Ces Hommes En Bleu... 30 Vies En Confidences
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Marianne Mako 30 vies en confidences HACHETTE © Hachette Livre, 1998. Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays. Hachette Livre, 43, quai de Grenelle, 75015 Paris Marianne Mako - trente-quatre ans - est journaliste depuis 1984, diplômée de l'université de Bordeaux. En paral- lèle de ses études, elle commence une carrière de reporter sportif au journal Sud-Ouest et à Radio France Bordeaux- Gironde. Elle peut ainsi donner libre cours à sa passion de toujours : le football. C'est à cette époque qu'elle côtoie les Girondins de Bordeaux dirigés par Aimé Jacquet. Remarquée lors des multiplex de football de France Inter, Marianne Mako devient la première femme à commenter régulièrement les matchs pour une radio. En 1985, elle entre à RMC pour y occuper la même fonction; elle collabore aussi à France Football et au service des sports de Libération En 1987, Didier Roustan, rencontré lors de la Coupe du monde au Mexique, lui propose de rejoindre TF1 et la rédaction de Téléfoot Elle y restera dix ans. Aujourd'hui joumaliste free-lance, elle publie son deuxième livre, reflet d'une complicité de plus de quinze ans avec les footballeurs professionnels. Vous pouvez communiquer avec l'auteur sur Internet Son adresse : [email protected]. À Antoine, informaticien maison, coursier et premier lecteur. Soutien logistique et moral de tous les instants. Avec ma grande reconnaissance et toute ma tendresse. Mille mercis aux trente joueurs et aux deux sélectionneurs qui m'ont témoigné leur confiance et m'ont consacré de longs entretiens malgré leur emploi du temps chargé : Ibrahim Ba Fabien Barthez Laurent Blanc Alain Boghossian Vincent Candéla Lionel Charbonnier Marcel Desailly Didier Deschamps Bernard Diomède Youri Djorkaeff Christophe Dugarry Franck Gava Alain Goma Stéphane Guivarc'h Thierry Henry Christian Karembeu Marc Keller Pierre Laigle Bernard Lama Sabri Lamouchi Frank Lebœuf Lionel Létizi Bixente Lizarazu Florian Maurice Emmanuel Petit Robert Pirès Lilian Thuram David Trézéguet Patrick Vieira Zinédine Zidane Aimé Jacquet et Raymond Domenech À l'heure où paraîtra ce livre, la sélection pour la Coupe du Monde sera connue. Toute ma compassion, très sincèrement, aux malchanceux de la dernière ligne droite. Bonne route et belle aventure aux vingt-deux heureux élus ! « Yazid! » Zinédine Zidane se redresse d'un coup, en plein étirement. Les Girondins de Bordeaux s'échauffent sur le stade Grimonprez-Jooris, avant leur rencontre face aux Lillois. Jusque- là, Zizou, très concentré, restait sourd aux « Zinédine! Zinédine ! » lancés par les petits chasseurs d'autographes der- rière les grilles. Maintenant, son regard scrute avidement la tri- bune d'où a jailli le cri. Plus personne ne l'appelle «Yazid » ! En tout cas, pas dans le grand public, ni dans le milieu profession- nel. Seuls ses amis d'enfance, à Marseille, ont conservé l'habi- tude d'utiliser son deuxième prénom. Le joueur bordelais s'avance pour examiner les spectateurs de chaque rangée. « Salut Yazid ! » Il retrouve deux copains de la cité où il vivait avec sa famille. Deux « émigrés » contraints à s'installer dans le Nord de la France pour trouver du travail. Dans la cité de la place Tartane, en plein Castellane, un arrondissement au nord de Marseille, Zinédine Zidane englou- tit son « quatre-heures » pour pouvoir dévaler au plus vite l'es- calier de son immeuble. Des gamins, plus âgés, ont déjà commencé une partie de foot sur le goudron. Le petit bon- homme se plante devant la ligne de touche imaginaire. Son doux regard bleu ciel rempli d'envie perce sous les longs cils noirs. L'invitation ne tarde pas. Ses qualités de jeu compensent la différence d'âge. « Si Yazid joue, je joue pas ! » À chaque fois, Nordine Zidane refuse l'entrée de son cadet. Zinédine paye son statut de « petit dernier » de la famille. Trois ans le séparent de son unique sœur Lila ; cinq de Nordine, sept de Farid et neuf de Djamel. La scène se répète tous les jours sur le terrain de foot impro- visé. Soit Yazid profite de l'absence de son frère, soit il regarde Nordine et son équipe jouer. Pas longtemps, d'ailleurs, puisqu'il prend souvent un ballon pour taper tout seul contre un mur. « Moi, je ne rêvais que de ça : jouer avec lui ! J'avais beau me faire rabrouer, je suivais toujours le mouvement. Mais pour Nordine comme pour les autres frangins, j'étais la plupart du temps une charge imposée par les parents. Fallait pas m'embê- ter parce que j'étais trop petit, faire toujours attention à moi dès que je descendais