éduquertribune laïque n°80 mars 2011

dossier L’accomplis- sement de soi

éducation Accompagner les étudiants dans l’enseignement supérieur et universitaire

Scolarité et environnement Climat scolaire et défi s climatiques

médias Facebook, arme de révolution massive

Publication de la Ligue de l’Enseignement et de l’Éducation permanente asbl 1. Sommaire Histoire Régionales Dossier Société Actualité Focus En vrac Médias etenvironnementScolarité À laLigue À Éducation Éditorial Marie VerseleMarie Focus Guy Vlaeminck Faire évoluer lesmentalités Animateurs deprojets socioculturels 2011 L’agenda motivations humaines Une théorieoptimistedes L’accomplissement desoi TorrekensCorinne public bruxellois La visibilitédel’islam dansl’espace l’enseignement supérieuretuniversitaire Accompagner lesétudiants dans Valérie Silberberg Des prépensions à58ans reportées ? Parutions etévènements Facebook, armederévolution massive Climat scolaire etdéfi Pol Defosse la priorité des« deux gauches » La questionscolaire n’est plus Sabine Renteux La pyramide desbesoins inmne orbe rni tous concernés ! Bien mangerpourbiengrandir : Le Formation secteur Dorothée Baillet Michel Gheude Michel Laurent Bourgois Le développement delapersonnalité Accomplissement etconnaissance desoi Devenir pleinement humain Dossier réaliséDossier parPatrick Hullebroeck contributions Infl Psychopathologie uences, critiquesetcontroverses, p 4 p 37

s climatiques

p 49

p 6

p 15 p 41 p 40 p 20 p 39 p 12 p 46 p 44 p 23 p 25 p 28 p 33 p 35 p 31 P 18 p 3 à ce numéro: égalementcollaboréOnt mmteam sprl Réalisation assisté par Eric Vandenheede enpage Mise Valérie Silberberg Animatrice Patrick Hullebroeck Direction Guy Vlaeminck Editeur responsable 1000 Bruxelles rue delaFontaine, 2 permanente asbl l’Éducation etde de l’Enseignement est édité par éduquer Michel Gheude Michel Laurent Bourgois Pol Defosse Le Formation secteur Sabine Renteux Patrick Hullebroeck TorrekensCorinne Dorothée Baillet Valérie Silberberg VerseleMarie Guy Vlaeminck Marie Marie Versele

de larevue Eduquer Guy Vlaeminck, Président de la Ligue

Faire évoluer les mentalités

La Cour constitutionnelle vient de fournir entraînant une différenciation progressive droits, leur assigner des missions identiques un avis sur le décret «inscriptions» de du travail éducatif. La tendance se trouva et évaluer régulièrement les progrès réalisés Madame la Ministre Simonet. A un détail près renforcée encore par l’apparition de la seraient de nature à améliorer l’efficacité concernant la distance entre établissement discrimination positive où la loi reconnaissait de l’ensemble. La condition première serait primaire fréquenté et école secondaire explicitement les besoins engendrés par de faire en sorte que l’enseignement libre souhaitée, le texte reçoit l’aval de la Cour. La la concentration de populations scolaires progresse vers les caractéristiques d’un prochaine rentrée devrait donc se dérouler socio-économiquement faibles dans certains véritable service public (dont, par ailleurs, de manière plus paisible que les années établissements. le réseau se revendique), notamment en précédentes. C’est fort bien. Bien que plusieurs de ces mesures soient introduisant les principes d’un pluralisme L’information cependant n’apaisera pas la totalement appropriées à la réalité de la authentique, réellement respectueux des virulence des critiques des parents qui se situation, la tendance perverse à renforcer convictions de chacun. Une évolution des sentent lésés dans l’exercice de leur libre la concurrence était claire et a encouragé écoles officielles vers plus d’autonomie serait choix. Ces manifestations restent bien l’évolution d’un système éducatif de plus tout aussi bienvenue. compréhensibles. Toute la législation en plus inéquitable, que les enquêtes Les propositions reprises dans la brochure depuis 1958 a engendré, en effet, internationales ne cessent de mettre en du CEDEP « Réflexions en vue d’un système un renforcement permanent de la évidence depuis l’an 2000. éducatif plus performant pour tous les concurrence entre écoles contre laquelle Et voilà qu’après toutes ces années, le enfants » constitue, à cet égard, une 1 ■ les récentes dispositions d’inscription décret « inscriptions » vient faire obstacle précieuse source d’inspiration. semblent naviguer à contre-courant. à la liberté de choix de l’école secondaire Le pacte de 1958 a enclenché le mouvement sous le motif, éminemment honorable, 1. Le document peut être obtenu à la Ligue ou en introduisant le principe du libre choix de favoriser la mixité sociale. Après avoir consulté sur le site du CEDEP. et l’obligation, pour l’Etat, de l’assurer encouragé la concurrence pendant des matériellement. La concurrence allait dizaines d’années, voilà que la loi suggère désormais se développer aux frais de l’Etat. l’idée qu’une école en vaut une autre et que Dans le seul but d’éviter les dérapages chacune mène, avec une efficacité identique, budgétaires, la loi a lié, plus tard, un travail pédagogique aux effets identiques. l’encadrement pédagogique des Théoriquement, l’idée est noble et la Ligue établissements aux variations de leur ne peut qu’y souscrire. Mais elle reste, hélas, population. Elle a contribué à transformer la loin de refléter la réalité. pratique de la chasse à l’élève en question Vaincre les résistances ne sera pas facile. Les de survie pour les écoles. Les normes de traces de 180 années de concurrence ne rationalisation ne firent qu’exaspérer le s’effaceront pas sous l’effet d’un décret. phénomène. Il semble toutefois évident qu’une plus Peu après, les établissements furent grande unité de notre système scolaire serait invités à préciser leur projet pédagogique, à même de faire évoluer les esprits. Placer c’est-à-dire à se démarquer autant chaque établissement, chaque enseignant, que possible de l’établissement voisin, devant les mêmes devoirs et les mêmes

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Marie Versele, animatrice du secteur Communication

Billet d’humeur Coup de cœur musique Voile islamique, le Conseil d’Etat prend position Degeneration street Ces deux dernières années, une aff aire de voile islamique avait défrayé inquième album de la formation montréalaise The Dears, Degeneration street est un al- l’actualité à Charleroi1 : une enseignante portait le voile en donnant cours Cbum très attendu par ses fans. Sujet à divers tourments, le groupe était alors au bord de dans l’enseignement communal ; suspendue, elle avait obtenu gain de la rupture. C’était sans compter sur le génie du groupe et sur un retour aux origines musicales cause en appel, en vertu de l’article 9 §2 de la Convention européenne de qui avaient fait leurs preuves dans leur brillant album « No cities left » de 2003. Une des forces sauvegarde des droits de l’homme, qui dispose « la liberté de manifester sa des Dears a toujours été de proposer des compositions léchées, extrêmement bien produites religion ou ses convictions » ; en conséquence de quoi, la Ville de Charleroi et incroyablement soutenues par la voix de crooner de celui que l’on appelle le « avait décidé d’adhérer au décret sur la neutralité de l’enseignement or- noir », Murray Lightburn. Est-ce encore ganisé par la Communauté française du 31 mars 1994 qui impose aux le cas ? enseignants de s’abstenir de toute attitude et de tout propos partisans dans Le sentiment est mitigé : une première les problèmes idéologiques, moraux ou sociaux, qui sont d’actualité et qui partie très engageante (Omega Dog, divisent l’opinion ainsi que des actes témoignant en faveur d’un système 5 Chords et Blood) à laquelle succède religieux ; sur base de cette adhésion, la Ville avait alors adopté un règle- une deuxième moins riche, plus lente ment d’ordre intérieur interdisant le port du voile ; c’est ce règlement que et moins pop. Au fi nal, Degeneration l’enseignante avait dès lors attaqué. Le Conseil d’Etat vient de trancher. Street surprend de belle manière, car A plus d’un égard, son arrêt, daté du 21 décembre 2010, mérite qu’on même si les quatorze pistes ne sont s’y arrête. pas toutes des réussites, l’ensemble D’abord, parce qu’il a, dans son argumentation, une portée qui dépasse s’écoute avec plaisir. l’enseignement et concerne tous les services publics, en insistant sur le The Dears sera en concert le 14 avril respect des usagers à être traités de façon égale : « Dans un Etat de droit prochain à l’Ancienne Belgique démocratique l’autorité se doit d’être neutre, parce qu’elle est l’autorité de tous les citoyens et pour tous les citoyens et qu’elle doit, en principe, les traiter de manière égale sans discrimination basée sur leur religion, leur conviction ou Activité Le site du mois leur préférence pour une communauté ou un parti. Pour ce motif, on peut dès lors attendre des agents des pouvoirs publics que, dans l’exercice de leurs Le Wolf et ses 3 formules d’activités www.centresculturels.cfwb.be fonctions, ils observent strictement, à l’égard des citoyens, les principes de extrascolaires e nouveau site Internet des Centres neutralité et d’égalité des usagers. La neutralité dans l’enseignement vise e Wolf off re aux plus jeunes une belle occasion de Lculturels aussi à préserver les droits fondamentaux des élèves et de leurs parents. Lse plonger pleinement dans la magie des livres et L’anniversaire des 40 ans du secteur des Ces droits ayant pour but primordial de protéger les droits de la personne d’approcher diff érentes techniques d’écriture et d’il- centres culturels : une occasion rêvée pour humaine contre les abus de pouvoir de l’autorité. Il ne peut être admis qu’un lustration, de se lancer dans l’expression théâtrale ou inaugurer un nouveau site Internet entière- agent des services publics, en l’occurrence un enseignant dans l’enseigne- encore de cuisiner des dents de loups et autres délices ment dédié aux activités organisées par ces ment offi ciel, invoque un droit fondamental pour justifi er la méconnais- d’ogres ! lieux de partage et d’échange. L’ambition sance des droits fondamentaux des citoyens, en l’espèce des élèves et de Divers modules adaptés à tous les âges vous attendent est que le site soit le refl et de la richesse leurs parents. » jusqu’au 15 juin 2011 ! et de la diversité du secteur, mais égale- Ensuite, parce que l’arrêt établit, sans ambiguïté, que le port du voile Pour plus d’info : www. lewolf.be ment qu’il soit aussi au service des centres islamique est un acte qui, non seulement est de nature à être la « source Inscriptions au 02/512.12.30 ou via [email protected] culturels. de division entre les diff érentes conceptions religieuses et philosophiques », mais est aussi « un signe visible et ostensible d’appartenance à un système religieux mais aussi de conviction ». Conclusion : « Il s’ensuit qu’il est diffi cile de défendre raisonnablement que le décret de la Communauté française du 31 mars 1994 précité ne pourrait fonder un pouvoir organisateur à préciser, par voie générale, les obligations de neutralité qui pèsent sur leurs enseignants notamment en interdisant Lecture « le port de tout signe ostensible religieux, politique ou philosophique » dans l’exercice de leur fonction. » Faut-il manger les animaux ? Il résulte, de tous ces débats, que les pouvoirs organisateurs qui ont Jonathan Safran Froer adhéré au décret du 31 mars 1994, sont fondés quand ils adoptent des aut-il manger les animaux ? C’est à partir de cette ques- règlements qui interdisent le port du voile islamique par leurs enseignants Ftion, simple en apparence et pourtant révolutionnaire, (à l’exception des professeurs de religion). Mais pour les autres, ceux qui ont que l’écrivain américain s’est livré à un impressionnant travail adopté le décret sur la neutralité de l’enseignement public subventionné d’enquête et de réfl exion sur la manière dont nous traitons du 17 décembre 2003, la situation semble moins assurée. Ne faudrait-il les animaux que nous mangeons. Foer pose le doigt sur un pas s’en préoccuper ? problème très largement ignoré : avons-nous le droit de faire souff rir et mourir des êtres vivants pour notre plaisir collectif, Patrick Hullebroeck, Directeur alors que notre survie n’est pas en jeu ? La confrontation de souvenirs d’enfance, de données statistiques et d’arguments philosophiques, lui permet d’interroger 1. Sur cette aff aire, voir Eduquer n°74 ; pour les extraits, voir nos croyances, les mythes familiaux et les traditions autour de l’alimentation humaine. La lecture Scolanews, janvier 2011. de ce livre risque de provoquer des haut-le-coeur chez un certain nombre de lecteurs, y compris - et surtout - parmi ceux qui ne se sont jamais vraiment posé la question du végétarisme.

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Un jour... en 1980 Le printemps berbère... chronologie d’un combat inachevé e 11 mars 1980 marque le début du Printemps berbère en Algérie : une série Lde manifestations et d’émeutes durant lesquelles les berbères revendiqueront l’offi cialisation de la langue tamazight (la langue berbère) et la reconnaissance de l’identité berbère en Algérie. A l’époque, les berbérophones représentaient 45% de la population algérienne et étaient principalement regroupés dans les montagnes de Kabylie. Suite à l’indépendance du pays en 1962, l’arabe s’était rapidement imposé comme langue offi cielle. L’Algérie connut alors une arabisation intensive du pays au dé- triment du berbère. Face à cette imposition, les manifestations et émeutes vont rapidement voir le jour à travers le pays. Ce Printemps berbère ouvrira la voie à une remise en cause du régime algérien tant sur le plan social, à travers l’émergence d’une génération d’intellectuels engagés dans le combat démocratique, que sur le plan culturel, en brisant le tabou linguistique et culturel du pays. A l’heure actuelle, et après un combat de plus de 20 ans, la langue berbère est désormais reconnue comme langue nationale de l’Algérie. Pourtant, les revendica- tions identitaires sont toujours présentes. Les enseignants de berbère sont victimes de pressions et globalement, aucune volonté économique ne vise à développer la Kabylie, devenue un point noir pour Alger qui y mène de fréquentes opérations contre les islamistes. En eff et, depuis une décennie, le terrorisme s’y est enraciné et le kidnapping y est devenu un véritable commerce dans une région où la population est désormais livrée à elle-même. Livre pour enfant Hibiscus ibiscus, ce qu’elle veut, c’est un Mini news Hbébé. Mais rien ne se passe... Le souci est que Hibiscus est une eporters sans frontières dénonce hyène dans une peau de kangourou ! Rl’assassinat de 57 journalistes en C’est sa mère qui lui a tricoté son cos- 2010 à travers le monde, soit une baisse tume avec la laine de tous ses ancê- de 25 % par rapport à l’année dernière tres. Alors, Hibiscus comprend pour- où 76 journalistes auraient trouvé la quoi elle est toujours la dernière à la mort. On dénombre, par contre, une course, pourquoi elle s’est toujours inquiétante augmentation des enlève- sentie diff érente. ments de journalistes cette année : 55 Un album tout en fi nesse et en subti- % en plus avec un total de 51 cas contre lité sur l’adoption et la diff érence. 33 en 2009 et 29 en 2008. Une jolie découverte ! Source : Wikinews

Citation… Pourquoi ? « Une absence totale d’humour Pourquoi les soldats de 14-18 sont-ils appelés « les poilus » ? rend la vie u début du siècle dernier, le terme de « poilu » faisait partie de impossible. » Al’argot français et désignait une personne courageuse et virile. A Colette l’origine, le terme provenait d’une expression plus ancienne qui signi- fi ait alors « une personne brave à trois poils » et était utilisé pour dési- gner une personne qui avait du poil au ventre. A noter que les soldats de 14-18 n’utilisaient pas ce terme de « poilus » préférant s’appeler « les hommes » entre eux. Une deuxième explication off re une autre vision de l’expression: les Le saviez-vous ? soldats des tranchées ne pouvant pas avoir de conditions d’hygiène convenables étaient simplement obligés de se laisser pousser barbe ’armée pakistanaise a perdu plus de soldats et cheveux et, donc paraissaient tous « poilus ». Cette version ne peut Ldans sa lutte contre les talibans depuis trouver de fondements que dans les débuts de la guerre, car dès lors 2007 que l’ensemble des forces internationales que les gaz fi rent leur apparition, les masques à gaz bannirent la barbe présentes en Afghanistan depuis 2001. des visages des soldats ainsi que du règlement militaire.

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Valérie Silberberg, responsable du secteur Communication Des prépensions reportées à 58 ans ?

Et un nombre d’élèves en retard toujours impressionnant !

Après deux mois d’approches formelles (les syndicats n’ont fait qu’exposer leurs revendications), les ministres devaient entrer dans le vif du sujet le 10 février. Marie-Dominique Simonet (Enseignement obligatoire) et Jean-Claude Marcourt (Enseignement supérieur) devaient ouvrir le débat sur les DPPR (disponibilités précédant la pension de retraite).

Mais le 9 février, la ministre ans (comme en Flandre et côté « On l’a dit et répété aux ministres : de l’Enseignement fait savoir aux germanophone), et ceci se ferait si on économise côté DPPR, il faut syndicats que la négociation du de manière progressive, selon des un geste côté salaire. » Et pour 10 est reportée « à une date ul- modalités à affiner. Des DPPR à Eugène Ernst (CSC) : « S’ils comp- térieure ». S’exprimant en front temps partiel seraient possibles à tent s’en sortir avec cette seule pro- commun syndical, les syndicats partir de 55 ans. Mais on fixerait position sur les DPPR, le printemps rappellent que leur négociation un plafond : la charge non pres- sera agité. » sociale doit être ficelée en trois tée ne pourrait, entre 55 et 60 Le 16 février, lors du conseil mois (entamée le 24 novembre, ans, excéder trois années au total. des ministres restreint, les partis de elle doit donc se clore le 24 fé- Toujours à partir de 55 ans, l’en- l’Olivier (PS, cdH et Ecolo) s’ac- vrier). « Le gouvernement, qui seignant pourrait réduire sa char- cordent sur le sort qu’ils comp- s’est volontairement imposé un ca- ge devant des élèves et se livrer tent réserver aux prépensions. lendrier étriqué, réduit à la portion à des activités de cotitulariat ou Même si les ministres Simonet et congrue le temps encore disponi- de soutien à de jeunes collègues. Marcourt ne disent mot sur l’ac- ble pour analyser correctement les Le gouvernement Demotte cord, le schéma retenu serait bien propositions toujours à venir. » En réunit un conseil restreint le 16 celui-ci : les possibilités de DPPR fait, les ministres n’ont pas enco- février. Si les partis s’alignent, le seront repoussées à 58 ans, mais re, concernant les DPPR, arrêté point passera en exécutif le 17 et des DPPR à temps partiel se- la proposition à déposer devant la négociation avec les syndicats ront possibles à partir de 55 ans. les syndicats reprendrait la semaine suivante. L’enseignant disposera de 1 mois Il n’y a donc pas encore d’ac- Mais, le 15 février, Ecolo et PS di- par année d’ancienneté (si l’en- cord politique et les ministres sent toujours ne pas voir clair en seignant a une carrière de 32 ans Simonet et Marcourt veulent ce qui concerne l’impact financier - nombre d’années d’ancienneté Pour la revue de presse complète, réserver la primeur de leur plan du schéma proposé. Coté syndi- en moyenne à 55 ans - il se sera consultez notre site : aux syndicats. Mais selon cer- cal, l’accueil est froid. On juge constitué un « pot » de 32 mois). www.ligue-enseignement.be taines informations, les prépen- le scénario évoqué « minimal ». Les DPPR, dans leur formule ac- sions seraient repoussées à 58 Pour Pascal Chardome (CGSP) : tuelle, sont garanties jusqu’au 31

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décembre 2011. maternelle alors qu’ils ont pourtant déjà 6 L’exécutif de la Communauté française va- ans. L’enfant qui a été retardé en maternelle lide, le 17 février, l’accord intervenu la veille ne connaît pas nécessairement une meilleure en conseil restreint sur le sort des prépensions. scolarité primaire (un enfant freiné en mater- Syndicats et ministres se voient le 24 février, nelle sur deux redouble avant la 4e primaire). date à laquelle la négociation aurait dû se ter- L’an dernier, Mme Simonet a commandé En commission du par- miner ! Comme il faut encore tout négocier et une étude interuniversitaire sur le sujet, dont lement de la Communauté inscriptionsDécret comme les syndicats devront ensuite consul- on aura les conclusions en octobre. Mais la française, un projet de dé- ter les professeurs, la négociation s’achèvera ministre n’attendra pas et veut que le redou- cret de la ministre de l’En- fin mars. L’exécutif songe aussi à tenir compte blement devienne « vraiment exceptionnel » et seignement contenant des de la pénibilité de la fonction exercée - un qu’il soit désormais dûment motivé. Les mo- dispositions diverses en ma- enseignant ayant travaillé en discriminations dalités restent à être précisées mais il est ques- tière d’enseignement obligatoire et de pro- positives, par exemple, verrait son « pot » aug- tion de faire contrôler (par l’administration motion sociale a été adopté par la majorité menté. La CGSP tique. La CSC aussi : « Il est le cas échéant) l’opportunité des redouble- PS-Ecole-cdH. Le MR s’est abstenu. Le décret difficile de définir quelle tâche est plus pénible ments, et ce dès l’année scolaire prochaine. rassemble une série de dispositions techni- qu’une autre. » Une étude commanditée par la Commission ques correctrices par rapport à certaines dis- européenne vient confirmer la tendance à re- positions du décret inscriptions. La chef de Indicateurs de l’enseignement courir aux redoublements en Belgique franco- file du groupe MR, Françoise Bertieaux, est Le redoublement est légèrement en baisse, phone. Selon cette étude, les enfants doublant remontée au créneau pour affirmer que la mi- voilà ce qui ressort des derniers « indicateurs (au moins) une année primaire sont 22,4% au nistre ratait là une belle occasion d’obtempé- de l’enseignement ». Mais le nombre d’élèves Portugal et aux Pays-Bas. La Belgique franco- rer à la Cour constitutionnelle, qui a annulé en retard reste impressionnant. En fin de 6e phone suit avec 22% (16% en Flandre). En une disposition de son décret. La ministre a primaire, 2 élèves sur 10 ont pris un an de Allemagne, Autriche et Danemark, l’enfant rétorqué que la Cour lui avait donné deux ans retard, voire deux. En fin de 6e secondaire, immature est volontiers retardé en maternelle pour modifier le décret. cette part est de 6 élèves sur 10. et le redoublement au primaire est faible. Au La Libre Belgique, 26-01-2011 Pour redresser la barre, la ministre Marie- secondaire, le taux de redoublement est de Dominique Simonet va travailler en amont, 24,2% côté francophone, 8,3% en Flandre. Infor Jeunes Bruxelles et Infor Jeunes au 1er degré. Le cabinet, en concertation L’Espagne culmine à 32%. Un élève sur 200 Laeken lancent une campagne d’information avec la Commission de pilotage, réfléchit à la redouble en Finlande. sur le décret inscriptions. Un bus déambulera manière d’y réduire l’échec et d’améliorer la Pays-Bas, France, Luxembourg, Espagne, dans la capitale du 27 janvier au 5 avril. Il s’ar- transition primaire/secondaire. Aucune me- Portugal et Belgique forment un groupe de rêtera à Molenbeek, Anderlecht, Saint-Gilles sure n’est promise avant 2012, sauf, peut-être, pays où « existe l’idée que refaire une année est et Schaerbeek, privilégiant ainsi les commu- des expériences pilotes préalables. utile pour l’élève. Cette idée est soutenue par les nes où se concentrent les publics les moins Exactement comme l’an dernier, la minis- enseignants, la communauté scolaire et les pa- favorisés. Renseignements sur www.inforjeu- tre s’inquiète du taux de redoublement en 3e rents », dit le rapport. En Islande, Norvège et nes-bxl.be maternelle. 2 000 enfants de la Communauté Royaume-Uni, le passage à l’année suivante Le Soir, 26-01-2011 française sont retenus chaque année en 3e est quasi automatique.

