La Première Exposition Universelle De Paris 1855

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La Première Exposition Universelle De Paris 1855 LA PREMIÈRE EXPOSITION UNIVERSELLE DE PARIS 1855 C'est de la Révolution que datent les expositions en France. Elles répondaient, à cette époque, à trois idées essentielles. Il s'agissait tout d'abord de remédier à la chute des corpora­ tions, de prouver, en provoquant une renaissance des arts, que la liberté du travail pouvait produire d'aussi beaux fruits que ceux du régime aboli. On avait toutefois si profondément taillé qu'il était difficile de recoudre. La crise des métiers causait de vives préoccupations. Marat dans Y Ami du Peuple se plaignait que « les ouvriers ne s'embarrassent plus du solide, du fini ». « Je ne serais pas étonné,* écrivait-il, que dans vingt ans on ne trouvât plus à Paris un seul ouvrier capable de fabriquer un chapeau ou une paire de souliers. » Pour remédier à cette baisse de la qualité, pas d'autre remède que de régénérer les industries par les arts. L'appli­ cation devait dériver de l'invention. De là, en l'an III, la fondation du Conservatoire des Arts et Métiers, de là l'effort tenté pour relever la condition des arts mécaniques, idée chère aux Encyclo­ pédistes et pour les associer aux arts libéraux selon l'ancienne maxime « le beau dans l'utile ». Il importait d'autre part d'affirmer l'union de la capitale avec les nouvelles circonscriptions territo­ riales constituées par les départements, de marquer la centrali­ sation de la France une et indivisible au-dessus du particularisme des anciennes provinces. Il fallait montrer enfin que si, à l'intérieur du pays les frontières avaient disparu, vis-à-vis de l'étranger la France pouvait se suffire à elle-même et que l'esprit d'invention réussirait à faire face, avec les seuls produits du sol, aux nécessités qu'impo­ sait un état de guerre permanent. k 50 LA REVUE Ce sont ces principes qui ont présidé, en 1798, à l'organisation de la première exposition nationale. Le jour de l'inauguration, dans le cortège officiel, le président du Conseil des Mines, celui de la Société d'Agriculture, figuraient auprès du peintre Vien, du sculpteur Moitte, tous deux membres de l'Institut. C'était déjà l'union des arts et des techniques. Dans son discours, le ministre François de Neufchôteau voyait dans nos manufactures des arse­ naux d'où doivent sortir les armes les plus funestes à la puissance britannique. « Le moment est arrivé, déclarait-il, où la France va échapper à la servitude de l'industrie de ses voisins, se dégageant par les arts associés aux lumières de cette honteuse routine qui est le caractère de l'esclavage. » C'est là une pompeuse paraphrase de la pensée de Colbert et des fameux vers de Boileau : Nos artisans grossiers rendus industrieux Et nos voisins frustrés de ce tribut servil» Que payait à, leur art le luxe de nos villes. L'emplacement même du Champ de Mars avait la valeur d'un symbole. « Les Français, déclarait le ministre, ont étonné l'Europe par la rapidité de leurs succès guerriers ; ils doivent s'élancer avec la même ardeur dans la carrière du cornjnerce et des arts de la paix. » x Les expositions suivantes, en 1801 et 1802 sous l'Empire, en 1819, 1823 et 1827 sous la Restauration, eurent lieu dans la cour et dans les galeries du Louvre attestant, dans le cadre du palais des rois et à travers les salles du musée, la permanence de l'union des industries et des arts. Seule l'exposition de 1806 avait eu lieu aux Invalides. En fait les considérations initiales n'avaient rien perdu de leur valeur. L'indépendance économique du pays s'avérait plus que jamais nécessaire lors du blocus continental. Napoléon, en donnant la croix de la Légion d'honneur à Oberkampf, fabricant des toiles de Jouy, le regardait comme un soldat dans la lutte contre l'Angleterre. Au lendemain des désastres de 1815 la nation tout entière avait tenté de regagner la prééminence économique en adoptant les méthodes britanniques qui avaient assuré la vic­ toire : régime vivifiant de grands travaux, de puissantes sociétés financières ; association des capitaux, union des classes sociales. Un tel mouvement devait être guidé par l'essor de la capitale, centre de plus en plus aotif de toutes lea industries de luxe. Le succès des expositions, devenues quinquennales sous le règne de Louis-Philippe, nécessitait la reoherche d'un local qui leur fût LA PREMIÈRE EXPOSITION UNIVERSELLE DE PARIS 51 propre. Le Louvre, de plus en plus occupé par les collections artis­ tiques, ne pouvait plus leur suffire. Des hangars furent «ménagés en 1834, sur la place de la Concorde, en 1839, en 1844 et en 1849 au Carré Marigny. « Construits à la hâte, écrivait le comte Delaborde, sans autre aouoi que de mettre à l'abri visiteurs et mar­ chandises, les bâtiments des