PHILIPPE DRUILLET

À l’aube des années 70, un ovni percute de plein fouet le monde paisible de la bande dessinée francophone. Il s’appelle Philippe

Druillet. Nourri à la lecture de Lovecraft et des écrivains américains de science-fiction, le Français développe un univers peuplé de myriades de vaisseaux spatiaux et de légions

menaçantes faites de monstres galactiques.

Très vite considéré comme une légende vivante, l’artiste va alors avoir une influence majeure pour toute une génération en quête de nouvelles images _____

UN ARTISTE ACCOMPLI

C'est en 1969 que Philippe Druillet va faire le grand saut dans le monde de l'édition en rencontrant et René Goscinny. Il leur présente les premières planches d'Yragaël. Le créateur d'Astérix lui dit qu'il ne peut pas encore publier dans le magazine ce genre de BD, novatrice aux cases éclatés et aux dessins résolument différents de la ligne claire qui est alors en vigueur. Il va pourtant le prendre sous son aile et lui permettre de continuer son histoire de Lone Sloane.

Désormais, le nom de Philippe Druillet évoque plutôt celui d'un artiste sombre et intense que celui d'un jeune dessinateur qui débute. Il va enfoncer le clou avec un second chef-d'œuvre en 1980 : Salammbô. Cette longue et complète trilogie reprend le roman de Gustave Flaubert sur la reine carthaginoise en y intégrant son personnage de Lone Sloane qu'il mêle avec celui du barbare Mathô. En dehors de cela, il suit scrupuleusement le texte de Flaubert, reprenant même des passages entiers, et se délècte de voir comment le public redécouvre la folie de cet auteur pourtant classique.

Dans son univers qui mélange sans distinction références à l'Antiquité et à la science-fiction, Druillet livre sa vision psychédélique de l'amour, de la guerre et de la place de l'être humain dans l'univers. Un voyage métaphysique qui va faire date dans la BD.

Il va délaisser un temps Lone Sloane mais conserver un style très proche des albums Vuzz dans Nosferatu. Il y décrit un monde post-apocalyptique où le vampire est le dernier être "vivant" à fouler la surface. Seul à arpenter ces terres désolées, Nosferatu est affamé et passe son temps dans des rêveries métaphysiques où il se raccroche à ses souvenirs qui fuient, notamment ceux de sa femme Emma qui est morte il y a bien longtemps. Pas de grandes batailles ici, mais une épopée personnelle et philosophique.

Avec Jean-Pierre Dionnet et Jean Giraud, l'artiste Philippe Druillet fit partie de ce trio génial et inspiré qui redéfinit la bande- dessinée dans les années 70 en créant Métal Hurlant. En délivrant des planches puissantes qui transportaient un message de liberté et d'anarchie, il sembla conjurer la place que lui avaient attribuées les étoiles. Parfois, la pomme tombe loin de l'arbre. Ses deux parents étaient en effet des fascistes convaincus.

INTERVIEW

Philippe Druillet | Je suis né dans une famille pauvre et il me fallait trouver un moyen de sortir d’une destinée qui était évidente : finir à l’usine. Mais par un miracle étrange, j’étais obsédé par la connaissance, par l’art, par le fantastique et je me suis enfui à travers ça. Et puis il y a eu des rencontres avec des écrivains, des artistes, des films.

Mais je crois que ce qui est intéressant, c’est qu’il n’y a pas de hasard. Pourquoi tu tombes sur le meilleur bouquin de Lovecraft quand tu as 16 ans ? Pourquoi tu tombes sur des passeurs, pas n’importe lesquels : les bons ? Quand tu cherches quelque chose, cette chose se provoque, elle se présente à toi.

J’étais fils de concierge, donc je vivais dans un univers totalement privé de culture et j’aurais pu rester comme ça. Mais j’étais un obsédé de culture, d’art, de peinture et je me suis fais mes humanités moi-même. J’avais un appétit féroce de connaissances et de beauté des choses ! Donc quelque part, il y a un truc que tu ne contrôles pas. Pour autant je ne crois pas à la réincarnation. Mais grâce à toutes ces rencontres, j’ai inventé un monde qui moi-même me dépasse totalement.

Avec le recul, quand je regarde mes albums aujourd’hui, je me dis que je suis complètement dingo. Jimmy Hendrix disait qu’il venait de la planète Mars, quelque part, moi aussi. [...] Quand je dessine, c’est comme si j’ouvrais une porte, je rentre dans mon univers. Et après quand j’ai fini de bosser, je referme cette porte et je redeviens un mec à peu près normal.

DRUILLET, INSPIRATION DE STAR WARS

Très vite considéré comme une légende vivante, l’artiste va alors avoir une influence majeure pour toute une génération en quête de nouvelles images, et pour un certain George Lucas. Le réalisateur américain n’a d’ailleurs jamais caché son immense admiration pour Philippe Druillet, dont il s’est inspiré pour la création des univers tourmentés de Star Wars. Les deux hommes se connaissent, s’apprécient et ont collaboré ensemble à plusieurs reprises.

Lors de la dernière commande qu’il m’a faite, on m’a dit que je demandais trop d’argent. J’avais une dame très sympa au téléphone et je lui ai dit de dire à l’équipe de Lucasfilm que j’étais français : baguette de pain, béret basque, camembert ok, mais que j’avais besoin d’argent comme tout le monde. Le dessin était à 15 000 euros. Ce qui est correcte.

Mes côtes sont plus élevées. Et l’équipe me dit que c’est un honneur de travailler pour Star Wars ! Finalement, Lucas a arrangé le coup et il est intervenu personnellement. “Vous payez Druillet, point barre.” Et je leur ai fait un super truc. Quand tu es dans une usine à gaz comme Lucasfilm, tu ne peux pas tout contrôler. C’est juste impossible.

http://www.9emeart.fr/post/dossier/franco-belge/portrait-de-legende-11-philippe-druillet-3923

http://www.konbini.com/fr/entertainment-2/philippe-druillet-le-francais-qui-inspire-georges-lucas- star-wars/