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Enseignement supérieur « C’est une situation schizophrénique : le Les « indicateurs de l’enseignement » numerus clausus limite l’accès à la profes- concernent également le taux de réussite sion et voilà que l’on parle d’instaurer, en en 1re année des étudiants de première gé- Communauté française, un examen d’entrée nération dans l’enseignement supérieur. Les en 1er bac de médecine. » Telle est la réaction chiffres de l’année académique 2007-2008 de Michaël Verbauwhede, président de la montrent une certaine stabilité par rapport FEF, suite à un article paru, le 14 février, à 2003-2004. Le taux de réussite n’a guère dans le « Standaard », où on pouvait lire que, varié dans l’enseignement supérieur de type en 2009, 184 médecins roumains avaient re- court (40,6% contre 40,1%) ou hors univer- joint les hôpitaux de la Communauté fran- sitaire de type long (40,7% contre 40,9%). çaise. « Cette situation n’est pas neuve », ex- Dans l’enseignement universitaire, le taux plique le président de la FEF, qui rappelle de réussite moyen est, par contre, de seu- que son organisation a déjà, plusieurs fois, lement 39% pour 2007-2008 alors qu’il était interpellé le pouvoir politique sur cette « in- de 42,8% pour 2003-2004. Pour le ministre cohérence ». Un regret que partage Jérôme de l’Enseignement supérieur, Jean-Claude Lechien, président du Comité interuniver- Marcourt, « il importe d’abord de travailler au sitaire des étudiants en médecine, qui pré- niveau du secondaire. Et puis, nous devons cise que l’afflux de médecins étrangers, qu’ils veiller à mieux accompagner le jeune pendant soient roumains ou pas, finit par altérer la ses études plutôt que de le sanctionner. » qualité du service. ■ Dans l’actualité touchant l’enseignement supérieur, on parle de nouveau beaucoup des études de médecine. Le groupe PS à la Chambre a fait savoir, sources le 24 janvier, qu’il avait déposé une proposi- Le Soir et la Libre Belgique tion de loi visant à réduire la durée des étu- 25-01 au 18-02-2011 La croissance démo- Boom démo- des de base en médecine de 7 à 6 ans. Un graphique à Bruxelles graphique raccourcissement d’un an qui concerne tous inquiète de plus en plus : il les futurs médecins, quelle que soit leur spé- n’y aurait déjà plus de pla- cialité. Les députés PS tentent ainsi de faire ce pour inscrire les frères passer par la voie parlementaire un projet Pour lutter contre la pé- Pénurie et sœurs dans certaines écoles primaires. de loi de la ministre de la Santé, Laurette nurie d’enseignants, le MR de profs Les communes doivent se débrouiller pour Onkelinx, lequel n’avait pas abouti en raison avance plusieurs pistes. Il trouver de la place dans le circuit des éco- de la chute du gouvernement. plaide, entre autres, pour les officielles, et tendre vers une meilleure Le cabinet de Jean-Claude Marcourt revoir la formation initiale répartition des élèves entre écoles. Va-t-on plancherait, lui, actuellement sur le projet des enseignants, en la lais- devoir se diriger vers un décret inscription d’un examen d’entrée en médecine pour sant évoluer vers un master en cinq ans, à pour le primaire ? 2012-2013. Pour Jérôme Lechien, président condition toutefois de d’abord renforcer le Le Soir, 15-02-2011 du Comité interuniversitaire des étudiants socle des trois premières années en insistant en médecine, c’est un « non » catégorique : sur la maîtrise du français, la détection des « (…) l’examen d’entrée en médecine ne per- difficultés d’apprentissage et la remédiation, met pas de déterminer qui sera capable de et en apprenant à gérer le stress et la violen- 400 à 450 étudiants de réussir ses études et encore moins qui sera un ce. Le MR appelle également de ses vœux Etudiants Hautes Ecoles qui se sont modestes bon médecin. Et l’examen d’entrée ne fait que la mise en place, sur le modèle québécois, vus récemment retirer une prolonger le système déjà passablement inéga- d’un service d’appui pédagogique qui peut réduction de minerval due litaire, stigmatisé par les études Pisa, de notre venir en aide à l’enseignant qui traverse des à leur statut d’étudiants à enseignement secondaire. ». Par rapport au difficultés. Il propose aussi de permettre aux revenus « modestes » devront rembourser taux d’échec en 1re année, « l’examen d’en- enseignants qui le souhaitent de prester des en moyenne 111 euros chacun, selon des trée est une fausse réponse à un vrai problème. heures supplémentaires ; de généraliser le tu- chiffres du cabinet Marcourt. Plusieurs Augmentons les moyens d’encadrement. Tout torat des jeunes enseignants par les anciens ; Hautes Ecoles ont en effet interprété au le monde a le droit d’entrer à l’université. » de négocier une position claire et définitive sens large les critères permettant de re- Pour Jérôme Lechien, « on doit développer les sur les fins de carrière ; de payer les tempo- connaître le statut d’étudiants disposant séances d’infos dans le secondaire pour que les raires à chaque fin de mois, « et non six mois de revenus « modestes ». L’interprétation étudiants évitent de ‘se tromper d’auditoire’. plus tard » ; de dépolitiser les procédures de des critères devra être « clarifiée », selon le Développons des guidances avec des étudiants recrutement ; ou encore d’assouplir le régime cabinet Marcourt. des années supérieures, on pourrait instaurer des titres et fonctions. La Libre Belgique, 10-02-2011 des cours de rattrapage… » La Libre Belgique, 21-02-2011

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Ecole active

Le ministre-président de la Région bruxelloise, Après le projet d’école secondaire de l’ASBL Charles Picqué, a donné son feu vert pour la créa- « Les Amis de l’école active », voici que l’Athénée tion de l’école secondaire à pédagogie active sur le royal Andrée Thomas de Forest souhaite éga- site de l’internat de Forest. Il a accordé un subside lement y implanter une école fondamentale et de 50 000 euros pour l’engagement d’un coor- primaire ainsi qu’un 1er degré dans le secondaire. dinateur. Selon Charles Picqué, « (…) certains ne Seulement, le gouvernement de la Communauté comprennent pas qu’un projet émanant du privé (la française s’est déjà prononcé en faveur du premier FELSI, Fédération d’enseignement libre subven- dossier, ce qui provoque la colère de la CGSP. Les tionné indépendant) utilise un terrain appartenant enseignants de l’Athénée Andrée Thomas ont à la Communauté française. (…) Il faut des écoles à donc décidé de marquer un arrêt de travail le 3 Bruxelles. Nous en sommes tous conscients mais elles février. Le soutien de la ministre de l’Enseigne- ne doivent pas toutes être publiques. Maintenant, il ment obligatoire aux « Amis de l’école active » a est vrai que si l’école active a besoin de fonds publics, mis en colère l’équipe pédagogique de l’athénée elle devra être ouverte à tous et respecter le principe qui l’accuse de favoriser le privé aux dépens du de mixité. » A présent, la balle est dans le camp du public. « La ministre n’a jamais été au courant de ce Conseil général de l’enseignement qui se pronon- projet à pédagogie active de l’athénée et les réunions cera prochainement. de travail avec l’association ont débuté en mai Le Soir, 25-01-2011 2010. », précise-t-on au cabinet Simonet. « Pour une question d’antériorité et donc de crédibilité, Les députés bruxellois MR applaudissent la prise nous n’allons pas retirer notre soutien aux « Amis de de position du gouvernement régional et consi- l’école active ». De plus, les deux projets ne sont pas dèrent l’engagement d’un coordinateur grâce au concurrents puisque nous allons manquer de places subside de 50 000 euros comme un signal positif. à Bruxelles. » Par contre, le MR déplore le manque de réactivité Le Soir, 03-02-2011 de la Communauté française dans ce dossier vu le boom démographique prévu dans la capitale. De son côté, défendant le réseau officiel, la CGSP ne comprend pas qu’une école qui relève du secteur privé occupe des bâtiments publics et Notre enseignement des lan- Langues puisse ainsi empêcher d’autres projets de création gues est inégalitaire et incohé- d’écoles du réseau officiel, répondant eux aussi aux rent. Il manque de moyens mis besoins des populations. La régionale bruxelloise à la disposition des professeurs estime également que ce n’est pas aux parents de (particulièrement dans le secon- créer une école comme ils la rêvent, mais aux auto- daire) et les objectifs fixés par la Communauté rités publiques. La CGSP préférerait que les moyens française sont flous. Voilà les conclusions de la publics aillent d’abord à la création d’écoles mater- thèse que vient de déposer Dany Etienne, assis- nelles et primaires. tant à l’UCL en didactique des langues et profes- Le Soir, 26-01-2011 seur d’anglais et allemand au niveau secondaire. Il ne s’agit pas d’une enquête sur la qualité de Le gouvernement de la Communauté fran- l’enseignement des langues, mais plutôt sur des çaise a émis un avis favorable pour l’installation de éléments comme l’offre en langues, les parcours l’école secondaire de type pédagogie active sur le d’élèves, le matériel pédagogique, ce qu’élèves et territoire de la commune de Forest. Il a ainsi décidé enseignants pensent du programme… Pour Dany de soutenir officiellement le projet. « Vu le boom Etienne, le programme devrait « établir des com- démographique auquel Bruxelles va devoir faire face, pétences prioritaires - participer activement à une il est important de soutenir de tels projets. », explique discussion, faire comprendre ses opinions, lire/com- le cabinet de la ministre de l’Enseignement obliga- prendre des écrits d’actualité. » L’auteur de la thèse toire. Cette décision représente un signal fort pour s’étonne de la grande « flexibilité » dans le domaine des langues - selon les options, la fi- la SPABSB (Société d’administration des bâtiments lière, l’apprentissage, le nombre d’heures varie fortement (dans le secondaire, sur six ans, scolaires bruxellois). Elle doit encore se prononcer de 117 heures à 700 heures, 700 étant l’idéal). Réagissant à cette thèse, Marie-Dominique sur l’implantation de l’école sur le site de l’internat Simonet signale que le programme en langues est en cours d’analyse à l’inspection. Elle de Forest. Si elle se positionne rapidement, l’école évoque aussi une première : des élèves de la Communauté participent cette année à un serait encore dans les temps pour lancer les inscrip- test à l’échelle européenne sur l’enseignement de l’anglais et de l’allemand. Les résultats tions et ouvrir à la rentrée de septembre 2011. de ce test qualitatif seront connus en 2012. Le Soir, 28-01-2011 Le Soir, 09-02-2011

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Circulaire contreversée

de veiller au respect de la neutralité. », déclare Mme Simonet. « L’IVG est un sujet sensible et complexe. Il doit être abordé de façon trans- versale. Or, ici, il s’agit d’une grille de lecture partielle qui élude la complexité de la ques- Les mesures prises en fa- tion des grossesses non désirées. » Le SéGEC, Transport veur du transport scolaire scolaire Secrétariat général de l’enseignement ca- dans l’enseignement spé- tholique, s’apprête à interpeller la direction cialisé ont porté leurs fruits, générale de l’enseignement et, sous réserve s’est réjoui le ministre wal- de l’avis rendu par son CA, de déposer plainte lon des Transports, Philippe auprès de la Commission « Pacte scolaire ». Henry. En Brabant wallon, où l’offre a été dou- « (…) ce qui pose problème ici, c’est le fait blée sur les circuits les plus problématiques, que l’administration, qui exerce en principe le temps de parcours a diminué en moyenne une forme d’autorité, puisse servir d’instru- de 70 minutes et deux tiers des durées ex- ment pour diffuser les idées du CAL. », déclare cessives (plus de 4 heures) ont disparu. Le Etienne Michel, président du SéGEC, qui ministre Henry se concerte par ailleurs avec annonce qu’il va adresser un courrier à toutes la ministre de l’Enseignement pour une réor- les écoles catholiques « leur rappelant qu’elles ganisation plus vaste du transport scolaire. sont bien entendu libres de recourir ou non à ce La Libre Belgique, 16-02-2011 support pédagogique. » Pour le CAL, « il ne faut pas confondre contribuer au libre choix et plé- bisciter l’avortement. » Et de soutenir « le droit des femmes à disposer de leurs corps, qu’elles choisissent ou non d’avorter. » Le CAL entend Une mesure concer- Immersion La Direction générale de l’Enseignement a contribuer à l’information de tous les élèves, linguistique nant l’enseignement en envoyé une circulaire en faveur de supports et ce en parfait adéquation avec le décret immersion figure dans le pédagogiques pro-avortement réalisés par le Missions. « décret fourre-tout » voté CAL, Centre d’Action Laïque (circulaire n°3455 Le Soir, 17-02-2011 le 9 février au parlement intitulée « 20 ans du droit à l’avortement »). de la Communauté française. Aujourd’hui, L’article 41 du Pacte scolaire a-t-il été bafoué ? un enseignant disposant des titres requis La loi du 29 mai 1959 interdit « toute activité pour enseigner doit, pour être nommé et propagande politique », ainsi que « toute Le recteur des Facultés dans une fonction de professeur en im- activité commerciale » dans les écoles. Une universitaires Saint-Louis UCLouvain mersion linguistique, passer deux types commission « ad hoc » a été installée pour (FUSL), Jean-Paul Lambert, d’épreuves devant un jury. Une épreuve veiller à l’application de l’article 41 du Pacte a envoyé un courrier à Jean porte sur la branche enseignée, une autre scolaire. Un de ses membres s’interroge : Hilgers, président du CA sur la langue de l’immersion. L’épreuve « L’administration a-t-elle réellement respecté de l’UCL, et Bruno Delvaux, sur la matière est désormais supprimée. le sacro-saint principe de neutralité de l’Etat ? recteur de l’UCL. Il y dit que l’AG des FUSL Marie-Dominique Simonet a en effet J’en doute. » Du côté de l’administration, « il ne s’engagera pas dans des négociations considéré que l’enseignant, comme il est ne s’agit en rien d’une action de propagande ! », bilatérales en vue d’une éventuelle fusion diplômé dans la branche, n’a plus à prou- réagit Lise-Anne Hanse, directrice géné- telle que proposée aujourd’hui par l’ULC. ver la maîtrise de celle-ci. L’épreuve est en rale de l’Enseignement obligatoire, signa- Il rappelle, à cet égard, que cette formule outre simplifiée. Aujourd’hui, il faut passer taire de la circulaire. « Il appartient aux chefs avait déjà été tentée il y a plus de cinq ans une épreuve portant sur la « correction d’établissement et aux enseignants en tant et « que c’est précisément l’impasse à laquelle du langage ». La ministre a estimé qu’elle que ‘passeurs de savoir’, et dans le respect de avait abouti cette démarche qui avait conduit faisait double emploi avec l’épreuve orale. la philosophie du décret Missions, d’aider les les responsables des 4 universités de l’Académie Au total, l’examen se bornera désormais élèves à devenir de véritables citoyens. Ces sup- Louvain à s’engager dans un processus de né- à un examen oral et à un test écrit, tous ports pédagogiques servent de base. A eux de gociation multilatérale », lequel avait conduit deux centrés sur la maîtrise de la langue- les utiliser avec le regard qui est le leur et le recul à la définition du projet UCLouvain. Jean-Paul cible. Et si l’enseignant rate une partie nécessaire. » Lambert conclut en laissant la porte ouverte de l’épreuve, celle qu’il a réussie restera Le Soir, 16-02-2011 à des collaborations renforcées avec « toute acquise. Cette simplification ne vise que autre institution, que celle-ci relève de l’Acadé- l’enseignant qui souhaite se faire nommer Pour Marie-Dominique Simonet, il s’agit mie Louvain, du Pôle Louvain, voire d’autres dans l’emploi qu’il exerce en immersion. là d’une initiative « malheureuse ». « Chacun Académies ». Un appel à l’ULB ? Le Soir, 12-02-2011 a le droit de construire des outils de sensibili- Le Soir, 28-01-2011 sation, mais l’administration, elle, a le devoir

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Ecoles de devoirs

Nicolas De Kuyssche, chargé de che, elle, sur « un nouveau décret projet au sein du Forum bruxel- lois de lutte contre la pauvreté, se demande, dans sa recherche « Le rôle des écoles des devoirs dans l’accrochage scolaire des enfants pauvres », si les écoles de devoirs (EDD) jouent encore réellement leur rôle d’accro- chage scolaire. « Aujourd’hui, la plupart des EDD rechignent à EDD » qui devrait être finalisé faire du devoir, se résignent par d’ici fin 2011. Pour le Forum rapport à la question scolaire bruxellois : « Il manque une coor- et s’orientent vers le discours de dination du pilotage politique l’extrascolaire (activités d’éveil, des EDD entre la Communauté de découvertes, de loisirs…), très française et la Région bruxel- psychopédagogique. » Selon loise. » M. De Kuyssche affirme : M. De Kuyssche, ce qui est en « Ce discours psychopédagogique cause, ce sont les orientations n’est pas à bannir ; il faut orienter La forma- Formation

politiques prises via le décret les enfants vers des activités ex- tion en 3 ans desinitiale profs de 2004 de la Communauté trascolaires grâce à un réseau qui des institu- française (qui fixe les missions dépasse les EDD. Mais ce serait teurs et ré- des EDD), ainsi que l’ancrage plus efficace en termes de lutte gents devrait des EDD dans le secteur extras- contre la pauvreté si les EDD se être allongée à 5 ans. L’Olivier colaire. Or, si à Bruxelles, les concentraient exclusivement sur avait toutefois précisé dans EDD relèvent de la Cohésion leur mission historique de soutien sa déclaration de politique sociale et de l’Action sociale, la scolaire par l’aide aux devoirs. » communautaire que cet allon- Communauté française plan- La Libre Belgique, 28-01-2011 gement n’interviendrait qu’au terme d’« une évaluation par- ticipative de la mise en œuvre de la précédente réforme et des Selon le décret de besoins exprimés par les acteurs 2001 sur les avantages Avantages concernés ». Cette grande sociaux sociaux, une commune évaluation débute le 15 février qui accorde des avan- avec le premier comité d’ac- tages aux écoles qu’el- compagnement, en présence le organise est tenue de l’administration et des de les octroyer également aux écoles cabinets concernés (Marcourt, libres qui se situent sur son territoire, Simonet, Demotte et Nollet), pour autant qu’elles en fassent la de- ainsi que des représentants mande. D’après le rapport 2008-2009, du Centre d’études sociolo- 4 communes sur 5 ont déclaré octroyer des avantages sociaux, une giques (Facultés Saint-Louis) proportion en légère baisse par rapport à 2006-2007 (86%). Comme qui a emporté le marché. Elle lors des précédents rapports, les avantages le plus souvent octroyés devrait se clore début 2012. sont l’accueil des élèves (23% en 2009), la piscine (19%) et la sur- Outre un volet relativement veillance de midi (19%). Par rapport au fait d’octroyer les mêmes classique de consultation avantages aux écoles libres, pour 2009, 66% des communes respec- officielle des différents parte- tent la législation ; 6% avouent franchement ne pas la respecter ; 9% naires de l’école, l’évaluation déclarent la respecter alors que les écoles libres affirment ne rien participative se fera par les en- recevoir ; tandis que dans 23% des cas, les écoles libres déclarent seignants eux-mêmes et par recevoir des avantages différents ou moindres. Le rapport conclut les autres acteurs de terrain. dès lors que le prescrit légal est respecté dans seulement 2 cas sur 3. Elle portera sur la formation L’administration demande au gouvernement une clarification quant des régents et instituteurs, aux moyens légaux qui lui permettront de contrôler et de sanctionner mais aussi sur l’agrégation que ce type de violation. passent les universitaires. La Libre Belgique, 16-02-2011 La Libre Belgique, 15-02-2011

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Dorothée Baillet, coordination Guidances, ULB - Faculté des Sciences psychologiques et de l’Éducation Accompagner les étudiants dans l’enseignement supérieur et universitaire

Pour les étudiants, l’entrée Contexte et enjeux ? Pour quels résultats ? dans l’enseignement su- périeur et universitaire est accompagnée de ruptures En général, ces dispositifs vi- place au sein de la Faculté des L’intégration universitaire de diverses natures : tem- sent à faciliter la transition en- Sciences psychologiques et de L’intégration à la commu- tre l’enseignement secondaire l’éducation à l’Université libre nauté universitaire passe par porelles, intellectuelles, et l’enseignement supérieur et de Bruxelles. une adaptation, une affiliation à lutter contre l’important taux rapide à une nouvelle situation relationnelles ou encore d’échec en 1re année en agissant Un exemple concret : le d’enseignement (Coulon, 1997). sur quatre dimensions importan- dispositif « Guidances » Concrètement, cela implique organisationnelles. Afi n de tes de la vie étudiante : l’intégra- A l’Université libre de pour l’étudiant novice de trou- tion universitaire, le développe- Bruxelles, la Faculté des Sciences ver rapidement des réponses à répondre à ces dernières ment de méthodes de travail, Psychologiques et de l’Éduca- ce type de questions : où trou- l’appropriation de contenus tion organise, depuis une ving- ver des informations pertinen- mais aussi de faire face à et la construction d’un projet taine d’années, les « Guidances ». tes ? Comment m’orienter dans personnel et/ou professionnel Celles-ci sont centrées sur trois ce lieu nouveau ? Comment l’hétérogénéité grandis- (Bodson, 1999). En pratique, il des quatre dimensions énoncées est organisée l’année acadé- existe de nombreuses formules par Bodson (1999), à savoir : l’in- mique ? Comment équilibrer sante du public accédant d’encadrement : en fonction de tégration universitaire, le déve- travail à réaliser et vie person- l’institution, des variations sont loppement des méthodes de tra- nelle ? Quelles sont les premiè- à l’enseignement supé- observables quant à l’organisa- vail ainsi que l’appropriation des res échéances ? Quelles sont les tion générale de cet encadre- contenus des cours. règles explicites et implicites des rieur et au faible taux de ment (lieu, moment), mais aussi Ce dispositif concerne uni- savoirs ? Comment distinguer quant aux intervenants engagés quement les étudiants inscrits l’essentiel de l’accessoire ? réussite1 à l’issue de la pour l’assurer. Notons que cette en 1re année, ce qui représente, Dans ce contexte, le conseiller diversité s’illustre aussi dans la en moyenne, 500 étudiants. Il pédagogique se doit d’appa- première année, les insti- manière de nommer les dispo- se déroule durant le 1er et le 2e raître en tant que « personne- sitifs : guidances, entretiens in- quadrimestres ainsi que durant ressource » auprès duquel les tutions d’enseignement dividuels, coaching, séminaires, les vacances d’été. Il est basé étudiants peuvent obtenir un groupes de discussion, tutorat, sur le principe du libre accès contact personnalisé pour toute supérieur2 ont progres- séances de remédiation, blocus et prend essentiellement deux difficulté indirectement liée aux assisté, etc. formes complémentaires : des contenus des cours. Ainsi, il est sivement mis en place Afin d’expliquer plus fine- séances collectives et hebdo- notamment amené à répondre ment les objectifs précis d’un madaires, ou « guidances disci- à des questions telles que : com- de nombreux dispositifs dispositif d’accompagnement plinaires », encadrées par des ment se passent les examens ? ainsi que les questions qui étudiants-assistants (ou tuteurs), Comment organiser son temps ? d’accompagnement pé- peuvent y être traitées, nous et des entretiens individuels sur Quelles sont les conséquences proposons, dans les lignes qui rendez-vous, ou « guidances mé- d’un échec ? dagogique des étudiants. suivent, l’analyse du dispositif thodologiques », encadrés par Par ailleurs, l’encadrement nommé « Guidances » mis en un conseiller pédagogique. des « guidances disciplinaires »

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par des étudiants-assistants jugés ou confrontés à des re- de nouvelles pistes de travail et trouve sa raison d’être au ni- gards interrogateurs. construire un plan d’étude per- veau de la mise en place d’une sonnalisé. Bien que ce schéma aide de proximité dans l’accom- Le développement des puisse apparaître linéaire, no- pagnement du jeune nouvelle- méthodes de travail tons que les réflexions qu’il a ment inscrit à l’université. En ef- A l’instar de Romainville pour finalité de provoquer sont fet, des étudiants expérimentés (1993), nous préférons parler propres à chaque étudiant. connaissant bien les exigences de « manières de travailler » En effet, même si les étudiants requises par tel ou tel cours pour que de méthodes de travail. En pensent travailler comme les les avoir vécues, se faisant une effet, le terme de « méthode » autres, une multitude d’habitu- idée assez précise de ce qu’ils ouvre la porte à deux risques des, de procédés les distingue impliquent quant à la somme importants (Wolfs, 1998) : celui pourtant. ou à l’organisation du travail, de réification du concept et ce- Durant les « guidances dis- apparaissent pouvoir adéqua- lui de normativité. ciplinaires », les étudiants-as- tement conseiller, encourager, Dans le cadre des entretiens sitants apportent également comprendre le jeune qui enta- individuels, lorsque la deman- leur pierre à l’édifice en ce qui me une première année à l’uni- de d’un étudiant porte sur la concerne les manières de tra- versité. Soulignons encore que façon dont il faut travailler à vailler. En effet, ils sont souvent la présence de pairs dont la ca- l’université, la première mis- assaillis de questions concernant ractéristique est d’avoir connu sion du conseiller pédagogique la manière d’étudier le cours des conditions semblables quel- sera d’amener l’étudiant à faire pour l’examen. A travers leur ques années auparavant, sem- émerger sa manière d’appren- propre expérience, ils peuvent ble bénéfique pour assurer un dre, de l’analyser et de la cri- alors prudemment donner des climat de confiance, propice à tiquer. Dans un second temps, conseils aux étudiants novices l’intégration du jeune étudiant il apportera un soutien à l’étu- quant à la façon de se préparer à l’université. diant afin qu’il puisse « prendre au mieux pour un examen en Ainsi, tant les séances de conscience du contexte dans particulier. Notons que la na- « guidance disciplinaire » que lequel il travaille, du but qu’il ture de ces conseils peut être les entretiens individuels ap- poursuit (…) » (Romainville, variable : si certains relèvent paraissent comme des lieux 1993). Enfin, il l’aidera à éva- plus de « trucs et astuces » ou de parole et d’écoute au sein luer la pertinence des moyens encore de « tuyaux », d’autres desquels les étudiants novi- mis en place par rapport aux portent sur le type de questions ces peuvent poser toutes leurs résultats et aux buts poursuivis privilégié par l’enseignant. questions sans craindre d’être et ce, afin qu’il puisse envisager

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L’appropriation des contenus & al., 2009) peuvent poser pro- une séance de guidance durant L’appropriation des contenus blème. Toutefois, les conseillers l’année académique. Pour ces de cours concerne essentielle- pédagogiques en charge de la étudiants, on constate des diffé- ment les « guidances disciplinai- mise en place de ces actions sont rences de moyenne significatives res ». En effet, elles offrent aux régulièrement amenés à les éva- par rapport aux étudiants n’ayant étudiants novices la possibilité luer et ce, pour de nombreuses pas participé aux guidances et ce, d’y verbaliser leurs difficultés et raisons (institutionnelles, régula- tant au niveau de la moyenne gé- questionnements concernant la tion, formalisation, etc.) (Salmon nérale de l’année académique matière contenue dans les cours. & al., 2009). (où on peut constater un gain Parmi les difficultés rencontrées Afin d’illustrer ce point, nous pouvant représenter jusqu’à + par les étudiants, on peut distin- proposons de reprendre l’exem- 3,5 points sur 20) qu’au niveau guer diverses catégories : lacunes ple des « Guidances » mises en de chaque cours considéré sépa- dans les pré-requis, problèmes de place en Psychologie à l’Universi- rément (où les différences repré- compréhension (sens des mots, té libre de Bruxelles. Chaque an- sentent des gains de 1 à 5 points savoirs en construction, etc.), née, ce dispositif fait l’objet d’une sur 20). Si ces statistiques sont difficultés à identifier les liens en- évaluation diffusée aux autorités encourageantes, notons toute- tre les parties du cours, etc. Sur académiques et aux enseignants fois qu’il est impossible d’établir base de ces questions, les étu- concernés via un rapport d’acti- un lien de cause à effet entre la diants-assistants sont amenés à vités (Baillet, 2005-2009). Cette participation aux guidances et ré-expliquer certaines parties de évaluation consiste essentiel- la note obtenue à l’examen, de cours, à mieux distinguer l’essen- lement en une appréciation nombreux autres facteurs ayant tiel de l’accessoire, ou encore à quantitative de la présence des pu intervenir dans la réussite des exemplifier des concepts mal étudiants lors des guidances dis- étudiants. compris. ciplinaires, ainsi qu’en la compa- Pour conclure, rappelons que raison des notes qu’ils obtiennent même si l’évaluation de l’impact Pour quels résultats ? aux examens par rapport à celles d’un dispositif d’aide sur la réus- L’évaluation des effets des dis- obtenues par les étudiants n’y site des étudiants reste problé- positifs d’aide à la réussite des étu- ayant pas participé. Cette com- matique et que les actions mi- diants de première année pose paraison est réalisable grâce au ses en place ont pour objectif de nombreuses questions. En ef- relevé systématique des présen- d’aider les étudiants à s’affilier fet, la réussite à l’université étant ces lors des séances de guidance rapidement à l’université, à dé- multifactorielle (Romainville, disciplinaire ainsi qu’à l’autori- velopper ou à adapter leurs ma- 2000), il semble impossible de sation d’accéder aux fichiers de nières de travailler, il restera tou- mesurer avec précision l’effet délibération reprenant les notes jours aux étudiants une partie du d’une partie ou de la totalité d’un obtenues lors des examens. chemin à parcourir seul… ■ dispositif sur la réussite des étu- Globalement, les analyses ef- diants. Par ailleurs, « tant la vali- fectuées mettent plusieurs faits 1. Le taux de réussite oscille de 29% dité du recueil des données que la en évidence. Ainsi, près de 50% à 40% selon le domaine d’études pertinence du choix de critères et des étudiants inscrits en première (Droesbeke, Lecrenier, Tabutin, & d’indicateurs de réussite » (Salmon année ont participé à au moins Vermandele, 2008).

