SYNDICAT MIXTE POUR LA MISE EN VALEUR TOURISTIQUE DES MARAIS DE l'AUDOMAROIS

LE PATRDDINE CULTUREL DU MARAIS DE SAINT-OMER

Recherche sur les techniques et les traditions d'un milieu original en voie de disparition

Opération menée avec le concours du FONDS d'INTERVENTION CULTURELLE et du MINISTERE DE'LA CULTURE - Mission du Patrimoine Ethnologique

ASSOCIATION POUR 1'ESPACE NATUREL REGIONAL janvier 1982 "Habitants des villes,

respectes vos pères nourriciers".

Devise adoptée par les Hautponnais et Lyzelards lors du défilé du 14 juillet 1793, présentant l'acte constitutionnel des Droits de 1'Homme. Je tiens à remercier les membres du Conseil Scientifique de 1 'Espace Naturel Régional responsables de 1 'opération "Mémoire Collective du Marais Audomarois".

J'adresse tout particulièrement, mes plus vifs remerciements, à Monsieur A. DERVILLE gui m'a fourni une aide précieuse quant à 1 'élaboration de la partie historique, à Monsieur J. VAUDOIS qui m'a fait bénéficier de sa connaissance sur le marais et à Monsieur J. LOMBARD qui a apporté son concours à la mise au point de la méthodologie pour ce présent travail.

Pascale LEPERS Sociologue de 1'équipe technique audomaroise de 1'ESPACE. NATUREL REGIONAL SOMMAIRE

- Introduction générale

'- COMPOSANTES HISTORIQUES DU MARAIS

. Introduction . Les origines de la ville . La modification du paysage audomarois . Saint-Omer, ville convoitée . Saint-Omer, son évolution après le rattachement . Administration locale et justice . Les corps de métier représentatifs des faubourgs . Conclusion

-LES RECENSEMENTS

. Introduction . Evolution géographique et création de rues . Evolution des structures démographiques Evolution de la population totale de Saint-Omer et des faubourgs Evolution des ménages f Taille des ménages . Les catégories socio-professionnelles des faub. (^Généralités sur les CS.P. < o-\^' ~^\ Ev°luti°n des C.S.P. par secteur économique J Les chefs de ménage féminins

. Conclusion

- Conclusion générale

- Annexes - Bibliographie - 1 -•

INTRODUCTION

Comme de nombreux centres urbains de moyenne et grande impor­ tance en , la ville de Saint Orner possède une ceinture maraî• chère. L'intérêt de celle-ci est qu'elle existe depuis des siècles et qu'elle joue encore un rôle prépondérant.

De plus, elle présente une particularité. En effet, Saint Orner, est entouré de marais qui ont été mis en valeur dès le Vllème siècle par l'homme. Une partie de ceux-ci sont inclus dans le périmètre dé la ville, tels les faubourgs du Haut Pont et de Lyzel. Cependant, ils s'étendent également sur d'autres communes dont dix dans le Pas de (Arques, , Eperlecques, , , Saint partin au Laert, Saint Orner, , et ) et quatre dans le Nord (Nieurlet, Nordpeene, Saint Mommelin et Watten).

Les dimensions maximales du marais sont de 12,5 km dans le sens Nord-Sud (goulet de Watten-Arques) et 11,5 km dans le sens Est- Ouest (Haut Schoubrouck-cressonnières de Tilques). Sa superficie totale est de 3 400 ha dont 850 en cultures légumières et comprend 160 km de canaux navigables.

Aussi, il suffit d'examiner une carte pour se rendre compte que le marais a été au cours des temps, façonné par 1 'homme qui a cherché à asservir 1 'élément liquide et à en tirer parti au maximum. Pour ce faire, il fallut creuser des canaux pour assurer une meilleure irrigation des parcelles (les fossés servaient aussi de voies de com­ munication par barque), facteur qui permit également d'exhausser des terres très fertiles pour la culture maraîchère. Ces travaux ont été effectués en grande partie par les jardiniers (ou maraîchers). Leur mode de culture et de vie influencé par la présence du marais et ses contraintes a rendu cette population originale et singulière.

Seulement, depuis le début du siècle, on assiste à une régres­ sion du nombre des maraîchers. En 1900, ils formaient environ 400 fa­ milles, actuellement on n'on compte plus que 200 environ. Certains se sont émus de cette situation et souhaiteraient freiner 1 'hémorragie - 2 -

car il se produit à la fois une modification des pratiques culturales et une: perte progressive des traditions ancestrales.

En effet, la mise en valeur du marais aùdomarois est le fait d'une population de maraîchers gui est restée longtemps repliée sur elle-même. Les conditions de vie imposées par le marais -déplacements en barque; habitat isolé...- avaient maintenu une sorte de microscome et la culture rurale particulière qui s'y était développée. Ce n'est qu'au cours de ces dernières années que l'évolution économique des exploitations et la diminution rapide de la population qui en est

A probablement la conséquence, ont provoqué une certaine ouverture sur l'extérieur.et un éclatement des traditions culturelles. Cette crise d'identité est aggravée par le développement touristique du marais : celui-ci est souvent ressenti par la population maraîchère comme une intrusion.. ,

Or, le devenir du marais est étroitement lié à celui de la population maraîchère qui, par son travail, en assure la gestion. Il semblerait que les actions d'ouverture de l'espace pour les loi- sirs comme les actions de développement agricole ne pourront trouver leur pleine efficacité que si elles sont profondément ancrées dans le milieu et directement prises en charge par les maraîchers eux-mêmes. Cela suppose qu'ils puissent redéfinir leur identité dans le nouveau contexte économique et social du marais.

t

Aussi, compte tenu de ces données, il s'avère nécessaire de saisir les ruptures qui ont fait basculer le monde ancien et tradi­ tionnel dans notre univers actuel. Il apparaît aussi que le problème des maraîchers de 1'aùdomarois ne peut pas être directement rattaché à celui des agriculteurs auxquels ils s 'apparentent car on ne peut ignorer leur originalité et leur spécificité.

Il serait donc intéressant de se.'.livrer à une analyse complète de la population maraîchère tant au niveau de son histoire, que de ses pratiques culturales ou de sa vie sociale, associative et familiale Pour 1 'instant, le premier volet de cette étude sera consacré à relater l'histoire du marais et les grandes étapes de sa constitution, de re­ trouver l'origine et la position des habitants du marais et tout par- - 3 -

ticulièrement ceux des deux faubourgs de Saint Orner par rapport au reste la ville au cours d 'un passé riche en événements de tous ordres.

Pour compléter 1 'historique, une autre source-apportera des informations différentes sur la population du marais et surtout sur les jardiniers. C'est l'étude des recensements gui met en lumière les similitudes et les oppositions entre les faubourgs et les orien­ tations géographiques, démographiques et socioprofessionnelles que ceux-ci ont pu prendre depuis le milieu du siècle dernier et tente d'expliquer la différence de statut social, suscitant des querelles, entre maraîchers du Haut Pont et de Lyzel (les habitants du premier se consiërant supérieurs par rapport à ceux du second).

Ce travail est donc divisé en deux parties :

- 1 'une retrace 1 'évolution historique du marais, des origines jus- jusqu'au XIXème siècle, à l'aide d'ouvrages d'histoire (manuscrits et documents de seconde main) et de publications ;

- 1'autre est consacrée aux recensements portant sur les deux faubourgs maraîchers de la ville de Saint Orner, en 1'occurence le Haut Pont et Lyzel couvrant la période 1846-1968, extraits des tables de recense­ ments provenant des Archives Départementales d'.

De plus, cette étude faisant suite à une pré-enquête faite auprès d'une douzaine d'anciens du marais (principalement des maraî• chers) concernant leur mode de vie apporte un complément d'infor­ mations "vécues" non négligeable. - 4 -

. COMPOSANTES HISTORIQUES DU MARAIS

Cette première partie relate en quelques pages, 1 'évolution historique de la ville de Saint-Omer, depuis 1 'époque pré-galloromaine jusqu'à la guerre de 1870, la période suivante sera contée plus tard à l'aide d'informations fournies par des érudits, les souvenirs des anciens maraîchers, et aussi par les recensements qui couvrent la période 1846-1968.,

En effet, il ne semble pas exister d'écrits concernant l'histoire de la période contemporaine, alors que la fin du XIXe siècle abonde de publica­ tions plus ou moins historico-roman'tiques. Ce chapitre a été composé à partir d'une dizaine d'ouvrages dont deux manuscrits écrits par le curé DENEUFVILLE vers 1710, et aussi quelques ouvrages composés au XIXe siècle (DEHREIMS, DESCHAMPS de PAS) qui même s'ils sont des ouvrages de seconde main ne donnant pas 1'entière vérité historique, reflètent une certaine image que les Audomarois '"intramuros" se faisaient des faubourgs.

Il était question au point de départ, de dégager 1'histoire des faubourgs voisins du Haut-Pont, de Lyzel et de la Fraîche Poissonnerie qui fut scindé en deux vers le milieu du siècle dernier et dont chacune des parties a été rattachée d'un côté au Haut-Pont, de l'autre à Lyzel. Ces derniers sont les plus importants et les seuls qui ne furent pas détruits comme ceux qui s'élevaient près des portes Boulenisienne, Sainte-Croix, Saint-Michel et celui de la Madelaine car ils gênaient^ la défense de la place (vers 1477). - Cependant, il s'est avéré très vite que les Hautponnais et les Lyzelards étaient considérés par les écrivains, comme les parents pauvres de la ville de SAINT-OMER. En effet, les différents auteurs ont davantage cherché à saisir le fonctionnement de la ville à travers les institutions, son évolution au cours du temps, les faits de guerre ou les épidémies qui l'ont marquée, mais il n 'existe que quelques détails sur les faubourgs qui pour­ tant représentent une fraction importante de SAINT-OMER'.

On connaît l'activité du quai du Haut-Pont qui pendant très longtemps a accueilli les voyageurs et les marchandises de la région *au- domaroise et d'ailleurs. On sait aussi que personnes et biens de consom­ mation étaient convoyés par les bateliers et les bélandriers (conducteurs de bateaux à voiles sur les rivières) qui ont formé deux corporations très florissantes. Enfin, et de cela on en parle moins, la ville de SAINT-OMER était régulièrement ravitaillée en légumes et fruits par les brouckaillers ou jardiniers gui de leur marais fournissaient les produits de leur labeur, non seulement à leurs concitoyens, mais à toutes les villes voisines. Il est possible.de donner plusieurs explications à ce propos : au point de vue vie culturelle, les habitants des faubourgs ont eu peu d'influence, ils passaient davantage de temps à travailler la terre, plutôt gu'à fréguen- ter les salons ; jusgu 'au XIXe siècle, bon nombre d'entre eux parlaient le Flamand alors que le Français était'la langue usitée à l'intérieur de la ville ; d'autre part, la plus grande partie du faubourg était hors de 1'enceinte gui entourait SAINT-OMER et le soir, lorsgue les portes étaient fermées, une véritable frontière séparait ces deux populations et ne fa­ vorisait pas la fréguentation.

Ces différents facteurs accentuaient 1'ignorance des Audomarois vis à vis des habitants des faubourgs et surtout des maraîchers. On con­ naissait leur travail, on les rencontrait au marché, on faisait appel à eux en cas de besoin, mais ils ne faisaient pas réellement partie intégran­ te de la ville. En période normale, ces deux mondes semblaient vivre en bonne intelligence, mais en cas d'émeute, les habitants des faubourgs étaient rapidement priés de regagner leur logis surveillés par la milice.

De ce fait, 1 'histoire des faubourgs transparaît à travers guelgues anecdotes, événements que l'on pourrait nommer "faits divers" ou de quelgues particularités bien spécifiques des faubourgs. D'autres éléments ont joué un rôle.important pour comprendre l'évolution de cette population notamment : la très rapide mise en valeur des terres grâce à 1'aménagement des voies navigables et le dessèchement des marais ; la si­ tuation souvent précaire de ses habitants en raison des guerres dont SAINT- OMER fut 1 'enjeu à cause de sa position privilégiée en tant que place forte, ville commerçante, lieu de passage aux portes de l'Artois. Ces guerres in­ cessantes ont d'ailleurs nui fortement au commerce et aussi aux récoltes.

Aussi, ce bref récit historigue reprend la chronologie des évèvements gui se sont déroulés à SAINT-OMER et gui ont été déterminants pour la ville, ainsi gue dans la mesure du possible les actions menées par les habitants'des faubourgs et tente de corriger les diverses hypothèses - 6 -

gui ont été formulées notamment en ce qui concerne 1'origine des habitants

des faubourgs donnée par certains écrivains audomarois du XIXe siècler H. PIERS et J. DEHREIMS : les habitants du Haut-Pont et de Lyzel seraient "les descendants d'une colonie de Flamands gui vinrent se réfugier au début du Xle siècle sous les murs de SAINT-OMER, pour se mettre à 1 'abri des ravages normands". H. PIERS proposait également d'autres hypothèses

aussi peu dignes de foi : "Les Flamands des faubourgsrseraient des saxons disséminés par. CHARLEMAGNE sur nos rivages" ou bien,' "Baudouin V, Comte de Flandre ayant conclu la paix avec l'empereur Henri III aurait réformé quelques régiments allemands ; lesquels après leur licenciement pour ne pas exposer leurs femmes et leurs enfants aux fatigues d'un long retour auraient demandé à dessécher les marais qui s'étendaient encore dans le Xle siècle depuis la mer jusqu'à l'enceinte de la ville de SAINT-OMER".

En fait, l'explication est vraisemblablement beaucoup plus simple, les habitants des faubourgs seraient les descendants des premiers habitants de la contrée qui vivaient alors principalement de la pêche et qui sous 1 'impulsion des moines desséchèrent le marais et se mirent à travailler la terre. Cette explication sera développée quelques pages plus loin.

Mais, il est intéressant de noter la recherche de marginalisation, tant de la part des écrivains locaux, que de celle des maraîchers des faubourgs. Les habitants de SAINT-OMER intramuros se disent issus d'un monde différent de celui des faubourgs. Cette affirmation est reprise par ailleurs, par certains maraîchers qui veulent se démarquer et maintenir leur particula­ risme, ils veulent former une classe à part qui a toujours possédé, des coutumes, des rites, un langage différents de celui' de la ville.

Quant à l'origine des mots HAUT-PONT et LYZEL, les écrivains déjà cités sont assez unanimes. Le quartier du Haut-Pont tirerait son nom d'un pont très élevé enjambant 1 ' et permettant de passer sous son arche. Il aurait été appelé au point de départ alto ponto. Ce qui aurait donné plus tard en Français : Haut-Pont. Lyzel serait plus simplement le quartier de. l'Ile ou de 1 'Isle terme qui correspond à la description géographique du lieu. - 7 -

Ceci étant précisé, ajoutons que 1 'histoire des faubourgs n'est pas seulement celle des maraîchers, car si les habitants de' Lyzel ont surtout exercé des activités de jardinage sur leurs îlots, les Hautponnais n'ont pas tous eu cette vocation, c'est aussi tout . un peuple de bateliers, commerçants, artisans, ouvriers gui a vécu sur les berges du Haut-Pont. Toutefois, tous ces gens ont un point commun, ils ont toujours été libres, ils font partie du peuple et vivent de leur travail quotidien.

Ce résumé historique se compose essentiellement de deux parties importantes :

- 1 'une relative à la modification du paysage audomarois en fonc- - tion des aménagements effectués entre le Vllè et le Xllè siècle,

- 1 'autre relative aux divers affrontements ayant pour enjeu la ville de St-Omer et ses alentours, affrontements qui nuisirent fortement à la fois au développement de la ville, au commerce et aux cultures.

Ces deux parties sont précédées par quelques informa­ tions portant sur les origines de la ville et seront suivies d'élé­ ments concernant 1'évolution de St-Omer et des.faubourgs après leur rattachement à la France.

En fait, tout s'est joué entre le Vllè et le Xllè siècle pour la partie aménagement du marais et le développement de la culture maraîchère autour d'un centre urbain d'une moyenne impor­ tance. Déjà.à l'époque, St-Omer bénéficiait d'une solide réputa­ tion tant au point de vue échanges commerciaux, industriels, et et approvisionnement en denrées alimentaires grâce à la proximité immédiate des jardiniers. Ces facteurs ont probablement, dans une certaine mesure, provoqué les convoitises et occasionné les guerres qui ont gêné le développement de la ville et de ses environs. - 8 -

LES ORIGINES DE LA VILLE

Toute la région de SAINT-OMER et ses environs jusqu 'à la mer, était appelée à une époque reculée la Morinie qui voudrait dire selon DENEUFVILLE pays des marais, et fut conquise par un prince Romain en 694, an de Rome. Puis, deux ans plus tard, Jules César décida de conquérir toute la Gaule, mais son projet rencontra de vives résistances auprès des populations concernées, ce fut le cas des Morins qui ne voulaient pas , sentir peser sur eux le joug de Rome.

Et lorsque Jules César s'attaqua aux Morins, il fut complètement désarçonné par leur tactique de défense : au lieu d'attaquer leurs ennemis- sur terrain découvert, les Morins s'égaillaient dans la forêt et il était impossible pour les troupes de César de les retrouver. Il eut 1'intention d'abattre la forêt mais ce projet fut déjoué à cause des fortes pluies . tombant sur la région. Jules César leva alors le camp mais n'abandonna pas l'idée de vaincre les Morins, il sexsndit en Bretagne (c'est-à-dire l'Angle- • terre actuelle) et revint plus tard.avec une armée beaucoup plus nombreuse. Face à ce déploiement de force et à ce moment les marais étant à sec, les Morins furent contraints de se rendre. César passa 1'hiver à Portus Itius qui était le port des Morins. D'après DENEUFVILLE, le nom de Portus Itius aurait été donné par César en raison des allées et venues continuelles qu'il fit chez les Morins (Titio en latin veut dire souvent).

Le pays des Morins resta donc pendant cinq siècles sous domination romaine mais éloigné de Rome, il ne connut que tardivement 1'influence de la religion chrétienne. Ce fut en 271 après Jésus-Christ des missionnaires furent envoyés dans le Nord de la Gaule. Ce fut Fuscien et Victoric, ils s'installèrent dans les territoires de Thérouanne et Boulogne, Saint-Fuscien fit bâtir la première église du pays. Plus tard, la puissance de l'empire romain s'affaiblissant, les Germains en profitèrent en 406 pour franchir les frontières et s'implanter à Reims, Anvers, Arras, Tournai et dans le pays des Morins. Cependant trois ans après, l'empereur Constantin reprit ~ tout ce que les Germains avaient usurpé.

Quelques années plus tard, le pays des Morins changea encore de mains et fit alors partie du royaume de France qui prenait naissance. En effet, "La province des Morins qui avait été soumise par César en 53 avant J.C. passa sous la domination des rois de France (1) en 444 lorsque Clodinn s'en empara.

(1) le terme- rois de France^ est impropre, il faudrait dire "Chefs Francs". - 9 -

C'est ici le commencement de l'établissement des rois de France dans les Gaules". (2) , " Le début de cette nouvelle ère ne fut guère favorable à la Morinie qui fut sans, cesse harcelée par les barbares et devint d'après la chronique une contrée désolée et non civilisée.

Aussi au Vile siècle', le siège de 1 'évêque de Thérouanne étant vacant depuis longtemps, le roi Dagobert fit appel à Orner moine de Luxeuil pour évangéliser le pays des Morins. Pour assumer cette tâche Orner se fit aider par trois moines de son abbaye : Bertin, Mommelin et Bertrán. Orner évangélisa tout d'abord la ville de Thérouanne, puis Sithiu (nom de l'ancien port du pays des Morins) qui était sous la domination d'Adroald. On suppose que Saint-OMER fit la conversion d'Adroald et le baptisa ainsi que les membres de sa famille et les habitants des alentours. Les moines s 'établirent sur les rives de l'Aa et firent construire le monastère de Saint-Mommelin. Plus tard, Adroald fit don à Orner de la terre de Sithiu et de ses dépendances.

Les moines abandonnèrent rapidement le premier monastère jugé trop petit et très malsain, un autre.fut construit vers 640 au pied du mont Sithiu . et fut dénommé monastère d'en bas par rapport à 1 'église Notre Dame (ou monastère d'en haut) qui fut bâtie après et qui allait devenir la cathédrale actuelle. A la mort de Saint Orner et de Saint Bertin, Sithiu était devenu une abbaye considérable. Donc Sithiu se développait progressivement, mais i Jes premières incursions barbares freinèrent le développement et 1'insécu- - rite des routes nuisit au commerce. En effet, les Normands abordèrent en France au Ville' siècle et furent repoussés par le comte de Boulogne, pourtant cette défaite n'allait pas pour autant arrêter leur soif de con­ quête, et ils sévirent souvent en France.

En 795, Ödland fut nommé neuvième abbé de Saint Bertin, il fit prospérer les biens du monastère et lorsque Charlemagne vint à Sithiu, il donna à Ödland le droit de chasser les bêtes fauves dans les bois de l'ab­ baye. De plus, 1'abbé de St Bertin fit bâtir les premiers moulins à eau à • ARQUES. Il amena 1 'eau en dérivant une branche de 1'Aa qui fut appelée Haute Meldyck (rivière du moulin) qui les fit tourner et pour conserver le monopole, toujours- d 'après DENEUFVILLE il obtint du souverain que "Personne ne pourrait faire de moulins au dessous d'Arqués jusqu'à la mer pour ne point préjudicier ceux de son monastère".

(2) extrait du tome I, des Annales de Saint-Omer du Curé DENEUFVILLE - 10 -

Pendant ce temps, les barbares ne s'attaquaient plus à la France trop bien protégée par Charlemagne qui gouvernait alors. Ce n'était qu'une accalmie, en 820 en Morinie et dans toute la Flandre, le mauvais temps occasionna de grandes inondations, les récoltes furent perdues et la peste se répandit dans toute la contrée. Profitant de cet affaiblissement, les normands descendirent en Flandre et envahirent une partie de la province. Ils furent repoussés par les habitants de Thérouanne et des environs, Sithiu n'eut pas à souffrir de cette invasion.

En 846, les Normands remontèrent la Seine et pillèrent les rives gauche et droite sans attaquer Paris. Infirmés des ravages causés par les Normands les habitants des provinces septentrionales inquiets, confièrent leurs reliques à la ville de Sithiu qu'ils supposaient mieux gardée. Une fois de plus, les Normands ravagèrent la Flandre et la Pi­ cardie et ne se préoccupèrent pas de Sithiu. Après un répit de quelques années, les Normands réitérèrent leur attaque en 861, une flotte de 200 voiles s 'approcha de la côte flamande, les barbares ravagèrent Dixmude, une grande partie de la Flandre, le monastère de Wormhoudt, la ville de Thérouanne puis Sithiu, mais les moines sachant que les Normands débar­ quaient avaient caché leurs biens les plus précieux de sorte que lorsque les Normands arrivèrent à Sithiu, ils trouvèrent les églises et les mai­ sons vides. Ils mirent le feu au monastère de Saint-Bertin, à 1 'église Saint-Pierre et à celle de Saint-Martin. Plus tard, le monastère fut reconstruit et les moines de Sithiu regagnèrent leur logis. C'est pendant cette période troublée vers 863 que Baudouin Bras de Fer gendre de Charles le Chauve fonda la dynastie flamande.

L'an 880 annonça le retour des Normands qui débarquèrent à Gand et rava­ gèrent tout le pays. L'année suivante ils poursuivirent leur oeuvre destruc­ trice et s'attaquèrent à Sithiu. Comme la première fois, les indigènes avaient dissimulé leurs biens et s 'étaient enfuis. Les Normands brûlèrent tout, à cette époque personne, pas même le roi, était assez puissant pour, arrêter les barbares qui étaient nombreux, bien équipés et qui de plus sucitaient,la peur parmi la' population.

Aussi, pour éviter la destruction systématique de Sithiu, Foulques abbé de Saint Bertin, envisagea de construire une enceinte autour des deux sanctuaires, faute de temps les travaux ne furent pas achevés, mais 1'église d'en haut fut toutefois fortifiée. - 11 -

En 891, les Normands débarquèrent encore à Nieuport et rava­ gèrent tout le pays. La chronique raconte qu 'ils restèrent si longtemps que les vivres vinrent à leur manquer et les chefs^envoyèrent un détache­ ment de 4 à 500 hommes piller Sithiu. Ils enlevèrent le bétail et la gar­ nison composée des habitants de la région, décidant enfin de prendre sa revanche, s'élança à leur poursuite et les écrasa. Voyant la menace qui pesait encore sur eux et sur leurs biens, les habitants de la contrée ter­ minèrent rapidement 1 'enceinte de Sithiu : "Hommes, femmes, ecclésiastiques et laïques, nobles et roturiers chacun mit sa main à l'oeuvre pour terminer les fortifications" (1) et résister à l'envahisseur. Sithiu fut assiégé quelques temps plus tard par une horde de Normands qui firent des assauts répétés mais abandonnèrent le siège lorsque leur chef fut, tué, incident qui désorganisa complètement 1 'ennemi.