Invalides, de la place Louis XV, du grand Carré ne présentaient même pas ce qu'il était possible de faire avec des moellons, des planches, de la toile peinte et l'architecture entra piteusement dans ces constructions éphémères porçr montrer quelques matériaux entassés et sans signification : un hectare à la Concorde, deux hectares aux Champs-Elysées, de galeries- hangars défigurant le plus beau site de Paris. » Une telle solution était d'autant plus précaire que les exposi­ tions, prenant une forme nouvelle, allaient devenir internationales. L'idée avait été lancée, dès 1833, par Boucher de Perthes. «Pour­ quoi .donc, déclarait-il, ces expositions sont-elles encore restreintes ? Pourquoi ne sont-elles pas faites sur une échelle vraiment large et libérale ? Pourquoi oraignons-noua d'ouvrir nos salles d'exposition aux manufacturiers que nous appelons étrangers ? Qu'elle serait belle, riche, ^exposition européenne 1 Croyez-vous que, si la place de la ConoordeJ ouverte le 1er mai 1834 aux produits de l'industrie française, l'était à ceux du monde entier, croyea-vous que Paris, que la France en souffrît et que l'on y fabriquât ensuite moins et imoins bon ? » L'idée avait d'abord paru chimérique. C'est seule­ ment en 1849 que la question fut reprise sans succès à l'Assemblée législative. « Le gouvernement de Février, écrit le comte Delaborde qui, sorti de l'émeute, eût dû en avoir assez l'habitude pour ne pas la redouter, recula devant celle des tapis, des faïences et des glaces, devant les craintes exagérées de Creil et de Baccarat, de Mulhouse et de Saint-Gobain. Au lieu de consulter les vrais créateurs de l'industrie il accepta l'avis de ceux qui l'exploitent ! » L'idée lancée par la France devaifêtre réalisée par l'Angleterre. Ce fut le prince Albert qui eut le mérite de lui faire prendre corps. Il y voyait l'unité vers laquelle doivent tendre les peuples : « Non pas, déclarait-il, une unité qui renverse les barrières et efface le caractère des différentes nations, mais qui est, bien au contraire, 52 LA REVUE le produit des variétés, des antagonismes nationaux. » On a peine- à imaginer aujourd'hui quel coup de tonnerre provoqua un tel lan­ gage qui arrachait la Grande-Bretagne à son « splendide isolement ». « Je suis plus mort que vif, écrivait le prince Albert à sa mère, la grande duchesse de Cobourg. Les adversaires de l'exposition tra­ vaillent à jeter la panique. Les étrangers, annoncent-ils, commen­ ceront ici une révolution radicale, tueront Victoria et moi-même, proclameront la république rouge. La peste doit résulter de l'af- fluence d'une si grande multitude et dévorer ceux que l'accroisse­ ment du prix de toutes choses n'aura pas chassés. Je suis respon­ sable de tout cela. » Heureusement la panique fut domptée. Vingt- cinq nations répondirent à l'invitation. Au soir d'une inauguration triomphale Victoria pouvait écrire : « Le grand événement a eu lieu, un beau et complet triomphe, un glorieux et touchant spec­ tacle dont je serai toujours fière pour mon bien-aimé Albert et pour mon pays. C'est un jour qui gonfle mon cœur d'orgueil et de reconnaissance. » Cette exposition posait, pour réaliser son programme, le pro­ blème très délicat de la construction d'un palais. Le concours ouvert avait fait éclore 223 projets émanant de onze nations. L'Angleterre en avait produit 179, la France 27. Le jury en retint d'abord 70, puis 18, puis deux, celui de Thomas Turner, architecte de Dublin, et celui d'Hector Horeau de qui l'esprit original avait précédemment conçu diverses études sur les Halles et la place de la Concorde. Il avait imaginé une nef métallique, pourvue de bas côtés et indéfiniment extensible. Toutefois, en 1850, moins d'un ,an avant l'ouverture, rien n'était encore décidé. C'est alors qu'entra idans l'arène un nouveau concurrent, Paxton. Il n'était ni ingénieur, ni.architeote mais simplement jardinier-chef du duc de Devonshire et il avait construit pour les jardins de Chattsworth une serre igigantesque, destinée à abriter le colossal nénuphar Victoria Êegia, découvert en Guyane, immense vaisseau que la reine avait pu par­ courir en calèche attelée à six chevaux. C'est ce plan, encore agrandi qu'il présenta : un jardin d'hiver d'une surface plus grande que celle des "Tuileries. Cette conception répondait à deux objections émanant de nom­ breux mécontents, ennemis des nouveautés : d'abord l'encombre­ ment de Hyde-Park par une de ces bâtisses en briques jaunes que la fumée de Londres noircit en quelques jours, que l'on déclare provisoires et qu'on ne démolit jamais. L'édifice de Paxton, tout LA PREMIÈRE EXPOSITION UNIVERSELLE DE PARIS 53 entier en fer et verre, permettait un démontage instantané. Il évitait d'autre part de couper des arbres chers au cœur de tous les Londoniens.
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