BBibliographieibliographie

- Baillet, D. (2005-2009). Les Guidances - Structure d’aide pédagogique destinée aux étudiants de BA-1. Rapports internes sous la direction de B. Rey. Belgique : Université libre de Bruxelles, Faculté des Sciences psychologiques et de l’éducation.

- Bodson, X. (1999). La vie d’étudiant. Analyse des manières d’être étudiant et de leurs conséquences sur la réussite et l’échec en première candidature à l’UCL. Thèse de doctorat. Louvain-la-Neuve, UCL, Unité d’anthropologie et de sociologie.

- Coulon, A. (1997). Le métier d’étudiant : l’entrée dans la vie universitaire. Paris : Presses universitaires de France.

- Droesbeke J.J, Lecrenier Cécile, Tabutin Dominique, Vermandele C. (2008). La population étudiante universitaire de la Belgique franco- phone : échec, mobilité et perspectives, Bruxelles : Presses de l’Université Libre de Bruxelles.

- Romainville, M. (1993). Savoir parler de ses méthodes. Métacognition et performance à l’université. Bruxelles : De Boeck Université.

- Romainville, M. (2000). L’échec dans l’université de masse. Paris : L’Harmattan.

- Salmon, D., Baillet, D., Boulvain, M., Cobut, B., Coupremanne, M., Duchateau, D., Lanotte, A-F., Dubois, P., Goemaere, S., Noël, B., Houart, M., Slosse, P. (2009). Construction d’un outil d’évaluation de la qualité des actions d’accompagnement pédagogique. Synthèse d’échanges et d’analyse de pratiques professionnelles en Communauté française de Belgique. Revue Internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 25 (2).

- Wolfs J.-L. (1998). Méthodes de travail et stratégies d’apprentissage. Du secondaire à l’université. Recherche, théorie, application. Bruxelles : Ed. De Boeck Université.

14 éduquer n° 80 | mars 2011 société

Corinne Torrekens, docteure en sciences politiques et sociales de l’Université libre de Bruxelles. Actuellement chargée de recherches au FNRS et chercheuse au METICES (GERME). La visibilité de l’islam dans l’espace public bruxellois

Cette contribution vise à résumer de manière synthétique le travail de recherche que j’ai mené dans le cadre de mon doctorat1. Mon principal intérêt de recherche portait sur la question de l’espace public (sa structuration, son animation, etc.) et plus précisément sur la manière dont une population particulière, ici la commu- nauté musulmane, l’investissait et le faisait sien.

En croisant des travaux de désormais investi et approprié régulent-elles l’islam dans un disciplines différentes (la socio- met en scène l’identité du grou- espace public (ou en d’autres logie urbaine, la philosophie po- pe. Il y a donc nécessairement mots, un territoire) donné (ce- litique, la science politique, etc.), présentation de soi dans l’espace lui de Bruxelles) ? Ma démarche j’ai montré que l’espace public public qui est un espace de re- a été essentiellement inductive devait se concevoir de deux ma- présentation, une sorte de théâ- ce qui signifie qu’au contraire nières impérativement complé- tre pour le dire autrement. Cette d’une démarche déductive, où mentaires. Ainsi, il s’agit d’abord identité - cette représentation - le chercheur formule des hypo- d’un espace physique, concret et sera ensuite interprétée par les thèses à priori (avant son travail matériel, qui permet des usages autres groupes. Des mauvaises de terrain ou son enquête), mes (jouer, faire du sport, marcher, interprétations découlent des questions de recherche ont véri- aller d’un endroit à un autre, malentendus et des conflits. Et tablement découlé du travail de etc.), qui possède des fonctions il n’est plus à démontrer que la terrain (entretiens, observations, (créer de la convivialité ou de la visibilité de l’islam dans l’espace collectes de données comme des sécurité, organiser la circulation, public suscite des conflits et des articles de presse, des archives, etc.) et qui a un sens pour la po- oppositions. des documents administratifs, pulation qui l’occupe. Il s’agit ici Et c’est là que s’insinue la etc.). du principal apport de la socio- deuxième dimension de l’es- logie urbaine : tout groupe (quel pace public complémentaire Une cartographie des qu’il soit) occupant un espace se à celle que l’on vient de voir : associations musulmanes l’approprie de différentes maniè- l’espace public est un espace Parallèlement à cette ré- res et cette appropriation peut politique, c’est-à-dire un espace flexion, j’ai mené un travail à être conflictuelle. de régulation des conflits et des la fois documentaire et statisti- Pour la communauté musul- comportements sociaux. En me que sur le nombre de lieux que mane, cette appropriation s’est centrant sur les pratiques (en l’on pouvait attribuer à l’islam à faite progressivement par le biais l’occurrence, la fête du sacri- Bruxelles. En croisant les don- de vêtements, de sons, de lieux fice) et les lieux (les mosquées) nées du Moniteur belge qui (commerces, mosquées, etc.) et qui m’intéressaient, ma question regroupe les informations au de pratiques (la fête du sacrifice de recherche est donc devenue : sujet des Associations Sans But par exemple). Cet espace public comment les autorités politiques Lucratif (ASBL) et d’autres ba-

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ses de données, j’ai conçu (avec sur leur territoire et, plus préci- tribulations et des lacunes dans l’aide précieuse de collègues sément l’installation des mos- le processus de reconnaissance géographes de l’IGEAT2), une quées ainsi que l’organisation du culte musulman à l’échelle bref cartographie des associations d’un rituel comme la fête du sa- fédérale et régionale6 ; ensuite, musulmanes3. Cette cartogra- crifice ? Se pencher sur la régu- car les demandes d’islam re- phie qui regroupait trois catégo- lation publique locale de l’islam lèvent avant tout d’un espace La proxémie ries d’associations musulmanes s’inscrivait dans un courant de de proximité, et enfin, parce La proxémie, nommée par (les mosquées, les associations recherche encore peu dévelop- qu’elles ressortent pour l’es- Hall en 1963, est la distance islamiques et les associations pé, qui a pour ambition de ren- sentiel des compétences com- physique qui s’établit entre culturelles) avait pour objectif dre compte de la diversité des munales (maintien de l’ordre, des personnes en interac- d’être une photographie, un ins- types de régulation publique du permis d’urbanisme, propreté tion. La manière d’occuper tantané de l’associatif musulman religieux pouvant cohabiter sur et hygiène publiques, etc.). Et l’espace en présence d’autrui à un moment donné. En outre, un même territoire, de la réap- ceci est d’autant plus important est un des marqueurs de elle avait l’avantage de montrer propriation des normes par les que les trois communes qui ont l’identité de l’individu et que - pour un ensemble com- acteurs concernés, comme les servi de base empirique à ma cette proximité spatiale est plexe de raisons que je n’ai pas administrations par exemple, recherche font partie de celles différente selon notre culture. la place de développer ici - l’es- ainsi que leur application effec- dans lesquelles des mesures de Il y aurait donc, autour de sentiel de l’associatif musulman tive5 ainsi que les différences refus d’inscription d’étrangers, nous, une « bulle », une zone est concentré dans seulement d’interprétation qui peuvent en visant particulièrement les mu- émotionnelle ou encore un cinq des dix-neuf communes découler. sulmans, ont été prises et qu’un périmètre de sécurité indivi- bruxelloises4. Pour mon enquê- Cet axe de recherche était certain nombre de campagnes duel à ne pas franchir. te, j’ai sélectionné trois de ces d’autant plus pertinent que, électorales racistes ont été me- La dimension de cette bulle cinq communes : Schaerbeek, à l’heure actuelle, ce sont les nées (notamment en 1982). personnelle varie selon les Molenbeek et Saint-Josse. communes qui sont les scènes cultures. Elle est plus ample Ma question de recherche privilégiées des formes de visi- Une interprétation dans les pays occidentaux est alors devenue : comment les bilisation de l’islam au sein de bureaucratique que dans les pays méditer- autorités politiques locales gè- l’espace public et ce pour trois Au départ de cette nouvelle ranéens, et pratiquement rent-elles la présence de l’islam raisons : d’abord, en raison des question de recherche, j’ai mon- inexistante dans les pays ara- tré que, durant plus d’une dé- bes. Par exemple, les contacts cennie, la gestion communale physiques sont plus rares de l’implantation des mosquées dans les pays nordiques ou est faite d’arrangements infor- au Japon que dans les pays mels, de pratiques discrétion- africains. naires, d’ignorance et de dénis Selon Hall, il y aurait quatre de reconnaissance7. Par ce biais, catégories principales de les mosquées et les musulmans distances interindividuelles étaient renvoyés à un souci de en fonction de la distance discrétion et à une norme impli- qui sépare les individus : la cite de l’espace public, celle de distance intime - entre 15 et leur invisibilité. Cette situation 45 cm (zone qui s’accompa- a placé nombre de mosquées gne d’une grande implication dans des situations administra- physique et d’un échange tives complexes qui eurent des sensoriel élevé), la distance répercussions lorsque celles-ci personnelle - entre 45 et 135 voulurent introduire des per- cm (utilisée dans les conver- mis de bâtir impliquant une vi- sations particulières), la dis- sibilité supplémentaire du lieu tance sociale - entre 1,20 et de culte (modification de la fa- 3,70 m (utilisée au cours de çade, minaret, coupole, etc.). l’interaction avec des amis et Dans ce dossier précis, l’inter- des collègues de travail) et la prétation bureaucratique ainsi distance publique - supérieu- que le poids des fonctionnaires re à 3,70 m (utilisée lorsqu’on est conséquent. parle à des groupes). En ce qui concerne la fête La distance sera différente du sacrifice, deuxième objet de selon l’image et le statut de mes recherches, mes entretiens l’interlocuteur. m’ont appris que les communes Grande Mosquée de BRUXELLES - Avenue de la Renaissance - Avenue de de Molenbeek et de Schaerbeek la Joyeuse Entrée - © www.belgiumview.com avaient mis sur pied des platefor-

16 éduquer n° 80 | mars 2011 société

À l’heure actuelle, ce sont les communes qui sont 1. « La visibilité de l’islam au sein de l’espace pu- blic bruxellois : transaction, reconnaissance et les scènes privilégiées des formes de visibilisation identité », Thèse de doctorat, Université libre de Bruxelles, 2008. L’essentiel de la thèse a été de l’islam au sein de l’espace public. publié dans : Torrekens, Corinne, L’islam à Bruxel- les, Bruxelles, Presses de l’Université de Bruxelles, 2009. mes de concertation réunissant la totalité, des courroies de transmission, c’est-à-dire 2. Institut de Gestion de l’Environnement et d’Amé- ou au moins l’essentiel, des mosquées du transmettre les demandes de la commu- nagement du Territoire. territoire afin de planifier son organisation. nauté musulmane vers les autorités com- 3. Torrekens, Corinne, « Concentration des popula- Ces plateformes constituent des instruments munales et, inversement, faire descendre tions musulmanes et structuration de l’associatif de l’action publique et s’inscrivent dans la les messages politiques vers la communauté musulman à Bruxelles », Brussels Studies, n°4, rhétorique politique de la démocratie par- musulmane. De ce fait, ils initient souvent 2007. ticipative qui enjoint les responsables poli- le premier contact. Ce qui est particulière- 4. A savoir : Anderlecht, Bruxelles-Ville, Molenbeek, tiques à associer les habitants à la prise de ment intéressant c’est que ces plateformes Schaerbeek et Saint-Josse. décision. Ces plateformes de concertation de concertation, en rassemblant la totalité 5. Frégosi, Franck, « Les régulations locales du plu- remplissent des fonctions et produisent des ou la plupart des mosquées de la commune, ralisme religieux : éléments de problématique », effets. transcendent momentanément les différents dans Franck Frégosi et Jean-Paul Willaime (sous clivages de l’associatif musulman (ethnique, la direction de), Le religieux dans la commune. Une fonction de légitimation culturel, linguistique, religieux, etc.). En ce Les régulations locales du pluralisme religieux en Pour les autorités communales, il s’agit sens, elles créent un espace de solidarité France, Genève, Labor et Fides, 2001, pp. 11-26 d’avoir une prise sur un milieu considéré, temporaire (parler d’une même voix face (p. 14). à tort ou à raison, comme « difficile » ou au pouvoir communal) qui met en scène 6. Voir à ce sujet : Torrekens, Corinne, « L’organisa- « problématique ». Les mosquées sont ef- la minorité musulmane, qui l’anime et lui tion et le fi nancement du culte musulman», dans fectivement, au moins depuis les attentats donne vie. Mais elles obligent également Caroline Sägesser et Jean-Philippe Schreiber du 11 septembre, les cibles prioritaires du les gestionnaires des mosquées à s’inscrire (eds.), Le fi nancement public des religions et de la « discours sur la menace ». Les plateformes dans un registre d’action publique limité (la laïcité en Belgique, Louvain-la-Neuve, Academia/ permettent également aux autorités com- gestion locale de l’islam) et créent peu de Bruylant, 2010, pp. 139-157 ; Caroline Sägesser munales de faire passer des messages, par passerelles de participation avec d’autres et Corinne Torrekens, « La représentation de exemple lors de la fête du sacrifice en ce qui domaines de l’action communale (ensei- l’islam », Courrier hebdomadaire du CRISP, n°1996- concerne l’interdiction d’abattre à domicile. gnement, culture, etc.). 1997, 2008, 55 p. Pour les présidents des mosquées investis Il s’agit là des grandes lignes de la gestion 7. Torrekens, Corinne, « Limitations, négociations dans ces concertations, elles ont une fonc- locale de l’islam à Bruxelles. Elle est particu- et stratégies de contournement autour de la tion de légitimation. En effet, par leur biais, lièrement importante parce qu’elle initie un visibilité des mosquées à Bruxelles », dans Anne les mosquées passent du statut d’espaces dé- processus de reconnaissance et parce qu’el- Morelli et Alain Dierkens (éds.), Topographe du criés à celui d’interlocuteurs représentatifs le institutionnalise l’islam par le bas, c’est-à- sacré. L’emprise religieuse sur l’espace, Bruxelles, de la commune en matière de gestion locale dire à l’échelle locale des quartiers et des Editions de l’Université de Bruxelles, 2008, pp. de l’islam. Ceci est primordial par rapport communes. Elle offre, en effet, à une partie 207-219. au déni de reconnaissance (« citoyens belges de la communauté musulmane (celle qui se 8. Cette expression contestée vaudrait, à elle seule, de seconde zone ») ressentis par ces gestion- sent concernée par la régulation locale des un article. Pour faire simple, disons qu’il ne naires. Autre dimension fondamentale : ces pratiques du culte) une structure d’opportu- s’agit pas, ici, de statuer sur la foi ou l’adhésion plateformes de concertation sont des lieux nités, un espace de visibilité et d’expression à l’islam de ces élus qui, par défi nition, peut être importants en matière de socialisation. Par d’une identité que beaucoup de musulmans multiforme. Cette expression entend mettre en leur intermédiaire, les gestionnaires des considèrent comme étant quotidiennement évidence que d’autres individus (fonctionnaires, mosquées apprennent le fonctionnement décriée, par les médias notamment. ■ gestionnaires des mosquées, autres élus, etc.) de la vie politique locale et ont accès à un imputent à ces élus une appartenance à l’islam certain nombre de ressources matérielles, sans considération pour le caractère réel de cette en termes de financement notamment, et appartenance. En somme, c’est « l’origine » qui symboliques, en termes de prestige et de compte. contacts par exemple. Ces gestionnaires y deviennent des notables, des personnalités locales. Par conséquent, ces plateformes de concertation produisent un véritable leadership politique méconnu et très peu médiatisé (à la différence des imams, par exemple). Les élus « d’origine musulmane »8 peuvent avoir un rôle dans cette gestion locale de l’is- lam. Ils peuvent, par exemple, agir comme

n° 80 | mars 2011 éduquer 17 dossier L’ACCOMPLISSEMENT DE SOI

Dossier réalisé par Patrick Hullebroeck, directeur

L’accomplissement de soi

Pourquoi éduquer ? Qu’il s’agisse d’éduquer son enfant, d’apporter un enseignement dans le ca- dre scolaire, de former un adulte, se pose inévitablement la question du but de l’apprentissage. Depuis les temps les plus anciens, de multiples réponses ont été apportées à cette interrogation. Dès l’Antiquité, elles ont été systématisées dans un cadre philosophique ou religieux et ont donné lieu à des traités spécifi quement consacrés à cette préoccupation.

D’une façon générale, ces du développement psycholo- pour… et ainsi de suite. Et de théories cherchent à assigner à gique aide à mieux définir le fait, dans le quotidien de l’édu- l’éducation des finalités corres- « comment », elle ne dit rien, ou cation, qu’il s’agisse d’enfants pondant à la nature de l’hom- très peu, du « pourquoi » ou du ou d’adultes, la perspective est me et celles-ci varient donc « pour quoi » de l’objectif. Car souvent purement instrumentale en fonction de l’anthropologie la question des finalités renvoie (je forme à telle opération ma- sous-jacente. C’est seulement à toujours à une préoccupation thématique…) et combien peu partir du développement de la qui n’est pas purement instru- nombreuses sont les personnes psychologie expérimentale, dans mentale : « quel homme voulons- chargées d’éducation qui relient le courant du dernier quart du nous ? », c’est-à-dire, compte effectivement les apprentissages XIXe siècle, qu’une conception tenu de la conception que l’on se qu’elles effectuent aux finalités plus scientifique de l’éduca- fait de la nature humaine, quelle éducatives pour lesquelles ils tion a pu se construire. Avec la sorte d’homme nous semble-t-il sont censés agir. connaissance plus objective de souhaitable de former ? Abraham Maslow (1908- la manière dont l’enfant grandit, On peut certes en venir 1970) a, de son côté, cherché à physiquement, affectivement, à considérer, comme John rencontrer ce problème en iden- intellectuellement, on peut plus Dewey, que l’éducation est tifiant une finalité éducative (ou finement déterminer la maniè- instrumentale et qu’elle n’a psychothérapeutique) qui soit à re d’influer positivement sur le en définitive d’autres buts que la fois conforme à sa philosophie processus. des moyens au service d’autres humaniste de l’existence (ses La question des méthodes moyens : j’apprends à écrire choix de valeurs personnels) et n’épuise cependant jamais celle pour être en mesure de faire à la nature humaine telle qu’il des finalités. Si la connaissance telle activité que je veux réaliser pouvait l’observer. Cette finalité

18 éduquer n° 80 | mars 2011 Repères biographiques est l’accomplissement de soi (« self actualiza- tion »), c’est-à-dire une forme moderne de la Abraham Maslow (1908-1970) formule antique « deviens ce que tu es ». Abraham Maslow1 est né le 1er avril 1908 à Dans le domaine social, dans la relation Brooklyn (New York). Ses parents étaient des d’aide, en animation socioculturelle, dans juifs non scolarisés émigrés de Russie et son la formation pour adulte, il est souvent fait père était le propriétaire d’une fabrique de référence, implicitement ou explicitement, tonneaux. Le portrait qu’Abraham Maslow aux idées de Maslow, ou à certains autres trace de sa jeunesse est celle d’un jeune juif chercheurs, proches ou directement liés marginalisé dans un monde de non juifs et au courant humaniste de la psychologie qui trouvait refuge dans l’étude et la lecture. américaine, qu’on a également appelé la Il obtient, en 1934, son diplôme de docteur « Troisième voie », tels Carl Rogers, Erich en psychologie à l’Université du Wisconsin Fromm ou Karen Horney. Mais finalement, où il étudie, dans sa thèse, le comportement ces œuvres sont mal connues et les concep- sexuel des singes dans la perspective du tions qu’elles contiennent sont surtout véhi- béhaviorisme, qui fut l’une de ses sources culées, encore que de façon fragmentaire, d’inspiration première, et dans le prolonge- par des ouvrages de vulgarisation ou de se- ment de l’enseignement de Harry Harlow, conde main. un célèbre chercheur sur le comportement En ce qui concerne Abraham Maslow, la des primates. Le premier poste de chercheur « pyramide des besoins » est, par exemple, qu’il occupe ensuite est associé au célèbre devenue une sorte d’incontournable, mais béhavioriste Edward Thorndike. Mais Maslow rares sont ceux qui sont en mesure de resi- s’éloigne peu à peu du béhaviorisme. Marié tuer celle-ci dans la théorie des motivations en 1928, il a deux filles. Dans ses souvenirs de Maslow et moins encore dans l’ensemble autobiographiques, il raconte que c’est de son œuvre. D’où des approximations, et l’observation de ses enfants qui le conduit même des contresens fréquents. Il faut dire à abandonner l’approche béhavioriste qu’il Humanistic Psychology). En 1962, il devient que l’accès aux analyses de Maslow était de- juge désormais complètement inadéquate chercheur attaché auprès de la Non-Linear venu difficile pour les lecteurs francopho- pour décrire et expliquer le comportement Systems, une entreprise californienne de nes, mais de nos jours, grâce au travail de humain dans toute sa richesse et toute sa haute technologie. Il y cherche un terrain réédition effectué par les éditions Eyrolles complexité. En 1937, il accepte un poste au d’expérimentation à défaut de pouvoir met- depuis le début des années 2000, il est de- Brooklyn College et son retour à New York tre ses hypothèses à l’épreuve en laboratoire. venu aisé de lire en français les principaux lui permet de rencontrer les intellectuels En 1965, il publie « Eupsychian Management : textes de Maslow. juifs et progressistes d’origine allemande A Journal » qui rassemble le résultat de ses Voici donc une bonne occasion de re- qui trouvent refuge aux Etats-Unis dans les travaux sur les implications de sa théorie prendre contact avec la pensée de Maslow. années 1930 : Adler, Fromm, Horney, Mead sur la motivation et la réalité humaine dans Le présent dossier n’a pas d’autre ambition notamment. Il se lie également avec l’anthro- l’organisation du travail. En 1967, il devient que celle d’introduire le lecteur aux idées pologue Ruth Benedict et Max Wertheimer, le Président de l’American Psychological centrales du psychologue américain et de le fondateur de la psychologie de la Gestalt, Association. En 1968, il bénéficie d’une bour- susciter peut-être, chez certains, l’envie qui auront également une forte influence sur se de recherche qui lui permet de quitter de poursuivre plus loin la lecture. En ar- le développement de son œuvre, notam- l’université de Brandeis pour poursuivre son rière plan, c’est la question de la finalité de ment en tant qu’exemples de personnalités travail d’écriture. Il publie, la même année, l’éducation et des moyens pour y parvenir accomplies. En 1951, Maslow est nommé à la « Toward a Psychology of Being », et, en 1970, qui se trouve posée. A notre époque, alors Brandeis University, et c’est à partir de cette la deuxième édition de son livre fondamen- que c’est une vision surtout instrumentale époque qu’il devient l’un des chefs de file tal, « Motivation and Personnality », publié de l’éducation qui prévaut et qui vise plus du « troisième courant » de la psychologie, à initialement en 1954. Abraham Maslow dé- à l’adaptation des individus à la société et côté des tendances béhavioristes et psycha- cède le 8 juin 1970 d’une crise cardiaque. au marché qu’à leur émancipation ou à nalytiques, auquel se rattachent également leur autoréalisation, il n’est peut-être pas des penseurs comme Erich Fromm et Carl 1. Pour rédiger cette notice biographique, je suis sans intérêt de se laisser interpeller par une Rogers. En 1962, il participe, avec notam- parti de la synthèse fournie par Robert B. Ewen, conception qui, si elle est exposée à la criti- ment Carl Rogers et Rollo May, à la fondation 2010, p. 204 et sv ; B.R. Hergenhahn, 1980, p. 329 que comme toute autre, visait explicitement de la psychologie humaniste (Association for et sv. ; Maslow, 2010, p. 10 et sv. l’épanouissement d’une humanité pleine- ment accomplie. ■

n° 80 | mars 2011 éduquer 19 dossier L’ACCOMPLISSEMENT DE SOI

Une théorie optimiste des motivations humaines

Maslow défend une vision optimiste de la réalité humaine, à distance égale du freudisme et du béhaviorisme. Il considère que les motivations humaines sont ins- pirées par le besoin de combler un manque ou par le désir de croissance.

