciences et les lettres. Car

(I) fin, Flints,, pierre de foudre, dont se servaient les armuriers pour fourbir les armes. Celte tour n pu étre nommée fin, parce quelle était devenue probablement larsenal des seigneurs de Chau- vigny, -18- o Mauléon, dit Robert du Dorat, fui autant prudent, vaillant et n renommé aux armes que amateur des gens doctes. li recevait » tous les potes de son temps écrivant tant en latin, provençal, o quautre langue vulgaire, et leur faisait de beaui cadeaux. Il n était savant aux lettres et libéral. Il sesnamaroucha dune gen- » tille femme (le Provence, de la maison de Glandève, à la] ou ange de laquelle il fit plusieurs belles chansons, en lune desquelles se » plaignant delle, il dit quil aurait plutôt ployé un gros arbre, D entendant dun chérie qui pur-te gland, faisant allusion à sen » nom, que le coeur delle. » Ce seigneur guerrier-troubadour mourut au service du roi de Fiance, dans une expédition contre Raymond, comte 4e Tou-- buse (t). - Un auteur dont le nom est caché sous les voiles de lanonyme raconte à peu près de la manière suivante la destruction du châ- teau de Mauléon et le louchant épisode dÂliénor et de Georges l)andel

Episode dA li&wr.

• Aliénor, fille de Guy,seigneur de Mauléon,laperle des dames tir de était aussi remarquable par ses vertus que parsa » beauté. Les jeunes genf du Poitou aspiraient à lhonneur dobtenir • sa main. Le coeur de la jeune fille, rempli des plus douces i]lu- » siens, navait encore parlé pour aucun de ses nombreux pré- » tendants.

D Un soir, au coucher du soleil, Aliénor, toute pensive, était n accoudée à une des croisées du châteu, contemplant tes char- " mants paysages que forment la Vienne et les collines environ n nantes. Tout à coup le veut porte n ses oreilles des cris, des bruits darmes, comme le retentissement dun combat. Bientôt

D le soir cor de la sentinelle du donjon sest fait entendre, le s pont-levis sabaisse, et dans la cour du château entrent des » soldats portant un guerrier baigné dans son sang. Le seigneur,

D fidèle aux lois delhospitalité, savance pour le recevoir. Grand s Dieu! il a reconnu GeorgesDandel, le fils de son meilleur ami, uts des plus puissants seigneurs du Poitou. Le jeune chevalier

(1) Robert duflorat, V. 29, P. fl, 255, 331.

J - 19 - venait visiter lami de son père. A quelque distance du pont de la Vienne, au lieu appeléDescente-de-laJusiicé, parce quecétait » là que se dressaient les hideuses fourches patibulaires, il avait i été subitement attaqué par un parti français qui tenait les u champs, errandonnapts, dit notre chroniqueur Froissant, ban » nières et penons venletants, Le jeune chevalier, après avoir » fait des prodiges de valeur, était tombé frappé dun coup de n lance, et ses gens lemportaient au château voisin. La blessure était profonde et dangereuse; les soins les plus » touchants lui furent prodigués. Aliiior veillait conslamhent au chevet du jeune malade. La convalescence fut longue, et Georges neliut do longtemps étre ramené chez son père. Mais, o lorsque ses forces commencèrent à se rétablir, il visitait, accoifl- pagnédAliénor, tantôtles rives de la Vienne aux flots argentés, i laniôtlesprairiesémailléesde fleurs quarrose le Tahat aux nom- » breux détours, tantôt les bosquets silencieux de la forêt qui sétendait alors jusquau pied du donjon, tantôt, avec elle, il allait puiser les eaux minérales et salutaires à la source du val- » Ion (t). Les âmes du couple heureux ne tardèrent pas à se cern- prendre; ils sejurèrent une fidélité éternelle, et un prompt hymen » devait mettre le comble à leur bonheur. Mois voici que les combats réclament le jeune guerrier. Son » père le presse de venir le rejoindre. La séparation fut cruelle ,, dabondantes larmes furent versées. f.,a guerre avait recommencé , avec fureur. Du Cuesclin avait déjà obtenu quelques avantages. Le père tlAliénor, tourmenté par lambition, prête loreille aux » propositions du roi de . Il fait égorger la garnison an- glaise qui tenait le fort et le remet aux mains des Français. u Puis il forme le projet de donner sa fille à un des plus puissanIs o seigneurs de la cpntrée. Aliéner se, jotle en vain À ses pieds; en vain elle le supplie de ne pas la contraindte dépouser un homme quelle abhorre; le pète reste inflexible; il part pour la cour du o roi de France, et, à son retour, le mariage doit saccomplir. s Cependant les Anglais no tardent pas à être informés de ce » qui se passe au château de Mauléon. Douze cents lances sont