de l'appartement, savoir où je jouais. Une sur- veillance à double tranchant car si je rentrais en retard, c'étaient eux qui m'engueulaient. Au point que parfois, les parents cal- maient le jeu J'étais le bébé, ils me chouchoutaient. » POUR BERNARD LAMA aussi, cette situation protectrice est parfois pesante. Il est le petit dernier de quatre enfants. p Marcel, l'aîné, a neuf ans de plus, Catherine : sept, et Éli- sabeth : cinq. « J'étais à la fois le souffre-douleur (mon frère me chambrait et ses copains aussi) et celui qu'on ne veut pas "traî- ner" avec soi. Je ne m'amusais pas avec mes frères et sœurs, je les regardais. Je suivais leurs jeux de plage sans y être intégré. » Empêcheur de tourner en rond des « grands », le petit Bernard se retrouve donc plus proche de ses parents. Il part par- fois en vacances avec son père. « Un mois tous les deux à la pêche ! Des instants privilégiés. » Dans un premier temps, sa mère conserve son emploi au bureau d'aide sociale. Elle l'emmène partout, au marché, faire les courses, dans ses visites. Puis, elle aura tout le loisir de l'élever. « Je suis né à quatre ans, au moment où je suis entré à l'école maternelle. Je ne voulais pas y aller.Tous les matins, c'était toute une histoire ! Quand je voyais que l'heure passait, je me disais : "C'est bon, je n'y vais pas." Mais ça signifiait seulement que j'étais en retard ! Ce n'était pas fait pour moi, l'école. J'y suis allé parce qu'il le fallait. C'était un divertissement alors que je pre- nais le foot très au sérieux. J'en faisais le minimum pour avoir la moyenne et ne pas avoir de problèmes avec les parents, jus- qu'au bac. » Les Lama vivent à Cayenne, dans une maison du domaine de l'hôpital, sur la plage. Papa est chirurgien. Le week-end, la famille se rend à Montjoly où elle possède une maison. L'enfance de Bernard se déroule entre deux bandes de copains bien distinctes. Celle de la semaine, et celle du week-end. « À côté de la maison de Montjoly, il y avait un foyer pour enfants. Des gars durs, une espèce de jungle. Moi, j'étais le fils du docteur mais aussi celui du maire. Je n'ai jamais fréquenté de fils de médecins, j'étais tout le temps dans la rue.Je devais m'im- poser plus que les autres. J'y suis parvenu grâce au foot. Ces gars sont devenus mes amis, on se retrouvait ensuite en club. Le sport m'a aidé à m'intégrer parmi eux. » NCORE une famille nombreuse chez les Thuram ! Trois frères et deux sœurs dans une petite maison à Anse- E Bertrand, à la Guadeloupe. Lilian est l'avant-dernier né de la famille et le plus jeune fils. Antonio a trois ans de plus que lui et Gaétan, douze ! Comme Zinédine et Bernard, le plus jeune des Thuram est exclu des jeux de ses trop grands frères. Ça ne le perturbe pas outre mesure puisqu'il se crée son propre environnement et rejoint après l'école sa bande de copains pour organiser un match dans la rue goudronnée en face de chez lui. Les gamins suspendent la partie à chaque passage de voiture, puis visent à nouveau les pierres qui délimitent le but. Plus tard, ils enrichi- ront nettement leur patrimoine en aménageant sur le champ à côté de la maison de vraies cages issues du système « D » : en fixant des branches sur des troncs en fourche. Les infrastruc- tures évoluent, mais pas l'équipement. Les gosses continuent à jouer pieds nus; personne ne roule sur l'or dans le coin. Et même quand on a la chance d'avoir de vraies baskets ou des tennis, on les retire pour jouer au foot afin de ne pas les abîmer trop vite... Ainsi se déroule une compétition parallèle, avec des rencontres inter quartiers, dans lesquelles les plantes de pied endurcies rivalisent avec de rares crampons moulés. Lilian fait partie des « va-nu-pieds ». Seule pour élever ses cinq enfants, Mme Thuram ne peut accomplir de miracles avec son salaire d'employée de maison. « On ne s'est jamais dit qu'on manquait de quelque chose, se souvient Lilian. Je ne me suis jamais posé la question. J'étais heureux. Maman travaillait à Pointe-à-Pitre, je me baladais à ma guise. Surtout, j'adorais jouer au foot ! » « Comme nous avons eu la télé assez tard et que je n'ache- tais ni L'Équipe, ni le moindre magazine spécialisé, j'ignorais tout de la compétition professionnelle. Au point qu'aujourd'hui encore, je surprends quand j'avoue ne pas connaître tel ou tel joueur. Ça ne m'intéresse pas plus : je regarde toujours aussi peu les matchs à la télé, et je ne sais quasiment rien des effectifs des autres équipes. C'est JOUER qui m'intéresse. » Ainsi Lilian coule une jeunesse heureuse. On la soupçonne- rait pourtant assombrie par l'absence de père à la maison.