Nous avons assisté jusqu'à présent à la constitution progressive de la ville qui doit son développement à l'installation des moines. Ils eurent en effet, une grande incidence sur 1'avenir de la ville et ses alentours. Pourtant 1 'oeuvre de Saint-Fuscien et Saint-Victoric au lile siècle fut rapidement oubliée faute de successeurs et il fallut attendre 3 siècles pour donner un nouvel essor à cette contrée et tout particuliè­ rement à Sithiu. Dès lors, les moines ont été les bâtisseurs de Sithiu et leur abbaye commence à rayonner dans les environs. La preuve, c'est qu'elle est devenue objet de convoitises pour les Normands. Ajoutons que la région, bien qu 'elle soit éloignée des grands centres de l'époque connaît beaucoup de passage. Elle subit d'ailleurs périodiquement, à la fois des invasions et des influences diverses comme celle des Romains, des Germains et des Normands. Elle n'est donc pas comme on aurait pu le croire une contrée totalement isolée jusqu'à l'arrivée des moines.

(1) extrait du tome I des annales de la ville de SAINT-OMER du Curé DENEUFVILLE - 12 -

LA MODIFICATION DU PAYSAGE AUDOMAROIS

Si les affaires de guerre préoccupaient fortement les habitants de Sithiu, le comte de Flandre méditait un autre projet, celui 1 d'assurer la mainmise sur la riche abbaye de St Bertin. Profitant de la mort de l'abbé, il tenta de se faire nommer à sa place abbé de St Bertin, titre contesté par Foulques devenu évêque de Reims qui excommunia Baudouin 1er, mais Foulques fut assassiné par des amis du comte de Flandre qui prit le titre d'abbé laïque de St Bertin et l'administration de l'abbaye lui fut- confiée par le roi. Baudouin 1er, profitant que'les barbares portaient ailleurs leur fureur, fit agrandir les places fortes du comté. Selon DENEUFVILLE, "la ville fut dénommée St Orner du nom de son fondateur, patron et défenseur. Il y fit quatre portes : deux du côté de la mer et deux du côté du midi". (1). Au fil des ans, le commerce se développa. Au début du Xlème siècle, une foire avait lieu tous les ans à partir du 1er mai et durait trois semaines. D'autre part, les transports sur l'eau se régularisaient et à la même époque "on payait un gros droit que les comtes de Flandre avaient imposé sur tous les bateaux qui pas­ saient sur' l'Aa et sur la ". (1).

A la fin du Xle siècle, la ville de SAINT-OMER commençait à prendre de l'importance, elle comprenait six paroisses : Sainfê-Aldegonde, Saint-Denis, Saint-Jean, Sainte-Marguerite, Saint-Sépulcre et Saint-Martin dont 1'église avait été édifiée par les religieux de Saint-Bertin sur leur propre terrain et servait de paroisse aux habitants du quartier et à ceux _ du faubourg. Seulement, en 1070 cette église fut jugée trop petite car "Cette paroisse ne comprenait pas seulement ceux du Haut-Pont qu'on avait enfermé dans la ville mais aussi les maisons du faubourg du Haut-Pont qui s'étendaient fort loin". Heribert moine de Saint-Bertin, fit construire un nouveau lieu de culte dédié à Sainte-Marguerite en 1070. A la suite de cette édification la paroisse Saint-Martin fut divisée en deux. On laissa sous 1'église de ce nom' tout ce qui était à droite de 1 'Aa dans la ville ainsi que les habitations sises dans les îles du faubourg qui devint le quartier de 1'Ile ou Lyzel ; on attribua à 1 'église paroissiale de Sainte-Marguerite tout ce qui était à gauche de la rivière, c'est-à-dire le quartier compris dans 1 'enceinte du rempart et le faubourg du Haut-Pont. De ce fait, ce fut à cette époque que le faubourg fut scindé en deux parties qui se dévelop­ pèrent de manière fort différente. .

(1) extrait des Annales de la ville de St Orner - Tome I - du curé DENEUFVILLE. A propos des rivières, Baudouin V, vers 1050 fit approfondir un fossé très large de St Orner jusqu 'à Aire puis Lens, d 'abord dénommé le "fossé de Baudouin", il fut.ensuite appelé Neuffossé. Il séparait la Flandre de 1'Artois. - 13 -

Cependant, l'année suivante, SAINT-OMER connut un triste sort, en effet, toute la ville fut détruite par le roi de .France, Philippe 1er gui souhaitait mettre un terme aux querelles de succession du comté de Flandre ; la comtesse Richilde et son beau frère Robert, le Frison voulaient tous deux assurer la tutelle de 1 'enfant mineur Arnould III, futur comte de Flandre. Robert le Frison eut gain de cause et gouverna jusqu'en 1093. Pour réparer en partie le préjudice qui avait été causé à la ville, il lui fit don de 487 mesures. «

"Puis le Xlle siècle fut 1'époque de grands travaux d'aménagement du marais et des voies maritimes de communication. Rappelons qu'avant le Vile siècle, le marais de SAINT-OMER n'était qu'une vaste zone amphilbie alimentée par 1 'Ouest par les eaux des rivières du plateau artésien ,(SERQUES, HOULLE, LIETTE, PACLOSE) ou par l'Est par celles de la rivière qui longeait la rive flamande et qui recevait les eaux de la rivière Aa.

Celle-ci, à cause de la brusque rupture, de pente au niveau d'Arques, se perdait en de nombreux chenaux à travers une zone en dépression "LA MEERE" entre LYZEL et le ROMELAERE : un marais porte encore le nom de GROOT MEER et un autre de PETITE MEER.

Cette zone marécageuse était sujette à de périodiques inondations du fait des difficultés d'évacuation des eaux vers la mer - le gué de WATTEN fai­ sant obstacle - De ce fait, les buttes environnantes étaient les terres d'élection pour 1 'établissement des bourgs ; WATTEN ou SAINT-MOMELIN du côté flamand ; SALPERWICK ou SERQUES du côté artésien. Au pied de la butte de Sithiu, Saint-Bertin avait fondé 1'abbaye qui porte son nom atour de laquelle s'était développé une bourgade devenue SAINT-OMER (cf. carte état naturel) - 14 -

L*~, Bois de Watten y et du Horn

/''////WWW

Saint-Momelin (Oudemonstre)

Boningeham

Schoubrouck

Tuques /////^. VIVIER de Ta MEERE

Salperwick y Forêt de Ruhout

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Saint-Martin i'S/// Y SITHIU ^ / vW Echelle 1/80 000 '^ Ys Arques ^ "s, >/

I.Etat naturel *' if*-'0"1' <& fa Avil*. OU/ A/cVd (Jf-nv- MííJ l<îfr)

Toutefois, cette nouvelle ville n'avait pas les particularités d'être un rivage à la différence de ses voisines flamandes. C'est pourquoi à l'ini­ tiative des moines "bertiniens", ce milieu hostile autour de Saint-Omer fut maîtrisé et organisé dans le but d'y conquérir des terres mais égale­ ment d'y créer des débouchés fluviaux:

Pendant quelques siècles et notamment' aux alentours du IXe siècle, quelques aménagements locaux d'ordre hydraulique furent entrepris. L'eau a été amené jusqu 'au pied de la butte de SITHIU en créant un cours d'eau - la PETITE MELDYCK - à partir d'un des bras de la rivière Aa depuis, son débouché dans le marais. Cette eau était ensuite dirigée vers la "MEERE" par le STAKELWAERT pour atteindre la FLANDRE ou la forêt du RUHOUT (approvisionnement en bois). (cf. carte des premiers grands travaux à l'époque caióUngienne).

L'activité économique était plus centrée sur les besoins locaux. Et un important travail empirique a été entrepris par 1'homme de la ville qui a mis en valeur inlassablement le marais proche de la ville par rehausse­ ment des terres et creusement de fossés. Sur ces parcelles aux formes' ir­ régulières que les crues de 1'AA fertilisent périodiquement, les pêcheurs devenus "brouckailleurs" ou maraîchers commencèrent à développer des cul­ tures spécialisées (ail, oignon,' chanvre, ...). - 15 -

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•SForêt de rRuhout

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Echelle 1/80 000

2. Les premfers grands travaux a l'époque carolingienne. K*¿(X¿«a) di le fi» vm. ck Ñ&d ÇJov. h\of\ fc)

Ce n'est que vers le Xle - Xlle siècle qu'ont été engagés --tant au niveau hydraulique qu 'au niveau aménagement des terres - de grands travaux qui' furent décisifs pour le marais et pour la ville de SAINT-OMER. (cf carte vers 1100)

L'eau -en tant que source d'énergie pour l'alimentation du moulin SAINT-BERTIN- fut amenée dans la ville par détournement d'un des bras de la rivière Aa. Quoi de plus explicite que le nom de cette rivière "HAUTE MELDYCK" : "MELDYCK" signifie "rivière du moulin" et "HAUTE" parce que l'eau était amenée entre deux digues.

L'eau dans la ville pouvait- également être utilisée comme moyen de trans­ port pour le développement d'activités commerciales en vue d'échanges avec d'autres villes notamment flamandes. T^ - 16 -

Bois de Watten et du Harn

SAINT-OMER &* , Pâtures cédées à Y' la ville en 1070

Echelle 1/80 000 ' '>/ c\ofyVcv A- t>£fLViu.ê- - il A'ofaia /WotactoV

3. Vers 1100. La ville s'est donc dotée d'un port correspondant au QUAI DES SALINES, de rivières (rivière SAINTE-CLAIRE, rivière des FOULONS ou des SALINES, rivière d'ERBOSTADE ou des TANNEURS). Mise en valeur par un aménagement récent, il ne reste que la rivière des SALINES pour attester, de la

présence de l'eau dans la ville. K

Quelques témoins de l'activité commerciale intense qui eut lieu dans le bas de la ville'pendant la période moyen-âgeuse : . orientation Est-Ouest des grandes artères routières, . noms de rues ou de place (quai du COMMERCE, place du VAINQUAI, rue des FOULONS, rue des TANNEURS).

La première voie d'eau commerciale importante qui offrit un débouché à la mer fut créée vers 1100 et attaquait le marais dans sa partie Ouest du fait d'une maîtrise hydraulique facile. Toutefois, les inconvénients du "Grand Large" étaient doubles : 1'alluvisonnement et le manque de communication rapide avec la Flandre. Des collecteurs de drainage pouvaient être utilisés par 1'Est (rivière du DOULAC, rivière du NIEWERLED ou de NIEULET). Mais ils n 'étaient pas satisfaisants face aux soucis de la ville d 'augmenter ses échanges commerciaux. . - 17 -

Ce fut chose passible quand vers 1160 le collecteur gui partait de la porte d'eau du Haut-Pont et gui attaquait la zone amphilbie dans sa partie centrale fut réalisé.

Entre deux digues, ce collecteur connu sous plusieurs noms "la grande rivière" ou "Agnonia" ou "canal de l'Aa" permit également d'évacuer l'eau plus rapidement vers la mer. (cf. carte vers 1160)

\ .¿.Colme Kilwal • overdrach de Wattendam

Bois de Watten et du Ham

Echelle 1/80 000 SAINT-OMER Z.

4. Vers 1160 K* ibcàd dl Iß QlVUJZ, (JsVd t(0KV. ¡non ÏOJ

Une campagne de défrichement entre les années 1165-1215 s'ensuivit. Mais cette fièvre ne s 'est pas déroulée sans soulever des conflits d 'intérêts dans cette zone où 1'activité essentielle était la pêche.

A la différence des terres mareskes, ces terres basses de pâtures - devenues brusquement intéressantes d'un point de vue agricole - furent mises hors d'eau par la technique d 'endiguement qui nécessite un plan et une coordi­ nation des travaux. Caractéristiques de par la géométrie des parcelles, le Marais Communal et le Marais Dambricourt sont le résultat de cette technique d'assèchement. \ - 18 -

Les grandes prouesses techniques du Xlle siècle - tant au niveau hydrau­ lique qu'au niveau de l'aménagement des terres -ont marqué la physionomie du marais que nous lui connaissons, "(1) et il fallut attendre la XVIIe siècle pour connaître de nouvelles transformations dans le réseau des voies navigables. Cependant, restent toujours poser avec acuité et le problème de 1 'évacua­ tion des eaux vers la mer et le problème de l'envasement des cours d'eau.

Baudouin VII mourut sans héritier, ce fut Charles le Bon qui lui succéda, étant lui-même sans héritier, il y eut à nouveau une guerre de succession pour la couronne de Flandre. Guillaume Cliton en sortit vain­ queur mais lorqu'il fut tué sur le champ de bataille, faute d'héritier, ce fut à Thierry d'Alsace qu'échut le titre de Comte de Flandre à la gran­ de joie des Audomarois. Cependant, son règne commença sous de mauvais aus­ pices. En 1134, un ouragan dévasta Saint-Omer, en 1146 eut lieu une très grande famine, enfin quelques années plus tard un incendie ravagea la ville. '

Entretemps en 1140, Saint-Bernard' et Thierry d'Alsace concour- rurent à la création du monastère de Clairmarais. Son successeur Philippe d'Alsace rendit toute la Flandre très florissante, ce qui n'éteignit pas pour autant les querelles entre les moines de 1'abbaye de Saint-Bertin et le châtelain de Saint-Omer. L'église et les seigneurs se heurtèrent encore longtemps pour assurer leur suprématie. Voici les faits : "Le dessèchement naturel des marais extra.jnuros Nord et Est de Saint-Omer fit naître en 1173 un procès entre 1 'abbaye de Saint-Bertin, le prévôt des chanoines et le châtelain de la ville ; les terres jadis submergées étant devenues labou­ rables, chacun prétendait se les approprier. Philippe régla les intérêts des parties en 1175 par une charte spéciale qui établit les limites des possessions de la ville et des églises de Saint-Omer et de Saint-Bertin". (2)

En fait, ce dessèchement naturel était dû aux aménagements des canaux effectués au début du siècle qui favorisait l'écoulement des eaux d'où assèchement de terres alors rendues cultivables.

(1) Résumé et cartes extraits de l'ouvrage de A. DERVILLE - Le Marais Audomarois - n" spécial de la Revue du Nord (janv.- mars 1980)

(2) Extrait du tome I des Annales de la ville.de ST OMER du curé DENEUFVILLE. - 19 -

L'époque comprise entre le Vile siècle et le Xlle a donc été une période de grandes et rapides transformations. Sous l'impulsion des moines, lä ville s 'agrandit, mais avant tout ils ont été les premiers instigateurs des différents travaux effectués dans les marais pour les assainir, cultiver, permettre la navigation et donc favoriser 1 'essor du commerce grâce à des moyens de communications plus rapides. L'implantation des monastères donne également 1 'origine à plusieurs formes de développement ; les moines ouvri­ rent vers le Xe siècle les premières écoles. Ils prirent l'initiative d'amé- nager le marais et de ce fait, ils mirent à profit leur savoir auprès de la population gui se développa autour des monastères. Seulement, il paraît vraisemblable que si les moines faisaient don de leurs connaissances, ils retiraient par ailleurs de leurs actions de substantiels profits-:

- les pêcheurs qui contribuèrent de leurs mains à l'assèchement des marais devinrent jardiniers au profit de 1 'abbaye. Ces derniers en échange' de leur travail recevaient des "prébendes" ou prestations de vivres, vêtements, outils de la part du monastère, ainsi qu 'un coin de terre qui leur apparte­ nait en propre. Cependant, il faut noter que ces jardiniers n'étaient pas des serfs et ils jouissaient des mêmes libertés que les habitants de SAINT- OMER.

- les pâtures et les terres "sorties de l'eau" appartenaient à ces religieux ils avaient également le monopole de la p3che, de la chasse, des moulins et ceci dès le Xe siècle. D'ailleurs/ nous avons pu constater que cette puis­ sance porta rapidement ombrage au comte de Flandre, qui chercha à s'emparer des biens du monastère de Saint-Bertin en prenant le titre de premier abbé laïque de cette abbaye.

D'ailleurs, l'opposition des religieux aux seigneurs sera toujours., très vive. Plus tard, le comte de Flandre devra plusieurs fois intervenir pour régler leurs différends. Ensuite,'on constatera une évolution , les religieux se heurteront désormais aux bourgeois qui peu à peu deviendront propriétaires des terres. Remarquons que', pratiquement jusqu 'à nos jours, la terre n 'ap­ partient jamais à celui qui la cultive, c'est-à-dire au maraîcher.

Pour en revenir à l'époque qui nous intéresse, les écrivains qui jusqu 'à présent avaient été avaresde renseignements sur les faubourgs mentionnent la crémation d'une nouvelle église : Sainte-Marguerite pour les habitants - 20 -

du Haut Pont. Les faubourgs étaient donc déjà peuplés au Xlème siècle- et nécessitaient la présence de deux lieux de culte pour les fidèles. Au point de vue religieux, les habitants des faubo'urgs n'étaient pas, négligés. - 21 - SAINT OMER, VILLE CONVOITEE

Le comte Philippe d'Alsace n'ayant pas d'enfant, il fit re­ connaître ceux de sa soeur Marguerite épouse de Baudouin de Hàinaut et donna à sa nièce Isabelle de Hainaut épouse de Philippe-Auguste, roi de France, les châtellenies d'Arras, Béthune, , Lens, Aire, et Saint- Omer. Cet héritage fut contesté par Baudouin IX comte de Flandre qui as­ siégea Saint-Omer le 4 octobre 1198, contraignant les habitants à la fa­ mine. De ce fait, Saint-Omer et Aire revinrent donc au comte de Flandre. Pourtant Philippe-Auguste n'avait pas dit son dernier mot et en 1211, ces deux villes retournèrent au roi de France en échange de son consentement au mariage de Jeanne, fille de Baudouin IX avec Ferrand roi de Portugal. Saint-Omer et Aire furent destinés à Robert fils de Philippe Auguste mais gouvernées jusqu'à sa majorité par 'Louis VIII. Ferrand contesta bientôt cet héritage du dauphin et décida de reprendre les places fortes de la Flandre dont Saint-Omer. Il fut toujours repoussé et désespérant de ne pouvoir entrer dans cette ville tant convoitée, il fit massacrer les habitants du faubourg'pilla les maisons, les églises et les incendia.

Le début du XlIIe siècle fut plus calme ce qui n 'empêcha pas i les luttes internes à la ville entre le clergé et la bourgeoisie de se manifester. Deux événements sont à noter à ce propos : en 1230, les moines de Saint-Bertin entrèrent en procès avec des particuliers de Saint-Omer qui avaient détourné 1'eau au détriment du monastère. La maîtrise de 1'eau a toujours joué un rôle de premier plan dans la région de Saint-Omer. 17 ans plus tard une autre querelle éclata entre les bourgeois de Saint-Omer et les religieux de Saint-Bertin au sujet de pâturages qui existaient encore à 1'intérieur de la ville. Le châtelain ne réussit pas à mettre d'accord les deux parties et dut faire appel à une autorité su­ périeure, en 1 'occurence Robert 1er frère du roi Louis VIII, premier comte d'Artois.

•La findu XlIIe siècle et le début du XlVe se soldèrent par de nombreux combats entre Flamands et Français. La séparation de la Flandre en deux comtés avait ranimé les luttes entre Français et- Flamands. Ces derniers s 'étaient alliés aux Anglais pour lutter contre le roi. Les Fla­ mands furent défaits à Cassel par Othon duc de Bourgogne, époux de Mahaut fille de Robert II d'Artois. En 1303, les Flamands qui se préparaient à attaquer Saint-Omer sous les ordres du comte de Juliers furent écrasés. Le comte de Juliers réitéra son attaque en 1304 avec une armée de 200 OOO •hommes, mais les Audomarois commandés par le gouverneur Gaucher de Chatillon - 22 - sortirent de St Orner et repoussèrent les Flamands. Puis Gaucher de Chatillon rappela ses troupes pour lutter, contre les Flamands qui firent le siège de St Orner, il incendia les faubourgs afin que les Flamands ne s'y installent pas. Cette fois encore les Flamands ne réus- . sirent pas à entrer dans la ville.

En dépit des guerres occasionnées par le partage de la Flandre et les tentatives par les souverains de différents pays d'en.être les maîtres, de nouvelles institutions favorables au commerce furent intro­ duites dans les villes par suite de 1 'affranchissement des communes et à Saint-Omer le commerce connut un nouvel essor et accueillit des étrangers. On dit que la population comptait environ 35 OOO âmes à la fin du XlIIe siècle, soit près du double de la population actuelle et ne cessait de s 'accroître.

Quant au monastère de Saint-Bertin, il défendait âprement ses possessions et ses droits qui peu à peu s'amenuisaient. En 1405, un dif­ férend s'éleva entre l'abbé de Saint-Bertin et le magistrat : "Ils soutenaient chacun de son côté le droit exclusif de pêche dans l'endroit dit de la Grande Meer et les étangs environnants ...". L'affaire fut réglée, par le comte de Flandre par la division du droit de pêche entre l'abbaye et la ville. D'autre part, l'abbaye de Saint-Bertin jouissait d'autres droits sur la pêche, le monastère percevait le 1/lOe de la valeur sur la •pêche au hareng qui se faisait à Calais. Seulement cette forme de revenu s'éteignit avec le siège et la prise de Calais par les Anglais au XlVe siècle et dont les prétentions s 'étendaient jusqu 'à la couronne de France'.

Lorsque Marguerite comtesse d'Artois mourut en 1383', le seul descendant était Louis de Mâle qui devintcomte de Flandre et d'Artois à la fin de la même année. En 1369, de nouveaux combats entre Anglais et Français se déroulèrent aux environs de Saint-Omer, Arques fut brûlé. En 1370, les arbalétriers et la milice audomaroise repoussèrent l'armée de Warwick sous les murs de la ville. En 1386, Charles VI fit le projet d'envahir l'Angleterre et Saint-Omer fut le terrain de préparatifs : "Tandis que nos vaisseaux se rassemblaient dans le port de 1'Ecluse, les troupes Françaises s'organisaient dans l'Artois et de nombreux bataillons tenaient garnison à Saint-Omer". Cependant un ouragan mit fin aux préparatifs mais cette manoeuvre fit peur aux. Anglais et calma pour quelques temps leur humeur belliqueuse. - 23 -

En 1406, d'après DENEUFVILLE les.Anglais passèrent à l'attaque et profitèrent de la folie de Charles VI pour envahir la France. Quelques Audomarois passés à 1 'ennemi brûlèrent l'entrepôt de munitions situé dans le quartier Saint-Bertin qui fut complètement détruit. Saint-Omer en tant que place forte fut attaqué par surprise par les Anglais qui ne réussirent pas à pénétrer à 1'intérieur des enceintes alors que le Haut-Pont et Lyzel furent incendiés. Les plus riches habitants de ces lieux furent conduits comme prisonniers à Guiñes.

Charles VI roi de France et Henri V roi d'Angleterre moururent à peu près en même temps et c 'est le duc de Bedford qui devint roi de France et d'Angleterre. Cette' succession fut contestée par Charles VII qui se rétablit sur le trône de France et s'allia avec le duc de Bourgogne qui était aussi comte de Flandre. Vers 1437, le duc essaya de reprendre Calais aux Anglais mais sa tentative échoua, plus tard ce furent les Anglais menés par le duc de Glocester qui assiégèrent vainement St Orner. Ils se contentèrent par dépit, de dévaster, les faubourgs et les campagnes environnantes, ainsi Arques,-, , Tatinghem furent détruits. Durant deux ans encore, les Anglais firent des tentatives malheureuses pour prendre St Orner, les Audomarois excédés intervinrent auprès du duc de Bourgogne afin de trouver un compromis débouchant sur une paix durable pour qu'enfin le commerce puisse reprendre.

