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le « briquetage de la » () : bilan d’un programme de cinq années de recherches archéologiques

6 laurent olivier

i – le projet « briquetage de la seille » (1) – Voir : ARTEZE DE LA SAUVAGERE Royer, (2001-2005) Recherches sur la nature et l’étendue de ce qui s’appelle communément Briquetage de Marsal Le programme de reconnaissance et d’inventaire archéologique du avec un abrégé de l’histoire de cette ville, et « Briquetage de la Seille » est coordonné par le département des âges du une description de quelques antiquités qui se Fer du Musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye, pour trouve à Tarquimpole, Paris 1740 ; KEUNE le compte du Conseil général de la Moselle. Lancé en 2001 pour une Johan-Baptist, « Das Briquetage im oberen période de cinq ans (2001-2005), ce projet porte sur un complexe de Seillethal », Jahrbuch der Gesellschaft für sites d’extraction du sel datant du début du premier millénaire avant lothringische Geschichte und Altertumskunde, notre ère et situés dans la vallée supérieure de la Seille (Moselle), entre XIII, 1901 p. 366-394 ; BERTAUX Jean-Paul , les villages de , à l’ouest, et de Marsal et , à l’est (1). L’in- L’archéologie du sel en . « Le Briquetage térêt de cet ensemble archéologique, qui s’étend sur plus d’une dizaine de la Seille (état actuel des recherches) » Dans de kilomètres de longueur, tient non seulement à l’ancienneté de l’ex- MILLOTTE Jacques-Pierre, THEVENIN André et ploitation du sel dans cette micro-région qu’à son caractère véritable- CHERTIER Bernard (dir.), Livret guide de ment « proto-industriel » : la masse des rejets de débris de fourneaux et l’excursion A7 Champagne, Lorraine, Alsace, de moules à sel en terre cuite, qui forment par endroits des accumula- Franche-Comté. 9ème Congrès de l’Union tions de plus de 10 m de hauteur, peut en effet être estimée actuelle- Internationale des Sciences Préhistoriques et ment à un volume total de près de 4 millions de mètres cubes (2). Protohistoriques, Nice, éditions du CNRS, 1976, p. 64-79. Le projet « Briquetage de la Seille » visait en premier lieu à établir l’ex- (2) – OLIVIER Laurent, « Le Briquetage de la tension spatiale et l’organisation interne des sites de production du sel Seille (Moselle) : nouvelles recherches sur une à l’époque protohistorique dans la vallée supérieure de la Seille, dont exploitation proto-industrielle du sel à l’âge du témoignent les accumulations de briquetage connues depuis le XVIIIe Fer », Antiquités nationales, 32 (2000), 2001, siècle sous le terme de « Briquetage de Marsal ». Au-delà, l’objectif du p. 143-171 ; OLIVIER Laurent, « Nouvelles programme des recherches de terrain était d’apporter des éléments recherches sur l’exploitation du sel de la Haute d’informations permettant d’étudier l’impact à long terme de l’exploi- Seille à l’âge du Fer », Le Pays lorrain, 84, tation intensive du sel, à la fois sur l’environnement naturel et sur les 2003, p. 15-26 ; OLIVIER Laurent, « Le Brique- sociétés humaines du premier millénaire avant notre ère. Le projet vi- tage de la Seille (Moselle) : premiers résultats sait en particulier à observer si l’activité d’extraction du sel, poussée à d’un programme de reconnaissance archéologi- un stade quasi industriel plus de cinq siècles avant la conquête romaine, que d’un complexe d’ateliers du sel de l’âge du n’a pas contribué d’une part à déstabiliser un milieu déjà appauvri et Fer en Lorraine », Antiquités nationales, 35 affaibli par une exploitation intensive du sol pour l’approvisionnement (2003), 2004, p. 236-247. en combustible des salines et si, d’autre part, celle-ci n’a pas participé à (3) – TAINTER Joseph « Problem Solving : déstructurer le fonctionnement des communautés locales, à l’économie Complexity, History, Sustainability », Population traditionnellement agricole, par le développement d’une production à and Environment : A Journal of Interdiscipli- haut rendement de ressources (3). nary Studies, 22, 1, 2000, p. 3-41.

n° 1/2 ~ janvier 2006 . le « briquetage de la seille » 7 Figure 1 : Marsal « Pransieu » : groupe de fourneaux à saumure de la phase ancienne du premier âge du Fer en cours de fouille (cliché Projet Briquetage de la Seille).

Les recherches de terrain ont consisté principalement en des prospec- tions géophysiques extensives des secteurs d’ateliers de briquetage, qui ont porté sur une surface totale de près de 80 hectares. Ces reconnais- sances ont été associées à la réalisation de sondages de validation des anomalies géophysiques détectées, qui ont permis d’en préciser la na- ture et, le cas échéant, la chronologie. Ces interventions ponctuelles ont donné lieu à une série de déterminations et d’analyses de laboratoire qui ont concerné en particulier les datations archéomagnétiques et thermoluminescentes, ainsi que les études paléo-environnementales (anthracologie, archéobotanique, malacologie, palynologie). ii – les recherches de terrain et les études de laboratoire :

Le projet de prospection thématique du « Briquetage de la Seille » avait pour objectif principal la reconnaissance extensive des zones d’ateliers de briquetage protohistorique dans la vallée supérieure de la Seille, en- tre les villages de Salonnes, à l’ouest, et de Marsal, à l’est. Après une première étude de faisabilité, réalisée en 2000 sur les sites du « Chatry » à Vic-sur-Seille et du « Fort d’Orléans » à Marsal, la mise en œuvre de reconnaissances géophysiques systématiques – faisant notamment ap- pel aux prospections géomagnétiques – a été retenue. Grâce à un parte- nariat avec le Bureau de Recherche Géologique et Minière (BRGM, sous la direction de Bernard Feuga), une prospection géophysique héli- portée a été réalisée en 2001 à l’échelle de l’ensemble du secteur de la vallée supérieure de la Seille, ainsi que de son affluent le Nard, sur une surface atteignant près de 70 kilomètres carrés. Confiée au Service fédéral de reconnaissance géologique et géophysique d’Allemagne basé à Hambourg (BGR), cette prospection préliminaire a (4) – BOURGEOIS Bernard, PERRIN José et fait appel principalement à des méthodes de reconnaissance magnéti- FEUGA Bernard, « Cartographie 3D de l’interface que et électromagnétique à diverses fréquences, et a fourni une très ri- eau douce/eau salée par méthode électroma- che masse de données. Du point de vue géologique, elle a notamment gnétique héliportée sur le bassin salifère de permis de mettre en évidence l’extension des zones de sédiments gorgés Lorraine », Revue française de Géotechnique, de remontées salines, ainsi que d’en restituer un modèle stratigraphi- 106-107, 2004, p. 145-156. que en 3D (4).