(t) Au pied de la colline doù jaillit la fontaine Talbat, on trouve plusieurs sources deau ferrugineuse que la science médicale pourrait utiliser. - 20 - b confiées à Georges Dandel. li brûle du désir darracher son amante aux moins de linfâme qui veut la lui ravir. Déjà il en- s touro la forteresse, il la presse de tontes parts. Lassaut est donné; les portes sont enfoncées; mais les Français; redoutant » la vengeance de leurs ennemis, aiment mieux périr par les » flammes (lue par le fer des Anglais. Ils mêlent le feu à la forte- » rosse confiée à leur vaillance. Déjà sembrase la tour où était » Aliénor. Georges se précipite à travers lincendie, et bientét on lentrevoit, au haut de lédifice, tenant dans ses bras son » amante évanouie. Puis des tourbillons de flammes et de fumée o sélèvent dans les airs, la tour sécroule et tout o disparu à ja- ii mais; Dieu seul entendit leur prière et leur dernier soupir o

(Jhdteau épiscopal.

À lextrémité de langle dominant la fontaine Talbat a été béli par les évêques le château épiscopal dont la chapelle et la façade présentent un (les pins beaux monuments des temps an- ciens. La construction de ce magnifique édifice appartient incon- leslablement aux évêques; leur signature y est apposée. Dans langle occidental de cette belle colonne est sculpté leur blason, formé de la croix et de la crosse pastorale. Selon la tradition orale, mais peu vraisemblable, car larchitecture de lédifice accuse une origine plus moderne, Pierre Il, cette victime des extravagahce de Guillaume, comte de Poitiers, prince-troubadour, libertin, bel esprit et railleur, tournant les actions de Dieu en risées et bouf- fonneries, disent les chroniques du temps, fit élever ce monu- ment pendant son exil au château de Chauvigny, où il mourut, lan litS. Exil de Pierre 1/.

Polir donner une idée des moeurs do temps l il nest pas inutile de raconter comment Pierre il fui exilé au château de Chau- vigny. Guillaume VIII avait enlevé la femme , du vicomte de Châtelle- rault, Pierre Il lui enjoint de ta rendre à son mari r» Pluslôt que cela advienne, répond le comte i lévêque, t n courberas du pigne le poil de ton front en arrière » (parce quil avait les cheveux de devant si rares, quil navait nul besoin de les pigner). - 21 - Lévêque indigné su prépare à lancer lanathème.. Guillaume accourt, menace le prélat de son glaive, sil prononce lexcommu- nication. Lévêque feint dêtre frappé de terreur il se tait en ap- parence, mais il achève b voix basse les paroles sacramentelles; puis, se tournant du côté du comte, il lui dit, en tendant Te col Frappe, jai fini. o Mais Guillaume, que son caractère railleur nabandonne jamais, lui répliqbc, en rengainant son glaive: ne taime pas assez pour Convoyer en paradis. . Ii préféra len- voyer en exil au château de Chauviany, doù, après sa mort, son corps fut transporté dans labbaye de Saint-Cyprien de Poitiers. Guillaume, apprenant que Pierre li était mort et quon le r& vérait comme un saint, dit en raillant, selon son habitude, quil était bien mortifié de ne lui avoir pas ouvert plus tôt les portes du ciel, parce quil lui en aurait su gré (I).