Maslow se détache des cou- Tout préoccupé de scienti- rants dominants de la psycho- ficité, le courant béhavioriste logie, que sont la psychanaly- limite, quant à lui, son champ se et le béhaviorisme, par ses d’investigation à ce qui est ob- conceptions optimistes et holis- servable en laboratoire, dans tiques de la réalité humaine. des dispositifs d’expérimenta- A la première, il reproche tion reproductible, et exclut, ce de ne s’intéresser qu’à la part faisant, de son champ d’inves- obscure de l’humain et de ne tigation tout ce qui, plus com- définir l’homme qu’à partir de plexe, fait pourtant la spécificité l’humanité souffrante et mala- de la réalité humaine : arts, phi- de, aboutissant de la sorte à une losophie, religion, mais aussi re- véritable distorsion de la réalité. lations d’amour, enthousiasme, Au second, il reproche son ré- extase, etc. « L’élément motivant ductionnisme et sa simplifica- pour tout être humain, excepté, tion abusive de l’humain. semble-t-il, pour les psycholo- Maslow ne partage par exem- gues béhavioristes, est subjectif. ple pas la vision négative déve- Je suis motivé quand je perçois loppée par la psychanalyse sur mon désir, mon vœu, mon en- En 1913, John Broadus Watson, l’interaction des instincts et des vie, mon manque. Aucun élé- psychologue américain, établit les pulsions avec la culture, celle-ci ment objectivement observable principes de base du béhaviorisme (dont il invente le nom). étant perçue comme une sorte n’a pu jusqu’à présent être mis d’instance répressive luttant en relation avec cette situation, contre les premiers. Il estime c’est-à-dire que l’on n’a pas enco- cette perspective comme té- re trouvé une définition béhavio- par l’individu d’un but attractif moignant d’une existence ma- riste de la motivation. » (Maslow, pour lui-même, l’un parce qu’il ladive. Il considère au contraire 1972, p. 24) donne trop d’importance au la culture comme la traduction En résumé, le freudisme com- déterminisme du passé, l’autre, et le prolongement positif des me le béhaviorisme ratent un par excès de volonté d’objecti- instincts et de l’inné chez une aspect fondamental de la mo- vité dans la théorie du circuit du personne bien portante. tivation, à savoir la conscience stimulus et de la réponse.

20 éduquer n° 80 | mars 2011 Une théorie dualiste des motivations Maslow distingue la motivation à combler un manque (« motivations déficitaires » ou « motivations D », en anglais « D-motives ») de celle qui consiste en une aspiration à croître (« motivations tournées vers la crois- sance », les motivations d’être, motivations E, « growth motives », « being motives », « B-motives »). Le premier type de motivations vise la réduction des besoins tels la faim, la soif. Il cherche à combler un sentiment d’insécu- rité, de désamour ou une absence de recon- naissance de la part d’autrui. Remarquons que la satisfaction de ces besoins dépend des autres et de l’environnement. Tant que l’essentiel de ces besoins n’est pas satisfait, l’autonomie de l’individu est inaccessible. « Les besoins de sécurité, de propriété, de re- lations d’amour, et de considération, peuvent être satisfaits uniquement par les autres, c’est- à-dire que leur satisfaction ne peut venir que de l’extérieur. Cela entraîne une dépendance importante à l’égard de l’environnement. On destin. Depuis qu’elles dépendent moins des Dans le premier cas, la relation est inté- ne peut pas dire qu’une personne qui se trouve autres, elles sont moins ambivalentes à leur ressée, et de ce fait, réduite ou déformée dans cette situation de dépendance qu’elle se égard, moins anxieuses et aussi moins hostiles, par cet intérêt. « Cette dépendance colore et gouverne elle-même et qu’elle contrôle son moins avides de leur bienveillance et de leur limite les relations interpersonnelles. C’est fai- propre destin. Elle est dépendante des person- affection. Elles sont moins affamées d’honneur, re œuvre d’abstraction que de considérer les nes qui lui fournissent la réponse à ses besoins. de prestige, de récompenses. » (Maslow, 1972, gens comme possibilité de gratification d’un Leurs désirs, leurs caprices, leurs règles et leurs p.39) besoin ou comme sources de fournitures. Ils lois la gouvernent et elle doit s’y soumettre, à Les Motivations D ont un caractère uni- ne sont pas appréhendés comme une totalité moins de risquer de perdre la source de ses versel, même si la façon de les satisfaire peut complexe, personne unique, mais davantage satisfactions. Elle doit être, dans une certai- varier d’une culture à l’autre, d’un contexte du point de vue de leur utilité. Ce qui n’est pas ne mesure, dirigée par les autres et doit être historique et social à l’autre. Au contraire, en relation avec les besoins de l’individu est sensible à l’approbation des autres. Ce qui les E-Motivations sont personnelles. « Les be- laissé de côté, ignoré, ou constitue une cause revient à dire qu’elle doit s’adapter, ajuster soins de combler un manque sont communs à d’irritation, ou une menace. » (Maslow, 1972, son comportement, en étant souple, attentive tous les membres de l’espèce humaine et dans p. 40) Il en résulte une véritable déperson- et prête à changer pour s’accorder à la situa- une certaine mesure à ceux des autres espèces. nalisation de la relation : l’autre devient in- tion extérieure. Elle est la variable dépendante. La réalisation de soi est individuelle car chaque terchangeable en tant qu’il est réduit à n’être L’environnement est la variable indépendante personne est différente des autres. » (Maslow, que le moyen d’une satisfaction. « Une des et donnée. » (Maslow, 1972, p.38) 1972, p. 37) caractéristiques de la relation à autrui, inté- Les motivations du second type sont, au ressée et gratifiant un besoin, c’est que dans contraire, relativement indépendantes du La liberté psychologique une très large mesure cette relation est inter- contexte et suscitées par des références per- Il ne faudrait pas en déduire que les changeable. Si, par exemple, une adolescente sonnelles de l’individu. Elles caractérisent les personnes animées par des motivations a besoin d’admiration, il importe assez peu de personnes engagées dans un processus de d’autoréalisation seraient détachées de savoir qui fournira l’admiration. Un fournis- réalisation de soi. « De telles personnes de- l’environnement et vivraient dans une sorte seur d’admiration en vaut un autre ! Il en est viennent de plus en plus autonomes et de plus d’autarcie. Ce qui change, c’est la nature du de même pour celui qui a besoin d’amour ou en plus indépendantes. Elles sont déterminées rapport. « Cette indépendance relative vis-à- pour celui qui a besoin de sécurité. » (Maslow, d’abord par des motifs intérieurs et non par vis du monde extérieur, de ses désirs et de ses 1972, p. 41) des influences de l’environnement ou de la so- pressions, ne signifie pas, bien sûr, absence de Dans le cas d’une personne dans un pro- ciété ; c’est-à-dire par les lois de leur propre relation avec lui et manque d’attention à ses cessus d’autoréalisation, il en va tout autre- nature, leurs capacités et possibilités, leurs ta- demandes. Elle signifie seulement que ce sont ment. « La perception individuelle ou esthéti- lents, leurs ressources latentes, leurs énergies les projets et les souhaits de la personne qui que de la personnalité intégrale de l’autre est créatrices, leur besoin de se connaître elles- constituent la détermination principale et non bien plus facile pour quelqu’un qui est engagé mêmes et de devenir de plus en plus intégrées l’influence de l’environnement. C’est cela que dans la réalisation de lui-même. L’approbation, et unifiées, de plus en plus conscientes de ce j’appelle la liberté psychologique, qui est dif- l’admiration et l’amour sont alors basés moins qu’elles sont réellement, de ce qu’elles veulent férente de la liberté géographique. » (Maslow, sur la gratitude pour un « service » rendu que réellement, de ce qui est leur vocation ou leur 1972, p.40) sur les qualités intrinsèques de la personne. Elle

n° 80 | mars 2011 éduquer 21 dossier L’ACCOMPLISSEMENT DE SOI

est admirée pour ses qualités objectivement ad- mirables plutôt que par flatterie et dans le des- Les besoins de combler un manque sont sein de lui plaire. Elle est aimée parce qu’elle mérite l’amour plutôt que parce qu’elle aime. » communs à tous les membres de l’espèce humaine (Maslow, 1972, p. 41) et dans une certaine mesure à ceux des autres L’autoréalisation et l’altruisme Dans l’esprit de Maslow, l’autoréalisation espèces. La réalisation de soi est individuelle car n’est, ce faisant, pas incompatible avec l’al- truisme, bien au contraire. « Cette capacité de chaque personne est différente des autres. se centrer sur le monde plutôt que sur soi, la possibilité d’éviter l’égocentrisme et la recher- Maslow che de gratification, est d’autant plus difficile que la personne a davantage de besoins à sa- tisfaire. Plus une personne est engagée dans là il n’y a ni consommation, ni périodicité, ni lui est donnée. La croissance est en elle-même le développement de soi, plus elle est capa- épisode orgastique, ni achèvement, ni but dé- une réalité gratifiante et dynamique (…). » ble de s’intéresser à des problèmes extérieurs fini comme point culminant. La croissance est (Maslow, 1972, p. 35) et d’éviter de rester préoccupée d’elle-même au contraire un développement continu, plus Dans cette logique, c’est moins le but de pour s’affronter au monde objectif. » (Maslow, ou moins régulier, avec des hauts et des bas. l’action qui est source de satisfaction que 1972, p. 42) Ce type de motivation a comme Le plus possible, le plus loin possible : ce type l’activité elle-même pour y parvenir. « Cette caractéristique que la satisfaction n’est pas de désir n’est jamais réalisé et vise un but qui constatation est fondée sur le fait que les gens synonyme d’apaisement ou d’extinction n’est jamais atteint. » (Maslow, 1972, p. 37) qui sont engagés dans la réalisation d’eux-mê- comme dans le cas de la satiété, par exem- mes apprécient la vie pratiquement sous tous ple vis-à-vis de la faim, mais est,au contraire, La volonté de développement ses aspects, tandis que les autres n’apprécient synonyme d’une aspiration grandissante liée Tandis que les motivations D ont pour que quelques moments fugaces de succès, au plaisir. Ainsi de la curiosité, de la connais- but la simple (et nécessaire) préservation d’achèvement ou de satisfaction. Cette valori- sance, de l’amour non égoïste et non posses- de soi, les motivations E visent l’accomplis- sation intrinsèque de l’existence vient en partie sif ou de l’aspiration à se réaliser pleinement. sement de soi. S’inspirant d’individus mala- du plaisir inhérent au développement. Mais il Croître, se développer est, en soi, un proces- des, Freud élabore une théorie qui donne vient aussi de la capacité qu’ont les gens sains sus excitant et bénéfique : le fait d’atteindre la place belle aux comportements défensifs de transformer les activités instrumentales en des objectifs et de rencontrer ses ambitions, qui répriment les impulsions, tandis que expériences payantes, de telle sorte que même comme celle d’être un bon médecin, d’ac- les individus en bonne santé verront, dans une activité instrumentale est vécue comme quérir des compétences (jouer d’un instru- ces impulsions, une source de plaisir. Pour une activité satisfaisante » (Maslow, 1972, ment de musique ou devenir charpentier), Maslow, il est nécessaire « de postuler l’exis- p.35). ■ comme la compréhension plus profonde des tence d’une tendance à la croissance ou à personnes et de l’univers, ou plus important l’accomplissement de soi » à côté des moti- encore, écrit Abraham Maslow, le fait, sim- vations qui visent à restaurer un équilibre plement, de devenir pleinement et réelle- ou à combler un manque. Sans elle, « la thé- ment humain (Maslow, 1972, p. 34). rapie serait (d’ailleurs) inexplicable dans la Ces différentes expériences de la motiva- mesure où elle détruit un système de défense tion, dans lesquelles les individus se sentent contre la souffrance et l’anxiété » et comment profondément humains, sont aux antipodes expliquer la « réorganisation des capacités d’exemples de « réduction d’une tension ». personnelles » dans le cas des blessures cor- Leur dynamique n’est pas comparable : « La ticales ? (Maslow, 1972, p. 25). En fait, dans gratification d’un besoin de combler un man- le mouvement de la croissance, les motiva- que tend à devenir périodique et répétitive. Le tions prennent un tout autre sens. « Lorsque schéma habituel dans ce cas débute par un nous avons affaire à des personnalités qui état motivant qui provoque un comportement sont motivées par le désir de développement, motivé ayant pour objet d’atteindre un but. Le la conception de la motivation comme retour à désir et l’excitation augmentent régulièrement l’état de repos est alors totalement inadéquate. pour atteindre leur maximum au moment du Chez ces sujets, la gratification augmente la succès et de la consommation. A partir de ce motivation au lieu de la diminuer ; elle accroît maximum du désir, l’exaltation et le plaisir l’activité au lieu de l’éteindre ; le désir se ren- tombent rapidement à un état stationnaire force et se précise. Ils se surpassent et loin de d’absence de tension, de repos, caractérisé vouloir de moins en moins, ils veulent de plus par un manque de motivation. Ce schéma, en plus. Au lieu de se complaire dans le repos, bien qu’il ne soit pas applicable de manière une telle personne devient de plus en plus ac- universelle, se distingue très fortement de la tive. La volonté de développement n’est pas situation de motivation de développement, car endiguée mais exaltée par la satisfaction qui

22 éduquer n° 80 | mars 2011 La pyramide des besoins

Maslow propose une conception hiérarchisée des besoins humains fondamentaux. La satisfaction de ces besoins est à la base de la santé mentale, et la pathologie apparaît comme un trouble défi citaire.

Maslow1 ne dresse pas une liste Les besoins physiologiques Les besoins d’appartenance et définie de motivations humaines Situés à la base de la pyrami- d’amour car il considère que leur com- de, les besoins physiologiques Les besoins d’appartenance et plexité se prête mal à un exercice incluent les besoins sexuels, de d’amour consistent bien souvent de délimitation et d’énumération. nourriture, de boisson, d’oxy- en un besoin égoïste et visent à Manger vise-t-il à satisfaire un be- gène, de sommeil, d’excrétion. combler un vide d’existence. soin de nourriture ou à combler A l’exception du premier, ils Ils se prêtent à des efforts mul- un besoin d’intégration, de rela- nécessitent tous d’être satisfaits tiples et intenses pour gagner tion, d’amour ? Tout au plus peut- dans des délais courts sous peine l’attention, l’amour ou l’affec- on observer que l’importance de de mettre en danger l’existence tion d’autrui. Ils sont un passage la satisfaction des besoins v arie et sont plutôt orientés vers l’as- obligé pour l’accomplissement et peut, selon les cas, être plus ou piration à combler un manque. de soi, et c’est la raison pour moins différée. Ce qui conduit Les besoins sexuels, de som- laquelle, chez Maslow comme à une vision hiérarchisée des meil et d’élimination peuvent chez Rogers, la pratique thé- besoins. C’est l’aspect de être orientés dans le sens des rapeutique insiste sur l’amélio- l’œuvre de Maslow qui est B-motives. ration des relations (jugement sans doute aujourd’hui la positif inconditionnel, recon- plus couramment vul- Les besoins de sécurité naissance, etc.). B-motives, les garisée sous la forme Les besoins de sécurité entrent besoins d’amour se traduisent de la pyramide des dans le champ de la conscience par des comportements non pos- besoins. Maslow comme motivation lorsque les sessifs, altruistes, heureux, par le distingue cinq besoins vitaux sont largement respect de l’être aimé autant que niveaux de satisfaits. Ils incluent la recher- par des relations plus honnêtes besoins. che d’un environnement stable, et confiantes. prédictible, ordonné et paisible, ou encore la préférence pour Les besoins d’estime la routine. Ce besoin de sécu- Pour Maslow, la recherche de rité peut transparaitre sous de l’estime et de la reconnaissance multiples autres formes. Il peut d’autrui est un puissant moteur motiver l’obtention d’un diplô- de motivation, mais la véritable me, la recherche d’un emploi, estime de soi n’existe que dans l’épargne, le mariage, etc. la mesure où l’appréciation d’autrui n’est pas factice et s’ap- puie sur la réalité, une compé- tence réelle ou des résultats at- teints significatifs et véritables.

n° 80 | mars 2011 éduquer 23 dossier L’ACCOMPLISSEMENT DE SOI

L’accomplissement de soi est la plus haute forme de besoin ou d’aspiration. Il a pour objet la réalisation du potentiel qu’est l’individu pour lui- même et fait écho au précepte nietzschéen : « deviens ce que tu es ».

Le besoin d’autoréalisation Mais il considérait que pour la majorité des L’accomplissement de soi est la plus haute individus, la plus sûre manière de favoriser forme de besoin ou d’aspiration. Il a pour l’accomplissement de soi passait par la satis- objet la réalisation du potentiel qu’est l’in- faction des différents besoins. ■ dividu pour lui-même et fait écho au pré- cepte nietzschéen : « deviens ce que tu es ». 1. Cette partie reprend, en synthèse, l’exposé Supposant la satisfaction des autres niveaux présenté par Robert B. Ewen, 2010, pp. 205-208. de besoins, le besoin d’autoréalisation se ren- On trouvera une version brève de la théorie des contre davantage chez des personnes déjà besoins datée de 1943 dans Maslow, 2004, pp.15- avancées dans leur existence et relativement 56 ; une version plus développée se trouve dans chez un petit nombre d’individus. Maslow les chapitres 2, 3 et 5 de Maslow, 2010, pp.57-99 observe que l’autoréalisation s’accompagne et pp.113-120. de « méta-besoins », tels l’amour du Beau, de la Vérité, du Bien et de la Justice. Ce niveau de besoin est proprement hu- main. Tandis que les êtres humains parta- gent avec l’ensemble du vivant les besoins vitaux et de sécurité, avec certains mammifè- Carl Ransom ROGERS (1902 - 1987) res supérieurs comme les gorilles, les besoins Rogers est l’un des pères fondateurs de la psychologie hu- de reconnaissance et d’amour, les besoins maniste. Son approche qualifiée de non directive est à la d’accomplissement sont spécifiquement hu- fois marquée par Freud et par Dewey. Il préconise une psy- mains. Ils concernent cependant aussi moins chothérapie fondée sur le rapport direct entre le thérapeute d’individus car ils supposent les autres ni- et son patient. Son nom est resté attaché à cette notion veaux de besoins satisfaits. Maslow estimait, de non directivité, appliquée dans de nombreux secteurs, par exemple, que dans une société comme comme la conduite des entretiens, la relation d’aide et la celle des Etats-Unis, 85% des Américains psychothérapie, la pédagogie, les groupes de dévelop- avaient leur besoins vitaux satisfaits, 70% pement personnel. Cette attitude non directive entre en leurs besoins de sécurité, 50% leurs besoins parfaite concordance avec le principe de respect de l’autre d’amour, 40% leurs besoins d’estime et 10% cher à l’éducation nouvelle. seulement leurs besoins d’accomplissement. Carl Rogers fut l’un des plus éminents psychologues amé- Maslow constatait également que si ce der- ricains de sa génération. Il avait de la nature humaine une nier niveau de besoin est plus abstrait, moins conception peu commune à partir de laquelle il élabora une tangible, susceptible d’être différé, il est aussi psychothérapie originale qui lui donna une vision personnelle de l’éducation. plus attractif pour les individus accomplis qui Une certaine contradiction marque sa carrière. En effet, ses qualités personnelles ainsi retirent une plus grande satisfaction à s’ac- que ses compétences en matière de psychologie sont largement reconnues, il est cité complir qu’à satisfaire les besoins des autres dans de nombreuses études comme l’un des psychologues américains les plus in- étages de la pyramide. fluents, et pourtant, sa démarche thérapeutique a provoqué de nombreuses controver- Maslow considérait cette dynamique des ses. Sa méthode était à l’image de l’idée qu’il se faisait de la nature humaine. Il consi- besoins comme universelle bien que la ma- dérait, en effet, que l’individu possède en lui une capacité de s’auto-actualiser qui, une nière de rencontrer ces besoins varie d’une fois libérée, lui permet de résoudre ses propres problèmes. Plutôt que d’agir en expert société et d’une culture à l’autre. En revan- qui comprend le problème et décide de la façon dont il doit être résolu, le thérapeute che, il constatait des exceptions : ainsi des in- doit, selon lui, libérer le potentiel que possède le patient (que Rogers préfère appeler dividus qui donnent une priorité aux besoins, « client ») pour résoudre par lui-même ses problèmes personnels. différente de l’ordre de sa pyramide, ou chez C’était là une conception de la thérapie qui ne pouvait que susciter la controverse, car qui la frustration profonde d’un besoin ap- elle allait à l’encontre de l’idée, généralement répandue au sein de la profession, que paraît comme la cause de l’autoréalisation. le patient, ou client, a besoin d’un spécialiste pour résoudre ses problèmes.

24 éduquer n° 80 | mars 2011 Le développement de la personnalité

Alors que les enfants ont spontanément tendance à se développer, l’introjection des standards des parents éloigne les enfants des sources de leurs motivations personnelles. Il peut en résulter un blocage du développement ou diff érentes formes de pathologie.