8 le « briquetage de la seille » . n° 1/2 ~ janvier 2006 Du point de vue archéologique, la prospection héliportée a clairement fait apparaître les zones d’accumulations majeures de rejets de brique- tage, montrant qu’il n’en existait pas d’autres dans la vallée de la Seille, en dehors de celles de Vic-sur-Seille, de Marsal et surtout de . Dans le détail, de très nombreuses anomalies magnétiques secondaires, de signal relativement faible, ont été détectées dans toute la plaine allu- viale de la Seille : elles ont confirmé la présence d’accumulations de briquetage de moindre importance, déjà connues – comme par exem- ple celles de Marsal « Pransieu » ou du « Châtry » à Vic-sur-Seille – mais plusieurs d’entre elles se sont révélées par la suite appartenir à des zo- nes d’ateliers de briquetage encore inédites.

À partir de 2002, des prospections géomagnétiques systématiques, réa- lisées au sol, ont été lancées sur les zones d’accumulations de briquetage confirmées par la prospection héliportée. Elles ont été confiées au groupe Posselt & Zickgraf Prospektionen (PZP), basé à Marburg (Alle- magne). Le vaste secteur d’atelier de briquetage du « Fort d’Orléans » et du « Pransieu » à Marsal a été reconnu en premier, à l’occasion de deux campagnes effectuées en 2002 et 2003 : les reconnaissances géomagné- tiques ont révélé l’existence de centaines de concentrations de structu- res de combustion, organisées en rangées pouvant dépasser une centaine de mètres de longueur, et identifiant quatre zones principales d’ateliers s’étendant d’est en ouest sur une longueur de plus de 1300 m (ateliers du « Fort d’Orléans » et du « Pransieu » A-C).

À partir de 2003, tandis que se poursuivait la prospection géophysique du secteur d’ateliers du « Fort d’Or- léans » et du « Pransieu », une première série de sondages d’évaluation des anomalies géophysiques détectées sur le site en 2002 était réalisée : ces premiers sondages ont confirmé que ces anomalies magnétiques appar- tenaient bien à des fourneaux à sel protohistoriques, le plus souvent groupés en batteries de 6 à 8 m de long (figure 1). De premières indications typologiques et chronologiques étaient également obtenues et indi- quaient une datation de ces structures à la phase ancienne du premier âge du Fer (VIIe-VIe siècles av. J.-C.).

En 2004, la prospection géomagnétique systématique a été étendue aux autres accumulations de briquetage identifiées dans la vallée. Des transects ont d’abord été réalisés, afin d’obtenir une première image de l’ex- tension spatiale de ces ateliers (comme à Salonnes « Burthecourt », Vic-sur-Seille « Châtry » ou encore Moyenvic « Saint-Pient »). Parallèlement, de nouveaux sondages d’évaluation des anomalies géophysiques ont été ouverts dans les secteurs nouvellement prospectés en 2003 dans la zone du « Fort d’Orléans » et du « Pransieu » à Marsal : l’un d’eux a notamment montré que des structures de combustion profondes, en- fouies à plus de 2 m sous la surface du sol, étaient couramment détectées par la prospection géomagnéti- que. Dans leur ensemble, ces sondages ont confirmé l’attribution chronologique de la grande zone d’ateliers du « Fort d’Orléans » et du « Pransieu » au début du premier âge du Fer.

Enfin, en 2005, a été achevée la prospection géophysique systématique des sites dont la reconnaissance avait été débutée en 2004. Ces travaux ont non seulement permis de délimiter l’extension des sites de Salonnes « Burthecourt » ou de Moyenvic « Saint-Pient », mais ils ont donné également l’occasion de faire apparaître une vaste zone d’atelier, jusqu’ici inconnue, qui s’étend sur plus de 400 m de longueur à l’ouest du site du « Châtry » à Vic-sur-Seille. On notera que cette concentration d’anomalies correspondant manifestement à des fourneaux à sel apparaît sous la forme d’un signal magnétique détecté lors de la prospection héliportée de 2001. Dans le même temps, une nouvelle série de sondages de validation des anomalies géophysiques a été réalisée dans le secteur de l’atelier de Burthecourt prospecté en 2004.

n° 1/2 ~ janvier 2006 . le « briquetage de la seille » 9 Ces sondages ont révélé de nouveaux types de fourneaux à sel et ont permis d’établir la datation typo-chro- nologique globale du site, qui fonctionne principalement durant la phase récente du premier âge du Fer (VIe siècle av. J.-C.). On notera également que, pour la première fois, des vestiges d’habitat contemporain de l’ex- ploitation du sel ont été mis en évidence dans un secteur jouxtant immédiatement l’atelier de sauniers. Trois fosses silos ont été fouillées à l’intérieur d’une zone d’anomalies correspondant manifestement à des struc- tures d’habitat et ont livré un important matériel domestique datable des VIIe – VIe siècles av. J.-C.