Puis Charles le Téméraire à la mort de son père Philippe prit le titre de duc de Bourgogne et comte de Flandre mais il ne jouit jamais de la popularité qu'avait son père auprès de ses sujets, voici un exemple dont furent victimes les habitants du faubourg de St Orner' .qui met en lumière l'intransigeance du nouveau comte de Flandre :

Le duc Philippe de Bourgogne,avait autorisé un droit sur la bière pendant cinq ans : la maille (petite monnaie qui variait de valeur selon les localités) sur chaque lot de cervoise consommée dans la ville et les faubourgs de St Orner dont le produit était utilisé aux travaux du havre de Gravelines. Charles le Téméraire au lieu de la supprimer 1'a maintenue arbitrairement, les Audormarois vexés décidèrent de se venger. L'insurrection fut ourdie par Lepanetier bourgeois de St Orner et Talmarkère du faubourg. Hautponnais et Lyzelards s'unirent et obligèrent le préposé à la garde des portes du faubourg à leur remettre les clés. Ils soumirent la garde et lui som­ mèrent d'appeler le mayeur, la rencontre eut lieu à la salle échevinale. - 24 - "Ceux-ci virent dans cet acte de prudence une concession faite par le faible au fort et devinrent plus exigeants : Talmarkère et et Lepanetier portant la garde au nom dé la foule désordonnée gui les avait suivis ne demandaient plus seulement la révocation du nouveau droit d'une maille sur chaque lot de cervoise mais encore la suppression des règlements concernant la fabrication des étoffes et la vente des marchandises provenant du dehors. De plus, ils demandèrent :

1. Qu'une indemnité leur fut accordée sur les pertes que leur

avait fait éprouver l'inondation dont un sieur Guilbert, préposé% à 1 'entretien des fossés avait été la cause et que ledit Guilbert fût exclu pour toujours des faubourgs.

2. Que les bateliers, maraîchers" et généralement tous ceux des fau­ bourgs eussent dorénavant le droit de faire le choix de leurs connétables.

3. Que l'on remit à l'usage commun les terres franches de la banlieue dont on leur avait enlevé arbitrairement la jouissance depuis plusieurs années.

4. Que la conservation des titres stipulant les'privilèges accordés par les comtes d'Artois aux habitants de St Orner, fut remise entre les mains des 'bourgeois.

5. Enfin que ceux des habitants de la ville ou des faubourgs qui avaient été bannis pour quelque crime ou méfait fussent rappelés.

Le magistrat promit en ce qui concerne 1 'inondation de procéder par commission d'experts à l'appréciation des dommages et de nommer des commissaires pour convenir de la widige de la rivière.

Quant aux autres griefs, il devait aviser le chef de la provin­ ce. Cette déclaration n'apaisa pas l'insurrection au contraire, celle-ci dura 14 jours où il y eut des combats qui furent enfin matés. - ' - Les fomenteurs furent arrêtés et emprisonnés. Cependant, cette émeute avait nui au commerce et fait peur aux échanges,.Charles de Bourgogne fut saisi de l'affaire et punit tous ceux qui avaient pris part au mouvement", (j)

Le 18 avril 1468, la sentence fut rendue : lès 300 audomarois Luzelards et Hautponnais désignés par les commissaires eurent

(1) extrait de l'histoire de la ville de Saint-Omer de Jean Dehreims - 25 -

une amende de 37 000 ryders d'argent. Les bourgeois, manants et habitants de St Orner furent condamnés à la confiscation de leurs• •privilèges, usages et coutumes.

Le dimanche de quasimodo 200 personnes des faubourgs dont un connétable et trois hommes de chaque métier durent se rendre sur le marché de la ville, tête nue sans ceinture tenant chacun une torche de trois livres ainsi que 100 autres personnes, tête et pieds nus, en chemise tenant un cierge et se confessèrent de­ vant des hommes de loi des méfaits commis contre le duc de Bourgogne. Talmârkère et Lepanetier eurent leurs biens saisis et furent con-• damnés à mort. Cette histoire nous permet de constater que lorsque les intérêts des habitants de la ville et ceux des faubourgs se rejoignaient, ceux-ci faisaient cause commune et. ne manquaient pas de courage, surtout face à Charles le Téméraire, qui, par une sentence exemplaire étouffa toute autre tentative de rebellion.

Après la mort de ce dernier, Louis XI tenta de s 'approprier ses possessions. Pour ce faire, il utilisa deux méthodes. différentes : la ruse et la guerre. Certaines villes reconnurent 1'autorité royale mais à St Orner, le gouverneur refusa de se rendre. Louis XI décida alors de prendre la ville d'assaut mais préféra d'abord parlementer et tenta de corrompre le gouverneur. Se rendant compte de l'inefficacité de ses tentatives, le roi fit. brûler Arques et son château, saccagea les faubourgs, dévasta les villages envi- ronnants mais ne tenta pas l'assaut de la ville. Les faubourgs furent brûlés par les troupes royales.

Au cours de son règne, la réputation de Louis XI avait beau­ coup souffert dans les Flandres et les Gantais acceptèrent plutôt le mariage de leur duchesse avec 1'archiduc Maximilien fils de l'empereur Maximilien d'Autriche qu'avec le dauphin de France. L'Artois, par ce mariage passa donc à la maison d'Aurtiche, cet événement célébré le'18 août 1477 marqua à nouveau le début de nombreux conflits.

Dès lors, Louis XI tenta un nouveau.siège de St Orner en 1479 mais Maximilien 1'obligea à quitter le terrain. La chronique mentionne que toutes les récoltes furent détruites lors de ces - 26 - affrontements. La duchesse Marie épouse de l'archiduc mourut en laissant deux enfants mineurs : Philippe'et Marguerite gui fut promise au dauphin de France avec comme dot 1 'Artois et la Franche' Comté. Il y avait une clause spéciale pour St Orner gui devenait ville libre jusgu'à consommation du mariage. Précisons gue l'épouse avait 3 ans lors de la célébration du, mariage et son fiancé 14 ans... Comme 1 'attente risguait de se prolonger guelgues années, 1 'Empereur et le roi de France gui convoitaient tous deux Saint Orner décidèrent de s'attaguer à cette place forte. Ce furent les Français gui Jes premiers réussirent à prendre St Orner, la nuit, par surprise avec la complicité des gardiens des portes de1 la ville, le 28 avril 1487. Les Audomarois furieux, préparèrent l'insurrection avec l'accord de Maximilien d'Autriche gui reprit St Orner aux Français., Seul le château de 1'Esplanade était encore entre les mains de ces derniers. A ce propos, il serait intéressant de rapporter cette anecdote :

"Les Audomarois entreprirent le siège du château, les habitants des faubourgs habitués au maniement de la bêche furent d'une grande uti­ lité ; dirigés par des Hautponnais, ils creusèrent un fossé autour de la forteresse devant les portes de laguelle ils élevèrent en même temps des bastions afin d'empêcher les assiégés de sortir. Les Français sortirent la nuit et le lendemain la ville entière était libérée des Français et ceci grâce à l'intervention efficace des habitants des faubourgs.

\ . ., - En 1506, Philippe le Beau devint roi d'Espagne de la bran­ che d'Autriche. Onze ans plus tard, Charles Quint succéda à Philippe 1er, il possédait en dehors de 1'Espagne, la Flandre, * 1'Artois, le Charoláis et les Pays Bas, etc...-Il devint par la suite empereur d'Allemagne et roi des Romains. Il prit l'initiative de construire de nouvelles fortifications à St Orner gui devint une importante place d'armes. Le roi d'Espagne eut encore à lutter contre les Français, gui dans la nuit du 3 au 4 février 1555 atta- guèrent St Orner, alors dépourvu de munitions bien gue la ville ' fit place forte. Pour se défendre, les Audomarois employèrent un subterfuge, ils firent rouler à toute vitesse dans les rues des- chariots remplis de vaisselle de cuivre, les Français crurent gue c'était des munitions et supposèrent la ville mieux armée gu'elle

(1) extrait de l'histoire de Saint-Omer de Jean DEHREIMS - 27 - ne l'était en réalité et se retirèrent en hâte. Il n'est pas men­ tionné ce qu'il advint des faubourgs lors de cette attaque. Une autre tentative pour reprendre la ville en 1558 fut également déjouée par les Audomarois.

En 1574 éclatèrent les guerres de religion. Dans le Hainaut, la Flandre et 1 'Artois, la grande majorité des habitants resta fi­ dèle au roi d'Espagne Philippe II et au catholicisme mais la ré­ volution Hollandaise comptait de nombreux partisans pour Guillaume* d'Orange et les calvinistes. A St Orner le prince d'Orange avait quel­ ques partisans issus de la ville et du faubourg que les catholiques souhaitaient chasser. Il n'y eut qu'un seul soulèvement des orangis- tes à St Orner mené par des habitants du Haut Pont et de la ville mais ce soulèvement s'éteignit rapidement faute d'appuis, les réfor­ mistes furent arrêtés et promirent de rentrer dans les rangs. L'épi­ sode des guerres de religion prit fin de cette manière à St Orner, alors qu'aux Pays Bas la guerre faisait rage.' Des catholiques audo­ marois allèrent se battre contre les partisans de Guillaume d'Orange dans le Hainaut et la Flandre.

Pour mettre fin aux attaques incessantes dont St Orner/était 1'objet, des travaux destinés à renforcer les enceintes et augmenter 1'armement des remparts furent entrepris. Il fallut abattre certai­ nes habitations qui étaient trop proches des remparts et constituaient une gêne pour les défenseurs notamment les cloîtres des religieuses du Soleil et de Ste Catherine alors établis dans le quartier du Haut Pont. Ils furent reconstruits à l'intérieur de la ville. D'autres travaux furent entrepris en 1581, en particulier la démolition de 200 maisons du faubourg du Haut Pont afin d'élargir la rivière et la rue qui la longeait.

En 1595, Henri IV déclara la guerre au roi d'Espagne et en 1596 les Français s'installèrent sous les murs de St Orner, n'atta- . . querent pas la ville mais détruisirent ou ravagèrent les églises de. Tatinghem, Loñguenesse, le couvent des Chartreux et celui de Blen- decques. Les Audomarois ne craignaient pas seulement les Français mais aussi leurs propres défenseurs : les Espagnols que la popula­ tion avait refusé de loger. Aussi le régiment de Bucquoi décida d'affamer toute la ville en coupant les voies d'accès. Ils s'ins­ tallèrent du côté d'Arqués et détroussèrent tous les marchands qui - 28 -

désiraient emprunter ce chemin. Ces derniers passèrent alors par Clairmarais, mais les soldats en furent vite informés, aussi "Ils s'emparèrent du marais d'Argues ayant surpris quelques bateaux qui venaient du côté de Clairmarais à là ville, ils les détroussèrent, ensuite voulant tenter fortune plus outre, ils entrèrent un bon nom- ' bre en ces barques pour aller piller les insulaires nommés Lisiares, mais ces peuples ayant donné 1 'alarme dans leur faubourg, s 'amassè­ rent plus de 300 tous armés le long de la Grande Meer pour assaillir les voleurs. Ceux-ci épouvantés de la furie de ces Hautponnais aban­ donnèrent leurs petites barques et ne pensèrent qu'à se sauver les uns passant les rivières à la nage, d'autres gagnant des lieux plus écartés La solidarité entre les habitants des faubourgs et leur courage face à 1'ennemi n'est donc pas un mythe.

Seulement.cette garnison voulut prendre sa revanche quelques temps plus tard. Les soldats tentèrent de se saisir du. bac de Nieurlet pour désoler la ville et ravager les Hautponnais. Ceux-ci prévenus par les bourgeois se rassemblèrent à la Madelaine et firent front. Les soldats s'en tirèrent à bon compte car le magistrat contenant la fureur de ses administrés les obligea simplement à quitter la ville, autre intervention significative des habitants des faubourgs.

.Vers 1610, les bourgeois de la ville s'organisèrent en milice volontaire et travaillèrent à la réparation et à 1 'élaboration de fortifications notamment du côté de St Bertin et du Haut Pont, des remparts furent élevés le long de la rivière des Tanneurs. Deux années plus tard, le quartier du Haut Pont extra muros s'enrichit d'une nou­ velle chapelle dédiée à Ste Elisabeth à la demande de la population. En effet, le soir lorsque les portes de la ville étaient fermées, les habitants du faubourg ne pouvaient plus bénéficier la nuit du secours d'un prêtre. La construction de cette chapelle fit la joie des parois­ siens et leur permit d'être à la fois moins dépendant de la ville et de renforcer leur.autonomie, leur vie de groupe, l'église étant le lieu de rassemblement hebdomadaire.

Une autre innovation fut apportée en 1616 par Guillaume Lommel abbé de St Bertin qui le premier fit bâtir un moulin identique à ceux de Hollande pour assécher les pâtures de la Grande Meer qui étaient* alors, souvent noyées. Constatant cette réussite sans précédent, la ville de St Orner installa des moulins identiques dans les pâtures corn­ il) extrait du tome II des Annales de la ville de Saint-Omer du Curé DENEUF.VILLE. - 29 -

muñes. Petit à petit, les terres furent'gagnées sur le marais grâce au labeur et à 1 'ingéniosité des hommes. Les années suivan­ tes ne furent pas marquées par de grands faits mais en août 1625 on eut à déplorer une inondation gui noya les terres du Haut Pont et de Lyzel, ainsi qu'une épidémie de peste ramenée par un batelier' qui se communiqua à la ville. D'autres épidémies de ce genre avaient déjà fait rage en 1426, 1523, 1596 et 1604 et depuis 1350.

En 1638, St Orner fut encore le théâtre de nouveaux affron­ tements, cette ville a toujours excité la convoitise des grands, et Richelieu ne fit pas exception à la règle, et fit entreprendre le siège de St Orner :

. le 25 mai, le maréchal de Chatillon vint avec 25 000 hommes camper à Blendecques ; . le 26/ il s'emparait du château d'Arqués ; . le 28 se solda par la prise de Clairmarais puis Longuenesse, les Chartreux, Tatinghem, Salperwick et Tilques ; . le 30, le blocus de la ville était formé ; Enfin, le 16 juillet, après de nombreuses escarmouches, le maréchal de Chatillon, désespérant de la réussite de son entreprise leva le ' siège et se retira. A propos de ce blocus, on raconte une anecdote vantant le courage des habitants du faubourg : un Hautponnais sur­ pris dans les marais par un corps de Français refusa de servir de guide. Ni les offres, ni les menaces ne purent l'ébranler et pour avoir refusé de les aider, refusé de trahir, il fut massacré par les Français...

Ce siège occasionna de grosses pertes à St Orner et ses envi­ rons, car' les Espagnols (alliés des Audomarois) barrèrent "le détroit de Watten par une digue hâtive pour relever le plan d'eau du marais et permettre à une flotille de secours d'atteindre la ville assiégée en naviguant par dessus les digues". Si l'inondation eut pour but de sauver la ville, néanmoins toutes les récoltes furent perdues. De plus, les soldats mercenaires, de Philippe IV d'Espagne au lieu de venir en aide à la population profitèrent du désordre pour piller le faubourg du Haut Pont qui mit longtemps avant de retrouver sa prospérité d'antan. Les faubourgs isolés de la ville étaient une proie facile pour les pillards qui ne connaissaient pas suffisam­ ment le courage de ses habitants, ce qui leur valut souvent.'.des déboires.

(1) extrait de A. DERVILLE - Le marais Audomarois n" spécial de la revue du Nord (janvier mars 1980) - 30 -

En 1643, 1 'Espagne ayant essuyé plusieurs revers, avait perdu la plupart de ses possessions en France et ne disposait plus, dans, le Nord de la France que des villes d'Aire et de St Orner avec leurs dépendances territoriales qui furent dénommées '"Artois réservé". Les Français tentèrent vainement de corrompre les Audomarois afin qu 'ils abandonnent leur nationalité espagnole et se tournent vers la France. Aussi, quelques habitants de la ville constituèrent un parti pour la France et complotèrent une alliance avec ce pays' pour favoriser la prise de St Orner. Il avait été convenu qu'une fausse * attaque devait avoir lieu le 22 juin pour désorienter les Audomarois et les obliger à une reddition. Tout était prêt mais le plan fut déjoué par des conditions atmosphériques déplorables : "Le gonflement des marais et des rivières occasionné par une pluie continue de plusieurs jours rendit le terrain impraticable aux chevaux et posa entre les Français et la ville une barrière infranchissable, les Français ne purent donc quitter leur cantonnement".(1)

> Ces derniers, ne désespérant pas de vaincre St Orner et Aire réitérèrent leur attaque quelques années plus tard. Ce fut d'abord la ville d'Aire qui fut prise par le Maréchal d%Humières en 1676 qui prit également St Orner l'année suivante : "Le 4 mars 1677, les assiégeants campaient aux Fontinettes, le lendemain ils s'emparè­ rent du château d'Arqués. Le 9 mars, la position de la Madelaine fut enlevée aux Espagnols par les Français qui perdaient ainsi une position avantageuse." (1) D'autre part, St-Omer à cette époque, n'était pas en mesure de tenir un siège qui dura quand même 25 jours. En effet, les garnisons mal payées manifestaient leur mécontentement et auraient pu trahir. Le gouverneur dut lever un impôt forcé auprès, des ecclésiastiques et des bourgeois, de plus, ces derniers parti­ cipèrent à la construction de quelques ouvrages de défense.

Dans la nuit du 4 au 5 avril, les assiégeants s'emparèrent de St Martin au Laert et le lendemain attaquèrent le Fort aux Vaches, principale défense de la place et l'emportèrent après cinq jours de combats où périrent 500 Espagnols, et 120 personnes furent faites pri­ sonnières.' La ville complètement investie, le duc d'Orléans aban­ donna le siège de St Orner et se retourna contre le prince d'Orange, allié des Espagnols, la rencontre eut lieu à Cassel. L'armée du prince d'Orange fut mise en déroute, le duc d'Orléans grand triomphateur reprit alors le siège de St Orner.

(1) extrait de l'histoire de la ville de Saint-Omer de Jean DEHREIMS. - 31 -

Dans la nuit du 16 au 17, les Français s'avancèrent jusqu'à la contrescarpe du côté du faubourg et établirent des retranchements.' Le prince de Robec, défenseur de St Orner, non informé de la défaite du prince d'Orange et désespérant de le voir arriver avec ses troupes décida de capituler. Dans les clauses de la capitulation, il était prévu "Que la garnison espagnole sortirait le lendemain avec armes et effets militaires et serait menée à Cand sous la conduite des Français. Le même jour, le duc d'Orléans fit son entrée à St Orner, Louis XIV gui achevait le siège de Valenciennes fut heureux de cetts prise"... Le 1er mai 1677, le roi visita la ville, les fortifications, et les îles flottantes. Après le traité de Nimègue gui relia St Orner à la France le 17 septembre 1678, Louis XIV fit entreprendre de grands travaux dans la région notamment la percée du canal de St Orner à Calais en 1680 : "Il était plus direct que celui gui exis­ tait de l'Aa par Gravelines et les rivières d'Oye et de Marck" et favorisa par des liaisons plus rapide, le transport des marchandises

et des personnes par voie navigable, ce gui contribua à assurer 1'essort du quartier du Haut Pont.

Pendant quatre siècles, les tentatives pour prendre Saint-Omer gui était à la fois place forte et ville commerçante, furent nombreuses et souvent peu fructueuses, sauf pour Louis XIV. En effet, si Saint-Omer appartenait au Roi de France sous Philippe Auguste, la ville devenue plus tard une des possessions du Duc de Bourgogne portait ombrage à Louis XI gui tenta de s'en accaparer. C'est plus ou moins à cause de cette maladresse que Saint-Omer devint Espagnol et même Henri IV et Richelieu ne réussisent pas à reprendre la ville.

Cependant, en cas de guerre, les habitants des faubourgs occupaient une position bien précaire. En effet, comme leurs habitations se trouvaient pour la plupart hors les murs de la ville, ils étaient toujours pillés les premiers, ou bien les assiégeants, dépités de ne pouvoir prendre Saint-Omer tournaient leur fureur vers les faubourgs et les villages environnants qu'ils dévastaient. Parfois, Hautponnais et Lyzelards faisaient face à l'ennemi, témoin lorsque les Espagnols se disant alliés des Audomarois les harcelèrent, la population des faubourgs s'organisa et mit une garnison en déroute. Cet acte met en valeur le désir des habitants de rester maîtres chez eux et aussi le désir de ne pas recourir à la milice audomaroise. - 32 -

Les habitants des faubourgs semblaient lutter âprement pour gagner ou défendre certaines de leurs prérogatives. La maintenance du "droit sur la bière" imposé par Charles le Téméraire fut un excellent prétexte fourni aux Hautponnais et Lyzelards pour exprimer leurs doléances auprès du duc de Bourgogne par l'intermédiaire du magistrat de Saint-Omer. C'est ainsi que l'on apprend que les maraîchers désiraient être indemnisés pour la perte subie par l'inondation des terres, causée par- le préposé à 1 'entretien des fossés, un curage méthodique devait éviter les inondations. D'autre part, il semblerait qu'à cette époque la plupart dès habitants dos faubourgs n 'élisaient pas eux-mêmes leurs connétables puisqu 'ils en récla­ maient ce droit.

Les renseignements relatifs aux faubourgs sont donc très limités. Toutefois, à leur propos H. PIERS, nous apprend gu'au début du XVIIe siècle deux événements vinrent perturber la vie des habitants des faubourgs et tout particulièrement celui du Haut-Pont : il s'agit tout d'abord de la construction de la chapelle Sainte-Elisabeth et de la venue à la même époque d'un maître d'école pour la première fois dans le Haut-Pont le 14 octobre 1610 et le '"magistrat en nomma un autre pour les pauvres au même endroit en 1694". Les enfants des maraîchers n 'allaient pas à 1 'école bien longtemps, puisque toujours selon H. PIERS "dès l'âge le plus tendre, on leur mettait en main des ipstruments de jardinage et on les occupait à laver et à préparer les légumes pour le marché". Ceci fut, même pour ceux qui fréquentaient peu l'école, une grande innovation puisque les enfants des faubourgs apprenaient d'abord à lire et à écrire le français, alors que le langage vernaculaire des faubourgs était le flamand et ceci jusqu'au XIXe siècle. Cette formé de marginalité par rapport à la ville de Saint-Omer qui parlait le Français allait disparaître peu à peu grâce à 1'école. HAIT PONÍ '" "y^^^ wsssmmsmmmSEm-Occidcñs

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SAINT OMER,

SON EVOLUTION APRES LE RATTACHEMENT A LA FRANCE

Après une courte période de paix, Louis XIV entra à nouveau • en guerre pour la succession au trône d'Espagne contre l'Autriche, « l'Angleterre et les Pays Bas. Béthune, Aire et St Venant furent repris par les Autrichiens qui décidèrent de s'attaquer à St Orner qui refusa de capituler sans combattre. De ce fait, la ville ne- fut jamais inquiétée. Quelques années pi us tard, en 1744, Louis XV fxt une halte à St Orner et partit en barque du Haut Pont 'pour rejoindre Calais le jour même. En 1754, la France fut encore menacée d'une invasion anglaise, aussitôt les troupes françaises furent rassemblées en Artois, un camp s'établit à Arques à l'époque où l'on commençait les 7 écluses. Avant la révolution, un dernier camp eut lieu sur les Bruyères en 1788, car Louis XVI craignait une guerre entre l'Autriche et la Hollande et souhaita it renforcer ses frontières.

Puis en 1789, la révolution gronda, lès habitants de St Orner comme ceux des autres villes décidèrent de mettre fin aux privilèges de la noblesse et prônèrent 1 'abolition de la corvée et de la dîme.

,--•--- Les moines de St Bertin et des autres couvents de la région furent chassés en 1791, les cloches des couvents furent décrochées, fondues, et converties en monnaie. En 1792, la république fut proclamée, à St Orner quelques fanatiques en profitèrent pour renverser les autels, transformer 1 'église St Sépulcre en temple de la raison et rebaptiser St Orner en Morin la Montagne. Le 21 janvier 1793, Louis XVI fut guil­ lotiné ¡et la France se mit à dos toutes les puissances voisines. - 34 -

Pendant cette période de troubles, la cherté du pain rendait- la vie difficile aux plus pauvres. Des rassemblements se firent dans les faubourgs afin de piller les bateaux de grains gui étaient en déchargement pour le compte de 1 'administration de la guerre. Grâce à 1'intervention de la garde armée de baïonnettes, le pillage fut épargné et du pain fut distribué aux indigents. Quelques temps plus tard, Billaud-Varenne, membre du Comité du Salut Public vint à St Orner pour exhorter les habitants de cette ville trop tranquille, pour un individu de cet acabit, à avoir des comportements plus extrêmes.

Le 14 juillet, l'acte constitutionnel des droits de l'homme fut présenté à la ville et la cérémonie fut présidée par le comité de surveillance et la société des amis de la constitution. Puis eut lieu un défilé avec les enfants, adolescents, mères de famille, vieillards portant bannière, tous les corps de métier étaient repré­ sentés : "Le trophée de l'industrie formé de haches, marteaux était porté par des artisans en habit de travail au dessus figurait cette ' devise : 'Nous gagnons le pain de nos enfants en pourvoyant aux besoins de nos concitoyens'. Les Hautponnais et les Lyzelards char­ gés d'instruments aratoires, traînant un batelet et une charrue suivaient ce trophée, ils avaient pris pour devise : 'Habitants des (1) villes, respectez vos peres nourriciers'", formule qui semble tout à fait représentative du travail et de 1'importance des jardiniers situés auprès de ce centre urbain qu'est la ville de St Orner.