Maslow se distingue des théo- nelle, rationalisation) et tire Une aspiration spontanée à ries de Freud de différentes ma- comme conséquence de l’œu- croître nières. Il considère que les ins- vre de Freud que la peur de se Contrairement à Freud, tincts sont facilement à ce point connaître soi-même est à l’ori- Maslow considère que les en- obscurcis par l’environnement, gine de beaucoup de maladies fants cherchent spontanément culturel notamment, qu’ils de- psychologiques. et « naturellement » à acquérir viennent largement inconscients. A côté de la conscience hu- de nouvelles compétences et à Mais ce ne sont pas seulement maine acquise dès la naissance, satisfaire leurs aspirations à croî- les pulsions qui sont largement existe une conscience intro-je- tre. « L’observation des enfants inconscientes. Ce sont aussi des tée, les standards parentaux montre de plus en plus clairement potentialités positives comme assimilés durant l’enfance par que les enfants en bonne santé sont l’amour, la créativité, l’humour. exemple. La conscience intro- heureux de grandir et d’avancer, Alors que Freud insiste sur le dé- jetée peut être en contradiction d’acquérir de nouvelles capacités, terminisme causal, Maslow met avec les besoins et les aspirations de développer leurs connaissances l’accent sur les buts qui nous de l’individu, conformes à sa na- et leur habilité. Cela est en contra- motivent et qui jouent comme ture propre. diction flagrante avec ce courant des finalités mobilisatrices. Alors Maslow considère que du- de la théorie freudienne qui pré- que Freud accorde beaucoup rant sa croissance, tout individu sente l’enfant s’accrochant déses- d’importance au passé, Maslow se trouve devant le choix d’op- pérément à chaque étape de son insiste sur la dimension du fu- ter pour ses propres motivations développement, à chaque stade tur présente dans la conscience intérieures, correspondant à sa de repos et d’équilibre. Selon cette humaine et qui y joue un rôle personnalité authentique, ou théorie, l’enfant conservateur et dynamique. de choisir les standards de ses qui oppose une résistance à l’évo- parents « tout puissants ». Tandis lution, doit continuellement être tiré Une conscience « intro-jetée » que la première branche de en avant, tiré de son état de repos Si Maslow rejette une vision l’alternative est celle de la san- confortable pour être mis dans une structurale de la personnalité té, la seconde, sans doute au nouvelle situation d’instabilité. Si comparable à celle qu’on trou- moins partiellement inévitable, cette théorie freudienne est vérifiée ve dans l’approche freudienne, est source de pathologie. Sur par les cliniciens pour des enfants il accepte l’existence de méca- ce point, Maslow partage les angoissés et insécurisés, si elle est nismes de défense (répression, conceptions de Carl Rogers et en partie vraie pour beaucoup projection, formation réaction- Caren Horney. d’êtres humains, elle ne se vérifie

n° 80 | mars 2011 éduquer 25 dossier L’ACCOMPLISSEMENT DE SOI

pas dans le cas d’enfants sains, sé- lation, l’expérimentation, l’intérêt, tique. Par ailleurs, les obstacles curisés, heureux. Chez ces enfants, la joie, le plaisir, sont des attributs et même une part de frustration on décèle un désir de croissance, de l’existence et peuvent permettre sont nécessaires à la croissance de maturation, une volonté de se la croissance, d’une manière spon- même si, fondamentalement, la débarrasser des équipements pro- tanée, non planifiée et imprévue. » satisfaction des besoins de l’en- visoires comme l’on abandonne (Maslow, 1972, p. 53) fant est le plus sûr chemin à son une vieille paire de souliers. Nous Le phénomène s’observe dès épanouissement et à son équili- trouvons, chez eux, non seulement le plus jeune âge. Ainsi, le bébé bre psychologique. Ceci se com- une volonté de réaliser un dévelop- se tourne spontanément vers prendra mieux en examinant les pement, mais encore un plaisir ma- la nourriture solide si on lui en raisons pour lesquelles le déve- nifeste à en profiter (…). » (Maslow, propose, dès qu’il est en mesure loppement spontané, associé au 1972, p. 26) d’être sevré. En fait le dévelop- plaisir, se bloque. « Nous devons Quand les besoins correspon- pement s’auto alimente et son ici nous rendre compte de la puis- dant à leur développement sont moteur est le plaisir : « Il y a crois- sance de régression et de stagna- satisfaits, les enfants s’ennuient sance quand le progrès réalisé est tion que possèdent les besoins non de ce qui, jusque là, leur faisait subjectivement plus agréable, plus gratifiés, de la force d’attraction que plaisir et ils cherchent à atteindre joyeux, plus satisfaisant intrinsè- peut revêtir la sécurité, et du rôle d’autres sources de satisfaction, quement que la gratification pré- joué par les fonctions de défense et plus difficiles et plus complexes. cédente qui est devenue familière de protection contre la souffrance, Il est inutile de les forcer ou de et même lassante. La nouvelle la peur, les menaces, du courage vouloir les pousser à le faire. expérience opère d’elle-même sa qui est nécessaire pour avancer. « L’enfant sain est spontanément propre validation bien mieux que Dans chaque être humain, il y a curieux. Il manifeste une tendan- n’importe quel critère extérieur. Elle deux sortes de forces : les unes s’ac- ce à explorer, à expérimenter, à est autojustifiante, autovalidante. » crochent à la sécurité, à la défense s’émerveiller. Même lorsqu’il ne (Maslow, 1972, p. 52) contre la peur ; elles tendent à la poursuit pas un but précis, lors- Maslow ne déduit pas de ces régression, s’en tiennent au pas- qu’il ne copie pas une attitude différents aspects que la permis- sé, crainte de grandir et de quitter particulière, lorsqu’il ne tend pas à sivité soit souhaitable en éduca- l’utérus et le sein maternels, crainte satisfaire un besoin, en s’exprimant tion. Des règles sont nécessaires. de tenter sa chance, crainte de met- spontanément, il aime à utiliser ses Elles évitent à l’enfant de faire tre en péril ce qui est acquis, peur forces, à réaliser, à jouer, à s’inté- des expériences négatives, elles de l’indépendance, de la liberté, de resser à ce qui se passe et même apportent de la sécurité et de la séparation. Les autres poussent à s’y absorber, à manipuler les l’ordre dans une réalité sociale la réalisation d’elle-même, dans sa choses. L’exploration, la manipu- qui, autrement, pourrait chao- totalité et son unicité ; elles l’inci-

26 éduquer n° 80 | mars 2011 Les obstacles et même une part de frustration sont nécessaires à la croissance même si, fondamentalement, la satisfaction des besoins de l’enfant est le plus sûr chemin à son épanouissement et à son équilibre psychologique. tent à la mise en œuvre de toutes ses capaci- intégrées. Mettre en danger la sécurité signifie tés, à la confiance face au monde extérieur en provoquer une régression vers un état antérieur. même temps qu’à l’acceptation de la réalité et (…) Le besoin de sécurité est prépondérant sur le de la profondeur de son inconscient. » (Maslow, besoin de croissance. » (Maslow, 1972, p. 57) 1972, p. 54). Il y a une véritable dialectique entre les be- En résumé, explique Maslow, le conflit soins de sécurité et de croissance et plus les entre les forces défensives et les pulsions de premiers sont rencontrés, moins ils pèsent sur développement est permanent et fait partie l’individu. « Plus les besoins de sécurité sont sa- de la nature humaine. « Nous avançons lors- tisfaits moins ils ont d’importance pour l’enfant que les plaisirs de la croissance et les angoisses et moins ils le retiendront, moins ils diminueront de la sécurité sont plus grands que les anxiétés sa hardiesse. » (Maslow, 1972, p. 57) Le besoin Erich Fromm (1900 -1980) de la croissance et les plaisirs de la sécurité » de sécurité peut couper l’enfant du moteur de (Maslow, 1972, p. 55) Un individu en bonne sa croissance, à savoir le plaisir subjectif qu’il Erich Fromm est reconnu à la fois santé recherchera en principe le choix qui est ressent à l’occasion des activités qui reflètent comme psychanalyste, psychologue le meilleur pour lui. Les motifs des choix néfas- ses choix profonds. « L’enfant qui doit choisir social, auteur et célèbre humaniste tes seront à chercher au plan constitutionnel entre ce qui lui fait plaisir et ce qui lui apporte du 20e siècle. En Allemagne, il n’existe et au niveau des dynamiques psychiques. A l’approbation des autres, choisira généralement guère d’autre représentant des sciences ce stade, Maslow renvoie dos à dos les théo- l’approbation des autres et alors il refoule son humaines ayant exercé une telle influen- ries freudiennes et les théories du développe- plaisir, le laisse s’éteindre ou bien n’y fait pas ce dans le monde entier. Ses écrits et ses ment, les unes parce qu’elles privilégient les attention et ne le soumet pas au contrôle de sa enseignements sont mondialement lus aspects pathologiques, les autres parce qu’el- volonté. » (Maslow, 1972, p.60) Il peut condui- et reconnus. La Société Internationale les pèchent par excès d’optimisme et sous-es- re l’enfant à renoncer à être lui-même : « Si le Erich Fromm est au service de la perpé- timent les entraves au développement. seul moyen d’être fidèle à soi-même est de se sé- tuation, de l’approfondissement par des parer des autres, l’enfant sacrifie habituellement recherches, du développement et de Des conséquences pour l’éducation et la sa propre personnalité, pour la raison que l’on la transmission des idées et des ensei- formation a déjà dite : la sécurité est le besoin essentiel et gnements scientifiques d’Erich Fromm, Cette vision des choses a beaucoup d’im- primordial de l’enfant. » (Maslow, 1972, p.61) tenant ainsi compte de son influence et plication pour l’éducation des enfants et la Maslow, comme Rogers, défend une de sa réputation mondiale. formation des adultes. Il s’agira en effet d’ap- conception non directive de l’éducation cen- porter un cadre sécurisant pour favoriser trée sur la personne. L’enseignement acadé- la croissance des individus. Maslow donne mique est au contraire rigide, centré sur les l’exemple d’un jeune enfant. Observons son matières et l’acquisition de connaissances plu- interaction avec sa mère lorsqu’il explore tôt que sur le développement des individus. un environnement inconnu. Il commence Loin de mobiliser les motivations personnelles par regarder ce qu’il y a dans la pièce tout des apprenants, il fait appel à des sanctions en s’agrippant à sa mère. Petit à petit, il s’en et des récompenses « extérieures » (grades, éloigne, tout en s’assurant qu’il peut toujours etc.). Les enseignants devraient eux-mêmes avoir la protection de sa mère. Si celle-ci ve- être des personnes accomplies, des exemples nait à disparaître, il sombrerait dans l’anxiété, de personnes accomplies et entraîner leurs cesserait de s’intéresser à la réalité environ- élèves dans la direction de leur développe- nante et stopperait son exploration. Il cher- ment personnel. Les établissements scolaires cherait seulement à retrouver sa sécurité et devraient de la sorte être des lieux de retraite peut même aborder des comportements ré- destinés à permettre à chacun de découvrir gressifs. Par exemple, au lieu de se déplacer les voies de son accomplissement, ses vérita- en marchant, il pourrait se déplacer à quatre bles centres d’intérêt, le plaisir d’apprendre pattes ou en rampant. On peut en tirer une et le caractère précieux de la vie. L’éducation généralisation : « L’assurance de la sécurité per- devrait avoir pour but d’aider les individus à met aux besoins plus élevés de se manifester, devenir pleinement humains et à actualiser aux pulsions d’émerger et d’être maîtrisées et leur potentiel. ■

n° 80 | mars 2011 éduquer 27 dossier L’ACCOMPLISSEMENT DE SOI

Accomplissement et connaissance de soi

La réalisation de soi est étroitement liée à la connaissance de soi mais celle-ci, qui est en même temps toujours connaissance du monde environnant, peut elle- même être diff éremment orientée, selon qu’elle vise la satisfaction des besoins défi citaires ou qu’elle est l’expression de la croissance. Savoir et émancipation sont étroitement liés.

Maslow considère que l’un aussi de la réalité extérieure, l’éducation, la tendance à ré- des grands apports de Freud est l’un étant lié à l’autre) se traduit fréner la curiosité naturelle des sa prise de conscience du lien de multiples façons. Ainsi, par enfants ou dans les situations de entre la peur de se connaître exemple, dans le domaine de domination, l’interdit du savoir soi-même (émotions, pulsions, pour les populations exploitées. souvenirs, capacités, possibi- « Un état de faiblesse, de subor- lité, voie personnelle authen- dination, un manque d’estime tique) et les difficultés psychi- de soi, inhibent le besoin de ques. Les individus éprouvent savoir. » (Maslow, 1972, non seulement des difficultés p. 72) Le savoir fait aus- à (re)connaître leurs points si l’objet d’une vérita- faibles (par peur de por- ble répression de la ter atteinte à leur amour part des dominants propre ou pour préser- à l’égard de ceux ver l’estime qu’ils qui leur sont subor- ont d’eux-mêmes), donnés. La connais- mais aussi leurs ca- sance est pouvoir, pacités de dévelop- et réciproquement, pement. Il s’agit là pouvoir se révolter. La d’un autre type de peur de connaître s’ex- résistance : « le refus plique également par le du meilleur de nous- lien étroit qui existe entre le mêmes, de nos quali- savoir et l’action, qui « peut nous tés, de nos plus beaux aider à voir une des causes de la désirs, de nos plus hautes peur de connaître dans la peur possibilités, de notre créativité ». d’agir, peur des conséquences qui (Maslow, 1972, p. 70) Cette peur résulteraient de la connaissance, est traduite dans de nombreux peur des responsabilités dange- mythes qui associent le connaî- reuses. Souvent il est mieux de ne tre à la faute, au péché et à la pas savoir, parce que si nous sa- culpabilité. vions, nous serions amenés à agir Sociologiquement, cet obsta- et donc à sortir de notre coquille. » cle à la connaissance de soi (mais (Maslow, 1972, p. 76)

28 éduquer n° 80 | mars 2011 Un état de faiblesse, de subordination, un manque d’estime de soi, inhibent le besoin de savoir. Maslow

Comme pour les autres aspects de l’exis- ou se dilate par exemple); tence humaine, la connaissance peut être - l’expérience de connaissance est intrinsè- orientée dans le sens de la réalisation de soi quement valable et positive, elle est source Accomplissement ou de la satisfaction d’un manque. « On pour- d’émerveillement, d’étonnement, d’exal- rait parler du besoin de connaître, du plaisir tation mais conduit aussi à des sentiments et déontologie qu’apporte la connaissance, de la satisfaction d’humilité, de respect, voire de piété en ce de savoir et de comprendre. Elle rend plus qu’elle semble mettre en contact avec quel- L’optimisme de Maslow, sa confiance sage, plus riche, plus fort, plus évolué, plus que chose de grand qui dépasse l’homme. inébranlable dans les capacités de l’hom- mûr. Elle représente l’actualisation des pos- En même temps, la peur, l’anxiété, l’inhi- me, se conjugue toujours avec un respect sibilités humaines, l’accomplissement de la bition et les défenses semblent temporai- authentique des personnes, qui est la base destinée de l’homme. » (Maslow, 1972, p. 73) rement levées, tout comme le contrôle et d’une déontologie, aussi bien psychothé- Mais, la connaissance peut également être l’acceptation de différer, de renoncer, de rapeutique qu’éducative. Il y a en effet un une façon de lutter contre l’angoisse. « Pour restreindre ; aspect paradoxal dans le fait que même tel individu, ce qui n’est pas familier, ce qui est - la réalité apparaît comme indépendante de le « mauvais choix » est « bon » pour la perçu vaguement, ce qui est mystérieux, caché, l’homme qui en fait l’expérience et consti- personne névrosée ou bloquée dans son inattendu, tout cela provoque l’effroi. Un des tuant une réalité persistant au-delà des li- développement : « En regardant les choses moyens de le rendre familier, proche, utilisa- mites humaines ; dans une perspective dynamique, tous les ble, contrôlable, c’est-à-dire sans danger et ne - elle est plus passive, réceptive, contempla- choix sont sages, si l’on admet qu’il y a deux provoquant plus la peur, c’est de le connaître tive qu’active ; sortes de sagesses : une sagesse défensive et de le comprendre. » (Maslow, 1972, p. 74) - il s’agit d’une connaissance par contact di- et une sagesse de progrès. La défense peut Il en résulte des conséquences qui tou- rect, qui atteint le concret, le vivant, l’être être prudente ou audacieuse. Cela dépend chent les individus mais également les systè- dans son individualité, le particulier plu- de la personne en question, de sa situation mes de pensée et les doctrines. « Une philoso- tôt que le général, par catégorisation et particulière, de la position dans laquelle elle se phie, une religion ou une science basée sur la abstraction ; trouve au moment où elle doit faire son choix. recherche de la sécurité est moins clairvoyante - elle conduit à une attitude d’acceptation, Le choix de la sécurité est sage quand il évite qu’une philosophie, une religion ou une scien- sans jugement, sans condamnation, une une souffrance plus grande que ce que la per- ce fondée sur la recherche du développement » forme de compréhension inconditionnelle sonne peut supporter à ce moment-là. Si nous (Maslow, 1972, p. 75) qui peut ne pas être dénuée d’humour. voulons l’aider à grandir (…), tout ce que nous pouvons faire est de l’aider, si elle le demande, Deux formes du connaître Les expériences paroxystiques à sortir de ses difficultés, et simultanément de Ces différentes considérations conduisent Ces expériences paroxystiques ont des lui permettre de se sentir en sécurité et capable Maslow à distinguer deux formes de connais- effets sur la personne : elles peuvent faire de tenter de nouvelles expériences. » (Maslow, sance. Celle qui vise à réduire un besoin. disparaître des symptômes névrotiques, 1972, p.63). Ces considérations conduisent Elle se caractérise par le fait d’être fortement assainir la connaissance de soi qu’a la per- Maslow à énoncer ce qui constitue une véri- égocentrée, intéressée et de réduire la réa- sonne d’elle-même, modifier sa manière de table éthique de l’éducation. « Cela conduit lité environnement ou autrui à un moyen. La voir les autres et les relations qu’elle a avec à réviser la formule taoïste : « laisser être » qui seconde, la « connaissance E » (B-cognition), les autres, elle peut transformer sa vision du n’est pas toujours valable, car un enfant qui est fortement apparentée aux expériences monde et libérer sa créativité, son expres- grandit a besoin d’aide. On pourrait dire plutôt paroxystiques. sion, sa spontanéité, sa personnalité profon- permettre le « laisser être ». C’est un taoïsme Maslow retient les caractéristiques suivan- de. La vie elle-même semble avoir une va- respectueux et aimant. Il connaît la croissance tes de cette sorte de connaissance1 : leur nouvelle et plus grande (Maslow, 1972, et les mécanismes spécifiques qui la réalisent - l’expérience ou l’objet sont envisagés com- p. 116-117). En fait, ces expériences ont un valablement, mais il connaît aussi et respecte me un tout, une unité, sans relation avec le effet sur l’identité même des personnes qui la peur de grandir, la lenteur du développe- reste, sans utilité possible, sans calcul ; les vivent. ment, les blocages, la pathologie, les obstacles - l’attention est entièrement et exclusivement Selon Maslow, les effets des expériences à la croissance. Il laisse sa place à l’environ- concentrée sur l’objet de connaissance ; paroxystiques sur l’identité sont les suivants nement, il reconnaît sa nécessité et l’aide qu’il - la connaissance est désintéressée, com- (Maslow, 1972, pp. 119-131) : apporte, sans toutefois lui laisser le contrôle. me détachée de l’observateur, la réalité - au moment de l’expérience paroxystique, Il permet le développement personnel par la n’est ni pour, ni contre celui-ci : elle est l’individu se sent plus intégré, unifié et ap- connaissance de sa structure et par la volonté impersonnelle ; paraît comme tel aux observateurs. Il est de faciliter celui-ci au lieu de l’attendre ou - une perte caractéristique de l’évaluation moins dissocié et moins en conflit avec lui- d’être dans un optimisme passif à son égard. » spatio-temporelle (le temps se comprime même, plus cohérent dans ses projets, plus (Maslow, 1972, p. 64)

n° 80 | mars 2011 éduquer 29 dossier L’ACCOMPLISSEMENT DE SOI

Religion harmonieux avec lui-même et plus efficacement organisé ; Maslow considère que les soi-disant révélations - la personnalité devient moins des prophètes sont en réalité des expériences égocentrique et ressent moins paroxystiques que tout être humain peut poten- le clivage du soi avec autrui tiellement vivre. Ce sont ces expériences qui tra- ou avec la réalité extérieure : duisent le propre de l’expérience religieuse et non « je » et « tu » forment une sorte les pratiques ritualisées conformistes. « L’origine, le d’unité, le peintre se sent inté- cœur, l’essence, le noyau universel de toute religion gré avec sa peinture, le musi- historique (sauf à considérer aussi le confucianisme cien avec sa musique ; comme une religion) est l’illumination intime, soli- - la personne a le sentiment taire, personnelle, la révélation ou l’extase d’un pro- d’être au mieux d’elle-même phète ou visionnaire d’une profonde sensibilité. Les et de sa forme. Il en résulte grandes religions se disent elles-mêmes « révélées » et une fluidité, une aisance de chacune tend à asseoir sa validité, sa fonction et sa comportement (« On voit là légitimité sur la codification de cette révélation ou ex- exprimées en référence au cadre conceptuel, culturel l’expression de l’assurance, de périence mystique originelle du prophète solitaire et et linguistique qui était celui du prophète. » (Maslow, la calme rigueur, de ceux qui sa transmission à l’ensemble des êtres humains. Mais 2004, p. 87) Les personnes accomplies vivent éga- savent exactement ce qu’ils ont nous commençons d’entrevoir que ces « révélations » lement ce type d’expérience bien qu’elles soient à faire et qui le font en s’y en- ou illuminations mystiques peuvent être inscrites au rarement à proprement parler des croyants ou des gageant totalement, sans doute, rang des « expériences paroxystiques » ou « extases » personnes religieuses. Les expériences paroxys- sans équivoque, sans atermoie- ou « expériences transcendantes » que de nombreux tiques font partie de la réalité humaine, quel que ments (…) Les grands athlètes, psychologues ont entrepris depuis peu d’étudier avec soit le contexte culturel, et elles peuvent être enra- artistes, créateurs, chefs, mani- passion. C’est-à-dire qu’il est très probable, et même cinées « dans un contexte théiste, surnaturel ou dans festent cette qualité de comporte- quasiment certain, que ces relations anciennes, décri- un contexte non théiste. Cette expérience religieuse ment quand ils sont au meilleur tes en termes de révélation surnaturelle, aient en fait intime est commune à toutes les grandes religions du de leur forme. » Maslow, 1972, p. désigné des expériences paroxystiques parfaitement monde, et à ces grands systèmes de pensée que sont 121) et une « joie quasi divine » ; naturelles, humaines, d’un type que l’on peut aisé- le bouddhisme, le taoïsme, l’humanisme ou le confu- - l’individu se sent plus actif et ment étudier aujourd’hui et qui, cependant, étaient cianisme. » (Maslow, 2004, p. 95) responsable. Il se sent comme le centre créateur de son agir et de son observation, auto déter- il vit ce qui se produit, détaché sance par obligation intérieure. » nables pour satisfaire les besoins miné plutôt qu’agi, commandé du passé et du futur, au pré- (Maslow, 1972, p.130) ; vitaux, de sécurité, d’intégration ou dirigé. Il est dès lors plus dé- sent, dans l’ici et maintenant. - l’expression et la communi- et de reconnaissance. De plus la cidé et confiant en lui-même. Il en résulte une disponibilité cation tendent à adopter une connaissance E conduit à une « L’individu est maintenant libéré à ce qui se passe, pour l’autre, forme poétique, lyrique et my- sorte de détachement, d’attitu- de ses blocages, de ses inhibi- dans l’écoute par exemple, une thique qui semble être la seule de contemplative, peu encline tions, de ses précautions, de ses attitude de laisser être. « Celui façon d’exprimer la plénitude à l’action et qui peut finalement doutes, de ses contrôles, de ses qui en est là existe, un point c’est d’être ressentie, la sorte d’achè- conduire à une sorte de fatalis- réserves, de ses autocritiques, de tout. » (Maslow, 1972, p. 126) vement de la personnalité qui me, de déresponsabilisation et ses entraves. Il s’est débarrassé En réalité, ces états apparais- est atteinte. d’indifférence aux autres. Le re- de ce qui l’empêchait d’avoir sent souvent comme non vou- vers de l’acceptation et du laisser conscience de sa valeur, de s’ac- lus, comme donnés par sur- S’accomplir dans la société, être est une trop grande toléran- cepter lui-même, de pratiquer prise et de façon inattendue, avec les autres ce et le risque d’un nivellement l’amour et le respect de soi. » par une sorte de grâce. « La On serait dans un grossier des valeurs, à force d’accepter (Maslow, 1972, pp. 122-123) ; conséquence habituelle est un contresens si l’on déduisait de tout, sans discrimination, incom- - il est dès lors également plus sentiment de gratitude, envers cette analyse l’impression que patibles avec la vie sociale. « Si spontané, plus « naïf » ou can- leur Dieu chez les personnes re- Maslow serait une sorte de mys- l’acceptation inconditionnelle est dide, plus expressif, davantage ligieuses, et chez les autres en- tique, invitant chacun à se réfu- une condition sine qua non pour sans réserve, plus naturel et vers le sort, la nature, les gens, gier dans une quête spirituelle le psychothérapeute, pour l’amou- moins contrôlé ; le passé, les parents, le monde afin de vivre au quotidien, de fa- reux, pour le maître, pour les pa- - il est plus créatif (« Il est capable et tout ce qui a pu collaborer à çon permanente, des expérien- rents, pour l’ami, il est clair qu’elle de faire face à une situation ou leur procurer cet émerveillement. ces paroxystiques et dans des ne suffit pas au juge, au policier, à de résoudre un problème en te- (…) Très souvent, ce sentiment états de connaissance E. Il n’en l’administrateur. » (Maslow, 1972, nant compte de ce qu’il est en lui- de gratitude est exprimé par un est rien. Maslow considère que p.140) ■ même et non en restant centré amour universel. Il conduit à l’homme doit, tout au long de sa sur lui-même et sur la conscience percevoir le monde beau et bon vie, satisfaire ses besoins, vivre 1. Maslow, 1972, pp. 84-112 ; j’ai qu’il a de lui-même » Maslow, et souvent à faire quelque chose dans la société avec ses contem- suivi, pour ma part, plus spéciale- 1972, p. 124) ; de bon pour le monde, à payer porains, dont il ne faut pas per- ment : Maslow, 2004, pp.125-135. - dans l’expérience paroxystique, une sorte de dette de reconnais- dre de vue qu’ils sont incontour-

30 éduquer n° 80 | mars 2011 Devenir pleinement humain

Maslow partage avec Rogers et Allport le souci d’identifi er ce qu’est être « pleinement humain », c’est-à-dire, un être humain accompli. Alors que la psychologie s’est jusque-là surtout intéressée à la pathologie et a cherché à expliquer la psychologie humaine à partir de personnalités malades, Maslow s’intéresse aux personnalités qui lui semblent accomplies.