(5) – ZINCK Antoine et PORTO Elisa, « Datation À mesure de l’avancement du projet, plusieurs programmes de recher- par luminescence du Briquetage de la Seille - che, conduits par des équipes extérieures, se sont greffés au programme Rapport des campagnes de mesures 2004-2005 de reconnaissance des ateliers de briquetage de la vallée de la Seille. effectuées à Marsal (Moselle) » dans OLIVIER Ainsi, en 2003, le Centre de Recherche et de Restauration des Musées Laurent (dir.), Le « Briquetage de la Seille » de (C2RMF) a sélectionné le Briquetage de la Seille comme un (Moselle) - Prospection thématique et site pilote permettant d’établir, dans le cadre d’une coopération établie sondages de vérification des anomalies avec l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP, sous la direction géomagnétiques, Campagne 2005, Saint- d’Yves Gallet), la courbe de référence archéomagnétique du Ier Millé- Germain-en-Laye, Musée d’Archéologie naire avant notre ère. Une première série de prélèvements ont été effec- nationale, 2005, p. 281-294. tués en 2004 par Agnès Genevey et Antoine Zinck dans les fourneaux à (6) – BERTAUX Jean-Paul , L’archéologie du sel sel mis en évidence dans les sondages de validation des anomalies géo- en Lorraine. « Le Briquetage de la Seille (état physiques des secteurs du « Pransieu » et du « Fort d’Orléans » à Mar- actuel des recherches) », ouv. cit., p. 67-70. sal (5) ; ils ont permis d’obtenir une première série de datations échelonnées du IXe au Ve siècle av. J.-C.. Une seconde série de prélève- ments a été faite en 2005 dans une partie des fourneaux à sel découverts à l’occasion des sondages de validation géophysique effectués dans le site de « Burthecourt » à Salonnes.

Un autre programme, lancé à l’origine avec le Parc naturel régional de Lorraine (PNRL, sous la direction de Guy Georges), s’est focalisé sur l’étude de l’évolution paléo-environnementale de la vallée supérieure de la Seille. Après un premier test de faisabilité effectué en 2003 – qui a souligné l’importance du potentiel scientifique des dépositions alluviales de la vallée de la Seille entre Salonnes et Marsal – une première cam- pagne de carottages mécaniques a été effectuée en 2004. Ces travaux ont été réalisés par le groupe Ar- chaeoScape, qui regroupe une équipe pluridisciplinaire de chercheurs spécialisés en recherches paléoenvironnementales au sein du département de Géographie de l’Université de Londres (Grande-Breta- gne). Une nouvelle série de carottages, qui viennent compléter et affiner ces premières indications, a été ef- fectuée à l’occasion de la campagne de terrain 2005.

iii – les acquis scientifiques : 3a – la topographie des ateliers de briquetage :

La délimitation de l’extension topographique des accumulations de briquetage attestées dans la vallée de la Seille constituait l’objectif principal du programme de prospection thématique 2001-2005 du Briquetage de la Seille. Celui-ci a été pleinement atteint, grâce à l’utilisation systématique de la géophysique, et en par- ticulier des prospections géomagnétiques. En révélant de vastes concentrations de structures de combustion – dont les sondages de validation entre- pris à partir de 2003 ont montré qu’il s’agissait bien d’agglomérations de fourneaux à sel protohistoriques – ces prospections extensives ont mis en évidence l’existence de très vastes ateliers, comprenant des centai- nes ou des milliers de fourneaux et s’étendant parfois sur plusieurs dizaines d’hectares : À Marsal, les prospections géophysiques menées en 2002-2003 ont fait apparaître une série d’ateliers se dé- veloppant sur près de 1,5 kilomètre de longueur, au sud et à l’ouest de l’agglomération.

10 le « briquetage de la seille » . n° 1/2 ~ janvier 2006 Quatre secteurs d’ateliers principaux, occupant des surfaces de l’ordre de 5 à 8 hectares, ont été détectés de part et d’autre d’un probable paléochenal de la Seille. À Moyenvic « Saint-Pient », les prospections de 2004-2005 ont révélé un vaste secteur d’atelier – dont la périphérie n’était que très partiellement connue par les fouilles préventives du contournement de Moyen- vic, en 1999-2000 – qui s’étend sur une surface d’environ 25 hectares à l’est et au sud-est du bourg.

À Vic-sur-Seille le « Châtry », les prospections géophysiques de 2002 et 2004-2005 ont montré que le site du « Châtry » lui-même – connu dans la littérature archéologique depuis les années 1840 – ne s’étendait que sur une surface d’environ 3,5 hectares, tandis qu’un vaste secteur d’atelier, jusqu’ici inconnu, se développait à l’ouest du site sur une surface de l’ordre de 7,5 hectares.

Enfin, à Salonnes « Burthecourt », les prospections de 2004-2005 ont montré que l’atelier sondé par Keune au début du XIXe siècle atteignait une surface de l’ordre de 5 hectares. D’une manière générale, ces nouvelles recherches ont montré qu’il fallait désormais abandonner le modèle des « îlots » de briquetage envisagé par Jean-Paul Bertaux dans les années 1970, et selon lequel les ateliers de briquetage auraient correspondu à des accumulations de déchets de production de forme globalement cir- culaire ou ovalaire, érigées comme des îles artificielles au milieu des marais (6). Surtout, en mettant en évi- dence les concentrations de structures de combustion liées à l’extraction du sel, les prospections géomagnétiques réalisées de 2002 à 2005 ont fait apparaître l’organisation globale des ateliers de briqueta- ge. Certains ateliers (comme ceux de Marsal « Fort d’Orléans », Marsal « Pransieu A » ou encore Salonnes « Burthecourt ») sont apparus structurés autour d’une « dorsale » centrale, souvent sinueuse, de concentra- tions de fourneaux à sel. En revanche, d’autres ateliers (comme ceux de Marsal « Pransieu B » ou encore de Vic-sur-Seille « Châtry ») se sont révélés composés de rangées de concentrations de fourneaux, souvent pa- rallèles, pouvant se développer sur plus d’une centaine de mètres de longueur (figure 2).