Talbatière —Notre-Va ni e-dc-Grdces.

Pendant son séjour au château de Chauvigny, le saint évêque donna ses soins à la réforme des moeurs. La corruption , quoi quen disent les éternels louangeurs des temps pasSs, laudatores ternporis «cii, était grande à cette époque. Le roi Philippe r avait enlevé Bertrade ,femme du comte dAnjou et avait attiré sur lui et son royaume les foudres de lexcommunication. Par sa vie scandalause, le comte de Poitiers avait encouru les censures de lÉglise. Lexmpin est toujours contagieux , surtout quand il part de haut. À lextrémité du coteau parallèle à la colline où sé- lèvent les châteaux du vieux Chauvigny, sur le sommet de langle qui n reçu le nom de Tabatière, à cause de ],a Taibat qui coula à ses pieds, des femmes dissolues avaient fixé leur de meure. Des plates-formes et des fenêtres des châteaux, on pouvait voir et entendre ces sirènes corruptrices. Le scandale régnait dans la cité. Le saint prélat ne souffrit pas longtemps des désordres s contraires n la religion et aux bonnes moeurs. Il fit. renfermet dans une maison de repentir, au nord de la ville, ces femmes doni la conduite était un scandai pour la morale publique. Le nom du. lieu où elles furent cloItrées, et qui sappelle encore Notre-Dame

() Bourgeois, y . 32, p. 114, histoire des évêques de Poitiers; NeT tfiesbury, historien anglais r

- 22 - de-Grâces, indique assez la destination de lhabitation quon leur avait assignée (1).

Du Guesclin sempare de Chauvny.

Tels étaient, sans y comprendre la tour deFlin, les quatre châ- teaux de Chauvigny. Ciivelier, trouvère du xiv siècle, noublie pas den faire mention dans son porne épique du vaillant cheva- lier Du Guesclin, En parlant des Français sapprochant de Chau- vigny quils voulaient reprendre sur les Anglais, il sexprime ainsi Quand virent Chauvigny où il y n bons tossEz Donne ville y avait, se dit lautorltéz, Et 1111 grands châteaux, se dit lautorités. Quant Français on vu les châteaux gariléi, Se dirent bellement lun à lautre s€erz A Dieu où sommes-nous aujourdhui arrivEz Dun mauvais pas venons en un pleur entrEz. Et le trouvère do continuer sur ce même ton rhytbmiqtfe avec une abondance de rimes désespérantes pour loreille du lecteur, pour peu quelle ce soit pas trop béotienne. Cependant les (rois mille lances que conduisait Du Guesclin ne tardèrent pas à semparer de, ces formidables citadelles car, le troisième jour, les Anglais se rendirent à discrétion.

Bét:olution dans le système des siégez.

Ainsi était déjà passée lépoque où les forteresses ne tombaient au pouvoir des assiégeants que par surprise ou par famine, rare- ment par la force des armes. Aux temps héroïques de la Gréce, le siége dune ville de lAsie-1ineuro dure dix ans. Dans lhistoire ancienne, ors voit un roi dÉgypte assiéger pendant vingt-neuf ans une forteresse située sur ,les frontières de son royaume, et, au moyen âge, Louis le Gros, dit le Batailleur, emploie ses armées royales et une parue do son règne réduire le seigneur de Puiset, petit château fort entre Orléans et E(empes. Mais lorsque, dans les médi tations profondes du cloltro, un moine allemand eut pétri le salpêtre et inventé la poudre à canon, une révolution complète sopère dans le système des sièges. La féodalité est frappée â mort

(I) Dom Fonteneau, V. 3, P. 6iG. - 23 ainsi que la chevalerie, cette institution française bute dentljou. siasme et de dévoûmont. Le gentilhomme couvert doter, portant brassards et cuissards, et son grand cheval de bataille, bardé de laines dacier, reçoivent des coups mortels comme le. serf A pied, vêtu do lhumble sayon gaulois et armé seulement de sa longue arquebuse. Les vieux donjons crénelés des hauts et puissants ba- rons croulent sous les globes de bronze que vomissent cent bou- ches dairain, comme la plus modèste demeure du plus pauvre des. vassaux.