Maslow cherche à décrire Il découvre à ces personnali- basée sur la connaissance de ce qu’est un être humain ac- tés les caractéristiques commu- soi et le fait d’être en contact compli. Plutôt que de limiter nes suivantes1 : avec ses véritables motivations, son champ d’investigation à la - une perception plus exacte besoins, émotions et capacités, psycho-pathologie, il préfère de la réalité et une évaluation ainsi qu’obéissant à son propre consacrer beaucoup de temps à plus correcte des personnes, li- code moral personnel ; l’observation des personnes qu’il bérée d’un faux optimisme ou - une vie animée par une mis- considère comme accomplies d’un pessimisme exagéré ainsi sion, centrée davantage sur et qui, généralement, apparais- que des distorsions de la réa- les problèmes extérieurs que sent comme telles aux yeux des lité résultant des mécanismes sur l’introspection, et dévouée autres. A partir des observations de défense ; à la recherche de l’excellence qu’il peut en faire ou des témoi- - une plus grande acceptation combinée à un moindre souci gnages qu’il peut recueillir à leur de soi et des autres, notam- pour les détails ; propos, il tente d’élaborer une ment une plus grande toléran- - un grand besoin d’intimité et nouvelle vision de la connais- ce vis-à-vis des faiblesses de soi de solitude, reliée au contact sance psychologique qu’on ap- ou d’autrui ; avec ses propres sentiments et pellera la « Troisième voie », à - une plus grande spontanéité valeurs ; côté de la psychanalyse et du béhaviorisme.

n° 80 | mars 2011 éduquer 31 dossier L’ACCOMPLISSEMENT DE SOI

- une plus grande autonomie est bien et mal, la responsabi- qui se traduit par une motiva- lité de ses propres actes ; tion plus grande pour actuali- - un grand sens de l’humour et ser son propre potentiel, plu- une créativité plus marquée, tôt que par la recherche des dans la vie courante comme récompenses ou de l’acquisi- dans la vie professionnelle. tion de biens extérieurs. Les Pour Maslow, l’accomplisse- personnes accomplies ou en ment de soi était une question voie d’accomplissement sont de degré et il était étranger à moins sensibles aux standards l’idée qu’il y aurait une sépara- de la société, y compris dans tion nette entre les personnes ac- leur mode d’habillement ou complies et les autres. Loin de sa dans leurs loisirs ; pensée, par exemple, l’idée que - une vie plus riche émotion- des personnes surtout orientées nellement et une capacité par des « D-motives » n’accèdent d’émerveillement toujours jamais aux expériences paroxys- renouvelée, en ce compris les tiques plus courantes chez les expériences paroxystiques, de individus accomplis, ou, inver- type esthétique, mystique ou sement, que les personnes ac- religieuse ; complies n’aient pas, comme - une forme de pensée (appelée, les autres, à nourrir les besoins par Maslow, B-cognition) expé- qui se situent à la base de la rimentée plus fréquemment et pyramide. ■ qui se caractérise par le sen- timent de faire un tout avec 1. Voir Maslow, 1972, pp. 28 et 29 et l’univers, une attitude de non surtout, pour un exposé détaillé, jugement et un détachement Maslow, 2010, pp. 205-261. par rapport à l’aspiration de combler un manque, par op- position avec le mode usuel du connaître qui a la forme du Gordon Allport (1897 -1967) jugement, distingue le sujet et l’objet et est orientée par la sa- Gordon Allport étudie prin- tisfaction de nos besoins ; cipalement les problèmes de - un plus grand altruisme désin- la personnalité. Imprégné de téressé relié au sentiment d’ap- béhaviorisme, il s’intéressa au partenance à l’humanité ; concept d’attitude en le pré- - des relations interpersonnel- sentant de façon plus psycholo- les plus profondes mais plutôt gique et plus comportementa- destinées à un cercle étroit, et liste. On lui doit l’une des plus une forme d’amour (appelée, célèbres définitions de l’attitude par Maslow, B-love) non pos- (état mental neurologique, pré- sessive, où la vie sexuelle est paration à l’action). Cette dé- toujours aussi empreinte de finition implique que l’attitude sentiments ; de quelqu’un doit permettre de - une structure de caractère plus prédire son comportement dans une situation donnée à l’égard démocratique, sensible à l’in- d’un stimulus donné. justice, à la cruauté ou à l’ex- Durant les années 1950, Allport s’intéressa aux relations in- ploitation, et ouverte aux per- tercommunautaires, à la stéréotypie et à la discrimination, et sonnes d’origines différentes ; réalisa des travaux marquants en rapport avec l’hypothèse du - une morale forte, un jugement contact (diminution des préjugés par le contact inter commu- sans atermoiements sur ce qui nautaire) « The nature of prejudice » (1954).

32 éduquer n° 80 | mars 2011 Psychopathologie

Les troubles psychologiques trouvent leur source dans les besoins fondamentaux insatisfaits et la psychothérapie a pour objectif, tout en apportant un cadre sécurisant, de faciliter la satisfaction par l’individu de ses besoins authentiques.

Pour Maslow, la principale cause de la psychopathologie est liée à la non satisfaction des besoins fondamentaux, et plus l’insatisfaction est grande, plus l’atteinte est grave. « (…) la né- vrose semble quant à son origi- ne et pour l’essentiel, une mala- die déficitaire : elle apparaît du fait de la privation de certaines satisfactions dont on a besoin autant que l’on a besoin d’eau, d’acides aminés, de calcium, et dont l’absence provoque aussi la maladie. Dans la plupart des névroses on trouve, à côté d’autres causes complexes, des désirs insatisfaits concernant la sécurité, la propriété, l’iden- satisfaction des besoins fonda- apparents peuvent donc en ca- tification, les relations affectives, mentaux suppose les relations cher d’autres, largement incons- la considération et le prestige. » avec autrui, Maslow insiste sur cients. Par exemple, un besoin (Maslow, 1972, p. 23). l’amélioration des compétences insatiable de pouvoir peut trahir Comme dans la théorie d’Hor- relationnelles pour soigner ou un besoin d’amour ou de recon- ney, la gravité sera plus grande prévenir la psychopathologie. naissance ou d’estime de soi. si ce sont les besoins de base qui La non satisfaction des besoins Parmi les symptômes de la n’ont pas été rencontrés, tels les fondamentaux fait obstacle à psychopathologie, Maslow besoins physiologiques, de sécu- l’accomplissement du poten- retient : rité et d’intégration, ou si l’insa- tiel de l’individu et c’est la rai- - les sentiments de culpabilité, tisfaction concerne des besoins son pour laquelle Maslow parle de honte, d’anxiété ; plus élevés dans la pyramide, moins de névrose que de ré- - l’apathie et le désespoir ; tels la reconnaissance ou l’esti- duction du potentiel humain. Il - une conception inadéquate de me de soi. Les différentes formes reprend ici, à son compte, une soi et de son environnement ; de psychopathologie sont donc assertion d’Erich Fromm, selon - une dépendance excessive vis- davantage une question de de- laquelle « la maladie consiste à-vis d’autrui pour satisfaire ses gré, liée au caractère hiérarchisé essentiellement à demander ce propres besoins ; des besoins, qu’une question de qui n’est pas bon pour nous » - la peur de se connaître soi- nature. Dans la mesure où la (Maslow, 1968). Les besoins même et de connaître autrui

n° 80 | mars 2011 éduquer 33 dossier L’ACCOMPLISSEMENT DE SOI

rapies comportementales brèves pour les cas Pour Maslow, la principale les plus légers, et le recours à l’analyse freu- dienne pour les cas les plus lourds où la re- cause de la psychopathologie est lation est trop perturbée. D’une façon géné- rale, comme Rogers, il privilégiait la relation liée à la non satisfaction des besoins thérapeutique renforçant les sentiments de sécurité et d’intégration mais, à la différence fondamentaux, et plus l’insatisfaction de celui-ci, il considérait que la qualité de la relation devait tenir compte du système est grande, plus l’atteinte est grave. d’interprétation du patient. Ainsi, une per- sonne autoritaire pouvait interpréter une trop grande gentillesse et une trop grand at- résultant de mécanismes de défense ; tention comme un signe de faiblesse, ou une - l’enfermement maladif dans des routines personne insécurisée et défiante, comme un et la peur de l’inconnu. piège. Dans ces types de situation, il privilé- Maslow observe que les personnes qui ont giait une attitude plus directive. largement satisfait leurs besoins fondamen- Comme Freud et Yung, Maslow considé- taux sans pour autant s’accomplir peuvent rait que le psychothérapeute devait être lui- souffrir de ce qu’il appelle une « méta-patho- même suffisamment conscient de lui-même logie », laquelle implique le déni de ces be- pour éviter les effets du contre-transfert et soins supérieurs, une situation banale dans devait avoir une personnalité chaleureuse, une société qui privilégie la satisfaction des confiante en soi et sûre d’elle-même, ayant besoins matériels sur des idéaux supérieurs largement rencontré ses besoins fondamen- de justice ou de vérité. Cette forme particu- taux. Il acceptait également les phénomènes lière de pathologie se traduit par le senti- de transfert et de résistance, mais il consi- ment d’aliénation, d’ennui, d’inutilité, d’ab- dérait l’opposition du patient au thérapeute sence de plaisir, le cynisme et l’incapacité comme légitime quand l’attitude de celui-ci à satisfaire son propre système de valeurs revenait à ignorer le caractère unique et ori- personnelles. ginal de sa personnalité. ■

Le but de la thérapie Pour Maslow, la psychopathologie a es- sentiellement pour but de remettre les indi- Travail vidus sur la voie de leur accomplissement et de réaliser leur potentiel. Dans la mesure où Maslow applique au contexte des organi- les déséquilibres résultent de la non satisfac- sations sa théorie des besoins et considère tion des besoins fondamentaux, le travail de que si les individus ont leurs besoins pri- Maslow vise d’abord à favoriser leur satisfac- maires satisfaits, ils vont chercher à travers tion, et dans la mesure où celle-ci dépend leur travail à satisfaire leurs autres besoins des relations avec autrui, il met l’accent sur dans la recherche de leur accomplissement l’apprentissage des compétences relation- personnel. « On a dénigré la nature humaine. nelles. « La caractéristique principale des gens L’homme possède une nature supérieure, tout qui ont besoin d’une psychothérapie, c’est une aussi « instinctoïde » que sa nature inférieure déficience ancienne ou actuelle de la gratifica- et cette nature humaine inclut le besoin d’un tion d’un besoin de base. La névrose peut être travail doté de sens, de responsabilité, de considérée comme une maladie déficitaire. A créativité, d’être équitable et juste, de faire ce cause de cela, une caractéristique essentielle de qui vaut la peine d’être fait et de préférer le la cure est de fournir ce qui manque ou de faire faire bien » (cité dans la postface de Ruth Cox, ce qui est possible pour que le patient puisse se dans Maslow, 2008, p. 374) L’organisation le procurer lui-même. Puisque cette gratifica- du travail doit donc veiller à contribuer à tion vient habituellement des autres, la psycho- la satisfaction des besoins d’intégration, thérapie habituelle doit être interpersonnelle. » de reconnaissance et d’estime de soi des En ce qui concerne la pathologie de type travailleurs. Une attention particulière doit « méta », il s’agira d’autre chose, les relations aussi être accordée aux plaintes exprimées humaines étant largement satisfaites. Il s’agi- par les travailleurs qui permettent de pren- ra plutôt de lutter contre les forces sociales dre conscience des améliorations à appor- qui répriment l’accès au méta besoins. ter. Pour Maslow, le bien-être des travailleurs Sur le plan méthodologique, Maslow était n’était pas, bien au contraire, opposé à des très éclectique, conseillant des formes de thé- hauts niveaux d’efficacité et de productivité.

34 éduquer n° 80 | mars 2011 Infl uences, critiques et controverses, contributions

Maslow se situe à la confl uence des développements de la psychologie durant le milieu du XXe siècle. D’abord infl uencé par le béhaviorisme de Watson et par la psycha- nalyse freudienne, il s’en éloigne et se lie ou est infl uencé par des auteurs comme Erich Fromm, Carl Rogers, Karen Horney, Gordon W. Allport, Rollo May et Douglas McGregor. Les références à l’existentialisme allemand ou français semblent peut-être plus exté- rieures et, en réalité, superfi cielles, que dans le cas de Rollo May, par exemple, dont la lecture de Kierkegaard fut centrale. Maslow partage avec l’existentialisme et la phé- noménologie des préoccupations et des thèmes comme l’authenticité, la liberté de choisir son existence, la dimension projective du futur.1

Plusieurs aspects de l’œuvre Dans ces descriptions, Maslow les demander à un homme et il de Maslow ont fait l’objet de se situe-t-il à un niveau factuel n’y a aucune raison qui nous em- critiques2 : sa vision optimiste ou, au contraire, exprime-t-il ses pêche d’exploiter cette excellente de la réalité humaine et son propres valeurs et ses propres source d’informations. » (Maslow, éclectisme lui ont en particulier préférences de ce qu’est une vie 1972, p.25) Sur ce point, les été reprochés, d’autant qu’ils accomplie ? De plus, comment nouvelles techniques d’image- conduisent à des contradic- vérifier objectivement le niveau rie du cerveau commencent à tions internes. Comment conci- de satisfaction d’un besoin ? A modifier cette situation3. lier en effet son acceptation des cette dernière critique, Maslow Enfin, Maslow demeure va- mécanismes de défense mis en répondait par avance de la ma- gue sur les étapes du dévelop- lumière par Freud et sa vision nière suivante : « Le jour où l’on pement de la personnalité à la holistique de la personnalité ? aura trouvé le moyen de mesurer, différence de théoriciens com- Ces mécanismes impliquent objectivement et par un proces- me Freud, Adler ou Erikson. En en effet l’existence de conflits sus externe, le plaisir, l’anxiété ou fait, Maslow se base sur ces œu- intrapsychiques que Maslow le désir, la psychologie aura fait vres mais ses références demeu- rejette. un progrès extraordinaire. Mais rent vagues et son insuffisam- En ce qui concerne la thèse en attendant de l’avoir, nous ne ment intégrées dans ses propres centrale de Maslow sur l’ac- devons pas faire comme si nous recherches pour ne pas laisser complissement de soi, on lui l’avions. Nous ne pouvons pas une impression de flou et d’ina- a reproché le fait que ses des- négliger les éléments subjectifs chèvement. Ceci explique peut- criptions étaient basées sur des que nous possédons. Il est dom- être que l’œuvre de Maslow échantillons trop étroits pour mage que nous ne puissions de- n’ait pas conduit ultérieurement avoir un caractère scientifique mander ses impressions subjecti- à des recherches empiriques sur et échapper à la subjectivité. ves à un rat. Mais nous pouvons ses apports théoriques.

n° 80 | mars 2011 éduquer 35 dossier L’ACCOMPLISSEMENT DE SOI

Bibliographie sélective - Maslow, Abraham : - Eupsychian Management : a Journal, éd. Irwin Dorsey, 1965 ;

- Vers une psychologie de l’être, Paris, Ed. Fayard, 1972 ;

- L’accomplissement de soi, Paris, Ed. Eyrolles, 2004 ;

- Etre humain, Paris, Ed. Eyrolles, 2006 ;

- Devenir le meilleur de soi-même, Ed. Eyrolles, 2008 (nouvelle éd. revue et complétée de « Motivation and Personality »)

- Hergenhahn, B.R., An Introduction to Theories of Persona- lity, Ed. Printice-Hall inc., 1980;

- Ewen, Robert B., An Introduction to Theories of Persona- lity, Ed. Taylor and Francis Group, Psychology Press, 2010.

- Pour une bibliographie complète: www.maslow.com

- Pour auditionner des extraits audio de Maslow : www.abrahammaslow.com/audio.html (sur ce site, on trouve également des livres et des vidéos téléchargeables à un prix abordable)

Søren Aabye Kierkegaard (5 mai 1813 - 11 no- vembre 1855), écrivain, théologien protestant Sigmund Freud (1856 -1939) et philosophe danois. Sigmund Freud est né à Freiberg en Moravie dans une famille de marchand de textile, Il reste que l’œuvre de Maslow a apporté et fut le fils aîné du troisième mariage de son père, qui, pour des raisons d’affaires, une forte contribution par son intérêt porté à décida de s’installer à Vienne en 1860. Il y entame des la connaissance des individus en bonne san- études de médecine en 1873, obtient son diplôme en té et à la recherche de leur accomplissement 1882 et se fiance avec Martha Bernays. Il continue ses plutôt qu’à l’étude de la personnalité basée recherches à Paris, où il rencontre J. Charcot et H. sur les seules données cliniques. Sa concep- Bernheim, qui l’initient à l’hystérie et à l’hypnose. tion des besoins hiérarchisés ainsi que sa vi- De retour à Vienne, Freud s’installe dans son cabinet sion de la religion restent stimulantes. En privé du 19 de la Bergasse, où il soigne les femmes de la tant que représentant sans doute le plus émi- bourgeoisie viennoise atteintes de maladies nerveuses, nent du courant humaniste en psychologie, d’abord par les thérapies classiques de l’époque (mas- avec Rogers, il a eu (et garde) une influence sage et hydrothérapie), puis par l’hypnose. significative dans différents domaines de la Tentant d’édifier une théorie générale des maladies vie sociale : relation d’aide, éducation et for- nerveuses, Freud attribue les causes de la maladie à des mation, organisation du travail. ■ traumatismes sexuels dont le souvenir reste enfoui dans l’inconscient. Il publie alors ses « Études sur l’hystérie », 1. A ce propos, voir ce que Maslow en dit dans avec J. Breuer en 1895. C’est, cependant, en abandon- Maslow, 1972, pp. 2-20. nant l’hypnose et la théorie du traumatisme qu’il com- 2. Je reprends ici en synthèse la présentation de mence à saisir l’Inconscient de manière dynamique au Robert B. Ewen, 2010, p.216. travers de quelques notions-clés : transfert, résistance et refoulement. En 1900, Freud 3. Pour une information récente à ce propos, voir le publie L’interprétation des rêves : la psychanalyse est née. Freud s’éteindra dans la nuit dossier de la Recherche consacré au cerveau en londonienne, le 23 septembre 1939 à 3 heures du matin, après avoir porté la psycha- août 2010. nalyse au rang des grandes découvertes du XXe siècle.

36 éduquer n° 80 | mars 2011 régionales

Brabant Wallon Club Pyramide, jeu d’énigmes et Lieu : rue de Sesselich 123 - 6700 Arlon de lettres Prix : pour 20 séances : 110 € - Exposition des peintures de Soirée divertissante entre amis en pensionnés et adultes bénéfi ciant d’aide François Gilson faisant quelque peu travailler ses sociale : 80 € INFOS méninges. Atelier Gravure Date(s) : du 19 mars au 10 avril 2011 L’occasion de décompresser en fi n Que ce soit sur linoléum, bois ou de 14h à 17h en semaine, de 11h à 14h de semaine et de passer deux heures autre, vous apprendrez diff érentes le samedi agréables sans se prendre la tête. techniques de travail, à manipuler la Lieu : Maison de la Laïcité - rue des INFOS presse et à marier les couleurs. Brasseurs, 7 à 1400 Nivelles Date(s) : les vendredis (sauf vernissage) INFOS Prix : gratuit de 20h à 22h Date(s) : les mercredis de 9h à 12h. Ateliers en espagnol pour Lieu : Maison de la Laïcité - rue des Du 19 janvier au 22 juin 2011 inclus débutants Brasseurs, 7 à 1400 Nivelles Lieu : rue de Sesselich 123 - 6700 Arlon Méthode accélérée afi n de parler et Prix : 1,25€/séance Prix : pour 20 séances : 70 € - pensionnés comprendre rapidement. Club des Chiff res et des lettres de et adultes bénéfi ciant d’aide sociale : INFOS Rixensart et du Brabant wallon 50 € Date(s) : les jeudis de 17h30 à 19h30 Le jeu comme à la télé : le compte est Atelier Peinture Lieu : Maison de la Laïcité - rue des bon et le mot le plus long dans une L’atelier peinture vous propose Brasseurs, 7 à 1400 Nivelles ambiance détendue. un apprentissage personnalisé où Prix : 32€/mois INFOS chacun évolue à son rythme, selon ses Ateliers en néerlandais pour les Date(s) : les 2e et 4e mercredis de 19h30 goûts et inspirations. Le travail permet petits à 21h30 d’utiliser diff érentes matières et est Apprentissage du néerlandais de Lieu : Maison de la Laïcité - rue des réalisé sur des supports variés. L’atelier façon ludique. Brasseurs, 7 à 1400 Nivelles est ouvert aussi bien aux débutants INFOS Prix : gratuit qu’aux initiés. Date(s) : les mercredis : pour les 6-8 ans Petit déjeuner convivial INFOS de 13h15 à 14h30. Pour les 3-5 ans : de 1 croissant et 1 pistolet confi ture Date(s) : les lundis ou vendredis de 14h30 à 15h30 avec café ou jus d’orange. 13h30 à 16h30. Des 10 et 21 janvier au Lieu : Maison de la Laïcité - rue des INFOS 27 et 24 juin 2011 inclus Brasseurs, 7 à 1400 Nivelles Date(s) : le 1er samedi du mois de 8h30 Lieu : rue de Sesselich 123 - 6700 Arlon Prix : 22€/mois à 10h Prix : pour 20 séances : 135 € - Ateliers en néerlandais pour le Lieu : Maison de la Laïcité - rue des pensionnés et adultes bénéfi ciant d’aide niveau secondaire Brasseurs, 7 à 1400 Nivelles sociale : 95 € Aide scolaire. Prix : 2€/personne, gratuit pour les Atelier Poterie et céramique INFOS moins de 10 ans Plaques assemblées, montage Date(s) : les mardis de 17h30 à 19h Renseignements et inscriptions : aux colombins, tournage (tours Lieu : Maison de la Laïcité - rue des Ligue de l’Enseignement et de électriques), vous façonnez diverses Brasseurs, 7 à 1400 Nivelles l’Éducation permanente du Brabant pièces et les voyez évoluer étape par Prix : 26€/mois wallon étape. agenda BabbelKfé Siège social : 40 Place Delalieux à 1400 INFOS Rencontre entre néerlandophones Nivelles Date(s) : les jeudis de 14h à 16h et de et francophones. Conversation en Rue des Brasseurs, 7 - 1400 Nivelles 18h à 20h, les samedis de 10h à 12h. Du néerlandais autour d’une tasse de Tél. : 067/21.21.66 13 janvier au 23 juin 2011 inclus café et de petits biscuits. Ambiance Gsm : 0477/666.794 Prix : pour 20 séances : 180 € - conviviale. Fax : 067/21.21.66 pensionnés et adultes bénéfi ciant d’aide INFOS Courriel : [email protected] sociale : 120 € - étudiants (enseignement Date(s) : les mardis de 19h à 20h30 et offi ciel) : 150 € - enfants (10 à 14 ans) : les jeudis de 13h à 14h30 Régionale Luxembourg 135 € Lieu : Maison de la Laïcité - rue des Lieu : Bloc Milan, Caserne Callemeyn Brasseurs, 7 à 1400 Nivelles Atelier Dessin - 6700 Arlon Prix : 2€/séance Les participants de l’atelier dessin Atelier informatique Ateliers en anglais pour expérimentent les pastels, crayons, L’atelier a pour but de sensibiliser débutants adultes fusains, collages, encre de chine, les participants à l’informatique afi n Apprentissage de la langue. écoline… les croquis d’attitude, de faciliter leur insertion. L’initiation INFOS natures mortes, portraits ou encore aborde le matériel, les programmes Date(s) : les lundis de 9h15 à 11h15 compositions personnelles. de base (Word et Excel) et Internet. Lieu : Maison de la Laïcité - rue des INFOS Modules de 4 demi-journées. Brasseurs, 7 à 1400 Nivelles Date(s) : les mercredis de 9h à 12h. Du INFOS Prix : 32€/mois 19 janvier au 22 juin 2011 inclus Date(s) : de 9h à 12h OU de 13h à 16h.