Figure 2 : Marsal « Pransieu » et « Fort d’Orléans » (2003-2004). Cartographie géomagnétique des complexes d’ateliers de briquetage (PZP/Projet Briquetage de la Seille).

n° 1/2 ~ janvier 2006 . le « briquetage de la seille » 11 3b – la chronologie générale du briquetage de la seille et son évolution typo-technique :

Une série de données nouvelles a été obtenue à partir des sondages de validation des anomalies géophysiques, qui ont permis, d’une part, de recueillir du mobilier datant (en particulier de la céramique domesti- que) directement associé aux structures de combustion des ateliers de sauniers et, d’autre part, d’esquisser une première typo-chronologie – encore très provisoire – des types d’éléments techniques utilisés pour la production du sel dans le Briquetage de la Seille. Encore floue jusqu’à ces dernières années, la chronologie du Briquetage de la Seille a pu être fixée à l’âge du Fer : dans l’état actuel des données, aucune des accumulations de briquetage connues dans la vallée de la Seille n’est antérieure à la phase ancienne du premier âge du Fer (Ha C1-C2), ou postérieure à la fin de La Tène récente (LT C2-D1). Dans le détail, les prélèvements mécaniques de briquetage et les sondages d’éva- luation des anomalies géophysiques entrepris de 2002 à 2005 ont per- mis d’obtenir des indications chronologiques sur l’occupation de 7 des 14 complexes d’ateliers de briquetage actuellement attestés dans la val- lée de la Seille. Deux grandes phases d’occupation – qui restent encore à préciser en détail – se distinguent :

Une première série de complexes d’ateliers est occupée au premier âge du Fer. La phase typo-chronologi- que la mieux représentée est celle du Hallstatt ancien au début de la phase récente de la période hallstat- tienne (Ha C-D1). En témoignent notamment les secteurs d’ateliers de Marsal « Fort d’Orléans », « Pransieu » (B et C), Moyenvic « Saint-Pient », ou encore Vic-sur-Seille « Châtry » (B). À l’intérieur de cette série hallstattienne, certains ateliers fonctionnent manifestement jusqu’à la fin de la phase récente du pre- mier âge du Fer, en particulier comme à Salonnes « Burthecourt », ou encore à Marsal « Pransieu » A. On notera que ces ateliers sont dispersés sur toute la vallée supérieure de la Seille (figure 3).

9 9 0 1 4 1132 7 1132

le il e S e) Figure 3 : occupation archéologique etite Mulcey ivièr P (r La "Les Pâquis" à la phase ancienne (Ha C-D2-3) e) ille Seille rivièr Salonnes Vie lle ( La Sei "Village" Marsal La du Briquetage de la Seille Vic-sur-Seille "Pransieu" Marsal La "Le Châtry" "Le Bourg" e e Salonnes Se (VIII -VI siècles av. J.-C.) il le

(r "Burthecourt" iv iè r e ) Marsal Moyenvic "Fort d'Orléans" "Le Bourg" Moyenvic "Les Crôleurs" 2000 m

Le Nard

200 N 225 250 275

300 m 1125 9 1125 9

0 1 0 4 7

Nécropole de tumulus Autres nécropoles Accumulation de briquetage Habitat

Limites de la zone d'étude Habitat probable

12 le « briquetage de la seille » . n° 1/2 ~ janvier 2006 Une seconde série, moins nombreuse mais correspondant à de très grandes accumulations, est occupée à la phase récente du second âge du Fer (LT C2-D1). C’est le cas en particulier de l’accumulation du bourg de Mar- sal, dont l’assemblage technique a pu être observé en 2002 aux « Malacquits ». Les périodes typo-chronologiques de la phase ancienne du second âge du Fer (LTA-B) manquent complètement pour le moment (figure 4).

9 9 0 1 4 1132 7 1132 Figure 4 : occupation le il e S e) r Moyenvic etite iviè P archéologique à la phase récente (r La "La Côte Saint-Jean"

e) (LT C1-D2) du Briquetage de la Seille eille Seille rivièr Vi eille ( La La S (IIe–Ier siècles av. J.-C.) Marsal LLa a

SSe "Le Bourg" e ilil lele

(( rr iviv iËiè r e )) Vic-sur-Seille Moyenvic "Le Bourg" "Le Bourg" N

Le Nard 2000 m

200 225 250 1125 1125 275 9 9 0 1

300 m 4 7 0

Ilot de briquetage

Sanctuaire

Limites de la zone d'étude

Ces premières indications chronologiques permettent d’établir, par croisement avec le matériel technique fi- gurant dans les accumulations de déchets de production des ateliers, une première grille d’évolution techno- typologique des appareils de production du sel. Là également, au stade actuel des données, cette restitution est encore très lacunaire et schématique. Néanmoins, une évolution se dessine nettement dans la typo-chronolo- gie des récipients fonctionnant avec les fourneaux à sel (figure 5) :

Figure 5 : Briquetage de la Seille (Moselle) ; typo-chronologie des éléments techniques : les récipients à sel ou à saumure (état 2005)

n° 1/2 ~ janvier 2006 . le « briquetage de la seille » 13 Au Hallstatt ancien, prédominent de grands récipients cylindriques bas, à paroi cintrée et à bords crantés d’impressions digitées. Ces cuvettes, d’une contenance individuelle d’une trentaine de litres, fonctionnent avec des types de fourneaux à chambre de chauffe à muret(s) interne(s) désormais bien connus à Marsal « Pransieu ». Ces pièces d’une cinquantaine de centimètres de diamètre, présentent fréquemment des traces de lutage externe et sont manifestement non amovibles : elles servent, selon toute apparence, au bouillage de la saumure.

Le début du Hallstatt récent (Ha D1) est marqué, semble-t-il, par la multiplication de formes basses, égale- ment cylindriques ou légèrement tronconiques, de petit module. Ces pièces, d’une vingtaine de centimètres de diamètre, sont élaborées à partir de pâtes très poreuses, chargées en débris végétaux (bassines, « cuvelet- tes »). Les fourneaux qui leur sont associés sont encore mal connus. Elles sont apparemment mobiles et servent probablement au séchage et au conditionnement du sel sous la forme de pains de sel. La fin du Hallstatt récent (Ha D2-3) voit la disparition des formes basses et la génération d’un type de réci- pient vertical, de forme tronconique, élaboré également à partir de pâtes très poreuses chargées en débris végétaux (godets). Les fourneaux qui leur sont associés ne sont pas connus. Ces pièces mobiles servent pro- bablement au séchage et au conditionnement du sel sous la forme de pains de sel.

La Tène récente (LT C2-D1) est caractérisée par des récipients verticaux, de forme tronconique élancée, qui semblent issus des formes initiales de la fin du Hallstatt récent flûtes( ). Les fourneaux qui leur sont associés ne sont pas connus. Ces pièces mobiles, élaborées à partir de pâtes très poreuses, chargées en débris végé- taux, servent probablement au séchage et au conditionnement du sel sous la forme de pains de sel.