Pendant -îes années du règne de la terreur (1794-1795) qui se caractérisa par une tyrannie politique et religieuse, et par 1 'utili­ sation fréquente de la guillotine pour n'importe quel motif, la misère du peuple grandissait sans cesse. Il n'est donc pas étonnant que deux bélandres (2) chargées de 742 rasières de grains apparte-

(1) extrait de l'histoire de la ville de Saint-Omer de Jean DEHREIMS (2) bélandre : (vient du néerlandais bijlander, de bij, près et land terre). Sorte de péniche à fond plat et à voile employée sur les rivières et les canaux de Flandre et Hollande. - 35 - <

tenant à un individu de Dunkerque furent pillées dans le Haut Pont, endroit alors très fréquenté par les indigents. En février 1795, la ville de St Orner fut contrainte de demander des vivres à la ville de Calais tant la disette était grande. Cette situation catastrophi­ que se prolongea, si bien qu'en juillet 1795 des représentants de la ville furent chargés d'aller exposer la situation de la région à la convention_qui leur donna un bon sur le magasin d'Ostende. Pendant ce temps, les audomarois agissaient et pillaient à nouveau deux bélandres chargées de blé, haricots et fèves qui arrivaient * dans le faubourg du Haut Pont. Le lendemain un bateau venant de Dunkerque et naviguant vers Arras subit le même sort. Ce qui put être sauvé fut transporté par terxe dans des chariots sous bonne garde. Ce genre de scène ne se renouvela plus à St Orner mais se produisit dans les environs : des champs furent dévastés avant matu­ rité des récoltes, des moulins pillés et des fermes menacées par 1 'in­ cendie. Heureusement le moisson de 1795 fut bonne et calma à la fois les esprits et les appétits. Des Audomarois s'enrôlèrent volontai­ rement sous les drapeaux de la république ainsi que des adolescents. Ce furent donc les femmes qui s'armèrent pour assurer le maintien de 1 'ordre au moment où la ville se trouvait privée de garnison.

Puis la France entra en guerre contre l'Angleterre le 16 mai 1803, Bonaparte alors au pouvoir, souhaitait doter la France d'une flotte importante, comme les ports du Nord ne suffisaient pas aux construc­ tions navales destinées à la conquête de la Grande Bretagne, St Orner redevint comme au temps de César un point d'armement expéditionnaire. 'Des chantiers de construction furent établis dès 1803 sur la Ghière, aux 4 Moulins et près du cimetière St Adrien. Le quartier du Haut Pont dut connaître pendant ces préparatifs une animation sans précédent, et ce projet fournit un surcroît de travail aux charpentiers de ba­ teaux installés dans les faubourgs ainsi qu'à leurs ouvriers.si on utilisa leurs compétences. 60 péniches devaient être fabriquées pour l'année suivante, il n'en sortit qu'une trentaine qui furent dirigées vers Calais chargées de-bois. De par sa situation St Orner devint un centre de rassemblement militaire que visita Napoléon Bonaparte alors devenu empereur, le 28 août 1804. Il revint une seconde fois à St Orner avec l'impératrice Marie-Louise le 24 mai 1810. A partir de 1811, les guerres napoléoniennes faisant rage, la situation éco­ nomique était déplorable, le commerce stagnait, les usines fermaient. - 36 - les ouvriers gui n'étaient pas au front, étaient pour la plupart sans emploi et l'hiver 1811-1812 fut rigoureux. Tous ces éléments . favorisèrent une recrudescence de la famine, une fois de plus les bateaux de grains furent pillés dans le Haut Pont par les plus défavorisés.

L'abdication de Napoléon 1er en avril 1814 et la prise du pouvoir par Louis XVIII occasionna de grandes réjouissances mais 1'avènement du nouveau roi coïncida avec une catastrophe dont pâ- * tirent les habitants de Lyzel : "Dans la journée du 11 mai, un incendie éclata dans le faubourg de Lyzel, 75 maisons, 100 étables et autant de granges furent la proie des flammes et ruina 80 fa­ milles. Une souscription fut ouverte pour leur venir en aide". (i) De plus, le feu se manifesta dans le même faubourg, le 7 juillet suivant et le 10 février 1815 avec moins d'intensité. Ajoutons que dans Lyzel, bon nombre de maisons et dépendances étaient en torchis et couvertes de chaume, matériaux très inflammables*_ ..

Les Audomarois apprécièrent la période dite de restauration gui permit de rétablir le commerce et tout particulièrement le commerce avec l'Angleterre gui n'était plus à ce moment l'ennemi à combattre. Le retour de Napoléon occasionna les pires craintes mais ce "second règne" ne dura que 100 jours et les Audomarois entrèrent en liesse lors de la reprise en main du pouvoir*par Louis XVIII.

A ce propos "Pendant les fêtes, celle donnée le 29 juillet 1815 par les habitants du faubourg fut la plus originale et la plus étran-r- ge. Les Hautponnais et les Lyzelards armés de fusils de chasse et pourvus d'outils de jardinage précédés de quelques musiciens jouant de la clarinette et battant de la grosse caisse firent solennelle­ ment leur entrée dans la ville traînant un bateau dans lequel se trouvaient non des lauriers et des faisceaux d'armes comme aux fê- tes de 1 'empire mais des légumes provenant de leur jardin et des groupes de pêcheurs à la ligne. Arrivés chez le commandant supé­ rieur de la ville, ils présentèrent leurs respect à ce fonctionnai­ re, simulèrent sous ses yeux leurs travaux journaliers et lui adressèrent le compliment suivant :

(1) extrait de l'histoire de Saint-Omer de Jean DEHREIMS. - 37 -

Monsieur- le Gouverneur,

Nous venons vous prier d'agréer nos hommages gui ne sont qu'une faible expression de cette joie que nous- ressentons de vous avoir pour notre gouverneur, de cette joie si légitime, si impatiente d'éclater et si prompte à suivre les mouvements de notre coeur. Vos vertus morales et vos talents militaires justi­ fient le choix de notre auguste et bien aimé roi. Puissiez- vous vivre à jamais et rester pour toujours au milieu de nous pour combler nos voeux et nous faire goûter plus longtemps la douce influence de votre gouvernement, c'est dans ces sentiments que nous sommes respectueux..,." (1)

Après avoir parcouru les principales rues de la ville le cortège regagna les faubourgs. Le buste du roi que les maraîchers avaient obtenu de 1 'autorité municipale fut déposé dans la cha­ pelle du Haut Pont. On peut s'étonner de l'engouement des habi­ tants des faubourgs pour le roi de France, celui-ci devait à leurs yeux représenter 1'ordre et la fin de 1'insécurité qui régnait sous l'empire. D'autre part, un cortège de ce genre avait déjà défilé, pour des raisons différentes pendant la période révolu­ tionnaire, il semblerait que les Hautponnais et Lyzelards étaient très fiejs de leur profession et n 'hésitaient pas à exhiber devant les Audomarois réunis, le fruit de leur travail.

Après ce moment de fête et de joie populaire, la vie reprit son cours. Si certaines classes dominantes de la population pros­ péraient, la misère des classes pauvres s'amplifiait. Les mauvai­ ses récoltes augmentaient le prix du pain et laissaient prévoir des révoltes. Ce fut le cas en 1817, le grain fut volé dans les champs et une rixe sanglante se produisit aux 7 écluses entre les gens de la force publique, et les pillards.

En 1832, sous le règne de Charles X, un autre événement secoua les faubourgs, il s'agit de l'épidémie de choléra qui débuta rue de la Poissonnerie et sévit dans les deux faubourgs. Sur les 273 cas enregistrés, 126 personnes moururent. Après ces années très fertiles en faits de tous ordres, la paix régnant, on pouvait espérer la timquillité mais St Orner et ses environs

(1) extrait de 1'histoire de Saint-Omer de Jean DEHREIMS. ) - 38 -

furent le théâtre, cette fois, d'une catastrophe naturelle gui eut lieu en 1841 et qui porta un grave préjudice en particulier aux habitants des marais : "Toutes les rivières de 1'arrondisse­ ment ayant débordé par suite de la fonte subite^ des neiges;,- par­ tout les terrains et les habitations riveraines se trouvèrent envahis par les eaux, sur d'assez grandes étendues. Plus de 4 000 hectares des territoires de St Orner, Clairmarais, Tilques, Salper- wick, Moulle furent submergés à plus d'un mètre de hauteur. Toutes ces communes et même d'autres plus éloignées furent sinistrées".(1;.

Après ces déboires, St Orner connut quelques temps plus calmes alors qu'à Paris les événements se bousculaient, et succédèrent en très peu de temps à la monarchie de juillet, la seconde répu­ blique et l'empire dont la proclamation eut lieu le 2 décembre 1852. Napoléon III rendit visite à St Orner le 28 septembre 1853, il n'y eut pas de faits marquants à noter jusqu'à la déclaration de la guerre en 1870. St Orner échappa à 1'invasion allemande mais ses murs donnèrent refuge au général Faidherbe.

Cette période nous donne davantage de renseignements sur les habitants des faubourgs. Les maraîchers notamment se sont surtout singularisés dans les manifestations populaires tel le cortège.des différents corps de métiers pendant la révolution et le défilé relatif à la prise du pouvoir de Louis XVIII.. Ceci nous permet de constater d'une part, que la profession de-maraîcher n'était pas considérée par les habitants de Saint-Omer comme une profession secondaire et gu 'elle tenait sa place parmi les autres professions en outre, les maraîchers n'hésitaient pas à marquer leur préférence pour la stabilité politique et faisaient preuve d'un certain conservatisme en ce qui concerne le retour de Louis XVIII.

(1) extrait de l'histoire de la ville de SAINT-OMER de Jean DEHREIMS. - 39 -

D'autres informations nous sont parvenues, mais elles sont surtout relatives aux déboires qu 'ont connu les Hautponnais et Lyzelards :

- épidémies de choléra ; - inondation, à ce propos lorsque la section du canal aura été doublée entre 1875-1880 les inondations seront moins fréquentes grâce au meil­ leur écoulement des eaux ; - incendie, les faubourgs furent souvent ravagés par le feu, mais d'après DENEUFVILLE au XVIIe siècle, bon nombre de maisons étaient "en placage couvertes de paille". Seules certaines habitations le long du port auraient été reconstruites sous la domination Espagnole en matériau plus solide et résistant au feu. Cependant, on constate une différence entre les deux faubourgs : les maisons lyzelardes resteront longtemps beaucoup plus simples et modestes que dans le Haut-Pont. - 40 -

Pour terminer ce bref historique, il reste quelques mots à dire sur 1 'administration locale et la justice, ainsi que sur les corps de métiers représentatifs des faubourgs.

ADMINISTRATION LOCALE ET JUSTICE

Les connétables ont joué un rôle important jusqu 'à la prise de St Orner par les troupes de Louis XIV. Leur charge consis-, tait notamment à visiter les maisons, inspecter les armes, recenser les étrangers non bourgeois, ils étaient en possession de la liste des hommes enrôlés dans 1 'armée et étaient aussi chargés de réqui­ sitionner les chevaux en cas de besoin. Sous Louis XI, St Orner était dirigé par un magistrat et ses échevins et la ville était M. divisée en 14 sections ou connétablies. A la fin du XVIème siècle, il existait 16 connétablies ou capitaineries dont trois pour les faubourgs : 1 pour le Haut Pont, 1 pour Lyzel et 1 pour le quartier de la Poissonnerie avec à leur tête un fonctionnaire surveillant (1).

Quant à la justice, jusqu'à la révolution, elle fut rendue • par les Amans ou baillis civils (aman est dérivé du flamand Ampt : office et Man : homme, signifiant officier créé pour desservir la justice (1)). Les Amans existaient en grand nombre dans les villes de Flandre et des Pays Bas, mais ce terme désignait souvent des charges fort différentes selon les villes. A St Orner, 1'Aman était synonyme de bailli, du moins, dans les fiefs situés dans cette agglo­ mération et 1'officier investi de ce titre représentait le seigneur dans l'administration de la justice. Chaque tribunal composé de l'Aman et des échevins s'appelait Vierschaire, mot qui signifie assemblée de quatre personnes : l'Aman, le juge, le demandeur'et le défendeur. Parmi les amanies citons notamment :

(1) tiré de l'ouvrage "Les autorités locales jusqu'au XlVè siècle" de GIRY - 41 -

- les amanies ecclésiastiques dont la plus importante était celle de St Bertin dont Lyzel dépendait,

- 1 'amanie du Haut Pont qui fut rachetée en 1513 par Antoine de Berghes, abbé de St Bertin à Jean Bournel, Chevalier de Boncoud (1). Cette amanie constituait un fief qui relevait immédiatement du comte d'Artois et son possesseur pouvait prendre le titre de vicomte du Haut Pont comme le faisait le sieur de Boncoud.

Il existait une réglementation très précise en ce qui concerne la rémunération des Amans : "L'Aman du Haut Pont se faisait payer 12 deniers parisis par exploit fait dans l'intérieur de la ville et deux sous quand il devait le signifier hors des portes du Haut Pont et de Lyzel... Tout bateau chargé de sel arrivant au Haut Pont lui devait une "étouppe" ou petite pelle de bois remplie de sel sans que cette redevance augmentât lorsque le bâtiment venant de Dunkerque ou de Gravelines ne pouvait remonter de la rivière jusqu 'à St Orner et que le sel en avait dû être déchargé dans différents petits bateaux... Une sentence du bureau des finances de Lille du 29 novembre 1734 confirma ce dernier droit : quand un veuf ou une veuve voulait •se remarier dans le territoire de 1'amanie, on exigeait d'eux le serment de convenance, c'est à dire l'affirmation qu'ils avaient légitimement procédé au partage de la communauté avec les intéressés : pour ce serment 1 'Aman percevait 5 sols ou l'amende de 60 sous contre ceux qui s'étaient dispensés de ce serment" (extrait de PAGART D'HERMANSART) .

Il semblerait que l'Aman jouait à la fois le rôle d'huis-' sier de justice, de contrôleur des affaires maritimes et de notaire, et assurait le bon fonctionnement des réglementations en vigueur. Il faut remarquer que leurs prestations coûtaient moins cher pour les habitants des faubourgs extra muros, probablement moins aisés que ceux de la ville. Cependant, arbitrairement, elles n'étaient pas évaluées d'après les revenus des individus mais suivant leur appartenance ou non à la ville, ajoutons qu'en règle générale, les nantis vivaient à 1'intérieur de 1'enceinte.

(1) tiré de l'ouvrage "L'amanie du Haut Pont" de BLED. - 42 -

LES CORPS DE METIER REPRESENTATIFS DES FAUBOURGS

Lorsque les faubourgs Ste Croix, St Michel et celui de la porte Boulenisienne furent détruits, il semblerait que leurs habitants vinrent se loger dans le Haut Pont et Lyzel car les terrains et les locations étaient moins chers. Cependant, ces faubourgs, s'ils étaient populaires n'étaient pas pour autant déshérités puisqu'ils furent parfois rançonnés par des assiégeants, d'autre part lors de l'affaire de la mailles, c'est à dire le droit sur la bière, Charles le Téméraire condamna les habitants des faubourgs à une amende de 37 000 ryders d'argent. L'abbé DUSAUTOIR dans son ouvrage "Histoire des faubourgs de la ville de St Orner" mentionne également, awXVème siècle ', l'exis-. tence de maîtres-maraîchers ayant droit de porter une robe de drap comme les échevins dont la charge était de surveiller les pâtures communes, un autre contrôlait la gestion des connétables. Enfin d'après H. PIERS, au siège de 1638, Jean Vaneekhout maître ma­ raîcher, expert dans la connaissance des eaux et des digues ainsi que des passages les plus secrets des marais rendit des services importants aux audomarois par les renseignements qu 'il procura aux Espagnols qui étaient accourus pour délivrer la ville"... il fut recompensé par une pension de 1 000 livres et un brevet de capitaine du Haut Pont.

Chaque corps de métier avait un domaine bien déterminé, avec ses règles et ses coutumes : par exemple, lorsque le commerce du drap était florissant, c'est à dire avant que les impôts et les guerres aient fait fuir les fabricants, les courtiers en drap ne pouvaient en aucun cas être fabricants. A côté des courtiers, il existait d'autres intermédiaires ayant des fonctions très précises les deskerkeurs, broueteurs, opslares (qui effectuaient les trans­ ports en ville), les principaux étaient les opslares ou deskerkeurs de vin. Ils s'occupaient du déchargement du vin et de sa mise en cellier. Leur profession comme celle des courtiers était un office.

Tout ce monde fréquentait les quais et notamment ce­ lui du Haut Pont car presque toutes les marchandises arrivaient par bateau dont le monopole appartenait à la corporation des bate­ liers. Les services des mariniers étaient tarifés et les individus - 43 - qui leur confiaient des marchandises n 'étaient pas sans garantie contre eux. Ils étaient soumis à d'autres règlements notamment cnm ce qui concerne la sécurité de la ville : il était défendu d'amener des étrangers armés. D'autre part, dès que les bateaux étaient amarrés au quai, les mariniers devaient les faire décharger puis les conduire aussitôt hors de la ville. Enfin, il leur était éga­ lement défendu de couler au fond des bateaux inutilisés et d'en­ traver la navigation (1).

La réglementation s'étendait aussi à la construction des embarcations qui étaient fabriquées par la corporation des faiseurs de bateaux installés sur le quai du Haut Pont. Le magistrat sou­ mettait cette construction jusqu'à trois vérifications successives et. marquait d'un clou à tête portant la double croix des armoiries de la ville. Pour le fond des bateaux, les menuisiers ne devaient employer que du chêne pour une plus grande sécurité, l'apprentissa­ ge durait trois ans. Les bateaux se distinguaient d'après leur grandeur, il existait notamment : les yckinges,' bacoghes, bélandres et double bélandres.

Aussi, les bateliers qui conduisaient le plus petit bateau qui pouvait•contenir au maximum 3 tonneaux de vin, s'appelaient : scondinaires, les yckenaires tiraient leur nom de 1 ''yckinghe con­ tenant 6 tonneaux. Le bàcoghe était probablement 1'ancêtre du bacôve qui, actuellement, peut contenir 4 tonnes. Le bélandre était une sorte de péniche à fond plat muni d'une voile qui na­ viguait sur les rivières et les canaux. Le magistrat marquait ces bateaux d'une rose d'étain pour en constater la capacité (1).

Le premier service public connu, fut au XVème siècle, le bateau de marché ou marship, qui venait de Bergues à St Orner le samedi de chaque semaine apporter les denrées et marchandises que les habitants de Bergues voulaient vendre au marché de St Orner- et retournait chargé de marchandises achetées à ce marché pour Bergues. Ce service était confié à la corporation des bateliers et le magistrat se St Orner nommait ceux qui devaient le conduire

(1) tiré de l'ouvrage "Histoire de la ville de St Orner et de ses institutions jusqu'au XlVème siècle de GIRY.

(1) tiré de l'ouvrage "Histoire des faubourgs de la ville de St Orner de l'abbé DUSAUTOIR - 1925. - 44 - mais il n'était pas destiné au transport des voyageurs. Pour ceux- ci, un autre type de bateau leur était réservé, il s'agissait de la barque et plus tard, le carosse d'eau. (%).

St Orner connaissait un trafic important car c'était le lieu de passage obligatoire des voyageurs venant du Nord, de la Hollande, de 1'Angleterre soit vers Paris et les provinces méri­ dionales, soit vers la Flandre, le Hainaut, la Champagne et la Bour­ gogne. Les messageries se faisaient aussi par voie d'eau. Ajoutons que la rivière et le canal de 1 'Aa étaient les principales communi­ cations ouvertes aux transports venant de 1 'intérieur du pays vers Dunkerque. Le tableau ci-joint, donne 1'évolution des transports fluviaux des denrées et des voyageurs depuis le Xlllème siècle. Le commerce par eau fut très florissant jusqu'à 1'arrivée du chemin de fer au milieu du XIXème siècle.

(1) extrait de l'ouvrage "les Coches d'eau" de Justin de PAS. Afjfv£xe A. ÍJ Oí »-i CJ fn to •~i ^ • o <~i O q 3 •H x; QJ tu í> U •u U •u <¡¡ X q .5 3 3 m QJ ^ T3 "0 Ti ti 10 UH "~H 10 QJ QJ U •-i QJ ii 0) •QJ to •-i QJ q QJ i> u •H S QJ •u ro O -q q kj •^ O QJ •u •CJ QJ -u QJ tí 10 q 3 QJ QJ t> QJ •~i t-- U 3 OJ rti tn QJ to X] •M U to Tj •u •I-i Q) q "i ti QJ 0) X) q ftl 3 q i) uQJ •• O 'ÜJ •H Tj •M k •"S ü •~1 3 q q en QJ kl 'Qj •'oi t> 3 k| •u q O 0 • a, ÜJ 3 o k| u ki •uH •u QJ QJ λ to t! k| q <§ QJ o il 1 10 ü Q) 4J "f-l to q -3 O • 3 0 U QJ fc u. •o t) •u

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Après ces considérations, nous nous rendons compte que 1'histoire apporte peu d'éléments sur les habitants des faubourgs. Toutefois, leurs particularités par rapport à la ville de SAINT- OMER se détachent nettement et c'est souvent leurs différences gui sont retenues et développées. Il apparaît donc que les habitants des faubourgs avaient un mode de vie, une administration et une justice différents de la ville "intra-muros", que leur habitat était plus modeste qu'ils ne parlaient pas la même langue : pour les uns, . c'était le Flamand, pour les autres, le Français. Dans les faubourgs le Flamand fut parlé jusqu'à la fin du XIXe siècle, tandis qu'à SAINT-OMER son usagé était abandonné depuis des siècles. Cette pratique du Flamand était probablement due à 1'isolement "relatif" 1 dans lequel se trouvaient les habitants des faubourgs. Il facilitait également le marquage social, c'est-à-dire d'un côté les habitants de la ville, de 1'autre les habitants du faubourg. Toutefois, ces derniers parlaient aussi le français car toutes les transactions commerciales notamment la vente des légumes se faisait en français, de plus les enfants des faubourgs 1 'apprenaient en classe, mais pour tous ces in­ dividus et plus particulièrement les Lyzelards leur langue vernaculaire était le Flamand.'

On vantait aussi leur réputation d'ingéniosité et de courage. Tous ces facteurs singularisaient les habitants des fau­ bourgs et les marginalisaient, et l'opinion des Audomarois "intra- muros" au'sujet des habitants des faubourgs était restitué sous la plume d'écrivains locaux. Parmi la population des faubourgs, les plus méconnus étaient encore les maraîchers qui- n'ont jamais démenti les affirmations portées sur eux, car d'une part ce n'était pas l'objet de leurs préoccupations et d'autre part, beaucoup n'étaient pas assez érudits pour les contester, mais ils ont repris.cer- ~ r- taines affirmations à leur propre compte comme celle de leur origine par exemple.

A ce propos, une autre assertion fut aussi très controversée et l'est encore à ce jour, c'est celle de leur surnom les "Sarrasins". En effet, actuellement pour certains maraîchers le mot "Sarrasin" pourrait avoir deux origines tout à fait différentes : la première met en valeur le fait que SAINT-OMER a été pendant 150 ans sous la domination Espagnole, d'où le surnom Sarrasin, la deuxième porterait 1 'accent sur le fait que les maraîchers étaient durs à la besogne et étaient en même temps très économe, parfois même jusqu'à l'avarice, d'où le terme péjoratif de "Sarrasin". -•46 -

En fait, aucune explication n'est vraiment satisfaisante. Pour l'abbé DUSAUTOIR : "Sarrasin" terme affecté aux habitants de Lyzel, serait un sobriquet mérité jadis par les habitants des faubourgs affectant de vivre isolés des bourgeois de Saint-Omer qui leur en gardaient rancune (1). On se rend compte que "Sarrasin" n'était pas seulement affecté aux maraîchers mais à l'ensemble de la population Hautponnaise et Lyzelarde et le conflit entre ville et faubourg était toujours latent.