n° 80 | mars 2011 éduquer 37 régionales

Régionale Mons-Borrinage- Mars et mai 2011 Centre Lieu : Maison de la Laïcité - rue des Déportés 11 - 6700 Arlon Prix : 40 € - pensionnés et adultes bénéfi ciant d’aide Initiation à la conduite d’un club de lecture sociale : 20 € Pour partager et faire rayonner votre amour des Initiation au traitement d’images livres et apprendre à susciter des échanges autour L’atelier dévoile les subtilités d’un programme des valeurs qu’ils véhiculent. de traitement d’images et l’utilisation de tous les INFOS outils graphiques. Les participants apprennent à Formateur : Jean-Claude TREFOIS, enseignant, lecteur retoucher des photos et à réaliser des compositions. et animateur. Modules de 4 demi-journées. Dates : Le W-E des 19 et 20 mars et le W-E des 2 et 3 INFOS avril 2011 de 10 à 17h CCotisationotisation eett Date(s) : de 9h à 12h OU de 13h à 16h. Février, avril et Lieu : salle à Mons ou environs proches - à préciser lors juin 2011 de l’inscription ddonon 20112011 Lieu : Maison de la Laïcité - rue des Déportés 11 - 6700 Prix : 48 € membres, étudiants, chômeurs, pensionnés. Si vous n’avez pas encore payé votre Arlon 57 € non membres cotisation 2011, merci de le faire dans Prix : 40 € - pensionnés et adultes bénéfi ciant d’aide Avec le soutien de la Direction Générale des Aff aires les meilleurs délais. La cotisation 2011 sociale : 20 € Culturelles du Hainaut (D.G.A.C.) est de 20€ minimum. Atelier Nature « Comment je me suis séparée de ma fi lle et de Balades découverte des forêts du grand Arlon. mon quasi-fi ls » de Lydia Flem - Extraits choisis Par ailleurs, faire un don, c’est marquer Balades reconnaissance de la fl ore et de la faune INFOS votre soutien locales… Cueillette : plantes comestibles et leurs Animateur : Jean-Claude TREFOIS, lecteur, formateur (les dons de 30€ et plus sont déductibles vertus… Ecologie : préservation des espaces Date : le mardi 22 mars 2011 à 19h30 précises de vos impôts). naturels, nettoyage, petits gestes quotidiens… Lieu : au « Salon des Lumières », resto-déco, 23, rue du INFOS Miroir - 7000 Mons A verser sur le compte n° BE19 0000 1276 Date(s) : tous les 2e mardis du mois à 9h30 Prix : 15 € prix unique (repas salé/sucré, animation 64 12 de la Ligue de l’Enseignement et Lieu : rendez-vous sur le parking de la Maison de la - prix hors boissons) de l’Éducation permanente, asbl - 1000 Culture d’Arlon Avec le soutien de la Direction Générale des Aff aires Bruxelles - Communication : cotisation ou Prix : 3 € Culturelles du Hainaut (D.G.A.C.) don 2011 Informatique Renseignements et inscriptions : Module de 2 journées de 9h à 12h ET de 13h à 16h. Ligue de l’Enseignement et de l’Éducation permanente. Pour toute information concernant le INFOS Rue de la Grande Triperie, 44 à 7000 Mons suivi de votre affi liation, veuillez contacter Lieu : Fédasil, rue Croix-Le-Maire, 9 à 6760 Virton Tél / Fax : 065/31.90.14 - Patricia Beudin ou Rosalie Laurent Bourgois : Tél. : 02/512.97.81 - Prix : 40 € - pensionnés et adultes bénéfi ciant d’aide Marchica Email : [email protected] sociale : 20 € Courriel : [email protected] ■ Atelier Multi’Art Module pluridisciplinaire d’un semestre pour permettre de connaître plusieurs disciplines LLeses formationsformations à lala LLigue...igue... mmarsars - avrilavril 22011011 d’expression artistique (dessin, peinture, céramique, aquarelle, illustration, informatique). INFOS Mardi, 15 mars Samedi, 2 avril Lieux : à Habay-la-Neuve - Centre culturel, rue Elaborer le plan stratégique de son De la relaxation à la méditation d’Hoff schmidt, 27 ; à Virton - Fédasil, rue Croix-Le- institution Attitudes et techniques de communication Maire, 9 Samedi, 19 mars - Initiation à la PNL Prix : 10 €/séance - pensionnés et adultes bénéfi ciant Entre paradis et enfer - mourir au Moyen- Venetian and Flemish Masters - Expo d’aide sociale : 6,25 €/séance âge - Expo Lundi, 4 avril Renseignements et inscriptions : Samedi, 26 mars La conduite de réunion Ligue de l’Enseignement et de l’Éducation permanente Atelier d’écriture Lecture rapide et effi cace Luxembourg L’atelier du lâcher-prise Jeudi, 7 avril Rue de Sesselich, 123 - 6700 Arlon La prise de parole - week-end Mieux négocier et prévenir les confl its Tél. : 063/21.80.81 Mieux connaître et utiliser sa voix Gsm : 0495/68.35.80 Mardi, 29 mars Pour en savoir plus sur nos stages et tout Fax : 063/22.95.01 Les 10 outils de base de la gestion de notre programme de formations; visitez le Courriel : [email protected] projet site de la Ligue Paiement sur le compte n°000-3254490-43 de L.E.E.P.- Jeudi, 31 mars ➥ www.ligue-enseignement.be Lux Un regard positif sur l’adolescence ou contactez le secteur formation au IBAN : BE 66 0003 2544 9043 - BIC : BPOTBEB1 02/511.25.87

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Le Secteur Formation Animateurs de projets socioculturels 2011

La Ligue de l’Enseignement et de l’Éducation Permanente asbl vous propose une formation de 125 heures pour acquérir les compétences de base de l’animation socioculturelle et augmenter votre capacité à concevoir et développer des projets socioculturels réussis.

Solitude, détresse, fragmen- Vous participez déjà à des CAHIER 1 tation du tissu social, crise des projets collectifs.Vous voulez ormation solidarités, absence de projets vous impliquer professionnel- F d’animateurs de projets collectifs, opacité des enjeux, pro- lement ou bénévolement dans 20 socioculturels ON O blèmes d’intégration, dés-emploi, la vie associative et le secteur Bruno Barbier, formateur en communication et développement personnel Patrick Hullebroeck, directeur de la LEEP intégrismes religieux et perte des non-marchand. et formateur en gestion de projets. repères, difficulté de construire Vous voulez augmenter vos un projet personnel et de don- compétences d’animateur de ner du sens à sa vie (au plan per- groupe ou devenir animateur de sonnel, familial et social) - autant projets socioculturels. d’aspects de la société contem- La formation a pour objectif poraine qui frappent les publics de former des animateurs qui se- les plus fragiles : les jeunes, les ront capables : femmes, les personnes âgées, les - de clarifier leur projet populations d’immigration ré- personnel ; ANIMATION A de l’Enseignement et de l’Education Permanente asbl cente et d’origine étrangère, en - de concevoir, de réaliser et 1A, rue de Lenglentier - 1000 Bruxelles - www.ligue-enseignement.be particulier quand ils cumulent d’évaluer des projets sociocul- un bas niveau de formation et de turels avec un groupe ; revenu. Il serait cependant faux - d’analyser, avec le groupe te de réunion, négociation, de déduire de ce tableau peu ré- et de façon critique, la situa- construction de partenariat et jouissant que l’égoïsme et le replis tion de départ, d’identifier les organisation. sur soi auraient étouffé les aspira- enjeux, d’effectuer des choix La formation combinera mise tions à construire un monde plus et de développer la prise de en pratique, jeux de rôles, étu- humain. Nombreux sont ceux qui responsabilité ; des de cas, travail individuel, en s’impliquent concrètement sur le - de faciliter et d’animer la com- petits groupes et en grands grou- terrain, qui professionnellement munication dans le groupe ; pes, flashs théoriques. Les parti- ou bénévolement, donnent un - de pouvoir s’orienter dans le cipants disposeront de notes de peu (beaucoup) d’eux-mêmes et contexte légal (les a.s.b.l. et les cours pour les principaux aspects prennent des initiatives. De fait, subventions) et administratif des théoriques. la créativité sociale de la vie asso- principaux secteurs de l’anima- Pour toute information com- ciative semble sans limites. tion socioculturelle (éducation plémentaire, n’hésitez pas à Vous vous sentez concerné permanente, culture, jeunes- consulter le site internet de la par l’évolution de la société. se, cohésion sociale, intégra- Ligue ou nous contacter à l’adres- Vous croyez que des projets tion des personnes d’origine se mail suivante : formation@ socioculturels menés avec des étrangère) ; ligue-enseignement.be ou par groupes peuvent rencontrer les - de mettre en œuvre des com- téléphone au 02/511.25.87 ■ aspirations humaines. pétences spécifiques en condui-

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Sabine Renteux, animatrice du secteur Interculturel Bien manger pour bien grandir : tous concernés !

Projet Alimentation à l’Ecole 14

Ce sont les questions de Afin de mener une action des enfants, partage d’expérien- consultations de l’ONE ou de concertée et à plusieurs ni- ce... Des animations sur la pyra- l’infirmière de l’école. mamans qui ont donné veaux, de nombreux partenai- mide et les équivalences alimen- Le projet s’inscrit dans la res se sont réunis autour de ce taires (combien de morceaux de durée : des systèmes de « col- l’idée aux institutrices mater- projet : les institutrices, bien sucre dans un jus de fruit ?) ont lations saines » ont été mis en sûr, l’asbl Renovas, responsable complété la réunion par une place par les institutrices dans nelles de l’école 14 de « parler de la coordination du Contrat touche ludico-informative. les classes maternelles, avec la de quartier, les travailleuses Les parents se sont montrés collaboration des parents. Et, à alimentation » aux parents. médico-sociales de l’antenne concernés et intéressés, les la demande générale, plusieurs ONE, l’infirmière de l’école, échanges ont été nourris et cer- autres petits déjeuners et « sou- Parce que bien manger est l’asbl Liens de quartier-Petite taines réponses précises ont pu pes du matin » sont prévus pour enfance, et moi-même, anima- être apportées. Les autres ont 2011! ■ essentiel pour bien grandir, trice du secteur Interculturel de été encouragés à se rendre aux la Ligue dans l’école. être en bonne santé et… Pour atteindre un maximum de parents d’une manière être attentif en classe ! Tout conviviale, des « Petits déjeu- ners sains » ont été organisés le monde (ou presque…) dans les classes de maternelle, auxquels les parents ont été in- sait cela, mais qu’est-ce que vités à participer. L’occasion de rappeler par l’exemple l’impor- « bien manger » ? Comment tance, précisémment, du petit déjeuner, mais aussi d’aller à la faire lorsque l’enfant refuse rencontre des parents et de leurs préoccupations. ce qu’on lui propose ? Que Combien de morceaux de donner à boire ? Quand faut- sucre dans un jus de fruit ? Pour discuter d’une manière il s’inquiéter ? plus approfondie des différentes questions soulevées, nous avons invité les parents à participer à une « Rencontre à thème » sur l’alimentation, dans les locaux de l’asbl Liens de quartier-Petite enfance. Le tour de parole a fait émerger des préoccupations communes et les participants (professionnels ou non) ont ten- té d’y apporter des réponses : « trucs » pratiques, informations nutritionelles ou sur la croissance

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Pol Defosse, maître assistant honoraire La question scolaire n’est plus la priorité des « deux gauches »

On peut s’interroger sur les raisons qui ont amené les libéraux et les socia- listes à accepter, malgré l’opposition de certains laïques comme la Ligue de l’Enseignement, les lois de subventions de l’enseignement privé votées en 1919 et 1920 qu’ils avaient pourtant violemment contestées en 19141. On peut avancer qu’il était urgent de revaloriser les traitements des instituteurs de l’enseignement offi ciel, que les dispositions en faveur de l’école privée étaient considérées par les députés socialistes et libéraux comme transitoires, ou encore que l’union sacrée, déclarée par les trois partis en 1914, devait être prolongée pour commencer la reconstruction du pays et que cette union sacrée exigeait nécessai- rement que l’on mette au frigo le problème si controversé de la question scolaire2.

A ces raisons plus nettement dance ouvrière et socialiste. POB l’amélioration des conditions so- visibles, il faut sans doute en et libres penseurs considéraient cio-économiques de tous les tra- ajouter d’autres moins appa- que l’émancipation de la classe vailleurs, quelles que soient leurs rentes dont les fondements sont ouvrière devait se faire à la fois croyances. »5 L’adhésion à ce antérieurs à la guerre. par rapport au capitalisme et à la principe impliquait inévitable- Depuis la publication de l’en- religion. C’était la position, par ment l’abandon d’une attitude cyclique « Rerum Novarum » exemple, de César De Paepe. sectaire antireligieuse. Ainsi, au de Léon XIII en mai 1891, qui lendemain du Cartel de 1912, est à l’origine du mouvement « La religion aff aire privée » on constate que le POB n’ad- ouvrier chrétien, le POB (Parti Mais, à partir des années met plus la présence de certai- ouvrier belge) ne pouvait plus 1890, ce point de vue n’était plus nes sections de la libre pensée se permettre de développer partagé par certains leaders du dans des Maisons du Peuple. En une politique anticléricale inci- POB. Ainsi Emile Vandervelde3, 1922, Emile Vandervelde dé- sive s’il voulait rallier à sa cause qui domina le parti jusqu’à sa missionnera, geste hautement la classe ouvrière catholique. mort, avait fait sienne la formu- symbolique, de la Libre pensée Pendant tout un temps, les as- le des sociaux-démocrates alle- de Bruxelles dont il était mem- sociations de libres penseurs mands, dite la doctrine d’Erfurt, bre depuis 1895. Ce geste, reflet particulièrement actives à la fin « la religion affaire privée »4. des tensions qui existaient en- du XIXe siècle dans les régions « Selon ce principe, le socialisme tre les libres penseurs et le parti industrielles, notamment dans en tant que parti est exclusive- socialiste jugé trop timoré dans l’arrondissement de Charleroi, ment un parti de classe et doit sa politique envers les catho- étaient majoritairement de ten- donc lutter principalement pour liques, sera d’ailleurs suivi par

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plusieurs parlementaires socialistes6. C’est mais les divisions étaient béantes lorsqu’il dans ce contexte dit de tolérance, qu’il faut s’agissait d’aborder les questions sociales et comprendre la décision du POB de voter la économiques. loi de 1919 ainsi que celle de 1920 qu’avait proposée le ministre socialiste Jules Destrée. Le Parti catholique en « arbitre » Comme l’avait écrit Vandervelde avant la Chacun pour tenter de faire passer son guerre, il faut condamner l’art d’embêter les programme devait trouver l’appui du Parti curés, l’anticléricalisme bête et stérile pro- catholique, les socialistes celui de son aile fessé par certains socialistes, les déclama- gauche démocrate-chrétienne, les libéraux tions anticléricales de ces francs-maçons, de celui de son aile conservatrice et bourgeoi- ces bourgeois voltairiens, de ces mangeurs de se. Ce qui caractérise en effet le Parti catho- prêtres7. lique est qu’il ne présente pas une structure Le même glissement est perceptible chez sociale homogène, mais qu’il rassemble di- les libéraux : à l’opposition scolaire et philo- vers groupements et intérêts, des standen sophique du XIXe siècle se substitue la pro- ou classes sociales (ouvriers, paysans, classes blématique socio-économique alimentée moyennes, bourgeoisie) unis par la religion. par la nécessité de reconstruire le pays et, « Le catholicisme déterminait la cohésion en- au cours des années trente, la grave crise tre ces composantes, hétérogènes d’un point découlant du crash de Wall Street en 19298. de vue social ; l’école constituait de ce fait, Or, dans ce domaine, les deux gauches bien évidemment, un élément mobilisateur n’avaient pas les mêmes visions ni les mê- essentiel.9 » mes objectifs. Il n’y avait pas un bloc laïque Cette situation donnait au Parti catho- mais des idéologies de classe. Libéraux et so- lique une position d’arbitre perceptible à cialistes avaient pu s’unir au XIXe siècle sur la travers les différents gouvernements qui se question scolaire, trouver des terrains d’en- sont succédés au cours des vingt années de tente lorsqu’il s’agissait d’anticléricalisme, l’entre deux guerres. Le Parti catholique a toujours été au pouvoir, le plus souvent en coalition avec les libéraux, et lors de crises internationales ou économiques, en tripar- tite. La plupart du temps, le Premier minis- tre fut un catholique. Jamais le ministre de l’Enseignement ne fut un catholique, une concession faite à la gauche, mais, le minis- tre compétent était sous la surveillance de l’ « Office central de l’enseignement catholi- que » dirigé par une personnalité accréditée par les évêques10. Dans ces conditions, les concessions faites en 1919 et 1920 ne pou- vaient qu’être définitives et aiguiser l’appé- tit des revendications du monde chrétien. Quelle opposition pouvait s’élever et faire obstacle à la politique menée par les deux partis de gauche ? Au siècle précédent, la franc-maçonne- rie avait joué un rôle non négligeable dans la défense de l’école publique. Mais depuis l’instauration du suffrage universel tempéré par le vote plural conjuguée avec la repré- sentation proportionnelle, une réforme qu’il avait cependant souhaitée, l’Ordre avait perdu tout son poids électoral. Les activités politiques de la franc-maçonnerie avaient subi, dès lors, un net recul. En outre, l’an- timaçonnisme11, déjà présent en Belgique avant la Grande guerre, prend de plus en Le Rempart plus d’ampleur durant l’entre deux guer- Périodique organe de la ligue antimaçonnique belge, res, surtout à la faveur de la crise, au cours l’Epuration - de Bezem publié pendant la Seconde guerre. des années 1930. Ce fait incita les Frères à adopter une plus grande discrétion sur leur

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1. Voir Les lois de 1919 et 1920 concernant l’enseigne- ment primaire dans Eduquer n° 79.

2. L’union sacrée fut prolongée jusqu’en novembre 1921.

3. Voir à propos du leader socialiste Janet Polasky, Emile Vandervelde, le Patron, Bruxelles, Ed. Labor, 1995, 300 p.

4. Présentée au congrès de Gotha en 1875, elle fut réaffi rmée à Erfurt en 1891.

5. B. Groessens, Les socialistes belges et l’enseigne- ment (1831-1914), Bruxelles, Gamma Press, 1998, p.99.

6. John Bartier, La Franc-maçonnerie et les associa- tions laïques en Belgique dans H. Hasquin, Histoire de la laïcité, 2e éd. Rev., Bruxelles, 1979, p. 196.

7. E. Vandervelde, Essais socialistes. L’alcoolisme, la religion, Paris, 1906, pp. 34-37.

8. D’autres problèmes préoccupèrent les Etats majors des trois partis traditionnels, la question linguistique et bien entendu la montée des ex- trémismes nationalistes inspirés par le fascisme italien et le nazisme.

9. J. Tyssens, Guerre scolaire, p. 15. A propos du Parti catholique, voir J. Smits, Les standen dans les par- A l’image de ce qui se passait au niveau tis sociaux chrétiens dans Courrier hebdomadaire national, des coalitions furent mises en du CRISP, n° 1134-1135, 1986, 84 p. place dans certaines communes entre ca- 10. Tyssens, Guerre scolaire, p. 17. tholiques et socialistes. Celle qui gouverna 11. Ph. Cullus, Antimaçonnisme dans P. Defosse, Anvers dans les années 1920, avec à sa tête Dictionnaire historique de la laïcité, Bruxelles, le socialiste Camille Huysmans et le catho- Fondation rationaliste, 2005 p. 23 lique FransVan Cauwelaert, fut brocardée par les libéraux sous le nom de « Mariage mystique ». Bibliographie - Voir les ouvrages cités dans Les lois de 1919 et 1920 publié appartenance à l’Ordre et à prendre moins dans Eduquer n° 79. part à la vie politique du pays. Quant aux associations de libres penseurs réunies dans une « Fédération nationale des associations de libre pensée », elles ont tenté de créer un front anticlérical contre le subventionne- ment des écoles catholiques, mais ce front bref n’a pas abouti à un résultat tangible. En fait, la seule force capable de se faire César De Paepe entendre était la Ligue de l’Enseignement. César De Paepe, né en 1841 et mort en 1890, est Bien structurée, bénéficiant de relais au par- docteur en médecine, sociologue et homme politique lement, et largement introduite dans le pays belge. Il représenta les socialistes belges à l’Association surtout dans la partie francophone, la Ligue internationale des travailleurs. Le Parti socialiste belge, pouvait diffuser largement son opposition à créé en 1885, lui doit sa première dénomination : le la politique des subventions et s’opposer à Parti ouvrier belge, le POB. l’appétit des catholiques grâce à son Bulletin Il fut un ardent militant du rationalisme et de la libre- et ses Documents, mais aussi au dynamisme pensée. En effet, disciple de Proudhon, il critiqua vive- de ses dirigeants parmi lesquels il faut citer ment le capitalisme, la division du travail et le dévelop- A. Sluys. Ce n’est qu’au cours des années pement du machinisme qui, selon lui, provoquent la trente, tardivement, trop tardivement aux détérioration des conditions d’existence des ouvriers. yeux des défenseurs de l’enseignement pu- Il prônait l’instauration d’une démocratie forte sur le blic, qu’apparaîtra au sein des deux gauches lieu de travail. Une démocratie qui aurait, selon lui, un un changement de politique plus favorable effet apaisant sur les travailleurs. Son travail de syndicaliste influença fortement les à l’enseignement officiel. ■ mouvements ouvriers belges.

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Laurent Bourgois, permanent au secteur Administration Climat scolaire et défi s climatiques

Une société, pour exister, Comme l’a démontré le contexte est un cadre s’ap- - l’importance de mettre à dis- Durkheim, l’école a un rôle de puyant sur des représentations position un contexte matériel a besoin de lien social, de socialisation, car elle contribue et des valeurs socialement par- qui permette d’appliquer, de à l’élaboration de la personna- tagées. Ainsi, la façon dont il est mettre en œuvre et de conce- cohésion. Aujourd’hui, la lité sociale. La crise environne- structuré, dans ses dimensions voir de nouveaux projets. mentale que nous connaissons physiques et psychologiques, va Prenons un exemple concret. société se doit de changer actuellement se répercute donc permettre le maintien ou préci- L’impact d’une éducation à tout naturellement au sein des piter la disparition des conduites l’alimentation durable, sans la face aux défi s climatiques communautés scolaires. De ce pro-environnementales. mise en place d’une cantine du fait, l’évolution vers un déve- En d’autres mots, appliqué au même nom, sera fortement ré- et environnementaux que loppement plus durable de la champ scolaire, cela se traduit duit. Inversement, si une telle société passe par la transfor- par les deux aspects principaux structure est déjà en place, mais nous rencontrons. mation durable des écoles. Ces suivants : qu’aucun projet pédagogique changements atteignent les rôles - la nécessité d’une éducation concernant l’alimentation du- En quoi ces transforma- de l’école et son organisation so- relative à l’environnement par rable n’est construit, nul besoin ciale. En fait, le développement l’acquisition de connaissances, de s’étonner de la desserte de la tions aff ectent-elles les durable des écoles ne peut s’en- d’attitudes et de comporte- cantine. visager sans considérer sérieu- ments appropriés. Autrement rôles de l’école ? Comment sement les questions relatives dit : jouer sur les trois cordes Quels sont les gains ? à la cohésion et à l’organisation sensibles que sont les savoirs, La structure scolaire est donc la gestion environnemen- sociale scolaire. C’est en effet au les savoirs-être, et les savoirs un facteur fondamental ! Par le travers des mécanismes collectifs faire ; maintien des interactions, elle tale peut-elle bouleverser d’identification et de cohésion soutient la réalisation de prati- sociale que vont naître compor- ques environnementales, autant positivement la cohésion tements et attitudes en faveur de sur un plan individuel que col- l’environnement. Inversement, lectif. La satisfaction et la cohé- sociale au sein des écoles ? les connaissances et bonnes sion sociale qui en résulteront pratiques environnementales permettront la création d’une jouent un rôle non négligeable véritable identité scolaire, fa- dans la capacité à créer co- vorisant le développement hésion sociale et rencontre durable de l’établissement, interculturelle. mais aussi tout processus pédagogique. Le contexte est Les gains sont plus fort que le multiples et concer- concept nent, entre autres : Bien qu’il sem- - pour l’école : l’amé- ble évident que lioration de l’identité tout comporte- scolaire et de la cohé- ment apparaît dans sion sociale (niveau psy- un contexte, ce qui chologique), la diminu- l’est moins, ce sont tion de son empreinte les éléments qui le écologique (niveau composent. En effet, symbolique), la mise à

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disposition de structures appropriées aux défis de demain ainsi qu’un retour finan- cier sur investissement (niveau matériel) ; - pour les élèves : dans leur éducation ci- toyenne (éveil de la conscience environ- nementale) et dans leur lien avec l’école (s’identifier à l’école, c’est s’ouvrir aux processus pédagogiques qui y prennent place).