3c – la relation des ateliers d’exploitation du sel avec les habitats :

Une série de données nouvelles, qui renouvellent notre connaissance de l’occupation humaine à la périphérie des ateliers d’extraction du sel, a été obtenue à l’occasion de la campagne de terrain 2005. L’existence d’habitats implantés à proximité directe des sites de production a no- tamment été mise en évidence à Salonnes « Burthecourt ». Les analyses complémentaires des macrorestes végétaux montrent que la commu- nauté des sauniers de « Burthecourt » pratiquait également des activités agricoles, en cultivant des champs de céréales (blé, orge), et en entrete- nant des productions de légumineuses et de plantes aromatiques (7). L’existence de troupeaux est probable ; elle est confirmée par l’étude des restes osseux animaux, qui fait apparaître une consommation car- née reposant sur le bœuf, le cochon et les ovicaprinés (8). L’artisanat domestique est marqué par la transformation des produits agricoles, ainsi qu’en témoignent les activités de filage et de tissage attestées par la présence de fusaïoles, et d’un poids de métier à tisser, abandonnés par- mi les déchets de briquetage. Le mobilier archéologique rappelle néan- moins que l’exploitation du sel contribue à attirer sur place des produits manufacturés d’origine lointaine, comme de la céramique cannelée tournée, ou encore des parures de lignite. Il serait intéressant d’en sa- voir plus sur la nature de l’artisanat métallurgique spécialisé dont té- moigne la présence de scories, parvenues en position secondaire dans le comblement de destruction des silos de l’habitat de « Burthecourt ». Ces éléments sont actuellement en cours d’étude au Laboratoire d’Archéo- logie des Métaux de Nancy-Jarville (sous la direction de Marc Leroy et Paul Merluzzo)

14 le « briquetage de la seille » . n° 1/2 ~ janvier 2006 Ces premières indications sont confirmées par les informations (7) – VAUGHAN-WILLIAMS Alys, « The plant macrofossils archéobotaniques et archéozoologiques obtenues sur les autres excavated at Salonnes « Burthecourt » and Marsal ateliers de briquetage du premier âge du Fer échantillonnés entre « Bensale » : a preliminary report » dans OLIVIER 2002 et 2005. Ainsi, à Marsal « Fort d’Orléans », les rejets de dé- Laurent (dir.), Le « Briquetage de la Seille » (Moselle), chets de briquetage sont associés à des macrorestes végétaux in- Prospection thématique et sondages de vérification diquant la culture de l’orge et du blé, ainsi que la cueillette des des anomalies géomagnétiques, fruits sauvages, comme en particulier les noisettes et les prunel- ouv. cit. 2005, p.243-252. les (9). On y observe également la cueillette des fraises, et la cul- (8) – LENA Alex, « Étude archéozoologique des gise- ture du millet commun ainsi que celle de l’amidonnier (10). ments de l’âge du Fer du Briquetage de la Seille », D’une manière générale, l’analyse des empreintes des revête- dans OLIVIER Laurent (dir.), Le « Briquetage ments végétaux des éléments de briquetage montre que, sur l’en- de la Seille », 2005, p.253-269. semble des sites échantillonnés, ces derniers étaient produits en (9) – KREUZ Angela et WIETHOLD Julian, « Premiers grande partie à partir de déchets de traitement de récoltes de cé- résultats des recherches archéobotaniques réalisées réales, incluant l’orge vêtue, le blé et l’épeautre (11). Comme à sur le Briquetage de la Seille. Marsal (Moselle), Salonnes, l’étude des ossements animaux échantillonnés dans les îlot dit « Au Glacis » » dans OLIVIER Laurent (dir.), niveaux de remblais de briquetage ou les fourneaux à sel de Mar- Le « Briquetage de la Seille » (Moselle), Prospection sal (« Fort d’Orléans », Pransieu ») et de Vic-sur-Seille (« Châtry ») thématique et sondages de vérification des anomalies corrobore les informations fournies par le site de Salonnes « Bur- géomagnétiques, Campagne 2001, Saint-Germain-en- thecourt », en soulignant l’exploitation bouchère du bœuf, du Laye, Musée des Antiquités nationales, cochon et du mouton (12). Dans tous les sites d’ateliers, la pré- 2001, p. 103-104. sence de déchets de découpe de viande, auxquels se joignent de (10) – KREUZ Angela, « Note sur les premiers résultats nombreux fragments de céramique domestique, indique la des déterminations archéobotaniques des échantillons proximité immédiate des habitats. prélevés en 2002 dans le Briquetage de la Seille » dans OLIVIER Laurent (dir.), Le « Briquetage de la Seille » Comme à « Burthecourt », où les recherches de 2005 ont livré des (Moselle). Prospection thématique et sondages de éléments de céramique tournée cannelée importée à la fin du VIe vérification des anomalies géomagnétiques. Campagne siècle av. J.-C., la présence de matériaux ou de pièces de mobilier 2002, 2002 Saint-Germain-en-Laye, Musée des antiquités manufacturé d’origine lointaine rappelle le statut manifestement nationales, p. 70-71. particulier de ces communautés humaines rurales de la vallée (11) – MURPHY Peter, « Note sur la détermination des supérieure de la Seille au premier âge du Fer. Ainsi, de la cérami- empreintes végétales conservées sur les éléments que cannelée tournée provient également de la grande accumu- techniques du Briquetage de la Seille » dans OLIVIER lation de briquetage du bourg de Marsal, où elle a été découverte Laurent (dir.), Le « Briquetage de la Seille » (Moselle). au début des années 1980 à l’occasion de la surveillance des tra- Prospection thématique et sondages de vérification vaux d’assainissement de la commune (13). Les remblais de dé- des anomalies géomagnétiques. Campagne 2002, p. 72. chets de briquetage de l’atelier du « Pransieu » (Pransieu A) ont (12) – Voir note n° 8. livré, quant à eux, des éléments de branches de corail en cours de (13) – OLIVIER Laurent, « Le Briquetage de la Seille travail, dans un contexte typo-chronologique de la fin du Halls- (Moselle) : premiers résultats d’un programme de recon- tatt récent (Ha D2-3) identifié en 2002. Rappelons que dans le naissance archéologique d’un complexe d’ateliers du sel même complexe d’atelier, les fouilles de Jean-Paul Bertaux, en- de l’âge du Fer en Lorraine », Antiquités nationales, treprises en 1976 dans le lit de la Seille canalisée, avaient fourni 35 (2003), 2004, p. 236-247, p. 245 et fig. 7. des balles de fronde en terre cuite de forme biconique : ce type (14) – ADAM Anne-Marie, ROLLEY Claude, PININGRE d’objet n’est actuellement attesté que dans de très rares sites Jean-François, PLOUIN Suzanne et MILCENT Pierre-Yves, d’habitat de statut manifestement privilégié – comme ceux du « Résultats, problèmes, perspectives » dans ROLLEY C. « Mont Lassois » à Vix (Côte-d’Or) ou encore de Bragny (Saône- (dir.), La tombe princière de Vix, Paris, éditions Picard, et-Loire) – où ces balles de fronde sont interprétées comme le 2003, p. 302-366. témoignage d’influences nord-italiques (14).