Pour COURTOIS, "Sarrasin", "était le surnom que la population wallonne de 1 'arrondissement donnait aux Flamands, aux Anglais et aux soldats de l'Espagne. C'est celui que portent encore les habitants de Guiñes qui ont été pendant deux siècles sous domination Anglaise, ceux d' et de Tournehem qui ont été sous celle des rois d'Espagne, voire même les Flamands des faubourgs de Lyzel et du Haut-Pont qui étaient traités de Sarrasins par les bourgeois de la ville à la suite de démêlés qu'ils avaient entre eux". (1).. Ceci ten­ drait à montrer que les rapports entre ces deux catégories de population n 'étaient pas toujours fameux et qu 'ils ne se consir- déraient pas comme issus d'un milieu identique. Les bourgeois voulaient, par la soi-disant différence d'origine, maintenir les clivages entre les deux populations. Cependant, en réponse, les gens des faubourgs appelaient les Audomarois,

L 'usage de ces sobriquets semble être relativement récent puisque dans les ouvrages datant du XVIIè siècle, le curé DENEUFVILLE ne les mentionne pas, pourtant il donne lui-aussi une image des deux faubourgs. Le Haut-Pont était "un peuple mêlé de Hautponnais véri­ tables, de bourgeois de la ville et d'étrangers qui viennent s'y établir. C'est pour cela que l'on y trouve des marchands comme dans la ville et tiennent compte des moeurs des bourgeois, on y voit de belles maisons bien meublées ; mais la langue dominante

(1) extrait de l'histoire des Faubourgs de là ville de St-Omer de l'abbé,DUSAUTOIR.

(2) extrait du Dictionnaire de l'Arrondissement de St-Omer avant 1789 de COURTOIS (1869) - 47 -

reste le flamand. Ceux gui sont véritablement Hautponnais, tous les faiseurs de bateaux et jardiniers gui s'y trouvent mêlés s'y distinguent suffisamment... Les Lisiares un peuple simple dans ses manières exempt de cet esprit gui met les hommes en mou­ vement, il aime sa religion et est dévot sans ostentation" (2).

Les faubourgs ne ressemblaient donc pas à la ville, mais selon DENEUFVILLE, ils avaient entre eux peu de points communs sauf en ce gui concerne la présence de jardiniers et c'est notamment 1 'étude des recensements gui pourra apporter des renseignements complémentaires au.sujet de Haut-Pont et de Lyzel depuis le milieu du XlXè siècle jusgu'à nos jours.

(1) extrait des Annales de la ville de St Orner - Tome II du curé DENEUFVILLE. - 48 -

LES RECENSEMENTS

Le choix de î'étude des recensements limitée aux seuls quar­ tiers du Haut Pont et de Lyzel a été fait en fonction de la forte implantation maraîchère dans ces deux faubourgs bien qu'il y ait des maraîchers depuis Clairmarais jusque Serques. Cette étude permet de faire le repérage des activités professionnelles des habitants et de suivre leur évolution dans le temps. De plus, ces deux sec­ teurs ont toujours eu des mentalités différentes : les Hautponnais se sont toujours considérés plus ou moins supérieurs aux Lyzelards, 1 'analyse de 1 'implantation des deux populations et des catégories socioprofessionnelles pourront fournir certains éléments de réponse.

Aussi, celles qui sont retenues sont celles des chefs de ménage (ou de famille) et ne correspondent' donc pas à tous les membres d'une même profession mais seulement au représentant de chaque famille. Ce n'est pas une étude exhaustive et quantitative mais plutôt une 'comparaison des métiers à des époques déterminées qui donne des informations sur les différences entre les faubourgs.

L'analyse des recensements porte sur les années 1846, 1872, 1921, 1946, 1968 alors que le projet initial était de suivre l'évo-. lution des ménages des deux faubourgs de génération en génération, c'est à dire par périodes de 20 à 30 ans environ sur le plan pro­ fessionnel. Ce projet n'a pu être mené à bien car les recensements entre 1885 et 1905 ne sont pas complets, de ce fait, 49 ans sépa- rent le recensement de 1872 de celui de 1921.

Précisons également le cas un peu spécial de la rue de la Poissonnerie, qui, au moyen âge, constituait un quartier bien par­ ticulier, indépendant du Haut Pont et de Lyzel. Celui-ci a été rattaché en partie au Haut Pont et a formé la rue de la Fraîche Poissonnerie et en partie à Lyzel sous le nom de Poissonnerie de Lyzel, répartition que l'on peut.constater pour le recensement de 1846. Seulement pour celui de 1872 et les suivants, même si dans les esprits et géographiquement cette séparation reste bien marquée par la rue de la Chapelle et la rivière de Stackelwaert, ces deux - 49 -

tronçons sont regroupés sous le vocable de rue de la Poissonnerie sans autre distinction. Aussi, dans les tableaux concernant la ré­ partition des ménages et de la population, celle-ci sera réintégrée par moitié pour les années 1872, 1921, 1946, 1968, peut-être arbi- triarement, dans chacun des faubourgs.

Nous allons à présent tenter de cerner tout d'abord, le dé­ veloppement topographique et 1 'urbanisation des faubourgs, puis l'évolution des structures démographiques notamment au niveau de la population (par rapport à la ville et entre le Haut Pont et Lyzel), et au niveau des ménages et de leur taille ; enfin de sai­ sir les transformations des catégories socio-professionnelles du­ rant les 120 ans quet couvrent les recensements, selon les grands secteurs économiques. V\ zY V -h&**•..••••" s—VA \ "-••••rtfiië^ - 50 -

EVOLUTION GEOGRAPHIQUE ET CREATION DE RUES

Dans les différents tableaux des recensements ci-joints, la répartition géographique par rue a été retenue comme critère car elle a joué un rôle important dans les diverses possibilités d'ex- tention de l'habitat et d'apport de population dans.les faubourgs notamment dans Lyzel. Chaque recensement tient compte du nombre de rues et de la répartition professionnelle par sexe des ménages. . Aussi, il s'agit dès maintenant de répondre à la question suivante : comment se sont développées la topographie et 1'urbanisation dans les faubourgs.?

Le Haut Pont

Lors du recensement de 1846, celui-ci était déjà composé de sept rues dont les deux artères principales étaient : la rue de Dunkerque, quartier du Haut Pont qui descendait tout droit du coeur de la ville vers le port. Il suffisait simplement de franchir la porte dite de Mathurin (porte du Haut Pont) pour pénétrer immmédia- tement dans le faubourg. Cette rue comprenait 196 familles et était certainement la plus vivante et la plus commerçante du quartier i r car elle longeait le quai. En face, de l'autre côté du canal, la rue des Faiseurs de Bateaux ainsi nommée car elle regroupa pendant longtemps les principaux membres de cette profession, totalisait 102 familles.Elle possédait certaines particularités dont voici quelques-unes : - son étroitesse la rendait peu accessible, - une de ses extrémités.-débouchait sur le marais, -elle comptait de nombreux maraîchers (28 familles), ceci était probablement dû à son implantation car si la façade des maisons s'ouvrait sur la rue et sur le canal de l'Aa, en revanche, l'ar-'. ...rière donnait sur la campagne et les champs; facteur qui favori- .'• sait, le maraîchage.

L'originalité du Haut Pont est que les rues s'allongeaient le long des deux rives de l'Aa, témoins la rue des Faiseurs de Bateaux, le Quai du Haut Pont et parallèlement la rue de la Faïen• cerie. Ce quartier était et reste fortement urbanisé, d'ailleurs 1'habitat en porte les marques : petites maisons serrées les unes - 51 - contre les autres, et bon nombre d 'exploitations maraîchères possèdent souvent des portes cochères en façade, pour assurer la liaison entre le marais gui s 'étend derrière les • maisons et la rue. Seul le Marais du Haut Pont mentionne que ce quartier a aussi un caractère maraîcher ou agricole et rappelle par ailleurs que de nombreux aménagements ont été faits par 1 'homme avantvgu 'il soit tel que nous le connaissons actuellement.

Au niveau des rues, le Haut 'Pont a peu changé au cours des 120 années, le cheminement des grandes artères n'a pas été modi­ fié, ni leur nom, excepté la rue de Dunkerque, Quartier du Haut Pont qui deviendra Quai du Haut Pont en 1872. Quelques impasses ont été rattachées aux rues plus importantes.

Les noms de rues rappellent aussi que ce quartier connut diverses activités qui furent assez florissantes pour transmettre leur identité à une voie de communication. Il s'agit par exemple 'de la rue de la Faïencerie où une fabrique de faience fut très prospère jusqu 'au XVIUè siècle/ La rue des Faiseurs de Bateaux regroupait les fabricants de barques et de bélandres et leurs cor- poràtions. En 1846, il existait encore de nombreux charpentiers de bateaux qui ne furent pas remplacés dans les générations suivantes.

Depuis 1846, spatialement le Haut Pont occupe donc un espace bien déterminé sans bouleversements notables et a peu évolué au point de vue géographique. Aussi, il semblerait que Lyzel n'ait pas eu tout à fait les mêmes caractéristiques.

Lyzel

Par rapport au Haut Pont,, Lyzel en 1846 faisait figure de piètre faubourg. En effet, il ne comportait que deux rues : la Poissonnerie de Lyzel et la rue Saint Martin. A cette époque, la gare qui allait se construire à l'entrée du faubourg n'était pas encore en cours de réalisation et n'attirait pas les cheminots. Unel-vingtaine. de familles éparses vivaient dans ce qui était appe­ lé le Marais de Lyzel. Ce quartier étaient profondément marqué par 1 'activité maraîchère. D'ailleurs, si les habitants de la rue Saint Martin étaient tous reliés par un chemin de .terre, ils 1 'étaient également par une voie d'eau, éléments qui les différen- - 52 - ciaient des habitants du Haut Pont. Lyzel avait un caractère beau­ coup plus rural : maisons plus espacées et plus disséminées reliées directement au marais par des canaux. Mais il semblerait qu'à cette époque, ce quartier ne demandait qu'à se développer.

Déjà, lors du recensement de 1872, deux nouvelles rues furent aménagées : la route de Clairmarais et la rue des Maraîchers. La première prolongeait la rue Saint Martin et menait directement.au village de Clairmarais (mais était encore desservie par eau). La seconde était parallèle à la rue Saint Martin et remontait jusqu'à l'entrée de la rue de la Poissonnerie, celle-ci s'est rapidement peuplée étant donné sa proximité à la fois de la ville et de la gare construite depuis 1848. La route de Clairmarais qui offrait de grandes possibilités et notamment un espace constructible important allait connaître au cours de ces cent dernières années un dévelop­ pement spectaculaire.

Il faut reconnaître que les possibilités de,peuplement étaient plus grandes dans Lyzel que dans le Haut Pont et les rues tracées au XIXème siècle offraient des facilités de construction que ne connaissait aucun quartier de la ville de Saint-Omer à l'époque. De plus 1 'implantation de la gare à proximité de Lyzel avait non seulement amené les employés de chemin de fer dans ce quartier mais avait nui à l'activité du canal. Les transports de voyageurs et de marchandises par train étaient plus rapides que par bateau.

• En fait, Lyzel est un quartier qui en 120 ans a beaucoup bougé surtout par rapport au Haut Pont et même au reste de la ville. Régu­ lièrement, le développement d'accès terrestres .a_ favorisé l'implan­ tation, de population • et la possibilité de construire de nouveaux logements. Par son caractère exclusivement maraîcher ce processus a été long à se' mettre en marche, de plus les terres basses de ce quartier-étaient davantage mises en valeur par le ma­ raîchage plutôt que par la construction de maisons. - 53 -

C'est un quartier gui, en un siècle, a connu une sorte de "boom" démographique. Les nouvelles habitations ont modifié la physionomie de ce faubourg et la population a changé peu à peu. Cette dernière aux3/4 maraîchère est devenue beaucoup plus éclec­ tique au point de vue des professions. Lyzel s'est donc agrandi ra- dement, ceci est probablement dû à la création de la gare qui fut un facteur déterminant pour son accroissement et c 'est un quartier qui à la fin du XlXè siècle et au début du XXè a su garder les jeunes attirés par la possibilité d'habiter un quartier en plein essor, à proximité de la ville et de rester proches de leurs attaches familiales.pour la plupart.d'entre eux.

Les deux faubourgs manifestement n 'ont pas évolué géographi- quement de la même manière mais ils présentaient déjà en 1846 de grandes différences. Le Haut Pont se composait de 7 rues jbien, en place qui n 'ont pas subies de modifications importantes tandis que Lyzel avec ses 2 rues ne demandait qu'à s'étendre, projet qui fut favorisé par la création de la gare qui ouvrit de nouvelles pers­ pectives d'extension de ce quartier.et qui sut en profiter pendant quelques années.

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EVOLUTION DES STRUCTURES DEMOGRAPHIQUES

Le tableau ci-dessous donne les résultats globaux retraçant 1'évolution de la population de Saint-Omer, des deux faubourgs, « du Haut Pont et de Lyzel : Evolution de la population totale de St Orner et des faubourgs

Années Saint. Orner Faubourgs Haut Pont Lyzel Pop.tot. Progr. Pop.tot. Progr. Pop.tot. Progr. Pop.tot. Progr.

1846 17 796 2 984 2 228 755 + 11599 + 431 + 102 + 330 1872. 19Í395 3 415 • 2 330 1 085 309 + 142 - 248 + 390 1921 19 086 3 557 2 082 1 475 - 1 385 + 17 - 28 + 45 1946 17 701 3 574 2 054 1 520 + 286 - 404 - 325 - 79 1968 17.987 3 170 1 729 1 441

Entre 1846 et 1872, la population totale de la ville de Saint Orner grossissait de 1 599 personnes (soit 8,2 % en plus)•et passait de 17 796 à 19 395 personnes. En fait, en 120 années environ, c'est le seul accroissement de population important que la ville ait connu..C'était aussi une époque où les habitants des villages envi­ ronnants trouvaient facilement un logêmênttet..uh remploi dans n'im­ porte quelle branche du secteur primaire ou secondaire, la spéciali­ sation étant peu poussée. Puis, entre 1872 et 1921, en 49 ans, cette population a stagné et a même connu une légère baisse (-0309 person­ nes, soit - 1,6 %). Le taux des naissances et des migrants n'a pro-, bablement pas réussi à dépasser le taux de mortalité occasionné par la guerre de 1914-1918.

Cette diminution s'est. accentuée nettement entre 1921 et 1946, en 25 ans la ville perd 7,3 % de sa population (1 385 personnes). Cette désaffection est peut être due à la réduction de l'espace constructible, à la rareté et à la chêreté du terrain. En effet, à Saint Orner, les endroits non bâtis se réduisent de plus en plus car la seule possibilité pour la ville de s'étendre, c'est de cons­ truire vers le Nord, c'est à dire dans le Marais Communal,-or ces terres étaient et sont encore réservées à la culture maraîchère. - 55 -

De ce fait, les individus ont préféré quitter Saint Orner pour une ville voisine et certains ont peut être cherché à se rapprocher de leur lieu de travail notamment fèlaverrerie gui commençait à drainer une population importante d'où accroissement notable des villes d'Argués, Blendecgues, Longuenesse au niveau population. Aussi, entre 1946 et 1968, la population reste stable, elle se régénère et à une légère tendance à s'accroître. La hausse du niveau de vie pendant cette période a peut-être favorisé 1 'implan­ tation de nouvelles catégories sociales : classes moyennes et su­ périeures attirées par les charmes d'une ville ancienne et bour­ geoise.

La population totale des faubourgs a évolué de façon diffé­ rente. En 1846, elle représentait 16,8 % de la population totale de la ville, soit 2 984 personnes, ce qui ne paraît pas très im­ portant par rapport au reste de la ville (83,2 %). Lors du recen­ sement suivant, en 1872, elle s'était accrue,de 431 individus pour un totalZde 3 415 (soit 12,6 % en plus). La population des fau­ bourgs représentait à ce moment 17,6 %, en 26 ans, il y a donc eu une augmentation de près d'un point en pourcentage. Il faut aussi constater que les faubourgs croissaient plus vite que 1 'ensemble de la population audomaroise. 49 ans.- plus tard, les faubourgs ras­ semblaient 18,6 % de la population totale de Saint Orner qui, nous 1'avons vu précédemment, amorçait une phase de régression démogra­ phique. Au contraire, les faubourgs continuaient de croître et l'effectif passait de 3 415 à 3 557,-soit 142 personnes en plus (4 %) . Ajoutons que cette croissance est nettement moins rapide que celle qui précède (12,6 %) pour un laps de temps deux fois plus long.

En 1946, la population des faubourgs se mit à stagner tandis que la population totale de la ville connaissait la baisse la plus forte qui était peut-être due en partie à la guerre et aussi aux prix elevé des logements. En 1968, les faubourgs amorcent une phase de régression de 404 personnes alors qu 'en contrepartie Saint Orner s'accroît de 286 habitants, première croissance posi­ tive depuis 1872 pour 1 ensemble de la cité y compris les faubourgs. On peut estimer qu'une partie des habitants du Haut Pont et de Lyzel se sont établis ailleurs dans la ville tandis que les autres ont - 56 - choisi de partir dans un autre bourg. Cependant, pour comprendre ce processus tout à fait différent de celui de la population totale, de Saint Orner, il est nécessaire d'étudier plus précisément et sé­ parément la trajectoire des deux faubourgs ce gui permettra de four­ nir certaines explications relatives à 1 'évolution des faubourgs.

En effet, en 1846 le Haut Pont était déjà un quartier important gui comprenait 2 228 habitants et représentait 74,4 % de la popula­ tion des faubourgs. Lyzel par contre, était,numériquement plus réduit avec ses 755 personnes (soit 25,6 %). En fait, le Haut Pont était un quartier solidement implanté avec le canal gui le traverse, la route menant à Dunkergue qui le longe, il a toujours offert de gran­ des facilités d'implantation et des services de tous ordres. A-l'op­ posé, Lyzel était un faubourg peu structuré, on y trouvait peu de commodités : il n'existait que deux rues peu commerçantes. En dehors du maraîchage ce quartier n'avait rien d'attrayant pour les gens de la ville et ne constituait pas un lieu de passage puisqu'il se situait à 1 'une des extrémités de la ville, noyé dans les marais, alors que le Haut Pont représentait un noeud de communication tant pour le transport fluvial que routier.

Seulement; en 1872 cette situation se transformait. En effet, si le Haut Pont croissait de 102 personnes et passait à 2 330, simul­ tanément Lyzel passait de 755 à 1 085, soit 330 personnes en plus, presqu'un tiers, le rapport de force entre les deux faubourgs évoluait?: et la population du Haut Pont ne représentait plus que les 2/3 envi­ ron de la population deuces quartiers. Ce "boom" dans Lyzel devait avoir un rapport direct avec la création de la gare. Cet afflux de personnes, comme nous 1 'avons vu précédemment, avait favorisé . la création de rues ainsi que la construction de logements pour les employés de chemin de fer.

Puis entre- 1872 et 1921, la population de Lyzel s'accrut encore de 390 personnes (soit 26,4 % en plus) et totalisait alors 1 475 habitants. En 49 années, la croissance démographique était moins forte que précédemment mais elle était positive alors que la ville de Saint Orner et le Haut Pont perdaient tous deux des effectifs, notamment - 248 pour le second. Cette augmentation - 57 - rapide de la population n'était pas seulement due à la création de nouvelles rues dans Lyzel mais les possibilités de peuplement •- étaient plus nombreuses dans ce quartier que dans le Haut Pont et les rues tracées au XIXème siècle permettaient 1 'élaboration de constructions que ne connaissait aucun quartier de la ville. De plus, 1 'implantation de la gare avait non seulement amené les em­ ployés de chemin de fer dans Lyzel mais avait nui:à 1'activité du canal, les transports de voyageurs étaient plus rapides que par bateau.

Entre 1921 et 1946, on n'assiste pas à de grands boulever­ sements. A cette époque, la population stagne, le Haut Pont perd . encore 28 personnes tandis que Lyzel en gagne 45. Seulement, petit à petit, l'écart entre les deux faubourgs s'amenuise. La population du Haut Pont représente alors 57,4 % et Lyzel 42,6, celle-ci semble se stabiliser, il n'y a plus de changements notables capables de favoriser 1 'extension de 1'un ou 1'autre faubourg. Cependant Lyzel connaissait encore un léger accroissement d'effectifs qui était probablement dû à une natalité plus forte dans Lyzel que dans lé Haut Pont étant donné la possibilité offerte à de jeunes couples de s 'implanter plus facilement dans Lyzel par le biais de la cons­ truction de logements neufs.

Puis, entre 1946 et 1968, les deux faubourgs semblent boudés et tout particulièrement celui du Haut Pont qui perd 325 personnes contre 79 pour Lyzel. C'est la première fois que ces deux quartiers pris 'ensemble ne s'accroissent plus; Cette désaffection est peut être due aux avantages offerts par 1'édification de logements dans• les villes ou villages proches des faubourgs comme Arques ou Clair- marais notamment. De plus, certaines habitations et surtout celles du Haut Pont étaient considérées comme insalubres ou sous-équipées, facteurs qui ne favorisent pas l'implantation de jeunes qui pré­ fèrent s'installer ailleurs dans de meilleures conditions et béné­ ficier ainsi d'avantagés sociaux. De ce fait, ces maisons sont le plus souvent occupées par des retraités moins soucieux du confort et désireux de rester dans un quartier qui les avait vus naître^

L 'analyse de l'évolution des ménages pourra fournir d 'autres précisions quant à la population des'faubourgs.

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Evolution des ménages

Il semblerait que les ménages n'aient pas évolué de la même manière dans les deux faubourgs. En effet, le tableau ci-dessous nous donne des résultats tout à fait dissemblables.

Evolution des ménages des faubourgs

Haut Pont Lyzel Total Années Ménages Progr. Ménages Progr. Ménages

1846 508 175 683 + 27 + :• 81 1872, 535 256 791 + -34 + 157 1921 565, 413 978 '+ 66 + 58 1946 635 471 1 106 - 87 + 49 1968 •548 520 1 068

Ce gui apparaît immédiatement après la lecture du tableau, en dépit de la baisse de population, c'est la croissance constante du nombre totalJdesrménages et surtout de ceux de Lyzel tandis que le Haut Pont après une progression positive opère une chute brutale de 87 ménages, entre 1946 et 1968 et passe de 635 ménages à 548.

D'une part, le nombre de ménages évolue en fonction de la population et suitcles mêmes variations. En effet, en 1846, on trouve trois fois plus de ménages dans le Haut Pont que dans Lyzel, 26 an­ nées plus tard, le premier ne représente plus que le double, 1'écart se rétrécit pour arriver enfin à un presqu'équilibre en 1968 (548 ménages pour le Haut Pont pour 520 dans Lyzel). Le mode ou le nombre de ménages le plus élevé pour chaque quartier est différent, le Haut Pont connut le plus grand nombre lors du recensement de 1946 et Lyzel en 1968, ce qui voudrait dire que la régression des effectifs n 'empêche pas le nombre de ménages d 'augmenter d'où réduction de la taille des ménages.

D'autre part, il faut aussi constater que l'évolution des mé­ nages .est. plus rapide que celle de la population. Dans le Haut Pont, elle baisse à.partir de 1872 tandis que les ménages augmentent ré­ gulièrement jusqu'en 1946. Cependant, le recul des ménages entre 1946 et 1968 correspond à une diminution importante de la population mhit\t T á lili $ m sip,i. l - 59 -

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Pour Lyzel, la distribution est différente. En effet, on constate I entre 1846 et 1921 une progression de 238 ménages, soit près de 80 ménages en plus par tranche de 25 ans,c'est à dire trois générations. Celle-ci correspond à la montée massive de la population des fau­ bourgs. Par la suite, les ménages progressent encore, mais moins rapidement : + 58 ménages (entre 1921 et 1946), + 49 (entre 1946 et 1968) alors que pour cette période la population diminue. Pour ex­ pliquer ce phénomène qui apparaît aussi dans le Haut Pont, en l'occu-. rence régression de la population et augmentation des ménages, il faut examiner de plus près la taille de ceux-ci. c

Taille des ménages •

Taille des ménages des faubourgs

Moyenne g3-^ Années Haut Pont Lyzel Ensemble en France

1846 4,39 4,31 4,37 - 1872 4,36 4,23 4,32 3,80 1921 3,66 3,57 3,62 3,31 1946 3,23 3,23 3,23 3,13 1968 3,15 2,77 2,96 3,10

Il n'existe pas de moyenne générale en France pour le recense- ment de 1846, de plus, à cette époque le terme de ménage est impropre, il faudrait plutôt parler de familier- car la notion de ménage n'appa­ raîtra qu'ensuite. Rappelons également que pour les années 1846 et • 1872 principalement, le chef de "ménage" était le plus ancien de la famille car,yen.général, plusieurs générations cohabitaient.et for­ maient la famille élargie. De ce fait, la taille des ménages des fau­ bourgs était supérieure à la moyenne nationale, mais il y avait peu de différence entre le Haut Pont et Lyzel.