Repenser la transformation scolaire Les dynamiques de transformation scolai- re, quelles qu’elles soient, doivent donc s’ins- crire dans des projets favorisant les structures sociales et physiques qui facilitent les interac- tions sociales durables. Favoriser la qualité d’apprentissage et de l’espace scolaire né- cessite de réapprendre à le penser en termes pédagogique, social, et environnemental, aussi bien d’un point de vue individuel que collectif. Concrètement, à la fragmentation de l’espace d’apprentissage, il faut substituer les espaces favorisant les interactions. En somme, ce sont la cohésion, l’équilibre social entre espace d’apprentissage person- nel et collectif, et le sentiment d’apparte- nance à la communauté scolaire qui vont permettre l’enracinement des valeurs et des comportements pro-environnementaux. Les jeunes d’aujourd’hui sont les acteurs bref du développement durable de demain ! Il est donc essentiel que chacun trouve sa place Un ‘»agenda 21» pour l’école! dans la communauté scolaire pour partici- Comment un établissement scolaire, vecteur de transmission de savoir, de savoir- per à un climat d’école ouvert, durable et être et de savoir-faire, et lieu privilégié, peut-il aborder efficacement la question du sécurisant. C’est ce climat qui va permet- développement durable? Comment peut-il permettre aux élèves d’entrer dans une tre une approche globale dépassant le côté démarche citoyenne active? C’est pour tenter de répondre à ces questions que la scolaire. ■ campagne d’un « Agenda 21 » scolaire a été initiée par l’asbl Coren. L’agenda 21 scolaire, c’est la mise en place d’un plan d’actions qui s’intègre dans une démarche de développement durable à l’échelle de l’établissement scolaire, bref aussi bien dans le primaire que dans le secondaire. Ce plan d’actions vise à traiter des problématiques sociales et environnementales diverses: les déplacements, l’accès à l’établissement, le tri des déchets, les éco- Concrètement... nomies d’eau et d’énergie, la lutte contre l’échec scolaire, les relations avec les Le lundi 2 mai 2011, ne ratez pas l’Ac- familles, la solidarité entre élèves… tion Bouger CO2 léger L’ambition est que l’agenda 21 scolaire s’inscrive dans un véritable projet pédago- Le projet vise à promouvoir l’utilisa- gique afin de responsabiliser tant le personnel de l’établissement que les élèves ou tion des transports en commun, du encore les parents d’élèves. co-voiturage et du vélo pour se rendre Pour plus d’info : www.coren.be à l’école. L’objectif est de se rendre à l’école en produisant le moins de CO2 possible, en utilisant au maximum la marche, le vélo, les transports en com- mun ou encore le covoiturage. Plus d’info sur : www.effetdejeunes.be

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Michel Gheude Facebook, arme de révolution massive

Le 14 janvier, après un mois de manifestations, le président Ben Ali quitte la Tunisie, aban- donné de tous. Dans l’avion qui le ramène ce jour là du Maroc, Ridha Najar, fi gure haute en couleur des médias tunisiens, ancien de la radio télévision publique reconverti dans la formation des journalistes, écrit un Nostra Culpa : « Aujourd’hui, pour nous autres journa- listes et autres patrons de médias, il est de notre devoir de demander pardon à notre peuple pour notre participation au complot du silence, pour notre autocensure et notre servilité. Ces mots ne sont pas trop forts. Ils refl ètent l’entière léthargie de toute une profession consentant au silence et à la docilité au nom du « réalisme » et de la pitance publicitaire gouvernementale. Aujourd’hui, nous n’avons aucun droit à nous approprier la révolution de notre peuple. C’est celle de notre jeunesse, du téléphone mobile et du cyberespace. »1

Les citoyens 2.0 vacances, mais aussi les images Avant d’être relayée par France L’histoire commencerait donc d’une collection de papillons. 24 et Al Jezira. ainsi : un certain Zuckerberg a Mais aussi, pourquoi pas, des Sur le web, une info prend mis sur le web un outil qui per- photos de répression policière. la forme d’une rumeur. Elle se met aux anciens étudiants de Outre la rapidité de circulation répand de manière exponen- la même promotion de se re- de l’information qui s’y affiche, tielle. Elle manque parfois de trouver et de rester en contact. ce qui caractérise les médias 2.0, crédibilité parce qu’elle n’est L’outil est excellent. Il rencontre c’est leur appropriabilité, leur pas garantie par des profession- son objectif et trouve son public. malléabilité, leur capacité à ser- nels de l’information. Mais dans Mais rien n’empêche ce public vir une infinité de projets aussi le cas d’une dictature, elle en a de l’utiliser à d’autres fins. Si je peu semblables que possible. Et de toute façon davantage que peux construire un groupe d’an- parmi eux, l’action politique. l’info diffusée par les médias pro- ciens étudiants, je peux aussi Sous Ben Ali, You Tube et fessionnels qui n’en ont aucune. construire une réunion familia- Dailymotion étaient interdits. Il L’info atteint les médias étran- le, un comité d’entreprise, une se raconte que c’est la fille du gers qui transforment le théâtre association d’amateurs de livres président, Cyrine Mabrouk, qui local en scène internationale. africains, ou un groupe d’oppo- lui a demandé de débloquer Les acteurs sortent de l’ombre sition… Je peux construire un Facebook. Des centaines de et se regardent dans le miroir de fan club, utiliser le mur comme milliers de Tunisiens y sont de- l’Histoire. Leurs gestes prennent outil d’autopromotion, comme venus amis. Quand Sidi Bouazzi une dimension inattendue. Tout lieu de débats, comme journal… s’est immolé par le feu le 17 devient symbole et les symboles ou pour appeler à manifester. Je décembre 2010, c’est via Face se chargent d’une réelle puissan- peux y afficher mes photos de Book que l’information a circulé. ce politique.

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sont pas. Et leur fournissent une aide tech- nologique pour déjouer les censures et les interdits imposés à la libre circulation de l’in- formation dans les dictatures.3 Troisième soutien, les grands de l’internet. S’ils ont accepté parfois des contraintes sévè- res pour avoir le droit d’entrer dans certains pays, ils ont vite compris qu’ils ne pourraient réellement développer ces nouveaux mar- chés qu’en respectant la logique d’ouverture de leurs applications. Ce n’est pas pour rien que Google, avec le soutien de l’adminis- tration Obama, a refusé, depuis mars 2010, de censurer les résultats de recherche qui conduisent aux sites que les Chinois inter- disent. Ce soutien aux libertés était déjà très visible lors des manifestations iraniennes contre les élections volées de 2009. On a vu alors des sites comme Google dévelop- per l’info sur les manifestations grâce à ses images satellitaires et Yahoo faire appel aux La guerre des réseaux ont eu recours à des logiciels de cryptage internautes pour compléter ses cartes de vil- Pour réussir, ce mouvement d’amplifica- pour protéger leurs infos et échapper aux les iraniennes afin d’aider les manifestants à tion a dû vaincre le pouvoir sur le terrain recherches par mots clés. Les CD avec ces localiser les photos qu’ils postaient sur Flickr. même du contrôle des réseaux, contourner programmes circulaient de main en main Les mêmes ont eu à cœur de développer les obstacles et maintenir, malgré la censure, dans les écoles et les universités. Les créa- des interfaces en farsi. Obama lui-même la libre circulation des informations. Dans teurs américains de ces logiciels ont même s’est adressé en farsi aux manifestants via ce combat, les internautes ont reçu trois développé des applications ad hoc pour Twitter.4 Le projet politique et le dévelop- importants soutiens, contradictoires mais les aider. Les Anomymous ont également pement économique sont ici résolument convergents. mené des opérations de blocage de sites complémentaires. D’abord celui des activistes. Depuis ses gouvernementaux.2 débuts, la liberté du net est défendue bec Deuxième soutien de poids, l’adminis- Un monde meilleur et ongles par des milliers d’individus et d’as- tration américaine. Depuis des années, elle A cette conjonction d’intérêts des inter- sociations qui résistent à toutes les censures a inclus l’internet dans son arsenal de lutte nautes, des grandes compagnies du net et du étatiques et à toutes les tentatives de main pour la démocratie. Obama et Clinton ont gouvernement américain, s’ajoute la dépen- mise commerciale. La lutte pour les logiciels accéléré le mouvement. Alec Ross, l’un des dance des Etats aux nouvelles technologies. libres, la prolifération des échanges non collaborateurs d’Hillary Clinton, développe Un Etat dictatorial peut limiter le web par payants, la défense de la vie privée sont des les outils de la diplomatie 2.0. C’est lui qui, le contrôle des serveurs, mais il ne saurait combats constants menés par les internautes pendant la révolution égyptienne, quand le l’interdire totalement sans limiter sa propre pour garder au web ses qualités initiales. gouvernement a coupé l’internet, a contacté capacité de contrôle. Il a besoin du net et Certains groupes sont particulièrement Google pour trouver une alternative via les de ses applications pour gérer son écono- offensifs comme les Anonymous, commu- messageries vocales. Les Américains consa- mie et sa tutelle policière. Or le net le dé- nauté de geeks qui ont mené des actions crent désormais des budgets à former et à borde par définition. La société civile entre spectaculaires, entre autres, contre l’Egli- équiper des internautes pour propager les en scène. Non seulement ses organisations, se de Scientologie. Le 2 janvier 2011, les idées démocratiques dans les pays qui ne le ses associations, ses syndicats, quand ils sont Anonymous ont lancé l’opération Optunisia pour venir en aide aux internautes du mou- vement de contestation et lutter contre la Outre la rapidité de circulation de l’information censure en garantissant l’anonymat des messages et en protégeant les fichiers. Pour qui s’y affiche, ce qui caractérise les médias éviter la censure, les internautes sont passés par les proxys qui permettent de se connec- 2.0, c’est leur appropriabilité, leur malléabilité, ter aux sites censurés via l’étranger ou par les sous-domaines de Facebook, comme leur capacité à servir une infinité de projets aussi upload.facebook.com au lieu de www.face- book.com. Ils ont utilisé le protocole https peu semblables que possible. Et parmi eux, l’action qui est sécurisé au lieu du http habituel et le navigateur Opera, dont les serveurs-ca- politique. ches ont aidé à contourner les filtrages. Ils

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bref

Ridha NAJAR est expert en Médias et ancien professeur à l’institut de presse et des sciences de l’information. Il a formé plusieurs généra- tions de journalistes. autorisés, mais l’ensemble des citoyens actifs, les simples militants, les individus, y compris ceux des régions reculées, des groupes so- La censure du Net ciaux généralement moins impliqués dans les Les libertés sur Internet sont les libertés imposées par respect des droits fondamen- débats publics. taux, tels que la liberté d’expression, le respect de la vie privée par le respect de la La Révolution tunisienne est une révolu- confidentialité de la communication... tion Facebook. Pas une révolution virtuelle, Bien que restreints par les droits fondamentaux et la Déclaration universelle des une révolution réelle. Si les mouvements du droits de l’Homme qui fait de l’accès à l’information un droit indéniable (article monde arabe ont bien démontré quelque 19), certains États semblent vouloir réguler Internet. On parlera alors aisément chose, c’est qu’il n’existe pas deux réalités, de censure ou de filtrage; une pratique de plus en plus en vogue dans les pays l’une réelle, dans laquelle les gens se parlent dictatoriaux. et se rencontrent, se touchent, se frappent, C’est ainsi que l’on a pu dresser, en 2009 une liste des 12 pays déclarés « enne- s’embrassent. Qui serait la vraie réalité. Et mis d’Internet »: l’Arabie saoudite, la Birmanie, la Chine, la Corée du Nord, Cuba, l’autre, virtuelle, celle du web, où les gens se l’Egypte, l’Iran, l’Ouzbékistan, la Syrie, la Tunisie, le Turkménistan et le Viêt Nam. parlent sans se voir, sans se connaître, dans Certains sites Internet font l’objet de filtrages récurrents dans ces pays sensibles. une vie imaginaire, parallèle, en fait irréelle, Depuis son lancement, le site web de partage de vidéos YouTube a été bloqué à di- une fausse réalité. Il faut s’y faire : le web et verses reprises dans plusieurs pays (Bangladesh, Chine, Maroc, Thaïlande, Tunisie, les relations qu’il permet font partie de la seu- Turquie...). le réalité qui existe, celle dans laquelle nous Autre exemple, la censure totale de Google Earth. L’exemple du Maroc est sans vivons notre vie réelle, aussi transformée doute le plus parlant: alors que certains pays ont demandé à Google de ne pas af- soit-elle par les nouvelles technologies de la ficher ou de flouter certains lieux ou bâtiments sensibles, Maroc Telecom a choisi, communication. Et aujourd’hui, ces transfor- pour des raisons mystérieuses, de bannir totalement l’accès au site et oppose une mations ne font pas, comme on a pu le crain- fin de non recevoir à toute demande d’éclaircissement sur ce blocage. dre, pencher le monde vers « Le meilleur des Cette censure devient rapidement intenable vu la popularité des sites concernés. mondes », mais vers plus de démocratie et de Dans le cas du blocage de Facebook en Tunisie, on raconte que ce serait la fille de liberté. Vers un monde meilleur. ■ Ben Ali, qui lui aurait demandé de débloquer le site communautaire afin de pou- voir à nouveau y surfer! 1. Ridha Najar, Nostra Culpa, texte complet sur De son côté, la Libye, tente d’instaurer un couvre-feu numérique en limitant l’ac- www.businessnews.com.tn/ cès aux sites étrangers. La décision prise par le gouvernement égyptien de para- 2. Damien Leloup, « Les Tunisiens osent enfi n parler, lyser Internet pendant 5 jours n’aura pas été sans conséquences: l’opération lui et cela, aucune censure ne l’arrêtera » in Le Monde coûtera provisoirement 90 millions de dollars. L’impact à long terme pourrait être du 10.01.2011. encore plus conséquent car, en déconnectant le pays du Net, l’Egypte a aussi blo- 3. Cf. par exemple Olivier de Gandt et Joan Tilouine, qué de nombreuses entreprises high-tech locales et internationales proposant des Soft power to the people, in Les Inrockuptibles du services dans le monde entier. 09/02/2011, pp. 50-51.

4. Olivier Blondeau : Iran 2009 : le Web 2.0 en ordre de bataille in Fondapol, le 26 janvier 2010, www. fondapol.org/politique-2-0/1648/

48 éduquer n° 80 | mars 2011 en vrac publications Le numéro de février Filles et garçons à l’école

Le n°487 des Cahiers pédagogi- Cahiers10 rue Chevreul, 75011 Paris 0143482230 pédagogiques Fax: 01434853 21 ques [email protected] changer la société pour changer l’école, changer l’école pour changer la société N° 487, février 2011 Comment vont les fi lles et les Filles et garçons à l’école garçons à l’école ? Les anciens débats 2011 Étude CGé 2010 sont loin d’être clos et de nouvelles L’engagement : un soft « Bon et mauvais élèves : quels questions apparaissent. À travers ce activism ? stéréotypes aujourd’hui ? » dossier, nous désirons rendre compte Plus de 30 000 manifestants à Bruxelles Aujourd’hui, les mots « bon » et des débats actuels, et aussi mettre en en janvier dernier: une démonstration « mauvais » élèves sont utilisés avec lumière l’inventivité et la créativité que d’un «clic», on pouvait mobiliser de plus en plus de précautions par les de tous celles et ceux qui agissent les uns et les autres autour d’une enseignants. Mais en quoi les choses en faveur de l’égalité entre garçons volonté —peu claire cependant— de ont-elles réellement changé ? et fi lles. Comment vont les filles et les garçons à l’école? Les anciens débats sont loin d'être clos et de nouvelles questions apparaissent. L’école mixte est régulièrement mise en cause, accusée de desservir tour à tour les filles ou les garçons. La question des violences sexistes et homophobes préoccupe tous les acteurs conserver l’unité d’un pays qui doit À travers une enquête, nous INFOS de l’école. Les garçons ne sont plus des élèves génériques exemplaires sur lesquels il faudrait aligner les filles: ils ont eux aussi un sexe et subissent eux aussi l’influence délétère des stéréotypes sexistes. À travers ce dossier, nous désirons rendre compte des débats actuels, et aussi mettre en lumière l’in- aussi être gouverné. Preuve qu’un constatons que les stéréotypes de www.cahiers-pedagogiques.com ventivité et la créativité de tous celles et ceux qui agissent en faveur de l’égalité entre garçons et filles. Pour commander: www.cahiers-pedagogiques.com - 9,30 E, port compris citoyen ne s’exprime pas seulement bon et mauvais élèves existent encore. dans l’isoloir. Des récits à propos des souvenirs de L’engagement a changé, il n’a plus « bon » ou « mauvais » élèves ont révélé grand-chose à voir avec la charité les eff ets que ces stéréotypes peuvent Nouvelle brochure publiée par le Centre dispensée jadis par les riches aux avoir. Un questionnaire semi-directif pour l’égalité des chances et la lutte contre le pauvres. Est-il pour autant plus fort auprès d’une dizaine d’enseignants racisme ou plus diff us, plus affi rmé ou plus nous montre comment les stéréotypes « Discriminations fondées sur l’âge — De dilué? Permet-il mieux de sortir de la peuvent être d’autant plus nocifs quoi s’agit-il et comment réagir ? ». passivité, de résister à la résignation, qu’on en est moins conscient et qu’un Cette brochure décrit les discriminations sur d’entreprendre et de se découvrir changement de vocabulaire ne change base de l’âge et comment les combattre. Elle DISCRIMINATION FONDÉE acteur du changement? pas l’idée que certains réussiront et SUR L’ÂGE s’adresse tout d’abord aux intervenants de S’engager, c’est aussi se rendre d’autres pas. Des ateliers ont permis première ligne (assistants sociaux, conseillers disponible —et pas seulement pour la mise au travail de ces questions. Il juridiques, délégués syndicaux, ...) qui souhai- De quoi s’agit-il et comment y réagir ? les grandes causes—, prendre du en ressort des pistes d’action pour les Informations et conseils pratiques tent mieux s’approprier le concept de discrimi- temps pour les autres. enseignants. À chacun de les ajuster à nation fondée sur l’âge afi n de pouvoir soutenir Mais, l’engagement ne se décrète pas, sa pratique. de manière optimale leurs bénéfi ciaires. Bien il lui faut un environnement favorable. INFOS entendu, cette brochure peut également être Il nécessite aussi, peu ou prou, un Coordination : Gaëtane Chapelle et utilisée par les victimes potentielles elles-mê- certain altruisme qui n’est pourtant pas Sandrine Grosjean 2010. mes. sans intégrer sa part de narcissisme, Téléchargement gratuit de l’étude INFOS une ambivalence si humaine… www.changement-egalite.be Si vous voulez commander d’autres exemplaires, INFOS Avec le soutien du Service de l’Éducation vous pouvez contacter le Centre par téléphone Prix de l’abonnement annuel: 20 €. Permanente, Direction Générale de la (02/212.30.00) ou par courriel ([email protected]). 02 627 68 68 - email: [email protected] Culture de la Communauté Française Notre brochure peut aussi être téléchargée sur notre site www.diversite.be. En vente également en librairies (2€).

TRACeS de ChanGements n° 199 vient de paraître ! « Partir d’eux. Sans casser d’eux » Partir des apprenants et rester avec eux, les emmener ailleurs, loin, loin d’eux, sans les trahir. Partir d’eux, de leur distance à l’implicite scolaire, pour les emmener vers des savoirs de haut niveau. INFOS TRACeS n° 199 - Parution janvier 2011. www.changement-egalite.be [email protected]

n° 80 | mars 2011 éduquer 49 en vrac évènements Activités au Musée du Cinquantenaire Congrès des maisons médicales, je rêve d’un autre Pour enfants et familles monde Les ateliers du mercredi En mars 2011, le Congrès des « Dieux et Héros » maisons médicales rassemblera Ulysse, Hercule, Isis, Gilgamesh, Sita, largement les secteurs sociaux Roland,… t’emmènent au pays des et de la santé. C’est autour mythes et des légendes. Entre dans de questions d’actualité que leur univers et visite la Grèce antique, les débats seront ouverts. Les l’Egypte mystérieuse, l’Inde magique, métiers en premier contact avec le Moyen Âge fantastique… la population ? Les missions d’un A l’atelier, tu pourras alors façonner, centre de première ligne ? Les peindre, découper, raconter ces modes de fi nancement et leur incroyables personnages qui te impact ?… feront encore longtemps rêver. Des experts alterneront avec INFOS des témoignages fi lmés et des 6-12 ans | de 14 :00 à 16 :00 « Les intelligences expériences internationales. Les mars : 2, 16, 23, 30 multiples » par Bruno Hourst conférences d’ouverture laisseront € 5 la séance / € 4 membre Diff usion • Qu’est ce que l’intelligence ? la place à une table-ronde. Les Culturelle • Howard Gardner et la théorie des ateliers ouvriront plus tard une Possibilité d’abonnement mensuel intelligences multiples large place aux échanges entre les (Max. 15 participants) • Tous les enfants sont diff érents diff érents secteurs invités. Musées royaux d’Art et d’Histoire • S’appuyer sur les forces des enfants INFOS www.mrah.be A travers la théorie des intelligences Les 18 et 19 mars 2011, dans le Réservations multiples, nous découvrons que centre de Bruxelles. Dynamusée : 02/741.72.18 ou chaque enfant a un « bouquet Prix 60€ [email protected] d’intelligences » unique, et qu’il Inscriptions uniquement sur le site www.maisonmedicale.org est unique dans ses capacités à apprendre, à comprendre, à raisonner, à s’adapter de manière effi cace aux situations de son environnement et à tirer parti de l’expérience. INFOS Le 24 mars 2011 à 20h et le 25 mars 2011 de 9h à 17h Rendez-vous Écoles et Université de Liège Nouvelles technologies Place du XX Août Cette journée, dédiée à la promotion 4020 Liège et à l’utilisation pédagogique des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) dans les classes, vous propose divers ateliers et conférences ce samedi 19 mars 2011 au Centre de compétence Technofutur TIC à Gosselies. Des tables rondes permettront d’aborder la question de l’utilisation des TICE tant au niveau des futurs enseignants et enseignants débutants que des chefs d’établissement. Les organismes actifs dans le monde de l’éducation aux TIC seront également présents pour répondre à vos questions. INFOS Programme et inscriptions : www.enseignement.be/colloquetic

50 éduquer n° 80 | mars 2011 Pour nous contacter

Secrétariat communautaire Secrétariats des sections régionales Rue de la Fontaine, 2 Régionale du Brabant wallon 1000 Bruxelles Présidente Yolande Liebin Tél.: 02 / 511 25 87 ou 02 / 512 97 81 Rue des Brasseurs, 7 Fax.: 02 / 514 26 01 1400 Nivelles N° de compte : BE19 0000 1276 64 12 Tél.: 067 / 21 21 66 e-mail : [email protected] Régionale de Charleroi Site: www.ligue-enseignement.be (à la Maison de la Laïcité) Présidente Maggy Roels Président Guy Vlaeminck Rue de France, 31 Secrétaire général Jean-Pierre Coenraets 6000 Charleroi Trésorier général Francis Godaux Tél.: 071 / 53 91 71 Directeur Patrick Hullebroeck Régionale du Hainaut occidental Assistante Cécile Van Ouytsel Président Jacques Langlet Responsable de l’administration Colette Theys Rue des Clairisses, 13 Assistant(e)s 7500 Tournai Laurent Bourgois Tél.: 069 / 84 72 03 Sophie Ateba Mangui Section locale de Mouscron-Comines Animatrice du secteur communication - Internet Administrateur Rénalde Leleux Marie Versele Rue du Val, 1 Mise en page Eric Vandenheede 7700 Mouscron Tél.: 056 / 34 07 33 Permanents du secteur formation Iouri Godiscal Régionale de Liège Sylwana Tichoniuk Président Vincent Thys Eric Vandenheede Rue Fabry, 19 Jean-Claude Wéry 4000 Liège Natacha Guilitte Tél.: 04 / 223 20 20 Responsable du secteur interculturel Régionale du Luxembourg Nicolette Bandella Présidente Michelle Baudoux Rue de Sesselich,123 Animateurs du secteur interculturel 6700 Arlon Karine Chave Tél.: 063 / 21 80 81 Laure-Anne Farhi Hakema El Hoffadi Régionale Mons-Borinage-Centre Agnès Lalau Président Guy Hattiez Hanane Cherqaoui Fassi Rue de la Grande Triperie, 44 Olivia Colinet 7000 Mons Soâd Ben Abdelkader Tél.: 065 / 31 90 14 Pierre Lempereur Régionale de Namur Gloria Picqueur Président Charles Seumois Sabine Renteux Rue Lelièvre, 5 Livia Molinari 5000 Namur Animatrice de la revue Eduquer Tél.: 081/22.87.17 Valérie Silberberg

avec... le soutien de la Communauté française.

n° 80 | mars 2011 éduquer 51 éduquer

tribune laïque périodique mensuel

Numéro 80 mars 2011 2,5 €

Editeur responsable Guy Vlaeminck rue de la Fontaine 2 1000 Bruxelles Tél 02 / 511 25 87

Bureau de dépôt: Bruxelles X

de l’Enseignement Avec le soutien de la Communauté française. et de l’Éducation permanente asbl