n° 1/2 ~ janvier 2006 . le « briquetage de la seille » 15 3d – les nécropoles :

(15) – CHARLIER Philippe, « Le groupe funéraire De manière tout à fait inattendue, ce sont les recherches de terrain de la de Marsal « Bensale » (Moselle) : dernière campagne 2005 qui ont apporté des informations nouvelles étude anthropologique et paléopathologique » sur les sites funéraires associés aux ateliers et aux habitats de sauniers dans OLIVIER Laurent (dir.), Le « Briquetage de la vallée supérieure de la Seille à l’âge du Fer. de la Seille », ouv. cit., 2005, p.107-123 ; Le groupe funéraire de « Bensale », à Marsal, n’est encore connu que de SEGUIER Jean-Marie et DELATTRE Valérie, manière trop lacunaire pour qu’on puisse en tirer des enseignements « Espaces funéraires et cultuels au confluent relativement généraux sur la relation habitats-nécropoles : la chronolo- Seine-Yonne (Seine-et-Marne) de la fin du eV au gie du groupe de huit tombes actuellement identifiées – qui sont datées IIIe s. av. J.-C » par le mobilier de la sépulture 07 de la seconde moitié du Ve siècle av. dans BUCHSENSCHUTZ Olivier, BULARD Alain J.-C. – correspond en effet à une période où la production des ateliers et LEJARS Thierry (dir.) : L’âge du Fer en de sauniers immédiatement voisins du « Fort d’Orléans » et du « Pran- Ile-de-France, Actes du XXVIe colloque sieu » a cessé depuis, semble-t-il, la fin du Hallstatt récent, ou le tout de l’Association française pour l’étude début de La Tène A. L’étude anthropologique des ossement a permis de de l’âge du Fer mettre en évidence une série d’actes de manipulation des restes corpo- (Paris et Saint-Denis, 2002), 26ème supplément rels – comme le déplacement de certaines parties du corps – dont on à la Revue archéologique du Centre trouve des parallèles documentés récemment dans le bassin parisien de la France, 2005, p. 241-260. pour certaines nécropoles « privilégiées » de la même époque (15). Un (16) – BEAULIEU Jules de, Archéologie de la programme d’analyse des concentrations en strontium fixé dans les os- Lorraine ou recueil de notes et documents sements humains vient d’être lancé avec l’Institut Max Planck de Leip- pour servir à l’histoire des antiquités de zig (sous la direction de Janet Montgomery) afin de déterminer si les cette province, Paris, Le Normant, 2 volumes individus inhumés à « Bensale » sont ou non d’origine locale. (I : 1840, II : 1843), p. 39-40 ; MILLOTTE Jacques.-Pierre, Carte archéologique de la Plusieurs découvertes anciennes du XIXe siècle se rapportent manifeste- lorraine - Les âges du Bronze et du Fer , Paris, ment à des sites funéraires implantés à proximité directe des accumula- éditions des Belles Lettres, 1965, p. 97. tions de briquetage. La trouvaille d’un mobilier funéraire du IVe (17) – MILLOTTE Jacques, ouv. cit., p. 104. siècle (LT B2) mis au jour à Marsal en 1838 à l’occasion des travaux de creusement de la Vieille Seille est fréquemment citée dans la littérature archéologique régionale (16). Le matériel découvert comportait notam- ment un torque à disques à incrustations de corail et appliques de feuilles d’or : celui-ci appartient à une variante régionale à tampons, dont la distribution intéresse plus particulièrement les régions du Rhin moyen et de l’Est de la France. Du territoire de la commune voisine de Moyenvic proviennent par ailleurs une série d’éléments de parure en al- liage base cuivre, qui ont été découverts fortuitement dans le courant du XIXe siècle, sans doute à l’occasion de travaux agricoles ou d’assèche- ment de la vallée. Ce mobilier d’origine probablement funéraire, qui comporte notamment des parures à nodosités (17) du IVe siècle av. J.-C., signale la présence de nécropoles du second âge du Fer, vraisemblable- ment établies non loin des ateliers de briquetage.

Le schéma d’occupation qui se dessine actuellement – et qui demande à être éprouvé par de nouvelles recherches de terrain – serait le suivant : les ateliers de sauniers seraient établis dans la vallée, à proximité immédiate des sources de saumure. Les habitats correspondants seraient implantés à proximité immé- diate des ateliers, préférentiellement sur une première terrasse alluviale située à l’abri des inondations. Les sites funéraires sont encore excessivement mal connus : on peut penser qu’ils domineraient proba- blement les secteurs d’ateliers et d’habitats, et seraient implantés plutôt vers le sommet des coteaux envi- ronnants

16 le « briquetage de la seille » . n° 1/2 ~ janvier 2006 3e – l’évolution du cadre paléo-environnemental de la vallée supérieure de la seille