Vers 1921, celle-ci diminue et se rapproche de la moyenne française (3,62 pour les faubourgs et 3,31 pour la France). Il sem­ blerait que 1 'on évolue petit à petit vers la famille nucléaire, en outre, le chef de ménage n 'est plus obligatoirement le plus âgé, mais celui qui a à sa charge femme et enfants et parfois les aïeuls. La taille des ménages des faubourgs reste toujours à la moyenne nationale mais s'amenuise régulièrement pour arriver à un chiffre inférieur en - 60 - en 1968 : 2,96 pour les faubourgs ,et 3,10 pour la France. Le Haut Pont serait dans la norme avec 3,15 mais Lyzel a un taux inférieur avec 2,77. Ce dernier est probablement dû à la présence d'un.grand nombre de retraités et de femmes seules (veuves ou célibataires) dans ce quartier, témoins que la population a vieilli et ne s'est pas renouvelée.

En fait, cette diminution de la taille des ménages n'est pas « seulement 1 'apanage des faubourgs, c'est un fait généralisé en France dû au passage de la famille comprenant plusieurs cellules sous un même toit (au moins trois) à la famille nucléaire (parents-enfants) ainsi qu'à la baisse du taux dé natalité. Ajoutons que le phénomène de cohabitation reste plus longtemps vivace dans les familles paysan­ nes que chez les autres car il correspond mieux au mode de vie des individus rassemblés au coeur, d'une même unité qu'est l'exploitation familiale et peut s 'appliquer au cas des maraîchers.

Les faubourgs ont donc connu un développement assez remarquable au XIXème siècle grâce au "boom" de Lyzel, quartier qui a connu un certain engouement pendant une centaine d 'années et s 'est mis à stagner depuis quelques années d'où maintien de la population des faubourgs puis régression. La ville de Saint Orner (les faubourgs compris) a également augmenté fortement au siècle dernier puis a connu une phase descendante à partir de 1921. Cependant, il existe une diffé­ rence entre 1 'évolution de la population de la ville et celle des tfaubourgs depuis 1946, la ville a légèrement grossi tandis que les faubourgs connaissent une désaffection pour les raisons que nous avons déjà expliquées.

Quant aux ménages, leur nombre s'accroît régulièrement jusqu'en 1946 et culmine à cette époque puis régresse. Par contre, leur taille diminue, ceci est dû au vieillissement de la population, à la baissé du nombre des maraîchers et aussi à leur changement de situation. Certains ont abandonné la profession et sont devenus employés ou bien ouvriers. L'éclatement de cette structure sociale ne favorise plus la famille étendue. Lorsque le lien que constituait la terre comme source de travail, partagé.entre.plusieurs générations dis­ paraît, la cohabitation n'a plus de raison d'être. Les éléments de la famille ne puisent plus leurs ressources au même endroit, ne vivent plus dans une autarcie relative et préfèrent chercher ailleurs biens et services. M VOMiVOn o-> O «c ' ir> Oí (N EH ai in fn O vo *a> O O O r^ oo O O »H »1 in to »i «Hl •8H V0 »i EH to u i i ~< i I I I tN *H fM I »H »H »H vo I I I

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LES CATEGORIES SOCIO-PROFESSIONNELLES DES FAUBOURGS

Généralités sur les catégories socio-professionnelles

Lors du recensement de 1846, les professions les plus représen­ tées dans les faubourgs étaient les familles de jardiniers (36 %), les familles de commerçants et artisans (21,1 %) et les familles d'ouvriers (17,4 %). Plus de la moitié des chefs de famille étaient des travailleurs indépendants : jardiniers, artisans, commerçants..., les autres étaient salariés. Cependant, trois catégories ne vivaient pas du fruit de leur travail, il s 'agissait tout d'abord des propriétaires et des rentiers gui devaient disposer de revenus confortables et les sans profession, catégorie- surtout composée de femmes gui devaient se classer parmi les plus défavorisés.

Le Haut Pont, à cette époque, n'avait déjà plus un caractère spécifiguement maraîcher puisgue les professions les plus représen­ tatives de ce quartier en dehors des jardiniers (28 %) étaient les commerçants et artisans (24,6 %) et les ouvriers (21,7 %) . Cette clas­ sification met en valeur 1 'ambivalence de ce faubourg : d 'un côté, les travailleurs de la terre (jardiniers et dans une moindre mesure journaliers), de l'autre, tout ce peuple qui vivait des échanges dûs au trafic fluvial et au regroupement de population sur les berges de l'Aa, notamment: les charpentiers de bateaux, cordiers, charretiers cabaretiers.

Par rapport au Haut Pont, Lyzel n'était gu'un petit faubourg peu développé, beaucoup moins ouvert sur 1 'extérieur, ayant une vo­ cation maraîchère pour les 3/4 des familles. L'éventail des C.S.P. (1) était nettement plus réduit gue dans le Haut Pont, on ne trouvait d'ailleurs gue 8 catégories, professionnelles sur les 12 répertoriées. Les agriculteurs, propriétaires, fonctionnaires et professions di­ verses n'étaient pas représentés et.ce guartier n'attirait pas telle­ ment les artisans, ni les commerçants. Les deux guartiers étaient donc à cette époque, tout à fait dissemblables.

En 1872, les métiers'les mieux représentés étaient toujours les mêmes, mais les jardiniers amorçaient déjà une première régres-

(iy C.S.P. : Catégorie socio-professionnelle - 62 - sion ainsi que les commerçants, artisans et ouvriers. Rappelons que ce recensement a été effectué au lendemain de la guerre de 1870 et que 1 'activité économique ne devait pas être à son maximum. Pourtant, le poids des professions était sensiblement identique à celui du recensement, précédent. Une nouvelle C.S.P. faisait une ti­ mide apparition, celle des employés (1,8 % des ménages), cette caté­ gorie était surtout composée d 'employés de chemin de fer. •

« Dans le Haut Pont, on constatait peu de changements notables en ce qui concerne ces métiers excepté les jardiniers qui perdaient leur première place au profit des commerçants et artisans, leur im­ portance semblait décroître dans ce quartier. Dans Lyzel, le nombre de ménages augmentait '.rapidement (256 au lieu de 75) et la population s'était accrue de 300 personnes. L'installation de la gare fut certainement un élément stimulateur favorisant 1 'extension progres­ sive de ce quartier. Les•jardiniers constituaient toujours la profession la mieux représentée mais reculaient en pourcentage (49,5 % au lieu de 59,4). D'autres professions comme celles des commerçants, artisans et ouvriers s 'accroissaient dans le même temps tandis que certaines n 'apparaissaient pas encore.

En 1921, on assistait à la progression de certaines C.S.P. dont celle des jardiniers (31,2 % au lieu de 29,2 % en 1872) ce qui peut sembler surprenant.cilsiréprenaient la première place et ga­ gnaient même 2 points. Leur retour en tête était peut être dû à la reprise un peu lente de l'économie et de 1 'industrie après la guerre de 1914-1918. Cependant, depuis 1872, 1 'industrie avait fait de grands pas puisque les ménages ouvriers représentaient 22,1 % au lieu de 15,8 %. Par contre, le nombre et le pourcentage des professions industrielles et commerciales (P.I.C.) avait fortement baissé (15,9 % au lieu de 24,1), certains commerces n'avaient pas eu la possibilité de se relever après la guerre. Avcette époque, les propriétaires avaient définitivement disparu alors qu 'une nouvelle catégorie appa­ raissait, elle regroupait les professions libérales (P.L.) et les cadres alors peu nombreux. On trouvait quand même un architecte, un industriel, un directeur d'école et quelques instituteurs.

Dans le Haut Pont les ménages jardiniers et ouvriers avaient gagné des points : 6 pour les premiers et 7 pour les seconds tandis que les professions industrielles et commerciales perdàient-11 points. - 63 -

Il semblerait que, pendant cette période, les jardiniers connurent un regain d'activité gui est peut-être lié aux conditions de 1'aptes guerre et à la chéreté des denrées qui maintint en place les membres de la profession.

Lyzel opérait un processus identique c'est à dire une augmen­ tation du nombre des ménages de jardiniers mais ceux-ci croissaient moins vite que les ménages ouvriers et employés qui faisaient un bond de 12,9 % à 18,9 % pour les premiers et de 1,2 % à 14,3'.%'pour les seconds. Ajoutons que bon nombre des employés travaillait au chemin de fer d'où l'essor rapide de cette C.S.P. En effet, l'ancien­ ne gare bâtie en 1848 avait été jugée trop petite, elle fut démolie et un~ nouvel.!édifice plus spacieux fut reconstruit en 1905. Le train était largement utilisé pour le-transport de personnes mais aussi et surtout pour les marchandises, notamment en ce qui concerne 1 'expédition de légumes ce qui nécessitait la mise en place d'un personnel nombreux qui logeait à proximité de la gare.

Enf 1946, les ménages ouvriers (24 %) prirent le pas sur les ménages jardiniers (19,2 %) qui accusaient une baisse de 12 points et amorçaient une régression qui semblait irrémédiable face à la poussée de l'industrialisation et au caractère trop aléatoire de la profession de jardinier .- maladie du chou fleur, mévente, mauvaises conditions climatiques. Simultanément, deux autres catégories se met­ taient à progresser, il s 'agissait des ménages sans profession et celle des retraités qui composaient une part importante de la popu­ lation non active des faubourgs, ceci était le premier indicateur du vieillissement de la population des faubourgs.

La population du Haut Pont avait tendance à devenir davantage ouvrière (29,8 %}de ménages ouvriers) suivie de loin par les maraî• chers qui furent à leur pourcentage le plus bas (16,8 %). Dans Lyzel, contrairement au Haut Pont, les ménages jardiniers occupaient tou­ jours ùne~place prépondérante (22,3 %) mais l'écart s'amenuisait entre les jardiniers et les ouvriers. En outre, les écarts entre cer­ taines catégories étaient minimes notamment entre les ouvriers, sans profession, commerçants et artisans. D'autre part, on constatait un phénomène identique à celui du Haut Pont : la brusque montée des sans profession, catégorie principalement composée de femmes (veuves ou célibataires). La guerre 1939-1945 ne devait pas être étrangère à cette progression. - 64 -

En 1968, la suprématie des ménages ouvriers est remplacée par celle des retraités et des sans profession gui totalisent 33,3 % des ménages, soit le 1/3 de ceux-ci. On peut alors parler du vieillissement de la population des faubourgs gui avait déjà pris naissance lors du recensement de 1946. Les ouvriers arrivent en seconde position et sont en baisse. Quant aux maraîchers, ils représentent encore 18 % et n'ont perdu gu'un point par rapport au précédent recensement. Cette profession semble se stabiliser « et avoir passé le cap le plus difficile : adaptation aux nouvelles technigues de culture et mécanisation.Il est aussi intéressant de constater que les deux faubourgs sont arrivés au même stade : 17,9 % de maraîchers dans le Haut Pont et 18,1 % dans Lyzel.

Progressivement, au cours des 120 années, Lyzel a perdu sa spécificité maraîchère. La mise en place de moyens de communication (routes, chemins remembrés) a attiré toute une population non ma­ raîchère d'où diversification des professions et équilibre entre les deux faubourgs car le Haut Pont connaissait déjà une certaine stabilité dans la répartition des métiers dans •'. toutes - les CS.P. depuis de nombreuses années. - 65 -

EVOLUTION DES CATEGORIES SOCIO-PROFESSIONNELLES

Les CS.P. ont été regroupées suivant les grands secteurs de 1'activité économique : s - le secteur primaire qui comprend les agriculteurs, les jardiniers, les journaliers et les propriétaires, - le secteur secondaire comporte les commerçants et artisans et les ouvriers, - le secteur tertiaire réunit les professions libérales et les cadres supérieurs et moyens (C.S.,C.M.), - enfin il était '.indispensable d'ajouter une autre catégorie rassemblant les retraités et rentiers, les sans profession sous le vocable de chefs de ménage inactifs. i En outre, .un dernier chapitre est consacré aux femmes chefs de ménage.

LE SECTEUR PRIMAIRE

Les agriculteurs

Dans les recensements, ils se répartissent comme suit :

-15 ménages agriculteurs en 1846, soit 2,2 % - 58 en 1872, soit 7,3 % - 10 en 1921, soit 1,0 % - 13 en 1946, 'soit 1,1 % en 1968, soit 0,8 %

C'est une catégorie difficile à cerner surtout au siècle dernier. Il était certainement plus valorisant, pour les exploitants de la terre de se déclarer agriculteurs que jardiniers. De plus, lès cul­ tures étaient davantage polyvalentes qu'aujourd 'hui et on peut se demander où était la frontière entre agriculteur et jardinier jusqu'au début du XXème siècle ? A cette époque, le .'cultivateur ex­ ploitait de petites superficies, plantait des légumes pour lui-même et sa famille, élevait quelques vaches, cochons, volailles pour sa propre consommation et pour la vente. Le jardinier suivait à peu près le même modèle quoique la surface des terres était plus réduite, mais il semait aussi blé et avoine, cultivait des petits légumes et éle- . vait lui aussi des,animaux dans un but identique à celui du cultiva- - 66 -

teur. Cependant, cette catégorie a toujours comporté peu d 'effectifs dans les deux faubourgs, les terres ayant de tous temps, été vouées au maraîchage.

On peut noter lors du recensement de 1872, la présence de 58 agriculteurs, nombre gui ne fut jamais égalée Au sortir de la guerre de 1870, certains avaient peut-être modifié leurs cultures en cultures vivrières qui, en ces temps troublés, allaient se vendre mieux et permettaient de nourrir la population des villes.

En ce gui concerne les exploitations agricoles, quelques unes sont implantées depuis toujours dans le Haut Pont. Ceci tient proba­ blement au caractère plus diversifié et plus avancé de ce faubourg, surtout au XIXème siècle. Cependant, depuis quelques années, leur nombre s 'amenuise (5 en 1968) dû à la régression constante des mem­ bres du secteur primaire, fait généralisé en France.

Lyzel n 'a, pour ainsi dire, pas eu cette tendance à 1 'agricul­ ture mais en revanche a toujours privilégié le maraîchage. On rele­ vait très peu d'agriculteurs sauf en 1872 (13 chefs de ménages) mais pendant,d'autres périodes comme^ en 1846 et 1921, ils n'étaient pas représentés.

En réalité, les deux faubourgs se prêtaient peu à 1'agricul­ ture en raison des dangers fréquents d'inondation, de la qualité de la terre et de la vocation maraîchère des deux quartiers. Le nombre plus important de cultivateurs dans le Haut Pont tient peut- être au fait que certaines terres étaient plus accessibles que dans ' Lyzel. /Wine ^ , jü ;!i¿iiii¡lSjii|íÍiil¡!í SÉIMÉ - 67 -

Les jardiniers ou maraîchers

C'est une catégorie sociale gui a évolué parallèlement à celle de l'ensemble des agriculteurs c'est à dire qu'elle est en régression mais elle a tendance à se stabiliser depuis quelques années et les chiffres le prouvent. :

1846, 246 chefs de ménage jardiniers, soit 36 % des faubourgs, 1872, 231 " " " " soit 29,2 % 1921, 306 " ". " "" ' soit 31,2 %• " 1946, 212 " " " " soit 19,2 % 1968, 192 " " " " soit 18,0 % i

Si l'on étudie tout d'abord les résultats en valeur absolue, on constate la baisse du nombre des maraîchers. En 120 ans environ, 54 chefs de famille auraient abandonné la profession, ce qui ne semble pas énorme compte tenu des bouleversements technologiques et des changements de la structure familiale surtout en milieu agricole. Celle-ci fut longtemps préservée mais a connu de nombreuses modifica­ tions depuis les.années 50.

Il faut aussi noter la recrudescence des jardiniers lors du recensement de 1921 : 306 chefs de ménage au lieu de 231 en 1872. A ice-propos,. diverses hypothèses pourront être soulevées : à la fin de la guerre de 1914-1918 qui fut meurtrière, l'épouse devenue veuve fut peut-être contrainte de maintenir 1 'exploitation ou bien celle-ci - fut reprise.par les parents qui se trouvèrent dans l'obligation d'as­ surer la subsistance de la famille. Dans.un autre ordre d'idées, les hommes, ~au .retour de la guerre, ont préféré reprendre l'activité ma­ raîchère, solution qui leur permettait d'attendre quelques années avant de quitter la terre pour choisir un emploi salarié lorsque 1 'activité économique serait relancée et que ,2'industrie chercherait à nouveau des bras.

La lecture des pourcentages donne une autre vision des résultats. Si, en valeur absolue, la régression des jardiniers n'est pas très marquée, au niveau des pourcentages, on passe en 120 années de 36 % à 18 %, soit 18 points en moins. Petit à petit, les jardiniers ne. pèsent plus le'même poids dans les faubourgs. iJb représentaient plus dû 1/3 en 1846, ils ne sont plus que le cinquième en 1968. D'autres - 68 - professions ont pris le relais et certaines ont même absorbé quel- y gués maraîchers. Ajoutons que, parmi les actifs, ils occupent en-' core la deuxième position suivant de près la C.S.P. des ouvriers, lors du recensement de 12b8, ce qui tend à monter la place prépon­ dérante qu'ils ont gardé au sein des faubourgs.

Le Haut Pont

Il faudrait certainement remonter très loin dans le temps « pour que ce faubourg ait un caractère principalement maraîcher. En effet, l'influence du port et sa situation privilégiée par rap­ port à la ville ont dû contribuer au développement rapide d'activités annexes. De ce fait, bien qu'en 1846, les jardiniers occupaient la'première place au niveau des C.S.P., d'autres professions telles que commerçants, artisans et ouvriers étaient aussi fortement re­ présentées. Cependant, en 120 ans, les jardiniers n'ont pas beau­ coup régressé dans ce quartier et actuellement, ils semblent se maintenir.

1846, 142 chefs de ménage jardiniers, soit 28,0 % 1872, 104 soit 19,4 % 1921, 147 soit 25,8 % 1946, 107 soit 16,8 % 1968, 98 soit 17,9 %

Excepté en 1921, pour des raisons que nous avons déjà tenté d'expliquer, le taux de jardiniers décroît régulièrement jusqu 'en 1946 puis remonte légèrement (plus d'un point) en 1968. Ceci peut s'expliquer- par le fait qu'un certain équilibre fut atteint très tôt dans le Haut Pont pour les raisons suivantes : les principales voies de communication étaient tracées de puis longtemps, le port fluvial attirait de nombreux marchands, voyageurs et offrait du travail à toute sorte de catégories professionnelles. Aussi, il faut souligner l'ambivalence de ce faubourg dont les.caractéris­ tiques étaient à la fois maraîchère et portuaire. Il n 'est donc pas surprenant que les jardiniers du Haut Pont; solidement implantés, aient relativement peu régressé par rapport à ceux de Lyzel. - 69 -

Lyzel

La trajectoire des maraîchers a été totalement différente dans Lyzel-et a été vécue de manière fort dissemblable.

1846, 104 chefs de ménage jardiniers, soit 59,4 % 1872, 127 " " " " soit 49,6' % 1921, 159 " " " " soit 38,5 % 1946, 105 " " " " soit 22,3 % 1968, 94 " " " ". soit 18,1 %

Il faut noter tout d'abord que le nombre de chefs de ménage jardiniers croît jusqu'au recensement de 1921 puis se met à régresser .entre 1921 et 1946 et diminue encore en 1968. En effet, dans ce quar­ tier, cette profession semble connaître une désaffection tardive alors qu 'il y a eu jusqu 'en 1921 une reproduction de celle-ci et même un accroissement des effectifs.

Il semblerait donc que Lyzel ait offert pendant longtemps des possibilités d'installation pour de jeunes maraîchers. Il faut donc supposer que, contrairement au Haut Pont, toutes les terres n'étaient pas cultivées ou que certaines ont tardé à être mises en valeur. Il est possible aussi que des parcelles utilisées en pâturages furent reconverties en terres légwnières. Ce métier semble avoir connu beaucoup d'attraits jusqu'en 1921 environ, mais comme nous l'a­ vons vu précédemment, Lyzel par son aménagement tardif a favorisé en quelque sorte une colonisation de l'espace et a réussi à maintenir les maraîchers à la terre.

Seulement, il faut constater qu'en 1968, le pourcentage de i maraîchers dans Lyzel est équivalent à celui du Haut Pont, alors qu'en 1846, 104 chefs de ménage sur 175 sont des jardiniers, soit près de 60 %, c'est à dire environ les 2/3.' Lyzel était donc un fau- ' bourg essentiellement maraîcher, en 1872, ils représentaient encore la moitié (49,6 %) et en 1921, plus d'un tiers (38,5 %). En réalité, leur nombre s 'accroissait mais les autres C.S.P. grandissaient elles aussi et plus rapidement.

Comme pour le Haut Pont, le métier de maraîcher à connu une sévère désaffection entre les deux guerres qu'elle subit encore. - 70' -

Cette situation entre les deux guerres est probablement due à de mauvaises récoltes, à la cécydomie (maladie du chou fleur gui sévit entre 1927 et 1932) et aussi à la conjoncture politique et économique, qui en lVJb, favorisa le salarié et remit en cause le labeur du jar­ dinier. Enfin, la mécanisation entreprise dans les années 50 régula­ risa le nombre de maraîchers. En effet, ceux qui ne pouvaient suivre ce processus de modernisation n'arrivaient plus à faire face à la con­ currence.

Les deux faubourgs n 'avaient donc pas la même vocation, le Haut Pont rassemblait des C.S.P. diversifiées tandis que Lyzel était , surtout jardinier, les autres métiers ayant ayant peu d 'importance. Seulement, un mouvement se mettait en marche,. ramenant la profes­ sion de maraîcher au niveau des autres professions, qui aainsi perdu .'sa suprématie dans Lyzel bien qu'elle l'ait conservée jus­ qu'à la fin du XIXème siècle. Ceci tenait au caractère physique de Lyzel, quartier surtout desservi par voies d'eau. C'est un facteur important qui limitait l'apport de population extérieure et permet­ tait aux autochtones de se reproduire et de s'agrandir légèrement. Lyzel a pu résister beaucoup plus longtemps à la pénétration d'autres C.S.P. mais a été radicalement- transformé en une centaine d'années.

Les journaliers

Au XIXème siècle, les journaliers constituaient une catégorie sociale bien établie dans les faubourgs. Au fil des ans leur nombre s'est réduit, ils sont devenus ouvriers agricoles ou aides familiaux.

1846, 82 chefs de ménage journaliers, soit 12,0 % 1872, 105 " " " " soit 13,3 % 1921, 72 " " " " soit 7,3 % 1946, 33 '" " " " " soit 3,0 % 1968, 4 " " " " soit 0,4 % .

On peut constater que leur nombre diminue dès que la mécanisa­ tion s'améliore. La force de l'homme fut d'abord remplacée par la traction.animale, elle-même boycottée par les engins mécaniques. C'est pour cela que cette C.S.P. est devenue pratiquement inexistante en 1968, alors qu'au XIXème siècle, la majeure partie du travail agricole se - 71 - faisait à la main. Les journaliers étaient demandés en toutes saisons pour les semis, éclaircissage (surtout les femmes), récolte des choux, fleurs, repiquage et récolte des poireaux ainsi que pour le battage des céréales.

Les journaliers logeaient à proximité de leur lieu de travail et travaillaient toujours pour les mêmes employeurs. En règle géné­ rale, il n 'y avait pas d 'échanges entre les deux faubourgs, les jour­ naliers du Haut Pont étaient employés par les jardiniers de ce fau- bourg et le même procédé était pratiqué dans Lyzel. L'une des raisons était que tous les journaliers connaissaient parfaitement la topogra­ phie de leur quartier et les terres qu'ils entretenaient. Ils trou­ vaient, en outre, suffisamment de travail dans leur faubourg pour ne pas fréquenter 1 'autre. De plus, il est probable que les journa­ liers et les maraîchers respectaient un statu quo se limitant à leur propre, faubourg pour éviter les querelles.

Ces derniers attiraient à peu près le même pourcentage de jour­ naliers puis d'ouvriers agricoles bien que Lyzel ait été davantage maraîcher. Il ne faut pas oublier que le pourcentage indique le poids d'une profession donnée par rapport aux autres. En fait, en valeur . . absolue, le nombre de maraîchers était à peu près égal dans les deux faubourgs tandis que les journaliers étaient plus nombreux dans le Haut Pont que dans Lyzel. Pour expliquer ce phénomène, on peut formu­ ler plusieurs hypothèses : les journaliers travaillaient aussi pour les agriculteurs du Haut Pont, les jardiniers de ce faubourg avaient peut-être besoin davantage de main,d'<&ivre et le fait d'avoir du per­ sonnel rémunéré correspondait' peut-être plus à leurs pratiques cou-- rantes.