Je maréchal de Safnt-And,é bombarde les chat eaux.

Aux luttes contre lAngleterre succèdent les guerres religieuses. Les châteaux de Chauvigny sont tour à tour assiégés, pris et repris pal protestants et les catholiques - Des troupes irrégulières, appelées Fourchières ou Fourangeanx, parce qu elles étaient armées de fourches, piflent la ville et sétablissent dans les clièteatix (t). i.e maréchal de St-André les y assiége, bombarde les forts, sen empare et fait pendre quatorze huguenots (2). Charles IX, ce roi de si &iste et si odieuse mémoire, ordonne de lever une certaine somme sur le clergé de Poitiers, afin dentretenir cent arquebusiers à cheval pour la garde et défense de Chauvigny f2). Pour comble de malheur, les étrangers fomentent nos discordes civiles et prennent Part nosiuttes. Deux mille Espagnols, envoyés au secours des ligueurs par Philippe Il, ce démon du Midi, qui voulait, (lisait-il, faire tinter les oreilles de la chrétienté du mas- sacre des protestants, nayant aucun bagage, passent par Chau- vigny, y restent depuis le trente avril jusquau six mai, désolent fort le lieu, disent les chroniques de St-Savin, et, entre autres choses, ne laissent rien dans les jardins (4). C () Dom Fonteneau, y. 25, P. 6f7. (2) Dom Fonteneau y. 25, p. 017; - y. 26, P. 64,. le maréchal de St4ndré était cadeténne illustre maison du L yonnais. li séleva plus parla faveur que par le génie militaire. On laccusait de Pillage et de concussion. n se croyait tout permis Pour chos quescs excès Pli réparerIcabré- genre taisaient fi sa fortune. A ta bataille de Dreux, il fut renversé de cheval et tué à bout portant dun coup de pis- tolet. (3) Dom Fonteneau, V. 2, p. 563. (4)Dom Foateneau, V. 25, P. G!?. - - 24 - Pendard cette période des guerres religieuses, les édifices con- sacrés ail culte sont surtout lobjet de la fureur des protestants. Saint l\lartiat, Saint-Pierre, Saint . I..éger et Sainl-Just deviennentla proiedesflammcs.MaiS AnglaisEspagnols et Francais, catholiques et protestants, ligueurs et calvinistes Ont tour à touret comme à envi les i ins des outres jonché le sol des débris de ses vieilles citadelles. - Elynotogie de ()hauvigny.

En remoutantaux époques rcculée quiert précédé loccupation ronaine, ces lieux étaient inhabités; toute la contrée était cou verte de forêts. Dans -la partie orientale, la Mareuil, grand bois dans le langage de nos pères, sétendait jusquà la pente du mont où furent jetés les fondements de ta mansion romaine, et, ou nord, la forêt Talbat, qui ne se trouve plus que dans les anciens par- chemins, garnissait de ses arbres-séculaires les terres arides des Courlis. Langle de la coltine était stérile et dénudé; nulle trace de végétation. Le sol était nu et dépouillé, comme lest encore aujour- dhui le coteau qui domine la Vienne h loccident des châteaux. Le sommet dit mont apparaissait de loin comme une tète chauve. Cest à cause de cette ressemblance que la première construction quon y établit tut appelée Calvini acurn ou Calviacum, de calvus, dont le substantif calvities, dans le sens métaphorique, signifie nudité dun lieu dépourvu de vég4tation, et peut-être de arx, hauteur, sommet, et, par extension, citadelle, parce que, dans tes temps anciens, les forteresses étaient bâties sur des hauteurs, comme lAcrQpolis dAthènes et la Sion de Jérusalem.

InlIle,. - Tyt,. dl, A. ouvré.