Des données nouvelles ont été produites par le programme de recher- (18) – GREEN Chris, BRANCH Nicholas, SWINDLE ches paléo-environnementales lancé en 2003 en collaboration avec le Gemma et TWIDDLE C. « Projet Briquetage de la groupe ArchaeoScape. Une première campagne de carottages, effectuée Seille : rapport intermédiaire sur les recherches en 2004, a permis d’élaborer le cadre stratigraphique général des épiso- paléo-environnementales » dans OLIVIER des d’érosion et de comblement de la vallée supérieure de la Seille, qui Laurent (dir.), Le « Briquetage de la Seille » s’articule en quatre phases principales d’épisodes d’érosion et de dépo- (Moselle), édition 2004, p. 136-147. sition alluviale. Au cours de la même campagne, un carottage effectué à (19) – BAES Rolf et FECHNER Kai, « Rapport travers les niveaux d’alluvionnement tourbeux du site de Salonnes géoarchéologique : suivi des sondages et « Sous les Vignes » a fourni une séquence palynologique de l’évolution forages dans la vallée de la Seille à Marsal » du milieu depuis les environs de la fin du IIe millénaire avant notre ère dans OLIVIER Laurent (dir.) – Le « Briquetage de jusqu’au début de la période moderne, qui souligne l’importance des la Seille » (Moselle), édition 2004, p. 116-128. épisodes de déboisements au cours des âges des métaux (18). (20) – FEUGA Bernard, COUTELLE Alain et BOURGEOIS Bernard, « L’impact environnemental Ces premières recherches ont souligné l’existence d’un important con- de l’exploitation intensive du sel dans la haute traste dépositionnel opposant les formations alluviales antérieures au vallée de la Seille : premières observations développement du briquetage de la Seille et celles qui viennent les re- géologiques et géomorphologiques » dans couvrir parfois sur plusieurs mètres d’épaisseur. La partie inférieure de OLIVIER Laurent (dir.), Le « Briquetage de la la séquence de la vallée supérieure de la Seille est caractérisée en effet Seille » (Moselle), édition 2002, p. 16-22 ; par des dépôts d’alluvions sableuses et graveleuses qui témoignent de COUTELLE Alain, « Quelques remarques l’activité d’un système hydrogéologique à circulation relativement flui- morphologiques et géologiques sur les environs de ; tandis que la partie supérieure, identifiée par des dépositions limo- du Briquetage de la Seille » dans OLIVIER neuses à argileuses bleuâtres, est manifestement produite dans un Laurent (dir.), Le « Briquetage de la Seille » contexte environnemental évoquant les conditions d’un milieu lacus- (Moselle), édition 2004, p. 148-153. tre. La puissante totale du comblement alluvial, déterminée à l’occasion (21) – GREEN Chris, SWINDLE Gemma et de trois forages réalisés en 2003 à Marsal par le Bureau de recherche BRANCH Nicholas, « Geoarchaeological Géologique et Minière (BRGM), peut atteindre par endroits plus d’une Investigation of the Briquetage de la Seille. The dizaine de mètres (19). Les observations géologiques et géomorphologi- fieldseason 2005 » dans OLIVIER Laurent (dir.), ques effectuées sur le contexte dépositionnel des accumulations de bri- Le « Briquetage de la Seille » (Moselle), édition quetage confirment l’importance des phénomènes de déposition et 2005, p. 199-226. d’érosion alluviale à partir de l’âge du Fer (20).

La campagne 2005 a été exploitée pour mettre en œuvre un transect stratigraphique du comblement alluvial de la Seille, établi à hauteur du vaste secteur d’ateliers de briquetage de Marsal « Pransieu ». Celui-ci a permis de préciser le cadre chrono-stratigraphique général esquissé en 2004 – en isolant notamment plusieurs paléo-chenaux fossiles de la ri- vière – et de montrer que les ateliers de sauniers du premier âge du Fer s’établissent sur une première terrasse enterrée de la vallée, située vers 2,50 m sous le niveau de la surface du sol actuel (21). Les données re- cueillies sont encore très préliminaires, mais le schéma d’évolution vers lequel convergent les informations obtenues est celui d’un fort impact sur le milieu de l’activité d’extraction intensive du sel : les déboisements intensifs pour l’alimentation en combustible des installations de sau- niers, conjugués au rejet de volumes importants de déchets de produc- tion, conduiraient d’une part à alimenter le comblement de la plaine alluviale par des apports massifs de sédiments et à ralentir d’autre part l’évacuation des apports par la rivière.

n° 1/2 ~ janvier 2006 . le « briquetage de la seille » 17 conclusions :

(22) – RIEM Karl, « Solbrunnen und Salzwirker- Le programme de recherche du « Briquetage de la Seille » a livré une siedlungen im ur- und frühgeschichtlichen extraordinaire moisson de données, qui ont complètement renouvelé Halle », Wissenschaftliche Zeitschrift Martin- notre appréhension de l’exploitation des sources salées de la vallée su- Luther Universität Halle-Wittenberg, périeure de la Seille au cours de la Préhistoire récente. En particulier, la 10, 1961, p. 849-858. mise en œuvre de prospections géophysiques extensives – conduites sur (23) – KULL Brigitte, Sole und Salz, schreiben des surfaces de plusieurs dizaines d’hectares – a fait apparaître la taille Geschichte. 50 Jahre Landesarchäologie 150 surdimensionnée de ces ateliers de bouillage de la saumure et de pro- Jahre archäologische Forschung Bad Nauheim, duction de pains de sel, en révélant des concentrations de fourneaux Archäologische und Paläontologische Denkmal- s’étendant couramment sur plusieurs centaines de mètres de longueur. pflege, Landesamt für Denkmalpflege Hessen , Dans ces conditions, il n’est pas exagéré de souligner que les complexes Mainz, Philipp von Zabern, 2003. d’ateliers de briquetage de la Seille sont probablement les plus impor- tants de l’Europe protohistorique, en particulier devant ceux de Halle, dans la région de la Saale (22) et de Bad Nauheim, en Hesse (23). Grâce à ces nouvelles méthodes de reconnaissance non destructive, on a pu d’autre part restituer des images détaillées de la structure des ateliers de production de la vallée de la Seille, qui sont désormais les mieux con- nus en Europe : la plupart des autres grands centres de briquetage d’Europe continentale, qui sont situés dans des zones actuellement ur- banisées, se trouvent en effet difficilement accessibles depuis la surface.