Les propriétaires

C'est un groupe social qu'il est intéressant d'étudier. En effet, c'est une catégorie qui apparaissait lors des recensements de 1846 et 1872 et qui n'existera plus par la suite.

1846J. 6 chefs de ménage- propriétaires, soit 0,9 % 1872, 17 " " " soit 2,1 %

Ces propriétaires, plus ou moins comme les rentiers devaient vivre grâce aux revenus des terres qu'ils louaient. Lors.du recensement - 72 -

( ; de 1846, on en comptait six dans le Haut Pont et pas du tout dans Lyzel ; en 1872, 13 dans le permier et 4 dans le second. La plupart d'entre eux habitaient quai du Haut Pont, artère commerciale aux CS.P. diversitiées comme dans le centre de la ville. Lyzel compor­ tait* nettement moins de propriétaires probablement en raison de son côté plus "rural".

L'étude du secteur primaire est maintenant terminée, il aurait fallu cependant y inclure les rentiers mais il était difficile de dissocier vraiment les rentiers des retraités. Cette catégorie sera traitée séparément avec les sans profession. Il appa­ raît donc que l'ensemble du secteur primaire a tenu une place impor-. tante dans les faubourgs et plus spécialement dans Lyzel dont la •> population appartenait aux 3/4 à ce secteur. Seulement, en 120 années cet ordre fut profondément bouleversé par l'apparition de nouvelles C.S.P. à l'intérieur des secteurs secondaire'- et tertiaire qui ont modifié ce faubourg. Le Haut Pont, quant à lui, ayant un caractère beaucoup moins maraîcher, netfut:pas aussi touché par ces transfor­ mations. - 73 -

LE SECTEUR SECONDAIRE

Les commerçants et artisans

Les commerçants et artisans ont formé une catégorie très flo­ rissante au siècle dernier surtout dans le Haut Pont ce gui ne semble pas surprenant vuela situation de ce guartier. En effet, le port fluvial attirait tout particulièrement les commerçants et les artisans, par les multiples activités gu'il offrait.

1846, 144 chefs de ménage commerçants et artisans, soit 21,1 %

1872, 191 " " " " » « soit 24,2 % 1921, 156 " " " " " " soit 15,9 % 1946, 164 " " " " " " soit 14,9 % 1968, 89 " » " » » " soit 8,3 %

Le nombre de ménages de commerçants et artisans a peu varié pendant un siècle et c'est entre 1946 et 1968 gu'il s'est mis à ré­ gresser fortement : 89 ménages au lieu de 164. C'est une catégorie gui s'est toujours reproduite sans pour cela se développer puisgu'elle n'a pas suivi l'évolution de la population. Le pourcentage des commer­ çants a peu 'varié, environ 9 % sauf en 1968, où il passe à 5 %, tandis que les artisans si nombreux au siècle dernier ne représentent plus guère que 3 % lors du dernier recensement. Notre époque, privilégiant 1'uti­ lisation d'objets manufacturés, n'a plus besoin des artisans qui ne sont plus remplacés. '

Au XIXème siècle, contrairement à Lyzel, le Haut Pont devait être un faubourg très animé et très vivant en raison du nombre d'échop­ pes. Commerçants et artisans étaient principalement regroupés quai du Haut Pont et à un degré moindre, rue des Faiseurs de Bateaux. On y trouvait aussi bien les professions les plus courantes,ttelles que : cabaretier, tailleur, charpentier, charretier, menuisier, cordonnier... que des métiers spécifiques à un quartier à la fois port'fluvial et maraîcher rcordier (fabricante et marchande de cordes), deux marchands de tourbe établis quai du Haut Pont, qui commercialisaient la tourbe extraite dans les marais proches. Celle-ci était principalement utiii Usée comme moyen de chauffage à bon marché. On y trouvait aussi une • douzaine de charpentiers de bateau::qui construisaient des embarcations en bois, aussi bien destinées au transport des voyageurs et dentées - 74 - vers les villes voisines qu 'aux jardiniers pour leurs propres trans­ ports. Ils assuraient également toutes les réparations. Il y avait encore deux vanniers gui fabriquaient des paniers d'osier et des mannes de différentes tailles.

Au XXème siècle, toutes ces professions un peu particulières disparaissent progressivement et les vieux métiers ne sont plus rem­ placés. Il n'existe plus de marchand de tourbe, ni de vannier, de cordier et dans cette région de marais où certains maraîchers trans­ portent encore leurs choux fleurs en barque, il ne reste qu'un seul charpentier de bateau établi dans Lyzel alors que vingt ans auparavant ils étaient encore cinq. '

Une profession ayant un caractère commercial faisait son appa­ rition lors du recensement de 1921 et commençait à avoir une certaine vogue auprès des maraîchers qui souhaitaient se recycler et faire des affaires, il s'agit des expéditeurs de légumes. Ceux-ci pratiquaient souvent, à la fois le maraîchage et l'expédition de légumes. Dans le Haut Pont, les quatre expéditeurs étaient installés quai du Haut Pont, un seul était établi rue de Saint Martin dans Lyzel. Lors du recense­ ment suivant, leur nombre s'était considérablement accru et était à peu près égal dans les deux faubourgs : 13 dans le Haut Pont et 12 dans Lyzel. La profession avait pris beaucoup d'ampleur grâce aux possibi­ lités d'expédition de légumes qu 'offrait le chemin de fer, facteur qui poussait les maraîchers à pratiquer une culture intensive du chou-_ fleur car ce dernier supportait bien le voyage.

Certains d'entre eux devaient gérer de petites affaires puis-' qu'en 1968, il ne reste que deux expéditeurs de légumes dans le Haut Pont et cinq dans Lyzel. Il semblerait que l'expédition se soit con­ centrée aux mains des plus gros qui auraient eu tendance à s'attribuer le monopole de la vente de légumes. Dejplus,tla profession avait connu certains revers notamment après la guerre de 1939-1945, les maraîchers s'étaient ligués contre les expéditeurs et avaient réagi contre les 2 % d'escompte et le don de quatre choux fleurs aux 100 pratiqué par les expéditeurs. Mais pour éviter le monopole, les maraîchers avaient la possibilité de vendre leur production à des coopératives et plus tard à partir de 1971, au marché au cadran - 75 -

Lyzel au siècle dernier était un quartier nettement moins com­ merçant, il faut ajouter que la gamme des professions était peu étendue. De plus, il existait peu de débouchés intéressants favorisant 1 'exten­ sion des professions commerciales et 'artisanales'. En effet, le port fluvial n'atteignait pas Lyzel et les moyens de communication étaient restreints. Le Haut Pont disposait d'une voie d'eau et d'une route se dirigeant vers la mer tandis que dans 1'autre faubourg la route de Clairmarais reliant ce village à l'autre faubourg n'était pas encore ouverte. De ce fait, commerçants et artisans de Lyzel né pouvaient toucher que là population de ce quartier, ce qui limitait leur nombre. Lorsque divers aménagements eurent été faits, lesr.commerçants ont augmenté jusqu'en 1946 alors que simultanémentcle nombre d'artisans baissait. Ceci, comme nous l'avons dit précédemment est surtout dû à l'achat d'objets manufacturés, au dépannage industriel... phénomène général en France.et certaines professions -."montantes" comme cóelle des ouvriers absorbaient les artisans... ; •

Les ouvriers

, Les. ouvriers ont toujours constitué une classe importante dans le Haut Pont par rapport à Lyzel. C'est lors du recensement de 1946 que l'on comptait, dans les faubourgs, le plus de ménages ouvriers : 265, soit 24 % presque le quart. En fait, en raisonzdes événements qui avaient secoué la France, quasiment toutes les C.S.P. avaient connu une diminution en 1946 sauf celle des ouvriers. Ceci était peut-être dû au nombre de femmes ouvrières chefs de ménage qui avaient maintenu une part de 1'activité économique pendant la guerre.

La répartition des ménages ouvriers se présente comme suit .- 1846, 119'chefs de ménage ouvriers dont 110 dans le Ht Pont et . 9 dans Lyzel 1872, 125 " " " " " 92 " " " " " 33 " " 1921 217 " " " " " 139 " " " " " 78 " " 1946, 265 " " " " " 189 " " " " " 75 " " 1968, 221 • " - " " " " 145 " " ' " " " 76 " "

i En 120 ans, 1'effectif des ménages'ouvriers a presque double alors que le pourcentage n'a progressé que de trois points. Ceci peut s 'expliquer facilement, comme la population s 'accroissait, les C.S.P. grandissaient au même rythme ou a une cadence légèrement supérieure - 76 - comme ce fut le cas pour celle des ouvriers. Cependant, en 1846, la différence entre lés deux faubourgs était frappante : 110 ménages.ou­ vriers dans le Haut Pont contre 9 dans Lyzel,'élément gui accentuait la dissemblance entre les deux quartiers. A cette époque, certains métiers n'étaient pas dénués d'intérêt, on trouvait notamment : des dragueurs qui nettoyaient le marais et les berges des rivières.• Il était même mentionné dans les tables de recensement de 1846 : un grèpeur, c'était un individu qui curait le marais à l'aide d'une grèpe. Le nombre dé dragueurs s'élevait à 36 dans les deux faubourgs, ce qui tend à montrer que cette profession '.était florissante et que l'entre­ tien des voies navigables nécessitait un personnel important employé à 1 'année.; les tourbiers, quant à eux extrayaient de la tourbe dans certaines parties du marais. 18 chefsudeofamille exerçaient ce métier et vivaient dans le Marais du Haut Pont c'est à dire près de leur lieu de travail. Cependant, dès 1872, les tourbiers ne sont plus mentionnés dans les recensements. Il semblerait qù 'ils aient disparu pendant cette période. Il est probable que 1'extraction de la tourbe était devenue une acti­ vité annexe et non plus une profession à part entière ;

t les scieurs de long étaient environ une douzaine dans le Haut Pont, ils taillaient le bois destiné à différents usages.

D'autres professionspeu courantes regroupaient un petit nombre d'individus. Il s'agissait des bateliers, on en trouvait encore quatre rue de Dunkerque, quartier du Haut Pont. Cette profession allait dis­ paraître peu à peu avec la création du chemin de fer et 1 'aménagement des routes. Un taillandier travaillait place de la Ghière, il fabriquait des outils servant à tailler pour les charpentiers, lesy charrons, me­ nuisiers et généralement tous les outils qui coupent. Le nombre im­ portant d'artisans nécessitait donc la présence d'un ouvrier s'occupant de la fabrication et de la réparation, des outils.

En 1872, l'éventail des professions n'a pas beaucoup varié mais le nombre des ouvriers se réduisait dans le Haut Pont peut-être en raison de la guerre alors qu'il augmentait dans Lyzel (33 au lieu de 9). Rappelons que le profil de Lyzel commençait à se modifier à cette époque. Afe .—HHOii HÜ

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En 1921, les professions ouvrières devinrent nettement moins diversifiées, certains.métiers spécifiques du marais disparaissaient peu à peu. Il restait encore trois hâleurs de bateaux, trois dragueurs. L'industrialisation mettait aussi fin aux petits métiers. Mais c'est pendant cette période que le nombre de ménages ouvriers s 'accrut for­ tement aussi bien dans le Haut Pont que dans Lyzel. En fait, certains enfants de journaliers et de maraîchers étaient devenus, ouvriers.

4 Les ménages ouvriers connurent leur plus grand nombre et leur plus fort pourcentage lors du recensement de 1946 avec une nette pré­ dominance dans le Haut Pont qui a toujours eu un taux assez fort de ménages ouvriers probablement dû aux multiples activités de ce faubourg. De plus, en 1946, certains ouvriers habitant dans le Haut Pont ou dans Lyzel travaillaient dans un autre secteur de la ville ou de la région mais préféraient résider dans les faubourgs par tra­ dition ou par commodité (les loyers étaient moins chers qu'en ville " par exemple).

En 1968, le nombre et le pourcentage de ménages ouvriers baisse par rapport au recensement précédent. En effet, les ouvriers actifs en 1946 sont pour certains devenus retraités en 1968 et sont restés dans les faubourgs: En réalité, la population des faubourgs vieillit et toutes les catégories de population active diminuent au profit de celle des retraités, ceci n'étant pas seulement vrai en ce qui con­ cerne les ménages ouvriers.

On pßutdonc noter dans l'étude dé secteur secondaire, les différences marquantes entre le Haut Pont et Lyzel, l'un était for­ tement secondarisé déjà au XIXème siècle tandis que l'autre appar­ tenait davantage au secteur primaire. Les professions industrielles et commerciales étaient fortement développées dans le Haut Pont et le sont encore au XXème siècle. Seulement, nous avons assisté à un recul progressif et irrémédiable des artisans tandis que la classe ouvrière grandit régulièrement. Il faut aussi mentionner~la présence constante, à toutes les époques, d'un plus grand nombre de ménages . ouvriers dans le Haut Pont que dans Lyzel qui tient certainement au passé différent des deux faubourgs. - 78 -

LE SECTEUR TERTIAIRE

Les fonctionnaire^

Cette catégorie rassemble les préposés P.T.T., gardes champêtres et gardes communaux, les agents de police et les cantonniers. Ils sont peu nombreux et représentent les éléments d'une structure sociale or­ ganisée, ce gui permet de voir les différences entre les deux faubourgs, le Haut Pont était davantage policé et réglementé que Lyzel. Les fonc­ tionnaires se répartissent comme suit :

1846; 5 chefs de ménage fonctionnaires, soit 0,7 % 1872, 9 " " " " soit 1,1 % 1921, 11 " " " " soit 1,1 % 1946, 23 " " " " . soit 2,1 % 1968, 34 " " " " soit 3,2 %

Jusqu'au recensement de 1921, tous les ménages fonctionnaires étaient concentrés dans le Haut Pont (5 en 1846, 9 en 1972 et 10 en 1921).quartier qui, comme nous l'avons déjà mentionné} était fortement implanté. Par contre, en 1946, les faubourgs sont plus équilibrés . (12 dans le Haut Pont et 11 dans Lyzel) et en 1968, Lyzel dépasse le Haut Pont de 10 ménages (23 dans le permier et 13 dans le second). En fait, Lyzel était au départ, un faubourg aix3/4/maraîcher et s'est développé plus tardivement, on a donc assisté à une diversification plus lente des professions et à la mise en place d'une infrastructure économique et sociale. Ce genre de facteurs permet de constater les bouleversements internes à Lyzel depuis une centaine d'années.

Les employés ••

Cette catégorie fit une timide apparition lors du recensement de 1872.

1872, 14 chefs de'ménage employés dont 11 dans le Ht Pont et 3 dans Lyzel 1921 104 " " " " " 45 " " " " " 59 " " 1946, 105 " " " " " 53. " " " " " 52 ". " 1968 133 " " " " " 54 " " " " " 79 " "

Le nombre de ménages employés s'accrut fortement en 1921, de 14 ménages on passait alors à 104. Cette progression rapide était proba- - 79 -

blèment'idue à 1 'essor que connut le chemin de fer pendant cette période. Dès lors, il offrit de nombreuses possibilités d 'emploi, que le privé ne pouvait offrir après la guerre de 1914-1918. Par la suite, le nombre de chefs de famille employés reste stable en 1946, il ne faut pas oublier que la seconde guerre mondiale venait de s'achever. En 1968, le nombre et le pourcentage d'employés s'accroît encore (133 chefs de ménage, soit 12,5 %) .

Au niveau de cette C.S.P., le Haut Pont et Lyzel ont eu une' trajectoire assez dissemblable, les chefs de ménage employés ont, en règle générale, été moins nombreux dans le premier que dans le second. Ajoutons que pour certains maraîchers voulant se reconvertir, certains ont choisi la profession d 'expéditeur et d'autres, celle d'employé. Ce fait est surtout vrai pour les habitants de Lyzel attirés? par un emploi stable, sans surprise à proximité de leur domicile. r

D'autre part, certains chefs de ménage employés, travaillant hors des faubourgs,, ont peut'être préféré venir s'y installer, notant- ment dans Lyzel. En effet, ce quartier offrait des possibilités de construction et semblait peut-être plus dynamique, alors que le Haut Pont fortement urbanisé depuis longtemps avait tendance à s'étioler, et n'attirait pas les jeunes.

Les professions libérales et les cadres éupétieurs et moyens (

Ces diverses couches sociales sont apparues en dernier lieu dans les faubourgs et firent leur entrée en nombre restreint, lors du recensement de 1921. Cette catégorie regroupe les directeurs de ' petites et moyennes entreprises, les directeurs d'école, pharmaciens, professeurs, instituteurs.

1921, 18 chefs de ménage P.L., C.S. ou CM., soit 1,8 % 1946, 33 " " '-' " " •" soit 3,0 % 1968, 23 " " "' " " " soit 2,2 %

Ce type de profession sera toujours sous représenté dans les deux faubourgs mais il est intéressant de noter que leur nombre est toujours un peu plus élevé dans Lyzel que dans le Haut Pont (8 ménages en 1921,C14 en 1946 et 11 en 1968 dans le Haut-Pont - 10, 19 et 12 dans Lyzel aux mêmes époques). Lyzel, en pleine mutation, semblait - 80 -r regrouper davantage les professions dites supérieures dans la hiérar­ chie sociale. De plus, le niveau de vie des habitants de Lyzel est peut-être actuellement un peu plus élevé yue dans le Hauz t'ont étant donnée la plus forte empreinte marquée par les employés par rapport aux ouvriers. Enfin, la sous représentation de ces différentes classes sociales lors du recensement de 1968, pourrait être justifiée par 1 'attrait que peut offrir le centre ville, plus bourgeois et plus adap­ té à ce genre de population.

Les divers

Ils sont peu nombreux dans les deux quartiers et se composent principalement des membres du clergé : prêtres et communautés relicl:.- gieuses (notamment les Clàrissèscet les religieuses qui assuraient l'enseignement dans les écoles privées).

Par rapport aux'autres secteurs, le secteur tertiaire s'est tardivement mis en place et regrouperdavantage des gens de classe moyenne que supérieure. Les employés qui firent une offensive en 1872, représentent, en 1968, une catégorie solidement implantée dans les faubourgs et plus particulièrement dans Lyzel. - 81 -

LES CHEFS DE MENAGE INACTIFS

Cette catégorie se compose des rentiers et retraités et des sans profession. Il n'était pas possible de les insérer dans l'un des trois grands secteurs d 'activité, aussi ils forment lé quatrième • volet de cette étude des CS.P.

Les rentiers et retraités

Comme les propriétaires, les rentiers vivent de revenus non professionnels.,Ils apparaissaient surtout lors des recensements de 1846 et 1872. Les rentiers étaient, en général, des agriculteurs ou des maraîchers n'exerçant plus le métier mais qui louaient leurs terres à leurs enfants ou à léurë .'homologues. Ils ne représentaient que 2,6 % des chefs de ménage en 1846, dans les faubourgs, soit un peu plus que les propriétaires. Comme pour ces derniers, les rentiers étaient plus nombreux dans ler.Haut Pont que dans Lyzel probablement pour des raisons identiques.

1846, 18 chefs de mén. rentiers ..' dont 17 pour le Ht Pont et 1 pour Lyzel i g y y 14 • " " " " "11" ii ii it "3 " " 1921 22 " " " '»• " 14 " " " " " 8 " " 1946, .75 " " ," retraités " 35 " " " " " 40 " 1968, 265 " " " " " 122 " ' " " " " 143 " "

Comme nous le constatons, la catégorie des rentiers sera progres­ sivement remplacée par celle des retraités qui étaient alors peu nom­ breux en 1921 et comptaient encore parmi eux quelques rentiers. En 1946, leur nombre était déjà nettement plus élevé 75 au lieu de 22, les lois sociales de 1936 avaient aussi favorisé le sort des retraités. En 1968, leur total s'élève à 265, ce qui représente 24,8 % des faubourgs, soit le 1/4 des ménages des deux faubourgs. On assiste donc en l'espace d'une génération, à un vieillissement de la population, et si le pourcentage est à peu près identique dans les deux quartiers, les effectifs sont plus importants dans Lyzel.

En fait, les faubourgs ont eu ûncpassé et une trajectoire assez différents. La population du Haut Pont a été très tôt stabilisée, celle - 82 -

de Lyzel l'a été beaucoup plus récemment, dans les années 45. Seule­ ment, la population a vieilli et ne s'est pas renouvelée au même îythme. Il peut y avoir plusieurs causes :

- la taille des familles a diminué en raison de la baisse de la natalité,

- ces quartiers n 'attirent plus les jeunes peu enclins à occuper des habitations dépourvues de confort et d'équipements sanitaires corrects surtout dans le Haut Pont,

- les jeunes-préfèrent bâtir ou s'installer à proximité de leur lieu de travail car bon nombre d'entre eux ont un emploi salarié, même les enfants de maraîchers dont un seul reprend l'exploitation, car il n 'est plus question à l'heure actuelle de morceler le patrimoine. Les autres enfants, mis à part le lien familial, sont libres d'habi­ ter où ils le souhaitent et n'hésitent plus à quitter les faubourgs s'ils le jugent nécessaire.

La population active n 'est plus remplacée assez rapidement, de ce fait, elle vieillit, c'est un danger pour les faubourgs qui risquent de se vider.

Les sans profession

Les sans profession n'ont jamais représenté une part importante des faubourgs sauf pour les deux derniers recensements :

1846, '.41 chefs de mén. S P., soit 6,1 % 1872, 14 S » » soit 1,8 % 1921,- 47 soit 4,8 % 1946, 178 soitL6,l% 1968, 91 soit 8,5 %

Jusqu'en 1921, le nombre d'hommes et de femmes sans profession était assez équilibré. Il est assez difficile de cerner la catégorie des sans profession, en particulier au siècle dernier. Certains anal­ phabètes étaient peut être elassés derechef dans cette catégorie. On y classait aussi les chefs de famille qui avaient cessé de travailler à cause de maladie, impotence, vieillesse et bien qu 'ils soient consi­ dérés comme chefs de ménage, ilscne subvenaient plus aux besoins de celui-ci. - 83 -

C'est en 1946 que le nombre de sans profession est le plus élevé. Ceci est certainement dû à la guerre de 1939-1945, un certain nombre de femmes sont devenues chefs de ménage, et une partie des hommes gui sont de retour n'ont pas tous retrouvé du travail. En 1968, la croissance économique a résorbé une partie des sans profession dont le nombre s'élève alors à 91 et sont pour les 3/4 composés de femmes chefs de ménage.

Les chefs de ménage- inactifs n 'ont pas joué un grand rôle au début du siècle où la majeure partie des individus était, dès le plus jeune âge, mise au travail. Cependant, le nombre des sansrprofession a considérablement augmenté après la guerre de 1939-1945, ce qui peut sembler normal, étant, donné les circonstances. Simultanément, le nom- bre::des retraités croissait pour atteindre le maximum en 1968. Réunis '• aux sans profession, ils forment le 1/3 des chefs de ménage des fau­ bourgs. De ce fait, par manque de dynamisme, cette population risque de s 'essoufler et de ne plus occuper une place prépondérante par rap­ port au reste de la ville. - 84 -

GENERALITES SUR LES CHEFS DE MENAGE FEMININS

La plupart des femmes chefs de famille sont veuves ou céliba­ taires. Elles se répartissent comme suit :

1846, 103 femmes chefs de ménage dont 76 dans le Ht Pont et 27 dans Lyzel 1872, 143 " " " " • " 104 " " " " " 39 " " 1Q21 161 " " " " " 101" " " " "59 " " 1946, 208 " " " " " 110 " "; " " " 98 " " 1968, 187 " " " " " 96 " " " " " 91 " "

Le nombre de femmes chefs de ménage était peu élevé en 1846 par rapport aux autres années mais ce premier recensement a été effec- '• tué au. cours d'une époque où peu de femmes avaient un emploi salarié et pendant une période de paix alors que les trois recensements suivants ont été réalisés après une guerre, d'où un taux plus important de femmes "actives" en raison de la mortalité masculine. Leur nombré crut jusqu'en 1946 puis décroit. Cette baisse va de pair avec la diminution de popu- . lation dans les faubourgs.

Durant ces 120 années, les professions féminines ont évolué. En 1846 et 1872, les femmes actives occupaient surtout des emplois de service : lingères, repasseuses, blanchisseuses... et aussi'dans lèzmaraîchage : jardinières et journalières. Lors du recensement de 1921, on assistait à un passage aux professions ouvrières, le secteur ~ secondaire ayant aspiré la plupart des chefs de ménage féminins. Puis, en 1946, les ouvrières cèdent le pas au>t^sans profession qui non ac­ tives devaient bénéficier de revenus très modestes. Enfin, si en 1968 les femmes sans profession sont encore nombreuses, elles sont quand même supplantées par les retraitées. Ceci peut s'expliquer par le fait que les femmes ont une moyenne d'âge de mortalité plus élevée que celle des hommes et veuves elles constituent encore un ménage dont elles sont les représentantes.

Si l'on compare les faubourgs, numériquement le Haut Pont a toujours eu un effectif supérieur à celui de Lyzel ce qui semble normal puisque le faubourgtdu Haut Pont a toujours été plus important que Lyzel. Mais en 1968, le nombre de femmes chefs de ménage s'équi­ libre à peu près entre les deux quartiers (96 pour le premier et 91 - 85 - pour le second. Il faut rappeler que depuis quelques années les deux faubourgs sont presque égaux tant au point de vue population* rrue ñf* m¿nxne>s.

Par contre, à 1'intérieur de chaque faubourg, le pourcentage de femmes chefs de ménage varie peu :

Années Haut Pont Lyzel 1846 14,9 % ' 15,1 % 1872 19,4 % 15,2 % 1921 17,8 % 14,3 % 1946 17,3 %' 20,8 % 1968 17,5 % 17,5 %

Le pourcentage de femmes chefs de ménage est plus grand dans le Haut Pont que dans Lyzel entre 1872 et 1921. Ceci était peut être dû à la diversité des professions dans le premier par rapport au second. En effet, on trouvait davantage de femmes commerçantes ou artisanes et aussi de personnel de service car le Haut Pont était plus ouvert sur 1 'extérieur et comprenait une population plus importante.

.En 1946, la situation s'inverse, Lyzel peu à peu a comblé le retard qui le séparait du Haut Pont et le paysage social devient

à peu près uniforme dans les deux quarti SJTS# Enfin en lSG8f les pourcentages sont semblables dans les faubourgs qui, comme nous l'avons déjà dit, ont un profil identique en ce qui concerne la population et les ménages. Il s'agira maintenant d'étudier comment les femmes chefs de ménage se répartissaient dans, les grands secteurs de 1 'activité économique. WmP - 86 -

SECTEUR PRIMAIRE

I Les agricultrices

Il n'existe qu'un seul recensement où l'on trouve des agricul­ trices chefs de ménage, c'est celui de 1872., Il y en avait une dans le Haut Pont et deux dans.".Lyzel. En, fait, ceci s'explique facilement étant donné le nombre restreint d'agriculteurs dans les faubourgs et il était rare, surtout au siècle dernier, de voir une femme à la tête d'une exploitation, il fallait un cas de force majeure, comme le décès de 1(époux, par exemple.

Les jardinières ou maraîchères

Par contre, on trouvait davantage de jardinières chefs de ménage car une femme pouvait très bien gérer une exploitation maraîchère. En effet, les superficies étaient plus petites, le.rtravail dans les terres était fait avec des engins légers, maniables par une femme. D'autre part, il fallait peu investir et c'était l'épouse qui se char- • geait principalement de là commercialisation des légumes. Aussi, il n'est pas surprenant qu'il y ait eu un certain nombre de jardinières chefs de ménage dans tous les recensements. Seulement, leur nombre variait selon les années : 18 en 1846, 23 en 1872, 28 en 1921, 12 en 1.946 et 2 en 1968. Cette répartition correspond à l'augmentation des ménages jardiniers jusqu'en 1921 puis à leur régression. Autrefois, l'épouse partageait toutes les tâches avec le mari et était capable de reprendre 1 'exploitation à la mort de celui-ci, mais depuis quel­ ques années, les habitudes changent et si le mari est maraîcher, il arrive fréquemment que sa conjointe ait un emploi à 1'extérieur : employée de bureau, institutrice... et ne serait plus capable, ni ne voudrait assumer les tâches du mari d'où le déclin prononcé des maraî• chères, chefs de ménage en 1968. Cette évolution est probablement due aussi, au fait que les filles de jardiniers apprennent un métier qu'elles souhaitent pour la plupart exercer.même après leur mariage et si elles épousent un jeune maraîcher, toutes n'abandonnent pas leur profession pour se consacrer au maraîchage. Le mariage repré­ sente un problème grave pour la survie de::la:profëssion car les jeunes maraîchers, en raison de leur métier, ont des difficultés à trouver une épouse. - 87 -

Les journalières

Il peut paraître étonnant qu'il y ait eu autant de journalières chefs de ménage, en particulier au XIXème siècle. En fait, les jour­ nalières étaient généralement filles de journaliers ou d'ouvriers agri­ coles. Elles avaient donc, dès 1 'enfance, une bonne connaissance du terrain et étant de condition plus que modeste, elles étaient rapide­ ment mises au travail. Presque toutes épousaient des journaliers et" travaillaient avec leur mari pour leurs patrons. Seulement, si le * journalier effectuait pratiquement les mêmes besogne que le jardinier, le travail de la journalière était principalement constitué par le sar­ clage des petits légumes. La culture intensive du chou fleur et 1'aug­ mentation .deà'.charges sociales ont favorisé leur extinction.

En 1968/ on ne trouve plus de journalières chefs de ménage actives alors qu'elles étaient 21 en 1846, 34 en 1872, 5 en 1921 et 8 en 1946. Il faut également remarquer qu'en 1846, il y avait dans Lyzel pres- qu 'autant de journalières que leurs homologues masculins (11 pour:les premières et 13 pour les seconds), la demande devait être forte et ce quartier .manquait peut-être de bras pour effectuer le travail dans les parcelles. Le nombre de journalières était à peu près -égal dans les deux faubourgs, sauf en 1872 où on en comptait 26 dans le Haut Pont et 8 dans Lyzel. C'était probablement, après la guerre, une source de revenus pour les veuves dans 1 'obligation de travailler pour subvenir aux besoins de leur famille, dans un secteur où 1'activité fonctionnait à plein.

Les propriétaires

Les femmes propriétaires,schefs de ménage étaient peu nombreuses, c'était généralement des veuves relativement aisées. Elles étaient toutes rassemblées dans le faubourg de Haut Pont. Il n'y en avait qu'une seule en 1846 et 4 en 1872. Cette catégorie n'apparut plus lors du recensement de 1921

Le secteur primaire est donc circonscrit. Les femmes ont joué un rôle important à 1'intérieur de celui-ci au XIXème siècle car bon nombre d'entre elles assuraient une partie de la production, seulement toutes n 'étaient pas chefs de ménage et ceci minimise la part effective duttravail des femmes, surtout dans le secteur primaire. - 88 -

LE SECTEUR SECONDAIRE

Les professions industrielles et commerciales •

.LAéventailtde cette catégorie est plus restreint que celui des hommes et comprenait tous les métiers courants comme : cabaretières, modistes, coururières, marchandes de légumes, boulangères, bouchères... Leur nombre n'a jamais été très élevé : 14 en 1846, 26 en 1872, 17 en 1921, 23 en 1946 et 10 en 1968. En règle générale, les femmes de , ' commerçants et d'artisans reprenait le métier à la suite de leur mari dans la mesure de leur compétence. Pour illustrer ce transfert de charge, on trouvait dans le Haut Pont en 1872, une cordière et une vannière, ce qui montre bien qu'en cas de nécessité, les femmes n'hésitaient pas à reprendre à leur profit la profession du mari.

Les ouvrières

Le nombre d 'ouvrières et personnel de service chefs de ménage a>progressé jusqu'en 1921 puis a régressé et forme donc une courbe ascendante : 23 en 1846 et 35 en 1872, culmine avec 79 ménages en 1921 et redescend avec 40 ménages en 1846 et 20 en 1968.

En 1846, le Haut Pont étant fortement urbanisé et actif regrou­ pait la plupart des ouvrières (20 chefs de ménage). En effet, toutes avaient la possibilité de travailler à proximité de leur domicile et ces femmes étaient lingères, repasseuses, blanchisseuses, ouvrières..._ En 1872, leur nombre progressait surtout dans le Haut Pont (28) tandis que dans Lyzel il variait peu. Ceci peut s'expliquer par le fait que ce faubourg était largement à dominante maraîchère, il y avait donc' peu d'ouvrières. En dehors des fonctions de femme de ménage,et de nourrice, ce quartier offrait peu de possibilités d'emploi. En 1921, le nombre d'ouvrières culminait, probablement pour une raison iden­ tique à celle des jardinières à la même époque, les femmes avaient .dû rechercher un emploi à la mesure de leur compétence. En 1946, ce groupe régresse dans les deux faubourgs, les ouvrières qui étaient actives en 1921 ont pris leur retraite et comme les faubourgs connais­ saient déjà une certaine désaffection,,la classe ne s'est pas repro­ duite. Un phénomène identique a eu lieu en 1968 tandis que simultané­ ment, la classe des retraités ;-grossissait. - 89 -

Il semblerait que le secteur secondaire se soit composé d'un grand nombre de femmes chefs de ménage jusgu'.au début du XXème siècle. Celles-ci ne bénéficiaient pas d'avantages sociaux, ni de retraite et se trouvaient, notamment pour les ouvrières et personnel de service, dans l'obligation de travailler surtout lorsque le conjoint disparai- sait. Cependant. cette situation s'est radicalement transformée', lès conditions de vie se sont améliorées, 1'âge de la mortalité à reculé, ce qui occulte l'importance des femmes au travail quel que soit le secteur auquel elles appartiennent.

LE SECTEUR TERTIAIRE

Les fonctionnaires

Il n'y a jamais eu de femmes fonctionnaires dans les faubourgs mais ceci est tout à fait compréhensible car les métiers de gardes champêtres, grades communaux, agents de police, préposés PTT sont réputés comme masculins.

Les employées

La catégorie des employés apparut dès 1872, celle des femmes fut toujours numériquement plus faible et ne comptait qu'un seul chef de ménage employée de bureau en 1921, dans le Haut Pont,epuis un seul dans Lyzel en 1946. On peut estimer qu'avant le recensement de 1968, cette catégorie était nettement sous-représentée. Les femmes semblaient davantage attirées par les professions d'ouvrières ou de personnel de service. En effet, les femmes chefs de ménage, généralement veuves ou célibataires, appartenaient pour la plupart d'entre elles au secteur primaire (maraîchères, journalières) ou secondaire (ouvrières, personnel de service), ce qui répondait à la composition sociale des faubourgs qui se modifie lentement. En 1968, on compte 5 femmes chefs de ménage dans le Haut Pont et 7 dans Lyzel, à èette époque, la scolarité est plus longue, les filles bénéficient d'une meilleure formation et le secteur tertiaire, en pleine expansion, est prêt alles accueillir. - 90 -

Les professions libérales, cadres supérieurs et cadres moyens

Comme pour les hommes, cette catégorie apparut en 1921 et com­ prenait 4 cadres moyens : deux dans le Haut Font et deux dans Lyzel, en réalité, c'était des institutrices célibataires vivant dans les faubourgs. Lors des recensements suivants, cette catégorie n'existe plus, car les faubourgs ne possèdent pas les structures nécessaires pour accueillir les femmes chefs de ménage des catégories supérieures gui préféreront vivre dans le centre ville afin d'être moins isoléas et aussi pour bénéficier des commerces, services et autres activités.

Par conséquent, c 'est donc le secteur tertiaire gui est le moins bien représenté, tout particulièrement au niveau des classes supérieures et même en ce qui concerne les employées: Pourtant, on assiste au cows des 120 années à un déplacement de l'activité fémi­ nine, à un passage des femmes du secteur primaire et secondaire, non pas au secteur tertiaire comme on aurait pu le penser, mais plutôt dans le groupe des chefs de ménage inactifs.

LES'CHEFS DE MENAGE INACTIFS

Les rentières et retraitées

Le nombre des rentières comme celui des rentiers était peu élevé au XIXème siècle dans les faubourgs, sachant qu'il fallait être aisé pour se déclarer rentier? Seulement, on constate quand même que sept.femmes et 1846 et 6 en 1872 géraient donc un patri­ moine relativement important qui leur permettait de vivre sans tra­ vailler. En 1921, elles étaient toujours peu nombreuses et étaient concentrées dans le Haut Pont où leur nombre était plus élevé que chez les hommes. N 'oublions pas que 1'espérance de vie est plus grandes chez les femmes que chez les hommes.

En 1946, on ne peut plus parler de rentières mais de retraitées qui étaient alors peu nombreuses : 5 uniquement dans le Haut Pont. Ce i nombre peut sembler très restreint surtout par rapport à la catégorie masculine qui rassemblait un effectif de 70 individus. Ceci est pro- blement dû à la guerre de 1939-1945, qui amàihtenut les femmes en activité. D'autre part, celles qui exerçaient un emploi non déclaré - 91 - rejoignaient la catégorie des sans profession, gui les privaient à la fois du statut de travailleuses et plus tard de retraitées.

Par contre, cette situation se transforme radicalement lors du recensement de 1968, où l'on trouve 80 femmes chefs de ménage retraitées, réparties à peu près également dans les deux faubourgs, car ûnzbon nombre de femmes actives en Í946 ont pris leur retraite. Lattbrùsqueu: montée de cette catégorie ne semble pas surprenante et va de pair avec l'augmentation de 1'effectif des retraités. Elle- indigue un vieillissement rapide des faubourgs gui regroupent alors le quart de la population non active. C'est un taux important qui risque d'entraver le dynamisme 'des faubourgs et d'accentuer la dé­ saffection de ces quartiers naguère si actifs.

Les sans profession

Les sans profession ont toujours compté beaucoup de femmes pour les raisons suivantes :- certaines, effectivement, ne travail­ laient pas, d'autres, par contre, exerçaient une profession mais n'étaient, pas déclarées. Il est donc difficile de cerner cette caté- goriéiet de déterminer si toutes les femmes sans profession ne font réellement partie.

En- ce qui concerne les trois premiers recensements, leur nom­ bre était faible : 18 en 1846, 9 en 1872 et 16 en 1921. A cette époquer les femmes qui composaient ce groupe social étaient de deux sortes : celles que 1'on peut déclarer économiquement faibles et qui ne dispo­ saient pratiquement d'aucune rentrée d'argent et celles qui vivaient de certains revenus mais qui se déclaraient sans profession alors qu 'on aurait pu les assimiler aux rentières.

En 1946, leur nombre passait à 119,également réparti dans les deux faubourgs. Il est difficile d'expliquer le soudain accroissement de. cette catégorie qui voudrait peut-être dire que certaines femmes ont été incapables de pallier aux conséquences de la guerre öu n 'au­ raient pu trouver un emploi causé par une demande trop forte sur le marché du travail.

En 1968, leur nombre est en baisse 62 au lieu de 119, soit près de la moitié en moins. Il semblerait donc que ce groupe ne se soit pas - 92 - reproduit. On peut supposer que les femmes dites sans profession telles que les maraîchères, agricultrices, commerçantes... auraient quitté leur exploitation ou leur boutique après le décès du mari et se seraient installées seules dans les petites maisons des fau­ bourgs, ce qui expliquerait le nombre important de femmes chefs de ménage sans profession.

La catégorie des sans profession et retraitées regroupées joue un rôle important à 1'intérieur des C.S.P. puisqu'elle rassemble depuis quelques décennies un grand nombre de femmes. Mais celles-ci ne sont pas toutes représentées car seuls les chefs de ménageront été retenus pour cette étude, ce qui réduit considérablement 1 'impor­ tance des femmes actives et inactives au profit des hommes. Enfin, on peut constater que si la proportion des femmes chefs de ménage varie peu au cours des 120 années, par contre, les professions évo­ luent. Presque toutes ont abandonné le secteur primaire, et les femmes actives s'orientent davantage vers le secteur secondaire ou tertiaire. - 93 -

Par conséquent, il résulte de cette analyse de recensements- les éléments suivants : prenons tout d'abord en considération l'as­ pect cccicprcfczoicr.ncl dec faubourgs ¿u ccurc de lz période retenue. En 1846, il semblerait que la dissemblance fût. totale entre le Haut Pont et Lyzel. Le Haut Pont ressemblait plutôt à un gros faubourg so­ lidement implanté, ayant à sa disposition, de nombreux services et une gamme étendue de professions avec une particularité cependant : la présence de maraîchers, en dehors des professions direemtement liées à la proximité du canal (bateliers, charpentiers de bateaux, dragueurs.. Lyzel ne pouvait contrebalancer le Haut Pont, ce faubourg ser.composait d'une population restreinte, était isolé et mal desservi au niveau voies de communication. De plus, il était composé pour les trois quarts de gens qui travaillaient la terre (jardiniers et journaliers).

On aurait pu penser que Lyzel aurait continué de s'étioler et le Haut Pont de grossir. En fait, la population du Haut Pont a stagné jusqu'en 1946 puis s'est mise à baisser, tandis que Ly&llconnut une as-

4 cension rapide et continue jusqu'en 1921, s'estoessouflé entre 1921 et 1946, puis s'est plus ou moins immobilisé. L'arrivée du chemin de fer et la possibilité de gérer un espace vierge, qui s'étendait jusqu'à Clairmarais ont été bénéfiques pour Lyzel.

En 1968, les deux faubourgs se ressemblent presque : même pro­ portion de maraîchers, de commerçants et artisans. Les professions sous représentées sont identiques, ce sont celles des cadres et pro­ fessions libérales. Cependant, le Haut Pont a une tendance légèrement plus ouvrière et Lyzel, plus employée. Le grand danger qui guette les faubourgs est également semblable, il s'agit du vieillissement import tant de la population. En 1968, les retraités en sont pas suffisamment remplacés par les jeunes, ceci risque de devenir un handicap pour ces quartiers qui manqueront d'émulation.

En outre, la disproportion entre les deux faubourgs au siècle dernier explique probablement l'opposition entre maraîchers du Haut Pont et de Lyzel et la "condescendance" des premiers à l'égard des seconds. En effet, les jardiniers Hautponnais avaient à la fois un mode de vie qui se rapprochait davantage de la ville et aussi des - 94 - des relations plus étroites avec les autres catégories socio-profes­ sionnelles alors que Lyzel était essentiellement maraîcher. En un' peu plus d'un siècle, le profil des deux faubourgs a beaucoup changé et actuellement les maraîchers-ne connaissent plus l'origine de leur querelle'car leur mode de vie est devenu à peu près identique et-leur relation avec l'extérieur est sensiblement la même.

Enfin, mentionnons^ que le terme de jardinier a longtemps pré- valu aux dépens de maraibher. Les individus recensées il y a quelques années se considéraient comme jardiniers. Ce statut professionnel avait un lien avec la superficie des terres cultivées et le passage au terme de jardinier s'est certainement produit au moment où 1'espace cultivé a doublé ou triplé selon les cas, grâce à la possibilité de mécanisa­ tion, c'est à dire, à partir des années 40. Mais ceci est une hypothèse qu 'il faudra tester auprès des anciens et des jeunes maraîchers.

Cette étude des recensements nous a donc permis de mettre en lumière les différences et les similitudes entre les deux faubourgs et de suivre leur évolution, données à 1'appui. - 95 -

CONCLUSION

CuLLc cLuJe pa j. Lull i ¿>uj. let, <~uuipo^aiiLa> 1¡1¿>LOL Iqutti, du marais et sur les recensements nous permet de tirer certaines conclusions. Tout d'abord,'1'image des faubourgs a profondément changé entre le moyen âge et la période contemporaine. Il apparaît donc que la popu­ lation des marais a souvent dû lutter au moyen âge pour faire re­ connaître son existence. Elle a eu beaucoup de difficultés à s'impo*- ser en tant que population audomaroise. Les habitants de Saint Orner "intra muros" étaient, pour la plupart, des bourgeois, des marchands, en quelque sorte des nantis, alors que les faubourgs étaient composés surtout de jardiniers dans Lyzel et aussi dans le Haut Pont mais dans une proportion moindre, car sa vocation de port fluvial avait attiré d'autres professions.

Quant aux jardiniers, ils vivaient du travail de la terre, étaient soumis aux aléas du temps et,aux possibilités de mévente de leurs légumes, il étaient plutôt considérés comme les "déshérités". Ce sont probablement ces raisons qui les ont poussés à vivre en "clan" et à leur donner un sentiment d'infériorité par rapport à la ville.

"Car depuis toujours, le paysann le travailleur de la terre qui est aussi 1 'homme de pays a été vilipendé de toutes les façons par les autres classes sociales. Par les nobles d'abord, ensuite par les bourgeois et pour finir par les ouvriers des villes. Par tout le • monde en somme. Quoi d'étonnant s'il a cherché à à'évader de sa con­ dition. .. ".

Cette citation de Pierre JAKEZ HELIAS reflète la position peu enviable qu'occupaient les paysans. Dans le cas des jardiniers, ces derniers étaient moins que paysans, leurs conditions de travail étaient beaucoup plus pénibles. Beaucoup vivaient isolés dans le marais, ils parlaient un langage différent et se singularisaient aussi par le fait que leur unique moyen de transport était le bateau. Enfin, ils étaient étroitement tributaires de la ville pour vendre leur récolte et ceci probablement jusqu'à la fin du XVIIème siècle. D'autre part, des luttes intestines existaient même à l'intérieur de ce "clan", puisque Hautponnais et Lyzelards ne s 'entendaient guère, d 'où le déve- - 96 -

loppement et le renforcement d'une certaine endogamie entre ces deux populations pourtant proches à 1 'origine.

Les faubourgs ont donc pris au cours des temps des chemins dif­ férents. Si les francs pêcheurs devenus jardiniers ont poursuivi le même but:; c'est à dire assainir et mettre en valeur le marais, le passage du canal dans le Haut Pont fut 1 'élément moteur gui assura très tôt 1 'essor du faubourg au niveau démographie et aussi au niveau de la diversification des professions. Lyzel n'ayant pas eu au départ les mêmes chances d'expansion vivotait et au XIXème siècle le faubourg . n'avait pas subi de modifications, il devait certainement ressembler fortement à ce qu'il était au moyen âge. Seulement ce faubourg offrait de grandes possibilités d'aménagement surtout par rapport à l'autre quartier et la gare, comme le canal du Haut Pont, a été aussi un fac­ teur déterminant favorisant lé développement rapide de Lyzel.

On aurait pu croire également que les faubourgs étaient plus ou moins statiques, fermés à toute intrusion étrangère. Ceci fut cer­ tainement vrai pour Lyzel jusqu 'au siècle dernier tandis que le Haut Pont, à la même époque, grâce à ses diverses activités était un quartier animé et très fréquenté. Les jardiniers ne devaient pas rester imper­ méables face à toute cette agitation. Excepté les isolés et une partie des jardiniers de Lyzel, il semblerait que ceux-ci, par certains côtés, étaient sortis depuis longtemps de leur microcosme, surtout au point de vue des relations commerciales, les jardiniers vendaient une grande partie de leur récolte non seulement à la ville de Saint Orner mais aussi dans les centres urbains alentours.

Les Lyzelards, plus isolés, connurent une ouverture et un bxas- ' sage de population plus tardif mais comblèrent rapidement leur retard, et en un siècle, le quartier fut complètement transformé. Il fut,à même d 'accueillir grâce à la mise en place de nouvelles infrastruc­ tures toute sorte de population.

De nouvelles catégories socio-professionnelles se sont implan­ tées dans le Haut Pont et surtout dans Lyzel et les maraîchers ont alors eu conscience de la différence de mode de vie entre gens de la terre et le groupe des salariés qui ne vit pas aux mêmes heures, exécute - 97 -

un travail souvent moins pénible, a des rentrées d'argent régulières.. . Cette prise de conscience s'est faite progressivement et c'est dans les périodes de crise ou de changement social comme la crise de 1936 ou j-ù yJLiíVc: uc¿ ïnujiâj.cntjxs (uj.rxgcc: ooriL.ro ¿.es expedí t-^ur s c/ut; i^ pi.oijj.tí~ mes de la profession et les bouleversements qui 1'agitent furent mis à jour.

Mais ce ne sont pas les seuls moyens de les saisir car il sem- blerait qu'il se soit produit d'une certaine manièrerun phénomène d'acculturation en ce qui concerne les maraîchers. Cependant, ce n 'est pas seulement les structures démographiques qui ont bougées mais 1'ensemble des fçonsrde travailler et aussi'de vivre. Il serait intéressant de suivre les étapes marquant le passage à la mécanisation entraînant la modification des pratiques culturales auprès decfamilles maraîchères-comprenant encore au moins trois générations susceptibles d'être interrogées. Plus tard, un troisième volet pourrait être consa­ cré plus précisément, à la vie sociale, associative et familiale afin d'étudier la trajectoire de ces familles, les liens entres elles, leurs us et coutumes et aussi leur devenir.