Les travaux de reconnaissance menés dans le cadre du projet « Brique- tage de la Seille » ont mis d’autre part en évidence l’importance excep- tionnelle du potentiel des données paléo-environnementales, qui sont particulièrement bien préservées dans la sédimentation du comblement de la vallée supérieure de la Seille. Celles-ci permettent de restituer une histoire des interactions hommes-environnement, dans laquelle l’ex- ploitation intensive du sel joue manifestement un rôle central, qu’on ne commence qu’à entrevoir. Là encore, la richesse et l’importance des in- formations ne se comparent qu’avec des gisements exceptionnels au plan européen, comme en particulier les occupations préhistoriques des rives des lacs suisses ou d’Allemagne du sud-ouest.

Les données les plus prometteuses concernent évidemment les habitats et les nécropoles attachées aux complexes de production de l’âge du Fer, dans la mesure où ces types de sites ouvrent un accès privilégié à la compréhension des échanges induits par la commercialisation du sel, de même qu’à la structure sociale des communautés de sauniers celti- ques et gaulois établis dans la vallée supérieure de la Seille. Les nouvel- les informations recueillies à l’occasion de la dernière campagne de reconnaissance archéologique de 2005 sont encore extrêmement lacu- naires, mais elles méritent d’être approfondies et élargies. Ce sera un des axes de recherche principaux de la prochaine tranche d’étude du Briquetage de la Seille, qui devrait débuter dès 2006. À terme, ces nou- velles recherches devraient contribuer à développer les collections ar- chéologiques du musée départemental du Sel de Marsal, à la mesure de l’importance exceptionnelle de l’occupation archéologique de la vallée supérieure de la Seille.

18 le « briquetage de la seille » . n° 1/2 ~ janvier 2006

Remerciements : nous remercions chaleureusement, pour le soutien qu’il ont apporté personnellement au projet du Briquetage de la Seille, Messieurs Philippe Leroy, Président du Conseil général de la Moselle, De- nis Schaming, Directeur de la Culture, Jean-Paul Petit, Archéologue départemental de la Moselle, et Gabriel Diss, Conservateur du Musée du Sel de Marsal. Tous nos remerciements vont également à nos amis de Marsal, qui ont assuré le succès de cette entreprise, en particulier Messieurs Bernard Calcatera, Maire de la commune de Marsal, Jean-Marie Vitalec, Président du Foyer rural de Marsal et Michel Rémillon, Président de la Société des Amis du Musée du Sel. Merci à Didier, Marie-Laure, Cindy et Pauline Bernard, Jean Calca- tera, Jean-Pierre Ciminera, Françis Demur, Franck Drouin, Vincent Hadot, Anne-Marie Karleskind, Gilles et Suzie Marchal et Emilie Vitalec pour l’aide déterminante qu’ils ont apportée à nos recherches. Un grand merci, enfin, aux agriculteurs qui ont bien voulu nous laisser accéder à leurs terrains, comme en particulier Messieurs Bertrand Davrainville, Claude et Laurent Paté, Vincent Poinsignon, René Rémillon, Laurent Toussaint et Thierry Demange à Marsal ainsi que Monsieur Rémi Lamblin, à Salonnes.

bibliographie rapports

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n° 1/2 ~ janvier 2006 . le « briquetage de la seille » 19 GREEN Chris, SWINDLE Gemma et BRANCH Nicholas, « Geoarchaeological Investiga- tion of the Briquetage de la Seille. The fieldseason 2005 » dans OLIVIER Laurent (dir.), Le « Briquetage de la Seille » (Moselle) - Prospection thématique et sondages de véri- fication des anomalies géomagnétiques, Campagne 2005, Saint-Germain-en-Laye, Musée d’Archéologie nationale, 2005, p. 199-226. KREUZ Angela, « Note sur les premiers résultats des déterminations archéobotaniques des échantillons prélevés en 2002 dans le Briquetage de la Seille » dans OLIVIER Laurent (dir.), Le « Briquetage de la Seille » (Moselle) - Prospection thématique et sondages de vérification des anomalies géomagnétiques, Campagne 2002, Saint-Germain-en-Laye, Musée des Antiquités nationales, 2002, p. 70-71. KREUZ Angela et WIETHOLD Julian, « Premiers résultats des recherches archéobotani- ques réalisées sur le Briquetage de la Seille. Marsal (Moselle) îlot dit ‘Au Glacis’ » dans OLIVIER Laurent (dir.), Le « Briquetage de la Seille » (Moselle) - Prospection théma- tique et sondages de vérification des anomalies géomagnétiques, Campagne 2001, Saint-Germain-en-Laye, Musée des Antiquités nationales, 2001, p. 103-104. LENA Alex, « Étude archéozoologique des gisements de l’âge du Fer du Briquetage de la Seille » dans OLIVIER Laurent (dir.), Le « Briquetage de la Seille » (Moselle) - Prospec- tion thématique et sondages de vérification des anomalies géomagnétiques, Campa- gne 2005, Saint-Germain-en-Laye, Musée d’Archéologie nationale, 2005, p. 253-269. MURPHY Peter, « Note sur la détermination des empreintes végétales conservées sur les éléments techniques du Briquetage de la Seille » dans OLIVIER Laurent (dir.), Le « Bri- quetage de la Seille » (Moselle) - Prospection thématique et sondages de vérification des anomalies géomagnétiques, Campagne 2002, Saint-Germain-en-Laye, Musée des Antiquités nationales, 2002, p. 72. VAUGHAN-WILLIAMS Alys, « The plant macrofossils excavated at Salonnes « Burthe- court » and Marsal « Bensale » : a preliminary report » dans OLIVIER Laurent (dir.), Le « Briquetage de la Seille » (Moselle) - Prospection thématique et sondages de vérifica- tion des anomalies géomagnétiques, Campagne 2005, Saint-Germain-en-Laye, Musée d’Archéologie nationale, 2005, p. 243-252. ZINCK Antoine et PORTO Elisa, « Datation par luminescence du Briquetage de la Seille. Rapport des campagnes de mesures 2004-2005 effectuées à Marsal (Moselle) » dans OLI- VIER Laurent (dir.), Le « Briquetage de la Seille » (Moselle) - Prospection thématique et sondages de vérification des anomalies géomagnétiques, Campagne 2005, Saint- Germain-en-Laye, Musée d’Archéologie nationale, 2005, p. 281-294.

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